Alerte Foncier-Prise de Position
Alerte Foncier-Prise de Position
Alerte Foncier-Prise de Position
Novembre 2018
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SOMMAIRE
SOMMAIRE ......................................................................................................................................................... II
INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 1
CHAPITRE 1......................................................................................................................................................... 3
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 28
ANNEXE .............................................................................................................................................................. 32
ii
SIGLES ET ABREVIATIONS
AFOR : Agence Foncière Rurale
CGFR : Comité de Gestion Foncière Rurale
CVGFR : Comité Villageois de Gestion Foncière Rurale
DFR : Direction du Foncier Rural
DFRCR : Direction du Foncier Rural et du Cadastre Rural
DPF : Déclaration de Politique Foncière
LOACI : Loi d’Orientation Agricole de Côte d’Ivoire
MINADER : Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PND : Plan National de Développement
PNRO : Programme National de la Réglementation de l’Orpaillage
PNSFR : Programme National de Sécurisation du Foncier Rural
RGIDR : Réseau Géodésique Ivoirien de Détail Rural
RGIO : Réseau Géodésique Ivoirien Opérationnel
RGIR : Réseau Géodésique Ivoirien de Référence
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RESUME EXECUTIF
L’importance de la question foncière rurale en Côte d’Ivoire a débouché, à la fin de la décennie
90, sur la mise en œuvre de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier
rural. Cependant, depuis une vingtaine d’années, l’application de cette loi connaît de nombreux
soubresauts au niveau de la politique foncière du pays, justifiant les difficultés dans l’exécution
effective de la loi. Aujourd’hui, ce constat de la difficulté d’application de la loi est traduit dans
un ensemble de documents de référence, aussi bien au niveau des conclusions de textes et
documents officiels traitant de la question foncière (amendements ou modifications des textes
législatifs, Déclaration de Politique Foncière, etc.) que de nombreux rapports et autres
documents d’horizons divers (conférences et ateliers, experts et société civile, centres de
recherches et instituts de développement, etc.) analysant la loi elle-même ou la politique
foncière rurale dans sa globalité.
C’est dans ce cadre qu’intervient ALERTE-Foncier, plateforme de la société civile ayant pour
centre d’intérêt la réflexion sur la thématique du foncier. Le présent document est le résultat
d’une analyse globale de la mise en œuvre de la politique foncière en milieu rural et se traduit
par ce qu’on peut appeler la « Prise de Position de ALERTE-Foncier ».
ALERTE-Foncier va bâtir son analyse autour d’un ensemble de faits (état des lieux) dont les
principaux points sont la politique foncière rurale de l’Etat, sa mise en œuvre et le bilan actuel.
De ces éléments ressortiront un certain nombre d’analyses dont les plus significatives
concerneront les points suivants : contours des textes législatifs et réglementaires, structures
d’accompagnement de la politique foncière, environnement « confligène » dans la gestion des
terres, limites de la certification et de l’immatriculation foncière.
Il s’agira également dans cette prise de position d’ALERTE-Foncier et à la suite des analyses,
d’identifier les principales recommandations pour réorienter la mise en œuvre de la politique
foncière rurale conduite par l’Etat. A ce niveau, la plateforme partage entièrement certaines
recommandations plus globales retenues par la Déclaration de Politique Foncière, dont
particulièrement la « réécriture de la Loi dans certains de ses articles », à cause de leur
imprécision et des interprétations diverses qui s’y rattachent.
Il est relevé aussi des recommandations plus précises, notamment celles relatives à la
simplification de la procédure de certification, de la subvention et de la clarification des
montants des frais d’obtention du certificat foncier, de l’admission des titres collectifs pour
éviter le morcellement des terres après l’obtention du certificat foncier collectif.
iv
Relativement à la population rurale dans la gestion de son patrimoine foncier, on pourrait retenir
des recommandations allant dans le sens de la qualité et du support de l’information dans le
cadre de la sensibilisation sur la politique foncière de l’Etat. La mise en place d’une Autorité
de Régulation du Marché Foncier Rural reste également une recommandation forte dans le
cadre de la gestion de ce patrimoine individuel ou collectif.
v
INTRODUCTION
En 1998, la Côte d’Ivoire se dote d’un nouveau code foncier rural, la loi n° 98-750 du 23
décembre 1998 relative au domaine foncier rural. Cette loi constitue le principe directeur de sa
politique foncière. La mise en œuvre de cette loi s’inscrit dans un contexte national de crises
multiples (conflits fonciers, crise économique, crises socio-politiques). L’objectif général de
cette loi est la transformation des droits fonciers coutumiers en droits de propriété privée. De
manière spécifique, elle vise à : apporter une sécurité foncière en milieu rural ; réduire ou au
mieux mettre fin aux récurrents conflits fonciers en milieu rural; fournir un cadre juridique
précis pour le règlement des conflits; légaliser le marché foncier et donner une vraie valeur
marchande à la terre rurale; contribuer à sécuriser dans la durée les investissements réalisés sur
le domaine foncier rural; faciliter le passage au droit moderne en termes de sécurisation dans la
durée des terres rurales pour les différents types d’exploitants; enfin encourager le retour ou le
maintien des jeunes à la terre sur un bien foncier familial clairement identifié et sécurisé.
Depuis son adoption, la loi sur le foncier rural est confrontée à de nombreuses difficultés, liées
principalement aux crises sociopolitiques à répétition avec le foncier comme trame de fond, aux
contextes spécifiques culturels des milieux ruraux, et à d’autres contraintes inhérentes à la loi
elle-même. Aujourd’hui, la loi, malgré les amendements successifs de certaines dispositions
afin de faciliter sa mise en application, la loi reste encore largement inappliquée. Ainsi, après
plus de 18 ans, sa mise en œuvre de la loi n’a pas encore atteint les résultats escomptés, surtout
en termes de certification massive des terres rurales et d’immatriculation. Il en est de même
pour la délimitation des territoires de villages. La sécurisation du domaine foncier rural demeure
donc pour l’Etat un défi majeur.
