Un Cerveau Pour Apprendre, Dormir Et Se Souvenir: Anne Pereira de Vasconcelos

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Un cerveau pour

apprendre, dormir et
se souvenir

Anne Pereira de Vasconcelos


Le cerveau en chiffres et en images

CombienCombien
de neurones?

= 30!

= 30 millions!
 90 milliards!
Le cerveau en chiffres et en images

  1,3-1,5 kg : 75% eau, soit 2% du poids corporel,


consomme 20% de l’énergie (glucose) du corps!

 Environ 90 milliards de neurones (dès le 6e mois


gestation!)

 1 million de milliard de connexions (20-30% à la


naissance)

 1 neurone  10 000 connexions

 161 000 km d’axones

 650 km de capillaires

 vitesse de l’influx (120m/sec ou 350 km/h)


Plan

I. La mémoire – Définition

II. Un cerveau, plusieurs mémoires


 La mémoire au laboratoire

III. Plusieurs mémoires donc, mais où dans le cerveau?

IV. La mémoire, une trace, une empreinte

V. La formation des souvenirs ou le voyage dans le temps et


l’espace de la trace
 La consolidation
 Les schémas
 La reconsolidation ou la dynamique d’une mémoire consolidée

VI. La consolidation de nos mémoires ou dormir pour se souvenir

VII. Pour bien mémoriser ses leçons


Qu’est ce que la mémoire?
"La Mémoire " (1945)
par René Magritte

La mémoire: faculté d’enregistrer des informations,


de les conserver et de les utiliser (rappeler)

 concerne l’Homme et l’animal

 base de nos comportements/capacité d’adaptation

 notre identité - une rencontre du passé, présent et futur


« un voyage mental dans le temps »
• Un seul cerveau …

plusieurs mémoires…..
La mémoire perceptive (moins de 1 seconde)

Sensorielle
(perceptions)

visuelle auditive

Pas besoin d’attention


La mémoire à court terme (qq dizaines sec, 1 min)

Mémoire
de
travail
"effaçable"
oubli

liste de chiffres
1, 9, 3, 5, 8, 2, 4…
Les mémoires à long terme (heures, jours, mois, années….)

La mémoire déclarative : ce que je peux dire


mémoire explicite, consciente

La mémoire
des
connaissances
générales
(sémantique)

« je sais »
Les mémoires à long terme (heures, jours, mois, années)

La mémoire déclarative : ce que je peux dire


mémoire explicite, consciente

La mémoire
des
souvenirs
(épisodique,
autobiographique)

« Je me
souviens » Été 2010: une ballade
au jardin des deux rives…
Les mémoires à long terme (heures, jours, mois, années…)

La mémoire non-déclarative
mémoire implicite, inconsciente

La mémoire
des
procédures,
habitudes
(habiletés motrices,
routines cognitives)

« Je sais faire »
Le modèle de Tulving à 5 systèmes (1995),
revisité par Eustache and Desgranges (2008)

Endel Tulving Francis Eustache

MNESIS ou Modèle NEoStructural InterSystémique


En résumé :
La mémoire : pas une mais plusieurs mémoires

 ensemble de processus dynamiques organisés en systèmes de


mémoires

Différents registres:

 sensoriels (visuel, auditif…),


 décours temporel variable (court-terme, long terme)
 format des représentations (déclaratif, non déclaratif)
 mode de récupération (explicite, implicite)
Comment étudie-t-on la mémoire chez l’Homme?

La neuropsychologie
"Classique" "Moderne"

Que ne peut-il plus faire ? Que se passe-t-il pendant


qu'il effectue une opération ?
La mémoire en laboratoire……
 Les tests chez l’Homme
Tests neuropsychologiques

Tour de Hanoi Mémoire spatiale Figure de Rey


visuelle

Mémoire épisodique verbale et non verbale


Mémoire de travail
Mémoire autobiographique
Mémoire procédurale

Test de Corsi Des outils normalisés


(mémoire de travail) (tests, échelles, questionnaires)
La mémoire en laboratoire……

 Les espèces animales

O’Keefe, Moser & Moser, Prix


Nobel Médecine, 2014

Un GPS dans le cerveau!


