Histoire Forme Terre
Histoire Forme Terre
Histoire Forme Terre
Auteur(s) / Autrice(s) :
Vincent Deparis
Publié par :
Emmanuelle Cecchi
Benoît Urgelli
Résumé
Évolution historique des idées à propos de la forme et de la taille de la Terre.
Tout au long de l'histoire, la figure de la Terre a intrigué, questionné. Comment connaître la forme d'une planète à
laquelle on est pieds et poings liés ? La Terre a-t-elle à grande échelle une figure régulière ? Celle-ci est-elle la même
que celle que prendrait une masse fluide ? Comment la Terre solide a-t-elle pu acquérir une figure d'équilibre ?
Sur quoi s'appuie la Terre pour ne pas tomber vers un autre lieu du ciel ? L'interrogation est déroutante. Après
l'avoir imaginé soutenue par un pilier imaginaire, Thalès (VIième siècle av. J.-C.) fait reposer la Terre sur de l'eau -les
mouvements de l'eau sont la cause des tremblements de terre- et Anaximène (VIième siècle av. J.-C.) sur de l'air.
Anaximandre (VIième siècle av. J.-C.) rompt avec ces idées et le premier, par un défi de la pensée, il ose concevoir
une Terre isolée, privée de tout appui, en équilibre au centre d'un ciel entièrement sphérique. Les astres peuvent
maintenant passer sous la Terre et recommencer chaque jour leur course céleste sans jamais l'interrompre. La Terre
reste éternellement au repos puisqu'elle n'a plus aucune raison de se diriger vers un lieu du ciel plutôt qu'un autre,
toutes les directions se valant. Elle a, selon Anaximandre, la forme d'un cylindre, telle une colonne de pierre
tronquée, dont seule la face supérieure est habitée.
Parménide (v. 515-450 av. J.-C.), qui se rattache à l'école pythagoricienne (Pythagore, v. 560-480 av. J.-C.), poursuit
les réflexions d'Anaximandre et suppose que la Terre est sphérique. Ses motivations semblent essentiellement
d'ordre esthétique et géométrique et reposent sur des considérations de symétrie entre la Terre et le ciel sphérique
qui l'enveloppe. Pour que l'ensemble Terre-ciel soit de symétrie parfaite, ne faut-il pas que la Terre soit elle-même de
forme sphérique ?
La rotondité de la Terre s'impose face à l'image du disque au IV e siècle av. J.-C., entre Platon (v. 428-348 av. J.-C.) et
Aristote (v. 384-322 av. J.-C.). Platon prouve la sphéricité en donnant deux indices : la forme des éclipses de Lune qui
montre que l'ombre projetée de la Terre est toujours circulaire (Figure 2) et le changement dans la configuration des
cieux étoilés (hauteur des étoiles sur l'horizon) lors des déplacements en latitude qui s'expliquent par la courbure de
la Terre faisant obstacle à une vision complète du ciel (Figure 3). Plus tard, un troisième indice est rapporté par
Strabon (v. 58 av. J.-C.- 23 apr. J.-C.) : lorsqu'un bateau s'éloigne d'un port, sa coque, progressivement masquée par
l'horizon (la courbure de la Terre), disparaît avant son mât (Figure 4).
Aristote donne également une explication physique à la rotondité de la Terre. Chaque portion d'élément terre qui
constitue la planète possède une tendance à se mouvoir vers le centre de la Terre. Cette chute provoque une
agglomération des différentes parties, tassement et compression, et impose que le volume total soit
approximativement semblable sur chaque côté, autrement dit que la Terre ait sensiblement la forme régulière et
symétrique de la sphère. C'est la première apparition de la notion de figure d'équilibre.
Reconnaître la sphéricité de la Terre est une chose, mais encore faut-il en déterminer le rayon... Eudoxe (v. 400-
355 av. J.-C.) développe la géographie mathématique et met au point trois méthodes pour déterminer la latitude
d'un lieu : l'observation de la hauteur du pôle céleste sur l'horizon, l'observation de la hauteur méridienne des étoiles
ou du Soleil, et le rapport entre la durée du jour le plus long de l'année et celle du jour le plus court. C'est en
établissant l'écart de latitude entre deux lieux situés sur un même méridien et en estimant la distance que les
sépare, qu'Eudoxe peut donner la première valeur de la circonférence terrestre rapportée par Aristote.
C'est cependant Eratosthène (284-192 av. J.-C.) qui est connu pour avoir donné la première estimation précise de
la circonférence terrestre en se servant de la différence de hauteur du Soleil le jour du solstice d'été (Figure 5).
Source - © 2001 G. Aujac, Strabon et la science de son temps, Paris, Les Belles Lettres, 1966, p.341
La carte du monde connu de Strabon (Figure 6), inspiré de celle d'Eratosthène (III e siècle av. J.-C.). Eratosthène
utilise deux axes origines, l'un pour les latitudes (le parallèle de 36° de latitude nord qui passe par Gibraltar, le
détroit de Sicile et Rhodes) et l'autre pour les longitudes (le méridien passant par Rhodes). Le monde connu ne
couvre pas un quart de la surface du globe. Qu'est-ce qui occupe les autres quartiers du globe ? (in G. Aujac, Strabon
et la science de son temps, Paris, Les Belles Lettres, 1966, p.341)
Les choses en restent là durant des siècles, malgré quelques nouvelles tentatives d'évaluation de la circonférence
de la part des astronomes arabes.
