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Analyse réflexive de pratiques et développement de

nouvelles compétences
Nicole Clerc, Martine Agogué
Dans Recherche en soins infirmiers 2014/3 (N° 118) , pages 7 à 16
Éditions Association de Recherche en Soins Infirmiers
ISSN 0297-2964
DOI 10.3917/rsi.118.0007
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RENCONTRE
Analyse réflexive de pratiques et
développement de nouvelles compétences
Reflexive analysis of practices and new skills development

Nicole CLERC
Maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise

Martine AGOGUÉ
Psychosociologue, enseignante à l’Université de Cergy-Pontoise

RÉSUMÉ
La démarche réflexive comme démarche de formation a désormais gagné la majorité des champs composant les métiers
de la relation. Dans le domaine de la santé, les textes du référentiel de formation (29 juillet 2009) y engagent, associant le
processus réflexif à la capacité d’« analyser toute situation de santé ». Dans le cadre du master « formation de formateurs
à l’accompagnement professionnel » dont les auteures sont co-responsables à l’Université de Cergy-Pontoise, elles
accueillent, comme étudiant-e-s, des cadres de santé désireux de se former à cette approche. Dans ce contexte, les
auteures explicitent, depuis leurs expériences, la démarche d’accompagnement et de formation qu’elles soutiennent
en référence à la psychosociologie clinique. Elles analysent comment le groupe en formation acquiert les compétences
professionnelles en relation avec la capacité réflexive et identifient le processus permettant la transformation de la posture
professionnelle. Après avoir présenté le dispositif d’analyse réflexive des pratiques, elles mettent en évidence la force
symbolique du cadre et montrent les effets d’un accompagnement de la nouvelle posture par une méta-analyse. A chaque
étape du dispositif, des compétences professionnelles identifiées sont mises au travail, accompagnant et accélérant alors
les processus de changement individuel et groupal.
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Mots clés : Analyse de pratiques, réflexivité, psycho-sociologie clinique, compétences professionnelles.

ABSTRACT
Reflexive approach, as training process has now gained most fields involving the issue of relationship. In the field of
healthcare, official texts for the reference training schemes (July 29th, 2009) encourage associating a reflexive process
dealing with ability « to analyze any situation of healthcare ». Within the master degree curricula « teacher training to
functions of professional accompaniment » of which the authors are co-persons in charge at the University of Cergy
Pontoise, they train head nurses, eager to be trained to this approach. In this context, the authors clarify, from their
experience, the approach of accompaniment and training in reference to clinical social psychology. They analyze how
the training group acquires professional skills in relation to reflexive capacity and identify the process involved in the
professional posture transformation. After presenting the device of reflexive analysis of the practice, they highlight the
symbolic force of the frame and show the effects of an accompaniment of the new posture with thanks to a meta-analysis
process. At each step of the process ; new professional skills identified are put to work, accompanying and accelerating
individual and group change process.

Key words : Analysis of practice, reflective practice, clinical social psychology, professional skills.

Pour citer l’article :


CLERC N, AGOGUÉ M. Analyse réflexive de pratiques et développement de nouvelles compétences. Recherche en soins infirmiers,
septembre 2014 ; 118 : 7-16.

Adresse de correspondance :
Nicole Clerc : [email protected]