Souris

Rat Drosophile

Eric Kandel: Prix Nobel


Médecine, 2000
Aplysie
Efficacité synaptique Zebrafish
La mémoire en laboratoire……

 Les tests chez l’animal

La mémoire spatiale en labyrinthe ou piscine

Imagerie cellulaire et
fonctionnelle

La reconnaissance d’objets
Le conditionnement
Plusieurs mémoires donc…

… mais où
dans le cerveau?
L’histoire de H.M et de la trace mémoire………

“ H.M. “
ou
Henry Gustav Molaison
(26.2.1926 - 2.12.2008)

 Après une commotion cérébrale à l'âge de 9 ans, le patient H.M. souffre de


crises d'épilepsie qui ne répondent pas à la médication de l'époque.

 QI 117 (malgré l’épilepsie, et plus tard la neurochirurgie)

 Foyer épileptogène dans la région temporale (baso-médiane) = région


hippocampique

 Ablation bilatérale des lobes temporaux en 1953, alors que H.M. a 27 ans
(neurochirurgie par Scoville, études neuropsychologiques par Brenda Milner)
Henry M. en IRM (1997 = + 44 ans / chirurgie)
Témoin : 66 ans

C
A B
H.M.

 Après l'opération :
 Ne présenta plus de crise épileptique.
 Pas d’altération de la personnalité.
 Son Q.I. resta supérieur à la moyenne (Q.I. = 117).

 Sa mémoire immédiate resta intacte (quelques secondes).


 De même, ses souvenirs très anciens demeuraient intacts.

MAIS …
H.M. – Après l'opération et pour toujours !
 Tableau clinique post-chirurgical :

Amnésie antérograde très sévère + amnésie rétrograde sur


environ 10 ans (au réveil de l’OP; en 2008 = un " trou "
temporel de 65 ans).

 ne connaît pas son âge, la date du jour, le lieu où il se


trouve (MIT / Corkin), le décès de son père …

 récite une liste de 7 items pendant quelques secondes.

"Chaque jour est un jour singulier en soi, quelles que soient les joies ou les
tristesses éprouvées… En ce moment, je me demande si j'ai pu dire quelque
chose de travers. Voyez-vous, en ce moment tout me semble clair, mais que
s'est-il passé il y a quelques instants? C'est ce qui me préoccupe. C'est comme
si je me réveillais d'un rêve. Je suis incapable de me rappeler."
(propos recueillis et rapportés par Brenda Milner, 1970)
Henry M. – Après l'opération et pour toujours !
 Tableau clinique post-chirurgical :
 Toutes les mémoires ne sont pas atteintes.
 Mémoire à très court terme quasi normale
 Mémoire procédurale normale 35
JOUR 1
30

25

ERRORS
20

15

10

5
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Trials

Miroir Geste
DAYS

30
JOUR 2
25

20

ERRORS
15

10

0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Trials
DAYS

30
JOUR 3
25

Dessin au miroir 20

ERRORS
15

10

0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
DAYSTrials
Les mémoires : où dans le cerveau?

Mémoire à court terme Mémoire épisodique

Mémoire
procédurale Mémoire sémantique
Et dans les structures?

Dendrites

Soma

Axone

Terminaisons axoniques
La mémoire …

remember

… une trace, une empreinte


Changer les propriétés fonctionnelles des réseaux ?

« L'exercice mental n'est pas capable


d'augmenter le nombre de cellules,
mais il favorise plutôt le développement
de l'appareil dendritique et du système
de collatérales axonales dans les
régions cérébrales les plus utilisées. »
Conf Royal Society en 1894

Santiago Ramon Y CAJAL


(1852-1934)
Prix Nobel de Physiologie
& Médecine en 1906
→ Base de la plasticité cérébrale……
→ modifications fonctionnelles et structurales
au cœur des nos apprentissages et de notre mémoire
La loi de Hebb

Donald Hebb
(1904-1985)

 Potentialisation ou facilitation de la transmission synaptique


Bliss et Lomo : la potentialisation à long terme

Mise en évidence en 1973 par Timothy Bliss et Terje Lomo


dans l'hippocampe du lapin

Enr.
Stim

Timothy Bliss Terje Lomo


(1940- ) PPSE (1935 - )