Le globe terraqué
Le monde habité est-il une île unique ou les autres quartiers du globe possèdent-ils également des terres
émergées ? La question se pose encore aux savants occidentaux du XIVe siècle puisqu'à leur époque les trois quarts
de la surface terrestre restent inexplorés . Une question plus lancinante se dessine en creux : sommes-nous les
seuls habitants de la Terre ?
Jean Buridan (1300-1358) considère que la terre et l'eau forment deux sphères de centres distincts : la terre
domine la mer sur un seul quartier du monde où la vie a pu être abritée et est entièrement recouverte dans les
autres (Figure 7). Cette situation provient de l'hétérogénéité de la Terre qui est plus légère du côté exposé au Soleil
et plus dense du côté immergé. Le centre de pesanteur est donc différent du centre de grandeur de la sphère de
terre. Or c'est autour du premier que s'arrange l'eau qui se décale ainsi par rapport à la terre. Le raisonnement est
cohérent et la vison de la Terre bien différente de celle que l'on peut avoir aujourd'hui.
La découverte de l'Amérique par Christophe Colomb (1450-1506) en 1492, puis les explorations maritimes de Vasco
de Gama (1469-1524), de Vespucci (1454-1512) et de Magellan (1480-1521) montrent que la thèse de Buridan est
fausse : les océans ne font que combler les dépressions les plus profondes de la surface, et dans toutes les parties du
monde, il existe des terres émergées et des habitants. La terre et l'eau ne forment donc qu'une seule et même sphère
qui reçoit le nom de "globe terraqué", remplacé ensuite par "globe terrestre".
Kepler (1571-1630), en 1618, confirme ces propos. Il remarque judicieusement que les plus hautes montagnes ne
sont jamais élevées de beaucoup au-dessus des mers et donc que la figure de la Terre solide est bien sensiblement la
même que celle des eaux. À des chemins parcourus sur terre ou sur mer correspondent également toujours des
degrés égaux dans le ciel, ce qui ne pourrait pas être le cas si la Terre n'était pas sphérique. Mais pourquoi donc la
Terre solide est-elle être ronde et non beaucoup plus bosselée ? Soit elle a été crée d'emblée sphérique, soit elle était,
à cause du feu ou de l'eau, dans un état initial fluide qui lui a permis de se laisser modeler librement par la gravité et
d'acquérir sa forme ronde. La figure d'équilibre de la Terre imposerait donc une fluidité originelle. C'est la première
interrogation sur l'état physique de la Terre au moment de sa formation.
La triangulation géodésique
En 1528, Jean-François Fernel (1497-1558), médecin d'Henri II, tente une nouvelle estimation de la circonférence
terrestre. Reprenant la méthode d'Eratosthène, il s'éloigne de Paris vers le nord jusqu'à trouver une hauteur
méridienne du Soleil plus faible de 1°. Il détermine alors la distance qui le sépare de Paris en comptant le nombre de
tours de roue du coche qui le ramène vers la capitale ! Il obtient ainsi la première valeur du degré de méridien, 56
747 toises, soit environ 110 km (1 toise = 1,9490363 m).
Tant que la mesure des distances repose sur des étalons comme la longueur d'un pas de marcheur ou le périmètre
d'une roue empruntant des routes qui n'ont rien de linéaires, on ne peut espérer des résultats qui ne soient autre
chose que d'heureuses coïncidences.
Une nouvelle méthode voit cependant le jour, inventée par Frisius (1508-1555) en 1533. Elle consiste à relier les
deux lieux d'un méridien dont on veut connaître la distance par une chaîne de triangles. Les sommets successifs
des triangles sont bien marqués et visibles de proche en proche. En mesurant la longueur d'un côté de départ -la
base- et l'ensemble des angles, on peut par trigonométrie établir la longueur de tous les côtés des triangles. Il reste à
orienter le réseau de triangles par rapport au méridien pour connaître par projection la distance entre les deux
lieux. La détermination de la différence de latitude se fait par l'observation de la distance zénithale d'une même
étoile.
Figure 8. Exemple de triangulation géodésique réalisée entre 1683 et 1718 pour mesurer la méridienne de France
En 1589, l'astronome Tycho Brahé (1546-1601) utilise la triangulation pour relier l'île de Hven où est installé son
observatoire à la côte danoise et Snellius (1580 ou 1591-1626) en 1615, s'en sert pour calculer la première méridienne
au Pays-Bas. Sa mesure est entachée d'erreurs mais elle a le mérite de lancer la méthode.
C'est surtout l'abbé Picard (1620-1682) qui développe avec succès la triangulation géodésique en 1669-1670. L'arc
qu'il entreprend de mesurer s'étend de Malvoisine (à 30 km au sud de Paris) jusqu'à Sourdon (à 20 km d'Amiens) et
comprend treize triangles principaux. Grâce à une instrumentation perfectionnée par ses soins, il peut effectuer des
mesures précises et obtient pour le degré du méridien une longueur de 57 060 toises, soit un peu plus de 111 km.
Picard peut vraiment être considéré comme le père de la géodésie géométrique.
Oblongue ou aplatie ?
