2011 Boespflug2011 2
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Magali Boespflug
Docteur en Sciences de Gestion
IAE et CREOP (EA 4332), Université de Limoges
IAE de Limoges, 3 rue François Mitterrand, 87000 Limoges
Tél.: 06.18.88.53.69
[email protected]
Quelle relation client dans les hypermarchés ?
Résumé :
L’objectif de cet article est de présenter dans le cadre d’une étude de cas le type de
relation client qui existe dans les hypermarchés. Nous analysons plus spécifiquement si
la relation que les salariés entretiennent avec leur clientèle est directe (contact
traditionnel) ou virtuelle (système d’information). L’étude menée dans deux
hypermarchés nous précise que les activités exercées par les salariés semblent donner
peu de place à la relation client traditionnelle, à la fois pour des raisons de manque de
temps et de moyens. Nous déduisons alors de ce constat les conséquences de cette
déshumanisation de la relation client et préconisons donc un retour à plus de proximité.
The objective of this paper is to present with a case study the type of customer
relationship that exists in hypermarkets. We analyze more specifically if the relationship
that employees have with their customers is direct (contact traditional) or virtual
(information system). The study realized in two hypermarkets tells us that the activities
of the employees seem to give little room for traditional customer relationship, at once
for reasons of lack of time and resources. We deduce from this observation the
consequences of dehumanization of the customer relationship and then recommend a
return to more proximity.
L’étude de cas porte sur deux hypermarchés d’un groupe de dimension nationale. Nos
choix méthodologiques reposent sur la pluralité des sources de données (écrites, orales
et observées ; internes et externes) et sur leur complémentarité des méthodes (entretiens
et questionnaires). Les principaux enseignements empiriques sont les suivants :
la relation directe avec le client est rare : elle existe le plus souvent suite à une
demande de renseignement ou une réclamation de la part du client (il s’agit donc
d’une relation subie et non d’une action volontaire des salariés) ;
Selon les salariés, le contact avec la clientèle diminue, ce qui est regretté par la
plupart d’entre eux qui ne se reconnaissent plus dans leurs activités et plus largement
dans leur mission ;
La relation client est essentiellement virtuelle (suivi des ventes, gestion des
ruptures, promotions nationales…), de plus, elle est pilotée par l’amont (centrales
d’achat) ce qui contribue donc à la déshumaniser et à la délocaliser ;
Une relation client directe est difficilement envisageable dans l’état actuel compte
tenu du manque de temps et de moyens alloués aux salariés ;
Nous préconisons donc un retour à plus de proximité relationnelle tant avec les acteurs
internes (pour redonner un sens commun à l’action et donc motiver les salariés),
qu’externes (pour renouer un contact direct avec la clientèle), grâce à une organisation
plus flexible et un système de gestion plus qualitatif.
Introduction
Face à la concurrence des hard-discounts, aux restrictions légales liées aux nouvelles
implantations ou aux agrandissements et à un consommateur de plus en plus exigeant,
les hypermarchés doivent sans cesse réajuster leur positionnement. Les grandes surfaces
semblent, en effet, avoir atteint leur taille critique en France, et il devient donc
nécessaire de réinventer l’hypermarché, à la fois par la création de nouveaux formats à
destination des clients, mais également par une meilleure organisation interne qui
permette une adaptabilité et une réactivité plus grandes face aux enjeux à venir (16).
Une étude de cas réalisée dans deux hypermarchés précise que les activités réalisées par
les salariés laissent aujourd’hui une part minime à la relation client traditionnelle. Cette
absence de lien génère des effets néfastes en termes de fidélisation des salariés et des
clients, il semble donc nécessaire de recréer du lien en valorisant la proximité.
L’analyse des nombreuses activités réalisées par les salariés de deux hypermarchés
étudiés, qu’ils soient managers ou employés, nous permet de préciser l’étendue et la
nature de leurs missions, et donc de mettre en lumière la part minime et principalement
virtuelle de relation qu’ils entretiennent encore avec leur clientèle.
