La Publicité Et La Signalisation Des Droits de Propriété Intellectuelle: Un Encadrement À Parfaire
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La Publicité Et La Signalisation Des Droits de Propriété Intellectuelle: Un Encadrement À Parfaire
2023 10:58
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Sophie Verville*
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8. Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce,
annexe 1C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce,
15 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 332, art. 27 (1) (entré en vigueur le 1er janvier 1995) (ci-après
« Accord sur les ADPIC »). Dans le texte de cette disposition, une note placée à la fin de
la phrase citée (note 5) précise ceci : « Aux fins de cet article, les expressions “activité
inventive” et “susceptible d’application industrielle” pourront être considérées par un
Membre comme synonymes, respectivement, des termes “non évidente” et “utile”. »
Voir aussi Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) (dir.),
Introduction to Intellectual Property. Theory and Practice, Londres, Kluwer Law
International, 1997, p. 123 et suiv.
9. OMPI, « Qu’est-ce qu’un dessin ou modèle industriel ? », [En ligne], [www.wipo.int/
designs/fr/] (5 mai 2013). Voir aussi OMPI, préc., note 8, p. 221 et suiv.
10. Accord sur les ADPIC, art. 15 (1). Cette disposition précise que « [d]e tels signes,
en particulier les mots, y compris les noms de personne, les lettres, les chiffres, les
éléments figuratifs et les combinaisons de couleurs, ainsi que toute combinaison de
ces signes, seront susceptibles d’être enregistrés comme marques de fabrique ou de
commerce ». Elle prévoit par ailleurs que les pays membres de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC) peuvent subordonner l’enregistrement de la marque au caractère
distinctif qu’elle doit acquérir par son emploi commercial. De même, les pays membres
peuvent restreindre le concept aux signes perceptibles visuellement. OMPI, préc., note 8,
p. 183 et suiv.
15. Nous avons choisi le droit français plutôt que le droit européen, car nous souhaitons
comparer des États où les quatre droits intellectuels qui nous intéressent sont en vigueur.
Le brevet unitaire étant toujours attendu au sein de l’Union européenne, nous préférons
utiliser le droit français aux fins de la présente réflexion. Rappelons que la protection
du brevet est actuellement fragmentée en Europe. En l’absence d’un brevet unitaire,
les demandes doivent être sollicitées auprès des offices nationaux ou auprès de l’Office
européen des brevets : Convention sur la délivrance de brevets européens, 5 octobre
1973, 1065 R.T.N.U. 307, art. 75 (entrée en vigueur le 7 octobre 1977). La protection
sous brevet européen ne crée pas de titre uniforme de protection, mais elle permet
d’obtenir une protection dans autant d’États parties à la Convention que le souhaite par
le demandeur (ce type de brevet demeure régi par les différentes lois nationales des pays
visés). En revanche, le brevet unitaire aura pour objet de procurer un titre de protection
unitaire et autonome pour l’ensemble de l’Union européenne.
16. L’absence de formalité obligatoire pour la protection du droit d’auteur (autre que le
respect des critères d’originalité et de fixation matérielle) est acquise pour les pays
membres de l’Union de Berne, car la Convention de Berne se fonde notamment sur le
caractère automatique de la protection (art. 5 (2)).
17. L’article 2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13 (ci-après « Loi
sur les marques de commerce ») définit la marque de commerce comme la « marque
employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises
fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par
elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services
loués ou exécutés, par d’autres » (l’italique est de nous). Le législateur fédéral définit de
manière distincte la marque déposée comme une marque de commerce qui apparaît au
registre (donc, enregistrée). En outre, le juge MacGuigan, de la Cour d’appel fédérale
du Canada, rappelait ce qui suit à l’occasion de l’affaire Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/
Nortac Industries Ltd., [1987] 3 C.F. 544, par. 25 et 26 (C.A.) :
En common law, le droit sur une marque de commerce est donc issu de l’usage d’une
marque par une entreprise pour désigner ses produits au public. L’entreprise n’avait
pas à déposer sa marque pour protéger son droit de l’utiliser et prévenir l’usage abusif
que pourrait en faire une autre entreprise. […]
Comme l’a démontré l’historique du juge en chef Laskin dans l’arrêt MacDonald,
précité, la Loi canadienne a traditionnellement visé la protection des marques non
déposées aussi bien que celle des marques déposées, ce en quoi elle se compare à la
Loi sur le droit d’auteur [dans sa version contemporaine au jugement : S.R.C. 1970,
chap. C-30], dont le champ d’application dépasse le droit d’auteur enregistré. Dans
les deux lois, le rôle de l’enregistrement est d’offrir des avantages en sus de ceux
que fournit la common law.
Ces propos ont été repris par le juge LeBel de la Cour suprême dans l’arrêt Kirkbi AG
c. Gestions Ritvik Inc., [2005] 3 R.C.S. 302, par. 30. La loi américaine sur les marques de
commerce (15 U.S.C. § 1051 et § 1127 (2012)) définit la marque comme un mot, un nom,
un symbole, un « device » ou toute combinaison de ces éléments qui est employé par une
personne ou qu’une personne a, de bonne foi, l’intention d’employer dans le commerce
ou emploie déjà, de bonne foi, dans le commerce. La protection accordée aux marques
au Canada et aux États-Unis est donc indépendante de tout enregistrement – l’intérêt
de l’enregistrement résidant toutefois en des droits plus étendus.
18. Signalons néanmoins que la France aménage une protection pour les marques d’usages
non déposées qui se fonde sur le régime de la concurrence déloyale. Jérôme Passa,
J.-Cl. Marques − Dessins et modèles, fasc. 7550, nos 9 et suiv.
19. « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un
droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous », selon l’article L. 111-1, al. 1
CPI, tandis que l’article L. 111-2 CPI confirme l’absence de formalisme au déclenchement
de la protection : « L’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation
publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur. » La
France, néanmoins, connaît une procédure de dépôt légal – comme plusieurs autres pays
d’ailleurs, dont le Canada et les États-Unis. Cette mesure amène Agnès Robin, maître
de conférences à la Faculté de droit et de science politique de l’Université Montpellier
1, à affirmer que, « bien que l’absence de formalité dans la naissance du droit d’auteur
soit depuis toujours justifiée par la finalité de celui-ci et exprimée dans le principe
selon lequel le droit naît de la création de l’œuvre, elle a été largement compensée par
le développement des procédures de dépôt légal des œuvres » : Agnès Robin, J.-Cl.
Propriété littéraire et artistique, fasc. 1240, n° 35. Cependant, le dépôt légal ne vise que
certains types d’œuvres, et non l’ensemble des créations susceptibles d’être protégées
au titre du droit d’auteur. Le dépôt légal permet de ménager une preuve d’antériorité
en cas de contestation au sujet de documents imprimés, graphiques, photographiques,
sonores, audiovisuels, multimédias (peu importe le procédé de leur production, de leur
édition ou de leur diffusion), les logiciels et les bases de données, les signes, signaux,
écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication
au public par voie électronique (Code du patrimoine, art. L. 131-2). L’objectif de
cette procédure de dépôt, selon l’article L. 131-1 du Code du patrimoine, est triple,
c’est-à-dire la collecte et la conservation des documents visés (Code du patrimoine,
art. L. 131-1, al. 1), la constitution et la diffusion de bibliographies nationales (Code du
patrimoine, art. L. 131-1, al. 2) ainsi que la consultation des documents visés dans des
conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec
leur conservation (Code du patrimoine, art. L. 131-1, al. 3). Par ailleurs, signalons que les
actes juridiques réalisés sur certaines œuvres sont également publiés dans des registres
spécialisés, comme le Registre public de la cinématographie et de l’audiovisuel, créé par
la loi du 22 février 1944 (Loi du 22 févr. 1944 relative à la publicité des actes, conventions
et jugements en matière de cinématographie, J.O. 10 mars 1944, p. 729), modifiée par
le décret du 22 mai 1987 (Décret n° 87-348 du 22 mai 1987 relatif au registre institué
par l’art. 31 du Code de l’industrie cinématographique, J.O. 28 mai 1987, p. 5826). Là
encore, les mesures n’embrassent pas l’ensemble du droit d’auteur. Leurs objectifs sont
également différents de ceux qui sont servis par un registre public des droits d’auteur. Le
professeur Edelman explique d’ailleurs que le Registre public de la cinématographie et de
l’audiovisuel représente « une sorte de registre hypothécaire, son rôle étant de garantir
la sécurité des relations contractuelles et financières entre les différentes catégories
de professionnels du cinéma » : Bernard Edelman, « Droits d’auteur et droits voisins.
Commentaire de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 », D. 1987.123. La publicité des œuvres
dans le but de répondre au besoin de prévisibilité et de sécurité juridique des tiers
n’est donc pas directement en cause. Il serait, en définitive, inapproprié d’assimiler ces
possibilités à un registre de publicité du droit d’auteur. Voir aussi Jacques Raynard,
« Le tiers au pays du droit d’auteur. Publicité et opposabilité de la propriété littéraire et
artistique », J.C.P. 1999.I.138.
20. Convention de Berne, art. 5. Avant l’entrée en vigueur de cette convention, chaque pays
appliquait ses propres règles pour la reconnaissance du droit d’auteur, de sorte qu’un
auteur devait accomplir des formalités qui variaient selon les pays où il souhaitait se
prévaloir d’une protection.
21. Loi sur le droit d’auteur, art. 54 et suiv. L’Office de la propriété intellectuelle du
Canada (OPIC) fournit un accès au registre des droits publiés sur Internet : OPIC, [En
ligne], [opic.ic.gc.ca] (5 mai 2013).
22. Id., art. 5 (1).
23. L’article 55 (1) de la Loi sur le droit d’auteur confirme vraisemblablement ce caractère
facultatif : « La demande d’enregistrement d’un droit d’auteur sur une œuvre peut être
faite par l’auteur, le titulaire ou le cessionnaire du droit d’auteur, ou le titulaire d’une
licence accordant un intérêt dans ce droit, ou en leur nom » (l’italique est de nous).
24. 17 U.S.C. § 705 (2012) et 17 U.S.C. § 102 (a) (2012). L’United States Copyright Office
(ci-après « US Copyright Office ») gère ce système et son registre est également accessible
sur Internet : US Copyright Office, [En ligne], [www.copyright.gov/records/] (5 mai 2013).
25. Sur l’histoire du droit d’auteur au Canada, particulièrement les lois édictées avant la loi
actuelle, voir Normand Tamaro, Le droit d’auteur. Fondements et principes, Montréal,
Presses de l’Université de Montréal, 1994, p. 22 et suiv. Pour une analyse historique
des formalités américaines entourant les œuvres, voir : Jane C. Ginsburg, « The U.S.
Experience with Mandatory Copyright Formalities : A Love/Hate Relationship », (2009-
2010) 33 Colum. J.L. & Arts 311 ; Oren Bracha, « The Adventures of the Statute of
Anne in the Land of Unlimited Possibilities : The Life of a Legal Transplant », (2010)
25 Berkeley Tech. L.J. 1427 ; James Gibson, « Once and Future Copyright », (2005) 81
Notre Dame L. Rev. 167 ; Christopher Sprigman, « Reform(aliz)ing Copyright », (2004)
57 Stan. L. Rev. 485.
26. Concernant les avantages que procure un enregistrement du droit d’auteur, voir
D. Vaver, préc., note 1, p. 63 et suiv. ; Sheldon Burshtein, The Corporate Counsel
Guide to Intellectual Property Law, Aurora, Canada Law Book, 2000, p. 90 et 91 ;
John Tehranian, « The Emperor Has No Copyright : Registration, Cultural Hierarchy,
and the Myth of American Copyright Militancy », (2009) 24 Berkeley Tech. L.J. 1399,
spécialement 1450 et 1451.