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L’analyse réflexive, dans une dynamique du changement (Rogers, 1968/1998)
une question de posture [5]. Mais nous observons fréquemment que ce déplacement
de compétences génère des résistances groupales et
individuelles. Car il produit un changement épistémologique
« Analyser ses pratiques professionnelles » est désormais une touchant l’identité professionnelle (Giust-Desprairies, 2002)
compétence reconnue et mise en œuvre dans de multiples [6] des participants et les représentations qu’ils se font
projets concernant le développement professionnel d’un de leurs missions. Le vécu de cette transformation est
groupe ou des individus. d’autant plus troublant que le sentiment de maîtrise des
« compétences sur le processus » n’est acquis qu’en lien
Le « savoir-analyser » (Altet,1994) [1] présent dans les textes avec une temporalité tout aussi nouvelle.
officiels et dans différents domaines professionnels comme
ceux de l’éducation, de la formation, de la santé et du social C’est en tout cas cette nouvelle « posture » bien spécifique,
prend du sens à travers les nombreux dispositifs qui se dans le sens où l’identifie Perrenoud, 2005, 31) [7] : « La pratique
réclament de cette nouvelle compétence. réflexive s’enracine d’abord dans une posture, un rapport au
monde, au savoir, à la complexité, une identité » qui nous
Après avoir expérimenté l’un d’entre eux auprès de permet de travailler sur la part de personnalité que chacun
différents publics pendant ces quinze dernières années investit dans sa profession (Balint, 2003) [8]. L’évolution de
(dans les milieux de l’enseignement et de la formation), cette posture accompagne ainsi les remaniements identitaires
puis depuis quatre années en tant que co-responsables du et favorise le développement du sujet professionnel
Master « formation de formateurs à l’accompagnement caractérisant la visée centrale de la formation dans notre
professionnel » à l’université de Cergy-Pontoise, il nous dispositif d’analyse réflexive de pratiques.
est paru utile d’en défendre l’intérêt et de formaliser les
compétences qui y sont développées. Nous le faisons ici Visée très sensible car cette nouvelle posture
non seulement pour rendre lisible une posture de formation professionnelle ne va pas de soi. Bien qu’elle puisse être
mais aussi, en appui des travaux de Schön (1994) [2], pour considérée comme utile au travail des représentations
valoriser ce qui permet de construire une compétence (Barus-Michel, 1996)1 [9] des sujets, on sollicite souvent
transversale devenue indispensable dans les métiers de ses compétences, en dernier recours, lorsque le contexte
la relation : « la compétence réflexive ». Pour Philippe professionnel impose avec vigueur sa surprenante
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Perrenoud, (2004) [3] « Le praticien réflexif est un praticien complexité, ses incertitudes et incompréhensions, voire
qui se regarde agir comme dans un miroir et cherche à ses violences. Dans le domaine de la psychosociologie,
comprendre comment il s’y prend, et parfois pourquoi il les auteurs analysent comment les « crises de légitimité,
fait ce qu’il fait, éventuellement contre son gré ». attaques des idéaux, accroissements des écarts culturels
et sociaux » (Giust-Ollivier, Oualid, 2011) [10] participent
A noter que notre propos soutiendra une orientation affirmée aux difficultés du métier et deviennent un élément
vers une démarche compréhensive que vise notre dispositif constitutif de ce métier, donc du sujet professionnel qui
et se démarquera d’autres dispositifs qui relèvent de ce que les vit. (Blanchard-Laville, 2001) [11].
nous avons nommé l’« analyse situationnelle » (Clerc, Mérini,
2006) [4], s’inscrivant elle, dans une démarche explicative de Dans toute situation, la façon singulière dont le sujet
la pratique professionnelle. professionnel investit sa place, son rôle et sa relation sociale
aux autres est portée par l’implicite de ses valeurs et ses
Ce travail instruira, de fait, la question du développement propres représentations, constituant un étayage à partir
professionnel à partir du moment où nous aurons clarifié les duquel il détermine ses actes et ses positionnements. Le
sources de déplacement actives dans cet espace particulier de sujet professionnel est ainsi pris en tension entre le choix
formation. Alors que le professionnel, dans son quotidien, se d’un acte professionnel le mieux adapté à l’immédiateté de
réalise grâce au développement de ce que nous nommerons la situation, ses représentations individuelles internes et
les « compétences sur l’objet » relevant d’une expertise les représentations collectives appartenant à son domaine
scientifique, le dispositif que nous défendons s’appuie sur des professionnel. Ces tensions ainsi identifiées justifient, pour
« compétences sur le processus ». « Processus » signifiant en comprendre le sens, d’engager une analyse de type
ici les mécanismes conscients et inconscients qui sont en réflexif.
jeu pour les individus en situations sociales, et évoquant
l’implication des personnes, considérées alors comme des
« sujets professionnels ».
1
« Les représentations sont des images mentales à l’aide desquelles un indi-
Le formateur en charge d’un groupe de formation se vidu appréhende les êtres, les choses, leurs relations. […] Elles sont destinées
à répondre à l’incompréhensible de toute réalité, elles vont ainsi infiltrer à
préoccupe de ce champ d’expertise très particulier qui a l’insu du sujet les représentations conscientes qu’il aura des situations, des
pour visée d’accompagner le déplacement professionnel objets, des personnes auxquelles il aura à faire durant toute sa vie. » p. 41.

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Analyse réflexive de pratiques et développement
de nouvelles compétences

Le positionnement que nous adoptons dans notre dispositif Concernant notre choix, le protocole que nous retenons en
s’appuie sur les fondements théoriques propres à la analyse réflexive des pratiques est le suivant :
psychologie sociale clinique et à la psychosociologie (Barus- a- p résentation succincte et individuelle de différentes
Michel, Giust-Desprairies, 1996)2 [12]. situations professionnelles vécues par des participants ;
b- choix d’une situation professionnelle ;
Dans cette optique, nous abordons la conduite et les effets c- exposé de la situation professionnelle choisie ;
de la conduite des groupes d’analyse réflexive des pratiques d- questions factuelles du groupe à destination de l’exposant
comme éléments d’un processus d’accompagnement et réponses de celui-ci ;
professionnel facilitant les déplacements attendus. e- hypothèses interprétatives exprimées par tous les participants.