Pre Post
Bliss et Lomo : la potentialisation à long terme

 Le modèle : Hippocampe

Corne d'Ammon

CA1

Collatérales
de Schaffer

CA3
Fibres Faisceau perforant
moussues

Gyrus dentatus
Bliss et Lomo : la potentialisation à long terme
 Le modèle:

GD CA3
fp fm

stimulation CdS
enregistrement

Réponses
Amplitude en mV

Train de stimulations
CA1
0.3 intenses

0.2

0.1
 Durée : minutes, heures, voire jours.
0

0 30 60 90 120
 LTP: mécanisme cellulaire de l’apprentissage
Temps en min
et mémoire
 La mémoire: renforcement des synapses,
modifications durables des propriétés d’un
circuit neuronal
La mémoire : une trace, un engramme

Elément de base = le neurone

 2 propriétés essentielles: excitabilité et conductibilité

Dendrites

Soma

Axone

Terminaisons axoniques
Gros plan sur la synapse :

Pré Post

Terminaison Pré
axonique

AMPA
NMDA

CaM
Pool latent de
R. AMPA

PKC CaMK
TK

Epine
dendritique Post
Avec une stimulation intense

Pré Post

Terminaison Pré
axonique

AMPA

CaM
Pool latent de
R. AMPA

PKC CaMK
TK

Epine
dendritique Post

→ Mémoire = modifications (fonctionnelle et structurale) des synapses


 Synapse = unité de stockage des informations en mémoire à
court- et à long-terme
Les épines dendritiques

Après apprentissage

Sans apprentissage

→ Mémoire = création de nouvelles synapses/épines dendritiques


→ Processus très dynamique : émergence, disparition, variation taille
de la tête des épines en fonction de la force de la synapse
Et la neurogenèse adulte……

Nouveaux neurones dans le gyrus denté


(Kempermann et al Cold Spring Harb Perspect
Biol. 2015)

- Nombreuses espèces animales y


compris chez l’Homme.
 700 neurones /jours dans le
gyrus denté chez l’Homme!

  Plasticité hippocampique

 Corrélation niveau de neurogenèse


adulte - performances mnésiques

Valdodaria and Jessberger , Front Synaptic Neurosci. 2013


EN RESUME

 Les réseaux de neurones sont au centre du pilotage


du comportement d'un organisme.

 Certains (la plupart?) ont la capacité de garder une trace


d'une expérience = "souvenir".

 On ne peut concevoir ce "souvenir" que comme une modification durable des


propriétés fonctionnelles, et même de la structure des réseaux activés par une
expérience = plasticité cérébrale.

En fait, ces modifications peuvent reposer sur :


• des ajustements fonctionnels dans des structures existantes
et / ou
• des réorganisations dans l'architecture même des réseaux (création
de nouvelles synapses, épines dendritiques)

• la neurogenèse adulte
La formation des souvenirs

La persistance de la mémoire

ou le voyage dans le temps


et l’espace de la trace
Qu’en est-il de la trace qui permet le rappel d’un
souvenir?

Trois étapes : encodage, consolidation et rappel

Consolidation synaptique Consolidation systémique


(min, heures) (semaines, mois, années)

→ Réorganisation spatio-temporelle de la trace


L’oubli et le réapprentissage

1885 : « Uber das Gedächtnis : Untersuchungen zur experimentellen Psychologie »


1ère évidence de la consolidation de la mémoire
 Müller et Pilzecker, 1900, chez l’Homme

Apprentissage de paires de syllabe non sens


selon le protocole d’Ebbinghaus.
George E Müller
8x 8x (1850-1934)

am – ti tru – rac am – ?
so – im bo – cit so – ?
ur – al … dri – blo … ur – ?

Jouent sur la durée du délai (sec, min)

→ La mémoire pas immédiate,


 Inhibition rétroactive =
nécessite du temps
→ Mémoire consolidée en ~ 10-12 min
vulnérabilité aux interférences
= Passage d’une mémoire instable en
une mémoire stable  Introduisent le terme ‘consolidation’

« Les processus nerveux qui sont à la base de la mémoire


à long terme persévèrent dans une forme labile et ils se
fixent ou se consolident avec le temps ».
 Inhibition rétroactive même avec du matériel non en
lien avec celui de l’apprentissage (visuel vs verbal)

Hilde et al Neurobiol Learn Mem, 1999


L’amnésie rétrograde et la loi de Ribot

Lien

Théodule Ribot
(1839-1916)

 L’amnésie rétrograde temporellement gradué ;


Cas du patient HM  amnésie rétrograde sur environ 10 ans
(au réveil de l’OP; en 2008 = un " trou" temporel de 65 ans).

