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Germanica

8 | 1990
Culture et violence dans la philosophie allemande du
XXe siècle

Une présentation : La dialectique de la raison de


Max Horkheimer & Theodor Adorno
Uber Die Dialektik der Aufklärung von Max Horkheimer und Theodor Adorno

Pierre Belaval

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/germanica/2446
DOI : 10.4000/germanica.2446
ISSN : 2107-0784

Éditeur
Université de Lille

Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 1990
Pagination : 195-202
ISBN : 9782913857025
ISSN : 0984-2632

Référence électronique
Pierre Belaval, « Une présentation : La dialectique de la raison de Max Horkheimer & Theodor Adorno »,
Germanica [En ligne], 8 | 1990, mis en ligne le 28 novembre 2014, consulté le 06 octobre 2020. URL :
http://journals.openedition.org/germanica/2446 ; DOI : https://doi.org/10.4000/germanica.2446

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Une présentation : La dialectique de la raison de Max Horkheimer & Theodor Ad... 1

Une présentation : La dialectique de


la raison de Max Horkheimer &
Theodor Adorno1
Uber Die Dialektik der Aufklärung von Max Horkheimer und Theodor Adorno

Pierre Belaval

1 L’ouvrage de Max Horkheimer (1875-1973) et de Theodor Adorno (1903-1969), achevé


en 1944, et publié en 1947 à Amsterdam, est considéré comme l’un des plus
représentatifs de l’École de Francfort. Celle-ci, fondée en 1923 à Francfort sous le nom
d’Institut für Sozialforschung, se replia en 1933 à Genève puis transféra ses fonds aux États
Unis en 1941 pour revenir à Francfort en 1950. La « théorie critique » qu’elle construisit
en ses débuts visait déjà à mettre en lumière les mobiles sociaux cachés de la « théorie
traditionnelle », c’est-à-dire de la théorie scientifique comme mise en ordre des faits
visant l’exactitude, et cherchait par une critique de la science liée à celle de la société à
instituer, par le biais de la révolution, une société meilleure 2. Or cette espérance se
trouve ruinée après l’expérience du fascisme, du national-socialisme et du stalinisme.
Fallait-il alors tomber dans l’irrationalisme ? Il s’agit, au contraire, de repenser
totalement le statut de la raison occidentale, de conduire, comme le montre Jürgen
Habermas3, une instruction de la raison sur elle-même pour voir comment celle-ci s’est
transformée en une raison instrumentale, voire même s’est autodétruite. C’est le procès
d’une conception naïve du progrès comme triomphe des lumières de la raison sur un
passé mythique définitivement révolu qui est ici instruit. Il s’agit de mettre à jour une
complicité secrète entre mythe et Lumières, le terme de Lumières n’étant pas pris ici au
sens étroit de la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle, mais pris au sens large de
« pensée en progrès », voire « philosophie du progrès ». Comment penser
philosophiquement à la fin de la Seconde guerre mondiale l’effondrement de la
civilisation bourgeoise comme éclipse de la raison et régression de celle-ci vers les
mythologies ?
2 La Dialectique de la raison ne présente pas une unité systématique, mais regroupe trois
études suivies de quelques remarques marginales. La première intitulée « Le concept

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d’Aufklärung » veut « faire comprendre l’intrication de la rationalité et de la réalité


sociale, ainsi que l’intrication de la nature et de la domination de la nature qui en est
inséparable » (D.R., p. 18). Elle se réduit à deux thèses que Habermas considère comme
les deux thèses centrales du livre : « le mythe est déjà raison et la raison se retourne en
mythologie » (D.R., p. 18). Elle est complétée par deux digressions, l’une sur l’Odyssée
comme première figure de l’avènement de la raison, l’autre sur Kant, Sade et Nietzsche
conduisant la raison jusqu’à la limite de ses implications. La seconde étude intitulée
« La production industrielle des biens culturels : raison et mystification des masses »
« analysera la régression de la raison dans une idéologie contrôlée par la technique et
la prétention de ces biens culturels à se constituer comme objet esthétique. La
troisième étude intitulée ; « Éléments de l’antisémitisme – limites de la raison »
analysera le retour de la civilisation actuelle à la barbarie.
3 Nous présenterons ici les données essentielles de ces analyses et les confronterons à la
lecture critique qu’en fit J. Habermas dans la cinquième partie de son œuvre Le Discours
philosophique de la modernité.