27. En 2002, plusieurs États membres de l’OMPI ont demandé la réalisation d’une étude sur
la question des systèmes d’enregistrement volontaire des droits d’auteur. Certains de
ces États y voyaient une occasion qui les aiderait à mieux saisir les questions soulevées
et à mieux juger si un système d’enregistrement volontaire pourrait servir leur intérêt
national (et, le cas échéant, dans quelle mesure). Certains États y voyaient même
possiblement un outil de lutte contre le piratage. C’est ainsi que l’OMPI a réalisé une
importante étude de droit comparé : OMPI, Comité permanent du droit d’auteur et
des droits connexes, Enquête sur les législations nationales concernant les systèmes
d’enregistrement volontaire du droit d’auteur et des droits connexes, OMPI SCCR/13/2
(21-23 novembre 2005).
Subject Matter Expansion », (2010) 13 Yale J.L. & Tech. 35, 73 et suiv. ; Viva R. Moffat,
« Mutant Copyrights and Backdoor Patents : The Problem of Overlapping Intellectual
Property Protection », (2004) 19 Berkeley Tech. L.J. 1473). Il est expressément permis au
Canada par l’article 64 (3) (b) de la Loi sur le droit d’auteur. Voir aussi : Canadian Tire
Corp. c. Retail Clerks Union, Local 1518, (1985) 7 C.P.R. (3d) 415 (C.F.) ; Motel 6 Inc. c.
No. 6 Motel Ltd., [1982] 1 C.F. 638 (C.F.). Les critères applicables respectivement à la
protection des œuvres et des marques sont sensiblement différents. Alors qu’une œuvre
est une création originale d’un auteur, une marque doit distinguer les produits d’une
entreprise de ceux d’autres entreprises sur le marché. Les protections se recoupent,
en partie, sur certains objets, mais elles restent distinctes et fidèles à leur finalité. Voir
aussi OMPI, Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles
industriels et des indications géographiques, préc., note 12. Deux affaires jugées
au cours des six dernières années au Canada et aux États-Unis illustrent la difficulté
du cumul des protections par droit d’auteur et par droit des marques : Euro-Excellence
Inc. c. Kraft Canada Inc., [2007] 3 R.C.S. 21 ; Omega S.A. v. Costco Wholesale Corp.,
541 F.3d 982, (9th Cir. 2008), et Costco Wholesale Corp. v. Omega, S.A., 131 S. Ct. 565
(2010).
34. La marque non encore utilisée peut faire l’objet d’un dépôt au titre d’un emploi projeté :
Loi sur les marques de commerce, art. 30 ; 15 U.S.C. § 1051 (b) (2012). Toutefois, au terme
du processus d’examen de la demande par le registraire, la preuve de l’emploi effectif de
la marque sera exigée (Loi sur les marques de commerce, art. 40 (2) ; 15 U.S.C. § 1051
(d) (2012)).
35. Les tribunaux canadiens ont maintes fois affirmé que le droit dans la marque ne s’acquiert
pas par enregistrement, mais que ce dernier confirme la propriété déjà établie en vertu
d’un usage fondant son caractère distinctif : Partlo c. Todd, préc., note 30 ; Bergeron,
Whissell & Co. c. Jonkopings & Vulcan Tandsticksfabriksaktiebolag, (1914) 15 Ex. C.R.
265, conf. par [1915] R.C.S. 411 ; Jaczynski c. Lemieux, (1951) 15 C.P.R. 57 (Ex. Ct.). Sur
les avantages que procure un tel enregistrement : D. Vaver, préc., note 1, p. 430 et suiv. ;
S. Burshtein, préc., note 26, p. 43.
36. Loi sur les marques de commerce, art. 40. Le registre est accessible gratuitement : OPIC,
[En ligne], [opic.ic.gc.ca] (5 mai 2013).
37. 15 U.S.C. § 1051 (2012). United Drug Co. v. Theodore Rectanus Co., préc., note 32 ;
Esso, Inc. v. Standard Oil Co., 98 F.2d 1 (8th Cir. 1938). Un service de recherche pour
les demandes en instance et les titres accordés, le Trademark Electronic Search System,
est offert par l’United States Patent and Trademark Office : [En ligne], [tess2.uspto.gov/]
(5 mai 2013).
38. Un tel recours serait fondé au Québec sur l’article 1457 du Code civil du Québec,
L.Q. 1991, c. 64. Les recours en concurrence déloyale aménagés dans les provinces
de common law et celui qui découle de la responsabilité civile en droit québécois ont
d’ailleurs été partiellement codifiés à l’article 7 de la Loi sur les marques de commerce.
La constitutionnalité de certains passages de cette disposition est toutefois incertaine.
Son alinéa e) a d’ailleurs été jugé inconstitutionnel par la Cour suprême : MacDonald c.
Vapor Canada Ltd., [1977] 2 R.C.S. 134. Sur ce sujet, voir notamment D. Vaver, préc.,
note 1, p. 45 et 46.
39. Id., art. L. 712-2. Le service de recherche de l’Institut national de la propriété industrielle
(INPI) permet d’accéder gratuitement aux informations bibliographiques et légales de
même qu’aux logos des marques françaises qui sont entrées en vigueur (mais qui ne le
sont peut-être plus) depuis 1976, aux marques communautaires en vigueur et aux marques
internationales en vigueur désignant ou non la France. Ce service est consultable sur
Internet : INPI, [En ligne], [bases-marques.inpi.fr/] (5 mai 2013).
40. Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, 20 mars 1883, 828
R.T.N.U. 107, art. 6bis (entrée en vigueur le 4 janvier 1962), (ci-après « Convention de
Paris »).