1
réflexion prospective s’inscrit dans le débat et la recherche des réponses aux préoccupations de
gouvernance foncière en Côte d’Ivoire. L’objectif principal de ALERTE-Foncier est de «
contribuer à l’adoption et la mise en œuvre d’une politique foncière (règles d'accès,
d'exploitation et de contrôle de la terre) juste et équitable, permettant à toute personne de jouir
de ses droits élémentaires, la réduction des litiges fonciers, l’amélioration de la cohésion sociale
et un développement durable et inclusif ».
Le présent document est donc une prise de position d’ALERTE-Foncier sur certains aspects de
la politique foncière en Côte d’Ivoire. Cette prise de position s’appuie sur les différents
documents officiels, les études d’institutions et de centres de recherches, les analyses de divers
documents de conférences et ateliers sur les politiques foncières en milieu rural.
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CHAPITRE 1
LA POLITIQUE FONCIERE RURALE DE L’ETAT ET SA
MISE EN OEUVRE
Le texte législatif de base qui structure la politique foncière de l’Etat ivoirien est la loi n°98-
750 du 23 décembre 1998 relative au Domaine Foncier Rural. Cette section consiste à dresser
un état des lieux de la politique foncière de l’Etat axé sur la loi relative au domaine foncier
rural, la déclaration de politique foncière et le cadre institutionnel de cette politique.
Cette loi est le principal instrument pour transformer les droits coutumiers en droit de propriété.
Dans la vision de l’Etat, soutenue par ses partenaires au développement, ce processus devrait
favoriser le développement économique et social et préserver la paix en Côte d'Ivoire.
Suite à quelques difficultés relatives à la mise en application de la loi, ce texte législatif a été
modifié par les lois n° 2004-412 du 14 août 2004 portant amendement de l’article 26 de la loi
n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural et n° 2013-655 du 13
septembre 2013 relative au délai accordé pour la constatation des droits coutumiers sur les terres
du domaine coutumier. Cette loi est accompagnée de cinq décrets et quinze arrêtés.
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foncier rural, (ii) Cadre de politique de référence, (iii) Vision, objectifs et principes directeurs,
(iv) Orientations stratégiques, (v) Mise en œuvre de la politique.
Cette action se traduit par la sécurisation foncière, les moyens qui s’y rattachent et les
informations/formations de la politique foncière.
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1.2.1. Sécurisation foncière
La sécurisation foncière est l’ensemble des actions visant à sécuriser les droits liés à la terre ;
elle est donc relative à la certification et à l’immatriculation des terres rurales. La procédure de
certification (délivrance de certificats fonciers) est définie par le décret n°99-594 du 13 octobre
1999 fixant les modalités d'application au Domaine Foncier Rural coutumier de la loi n°98-750.
Ce décret précise également les modalités de transformation du certificat foncier en titre foncier
par la procédure d'immatriculation. La procédure d’acquisition du certificat foncier commence
par l’obtention de la liasse qui ne s’obtient qu’à Abidjan. De la liasse à l’obtention du certificat
foncier, on enregistre actuellement 13 étapes.
Le détenteur du certificat foncier doit requérir l’immatriculation de la terre correspondante dans
un délai de trois ans à compter de sa date d’acquisition. Les coûts d’obtention du certificat et
du titre foncier sont à la charge du demandeur.
Moyens humains
Moyens matériels
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Le niveau 3, Réseau Géodésique Ivoirien de Détail Rural (RGIDR), reste à installer ; il
comporte une borne tous les 5 kms. L’installation du réseau géodésique ivoirien est donc
incomplète.
Moyens financiers
Le financement de la politique foncière est essentiellement assuré par l’Etat en partenariat avec
des partenaires au développement (Union Européenne, Banque Mondiale, AFD) et des ONG.
Le financement des ONG consiste en l’exécution de projets, entre autres : la délimitation des
terroirs villageois, la formation des acteurs et organes intervenant dans le processus de
certification foncière, la vulgarisation du code foncier dans des zones ciblées.
Ce bilan se traduit principalement par la formation des acteurs, l’installation des comités
fonciers ruraux, la délimitation des territoires, les terres concédées, les baux emphytéotiques,
les certificats et titres fonciers1.
- Préfets et Sous-préfets
- Présidents de Conseils Généraux,
1
Les données statistiques utilisées dans ce paragraphe sont simplement indicatives ; elles datent du
21 mars 2017 et sont disponibles sur le site officiel du foncier rural
(http://www.foncierural.ci/index.php/statistiques). Ces chiffres devraient être actualisés chaque fois pour
une meilleure analyse du bilan de la politique foncière
6
- Directeurs Départementaux de l’Agriculture,
- Agents fonciers du MINAGRI,
- Commissaires-enquêteurs du MINAGRI,
- Directeurs Départementaux de l’Agriculture,
- Conservateurs de la propriété foncière et des hypothèques,
- Présidents et Secrétaires de CVGFR.
Des Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale (CVGFR) ont été créés dans les chefs-lieux
de départements. Les premiers départements ayant abrité ces comités villageois sont :
Abengourou, Agnibilékrou, Daloa, San Pedro, Sassandra, Soubré, Tabou.
- Abengourou : 51 villages
- Agnibilékrou : 47 villages
- Alepé : 1 village
- Bangolo : 3 villages
- Béoumi : 17 villages
- Bondoukou : 4 villages
- Daloa : 40
- Daoukro : 8 villages
- Grand-Bassam : 6 villages
- Korhogo : 27 villages
- Méagui : 28 villages
- Sassandra : 1 village
- Soubré : 1 village
- Toulepleu : 27 villages.