La première étude commence par rappeler les ambitions de l’Aufklärung : libérer


l’homme des peurs de la magie et du mythe par un savoir et un pouvoir sans limites,
dont l’essence est technique, et en finir avec l’animisme. Sur cette voie, qui la conduit à
la science moderne, la raison « renoncerait au sens, et remplacerait le concept par la
formule, la cause par la règle et la probabilité ». Tout ce qui ne se conforme pas aux
critères du calcul et de l’utilité devient suspect à la raison (D.R., p. 24). Celle-ci prétend
mettre en équation non seulement la nature, mais le monde socio-économique. Cette
science arrivant à maturité développe une confiance inébranlable en ses possibilités de
dominer le monde, « se comporte à l’égard des choses comme un dictateur à l’égard des
hommes, qui ne les connaît que dans la mesure où il peut les manipuler » (D.R., p. 27).
Or cette entreprise conquérante de la raison instrumentale va produire son propre
contraire : devenir une entreprise de liquidation de la civilisation. Elle détruit la pensée
symbolique du mythe et ses successeurs, les concepts de la métaphysique, pour penser
la nature comme ce qui doit être appréhendé mathématiquement. Et elle se croit ainsi à
l’abri du mythe. Mais, en fait, elle y retourne en s’appropriant la réalité comme un
schéma mathématique et en la répétant comme tel. Les anciens démons des
mythologies reviennent sous des formes nouvelles : l’homme est aliéné à ce qu’il
produit, l’esprit de même que les relations entre les hommes modelant leurs corps et
leurs âmes sur leurs équipements techniques sont réifiés, la marchandise est fétichisée,
la crainte d’une nature incontrôlée et menaçante se développe. « L’animisme avait
donné une âme à la chose, l’industrialisme transforme l’âme de l’homme en chose »
(D.R., p. 44) et ainsi les hommes redeviennent semblables aux rameurs du bateau
d’Ulysse, obéissant tous au même rythme et à des conditions de travail appelant au
conformisme.
4 Cette première étude est illustrée par la digression II : Ulysse ou mythe et raison.
L’Odyssée toute entière et l’univers homérique témoignent de cette dialectique de la
raison. Ils constituent un produit de la raison organisatrice détruisant le mythe par un
ordre rationnel et décrivant la fuite du sujet individuel devant les puissances
mythiques. Tout comme Ulysse se perd pour se retrouver, le Moi n’atteint son unité
qu’à travers la diversité de ses aventures. Le sacrifice aux puissances mythiques