Nous centrerons notre développement ici sur les choix Les compétences visées, reposent en partie sur le respect du
qui sont ceux d’un responsable de formation assigné à être déroulement chronologique des étapes du protocole. Celui-ci
congruent avec la démarche qu’il a choisie. Chemin faisant, est au service d’un dispositif de formation, lui-même porteur
seront mis en lumière les cohérences de ces choix, les des intentions du formateur quant à la conduite du travail
précautions à prendre et leurs impacts sur le développement collectif.
de nouvelles compétences professionnelles.
Le formateur est donc responsable d’une cohérence que l’on
peut décrire ainsi :
Protocole, dispositif - le protocole détermine les étapes de travail,
et cadre de formation - le dispositif, avec ses différentes phases et ses règles de
fonctionnement, vise les intentions de formation et les
Si nous nous reportons aux protocoles exigés dans les compétences développées,
métiers où la sécurité et la vie sont en jeu comme dans le - les finalités de la formation influencent directement le choix
milieu médical par exemple, nous percevons souvent à travers du dispositif.
le « protocole » une procédure décrite précisément dans
une visée opératoire et répétitive, en réponse à une situation Quant aux références théoriques, elles déterminent le cadre
connue. On y perçoit de loin une temporalité ordonnée par de travail, ses objets spécifiques, la posture du formateur et
une succession d’actions prescriptives qui dirige l’expérience. son style de pratique qui y est associé. En amont, le choix
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Mais, de plus près, nous affirmons que les protocoles ne du cadre de référence est donc sous la responsabilité
peuvent anticiper aussi précisément la façon dont un groupe du formateur qui est garant de son respect. Tentons de
ou des individus vont expérimenter l’aventure singulière de comprendre ce qui le sous-tend.
la rencontre dans le vaste domaine des relations humaines.
Ce faisant, nous nous éloignons du modèle prescriptif pour
choisir un protocole permettant de concevoir l’apprentissage L’influence du cadre 
sous un mode plus collaboratif. de référence : de l’analyse
d’une « situation »
En analyse de pratiques professionnelles, les nombreux à l’analyse d’une « pratique »
dispositifs mis en place depuis les années soixante-dix
convergent vers une trame commune d’où se dégagent des La psychosociologie s’intéresse à un sujet professionnel en
protocoles aux étapes clairement identifiées. Leurs différentes situation, en interaction et en évolution continue, dans ses
conceptions s’accordent implicitement sur le principe que rapports complexes avec le fonctionnement social où il est
l’objectivation d’une situation professionnelle réclame une personnellement impliqué. La perception d’une « situation
certaine rigueur. Bien que les conceptions théoriques qui les professionnelle » se construit, pour un sujet professionnel,
portent soient différentes, un accord se fait sur les étapes depuis son filtre subjectif aux prises avec ses représentations
précises du protocole proposé.3 personnelles, sa façon singulière de comprendre et d’interpréter,
ses propres ressources et l’agencement du monde qui l’entoure.
Mais également depuis ses représentations collectives et
sociales auxquelles il adhère et qui contribuent à organiser son
2
« La psychologie sociale clinique est le référentiel d’une pratique qui ne identité professionnelle. En analyse réflexive des pratiques, ce
serait plus seulement recueil de matériel mais un travail sur le terrain, initié à
partir d’une demande, où derrière la formulation s’entrevoit et se dégage le
cadre de référence théorique ouvre les pistes d’investigation
vœu de cohérence et de cohésion dans des relations et des actes partagés. vers un objet de travail original.
La psychosociologie, nom donné à cette pratique, s’insère dans les mailles
serrées ou les failles des relations sociales instituées, organisées, marginalisées
pour ouvrir des espaces de réflexion, d’interrogation, de parole ». p. 266. z Évolution de l’objet de travail
3
Une synthèse est proposée dans le rapport de l’université de l’académie de
Reims, 2005. www.univ-reims.fr/gallery_files/site/1/90/4401/5803/5807/5809. Nous considérons la situation rapportée comme étant le
pdf [13]. premier objet commun de travail. Puis, lors de l’avancement

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dans le dispositif, la relation singulière qu’entretient le sujet du sujet. Car la singularité du sujet professionnel est la variable
professionnel à sa situation exposée prend forme et devient qui permet de transformer la situation, de lui donner corps,
au fur et à mesure, pour le groupe, le nouvel objet commun. d’incarner avec son propre « style » (Clot, Faïta, 2000) [16] la
pratique et la rendre ainsi originale.
Ce déplacement suppose différentes phases. Dans un premier
temps, l’exposé de la « situation professionnelle », en elle- Envisager la pratique professionnelle comme liée à l’implication
même, va représenter rapidement un support identificatoire subjective du sujet professionnel est une condition essentielle
pour le groupe. En effet, le récit rapporté de cette situation pour accompagner le déplacement d’une posture explicative
a une fonction première d’identification où les membres du et rationnelle vers une posture compréhensive prenant en
groupe dans la phase d’écoute se reconnaissent, jusqu’à parfois compte une double complexité, celle du sujet et celle du
s’identifier aux acteurs. C’est en ce sens que nous parlons de social. L’animateur, dans sa fonction de garant du cadre,
« premier objet commun ». Mais, sous la conduite du groupe est celui qui permet l’émergence et la mise au travail de
soutenu par le protocole, les différents échanges permettent l’implication de chacun.
ensuite au groupe de « lâcher prise » sur ses premières tendances
explicatives. Une mise à distance, inhérente au processus z Un dispositif original
de co-construction devient alors propice à l’émergence de
nouvelles compréhensions collectives, non anticipées. Ce qui Le type de travail visé nous a conduites à envisager une
nous conduit à affirmer d’une part, que l’objet de l’analyse n’est procédure qui s’appuie sur six phases supplémentaires
pas tant la « situation professionnelle » décrite que la « situation encadrant les étapes du protocole :
vécue et rapportée » par l’exposant, sous l’influence de sa propre a- Présentation du cadre de référence, de la place et du rôle
subjectivité puis, d’autre part, que la fonction du groupe dans sa de l’animateur, de la fonction du groupe.
créativité collective, va accompagner avec originalité l’analyse de b- Présentation du dispositif, des enjeux de la formation et des
ce que l’on nommera alors « pratique ». Car dès qu’une situation compétences développées.
professionnelle s’« expose », le vécu du sujet la transforme en c- Présentation du protocole, les règles de fonctionnement,
une « pratique ». C’est en ce sens que Beillerot, 1998 [14] les différentes étapes :
présente les pratiques : « La pratique, bien qu’incluant l’idée l p résentation succinte et individuelle de différentes
de l’application ne renvoie pas immédiatement au faire et aux situations professionnelles vécues par des participants,
gestes, mais aux procédés pour faire », […] « Les pratiques […] l choix d’une situation professionnelle,
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ne peuvent se comprendre et s’interpréter que par l’analyse ». l exposé de la situation professionnelle choisie,
l questions factuelles du groupe à destination de l’exposant
Le cadre de référence oriente également le rôle du formateur et réponses de celui-ci,
dans la conduite des déplacements des participants. l hypothèses interprétatives exprimées par tous les participants.
d- Distanciation, retour vers l’exposant.
z Le rôle du formateur e- Distanciation, retour vers le groupe.
f- Méta-analyse, retour sur le processus du groupe en formation.
Nous savons, par notre expérience, que c’est la force du
« cadre de travail » et la façon dont l’animateur le porte qui Cette démarche de formation situe le protocole à une place
permettent l’émergence de ce nouvel objet devenu commun. d’outil opératoire, au service d’un dispositif plus large dont
Et celui-ci sera d’autant plus intéressant pour l’exposant et nous allons préciser la mise en œuvre et les effets visés.
pour le groupe que l’implication de chaque sujet professionnel,
participant à l’analyse, aura été authentique et protégée par un
« cadre symbolique » suffisamment protecteur et contenant L’animateur présente
(Ciccone, 2001) [15]. le dispositif