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1.3.4. Terres concédées et baux emphytéotiques
Le domaine foncier rural concédé est constitué des terres concédées par l’Etat à titre provisoire
antérieurement à la loi n°98-750 du 23 décembre 1998. Deux types de concessions sont
concernés : les concessions provisoires sous réserve des droits des tiers et les titres d'occupation
qui peuvent leur être assimilés. Les bénéficiaires de ces titres d’occupation sont invités à
consolider leurs droits par l’immatriculation.
Le bail emphytéotique est un contrat de location portant sur une terre rurale et consenti pour
une durée comprise entre 18 et 99 ans. Il s’agit d’un contrat entre l’Etat et les personnes non
admises à la propriété foncière relativement à l’article1 du code foncier rural. On notait déjà en
2017 que l’état statistique du foncier rural indiquait 353 concessions définitives, 2193 arrêtés
de concessions provisoires et 402 baux emphytéotiques.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1998, on comptait en 2017, seulement 3857
certificats fonciers sur un total de 500 000 (0,08%) et 1262 titres fonciers (environ 4%) ont été
délivrés. Même s’il est constaté une évolution croissante hebdomadaire de ces chiffres, le taux
de délivrance de ces documents reste pour l’essentiel très faible.
Après avoir fait un état des lieux de la politique foncière de l’Etat et de sa mise en œuvre, le
chapitre suivant entre dans l’analyse de certains points de la politique foncière de l’Etat.
L’analyse de chaque point de débat est suivie de la prise de position d’ALERTE-Foncier sur le
problème traité.
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CHAPITRE 2
La politique foncière ivoirienne est fondée sur la formalisation systématique des droits fonciers
coutumiers. Elle vise à substituer la propriété privée individuelle aux droits coutumiers
(collectifs) exercés sur les terres rurales. Cette politique entre en contradiction avec la logique
de la propriété dans les systèmes fonciers coutumiers. Le passage des droits coutumiers aux
droits de propriété privée, individuels devrait se faire dans un délai de 10 ans.
Pour ALERTE-Foncier, même dans le processus d’acquisition des terres individuelles, le délai
de 10 ans, prévu par les textes, pour le passage des droits coutumiers collectifs vers des droits
de propriété individuels paraît irréaliste. Ce passage pourrait laisser apparaître des résistances
dans la mutation d’octroi de ce bien collectif.
Il convient alors, pour ALERTE-Foncier, d’aller vers une transition souple et « douce » qui
s’inscrit dans la dynamique de l’évolution des sociétés rurales.
Le décret n°99-594 du 13 octobre 1999 fixant les modalités d’application au domaine foncier
rural coutumier définit la procédure de délivrance du certificat foncier et la procédure de
l’immatriculation. Dans l’article 28, il est mentionné que : « En cas de certificat collectif ou
d’indivision entre héritiers, l’immatriculation est faite par morcellement, au nom des divers
membres du groupement ou de l’indivision ou au nom de l’Etat en cas de conflits ». Cette
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obligation de morcellement peut constituer un obstacle au recours à l’immatriculation. La
conséquence immédiate est le risque de dépossession des terres rurales des populations au profit
de l’Etat.
Pour ALERTE-Foncier, l’initiative du morcellement doit être laissée au libre choix des entités
qui détiennent des droits collectifs sur des patrimoines fonciers.
Du point de vue de certains analystes (Dagrou, 2007 ; Varlet, 2014 ; Inades, 2016 ; Chauveau,
2017), la loi de 1998 contient certaines notions difficiles à définir. Dans le document de
Déclaration de Politique Foncière, ces dispositions sont aussi montrées comme des faiblesses
du cadre juridique de la politique foncière. Au titre de celles-ci, on peut relever :
ALERTE-Foncier suggère une clarification et une formulation plus explicite de ces notions afin
que la compréhension soit plus accessible à tous.
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2.1.5. Déclaration de Politique Foncière
Face aux entraves à la mise en œuvre de la loi foncière de 1998, le gouvernement ivoirien a
donné une nouvelle vision à la politique foncière, à travers l’adoption du document de
Déclaration de Politique Foncière. La méthodologie (approche participative et inclusive) et le
contenu du document (diagnostic approfondi, prise en compte des analyses et améliorations
suggérées par la société civile et des experts) sont des avancées de cette nouvelle politique
foncière. Une autre avancée est la subvention de la sécurisation des biens fonciers des ménages
vulnérables, des femmes et des jeunes par le pouvoir public et avec le bénéfice des avantages
fiscaux.
Toutefois, pour ALERTE-Foncier, des zones d’ombre existent encore dans cette politique
foncière :
ALERTE-Foncier encourage alors le financement systématique (prévu pour les projets qui vont
démarrer en 2019) des opérations de sécurisation des terres de ceux qui le demandent.
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2.1.6. Concessions foncières et contentieux entre Etat et populations
En Côte d'Ivoire, le classement des forêts s'est opéré contre les intérêts des populations
autochtones qui ne cessent de revendiquer les terres mises sous cloche depuis l’époque
coloniale. Cependant, pour faire face à certains besoins sociaux, de l'époque coloniale à 1990,
70 forêts ont été déclassées partiellement ou totalement, soit une superficie de 500 000 hectares.
Le déclassement des forêts profite souvent à des élites de la ville ayant un accès privilégié à
l’information sur ces processus. Les terres leurs sont alors cédées au détriment des populations
riveraines.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de 98, ce sont donc ces nouveaux occupants qui
iront à l’immatriculation consolider leurs droits fonciers sur ces terres de forêts déclassées. De
même, ce sont les détenteurs de « concessions sous réserve des droits des tiers » qui devront
consolider leurs droits fonciers au détriment des détenteurs initiaux.
L’option de la location de longue durée des terres (bail emphytéotique) entre l’Etat et les
personnes non admises à la propriété foncière rend le système foncier rural ivoirien poreux. En
effet, le bail emphytéotique, dans la mesure où il peut s’étendre sur une durée de 99 ans
comporte de ce fait de forts risques de spoliation des terres rurales.
