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Ministère de l’Emploi et de la Solidarité

Haut Comité de la santé publique

Infections virales
aiguës, importées,
hautement
contagieuses
et leur prise en charge
Rapport validé par le HCSP
en séance plénière du 18 septembre 2001
et rendu public le 18 décembre 2001

D é c e m b r e 2 0 0 1
LE PHOTOCOPILLAGE MET EN DANGER L’ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE DES CIRCUITS DU LIVRE.
Toute reproduction, même partielle, à usage collectif de cet ouvrage est strictement interdite sans autorisation de l’éditeur (loi du 11 mars 1957,
code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992).

© 2002 Haut Comité de la santé publique, 8, Avenue de Ségur – 75350 Paris VIIe SP
Photo de couverture : CDC – Phil.1181/C. Goldsmith. Ebola Virus.
ISBN 2-85952-811-3 – ISSN 1244-5622
http://editions.ensp.fr
S O M M A I R E

Saisine ministérielle VII

Composition du groupe de travail IX

Le contexte 1
Maladies infectieuses émergentes et réémergentes 1
Fièvres hémorragiques virales et pandémie grippale 11
Maladies transmissibles et contagiosité 13
Maladies importées 15
Risques d’émergence ou de réémergence de maladies
contagieuses en France 15

Fièvres hémorragiques virales 17


Les principales infections 17
La prise en charge de cas importés 27

La grippe 43
Les pandémies grippales 43
Risque d’émergence d’un virus grippal nouveau chez l’homme :
rôle de la surveillance épidémiologique 46
Scénarios de l’émergence 51
Prévention vaccinale 58
Les antiviraux 60

Autres situations 63
« Le mal mystérieux » 63
Situations non identifiées 64

Organisation et mise en œuvre de la prise en charge 65


Les intervenants 65
La mise en œuvre de la prise en charge 72
Cas particulier des animaux 74

Propositions et recommandations 75

Conclusions 91

Annexes 93

Bibliographie 113

Liste des sigles 117

Infections virales aiguës… / décembre 2001 V


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

La ministre de l’Emploi et de la Solidarité


Le Secrétaire d’État à la Santé
et à l’Action sociale

CAB/CC/SR Paris, le 17 mai 1999

Monsieur le Président,
Alors que des maladies infectieuses que l’on croyait contrô-
lées, telles que la tuberculose, la diphtérie, la coqueluche, le cho-
léra, la dengue, la fièvre jaune reviennent au premier plan des
préoccupations de santé publique dans le monde, on assiste paral-
lèlement à l’identification d’agents pathogènes nouveaux, res-
ponsables d’épidémies parfois meurtrières : virus de l’hépatite C,
VIH, prions, virus Ebola, hantavirus, Escherichia coli entérohé-
morragique, légionelle…
Les bouleversements de l’environnement, naturels ou pro-
voqués, les changements démographiques et sociaux, les muta-
tions technologiques, et le recours inadapté à l’antibiothérapie
concourent à l’émergence de ces maladies.
Face à cette situation épidémiologique fluctuante, il est fon-
damental de disposer des moyens de détection, de surveillance
et d’évaluation nécessaires à une estimation fiable des probabi-
lités de survenue d’une maladie de nature épidémique et à une
gestion cohérente et adaptée du risque infectieux.
Vous analyserez les capacités du système français de veille
sanitaire et d’alerte et du système de soins à répondre à deux
types de risque particuliers :
– celui de la survenue en France d’un ou de plusieurs cas
d’une maladie hautement contagieuse telle qu’une fièvre hémor-
ragique virale ;
– celui de la survenue d’une pandémie brutale de maladies
contagieuses telles que des formes graves de grippe ou maladies
apparentées.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 VII


Saisine ministérielle

Vous proposerez, au vu de votre évaluation, les aménage-


ments nécessaires de notre politique de santé publique, l’amé-
lioration ou la création des infrastructures adaptées à la prise en
charge de ces pathologies, le développement de programmes
de recherche ciblés et l’adaptation éventuelle du système de veille
sanitaire.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’assurance
de nos sentiments les meilleurs.

Martine Aubry Bernard Kouchner

Monsieur le Professeur Gilles Brücker


Vice-Président du Haut Comité de la santé publique

VIII Haut Comité de la Santé Publique


Composition du groupe de travail
Président :
René Roué, HCSP

Membres :
François Bricaire, hôpital de la Salpêtrière, Paris
Gilles Brücker, HCSP
François Denis, hôpital Dupuytren, Limoges
Jean-Claude Désenclos, Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice
Jean-Claude Manuguerra, CNR de la Grippe, Institut Pasteur, Paris
Dominique Peyramond, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon
Vincent Pierre, direction générale de la Santé, MES

Coordination :
Claudine Le Grand, Secrétariat général du HCSP

Le groupe de travail remercie


Hervé Zeller (CNR des arbovirus et des fièvres hémorragiques
virales, Institut Pasteur, Paris)
François Bonnaud (HCSP),
pour leur contribution à ce rapport
Le Général Daniel Vilain et Jacky Pasnon,
pour l’entretien qu’ils nous ont accordé dans le cadre de leurs
fonctions auprès du Haut Fonctionnaire de Défense du minis-
tère de l’Emploi et de la Solidarité

Au cours de ses réunions,


le groupe de travail a auditionné
Michèle Aggoune, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
Philippe Bargain, Aéroport de Roissy-Charles de Gaulle
Jean-François Caillard, Hôtel-Dieu
Dominique Dormont, Centre de recherches E. Pardé, CEA,
Fontenay-aux-Roses
Françoise Héritier, Comité consultatif national d’éthique pour
les sciences de la vie et de la santé, Paris
Annie Leprince et Isabelle Balty, Institut national de recherche
et de sécurité, Paris
Michel Setbon, Grid, CNRS, Cachan

Infections virales aiguës… / décembre 2001 IX


Le contexte

Maladies infectieuses émergentes


et réémergentes
Rappel La seconde moitié du XXe siècle a pu paraître à certains de ses
historique contemporains comme la période de déclin des maladies infec-
récent tieuses, laissant la place aux cancers, aux maladies métaboliques
et dégénératives, aux maladies mentales et aux traumatismes,
du fait de la disponibilité et du développement des antibiotiques,
des progrès de l’hygiène collective et individuelle, de la mise au
point de vaccins efficaces et de la mise en œuvre de politiques
adaptées.
Force est de constater, de ce point de vue, la quasi-disparition
dans de nombreux pays industrialisés, dont la France par exemple,
de la poliomyélite, du rhumatisme articulaire aigu, de la fièvre
typhoïde, du tétanos. Des maladies infantiles, comme la scarla-
tine, la rougeole, la rubéole, les oreillons, la diphtérie, y sont en
forte régression. La variole, fléau mondial viral, très contagieuse,
à forte létalité, est officiellement déclarée éradiquée de la planète
par l’OMS, en 1978, après une campagne de vaccination mas-
sive. Mais alors que les armes, notamment vaccinales, sont effi-
caces, elles ne sont pas toujours mises en œuvre. En ex-URSS,
la diphtérie est réapparue en 1994 (45 000 cas en 1995).

Infections virales aiguës… / décembre 2001 1


Le contexte

C’est en 1976 que ce climat optimiste est troublé par l’explosion


d’une épidémie de pneumonies graves survenue à Philadelphie,
aux États-Unis, dans un centre de conférence, chez 4 500 vété-
rans de l’armée américaine. Cette épidémie fit 29 morts après
que les sujets eurent quitté Philadelphie et se furent dispersés
dans de nombreuses villes des États-Unis. La cause de la « mala-
die mystérieuse » fut identifiée un an plus tard comme étant une
bactérie, Legionella pneumophila, répandue dans l’eau, notam-
ment celle des systèmes d’air conditionné mal entretenus.
En 1981, une autre épidémie « mystérieuse » frappe à nouveau
de grandes cités américaines : le sida. Très vite, elle est attribuée
à des groupes à risque : homosexuels, héroïnomanes, haïtiens,
hémophiles. Le virus responsable est rapidement isolé en 1983
à l’Institut Pasteur de Paris, mais il faut plusieurs années pour
que la transmission, liée à des comportements et non à des
groupes à risque, soit reconnue chez les hétérosexuels. L’expres-
sion de « porteur sain », au lieu de porteur asymptomatique, appa-
raît sous des plumes scientifiques. On sait aujourd’hui l’ampleur
de cette épidémie mondiale.
À la même période, aux États-Unis encore, des mères de famille
de la petite ville de Lyme (Connecticut) s’inquiètent de manifes-
tations articulaires fébriles chez leurs enfants. Un dispositif de
recherche multidisciplinaire adapté permet en 1982 d’identifier
Borrelia burgdorferi comme la cause de la maladie, maintenant
connue pour être endémique en Amérique du Nord et en Europe
et pour être transmise par des tiques et autres insectes piqueurs.
Toujours en 1982, est détectée Escherichia coli 0157 : H7. Trans-
mise par des aliments contaminés, cette bactérie est à l’origine
de poussées de syndrome hémolytique et urémique en Amérique
du Nord, en Europe et au Japon (6 000 cas chez des écoliers, dont
2 mortels dans ce pays en 1996).
Vibrio cholerae 0139 est un nouveau sérotype détecté pour la
première fois en Inde en 1992 ; il favorise la propagation de l’épi-
démie de choléra. Par poussées successives, le choléra a atteint
les Amériques en 1991, alors qu’aucun cas n’y avait été enre-
gistré depuis un siècle ; il s’est propagé en Afrique orientale et
australe et de nouvelles flambées ont été observées en Amérique
du Sud.
D’autres maladies bactériennes voient leur fréquence augmenter,
sous l’influence de divers facteurs : tuberculose, infections à pneu-
mocoques et à staphylocoques, diarrhées épidémiques, infections
à gonocoques, rickettsioses (onze nouvelles infections décrites

2 Haut Comité de la Santé Publique


depuis 1974). Dans beaucoup de pays, industrialisés ou en déve-
loppement, les antibiotiques de première intention, peu coû-
teux, ont de surcroît perdu leur efficacité sur ces bactéries du fait
de la résistance acquise, notamment sous la pression de sélec-
tion médicamenteuse.
L’exemple de la tuberculose est particulièrement frappant. La chi-
miothérapie antituberculeuse en a radicalement transformé l’évo-
lution ; avant son avènement, elle était mortelle dans 50 % des
cas ; ce traitement représente d’autre part l’acte majeur de pré-
vention des sujets sains. Lorsqu’il est mal conduit, quelles qu’en
soient les causes, il favorise le développement de tuberculoses
multirésistantes à l’isoniazide et à la rifampicine, les deux anti-
tuberculeux les plus puissants actuellement utilisés. La multiré-
sistance primaire est la conséquence de la transmission à un
patient jamais traité auparavant d’une souche bacillaire devenue
multirésistante chez le contaminateur. La multirésistance secon-
daire ou acquise est induite par un traitement inadéquat chez
un patient infecté par une souche sensible. Face aux problèmes
posés par les épidémies de tuberculoses multirésistantes sur-
venues d’abord aux États-Unis dans les hôpitaux, dans les prisons
et dans des foyers pour personnes sans domicile fixe, puis dans
certains pays d’Europe, l’OMS et l’Union internationale contre
la tuberculose et les maladies respiratoires ont initié un projet
conjoint de surveillance globale de la multirésistance dans le
monde depuis 1994.
La répartition géographique de la multirésistance primaire est
variable au sein d’un même continent, d’une région à l’autre. En
Europe de l’Ouest, la situation est beaucoup plus préoccupante
(Fédération de Russie, Estonie, Lettonie) de l’ordre de 4 à 14,1 %.
Au Mozambique et en Côte-d’Ivoire, elle est respectivement de
3,5 % et 5,3 %, plus élevée que dans les autres pays.
La situation de la multirésistance secondaire dans le monde est
par contre beaucoup plus hétérogène ; elle fluctue entre 0 et 37,8 %
en Europe, jusqu’à 48,2 % en Asie, 22,4 % en Amérique et 28,1 %
en Afrique.
Il en résulte une inefficacité des traitements, le recours à des
antituberculeux anciens, « historiques », plus toxiques et moins
actifs ; la mortalité est élevée, de l’ordre de 20 à 46 %. Ces
malades et les survivants font courir le risque de dissémina-
tion de tuberculoses multirésistantes à l’hôpital et dans la com-
munauté, ce qui justifie des mesures d’isolement draconiennes
des malades atteints.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 3


Le contexte

Les infections pneumococciques constituent désormais pour


l’OMS « un problème majeur de santé publique à l’échelle pla-
nétaire », chez les jeunes enfants et les personnes âgées de
plus de 65 ans, notamment du fait de la résistance qu’opposent
les pneumocoques aux antibiotiques majeurs, posant un pro-
blème grave qui gagne rapidement l’ensemble du monde… La
faculté avec laquelle les souches résistantes se propagent à tra-
vers le monde met en relief la nécessité de lutter contre ces mala-
dies par la vaccination, avec le vaccin polyosidique polyvalent à
23 valences chez l’adulte et les vaccins conjugués chez les jeunes
enfants.
La stratégie de contrôle des staphylocoques dorés résistants à la
méticilline, en milieu hospitalier, n’a pas permis de maîtriser la
diffusion de ces bactéries fréquentes au cours des infections noso-
comiales, comme l’indique une étude réalisée entre 1995 et 1998
au sein d’un échantillon d’hôpitaux représentatifs du parc hos-
pitalier français.
L’infection à méningocoque, dont l’évolution peut être rapidement
foudroyante et qui peut déclencher de vives réactions de peur
dans nos pays, prend depuis le milieu des années quatre-vingt-
dix, en Afrique, une ampleur épidémique sans précédent. Une
nouvelle souche de Neisseria meningitidis (sérogroupe A clone
III.1) y a été détectée, après avoir été observée pour la première
fois au Népal et en Chine dans les années quatre-vingt. En 2000,
une flambée de méningococcie de portée internationale, due à un
sérogroupe peu commun, W 135, a atteint la France (2 cas de per-
sonnes en contact proche avec des pèlerins à La Mecque) et a
nécessité la mise en œuvre rapide de mesures vaccinales adap-
tées avec un vaccin non commercialisé en France.
Les maladies parasitaires n’échappèrent pas au triomphalisme
de la victoire promise sur les microbes. Dans les années soixante,
l’OMS proposa un programme mondial d’éradication du paludisme.
Aujourd’hui cette infection est en recrudescence dans ses aires
d’endémie, notamment les pays en développement des zones tro-
picales où elle est un souci majeur de santé publique. Les cas
importés dans les pays du Nord sont en augmentation.
Récemment, huit cas de trypanosomiase humaine africaine, ou
maladie du sommeil, ont été authentifiés chez des touristes ayant
séjourné dans la zone des grands parcs animaliers de Tanza-
nie. Cette maladie sévit de manière régulière dans cette région.
Le fait nouveau est la survenue, exceptionnelle, de cas groupés
dans le temps chez des touristes.

4 Haut Comité de la Santé Publique


Cryptosporidium parvum, identifié en 1976, est une cause de diar-
rhées aiguës et chroniques ; véhiculée par les réseaux d’eau, elle
a été la source d’épidémies, notamment aux États-Unis.
Parmi les maladies virales, le VIH fait irruption dans l’espèce
humaine peu de temps après la disparition de la variole. Vingt ans
plus tard, alors que la vaccination antivariolique est supprimée,
une épidémie de monkeypox sévit en 1997 en République démo-
cratique du Congo. Elle se présente cliniquement comme la variole
et les humains, notamment ceux qui ne sont plus vaccinés depuis
1980, la contractent auprès des singes par piqûre ou contact
sanguin. Cette épidémie a changé de visage par rapport aux pré-
cédentes ; les cas de transmission interhumaine sont plus nom-
breux ainsi que les cas secondaires, entretenant ainsi l’épidémie.
511 cas ont ainsi été suspectés ; la mortalité, de 2 %, a été infé-
rieure à celle attendue. La question du stockage de la souche
vaccinale et de vaccins contre la variole est ainsi posée au niveau
de l’OMS. L’Assemblée mondiale de la santé a décidé d’autoriser
le maintien temporaire, jusqu’en 2002, des stocks existants de
virus variolique dans les sites actuels pour permettre la poursuite
des travaux de recherche internationaux. Un nouveau groupe
d’experts est chargé de décider des recherches à effectuer.
Comme la variole, la fièvre jaune est une maladie virale qui béné-
ficie d’un vaccin très efficace, d’administration simple (1 injection)
conférant une immunité de longue durée (dix ans au moins). Elle
continue à sévir en Afrique parce que le vaccin n’est pas large-
ment administré dans de nombreuses régions exposées. Trente-
trois pays d’Afrique et huit pays d’Amérique du Sud en sont
menacés. En Guinée, au 27 décembre 2000, 512 cas présu-
més dont 190 décès avaient été notifiés. Des cas urbains sont
signalés au Brésil. Des cas mortels sont observés à leur retour
chez des Occidentaux se rendant dans ces pays sans protec-
tion vaccinale.
À côté de ces virus anciennement connus, de nouveaux ont été
identifiés. Outre le VIH en 1983, le virus de l’hépatite C est décrit
en 1989. Silencieux dans sa transmission et dans l’évolution
chronique de la maladie, il frapperait jusqu’à 3 % de la population
mondiale ; 500 000 personnes en seraient porteuses en France.
Le virus de l’hépatite E, à transmission digestive comme le VHA,
est identifié en 1988. Son expression épidémique dans les pays
industrialisés reste très faible.
Parmi les maladies infectieuses des vingt-cinq dernières années,
les fièvres hémorragiques virales (FHV), dont certaines à arbovi-
rus, ont tenu une place particulière. Certes, la fièvre de la vallée

Infections virales aiguës… / décembre 2001 5


Le contexte

du Rift est une zoonose connue depuis 1931 ; transmissible à


l’homme par contact avec des animaux malades, elle a sévi à
la fin de 1997 et au début de 1998 sur de vastes territoires
(Kenya, Somalie, Mauritanie) frappant le bétail et provoquant des
décès dans la population humaine. Elle est aujourd’hui présente
en Arabie Saoudite et au Yémen.
La dengue, connue depuis 1944, sévit dans toutes les régions
tropicales, notamment sous forme d’épidémies en Amérique cen-
trale et du Sud ; elle est transmise par un moustique ; elle peut
s’exprimer sous forme de fièvres hémorragiques qui ont fait leur
apparition aux Antilles et en Guyane ainsi qu’en Afrique alors
qu’elles sévissaient surtout en Asie du Sud-Est.
De même, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo est connue
depuis 1944 ; bénigne il y a quelques années encore, des cas
mortels, dont certains nosocomiaux et d’autres importés, ont été
observés en Afrique du Sud, en Mauritanie, au Kosovo, en Russie,
au Moyen-Orient et en Asie.
Le premier cas de fièvre de Lassa est survenu en 1969 chez une
sage-femme missionnaire au Nigeria, décédée. Deux infirmières
américaines qui s’étaient occupées d’elle ont contracté la mala-
die ; l’une décède, l’autre guérit. Leurs cas permettent l’isole-
ment du virus, mais sont à l’origine de deux contaminations de
laboratoire, dont une mortelle. Le personnel hospitalier paiera un
lourd tribut à cette infection, connue au Nigeria, au Liberia et
en Sierra Leone.
En 1967, à Marburg, en Allemagne et à Belgrade surviennent
25 cas de FHV dont 7 décès, à partir de singes venus d’Afrique.
La contagiosité interhumaine se caractérise par la survenue de
6 cas secondaires. La fièvre hémorragique à virus Ebola s’est
exprimée sous forme de flambée épidémique en 1976 au Zaïre
(virus découvert en 1977), puis dans quatre autres pays d’Afrique
(Côte-d’Ivoire, Gabon, République démocratique du Congo et
Soudan). Les épidémies de fièvres hémorragiques à virus Ebola
ont connu une médiatisation extrême, faisant resurgir la peur des
fléaux épidémiques, peur renforcée dans l’opinion par des films
et des reportages montrant les mesures de protection dans des
laboratoires de recherche sur ces virus. La dernière épidémie due
à la souche Ebola-Soudan s’est déroulée dans trois districts de
l’Ouganda, entre fin août 2000 et le 28 février 2001. Sur un total
de 428 cas présumés (dont 63 % de femmes), 218 ont pu être
confirmés en laboratoire ; 29 agents de santé ont été infectés,
224 personnes sont décédées.

6 Haut Comité de la Santé Publique


La médiatisation des épidémies de maladies virales « nouvelles »
s’amplifie d’autant mieux que celles-ci touchent, mystérieuse-
ment dans un premier temps, des populations de pays, y com-
pris développés, qui en étaient jusqu’alors indemnes et qu’elles
sont d’origine animale :
● Syndrome pulmonaire aigu à hantavirus en 1993 aux États-
Unis (Navajos), puis au Canada et en Amérique du Sud. Aux
États-Unis, les premiers cas de la maladie, avant l’identifi-
cation du virus en cause, firent craindre une transmission
interhumaine alors que la maladie se contracte en fait par
contact avec les rongeurs ou par les aérosols que ceux-ci
ont contaminés ; la transmission de personne à personne
ne peut être totalement exclue mais est très peu probable.
Une ligne téléphonique directe permit de recevoir 21 443
appels en 6 mois et de collecter 280 échantillons de patients
suspects d’être atteints en dehors des États initialement
concernés.
● Méningo-encéphalite à virus West-Nile à New York en 1999
touchant 59 sujets. En Europe, les dernières manifestations
les plus graves de la virose West-Nile remontent à l’été 1996
en Roumanie : 393 cas confirmés à forme méningoencé-
phalitique dont 73 % à Bucarest, avec une létalité voisine
de 10 %. En 1998, 5 cas avaient aussi été observés en
République tchèque. En 1999, une épidémie importante
s’est développée à Volgograd (Russie) avec 40 décès, et
en 2000 en Israël avec plus de 400 cas et 35 décès. En
France, plus de 70 cas chez des chevaux en Camargue ont
été détectés en septembre – novembre 2000 ; aucun cas
humain avec symptomatologie clinique n’a été observé. Ce
virus y avait été isolé dés l’été 1962 et des anticorps détec-
tés chez quelques patients ainsi qu’une séroconversion
pour un virus de ce type chez un jeune enfant atteint de
méningite.
● Encéphalites à virus Nipah (paramyxovirus) en Malaisie en
1999, parmi le personnel d’élevage porcin (plus de 250 cas,
30 % de létalité). Le projet ProMED, mis en œuvre pour gérer
les maladies infectieuses émergentes, a été une source
d’information inestimable au cours de cette épidémie où les
comptes rendus de la presse et les rapports du ministère
de la Santé de Malaisie étaient confus et postulaient notam-
ment, précocement et de manière dogmatique, qu’il s’agis-
sait d’encéphalite japonaise.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 7


Le contexte

La nouvelle variante de la maladie à prion (Creutzfeldt-Jakob), décrite


pour la première fois au Royaume-Uni en 1996, montre la capacité
de certains agents pathogènes à franchir la barrière d’espèce et
fait l’objet d’une préoccupation accrue, très médiatisée.
La grippe, par l’ampleur de sa diffusion et sa contagiosité, sus-
cite les craintes les plus vives à l’idée de mutations virales, rap-
pelant les épidémies de type « grippe espagnole » de 1918. Le
virus influenza A (H5N1), bien connu chez les oiseaux, a été isolé
pour la première fois chez l’homme en 1997 à Hong-Kong. Ces
cas humains ont fait redouter la survenue d’une nouvelle pan-
démie, mais le virus s’est finalement peu transmis et sa propa-
gation paraît avoir été contenue. Ce virus est à nouveau détecté
en mai 2001 chez des volailles vivantes sur des marchés de Hong-
Kong, entraînant la fermeture des marchés et la destruction des
animaux. Les souches isolées sont génétiquement différentes du
virus H5N1 responsable de maladie humaine en 1997. Aucun cas
humain n’a été dépisté.
Si toutes ces infections sont de nature à inquiéter l’opinion
publique et à alerter les pouvoirs publics, la connaissance des
agents pathogènes en cause et des modalités de leur trans-
mission aboutit, dans bien des cas, à améliorer leur diagnos-
tic, leur traitement et leur prévention ; ainsi, sans revenir sur les
infections déjà mentionnées, citons comme exemples :
● L’identification des rotavirus, en 1973, qui a permis la mise
au point d’un vaccin efficace, mais mal toléré et non com-
mercialisé, contre cette cause majeure de diarrhée infantile
dans le monde.
● La découverte d’Helicobacter pylori en 1983, et sa recon-
naissance, assez surprenante, comme agent de l’ulcère gas-
troduodénal, faisant envisager un traitement antibiotique
éradicateur dans de nombreux cas.
En définitive, l’ensemble des connaissances acquises, fonda-
mentales et cliniques, sur ces pathologies, parfois dans de courts
délais, rend possible un discours et un comportement rationnel
face à des peurs individuelles et collectives entretenues par les
zones d’incertitude.
La détection d’agents nouveaux, parfois révélés sous forme
d’épidémies brutales à mortalité élevée au cours des vingt-cinq
dernières années, a fait naître au début des années quatre-
vingt-dix, les concepts de maladies infectieuses émergentes et
réémergentes. Celles-ci prennent de l’acuité dans le contexte
de la mondialisation.

8 Haut Comité de la Santé Publique


Le concept de Il n’existe pas de définition univoque des maladies infectieuses
maladies émergentes, ce terme étant en effet utilisé de manière très large
pour qualifier une maladie « dont on parle » ou « dont on souhai-
infectieuses terait que l’on parle ». Selon le dictionnaire Larousse : « l’émer-
émergentes gence » est l’état de ce qui émerge, à savoir « dépasse le niveau
moyen, retient l’attention ou sort du lot… ». Cette définition appli-
quée aux maladies infectieuses permet de circonscrire le champ
de discussion. Il peut en effet s’agir :
● D’une maladie qui apparaît de novo (elle n’existait pas avant,
tel le sida).
● D’une maladie qui existait sans pouvoir être diagnostiquée
de manière précise ou être rattachée à un agent infectieux
donné (l’hépatite C avant la découverte du VHC).
● D’une infection connue, mais qui sort plus ou moins rapi-
dement des fluctuations moyennes habituelles (épidémie de
salmonellose, épidémie de grippe, recrudescence des infec-
tions à gonocoques…).
● D’une maladie infectieuse soudainement perçue comme
grave ou menaçante sans que son incidence ou sa gravité
soit à la hausse (l’hépatite C en participe de même que
les infections à méningocoque…).
Cependant, cette définition est insuffisante car elle ne prend pas
en compte des modifications de forme ou qualitatives de certaines
infections, en particulier l’émergence d’agents infectieux variants
qui peuvent concerner la sensibilité aux agents anti-infectieux
(résistance aux antibiotiques, résistance aux antiviraux du VIH, du
VHB et aussi du VHC), des modifications antigéniques qui pour-
raient amener une résistance aux vaccins (ainsi pour le virus grip-
pal lors de l’apparition d’une nouvelle souche, phénomène potentiel
aussi discuté pour le vaccin contre l’hépatite B, la coqueluche…)
ou une moins bonne détectabilité par les tests de dépistages séro-
logiques (VIH, VHB…) et enfin des modifications de pathogénie du
fait d’une modification antigénique, ou de l’acquisition de nou-
veaux mécanismes pathogéniques (production de toxine…). Ces
variants, du fait de leur échappement aux moyens thérapeutiques,
de dépistage ou de prévention peuvent prendre rapidement le des-
sus sur la forme habituelle de la maladie (résistance aux anti-
biotiques…) et mettre en défaut les moyens thérapeutiques, de
dépistage ou de prévention.
On perçoit donc que le domaine de l’émergence en pathologie
infectieuse embrasse un champ très large et très complexe, incluant
la dimension sociologique (perception du danger et extrême rapi-
dité de la circulation de l’information). Si l’on utilise souvent par

Infections virales aiguës… / décembre 2001 9


Le contexte

excès le terme « émergent » il faut d’emblée reconnaître que la


dimension sociale et la communication seront essentielles à
prendre en compte dans la gestion par les professionnels de santé,
les services de santé publique et l’autorité sanitaire de tels phé-
nomènes, qu’ils soient réellement émergents (réellement nou-
veaux) ou, comme c’est le cas le plus fréquent, qu’il s’agisse
de sujets dont on parle ou qui suscitent des craintes.
Pour comprendre la dynamique des infections et leur capacité
à évoluer et « émerger » sous une forme nouvelle ou inhabituelle,
il convient de considérer le problème dans sa dimension globale,
à savoir non seulement l’agent infectieux mais aussi l’environ-
nement (social et politique inclus), l’hôte, qu’il soit animal ou
humain, et surtout les interactions entre ces trois éléments
fondamentaux :
● L’émergence ou la réémergence peut être le fait de modifi-
cations de l’agent infectieux survenant aléatoirement (muta-
tion ou réassortiment de matériel génétique) comme pour le
virus grippal ou sous une pression de sélection telle que
celle exercée par l’utilisation des anti-infectieux.
● Elle résulte aussi de causes environnementales qui, par des
modifications du milieu, de l’écologie, des technologies, des
conduites humaines, de l’interaction avec le milieu animal ou
végétal, peuvent créer des conditions biologiques favorables
à la transmission à l’homme d’un agent infectieux connu
ou nouveau. De nombreux exemples correspondent à cette
catégorie, dont le déplacement de sujets non immuns en zone
d’endémie ou inversement l’introduction de sujets infectieux
dans une population n’ayant jamais été en contact avec
l’agent, les voyages internationaux, le commerce des den-
rées alimentaires et des animaux, les modifications des tech-
nologies de l’alimentation (farine de viandes et d’os pour
l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine, antibio-
tiques chez l’animal et résistance chez l’homme…), les chan-
gements climatiques, la déforestation, la guerre et ses
conséquences, les difficultés socio-économiques. Le système
de santé entre dans cette catégorie. Par ses développements,
il peut favoriser la transmission d’agents infectieux (infection
à VIH ou VHC et transfusion, infections nosocomiales et iatro-
gènes). Mais surtout, l’effondrement d’un système de santé
public structuré (services de vaccination en particulier), du
fait de difficultés ou troubles sociaux, est un grand pourvoyeur
de réémergence ou d’émergence grave (diphtérie en Russie,
réémergence de certaines infections tropicales en Afrique –
trypanosomiase, Kala-Azar, fièvre jaune…).

10 Haut Comité de la Santé Publique


● Les modifications de l’hôte sont tout aussi importantes, en
particulier celles qui affectent sa susceptibilité aux infections
soit du fait de l’âge, de maladies intercurrentes ou de traite-
ments immunosuppresseurs…, soit aussi dans ses relations
sociales et avec l’environnement. L’émergence d’un nouveau
phénomène infectieux est très souvent le fait d’une conjonc-
tion de plusieurs facteurs. C’est ainsi que pour la résistance
aux antibiotiques deux phénomènes sont nécessaires : l’émer-
gence d’une souche avec un nouveau profil de résistance et
ensuite la transmission de celle-ci entre les individus du fait
du contact de personne à personne ou par l’intermédiaire
de l’alimentation ou des soins (infections nosocomiales).