 Rôle clé du lobe temporal médian (hippocampe)

 Gradient ou loi de Ribot : informations plus récentes sont


plus labiles, les souvenirs anciens sont plus résistants

« Le nouveau disparait avant l’ancien »


 3 types de mémoires en fonction du temps

Les différentes étapes de la formation d’une mémoire.


MCT, mémoire à court terme; MLT, mémoire à long terme.
Adapté de McGaugh,Science (2000)
1ère évidence de la consolidation systémique

→ Le rappel d’une mémoire récente active


l’hippocampe, celui d’une mémoire
ancienne, le cortex préfrontal

→ Réorganisation des réseaux neuronaux


avec migration de la trace dans le cortex

Bontempi et coll., 1999, Nature


Dans une tâche similaire (discrimination spatiale)

Etude de la mémoire récente (1 jour) et ancienne (30 jours)


 Imagerie du gène précoce Zif268 après le rappel dans le cortex
préfrontal et l’hippocampe au rappel de la mémoire
Labyrinthe à 5 branches

RECENT

REMOTE
mPFC

dHIP

 Consolidation systémique nécessite une réorganisation spatio-


temporelle de la trace mnésique : déplacement de la trace de
hippocampe (mémoire récente) vers le cortex préfrontal (mémoire
ancienne) Maviel et coll., 2004 , Science
 Inactivation fonctionnelle réversible du cortex ou de l’hippocampe au
moment du rappel

mPFC

dHIP

→ L‘inactivation du cortex préfrontal empêche le rappel d’une mémoire ancienne


(30j) et pas récente (1j), c’est l’inverse avec l’inactivation de l’hippocampe
→ Rôle de l’hippocampe pour une mémoire récente, du cortex préfrontal pour
une mémoire ancienne
Maviel et coll., 2004 , Science
Formation d’une mémoire ancienne :
morphologie/structure cérébrale
Conditionnement de peur et rappel à 1 jour (récent) et 36 jours (ancien)
La coloration de Golgi

Freezing (%)
HIP CCA J1 J36
Densité d’épines/20µm

 Apprentissage/mémoire = formation de
nouvelles épines dendritiques

 Plasticité séquentielle hippocampe puis


cortex qui suit la réorganisation de la trace
(consolidation systémique)
J1 J36 J1 J36
Restivo et al 2009 J Neuroscience
Consolidation systémique d’une mémoire :cadre théorique

 La théorie standard (Frankland & Bontempi, Nature Neuroscience, 2005)


Etiquetage des neurones corticaux à l’encodage
(‘Synaptic tagging’ Lesburguères et al Science, 2011)
Implication au
rappel

Hippocampe Aires
corticales

Temps
Evénement

Encodage & Mémoire ancienne: Mémoire récente Mémoire ancienne


Mémoire récente: Mémoire dépendante
Mémoire du cortex
dépendante de
l’hippocampe

Débat: Implication de l’hippocampe à des délais longs – plusieurs théories


 type of mémoires (spatiale, épisodique, sémantique), force de la trace, contexte de rappel

► Nécessité d’un dialogue hippocampo-cortical pour la


réorganisation/stabilisation des traces mémoire au niveau des systèmes
Les schémas et la consolidation rapide
Concept ancien (Bartlett, 1932; Piaget, 1952; Mandler, 1984)
abordé récemment en neurosciences chez le rat!

1- Schémas = association de 6 paires d’odeur-


emplacement (1 mois)
2- Apprentissage d’une nouvelle paire et test de rappel

  efficacité de la mémoire (rappel optimal à 24h vs


oubli en 90 min!)
 Consolidation au niveau cortical (préfrontal médian)
en 48h!

