L'histoire Du Moteur Électrique: Par Ilarion PAVEL
L'histoire Du Moteur Électrique: Par Ilarion PAVEL
L'histoire Du Moteur Électrique: Par Ilarion PAVEL
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Le moteur électrique trouve ses origines au XVIIIe siècle dans des expérimentations de savants. Il connaît
un premier essor industriel vers les années 1830 en vue d’applications dans les transports, mais se heurte
à des difficultés liées aux coûts des solutions alternatives. Puis, il s’impose grâce à des innovations dans
d’autres domaines (télégraphes, détonateurs, éclairage…), avant de revenir en force dans les transports
(tramways et métros) à la fin du XIXe siècle, ainsi que dans des véhicules électriques. La densité énergétique
de l’essence le rend durablement inutilisable pour les véhicules particuliers, alors que les applications
électriques se multiplient dans les courants faibles (électroménager, musique, téléphonie, électronique),
mais également forts (turboalternateurs, transports en commun), tout au long du XXe siècle. En France,
ces industries passent en un siècle de quelques milliers à plus de un million de salariés. Les véhicules
électriques reviennent en force au début du XXIe siècle dans le triple contexte du renchérissement des
énergies fossiles, de leur raréfaction et des défis liés à l’effet de serre. Dans cet article, nous retraçons les
grandes étapes de ces évolutions, avec leurs échecs et leurs succès.
Hors-dossier
L’électricité dans la transition énergétique
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Échec commercial En 1833, lors d’une visite dans une mine de fer, le for-
geron Thomas Davenport voit fonctionner un des élec-
des premiers moteurs électriques troaimants d’Henry. Intrigué, il en achète un. De retour
Au début des années 1830, la fabrication et la vente dans son atelier, il le démonte et l’étudie avec attention.
de la technologie électrique étaient en grande partie Persuadé que la force électrique remplacera bientôt la
artisanales : quelques fabricants fournissaient des ins- force de la vapeur, Davenport construit quelques mois
truments pour les laboratoires et pour les démonstra- plus tard un des premiers moteurs électriques rotatifs,
tions publiques de savants et de quelques particuliers qu’il brevète en 1837. Afin de fabriquer en série et de
passionnés. commercialiser son invention, il fonde une société par
actions avec la participation d’associés.
Mais, à la fin des années 1830, des entrepreneurs, des
financiers et des gouvernements s’intéressent de plus Hélas, les résultats ne sont pas à la hauteur des
en plus aux applications de cette nouvelle technique. attentes. Le coût du zinc utilisé dans les batteries, qui
Les fabricants et les consommateurs se multiplient ; on servent de source d’alimentation, rend le moteur élec-
dépose des brevets ; on publie des articles de presse. trique non compétitif par rapport au moteur à vapeur.
La commercialisation des produits reposant sur des Le moteur électrique est un échec commercial, et
techniques électriques bénéficie de la généralisation Davenport fait faillite2.
de la société anonyme par actions qui permet d’entre- Initialement très optimiste pour l’avenir du moteur élec-
prendre des projets nécessitant d’importants investis- trique, James Prescott Joule devient de plus en plus
sements financiers à forts risques sur le long terme. sceptique. Dans une étude publiée en 1841, il montre
On commence alors à voir le moteur électrique comme qu’une machine à vapeur alimentée avec un kilo-
une alternative possible à la force musculaire des gramme de charbon produit cinq fois plus d’énergie
animaux et des ouvriers. Le moteur à vapeur avait certes mécanique qu’un moteur électrique alimenté par une
déjà largement remplacé cette force, mais il présentait batterie consommant un kilogramme de zinc. Compte
plusieurs inconvénients. D’abord, le moteur à vapeur de tenu des prix comparés du charbon et du zinc, Joule
petite taille, comme celui qui équipe les ateliers, est de arrive à la conclusion que « le moteur alimenté par bat-
faible rendement : c’est pourquoi l’automobile à vapeur teries est un dispositif désespérément inexploitable ».
