Reexamen de La Metodologia Freudiana - Julieta de Battista
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Julieta De Battista
Sidi Askofaré
en même temps que sur tout à parts égales. L’analyste se sert ainsi de son
inconscient comme instrument de l’analyse et fait confiance au domaine de
l’inconscient dans l’établissement de la trame. Les communications de l’ana-
lyste au patient ne sont pas le résultat d’un travail de recherche théorique sur
le cas ; et quand elles le sont, la dimension de suggestion devient prévalente
et conduit à une sortie du discours analytique. Aussi, nous n’allons pas nous
occuper ici de cette dimension importante – et qui pourrait être discutée plus
amplement et plus exhaustivement –, dans la mesure où ce que nous visons à
mettre au jour et contribuer à élaborer est : comment et à quelles conditions
fait-on de la recherche en psychanalyse ? On peut d’ores et déjà énoncer la
thèse freudienne de 1912 quitte à l’interroger et éventuellement à l’enrichir :
une fois le traitement fini, l’analyste peut soumettre le matériel acquis au
travail synthétique de la pensée. Là commence la tâche du chercheur.
Freud recommande de ne pas avancer dans l’élaboration théorique du
cas tandis que le traitement est encore en cours. Il ne conseille pas non plus
de s’occuper d’un patient dans un but scientifique. Chaque cas requiert un
abord sans prémisses préalables et l’analyste pourra passer de la position
analytique à la position du chercheur selon la situation dans laquelle il se
trouve. De cette oscillation des positions dépend le placement correct de
l’analyste dans l’analyse et dans la recherche. Freud établit ainsi une première
différence entre la position de l’analyste et la position du chercheur. Toutes
les deux se différencient aussi de la position du philosophe qui cherche une
solution complète, une Weltanschauung, à laquelle l’analyste renonce.
Dans la mesure où l’analyste doit s’abstenir de faire de la recherche
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1. Lacan suit Freud sur cette voie : « Que concernent les formules dans la psychanalyse ?
Qu’est-ce qui motive et module ce glissement de l’objet ? Y a-t-il des concepts analytiques d’ores
et déjà formés ? Le maintien presque religieux des termes avancés par Freud pour structurer
l’expérience analytique, à quoi se rapporte-t-il ? S’agit-il d’un fait très surprenant dans l’histoire
des sciences – que Freud serait le premier, et serait resté le seul, dans cette science supposée,
à avoir introduit des concepts fondamentaux ? Sans ce tronc, ce mât, ce pilotis, où amarrer
notre pratique ? Pouvons-nous dire même que ce dont il s’agit, ce soit à proprement parler
des concepts ? Sont-ils des concepts en formation ? Sont-ils des concepts en évolution, en
mouvement, à réviser ? » J. Lacan (1964), Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux
de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973, p. 15.
2. Dans ce qui suit, nous préférons utiliser le terme allemand « erraten » au lieu de sa traduction
française la plus souvent utilisée « deviner ». Étant donné que nous ne trouvons pas un terme
en français qui réunisse les acceptions du terme en allemand et du fait que « deviner » entraîne
le risque de réduire le terme à son acception plus hasardeuse, nous décidons de conserver le
terme dans sa langue originale.
tout à fait déductif, procède d’une méthode : la lecture des indices. Quoiqu’il
s’agisse d’un procédé intellectuel, il laisse place aussi à la contingence.