→ Rôle crucial du cortex préfrontal dans


l’intégration nouvelles mémoires dans schémas
pré-existants (base de connaissances)

→ Intégration/stabilisation de la mémoire: pas


seulement fonction de l’âge (récent – ancien) mais
de l’existence ou non de schémas pré-existants

Tse et al Science 2007, 2011


L’assimilation des nouveaux souvenirs dans un schéma

 Les ‘schémas’ en
Neuroscience:
- facilitation de l’encodage
- consolidation rapide au
niveau cortical (préfrontal)

Lewis and Durrant, TICS, 2011


La reconsolidation ou
la dynamique d’une mémoire consolidée

Nouvelle Mémoire Mémoire Mémoire mise


mémoire consolidée consolidée à jour
(force, contenu)
Encodage labile labile stable
stable

→ Le rappel d’un souvenir/mémoire : retour transitoire de la trace à un état labile


(fenêtre temporelle, 1-2h)
 Création d’une nouvelle trace, engramme  ‘updating’ de nos mémoires

Fernandez et al 2016
La reconsolidation
Apprentissage ‘Reminder’ Mise à jour Rappel

Intervention (cas des mémoire traumatiques, addiction, TOC)

- Comportementale → Incorporation de nouvelles informations (‘updating’) sur une


mémoire existante - Pas un effacement de la mémoire

- Différentes stratégies: extinction (nouvel apprentissage), autre conditionnement (contexte


neutre, positif), interférence (nouvel apprentissage)

- Pharmacologique (béta bloquant)


EN RESUME

Les réseaux de neurones sont au centre du pilotage du comportement d'un


organisme.

Certains (la plupart?) ont la capacité de garder une trace d'une expérience =
"souvenir".

Ce "souvenir" = modification durable des propriétés fonctionnelles et de la


structure des réseaux activés par une expérience  trace mnésique

 plasticité cérébrale
EN RESUME

 La consolidation au niveau des systèmes est un processus à priori lent.


Mais si intégration dans schéma pré-existants  consolidation rapide

 Elle implique une interaction forte entre l’hippocampe et le cortex :


les mémoires riches en détails (épisodiques) restent dépendante de l’hippocampe, les
mémoires ‘corticales’ (intégrées ou non dans des schémas)
 mémoires peu détaillées, sémantiques, génériques

 La migration de la trace (engramme; assemblée de neurones ayant des


connexions renforcées) vers les aires corticales implique une consolidation
synaptique des traces nouvellement formées dans le cortex

 Elle permet d’expliquer la préservation des mémoires anciennes


lors d’atteintes des régions du lobe temporal (hippocampe):
Cas des amnésies rétrogrades

 Phénomène pas statique mais dynamique:


entre consolidation/reconsolidation et oubli
Formation d’une mémoire à long-terme:
processus ‘online’ et ‘offline’

Sommeil

Processus ‘Online’ Processus ‘offline’ Processus ‘Online

ENCODAGE CONSOLIDATION RAPPEL


synaptique & systémique
Représentation Stabilisation - Maintien Restitution

Hippocampe et/ou Hippocampe et/ou Hippocampe et/ou


Aires corticales Aires corticales Aires corticales

 âge (récente, ancienne)


 type de mémoire (sémantique,
épisodique, spatiale)
 Contrainte, contexte du rappel
(stratégie, flexibilité)
La consolidation de nos mémoires

La Mémoire (1945)
par René Magritte

Ou dormir pour se souvenir…


La mémoire : une histoire de temps et de
communication

Le temps 3 étapes

Apprentissage Consolidation Rappel

La communication
Dormir pour se souvenir et oublier aussi……

le sommeil = consolidation /renforcement/stabilisation


de nos souvenirs et… pour oublier aussi

Là !

Ou là!

Le sommeil de Kees Van Dongen


Les différents stades de sommeil

Déroulement d’une nuit de sommeil


(hypnogramme)

1er cycle 2e cycle 3e cycle 4e cycle 5e cycle

1ère partie 2e partie


Sommeil lent Sommeil paradoxal

Inostra and Born, Annu Rev Neurosci, 2013


Les stades de sommeil: l’électroencéphalographie (EEG)

Sommeil
lent

Sommeil
paradoxal
Inostra and Born, Annu Rev Neurosci, 2013
La régulation du sommeil

Processus circadien Processus homéostasique


«C» «S»
La régulation du sommeil

Processus circadien Processus homéostasique


«C» «S»