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L’analyse de la relation client dans sa complexité
Les deux hypermarchés sont situés en Haute-Vienne. Ils se différencient par leur
localisation et leur ancienneté (les surfaces de vente et l’effectif moyen sont
comparables). Les spécificités des deux points de vente ont des conséquences en termes
de management:
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et le taux d’encadrement est faible. Le chiffre d’affaires est en augmentation,
ainsi que la population locale, ce qui a incité le groupe à programmer des
travaux d’agrandissement pour cet hypermarché. La clientèle est constituée
essentiellement d’actifs et de retraités. La démarque est faible. Le magasin se
caractérise par son caractère rural. La zone de chalandise s’étend jusqu’à 30 km
et comprend environ 30 000 clients qui sont particulièrement fidèles au point de
vente (1er taux de détention de la carte de fidélité avec 70% de clients
détenteurs). Par conséquent, le panier moyen est relativement élevé (40 € contre
26 € à Corgnac). La principale difficulté rencontrée à Saint-Junien concerne la
mobilité du personnel, les salariés refusant pour la plupart les promotions
hiérarchiques et/ou les formations. Le management est plutôt de type autoritaire
puisqu’il privilégie les informations descendantes et les contrôles.
- Le magasin de Corgnac est plus ancien (1971), il est situé dans une zone
populaire de Limoges. Les vols très importants sont la principale difficulté à
laquelle est confronté le point de vente, la démarque inconnue représente
environ 4% du CA. Le management met en avant la participation de tous : de
nombreuses et régulières réunions de département ou de direction sont
organisées. Le management est plutôt de type participatif puisqu’il prône la
délégation et la responsabilisation des acteurs dans leur rayon.
- des sources d’information : des entretiens ont été réalisés auprès du directeur,
services généraux, managers de département (MD), managers de rayon (MD)
employés (ELS) et caissières. Nous avons ainsi interrogés l’ensemble des cadres
et agents de maîtrise des services opérationnels et de soutien, soit 45 entretiens.
En revanche, nous avons rencontrés un échantillon plus restreint d’employés et
de caissières (1/5), et ce en raison non seulement de leur nombre, mais
également du caractère répétitif et routinier de leurs activités qui n’imposait pas
un échantillon exhaustif à des fins de validité interne. Un questionnaire relatif à
la gestion des priorités des activités régulières et irrégulières a permis d’opérer
une comparaison entre les activités décrites et souhaitées ;
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- et des types de données à la fois internes et externes, orales, écrites ou observées,
ce qui a permis d’effectuer une triangulation des données et donc de renforcer la
validité interne des données empiriques.
Notre codification a consisté dans un premier temps à réaliser un regroupement qui rend
compte des récurrences d’un même phénomène (codage descriptif), puis à un
regroupement par catégories (codage thématique par fréquence ou par fonction).
L’analyse s’est portée plus spécifiquement sur les salariés opérationnels car ils exercent
dans la surface de vente et sont donc en contact direct à la fois avec les problématiques
du terrain (ruptures de stocks, problèmes d’affichage, dates de péremptions à gérer etc.),
les acteurs internes (salariés ou intervenants permanents de sociétés extérieures), les
acteurs externes (fournisseurs, services sanitaires etc.) et surtout avec la clientèle et ses
exigences.
L’analyse des activités met en avant le rôle central des managers de proximité comme
rouage relationnel tant en interne qu’en externe ; tandis que le caractère routinier des
activités pilotées par le système de gestion réduit l’initiative des salariés.
L’analyse des entretiens des managers de département indique que leurs principales
activités consistent à générer du chiffre, à contrôler le rayon et à suivre des objectifs. Ils
interviennent également en cas d’aléa majeur dans leur service ou en cas de réclamation
de la clientèle. En revanche, les managers de rayon sont plutôt des hommes de terrain
qui font appliquer les consignes et gèrent au quotidien le personnel. Ils sont la plupart
du temps en rayon au plus près des réalités du personnel. Leur principale activité
consiste à motiver, animer et contrôler leur équipe ; puis la seconde à contrôler le chiffre
réalisé. Les employés de libre service réalisent quant à eux un travail routinier de mise
en rayon, étiquetage et réassortiment sur un sous-rayon spécifique ou en réserve Comme
le précise Vignon (20), « Le principal rôle des ELS consiste [donc] à remplir les
gondoles, à les baliser et à ranger les réserves » (p.87). L’analyse des différentes
fonctions indique donc que le degré de prédictivité versus réactivité diffère selon le
poste occupé, l’employé ayant le poste le plus prédictif et le MD le plus réactif, tandis
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que le manager de proximité (MR) agit comme amortisseur fac aux variations internes
comme externes. L’étude de cas valide donc le rôle central des managers de proximité,
et ce quel que soit l'hypermarché (seulement 19,29% de la de variance expliquée pour le
croisement des catégories d’activités et des hypermarchés).