La Terre est-elle vraiment sphérique ? À peine la mesure de Picard effectuée que le doute s'insinue dans les
esprits. En effet, en 1659 (son ouvrage est publié en 1673), Huygens (1629-1695) a découvert l'existence de la force
centrifuge et donné son expression en v2/r. La force centrifuge qui naît de la rotation terrestre est nulle aux pôles et
maximale à l'équateur ; elle agit différemment suivant la latitude. Ne peut-elle pas avoir un effet sur la forme de la
Terre ? La question semble d'autant plus pertinente que J.-D. Cassini (1625-1712) a observé en 1666 que Jupiter a une
figure aplatie (son rayon équatorial est supérieur à son rayon polaire).
En 1671, Picard avance que la Terre n'est pas parfaitement sphérique. Vers 1675, Hooke (1635-1703) affirme que du
fait de leur mouvement de rotation, toutes les planètes sont des ellipsoïdes aplatis. Il renchérit en 1686-1687 en
expliquant que deux forces agissent à la surface de la Terre dans des directions différentes : la gravité qui est
dirigée vers le centre de la planète et la force centrifuge qui est une force expulsive dirigée perpendiculairement à
l'axe de rotation. La somme de la gravité et de la force centrifuge est nommée pesanteur. La forme de la surface des
eaux de la Terre est ovale parce que la pesanteur est plus faible à l'équateur qu'aux pôles et que la force centrifuge
tend à renfler les régions de basses latitudes aux dépens des régions polaires.
Newton (1642-1727) approfondit la question en 1687. Si la Terre n'avait pas son mouvement journalier, elle serait
parfaitement sphérique à cause de l'égale gravité de ses parties. Mais du fait de sa rotation, elle prend une forme
ellipsoïdale. Il précise son raisonnement : les mers, grâce leur mobilité, cèdent entièrement à la rotation diurne et
ont immanquablement une figure aplatie ; mais puisque les terres émergées sont réparties uniformément à la
surface du globe et ont à peu près partout la même altitude, la Terre solide doit avoir elle aussi une figure aplatie,
identique à celle des eaux. On reconnaît le raisonnement de Kepler et comme ce dernier, Newton ajoute que ceci
impose que la Terre solide ait été fluide à un moment donné de son histoire.
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Newton cherche à calculer l'aplatissement de la Terre en supposant qu'elle soit fluide et homogène et en utilisant
sa théorie de l'attraction universelle en 1/r2. Il se sert d'un procédé astucieux : il considère que deux colonnes
fluides partant l'une du pôle et l'autre de l'équateur et se rejoignant au centre de la Terre doivent se faire équilibre.
L'égalité du poids des deux colonnes implique que la colonne rejoignant l'équateur, dont la pesanteur est diminuée
par la force centrifuge, soit plus longue que celle rejoignant le pôle. Pour son calcul, il doit déterminer l'attraction au
pôle et à l'équateur d'un ellipsoïde de révolution, et c'est la première fois que l'attraction d'un corps non-sphérique
est calculée. Il trouve un aplatissement de 1/230 (Figure 10).
En 1690, Huygens (Figure 12) propose un autre calcul de l'aplatissement. Comme Hooke, il remarque d'abord qu'un
fil à plomb qui donne la direction de la pesanteur (et donc de la verticale) n'est pas dirigé vers le centre de la Terre
mais s'écarte vers l'équateur parce qu'il est rejeté par le mouvement de rotation (Figure 11). Il pose ensuite sa
condition d'équilibre : la Terre, supposée fluide, garde une forme constante si sa surface est, en chacun de ses
points, perpendiculaire à la direction de la pesanteur. Le lien entre forme de la Terre et direction de la pesanteur
apparaît clairement (Figure 10).
La différence fondamentale entre Newton et Huygens réside dans la conception de l'attraction. Huygens
n'accepte pas l'attraction universelle, cet attraction à distance qui paraît par trop mystérieuse. Pour lui, la Terre
baigne dans une matière subtile en rotation : l'éther. La gravité consiste en « l'effort que fait la matière fluide
[l'éther], qui tourne circulairement autour du centre de la Terre en tous sens, à s'éloigner de ce centre, et à pousser
en sa place les corps qui ne suivent pas ce mouvement ». Les corps tombent à la surface de la Terre parce qu'ils sont
pressés et poussés par quelques autres corps. La gravité ne consiste pas en une attraction de masse à masse mais
en une réaction au mouvement centrifuge de l'éther.
À grandes distances de la Terre, les lois d'attraction de Newton et de Huygens sont, d'un point de vue
mathématique, strictement identiques : elles sont proportionnelle à la masse totale du globe et inversement
proportionnelle au carré de la distance au centre. Elles diffèrent cependant dans le voisinage de la planète : alors
que pour Huygens la forme du corps n'a aucune importance, elle est déterminante pour Newton qui affirme que
l'attraction d'un ellipsoïde est différente de l'attraction d'une sphère (les masses s'éloignant de la répartition
sphérique possèdent en effet une capacité d'attraction qui perturbe l'attraction de la sphère, cette perturbation est
sensible lorsqu'on est proche de la Terre mais devient négligeable à grandes distances). Cette différence se retrouve
dans le calcul de l'aplatissement : avec sa loi d'attraction restreinte, Huygens obtient une valeur de 1/578, plus faible
que celle de Newton.
La mécanique terrestre (calcul de l'aplatissement) permet donc de distinguer deux lois d'attraction strictement
équivalentes pour le mécanique céleste et donne le moyen de départager Newton et Huygens.