Fièvres hémorragiques virales


et pandémie grippale
Les FHV et une pandémie grippale due à un virus mutant présentent
globalement un certain nombre de points communs, au sein des
maladies infectieuses émergentes et réémergentes : ce sont des
infections virales, aiguës, dont l’expression clinique initiale peut
présenter des similitudes ; elles peuvent être hautement létales ;
les moyens de prévention vaccinale sont très limités (uniquement
contre la fièvre jaune) jusqu’à la mise au point d’un nouveau vac-
cin grippal ; les traitements curatifs sont quasi inexistants pour
les FHV et d’une efficacité non documentée, quant à la réduction
de la gravité et à la diminution du risque de décès, pour les anti-
viraux de la grippe actuellement disponibles.
Les patients atteints de ces infections seraient initialement, pour
la plupart, des suspects chez qui il conviendrait de mettre en œuvre
les examens complémentaires adaptés en vue du diagnostic.
Pour la plupart, ces infections sont considérées comme hautement
contagieuses. Ce sont des zoonoses ; certaines sont susceptibles
de transmission interhumaine et présentent un risque nosocomial
pour les autres malades et surtout pour les personnels de santé.
Le diagnostic de certitude nécessitant un délai de réponse, des
mesures de sécurité doivent être prises entre le moment de la
suspicion clinique de l’infection, dont les critères sont à définir,
et celui où le laboratoire confirme ou infirme le diagnostic.
Ces mesures de sécurité impliquent un isolement technique et
géographique. Elles imposent que l’ensemble des procédures de
transport et d’isolement du patient et des personnels soient anti-

Le panier de biens et services de santé aiguës… / Février 2001 11


Le contexte

cipées, connues d’équipes entraînées amenées à les mettre en


œuvre en situation d’exception, et que ces lieux d’isolement soient
répertoriés et équipés.
Les examens biologiques pouvant apporter la preuve de l’ori-
gine de l’infection sont des examens spécialisés, non réalisables
dans tous les laboratoires. Pour certains (FHV), il s’agit d’examens
faisant appel à des techniques très spécialisées.
Les conditions de transport et de traitement des prélèvements
posent des problèmes de sécurité pour les personnels des labo-
ratoires.
Ces infections sont des maladies initialement importées : à ce
titre, les cas suspects en provenance des zones où sévissent des
cas authentifiés doivent pouvoir être identifiés, et leur prise en
charge bénéficier d’un système d’alerte épidémiologique efficace.
Ces infections virales, très médiatisées, sont à même de réveiller
les peurs ancestrales des grands fléaux sociaux. Elles peuvent
engendrer des situations d’alerte ou de crise que les pouvoirs
publics auront à gérer. L’information et la communication vers les
professionnels de santé et les médias se révèlent essentielles et
doivent être prises en compte.
Un point majeur qui distingue les FHV d’une grippe à virus mutant
est le nombre de personnes susceptibles d’être atteintes. Autant
le risque d’épidémie de FHV est quasi nul en France métropoli-
taine à partir d’un cas importé, autant le risque de diffusion de la
grippe dans la collectivité est majeur, en l’absence de moyens de
prévention adaptés.
La prise en charge de patients atteints de FHV (cas isolé ou nombre
limité, en principe) ou bien de patients atteints de grippe à virus
mutant (nombre important) peut nécessiter des choix dans les
moyens diagnostiques ou thérapeutiques, dans les décisions
d’hospitalisation ou non (grippe) qui ne relèvent pas uniquement
de critères médicaux, mais éthiques.
Les mesures de prise en charge concernent non seulement les
malades, mais également les personnels des laboratoires (de
structures spécialisées ou d’établissements de soins) travaillant
sur ces virus hautement contagieux et qui seraient soumis acci-
dentellement à une contamination, pouvant être massive, par des
agents pathogènes.
Elles intéressent encore les personnes au contact d’animaux
de compagnie (importés légalement ou clandestinement) ou d’expé-
rimentation.

12 Haut Comité de la Santé Publique


Elles seraient applicables devant tout phénomène épidémique
d’allure infectieuse dont la cause ne serait pas connue dans des
délais normaux. La question de l’origine, naturelle ou provoquée
(bioterrorisme), serait alors posée. De nombreuses bactéries, virus
et toxines, ont été mentionnés dans la littérature comme pouvant
être utilisés en tant qu’armes biologiques ; les principaux sont
Bacillus anthracis (charbon), Yersinia pestis (peste), les pox virus
(dont la variole), Francisella tularensis (tularémie), certains virus
des fièvres hémorragiques, dont Ebola, et la toxine botulinique.
Ils ont pour caractère commun de pouvoir être dispersés facile-
ment par aérosols de particules et d’être inhalés. La voie respi-
ratoire est le mode privilégié d’utilisation de ces agents, même
si d’autres voies sont possibles : contamination orale par pollution
intentionnelle d’eau et d’aliments, voie percutanée. Certains agents
ont un fort potentiel de transmission interhumaine (peste pulmo-
naire, variole, certaines fièvres hémorragiques virales). La morta-
lité peut être élevée, et ils ont pour effet de susciter la panique
et des perturbations sociales au sein des populations atteintes.

Maladies transmissibles et contagiosité


« Contagieux : se dit d’une maladie qui se communique, se trans-
met par contagion.
Contagion : transmission d’une maladie d’un sujet malade à un
sujet sain (synonymes : contage, contamination). La contagion est
directe quand elle se fait, sans intermédiaire, de la personne
malade à la personne saine : par exemple, dans la syphilis, où le
tréponème passe directement du syphilitique à la muqueuse ou
à la peau saine d’un sujet sain. Elle est indirecte quand un inter-
médiaire est nécessaire : par exemple, dans le paludisme, où
le moustique transmet à une personne saine, en la piquant, l’héma-
tozoaire provenant du sang d’un paludéen. Le cas le plus fréquent
est celui des contagions mixtes : la fièvre typhoïde peut être trans-
mise par l’eau de boisson ou par des aliments contaminés. »
Ces définitions et les exemples qui les accompagnent sont extraits
du Grand dictionnaire encyclopédique Larousse (édition complète,
1985). Outre qu’elles font référence aux notions les plus clas-
siques en épidémiologie, elles renvoient à celles de maladies
légalement réputées contagieuses (MLRC) citées dans le Code
rural et dans certains décrets pour l’art vétérinaire, à celles de
maladies à déclaration obligatoire et à déclaration facultative en
médecine humaine ; les maladies contagieuses y figurent dès
1902 ; une liste en fut fixée par décrets entre 1960 et 1973 ; ces

Infections virales aiguës… / décembre 2001 13


Le contexte

maladies entraînent une éviction des écoles et, parfois, des frères
et sœurs, pour une durée obligatoire fixée dans certains cas.
Depuis les années quatre-vingt, le mot « transmissible » a ten-
dance à se substituer au mot « contagieux », sous l’influence de
l’expression anglaise dans « maladies sexuellement transmis-
sibles » par exemple et plus particulièrement à propos de l’infec-
tion à VIH et du sida. Il a pris place dans le langage administratif
officiel : circulaire relative à la déclaration obligatoire des mala-
dies transmissibles (1986 et 1988) ; Centres nationaux de réfé-
rence (CNR) pour la lutte contre les maladies transmissibles (1996
et 1999). En même temps que le sens du mot évoluait, la liste
des maladies faisant l’objet d’une transmission obligatoire de don-
nées individuelles à l’autorité sanitaire a été élargie dans le nou-
vel article L 3113-1 du Nouveau Code de la santé publique (ancien
L 1.1. du Code de la santé publique) suite à la loi du 1er juillet
1998 concernant le renforcement de la veille sanitaire.
L’usage du mot « transmissible » est devenu courant dans les
publications et communications médicales ; le Dictionnaire médi-
cal (Masson, 7e édition, 1996) le reconnaît, le Dictionnaire des
termes de médecine (Maloine, 25e édition, 1999) l’ignore encore.
Si certains ont voulu opposer ces deux adjectifs, contagieux et trans-
missible ont le même sens, mais aujourd’hui, contagieux a un usage
plus restrictif. Il renvoie plutôt à la transmission par contact direct
ou rapprochée, par l’air. Ainsi par exemple, la grippe, la rougeole ou
la varicelle restent considérées comme des maladies contagieuses.
Il existe des degrés dans la contagiosité qui tiennent à de nom-
breux facteurs (virulence, inoculum, vecteur, terrain, etc.). Ainsi
les infections à VIH, à VHB et à VHC ont les mêmes modes de
transmission : sanguin, sexuel et materno-fœtal, mais chacun de
ces virus n’a pas la même contagiosité pour un mode de trans-
mission identique ; la transmission sexuelle sera plus élevée pour
le VHB que pour le VIH et seulement possible pour le VHC.
Certaines infections virales se situent parmi les infections hau-
tement contagieuses ; c’est le cas de certaines fièvres hémor-
ragiques virales (Lassa, Ebola, Marburg) et de la grippe.
L’évolution du sens de ces mots et leur usage actuel doivent être
précisés car ils peuvent être source de confusions et de malentendus
entre les personnels sanitaires d’une part, dans les médias d’autre part.
Enfin une approche strictement réglementaire des questions de
contagion (éviction, exemption) certes indispensable, pourrait biai-
ser la compréhension rationnelle de phénomènes complexes.

14 Haut Comité de la Santé Publique


Maladies importées
Il s’agit d’une terminologie technique classique en épidémiologie
pour désigner une maladie contagieuse ou transmissible intro-
duite dans un pays ou une région différente de celui ou celle où
elle a été contractée. C’est le cas, par exemple, du paludisme,
habituellement contracté hors de France métropolitaine. Le cas
importé est opposé au cas autochtone qui correspond par exemple
au paludisme contracté exceptionnellement au voisinage d’un aéro-
port international sur le territoire hexagonal. L’expression ne pré-
juge pas de la propagation ou non de cas secondaires dans le
pays ou la zone où le cas a été importé.
Il existe en France un Centre national de référence (CNR) des mala-
dies d’importation. La majorité des FHV et une pandémie de grippe
seraient en France des maladies importées ; seul un hantavirus
responsable de fièvre hémorragique virale avec syndrome rénal
sévit dans le Nord-Est de la France.

Risques d’émergence
ou de réémergence de maladies
contagieuses en France
Pour le virus Ebola, bien que l’ensemble des connaissances sur
les réservoirs de virus et son écologie ne soient pas encore élu-
cidés, une conjonction de facteurs, principalement de nature envi-
ronnementale, est nécessaire à l’éclosion d’une épidémie et à
son éventuelle introduction en Europe : contact avec le réservoir
de virus, transmission au sein de la communauté par contact étroit,
en particulier lors des rites funéraires, amplification lors des soins
à l’hôpital sans respect des règles d’asepsie, transports inter-
nationaux qui peuvent permettre à des personnes contaminées
de déclarer la maladie au retour…
Le risque de grippe pandémique résulte de l’interaction de fac-
teurs impliquant l’agent, l’environnement et l’hôte : le risque d’appa-
rition d’un variant est lié à la biologie du virus mais aussi à la
probabilité de réassortiment de virus issus de plusieurs réservoirs
(homme, volailles, porc…), donc aux contacts étroits entre l’homme
et ces animaux, aux voyages internationaux, et à l’absence d’immu-
nité acquise naturellement ou par la vaccination…

Infections virales aiguës… / décembre 2001 15


Fièvres
hémorragiques virales

Les principales infections


Sous le terme de fièvres hémorragiques virales (FHV) sont regrou-
pées diverses infections potentiellement graves au cours desquelles
un syndrome hémorragique a pu être observé selon une fréquence
variable (5 à 70 % des patients), dont les agents étiologiques viraux
sont très variés ; ce sont tous des virus à ARN. Certains ont un
réservoir animal connu (rongeurs) ; ce sont les fièvres à arenavirus
de l’ancien et du nouveau monde et les hantaviroses.
Les fièvres hémorragiques virales tirent leur dénomination des
lieux où elles ont été initialement observées : ainsi, Ebola est le
nom d’une rivière d’Afrique centrale. Des classifications peu-
vent être établies selon :
● les familles des virus (Bunyaviridae, Arenaviridae, Filoviri-
dae…) et leur genre ;
● les aires de distribution géographique (Ebola-Zaïre, Ebola-
Soudan, etc.) ;
● les modes de transmission, indirecte par vecteur (arthro-
podes) ou directe par exposition aux produits biologiques
provenant de l’animal réservoir de virus (rongeurs, singes)
ou de l’homme malade (transmission interhumaine).

Infections virales aiguës… / décembre 2001 17


Fièvres hémorragiques virales

La diversité des appellations, des réservoirs et des modes de


transmission ainsi que des manifestations cliniques, contribue
à donner des fièvres hémorragiques virales une physionomie com-
plexe et hétérogène qui n’améliore pas leur perception globale de
maladies redoutables, ni leur compréhension.
Les tableaux I et II schématisent les principales caractéristiques
des fièvres hémorragiques virales.
Les FHV ont un tableau clinique commun entre les arboviroses
transmises par les arthropodes (moustiques ou tiques) et les infec-
tions non arbovirales. Les classifications entre ces deux groupes
sont résumées dans les tableaux III et IV.

18 Haut Comité de la Santé Publique


Tableau I
Fièvres hémorragiques virales comportant un risque de transmission interhumaine,
en particulier pour le personnel soignant : épidémiologie

Maladies Virus Géographie Réservoir/ Contagiosité Confinement


vecteur interhumaine

Fièvre Arenavirus Afrique centrale Rongeurs +++ Labo P4


de Lassa Lassa (LAS) et occidentale Mastomys sp. Sang et
sécrétions

FH Sud- Arenavirus Amérique du Sud Rongeurs : rare Labo P4


Américaines Calomys sp. signalée pour
• FH Argentine Junin Zygodotomys sp. Machupo
• FH Bolivie Machupo
• FH Venezuela Guaranito
• FH Brésil Sabia

FH à Filovirus Filovirus Afrique centrale Inconnu +++ Labo P4


• FH de Marburg et australe Sang et
• FH Ebola sécrétions

FH Crimée/ Nairovirus Afrique, Sud Tiques genre Possible Labo P4


Congo (CCHF) CCHF Europe centrale, Ixodidae Sang et
Russie, Proche sécrétions
et Moyen-Orient
Chine

FH à Bunyavirus Rongeurs : Exceptionnel Labo P3


Hantavirus • Muridae et
• HFRS Hantaan (HTN) Asie Arvicolinae
• HFRS Dobrava (DOB) Balkans (Apodemus, Rattus,
Séoul Asie Clethrionomys)
• NE Puumala (PUU) Europe
• HPS Sin Nombre Amérique • Sigmotondinae
du Nord (Peromyscus
Andes Amérique microtus, Calomys
du Sud Oligoryzomys)

Fièvre jaune Flavivirus : Afrique Zoonose : singe Non sauf Labo P3


Amaril sub-saharienne Moustiques labo : sang,
Amérique du Sud genre Aedes, aérosols
Haemagogus

Fièvre d’Omsk Flavivirus : Sibérie Hommes Non sauf Labo P4


Omsk Occidentale Rongeurs (Ondatra) labo : sang,
Tiques genre aérosols
Ixodidae,
Dermacentor

Fièvre Flavivirus Inde : Singes, Non sauf Labo P3


de la forêt de Karnataka musaraignes labo : sang,
Kyasanur Mysore écureuils, hommes aérosols
Tiques genre
Haemaphysalis

Fièvre Bunyavirus Afrique Moustiques Non sauf Labo P3


de la vallée genre genre Aedes, labo : sang,
du Rift (RVF) Phlébovirus Culex aérosols (++)

HFRS : fièvre hémorragique avec syndrome rénal ;


NE : néphropathie épidémique ;
HPS : syndrome pulmonaire à hantavirus.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 19


20
Tableau II
Fièvres hémorragiques virales comportant un risque de transmission interhumaine,
en particulier pour le personnel soignant : clinique, létalité, diagnostic, traitement et prévention

Maladies Incubation Clinique Létalité Diagnostic Traitement Prévention

FIÈVRE DE LASSA 10 j (3 – 21 j) Fièvre, douleurs pharyngées, rétrosternales, abdominales, RT – PCR Ribavirine Ribavirine
œdème cervico-facial, hémorragies cutanées et muqueuses, Culture 16 mg/kg/j x10 j 2 g/j p.o. x 10 j
coma, convulsions, choc hémorragique. Elisa, ISA pas de vaccin
† : 15 – 20 % Western-blot
FH 7 à 16 j Fièvres, maux de gorge, myalgies, diarrhées, RT – PCR Ribavirine Ribavirine
SUD convulsions, hémorragies Culture 16 mg/kg/j x 10 j 2 g/j p.o. x 10 j
AMÉRICAINES † : 15 – 30 % sans traitement Elisa, ISA pas de vaccin
1 % avec traitement ; Guaranito : 15 % Western-blot
FH MARBURG 5à7j Fièvre, myalgies, vomissements, diarrhées, érythème, RT – PCR Symptomatique Pas de vaccin
FH EBOLA (2 à 21 j) hépatite, néphrite, hémorragies profuses, choc Culture
† : Marburg : 30 % ; Ebola : 50 % (40-80 %) Elisa, ISA
FH DE 2à9j Fièvre, congestion du visage et du cou, douleurs diffuses, RT – PCR Symptomatique Pas de vaccin
Fièvres hémorragiques virales

CRIMEE-CONGO rash pétéchial, conjonctivites, hépatomégalie, Culture


encéphalopathie, hémorragies profuses, hépatonéphrite. Elisa, ISA

Haut Comité de la Santé Publique


† : 5 – 30 %
FH À 1 à 3 semaines HPRS et NE : fièvre, atteinte rénale et hémorragies RT – PCR Ribavirine Pas de vaccin
HANTAVIRUS jusqu’à 2 mois † : < 1% en Europe, 5 % en Asie. Culture 16 mg/kg/j x 10 J
HPS : SDRA. † : 50% Elisa, ISA pour HFRS
FIÈVRE JAUNE 3à6j Fièvre, algies, prostration, ictère, vomissements, RT – PCR Symptomatique Vaccin vivant
hémorragies Culture
† : 5 à 50 % Elisa, ISA, Neutralisation
FIÈVRE D’OMSK 2à7j Syndrome grippal, algies, congestion faciale, RT – PCR Symptomatique Pas de vaccin
hémorragies, pneumopathie Culture
† : 0,5 – 3 % Elisa, ISA
FIÈVRE DE LA 3à8j Syndrome grippal, algies intenses, diarrhées RT – PCR Symptomatique Vaccin sur
FORET DE bronchiolite, coma, hémorragies Culture cultures de
KYASANUR † : 0,5 – 3 % Elisa, ISA, Neutralisation tissu formolé
FIÈVRE DE 2à3j Fièvre, hépatite, encéphalite, rétinite, RT – PCR Symptomatique Vaccin non
LA VALLÉE cécité, hémorragies Culture disponible
DU RIFT † : 5 – 10 % Elisa, ISA
Tableau III
Arboviroses majeures

Genre Transmission Maladie FHV


Flavivirus Moustiques Fièvre jaune = virus amaril Oui
Dengue 1, 2, 3, 4 Oui
Encéphalite japonaise Non
West-Nile Non
Murray Valley Non
Encéphalite de Saint-Louis Non
Tiques Encéphalite à tiques Non
Maladie de la forêt de Kyasanur (Inde) Oui
Fièvre hémorragique d’Omsk (Russie) Oui
Alphavirus Moustiques Chikungunya, O’Nyong Nyong, Mayaro Non
Ross River Non
Phlebovirus Moustiques Fièvre de la vallée du Rift Oui
Nairovirus Tiques Fièvre hémorragique de Crimée-Congo Oui
Bunyavirus Moustiques Oropouche, Ilesha, Bunyamwera, La Crosse… Non

Tableau IV
Fièvres hémorragiques non arbovirales

Genre Transmission Maladie FHV


Arenavirus Rongeurs FH d’Argentine (virus Junin) Oui
FH de Bolivie (virus Machupo) Oui
Fièvre de Lassa Oui
Filovirus Ebola Oui
Marburg Oui
Hantavirus Rongeurs Fièvre hémorragique à syndrome rénal (HRFS) Oui
Syndrome pulmonaire (HPS) Oui

Caractères Quelques traits généraux caractérisent les fièvres hémorragiques


généraux virales.
Si certaines d’entre elles sont cosmopolites, y compris euro-
péennes, les plus répandues et les plus graves, hormis la dengue,
se trouvent sur le continent africain où elles sévissent surtout
sous forme d’épidémies, parfois importantes, sur fond d’endémie
comme la fièvre de Lassa.
Les aires de répartition géographique des FHV sont actuellement
mieux connues mais leurs limites, notamment pour la fièvre hémor-
ragique Ebola, ont évolué au cours des dix dernières années
(Congo, Gabon, Côte-d’Ivoire, Ouganda). La fièvre de Lassa est
cantonnée à l’Afrique de l’Ouest.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 21


Fièvres hémorragiques virales

Les connaissances sur les zones de répartition des maladies et


de circulation des virus sont susceptibles d’évoluer.
Au plan clinique, la durée moyenne d’incubation des FHV est
d’une semaine, avec des écarts allant de trois jours à trois
semaines. Les formes asymptomatiques ou paucisymptoma-
tiques sont très fréquentes. Les signes cliniques du début de
l’infection sont assez univoques (syndrome infectieux aigu,
pseudo-grippal). Après quelques jours, d’autres signes peuvent
s’exprimer et être des éléments d’orientation étiologique. Les
manifestations hémorragiques ne sont pas constantes et sont
souvent tardives dans l’évolution. Les données de la littéra-
ture sur les signes cliniques sont parfois recueillies rétrospec-
tivement et dans des conditions de collecte liées aux
circonstances. L’une des observations cliniques les plus pré-
cises est celle d’une éthologue suisse ayant contracté une fièvre
d’Ebola en Côte-d’Ivoire (1er cas) ; elle a été intégralement publiée
et est résumée en annexe.
Le portage du virus peut se faire chez le convalescent pendant
plusieurs semaines après la guérison, notamment dans les sécré-
tions génitales (1 cas de contamination rapporté avec le virus
Marburg).
La létalité chiffrée sur des données hospitalières va jusqu’à 80 %
dans certaines épidémies de fièvre à virus Ebola ; elle est moins
élevée dans la fièvre de Lassa (20 %).
Les traitements antiviraux efficaces sont limités à la ribavirine
dans la fièvre de Lassa, les FHV sud-américaines et les FHV à han-
tavirus avec syndrome rénal, sous réserve d’une administration
précoce à dose efficace dans les six premiers jours de l’infection.
Quant au diagnostic virologique, devant la multiplicité des étio-
logies des FHV, la rareté des demandes et l’absence dans la grande
majorité des cas de réactifs standardisés avec des contrôles de
qualité, les techniques mises en œuvre sont réalisées au coup
par coup dans les laboratoires très spécialisés. Il n’existe pas de
technique fiable, simple, de diagnostic précoce et rapide, appli-
cable sur le terrain.
Habituellement, la détection d’IgM spécifiques est réalisée en pre-
mière intention, mais leur apparition 5 à 6 jours après le début
des signes cliniques est une limitation majeure. En phase de viré-
mie, la détection directe du virus peut être réalisée par amplifi-
cation génique et/ou culture.

22 Haut Comité de la Santé Publique


Les risques de Exemples
transmission En août-septembre 1967, à Marburg (Allemagne) et Belgrade (ex-
humaine Yougoslavie), des travailleurs de laboratoire furent atteints d’une
maladie aiguë fébrile, compliquée de manifestations hémorra-
giques graves ; il y eut 25 cas au total dont 5 décès. L’enquête
montra que 20 de ces malades avaient été en contact avec les
organes de singes ; 5 autres n’avaient été en contact qu’avec des
cultures de cellules rénales de ces singes.
La contagiosité interhumaine de cette nouvelle infection se
caractérisa par la survenue de 6 cas secondaires. L’infection
avait été introduite chez les singes par deux ou trois singes
récemment venus d’Afrique. Lors de l’épidémie à virus Marburg
de Durba (République démocratique du Congo en 1998-2000),
5 cas d’infection nosocomiale, dont 4 décès, ont été réperto-
riés malgré les enseignements prodigués et les mesures d’hygiène
prises.
À Lassa (Nigeria) en 1969, une volontaire américaine du Peace
Corps tomba malade, infectée par le virus de Lassa et mourut,
après avoir infecté deux infirmières, dont l’une mourut également.
Deux enquêtes épidémiologiques montrèrent ultérieurement que,
dans cet hôpital, 17 des 25 personnes séropositives pour Lassa,
donc infectées, avaient partagé la chambre de la volontaire du
Peace Corps décédée.
Lors des épidémies de FHV à virus Ebola :
● en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), en 1976,
la transmission nosocomiale a pu être retenue pour 85 des
318 cas de Yambuku.
● à Kikwit (République démocratique du Congo), plus de 70 %
des premiers patients étaient des personnels soignants. La
transmission nosocomiale a joué un rôle d’amplificateur et
les décès de personnel soignant (trois religieuses italiennes)
ont alerté la communauté internationale.
● au Gabon, en 1995 et 1996, dans le nord-est du pays, le rôle
de la transmission nosocomiale est parfaitement démon-
tré, lors d’actes médicaux ou de l’intervention de sorciers.
● en Ouganda, les trois facteurs principaux qui ont déclenché
la propagation de l’épidémie étaient la présence aux obsèques
de personnes chez lesquelles la fièvre hémorragique Ebola
était présumée et où les contacts rituels avec le défunt étaient
la norme, la multiplicité des aides au sein de la famille et
la transmission nosocomiale à partir de patients ou de
membres du personnel hospitalier.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 23


Fièvres hémorragiques virales

Modalités de la transmission
Les virus des fièvres hémorragiques arbovirales sont par défini-
tion transmis par des arthropodes vecteurs (moustiques et tiques) ;
pour la plupart, ils sont également transmissibles par aérosols,
mais uniquement lors d’expériences ou d’accidents de laboratoire,
ou encore par contact avec des animaux ou des tissus infectés
(Omsk, Crimée-Congo). Des cas de contagiosité interhumaine
directe ont été signalés (Crimée-Congo).
Pour les non-arbovirus, la transmission se fait soit à partir du réser-
voir s’il est connu (rongeurs), soit par contamination interhumaine,
plus rare ou exceptionnelle.
Dans la fièvre de Lassa, la contamination humaine peut être pri-
maire par contact avec les rongeurs (chasse, dépeçage), par voie
respiratoire (aérosol infectieux à partir de l’urine des rongeurs ou
de poussières souillées par leurs déjections), par ingestion d’eau
ou d’aliments contaminés. La transmission peut également être
secondaire interhumaine familiale lors de contacts étroits, et noso-
comiale par le sang, les sécrétions et les excrétas. Il n’y a pas de
transmission secondaire lors de contacts occasionnels.
La contamination humaine par les hantavirus se fait par voie res-
piratoire lors d’une exposition à des aérosols de poussières conta-
minés par les excréments de rongeurs infectés ; le virus est
également présent dans les poumons de ces derniers. Une seule
observation de transmission interhumaine a été signalée en Argen-
tine avec le virus Andes.
La contamination primaire par les virus Ebola et Marburg fait sou-
vent intervenir un contact avec les produits biologiques animaux.
Dans le cas d’Ebola le cas initial ne pouvant être retrouvé, il est
impossible d’effectuer des investigations poussées sur le réser-
voir éventuel du virus. La contamination secondaire interhumaine
se fait par contact direct avec les liquides biologiques infectés
(sang, salive, vomissures, selles) et également avec la peau et
les muqueuses ; la transmission peut aussi être indirecte par les
instruments de soins et les matériels contaminés.

Les facteurs de risque connus associés à la transmission inter-


humaine des virus des fièvres hémorragiques de Lassa, Marburg,
Ebola et Crimée-Congo sont :
● la réutilisation d’aiguilles ou de seringues non stériles,
en Afrique, ou la piqûre accidentelle à partir d’un sujet conta-
miné,

24 Haut Comité de la Santé Publique


● l’absence, lors des soins, de mesures de protection contre
l’exposition à du sang et d’autres liquides organiques conta-
minés,
● la toilette funéraire.
La méconnaissance du diagnostic de FHV ne fait qu’amplifier
les risques. Il est à noter toutefois qu’à Gulu (Ouganda) lors de la
dernière épidémie, 14 agents de santé sur 22 ont été infectés
après la mise en place des unités d’isolement dans l’hôpital. Deux
médecins sont décédés au cours d’épidémie de FHV :
• le docteur Bonzali, médecin de l’hôpital général de Watsa, au
cours de l’épidémie de Durba à virus Marburg ; tombé malade
le 10 avril, cinq mois après avoir suspecté les premiers cas
et observé 74, dont 70 % de décès ; il décéda le 23 avril.
• le docteur Matthew Lukwiya, décédé le 5 décembre 2000
d’une FHV à Ebola, trois mois après le début de l’épidé-
mie en Ouganda. Connu dans son pays et à l’étranger, notam-
ment pour sa lutte contre le sida, originaire de Gulu, il œuvrait
à l’hôpital Sainte-Marie à Lacor. Il avait été contaminé en
soignant un membre du personnel hospitalier, lui-même
atteint du virus.
On sait également qu’aucun cas de contamination n’a été observé
au cours de la phase d’incubation et que le risque augmente avec
les stades ultimes de la maladie. Le risque de transmission
aérienne est ainsi formulé par un texte CDC-OMS (1995). « L’infec-
tion ne se transmet pas facilement de personne à personne par
voie aérienne. Ce type de transmission n’a jamais été rapporté
chez l’homme et n’est considéré comme une possibilité que dans
de rares cas concernant des individus à des stades avancés de
la maladie (par exemple, chez un malade souffrant de fièvre de
Lassa qui présentait une atteinte pulmonaire importante). »
« En revanche, l’étude de cas de FHV survenus chez des primates
(singes) laisse supposer une transmission possible par voie
aérienne au sein de ces espèces. Il n’est pas certain que les obser-
vations sur la transmission chez les primates puissent être extra-
polées à l’homme ; il faut néanmoins tenir compte des observations
chez les primates pour déterminer les précautions à prendre, dans
la mesure où les données disponibles sur l’exposition et la trans-
mission chez l’homme sont limitées. »
La souche Ebola concernée dans l’épizootie était la souche Res-
ton identifiée chez des macaques provenant des Philippines. Des
animaux sont décédés ; quatre cas de séroconversion ont été
observés chez l’homme mais sans signes cliniques.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 25


Fièvres hémorragiques virales

La transmission humaine à partir de cas importés d’un pays


à l’autre reste exceptionnelle, mais l’hypothèse doit être envi-
sagée :
● En 1994, l’évacuation sanitaire, depuis Abidjan, d’une zoo-
logiste suisse vers son pays d’origine se fit pour suspicion
de fièvre de Lassa, alors que l’on diagnostiqua ultérieure-
ment une fièvre d’Ebola, jusque-là inconnue en Afrique de
l’Ouest. Cette évacuation sanitaire se fit dans les conditions
d’hygiène recommandées pour ce type de situation. Sur
55 personnes qui ont approché la malade, aucune n’a été
infectée.
● En octobre 1996, un médecin gabonais pratiqua une endo-
scopie dans une clinique de Libreville sur un patient venant
de la région de Boouée, où sévissait l’épidémie à virus Ebola ;
il n’évoqua pas le diagnostic. Le 27 octobre 1996, il se ren-
dit à Johannesbourg pour y être traité, sans prendre en
compte le diagnostic de FHV à virus Ebola. Une infirmière
sud-africaine qui le soignait tomba malade le 2 novembre et
mourut le 24 novembre de l’infection à Ebola.
● En 2000, quatre cas de FHV, pour lesquels le diagnostic de
fièvre de Lassa a été posé, ont été rapatriés sanitaires en
Europe. Les quatre sont décédés alors qu’il existe un trai-
tement, la ribavirine, qui est actif s’il est administré dans
les six premiers jours de l’infection. Le dernier cas est celui
d’un chirurgien néerlandais travaillant en Sierra Leone où
sévit la fièvre de Lassa. Le 11 juillet, il présenta un syndrome
fébrile ; à Freetown, on posa le diagnostic de paludisme. Le
15, il fut hospitalisé aux Pays-Bas ; le 20 juillet, le dia-
gnostic virologique fut posé et un traitement par ribavirine
instauré ; il décéda le 25 juillet. Aucun cas secondaire ne
s’est déclaré en raison des précautions prises.
● Au cours de l’intervention militaire des Nations Unies en
Sierra Leone, fin 2000, 6 militaires ont été atteints de fièvre
de Lassa. Un officier britannique fut d’abord traité pour un
paludisme documenté ; il présenta, plusieurs jours plus tard,
des symptômes évocateurs de la fièvre de Lassa ; il fut mis
aussitôt sous traitement par ribavirine et évacué vers la
Grande-Bretagne dans une unité sanitaire mobile d’isole-
ment en dépression, aérotransportée ; il a guéri. La PCR sur
le sang fut positive et les sérologies négatives.