L’animateur, garant du cadre, conduit le groupe et ce faisant, Afin de donner du sens à ce moment de formation et fédérer
lui permet de produire, dans le respect des paroles multiples, l’espace groupal de travail, l’animateur, qui conduit un groupe
des échanges riches et collaboratifs où chacun, à son rythme d’analyse réflexive de pratiques, explicite à son public les
et à sa mesure, développe progressivement sa capacité de fondements de sa démarche en présentant le dispositif.
« lâcher prise » sur ses premiers raisonnements au bénéfice
d’une co-élaboration in situ. Par sa capacité d’écoute attentive, z Présentation du cadre de référence,
sa capacité à réguler les tentatives de jugement ou d’évaluation, place et rôle de l’animateur
l’animateur favorise la prise de distance, dynamise ce processus et fonction du groupe
de co-construction dont l’originalité et l’inattendu tout à la
fois surprennent et rassurent. Un double sentiment croisé qui L’animateur annonce qu’il accompagnera l’analyse du groupe
peut dévoiler pour chacun ce que le singulier d’une pratique et se portera garant du respect des règles de fonctionnement
recèle de valeurs humaines implicites, inscrites dans l’histoire et du respect de la parole de chacun.

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Ce moment est d’une grande importance parce que, sans La présentation du cadre et du dispositif est plus ou moins
la nommer directement, le formateur traduit implicitement, exhaustive selon le temps global de formation. De notre
en précisant sa place et son rôle, la question de sa posture point de vue, sur une année, six séances à intervalles
symbolique. Celle-ci tend à inviter et autoriser le groupe à réguliers sont au moins nécessaires pour percevoir
penser, ensemble et en confiance, l’intime de ses pratiques l’évolution du groupe vers une posture réflexive. Car
dans la prise en compte et le respect des paroles de chacun. l’apprentissage d’une nouvelle posture exige un certain
Nous pensons que c’est parce que l’attitude de l’animateur temps. Nous avons appris, nous aussi, à accepter d’accorder
est en congruence (Roggers, 1968/1998) [5] avec les règles un temps suffisant à la présentation du cadre et du dispositif
qu’il énonce au groupe qu’il crédite sa place d’une force en en reconnaissant, au fur et à mesure de nos expériences,
symbolique et facilite ainsi la transmission de la qualité de toute l’importance.
l’attitude réflexive qu’il vise. Claudine Blanchard-Laville, 2006,
[17] nomme « transmission subjective du geste partagé » le z Présentation du protocole,
fait que chaque participant, en regardant agir l’animateur, les règles de fonctionnement,
accèdera par exemple à l’écoute active, au respect de la les différentes étapes
parole ou au lâcher prise. Puis, elle met en avant la nécessité
de « transmettre la transmission », « il s’agira avant tout pour C’est après avoir posé le cadre et le dispositif que l’animateur
les futurs animateurs d’avoir pu intérioriser un animateur présente le protocole et les règles de fonctionnement qui
« suffisamment contenant et transformateur » (Blanchard- participent du cadre de travail et facilitent l’efficacité du
Laville, 2013, 198) [18]. processus d’analyse. Anonymat et principe de confidentialité,
respect de la parole d’autrui, non-jugement et non-évaluation,
z Présentation du dispositif : engagement, enfin bienveillance sans complaisance sont pour
les enjeux de la formation et nous les règles de base.
les déplacements visés
Nous présentons le protocole dans la chronologie des cinq
Concernant le dispositif, l’animateur énonce ses intentions étapes ci-dessus citées.
de formation, les modalités, les règles choisies et les types de
compétences développées. Il expose les enjeux professionnels A- Présentation succincte et individuelle de différentes
de l’approche choisie, son inscription dans les questions situations professionnelles vécues par des participants
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contemporaines des métiers en transformation (Giust- Après être revenu sur la complexité des situations
Desprairies, 2003) [19]. Enfin, il précise comment les modalités professionnelles contemporaines, une présentation rapide de
des séances accompagneront le sujet professionnel à élucider situations professionnelles particulières qui ont posé question
ce qui se joue, en situation professionnelle, au travers de ses aux participants est proposée par l’animateur. Les situations
représentations et de ses logiques personnelles et sociales. Il seront exposées en deux ou trois minutes, sous la forme d’un
fait apparaître un projet dynamique de changement (Giust- récit inscrit dans un cadre spatio-temporel, avec une précision
Desprairies, 2005) [20] en rappelant que « notre rapport à des événements rapportés. Lors de cette étape, l’animateur
la réalité est un rapport construit donc une représentation, conduit le groupe à respecter les conditions d’écoute d’une
d’où la possibilité de travailler sur le changement » (Giust- parole adressée, selon les règles précédemment énoncées :
Desprairies, 2007) [21]. respect de la parole d’autrui, non-jugement, non-évaluation,
neutralité bienveillante. Pour favoriser l’écoute et selon son
Ainsi, la présentation du dispositif permet au groupe de « style » de conduite, l’animateur peut avoir recours à la règle
s’approprier en commun les premiers repères partagés et de non-écriture.
d’identifier les visées de travail dans cet espace spécifique.
B- Choix d’une situation professionnelle
D’ores et déjà le groupe entrevoit une distinction Après avoir entendu la diversité des situations professionnelles
entre les compétences sur l’objet et celles relatives au proposées, l’animateur engage le groupe à choisir l’une
processus d’analyse comme le nécessaire déplacement à d’entre elles selon différents critères comme : les questions
effectuer. En nommant par anticipation ce déplacement, qui font urgence, celles qui font consensus ou encore celles
l’animateur aide le groupe à percevoir les nouveaux qui se démarquent. La situation est retenue selon les critères
positionnements quand ils surgiront par l’expérience à adoptés par le groupe. Lorsque le critère de l’urgence a guidé
venir et l’acquisition de nouvelles compétences qui en le choix, le groupe accède à la demande d’un professionnel,
découlera. Il pourra évoquer la fonction accélératrice de qui devant ses difficultés, attend du groupe une aide à la
la méta-analyse (Blanchet, Trognon, 2005) [22] dans ce type compréhension.
de travail qui consiste par exemple à repérer le principe
de congruence entre la conduite du groupe en formation Lors de cette étape, l’animateur est attentif à la procédure
dans l’ici et maintenant et les compétences nouvelles en du choix effectué, mais aussi aux états émotionnels des
cours d’acquisition. professionnels dont les propositions ne sont pas retenues.