ne se développera pas, contrairement à la locomotive En dépit de cette conclusion pessimiste, les inven-
ou au bateau à vapeur. Par ailleurs, il fonctionne en teurs ne se découragent pas. Aux États-Unis, Charles
continu ; on ne peut donc pas l’éteindre et l’allumer à Grafton Page, avec l’aide du gouvernement américain,
volonté – maintenir la pression de la vapeur exige en construit une locomotive utilisant un moteur électrique
effet de consommer en permanence du combustible, il oscillant. Deux bobines alignées, alimentées successi-
n’est donc pas adapté aux tâches intermittentes exécu- vement, attirent à tour de rôle une barre en fer. Le mou-
tées par des machines-outils. En outre, ces machines vement alternatif avant-arrière de la barre est ensuite
sont connectées au moteur par l’intermédiaire d’un converti en mouvement rotatif par un mécanisme de
système mécanique compliqué se composant d’arbres type bielle-manivelle. La locomotive est testée avec des
et de courroies de transmission. Enfin, le moteur à passagers à son bord en 1851, sur la ligne Washington-
vapeur est dangereux, car il peut exploser ; en outre, il Baltimore. Des étincelles traversent l’isolation élec-
est sale et bruyant, et nécessite beaucoup d’entretien. trique des bobines, tandis que les vibrations du moteur
C’est dans ces mêmes années 1830 que l’on se met endommagent les fragiles diaphragmes des cellules
à imaginer pour le moteur électrique des applications galvaniques. Après 8 km, Page est obligé de rebrous-
multiples pour réaliser les tâches domestiques dans ser chemin.
les foyers : pompes à eau, machines à laver, ventila- Quelques années auparavant, des essais similaires
teurs, barattes, torréfacteurs, broyeurs… Son triomphe avaient déjà été réalisés en Europe. En 1839, à Saint-
semble inévitable. Pétersbourg, Moritz Jacobi testait sur la Neva une barque
propulsée par un moteur électrique ; elle transportait
à son bord des passagers. En 1842, en Angleterre,
Robert Davidson construisait une locomotive élec-
trique, appelée Galvani, dont il fit des essais sur la ligne
Edinburgh-Glasgow. Mais la locomotive de Davidson,
tout comme la barque électrique de Jacobi et la loco-
motive de Page, ne furent pas viables économiquement.
Le moteur électrique semblait définitivement condamné.
2
Son origine modeste et sa vie tragique (il meurt à 48 ans,
Figure 4 : Le moteur de Davenport est formé de deux bobines ruiné et malade) confèrent à Davenport une place spéciale dans
croisées, qui tournent suivant un axe vertical dans un anneau l’histoire de l’invention du moteur électrique. Cependant, à la
en bois muni de deux aimants permanents en forme de demi- même époque, il y eu bien d’autres essais visant à la fabrication
cercle. Les bobines sont alimentées par un commutateur, visible de moteurs électriques, notamment en Europe, comme ceux
à l’extrémité inférieure de l’axe du moteur ‒ Source : Illustration d’Ányos Jedlik en Hongrie, de Moritz Jacobi en Allemagne ou de
extraite du brevet n°132 déposé en 1837. Sibrandus Stratingh and Christopher Becker aux Pays-Bas.
Le détonateur électrique
Formé d’un fil conducteur fortement chauffé par le
passage du courant électrique, le détonateur électrique
se substitue graduellement à la mèche classique, qui
est peu fiable, dont le temps de combustion est diffi-
cile à contrôler, ce qui est à l’origine de nombreux acci-
dents. D’abord utilisé par les militaires pour faire déton-
ner à distance des charges explosives sous-marines et
des mines flottantes, le détonateur électrique trouve un
large usage civil pour servir à l’exploitation des mines
et des carrières, la construction de canaux, de tunnels
et dans les chemins de fer.
La galvanoplastie
Hors-dossier
L’électricité dans la transition énergétique
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contrôles à distance voient le jour : système de dialogue signalisation maritime utilisent, dans le cadre d’essais,
entre la cabine de pilotage et la salle des machines d’un l’arc électrique, dont la lumière éclatante est nettement
bateau, système de guidage de navires, instruments plus visible que celle des traditionnelles lampes à huile
de mesure de la vitesse, instruments de contrôle de la ou à gaz. Consommant plus d’électricité, les phares à
pression de la vapeur dans les chaudières, systèmes arc électrique rendent nécessaire le remplacement des
d’alarme antivol, systèmes de transmission d’images piles électriques par des magnétos électriques couplés
à distance, systèmes de contrôle de la température, mécaniquement à des moteurs à vapeur.
horloges électriques synchronisées à distance, sys-
C’est cette demande croissante d’énergie électrique qui
tèmes d’alerte incendie, systèmes de signalisation
va stimuler les efforts des fabricants pour améliorer les
ferroviaire…
sources d’énergie électrique. L’énergie fournie par une
batterie devient vite insuffisante, les constructeurs se
tournent alors vers les générateurs électriques4.