Les Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale (CVGFR) sont régis par le Décret n°99-
593 du 13 octobre 1999 portant organisation et attributions des Comités de Gestion Foncière
Rurale (CGFR) et par l’Arrêté n°041 MEMID/MINAGRA du 12 juin 2001 relatif à la
constitution et au fonctionnement des Comités de Gestion Foncière Rurale.
Dans le dispositif de sécurisation foncière, les CVGFR jouent un rôle déterminant. Mais, le
constat est que certains de ces comités n’existent pas en réalité. Ils fonctionnent difficilement
parce que leurs membres n’ont pas toujours la formation nécessaire pour jouer pleinement leur
rôle. Le caractère non fonctionnel viendrait aussi de blocages de la part de certains chefs de
village et de canton qui ne comprennent pas la nécessité de se faire délivrer des titres de
propriété là où la coutume gère bien déjà la question de la propriété foncière. D’autres CVGFR
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se sont mués en tribunaux coutumiers ou en véritables gestionnaires des litiges fonciers, sortant
ainsi de leur attribution première qui est de participer aux enquêtes officielles ou de constater
l’existence des droits coutumiers sur les parcelles à sécuriser. Les CVGFR sont également
confrontés à des problèmes de légitimité et représentativité dans les villages, d’où la méfiance
des populations et des autorités coutumières.
2.2.2. AFOR
2.2.3. Géomètres-experts
Dans le cadre de la mise œuvre de la loi foncière, c’est exclusivement à l’Ordre des Géomètres-
Experts qu’est revenue la conduite des opérations de levées et de plans des terres du domaine
foncier rural à l’échelle nationale. Dans le but de parvenir à l’accélération de la sécurisation
foncière, la Déclaration de Politique Foncière envisage de mettre un terme à la compétence
exclusive reconnue aux Géomètres-Experts.
Pour ALERTE-Foncier, il importe qu’un vrai dialogue au niveau des communautés soit engagé
entre toutes les parties afin que des espaces de transhumance ou de pâturages pour les troupeaux
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locaux soient négociés et que des mécanismes de régulation y compris des sanctions en cas de
transgression des règles soient établis sur une base consensuelle.
Les conflits fonciers se constatent régulièrement dans des zones plus enclines aux pressions
agricoles et aux tensions agro-pastorales. Ils ont été aggravés avec l’avènement des crises socio-
politiques (occupations de terres), et apparaissent de plus en plus autour de nouveaux enjeux
(culture de plantations avec l’anacarde, exploitations minières) et la disparition des couloirs de
transhumance. Les conflits fonciers induisent des conséquences désastreuses : tueries,
insécurité, perturbation de la production agricole, insécurité alimentaire, pauvreté,
déplacements de populations, fracture sociale, etc. De par leur ampleur, ils échappent
partiellement aux mécanismes endogènes de gestion de conflit (tribunal coutumier) et
bénéficient très peu de solutions réelles de l’administration centrale ou de ses démembrements.
Dans le document de la Déclaration de Politique Foncière, l’Etat projette assurer une gestion
durable des conflits fonciers par la sécurisation des terres rurales. Des études récentes (Inades-
Formation, 2015; Kouamé, 2018) attestent que la politique de sécurisation des terres est elle-
même porteuse de conflits. Les conflits naissent ou sont ravivés lorsque des individus
(notamment des non-ivoiriens) entament la procédure d’obtention du certificat foncier. Le
principe d’identification des détenteurs de droits coutumiers met en jeu des logiques de contrôle
de l’espace. Par conséquent, les acteurs en compétition pour le contrôle de la ressource foncière
usent de stratégies pour arriver à leur fin.
La délimitation des territoires de villages est également une source de tension pouvant
impliquer différentes parties prenantes à plusieurs niveaux (lignage, village, canton). Elle est
très souvent entachée de confusion et d’incompréhensions. A l’issue de l’opération de
délimitation administrative, le constat est que des portions de parcelles de terre de certains
habitants d’un village, peuvent être rattachées au territoire d’un autre village limitrophe ou
même d’un autre canton. La délimitation actuelle des territoires entraîne des processus de
reconfiguration des espaces et des rapports fonciers souvent très anciens, débouchant sur des
tensions et des conflits.
Pour ALERTE-Foncier, afin d’éviter ces conflits, la délimitation des territoires villageois ne
doit pas servir d’argument pour contester la propriété foncière coutumière (collective ou
individuelle) au-delà des limites tracées.
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2.3.3. Marché foncier
Un aspect plus politique (d’organisation du vivre ensemble) devrait à nouveau prévaloir (cf. la
tradition où la terre ne se vendait pas, mais où tous pouvaient y avoir accès pour faire vivre sa
famille) afin de prendre en compte ‘‘le développement humain des territoires régionaux’’. Car,
parler du foncier, c'est parler de la vie des hommes et des femmes qui vivent sur un espace, qui
circulent sur cet espace, qui doivent se nourrir, travailler, subvenir aux besoins de leur famille
et vivre ensemble avec d’autres. Cela touche forcément l'aménagement du territoire et des choix
politiques qui renvoient aux plans d'occupation des sols et à l'implantation d’infrastructures. En
15
effet, à quoi sert de produire des denrées alimentaires si on ne peut pas les écouler vers les
marchés pour qu'elles soient vendues et consommées ?
Pour ALERTE-Foncier, il importe de donner réellement les moyens aux chefs de village de
gouverner dans le sens du bien commun en toute indépendance et de constituer un patrimoine
foncier commun (réserves foncières). Cela leur permet de pouvoir conduire une politique de
cohésion sociale et favoriser le financement de l'accès aux services sociaux de base de leur
population (éducation, centres de santé, voirie, assainissement, etc.). Cette obligation de
réserves foncières existe dans la loi sur le foncier urbain pour les lotissements avec un taux de
5 %. Pourquoi ne pas appliquer un taux de 5 % également pour le foncier rural ?