Notre étude confirme donc les travaux de Commeiras et al. (6), pour lesquels les
managers ont une double position frontalière : entre la direction du point de vente et les
employés du magasin d’une part, entre l’organisation et sa direction et les clients d’autre
part. Les managers opérationnels constituent donc le maillon clé de la relation dans les
grandes surfaces, car ils sont en contact direct à la fois avec les problématiques du
terrain, les différents acteurs internes et externes, ainsi que les employés et la direction.
Afin d’analyser plus précisément les rôles perçus par les 33 managers opérationnels,
nous avons réalisé un codage par fonction qui différencie les dix rôles du manager de
Mintzberg (15), des activités d’employés et de celles prescrites par la centrale d’achat.
Nous avons demandé aux managers quelles étaient les activités principales qu’ils
réalisaient. Les activités liées au management sont considérées par la quasi-totalité
comme primordiales (citées par 91, 8% des managers), plus d’un tiers des managers dit
réaliser des activités normalement dévolues aux employés (35,6%), alors que seulement
15,1% considèrent les tâches prescrites par la centrales d’achat comme essentielles.
Les rôles interpersonnels sont destinés à faciliter les rôles liés à l’information qui
favorisent, à leur tour, ceux relatifs à la prise de décision (15). Bien que cette analyse a
fait l’objet depuis de critiques, en raison notamment des ambiguïtés liées à la définition
des rôles qui ne sont pas forcément étanches et qui peuvent varier suivant les contextes
elle reste cependant pertinente car modulable selon les contextes. L’analyse par méta-
catégories nous renseigne plus précisément sur la part des différents rôles assignés liés
au management. Les managers se considèrent à 47,9% comme des répartiteurs de
ressources, 42,5% comme des observateurs actifs et 35,6% comme un symbole.
L’analyse de rôles du manager indique donc le poids plus important des rôles liés à la
décision (57, 5% des managers), face aux rôles liés à l’information (42,5%) et ceux
interpersonnels (37%). A noter que le poids de ces différents rôles est peu significatif
selon l’hypermarché. Or, ce sont les rôles interpersonnels qui facilitent l’accès à
l’information et aident à leur tour à la prise de décision. La part relativement faible des
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premières catégories indique un manque de temps pour la relation, l’écoute et
l’observation qui sont pourtant des préalables indispensables à l’action.
Le manager de rayon est le responsable de l’allocation des ressources dans son équipe.
Or, il est soumis à des injonctions contradictoires qui prônent à la fois un meilleur
accueil des clients ainsi que le respect des règles de gestion qui allouent un minimum
d’effectif afin de maximiser la rentabilité. Son appartenance à différents sous-systèmes
fait converger vers lui une pluralité d’attentes, à la fois mouvantes, peu claires et parfois
même contradictoires (6).
L’étude de cas nous enseigne que la relation client ne fait donc pas partie des priorités
des salariés. Pour les MD, il s’agit surtout de gérer les conflits majeurs, pour les MD de
gérer les aléas du terrain conjointement avec les employés (demande de renseignements
en rayon, aléas comme par exemple réclamation, litige, accident en rayon, vol…). Sur
notre échantillon de 33 managers seul 6 ont cité la relation client comme une activité
fréquente : gestion de la clientèle (1), vente (1), SAV (1) et gestion des litiges (1).
De fait, l’activité s’organise essentiellement autour des activités planifiées par les
centrales d’achat ou la direction telles que les promotions, les inventaires ou les
opérations de démarque. Une grande majorité de managers tente d’anticiper ces
variations d’activité et organise les ressources humaines et les commandes de produits
en conséquence. La part pour l’humain (relation interpersonnelles avec le personnel ou
la clientèle) ne peut quant à elle se planifier, compte tenu des effectifs restreints et des
délais à respecter, cette dimension n’est pas une priorité. La prédiction du travail est
donc plus forte dans les départements Bazar en libre service et Produits Frais où les
6
managers déclarent à près de 80% savoir ce qu’ils auront à faire le lendemain, que dans
le Bazar avec service où la variabilité externe l’emporte (clientèle).