Les théoriciens -Newton et Huygens- affirment donc que la Terre est aplatie. Comment vérifier
expérimentalement leurs propositions ? Comment déterminer la forme de la planète ? L'idée est de se servir des
mesures de triangulation géodésique qui, lorsqu'elles ont réalisées à différentes latitudes, permettent de préciser la
figure de la Terre.
Les travaux de triangulation de Picard sont poursuivis en France à partir de 1683 à la fois vers le nord par J.-D.
Cassini et vers le sud par La Hire (1640-1718). Vers 1701, J.-D. Cassini infère de ses observations que la longueur d'un
arc de méridien de un degré est inférieure dans le nord de la France que dans le sud : la Terre serait donc allongée
suivant son axe de rotation. Il reste cependant prudent. Entre 1700 et 1718, J. Cassini (1677-1756), Maraldi (1665-1729)
et La Hire fils prolongent la triangulation géodésique de Dunkerque à Collioure, aux pieds des Pyrénées. À partir de
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leurs mesures, qui confirment la diminution de la longueur d'un degré d'arc vers le nord, J. Cassini certifie
l'allongement de la Terre et s'oppose vertement aux théoriciens : la querelle sur la figure de la Terre s'envenime.
Figure 14. Schéma général de la triangulation réalisée pour mesurer la méridienne de France entre 1683 et 1718
En 1720, De Mairan (1678-1771) tente de concilier la forme allongée de la Terre et l'effet indéniable d'aplatissement
des forces centrifuges en affirmant que si la Terre ne tournait pas, elle serait encore davantage allongée. La solution
ne satisfait personne...
Pour lever l'indécision sur la figure de la Terre et faire cesser la querelle, l'Académie décide d'envoyer, sous ordre
du roi, deux missions géodésiques mesurer des arcs de méridien à des latitudes très différentes, ce qui doit faciliter
les comparaisons : l'une en 1735 au Pérou (composée de Godin (1704-1760), Bouguer (1698-1758), La Condamine (1701-
1774)...) et l'autre en 1736 en Laponie (composée de Maupertuis (1698-1759), Clairaut (1713-1765)...). L'expédition en
Laponie, rondement menée, rapporte ses résultats dès 1737 : un degré de 57 438 toises (111,948 km) mesuré à 66° de
latitude, plus grand que celui mesuré en France (57 030 toises = 111,153 km) indique clairement une Terre aplatie aux
pôles (l'aplatissement trouvée est de 1/178). Les mesures de la méridienne de France, bien qu'effectuées avec soin,
devaient être erronées.
La mission de Laponie ne clôt pas aussitôt les débats car les partisans de l'allongement de la Terre ne veulent pas
entendre raison. Mais en 1740, Cassini de Thury (1714-1784) et La Caille (1713-1762) effectuent une nouvelle mesure
de la méridienne de France et s'assurent que les degrés vont bien en augmentant vers le nord. L'expédition au
Pérou, rentrée en 1744, après bien des déboires mais avec une moisson de résultats scientifiques, lève les derniers
doutes avec un degré de 56 753 toises (110,613 km) mesuré à 1°30' de latitude, plus court que ceux mesurés en France
et en Laponie.
Les mesures géodésiques que raille Voltaire -« Vous avez confirmé dans ces lieux pleins d'ennuis, ce que Newton
connut sans sortir de chez lui »- donnent donc finalement raison aux théoriciens : la Terre est aplatie. Elles
apportent une deuxième conclusion, plus fondamentale encore : l'aplatissement déterminé, voisin de 1/200, est plus
proche de la valeur donnée par Newton que de celle donnée par Huygens, confirmant ainsi la conception de
l'attraction universelle du premier au détriment de la conception du second. Le système de Newton sort
doublement vainqueur : par rapport aux partisans de l'allongement et par rapport aux thèses de Huygens.
La polémique pourrait être close. Il n'en est rien : elle ne fait que changer de nature. Car si la Terre est bien aplatie
comme le prédisait Newton, a-t-elle exactement la même figure que celle que prendrait une masse fluide ? La
réponse est importante pour déterminer (le croît-on à l'époque) les conditions qui régnaient à l'origine de la Terre.
Le travail le plus remarquable sur la théorie de la figure de la Terre supposée à l'équilibre hydrostatique est
effectué par Clairaut en 1743 (Figure 15). Ce dernier montre que les deux conditions d'équilibre de Newton (égalité du
poids des colonnes) et de Huygens (la surface est perpendiculaire à la pesanteur) sont des conditions nécessaires
mais non suffisantes et il donne une condition plus générale : « Pour qu'une masse fluide soit en équilibre et dans
un état permanent, il faut que dans un canal quelconque, soit rentrant en lui-même, soit terminé de part et d'autre à
la surface, les efforts des parties de fluide qu'il contient se détruisent mutuellement. »
Clairaut découvre que l'aplatissement de la surface d'une planète en équilibre ne dépend pas seulement de la
vitesse de rotation mais également de la répartition interne des densités. Si la Terre est homogène, il obtient pour
l'aplatissement la valeur de Newton de 1/230. Si toute la masse est concentrée au centre, il trouve la valeur de
Huygens de 1/578. Clairaut ajoute que si la Terre a été originairement fluide, les couches les plus denses sont les
plus proches du centre et donc que la répartition des densités est intermédiaire entre le cas de Newton et celui de
Huygens. Son aplatissement doit donc nécessairement être compris entre 1/578 et 1/230.