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devient, par Ulysse, stratagème. La ruse d’Ulysse est avènement d’une raison
« bourgeoise » exigeant la lucidité, le sens des réalités, évaluant avec précision les
rapports de force, défi rationalisé aux puissances du destin. Mais tout en restant distant
de la nature, Ulysse écoute encore sa voix : Ulysse est donc la figure de l’homme
renonçant à l’unité archaïque avec la nature et apprenant à la dominer au prix d’une
répression de sa propre nature. C’est à la lumière de ce fil directeur qu’Adorno et
Horkheimer interprètent différents passages de l’Odyssée : l’épisode des mangeurs de
lotus, la lutte avec Polyphème, l’épisode de Circé, le séjour dans l’Hadès.
5 La digression II s’intitule Juliette ou raison et morale. Adorno et Horkheimer partent du
célèbre texte de Kant de 1784 : Was ist Aufklärung ? où l’Aufklärung – cette fois au sens
étroit – est définie comme la sortie de l’homme d’un état de minorité dont il est lui-
même responsable, c’est-à-dire d’une incapacité de se servir de son propre
entendement sans la direction d’autrui. Selon l’étonnante interprétation des textes
kantiens proposée par Adorno et Horkheimer, l’entendement doit être dominé par la
raison qui veut penser un ordre scientifique unitaire venant à bout des faits. La raison
est comprise comme instance d’un penser calculateur qui organise le monde en vue
d’une conservation de soi. La « véritable » nature du schématisme des concepts purs de
l’entendement est d’exprimer l’intérêt de la société industrielle appréhendée sous
l’aspect de la manipulation et de l’administration, et la définition kantienne du devoir
comme nécessité d’agir par respect pour la loi morale est interprétée comme
« tentative bourgeoise de donner au respect, sans lequel la civilisation ne saurait
exister, des fondements autres que l’intérêt matériel et la violence ».
6 Que va devenir dans l’interprétation d’Horkheimer et Adorno le projet d’un
entendement non dirigé par un autre ? Il se manifeste sous les traits du bourgeois
libéré de toute tutelle que nous montre l’œuvre de Sade. La raison devient organe de
planification et de calcul, neutre à l’égard des buts, création de mythologies nouvelles
taxant de superstition les dévotions précédentes. Justine, la sœur vertueuse de Juliette,
devient martyre de la loi morale tandis que Juliette démonise le christianisme, détruit
de manière systématique et cohérente la civilisation avec ses propres armes. La mission
de Juliette anticipe alors déjà certains thèmes nietzschéeens : la transvaluation de
toutes les faibles et les ratés, le désir de vivre dangereusement. Injustice et haine
deviennent des activités systématiques et la domination devient jouissance devant le
désespoir total de la victime. Ainsi « les vices privés chez Sade comme chez Mandeville
sont l’historiographie anticipée des vertus publiques des sociétés totalitaires » (D.R.,
p. 127).
7 La seconde étude va se centrer sur un examen critique des secteurs de la culture, que la
civilisation actuelle uniformise et standardise tant au niveau des publics que des
œuvres : ceci conduit à un art sans rêve, paralysant l’imagination et la réflexion, à une
rigidité du style, un mépris des connaisseurs et des experts, une culture de masse
excluant toute nouveauté comme risque inutile, une industrie culturelle ne nourrissant
les hommes que de stéréotypes. L’industrie culturelle instaure le règne de la fausse
individualité, où, par une répétition mécanique, les produits culturels sont traités
comme des slogans politiques. Par le caractère publicitaire et la langue, s’opère
également un retour à la mythologie : le mot se rive à la chose, il devient une « formule
pétrifiée » et les hommes eux-mêmes sont réifiés. Ces éléments seront développés dans
d’autres études d’Adorno4 et, bien sûr, dans l’« homme unidimensionnel » de Marcuse.

