FFI Pour Recommandation
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Résumé
Au lendemain de la pandémie actuelle de maladie à coronavirus, les pays africains
devront accentuer leur effort de mobilisation des ressources en vue de réaliser le
Programme de développement durable à l’horizon 2030. La méthode pluridisciplinaire
adoptée dans le Rapport 2020 sur le développement économique en Afrique : les flux
financiers illicites et le développement durable en Afrique est axée sur les liens entre les
flux financiers illicites et les dimensions économique, sociale et environnementale du
développement durable en Afrique. De conception inclusive, ce rapport intègre une optique
de genre et fait écho à de multiples points de vue exprimés par divers acteurs, allant de la
société civile aux entreprises présentes en Afrique. À partir des données existantes sur les
flux financiers illicites, un nouvel éclairage est proposé concernant les estimations
nationales de la fausse facturation à l’exportation sur le continent, et les caractéristiques
particulières des produits miniers sont soulignées. Certaines des motivations et des causes
profondes des flux financiers illicites sont aussi mises en relief.
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* Sauf indication contraire, toutes les pages Web mentionnées dans les notes de bas de page du présent
document ont été consultées en avril 2020.
1 CNUCED et ONUDC, Conceptual framework for the measurement of illicit financial flows
(à paraître).
2 Banque mondiale, The World Bank Group’s response to illicit financial flows: A stocktaking (2016),
p. 1.
3 S.I. Ajayi et M.S. Khan, éd., External Debt and Capital Flight in Sub-Saharan Africa (Washington,
Fonds monétaire international, 2000).
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4 R.W. Baker, Capitalism’s Achilles’ Heel: Dirty Money and How to Renew the Free Market System
(Hoboken, États-Unis d’Amérique, John Wiley and Sons, 2005).
5 A/RES/71/313.
6 I. Musselli et E. Bürgi Bonanomi, « Illicit financial flows: Concepts and definition », Revue
internationale de politique de développement (2020), p. 1.
7 Ibid., p. 17.
8 Voir, par exemple, A. Cobham et P. Janský, « Measuring misalignment: The location of US[United
States] multinationals’ economic activity versus the location of their profits », Development Policy
Review, 37(1):91–110 (2019).
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indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des sociétés s’est faite l’écho de
ce point de vue9, dont les partisans mettent également l’accent sur les comportements
immoraux ou regrettables qui donnent lieu à une évasion illégale ou légale (réussie) 10.
8. D’autre part, les organisations multilatérales abordent la dimension fiscale des FFI
avec des degrés divers de prudence, motivée par les interprétations fluctuantes de
l’expression autour des notions de légalité, d’illégalité, de licéité et d’illicéité. Il découle de
la prévalence de la présomption d’innocence dans la plupart des pays que dans la pratique,
considérer qu’illicéité équivaut à illégalité reviendrait à dire que des activités ne peuvent
être juridiquement considérées comme illicites/illégales que si un tribunal ou une autorité
compétente les a déclarées comme telles. Il s’ensuit qu’une telle qualification dépendrait en
dernier ressort d’une décision de justice. Cela s’avérerait problématique en raison des
différences de perception des normes législatives et d’interprétation juridique11. En outre,
les pratiques d’évasion fiscale ne sauraient être réduites à un examen légaliste rigide car on
doit tenir compte du caractère particulier et factuel des déclarations fiscales des
entreprises12. Les évaluations préliminaires de la validité des créances fiscales dépendent
elles des capacités institutionnelles, notamment des capacités de l’autorité fiscale de mener
à bien les tâches qui y sont associées.
9. Ainsi, on retrouve dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée de 2000 des éléments correspondant aux FFI, l’accent étant mis sur
les dimensions criminelles du transfert et de la dissimulation d’avoirs d’origine illicite. La
résolution adoptée à cet égard par le Conseil économique et social de l’ONU en 2001
souligne en outre la nécessité de renforcer la coopération internationale en matière de
prévention et de lutte contre les transferts de fonds provenant d’actes de corruption, et la
Convention des Nations Unies contre la corruption de 2005 comporte des engagements sur
la restitution des avoirs volés. En 2015, les FFI ont été intégrés aux objectifs de
développement durable, dans le cadre de débats sur le traitement des questions d’évasion
fiscale.