41. J. Passa, préc., note 18, n° 9.
Une jurisprudence constante et très étoffée considère que le fait de créer, fût-ce par
imprudence ou négligence, un risque de confusion avec des produits ou services
ou sur leur provenance, est constitutif de concurrence déloyale42.
1.1.3 Les registres de publicité pour les dessins industriels et les brevets
Par contraste avec le droit d’auteur et la marque de commerce, l’obli-
gation d’enregistrer le dessin industriel et le brevet est envisagée de manière
plus uniforme par les droits internes.
En matière de dessin industriel, d’abord, l’enregistrement est de rigueur
au Canada46, aux États-Unis47 et en France48. Signalons toutefois qu’un
certain recoupement des protections par dessin industriel, par marque
42. Id.
43. Code civil français, art. 1382 et 1383.
44. Cette question appellerait plusieurs nuances et précisions qui s’étendent bien au-delà
de notre propos. Pour une analyse de l’état du droit sur la question, voir J. Passa,
préc. note 18, nos 9 et suiv. Signalons néanmoins que le régime de protection français
se distingue très nettement de ceux du Canada et des États-Unis. Ces deux derniers
intègrent dans le droit des marques à la fois les marques déposées et celles qui ne le sont
pas (y compris les marques notoires).
45. Paris, 18 avr. 1989, Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire 1990.124.187 ;
Paris, 14 mai 2003 : Juris-Data n° 220086 ; Propriétés intellectuelles 2004.11.676, obs.
Jérôme Passa ; Com. 23 mars 2010, n° 09-65.844, inédit ; n° 09-66.987, inédit ; n° 09-66.522,
inédit.
46. Loi sur les dessins industriels, art. 9.
47. Cette obligation découle du jeu des dispositions suivantes : 35 U.S.C. § 171 (2012), 37
C.F.R. § 1.151 (2012) et 35 U.S.C. § 111 et suiv. (2012).
48. CPI, art. L. 511-9.
Pays Registre des droits Registre des marques Registre des dessins
d’auteur de commerce industriels
Canada Volontaire Volontaire Obligatoire
États-Unis Volontaire Volontaire Obligatoire
France Inexistant Obligatoire Obligatoire
49. Nous avons déjà signalé le cumul possible des protections par droit d’auteur et par
marque de commerce (supra, note 33). Afin d’ajouter la dimension du dessin industriel,
précisons que le chevauchement des trois protections est régi au Canada par l’article 64 (3)
de la Loi sur le droit d’auteur. Il est également possible en France en vertu des articles
L. 711-1 et L. 513-2 du CPI et aux États-Unis. Pour ce dernier pays, voir : Application
of Yardley, 493 F.2d 1389, 181 U.S.P.Q. 331 (recoupement entre le droit d’auteur et le
design patent) ; Application of Mogen David Wine Corp., 328 F.2d 925, 140 U.S.P.Q.
575, 51 C.C.P.A. 1260 et 372 F.2d 539, 152 U.S.P.Q. 593, 54 C.C.P.A. 1086 (recoupement
entre la marque de commerce et le design patent).
50. Loi sur les brevets, art. 27 (1) et 42.
51. 35 U.S.C. § 111 et suiv. (2012).
52. CPI, art. L. 611-1 et suiv.
Droits de
propriété Marquage Explication
intellectuelle
d’auteur
Droit
© [année de publication],
Symbole anglais signifiant « copyright »
[nom de l’auteur]
MC Initiales de l’expression
« marque de commerce »
Marque de
commerce
TM
Initiales de l’expression « trademark »
MD Initiales de l’expression
« marque déposée »
® Symbole anglais signifiant « registered »
industriel
55. Au sujet de la marque de commerce, voir INPI, « Puis-je utiliser les caractères TM ou R sur
mes brochures et papiers commerciaux ? », [En ligne], [www.inpi.fr/fr/questions-faq/liste-
des-questions/faq_categorie/autres-questions415.html ?cHash=7b73bb32fb] (5 mai 2013).
Quant au droit d’auteur, voir INPI, [En ligne], [www.inpi.fr/fr/questions-faq/question/
faq_question/lutilisation-du-sigle-c-copyright-est-elle-soumise-a-autorisation-2488.
html ?cHash=2dd6d5fb3e] (5 mai 2013).
64. D’ailleurs, la présence de marquage sur un produit facilite parfois les démarches du
titulaire pour faire respecter son droit intellectuel. Au-delà de l’exemple du droit des
brevets américains qui le requiert, le marquage peut permettre de contrer le moyen de
défense fondé sur l’ignorance du droit, lorsqu’un tel moyen est admis, bien sûr.
Le moyen de défense joue donc par rapport aux dommages qui pour-
raient autrement être réclamés par le titulaire du droit intellectuel.
Les lois canadiennes sur la propriété intellectuelle ne régissent
le marquage des produits qu’à deux occasions : la première, justement
mentionnée par le professeur Vaver, réside dans la Loi sur les dessins
industriels66 et elle éclipse la défense fondée sur l’ignorance ; la seconde
se trouve à l’article 75 (c) de la Loi sur les brevets67 : cette disposition se
limite à une seule dimension du marquage, soit celui qui est jugé illégal.
Elle qualifie d’acte criminel le fait d’exposer en vente, comme breveté au
Canada, un article qui ne l’est pas dans le dessein de tromper le public.
La législation américaine relative aux brevets contient une disposition
analogue à celle du droit canadien qui assimile à un acte criminel le faux
marquage de produits68. Par contre, elle renferme également un encourage-
ment aux titulaires afin qu’ils signalent en bonne et due forme leurs droits
sur les biens qu’ils commercialisent et qui sont visés par un brevet69. En
matière de dessins industriels (design patents), la même règle de marquage
est en vigueur que pour les brevets : le titulaire doit marquer clairement
son droit en prenant soin d’indiquer le numéro d’enregistrement, faute de
quoi il ne pourra récupérer ses dommages à l’occasion d’une action en
contrefaçon70.