8 13 18 23 4 9 14 19 24 5 9

Heures

Marqueurs:
mélatonine, température centrale, cortisol
Gène per (periodic)
cryptochromes
Nobel de médecine 2017
Jeffrey C. Hall, Michael Rosbash et Michael
W. Young
pour leurs découvertes sur les mécanismes
moléculaires qui contrôlent les rythmes
circadiens (horloge biologique)

Noyaux
 Le sommeil est un processus
suprachiasmatiques
(SCN) physiologique fondamental ayant
une forte rythmicité circadienne
Glande pinéale:
Mélatonine
La régulation du sommeil

Processus circadien Processus homéostasique


«C» «S»

C
S

8 13 18 23 4 9 14 19 24 5 9 0 5 10 15 20 25 30 35 40/0 5 10

Heures Temps passé éveillé Temps passé


en sommeil

Marqueurs Marqueur
mélatonine, température centrale, cortisol activité à ondes lentes en sommeil lent
Modifié d’après Borbély 1982
1ère preuve du rôle du sommeil dans l’apprentissage
Jenkins and Dallenbach, J Psychol (1924)

Expérience:
Apprentissage de syllabes sans signification,
Rappel: nombre de syllabes rappelées. Test après 1, 2, 4 et 8h
2 groupes de sujets: avec ou sans sommeil entre apprentissage et test

Résultats: décroissance régulière de la mémoire au cours du temps (en


accord avec Ebbinghaus), mais seulement dans le groupe qui est resté éveillé

Interprétations possibles:
-fatigue au moment du test
-interférence des activités de la veille
-effet protecteur du sommeil (rôle passif)
Aujourd’hui…
Exemple de l’apprentissage d’une liste de mots

Expérience
Apprentissage d’une liste de 24
paires de mots en 10 min
(vocabulaire anglais - allemand)
puis test de rappel puis ½ des
sujets vont dormir (1ère nuit) et
l’autre ½ reste éveillée. La 2e
nuit, tous les sujets dorment et
test de mémoire à 20h.

Résultats

→ Le sommeil empêche l’oubli et


stabilise/consolide nos mémoires

Gais et al Learn Memory 2006


Exemple de la mémoire spatiale (navigation dans une ville virtuelle)

Apprentissage d’un trajet dans une ville virtuelle dans l’IRM


(mesure de l’activité cérébrale)
 Activation du cerveau droit (hippocampe) pendant la réalisation du test
Peigneux et al Neuron, 2004
Exemple de la mémoire spatiale (navigation dans une ville virtuelle)
Pendant la veille après une
Pendant le sommeil nuit de sommeil

 Réactivation de l’hippocampe pendant le sommeil lent (idem que la veille )


Amélioration des performances après une nuit de sommeil (consolidation de la
mémoire) en fonction du degré de ré-activation de l’hippocampe
Peigneux et coll., 2004, Neuron
Augmentation de l’apprentissage par des indices sensoriels

Exemple d’un apprentissage d’une localisation d’objets


Apprentissage Sommeil Rappel

Rasch et al. Science 2007


Augmentation de l’apprentissage par des indices sensoriels

Performance au rappel dans les 4 expériences comparant les effets de la


stimulation sensorielle par une odeur

 Effet bénéfique de la stimulation olfactive uniquement pendant le sommeil


lent et lorsque l’emplacement des cartes a été appris en présence de l’odeur

 Spécifique d’une tâche de mémoire déclarative, pas d’effet de la stimulation


olfactive pour une mémoire procédurale
Rasch et al. Science 2007
Augmentation de l’apprentissage par des indices sensoriels
Left anterior Left posterior
hippocampus hippocampus

 Amélioration des performances après une nuit de sommeil corrélée à la


réactivation de l’hippocampe pendant le sommeil lent

Rasch et al. Science 2007


Augmentation de l’apprentissage par des indices sensoriels

Exemple d’un apprentissage d’une compétence motrice

 Apprentissage de 2 mélodies: 4
séances de 5 répétitions
 Sieste (EEG) avec ou sans mélodie
présentée 20x toutes les 6,3 sec
(durée 4 min) pendant le sommeil lent
profond
 Test 10 min après le réveil