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C- Exposé de la situation professionnelle choisie z Distanciation, retour vers l’exposant
La situation choisie, le futur narrateur peut refuser
ou accepter cette place. L’animateur, sollicite son À l’adresse de l’exposant, l’animateur pose une question large,
assentiment. Quand il l’obtient, il peut alors cadrer le par exemple : « Que s’est-il passé pour vous durant ce moment
futur récit en demandant de préciser les événements de travail ensemble ? ». L’exposant se saisit de la question
qui ont fait question pour l’exposant, sans qu’une limite comme il le souhaite. Il peut évoquer ce qu’il a entendu, ce
temporelle ne soit posée à son développement. En qu’il a compris, ce qui reste flou, ce qui le questionne, ce qu’il
débutant cette étape, l’animateur sollicite des membres repère comme fonctionnements répétitifs. En fonction de ce
du groupe une « écoute centrée » sur l’exposant (Rogers, qu’il exprime et de l’avancement de sa réflexion, l’animateur
1968/1998) [5]. accompagne l’exposant à prendre conscience de son style
professionnel, à identifier la part subjective de son implication.
D- Questions factuelles du groupe à destination de l’exposant Il rappelle que la mise au travail pourra se continuer ailleurs
et réponses de celui-ci en dehors du temps accordé dans le dispositif.
L’animateur sollicite les membres du groupe à poser
des questions factuelles permettant de recueillir des z Distanciation, retour vers le groupe
informations complémentaires au premier récit. Une
question factuelle est une question qui s’appuie sur des faits Un temps particulier de prise de distance par rapport aux
sans présupposer une intention précise d’interprétation. différents objets communs repérés est ensuite engagé. Un
Si, à cette étape du travail, la nature des questions travail d’élaboration collectif revient sur le « processus
doit rester factuelle, c’est pour permettre à chacun de d’analyse » pour donner du sens aux pistes de compréhension
prendre le temps, de la distance et différer ses premières évoquées, aux dimensions à présent évidentes précédemment
explications écartant de fait les interprétations hâtives. enfouies dans la complexité de la situation racontée,
C’est une consigne que les participants doivent apprendre aux enjeux psychiques, organisationnels, institutionnels,
à gérer, ce qui nous fait dire qu’accompagner le processus sociétaux et politiques. L’animateur sollicite une parole sur les
d’objectivation de la situation est délicat. L’exposant répond déplacements des représentations initiales pour approfondir
aux questions. Ce faisant, l’animateur invite les participants la capacité réflexive en acte.
à explorer des zones laissées sous silence par l’exposant,
ou à rechercher des clarifications de moments confus du z La Méta-analyse, retour sur
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premier récit. La vigilance de l’animateur porte, à cette le processus du groupe en formation
étape, sur une exploration suffisamment large afin que
chacun des participants (y compris l’exposant) diffère ses Les six temps du dispositif de formation se sont déroulés
premières interprétations subjectives et se dégage de ses dans un contexte que nous avons qualifié, dans ce texte, d’« ici
premières explications liées à ses propres expériences. Car et maintenant ». L’analyse groupale s’est élaborée dans une
l’émergence de ces explications pourrait faire écran à la dynamique originale faite d’influences, d’appuis, de réactions
capacité d’être en « écoute active ». émotionnelles diverses et s’est effectuée dans un temps limité
avoisinant une heure trente. La notion d’« après-coup » (Freud,
E- Hypothèses interprétatives exprimées par tous les 1937) [24], est pour nous heuristique dans l’intérêt accordé
participants aux déplacements et prises de consciences diverses qui ont
Très souvent, l’animateur, comme le groupe, perçoit pu être nommés au cours et en fin du processus d’analyse.
en même temps que l’exploration a été suffisamment Contrairement aux conseils donnés qui arrêtent la pensée, la
approfondie, que les informations recueillies pourront dynamique de la méta-analyse, remobilise et reconsidère ce
permettre une perception fine et objectivée de la situation. qui s’est passé dans le temps et dans le processus du groupe
L’animateur peut proposer alors au groupe d’exprimer en analyse : les précautions oratoires, les découvertes d’idées
des hypothèses interprétatives afin d’explorer différentes fortes qui apparaissent, les errances, les moments flous où l’on
pistes de compréhension. Il engage chacun, dans une ne sait plus bien où l’on est, les accélérations de la pensée.
écoute attentive, à faire des liens et à co-construire
des hypothèses dans l’ici et maintenant de la dynamique
groupale. S’appuyant sur le principe d’association (Kaës, L’analyse en groupe, espace
1986) [23], il incite chacun à intégrer sa réflexion à celle de formation de compétences
du cheminement du groupe plutôt que préférer faire valoir professionnelles
une explication rationnelle et/ou d’expérience. L’originalité
et la diversité des pistes explorées enrichissent l’analyse Avant de développer les compétences qui sont en jeu dans la
collective. posture réflexive, rappelons en sa place centrale. La réflexivité
est décrite comme « l’une des principales caractéristiques des
Aux cinq étapes du protocole s’ajoutent trois phases modèles professionnels contemporains (Patenaude, 1998)
complémentaires constituant le dispositif. [25], définie souvent depuis ses visées, ses modes d’action