S’ajoute à ces occurrences une mention quelque peu timide à l’ar-
ticle 39 (1) de la Loi sur le droit d’auteur : « dans le cas de procédures
engagées pour violation du droit d’auteur, le demandeur ne peut obtenir
qu’une injonction à l’égard de cette violation si le défendeur prouve que,
au moment de la commettre, il ne savait pas et n’avait aucun motif raison-
nable de soupçonner que l’œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur était
protégé par la présente loi71 ». Or, l’article 39 (2) précise que cette défense
ne tient plus s’il est établi que, au moment de la violation du droit d’auteur,
le titre intellectuel était dûment enregistré conformément à la cette loi.
Il s’agit de l’unique cas de figure envisagé par la loi. Il faut cependant
En droit français, les possibilités pour une défense fondée sur la bonne
foi du contrefacteur sont resserrées, car la règle traditionnelle veut que la
bonne foi soit indifférente en matière civile. De plus, en ce qui concerne
le droit des marques, si une imitation pour des marchandises similaires et
un risque de confusion sont en cause, la bonne foi de l’imitateur n’est pas
pertinente74. Cependant, « la bonne foi de l’utilisateur de la marque est prise
en compte de façon exceptionnelle à l’article L. 713-6 a) pour permettre à
un homonyme de bonne foi d’utiliser son patronyme comme dénomination
sociale, nom commercial ou enseigne75 ». Le marquage des supports pour
signaler la réservation de la marque ne semble donc pas influer sur les droits
que peut faire valoir le titulaire.
72. Le professeur Vaver relate même que la défense fonctionne rarement lorsque le titre
intellectuel était signalé par marquage sur l’exemplaire original. D. Vaver, préc., note 1,
p. 638 et 639, citant l’affaire Fletcher c. Polka Dot Fabrics Ltd., (1993) 51 C.P.R. (3d)
241, 250 (Ont. Sm. Cl. Ct.).
73. Lionel Bently et Brad Sherman, Intellectual Property Law, 2e éd., Oxford, Oxford
University Press, 2004, p. 1101 et 1102.
74. Frédéric Pollaud-Dulian, Propriété intellectuelle. La propriété industrielle, Paris,
Economica, 2011, no 1665.
75. Id., no 1759.
Pour ce qui est du droit des brevets, en revanche, il existe une distinc-
tion entre les contrefacteurs directs et les contrefacteurs indirects qui
permet d’entrevoir une utilité particulière au marquage. Les fabricants de
produits contrefaits, les utilisateurs non autorisés d’un procédé protégé de
même que les importateurs de produits copiés sont assimilés à la première
catégorie des contrefacteurs directs. Ils sont condamnés pour leur viola-
tion du droit intellectuel sans égard au fait qu’ils aient agi sciemment ou
pas80. Quant aux autres opérateurs qui ne sont pas visés par la première
catégorie, mais qui commercialisent, exploitent ou détiennent les produits
contrefaits, leur responsabilité tient au fait qu’ils tirent profit d’une contre-
façon déjà réalisée. Ce sont des contrefacteurs dits indirects, pour lesquels
la connaissance de cause doit être démontrée81. Puisque le brevet ne peut
exister qu’au terme d’une procédure d’enregistrement, c’est donc que la
publicité du titre intellectuel ne suffit pas à établir la connaissance de cause.
La présence de marquage sur les supports pourrait ainsi vraisemblablement
jouer un rôle dans l’appréciation de la connaissance de cause du contre-
facteur indirect.
76. Civ. 1re, 29 mai 2001 et 26 juin 2001, Propriétés intellectuelles 2001.1.71 (note Sirinelli) ;
F. Pollaud-Dulian, préc., note 74, no 1138.
77. Michel Vivant et Jean-Michel Bruguière, Droit d’auteur, Paris, Dalloz, 2009,
notamment no 1074. Ces professeurs citent, entre autres, André Lucas et Henri-Jacques
Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, 3e éd., Paris, Litec, 2006, no 979, et
Pierre-Yves Gautier, « L’indifférence de la bonne foi dans le procès civil », Propriétés
intellectuelles 2002.3.28.
78. M. Vivant et J.-M. Bruguière, préc., note 77, no 1074.
79. Id.
80. CPI, art. L. 615-1, al. 1 et 2. Voir aussi F. Pollaud-Dulian, préc., note 74, nos 751
et 752.
81. CPI, art. L. 615-1, al. 3. Voir aussi F. Pollaud-Dulian, préc., note 74, nos 751 et 753.
Il semble donc que les moyens permettant de signaler les droits intel-
lectuels ne parviennent pas à raffermir systématiquement le principe de la
responsabilité stricte. Les brèches percées par la défense d’ignorance du
contrefacteur supposent bien une démonstration d’absence de motif raison-
nable portant à croire à un droit intellectuel. Or, la démonstration peut
réussir malgré l’enregistrement et même, parfois, malgré le marquage des
supports — une possibilité relatée par les professeurs Bently et Sherman82
et qui concerne l’omission du numéro d’enregistrement.
John W. Schlicher, Patent Law, Legal and Economic Principles, 2e éd., vol. 1, West,
2003, feuilles mobiles, p. 7-1 et suiv. ; S. Burshtein, préc., note 26, p. 30 et 31.
85. Cette méthode est privilégiée conformément à la décision Catnic Components Ltd. v.
Hill & Smith Ltd., [1982] R.P.C. 183 (U.K.H.L. 1980), appliquée au Canada depuis la
décision Eli Lilly & Co. c. O’Hara Manufacturing Ltd., (1989) 26 C.P.R. (3d) 1. La Cour
suprême (Free World Trust c. Électro Santé inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, par. 39) signale
que l’arrêt Catnic a été suivi dans d’autres pays. Par contre, elle précise également ceci :
La décision Catnic a évidemment ses détracteurs, spécialement parmi ceux qui esti-
ment que son application ultérieure sous le régime de la Convention sur le brevet
européen prive le breveté de la protection plus grande accordée aux brevetés dans
les pays du continent européen. Pour certains détracteurs, il serait plus opportun
d’assimiler les revendications non pas à une « clôture », mais à une « balise ».