26 Haut Comité de la Santé Publique


La prise en charge de cas importés
Scénarios Les personnes susceptibles d’être atteintes d’une FHV importée
sont celles qui séjournent en zone d’endémie ou d’épidémie
de l’infection concernée. Sans envisager tous les cas de figure,
mais en tenant compte des descriptions des épidémies et des
circonstances connues de contamination, il est possible d’affir-
mer que les voyageurs, en touristes ou pour affaires, se rendant
dans les grandes agglomérations ou sur des sites de vacances,
notamment en Afrique, ne courent pratiquement pas de risque
de contracter une FHV.
D’autres, séjournant en zones rurales troublées par des conflits,
sont plus exposés. Il s’agit d’abord de tous les personnels de santé
au contact direct des malades, médecins et infirmières en mission
dans des conditions de vie locales souvent précaires. On peut
encore citer, sans être exhaustif, mais pour tenter de situer le pro-
fil du sujet potentiellement exposé : scientifiques sur le terrain,
journalistes, reporters, militaires en mission, aventuriers, migrants
de retour de congés dans leurs pays d’origine avec séjour au vil-
lage. L’hypothèse la plus probable, bien que très exceptionnelle,
reste celle de cas suspects de FHV, isolés ou sporadiques.
L’alerte épidémiologique tient d’abord à la connaissance de la
situation dans le pays d’émergence. L’épidémie de FHV est iden-
tifiée ou pas. L’OMS tend désormais, grâce aux moyens tech-
niques de communication modernes, à améliorer le dispositif
d’alerte internationale, en particulier par le recueil et la vérifi-
cation rapide des rumeurs dans les pays où des épidémies sont
signalées. Elle en avise les États membres qui, eux-mêmes, dif-
fusent l’information.
La réalité est aléatoire, dans la mesure où le délai entre l’appa-
rition des premiers cas et le moment où ils sont reconnus
comme suspects par les autorités sanitaires peut atteindre plu-
sieurs semaines ou mois. Les exemples d’épidémie de FHV à
Filoviridae le montrent. Pour l’épidémie à virus Ebola, à Kikwit
(plus de 200 000 habitants), en République démocratique du
Congo (1995), plus de quatre mois se sont écoulés entre le pre-
mier décès vraisemblablement par FHV et celui du début de
l’enquête épidémiologique, après de nombreux décès. Dans le
même pays, c’est une épidémie de FHV à virus Marburg qui a
sévi à Durba ; le médecin de l’hôpital général de Watsa observa
deux cas mortels de « diarrhée rouge » chez des mineurs, en
novembre 1998. En janvier 1999, il avertit les autorités de
tutelle de l’urgence d’une enquête épidémiologique approfon-

Infections virales aiguës… / décembre 2001 27


Fièvres hémorragiques virales

die, devant le nombre croissant de cas. Il envoya un nouveau


message pressant le 12 mars 1999, quand plusieurs cas secon-
daires furent observés ; son décès le 23 avril alerta la com-
munauté internationale et finit par déclencher les mesures
de santé publique.
Les premiers cas de la flambée de FHV à virus Ebola en Ouganda
ont débuté fin août 2000 par une maladie fébrile inhabituelle à
l’évolution mortelle. Ils sont signalés au ministère de la Santé, à
Kampala, le 8 octobre 2000 à la fois par la responsable médi-
cale de l’hôpital Sainte-Marie à Lacor et par le directeur par inté-
rim des services de santé du district de Gulu, après que quelques
cas soient apparus notamment chez des élèves infirmiers. Pré-
sumée sur des arguments cliniques, la FHV a été confirmée le
15 octobre par le National Institute of Virology de Johannesbourg
(Afrique du Sud) : présence d’antigène viral et d’anticorps détec-
tés par Elisa ainsi que par RT-PCR. L’OMS a alors coordonné
l’intervention internationale.
Au Gabon, lors de la première épidémie de FHV à virus Ebola,
l’hypothèse d’une intoxication mercurielle fut émise devant les
facteurs de risque environnementaux et les symptômes présen-
tés par les malades.
En Côte-d’Ivoire, en 1994, le premier cas de FHV à virus Ebola est
survenu chez une éthologue tombée malade dans ce pays puis
rapatriée en Suisse (cf. annexe I).
Ces exemples montrent que l’observation de cas importés en pro-
venance de zones non identifiées comme infectées, en phase de
silence épidémiologique de plusieurs semaines ou mois, reste
une éventualité même si la probabilité est extrêmement faible.
Lorsque l’OMS ou les autorités sanitaires d’un autre pays infor-
ment la France d’une épidémie de FHV, cette information est
aussitôt répercutée par la Direction générale de la santé (DGS)
vers les préfets (Ddass) et vers les directeurs et directrices des
hôpitaux, à l’attention des médecins chefs de service. Un com-
muniqué de presse, une information ciblée vers les voyageurs
concernés et des indications élémentaires sur la conduite à tenir
devant un cas suspect sont également diffusés. La confirmation
par l’OMS que l’épidémie de FHV déclarée en septembre 2000
dans le Nord de l’Ouganda était bien due au virus Ebola a été
diffusée par la Direction générale de la santé à l’attention des
médecins chefs de service des urgences, des maladies infec-
tieuses et des Comités de lutte contre les infections nosoco-
miales (CLIN).

28 Haut Comité de la Santé Publique


La gestion de cas importés en France fait envisager schémati-
quement deux scénarios :
● le plus simple est celui où le diagnostic de suspicion de FHV
est porté dans le pays d’émergence ; la prise en charge peut
se dérouler, conformément aux recommandations, avec le
maximum de sécurité. Les exemples en sont celui de l’étho-
logue suisse et de l’officier britannique ;
● le plus complexe est celui où les symptômes apparaissent
après le retour d’un pays où une épidémie de FHV est connue
ou non. Le risque nosocomial est ici le plus élevé.
La prise en charge du patient (cas suspect, puis confirmé ou non)
et des sujets contacts nécessite une anticipation des risques aux
différents maillons de la chaîne sanitaire et aux diverses étapes
du parcours du patient.
L’alerte rapide et précoce reste un élément fondamental du dis-
positif d’aide à la décision en santé publique. Les FHV africaines
figurent dans la liste des maladies faisant l’objet d’une trans-
mission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire,
ainsi que dans celle justifiant une intervention urgente locale, natio-
nale ou internationale devant être signalée sans délai à l’autorité
sanitaire (décret n° 99-363 du 6 mai 1999). Elles font partie
des maladies graves présentant un risque pour autrui et il existe
des mesures de maîtrise ou de prévention efficaces ; elles répon-
dent aux critères proposés par le groupe de travail du Conseil supé-
rieur d’hygiène publique de France – section prophylaxie des
maladies transmissibles, sur la « Surveillance d’une maladie infec-
tieuse par la déclaration obligatoire » (16 avril 1999).
Le cas de figure d’une contamination accidentelle dans un labo-
ratoire de recherche est un autre scénario où le virus est connu,
sa charge contaminante potentiellement élevée, et où la prise en
charge porte sur la phase d’incubation de l’infection.

Mesures et Le premier maillon de la chaîne est le clinicien.


moyens mis en
L’objectif est d’assurer une prise en charge clinique précoce et
œuvre efficace d’un patient suspect, dans un but diagnostic, thérapeu-
tique et préventif.
Prise en charge Le diagnostic initial est celui d’une présomption basée sur des
clinique critères classiques en infectiologie clinique :
● séjour en zone d’endémie ou d’épidémie, connue ou pré-
sumée, actuelle ou passée ;

Infections virales aiguës… / décembre 2001 29


Fièvres hémorragiques virales

● exposition au risque (contact avec les malades, des primates


non humains, des rongeurs, etc.) avérée ou possible, en
zone rurale ou au laboratoire ;
● délai entre cette exposition et la date d’apparition des pre-
miers symptômes à confronter à la durée maximale d’incu-
bation de la FHV (trois semaines) ;
● signes cliniques évocateurs ou compatibles avec le diagnostic
présumé de la FHV.
Chacun de ces paramètres a sa marge d’incertitude, notamment
les signes cliniques qui n’ont pas de spécificité. Le début de l’infec-
tion, en particulier, est le plus souvent de type pseudo grippal ;
les signes hémorragiques sont inconstants et différés. Des dia-
gnostics différentiels doivent être posés, selon le stade de l’évo-
lution. Parmi les principaux : paludisme, leptospirose, typhoïde,
rickettsioses, septicémies dont les méningococcémies, autres
viroses (VIH, hépatites virales), toxoplasmose disséminée, dysen-
terie et diarrhée bactérienne ou amibienne.
La littérature médicale incite à la prudence quant à la présomp-
tion clinique du diagnostic, dans l’attente de la preuve virologique :
● L’observation de l’éthologue suisse, résumée en annexe,
montre le peu de spécificité des symptômes ; présumée
atteinte d’une fièvre de Lassa pour des raisons géographiques,
elle était porteuse du premier cas ivoirien de fièvre d’Ebola.
● Parmi 62 patients atteints de FH Ebola confirmée en labo-
ratoire admis à l’hôpital de Gulu (Ouganda) entre le 5 octobre
et le 27 novembre 2000, la symptomatologie le plus souvent
signalée à l’admission comprenait, outre la fièvre, diarrhée
(66 %), asthénie (64 %), anorexie (61 %), céphalées (63 %),
nausées et vomissements (60 %), douleurs abdominales
(55 %) et douleurs thoraciques (48 %). Les patients ont
consulté en moyenne 4,2 jours après l’apparition des symp-
tômes. On n’a noté d’hémorragie que chez 20 % environ des
patients, essentiellement une hémorragie digestive. Une ana-
lyse préliminaire de ces cas comparés à 92 cas négatifs aux
examens de laboratoire a montré que les symptômes sui-
vants étaient significativement plus courants (p < 0,05) chez
les sujets atteints de FH Ebola que chez ceux atteints d’une
autre maladie : asthénie, anorexie, angine, hyperesthésie
de l’hypochondre droit, injection ou hémorragie conjoncti-
vale, légère éruption papuleuse et saignement gingival. Dans
les cas d’évolution mortelle, on a généralement observé une
progression rapide de l’état de choc, une augmentation des
troubles de la coagulation et une perte de conscience.

30 Haut Comité de la Santé Publique


Devant la suspicion d’une FHV, le patient doit pouvoir bénéficier
de l’avis d’un praticien compétent pour :
● le choix judicieux des examens complémentaires indispen-
sables : prélèvements biologiques à visée microbiologique
et autre (biochimie, hématologie) mais également explora-
tions (radiologiques, endoscopiques, etc.) pouvant entraîner
des déplacements au sein des structures de soins et des
contacts plus ou moins proches avec de nombreuses per-
sonnes (soignants ou non) ;
● la prescription éventuelle de traitements anti-infectieux pro-
babilistes, notamment la ribavirine ;
● l’orientation vers le service clinique le mieux adapté ;
● la mise en œuvre immédiate des mesures d’hygiène (iso-
lement et précautions universelles).
Dans les faits, cette prise en charge clinique exceptionnelle d’un
cas suspect se ferait initialement là où le patient se présente. Les
éventualités sont aussi diverses que les modes d’accès au sys-
tème de soins : au cabinet du médecin généraliste, dans un ser-
vice d’urgence ou dans un service de spécialité… et même à la
descente d’avion, avec tous les aléas inévitables. Le risque majeur
est que le suspect de FHV ait une prise en charge clinique sans
qu’il soit identifié comme tel. Les étapes ultérieures sont tout
aussi incertaines. La question posée est celle des niveaux de prise
en charge en fonction des degrés de risque. Outre les paramètres
épidémiologiques et cliniques concernant le patient lui-même et
précédemment cités, il convient de prendre en compte :
● L’aptitude de tous les personnels d’une équipe hospitalière
à prendre en charge des malades présumés hautement conta-
gieux. Ces équipes doivent être formées et entraînées, dis-
ponibles pour des situations exceptionnelles, capables de
surmonter des réactions de peur, dans un contexte d’urgence.
● Les moyens d’évacuation sanitaire adaptés, d’un aéroport
à un autre puis à un hôpital ou d’un hôpital à un autre.
● L’infrastructure des lieux d’accueil et leur capacité d’isole-
ment.
L’expérience de la prise en charge clinique des FHV est essen-
tiellement africaine. Des équipes internationales ont participé au
contrôle de ces épidémies ; des enseignements en ont été tirés
et ont abouti à des recommandations.
Dès 1985, un rapport technique d’un Comité d’experts de l’OMS
sur les « Fièvres hémorragiques virales » avait abordé, notamment,

Infections virales aiguës… / décembre 2001 31


Fièvres hémorragiques virales

les aspects de la prise en charge des patients suspects de FHV,


soulignant la notion de « suspect » et l’importance des mesures
d’isolement.
En 1995, un document des CDC sur la « Prise en charge des
cas suspects » a mis à jour les recommandations applicables aux
virus des FHV de Lassa, Marburg, Ebola et Crimée-Congo. Les prin-
cipales recommandations portent sur :
● l’application des mesures de précaution standard, suffisantes
pour la plupart des malades examinés et transportés aux
premiers stades de la maladie ;
● le port de masques et lunettes de protection en cas de symp-
tômes respiratoires ;
● l’isolement dans une chambre individuelle dès l’hospitali-
sation, avec restriction et contrôle de l’accès ;
● une antichambre d’habillage et un sas d’accès ;
● le port de gants, masque respiratoire avec filtres à cartouches
à haute efficacité (HEPA) ou des filtres plus protecteurs,
blouses, lunettes de protection, et éventuellement de bottes
pour les personnels venant à moins d’un mètre du malade ;
● le traitement des excrétas et des déchets médicaux, la désin-
fection des matériels et des surfaces.
Concernant le niveau de sécurité de l’isolement, il est indiqué :
« Il n’est pas obligatoire de prévoir de chambre en pression néga-
tive aux premiers stades de la maladie, mais cette possibilité
devrait être envisagée au moment de l’hospitalisation afin d’évi-
ter un éventuel transfert ultérieur », puis « pour les cas suspects
de FHV présentant une toux prononcée, des vomissements, de la
diarrhée ou des hémorragies, des mesures de sécurité supplé-
mentaires sont recommandées pour empêcher une exposition
éventuelle à des particules présentes dans l’air et pouvant conte-
nir le virus. Les malades présentant ces symptômes seront ins-
tallés si possible dans des chambres en pression négative. »
Les mêmes organismes ont élaboré et diffusé un manuel sur le
« Contrôle de l’infection en cas de fièvre hémorragique virale en
milieu hospitalier africain », détaillant toutes les mesures à prendre,
adaptées aux bouffées épidémiques dans les conditions socio-
économiques locales.
En France, la « conduite à tenir devant un malade suspect de fièvre
hémorragique virale » a fait l’objet d’une mise au point dans le
BEH du 1er mai 1989, par le Centre national de référence des arbo-
viroses et des fièvres hémorragiques virales. Ce document a été

32 Haut Comité de la Santé Publique


adressé à toutes les Directions départementales des affaires sani-
taires et sociales, par la Direction générale de la santé, lors de
l’épidémie de FHV à virus Ebola à Kikwit (1995).
Aucun cas de FHV importée n’a été diagnostiqué à ce jour en
France.
L’expérience de la prise en charge de cas suspects reste limi-
tée à quelques services hospitaliers. À titre d’exemple, les ser-
vices des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital de la
Pitié-Salpêtrière, et de l’hôpital d’instruction des Armées Bégin
ont reçu, ces dernières années, respectivement un et quatre
cas suspects non confirmés. Ces services ont proposé chacun un
projet structuré à leur autorité de tutelle, en vue d’une prise en
charge des patients. Des services de maladies infectieuses et tro-
picales de CHU mettent en place des protocoles et des procédures
de prise en charge. À Lyon, le service des maladies infectieuses
et tropicales de l’hôpital de la Croix-Rousse est pourvu d’une
chambre d’isolement en dépression, récemment créée en rai-
son de la proximité du nouveau laboratoire de recherche P4-Jean
Mérieux dans l’éventualité d’une contamination accidentelle de
laboratoire ; il a établi des protocoles, pour la prise en charge d’un
salarié accidenté du P4 en phase d’incubation éventuelle et éga-
lement de patients soit suspects de FHV, soit atteints de FHV
en phase hémorragique.
Il existe d’autres chambres d’isolement en dépression, notam-
ment pour des malades atteints de tuberculose à germes multi-
résistants, mais leur inventaire n’est pas connu.
Au plan thérapeutique, le seul traitement curatif antiviral efficace
est la ribavirine, dans la fièvre de Lassa, la fièvre de Hantaan
(HFRS) et les FH sud-américaines, sous réserve d’être prescrit
dans les six premiers jours après le début de la fièvre. Il peut éga-
lement être indiqué en prévention dans la fièvre de Lassa et la FH
de Crimée-Congo. Sous forme IV (Virazole®), il est disponible
en ATU nominative, en 24 heures ; son prix est élevé.

Prise en charge Diagnostic virologique des fièvres hémorragiques virales (FHV)


des prélèvements
Les avantages et inconvénients des différentes méthodes sont
biologiques
résumés ci-après (1) :

1. Source : H. Zeller « Méthodes de diagnostic des FHV », in : Revue française des labora-
toires, mars/avril 2000, 321 : 47-50.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 33


Fièvres hémorragiques virales

Sérologie
Inactivation des prélèvements : Ω-propiolactone ou irradiation.
• IgM par immuno-capture Elisa.
• IgG par Elisa.
• Immunofluorescence pour un diagnostic rétrospectif.
• Confirmation par une autre technique requise pour certains virus.
Avantages : rapidité de l’Elisa, méthode de choix.
Inconvénient : délai d’apparition des IgM ; demande d’un 2e prélèvement.
Détection virale
RT-PCR (nested)
À partir du sang total, sérum, biopsie, liquide pleural, salive…
Avantages : sensibilité, assez rapide.
Réalisable in situ ; importance en épidémiologie moléculaire.
Inconvénients : choix des amorces ; faux négatifs ou positifs ; contami-
nations possibles, confirmations nécessaires.
Antigène-capture
Technique Elisa.
Avantages : rapidité, permet de traiter de nombreux échantillons ; valable
pour immunohistochimie, hybridation in situ.
Inconvénients : parfois peu sensible, absence de réactifs ; emploi limité
à certains virus.
Isolement
Sur cellules Vero E6 (ATCC 1008) et/ou de moustiques (C6/36).
Détection par immunofluorescence par anticorps polyclonaux, puis mono-
clonaux si nécessaire, microscopie électronique possible.
Avantages : permet l’isolement de souches.
Inconvénients : délai de réponse, très aléatoire pour certains virus.

Méthode de référence : la culture


L’isolement du virus constitue le diagnostic de certitude, il est
réalisé sur sang total ou sérum, éventuellement sur fragment de
biopsies.
Il est obtenu sur les cellules Vero E6 (ATCC 1008), lignée qui peut
permettre l’isolement de tous les virus de FH ; mais certaines
lignées sont plus favorables que d’autres à la multiplication de
certains virus (cellules SW13, C6/36, MA 104…).
L’isolement est plus ou moins facile selon les souches ; dans les
meilleurs cas une culture peut être obtenue en 2 ou 4 jours. Mais
le virus n’est pas cytopathique.
La démonstration de la positivité (culture positive) se fera géné-
ralement par réactivation d’antigènes en immunofluorescence
(IFI) avec des sérums polyclonaux, voire si nécessaire monoclo-
naux. La microscopie électronique peut être utile si on suspecte

34 Haut Comité de la Santé Publique


de nouvelles souches pour lesquelles des réactions ne seraient
pas disponibles.
Les techniques de biologie moléculaire avec amplification génique
par RT-PCR suivie d’une révélation spécifique voire d’un séquen-
çage, sont de plus en plus utilisées dans les laboratoires, tant
pour caractériser le virus que pour déterminer sa phylogénie. Pour
le diagnostic, on a recours à des primers universels pour les Filo-
virus qui permettent le diagnostic par PCR de toutes les souches
connues de Marburg et d’Ebola.
Sur des prélèvements tardifs, le virus est rarement isolé, mais le
génome viral peut être détecté par amplification génique à partir
d’ARN extraits de cellules mononuclées (Hjelle et al.).

Autres méthodes de diagnostic direct


Recherche d’antigènes : pour Ebola, le sérum des patients contient,
outre le virus, de grandes quantités de la fraction de la glyco-
protéine d’enveloppe sécrétée. La meilleure technique de détec-
tion d’antigènes spécifiques dans le sérum repose sur une capture
d’antigène, rapide, fiable et qui peut être pratiquée sur des pré-
lèvements inactivés par la chaleur, la bêta-propiolactone ou par
irradiation. La capture d’antigènes est le seul test qui permet
de diagnostiquer en quelques heures un cas de fièvre hémorra-
gique au stade de la virémie avant séroconversion.
Recherche de génome : on peut pratiquer la recherche de génome
par RT-PCR avec des amorces multiples directement sur le sang
ou sur les tissus sans passer par l’étape de culture. On peut aussi
avoir une réponse en 24-48 heures ; le délai minimal peut être
ramené à 6-8 heures.
L’abondance des antigènes dans les biopsies de peau a permis
de proposer un diagnostic post mortem par immunohistochimie,
cette approche diagnostique a l’avantage d’être praticable sur pré-
lèvements fixés au formol et donc sur échantillons expédiés sans
danger au laboratoire spécialisé.

Diagnostic indirect sérologique


Dans les années quatre-vingt, seule l’immunofluorescence indi-
recte était utilisée pour rechercher les anticorps. Cette technique
avait l’inconvénient de se positiver tardivement, et donnait lieu
à de nombreux résultats faussement positifs. La recherche d’anti-
corps neutralisants est peu pratiquée ; ces anticorps sont très
spécifiques, mais nécessitent des quantités importantes de virus
dangereux. La capture d’IgM en Elisa est beaucoup plus fiable,

Infections virales aiguës… / décembre 2001 35


Fièvres hémorragiques virales

elle permet un diagnostic précoce (positivité entre le 3e et le 6e


jour pour certains auteurs, vers le 7e, 10e jour pour d’autres).
– Délais de positivité
La virémie et l’antigénémie sont très intenses à la phase aiguë.
On peut trouver plus de 106 unités infectieuses/ml dans le sang
lors des infections à virus Ebola. Le virus Marburg peut aussi être
retrouvé (103 à 106) dans la salive et les urines.
Une idée de la cinétique des marqueurs viraux a été récemment
publiée pour le virus Ebola.
Les virus peuvent être isolés chez les patients au stade aigu de
la maladie. Dans un petit nombre de cas, la virémie peut être déce-
lée jusqu’à la mort, ou au plus durant une semaine après le début
des symptômes. L’antigénémie est décelable durant une dizaine
de jours.
Du virus viable peut être retrouvé en post mortem et des cas
ont été rapportés de contamination à la faveur des soins de corps
des cadavres.
Pour détecter les anticorps, il faut bien sûr que le patient survive,
si les IgM apparaissent précocement, elles persistent rarement
plus de trois mois ; les IgG sont décelables durant plusieurs
années.
– Limites
Pour la recherche tant des antigènes que des anticorps (par Elisa),
il n’existe pas de réactifs commerciaux distribués. Chaque labo-
ratoire de référence produit actuellement les siens et ces tests
ne sont pas disponibles à large échelle. Dans un premier temps,
on a utilisé comme source d’antigène des lysats de cellules Vero
préparés en tampon borate/triton, mais pour obtenir des tests
plus spécifiques on a eu recours à une purification virale à par-
tir du surnageant, technique lourde et dangereuse.
Pour s’affranchir des cultures dangereuses, on a développé des
expressions de protéines virales (essentiellement nucléoprotéine
et glycoprotéine) exprimées dans des cellules d’eucaryotes ou de
procaryotes, mais ces techniques n’ont pas à ce jour abouti à des
trousses de diagnostic commercialisées ou même à large diffu-
sion, y compris au sein des centres de référence.
Pour l’amplification génique, il faut être prudent quant à l’inter-
prétation de résultats négatifs, car il suffit d’une modification
de la séquence dite conservée pour que les oligonucléotides n’hybri-
dent plus. Pour Le Guenno et Bouloy, ceci s’applique principale-

36 Haut Comité de la Santé Publique


ment aux Filovirus dont seulement cinq représentants (le virus
Marburg et les 4 sérotypes de virus Ebola) sont connus à ce jour.

Diagnostic différentiel
Parmi les diagnostics différentiels à évoquer, certains relèvent de
la routine (virus des hépatites, paludisme, typhoïde, méningo-
coccémies…), d’autres sont de diagnostic plus délicat et relèvent
de centres de référence. Tous ces diagnostics doivent être évo-
qués mais en attendant de pouvoir trancher, il importe de prendre
immédiatement les précautions maximales.

Prélèvements
Il faut rappeler d’emblée que le risque n’est pas lié à l’examen
prescrit pour un prélèvement, mais au prélèvement lui-même.
Cela paraît évident mais doit être redit ; pour un échantillon donné,
sanguin par exemple, il est inconcevable de prendre des pré-
cautions très strictes de transport et d’examens (hotte à flux,
unité haute sécurité) quand on a prescrit une recherche de mar-
queurs spécifiques de virus transmissibles par le sang (tels VHB,
VHC, VIH, arbovirus, virus de fièvre hémorragique) alors que le
même échantillon est envoyé et étudié sans précaution particu-
lière dans le laboratoire d’hématologie et de coagulation ou de
biochimie (pour urée, glycémie, ionogramme, transaminases,
etc.). Les risques de contamination des personnes et de l’envi-
ronnement sont supprimés, lors des prélèvements et des mani-
pulations des échantillons au laboratoire de biologie clinique,
si les précautions standards telles que celles prises pour le VHB
et le VIH sont scrupuleusement respectées, avec port de doubles
gants et masque.
– Nature
En fonction du contexte clinique :
• fièvre d’étiologie inconnue : au moins 2 sérums prélevés à
quelques jours d’intervalle (le délai de 15 jours n’est pas
nécessaire),
• affection respiratoire : sang, liquide pleural,
• atteinte neuroméningée : sang, LCR.
Autres prélèvements possibles : urines, fèces, biopsie de peau
(« skin-test » pour Ebola).
Échantillons post mortem (poumons, reins, cerveau, rate, foie…).
Si les pièces anatomiques doivent être fixées, utiliser du formal-
déhyde à 10 %.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 37


Fièvres hémorragiques virales

– Transport
En règle générale, le service hospitalier entre en contact avec le
laboratoire de référence, destinataire du prélèvement, et fait appel
à une société privée spécialisée dans ce type de transport.
Emballage : utilisation d’un triple emballage (Normes ONU 2814
classe 6.2) en cas de suspicion de FHV :
• tube étanche contenant le prélèvement entouré d’une couche
suffisante de matière absorbante et mis dans un second réci-
pient étanche sur lequel seront portés les renseignements
identifiant le prélèvement,
• emballage extérieur en matière isolante avec quantité suf-
fisante de glace, sachets réfrigérants ou glace carbonique.
Déclaration obligatoire par l’expéditeur conforme au règlement
IATA (Association du transport aérien international) pour les matières
dangereuses.
Envoi à un laboratoire disposant d’installations de sécurité requises
avec niveau de confinement L3 et L4 (Biosafety Laboratory : BSL-
3 ; BSL-4).
Renseignements devant accompagner les prélèvements :
– identification du patient comprenant âge, sexe, adresse,
– diagnostic clinique,
– date de début des symptômes,
– déplacement du patient dans le pays ou à l’étranger dans le
mois qui précède,
– identification et coordonnées (y compris téléphone, téléco-
pie et mél) du prescripteur.
Conservation :
– glace ou blocs réfrigérants pour les transports de courte
durée.
– neige carbonique pour les transports de longue durée.
Informations : Les laboratoires doivent être informés à l’avance :
– du caractère hautement contagieux des prélèvements qui
leur seront adressés,
– de la nature des recherches à effectuer,
– du moment du départ du prélèvement du service clinique.
Il faut en effet que le laboratoire puisse se préparer à la réception
de tels échantillons, au traitement de ceux-ci (tenues de protec-
tion, hottes à flux, pièces de haute sécurité) avec désignation

38 Haut Comité de la Santé Publique


de personnes (limitées au maximum) qui seront amenées à mani-
puler les prélèvements. Il est nécessaire aussi d’envisager à par-
tir du laboratoire le ré-acheminement et les conditions de transport
des prélèvements qui devraient être réexpédiés pour examens
complémentaires dans des centres de référence.

Sécurité des laboratoires


Pour les CDC et l’OMS (1995), au niveau des laboratoires de bio-
logie clinique :
● les échantillons cliniques seront déposés dans des récipients
solides, étanches et clairement étiquetés jusqu’au labora-
toire où ils seront traités ;
● les surfaces externes du récipient ne devront pas être conta-
minées ;
● les échantillons seront manipulés dans une enceinte de sécu-
rité biologique de catégorie II selon les pratiques de sécu-
rité biologique de niveau 3 ;
● le sérum utilisé pour les épreuves sera prétraité au Triton®
x 100 à 10 % pour 1 ml de sérum pendant une heure, ce qui
fait baisser le titre des virus de la FH dans le sérum ; l’effi-
cacité de l’inactivation ne peut être garantie à 100 % ;
● les étalements de sang (pour le paludisme par exemple) ne
sont pas infectieux après fixation ;
● les procédures de routine peuvent être utilisées pour les ana-
lyseurs automatiques ; après usage, ces derniers seront désin-
fectés selon les instructions du fabricant ou à l’aide d’une
solution d’hypochlorite de sodium (eau de Javel diluée à 1/100).
L’isolement et la culture des virus devront être effectués au niveau
de sécurité biologique 4, c’est-à-dire que le laboratoire doit être
en légère dépression afin qu’aucune particule potentiellement
infectieuse puisse s’en échapper ; les virus sont eux-mêmes confi-
nés dans des enceintes étanches où la pression est encore infé-
rieure à celle qui règne dans le laboratoire.
C’est en 1969 qu’est parue aux États-Unis la première liste de
laboratoires de sécurité, à l’initiative des CDC (Centers for Disease
Control and Prevention), Office of Biosafety. Cette liste est réac-
tualisée régulièrement (la dernière en 1986). En Europe, la Fédé-
ration européenne des biotechnologies (FEB ou EFB, European
Federation of Biotechnology), en prenant en compte l’existence
de plusieurs listes, notamment au Royaume-Uni et en République
fédérale d’Allemagne, a proposé une classification en 1985, reprise
dans le guide AFNOR W 42 040 (Association française de nor-

Infections virales aiguës… / décembre 2001 39


Fièvres hémorragiques virales

malisation). Par ailleurs, le Comité européen de normalisation étu-


die à l’heure actuelle une classification commune applicable aux
laboratoires de microbiologie et aux biotechnologies.
Pour la classification, ont été pris en compte :
● Le risque pour la santé d’un individu :
• gravité de l’infection,
• contamination aisée par un germe virulent,
• existence de traitement ou vaccination.
● Les dangers pour la collectivité :
• facilité de contamination interhumaine,
• résistance de l’agent aux décontaminants,
• existence de vaccination et/ou traitement.
Les micro-organismes ont pu ainsi être classés en catégories
de risque (de 1 à 4 par ordre croissant) :
Classe 1 : micro-organismes qui n’ont jamais été décrits comme
agent causal de maladie chez l’homme, et qui ne constituent pas
une menace pour l’environnement. Elle correspond à la classe
GILSP (Good Industrial Large Scale Practice) de l’OCDE.
Classe 2 : micro-organismes qui peuvent provoquer des maladies
chez l’homme, et donc constituer un danger pour le personnel de
laboratoire. La dissémination dans l’environnement est peu pro-
bable. Des moyens prophylactiques et/ou des traitements effi-
caces existent habituellement.
Classe 3 : micro-organismes qui représentent une importante
menace pour la santé du personnel de laboratoire, mais un risque
mineur pour la population en général. Des moyens prophylactiques
et/ou des traitements existent généralement.
Classe 4 : agents qui causent des maladies graves chez l’homme
et représentent un danger sérieux pour le personnel et la collec-
tivité. On ne dispose pas habituellement de moyens prophylac-
tiques et aucun traitement efficace n’est connu.
Classe E (risque pour l’environnement) : la menace est plus impor-
tante pour l’environnement que pour l’homme (des listes existent
dans des domaines tels que les produits phytosanitaires).
Les virus de fièvres hémorragiques de Marburg, Ebola, Lassa sont
en classe 4.
Un certain nombre de précautions à prendre selon la classe figu-
rent dans le tableau récapitulatif des différents niveaux de sécu-
rité (cf. annexe II).