Ce n'est pas tout. Clairaut montre aussi que la connaissance de la valeur de la pesanteur (mesurée à l'aide de
l'oscillation d'un pendule) en deux points de latitudes différentes suffit pour déterminer l'aplatissement du globe
dans l'hypothèse de l'équilibre hydrostatique. C'est la naissance de la géodésie dynamique qui étudie la forme de la
Terre à partir de son champ de pesanteur. Il existe donc deux méthodes indépendantes pour déterminer
expérimentalement l'aplatissement du globe : les mesures géodésiques directes qui donnent l'aplatissement de la
surface réelle et les mesures de la pesanteur qui donnent l'aplatissement dans l'hypothèse de l'équilibre
hydrostatique.
Le "hic" est que les mesures géodésiques et de pesanteur aboutissent à des valeurs de l'aplatissement qui ne
concordent pas : les premières donnent une valeur supérieure à 1/230 sortant de l'encadrement proposé par Clairaut
et les deuxièmes une valeur inférieure à 1/230. Cet incompatibilité met en défaut la théorie de Clairaut et indique
que la Terre ne serait pas à l'équilibre hydrostatique. D'Alembert (1717-1783) enfonce le clou : le globe étant solide, il
n'y a selon lui aucune raison pour que sa figure soit semblable à celle que prendrait une masse fluide, comme le
montre les grandes irrégularités de sa surface. L'incohérence des mesures géodésiques et de pesanteur n'est donc
pas étonnante. Laplace (1749-1827) semble lui donner raison à la fin du siècle. En se servant de nouvelles mesures
d'arcs de méridien (une dizaine) et de pesanteur (une quinzaine), il cherche à calculer l'aplatissement mais
n'obtient toujours pas de valeur cohérente et conclut que la figure de la Terre n'a pas la forme régulière d'un
ellipsoïde.
La situation se renverse néanmoins au début du XIXe siècle. De nombreuses mesures d'arcs, en particulier celle
de Maupertuis en Laponie, semblaient suspectes et ont été révisées. Les corrections apportées sont importantes et
les erreurs débusquées changent radicalement la qualité des données. En 1825, Laplace trouve à partir des mesures
géodésiques un aplatissement de 1/308 et à partir des mesures pendulaires un aplatissement de 1/310. Les deux
aplatissements sont enfin cohérents et compris dans l'encadrement de Clairaut. Laplace peut ainsi affirmer que si
la Terre devenait fluide, sa figure ne changerait pas significativement et serait très proche de celle d'un ellipsoïde.
Comment la Terre solide a-t-elle pu acquérir une figure d'équilibre a peu près semblable à celle que prendrait une
masse fluide ? Kepler et Newton répondaient en supposant une origine fluide pour la Terre. Mais fluide par l'eau ou
fluide par le feu ? La situation n'est pas claire.
À la fin du XVIIe siècle, des auteurs anglais développent des théories de la Terre où l'eau joue un rôle
prépondérant. Ainsi, Burnet (1635-1715), qui a été en correspondance avec Newton, pense en 1681 que la Terre était
initialement un chaos fluide de tous les éléments qui s'est mis en ordre par l'effet de la gravité : les parties lourdes
descendant vers le centre, les parties légères remontant vers la surface (Figure 16). C'est grâce à la fluidité aqueuse
originelle que la planète a acquis sa forme ellipsoïdale.
Figure 17. La Terre aplatie de Burnet, structurée à partir d'un chaos originel fluide
Clairaut s'inspire manifestement de ces théories aqueuses lorsqu'il détermine en 1743 la figure d'équilibre de la
Terre en supposant qu'elle n'ait été initialement qu'un amas d'une infinité de fluides de différentes densités. Mais la
fluidité qu'il invoque n'est pour lui qu'une hypothèse de calculs et son attitude dévoile l'ambiguïté des théories
hydrostatiques qui supposent un équilibre fluide sans préciser ni la nature ni la cause de cette fluidité.
En 1749, Buffon (1707-1788) sort de la confusion en privilégiant une fluidité par le feu. Pour lui, la Terre et les
planètes proviennent de la condensation d'un torrent de matière expulsé du Soleil à la suite d'une collision avec
une comète. La Terre, constituée de matière solaire, était donc initialement en fusion, ce qui lui a permis de prendre
sa forme d'équilibre ellipsoïdale. Elle s'est ensuite refroidie et consolidée tout en conservant sa forme.
L'interprétation de la figure aplatie de la Terre s'ajoute donc à son hypothèse cosmogonique pour affirmer l'origine
ignée du globe. La nature vitrifiée des roches et la chaleur propre de la Terre sont des indices supplémentaires pour
affirmer que la Terre était en fusion au début de son histoire.
À la fin du XVIIIe siècle, le point de vue de Buffon est cependant oublié. C'est l'époque de la théorie neptunienne
qui professe que toutes les roches, y compris le basalte et le granite, sont des produits de l'eau, formés par
précipitation à partir d'un océan primordial. L'eau joue à nouveau un rôle prépondérant, en particulier pour
expliquer la formation des strates sédimentaires. La figure d'équilibre de la Terre est censée mettre en évidence la
fluidité aqueuse primitive de toutes les parties du globe.