86. Cette interprétation est une question de droit et se fixe, dans le temps, au moment où
la demande de brevet est rendue accessible au public en vertu de l’article 10 de la Loi
sur les brevets. Pour une critique des décisions rendues par la Cour suprême en matière
d’interprétation des brevets, voir Mistrale Goudreau, « De la prétendue interprétation
téléologique des revendications de brevet : remarques sur les arrêts Whirlpool et Free
World Trust », (2005) 2 University of Ottawa Law & Technology Journal 219.
87. Robert H. Barrigar et Andrew M. Shaughnessy, Canadian Patent Act Annotated,
2e éd., Aurora, Canada Law Book, 1994, feuilles mobiles, p. PA-463 et suiv., (à jour en
septembre 2012).
88. Free World Trust c. Électro Santé inc., préc., note 85, par. 14 et 15 (l’italique est de nous).
89. Whirlpool Corp. c. Camco inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, par. 48 (l’italique est de nous).
90. Id., par. 52 et 53. Ces propos ont été repris avec approbation dans l’affaire Janssen
Pharmaceutica Inc. c. Apotex Inc., [2002] 1 C.F. 393, par. 35. Voir aussi l’affaire Lapierre
c. Équipements d’érablière C.D.L. Inc., (2004) 33 C.P.R. (4th) 402 (C.F.), par. 41 et 59.
91. Harold G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for
Inventions, 4e éd., Toronto, Carswell, 1969, p. 185.
iii. selon qu’il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment
où le brevet a été publié, que l’emploi d’une variante d’un composant
donné ne modifierait pas le fonctionnement de l’invention, ou
92. Free World Trust c. Électro Santé inc., préc., note 85, par. 31.
C’est une manière d’éviter que soit perdu l’esprit du brevet en permet-
tant à quiconque d’outrepasser la réservation en accomplissant un acte
légèrement différent de celui ou de ceux qui sont expressément décrits.
Les tribunaux de nombreux pays ont ainsi développé ce qu’il convient
d’appeler la « théorie des équivalents ». L’objectif commun consiste à ne
pas limiter excessivement la portée du brevet ni à lui procurer une extension
indue. La dose de flexibilité applicable varie dans les États qui connaissent
cette théorie.
La France est l’un de ces États. Son application de la théorie se
fonde premièrement sur l’existence de moyens techniquement équiva-
lents, c’est-à-dire qu’ils doivent remplir la même fonction et procurer un
résultat identique ou de même nature94. L’équivalence s’apprécie selon
la revendication en cause et son contexte, mais uniquement par rapport à
cette revendication, et non en considérant l’ensemble de l’invention. La
fonction s’entend ici de l’effet direct95. Évidemment, il ne s’agit pas de
moyens identiques. Ils doivent donc avoir des formes ou des structures
distinctes96. Le moyen initialement protégé doit en outre constituer une
caractéristique essentielle de l’invention97.
De plus, l’extension de la portée d’une revendication ne sera possible
que si elle n’a pas été rédigée de manière à limiter sa portée à la définition
particulière du moyen auquel elle faisait référence à l’origine98. La reven-
dication doit s’attacher à la fonction des moyens, de telle sorte que celui
d’origine et son équivalent sont interchangeables.
Une dernière condition requiert que l’équivalent qu’une personne
cherche à rapatrier dans le giron du brevet ait été brevetable à la date du
dépôt de la demande de protection : « si la fonction du moyen n’est pas
99. Paris, 1er déc. 1988, préc., note 95 ; Com. 31 mars 2004, préc., note 94.
100. Pall Corp. v. Micron Separations, Inc., 66 F.3d 1211, 1218 (Fed. Cir. 1995) (requête pour
autorisation d’appeler rejetée, 520 U.S. 1115, (1997)) ; London v. Carson Pirie Scott &
Co., 946 F.2d 1534, 1539 et 1540 (Fed. Cir. 1991) ; Graver Tank & Mfg. Co. v. Linde Air
Products Co., 339 U.S. 605, 608 (1950).
101. Warner-Jenkinson Co., Inc. v. Hilton Davis Chemical Co., 520 U.S. 17, 29 (1997).
102. Id.
103. Pharmacia & Upjohn Co. v. Mylan Pharmaceuticals, Inc., 170 F.3d 1373, 1376 et 1377
(Fed. Cir. 1999) ; Charles Greiner & Co. v. Mari-Med Mfg., Inc., 962 F.2d 1031, 1036
(Fed. Cir. 1992).
104. Autogiro Co. of America v. United States, 384 F.2d 391, 400 (Ct. Cl. 1967).
105. Warner-Jenkinson Co., Inc. v. Hilton Davis Chemical Co., préc., note 101.
106. Honeywell Intern. Inc. v. Hamilton Sundstrand Corp., 370 F.3d 1131 (Fed. Cir. 2004) ;
Festo Corp. v. Shoketsu Kinzoku Kogyo Kabushiki Co., Ltd., 234 F.3d 558, (Fed. Cir.
2000).