En Côte d’Ivoire, les acquisitions à grande échelle ou phénomène d’accaparement des terres
concernent les agro-industriels, les compagnies minières, et les cadres de l’administration
publique et privée et élites politiques lancés dans la création de grandes plantations industrielles
(palmier, hévéa). Dans la plupart des cas, les communautés rurales ne sont pas impliquées lors
des négociations et des prises de décisions concernant leurs terres. Impuissantes, elles sont
souvent mises devant le fait accompli, sans recours ni soutien venant de l’Etat.
On note également que dans des situations de crises socio-politiques, des accaparements de
terres sont le fait de groupes armés et de certains individus. C’est le cas de l’Ouest ivoirien où
des populations locales ont été spoliées de leurs terres.
Malgré les alertes de la société civile, le phénomène est grandissant. En 2012, environ 119 600
hectares soit 0.6% des terres agricoles étaient accaparés par ces acteurs cités plus haut
(INADES, 2015). Le code foncier rural ivoirien, reste peu précis pour contenir la prédation des
terres car aucune disposition n’a encore été insérée pour freiner l’avancée de ce phénomène.
L’accaparement des terres comporte d’importants risques, tant pour les populations rurales que
pour les ressources naturelles renouvelables et non renouvelables. Ces risques peuvent se
résumer en termes de :
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- spoliation des terres et des ressources naturelles qui y sont associées (pâturages,
ressources forestières, eau).
- accès futur au foncier des populations limité par l’emprise foncière des plus puissants.
Face aux investisseurs, les populations locales ne sont pas toujours en mesure de
défendre leurs droits.
- disparition de l’agriculture familiale au profit de l’agriculture industrielle.
- tensions entre les usagers (entre agriculteurs, ou entre éleveurs et agriculteurs, entre
autochtones et migrants, etc.)
- compétition accrue pour l’accès aux ressources pour la production animale et végétale
et renforcer les problématiques de sécurité alimentaire.
- problème d’ordre environnemental relativement à l’usage et au renouvellement des
ressources naturelles.
- émergence d’une situation de phénomène des « paysans sans terres ».
Le « tutorat » est une institution née des rapports fonciers entre un autochtone, propriétaire
coutumier, et un « étranger » (allochtone ou non national). Cette institution est fondamentale
dans le processus de « transferts coutumiers de droits fonciers au Bénin, au Burkina Faso, en
Côte d'Ivoire et au Mali » (Chauveau, 2007). De plus en plus, l’institution du tutorat est en crise.
Le devoir de reconnaissance de l’étranger envers son tuteur est de moins en moins appliqué.
Cette recomposition des rapports est source de tensions, que la certification foncière met
souvent à jour. Avec le processus de sécurisation des terres, il se pose le problème de la
détermination du « vrai » détenteur de droits coutumiers.
ALERTE-Foncier fait remarquer que ce sont les propriétaires fonciers qui ont cédé les terres
aux demandeurs, comme le précise l’article 3 de la loi de 1998 : « des droits coutumiers
conformes aux traditions cédés à des tiers », suivant les pratiques en usage.
Dans la plupart des sociétés traditionnelles ivoiriennes, les femmes et les jeunes sont exclus de
la propriété foncière. En revanche, le droit d’accès à l’usage des terres leur est généralement
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reconnu. Mais, pour les femmes, ce droit reste largement conditionné par leur statut
matrimonial. En tant qu’épouses, elles acquièrent le droit de cultiver la terre. Elles peuvent
également accéder en tant que fille aux terres de leurs familles d’origine. Elles peuvent aussi y
accéder par don, par prêt à travers un système plus large de relations sociales. Contrairement
aux hommes aînés sociaux, les droits dont bénéficient les femmes et les jeunes ne sont souvent
que des droits temporaires d’usufruit. Ces droits s’accompagnent souvent d’importantes
restrictions : interdiction de planter des cultures pérennes, de céder leurs parcelles à travers des
transferts marchands (vente/location) ou de les mettre en gage. L’absence de sécurité des droits
fonciers détenus par les femmes et les jeunes limite leur incitation à entreprendre des
investissements à long terme, d’où leur plus grande vulnérabilité à la pauvreté.
L’émergence de la propriété foncière pour les femmes et les jeunes est donc contrainte par des
facteurs socio-culturels notamment, les systèmes d’héritage qui accorde le primat aux hommes
et les systèmes fonciers coutumiers qui considèrent le foncier et sa gestion comme une question
purement masculine et de droit d’ainesse. Ces pratiques coutumières sont en contradiction avec
de nombreux textes de loi en Côte d’Ivoire qui prônent l’égalité entre homme et femme en
matière d’accès aux terres. Ces entraves socio-culturelles constituent donc des freins à la
demande de certificats fonciers, surtout en ce qui concerne les femmes.
Pour ALERTE-Foncier, au regard des dispositions légales existantes, les personnes vulnérables,
en l’occurrence les femmes et les jeunes ont accès à la propriété foncière.
Depuis son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire, fait l’option de bâtir son économie sur
l’agriculture de rente en mettant au second plan les cultures vivrières, ce qui aboutit à un déficit
alimentaire au niveau des populations. Depuis une quinzaine d’années, la Côte d’Ivoire fait face
à une instabilité politique et à une insécurité généralisée. Cette situation a contribué à
l’effondrement des systèmes de production agricole, et en particulier de la production vivrière.
La production et la productivité agricole des céréales et des tubercules ont fortement chuté par
rapport aux années ayant précédé la crise de 2002 (FAO, 2010). De l’évaluation approfondie
menée sur la sécurité alimentaire (EASA 2009) par le Programme Alimentaire Mondial (PAM)
et la FAO, on retient « qu’au plan national, 12,6 % des ménages ruraux sont en insécurité
alimentaire, dont 2,5 % sous une forme sévère et 10,1 % sous une forme modérée. Lorsqu’on
rapporte ces proportions à la population rurale, l’insécurité alimentaire toucherait environ 1
269 549 personnes, dont 232 602 personnes en insécurité alimentaire sévère. Les régions qui
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affichent les taux d’insécurité alimentaire sévère et modérée (prévalence de l’insécurité
alimentaire globale) les plus élevés sont les suivantes: Bafing (29,9 %), Moyen Cavally (29,1
%); Montagnes (23,3 %); Bas-Sassandra (21,5 %); Savanes (17,3 %) et Zanzan (13,2 %) ».