Figure 11 : Le magnéto
de Pixii. Mis en mouve-
ment par une manivelle,
l’aimant permanent en
forme de fer à cheval 5
Chronologiquement, le courant continu fut découvert avant le
tourne sur un axe vertical courant alternatif : d’abord dans le cadre de l’étude des décharges
sous une bobine enroulée électrostatiques, puis à travers les éléments galvaniques. Les pre-
autour d’un noyau de fer. mières applications de l’électricité et du magnétisme, à l’instar des
Les pôles nord et sud de électroaimants ou de l’électrométallurgie, utilisaient des courants
cet aimant, passant suc- continus.
cessivement à proximité 6
La magnéto est aujourd’hui encore utilisée pour alimenter des
du noyau en fer, font varier
petits moteurs à essence qui équipent certaines motos, barques
le champ magnétique et,
à moteur, tondeuses à gazon et tronçonneuses. La magnéto uti-
en conséquence, induisent
lise une partie de l’énergie mécanique de la rotation du moteur
un courant électrique dans
qu’elle transforme en électricité, laquelle est utilisée ensuite par
la bobine. En dessous de
les bougies pour produire des étincelles qui permettent l’allumage
l’aimant, solidaire avec
du mélange d’air et d’essence dans la chambre de combustion.
l’axe de rotation, se trouve
Ainsi, un moteur équipé d’une magnéto ne nécessite pas de batte-
le commutateur d’Ampère
rie électrique, ce qui le rend peu volumineux. Mais son démarrage
‒ Source : Wikipedia.
est manuel : pour le démarrer, il faut le faire tourner à l’aide d’une
manivelle ou d’un « démarreur ».
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L’électricité dans la transition énergétique
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Figure 12 : À gauche, la dynamo de Pacinotti. Le champ magnétique produit par deux bobines verticales traverse les bobines du rotor.
Ce dernier, entraîné par une manivelle, tourne sur un axe vertical. À droite, la dynamo de Gramme. Le stator est le cadre en fer muni de
quatre bobines, qui concentrent le champ magnétique dans le rotor ‒ Source : Wikipedia.
en forme d’anneau : c’est l’invention de la dynamo7. même générateur. On réalise alors qu’un même réseau
Au début de la décennie suivante, Zénobe Gramme pourra alimenter à la fois des systèmes d’éclairage
invente un nouveau type d’enroulement et diminue la électrique et d’autres appareils. Il ne restait plus qu’à
distance entre le rotor et le stator8. Ses dynamos pré- évaluer les rendements de conversion et les pertes en
sentent des rendements supérieurs et sont une réussite ligne pour établir si ce schéma était viable du point de
commerciale. vue économique.
On prit alors conscience de la variété des applications
La renaissance du moteur électrique potentielles. Dans l’usine, on ne se bornera plus à
transmettre l’énergie mécanique en utilisant des arbres
Selon la légende, lors de l’Exposition universelle tenue en ligne, des courroies, de l’air comprimé ou la pression
en 1873 à Vienne, Gramme ou l’un de ses collabora- hydraulique. Chaque machine pourra être dotée de son
teurs connecta par inadvertance deux dynamos. Sous propre moteur électrique, lequel sera facile à com-
l’effet de l’entraînement de l’axe de l’une d’entre elles mander, l’énergie étant transmise efficacement, prati-
au moyen d’un moteur à vapeur, l’autre commença à quement sans pertes. Dans l’agriculture, les moteurs
tourner rapidement. Gramme découvrit ainsi que la électriques pourront remplacer l’énergie musculaire
dynamo est une machine électrique réversible, qu’elle humaine, mais aussi animale pour moudre le grain ou
peut fonctionner comme un moteur. Les essais qui pomper l’eau d’irrigation. En matière de transports, les
ont suivi ont montré que les câbles conducteurs qui villes pourront être équipées d’omnibus électriques.