40 Haut Comité de la Santé Publique


Il est à noter que les virus des fièvres hémorragiques sont inac-
tivés par les procédés classiques ; ils sont notamment sensibles
à l’hypochlorite de sodium et détruits par autoclavage. Ils sont
complètement inactivés par chauffages à 60 °C durant 1 heure.
Ils sont stables indéfiniment à – 70 °C et survivent plusieurs jours
à 4 °C et à température ambiante.
Tout le matériel doit être autoclavé et tout ce qui est jetable inci-
néré in situ en respectant les recommandations des guides de
bonnes pratiques nationaux (désinfection des dispositifs médi-
caux) et des recommandations internationales.

En cas de décès Vérification anatomo-pathologique


Dans le cas où un patient atteint de fièvre hémorragique virale
décéderait, il peut paraître souhaitable de procéder à une vérifi-
cation autopsique des lésions. Il faut savoir que cette manœuvre
est dangereuse pour celui qui la pratique et nécessite de très
grandes précautions en raison du risque de transmission soit par
contact sanguin ou manipulations viscérales, soit par aérosols (à
l’ouverture de la boîte crânienne, par exemple). Les auteurs de ce
rapport recommandent de ne pas effectuer de telles manœuvres.
En pratique, deux situations peuvent se présenter :
● soit le diagnostic du type de virus est établi ante mortem et
il faut s’abstenir de vérification anatomique ;
● soit il ne l’est pas et la reconnaissance de l’agent viral est
du plus grand intérêt épidémiologique. Dans ce cas, on peut
préconiser que soient réalisés des prélèvements viscéraux
par ponctions biopsies transcutanées (poumon, foie, gan-
glions, moelle sanguine…) au moyen d’un trocart à biop-
sie approprié, le fragment permettant la mise en culture et
l’identification par techniques spécifiques.
La mise en bière doit faire l’objet de précautions particulières
(arrêté du 17 novembre 1986 fixant la liste des maladies conta-
gieuses portant interdiction de certaines opérations funéraires).

Infections virales aiguës… / décembre 2001 41


La grippe

Les pandémies grippales


Historique La première description de ce qui pourrait être la grippe remonte
aux environ de 400 avant Jésus Christ. Hippocrate a en effet décrit,
au nord de la Grèce de jadis, une épidémie de toux, suivie notam-
ment de pneumonie. Ce pourrait être la grippe mais tout autant la
coqueluche par exemple. Il faut attendre 1173-1174 pour trouver
la première description convaincante d’une épidémie de grippe.
Les épidémies de fièvres catarrhales aiguës et de diffusion rapide
qui ont été décrites au cours de ces cinq derniers siècles étaient
très certainement des épidémies de grippe. Les premières études
compilatrices sur les épidémies de grippe ont été réalisées par
Thompson en 1852 et par Creighton en 1891. Selon eux et d’autres
auteurs, il y aurait eu des pandémies grippales en 1510, 1557,
1729-1733, 1781-1782, 1829-1833 et 1889-1890. Il y a éga-
lement eu une pandémie de grippe en 1900. Globalement, il y
a eu entre deux et trois pandémies par siècle.
La pandémie de 1781-1782 est considérée comme l’une des plus
sévères. Elle aurait touché les deux tiers de la population de Rome
et une majorité de la population d’Angleterre. Cette pandémie a

Infections virales aiguës… / décembre 2001 43


La grippe

atteint l’Amérique du Nord et du Sud, y compris les Antilles. La


pandémie de 1829-1833 a débuté en Asie à la fin de l’année 1829.
Elle s’est ensuite répandue jusqu’en Indonésie vers le mois de
janvier 1831. Cette pandémie de grippe frappa la Russie au cours
de l’hiver 1830-1831 avant de se répandre plus à l’ouest. Elle
atteignit ensuite les États-Unis à l’automne (novembre) 1831. En
1889-1890, une nouvelle pandémie de grippe a démarré en Asie
centrale au cours de l’été (1889). Elle s’est ensuite répandue vers
la Russie au nord, la Chine à l’est et a fait son chemin vers l’ouest
jusqu’en Europe.
La pandémie la plus meurtrière de tous les temps est la pandé-
mie dite de grippe espagnole qui a sévi en 1918-1919. Elle fit
entre 20 et 50 millions de morts, selon les estimations, et aurait
touché au total environ la moitié de la population mondiale. En
France, les premiers cas, identifiés à ce jour, ont été observés en
avril 1918 dans les formations armées présentes en Normandie.
La grippe s’est alors répandue à travers l’Europe, vers les États-
Unis et l’Inde. Cette première vague s’est terminée en août 1918.
Une deuxième vague débuta en septembre 1918 pour atteindre
son pic à la fin d’octobre 1918 sauf en Australie où elle a culminé
en janvier 1919.
Modalités Le chemin fut long pour aboutir à la connaissance de l’agent
d’évolution étiologique de cette maladie. C’est au lendemain de la Grande
Guerre et de la première pandémie du vingtième siècle que René
Dujarric de la Rivière démontra que l’agent étiologique de la
grippe était un « virus filtrable ». Il fallut attendre 1931 pour
que Richard Shope, frappé par la concomitance de la grippe espa-
gnole chez l’homme et d’une maladie similaire chez le porc vers
1918-1919, isole le premier virus de grippe chez le porc. Ce n’est
que deux ans plus tard, en 1933, à la faveur d’une épidémie
de grippe en Grande-Bretagne, que trois chercheurs du Natio-
nal Institute for Medical Research au nord de Londres (W. Smith,
C.-H. Andrewes et P.-P. Laidlaw) isolèrent pour la première fois
un virus de grippe humaine grâce à une espèce animale inat-
tendue : le furet. Depuis, deux autres types de virus grippaux
humains ont été identifiés : en 1940, T. Francis Jr découvrit le
virus de la grippe B, et en 1947 R.-M. Taylor isola le premier virus
de grippe C, ces deux autres types viraux n’étant pas associés à
des phénomènes pandémiques.
En 1957, un nouveau virus de grippe de type A, émergea causant
la pandémie de grippe asiatique : c’était un deuxième « genre »
de virus de grippe A humain qui se différenciait de ceux isolés pré-
cédemment par la nature de ses antigènes de surface. La pan-

44 Haut Comité de la Santé Publique


démie a été décrite d’abord au sud de la Chine (province de la ville
de Koueicho) en février 1957, ce qui explique son nom, mais il
est possible que le virus soit apparu dès 1956. La grippe asia-
tique s’est ensuite étendue à la province du Yunnan, puis à Hong-
Kong en avril 1957, puis à Singapour, au Japon et dans le reste
de l’Extrême-Orient. Le Moyen-Orient a été touché en juillet avant
que l’épidémie n’atteigne l’Afrique. Le nouveau virus est peut-être
arrivé durant l’été 1957 en Europe, mais la grippe due à ce virus
n’a démarré qu’à l’automne. Le nombre de personnes atteintes
lors de cette pandémie a été considérable mais la grippe asia-
tique n’a pas été particulièrement sévère.
Plus tard en 1968, ce virus, aujourd’hui désigné comme A(H2N2)
fut supplanté par un troisième « genre » de virus de grippe A, résul-
tat d’un réassortiment génétique qui aboutit, notamment, à la
substitution de l’hémagglutinine (notée HA ou H) du virus A(H2N2)
par une HA de virus aviaire, donnant naissance au sous-type
A(H3N2). Cet événement fut à l’origine de la dernière pandé-
mie en date, dite grippe de Hong-Kong. C’est là en effet qu’a été
observée en juillet 1968 une flambée de syndromes grippaux due
à un virus proche mais différent du virus A(H2N2). Cet épisode
avait été précédé d’une flambée du même type en Chine du sud-
est. Le déroulement géographique de la grippe de Hong-Kong est
assez semblable à celui de la précédente pandémie : Hong-Kong
(juillet 1968), puis Singapour, les Philippines, Taïwan, le Vietnam,
la Malaisie (août 1968), enfin la Thaïlande, l’Inde et le nord de
l’Australie (septembre 1968). Puis l’épidémie marqua une pause,
sauf aux États-Unis où elle toucha d’abord la Californie en octobre
puis l’ensemble du pays. Ce premier épisode cessa en avril 1969
et la saison grippale 1968-1969 fut globalement habituelle en
Europe car elle était due au virus A(H2N2). Les pays tropicaux ont
été touchés entre le dernier trimestre 1968 et le début de l’année
1969 : le Brésil, le Kenya, l’Indonésie. Les pays de l’hémisphère
austral ont été touchés par des épidémies modérées entre mars
et mai 1969. En revanche, l’épidémie de grippe qui a débuté en
Europe de l’ouest, épargnée par le nouveau virus jusque-là, fut
plus sévère et atteignit son pic en décembre 1969 avant de
s’éteindre complètement en mars 1970.
En 1977, les virus, aujourd’hui classés dans le sous-type A(H1N1),
qui avaient été supplantés par le virus de la grippe asiatique en
1957 resurgirent, provoquant l’épidémie dite de « grippe russe ».
C’est ainsi qu’actuellement chez l’homme circulent deux sous-
types de virus de grippe A : A(H1N1) et A(H3N2) aux côtés des
virus des grippes B et C.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 45


La grippe

Principales L’analyse des pandémies de grippe du passé nous permet de


caractéris- remarquer les faits suivants :
tiques ● à part la grippe espagnole, l’émergence du nouveau virus et
le début épidémique se situent à l’Est et plus particulière-
ment en Asie (Asie centrale ou Extrême-Orient). L’arrivée en
Europe s’est le plus souvent faite d’Est en Ouest ;
● la période qui sépare l’épisode épidémique princeps et la
première manifestation pandémique en Europe est de plu-
sieurs mois ;
● les pandémies se sont le plus souvent signalées par une pre-
mière vague, moins intense et moins sévère que la deuxième ;
● le taux de morbidité associé aux pandémies était beaucoup
plus élevé que ceux observés en période inter pandémique
(de 25 à 50 %, jusqu’à 100 % dans les petites communautés
contre 5 à 15 %). Le taux de létalité généralement situé autour
de 0,1 % en moyenne en période inter pandémique a atteint
2,5 à 3 % au cours de la pandémie de grippe espagnole ;
● les segments de populations à risque de décès ou de com-
plications graves de la grippe peuvent varier au moment des
pandémies par rapport aux situations inter pandémiques ;
● enfin, les analyses sérologiques et virologiques permet-
tent d’observer que les pandémies, au moins au cours du
vingtième siècle, sont associées à l’émergence d’un nou-
veau sous-type de virus de grippe A chez l’homme, proba-
blement par infusion de gènes à partir de réservoirs animaux.

Risque d’émergence d’un virus


grippal nouveau chez l’homme : rôle
de la surveillance épidémiologique
L’épidémiologie de la grippe est dépendante de la nature de l’agent
étiologique et de son mode de transmission. Les virus grippaux,
comme beaucoup de virus à ARN, sont variables. Les mécanismes
de variation sont intimement liés à leur structure et à la nature de
leur ARN polymérase. Il y a deux mécanismes principaux distincts.
Le premier est constant et s’appelle glissement antigénique, le
deuxième est plus rare et s’est produit tous les dix à trente ans :
c’est la cassure antigénique qui ne concerne que les virus de type
A et qui a été impliquée au moins au cours des événements ini-
tiaux qui ont concouru à la genèse des deux dernières pandémies
grippales en date.

46 Haut Comité de la Santé Publique


La détection d’un événement annonciateur d’une éventuelle pan-
démie doit avant tout être virologique. En effet, une variation des
indicateurs médicaux et sanitaires utilisés dans le cadre de la
surveillance épidémiologique stricte ne permet pas de mettre en
évidence l’événement central de la genèse d’une pandémie :
l’introduction ou la réintroduction d’un nouveau sous-type de virus
de grippe A chez l’homme.
Les virus infectent plusieurs espèces de mammifères plus ou
moins proches de l’homme : les équidés (cheval, âne) et le porc
avec lequel nous échangeons des virus grippaux. Des espèces
marines, comme les baleines et les dauphins parmi les cétacés
et les phoques parmi les pinnipèdes, sont également infectées
par les virus grippaux. Cependant c’est chez les oiseaux sau-
vages, dont les canards migrateurs, et chez les oiseaux domes-
tiques que l’on observe le plus grand nombre de sous-types de
virus de grippe A. Alors que chez l’homme n’ont circulé que des
virus portant à leur surface les hémagglutinines H0/H1, H2 et H3
(et ponctuellement seulement H5 et H9), des virus portant les
hémagglutinines H1 à H15 circulent chez les oiseaux. Pareille-
ment, les neuraminidases de virus humains n’appartiennent qu’aux
types N1 et N2 alors que celles des virus aviaires appartiennent
aux types N1 à N9. Les oiseaux constituent donc un véritable réser-
voir de virus de grippe A.
Cependant, les virus d’oiseaux, s’ils sont capables d’infecter les
humains, se répliquent souvent peu efficacement chez l’homme
et se transmettent très difficilement d’un individu à l’autre. En
effet, le déterminisme d’adaptation à l’hôte est multigénique et
concerne notamment les gènes dits internes (par exemple, ceux
qui codent la nucléoprotéine et les trois protéines du complexe
réplicase/transcriptase). Il ne suffit donc pas à un virus aviaire
d’être enveloppé d’antigènes inconnus par les populations
humaines, encore faut-il que ces antigènes soient doués d’une
bonne capacité à se répliquer chez leur nouvel hôte potentiel. C’est
exactement ces deux propriétés que possèdent les virus hybrides
issus d’un réassortiment entre deux virus parentaux : l’un humain
et l’autre aviaire selon le principe suivant. À l’occasion d’une
co-infection d’un porc, par exemple, avec un virus humain et un
virus d’oiseau, comme les brins d’ARN sont physiquement indé-
pendants, il peut se former une particule virale hybride. Ce virus
hybride, ou virus réassortant, qui se forme au moment du bour-
geonnement à la fin du cycle viral, peut emprunter les gènes
« internes d’adaptation » à l’homme et les gènes H et/ou N de
virus d’oiseau. Dans ce phénomène, il y a changement complet
d’une molécule de surface telle que l’hémagglutinine. Ce virus

Infections virales aiguës… / décembre 2001 47


La grippe

réassortant, « humain » dedans et « oiseau » dehors, cumule l’avan-


tage de pouvoir se répliquer chez l’homme et celui de ne pas ren-
contrer de défense spécifique contre lui car les H et N aviaires ne
correspondent pas aux anticorps qui préexistent dans les popu-
lations humaines. C’est alors un virus nouveau chez l’homme qui
est potentiellement capable de provoquer une épidémie majeure
au niveau mondial ou pandémie.
La surveillance des épidémies de grippe permet de répondre à un
certain nombre de questions essentielles. Quels sont les virus qui
circulent ? Quand l’épidémie commence-t-elle et quand finit-elle ?
Le virus est-il dangereux ? Nouveau ?
Le réseau national des GROG (Groupements régionaux d’obser-
vation de la grippe) représente l’exemple d’un réseau intégré
qui fournit un ensemble d’informations dont la comparaison et la
validation réciproque permettent une interprétation complète de
l’évolution des épidémies de grippe. La surveillance doit être orga-
nisée au niveau des soins primaires. C’est le médecin généraliste
ou le pédiatre de quartier qui voit les premiers cas, avant même
que l’épidémie ne soit signalée. Les observations faites à l’hôpi-
tal sont souvent trop tardives et trop peu représentatives des cas
survenant dans la population. Aux indices recueillis chez les méde-
cins praticiens, s’ajoutent des informations provenant d’autres
sources, qui renseignent sur l’activité des médecins d’urgence
allant à domicile, sur la consommation de médicaments et sur les
arrêts de travail.
Pour accomplir cette mission, les réseaux de surveillance recru-
tent des médecins volontaires qui communiquent chaque semaine
un certain nombre de renseignements sur les cas de grippe qu’ils
observent et qui récoltent aussi chez ces patients du matériel
(écouvillons ou lavages de gorge ou de nez) destiné à la recherche
du virus. Les laboratoires correspondants effectuent rapidement
les examens appropriés et envoient un résultat rapide aux méde-
cins sentinelles pour leur information. Les avantages de ce sys-
tème sont nombreux : rapidité de communication des matériels
et des résultats, détection précoce de la circulation sporadique
ou épidémique des virus respiratoires, recueil d’informations épi-
démiologiques permettant de recouper les informations virolo-
giques et de les valider, possibilité d’identifier l’agent en cause.
Parmi les indicateurs hebdomadaires recueillis par les GROG,
on peut noter les suivants : nombre d’actes, nombre des visites
à domicile, nombre des infections respiratoires aiguës (IRA) dia-
gnostiquées et ventilées par tranche d’âge (0-4, 5-14, 15-64 et
65 ans et plus), nombre de bronchopneumopathies dyspnéïsantes

48 Haut Comité de la Santé Publique


(BPD) diagnostiquées classées par tranche d’âge, nombre des
arrêts de travail (AT) courts (<15 jours) prescrits, nombre de jours
travaillés au cours de la semaine. Les données recueillies sont
transmises à la coordination régionale puis à la coordination natio-
nale (Open Rome).
Les médecins effectuent des prélèvements rhino-pharyngés sur des
cas plus ou moins typiques, surtout en début et en fin d’épidémie.
En France, un réseau nord et un réseau sud d’une quarantaine
de laboratoires hospitaliers envoient aux Centres nationaux de
référence (CNR) de leur zone les résultats des analyses qu’ils
ont effectuées la semaine précédente. Il s’agit du nombre des
détections/isolements des agents responsables des infections
respiratoires aiguës, avec mention du nombre total d’échantillons
traités. Les résultats sérologiques (séroconversions et titres éle-
vés) sont également communiqués et l’ensemble de ces don-
nées, qui s’ajoutent à celles des GROG, est pris en compte lors
de la synthèse globale.
En France, les CNR sont désignés pour trois ans par arrêté du
ministère chargé de la Santé. Partenaires de la Direction générale
de la santé (DGS) et de l’Institut de Veille sanitaire (InVS), ils répon-
dent aux objectifs de la surveillance de diverses maladies trans-
missibles en France. Leurs missions sont définies dans l’arrêté
du 29 juin 2001 (JO du 11 juillet 2001). Les CNR de la grippe assu-
rent le suivi du début et de l’évolution des épidémies de grippe,
donnent l’alerte, vérifient l’adéquation de la composition vaccinale
aux souches virales en circulation, participent, seuls ou en col-
laboration, aux enquêtes lors de phénomènes épidémiologiques
particuliers, comme des épidémies d’infections respiratoires aiguës
en collectivité. Les CNR analysent les souches virales qui leur sont
adressées par les médecins sentinelles et les laboratoires hos-
pitaliers puis sélectionnent les plus pertinentes pour les expédier
vers les Centres mondiaux de référence dans le cadre de leur col-
laboration au réseau de l’OMS.
Pendant la « saison grippale », une synthèse des données est
effectuée de façon hebdomadaire. La confrontation des données
médicales fournies par les médecins sentinelles avec les données
virologiques résultant de leurs prélèvements pour recherche de
virus grippal donne toute sa puissance à ce type de système de
surveillance de la grippe en médecine ambulatoire. Cette dua-
lité des données recueillies est l’une des caractéristiques de base
des nombreux systèmes de surveillance de la grippe dans la popu-
lation générale qui se mettent en place dans un nombre croissant
de pays. En plus des données fournies par les praticiens senti-

Infections virales aiguës… / décembre 2001 49


La grippe

nelles, les informations transmises par le réseau des laboratoires


hospitaliers complètent l’analyse de la situation épidémiologique,
tout comme les autres indicateurs de sources différentes (par
exemple, les arrêts de travail enregistrés par les caisses régio-
nales d’assurance maladie) qui permettent, dans une certaine
mesure, de faire de la « recapture » d’informations.
L’objectif principal du réseau de l’OMS est la surveillance de l’appa-
rition et des caractéristiques des virus en circulation. Ce réseau
repose sur l’activité d’environ 110 Centres nationaux de la grippe,
répartis dans quatre-vingts pays et de quatre Centres mondiaux de
référence. Au sein de ce réseau, les missions attribuées aux CNR
sont précisées par les contrats de reconnaissance de ces centres
par l’OMS. Elles consistent à recueillir, à analyser et à communiquer
les informations épidémiologiques concernant les virus respiratoires,
à recueillir les prélèvements et les souches isolées pour l’identifi-
cation précise des virus actifs et à les comparer aux souches de réfé-
rence reconnues par les instances internationales, à faire parvenir
aux Centres mondiaux de la grippe des échantillons des souches iso-
lées, en particulier les premières et les dernières de l’épidémie et,
surtout, toute souche présentant des caractères anormaux lors des
épreuves d’identification afin d’accélérer la détection de souches
nouvelles pouvant représenter un danger épidémique ou pandémique.
La fonction essentielle des centres mondiaux est l’identification
précise des souches de virus grippal adressées par les laboratoires
nationaux. Ils centralisent les virus isolés, comparent leurs carac-
tères antigéniques et effectuent des analyses génétiques. Il s’agit
donc d’une fonction essentiellement virologique. Les conclusions
sont capitales car elles conditionnent la prise de décisions impor-
tantes lorsqu’un nouveau variant à potentiel épidémique apparaît.
Ces résultats constituent la base des recommandations de l’OMS
pour la composition vaccinale lors de réunions annuelles en février,
au siège de l’OMS à Genève. Les informations correspondantes
sont diffusées par le canal du relevé hebdomadaire de l’OMS et du
site internet (http://oms.b3e.jussieu.fr/FluNet).
En Europe, le suivi synthétique de la situation épidémiologique de
la grippe est réalisé tout au long de la saison grippale à partir
des informations envoyées par télécopie ou courrier électronique
pour la plupart, par les correspondants européens du CNR de la
grippe France-Nord, à l’Institut Pasteur. Ce système baptisé Euro-
GROG, a une large couverture puisqu’il concerne environ vingt-quatre
pays d’Europe occidentale et orientale. Contrairement au bulletin
de l’OMS, le bulletin EuroGROG résume très rapidement les infor-
mations européennes de manière systématique, exhaustive, sous

50 Haut Comité de la Santé Publique


la responsabilité de ses auteurs. Il est distribué par courrier pos-
tal et par e-mail et est disponible sur internet (www.eurogrog.org).
Alors qu’EuroGROG recueille les données de la surveillance de la
grippe sous une forme très variable d’un pays à l’autre afin d’en
faire une synthèse, le système EISS (European Influenza Surveillance
Scheme) (www.eiss.org) a des ambitions plus précises. Actuellement,
une petite vingtaine d’institutions réparties dans 12 pays européens
adhèrent à ce système sous des conditions particulières :
● la surveillance doit reposer au moins sur un réseau de pra-
ticiens de ville ;
● la surveillance au niveau de la médecine de ville doit, comme
les GROG, reposer sur la complémentarité des données
cliniques et virologiques provenant de la même population
surveillée ;
● ce réseau doit avoir au moins deux ans d’existence.
Les données sont saisies dans une base de données interactive,
de manière hebdomadaire et décentralisée par les différents éta-
blissements où qu’ils se trouvent en Europe, via le réseau Inter-
net. Ce système est très structuré et représente une étape plus
aboutie de systèmes plus simples comme EuroGROG. C’est aussi
un instrument de recherche et de standardisation au travers de
systèmes de santé très divers sur le continent européen. Il a fonc-
tionné sous sa forme actuelle pour la première fois en service nor-
mal lors de l’hiver 1996-1997. Les pays représentés dans le réseau
EISS sont, en 2000 : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne,
France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, République
tchèque, Suède et Suisse.

Scénarios de l’émergence
L’émergence d’une situation pandémique est liée à au moins cinq
types de facteurs qui conditionnent, au moins partiellement, le
lieu de l’émergence du phénomène, sa route d’expansion et néces-
sairement le temps dont il sera possible, en France, de dispo-
ser pour se préparer à la lutte contre la nouvelle grippe pandémique.

Facteurs De nombreux éléments indiquent que tous les virus portant les
écologiques quinze types d’hémagglutinine circulent au sein des populations
d’oiseaux aquatiques sauvages. En revanche, le mécanisme de
maintien de ces virus dans les populations aviaires n’est pas clai-
rement déterminé.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 51


La grippe

Des virus grippaux ont été isolés chez des oiseaux aussi bien en Asie
(Chine), en Océanie (Australie) qu’en Europe (France) et en Amérique
du Nord. Ces oiseaux appartiennent à des ordres très divers ; cer-
tains peuvent migrer sur de très grandes distances allant d’un hémi-
sphère à l’autre. Après la nidification dans leur patrie, les espèces
migratrices commencent leur déplacement au cours duquel elles font
des pauses. Ces pauses entraînent la rencontre de nombreuses
espèces d’oiseaux aquatiques migrateurs et pour une même espèce,
le passage par des points de repos communs favorise la concen-
tration au même endroit d’oiseaux venant de lieux de nidification très
variés. Au moment du début de la migration, une proportion impor-
tante des oiseaux migrateurs est constituée de jeunes oiseaux qui
migrent pour la première fois. Ces jeunes oiseaux sont immunolo-
giquement plus naïfs que leurs parents et représentent une popu-
lation particulièrement sensible à l’infection par les virus grippaux.
La transmission entre différents individus d’une même espèce venant
de patries différentes ou de différentes espèces est donc facilitée.
De plus, l’utilisation de points d’eau douce ou saumâtre de volume
limité favorise la présence dans l’eau de virus de sous-types diffé-
rents en fonction des virus éliminés dans leurs excrétas par les
oiseaux infectés. Pour les oiseaux d’une espèce donnée, l’arrêt tem-
poraire d’individus migrateurs, dans des zones particulières comme
la baie de la Somme en France, permet la rencontre entre ces der-
niers et des colonies sédentaires de la même espèce.
Les phénomènes migratoires sont largement répandus à la surface
du globe et ne se limitent pas aux migrations depuis les pays froids
vers les pays plus chauds : soit des pays du nord vers ceux du sud
(et inversement pour l’hémisphère austral). Il existe de nombreuses
migrations intertropicales même si elles sont d’ampleur beaucoup
moins grande. Malgré la grande variété d’itinéraires, il existe des
routes majeures de migrations des oiseaux. Plusieurs de ces routes
passent par l’Europe et par la Chine par exemple.

Facteurs Non seulement les migrations provoquent des « rassemblements


agro-pastoraux cosmopolites » d’espèces très variées d’oiseaux, mais elles peu-
vent également permettre des contacts entre des animaux sau-
vages sédentaires ou domestiques et des oiseaux sauvages. Ainsi,
une hypothèse largement répandue fait des oiseaux domestiques,
notamment des canards, les intermédiaires entre les oiseaux aqua-
tiques migrateurs sauvages et les autres animaux domestiques
comme les porcs.
Il a été démontré que le porc peut être infecté directement par des
virus aviaires de façon naturelle ou de façon expérimentale. La

52 Haut Comité de la Santé Publique


contamination de l’homme par des virus aviaires avec appari-
tion d’un syndrome grippal n’a que très rarement pu être démon-
trée, l’exemple le plus éclatant étant l’épisode dit de la « grippe
du poulet » qui s’est déroulé à Hong-Kong en 1997 et qui n’a heu-
reusement pas été le prélude à une pandémie. L’hypothèse la plus
couramment admise à l’heure actuelle, malgré cet épisode au
cours duquel l’homme a été directement contaminé par des volailles
infectées, place l’espèce porcine au cœur des événements qui
conduisent à l’émergence de nouveaux virus humains. Ce rôle de
creuset que constituerait le porc n’est pas une certitude mais un
faisceau d’arguments conforte cette hypothèse. C’est ainsi à cause
du porc que serait apparu le sous-type A(H3N2) vers 1968 en Asie
par remplacement notamment de la molécule H2 d’un virus humain
A(H2N2) par une molécule de type H3 qui provient, selon une étude
phylogénétique, d’un virus de canards sauvages.
La transmission de virus d’oiseaux vers d’autres espèces que
le porc est possible. Ainsi, l’épizootie de grippe chez le cheval en
1989 en Chine a été provoquée par le passage d’un virus du même
sous-type que les virus en circulation chez les équidés à cette
époque, mais phylogénétiquement et antigéniquement distinct.
Ces virus équins dont la souche prototype est A/eq/Jilin/89(H3N8)
n’ont pas subi de réassortiment et sont passés directement (et
pour les huit gènes) de l’oiseau au cheval. Un deuxième exemple
de passage de virus d’oiseaux aquatiques sauvages à des oiseaux
domestiques est l’apparition chez les poulets au Mexique de virus
A(H5N2) d’abord non pathogènes puis devenus hautement patho-
gènes. Enfin un troisième exemple d’introduction de virus d’oiseaux
sauvages à des animaux domestiques est le suivant : entre 1985
et 1989, des porcs, en Italie, étaient infectés par des virus hybrides
dont les antigènes de surface H1 et N1 étaient issus de virus
aviaires A(H1N1) et dont les autres protéines provenaient de virus
humains A(H3N2). Cette observation met en évidence, en dehors
des transmissions de virus entre différentes espèces, l’existence
de réassortiments génétiques entre virus humains et virus aviaires
chez le porc en Europe.

Facteurs Après son apparition, un virus d’un sous-type nouveau chez l’homme
démogra- se transmet mal et doit s’adapter à son nouvel hôte. Cette adap-
phiques tation du nouvel hybride viral nécessite un nombre important de
cycles viraux et donc de passages d’individu à individu. Ainsi, pour
contrebalancer le mauvais taux de transmission, l’implantation
d’un nouveau virus chez l’homme a besoin d’un taux de contact
élevé entre individus sensibles et individus infectés. Cette condi-

Infections virales aiguës… / décembre 2001 53


La grippe

tion est rencontrée dans le cas de populations humaines denses.