L’orpaillage clandestin est en pleine expansion sur toute l’entendue du territoire depuis
quelques années. On assiste à des déboisements sans limites, à la dégradation des terres fertiles,
à la réduction des espaces agricoles, à la perturbation de l’utilisation optimale des terres de
cultures. L’utilisation non maîtrisée des produits chimiques, tels que le cyanure et le mercure,
est un réel danger pour l’environnement (pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques)
et l’agriculture. L’orpaillage traditionnel et clandestin provoque régulièrement des accidents
dramatiques liés aux éboulements de terrain et à l’utilisation d’explosifs pour le concassage des
roches (pratique interdite par la réglementation minière).
L’utilisation des enfants sur les sites d’exploitation accroît le taux de déscolarisation. A cela,
s’ajoutent des problèmes liés à l’insécurité, à la prostitution et aux maladies sexuellement
transmissibles, à la drogue, à la prolifération des armes légères, etc. Ces problèmes sont générés
par un afflux massif et non maîtrisé de populations dans les villages, en quête « d’argent
facile ou rapide » tiré de l’exploitation de l’or.
Pour faire face à ce fléau, le gouvernement ivoirien a mis en place, en 2014, le Programme
national de la réglementation de l’orpaillage (PNRO). Ce programme se déroule en 4 volets :
la sensibilisation, la fermeture des sites illicites, la formalisation du secteur et la formation.
Ainsi, 429 sites clandestins ont été fermés. Des orpailleurs ont été interpellés. Des armes, du
matériel d’exploitation, des produits chimiques et stupéfiants également saisis. Mais,
aujourd’hui, ces activités d’orpaillage clandestin ont repris de plus belle.
ALERTE-Foncier note que l’orpaillage clandestin paraît inéluctable du fait de l’adhésion des
populations locales et même des autorités villageoises qui s’inscrivent dans une logique de
rente. L’agriculture est en perte de vitesse dans les zones d’exploitation clandestines, dans la
mesure où nombre d’agriculteurs se sont reconvertis en orpailleurs. Cette activité minière,
19
apparemment juteuse, représente un obstacle majeur à la mise en œuvre de la politique foncière
rurale. En lieu et place de la répression, des mesures préventives (sensibilisation, formation,
dialogue social, négociation) en matière de régulation devraient être envisagées.
ALERTE-Foncier note que devant cette lourdeur et cette lenteur administrative pour obtenir un
certificat et une immatriculation foncière, l’Etat doit poursuivre la mise en œuvre des missions
assignées à l’AFOR, de manière concertée, en vue de rendre effectif la simplification prévue
pour les procédures de sécurisation du domaine foncier rural.
ALERTE-Foncier met en cause le réalisme des échéances fixées par la Déclaration de Politique
Foncière : 8 ans pour la certification et 10 ans pour l’immatriculation. Les raisons tiennent au
fait que les procédures demeurent lourdes et onéreuses; la capacité institutionnelle et financière
de l’État est insuffisante; les conflits violents ouverts ou latents sont récurrents et les tensions
politiques et identitaires existent toujours.
Dans ces conditions, il est peu probable que la loi puisse être appliquée, de manière accélérée,
et favoriser la paix sociale. C’est pourquoi sa mise en œuvre s’inscrit nécessairement dans la
durée en y apportant progressivement des réaménagements utiles.
Depuis déjà deux décennies, la Côte d’Ivoire est lancée dans un processus de sécurisation des
terres rurales, avec en prime la certification foncière. Mais, le nombre de demandes exprimées
à ce jour témoigne du faible niveau d’adhésion des acteurs du monde rural à la mise en œuvre
de la loi relative au domaine foncier rural. En effet, à la date du 30 septembre 2016, l’on note
20
seulement 13 663 demandes sur tout le territoire national. Différents facteurs peuvent être
avancés pour justifier cet état de fait. On peut citer :
21
CHAPITRE 3
PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS
Réviser les textes de loi afin de faciliter leur mise en application, notamment :
- La loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au Domaine du Foncier Rural en
ses articles 3 (clarifier les notions portant sur les différents listés), 6 (supprimer
la notion de terres sans maître), 8 (clarifier la notion de l’existence continue et
paisible des droits coutumiers).
- Le Décret n°99-595 fixant la procédure de consolidation des droits des
concessionnaires provisoires des terres du domaine foncier rural en son article
12.
- Le Décret n°99-593 du 13 octobre 1999 portant sur l’organisation et les
attributions des Comités de Gestion Foncière Rurale en précisant la composition
du CVGFR (fonctions et nombre).
- Rendre accessible tous les textes relatifs à la sécurisation du foncier rural, à
travers les divers supports de communication : radio nationale et de proximité,
presse écrite, télévision, panneaux publicitaires, etc.
- En concertation avec un certain nombre de structures et partenaires techniques
et financiers, ALERTE-Foncier se propose de mettre en place un observatoire
de suivi de mise en œuvre de la politique foncière dans certaines régions du pays.
22
➢ Demande du certificat foncier
➢ Enquête pour la délimitation
➢ Publicité de l’enquête
➢ Approbation de l’enquête par le CVGFR
➢ Validation de l’enquête par le sous-préfet et non par le comité sous-préfectoral
➢ Signature et délivrance du certificat foncier
- Le géomètre-expert ne devrait intervenir qu’au niveau du titre foncier.