C’est au procédé d’erraten que Freud réserve l’origine de ces idées
abstraites, présupposées, sorties non seulement de l’expérience actuelle
mais aussi de l’expérience passée. La réduction d’erraten à l’acception de
« deviner » peut entraîner des lectures problématiques. C’est le cas, croyons-
nous, de celle de P.-L. Assoun qui privilégie le phantasieren comme travail
de production d’un concept métapsychologique. Il cite la lettre de Freud à
Fliess du 25 mai 1895, dans laquelle ce dernier présente une série des verbes
– phantasieren (imaginer), ubersetzen (transposer) et erraten (deviner) – pour
nommer son travail de pensée. Assoun met l’accent sur le phantasieren qui
désigne, à son avis, l’essentiel du processus, lui donnant la place principale
dans la logique de la découverte freudienne : « Le traitement théorique
s’alimenterait donc à une logique de l’inconscient homologue dont la racine
commune serait le phantasieren » (Assoun, 1981, p. 91). Pour notre part, nous
considérons qu’il convient de distinguer cette logique d’une logique liée à la
fantasmatique, ou au sens imaginaire. L’inconscient n’est pas l’homologue
du fantasme. Et, en tout cas, le terme le plus souvent employé par Freud pour
se référer à la logique de la tâche de l’analyste et du chercheur est celui d’er-
raten. Assoun réserve le terme erraten à la traduction française « deviner »,
ce qui le conduit à dire que ledit terme connote le « caractère erratique du
travail engagé […] “deviner” ce qui nous mène aux confins de la rationalité
et de la forme “scientifique” du savoir » (ibid., p. 92). Mais, comme on vient
de le montrer, erraten n’implique pas seulement le fait de deviner. Ce qui est
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3. Freud affirme cette idée lors de la séance du premier avril 1908 de la Société psychanalytique
de Vienne : « Malgré les similitudes que beaucoup ont relevées entre lui et Nietzsche, Freud
peut assurer que les idées de Nietzsche n’ont eu aucune influence sur ses travaux. Pour montrer
combien la genèse des idées nouvelles est complexe et parfois étrange, Freud raconte à cette
occasion comment est née son idée de l’étiologie sexuelle des névroses : trois grands médecins,
Breuer, Charcot et Chrobak, avaient exprimé cette idée en sa présence. Mais ce fait ne lui revint
à la mémoire que plus tard, lorsqu’il dut justifier son idée contre la réprobation [générale]. »
clinique qui enseigne, non la théorie. « La théorie, c’est bon, mais ça n’em-
pêche pas d’exister », était l’une des phrases de Charcot que Freud préférait,
qui l’avait réveillé de la tradition rationaliste de la pensée allemande. Ce
respect pour l’expérience clinique est l’une des caractéristiques fondamen-
tales de la méthode de recherche freudienne.
L’expérience est donc souveraine. Les catégories théoriques comptent
si elles permettent de saisir avec précision cette expérience, en s’animant
de ce fait. Le rôle de la clinique n’est pas celui d’illustrer ou d’exemplifier,
mais plutôt celui d’une mise à l’épreuve de la théorie (Abelhauser, 2004,
p. 303-310).
Le point de départ est alors la clinique, mais il s’agit d’une expérience
clinique nouvelle, différente de la clinique psychiatrique connue à ce
moment-là. Il s’agit d’une expérience clinique déterminée par le dispositif
créé par Freud : un dispositif de parole où il faut parler librement même
si l’on sait a priori que cette liberté est contrainte. C’est une expérience de
langage où la souffrance occupe la place centrale. Mais, comment se fait-il
que l’analyste puisse faire de la recherche à propos d’une expérience par
laquelle il est intimement concerné ? Et l’analyste-chercheur ? La formation
de l’analyste affecte-elle l’analyste-chercheur ?
Conclusion
Bibliographie
Résumé
L’article s’inscrit dans le champ plus vaste de la méthodologie de la recherche dans les
sciences humaines et propose une réflexion sur l’apport freudien à partir de l’examen
de quelques énoncés concernant les différences entre la position du chercheur et la
position de l’analyste. Cette réflexion permet de faire une lecture des pas que Freud
reconnaît dans son travail de recherche et propose aussi comme problématique
l’inclusion de l’inconscient dans l’activité du chercheur. Que fait l’analyste quand il
fait de la recherche ? Se sert-il de son inconscient comme instrument de recherche ?
Fait-il confiance au domaine de l’inconscient dans l’élaboration de la trame ?
L’inclusion de la dimension de l’inconscient dans la réflexion sur la méthodologie
de la recherche en psychanalyse permet de repenser les possibles « points aveugles »
du chercheur, qui apparaissent sous la forme des présuppositions et préjugés. Cette
inclusion éclaire aussi une autre dimension de la recherche : celle de l’originalité
Mots-clés
Recherche, méthode, psychanalyse, Freud, inconscient, deviner, objectivité, subjectivité,
présuppositions, clinique.
Summary
The article is part of a wider field of research methodology in the human sciences
and proposes a reflection on the Freudian contribution from the review of some
statements concerning the differences between the researcher`s position and the
analyst’s position. This reflection allows for a critical reading of Freud`s research
work steps and proposes as a problematic topic the inclusion of the unconscious
in the researcher work. The question that arises is : what does the analyst do when
he’s doing research ? Does he use his unconscious as a research tool ? Does he trust
the domain of the unconscious in the development of the plot ? The inclusion of the
dimension of the unconscious in the reflection on the methodology of research in
psychoanalysis can rethink possible « blind spots » of the researcher, which appear
in the form of presuppositions and prejudices. This inclusion also clarifies another
dimension of the research : the originality of the findings. The article concludes
that the research analyst introduces a new conception of objectivity in research :
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Keywords
Research, methodology, psychoanalysis, Freud, unconscious, guess-objectivity, subjectivity,
presuppositions, clinic.