Texte 1 - Le Merle - Cours Version Complete
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Introduction
[Amorce éventuelle]
[Présentation : auteur et contexte, oeuvre, texte]
En 1930, Colette, âgée de 57 ans, publie Sido, récit autobiographique, qui poursuit le travail de
remémoration et d’hommage au monde de l’enfance entrepris en 1922 avec La Maison de Claudine.
Elle cherche à retrouver la petite fille qu’elle était, mais surtout sa mère Sido. Celle-ci est la figure
centrale de ce récit autobiographique. La première partie lui est entièrement consacrée et son
influence sur le reste de la famille est perceptible dans la deuxième et la troisième parties
consacrées au père de Colette et à ses frères et soeurs. Dans cet extrait, Colette tente de faire
percevoir la personnalité singulière de sa mère à travers une anecdote.
[Problématique]
Comment Colette rend-t-elle hommage à sa mère dans ce texte ?
Quel portrait de sa mère Colette dresse-t-elle dans ce texte ?
[Mouvements du texte ]
1. Présentation : le portrait d’une femme exceptionnelle (l. 1 à 7)
2. Récit : une anecdote révélatrice (l. 7 à la fin)
1. Présentation très rapide et efficace : présentation apparemment neutre (Sido est désignée par
cette Française : déterminant démonstratif cette + origine géographique). Sommaire de l’existence
de sa mère : enfance / adolescence / adulte. Associée à des lieux géographiques : Yonne / Belgique /
Yonne, et à des activités : enfance rien / adolescence : vie culturelle et intellectuelle très riche / âge
adulte : mariages.
2. Un choix de vie étonnant : choix singulier de retourner en Bourgogne à l’âge adulte : renonce à
la vie urbaine en Belgique, à la proximité avec sa famille (frères aînés s’y sont fixés = verbe fixés =
stabilité) et à un environnement culturel et intellectuel très riche : énumération méliorative :
fréquente des artistes (peintres et musiciens très talentueux : adj virtuose), des intellectuels -
(journalistes).
Colette exprime ensuite toute son admiration pour sa mère pour les qualités exceptionnelles dont
elle fait preuve.
Colette, dans une démarche déductive, raconte une anecdote qui vise à illustrer le caractère de sa
mère. L’anecdote cocasse permet de comprendre comment Sido se démarque du commun des
mortels.
A. Situation initiale
Je l’ai vue suspendre, dans un cerisier, un épouvantail à effrayer les merles, car l’Ouest, notre
voisin, enrhumé et doux, secoué d’éternuements en série, ne manquait pas de déguiser ses cerisiers
en vieux chemineaux et coiffait ses groseilliers de gibus poilus.
- on trouve un exemple de ce que Sido désigne par l’expression un peu méprisante de « commun
des mortels » dans le personnage du voisin. Il est caractérisé de manière comique, dans une
métonymie qui le réduit à sa localisation l’Ouest (l. 8) et à ses salves d’éternuements en série (l.
8). Ce personnage déjà comique en soi s’efforce de protéger son verger contre les merles à l‘aide
d’épouvantails, qui prennent l’allure de vieux chemineaux (l. 9) et en coiffant ses groseilliers de
gibus poilus : plusieurs procédés renforcent le comique de la scène, qui prend l’allure d’un
tableau grotesque : les personnifications (verbes déguiser et coiffait), l’antithèse entre
chemineaux et gibus, et la qualification par l’adjectif poilus appliquée aux gibus.
- Dans un premier temps, la mère de Colette semble séduite par cette lumineuse idée et elle installe
aussi un épouvantail à effrayer les merles pour les dissuader de picorer ses cerises.
= la situation initiale dévoile comment la mère de Colette semble se conformer aux petites lumières
(l. 6) de son voisinage.
B. Situation finale
Peu de jours après, je trouvais ma mère sous l’arbre, passionnément immobile, la tête à la
rencontre du ciel d’où elle bannissait les religions humaines...
– Chut !... Regarde...
– Mais maman, l’épouvantail…
– Chut !... l’épouvantail ne le gêne pas…
– Mais, maman, les cerises !…
Ma mère ramena sur la terre ses yeux couleur de pluie :
– Les cerises ?... Ah ! oui, les cerises…
Dans ses yeux passa une sorte de frénésie riante, un universel mépris, un dédain dansant qui me
foulait avec tout le reste, allègrement…
Après une ellipse (Peu de jours après l. 10), qui passe sous silence l’élément perturbateur et les
péripéties (= ellipse qui renforce l’efficacité du récit), le lecteur découvre la situation finale : il
comprend comment Sido a éteint ces petites lumières et a retrouvé la clarté originelle.
3. Un échange comique
– Mais maman, l’épouvantail…
– Chut !... l’épouvantail ne le gêne pas…
– Mais, maman, les cerises !…
Ma mère ramena sur la terre ses yeux couleur de pluie :
– Les cerises ?... Ah ! oui, les cerises…
- Passage au discours direct : dialogue comique entre Colette et sa mère. L’attitude de Sido
déclenche l’incompréhension de la petite fille ( – Mais maman, l’épouvantail… l. 18 / – Mais,
maman, les cerises !... l. 20). Sido ne pense plus à chasser les oiseaux, et au contraire s’oublie
dans la contemplation du merle. Dans un renversement comique, elle déclare : l’épouvantail ne le
gêne pas… (l. 19). L’insertion de ce dialogue aux répliques courtes dynamise ce petit récit qui
montre de manière cocasse la véritable nature de Sido qui n’obéit pas à la logique du commun
des mortels.
- Sido cesse alors d’observer le merle et ramène sur la terre ses yeux (l. 21). Après l’envolée
signalée l. 11 (tête était à la rencontre du ciel.), retour au réel : interrogation les cerises ? Puis :
points de suspension.
- Colette évoque la couleur des yeux de sa mère dans une formulation qui souligne la fusion de
Sido avec la nature : ses yeux couleur de pluie (l. 21).
Conclusion
[Bilan] Dans ce portrait, Colette peint sa mère comme un esprit libre, prompt à s’écarter des
sentiers battus. Elle évoque aussi sa capacité à s’émerveiller devant le spectacle quotidien de la
nature. Elle célèbre « sa clarté originelle », c’est-à-dire sa capacité à voir la beauté du monde dans
une anecdote pétillante. Cet hommage est original car Colette ne masque pas les aspects plus
contestables de la personnalité de sa mère : son indifférence aux autres, sa singularité assumée.
[Ouverture] Ce texte, dans lequel s’exprime l’admiration de Colette pour sa mère, nous permet
également de comprendre d’où Colette tient son regard sur le monde. Dans ses œuvres, elle
applique les injonctions maternelles : elle se tait, elle regarde et cherche à saisir la beauté du monde.
Dans « Maquillages », Colette observe avec tendresse les femmes en mettant en application les
préceptes maternels : « J’écoute, mais surtout je regarde. »