Pour inciter les populations à aller à la certification foncière, il faut nécessairement éviter que
les opérations de délivrance du certificat foncier soient trop onéreuses et prohibitives :
Moyens humains
23
3.1.6. Sur l’information et la sensibilisation sur la politique foncière
Pour limiter les effets de l’accaparement des terres sur les populations, l’Etat doit :
- Promouvoir les contrats de location (baux pour les entreprises en laissant la
détermination de la durée du contrat au gré des contractants).
- Promouvoir les contrats de métayage sous ses formes diverses pour les particuliers afin
d’éviter de déposséder les populations de leurs droits sur leurs terres.
- Dans le cadre des cessions de terres aux agro-industriels et compagnies minières,
associer les communautés rurales aux négociations portant aussi bien sur l’exploitation
du sol que du sous-sol.
- Dans une logique de justice sociale, prendre des mesures afin de rationaliser les volumes
d’acquisition des terres concentrées entre les mains d’une minorité.
- L’élaboration d’une charte de gouvernance entre opérateurs économiques et
communautés locales concernées pour les grandes acquisitions.
- Faire immatriculer les terres concédées (concessions de terres de forêts déclassées et
concessions sous réserve des droits des tiers) au nom des propriétaires coutumiers
initiaux qui devront contracter des baux avec les concessionnaires.
24
3.1.9. Sur les femmes, les jeunes et l’accès à la propriété foncière
Pour faciliter l’accès des femmes et des jeunes aux terres et au certificat foncier, il faut :
- S’appuyer sur la chambre des Rois et Chefs traditionnels dans la sensibilisation des
autorités coutumières et les gestionnaires de terres familiales afin de faciliter l’accès à
la propriété foncière pour les femmes et les jeunes.
- Impliquer les mutuelles de développement et autres associations villageoises (femmes,
jeunes), les cadres et leaders d’opinion (hommes politiques, religieux) dans le processus
de sensibilisation.
- Favoriser l’accès des femmes aux bonnes terres et non aux terres marginales.
- Sensibiliser les femmes sur leurs droits légaux.
- Vulgariser les textes de loi qui prônent l’égal accès aux terres entre les hommes et les
femmes (loi sur la succession, code foncier rural, la constitution, etc.).
- Mener une politique de discrimination positive en faveur des femmes en subventionnant
la délivrance de certificat foncier à leur profit.
- Le document de politique foncière devra prendre en compte l’égalité et l’équité de genre
dans l’accès à la terre et le contrôle des ressources foncières.
25
- Soutenir la création de « cliniques foncières » pour recenser les litiges fonciers,
conseiller, orienter et assister les populations.
- Encourager et soutenir l’organisation de la société civile pour la conciliation et la
défense des droits fonciers des populations (et autres droits liés à l’accès et à l’utilisation
de la terre).
- Soutenir la Société Civile qui œuvre au règlement des conflits fonciers et la gestion
pacifique des terres.
26
CONCLUSION
La présente étude, réalisée par ALERTE-Foncier, fait le point sur la politique foncière rurale
en Côte d’Ivoire et relève les principales politiques mises en œuvre depuis que le pays s’est
doté d’un nouveau code foncier rural en décembre 1998.
En notant les différentes modifications suite à l’application de cette loi au cours de la quinzaine
d’années et surtout en réorientant cette politique contenue dans la récente « Déclaration de
Politique Foncière », il apparaît clairement que les autorités du pays relancent la réflexion sur
la conduite pratique et sans « heurts majeurs » de l’exécution de la loi dans le milieu
socioéconomique rural.
Les nombreuses propositions qui en découlent tant au niveau de l’administration centrale, des
institutions nationales et internationales, des structures nationales et régionales de recherche et
de développement, des chercheurs et autres acteurs du développement, que des populations
rurales dans leurs différentes composantes, montrent toutes, l’intérêt que suscite la réflexion en
cours relative à cette dimension du développement rural.
27
BIBLIOGRAPHIE
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http://www.documentation.ird.fr/hor/fdi:010052774.
Textes de référence
29
- Décret n° 99-595 du 13 octobre 1999 fixant la procédure de consolidation des droits des
concessionnaires provisoires de terres du Domaine Foncier Rural ;
- Décret n° 2013-296 du 02 mai 2013 portant définition de la procédure de délimitation
des territoires des villages ;
- Décret portant création de l’AFOR
- Arrêté n° 002 MINAGRA du 08 février 2000 portant sur les modèles officiels du
Certificat Foncier individuel et du Certificat Foncier collectif ;
- Arrêté n° 030 MINAGRA du 15 mai 2001 définissant le formulaire d’approbation et de
validation des enquêtes foncières rurales officielles ;
- Arrêté n° 032 MINAGRA MEF du 04 juillet 2002 instituant un barème de rémunération
des opérations de délimitation ;
- des biens fonciers du Domaine Foncier Rural et fixant les modalités de son
établissement ;
- Arrêté n° 033 MEF MINAGRA du 04 juillet 2002 établissant les barèmes de timbrage
des Certificats Fonciers et des frais d’immatriculation des biens fonciers du Domaine
Foncier Rural ;
- Arrêté n° 033 MINAGRA du 28 mai 2001 définissant le formulaire de procès-verbal de
clôture de publicité des enquêtes foncières rurales officielles ;
- Arrêté n° 034 du 04 juillet 2002 fixant les modalités d’inscription sur la liste d’agrément
des Opérateurs Techniques pouvant effectuer les opérations de délimitation des biens
fonciers du Domaine Foncier Rural ;
- Arrêté n° 041 MEMID MINAGRA du 12 mai 2001 relatif à la constitution et au
fonctionnement des Comités de Gestion Foncière Rurale ;
- Arrêté n° 045 du 20 juillet 2001 portant réorganisation de la Commission Foncière
Rurale ;
- Arrêté n° 055 du 11 juillet 2003 réorganisant la Commission Foncière Rurale
- Arrêté n°085 du 15 juin 2000 fixant les modalités de réalisation et de présentation des
plans des biens fonciers du Domaine Foncier Rural coutumier ;
- Arrêté n° 111 MINAGRA du 06 septembre 2000 définissant le procès-verbal de
recensement des droits coutumiers et les documents annexés ;
- Arrêté n° 112 MINAGRA du 06 septembre 2000 définissant le formulaire de constat
d’existence continue et paisible de droits coutumiers sur un bien foncier du Domaine
Rural ;
- Arrêté n° 139 MINAGRA DU 06 septembre 2000 définissant les formulaires de requête
d’immatriculation d’un bien foncier rural objet d’un Certificat Foncier ;
- Arrêté n° 140 MINAGRA DU 08 septembre 2000 définissant le formulaire de demande