La théorie neptunienne ne fait néanmoins qu'un temps et au début du XIXe siècle, elle cède devant la théorie
plutoniste qui a recours à la chaleur des profondeurs pour expliquer les mouvements tectoniques et la fusion des
roches volcaniques. En 1825, Laplace peut alors remettre en avant le raisonnement de Buffon : si la Terre a été
initialement en fusion, les parties les plus pesantes ont pu couler vers le centre et la surface a pu prendre sa forme
d'équilibre. La Terre présente bien les caractéristiques qu'on lui connaît.
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Partisans du catastrophisme contre partisans de l'uniformitarisme
L'hypothèse de l'origine ignée implique que la Terre ait été au début de son histoire dans un état très différent de
son état actuel. Cette idée renforce les thèses des catastrophistes qui affirment que la Terre a subit depuis son
origine une évolution très marquée mais s'oppose à celles des uniformitaristes qui pensent au contraire que la Terre
a toujours conservé un aspect semblable.
Les uniformitaristes cherchent ainsi à développer d'autres hypothèses pour expliquer la figure d'équilibre du
globe, ne nécessitant pas d'état originel particulier. Playfair (1748-1819), J. Herschel (1792-1871) et Lyell (1794-1875)
avancent dans les premières décennies du XIXe siècle que ce sont les processus d'érosion-sédimentation qui, en
abrasant continuellement les reliefs et en remplissant les cavités les plus profondes, tendent à donner à la surface
de la Terre solide la forme d'équilibre d'une masse fluide. Nul n'est donc besoin de supposer une quelconque
fluidité, il suffit de laisser les phénomènes actuels agir pour transformer n'importe quelle planète de forme
irrégulière en un ellipsoïde aplati, paraissant vérifier les lois de l'hydrostatique.
Source - © Geological Society Special Publication, n°143, The Geological Society, Londres, 1998
Lamarck (1744-1829), en 1802, propose encore une autre hypothèse, prémonitoire. Il affirme que le globe possède
une capacité de déformation lente qui lui permet, tout en restant solide, de s'ajuster aux forces gravitaires et
centrifuges. La Terre se déformerait et s'adapterait donc continuellement à son mouvement de rotation sans avoir
besoin de passer par un état fluide. Une seule condition doit être remplie : que les temps envisagés soient
suffisamment importants.
Source - © UCSB/Alroy
En 1847, Spencer approfondit les remarques de Lamarck et déclare sans détour que l'aplatissement du globe ne
requiert pas une fluidité originelle. Il soutient que la résistance des matériaux à la déformation décroît si leur
volume augmente et qu'ainsi il suffit d'augmenter le volume d'un substance solide jusqu'à un certain point pour
qu'elle cède et se comporte comme un fluide. La Terre est tellement volumineuse que les forces de cohésion
deviennent négligeables devant les forces de gravité ou centrifuges et, bien que solide, elle doit avoir la même figure
qu'une masse fluide.
En 1868, Reclus (1830-1905) adhère aux thèses de Spencer en notant que tous les solides sont capables de fluer et
de s'adapter d'une manière permanente et irréversible lorsqu'ils sont soumis à des contraintes suffisamment fortes.
La Terre qui tournoie sur elle-même depuis une infinité de temps a donc dû immanquablement s'ajuster aux forces
centrifuges et ceci en dépit sa solidité. Sa figure d'équilibre n'est donc pas un gage de sa fusion initiale.
En 1876, G. Darwin (1845-1912), le fils du célèbre naturaliste, cherche à traduire ces réflexions sur la déformation de
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la Terre en termes mathématiques. Il affirme qu'il n'est pas impossible que la Terre ait un double comportement : à
la fois élastique comme un solide pour des sollicitations brèves (vis à vis des forces de marées par exemple comme
l'a montré Lord Kelvin (1824-1907) en 1862) et visqueux comme un fluide pour des sollicitations longues. Il déclare
ainsi que la forme de la Terre peut revenir approximativement vers une forme d'équilibre lorsqu'elle s'en écarte trop
par des ajustements et des adaptations internes. Il revient toutefois ensuite à des considérations plus sages : le
globe n'a pu avoir un comportement visqueux qu'au début de son histoire lorsqu'il était proche d'un corps en fusion ;
il est actuellement rigide ne pouvant assumer que des déformations élastiques de faible ampleur.
Malgré les alternatives proposées, l'hypothèse de l'origine ignée pour expliquer la figure d'équilibre de la Terre
continue donc d'emporter le plus de suffrages. C'est celle qui paraît la plus simple et la plus évidente.
Stockes (1819-1903) établit en 1849 une formule permettant de calculer les écarts entre la surface de référence et le
géoïde à partir de mesures de pesanteur, mais elle ne pourra être utilisée qu'à partir des années 1930-1950 lorsque
des mesures intensives de pesanteur sur terre et sur mer seront réalisées pour la première fois. A son époque, on
considère que les décalages entre les deux surfaces peuvent s'avérer importants et atteindre 800, voire 1000 mètres.
Ils proviennent de l'attraction horizontale des continents qui "creuse" les mers en leur centre et les "relève" sur leurs
bords. A la fin du XIXe siècle, on n'a pas encore saisi que l'ensemble de la surface terrestre est en équilibre
isostatique et ainsi que l'attraction latérale des continents est faible.