Pendant la sieste

Antony et al Nat Neurosci 2013


Augmentation de l’apprentissage par des indices sensoriels

des performances
Amélioration
% sommeil lent
%

 Effet bénéfique de la mélodie pendant le sommeil sur les


performances du lendemain
 Amélioration est fonction de la quantité de sommeil lent
(groupe sans mélodie pendant la sieste)

Antony et al Nat Neurosci 2013


Evidence chez l’animal

- Etudes sur la privation de sommeil : années 70s-80s


- 1ère étude de la réactivation des cellules de lieu de l’hippocampe: Pavlides
and Winson (1989)

Méthode:
- Tâche comportementale: alternance dans un labyrinthe en forme de 8 où le rat doit alterner
(gauche/droite et droite gauche)
- Enregistrement électrophysiologique multicellulaire (tétrode) dans le cortex visuel et l’hippocampe
pendant la tâche et le sommeil lent précédent et suivant → Etude des profils de décharges des neurones
du cortex visuel et hip pendant le SWS
Ji and Wilson, Nature Neuroscience, 2007
Evidence chez l’animal

Enregistrements EEG (surface cortex) et électrophysiologique (profondeur)

Niveau macroscopique Niveau microscopique

Ji and Wilson, Nature Neuroscience, 2007


Chen and Wilson, TINS, 2017
Evidence chez l’animal

Séquences de décharges (‘firing’) des neurones (n° 1 à 7) pendant la tâche (RUN) et


‘rejouées’ pendant la nuit (POST) dans le cortex visuel et l’hippocampe.

→ Réactivations simultanées de traces cohérentes dans le cortex et


l’hippocampe pendant le sommeil lent qui suit l’apprentissage

Ji and Wilson, Nature Neuroscience, 2007


Chen and Wilson, TINS, 2017
Aujourd’hui, la consolidation de nos mémoires,
un processus actif…..
 Aujourd’hui, la réactivation/stabilisation de nos mémoires au cours
du sommeil est bien établie

 Consolidation des souvenirs: réactivation de la trace mnésique


via synchronisation de rythmes spécifiques du sommeil lent dans
les régions corticales activées à l’encodage et les assemblées de
neurones hippocampiques sollicitées lors de l’apprentissage

 Rôle clé d’une dialogue hipocampo-cortical


Diekelmann and Born, Nature, 2010
Feld and Diekelmann, Frontiers Psychol, 2015
La consolidation active

 Le modèle à 2 étapes: rôle séquentiel sommeil lent et sommeil paradoxal

Diekelmann and Born, Nature Rev Neurosci, 2010


 La théorie de l’homéostasie synaptique

 Elagage des connexions synaptiques faibles, indésirables :


oubli des mémoires ‘faibles’
 Maintien/retour de l‘énergie et volume du tissu pour l’utilisation
des synapses pour de nouveaux apprentissage: facilitation
 Amélioration du signal/bruit pour les synapses fortement
potentialisées pendant l’encodage

Diekelmann and Born, Nature Rev Neurosci, 2010


Plus récemment…
Consolidation pendant le sommeil et qualité de l’apprentissage

Protocole:
-Apprentissage de 50 objets-emplacement + son
spécifique - 1er rappel à 1h
-Sieste de 90 min avec présentation des sons
pdt sommeil lent (50% objets) - 2e rappel à 3h

Résultats:
-Effet bénéfique de l’indiçage (‘cueing’)
pendant le sommeil lent (tous),
-Performances corrélées à la densité
des spindles
-Apporte plus aux ‘good learners’!

 Effet bénéfique des indices


sensoriels sur la réactivation
pendant le sommeil lent
 Mais cet effet dépend de la
qualité de l’apprentissage!

Creery et al, Sleep, 2015


Concept encore émergent : la sélection et le tri des
mémoires et puis l’oubli pendant le sommeil
Quelle information est retenue?

(a) Consolidation uniforme vs discrimination des informations à retenir


(b) Performance attendues d’une consolidation sélective pendant le sommeil

1- Mémoires affectives plutôt que neutres : + rôle du sommeil paradoxal


2- Récompense annoncée (même si annoncée après l’encodage:‘retrospective salience tagging’)

3- Instructions explicites, ‘à retenir’ ou ‘à oublier’


 oubli = processus actif pendant le sommeil

Stickgold and Walker, Nature Neuroscience, 2013


Sous quelle forme l’information est mémorisée?