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de nouvelles compétences

comme l’introspection, l’explicitation, de plus en plus selon dispositif. L’animateur, à chaque étape du protocole observe
ses usages. On la repère encore difficilement comme un les compétences qui se testent et se développent.
nouveau paradigme (Pineau, 2013) [26] qui suppose une
nouvelle conception, une nouvelle posture donc de nouvelles z Savoir écouter et rencontrer l’altérité
compétences à acquérir.
La mise en œuvre de la capacité réflexive est sollicitée dès
Nous différencions avec Trognon, 2013, [27] l’accompagnement l’écoute de la situation proposée. Pour chaque personne du
centré sur la pratique de celui centré sur la personne groupe, les liens qui se tissent alors avec ses propres pratiques
et ses représentations situé explicitement du côté de relèvent d’une modalité de « réfléchissement5 ». Les mots
« l’accompagnement du changement. » touchent le vécu professionnel, il s’agit pour chacun, in situ, de
savoir distinguer ses propres expériences de celles évoquées
Précisément, dans ce type d’accompagnement, nous savons par le narrateur. Car l’effort doit porter sur l’écoute du récit
bien qu’une compétence, dépendante du contexte dans et ce qu’il exprime de singulier dans son rapport à la situation.
lequel elle s’inscrit, n’est jamais définitivement acquise. Les
ressources utilisées par le sujet reposent sur la mobilisation La compétence d’écoute active (Rogers, 1970) [34],
de plusieurs savoirs et savoir-faire (Scallon, 2007) [29]. précisément engagée à ce moment-là, aide à entendre le
Mobilisation de nature impliquante centrée sur le sujet « soi professionnel » jusqu’alors implicite qui émerge petit à
professionnel et qui facilite en Analyse Réflexive des Pratiques petit de la parole de l’autre. Cet autre différent qui investit
Professionnelles (ARPP) la production de déplacements des à sa manière et avec son style l’espace professionnel. Cette
« représentations internes du sujet », celles « liées à la psyché compétence à écouter l’altérité participe de la construction
du sujet, expression de sa singularité » (Giust-Desprairies, de la posture réflexive. L’écoute active demande un effort
2002) [30] et qui lui permettent par l’interprétation des d’attention et de bienveillance associée d’empathie difficile à
situations, de produire du sens. Toute séance est donc soutenir car des velléités de jugements latents sont souvent
une création qui active pour les participants d’une part, prêtes à surgir dans les propos ou dans les postures. Ainsi,
une nouvelle intelligibilité de la situation professionnelle, l’acquisition de cette compétence ne se fait pas sans résistance
d’autre part, qui invite les sujets à revisiter les systèmes car écouter en acceptant d’écarter une partie de ses propres
d’interprétation de leur environnement. Lorsque le cadre de repères est le signe d’un certain renoncement, d’une perte
travail accompagne la « maturité psychique groupale » (Clerc, vécue plus ou moins difficilement.
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2013) [31] à produire de nouvelles interprétations, il autorise
et sécurise la mise à l’épreuve de nouvelles compétences. Dans la conduite du groupe, l’animateur sera particulièrement
sensible aux états émotionnels explicites ou implicites. Afin
Le processus de co-élaboration ainsi organisé depuis l’écoute de permettre un dégagement, il les reformulera si besoin.
de la parole adressée, amplifie et accélère la dynamique L’évocation de ces moments pourra prendre place lors de la
d’implication de tous les participants, activant ainsi les prises « méta-analyse ».
de conscience des enjeux implicites d’une pratique.
z Savoir « lâcher prise » dans la phase
C’est aussi par la « transmission subjective du geste partagé » des questions factuelles
(Blanchard-Laville, 2008) [32], soutenue par l’animateur et
sa fonction contenante, que chaque sujet va s’autoriser à Chaque participant écoute le récit de la situation rapportée.
s’engager en confiance dans l’expérience commune. Confiance Cette « parole adressée » peut révéler, dans son message,
dans le cadre, confiance dans la conduite mais également dans des façons d’investir les places, les rôles, les misions, les
la perspective de possibles déplacements bénéfiques. actes professionnels en inadéquation, en décalage, voire en
opposition avec les représentations que chaque participant
s’en fait. La phase des questions factuelles va mettre à
Les compétences développées l’épreuve la posture de l’expert dans son « rapport au
dans le soutien du cadre et savoir » (Beillerot, Blanchard-Laville, Mosconi, 1996) [35],
du processus donc dans ce qui construit les repères forts de son identité
professionnelle. Accepter de s’éloigner d’une position
Durant ce processus4 (Rogers, 1968/1998) [5], source de d’expert, bien connue, va nécessiter un véritable « lâcher
nouvelles compétences en acte, les compétences à l’œuvre prise », vécu avec plus ou moins d’intensité et directement
se vivent à l’aune de l’apprentissage du groupe lui-même et lié aux sentiments éprouvés de mise en risque ou mise en
de l’évolution des analyses qui se succèdent dans le cadre du
5
Si la réflexion est à rapprocher d’un processus cognitif de rationalisation
de la perception lors d’une situation, le réfléchissement est pour sa part
4
« Le processus implique un changement dans la manière d’éprouver son l’expression subjective de ces perceptions par une mise en mots faisant surgir
expérience immédiate ». p. 47. les tensions affectives, cognitives et sociales ». (Vacher, 2011) [33].