connectaient le moteur à la dynamo pouvaient être Quant aux foyers, ils pourront bénéficier de nombreux
d’une longueur dépassant le kilomètre. L’électricité appareils électroménagers.
pouvait donc être utilisée pour la transmission de l’éner-
gie à distance. C’est cette forme de transmission qui se
généralisera par la suite, et non les autres méthodes,
en général mécaniques, de transmission de l’énergie
qui furent testées auparavant (tubes à air comprimé,
conduites remplies d’eau, courroies couplées à un
long arbre tournant, câbles en acier enroulés sur des
poulies).
L’énergie électrique est par ailleurs facile à distribuer : il
suffit de connecter les divers moteurs à alimenter à un
7
La dynamo est donc une magnéto dont on a remplacé les ai-
mants permanents par des électroaimants, dont les bobines se
trouvent sur un seul cadre ferromagnétique, ce qui optimise le cir-
cuit du flux magnétique. La dynamo est munie d’un commutateur
et produit donc du courant pulsé. Avec l’arrivée du courant alter-
natif, la dynamo s’affranchira du commutateur et prendra l’appel- Figure 13 : Une usine textile équipée de nombreuses machines
lation d’alternateur, dispositif encore utilisé aujourd’hui dans les électriques. Ces diverses machines sont mises en mouvement
automobiles : pour alimenter la batterie et l’installation électrique, par l’intermédiaire d’un système complexe d’arbres et de cour-
le courant alternatif produit par l’alternateur est transformé en cou- roies, alimenté à partir d’un moteur à vapeur, qui constitue la
rant continu par des circuits électroniques à base de dispositifs source d’énergie principale ‒ Source : Wikipedia.
semi-conducteurs appelés « diodes ». Notons que la « dynamo »
du vélo est improprement nommée, c’est en effet une magnéto.
Ces applications verront effectivement le jour. Mais il
8
La partie fixe d’un générateur ou d’un moteur électrique est ap-
pelée « stator », la partie mobile, celle qui tourne, est dénommée restait une étape à franchir. L’électricité est certes une
« rotor ». forme d’énergie facile à transporter et à distribuer,
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L’électricité dans la transition énergétique
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Figure 14 : Le moteur synchrone de Nikola Tesla. À gauche, le schéma de fonctionnement de ce moteur. À droite, la réalisation pra-
tique de celui-ci. Les deux paires de bobines sont alimentées par des courants alternatifs déphasés de 90°, qui produisent en consé-
quence un champ magnétique tournant, qui met en mouvement l’aimant permanent D qui tourne à la fréquence des courants ‒ Source :
WikiCommons.
Edison prétend que le courant alternatif serait trop dan- au courant alternatif aura été « la plus grande gaffe de
gereux pour l’utilisateur et, pour appuyer son propos, sa vie »11.
organise des démonstrations publiques, où des chiens,
des chats, des veaux et des chevaux sont électrocutés.
Il va jusqu’à proposer d’utiliser le courant alternatif pour
procéder à l’exécution de condamnés à mort et d’appe-
ler « westinghouser » l’acte d’exécuter.
L’opposition d’Edison au courant alternatif s’explique
par sa volonté de protéger son investissement, ses
brevets, et donc ses éventuelles royalties, tous fondés
sur la technologie du courant continu. En outre, son
modèle économique reposait sur la construction d’un
grand nombre de petites centrales électriques, dont la
vente aurait pu lui générer des revenus importants.
En dépit du prestige et des ressources financières
d’Edison, Westinghouse continue néanmoins à gagner
de plus en plus de parts de marché. Exaspérés par
l’entêtement d’Edison en faveur du courant continu, les
actionnaires de la société Edison Electric font fusion-
ner celle-ci, en 1892, avec Thomson-Houston, cette
dernière ayant acquis un savoir-faire dans le domaine
du courant alternatif10. La nouvelle société, General
Electric, investit alors massivement dans la technologie
du courant alternatif : elle aura cependant besoin de
plusieurs années pour rattraper son retard par rapport
à Westinghouse.