La relation s’impose donc en cas d’aléas imprévisibles dus à des variations internes ou
externes. Le contact direct devient, en effet, indispensable en cas de variation des
ressources internes programmées (gestion des absences, aléas liés aux conflits, au
produits ou aux rayons), qu’en cas de variations externes (modifications liées aux
clients, fournisseurs (et notamment la centrale d’achat), merchandisers, services de
contrôles vétérinaires et sanitaires etc. La gestion des aléas internes comme externes
obligent les managers à abandonner la relation virtuelle pour revenir à un contact direct
afin de répondre à l’urgence.
L’analyse du questionnaire sur la gestion des priorités indique un fort décalage entre les
activités réalisées décrites et les souhaits d’organisation des managers. Ainsi, quel que
soit l’hypermarché, une majorité de managers cite en priorité comme activité régulière
prioritaire le contact avec les fournisseurs (28 citations), alors que cette activité est
rarement dans les faits une activité principale et se retrouve pour la totalité des
répondants reléguée en fin de journée. Ce décalage s’explique par le souhait des MR
d’avoir plus de contacts avec les fournisseurs, alors même que plus de 80% des
commandes sont faites directement par la centrale d’achat.
Concernant les activités irrégulières, les managers plébiscitent les réunions avec le
personnel qu’ils souhaiteraient plus formalisées ; en ce point ils se conforment avec les
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prescriptions de la direction qui considère cette activité comme obligatoire. Mais, dans
la pratique ils privilégient les réunions informelles, compte tenu de leur présence
fréquente en rayon, du manque de temps et des difficultés d’organisation.
Le manque de relation directe avec la clientèle produit des effets néfastes en termes
d’implication des salariés, il semble donc nécessaire de recréer du lien tant en interne
qu’avec l’extérieur de l’hypermarché.
Ainsi, ils contournent les règles imposées par le système et tous les managers déclarent,
par exemple, commencer leur journée par une « vérification » des rayons, et reléguer les
tâches dites administratives (factures, gestion des stocks, commandes…) en fin de
journée et ce quel que soit le département ou le point de vente.
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« Il n’y a pas assez de personnel en rayon, je fais beaucoup de terrain et je n’ai pas
beaucoup de temps pour les commandes et l’administratif.» (MR).
« Je commence par vérifier les rayons le matin, après c’est à l’avenant » (MD).
« Il y a une prime de fin d’année si on tient les budgets, mais les budgets sont
intenables, seule marge de manœuvre : gérer la casse » (MD).
Des stratégies de contournement sont donc mises en œuvre pour atteindre les objectifs
assignés en termes de marge et de chiffre : non changement des prix à la fin des
promotions, mise en place partielle ou erronée de la PLV et de l’étiquetage, retours aux
fournisseurs multipliés ou remballe des produits par exemple.
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• Une implication dégradée
Le travail devient de plus en plus intensif du fait de la surcharge de travail. Les activités
se multiplient, pour y répondre le manager peut agir sur le plan quantitatif en
augmentant son temps de travail ou en arbitrant selon les priorités, il peut enfin se
résoudre à diminuer la qualité de son activité.
« Aujourd’hui les activités sont plus larges, mais moins bien faites » (MR).
Plus la surcharge de travail est importante moins l’innovation semble se développer (6).
Or, la relation client nécessite un temps d’écoute et d’observation, une adaptation des
routines et donc une innovation face aux impératifs du système. La surcharge de travail
est donc un frein à l’instauration des contacts directs. Le management dans la grande
distribution est excessivement quantitatif, car il faut toujours faire plus et plus vite, par
contre, « Il n’y a pas de temps pour la réflexion, la prise de recul, l’approche
qualitative » (1, p.120).
« Le travail est de plus en plus passif, il devient ennuyant, car les responsabilités
sont reportées sur le supérieur » (MD).
La gestion par l’urgence des activités non programmées entraine une prise en compte
limitée et non rapide des attentes des clients. La déconnexion avec l’environnement
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s’observe également en ce qui concerne les fournisseurs, mais dans ce cas, c’est la
centrale d’achat qui a dépossédé les managers de leurs responsabilités de négociation
directe avec les fournisseurs.