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8 La dernière étude se situe dans la ligne des travaux de l’École de Francfort utilisant les
catégories psychanalytiques comme instruments d’une critique des idéologies. Elle
s’intitule : Éléments de l’antisémitisme. Deux doctrines s’affrontent ici : celle des libéraux
considérant les juifs comme une minorité, un groupe fondé sur ses opinions et
traditions religieuses, celle des fascistes les considérant comme le mal absolu et
projetant sur eux leur propre nature, l’avidité d’une possession exclusive et d’un
pouvoir illimité. La thèse libérale construit l’image d’une société où la haine cesse de se
produire et où les juifs, en étant assimilés, surmontent les souvenirs douloureux de la
persécution. Mais l’harmonie de cette société va se retourner contre les minorités sous
la forme d’une Volksgemeinschaft les persécutant.
9 Horkheimer et Adorno veulent montrer l’échec des explications politiques et
économiques de l’antisémitisme. Celui-ci joue selon leur interprétation, le rôle d’un
meurtre rituel, la fonction d’une soupape de sécurité où la haine se décharge sur des
victimes sans défenses, des sortes de boucs émissaires de l’injustice économique.
L’antisémitisme raciste ignore les considérations d’ordre religieux, et se préoccupe de
la pureté de la « race » et de la « nation ». Il reproduirait des attitudes renvoyant aux
origines : attitude défensive ou de raidissement due à la faveur et la simple existence de
l’autre devient une véritable provocation. Ainsi le Juif ne doit connaître aucun repos,
même dans la mort (cf. les profanations par les nazis des cimetières juifs). Le fascisme
en revient à des comportements mimétiques favorisés par la discipline, les rituels des
discours et des fêtes, et réhabilite l’horreur de la préhistoire, écrasée par la civilisation,
dans la persécution des juifs. L’antisémitisme est ainsi pensé comme fausse projection
d’impulsions que le sujet n’admet pas comme siennes sur une victoire potentielle,
incapacité de réfléchir sur l’objet et sur soi-même, véritable pathologie du penser dans
un excès de cohérence et une immobilité, « trait propre à toute mentalité acceptant les
étiquettes » (D.R., p. 215).
10 Tel est l’aboutissement extrême de cette dialectique de la raison, qui, par différence
avec la dialectique hégélienne, ne fait point place à une « Aufhebung » réconciliant
l’esprit avec lui-même, le penser et l’être, mais reste une dialectique négative logique
de la dislocation devant rendre compte d’une perversion essentielle de la raison que
cette dialectique négative déchiffrera dans trois faits contemporains : Auschwitz,
impensable comme simple accident ou déviation de l’histoire face à une dynamique de
l’Aufklärung5, les aventures de la dialectique marxiste dans le stalinisme, l’avènement
enfin dans les sociétés occidentales d’un « homme unidimensionnel ».

11 Il est alors intéressant d’examiner avec Habermas les motivations qui ont conduit
Horkeimer et Adorno à une critique aussi radicale. L’Aufklärung apparaît en effet
comme une « tentative désespérée pour échapper à l’origine que sont les puissances du
destin » (D.R.M., p. 137) et « le vide désolant sur lequel débouche l’émancipation est la
forme sous laquelle la malédiction des puissances mythiques finit par frapper les
fugitifs » (idem.). Dire que le processus de l’Aufklärung a désocialisé la nature et
dénaturalisé le monde humain n’est pas seulement reprendre le thème wébérien d’un
désenchantement du monde, mais montrer un décentrement de sa conception. Il ne
s’agit pas simplement ici d’une répétition de la critique marxiste des idéologies ou du
fruit de déceptions historiques liées à la victoire du fascisme et du stalinisme, mais

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d’une radicalisation et d’une surenchère dans la critique de la raison soupçonnée de


confondre prétention au pouvoir et prétention à la validité. D’où, pour Habermas, le
paradoxe d’une telle description de l’autodestruction subie par la faculté de critique
dont elle proclame la mort. Habermas établit alors une comparaison avec la critique
nietzschéenne de la culture, notamment dans La Généalogie de la morale, où les hommes,
pris dans le carcan de la paix et de la société, doivent renoncer à extérioriser leurs
instincts, se fier à leur conscience et se laisser domestiquer par une domination de la
nature externe et de leur nature interne. On sait également que l’entreprise
nietzschéenne prétend démasquer le caractère fictif des idéaux de la raison théorique
ou pratique mettant à jour des forces réactives, symptômes d’une volonté de puissance
épuisée, opérant secrètement en eux. Par le biais d’une critique généalogique,
Nietzsche développerait le thème d’une culture véritable ayant disparu depuis
longtemps où le plus ancien est le plus distingué, l’expression de forces actives et
affirmatives de la vie tandis que les formes de cultures plus tardives ne seraient que les
masques d’une volonté de puissance pervertie. Le problème n’est-il pas analogue pour
Horkheimer et Adorno ? Comment poursuivre – se demande Habermas – le travail de
critique sans préserver de la corruption un critère rationnel ? Nietzsche se réfugiait
dans une théorie du pouvoir analysant les forces affirmatives de la vie ou réactives de
la volonté de puissance. Horkheimer et Adorno tombent dans un « scepticisme effréné
vis-à-vis de la raison au lieu d’examiner les raisons qui permettent de douter de ce
scepticisme même » (D.P.M., p. 155) et confondent les lumières de la découverte, la
connaissance qu’on apporte, avec les justifications qu’on en donne. Telles sont la limite
et la faiblesse de cette critique de la raison instrumentale 6.