10. Dans ses travaux de recherche, l’ONU adopte une approche pragmatique pour
aborder les FFI. Par exemple, le Rapport sur le commerce et le développement 2014,
intitulé « Gouvernance mondiale et marge d’action pour le développement », indique que
« dans le présent rapport, il est question de flux financiers illicites à visée fiscale à chaque
fois que la structuration internationale des transactions a une finalité économique limitée ou
inexistante et que le seul but de ces flux est de payer moins d’impôts »13. Le World
Investment Report 2015 (Rapport sur l’investissement dans le monde) ne contient pas
l’expression « flux financiers illicites », préférant mettre l’accent sur la nécessité
fondamentale d’accroître les ressources destinées au financement du développement.
À cette fin, il se fonde sur l’évaluation figurant dans le World Investment Report 2014:
Investing in the [Sustainable Development Goals] – An Action Plan (L’investissement au
service des objectifs de développement durable : un plan d’action) du montant des fonds
qui manquent pour couvrir le déficit d’investissement annuel estimé à 2 500 milliards de
dollars, correspondant aux ressources nécessaires au renforcement des capacités de
production, des infrastructures et d’autres secteurs dans les pays en développement.
L’édition 2015 du rapport traite ensuite, de manière détaillée et rigoureuse, de l’évasion
fiscale des entreprises multinationales en abordant la question clef comme suit : comment
les dirigeants peuvent-ils lutter contre l’évasion fiscale pour faire en sorte que les
entreprises multinationales paient « le bon montant d’impôt, au bon moment et au bon
endroit » sans recourir à des mesures qui pourraient avoir des répercussions négatives sur
9 M. Forstarter, « Illicit financial flows, trade misinvoicing and multinational tax avoidance: The same
or different? », document de politique générale no 123 (Centre for Global Development, 2018).
10 S. Picciotto, Établissement des prix de transfert : problématiques et possible simplification.
Disponible à l’adresse : https://www.ictd.ac/fr/publication/etablissement-des-prix-de-transfert-
problematiques-et-possible-simplification/.
11 I. Musselli et E. Bürgi Bonanomi (2020).
12 S. Picciotto (2018).
13 CNUCED, Rapport sur le commerce et le développement, 2014 : Gouvernance mondiale et marge
d’action pour le développement (publication des Nations Unies, numéro de vente F.14.II.D.4,
New York et Genève, 2014), p. 194.
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les investissements14 ? L’évasion fiscale est considérée par de nombreux groupes d’acteurs
comme une composante majeure des FFI.
11. Quelles que soient ces variantes conceptuelles, l’Assemblée générale a adopté, en
décembre 2018, une résolution intitulée « Promotion de la coopération internationale dans
les domaines de la lutte contre les flux financiers illicites et du renforcement des bonnes
pratiques en matière de recouvrement des avoirs pour favoriser le développement durable ».
Elle y met l’accent sur les aspects liés au développement en « se déclarant à nouveau
profondément préoccupée par les effets des flux financiers illicites, notamment ceux issus
de la fraude fiscale, de la corruption et de la criminalité transnationale organisée, sur la
stabilité et le développement des sociétés dans les domaines politique, social et
économique, en particulier par leurs conséquences pour les pays en développement »15.
Par ailleurs, la deuxième Réunion internationale d’experts sur la restitution des avoirs volés
s’est tenue à Addis-Abeba, en mai 2019. Plus récemment, les FFI ont été mis en avant dans
le résumé établi par le Président du Dialogue de haut niveau sur le financement du
développement, organisé par l’Assemblée générale le 26 septembre 201916.
12. Les déclarations sur les FFI faites dans le contexte intergouvernemental africain sont
influencées par le Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance
d’Afrique, créé par l’Union africaine et la Conférence des ministres africains des finances,
de la planification et du développement économique de la Commission économique pour
l’Afrique (CEA) de l’ONU. En rupture avec le traitement ambivalent que la plupart des
institutions multilatérales accordaient aux FFI, le rapport établi en 2015, également connu
sous le nom de rapport Mbeki, indique que « les divers moyens d’engendrer des flux
financiers illicites en Afrique sont la falsification des prix de transfert, des prix
commerciaux, des factures correspondant à des services et des biens immatériels et la
passation de contrats léonins, tout cela à des fins de fraude fiscale, d’évasion fiscale
agressive et d’exportation illégale de devises »17. L’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) partage certaines de ces préoccupations, comme
l’ont rappelé son Secrétaire général et le Président du Groupe de haut niveau dans la
déclaration conjointe faite en 2016 sur le thème « La question des flux financiers illicites
(FFI) est au cœur du programme d’action international »18. La déclaration conjointe invite
la communauté internationale à s’unir car « le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale et
la corruption transnationale, qui constituent l’essentiel des flux financiers illicites, touchent
tous les pays ». Elle ne mentionne pas l’évasion fiscale, que celle-ci soit agressive ou non.