107. La confusion est interdite au Canada, en vertu de l’article 6 de la Loi sur les marques
de commerce, aux États-Unis, en vertu du paragraphe 15 U.S.C. § 1114 (2012), et en
France, en vertu de l’article L. 713-3 du CPI. Pour des illustrations jurisprudentielles
du concept au Canada, voir : Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772 ;
Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot ltée, [2006] 1 R.C.S. 824 ; Masterpiece
Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., préc., note 30. Pour des illustrations équivalentes aux
États-Unis, voir : L.E. Waterman Co. v. Gordon, 72 F.2d 272 (2d Cir. 1934) ; Boston
Professional Hockey Ass’n, Inc. v. Dallas Cap & Emblem Mfg., Inc., 510 F.2d 1004
(5th Cir. 1975) (requête pour autorisation d’appeler rejetée, 423 U.S. 868, (1975)) ; AMF
Inc. v. Sleekcraft Boats, 599 F.2d 341 (9th Cir. 1979). Voir aussi : Thomas McCarthy,
McCarthy on Trademarks and Unfair Competition, 4e éd., Deerfield, Clark Boardman
Callaghan, 2008, no 2-1 ; Cesar Ramirez-Montes, « A Re-Examination of the Original
Foundations of Anglo-American Trademark Law », (2010) 14 Marq. Intell. Prop. L.
Rev. 91. Pour des illustrations jurisprudentielles du concept en France, voir : Com.
26 nov. 2003, P.I.B.D. 2004.780.III.100 ; Com. 6 mars 2007, P.I.B.D. 2007.851.III.299 ;
Com. 15 décembre 2009, Propriétés intellectuelles 2010.34.112 (note Marc Sabatier). Voir
aussi J. Schmidt-Szalewski et J.-L. Pierre, préc., note 84, nos 589-593.
108. Loi sur les marques de commerce, art. 7 et 22 (voir aussi : Clairol International Corp.
c. Thomas Supply & Equipment Co., (1968) 55 C.P.R. 176 (Ex. Ct.) ; MacDonald et al.
c. Vapor Canada Ltd., [1977] 2 R.C.S. 134 ; Kelly Gill et R. Scott Jolliffe, Fox on
Canadian Law of Trade-Marks and Unfair Competition, 4e éd., Toronto, Carswell, 2002,
p. 7-21 et suiv. et p. 12-1 et suiv.) ; 15 U.S.C. § 1125 (2012) (voir aussi : Jantzen Knitting
Mills v. Balmuth, Inc., 236 A.D. 685, 257 N.Y.S. 611 (N.Y. Sup. Ct. Ap. Div. 1931) ;
Steven Wilf, « The Making of the Post-War Paradigm in American Intellectual Property
Law », (2008) 31 Colum.-V.L.A. J. L. & Arts 139) ; CPI, art. L. 713-3, voir aussi : Jacques
Larrieu, « Un an de concurrence déloyale », Propriété industrielle, 2009.6.chron.5 ;
Mathieu Dhenne, « Appréciation comparée du risque de confusion entre marques en
jurisprudence française et communautaire », Propriété industrielle 2007.4.étude.10.
109. Sur ces sujets, voir : C. Ramirez-Montes, préc., note 107 ; Jacques Azéma et Jean-
Christophe Galloux, Droit de la propriété intellectuelle, 6e éd., Paris, Dalloz, 2006 ;
J. Larrieu, préc., note 108 ; Jérôme Passa, « Les conditions générales d’une atteinte au
droit sur une marque », Propriété industrielle 2005.2.étude.2 ; R.T. Hughes et T. Polson
Ashton, préc., note 30, nos 69 et suiv ; S. Burshtein, préc., note 26, p. 67 et suiv.
110. Loi sur les marques de commerce, art. 6 ; 15 U.S.C. § 1114 (2012).
111. Convention de Paris, art. 6bis (1).
112. CE, Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du conseil du 22 octobre 2008
rapprochant les législations des États membres sur les marques, [2008] J.O., L. 299/25,
art. 5.
113. Jean-Luc Piotraut, La propriété intellectuelle en droit international et comparé (France,
Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis), Paris, Tec & Doc Lavoisier, 2007, p. 56 et 57.
114. De fait, la formulation des interdictions aux tiers s’oppose à celle qui a été retenue au
Canada et aux États-Unis. Il est d’abord des actes interdits sans exigence de risque de
confusion en vertu de l’article L. 713-2 du CPI (par exemple, la reproduction, l’usage
ou l’apposition d’une marque pour des produits identiques à ceux qui sont désignés
dans l’enregistrement) et, ensuite, des actes interdits avec exigence d’un risque de
confusion en vertu de l’article L. 713-3 du CPI (par exemple, la reproduction, l’usage
ou l’apposition d’une marque pour des produits analogues à ceux qui sont désignés dans
l’enregistrement).
115. J. Schmidt-Szalewski et J.-L. Pierre, préc., note 84, no 634. Voir aussi : J. Azéma et
J.-C. Galloux, préc., note 109, p. 840 et suiv. ; J. Larrieu, préc., note 108.
116. Loi sur le droit d’auteur, art. 2 et 5 ; 17 U.S.C. § 102 (2012) ; CPI, art. L. 111-1 et suiv.
117. Le critère de créativité serait trop rigoureux en ce qu’il fait référence à la nouveauté ou
à la non-évidence, soit des concepts propres au régime des brevets. Le droit d’auteur
s’avère plus souple dans ses conditions d’entrée en jeu et laisse également plus de
place à la concurrence, c’est-à-dire à la création d’œuvres par d’autres. Il doit y avoir
investissement d’un effort et d’un travail par l’auteur qui ne sont ni mécaniques ni
négligeables. Il doit y avoir un espace pour les choix, conscients ou non, rationnels ou
non, un espace créatif (sans qu’il soit question d’imposer une condition de créativité).
Voir notamment : D. Vaver, préc., note 1, p. 100 et suiv. ; William R. Cornish, David
Llewelyn et Tanya F. Aplin, Intellectual Property. Patents, Copyrights, Trade Marks
and Allied Rights, 7e éd., Londres, Sweet & Maxwell, 2010, no 11-04 ; P. Burn, préc.,
note 30, p. 114 et suiv.
idées qui l’animent. Ainsi, les peintres qui s’installent côte à côte devant un
paysage et qui le rendent sur toile d’une manière similaire mais individuelle
peuvent générer, chacun, leur propre droit d’auteur sur leur réalisation.