NOTES
1. – Titre original Die Dialektik der Aufklärung-philosophische Fragmente, C Social studies Assoc. Inc.,
New-York, 1944, C.S. Fischer Verlag Gmbh, Frankfurt/Main, 1969, pour la nouvelle édition, éditée
également dans la collection de poche Fischer Taschenbücher Nr 6144 ; traduction française par
Éliane Kaufholz, bibliothèque des Idées, Gallimard, 1974 et repris par le même éditeur dans la
collection « Tel ». Les citations faites renvoient à cette traduction sous le titre abrégé D.R.
2. – Cf. l’article de Horkheimer écrit à la mort d’Adorno intitulé : « Théorie critique hier et
aujourd’hui » et paru dans Théorie critique, traduction française de Payot, 1978, p. 354-369.
3. – Titre original : Der philosophische Diskurs der Moderne-12 Vorlesungen, Suhrkamp Verlag,
Frankfurt/Main, 1985, traduit en français sous le titre : « Le discours philosophique de la
modernité – douze conférences » par Christian Bouchindomme et Xavier Rochlitz dans la
collection « bibliothèque de philosophie », 1988, 5e partie, p. 128-156. Les citations faites
renvoient à cette traduction sous le titre abrégé D.R.M.
4. – Par exemple dans Adorno, Minima moralia, trad. française Payot, 1980, ainsi que Modèles
critiques, trad. française Payot, 1984, ou Prismes, trad. française Payot, 1986.
5. – Cf. l’article d’Adorno « Éduquer après Auschwitz » paru dans Modèles critiques, Payot, 1984,
p. 205-220.

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6. – Pour avoir une vue d’ensemble sur l’École de Francfort, on peut lire d’une part l’ouvrage de
Martin Jay, L’imagination dialectique. L’École de Francfort, Payot et le petit ouvrage très clair de Paul-
Laurent Assoun, L’École de Francfort, P.U.F., 1986, collection « Que sais-je ? », n°2354.

RÉSUMÉS
Dans cet ouvrage composé à la fin de la seconde guerre mondiale, Horkheimer et Adorno
proposent une interprétation originale de l’effondrement de la civilisation occidentale. Les
idéaux de la raison et du progrès n’ont pas laissé le mythe et la barbarie loin derrière eux, mais
ont produit leur propre contraire : une éclipse, voire une autodestruction de la raison, réduite à
une raison instrumentale planificatrice, qui ne s’interroge plus sur les fins qu’elle met en jeu.
Nous analyserons, à travers les trois études qui constituent ce livre, le développement de ses
deux thèses centrales : le mythe est déjà raison, et la raison retourne au mythe, et nous les
confrontons à l’examen critique qu’en fait Jürgen Habermas dans son œuvre Le Discours
philosophique de la modernité.

In diesem im Jahre 1944 geschriebenen Buch wollen Adorno und Horkheimer den
Zusammenbruch der abendländischen Kultur vom philosophischen Standpunkt aus ergründen.
Man glaubt gewöhnlich, dass die Aufklärung die Barbarei und den Mythos zerstört hat. Hier
behaupten Adorno und Horkheimer, dass der Kampf der Aufklärung für Freiheit, Gerechtigkeit
und Humanität gerade zu ihrem Gegenteil geführt hat, und dass die Vernunft ein blosses
technisches Instrument geworden ist. So hat sich die Aufklärung selbst zerstört. Wir werden hier
die zwei Grundideen dieses Buches: «schon der Mythos ist Aufklärung und Aufklärung schlägt in
Mythologie zurück » analysieren und sie mit der Kritik von Jürgen Habermas in seinem Werk:
«Der philosophische Diskurs der Morderne, 12 Vorlesungen» konfrontieren.

AUTEUR
PIERRE BELAVAL
Lycée Pasteur, Lille

Germanica, 8 | 1990

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