« Il est impossible de négocier avec les fournisseurs, tout est fait par la centrale,
les nouveau prix sortent automatiquement tous les jours » (MR).
Les managers sont donc cantonnés dans leur point de vente sans ou avec très peu de
contacts en amont et en aval de leur activité. Ils sont en quelque sorte déconnectés à la
fois de leur métier de commerçant et de la réalité qui les entoure, la centrale d’achat leur
indiquant sa propre vision.
Les managers se voit également déconnecté de leur propre activité, car ils ont une
connaissance très approximative des produits qu’ils vendent et de leurs stocks, les
références étant variables tant en nombre qu’en qualité. La centrale d’achat gère les
références et détermine en partie les quantités à commander ; par le biais des
commandes automatiques pour les produits permanents ou pour les références en
promotion. Les managers deviennent de simples exécutants du système. Le manque de
temps pour réaliser des activités toujours plus nombreuses et urgentes génèrent donc de
l’incompétence. En effet, « certains modes de fonctionnement dans les organisations
actuelles, conduisent à produire de l'incompétence. Nous en relèverons trois : des
changements trop fréquents, des conditions de travail inadaptées et une confiance
exagérée dans certains outils » (11, p.5).
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besoin de toute une catégorie de personnel de supervision et de cadres moyens dont les
tâches principales étaient de collecter l’information, de la traiter et de la présenter » (9,
p.322).
« On peut se passer des cadres pendant quelque temps, on ne peut pas se passer
d’employés » (MD services généraux).
Par conséquent, de nombreux ELS ne souhaitent pas évoluer, car leur fonction leur offre
des horaires réguliers, un niveau de rémunération élevé compte tenu de leur niveau de
responsabilité et une certaine prédictivité et stabilité dans leurs fonctions. En outre,
comme ils travaillent dans une zone de responsabilité propre, ils ont le loisir de
développer des compétences spécifiques qui augmentent leur autonomie face à leur
hiérarchie.
« Les ELS ne veulent plus évoluer car les salaires des managers sont trop faibles
et les horaires trop larges » (MD).
« Les ELS ont un travail plus régulier et moins de stress et d’horaire » (MR).
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• La désincarnation de l’hypermarché
• les prix proposés ne sont plus considérés comme accessibles (notamment à cause du
développement des hard-discounts) ;
• les conditions de travail offertes aux salariés sont décriées (notamment les temps
partiels « imposés », les contrats précaires ou les horaires variables) ;
Les débats autour de la distribution ont conduit les grandes enseignes à demander une
étude de perception et d’image en 2008 (2), afin de déterminer quels étaient les bons
leviers pour agir. Cette étude indique que les principaux avantages perçus par les
Français concernant la grande distribution sont le choix à 90%, la praticité à 85% et le
gain de temps à 69%. En revanche, les inconvénients perçus sont la surconsommation à
87%, la déshumanisation à 75%, puis l’hygiène et la cherté à 74%.
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démotiver le personnel, mais également de limiter l’efficacité commerciale, en raison
d’une offre formatée non adaptée aux besoins locaux.
La relation client directe est donc rare, puisque le fruit d’une gestion dans l’urgence des
aléas non programmés par le système. Elle est principalement virtuelle et déconnectée
du terrain, car elle s’opère en amont au niveau des centrales d’achat. En définitive la
seule véritable relation directe que les clients entretiennent avec le magasin est de la
responsabilité des caissières et hôtesses d’accueil qui ne peuvent paradoxalement pas
agir en amont sur les dysfonctionnements, erreurs ou choix d’assortiment…
L’organisation doit faire partager une vision commune des finalités de l’entreprise afin
de permettre à chacun de percevoir sa contribution au fonctionnement de l’ensemble et
à la réalisation des objectifs communs (19). Or en l’espèce, les sens donné à l’action
collective n’est pas clairement défini, en dehors des opérations spéciales, puisque
l’organisation favorise le fonctionnement par département en vase clos.