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danger. Le sujet professionnel résiste, ses systèmes de défense dans l’après-coup et devenant à présent évidente. Cette
s’expriment par des tentatives de jugement, de conseil ou de révélation peut renvoyer au groupe la satisfaction d’un
solutions. Une tension interne se noue entre la tentation à accompagnement accompli.
garder la position sécurisante de l’expert et le lâcher prise,
vers une nouvelle posture à découvrir. z Prendre de la distance vers
de nouveaux déplacements
La règle de non-jugement et de bienveillance aide à pouvoir
s’appuyer sur la diversité des questions factuelles pour Avant de lever la séance, un temps peut être proposé
élargir et assouplir les premières perceptions subjectives. aux participants, s’ils le souhaitent, pour nommer les
Pour ce faire, chacun apprend à préciser ses questions, à déplacements vécus. Les mots de la « culture commune »
écouter celles qui sont émises et les réponses données. Par du métier sont alors utilisés. Certains expriment le besoin
cette modalité, s’ouvrent peu à peu de nouveaux espaces d’identifier la diversité des questions professionnelles qu’ils se
d’investigation portés par la dynamique du groupe. De sont posées. Bien sûr, l’enjeu n’est pas de donner de la valeur
nouvelles compréhensions s’organisent, elles se diversifient, aux hypothèses émises, mais peut-être souhaitent-ils mesurer
se complètent, se confrontent et s’intègrent peu à peu à la souplesse de leur pensée professionnelle ? Pour d’autres, ils
une pensée collective qui se déroule en direct, dans ont à cœur de nommer ce qui s’est joué, à leurs yeux, dans
l’ici et maintenant du travail. De chaque séance émane le processus du groupe et dans l’avancement de l’analyse. Ils
une dynamique particulière où chacun se déplace à son reviendront sur des moments clés où, par exemple, a surgi
rythme. De nouveaux rapports à la situation se déploient une idée forte. La co-pensée du groupe les a interpellés et ils
et se reconstruisent, les représentations se transforment. souhaitent revenir sur ces mécanismes. Au bout du compte,
L’altérité devient une richesse, la capacité de l’accepter chacun est sollicité dans ses capacités à prendre de la distance
développe une souplesse cognitive et psychique qui donnera et peut, s’il le souhaite, formaliser ce qu’il a repéré de différent
de la valeur au travail d’analyse collectif et engagera les dans la connaissance de soi et de son métier. Mettre en mots,
déplacements. ré-agencer autrement les idées permet de clarifier et de se
rendre disponible pour affronter les nouvelles questions
z Savoir associer et produire professionnelles à venir.
de nouvelles compréhensions
z Parler de soi et penser en groupe
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Quand l’animateur invite à investir la phase des hypothèses
interprétatives, la capacité de lâcher prise a été testée La capacité à produire une parole réflexive sur ce qui vient de
avec suffisamment de mise à l’épreuve pour que le se passer dans le processus d’analyse est personnelle et dépend
principe d’association soit à son tour éprouvé. L’étape de l’expérience et l’aisance de chacun à parler de soi, à penser
de la formulation des hypothèses va favoriser sa mise en dans un groupe. Cette « parole réflexive » témoigne d’une
œuvre. À ce moment de l’analyse les participants vont compétence qui s’acquiert progressivement en séance, mais
exposer, grâce au rapprochement d’informations et selon également bien au-delà des séances. Nous devons reconnaître
leur propre sensibilité, des pistes de compréhension de que la posture réflexive nécessite un apprentissage auquel il
la situation. C’est un moment important du dispositif, car faut laisser du temps. En ce sens, nous faisons confiance à ceux
ces interprétations vont se succéder et la richesse de leur qui s’y engagent. À ces fins, les groupes d’analyse réflexive des
contenu sera d’autant plus dense que le phénomène de pratiques représentent cet espace privilégié d’apprentissage
co-pensée se déploiera. Petit à petit, chacun va intégrer nécessaire à l’accompagnement des déplacements, à l’écoute,
une pensée dont il est, avec le groupe, le co-auteur. dans le respect des rythmes de chacun.
Chacun peut aussi apprendre à renoncer à exprimer une
idée, si celle-ci est émise par un autre ou déjà dépassée z Penser en groupe et développer
par l’évolution de la réflexion. C’est parce que tous les sa fonction contenante
participants développeront une écoute active de la parole
de l’autre, que les hypothèses s’enrichiront les unes des En séance, cette confiance se déploie grâce à la capacité
autres. Dans ce principe de mise en écho : ce que chaque de l’animateur à repérer ce qui affecte l’exposant ou des
« je » entend fait surgir dans la pensée de nouveaux membres du groupe à un moment donné de l’analyse. Il
points de vue, de nouvelles orientations de décryptage, identifie les troubles de la vie émotionnelle exprimée, en
de nouvelles compréhensions. Le principe d’association respecte a priori ses expressions singulières comme signe
permet ainsi à l’instance groupale de prendre corps. d’un vécu subjectif entendu. Par cette reconnaissance et
L’animateur guide le groupe à construire collectivement une acceptation, il ouvre aussi, aux yeux de tous, un espace
nouvelle intelligibilité, de nouvelles perspectives de sens. propice à contenir les émotions. Cette nouvelle expérience
L’exposant participe à cette co-élaboration en apportant, partagée accompagne le processus de transformation que
souvent en fin de séance, un éclairage inattendu de son le sujet professionnel ne pouvait élaborer et penser seul.
fonctionnement interne, comme une prise de conscience, En effet, ce savoir-faire permet aux sujets encombrés