C’est le cas en Chine et notamment dans le sud-est de ce pays.
Cependant, il existe d’autres régions du monde où la densité
de population est forte.
Une fois qu’un nouveau virus s’est implanté chez l’homme dans
une région donnée, il va diffuser de proche en proche localement.
Il peut aussi voyager avec les déplacements des individus comme
les virus grippaux le font avec les oiseaux migrateurs. Les indivi-
dus infectés avec le nouvel agent grippal peuvent le transmettre
à des individus sains sur un autre continent en seulement quelques
heures. Lors de la pandémie de 1968, il a fallu cependant envi-
ron 7 mois entre le pic de l’épidémie due au nouveau virus à Hong-
Kong et le pic de l’épidémie en France. Compte tenu de l’évolution
des échanges depuis lors, combien de temps aurions-nous dans
une situation comparable ?

Impasses Il suffit qu’un des facteurs ne soit pas réuni pour que l’introduc-
tion d’un virus nouveau pour l’espèce considérée ne conduise pas
à une implantation durable marquée par une forte épizootie ou
épidémie initiale. Plusieurs exemples illustrent de tels échecs.
Une étude, publiée en 1994, relate l’infection de deux enfants aux
Pays-Bas par des virus porcins. Ces derniers, qui ont été analysés
sur le plan antigénique, résultaient du réassortiment entre des virus
humains dont ils portaient les antigènes de surface H3 et N2 et des
virus aviaires dont ils contenaient toutes les autres protéines. La
transmission à ces deux enfants des virus hybrides n’a pas été
suivie d’épidémie, sans doute pour deux raisons liées à la combi-
naison et à la nature des différents gènes qui constituaient ces virus :
● les antigènes de surface appartenaient à des types molé-
culaires qui avaient déjà circulé chez l’homme,
● les gènes qui portent d’importants déterminants d’adapta-
tion à l’espèce hôte étaient d’origine aviaire et entraînaient
une moins bonne compatibilité chez l’homme.
L’épisode de la « grippe du poulet » à Hong-Kong en 1997 n’a pas
débouché sur la pandémie redoutée pour les raisons suivantes :
les virus aviaires A(H5N1) passés directement des poulets vivants
à l’homme étaient purement aviaires et peu adaptés à l’homme.
Seules des sources très contaminantes comme les volailles vivantes
étaient capables d’infecter des hommes. Les hommes entre eux
étaient incapables de se contaminer. Les virus A(H5N1) n’ont ainsi
pas réussi leur implantation chez l’homme et la suppression de la

54 Haut Comité de la Santé Publique


source contaminante a permis de faire disparaître le danger.
Cet exemple, au-delà de la contamination d’oiseaux domestiques
par des oiseaux sauvages, de facteurs zootechniques et démo-
graphiques, souligne l’importance de comportements sociocultu-
rels dans la transmission d’un virus inconnu jusque-là chez l’homme
à partir d’une espèce animale. En effet, seules les volailles vivantes
étaient source de contamination et la vente de poulets vivants sur
les marchés directement en contact avec la population à Hong-
Kong a été un élément indispensable à l’établissement du premier
maillon de transmission interspécifique.

Résurgence de Depuis leur apparition, des virus humains de sous-type A(H3N2)


virus anciens ont pu être isolés chez des porcs. Des études ont montré que
la transmission aux porcs et la circulation au sein de cette espèce
appartenant à
de virus humains A(H1N1) et A(H3N2) constituent un phénomène
un sous-type de permanent et établi.
virus de grippe A
En dehors du rôle de creuset de mélange et de maillon de trans-
circulant mission interspécifique, le porc peut également constituer un
actuellement « conservatoire » de virus humains. Quelques expériences récentes
chez l’homme suggèrent même la possibilité de transmission verticale chez le
porc, ce qui assurerait une persistance des virus grippaux au sein
de l’espèce porcine. La réémergence éventuelle de virus humains
disparus depuis longtemps pourrait conduire à une circulation de
virus contre lesquels une partie importante des populations
humaines serait dépourvue d’immunité humorale. Les antigènes
de surface des virus hybrides mi-humains, mi-aviaires isolés en
1993 des deux enfants aux Pays-Bas étaient antigéniquement
proches du variant humain A/Victoria/3/75(H3N2) qui n’avait plus
circulé dans les populations humaines pendant dix-huit ans. Ainsi,
aujourd’hui, une part importante de la population, les jeunes de
moins de 24 ans, est immunologiquement vierge vis-à-vis de
ces virus. De plus, les personnes plus âgées qui ont été infectées
par ce variant vingt-quatre ans auparavant ont probablement une
immunité résiduelle faible contre l’hémagglutinine et la neurami-
nidase de ces virus.

Délais de Fin août 1997, stupéfaction dans le paysage de la grippe. Le virus


détection d’un isolé chez un enfant de 3 ans, décédé à Hong-Kong le 21 mai
1997 d’une pneumonie grippale associée à un syndrome de Reye,
nouveau sous-
est un virus de grippe A(H5N1). Jamais jusque-là, un virus de
type de virus ce sous-type n’avait été isolé d’un humain souffrant d’une infec-
de grippe A tion respiratoire aiguë. Ce sous-type viral est bien connu chez les
oiseaux, notamment les volailles, chez qui il est responsable

Infections virales aiguës… / décembre 2001 55


La grippe

d’infections associées à une forte létalité ; c’est un des virus de


la peste aviaire. Après ce premier cas survenu début mai 1997
et étiqueté grippe A(H5N1) seulement le 13 août 1997, la ten-
sion était retombée car l’analyse du virus en cause avait révélé
qu’il s’agissait d’un virus intégralement d’origine aviaire, peu sus-
ceptible de se transmettre facilement à l’homme et au sein de
la population humaine. D’ailleurs, il n’y avait pas eu de cas secon-
daire autour de ce premier cas et aucun autre n’était apparu pen-
dant plus de cinq mois. Pendant ce temps, le CNR de la grippe
France-Nord s’était procuré du virus de poulet de même sous-type
A(H5N1) [A/Scotland/1/59(H5N1)] auprès du laboratoire de la
grippe aviaire du CNEVA (AFSSA) à Ploufragan afin de préparer
des moyens de détection appropriés, notamment par RT-PCR. Le
CNR avait également demandé à disposer de la souche humaine
isolée de l’enfant décédé en mai 1997 pour valider ce qui avait
été réalisé sur la souche aviaire écossaise. L’annonce d’un
deuxième cas de grippe à virus A(H5N1) chez l’homme à Hong-
Kong au cours de la première semaine de novembre 1997 a grondé
comme un autre coup de tonnerre. L’inquiétude a grandi encore
quinze jours plus tard quand deux autres cas, dont un mortel,
ont été rapportés, toujours à Hong-Kong. À partir de ce moment-
là, pas une semaine ne passait sans au moins un nouveau cas.
L’OMS a alors décidé de classer les virus humains A(H5N1) en
catégorie 3 (avancé) alors que les virus grippaux étaient toujours
classés en catégorie 2 selon les directives européennes en vigueur
et leur transposition en droit français. La demande d’autorisation
de manipulation de telles souches en France pour les deux CNR,
appuyée par les ministères chargés de la Santé et de l’Agricul-
ture, a retardé de plusieurs semaines la mise au point d’outils
fiables de détection en France. Le taux de létalité associé aux
grippes humaines à virus A(H5N1) était particulièrement préoc-
cupant puisque sur les dix-huit cas totaux confirmés jusqu’à la
fin de décembre 1997, six avaient succombé. Sur place, les auto-
rités sanitaires ont pris des mesures immédiates comme par
exemple l’information de la population et des acteurs de santé,
la mise en place de protocoles pour la prise en charge des nou-
veaux cas et particulièrement de l’usage de l’amantadine, médi-
cament antiviral. Elles ont également publié sur leur site internet
toutes les informations nécessaires au suivi de la situation avec
une mise à jour quotidienne.
L’OMS a également réagi dès le début de cet épisode et orches-
tré les actions menées par les Centres mondiaux de la grippe et
surtout les CDC d’Atlanta. L’OMS a également tenu informés les
Centres nationaux de référence de l’évolution de la situation.

56 Haut Comité de la Santé Publique


En France, dès l’annonce du premier cas, la cellule de lutte contre
la grippe a accéléré le rythme de ses réunions. Le plan de lutte
qui avait été rédigé deux ans auparavant a pu être réévalué au
regard d’une situation concrète et complété sur un certain nombre
de points. Les autorités françaises chargées de la santé publique
ont mis en œuvre des mesures concrètes très rapidement.
Pendant deux mois, la vigilance internationale a été à son maxi-
mum. Les résultats des analyses des virus en cause étaient atten-
dus avec impatience car l’émergence d’un virus réassortant ou
d’un mutant adapté à l’homme conditionnait la survenue d’une
nouvelle pandémie grippale à partir du foyer de Hong-Kong. La
connaissance de la nature intime des virus, de leur capacité de
transmission interhumaine était prioritaire et urgente pour que les
autorités sanitaires de Hong-Kong puissent élaborer un plan de
lutte efficace. Le 27 décembre, les résultats de l’enquête séro-
logique menée par les Centers for Diseases Control autour du pre-
mier cas d’infection humaine par le virus aviaire A(H5N1) ont
été rendus publics. Ils suggéraient très fortement que la source
majeure sinon exclusive de l’infection de l’homme était constituée
par des volailles vivantes infectées. Par ailleurs, l’analyse géné-
tique des virus isolés des six premiers cas a montré que tous
étaient exclusivement d’origine aviaire et donc qu’aucun réas-
sortiment avec un virus de grippe de mammifères n’avait eu lieu.
Sur la base de ces données, les autorités sanitaires de Hong-Kong
ont décidé puis procédé à l’abattage total des volailles du terri-
toire de la zone administrative spéciale. Cette opération a été com-
mencée le 29 décembre. Depuis, aucun nouveau cas de grippe
humaine à virus A(H5N1) n’a été observé. Le bilan de cet épisode
de « grippe du poulet » est donc de dix-huit cas confirmés parmi
lesquels six décès sont à déplorer.
La promptitude des actions des autorités sanitaires de Hong-Kong
a évité la co-circulation dans la population humaine de virus A(H5N1)
et de virus de grippe A(H1N1) ou A(H3N2) qui faisait courir le risque
d’un réassortiment viral à l’occasion de la saison de grippe dans
cette partie du monde. L’épisode de la « grippe du poulet » a per-
mis de tester l’efficacité de la mobilisation mondiale dans le cadre
de la surveillance et de la lutte contre la grippe autour de l’OMS.
Elle a également été un banc d’essai de la réactivité des autorités
chargées de la santé publique en France avec tous les acteurs
de la surveillance, notamment les médecins libéraux. Elle va per-
mettre d’améliorer et de préciser les plans de lutte contre la pan-
démie grippale en France et dans d’autres pays. Il convient de
remarquer en conclusion que la plupart de ces plans nationaux de
lutte ont été initiés suite aux Neuvièmes rencontres européennes

Infections virales aiguës… / décembre 2001 57


La grippe

organisées à Berlin en 1993 par le GEIG qui ont attiré l’attention


des autorités nationales chargées de la santé publique sur l’impor-
tance de mettre en place une cellule de réflexion et d’action pour
lutter contre une pandémie grippale toujours possible.

Prévention vaccinale
Selon les autorisations de mise sur le marché (AMM) validées
en France, la seule prévention repose sur la vaccination clas-
sique à virus inactivé et sur l’amantadine (Mantadix®). L’usage
de vaccins vivants atténués actuellement développés et peut-être
prochainement sur le marché des États-Unis ainsi que le recours
en prophylaxie au Zanamivir voire à l’Oseltamivir nécessiterait des
autorisations temporaires d’utilisation (ATU) éventuelles. Il serait
ainsi souhaitable de prévoir à l’avance le recours à des procédures
accélérées.

Les vaccins Les vaccins inactivés, qu’ils soient à virus fragmentés ou sous-
inactivés unitaires, nécessitent la production sur un nombre colossal d’œufs
de poule embryonnés, ce qui suppose que la logistique soit maî-
trisée et rapidement mise en place, ce qui selon les fabricants ne
constitue pas un facteur réellement limitant et peut être solli-
cité du jour au lendemain. Il faut aussi savoir qui prend la déci-
sion et le risque financier de la mise en production d’un nouveau
vaccin classique monovalent, si possible avant l’arrivée de la pre-
mière vague pandémique hypothétique. Pour la production sur
le sol français, il serait souhaitable de savoir si des doses seraient
réquisitionnées par l’État français et ce qu’il adviendrait des pays
de l’Union européenne ne disposant pas de fabricant de vaccin
anti-grippal sur leur territoire. À Berlin, lors des rencontres euro-
péennes sur la grippe et sa prévention, le recours à la production
sur cellules de lignée continue avait été avancé pour contourner
la difficulté logistique imposée (mais maîtrisée) par la production
sur œuf embryonné de poule.
L’usage hypothétique d’un vaccin nouveau à virus vivant atté-
nué monovalent permettrait d’accroître le nombre de doses dis-
ponibles (il faut environ un œuf et demi pour une dose de vaccin
inactivé alors qu’un œuf embryonné permet la production d’envi-
ron vingt doses de vaccin à virus vivants). Se pose alors le pro-
blème de la chaîne du froid à respecter ou de la quantité de doses
à lyophiliser.

58 Haut Comité de la Santé Publique


En fonction du sous-type viral nouveau, il peut être nécessaire de
revoir la quantité minimale à introduire dans le vaccin anti-grippal
classique (actuellement de 15 µg d’hémagglutinine par valence)
pour entraîner une séroconversion compatible avec les exigences
de la pharmacopée européenne.

Le délai de Le délai de fabrication du vaccin ne peut être estimé que dans


fabrication du la mesure où l’on peut évaluer la durée de chacune des étapes.
vaccin Ainsi, la durée minimale de 22 semaines détaillée dans le premier
rapport du groupe de travail de la cellule de lutte contre la pan-
démie grippale (septembre 1995, p. 7) tenait compte : de la détec-
tion en deux semaines du virus nouveau par un laboratoire de
référence national et de sa caractérisation antigénique par un
centre mondial de l’OMS en une semaine (plus de 12 semaines
dans le cas de l’épisode de la « grippe du poulet » à Hong-Kong) ;
de la préparation rapide (6 à 8 semaines) d’un virus réassor-
tant adapté aux exigences industrielles (plus de 36 mois après la
flambée locale de grippe A(H5N1), aucune souche vaccinale n’avait
été obtenue, à cause de la virulence extrême des souches A(H5N1)
isolées chez l’homme pour l’embryon de poulet). Il faut ajouter
à ces délais celui de la fabrication des réactifs de contrôles (dis-
tribués en Europe par le National Institute for Biological Standards
and Controls, NIBSC).

Production En France, le fabricant de vaccin anti-grippal peut produire de


journalière de 250 000 à 500 000 doses de vaccin monovalent en flacons mul-
vaccins tidoses par jour.

Cibles à définir La cellule de lutte contre la pandémie grippale a déterminé que


les cibles prioritaires devaient être définies sur des critères sociaux
(individus les plus utiles à la société, choix qu’il faut pouvoir jus-
tifier vis-à-vis du grand public qui ne doit pas avoir l’impression
que les corps médical et « administratif » se protègent en premier
pour des raisons d’accès « au pouvoir ») et sur des critères médi-
caux (populations à risque à redéfinir au moment même en fonc-
tion des données disponibles à partir des premiers pays ou régions
touchés par la pandémie). Une estimation peut être en partie réa-
lisée à partir des données démographiques assemblées dans
l’annexe V du rapport du groupe de travail de la cellule de lutte
contre la pandémie grippale de septembre 1995.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 59


La grippe

Modalités de la Ce point est abordé dans l’annexe VI du rapport du groupe de tra-


distribution du vail de la cellule de lutte contre la pandémie grippale (sep-
tembre 1995) dont il ressort particulièrement les points suivants :
vaccin en
● une stratégie globale doit être définie : afficher dans les actes
urgence et de la volonté de vacciner en prenant en charge certains risques,
la vaccination qu’ils soient financiers, comme la commande ferme de pro-
duit aux fabricants, ou médicaux ;
● les groupes à vacciner doivent avoir été bien déterminés ;
● les procédures de vaccination doivent avoir été établies avant
le début de la campagne et préciser notamment qui sont les
vaccinateurs, etc.
● l’intervention directe de l’État doit avoir été envisagée : aide
à la répartition/distribution des doses vaccinales, concours
de l’Armée, etc.

Pharmaco- La nécessité de renforcer la pharmacovigilance pour un nouveau


vigilance vaccin préparé dans l’urgence a été soulignée par la cellule de
lutte contre la pandémie grippale afin de permettre de détecter en
temps réel les effets indésirables rares, qui par définition n’auront
pas été détectés dans les études de tolérance, et éventuellement
de les attendre et de les gérer. L’exemple de l’épisode de Fort Dix
et la campagne massive de vaccination qui a suivi aux États-Unis,
au cours de laquelle le nombre absolu des syndromes de Guillain
Barré a augmenté en relation avec la vaccination, doit être gardé
en mémoire. Pratiquement, la cellule de lutte contre la pandémie
grippale propose de mettre en place une procédure de pharma-
covigilance renforcée qui s’appuierait sur les trente centres régio-
naux de pharmacovigilance français.

Les antiviraux

Modalités de À la demande du ministère chargé de la Santé, la Société de patho-


prise en charge logie infectieuse de langue française (SPILF) a constitué un groupe
thérapeutique de travail sur la grippe pour répondre au problème de « Prise en
charge ambulatoire et critères d’hospitalisation dans un contexte
de pandémie grippale due à l’apparition ou à la réapparition d’un
nouveau sous-type du virus grippal A chez l’homme ». Les recom-
mandations de ce groupe de travail sur la grippe face à une pan-
démie grippale due à un virus non inclus dans le vaccin figurent
en annexe III.

60 Haut Comité de la Santé Publique


Chimio- Les bénéfices éventuels des antiviraux utilisés en prophylaxie de
prophylaxie la grippe lors d’une pandémie ont été évalués par le même groupe
de travail de la SPILF. Ce dernier souligne que deux molécules ont
reçu une AMM dans la prophylaxie, la rimantadine et l’amantadine
qui, seule, reste commercialisée en France. Cette remarque reste
toujours valable à ce jour. L’efficacité de l’amantadine est dis-
cutée et les nombreux effets indésirables bien mentionnés tout
comme l’apparition rapide de résistance. Le zanamivir a reçu une
AMM dans le traitement, une fois l’infection contractée. Cepen-
dant, des études multicentriques internationales semblent indi-
quer une bonne, voire très bonne efficacité de l’administration
prophylactique des inhibiteurs de la neuraminidase, le zanamivir
tout comme l’oseltamivir. Comme cela a été évoqué pour le vac-
cin, le recours à une ATU pourrait être envisagé pour l’usage
des inhibiteurs de la neuraminidase en prophylaxie. Cependant,
il faudrait également mettre en place une pharmacovigilance ren-
forcée afin de permettre de détecter en temps réel les effets indé-
sirables rares qui ne l’auront pas été dans les études de tolérance.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 61


Autres situations

Parmi les maladies émergentes de caractère épidémique, deux


situations doivent être repérées, comme pouvant mobiliser les
pouvoirs publics :
● celles désignées comme un « mal mystérieux »,
● celles non identifiées au terme des enquêtes.

« Le mal mystérieux »
Parfois, le caractère infectieux d’une succession de cas inhabi-
tuels, d’abord sporadiques mais rapidement répertoriés, paraît
s’imposer d’emblée devant la nature des symptômes ; l’hypothèse
de la maladie infectieuse contagieuse s’accentue avec la multi-
plication d’observations similaires. L’épidémie de légionellose de
Philadelphie en 1976 débuta de cette manière jusqu’à l’identifi-
cation de l’agent pathogène et de sa source. En 1981, en Espagne,
un « mal mystérieux » atteint plus de 20 000 personnes, faisant
315 morts en un an, dans des tableaux de pneumonies fébriles
accompagnées parfois de troubles digestifs et neuromusculaires
ainsi que d’hyperéosinophilie. Vingt ans plus tard, le nombre de
morts par manifestations aiguës ou complications tardives est de
1 600 ; ce fut le syndrome des huiles toxiques vendues illégale-
ment, considéré initialement de nature infectieuse du fait des
symptômes. L’hypothèse d’un acte de terrorisme fut soulevée,
y compris dans les médias.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 63


Autres situations

Situations non identifiées


Il est des cas où le « mal mystérieux » reste non identifié au terme
d’investigations exhaustives. Ils ne font pas l’objet de titres de la
presse mais n’en restent pas moins préoccupants par leur léta-
lité. Le communiqué du Relevé Épidémiologique Hebdomadaire
du 21 juillet 2000 est ici intégralement reproduit : « Syndrome de
fièvre hémorragique aiguë, Afghanistan (mise à jour). À ce jour, on
dénombre 27 cas présumés, dont 16 décès signalés dans un vil-
lage isolé du district de Gulran, province de Herat. Une équipe
internationale, comprenant des experts du centre collaborateur
OMS au National Institute of Virology (NIV, Afrique du Sud), d’Epi-
centre et de l’OMS ont terminé leur enquête. L’agent étiologique
n’a pas encore été identifié en dépit de la vaste gamme de tests
virologiques et sérologiques entrepris, portant sur un grand nombre
d’agents pathogènes. »
L’infection mystérieuse n’est pas sans rappeler ce qui s’est pro-
duit lors de l’émergence du sida, infection qui n’existait pas, qui
est apparue sans que son origine soit encore aujourd’hui identifiée
mais dont les paramètres étiologiques et épidémiologiques l’ont
été rapidement ; l’alerte épidémique fut donnée en juin 1981 par
l’observation anormale de cinq cas de pneumocystose chez les
homosexuels de Los Angeles. Elle suscita des doutes ; sa cause
fut affirmée par une équipe de virologues de l’Institut Pasteur à
partir de la présomption d’un clinicien sur l’un de ses patients por-
teurs d’adénopathies.

64 Haut Comité de la Santé Publique


Organisation et mise
en œuvre de la prise
en charge

Les intervenants
L’Organisation L’action de l’OMS est limitée de fait par la nature même du Règle-
mondiale de la ment sanitaire international (RSI) dont le but est de protéger les
santé populations tout en étant à l’origine des entraves les plus faibles
possibles aux échanges internationaux.
Le RSI ne prévoit, pour les pays qui y adhèrent, et chaque pays
est libre d’y adhérer ou non, que les mesures maximales qui peu-
vent être mises en œuvre par les États, pour se protéger contre
l’importation des trois maladies prévues au règlement : la peste,
le choléra et la fièvre jaune.
Rien n’est prévu réglementairement pour les autres maladies.
L’OMS coordonne la réponse internationale à une épidémie, à
la demande du pays concerné. Cette action est menée grâce au
réseau Global Alert and Response Network qu’elle anime ; ce
fut le cas récemment en Ouganda, où elle a apporté un appui tech-
nologique, matériel et méthodologique. Mais cette aide est alors
similaire à celle que pourrait apporter tout pays (les CDC étaient
également présents en Ouganda).

Infections virales aiguës… / décembre 2001 65


Organisation et mise en œuvre de la prise en charge

En revanche, l’OMS est l’organisme international susceptible de


fournir et de diffuser des données fiables sur les épidémies en
cours, bien que certaines d’entre elles soient diffusées après
un délai assez long.
Ceci devrait changer puisque l’OMS a souhaité modifier le RSI afin
que tout événement anormal ou inattendu qui, par sa gravité ou
sa vitesse de diffusion, pourrait représenter une menace pour
la santé publique, fasse l’objet d’une déclaration à l’OMS dès lors
qu’il risque d’avoir une ampleur internationale.
L’OMS émet également des recommandations à la fois sur la
conduite à tenir pour l’accueil et la prise en charge d’un cas sus-
pect de FHV et sur les mesures qu’il convient ou non que les États
adoptent lors d’épidémies à l’étranger, afin de se protéger contre
tout risque d’introduction de cas. L’OMS avait en ce sens consi-
déré que les mesures prises par la France lors de l’épidémie
d’Ebola au Gabon en 1997 étaient exagérées : distribution d’une
information dans les avions revenant du Gabon et questionnaire
sur les coordonnées de chaque passager pour les 3 semaines sui-
vant leur arrivée en France.
Concernant la grippe, l’OMS décide chaque année de la nature du
vaccin qui doit être fabriqué. Par ailleurs, elle a également diffusé
un guide de conduite à tenir en cas de pandémie de grippe et,
le cas échéant, peut être l’organisme diffuseur d’informations sur
les épidémies (grippe de Hong-Kong en 1997-1998). Elle peut
jouer également un rôle dans la coordination des recherches. Dans
le cas de la grippe de Hong-Kong, c’est l’OMS qui avait estimé que
le virus H5N1 devait être considéré comme un virus de classe 3
et ne pouvait donc être manipulé que dans des laboratoires de
sécurité.

L’Europe La décision n° 2119/98/CE du Parlement européen et du Conseil


du 24 septembre 1998 instaure dans la Communauté un réseau
de surveillance épidémiologique de maladies transmissibles, ainsi
qu’un système d’alerte précoce et de réaction visant leur pré-
vention et leur contrôle.
La Commission européenne n’a pas un rôle prépondérant dans
l’organisation de la prise en charge de cas de FHV ou même en
cas de pandémie de grippe.
Cependant, plusieurs réseaux d’information existent au niveau
européen : le réseau « grippe » mais également un réseau euro-
péen d’alerte rapide ainsi qu’un réseau dédié aux maladies virales

66 Haut Comité de la Santé Publique


importées, European Network for Diagnosis of Imported Viral
Disease (ENIVD). Une réunion de ce réseau a eu lieu le 9 novembre
2000 à Luxembourg sur « l’échange d’informations au niveau euro-
péen en cas de FHV importée ».
Par ailleurs, le Centre national de référence des arbovirus en France
(Institut Pasteur) ne dispose pas d’un laboratoire de confinement
adapté et ne peut donc actuellement manipuler de germes de
classe 4. Les examens demandés à ce laboratoire sont traités
à Hambourg. Ceci témoigne d’une collaboration au niveau euro-
péen entre les chercheurs qui complète le dispositif d’information
qui, lui, concerne plus spécifiquement les autorités sanitaires de
chaque pays.

Le ministère Au sein du ministère, la Direction générale de la santé définit la


de la Santé politique de santé publique et met en œuvre les mesures de ges-
tion en cas d’alerte.
En cas d’épidémie de FHV dans un pays étranger, elle détermine
le niveau de réponse (information des hôpitaux, de la population,
des voyageurs) qui lui paraît le plus adapté.
En cas de survenue d’un cas de FHV sur le territoire national, la
DGS est immédiatement informée par la Ddass qui a reçu le signa-
lement sans délai (les FHV sont des maladies à déclaration obli-
gatoire « justifiant une intervention urgente locale, nationale ou
internationale »). L’intérêt de ce signalement est de pouvoir immé-
diatement mettre en œuvre des mesures d’information et de sur-
veillance dans l’entourage du cas et de permettre également une
prise en charge adaptée avec le moins de risque possible d’appa-
rition de cas secondaires. La DGS est également chargée alors
de l’information des partenaires européens.
La définition de structures d’accueil pour des cas suspects de FHV
est quant à elle du ressort de la Direction de l’hospitalisation et
de l’organisation des soins (DHOS) relayée au niveau régional par
les Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les Drass.
Par ailleurs, la DGS met en place et organise, le cas échéant, en
collaboration avec les Ddass concernées, les services médicaux et
certaines structures hospitalières, le rapatriement sanitaire de per-
sonnes suspectes d’avoir contracté une FHV. Cette organisation
s’est, jusqu’à présent, toujours faite au coup par coup. En effet, les
services médicaux susceptibles d’accueillir de tels malades n’étant
pas équipés de locaux spécialement dédiés, ils ne peuvent être mis
en alerte que pour une durée déterminée et courte.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 67


Organisation et mise en œuvre de la prise en charge

Concernant la grippe, la DGS a mis en place, au milieu des années


quatre-vingt-dix, une cellule de lutte contre la grippe, associant
des partenaires de diverses institutions (DHOS, InVS, AFSSAPS,
AFSSA, DGAL, CNR, Service de santé des Armées…), qui réflé-
chit à des moyens de gestion de pandémie de grippe. C’est notam-
ment cette cellule qui a été activée lors de l’épisode de la grippe
de Hong-Kong et qui a contribué aux décisions prises à cette
époque (constitution d’un stock de médicaments, information
des voyageurs, des médecins, recherche de virus chez les cas
suspects, interdiction d’importation des oiseaux en provenance
d’Asie…).
Par ailleurs, la DGS a demandé en 1998 à la Société de patho-
logie infectieuse de langue française d’élaborer des recomman-
dations sur la prise en charge de nombreux cas de grippe dans le
cadre d’une pandémie et de définir des critères d’hospitalisa-
tion (cf. annexe III).
Au total, la DGS continue donc son travail sur la grippe, avec
ses partenaires précités, afin de pouvoir disposer dans un avenir
proche de moyens tant logistiques que méthodologiques pour lut-
ter contre une épidémie voire une pandémie de grippe (avec virus
couvert par le vaccin ou non).

L’Institut de Le rôle de l’Institut de veille sanitaire (lnVS) est prévu par la loi
veille sanitaire sur la sécurité sanitaire de juillet 1998. Il consiste en une veille
sanitaire et doit le conduire à alerter les autorités sanitaires en
cas de survenue de phénomène important pouvant nécessiter une
action des pouvoirs publics. Il peut également émettre des recom-
mandations à l’intention des pouvoirs publics, dès lors que ces
recommandations découlent de travaux scientifiques.
Lors de la survenue de cas de FHV, l’InVS contribuera soit direc-
tement, soit via une Cellule interrégionale d’épidémiologie et d’inter-
vention (CIREI) aux enquêtes épidémiologiques qui pourraient
s’avérer nécessaires, surtout si l’origine de la contamination n’appa-
raissait pas clairement. De la même manière, la nécessité de
mettre en place une surveillance autour de cas de FHV et la nature
de cette surveillance devra impliquer l’InVS.
L’InVS a élaboré par ailleurs des stratégies de prévention et
de contrôle des épidémies de grippe en France. Ce travail a été
très largement repris par la cellule de lutte contre la grippe de
la DGS. L’InVS est membre permanent de la cellule de lutte
du fait de ses missions de surveillance, d’alerte et d’appui tech-
nique aux investigations. Par ailleurs l’InVS intervient dans la

68 Haut Comité de la Santé Publique


surveillance de la grippe par son rôle de coordination vis-à-vis
des différents systèmes de surveillance en France (CNR, réseau
des GROG et réseau Sentinelles).
En situation de menace pandémique, l’InVS pourra du jour au len-
demain assurer, pour le ministère chargé de la Santé, les syn-
thèses épidémiologiques régulières nécessaires, coordonner
les investigations épidémiologiques à mettre en œuvre (protocole,
fiche de recueil…) et assurer l’interface avec les instituts de
surveillance des autres pays, en particulier européens.
S’il est difficile de se prémunir de l’émergence d’un problème infec-
tieux que l’on ne connaît pas, la compréhension de l’émergence
ou de la réémergence des problèmes infectieux basée sur l’expé-
rience des dernières décennies doit permettre d’orienter les
mesures nécessaires pour y faire face au mieux. Il convient donc
en tout premier lieu de disposer d’une infrastructure de santé
publique performante et réactive dont la responsabilité incombe
au ministère chargé de la Santé, et de disposer d’une capacité de
surveillance et d’investigation épidémiologique et microbiologique
opérationnelle et à visée décisionnelle de haut niveau scientifique
et mobilisable à tout moment.
Ce deuxième aspect est de la responsabilité de l’Institut de la
veille sanitaire dont les missions sont de surveiller l’état de santé
de la population et surtout d’alerter les pouvoirs publics de toute
menace pour la santé de la population. Dans le domaine des
maladies infectieuses, l’InVS coordonne la surveillance des mala-
dies infectieuses en France, assure une veille prospective sur
les risques infectieux émergents, met en œuvre des investiga-
tions d’épidémies ou de phénomènes inhabituels qui peuvent
représenter un risque pour la santé. À partir de signaux issus
soit de systèmes de surveillance, des Directions départemen-
tales des affaires sanitaires et sociales (Ddass), des Centres
nationaux de référence, des cliniciens, des CCLIN, des centres
de surveillance épidémiologique d’autres pays, de l’OMS… l’InVS
met en œuvre des procédures d’alerte et d’investigation en col-
laboration étroite avec les Centres nationaux de références et,
selon le cas, de nombreuses structures (services hospitaliers,
ingénieurs sanitaires…). Les objectifs sont d’identifier la source,
le mode de transmission, les facteurs de risque et l’évolutivité
potentielle du problème afin de proposer à l’autorité sanitaire
des mesures de prévention et de contrôle scientifiquement argu-
mentées. Afin de détecter au plus tôt les nouvelles menaces
infectieuses pour la santé publique, l’InVS met en œuvre un pro-
gramme de développement d’une veille prospective de nature

Infections virales aiguës… / décembre 2001 69


Organisation et mise en œuvre de la prise en charge

scientifique qui, outre le suivi de l’actualité scientifique du


domaine, s’appuiera sur une collaboration étroite avec le monde
de la recherche en infectiologie et microbiologie à la fois humaine
et animale.