La Guerre des courants prend fin en 1893, quand le
contrat de construction de la centrale hydroélectrique
à proximité des chutes du Niagara est finalement attri-
bué à Westinghouse. General Electric devra alors se
contenter de la construction de la ligne de haute tension
reliant cette centrale hydroélectrique à la ville de Buffalo. Figure 15 : La centrale hydroélectrique installée à proximité des
chutes du Niagara. En haut, vue générale de la centrale. En bas,
Bien plus tard, Edison reconnaîtra que son opposition
la salle des turbines ‒ Source : Wikipedia.
10
Une autre branche de Thomson Houston sera invitée en 1894 à
s’implanter en France à l’initiative du président de la Société fran-
11
çaise des électriciens, qui, bien que disposant de brevets portant Ironie du sort, les récents progrès de l’électronique de puis-
sur le courant continu, voyait tout l’intérêt du courant alternatif et sance permettent désormais de construire des convertisseurs
des brevets associés de Thomson Houston pour en assurer le dé- capables d’élever ou d’abaisser facilement la tension d’un cou-
veloppement en France (cela conduira à utiliser ce courant pour rant continu : si bien qu’aujourd’hui, une ligne de haute tension
alimenter la première ligne du métro parisien inaugurée en 1900 de courant continu enregistre moins de pertes qu’une ligne de
lors de l’Exposition universelle). Cette implantation sur le territoire courant alternatif, dont les pertes sont dues aux capacités et aux
français donnera lieu à la création de plusieurs autres sociétés : inductances du câble. La construction de fermes solaires et de
Alsthom, puis Alstom pour les courants forts ; Thomson Brant pour fermes éoliennes ainsi que le stockage d’énergie dans les batte-
l’électroménager ; Thomson pour les courants faibles ; TMM, puis ries électriques relancent aujourd’hui l’intérêt pour les réseaux de
Technicolor pour le multimédia et, enfin, Thales. distribution de courant continu.
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L’électricité dans la transition énergétique
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une force dirigée dans le sens du mouvement. D’autres prototypes fonctionnels, puis aux applications commer-
bobines, d’une forme particulière et astucieusement ciales, le moteur électrique a connu une histoire mou-
connectées, assurent la sustentation et la stabilité du vementée. Son arrivée sur le marché s’est heurtée au
train. problème de sa source d’alimentation ; un problème qui
n’a été résolu qu’avec l’invention du générateur élec-
Le moteur linéaire a également des applications mili-
trique, qui n’est en fait qu’un moteur électrique dont le
taires, notamment pour équiper le canon électromagné-
fonctionnement est inversé : transformation de l’énergie
tique qui est capable de propulser des projectiles à des
mécanique en énergie électrique. Mais ce sont surtout
vitesses bien supérieures à celle des canons à poudre
d’autres applications électriques (la galvanoplastie, le
conventionnels.
télégraphe, l’éclairage à l’arc électrique, la signalisation
navale…) qui ont stimulé l’amélioration du générateur
électrique et qui, par la suite, avec la mise en place du
Conclusion réseau de transport électrique, ont permis d’offrir des
Des premières expériences d’électromagnétisme réali- débouchés commerciaux au moteur électrique.
sées dans les laboratoires avant de passer aux premiers
• L’automobile électrique
Le développement du moteur électrique est étroitement lié à ses applications dans le domaine du
transport. C’est l’invention de la batterie au plomb, par Gaston Planté en 1859, puis les améliorations
apportées par Camille Alphonse Faure qui ont permis son industrialisation et apporter ainsi une solution
pour que les véhicules puissent disposer d’une source d’énergie rechargeable offrant une autonomie
suffisante.
En 1881, Gustave Trouvé équipe un tricycle d’un moteur électrique alimenté par une batterie au
plomb ; il invente ainsi le premier véhicule électrique. Quelques années plus tard, l’anglais Thomas
Parker construit plusieurs prototypes d’automobiles électriques et fonde une société qui va construire
des tramways électriques.