Helmert (1843-1917), en 1901, revient sur ces conceptions. Il explique que du fait de la compensation isostatique des
reliefs, les écarts entre le géoïde et l'ellipsoïde de référence restent limités et ne dépassent pas 200 à 250 mètres. Si
les deux surfaces géoïdale et de référence ne coïncident pas, elles ne sont pas aussi éloignées l'une de l'autre qu'on
a pu le penser à un moment donné.
Poincaré tente une explication en supposant que la Terre, initialement en fusion, était bien à l'équilibre
hydrostatique lorsqu'elle s'est consolidée. Mais que depuis ce moment la vitesse de rotation a varié, par exemple à
la suite du freinage occasionné par les marées. La figure de la Terre solide ne serait donc plus aujourd'hui
parfaitement ajustée à la distribution des forces centrifuges. L'incompatibilité entre les mesures géodésiques et la
limite théorie de l'aplatissement serait donc un indice de la solidité du globe, qui ne posséderait pas de capacité de
déformation et d'adaptation. Les considérations de Spencer et de G. Darwin sont oubliées.
Les remarques de Poincaré, bien que révélatrices d'un état d'esprit, ont une portée limitée car en 1909, Hayford
(1868-1925) effectue de nouvelles mesures géodésiques et montre que les aplatissements de Clarke et de Faye étaient
légèrement surestimés. Il obtient la valeur de 1/(297± 0,8), cohérente avec la limite théorique. Cette valeur est
également en accord avec l'aplatissement déterminé par Helmert en 1901 à l'aide de mesures de pesanteur. Celui-ci
annonce la valeur "prophétique" de 1/298,3 qui est encore retenue aujourd'hui.
À la première question, on répond encore au début du XX e siècle en invoquant la fusion originelle de la Terre.
Wegener (1880-1930), en 1928, apporte cependant une autre explication. Les mouvements de compensation
isostatique et d'une manière plus controversée, la dérive des continents montrent à souhait que la Terre, bien que
solide pour les courtes échelles de temps, se comporte comme un fluide visqueux pour les longues échelles de
temps. S'il en est ainsi, il n'y a pas de raison pour que la Terre ne se soit pas, au fil des temps, ajustée à sa rotation
sans pour autant passer par un état fluide. La Terre solide se déforme pour minimiser les tensions internes et c'est
pourquoi elle peut acquérir une forme d'équilibre.
Wegener pousse sa réflexion plus avant. Il remarque que si la Terre est actuellement douée d'un comportement
visqueux, sa forme s'adapte à chaque perturbation de sa rotation et en particulier à un déplacement de son axe. Le
renflement équatorial, qui s'ajuste continuellement à la distribution des forces centrifuges, n'occupe donc plus
nécessairement une position fixe par rapport au corps de la Terre et ne peut plus assurer la stabilité de la rotation.
Par sa conception des mouvements de l'axe de rotation au cours du temps, Wegener montre qu'il a saisi, bien avant
la communauté géophysique, toutes les implications de la rotation d'une Terre visco-élastique.
Les considérations de Wegener laissent perplexes. Seul Dive les relève en 1933 et il faut attendre Gold, en 1955
pour qu'elles soient redécouvertes et pleinement acceptées. L'étude de la rotation d'une Terre visco-élastique entre
alors dans sa période moderne et il ne fait plus de doute que la Terre a une forme proche d'une forme d'équilibre
parce qu'elle se déforme visqueusement pour s'ajuster à sa rotation.
Bibliographie
Citations
C'est à Thalès que l'on doit les premières réflexions sur la forme et la position de la Terre dans l'espace :"D'autres
disent que la terre repose sur l'eau. C'est en effet la thèse la plus ancienne que nous avons reçue, et que l'on attribue
à Thalès de Milet qui soutient que la terre flotte, immobile à la façon d'un morceau de bois ou de quelque autre
chose de même nature (étant entendu qu'aucune ne demeure naturellement en repos sur l'air, mais au contraire sur
l'eau) ; comme s'il ne fallait pas trouver une explication identique pour l'eau qui supporte la terre que pour la terre
elle-même" (d'après Aristote). Retour au texte.
Anaximandre franchit une étape essentielle en osant imaginer une Terre privée de tout appui :
"Et la Terre est suspendue, soutenue par rien, mais stable à cause de son égal éloignement de tout. Sa forme
est courbée, arrondie à la façon d'une colonne de pierre ; sur l'une des faces, nous marchons, mais l'autre se
trouve à l'opposé. " (d'après Hippolyte, Refutatio, I, 6, 2-7, in Anaximandre - Fragments et Témoignages,
traduction de M. Conche, Paris, PUF, 1991, p. 192.)
"[Anaximandre] affirme que la terre est, par sa forme, cylindrique, et a une profondeur qui est le tiers de sa
largeur." (d'après Pseudo-Plutarque, in Anaximandre - Fragments et Témoignages, traduction de M. Conche,
Paris, PUF, 1991, p. 193.)
"Certains disent que la terre demeure en repos par indifférence : ainsi Anaximandre, parmi les Anciens. Car se
mouvoir vers le haut, vers le bas ou vers les côtés, l'un pas plus que l'autre ne convient à ce qui est établi au
centre et se comporte pareillement à l'égard de tous les points extrêmes ; et comme il lui est impossible
d'effectuer en même temps un mouvement dans des directions contraires, il s'ensuit que la terre doit
nécessairement rester au repos." (Aristote, Du Ciel, II, 13, 295b, 11-16 ; in Anaximandre - Fragments et
Témoignages, traduction de M. Conche, Paris, PUF, 1991, p. 194.)