Les hôpitaux Ils doivent être en mesure d’accueillir dans les meilleures condi-
tions possibles des cas suspects de FHV, en limitant au maximum
les risques d’infection secondaire. Cela nécessite qu’une infor-
mation leur soit faite régulièrement sur les épidémies en cours,
afin que ce diagnostic puisse être évoqué chez un voyageur en
provenance d’une zone à risque. Cette information leur est, en
pratique, faite par la DGS.
Les Samu des départements où se trouve un aéroport internatio-
nal devraient être en mesure de prendre en charge une personne
suspecte de FHV rapatriée ou se déclarant malade à l’aéroport,
afin de la conduire en toute sécurité à l’hôpital. Le Samu 93 (Roissy-
Charles de Gaulle) a prévu cette éventualité et a déjà été mis en
alerte à plusieurs reprises.
En ce qui concerne la grippe, le problème essentiel serait celui de
l’accueil aux urgences, éventuellement d’arrivées massives.

Le laboratoire Une convention entre la fondation Mérieux et l’Institut Pasteur doit


P4 de Lyon et permettre l’installation du CNR des arbovirus et virus des fièvres
les CNR hémorragiques au sein du Centre de recherche Mérieux-Pasteur à
Lyon. Il disposera ainsi d’un laboratoire moderne, d’un niveau de
biosécurité 4 afin de pouvoir réaliser des diagnostics d’agents
viraux de classe 4 ou autres (classe 3…).
Par ailleurs, l’OMS a demandé, lors de l’épisode de la grippe de
Hong-Kong, des garanties aux deux centres nationaux de référence
(CNR) de la grippe sur les degrés de confinement de leurs labo-
ratoires. Faute de laboratoire classé P3, l’OMS refusait de leur
adresser la souche H5N1.
Le fait que le laboratoire P4 soit à Lyon où se situe également
le CNR Grippe Sud, et que le CNR Grippe Nord (IP) puisse béné-
ficier des installations P3+ de l’Institut Pasteur, devrait permettre
à terme de pouvoir disposer sans délai de toute nouvelle souche
du virus de la grippe afin de l’identifier le plus rapidement pos-
sible.

70 Haut Comité de la Santé Publique


Les Comités de Depuis 1999, chaque établissement hospitalier public et privé
lutte contre les doit constituer un CLIN (Décret n° 99-1034 du 6/12/1999). Leur
rôle est de veiller à limiter au maximum le risque d’infection à
infections l’hôpital, que ces infections surviennent chez les personnes hos-
nosocomiales pitalisées ou parmi le personnel soignant. Leur rôle est, à ce titre,
(CLIN) fondamental dans la gestion de cas de FHV. C’est à lui de définir,
en l’absence de circulaire ministérielle, avec, le cas échéant,
un appui technique du CCLIN (instance régionale), les mesures
techniques qu’il convient d’adopter pour limiter les risques de FHV
secondaires à l’hôpital.

Les aéroports C’est un point d’entrée des personnes malades ou en incubation.


C’est là également que la Ddass peut exercer sa mission de contrôle
sanitaire aux frontières. C’est à ce niveau que l’information des
voyageurs est faite par les autorités sanitaires lorsque cette mesure
est jugée opportune par la DGS.
Le service médical des aéroports a également un rôle important,
et doit être informé des épidémies dans la mesure où si un cas
se déclarait au cours d’un vol ou dans l’aérogare, il puisse être
pris en charge de manière adaptée, sur place, dans un premier
temps. Le service médical des aéroports peut également être
un relais d’information des personnels de l’aéroport, ainsi que
des personnels de compagnies aériennes éventuellement, bien
qu’alors cette information incombe à la médecine du travail.
Déjà confronté à des situations d’alerte à l’aéroport Charles de
Gaulle (fausse alerte ou choléra, méningite, tuberculose, « grippe
du poulet » à Hong-Kong, foyers épidémiques de fièvre Ebola en
République démocratique du Congo et en Ouganda), le service
médical d’urgence et soins des Aéroports de Paris applique des
procédures éprouvées dans les situations précitées en relation
avec la Ddass et le Samu de la Seine-Saint-Denis.

Les Armées Les maladies infectieuses sont un risque majeur dans les armées ;
elles mettent en jeu la santé des personnes et la capacité opé-
rationnelle des unités. Les infections émergentes sont une pré-
occupation constante du Service de santé des Armées, notamment
dans ses missions extérieures, très diversifiées dans de nombreux
pays, en particulier tropicaux. L’exposition aux risques peut y
prendre des dimensions singulières.
Les infections virales, dont la grippe et les fièvres hémorragiques,
considérées comme risques naturels ou provoqués, y sont l’objet

Infections virales aiguës… / décembre 2001 71


Organisation et mise en œuvre de la prise en charge

d’une attention particulière. Un rapport technique sur les « Orien-


tations prioritaires de la virologie dans les armées », présenté
le 16 novembre 2000 devant le Comité consultatif de santé des
Armées où des autorités civiles sont membres de droit, a apporté
sur ces thèmes des éléments d’information et de réflexion.
Pour la grippe, deux points originaux sont à noter :
● La participation des médecins d’unité et des laboratoires de
virologie des hôpitaux des armées aux GROG dans le réseau
SMOG.
● La politique de vaccination triennale des effectifs.
Pour les FHV, il faut souligner :
● La contribution des médecins militaires sur le terrain à leur
connaissance épidémiologique et virologique, en Afrique
notamment.
● La vigilance du dispositif d’alerte épidémiologique et de
prise en charge de patients suspects, dans les hôpitaux des
armées, y compris au bénéfice des civils.
● La priorité de ces thèmes de recherche, notamment pour le
diagnostic rapide et précoce.
● L’efficacité et la disponibilité des moyens matériels et
humains (transport aérien, organisation et mise et œuvre
des moyens de toute la chaîne logistique).
Outre ses missions dans le cadre de la Défense, le Service de
santé des Armées participe au service public de la santé et à
ce titre, il est amené à collaborer pour l’expertise ou l’action, aux
situations de crise, d’urgence ou d’exception.

La mise en œuvre
de la prise en charge
À ce jour, en France, le système de santé n’a pas été confronté
à des cas importés de fièvre hémorragique virale africaine ou
de pandémie grippale. Sa mise à l’épreuve reste à faire. Il est
donc confronté à une anticipation de risques potentiels, excep-
tionnels.

S’agissant d’infections importées, les pouvoirs publics sont tri-


butaires, en amont, d’une information validée. Dans le cas de
la grippe, l’alerte épidémique est fondée sur une surveillance
attentive de la circulation des virus grippaux, notamment aviaires.

72 Haut Comité de la Santé Publique


Les épidémies récentes de fièvre hémorragique virale, notam-
ment africaines, montrent quant à elles le retard d’interven-
tion des équipes internationales par rapport à la survenue des
cas index, laissant l’épidémie se développer, y compris sur le
mode nosocomial.
En France, le circuit qui va de la connaissance du premier cas,
suspect ou confirmé, à l’information des professionnels de santé
concernés, sur l’existence d’une épidémie, comprend plusieurs
maillons qui peuvent être chacun un frein à la réactivité du sys-
tème. À titre d’exemple, une épidémie de légionellose est sur-
venue à la fin du mois de juillet 2000 en Ille-et-Vilaine : dix-huit
cas ont été recensés, entraînant cinq décès. Les praticiens des
hôpitaux publics n’en ont été informés par les médecins ins-
pecteurs de santé publique qu’en décembre 2000, en même
temps que la presse, alors que cette information aurait pu être
utile pour un diagnostic et une meilleure connaissance de cette
épidémie.
Si l’échelon national reste le niveau normal de gestion de ces
situations, les échelons européens et régionaux apparaissent
comme insuffisamment développés et organisés pour répondre
aux besoins, en terme d’action. Les CIREI ont été créées il
y a quatre ans ; elles dépendent administrativement des Drass
et scientifiquement de l’InVS. Au nombre de neuf actuelle-
ment, composées d’un médecin inspecteur de santé publique
et d’un ingénieur sanitaire, les CIREI ont dans leur attribution
une mission d’alerte et de soutien aux investigations épidé-
miologiques en cas d’épidémie ou d’alerte, mais leurs moyens
restent limités.
La prise en charge des patients au cours d’une pandémie grip-
pale doit faire anticiper des décisions difficiles dans les choix
prioritaires pour l’accès aux vaccins, aux traitements et au sys-
tème de santé, notamment aux services d’urgence. Dans le cas
des fièvres hémorragiques virales, en dehors de la prise en charge
de contaminations accidentelles au P4 de Lyon, il n’existe pas
en France de chaîne logistique de prise en charge de cas suspect
ou confirmé, depuis l’étranger ou en métropole ; cette chaîne doit
prendre en compte des contraintes matérielles, techniques et
humaines destinées à éliminer les risques nosocomiaux. Jusqu’à
présent, les prises en charge de cas suspects ont pu comporter
une part d’improvisation ; il a fallu faire face à des aléas, dont
certains bien connus des cliniciens, liés à l’arrivée d’un cas sus-
pect de fièvre hémorragique virale un vendredi soir…

Infections virales aiguës… / décembre 2001 73


Organisation et mise en œuvre de la prise en charge

Cas particuliers des animaux


L’importation d’animaux vivants sur le territoire de l’Union euro-
péenne à partir de pays tiers, de façon licite, relève du contrôle
des douanes et des services vétérinaires aux frontières ; ces
services disposent de logiciels leur permettant d’assurer leur
fonction et de prendre des mesures : consigne, quarantaine,
refoulement, mise à mort, destruction, etc.
En cas d’introduction clandestine et de découverte des animaux,
souvent dissimulés dans des bagages à main restés en cabine,
il n’y a aucun certificat sanitaire ; les douanes verbalisent dans
tous les cas et font appel aux vétérinaires pour l’examen physique.
Si les animaux apparaissent malades, les mêmes mesures que
précédemment peuvent être mises en œuvre. Dans un poste d’ins-
pection frontalier autorisé aux animaux vivants, il est prévu des
locaux d’hébergement ; ailleurs, c’est l’improvisation. Dans tous
les cas, se pose le problème de l’isolement des animaux avec
le risque de contamination des autres animaux et des personnels
chargés de la manutention, de la nourriture et de l’hébergement.
Certains pays de l’Union européenne sont moins répressifs à
l’égard des importations clandestines d’animaux qui peuvent alors
circuler sur toute l’Union, sans problème.
Il existe par ailleurs des dérogations à l’importation de certaines
espèces de la faune sauvage dont on veut faire des animaux de
compagnie.

74 Haut Comité de la Santé Publique


Propositions et
recommandations
P R O P O S I T I O N S E T R E C O M M A N D A T I O N S

Le système Intégrer le système d’alerte dans un dispositif d’alerte continue


d’alerte La prévention et la prise en charge dépendent d’une alerte effi-
épidémique cace, qui doit être précoce, rapide et fiable.
Intégrer le système d’alerte dans un dispositif d’alerte continue
comprenant une surveillance à l’extérieur et à l’intérieur du pays.
À l’extérieur, trois niveaux d’alerte devraient intervenir : l’OMS à
l’échelon mondial, l’Europe (coordination européenne par la com-
mission européenne), les aéroports internationaux et les passages
aux frontières. À l'intérieur du pays, trois autres niveaux font
partie du système d’intervention :
● l’InVS à l’échelon national, dans le cadre de ses missions
définies par la loi, qui est un outil essentiel.
● les Drass et les Ddass en articulation avec les CHRU à l’éche-
lon régional.
● les hôpitaux généraux et les médecins généralistes à l’éche-
lon local.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 77


Propositions et recommandations

Évaluer régulièrement la capacité de fonctionnement d’un


dispositif dont la plupart des éléments existent, mais dont la
réactivité et les articulations doivent être testées
En ce qui concerne la grippe, les réseaux de l’OMS constituent
un modèle de l’alerte épidémique moderne dans la surveillance de
l’apparition des virus grippaux en circulation et dans leur identifi-
cation. C’est à l’OMS que revient la déclaration officielle de la situa-
tion pandémique. L’Europe a demandé un rapport sur l’attitude et
la réactivité des différents états membres et de l’Union elle-même
lors de l’alerte de la « grippe du poulet » à Hong-Kong en 1997.
En France, le ministère chargé de l’Agriculture et l’AFSSA sont
associés aux réseaux de surveillance de la grippe ; les Armées et
Aéroports de Paris participent aux GROG. Les réseaux de sur-
veillance mettant à contribution des médecins généralistes (réseau
des GROG et réseau Sentinelles) permettent de détecter et d’iden-
tifier dans de courts délais les épidémies et les virus responsables
des premiers cas, de les localiser géographiquement et de suivre
leur diffusion temporo-spatiale.
Dans le cas des fièvres hémorragiques virales africaines, des épi-
démies récentes ont montré le retard important que pouvait prendre
le déclenchement de l’alerte au sein du pays où émergeait l’épi-
démie. En 2000, les décès en Europe des quatre cas de fièvre de
Lassa, après leur évacuation sanitaire d’Afrique, laissent perplexes
quant à l’efficacité des systèmes d’alerte épidémique à l’échelon
de ce continent.

Établir un organigramme du système d’alerte précisant les inter-


venants, leur fonction et leurs liens, ainsi que les procédures
d’urgence à mettre en œuvre ; la coordination opérationnelle de
l’InVS avec les partenaires (cliniciens, laboratoires, Centres natio-
naux de référence, OMS, etc.) devrait être mieux formalisée et
connue des professionnels de santé.

Créer un échelon interrégional d’alerte incluant les Ddass, les


Drass et les CHRU au sein d’un réseau d’alerte épidémique.
Le niveau départemental apparaît aujourd’hui trop limitatif. Cette
structure, anticipant les risques exceptionnels comme ceux des
fièvres hémorragiques virales, devrait pouvoir gérer également des
risques infectieux comme les méningites à méningocoques, rares
mais toujours présentes, faisant elles aussi intervenir la notion
de cas suspect, suscitant de vives réactions dans l’opinion publique
du fait de leur contagiosité par voie aérienne et de leur gravité, et

78 Haut Comité de la Santé Publique


nécessitant une action urgente dans l’entourage du cas. Le regrou-
pement des CIREI sur quatre ou cinq interrégions et le renforce-
ment de leurs moyens à la fois qualitatifs (méthodologie) et
quantitatifs (personnels) permettrait de mieux anticiper les menaces
épidémiques de toute nature ; dans ce contexte elles doivent déve-
lopper prioritairement des liens forts avec les cliniciens, les labo-
ratoires et les structures d’expertise régionale, disposer d’une
expertise dans le domaine de l’alerte et de l’investigation de
terrain, enfin maintenir une liaison constante avec l’InVS.

Prendre en compte les cas suspects et les rumeurs d’épidémie


De nos jours, l’alerte n’est plus uniquement déclenchée sur l’iden-
tification d’une infection dont la cause est prouvée par la micro-
biologie ; elle peut l’être soit sur la notion d’un syndrome clinique
associé à des facteurs de risque, soit sur la fréquence anormale
d’un syndrome infectieux évocateur d’épidémie.
L’OMS envisage ces moyens d’alerte dans la révision en cours
du Règlement Sanitaire International ; ainsi, en Afrique, lors
d’épidémies de fièvres hémorragiques à virus Ebola, la « diarrhée
rouge » aurait pu être un très bon signal d’alarme si le message
avait été entendu. Un autre outil, lié au développement des moyens
d’échanges d’information, est la prise en compte des rumeurs
d’épidémie qui sont analysées et vérifiées, notamment en fonc-
tion de leurs implications internationales.
En France, les nouvelles modalités de la déclaration obligatoire des
maladies transmissibles, pour les maladies rares en particulier,
font obligation de signaler à l’autorité sanitaire non seulement
un cas avéré mais également suspect de fièvre hémorragique virale,
dans les plus brefs délais. Les critères de cas suspects de mala-
dies rares hautement contagieuses, telles que les fièvres hémor-
ragiques virales, devraient être connus, en distinguant les cas avec
et sans syndrome hémorragique. Ces infections relèvent d’une
alerte prioritaire, selon une procédure d’urgence.

Diffuser une information vers les professionnels de santé, dès


que l’alerte épidémique est connue des autorités sanitaires
À ce titre, le GROG hebdomadaire diffuse une information simple
à partir du réseau Sentinelles et des isolements de virus par les
CNR ; cette information, sans caractère officiel mais validée,
est concise et de lecture accessible. L’annonce d’une pandé-
mie mettrait en cause la capacité du système de soins devant une
population non immunisée.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 79


Propositions et recommandations

Dans le cas d’infections rares ou exceptionnelles, l’information reste


plus ciblée. Si une épidémie de FHV africaine sévit, l’information est
diffusée par la DGS vers les hôpitaux, les aéroports internationaux,
certains vols considérés comme à risque. La juste mesure entre la
nécessité d’informer ceux qui sont supposés être les plus exposés
et le souci de ne pas créer de craintes inutiles pouvant aller jusqu’à
la panique dans l’opinion n’est pas aisée à établir.
Les objectifs et les moyens de cette communication vers les pro-
fessionnels de santé devraient faire l’objet d’une réflexion et d’un
débat qu’il est urgent de mener, notamment sur l’utilisation d’Inter-
net comme moyen rapide d’information mais à terme potentiellement
inefficace, s’il est encombré. La réflexion sur les cibles devrait por-
ter non seulement sur les médecins hospitaliers, mais également
sur le secteur libéral, les médecins généralistes en particulier.

Valoriser la participation des professionnels de santé au dis-


positif d’alerte
L’importance de la contribution des médecins hospitaliers à l’alerte,
devant des maladies contagieuses graves et rares, à déclaration
obligatoire, est à souligner ; mais leur rôle, pourtant essentiel, est
encore trop souvent ressenti par certains comme une contrainte
administrative qu’ils négligent ; il est également primordial de rap-
peler l’importance de signaler à la Ddass tout phénomène infectieux
inhabituel, même si la maladie n’est pas à déclaration obligatoire.
De même, il convient de développer le rôle des médecins géné-
ralistes – qu’ils appartiennent ou non à des réseaux de surveillance
(Sentinelles et GROG) – qui sont également amenés à surveiller
d’autres infections épidémiques. Mais il faut sortir d’un volonta-
riat qui se confond avec le bénévolat.
Les pouvoirs publics devraient encourager le développement et la
structuration, autour de l’InVS, de réseaux de partenaires où
les cliniciens, hospitaliers et généralistes, trouveraient leur place,
avec les laboratoires de biologie et les structures de santé publique,
sur des thématiques de l’infectiologie.

La prise en Mettre à jour périodiquement les stratégies de prévention et de


charge des contrôle, ainsi que les recommandations sur la grippe en cas de
patients pandémie
L’éventualité d’une pandémie grippale avait déjà été envisagée
en 1995 au sein du groupe de travail du RNSP, pour l’élabora-
tion de stratégies de prévention et de contrôle des épidémies de

80 Haut Comité de la Santé Publique


grippe en France. Le groupe de travail de la SPILF, précédemment
cité, a émis des recommandations à l’attention des autorités (cf.
annexe III, question 8). Parmi les aspects les plus importants à
prendre en compte dans la prise en charge des patients, figurent :
● les critères d’hospitalisation avec leurs conséquences sur
les services d’urgence, puis les services hospitaliers ;
● les mesures d’isolement à prendre dans les structures hos-
pitalières ;
● les priorités dans l’attribution d’abord des antiviraux, cura-
tifs et prophylactiques, à des populations non immunisées,
en attente de nouveaux vaccins, puis de ceux-ci au fur et à
mesure de leur disponibilité ;
● les délais d’approvisionnement en vaccins et médicaments
par des industriels qui, outre les contraintes de la fabrica-
tion, devraient faire face à des demandes de plusieurs pays ;
● les coûts des prises en charge ;
● l’information des professionnels de santé, avant la pandé-
mie, puis en temps réel ;
● l’information de la population.
Dans l’éventualité de cas importés isolés suspects de FHV de type
Ebola, la même anticipation doit porter principalement sur la ges-
tion des risques nosocomiaux. La prise en charge concerne l’état
de santé du patient et la maîtrise du risque de transmission à
l’entourage.

Définir les cas suspects en s’appuyant sur les critères déjà adop-
tés par les cliniciens dans leur enseignement et leur pratique :
● séjour en zone d’endémie avec retour depuis moins de trois
semaines ;
● exposition au risque en région rurale ou dans un laboratoire
utilisant des singes ;
● signes d’orientation (pharyngite, conjonctivite, rash, hémor-
ragies vers le 5e jour de la maladie) ;
● élimination en moins de 48 heures des principaux diagnos-
tics différentiels.
L’absence de spécificité des signes de la phase initiale doit être
soulignée ainsi que le caractère inconstant et tardif des signes
hémorragiques. On doit éliminer notamment un paludisme, une
fièvre typhoïde, une dengue, une rickettsiose, d’autant que la leu-
copénie avec thrombocytopénie est fréquente et commune à toutes
ces infections.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 81


Propositions et recommandations

Classer les structures de prise en charge des patients en deux


niveaux
Niveau 1 : mettre en œuvre les mesures de sécurité de la prise
en charge initiale, immédiate, dès que le patient répond aux cri-
tères du cas suspect :
● application de toutes les mesures standard de protection
individuelle (gants, blouses, masques, éventuellement
lunettes et bottes) et d’isolement en chambre seule avec
antichambre et/ou sas ;
● désinfection et incinération du matériel jetable et des excré-
tas ou autoclavage des matériels non jetables ;
● appel à un praticien hospitalier référent pour les risques
infectieux au retour d’un pays tropical.
Ces mesures simples, mais exigeant du sang froid, sont applicables
dans toutes les structures hospitalières, y compris aux urgences.
L’autorité sanitaire est informée de l’application du dispositif ; les
laboratoires recevant les prélèvements biologiques sont avisés
de leur caractère potentiellement contagieux. Le transfert du patient
vers une structure de niveau 2 (site pilote) doit être envisagé.
Niveau 2 : créer des sites pilotes en maladies infectieuses et tro-
picales pour l’accueil de patients fortement suspects ou dont le
diagnostic est confirmé, disposant :
● de chambre(s) d’isolement en pression négative, éliminant
quasiment le risque de contamination nosocomiale par voie
aérienne à partir de patients ayant des signes respiratoires,
des diarrhées, des vomissements, des hémorragies ;
● d’une réserve de ribavirine IV pour le traitement d’une per-
sonne pendant 48 heures. Cette disposition supposerait un
mode d’attribution spécifique hors ATU nominative, justifié
par l’urgence et l’efficacité prouvée de ce traitement dans
les fièvres de Lassa et de Crimée-Congo (six premiers jours) ;
● de capacités de réalisation de certains soins intensifs au sein
de la structure d’isolement, en sachant leurs limites et les
difficiles problèmes éthiques que pourrait poser leur pratique ;
● de moyens de réalisation d’examens biologiques courants
dans l’enceinte d’isolement, notamment biochimiques ;
● d’équipes médicales et paramédicales rompues à la pratique
des maladies infectieuses et tropicales, régulièrement entraî-
nées à la prise en charge de ces patients, rigoureuses dans
leur pratique, capables de réagir dans l’urgence puis dans
la durée tant au plan technique que psychologique ;

82 Haut Comité de la Santé Publique


● d’une organisation hospitalière pouvant assumer, d’une part
la prise en charge technique notamment dans les labora-
toires, et d’autre part la situation de crise éventuellement
suscitée dans l’établissement et à l’extérieur (constitution
d’une cellule opérationnelle).
En France, des sites pilotes de ce niveau, en milieux civil et mili-
taire, compte tenu de l’usage très limité et des coûts, seront en
nombre restreint (au maximum 3 à 4 sites de 2 chambres cha-
cun) ; leur désignation et leur répartition relèveront d’un schéma
d’organisation national validé, et ils bénéficieront d’une dota-
tion en conséquence. Ces structures protégées seront destinées
à fonctionner pour d’autres patients nécessitant un isolement
(tuberculose multirésistante, zona, varicelle, etc.) ; elles seront
activées en dépression selon les besoins. Ces pôles référents
auront par ailleurs un rôle d’information vis-à-vis du corps médi-
cal, des personnels soignants et de la population. Ils joueront leur
rôle de conseil des autorités sanitaires. Ils seront astreints à des
contrôles périodiques sur leur capacité de fonctionnement pour
leur homologation.

Transporter les patients dans les conditions optimales de sécu-


rité adaptées au risque de contagiosité
La première mesure, essentielle, est l’adoption des règles d’hygiène
universelles.
La contamination potentielle par aérosols pour certains agents
doit conduire à disposer d’un brancard d’isolement en pression
négative, équipé de manchons étanches pour les soins, d’une ven-
tilation avec filtres HEPA, pouvant être déplacé par des brancar-
diers et installé dans un véhicule de transport ; au moins une unité
du même type, adaptée au transport aérien prolongé, de type Vic-
kers, devrait être disponible pour l’évacuation sanitaire d’un cas
suspect ou avéré, notamment depuis l’Afrique.
L’usage et la maintenance d’un tel dispositif devraient être assu-
rés par des équipes entraînées, désignées à l’avance et pouvant
être rapidement mises en alerte. Ces systèmes sont employés
dans les armées américaine et britannique.
L’hypothèse du transport simultané de plusieurs personnes devant
être soumises à ces mesures de sécurité devrait faire envisa-
ger le développement, à l’échelon européen, militaire notamment,
d’un avion sanitaire de transport (de type C 130 par exemple).

Infections virales aiguës… / décembre 2001 83


Propositions et recommandations

La prise en Mettre en œuvre des procédures sécurisées concernant les


charge des prélèvements biologiques
prélèvements Il s’agit d’un problème complexe du fait de la multiplicité des labo-
biologiques ratoires destinataires des prélèvements (hémostase, microbio-
logie, biochimie, etc.). Des procédures sécurisées mises en œuvre
par des personnels formés doivent permettre la réalisation d’exa-
mens indispensables à un diagnostic rapide et à une prise en
charge efficace du patient :
● Un responsable du laboratoire doit être prévenu par le méde-
cin clinicien de la présomption de fièvre hémorragique virale
pour tous les prélèvements concernant le patient, quel que
soit l’examen demandé ; les bons de demande d’examens,
les tubes et les flacons sont identifiés par une pastille rouge
et portent la mention « suspicion de fièvre hémorragique
virale ». De même, l’envoi de prélèvements vers un autre
laboratoire doit être précédé et accompagné d’informations
précises sur les risques potentiels.
● Les examens sont limités au strict minimum. En pratique,
dans les structures de niveau 1, seuls des examens biolo-
giques pouvant être réalisés en urgence sous enceinte à flux
laminaire de type II seront effectués, tant que les résultats
virologiques du CNR ne sont pas connus : numération formule
sanguine, plaquettes, frottis sanguin, groupage, immunosé-
rologie, hémocultures et étude du liquide céphalorachidien.
● L’impossibilité de travailler sur tube fermé non centrifugé
et/ou de désinfection des automates de biochimie ou d’hémo-
stase peut limiter certains examens d’hémostase ou de bio-
chimie sur automate.
● Des examens courants peuvent être réalisés dans des sites
référents disposant de mini laboratoire en dépression, à proxi-
mité des chambres d’isolement de sécurité, avec des appareils
de type DT60 OrthoDiagnostic manipulés par des personnels
entraînés et ayant une protection vestimentaire adaptée.
● Le transport des prélèvements, quels que soient la nature
et l’objet de la recherche, répond à des normes de sécu-
rité renforcée (double emballage), d’abord au sein de l’éta-
blissement, depuis le prélèvement au lit du malade jusqu’au
laboratoire. Lorsque le transport s’effectue d’un établisse-
ment à l’autre, le respect des règles internationales s’impose
pour tout prélèvement biologique quelle que soit la pré-
somption de l’agent pathogène.
● L’élimination des déchets et des matériels à usage unique
doit être effectuée selon des procédures validées et écrites.

84 Haut Comité de la Santé Publique


Désigner un laboratoire national de référence pour la première
identification d’agents pathogènes exceptionnels
L’orientation des prélèvements biologiques vers les laboratoires
spécialisés compétents doit trouver une solution adaptée aux
situations. La diversité des diagnostics différentiels peut amener
à adresser à plusieurs Centres nationaux de référence ou à d’autres
laboratoires des prélèvements biologiques potentiellement conta-
gieux pour lesquels ils ne disposent pas d’installations de niveau
P4 ; ils pourraient donc être amenés à manipuler des échantillons
biologiques pouvant contenir un virus de fièvre hémorragique virale
par exemple, en dehors des normes de sécurité requises. Cette
hypothèse serait renforcée devant l’émergence de plusieurs cas
de maladies infectieuses aiguës atypiques (« mal mystérieux »)
qui ne feraient pas rapidement la preuve de leur étiologie.
Dans ces situations où le clinicien et/ou le biologiste référents
présument de la présence d’un agent biologique de niveau 4 dans
les prélèvements, ceux-ci devraient pouvoir être adressés direc-
tement à une structure unique à l’échelon national travaillant dans
des conditions de sécurité optimales, capable d’écarter le dia-
gnostic ou de le suspecter pour les agents pathogènes les plus
contagieux, quitte à en confier l’identification exacte à d’autres
structures spécialisées et équipées à cette fin. Ce laboratoire,
doté des outils modernes de la biologie moléculaire, devrait être
fonctionnel 24 heures sur 24 et capable, sur des prélèvements
biologiques, d’effectuer une première discrimination entre toxiques
et agents microbiens (bactériens, viraux, etc.). L’avancement de
ces méthodes d’identification par le Cressa (Centre de recherche
du Service de santé des Armées) à Grenoble et sa collaboration
aux activités du laboratoire P4 à Lyon amènent à proposer que ce
rôle lui soit dévolu.