Au début des années 1900, l’automobile électrique se trouvait en concurrence avec l’automobile
à vapeur et l’automobile à essence. Mais l’automobile à vapeur demandait quelques dizaines de
minutes avant de pouvoir démarrer, le temps de faire monter la vapeur en pression. L’automobile à
essence souffrait de handicaps en termes de bruit (lié aux vibrations) et d’odeur (celle du carburant) ;
il nécessitait en outre le recours à une manivelle pour son démarrage.
Pour sa part, l’automobile électrique détenait le record de vitesse : ainsi, la « Jamais Contente » de
Camille Jenatzy avait franchi la barre des 100 km/h. L’automobile électrique présentait par ailleurs
d’autres grands avantages par rapport à ses concurrentes ; elle allait donc connaître un succès
commercial : à Londres et à New York, elle était utilisée comme taxi.
• Le tramway électrique
Les premiers tramways étaient tractés par des chevaux ; ils se sont développés pour assurer le
transport des passagers. Par rapport aux omnibus ‒ des voitures sur roues tractées par des chevaux
et circulant sur une chaussée pavée ‒, le tramway, qui roulait sur des rails en fer, présentait une faible
résistance au roulement, ce qui lui permettait de transporter des charges plus importantes, tout en
générant moins de secousses et en étant moins sensible aux intempéries (la pluie ou la neige).
Cependant, la traction animale nécessitait l’entretien d’un important cheptel de chevaux (hébergement,
nourriture et soins), ce qui augmentait les coûts d’exploitation. On chercha alors à trouver des systèmes
de propulsion plus économiques : le moteur à vapeur, la traction par câble, le moteur électrique.
Le moteur à vapeur nécessitait un certain temps avant son démarrage (comme évoqué précédemment,
le temps de faire monter la pression de la vapeur). Il générait trop de bruit et émettait trop de fumée
pour une utilisation en ville. Pour en limiter le bruit, on a confiné les roues et les parties mouvantes.
Pour en réduire la fumée, on a utilisé le coke comme combustible et installé des condenseurs servant
à capter la vapeur d’eau. Mais le tramway, dont la taille était inférieure à celle d’une locomotive sur rail,
ne pouvait accueillir que des petits moteurs à vapeur ; sa puissance était donc limitée.
Les tramways à traction par câble impliquaient des coûts d’infrastructures élevés, car il fallait installer
tout un système complexe de câbles, de poulies et de moteurs. Il fallait en outre creuser des canaux
sous les rails pour y loger le câble. Le système nécessitait également beaucoup de maintenance, car
le câble s’usait et devait donc être remplacé : une maintenance essentielle, car une rupture du câble
entraînait l’arrêt complet de toute la ligne. De plus, les conducteurs de ces tramways devaient faire
preuve d’une grande adresse pour réussir à lâcher le câble lors de l’arrêt du tram et à le récupérer
lors du démarrage. Néanmoins, les tramways tirés par des câbles sont restés adaptés aux villes
construites sur des collines ou sur des terrains escarpés, qu’il faut monter et descendre à vitesse
constante. C’est notamment le cas de la ville de San Francisco.
Dans les faits, le tramway électrique s’est avéré être le système le plus économique. La première
démonstration d’un tel tramway eut lieu en 1875, à Saint-Pétersbourg, par Fyodor Pirotsky. Les rails du
tramway étaient isolés par rapport au sol et servaient comme conducteurs de l’alimentation électrique.
Le premier succès commercial est celui enregistré par Carl von Siemens en 1881, à Lichterfelde,
près de Berlin. Plus tard, il mettra au point une alimentation électrique par fil aérien, afin d’éviter les
accidents d’électrocution liés à une alimentation exclusivement par les rails. Plusieurs lignes sont alors
ouvertes au Royaume-Uni et au Canada. Mais c’est Frank Sprague, qui, aux États-Unis, améliore
le système d’alimentation électrique en utilisant une roue pour permettre le glissement de la perche
d’alimentation du tramway sur le fil électrique. Sprague met aussi au point le freinage régénératif et
un système de contrôle permettant de coupler ensemble plusieurs voitures motrices. Ces inventions
ont permis une adoption rapide du tramway électrique : plusieurs métropoles vont ainsi s’équiper de
ce moyen de transport, une adoption d’autant plus rapide qu’à la fin du XIXe siècle, les problèmes
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L’électricité dans la transition énergétique
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