de bail emphytéotique sur un bien foncier rural objet d’un Certificat Foncier ;
- Arrêté n° 147 MINAGRA du 09 décembre 1999 portant sur le modèle officiel du
formulaire de demande d’enquête en vue de l’établissement d’un Certificat Foncier et
précisant la compétence des sous-préfets ;
- Circulaire n° 2517 du 19 août 1999 suspendant les autorisations d'occuper le domaine
foncier ;
- Circulaire n° 2911 du 19 novembre 2004 interdisant la délivrance de titres d'occupation
sur les terres rurales ;
30
- Circulaire n° 489 du 30 novembre 2005 interdisant la délivrance de titres d'occupation
provisoire sur les terres rurales ;
- Circulaire n° 0440 du 11 février 2014 interdisant les délimitations et établissements de
plans de parcelles de terres rurales par les agents du Ministère de l'Agriculture ;
31
ANNEXE
MATRICE GENERALE DE LA POLITIQUE ETATIQUE ET DE LA
PRISE DE POSITION DE ALERTE-FONCIER
Cette matrice reprend dans ses grandes lignes la politique foncière rurale de l’Etat d’où sont
tirées les principales analyses et recommandations d’ALERTE-Foncier.
Transformation des droits Aller vers une transition souple Ne pas limiter dans le
coutumiers en droits de et « douce » s’inscrivant dans la temps la sécurisation
dynamique de l’évolution des foncière
propriété
sociétés rurales.
Obligation de morcellement L’initiative du morcellement Eviter systématiquement
du certificat foncier collectif doit être laissée au libre choix le morcellement du
pour aller à l’immatriculation des entités qui détiennent des certificat foncier collectif
droits collectifs sur des et admettre des titres
patrimoines fonciers collectifs
Phénomène de La politique foncière devrait Pour les populations en
l’accaparement des terres s’appuyer sur l’impérieuse situation de vulnérabilité
nécessité de ne pas déposséder du fait de l’accaparement
les populations de leurs biens de leurs terres, agir dans
fonciers ou occuper de façon le sens de la réduction et
subtile les terres la redistribution des terres
communautaires ou familiales. occupées
Femmes et jeunes et accès à Veiller à l’application effective Sensibiliser les autorités
des dispositions existantes visant coutumières et les
la propriété foncière
la protection des droits fonciers gestionnaires de terres
des femmes et des jeunes. rurales sur l’accès à la
propriété foncière des
femmes et jeunes
Développement de L’orpaillage clandestin paraît L’Etat doit poursuivre le
l’orpaillage inéluctable du fait de l’adhésion Programme national de
des populations locales et même la réglementation de
des autorités villageoises qui l’orpaillage (PNRO).
s’inscrivent dans une logique de
rente.
Problèmes fonciers et l’état d’insécurité alimentaire est Une nouvelle politique
insécurité alimentaire dû principalement au choix de la agricole plus équilibrée
politique agricole. entre cultures de rente,
production industrielle et
agriculture vivrière pour
une sécurité alimentaire
durable.
32
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE ......................................................................................................................................................... II
INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 1
CHAPITRE 1: ............................................................................................................................................. 3
CHAPITRE 2 ............................................................................................................................................... 9
33
2.1.3. Dispositions ambigües ou porteuses de conflits ................................................... 10
2.1.4. Contradictions liées au certificat foncier ............................................................. 10
2.1.5. Déclaration de Politique Foncière ........................................................................ 11
2.1.6. Concessions foncières et contentieux entre Etat et populations.......................... 12
2.2. STRUCTURES D’APPUI............................................................................................. 12
2.2.1. Comités de Gestion Foncière (CVGFR, CGFR, …) ............................................ 12
2.2.2. AFOR ..................................................................................................................... 13
2.2.3. Géomètre-experts ................................................................................................... 13
2.3. GESTION DES TERRES ET ENVIRONNEMENT « CONFLIGENE » .................... 13
2.3.1. Conflits de transhumance pastorale (agriculteurs-éleveurs)............................... 13
2.3.2. Conflits fonciers liés à la sécurisation .................................................................. 14
2.3.3. Marché foncier ...................................................................................................... 15
2.3.4. Des territoires et des humains : la place du bien commun .................................. 15
2.3.5. Phénomène de l’accaparement des terres ............................................................ 16
2.3.6. Tutorat et procédure de sécurisation foncière...................................................... 17
2.3. 7. Femmes et jeunes et accès à la propriété foncière .............................................. 17
2.3.8. Problèmes fonciers et insécurité alimentaire ....................................................... 18
2.3.9. Développement de l’orpaillage .............................................................................. 19
2.4. LIMITES DE LA CERTIFICATION ET DE L’IMMATRICULATION FONCIERE 20
2.4.1. Lourdeurs et lenteurs administratives .................................................................. 20
2.4.2. Délai et coût d’obtention des certificats et titres fonciers .................................... 20
2.4.3. Faible niveau d’adhésion des populations au processus de sécurisation ........... 20
CHAPITRE 3 ............................................................................................................................................. 22
34
3.1.10. Sur l’Orpaillage clandestin et la gestion des terres ............................................ 25
3.2. A L’ATTENTION DU GOUVERNEMENT ET DES PARTENAIRES AU
DEVELOPPEMENT ............................................................................................................ 25
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 27
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 28
ANNEXE .............................................................................................................................................................. 32
35