13. En ce qui concerne le traitement des FFI par les institutions de Bretton Woods, une
fiche d’information sur l’action du Fonds monétaire international (FMI) contre les flux
financiers illicites place la lutte contre l’évasion fiscale parmi les activités relevant de son
mandat, qui vise à assurer la stabilité du système monétaire international. Son rôle consiste
notamment à aider les pays membres à se prémunir contre l’érosion de la base d’imposition
et le transfert de bénéfices19. La Banque mondiale considère que seuls sont illicites les
mouvements transfrontières d’avoirs financiers qui sont associés à des activités considérées
comme illégales dans le pays concerné20. Elle précise que les activités d’évasion fiscale,
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telles que la planification et l’optimisation fiscales légales, ne font pas partie des flux
financiers illicites21 et ajoute, dans une note de bas de page, que ces distinctions sont plus
faciles à établir en théorie que dans la vie réelle. La Banque mondiale reconnaît en outre
que c’est la nature des infractions fiscales qui détermine le degré d’« opacité » de la
définition des FFI et estime que seule une décision de justice peut établir ce qui constitue de
l’évasion fiscale légale et ce qui constitue de la fraude fiscale illégale. Malgré les difficultés
conceptuelles, la Banque mondiale aborde l’évasion fiscale sous divers angles dans le cadre
de ses activités liées à la politique fiscale internationale et des travaux qu’elle mène pour
aider les pays à améliorer leur administration fiscale et à adopter des mesures visant à
prévenir la manipulation des prix de transfert.
21 Ibid., p. 2.
22 Nations Unies, Commission économique pour l’Afrique (2015).
23 Musseli et Bürgi Bonanomi (2020).
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la déconstruction par Musseli et Bürgi Bonanomi de l’illusion d’une dichotomie claire entre
activités légales et activités illégales.
17. Enfin, on estime que la mesure et le suivi des FFI, ainsi que la définition
d’orientations et de réglementations appropriées pour les freiner, dépendent de la prise en
compte des deux ensembles d’activités commerciales et criminelles. À cet égard, l’accent
dominant mis sur les FFI liés à la fiscalité ne doit pas détourner l’attention des activités
criminelles, du commerce illicite et de la corruption, qui mettent en péril le système
financier international à des fins de blanchiment d’argent et compromettent les perspectives
de réalisation des 17 objectifs de développement durable.
IV. Recommandations
18. Le présent rapport apporte des contributions à l’analyse des moyens de lutter contre
les FFI aux niveaux multilatéral, régional et national en Afrique. On trouvera dans le
présent chapitre des recommandations formulées à l’intention de la communauté
internationale et des gouvernements africains. Ces recommandations s’appuient sur le
rapport Mbeki, qui a fait date24.
19. L’une des conclusions essentielles du rapport est que les pays développés et les pays
en développement partagent la responsabilité des FFI, ce sujet étant au cœur du
multilatéralisme. Indépendamment de leur ampleur (soit environ 86,2 milliards de dollars
par an), ces flux constituent un obstacle important au développement économique de
l’Afrique et doivent être combattus. Le montant élevé des FFI, dont témoignent les volumes
de la fausse facturation et de la fuite des capitaux, indique qu’une proportion importante des
transactions commerciales internationales ne profite pas aux nombreux pays africains qui
y prennent part et qui subissent des pertes importantes en capitaux et en devises.
Les principales conclusions du rapport sont résumées ci-dessous.
20. Les pays africains devraient avoir pour objectif de parvenir à une position commune
concernant les propositions de l’OCDE et du G20 compte tenu de la dynamique actuelle
des réformes de la fiscalité internationale. Les négociations relatives à la deuxième vague
de propositions formulées par le secrétariat de l’OCDE concernant l’initiative sur l’érosion
de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, qui ont été regroupées autour de deux
piliers (pilier 1 et pilier 2), ont commencé au début de 2019 et devraient se poursuivre
jusqu’à la fin de 2020 dans le cadre de multiples réunions. En effet, bien que le processus
de consultation soit ouvert à tous, il n’existait en mars 2020 aucune déclaration officielle
sur une position africaine commune concernant la négociation du cadre inclusif sur
l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, ce qui soulève des
interrogations quant au degré d’engagement des pays africains dans ce processus.