Consolidation d’informations (item) spécifiques

Intégration d’information

Généralisation multi-information

Fausse mémoire

Extraction
essentiel

Extraction de règles

Stickgold and Walker, Nature Neuroscience, 2013


Au-delà des effets sur la mémoire…

Exemple d’un problème posé dans un jeu vidéo (raisonnement logique)

Le protocole

Entrainement Sieste (+ EEG) ou test


Veille calme

Les résultats Jeu: Speedy Eggbert Mania (Sokoban)

 Effet bénéfique du sommeil sur la résolution


de problèmes (12/14 vs 7/15 joueurs)

 Rôle-clé du sommeil lent (tâche visuo-


spatiale impliquant l’hippocampe)

Beijamini et al Plos One 2014


Au-delà des effets sur la mémoire…..

Le sommeil améliore diverses performances:

- créativité (sommeil paradoxal)


- résolution de problèmes (mathématiques)
- perspicacité

Comment?
Intégration/ajout des nouvelles expériences dans des
connaissances anciennes (circuits neuronaux pré-existants)

Proverbe : « La nuit porte conseil! »


EN RÉSUMÉ

• Processus « offline » de consolidation: le sommeil stabilise la trace


et améliore les performances

• Réactivation des mémoires pendant le sommeil

• Sommeil favorise la consolidation de toutes les mémoires à long terme:


déclaratives et procédurales

• Rôle-clé du sommeil lent dans la consolidation des mémoires


hippocampo-corticales (préfrontal) dépendantes (mémoires épisodiques)
EN RESUME

- La privation de sommeil après apprentissage empêche nos souvenirs de se


consolider/renforcer et de durer dans le temps

- Le sommeil = réactivation/renforcement/réorganisation/stabilisation des traces


= processus actif (rôle séquentiel sommeil lent et paradoxal)
= changements qualitatifs et quantitatifs des représentations mnésiques
= oubli aussi!

- Les souvenirs émotionnelles sont mieux renforcées que les souvenirs neutres

- Effets bénéfiques de la sieste (60-90 min) ‘A nap to recap’…..

- Les apprentissages modifient l’architecture du sommeil et son altération empêche


la consolidation des souvenirs

- Le sommeil restaure les capacités de mémoire: facilite l’apprentissage du lendemain


EN RESUME

- On peut améliorer la consolidation de nos souvenirs avec des indices sensoriels


(odeurs, sons-mélodies) pendant l‘apprentissage et le sommeil lent

- Nos souvenirs se consolident aussi pendant la veille calme

- Intégration de nos souvenirs récents dans des connaissances pré-existantes


(schémas, extraction des caractéristiques générales)
→ évolution plutôt que consolidation d’un souvenir

- Quels évènements/informations (mémoires) sont gardés/consolidés,


lesquels sont oubliés? ou comment le cerveau trie, choisit?
 Rôle de la motivation (récompense), de la consigne/instructions
et de l’émotion (mémoire émotionnelle)

- A priori, on n’apprend pas en dormant mais…….

→ Sommeil est crucial pour la consolidation optimale de nos souvenirs,


la généralisation des connaissances, l’oubli, les nouveaux apprentissages
et bien plus encore!
Pour bien mémoriser ses leçons

1- Au lycée : apprentissage (encodage)


→ attention, concentration
(engagement actif)

2- A la maison : lire, relire et réviser en plusieurs fois,


→ comprendre, et s’approprier
ce que l’on apprend
(retour d’information)

3- Dormir → consolider, stabiliser nos mémoires,


oublier, apprentissages du lendemain

4 - Réciter → rappeler, tester sa mémoire


(reconsolidation)
(retour d’information,
mise à jour, correction)

5- Prendre soin de sa mémoire (cerveau)


→ faire du sport, bien manger
Les 4 piliers de l’apprentissage
(Stanislas Dehaene)

 L’attention
 L’engagement actif  maximiser la curiosité et la
prédiction active
 Le retour d’information
- signaux d’erreurs
- récompense – motivation
 La consolidation
- automatisation : transfert du conscient au
non-conscient
- sommeil
“Study as hard as you can + Get some sleep = Better outcome!”
MERCI pour votre attention

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