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de nouvelles compétences

par un affect envahissant de ressentir in situ une sorte Conflits d’intérêts


de diffraction de ses émotions premières. Car s’il sait
accueillir et nommer avec empathie ce qui dérange Les auteurs de l’étude déclarent n’avoir aucun conflit
et perturbe, il autorise chacun à penser que la fragilité d’intérêts.
exposée ne représente pas un danger insurmontable dans
son estime de soi ou son sentiment d’existence, mais bien
un nouvel objet de travail complexe susceptible d’engager Références bibliographiques
une analyse originale, fine et dégagée. Nous sommes là
dans la même fonction théorisée par Bion et nommée
1. ALTET M. La formation professionnelle des enseignants. PUF, 1994.
« fonction contenante ». Ce qui nous conduit à valider l’idée
selon laquelle Ciccone (2001, 85) [15] affirme : « savoir 2. SCHÖN D. Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans
contenir une expérience singulière c’est la comprendre ». l’agir professionnel. Les Éditions Logiques, 1994.
Autrement dit, « contenir » c’est permettre de comprendre 3. PERRENOUD P. Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales,
dans le sens où l’expérience première se détache de ce qui condition de la professionnalisation ». In : Analyse de pratiques et
encombre le sujet professionnel pour aller vers un nouvel attitude réflexive en formation, INISAN, J.-F. (sous la direction de).
engagement dynamique et organisateur. CRDP de Champagne-Ardenne, 2004 ; 11-32.
4. CLERC N, MERINI C. L’analyse de pratiques en EPS, qu’en dire
Ce processus dynamique de déplacement nous invite à aujourd’hui ? Revue EPS : mars avril 2006 ; 64-68.
considérer avec attention le « processus de symbolisation »
5. R OGERS C.R. Le développement de la personne. Dunod,
nommé par Ciccone (2001) [15]. En analyse réflexive
1968/1998.
des pratiques professionnelles, ce processus est partagé
par les membres du groupe, qui à la fois par l’expérience 6. GIUST-DESPRAIRIES F. Nouveau millénaire, Défis libertaires.
puis par la mise en mots en méta-analyse, en développent L’identité professionnelle du point de vue de la psychologie
progressivement la compétence. sociale clinique, Université d’Automne, Analyse de pratiques et
professionnalité des enseignants, Actes de la DESCO, 2002.

Propos conclusifs 7. PERRENOUD P. Assumer une identité réflexive. Éducateur, 2005 ;


2 : 30-33.
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8. BALINT M. Le médecin, son malade et la maladie. Payot, 2003.
Ce développement est pour nous illustratif de la nécessité,
en formation de formateurs, de prendre en considération 9. BARUS-MICHEL J. Entre l’individuel et le social. Educations, 1996 ;
la complexité liée aux processus de transmission et 40-44.
d’acquisition. 10. G IUST-OLLIVIER A.C, OUALID F. Les groupes d’analyse des
pratiques, Nouvelle revue de psychosociologie, Eres, 2011 : 11.
Dans cette complexité, la « fonction du groupe » facilite la 11. B LANCHARD-LAVILLE C. Les enseignants entre plaisir et
mise au travail, en produisant du « commun » pour donner souffrance. Presse Universitaire de France, 2001.
le ton à la créativité collective. Chaque groupe d’analyse
réflexive de pratiques reste original dans son évolution, 12. BARUS-MICHEL J, GIUST-DESPRAIRIES, F., RIDEL, L. Crises,
approche psychosociale clinique. Desclée de Brouwer, 1996.
dans sa façon de se transformer. La relation que le groupe
entretient avec son évolution ne s’anticipe pas, elle se vit 13. rapport de l’université de l’académie de Reims, 2005. www.univ
in situ sous la vigilance du formateur attentive à contenir reims.fr/gallery_files/site/1/90/4401/5803/5807/5809.pdf,
les mouvements de déplacement et les manifestations de consulté le 25 mars 2013.
réserve, de trouble, d’incertitude comme celles de nouveaux 14. BEILLEROT J. L’analyse des pratiques professionnelles, pourquoi
dégagements. cette expression ? In : Analyser les pratiques professionnelles,
BLANCHARD-LAVILLE C., FABLET D. (sous la coordination de).
S’engager dans le processus de co-élaboration suppose de L’harmattan, 1998 ; 19-24.
traverser des moments de déséquilibre émotionnel et de 15. C ICCONE A. Enveloppe psychique et fonction contenante :
perte de repères. Sous la conduite de l’animateur, le groupe modèles et pratiques, Cahiers de psychologie clinique, 2001 ;
s’exerce à contenir les aléas, les hésitations, les émotions 17 : 81-102.
de chacun, comme l’émergence de découverte éclairante et
16. CLOT Y, FAÏTA D. Genres et styles en analyse du travail, Concepts
d’inattendu. Pris dans ce processus, le sujet professionnel,
et méthodes. Travailler, 2000 : 4, 7-42.
lorsqu’il parvient à lâcher prise, à associer et accepter de
se laisser guider et contenir, va chemin faisant, découvrir 17. B LANCHARD-LAVILLE C. L’analyse clinique de situations
une nouvelle expérience partagée, porteuse de nouveaux d’enseignement et de formation : un espace pour élaborer ses
repères. Cette expérience lui permet alors de se situer dans pratiques professionnelles », Conférence de consensus 25/01,
2006.
l’appropriation de la posture réflexive et l’acquisition de ses
nouvelles compétences. 18. BLANCHARD-LAVILLE C. Au risque d’enseigner. PUF, 2013.

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