La surveillance Les sujets contacts d’un cas suspect ou d’un cas confirmé, c’est-
des sujets à-dire les personnels sanitaires (soignants ou non) ainsi que les
contacts personnes contacts au sein de la famille, de l’entourage profes-
sionnel ou social, nécessiteraient une surveillance clinique stricte
pendant trois semaines.

L’organisation Mettre en place des plans d’urgence


et le fonction- L’importance et la multiplicité des aspects de l’alerte épidémique
nement et de la prise en charge tant d’une pandémie grippale que de cas
isolés de fièvres hémorragiques virales montrent la nécessité de
plans d’urgence aux niveaux national, régional et local. L’évaluation

Infections virales aiguës… / décembre 2001 85


Propositions et recommandations

du potentiel des besoins et la capacité à intervenir doivent être


connues de tous les intervenants. Que ces plans s’intègrent à un
plan blanc des risques biologiques n’enlèvent rien aux particularités
de la pandémie grippale et des cas de fièvres hémorragiques virales.
L’approche doit être interministérielle en raison de la diversité des
intervenants et des problèmes de sécurité publique que posent
ces infections, et le pilote doit être identifié.

Charger un groupe de travail de la rédaction des procédures et


des guides de bonne pratique
Les hôpitaux, les services hospitaliers et les laboratoires doivent
mettre en place les procédures qu’ils pourraient être amenés à
appliquer en situation épidémique.
Des guides de bonnes pratiques devraient être diffusés par les
sociétés savantes en vue de l’établissement de protocoles.

Prévoir la constitution de cellules de crise à l’échelon national


et interrégional, et également à l’échelon d’un établissement hos-
pitalier, afin de gérer la situation dans ses aspects fonctionnels
et humains.

Évaluer périodiquement le fonctionnement du dispositif global


Si la plupart des structures existent, il reste à en évaluer le fonc-
tionnement et la réactivité périodiquement, soit par des exercices,
soit en situations réelles.

Les mesures Former les professionnels de santé aux maladies infectieuses


générales de Les notions de transmission des maladies infectieuses et de conta-
formation et giosité, parfois confondues, sont très souvent floues ou erronées
d’information chez les professionnels de santé, médecins ou paramédicaux.
Elles mènent à des conduites aberrantes allant de la négligence
coupable aux excès les plus absurdes, en général tous coûteux.
Les notions établies devraient être mieux connues de tous. Les
débuts de l’épidémie de sida ont montré, alors que les modes de
transmission étaient bien identifiés, la persistance de compor-
tements irrationnels. Ils se répètent pour d’autres infections : de
nombreux exemples pourraient être cités uniquement à propos du
lavage des mains ou de l’usage des gants.
Il importe que les infirmières acquièrent les notions essentielles
sur les modes de transmission et la contagiosité des principaux

86 Haut Comité de la Santé Publique


microbes au cours de leur formation initiale. Celles qui acquièrent
une compétence pratique au sein d’un service de maladies infec-
tieuses devraient pouvoir valider cette formation après un temps
d’exercice défini (trois à quatre ans par exemple), et l’acquisition
de connaissances théoriques en maladies infectieuses dans le
même temps. La validation d’un module de maladies infectieuses,
ainsi que d’autres spécialités, devrait être valorisée en termes de
perspective de carrière.
Sur l’ensemble des questions de maladies infectieuses, les pro-
fessionnels de santé, plus particulièrement les médecins, quel
que soit leur mode d’exercice ou leur spécialité, souhaitent avoir
une information fiable, concise, compréhensible, qui réponde à
leurs questions et à celles de leurs patients, notamment devant
un phénomène épidémique ou dans une situation de crise.
Le phénomène est certes plus complexe qu’il pourrait paraître
au premier abord car la confiance dans une information qui serait
« officielle » ne serait pas pour autant admise d’emblée, sans
critique. Mais force est de constater la difficulté qu’ont la plu-
part des médecins à avoir accès à des informations de qua-
lité, dont le niveau de pertinence soit affiché ; celles-ci, y compris
les communiqués officiels, leur parviennent souvent tronqués
par les médias. La dramatisation médiatique amplifie la caco-
phonie dans l’opinion où, pour tout un chacun, le médecin quel
qu’il soit est supposé avoir la connaissance sur le problème
infectieux évoqué.
Le degré de contagiosité (et pas seulement le mode de trans-
mission) devrait être systématiquement rappelé dans toutes les
situations épidémiques (méningocoque, grippe, légionellose, lis-
téria). À titre d’exemple, si les virus des hépatites B (VHB) et C
(VHC) et le VIH répondent tout trois à la transmission parentérale
(sang et dérivés, injections, toxicomanie IV, matériel médical conta-
miné), sexuelle et materno-fœtale, le risque moyen de transmis-
sion par exposition à du sang porteur du virus, suite à un accident
percutané, n’est pas équivalent : celui du VHB est dix fois supé-
rieur à celui du VHC et cent fois supérieur à celui du VIH.

Préparer les personnels hospitaliers à l’accueil de patients sus-


pects de FHV, ce qui relève non seulement des services hospi-
taliers susceptibles de les recevoir, mais également des CLIN,
dans leur aptitude à gérer l’isolement, et des médecins du travail ;
tous devraient inclure ce type de prise en charge dans leurs pro-
grammes de formation, pour rester efficace et dédramatiser les
situations.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 87


Propositions et recommandations

Au niveau des sites pilotes, les personnels des services cliniques


et des laboratoires devraient recevoir une formation spécifique adap-
tée à la prise en charge des fièvres hémorragiques virales et de leurs
agents pathogènes présumés en cause. Cette formation devrait être
répétée périodiquement et lors du renouvellement des personnels.
La formation doit être étendue à toutes les personnes suscep-
tibles d’intervenir dans la chaîne de prise en charge, notamment
au cours du transport du patient ou des prélèvements biologiques.

Informer les professionnels de santé en cas d’alerte épidémique


En situation épidémique, dès l’alerte, des réseaux destinés aux
professionnels de santé, différents de ceux du grand public,
devraient délivrer une information adaptée selon les besoins, par
exemple soit vers les médecins généralistes, soit vers les méde-
cins des services d’urgence ou spécifiquement vers des services
spécialisés. Cette information émanant soit de la DGS soit de
l’InVS devrait pouvoir atteindre directement les intéressés, en
dehors des circuits administratifs. L’utilisation du courrier élec-
tronique avec procédure d’urgence devrait être étudiée en ce sens.

Former des cliniciens spécialistes en maladies infectieuses et


tropicales
L’augmentation et la multiplicité des risques infectieux, leur diver-
sité et leur impact sur la santé publique et l’opinion nécessitent
leur prise en charge adaptée. L’une des solutions passe par la
formation de professionnels compétents. Pendant longtemps,
l’usage des anti-infectieux a été restreint à quelques antibiotiques
efficaces sans diagnostic précis. L’évolution actuelle des connais-
sances, tant dans les indications des examens complémentaires
que dans les thérapeutiques anti-infectieuses, fait de l’infectio-
logie clinique une discipline à part entière et une spécialité pra-
tiquée dans tous les CHU et certains hôpitaux généraux.
L’acquisition de la compétence se fait par l’obtention d’un Diplôme
d’études spéciales (DES) au cours de l’internat puis d’un Diplôme
d’études spéciales complémentaires (DESC) de maladies infec-
tieuses et tropicales, enfin, éventuellement par un concours de
praticien hospitalier dans la discipline. Ce cursus, innové voici
près de vingt ans, a atteint aujourd’hui ses limites devant l’ampleur
des problèmes apparus en deux décennies.
Il est recommandé de créer un DES de maladies infectieuses et
tropicales au sein des spécialités médicales, dans le but de

88 Haut Comité de la Santé Publique


rendre efficace, au lit du malade et dans son entourage, la poli-
tique de lutte contre les maladies infectieuses. La formation théo-
rique et pratique pourrait comprendre, outre les stages cliniques
essentiels, des stages en épidémiologie, santé publique, hygiène
et microbiologie. La durée du cursus actuel ne permet pas de
donner la formation minimale suffisante à des praticiens qui
seraient préparés à exercer au sein de tous les hôpitaux géné-
raux et dont la fonction pourrait s’articuler autour des activités
suivantes :
● Prise en charge diagnostique et thérapeutique des maladies
infectieuses.
● Conseils en antibiothérapie, notamment probabiliste, la plus
fréquente, au bénéfice de tous les services hospitaliers dans
le cadre de la lutte contre les infections nosocomiales et de
la rationalisation des prescriptions des anti-infectieux.
● Conseils aux voyageurs et vaccinations.
● Recueil de données épidémiologiques en malades infec-
tieuses dans le cadre d’enquêtes ou de la surveillance épi-
démiologique ; responsabilité de la Déclaration obligatoire
des maladies infectieuses.
● Formation des personnels en hygiène hospitalière et éva-
luation des mesures, à l’échelon du patient.
La prise en charge de malades atteints d’infections pourrait s’envi-
sager soit dans le cadre de services, de départements ou de fédé-
rations déjà existants, soit par la création de la structure adaptée,
permettant le regroupement de lits de spécialités actuellement
organisées par appareil (respiratoire, digestif, cardiovasculaire…).
Ces priorités ont leur place dans la politique des projets d’éta-
blissement et celle des procédures d’accréditation.
Les rôles qui seraient ainsi dévolus à l’infectiologue dans l’éta-
blissement sont aujourd’hui fréquemment exercés, s’ils le sont,
par des acteurs différents, parfois éloignés des réalités cliniques,
alors qu’ils ont une unité dont le fil conducteur est la maladie infec-
tieuse depuis sa prévention jusqu’à son traitement. Ces activités,
déjà exercées par des infectiologues cliniciens en CHU ou dans
certains hôpitaux généraux, devraient être généralisées à raison
de 1 spécialiste de maladies infectieuses pour 150 lits et même
étendues au secteur extrahospitalier. Les cliniques, maisons de
retraite médicalisées, centres de convalescence, etc. doivent faire
face aujourd’hui à des problèmes infectieux, notamment noso-
comiaux, pour lesquels la contribution d’infectiologues cliniciens
compétents paraît indispensable.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 89


Propositions et recommandations

La réforme du 3e cycle des études médicales devrait être l’occa-


sion de placer parmi les priorités la formation d’infectiologues cli-
niciens dans un DES de maladies infectieuses et tropicales.
Une telle mesure aurait un coût, qui reste à évaluer, et elle entraî-
nerait certainement des changements dans les rapports entre les
professionnels de santé hospitaliers.

Informer l’opinion
La peur du nucléaire dans l’opinion publique a aujourd’hui laissé
en partie la place au biologique, même s’il s’agit toujours d’une
crainte, parfois justifiée, d’un dérèglement dans la nature provo-
qué par l’homme.
Toutes les maladies infectieuses sont le lot du monde vivant, y
compris animal, mais elles apparaissent à beaucoup comme
incongrues dans un monde qui se voudrait, sur ce chapitre, défi-
nitivement aseptisé. Les risques liés à l’introduction clandestine
d’animaux devraient, entre autres, être rappelés.
La médiatisation, la mondialisation et l’intensification d’échanges
rapides concernent aujourd’hui les maladies infectieuses. Une
information adaptée doit être donnée à l’opinion publique.
L’un des axes à privilégier est de s’appuyer sur les professionnels
de santé de proximité (pharmaciens, infirmières, etc.) qui sont
des relais de l’information sanitaire dans la population.
Le Comité français d’éducation pour la santé (CFES) devrait trou-
ver sa place dans la politique d’information sur les risques infec-
tieux rares ou exceptionnels. Le développement de son action
pourrait s’inscrire dans le cadre d’un Institut de prévention et
de promotion de la santé qui serait à même de répondre par des
messages clairs et fiables à la multiplicité des demandes de
l’actualité, qu’il s’agisse des risques infectieux ou toxiques. Des
délégations régionales de cet institut seraient en mesure d’appor-
ter des réponses aux questions posées dans des contextes loco-
régionaux.

90 Haut Comité de la Santé Publique


C O N C L U S I O N S

Les vingt-cinq dernières années ont vu se développer de nombreuses


maladies infectieuses anciennes ou nouvelles. L’explosion de l’épi-
démie de sida dans le monde entier en est l’exemple le plus expli-
cite et le plus dramatique, tant il condense sur un court laps de
temps la multiplicité des aspects d’une maladie émergente.
La croyance dans la victoire sur les maladies infectieuses, liée
aux succès spectaculaires des antibiotiques, des progrès de
l’hygiène et de la vaccination, en est ébranlée. De nombreux
facteurs de comportement, des modifications de l’environnement
et les conflits régionaux contribuent à l’émergence d’infections,
notamment virales ; la mondialisation est ici un concept qui peut
trouver sa place dans la mesure où il exprime les transformations
incessantes du milieu, le dynamisme des échanges et des acti-
vités, la rapidité des déplacements humains. Au plan de la santé,
il suggère la capacité d’émergence ou de réémergence d’infec-
tions où la notion de frontières peut devenir illusoire. Parmi ces
infections, une pandémie grippale et certaines fièvres hémorra-
giques virales à haut potentiel contagieux sont des hypothèses
dont la probabilité de survenue en France ne peut être écartée
devant, d’une part deux alertes récentes à Hong-Kong avec l’émer-
gence d’un nouveau virus grippal, et d’autre part les épidémies
de fièvre à virus Ebola, Lassa et Marburg en Afrique dans les cinq
dernières années, avec importation de cas en Europe.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 91


Conclusions

La France a un système de santé dont les dispositifs et les struc-


tures devraient permettre de faire face aux risques d’importation
de ces infections ; parmi les plus récents, l’InVS et le laboratoire
P4 à Lyon en sont des éléments essentiels. L’apparition brutale
de ces infections pourrait par contre soumettre le système à
l’épreuve de la réactivité et de l’efficacité. Il y a donc lieu d’anti-
ciper les risques en adaptant les moyens, en identifiant tous les
maillons de la chaîne et en évaluant la cohérence de l’ensemble,
depuis l’alerte épidémique jusqu’à l’exécution des décisions.
Dans le cas de la pandémie grippale, c’est l’OMS qui déclenche
l’alerte. L’ampleur de l’épidémie serait un facteur majeur. L’anti-
cipation doit porter sur la définition des priorités dans l’accès aux
services de soins, aux médicaments antiviraux et aux nouveaux
vaccins.
Les fièvres hémorragiques virales, notamment africaines, posent
principalement le problème des risques d’infections nosocomiales
autour d’un cas suspect ou confirmé. L’alerte épidémique à par-
tir de la déclaration obligatoire d’un cas suspect est ici fonda-
mentale : elle pourrait être défaillante. À l’échelon international,
les épidémies récentes montrent que l’alerte souffre d’une phase
silencieuse prolongée sur plusieurs semaines ou mois. La prise
en charge du patient et de ses prélèvements biologiques doit être
formalisée. La sécurité se fonde d’abord sur l’application par tous
des mesures standard de protection individuelle et de désinfec-
tion. Quelques structures pilotes, pôles de référence, devraient
être mises en place.
Dans tous les cas, il apparaît indispensable :
● de développer l’échelon européen et l’échelon régional pour
les systèmes d’alerte, les réseaux de surveillance et les
modalités de prise en charge ;
● de préparer les personnels de santé à des situations aux-
quelles la plupart d’entre eux n’ont pas jusqu’alors été
confrontés ;
● d’anticiper l’information de l’opinion sur ces infections dont
la médiatisation réveille des peurs et qui sont susceptibles
de créer des situations de crise.

92 Haut Comité de la Santé Publique


L I S T E D E S A N N E X E S

Annexe I Évolution clinique d’un cas de fièvre hémorragique


virale à virus Ebola

Annexe II Tableau récapitulatif des niveaux de confinement mini-


mum à mettre en œuvre dans les laboratoires

Annexe III Recommandations du groupe de travail « grippe » face


à une pandémie grippale due à virus non inclus dans
le vaccin

Infections virales aiguës… / décembre 2001 93


Annexe I Évolution clinique d’un cas de FHV à virus Ebola

Depuis 1979, le comportement de chimpanzés en liberté est étudié dans


le Parc National Taï. Début novembre 1994, plusieurs corps décompo-
sés sont retrouvés. Le 16 novembre 1994, trois chercheurs dissèquent
un chimpanzé décédé depuis moins de douze heures et atteint de lésions
hémorragiques. Huit jours plus tard, l’un des chercheurs, une jeune femme
de 34 ans, tombe malade.
Le 24 novembre 1994, fébrile, elle est traitée par halofantrine pour sus-
picion de paludisme. Au 3e jour, en l’absence d’amélioration, elle est
transportée en car à Abidjan (600 km) et admise en clinique. Malgré la
persistance de la fièvre, de céphalées, de myalgies et de frissons, son
état général reste satisfaisant. L’examen clinique est normal.
Le 4e jour, elle reçoit un autre antipaludique (quinine intraveineuse), inter-
rompue pour intolérance. Le 5e jour, apparaissent une diarrhée (7 selles
par jour) sans traces de sang, puis des nausées, des vomissements et
une anorexie. Un rash sans prurit se généralise. Des troubles du système
nerveux se manifestent (perte de mémoire, anxiété, confusion, irritabi-
lité), ainsi qu’une oligurie. Les recherches répétées de parasites dans le
sang, ainsi que les hémocultures, restent négatives. Elle est réhydra-
tée et reçoit deux antibiotiques successifs par voie intraveineuse. La radio-
graphie thoracique est normale.
Le 7e jour, en l’absence d’amélioration, elle est évacuée en Suisse par
avion sanitaire ; elle porte un masque, de même que le médecin et l’infir-
mière qui ont revêtu des gants et une blouse, en raison de la suspi-
cion d’une fièvre de Lassa contractée dans le parc Taï à proximité du
Liberia.
Le 8e jour, elle est admise à l’hôpital de Bâle dans une chambre indivi-
duelle avec sas, à pression négative. Les personnels soignants portent
gants, masques et blouses. Elle est fatiguée, mais consciente. À l’exa-
men clinique, le foie et la rate sont sensibles. Les diagnostics différen-
tiels sont la dengue, les hépatites B, C et E, une rickettsiose, une fièvre
à Hantavirus, une leptospirose, une fièvre typhoïde, un paludisme. Une
forme de FH à virus Lassa ou Ebola est considérée comme peu probable.
La patiente est à nouveau traitée par deux antibiotiques pour suspicion
de septicémie à Gram négatif, de leptospirose et de rickettsiose.
Le 9e jour, elle est apyrétique pendant deux jours. Au 11e jour, la fièvre
réapparaît au moment de la réduction des mesures d’isolement. Elle
sort le 15e jour, après avoir perdu 6 kg. À la 6e semaine, elle retrouve son
état habituel, mais elle perd ses cheveux en quantité pendant trois mois.
L’hémogramme a révélé une thrombocytopénie, une lymphopénie initiale,
puis une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Les transami-
nases ASAT et ALAT ont été élevées pendant les dix premiers jours, ainsi
que la ηoGT et les phosphatases alcalines dans un deuxième temps. Les

Infections virales aiguës… / décembre 2001 95


Annexes

examens microbiologiques ont été négatifs ; en l’absence de saignement,


les tests pour les virus Lassa et Ebola n’ont pas été demandés.
Le diagnostic a été porté rétrospectivement le 14 décembre 1994 à l’Ins-
titut Pasteur, sur un sérum prélevé au 3e jour de la maladie et conservé
à Abidjan ; il s’agissait d’un nouveau sous-type de virus Ebola.

Évolution clinique d’un cas de fièvre hémorragique virale à virus Ebola


chez un patient vraisemblablement contaminé au cours de l’autopsie
d’un chimpanzé infecté en Afrique de l’Ouest.
(D’après le Journal of Infections Diseases, 1999 ; 179 (Suppl 1); S49)

96 Haut Comité de la Santé Publique


Annexe II Tableau récapitulatif des niveaux de confinement minimum à
mettre en œuvre dans les industries et les laboratoires (*)

1 2 3 4

Aménagement • Surface de 9m2 au sol par personne


du laboratoire • Laboratoire facilement nettoyable (surface lisse)
• Vestiaire et salle de repos à l’extérieur
• Paillasse imperméable
• Lavabo à l’intérieur du sas
• Fenêtres scellées
• Zone d’accès contrôlée (balisage)
• Accès du laboratoire limité

• Autoclave dans • Autoclave dans • Autoclave à double entrée


le bâtiment le laboratoire • Double sas
• 1 sas d’accès • Pas de raccordement de gaz ou vide
• Air renouvelé et centralisé
contrôlé • Effluents de lavabo décontaminés

• Labo en dépres- • Ensemble des


sion (6 mm CE) pièces en
air filtré dépression
(6 mm colonne
d’eau, air filtré)
• Vestiaires
avec douche
• Effluents
douche
• Local isolé du
bâtiment

Équipement Aucun PSM type 1 ou II PSM type I, II, III • Isolateur


spécial de • PSMI et II
confinement avec manipula-
teurs équipés
de vêtements
isolants

Techniques de • Paillasses décontaminées régulièrement


laboratoire • Mode d’emploi des désinfectants
• Décontamination des déchets
• Pas de pipetage à la bouche
• Éviter l’utilisation d’objet tranchant, coupant
• Interdiction de boire, fumer, manger, se maquiller dans le local
• Éviter la création d’aérosols
• Port de blouse ou de vêtements spéciaux obligatoire
• Port de gants appropriés obligatoire
• Manipulation créant des aérosols sous PSM

Pratiques • Extermination des insectes et rongeurs


spécifiques • Vêtements de travail spécifiques à ces niveaux et quittés ensuite

Sac étanche pour décontaminer le • Déchets et matériels décontami-


matériel ou les déchets hors du nés avant la sortie du laboratoire
laboratoire • Douche obligatoire en sortie

(*) Arrêté du 13/08/1996, JO du 7/09/1996.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 97


Annexe III Recommandations du groupe de travail « Grippe »
face à une pandémie grippale due à virus non inclus
dans le vaccin

Y. Mouton,
Société de pathologie infectieuse de langue française (coordinateur) et le
groupe de travail « grippe » de la direction générale de la Santé.

Objectifs
Proposer aux professionnels des soins primaires des éléments d’aide à
la décision, fondée sur les données actuelles de la science et portant sur :
● les options thérapeutiques, préventives et curatives ;
● le choix des critères permettant le maintien à domicile ou l’hos-
pitalisation des malades infectés par le virus pandémique.
Recommander aux autorités sanitaires :
● des axes de travail pour les instances publiques, notamment la
cellule pandémie-grippe ;
● des actions à mettre en œuvre avant et pendant une pandémie
grippale.

Question 1 - Prise en charge type enfant sain


Au cours d’une pandémie la virulence de l’agent infectieux est majeure,
avec morbidité et mortalité élevées (tous âges confondus et quels
que soient les facteurs de risque). L’accès à l’hôpital devra impéra-
tivement être réservé aux formes graves. La grande majorité des
enfants atteints sera prise en charge par le médecin traitant et soi-
gnée à domicile.
Le diagnostic est le plus souvent facile, sauf chez le nourrisson. La symp-
tomatologie varie en fonction de l’âge. Les manifestations extrarespira-
toires (gastrointestinales, convulsions fébriles) sont plus fréquentes chez
l’enfant. Les principales complications de la grippe sont les surinfections
bactériennes du tractus respiratoire : rhinosinusites, otites moyennes
aiguës et pneumonies.
Aucun examen complémentaire n’a sa place dans les formes typiques
simples. Dans les autres formes, des examens complémentaires simples
(en priorité numération formulation sanguine, protéine C réactive,
examen cytobactériologique des urines, radiographie thoracique) per-
mettent, le plus souvent, de préciser le diagnostic de surinfection ou
d’une autre pathologie. L’intérêt des tests de diagnostic rapide de la
grippe est particulièrement net chez le nourrisson. Leur intérêt essen-
tiel est lié à la mise à disposition d’une forme galénique d’un antivi-
ral adaptée à l’enfant.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 99


Annexes

Le traitement sera symptomatique et au mieux spécifique, si on dispose


d’antiviraux efficaces. Le traitement de la fièvre, symptôme majeur, poten-
tiellement grave avant 4 ans (risque de convulsion, d’hyperthermie
majeure) est bien codifié et comporte deux volets. Les mesures phy-
siques respectent le bien-être de l’enfant et associent le repos au lit, le
déshabillage, l’aération et le contrôle de la température de la chambre,
le bain (qui doit rester une détente pour l’enfant) ou la ventilation du
visage, la compensation des pertes d’eau par une hydratation correcte.
Le traitement médicamenteux, seul régulateur du thermostat central,
a une place prépondérante. Le paracétamol est la molécule de choix
(à la posologie de 60 mg/kg/24 heures répartie en 4 prises de 15 mg/kg
toutes les 6 heures) en termes de bénéfice-risque. En cas de réponse
insuffisante à la dose optima de paracétamol, le second choix ira à l’ibu-
profène (chez l’enfant de plus de 6 mois, à la posologie de 20 à
30 mg/kg/24 heures, répartie en 3 ou 4 prises, soit 6 à 7 mg/kg toutes
les 6 à 8 heures). L’usage de l’aspirine est déconseillé dans les fièvres
d’origine grippale chez l’enfant. L’administration de l’antithermique sera
systématique pendant les trois premiers jours de la maladie chez les
enfants de moins de 4 ans.
L’usage des antibiotiques est réservé aux surinfections bactériennes
patentes dont la plus fréquente est l’otite. Le plus souvent probabiliste
en ambulatoire, elle répondra à l’écologie habituelle des infections
concernées. On peut conseiller, en s’orientant sur la symptomatologie
clinique :
● l’amoxicilline à dose antipneumococcique
(100 à 150 mg/kg/24 heures en trois prises),
● l’association amoxicilline-acide clavulanique
(80 mg/kg/24 heures en trois prises),
● le cefpodoxime (8 mg/kg/24 heures en deux prises),
● le céfuroxime (30 mg/kg/24 heures en deux prises),
● le ceftriaxone (50 mg/kg/24 heures en une seule injection)
réservée à l’indication pour laquelle elle a reçu l’AMM : l’otite
moyenne aiguë. En cas d’allergie aux bêtalactamines, le
pédiazole (50 mg/kg/24 heures d’érythromicine associé à
150 mg/kg/24 heures de sulfafurazole) est une alternative.
Le reste du traitement symptomatique est guidé par la clinique (toux
sèche, catarrhe des voies aériennes supérieures, encombrement bron-
chique, traitement d’une crise d’asthme, troubles digestifs).
La règle sera de prescrire au minimum. Dans tous les cas, pour prévenir
la diffusion de la pandémie, le praticien conseillera l’isolement du malade,
en particulier vis-à-vis des sujets à risque. Les mesures à prendre vis-
à-vis de la collectivité (isolement familial, fermeture des crèches, des
écoles, des internats) sont du domaine de la santé publique.

100 Haut Comité de la Santé Publique


Question 2 - Prise en charge en médecine générale (anti-
viraux exclus) en cas de grippe non compliquée chez
l’adulte sain
Si une pandémie grippale touche notre pays, les médecins généralistes
français auront à soigner et à suivre des millions de malades en un temps
très court. Au début de la pandémie, en l’absence d’un vaccin adapté, la
dangerosité prévisible d’un virus grippal pandémique provoquera une
morbi-mortalité importante et spectaculaire.
Dans un tel contexte, les médecins de la « première ligne de soins »
travailleront intensément dans des conditions très difficiles. À la lueur
des données de la science disponibles en mai 1999, il paraît raisonnable
de conseiller l’attitude suivante en cas de grippe non compliquée chez
un adulte sain auparavant :
● pour lutter contre les symptômes de la grippe, privilégier le traite-
ment non médicamenteux (boissons abondantes, repos) ;
● pour lutter contre les symptômes de la grippe, mieux vaut prescrire
le plus petit nombre possible de médicaments ;
● en cas de traitement médicamenteux, il n’a pas été trouvé dans la
littérature d’éléments permettant, dans la lutte contre la fièvre et
les douleurs, de recommander le paracétamol plus que les sali-
cylés ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). En raison
de leur risque d’effets secondaires, en particulier pour les AINS,
ils doivent être considérés comme une alternative en cas de pénu-
rie. Si ces produits sont prescrits, il faut en respecter les règles
habituelles ;
● en cas de pénurie de certains médicaments, paracétamol, aspirine
et AINS sont probablement interchangeables dans la plupart des
cas, en monothérapie et aux doses recommandées dans le trai-
tement symptomatique de la fièvre.
Remarque : s’agissant de grippe non compliquée, il n’y a aucune justi-
fication à une quelconque antibiothérapie.
Pendant une pandémie, même un « adulte sain » peut être victime d’une
complication de la grippe. L’aggravation clinique trois ou quatre jours
après le début de la grippe justifie un nouveau recours au médecin. La
grippe n’explique pas tout. Certains symptômes peuvent être dus à d’autres
maladies ou aux effets indésirables des traitements de la grippe.

Question 3 - Bénéfice éventuel d’une antibiothérapie pro-


phylactique de surinfection bactérienne respiratoire chez
des patients à risque dans le contexte d’une pandémie grip-
pale non vaccinale
La réponse à cette question est : il n’y a pas dans la littérature d’étude
randomisée ayant démontré et chiffré l’existence ou non de ce bénéfice.
Le niveau de preuves est faible et les recommandations reposent sur un
consensus professionnel fort : la recommandation est négative quant

Infections virales aiguës… / décembre 2001 101


Annexes

à l’utilisation d’une antibiothérapie prophylactique de pneumonie bac-


térienne en cas de pandémie non vaccinale. Cette recommandation néga-
tive est basée sur les éléments suivants :
● en cas de pandémie grippale non vaccinale, les populations tou-
chées par les complications bactériennes pulmonaires per et post
grippales dépassent largement les groupes à risque retenus habi-
tuellement pour la vaccination antigrippale ;
● il n’existe aucun moyen clinique simple pour le généraliste, en pre-
mière ligne dans l’hypothèse d’une telle prescription, de reconnaître
qui fera ou non une pneumonie bactérienne et quand celle-ci se
manifestera. Cela conduirait à prescrire une antibiothérapie pro-
phylactique à toute personne présentant une symptomatologie grip-
pale. Compte tenu du taux d’attaque élevé en cas de pandémie
grippale non vaccinale et du poids économique considérable que
cela supposerait, la mise à disposition dans un temps court d’une
telle quantité d’antibiotiques est irréaliste ;
● pour des infections à virus pneumotropes non grippaux, il n’y a pas
de bénéfice démontré d’une antibiothérapie à visée prophylactique
des pneumonies bactériennes ;
● outre les risques individuels liés aux effets indésirables, une telle
prescription à très grande échelle entrerait dans le cadre des fac-
teurs de risque de sélection de souche résistante, serait contraire
aux recommandations de bon usage et risquerait de poser à terme
de sérieux problèmes de traitement curatif pour les patients pré-
sentant effectivement une pneumonie bactérienne.