14
Si les instruments de gestion apparaissent cohérents au sein de chaque métier, ils se
révèlent donc au contraire, contradictoires au regard de la cohérence globale de
l’organisation et conduisent alors à un « éclatement de la rationalité » (3). Or,
l’encadrement de proximité ne peut pas s’en tenir à une gestion à court terme ; c’est à
lui de faire évoluer à la fois l’organisation et les compétences des individus et de son
équipe en prenant en compte les évolutions qui se profilent (12).
Il semble donc nécessaire de redonner du sens en interne en passant par une plus grande
coopération entre les différents secteurs et services de l’hypermarché. Il est souhaitable
de créer des ponts notamment avec le service des caisses qui ne doit plus être
déconnecté de la surface de vente si l’on veut que le lien se poursuive jusqu’à la
clientèle. Nous préconisons dans ce sens de développer la polyvalence des managers et
employés en proposant par exemple des temps complets sur plusieurs secteurs pour
compléter le temps de travail des salariés à temps partiels ou encore en mettant en place
une gestion du personnel qui valorise les rotations temporaires et/ou permanentes par
une promotion ou une rétribution financière. L’objectif en recréant de la proximité et du
lien en interne est à terme de mener vers une plus grande cohérence de l’activité, moins
de compétition interne et de dysfonctionnements, pour au final offrir à la clientèle plus
de proximité. La grande distribution a dans l’esprit des consommateurs comme principal
inconvénient la déshumanisation, il s’agit ainsi de leur offrir plus de proximité, à l’instar
des petits formats (hard discount et supermarché) qui sont plébiscités ces dernières
années.
Il s’agit également de redonner des marges d’autonomie aux salariés dans l’exercice de
leur activité. Le modèle purement quantitatif doit donc être abandonné. Les objectifs
devront en partie se baser sur la qualité de la relation client. Nous préconisons la mise
en place d’audits externes auprès de la clientèle pour mesurer la qualité de la relation
client dans les différents points de vente, des challenges par magasin ou rayon qui
permettent aux équipes de proposer des solutions innovantes en matière de relation
client et qui pourront être transposées dans d’autres hypermarchés. En définitive,
l’hypermarché doit investir dans la relation client, car elle est le ciment de toute relation
commerciale.
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Conclusion
La relation client directe est rare dans les hypermarchés étudiés. Les salariés sont
victimes d’injonctions contradictoires qui les incitent d’une part à satisfaire leur
clientèle et d’une autre à remplir des objectifs de rentabilité. Le système de gestion
pilote en amont l’activité ce qui réduit l’autonomie des managers. La relation client
directe n’étant pas programmée par le système, elle est de fait non prioritaire, d’autant
que la surcharge de travail laisse à peine le temps de remplir les activités programmées.
La relation client directe est donc gérée le plus souvent dans l’urgence pour répondre à
des aléas. Les salariés n’ont plus le loisir d’exercer pleinement leur activité de
commerçant, ils deviennent de simples exécutants du système, déconnectés à la fois de
leur environnement et de leur propre activité.
Références
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management des ressources humaines dans la grande distribution, Vignon C., Paris,
Vuibert, 103-122.
(3) Berry M. (1983), Une technologie invisible ? L’impact des instruments de gestion
sur l’évolution des systèmes humains, Centre de recherche en gestion, Ecole
Polytechnique.
16
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faire face à la complexification de l’environnement ?, Management et avenir, INSEEC,
6, octobre, 147-164.
(6) Commeiras N., Fournier C., Loubès A. (2005), Implication des managers de rayon
dans l’organisation : vers une typologie, Actes du XVIème Congrès de l'AGRH, Paris
Dauphine, 15-16 septembre.
(9) Kolodny H., Stjernberg T. (1995), Les équipes autogérées : une nouvelle
organisation du travail, Cohen A.R., MBA management, Château-Gontier, Maxima,
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(13) Melkonian T., Roussillon S. (2009), Gérer le stress professionnel : une compétence
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(14) Micheletti P. (2002), La polyvalence sous toutes ses facettes : une gestion des
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(15) Mintzberg H. (1973), The nature of managerial work, New-York, Harper & Row.
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17
(18) Scoyez S. et Vignon C. (2009), Gestion des contradictions organisationnelles
issues d’une réorganisation des flux de marchandise dans une chaîne d’hypermarchés,
Vignon C., Le management des ressources humaines dans la grande distribution, Paris,
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