Ces droits coexisteront de manière relativement paisible dans la mesure
où il n’y a pas reproduction ni copie par l’un de l’ensemble ou d’une partie
importante de l’œuvre d’un autre120.
La zone grise qui nous intéresse réside entre l’inspiration qui est
permise et la caractérisation de ce qui constitue une partie importante de
l’œuvre et qui bénéficie donc d’une protection au même titre que l’ensemble
de l’œuvre. Il y a violation du droit d’auteur quand ce qui est pris pour
créer une œuvre dérivée dépasse l’idée sous-jacente et consiste en la totalité
ou en une partie importante de l’expression protégée initialement121. Le
droit d’auteur protège effectivement l’expression de l’idée, et non l’idée
exprimée ou l’idée sous-jacente122.
La démonstration qui doit être faite implique la similitude objective
entre l’œuvre dérivée et celle dont elle est inspirée123 et l’accès à l’œuvre124.
L’œuvre d’origine doit être la source réelle ou présumée, car, s’il est prouvé
que la réalisation de la seconde œuvre s’est faite de manière indépendante,
deux droits d’auteur distincts grevant respectivement chacune des œuvres
en cause seront reconnus.
120. France Animation, s.a. c. Robinson, 2011 Q.C.C.A. 1361, par. 104 et suiv. ; Christophe
Caron, « Clémence pour le contrefacteur malgré lui ! », Communication. Commerce
électronique 2006.7.26.
121. France Animation, s.a. c. Robinson, préc., note 120, par. 57 et suiv. ; D. Vaver, préc.,
note 1, p. 181 et suiv. ; S. Burshtein, préc., note 26, p. 98.
122. CPI, art. L. 111-1 et L. 112-1 ; Paris, 14 juin 2002 : Juris-Data n° 180005 ; Paris, 30 mars
2001 : Juris-Data n° 143893 ; Civ. 1re, 25 mai 1992, Bull. civ. I, no 161 ; Com. 29 nov. 1960,
Bull. civ. III, no 389.
123. À cet égard, la preuve que l’œuvre dérivée est elle-même objet d’un droit d’auteur est
sans pertinence.
124. Une large diffusion de l’œuvre d’origine peut générer une présomption d’accès. Voir,
par exemple, en droit canadien : Verge c. Imperial Oil Ltd., (1988) 23 C.P.R. (3d) 159
(C.A.F.) ; Gondos c. Hardy, (1982) 64 C.P.R. (2d) 145 (Ont. S.C.) ; Francis Day & Hunter
c. Bron, [1963] 2 All E.R. 16 (C.A.). Voir, par exemple, en droit américain : Three Boys
Music Corp. v. Bolton, 212 F.3d 477 (9th Cir. 2000) (autorisation de pourvoi à l’United
States Supreme Court refusée, 531 U.S. 1126, (2001)) ; Jason v. Fonda, 526 F.Supp.
774 (Cal. Dist. Ct. C.D. 1981) ; Sid & Marty Krofft Television Productions, Inc. v.
McDonald’s Corp., 562 F.2d 1157 (9th Cir. 1977). Voir, par exemple, en droit français :
Civ. 1re, 16 mai 2006, Bull. civ. I, no 246. Par contre, la Cour d’appel de Paris a établi, en
1999, que la preuve de contrefaçon n’est pas subordonnée à la démonstration précise
de l’accès à l’œuvre, dès lors qu’apparaissent des ressemblances si nombreuses et si
significatives qu’elles suffisent à convaincre de l’imitation (Paris, 17 février 1999 : Juris-
Data n° 023236).
Conclusion
Les moyens conçus pour annoncer à autrui la réservation d’une créa-
tion intellectuelle font l’objet d’un encadrement éclaté entre les ordres
juridiques, puis entre les types de protections possibles. L’inscription sur
les registres publics peut être obligatoire, facultative ou impossible. Le
marquage des supports physiques reste généralement peu encadré sur le plan
législatif ; lorsqu’il l’est, son emploi est exigé uniquement pour permettre
le recouvrement de dommages en cas de contrefaçon. Les tribunaux, en
parallèle, admettent parfois la défense d’ignorance du contrefacteur, même
lorsque le droit intellectuel a fait l’objet d’une publication au registre ou
lorsqu’un marquage dénonce le même droit, pourvu que le numéro d’enre-
gistrement du droit ait été omis. Ces occurrences varient en fonction du
principe de territorialité et de la spécificité de chaque protection. L’emploi
des moyens de communication ne semble donc pas déboucher sur une
obligation de prudence ou de vérification des tiers.
Au reste, les moyens conçus pour annoncer à autrui la réservation
d’une création intellectuelle ne parviennent pas à assurer la communica-
tion d’informations claires et complètes. Toute l’ampleur des protections
ne saurait être explicitée dans un registre et encore moins être véhiculée
par un marquage. La branche du droit qui justifie ces protections est beau-
coup trop complexe et son évolution dépend trop fortement de la progres-
sion des créations intellectuelles elles-mêmes. La souplesse des régimes
de protection et leur effet utile dans le temps requièrent sûrement que
125. Voir en droit canadien : CCH Canadienne ltée c. Barreau du Haut-Canada, préc.,
note 118 ; S. Burshtein, préc., note 26, p. 98 et 99. Voir en droit américain : Three Boys
Music Corp. v. Bolton, préc., note 124 ; Fred Fisher, Inc. v. Dillingham, 298 F. 145
(N.Y. Dist. Ct. S.D. 1924) ; Chatterton v. Cave, 3 Ap. Cas. 483 (H.L. 1878). Voir en droit
français : M. Vivant et J.-M. Bruguière, préc., note 77, nos 1054 et suiv. et nos 1067 et
suiv. ; F. Pollaud-Dulian, préc., note 74, nos 1220 et suiv.