Question 4 - Bénéfice éventuel d’une antibiothérapie cura-


tive des surinfections bactériennes respiratoires
Bien que leur incidence directe soit inconnue, les surinfections bacté-
riennes bronchopulmonaires semblent fréquentes au cours de la grippe.
Il n’existe pas de données suffisantes permettant d’isoler une popula-
tion à risque. Le diagnostic des surinfections bronchiques est clinique.
Celui des pneumonies passe obligatoirement par la réalisation d’un cli-
ché thoracique. Parmi les germes responsables de ces surinfections,
il faut retenir les germes usuels tels que Streptococcus pneumoniae
et Haemophilus influenzae, mais aussi Staphylococcus aureus. Au vu
des recommandations usuellement reconnues et des particularités
spécifiques à l’infection grippale, les propositions des experts sont
les suivantes :
● bronchite aiguë du sujet sain : abstention de toute antibiothérapie ;
● surinfection des bronchites chroniques : administration orale aux
posologies recommandées dans le Vidal d’amoxicilline – acide cla-
vulanique (Augmentin®, Ciblor®), céfuroxime – axetil (Zinnat®,
Cépazine®), pristinamycine (Pyostacine®) ;
● pneumonie : le traitement antibiotique devra être rapidement ins-
tauré. Pour faire face aux contraintes de l’infection staphylococ-
cique potentielle et éviter l’afflux de patients en milieu hospitalier,

102 Haut Comité de la Santé Publique


les molécules suivantes ont été retenues : amoxicilline – acide cla-
vulanique (3 à 4 g/j en deux à trois injections par voie intraveineuse),
céfuroxime (750 mg/12 heures par voie intramusculaire). Leur admi-
nistration se fera par voie parentérale et cela pendant une durée
conseillée de dix jours. En cas d’allergie aux bêtalactamines, le
meilleur choix serait l’hospitalisation. Toutefois, si celle-ci est impos-
sible pour des raisons matérielles, le recours à la pristinamycine
par voie orale, à posologie suffisante (3 g/j), peut être retenu. Dans
tous les cas, la réévaluation à la 72e heure est impérative.

Question 5 - Recommandations pour l’emploi curatif des


antiviraux de la grippe lors d’une « pandémie non vaccinale »
Ces recommandations ne s’appliquent que pour une pandémie et ne peu-
vent en aucun cas être extrapolées aux périodes interpandémiques.
Y a-t-il une population à traiter en priorité pour le risque médical ?
Il n’y a pas de réponse objective documentée à cette question. En
l’absence de texte référencé, nous considérerons comme plus à risque
les populations suivantes :
● sujets âgés de plus de 65 ans ;
● patients vivant en institution ;
● pathologie bronchopulmonaire ou cérébrovasculaire sous-jacente ;
● insuffisance cardiaque ;
● néoplasie sous-jacente ;
● hépatopathie ;
● insuffisance rénale chronique ;
● diabète.
Les antiviraux peuvent-ils être utilisés massivement en curatif ? Si oui,
lesquels ?
En préambule, on notera l’absence de bibliographie basée sur des publi-
cations avec méthodologie fiable. Sont envisageables :
● la rimantadine (plus que l’amantadine en raison des effets indési-
rables très supérieurs de cette dernière) ;
● parmi les inhibiteurs de la neuraminidase, seul le zanamivir a fait
l’objet, à la date de septembre 1999, d’un développement suffi-
sant, mais il n’y a aucune expérience d’utilisation large.
Bénéfices éventuels de produits antiviraux en curatif
Amantadine et rimantadine ne sont actives que sur le virus grippal A. Ces
deux molécules sont reconnues d’efficacité équivalente, mais la tolérance
de la rimantadine est très supérieure :
● la rimantadine n’a pas d’AMM curatif et n’est plus disponible à
la pharmacopée française (elle est commercialisée aux États-Unis
par Forest Pharmaceuticals, Saint-Louis, Missouri, sous le nom de
Flumadine®) ;
● l’amantadine est disponible au titre d’antiparkinsonien (stock limité)
et conserve son AMM curatif de grippe.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 103


Annexes

Ces deux produits ont été utilisés en traitement curatif : on admet que la
réduction de la durée des symptômes peut atteindre un à deux jours. En
dehors de l’épisode de 1997 de Hong-Kong, un effet sur la réduction
de la mortalité chez les sujets à risque ou sur le nombre et la gravité des
complications n’est pas documenté. Ces effets, lorsqu’ils sont avancés,
sont extrapolés des données expérimentales et du raccourcissement cli-
nique de l’évolution de la grippe.
Les inhibiteurs de la neuraminidase, actifs sur les virus de la grippe A et
B, ne constituent encore qu’une famille à promesses :
● le Ro 640802 (Roche) fait l’objet d’études de phase III ;
● seul le zanamivir (Relenza® développé par Glaxo Wellcome) par
voie inhalée a fait à la date de septembre 1999 l’objet d’essais cli-
niques suffisants et obtenu un enregistrement. Globalement il exis-
terait une réduction de la durée des symptômes de un à trois jours :
• chez les patients dont il est prouvé qu’il s’agit bien d’une infec-
tion à virus grippal,
• chez les patients fébriles au moment de l’inclusion, mais pas
chez ceux qui n’ont pas de fièvre,
• lorsque le traitement (pour cinq jours) est débuté moins de
36 heures après le début des symptômes (au-delà il n’y a plus
de différence, que les patients reçoivent ou non du zanamivir),
• une réduction de la charge virale nasopharyngée a également
été obtenue.
Quelles indications pourraient être retenues pour les antiviraux en
curatif ?
● en période pandémique,
● chez les sujets fébriles,
● 36 heures au maximum après le début des symptômes.
Quels bénéfices ?
● Réduction de la durée des symptômes : à peu près documentée.
● Réduction de leur gravité : avancée, mais non documentée.
● Diminution du risque de décès : possible, mais non documentée.
● Diminution du risque de surinfection : non documentée.
● Diminution du coût de l’hospitalisation : aucune information.
Problèmes d’émergence de résistance
● Oui pour amantadine et rimantadine lors d’utilisation clinique
extensive.
● Documentation clinique très limitée pour les inhibiteurs de la
neuraminidase.
● Des essais in vitro et sur modèles animaux font état d’un risque
faible : à vérifier.
Cas particuliers : enfants
À ce jour, chez l’enfant, un seul médicament est disponible : le Manta-
dix®. Exclusivement pour les grippes A. Il n’y a pas de présentation pédia-
trique. De ce fait, l’utilisation avant 6 ans est impossible. Après l’âge de

104 Haut Comité de la Santé Publique


6 ans, elle est délicate compte tenu de la dose quotidienne optimale
(150 mg/j) et de la présentation en capsules non sécables de 100 mg.
Il doit être prescrit avant 48 heures après le début des symptômes. Lors
du traitement curatif, les effets indésirables sont de l’ordre de 10 % et
le risque de résistance est élevé dès la fin de celui-ci.
Les pédiatres demandent le développement d’une forme pédiatrique adap-
tée d’antineuraminidases.
Au total
En France, en septembre 1999 :
● rimantadine : non, car pas d’AMM dans cette indication ;
● amantadine : oui, AMM mais limites (toxicité, potentiel de résis-
tance, stock disponible) ;
● zanamivir : oui, AMM mais limites (quantité disponible).
En pratique :
● si les stocks sont suffisants : indications en curatif pour toute
grippe ;
● si les stocks sont limités : offrir la priorité à ceux qui médicalement
pour cette pandémie auront été définis à risque dominant pour
ce variant (informations télématiques).
Ce document devra être actualisé dès publication des résultats des autres
inhibiteurs de neuraminidase et dès obtention de leur AMM.

Question 6 - Bénéfices éventuels des antiviraux utilisés en


prophylaxie de la grippe lors d’une pandémie non vaccinale
La prophylaxie médicamenteuse prend alors toute son importance soit
isolément, soit en précédant la vaccination. Deux molécules ont reçu une
AMM dans la prophylaxie, la rimantadine et l’amantadine qui reste seule
commercialisé en France. Les inhibiteurs de la neuraminidase n’ont pas
encore d’autorisation en prophylaxie.
Les études cliniques
L’amantadine et la rimantadine, en traitement préventif de 7 à 11 jours,
ont, dans l’infection grippale expérimentale, montré pour un traitement
de 7 à 11 jours une réduction du risque grippal de 50 à 90 %. En pro-
phylaxie de l’infection grippale naturelle (traitement de 30 à 42 jours),
l’amantadine diminue le risque de grippe de 50 à 100 %, y compris chez
l’enfant et en collectivité. La prophylaxie médicamenteuse n’empêche
pas le contage et l’apparition des anticorps.
Des effets indésirables interviennent avec l’amantadine dans 20 à 50 %
des cas. Ils peuvent limiter l’utilisation du produit. Ils sont responsables
d’arrêt prématuré du traitement dans un pourcentage variant de 7 à
37 %. Ils peuvent survenir chez les sujets âgés, malgré la réduction
de la posologie à 100 mg/j. Les effets graves sont surtout neuropsy-
chiatriques.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 105


Annexes

Précautions d’emploi
Pour l’amantadine, il est impératif d’adapter les posologies en cas d’alté-
ration de la fonction rénale et chez le sujet âgé car les effets indésirables
sont en partie dose-dépendants. D’après le dictionnaire Vidal 1999 :
● Enfant de plus de 1 an, théoriquement : 5 mg/kg/j, sans dépas-
ser 150 mg en deux prises par jour ; on rappelle qu’il n’y a pas de
présentation pédiatrique, ce qui rend l’utilisation impossible avant
6 ans.
● Adulte : 200 mg/j en une ou deux prises (avant 16 heures en rai-
son du risque d’insomnie).
● Plus de 65 ans ou clairance de la créatinine à 40-50 ml/min. : une
dose de 100 mg/j.
● Clairance de la créatinine à 30 ml/min. : 200 mg x 2 par semaine,
et à 20 ml/min. : 100 mg x 3 par semaine.
● Clairance à 10 ml/min. ou hémodialyse : 100 mg en alternance
avec 200 mg tous les 7 jours.
Inhibiteurs de la neuraminidase
Le zanamivir et le GS4104 sont des molécules en cours de développe-
ment. Analogues de l’acide sialique, ils inhibent la neuraminidase des
virus grippaux :
● l’absorption digestive du zanamivir est médiocre, rendant né-ces-
saire le spray endonasal ou la voie inhalée endobuccale ;
● le GS4104 qui a le même mode d’action est une prodrogue dont
l’absorption est majorée par l’alimentation et habituellement bien
tolérée.
Les inhibiteurs de la neuraminidase sont donc prometteurs, mais n’ont
pas encore d’indication officielle en prophylaxie (mai 1999).
Résistance du virus grippal A en pratique clinique
L’émergence d’une souche résistante à l’amantadine en cours de trai-
tement en curatif est possible. Elle n’est pas synonyme d’échec mais est
à l’origine d’une possible dissémination qui peut mettre en cause l’effi-
cacité d’une prophylaxie en collectivité. Mais le risque de transmission
de souches mutées lors de traitements préventifs semble faible, et n’est
pas connu en situation de traitement à grande échelle.
Avec les inhibiteurs de la neuraminidase, leur utilisation en prophylaxie
de masse s’accompagnera de la sélection de souches résistantes.
En mai 1999, les stratégies de prophylaxie médicamenteuse doivent être
analysées en fonction du bénéfice individuel, en considérant les facteurs
de risque particuliers à un ou des individus, ou du bénéfice collectif (éco-
nomie, rapport bénéfice/risque, avec possibilité d’effet indésirable et
d’émergence de résistance). Il n’est pas possible de considérer la pro-
phylaxie médicamenteuse sans envisager les mesures d’hygiène, la limi-
tation des visites, le confinement des patients grippés dans des unités
désignées à cet effet, ou à leur domicile, selon les recommandations des
autorités ministérielles.

106 Haut Comité de la Santé Publique


Propositions d’indications de prophylaxie médicamenteuse dans une
pandémie grippale non vaccinale
La circulation du nouveau virus ayant été détectée en France par les sys-
tèmes de veille sanitaire, et le seuil épidémique franchi, la prophylaxie
antivirale peut être prescrite. Elle s’adresse à une large population dans
l’attente d’un vaccin correspondant à la souche reconnue. L’approvi-
sionnement en médicaments (amantadine) est un élément essentiel
de la prophylaxie. Les stocks risquent d’être insuffisants en cas de pres-
criptions étendues et la capacité de production insuffisante pour répondre
à la demande. De plus, les problèmes de tolérance doivent faire consi-
dérer le rapport bénéfice/risque avec les produits disponibles dans l’attente
des nouvelles molécules.
Les recommandations des CDC d’Atlanta définissent les patients à risque
qui à titre personnel peuvent tirer bénéfice d’une prophylaxie, et les
personnes au contact des sujets malades qu’il faudra traiter dans le but
de limiter la dissémination dans la collectivité.
En mai 1999, le seul médicament disponible dans cette indication est
l’amantadine.
La prophylaxie sera débutée obligatoirement en l’absence de tout signe
clinique. Elle sera administrée aux posologies usuelles. Elle pourra être
proposée :
● aux personnes vivant sous le même toit que les malades, ou à leur
contact direct, pour une durée de 10 jours en sachant qu’il n’y a
pas de prophylaxie possible avant l’âge de 6 ans ;
● aux personnels de santé exposés au contact avec les grippés, pour
une durée de 4 à 6 semaines, en fonction de la durée de l’épidémie ;
● aux patients en institution, au contact des malades, pour une durée
de 4 à 6 semaines ;
● en cas de vaccination adaptée au nouveau virus, la prophylaxie
médicamenteuse devra être poursuivie 2 à 3 semaines après l’injec-
tion. Chez l’enfant, pour couvrir l’efficacité jusqu’à la deuxième
injection, la prophylaxie sera poursuivie pendant 4 à 6 semaines ;
● l’extension de la prophylaxie à d’autres groupes relève des autorités.
Conclusion
La survenue d’une pandémie grippale à virus non vaccinal rend néces-
saire l’utilisation d’une prophylaxie médicamenteuse antivirale en raison
d’un délai de fabrication de plusieurs mois d’un vaccin adapté. L’aman-
tadine est actuellement la seule molécule disponible en France mais
en faible quantité. Elle entraîne des effets secondaires qui en limitent
l’utilisation. De nouvelles molécules prometteuses (inhibiteurs de la neu-
raminidase) sont encore en développement et ont prouvé leur efficacité
en curatif. Leur indication n’est pas validée en prophylaxie.
Il existe des limites à la prescription élargie d’une telle prophylaxie, en
particulier :
● la toxicité du traitement dont il faut adapter la posologie ;
● l’éventuelle sélection de souches résistantes.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 107


Annexes

Une prophylaxie pourrait être orientée initialement vers des sujets contacts
et les personnels de santé, et ciblée secondairement, en fonction des
groupes à risque identifiés au début de la pandémie.

Question 7 - Critères de décision d’hospitalisation


Une pandémie de grippe non vaccinale conduirait à de nombreuses hos-
pitalisations et consultations d’urgence, soit du fait d’une gravité réelle,
soit du fait de la seule présence de signes fonctionnels gênants, mais
sans gravité réelle. C’est pourquoi, et dans le but de répartir la prise
en charge des malades entre le médecin généraliste et l’hôpital, puis à
l’intérieur de l’hôpital, le groupe de travail propose :
● une définition des groupes à risque de mortalité élevée ;
● un rappel des signes de gravité communs à toutes les infections
des voies respiratoires basses.
Définition de groupes à risque de complication
Il n’existe aucune donnée pertinente dans la littérature permettant d’iden-
tifier à l’avance quels seraient les groupes de patients les plus à risque
de développer des complications menaçant le pronostic vital au cours
d’une pandémie grippale.
Cette information devrait pouvoir être obtenue rapidement en cas de pan-
démie par le biais des structures nationales ou internationales de veille
sanitaire.
À ce jour, les données issues des travaux consacrés aux pneumonies
communautaires en périodes interpandémiques permettent néanmoins
de qualifier les groupes suivants :
● sujets âgés de plus de 65 ans
● patients vivant en institution
● pathologie bronchopulmonaire ou cérébrovasculaire sous-jacente
● insuffisance cardiaque
● néoplasie sous-jacente
● hépatopathie
● insuffisance rénale chronique
● diabète,
auxquels il convient d’ajouter l’immunodépression (y compris les trans-
plantés), la grossesse (en particulier au troisième trimestre), les muco-
viscidoses et les hémoglobinopathies.
L’appartenance du patient à l’un de ces groupes ne conduit pas néces-
sairement à l’hospitalisation, mais l’attention du médecin généraliste doit
être renforcée à la recherche de signes de gravité présents ou à venir.
Les signes de gravité
Les signes qui doivent être recherchés et qui conduisent à l’hospitali-
sation sont avant tout cliniques et doivent être identifiés par le méde-
cin généraliste :
● un trouble de la vigilance, une désorientation, voire une confusion
aiguë ;

108 Haut Comité de la Santé Publique


● une fréquence respiratoire supérieure à 30/min. ;
● une pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg, ou infé-
rieure de 40 mmHg et plus par rapport à la pression artérielle sys-
tolique habituelle du patient ;
● température inférieure à 35 °C ou supérieure ou égale à 40 °C ;
● fréquence cardiaque supérieure à 120/min.
Les études disponibles (groupe I de Fine) conduisent à recommander
la prise en charge ambulatoire intégrale (mortalité prévisible < 0,5 %)
si le patient répond aux critères suivants :
● âge < 50 ans
● absence de comorbidité
● absence de signe de gravité.
Propositions du groupe de travail
Le recours à un système hospitalier de prise en charge (en pratique le SAU)
pourrait être régulé par les propositions suivantes du groupe de travail :
Organisation des filières de soins
Une pandémie devrait conduire nécessairement à l’information du grand
public : non-utilisation des structures d’urgence pour des consultations
mineures compte tenu de l’afflux prévisible ; renouvellement automa-
tique, et à titre exceptionnel, des traitements au long cours ; et d’une
façon générale, optimisation du recours aux structures de soins hos-
pitalières publiques ou privées (« plan ORSEC-Grippe »), ainsi qu’aux
structures d’alternative à l’hospitalisation partout où elles existent. Le
recours en ambulatoire aux examens complémentaires devra être mesuré.
Pour la radiographie pulmonaire, celle-ci ne sera indiquée qu’en cas
de suspicion clinique de pneumopathie bactérienne (primitive ou de sur-
infection).
Classement des structures de soins selon leur niveau technique de prise
en charge
● Niveau 1 : surveillance clinique simple, permettant de s’assurer de
l’observance du traitement, mais capable de dépister l’apparition
d’un signe de gravité.
● Niveau 2 : oxymétrie de pouls souhaitable, et possibilité d’une oxy-
génothérapie, d’une aérosol thérapie et d’une antibiothérapie paren-
térale.
Pour ces deux niveaux, une réévaluation clinique à j3 conduira soit au
retour à domicile, soit au recours à une structure de niveau 3.
● Niveau 3 : structures pouvant évaluer complètement le patient
en urgence (radiographie, gazométrie artérielle) et disposant de lits
de soins intensifs ou de réanimation.
Mobilisation des ressources interhospitalières
Le renforcement des zones d’accueil de niveau 2 à l’intérieur des hôpi-
taux pourrait être décidé par la transformation provisoire des hôpitaux de
jour en zones d’hospitalisation de courte durée venant renforcer le ser-
vice porte de SAU.

Infections virales aiguës… / décembre 2001 109


Annexes

Autres suggestions relatives à la communication des informations


Un site officiel télématique d’information sur la pandémie devrait être
créé et testé en période interpandémique.
Une fiche d’observation préformatée comportant l’ensemble des para-
mètres cliniques (facteurs de risque, signes de gravité) devrait être dis-
ponible pour assurer la continuité des soins entre le médecin généraliste
et l’hôpital. Son modèle devrait être disponible sur le site télématique.
Orientation à l’intérieur de l’hôpital
Il n’existe aucune donnée disponible spécifique à la grippe permettant
de contribuer à répondre à cette question. Les propositions suivantes
s’appuient donc sur les recommandations construites à partir des données
recueillies dans les pneumonies communautaires ou les infections à VRS.
L’infection respiratoire aiguë spécifique de la grippe peut aller de la simple
gêne fonctionnelle à la détresse respiratoire sévère avec hypoxémie.
Parmi les examens complémentaires qu’il semble nécessaire de réaliser
en urgence, la radiographie pulmonaire est justifiée devant l’existence de
signes respiratoires permettant de suspecter une pneumonie de surin-
fection. La gazométrie artérielle est justifiée par un rythme respiratoire
≥ 30/min. et/ou une saturation SpO2 ≤ 95 %.
L’orientation secondaire du patient à partir du SAU devra tenir compte :
● de l’existence ou non de signes cliniques de gravité : en leur
absence, la possibilité d’un retour à domicile tiendra compte de la
présence d’un médecin traitant pouvant assurer la surveillance
dans les jours qui suivent ;
● du contexte social (grand âge, isolement) ;
● de l’existence de signes paracliniques orientant vers les soins inten-
sifs ou la réanimation : (RR > 30/min ; PaO2/FIO2 < 250 mmHg ;
nécessité d’une ventilation assistée par ventilation non invasive
ou intubation ; PAM < 70 mmHg ou PAS < 90 mmHg, ou indication
de drogue vasoactive pendant plus de 4 heures ; diurèse < 30 ml
en 4 heures ; indication d’épuration extrarénale).
Les critères d’hospitalisation chez l’enfant
Chez l’enfant, il n’y a pas de score d’hospitalisation publié dans la lit-
térature mondiale. L’expérience pratique repose sur l’identification de
facteurs de gravité conduisant à l’hospitalisation :
● signes de détresse respiratoire, a fortiori la survenue d’apnées ou
l’existence de troubles de la vigilance ;
● difficultés alimentaires ;
● tolérance clinique médiocre de la fièvre, malgré les mesures adap-
tées ;
● signes de déshydratation aigus associés éventuels ;
● contexte particulier : très jeune âge (inférieur à 3 mois), antécé-
dents de prématurité et/ou situations à risque connues, préca-
rité familiale.
Un seul facteur présent suffit à justifier l’hospitalisation.

110 Haut Comité de la Santé Publique


Question 8 - Recommandations générales au niveau des
autorités
Dès 1999
● Pour permettre aux médecins généralistes de remplir leur rôle lors
d’une future pandémie grippale, nous recommandons aux auto-
rités sanitaires de :
• promouvoir les études cliniques sur les bénéfices symptoma-
tiques des traitements non médicamenteux (hydratation, repos,
etc.) ;
• développer l’éducation pour la santé sur l’usage des médica-
ments dans la grippe non compliquée, en dédramatisant la grippe
aiguë non compliquée, en commençant par l’exemple de l’anti-
biothérapie inutile ;
• favoriser la réalisation d’études sur les moyens de réduire la
durée d’alitement (et d’arrêt de travail) ;
• promouvoir la réflexion sur les méthodes de lutte contre la trans-
mission interhumaine des virus grippaux ;
• améliorer ou raccourcir les délais de réponse des filières de dia-
gnostic virologique de la grippe pour obtenir une réponse en
24 heures (utilité de la prophylaxie dans les 48 heures, voire
36 heures). Actuellement, en pratique, la réponse virologue revient
à j3. Il serait souhaitable de rendre la filière opérationnelle avant
la survenue de la pandémie. Le test de diagnostic rapide pour-
rait être un complément en pédiatrie, moins coûteux que les
autres examens complémentaires, mais il nécessite une for-
mation préalable, nécessaire même si minimale, et la levée des
problèmes de non-remboursement lorsqu’il est effectué par un
non-biologiste.
● Les pédiatres demandent le développement d’une forme pédia-
trique adaptée d’inhibiteurs des neuraminidases. Si, dans un ave-
nir proche, ces médicaments étaient mis à disposition chez les
enfants de moins de 12 ans, dans le contexte d’une pandémie, le
ratio volume de médicaments disponibles/nombre d’enfants à trai-
ter serait en faveur de l’identification des groupes à risque médi-
cal et des groupes cibles.
● Un site officiel télématique d’information sur la pandémie devrait
être créé et testé en période interpandémique. Une fiche d’obser-
vation préformatée comportant l’ensemble des paramètres cliniques
(facteurs de risque, signes de gravité) devrait être disponible pour
assurer la continuité des soins entre le médecin généraliste et
l’hôpital. Son modèle devrait être disponible sur le site télématique.
● Le calendrier vaccinal est à maintenir dans les limites des
contraintes professionnelles liées à la pandémie. L’objectif prin-
cipal est d’éviter des ruptures du programme français et l’émer-
gence d’épidémies de maladies virales (la rougeole notamment).
Dans la mesure des stocks disponibles, le vaccin antigrippal tri-
valent en cours peut être utilisé dans les groupes à risque tels

Infections virales aiguës… / décembre 2001 111


Annexes

qu’ils ont été définis en période interpandémique. Parmi les vac-


cinations recommandées, le vaccin antipneumococcique peut être
particulièrement utile.
L’intérêt du vaccin antigrippal trivalent est lié à son efficacité sur la
circulation résiduelle de virus de type B ou d’un autre sous-type
de virus A. Le nouveau virus de la pandémie est susceptible de pré-
céder ou d’accompagner leur circulation. Il n’est pas exclu que
les patients vaccinés avec le vaccin en cours puissent bénéficier
malgré tout d’une protection croisée au moins partielle portant
sur des antigènes communs aux anciens et au nouveau virus (par
exemple protéine M2 ou neuraminidase si elle est commune…).
● Ce texte court doit être diffusé dès à présent, le plus largement
possible, pour que chaque praticien puisse connaître à l’avance la
conduite à tenir en cas de pandémie.
Lors de la pandémie
Il est probable qu’une telle pandémie évoluerait en deux vagues sépa-
rées de quelques mois. Il ne faudra pas se rassurer du niveau de la
première pour minorer l’ampleur et les risques de la seconde.
Dès le début de la pandémie, stimuler le dispositif de pharmacovigilance
pour détecter les effets indésirables des traitements à visée sympto-
matique de la grippe, renforcer le dispositif de rétro-information en direc-
tion des prescripteurs et des urgentistes, pour les avertir des pièges
diagnostiques liés aux effets indésirables médicamenteux méconnus.
Lorsque sera reconnue à l’échelon mondial une pandémie à virus grippal
non vaccinal, il faudra :
● définir, le plus tôt possible, les populations à risque en fonction
des données recueillies par le ministère avec ce nouveau virus ;
● dénombrer le volume de chaque population à risque ;
● établir le rapport bénéfice/risque des antiviraux en prophylaxie pour
chaque population ;
● établir le rapport bénéfice/risque des antiviraux en curatif pour
chaque population ;
● évaluer les conséquences psychologiques et sociales de l’exclu-
sion ou de l’absence de prophylaxie médicamenteuse.

112 Haut Comité de la Santé Publique


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116 Haut Comité de la Santé Publique


L I S T E D E S S I G L E S

AFSSA Agence française de sécurité sanitaire des aliments


AFSSAPS Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé
AMM Autorisation de mise sur le marché
ARH Agence régionale de l’hopistalisation
ATU Autorisation temporaire d’utilisation
CCLIN Centre de coordination de la lutte contre les infections
nosocomiales
CDC Centers for Disease Control and Prevention
CFES Comité français d’éducation pour la santé
CIREI Cellule interrégionale d’épidémiologie et d’intervention
CLIN Comité de lutte contre les infections nosocomiales
CNR Centre national de référence
DDASS Direction départementale des affaires sanitaires et
sociales
DGAL Direction générale de l’Alimentation
DGS Direction générale de la Santé
DHOS Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des
soins
DRASS Direction régionale des affaires sanitaires et sociales
EFB European federation of biotechnology
ENIVD European network for diagnosis of imported viral
disease
FHV Fièvre hémorragique virale
GROG Groupe régional d’observation de la grippe
IATA Association du transport aérien international
InVS Institut de veille sanitaire
NIBSC National Institute for Biological Standards and Controls
NIV National institute of virology
OCDE Organisation de coopération et de développement
économique
OMS Organisation mondiale de la santé
RNSP Réseau national de santé publique
RSI Règlement sanitaire international
SAU Service d’accueil des urgences
SPILF Société de pathologie infectieuse de langue française
SSA Service de santé des Armées

Infections virales aiguës… / Décembre 2001 117


T A B L E D E S M A T I È R E S

Saisine ministérielle VII

Composition du groupe de travail IX

Le contexte Maladies infectieuses émergentes et réémergentes 1


Rappel historique récent 1
Le concept de maladies infectieuses émergentes 9
Fièvres hémorragiques virales et pandémie grippale 11
Maladies transmissibles et contagiosité 13
Maladies importées 15
Risques d’émergence ou de réémergence de maladies
contagieuses en France 15

Fièvres Les principales infections 17


hémorragiques Caractères généraux 21
virales Les risques de transmission humaine 23
La prise en charge de cas importés 27
Scénarios 27
Mesures et moyens mis en œuvre 29
Prise en charge des prélèvements biologiques 33
En cas de décès 41

La grippe Les pandémies grippales 43


Historique 43
Modalités d’évolution 44
Principales caractéristiques 46
Risque d’émergence d’un virus grippal nouveau chez l’homme :
rôle de la surveillance épidémiologique 46
Scénarios de l’émergence 51
Facteurs écologiques 51
Facteurs agro-pastoraux 52
Facteurs démographiques 53
Impasses 54
Résurgence de virus anciens appartenant à un sous-type de
virus de grippe A circulant actuellement chez l’homme 55
Délais de détection d’un nouveau sous-type de virus de grippe A 55
Prévention vaccinale 58
Les vaccins inactivés 58
Le délai de fabrication du vaccin 59
Production journalière de vaccins 59

Infections virales aiguës… / décembre 2001 119


Table des matières

Cibles à définir 59
Modalités de la distribution du vaccin en urgence
et de la vaccination 60
Pharmaco-vigilance 60
Les antiviraux 60
Modalité de prise en charge thérapeutique 60
Chimioprophylaxie 61

Autres situations « Le mal mystérieux » 63


Situations non identifiées 64

Organisation et Les intervenants 65


mise en œuvre de L’organisation mondiale de la santé 65
la prise en charge L’Europe 66
Le ministère de la Santé 67
L’Institut de veille sanitaire 68
Les hôpitaux 70
Le laboratoire P4 de Lyon et les CNR 70
Les Comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) 71
Les aéroports 71
Les Armées 71
La mise en œuvre de la prise en charge 72
Cas particulier des animaux 74

Propositions et Le système d’alerte épidémique 77


recommandations La prise en charge des patients 80
La prise en charge des prélèvements biologiques 84
La surveillance des sujets contacts 85
L’organisation et le fonctionnement 85
Les mesures générales de formation et d’information 86

Conclusions 91

Liste des annexes Annexe I Évolution clinique d’un cas de fièvre hémorragique
virale à virus Ebola 95
Annexe II Tableau récapitulatif des niveaux de confinement
minimum à mettre en œuvre dans les laboratoires 97
Annexe III Recommandations du groupe de travail «grippe»
face à une pandémie grippale due à virus non inclus
dans le vaccin 99

Bibliographie 113

Liste des sigles 117

120 Haut Comité de la Santé Publique


Haut Comité de la santé publique
8, avenue de Ségur
75350 Paris 07 SP
Téléphone : 01 40 56 79 80
Télécopie : 01 40 56 79 49
Mél : [email protected]
http://www.hcsp.ensp.fr

Présidente :
Bernard Kouchner
Ministre délégué à la Santé

Vice-Président :
Roland Sambuc

Rapporteur général :
Anne Tallec

Membres :
Maryvonne Bitaud-Thépaut Isabelle Durand-Zaleski
Jean-François Bloch-Lainé Isabelle Ferrand
François Bonnaud Francis Giraud
Pierre-Louis Bras Odette Grzegrzulka
Christian Bréchot Pierre Guillet
Yves Charpak Gilles Johanet
Pascal Chevit Jacques Lebas
Jean-Pierre Claveranne René Roué
Alain Coulomb Roland Sambuc
Édouard Couty Simone Sandier
Daniel Defert Anne Tallec
Jean-François Dodet Denis Zmirou

Secrétaire général :
Lucien Abenhaim, directeur général de la Santé

Secrétaire général adjoint :


Geneviève Guérin
Achevé d’imprimer
sur les presses de Durand S.A., Luisant
Mise en page : Focale
Dépôt légal : juin 2002

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