Retour au texte.
Platon ne suppose encore la forme sphérique de la Terre qu'à titre d'hypothèse : "Ma conviction à moi [c'est
Socrate qui parle], c'est, en premier lieu, que si la terre est au centre du monde et avec la forme d'une sphère, elle n'a
besoin, pour ne pas tomber, ni de l'air, ni d'aucune autre semblable résistance ; mais il y a assez pour la maintenir,
de la similitude, en tous sens, du monde avec lui-même et de la façon dont se contrebalancent tous les points de la
terre, car pour une chose qui se contrebalance de la sorte, il n'y aura, du moment qu'elle a été placée au centre de
quelque chose qui possède avec soi-même une égale similitude, aucune raison pour qu'elle penche plus ou moins
d'aucun côté demeurera immobile." (in Platon, Apologie de Socrate, Criton, Phédon, Paris, Gallimard, 1950, p. 207.)
Retour au texte.
La Terre a des dimensions précises qui peuvent se calculer. Aristote avance une première valeur, sans doute due
à Eudoxe : "E t parmi les mathématiciens, ceux qui essayent de calculer la grandeur de la circonférence terrestre
arrivent à une mesure d'environ 400 000 stades [soit près de 74 000 km]. Il résulte de ces preuves non seulement que
la terre est nécessairement de forme sphérique mais encore qu'elle n'est pas d'une grandeur considérable comparée
à la grandeur des autres astres." (Aristote, Du Ciel, II, 14, 298a, 20, Paris, J. Vrin, 1949, p. 117.) Retour au texte.
Du temps de Jean Buridan, au XIV e siècle, les trois quarts de la surface terrestre restent inexplorés : "Toutes les
mers que quelque homme a pu traverser et toutes les terres habitables qui ont pu être découvertes sont contenues
dans le quartier que nous habitons ; certains se sont efforcés de traverser la mer pour parvenir à d'autres quartiers ;
jamais ils n'ont pu parvenir à quelque terre habitable ; aussi dit-on qu'Hercule, aux confins du quartier que nous
habitons, a placé des colonnes pour signifier qu'au-delà, il n'y a plus terre habitable ni mer qu'on puisse traverser."
(J. Buridan , In P. Duhem, Le Système du Monde, tome IX, Paris, Hermann, 1958, p. 196.) Retour au texte.
Jean Buridan pense que la terre et l'eau forment deux sphères décalées l'une par rapport à l'autre :
(J. Buridan , In P. Duhem, Le Système du Monde, tome IX, Paris, Hermann, 1958, p. 199-200.) Retour au texte.
Les voyages de découverte prouvent que la terre et l'eau sont imbriquées l'une dans l'autre pour ne constituer
qu'une seule et même sphère, comme le rapporte Nicolas Copernic : "La terre également est sphérique puisqu'elle
s'appuie sur son centre par toute partie. […] Comment la terre avec l'eau effectue un globe. Donc l'Océan répandu
autour de celui-ci, répandant lui-même de tous côtés les mers, emplit ses descentes plus inclinées. Et ainsi il fallait
qu'il y ait moins d'eau que de terre, afin que l'eau n'absorbât pas toute la terre, les deux tendant avec effort vers le
même centre part leur gravité, mais de sorte qu'elle laissât certaines parties de la terre pour le bien-être des êtres
animés et tant d'îles à découvert d'un côté de l'autre. […] Bien sûr il est nécessaire que la terre ait avec ce qui coule
autour, une telle figure, telle que montre son ombre : en effet elle fait la Lune manquante selon les circonférences du
cercle délivré. La terre n'est donc pas plane […] mais délivrée selon la rondeur comme les philosophes pensent." (N.
Copernic, Des révolutions, 1543 ; trad. de J. Peyroux, Paris, Blanchard, 1987, p.17-19.) Retour au texte.
Kepler apporte plusieurs éléments sur la sphéricité de la Terre.
Retour au texte.
En 1686-1687, Hooke affirme que du fait de la rotation terrestre, les océans ont une figure ellipsoïdale : "Je suppose
que la forme de la surface des eaux est, et a été, depuis le début de l'histoire de la Terre, une forme ovale, dont les
plus longs diamètres se situent dans le plan de l'équateur, et dont le plus court est l'axe même de la rotation." (R.
Hooke, A Discourse of Earthquake, 1687 ; réédité in The Posthumous Works of Robert Hooke, The Source of Science,
n°73, New York et Londres, Johnson, 1969, p.346). Il comprend que la gravité est composée de deux forces agissant
dans des directions différentes : l'attraction dirigée vers le centre de la Terre et la force centrifuge dirigée
perpendiculairement à l'axe de rotation : "Si la capacité de gravitation de la Terre est partout égale, […] alors cette
capacité doit être composée avec une tendance contraire des corps lourds à s'écarter de leur axe de rotation. Si cela
est supposé, une partie de la gravité vers le centre de tels corps doit être enlevée par ce Conatus, qui est partout
oblique, sauf sous l'équateur, où la gravitation est le plus fortement diminuée. Par conséquent, la gravité doit agir le
plus librement et le plus puissamment sous les pôles." (R. Hooke, A Discourse of Earthquake, 1687 ; réédité in The
Posthumous Works of Robert Hooke, The Source of Science, n°73, New York et Londres, Johnson, 1969, p.349). Retour
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