21. La proposition d’une approche unifiée au titre du pilier 1 est principalement axée sur
l’attribution des droits d’imposition à la juridiction du marché. En ce qui concerne le champ
d’application, il est dit dans le document que « l’approche couvre les modèles d’affaires à
forte composante numérique, mais irait au-delà, en étant centrée de façon générale sur les
entreprises en relation étroite avec les consommateurs, des travaux supplémentaires étant à
prévoir concernant la portée et les exclusions. Les industries extractives ne seraient a priori
pas couvertes »25. Il y est également rappelé que des secteurs spécifiques, « comme par
exemple les industries extractives et le secteur des matières premières », seraient exclus26.
Tout en reconnaissant la nécessité d’une solution administrable du principe de pleine
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27 Ibid., p. 6.
28 OCDE, Cadre inclusif sur le BEPS de l’OCDE et du G20 [érosion de la base d’imposition et transfert
de bénéfices] : Rapport d’étape juillet 2017-juin 2018 (2019a). Disponible à l’adresse :
www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/cadre-inclusif-sur-le-beps-rapport-d-etape-juillet-2017-juin-2018.pdf.
29 Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des sociétés, Une feuille de
route pour améliorer les règles d’imposition des multinationales (2018). Disponible à l’adresse :
https://www.icrict.com/icrict-documents-a-fairer-future-for-global-taxation.
30 A. Ezenagu, Safe harbour regimes in transfer pricing: An African perspective, document de travail de
l’ICTD no 100 (2019). Disponible à l’adresse : https://www.ictd.ac/publication/safeharbour-regimes-
in-transfer-pricing-an-african-perspective/.
8 GE.20-09711
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31 Voir M. Hearson, International tax avoidance in Africa, document de référence pour le Rapport 2020
sur le développement économique en Afrique, CNUCED (à paraître).
32 G. Zucman, « Taxing across borders: Tracking personal wealth and corporate profits », Journal of
Economic Perspectives (2014), 28(4):121–148.
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33 Ezenagu (2019).
34 Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest, Rapport
annuel 2014 (2014) ; ibid., Résumé des rapports d’activités des pays : octobre 2017-septembre 2018,
établi en vue de la trentième réunion plénière de la Commission technique, 12-16 novembre 2018
(2018).
35 Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (2018).
36 G. Zucman « Taxing multinational corporations in the twenty-first century », mémoire de recherche
10, Economists for Inclusive Prosperity (2019).
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fournie par l’indicateur. Dans le cadre de l’analyse des effets des FFI sur les communautés
africaines et la réalisation des objectifs de développement durable, il est nécessaire de
disposer de davantage de données de qualité ventilées par sexe concernant les services
financiers, le commerce, l’emploi et la fiscalité, afin d’obtenir de nouvelles informations
qui éclaireront les mesures à prendre concernant les piliers économique, social et
environnemental du développement durable.
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39 Tax Justice Network, Financial Secrecy Index 2020 reports progress on global transparency – but
backsliding from US [United States], Cayman [Islands] and UK [United Kingdom] prompts call for
sanctions (2020). Disponible à l’adresse : https://www. taxjustice.net/2020/02/18/financial-secrecy-
index-2020-reports-progress-onglobal-transparency-but-backsliding-from-us-cayman-and-uk-
prompts-call-forsanctions/.
40 CNUCED, UNCTAD’s reform package for the international investment regime (Genève et
New York, 2018).
41 Nations Unies, Commission économique pour l’Afrique, Guide pour la vision minière nationale :
Adapter la vision du régime minier africain (2014). Disponible à l’adresse :
https://www.uneca.org/sites/default/files/PublicationFiles/ country_mining_vision_guidebook.pdf.
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nationaux de renseignement financier sont des organismes publics qui jouent un rôle central
en tant que destinataires de notifications sur des transactions importantes et/ou suspectes.
Ils analysent ces informations et les transmettent aux organes chargés de l’application des
lois si nécessaire. Les autorités fiscales devraient être capables d’examiner les contrats
commerciaux et les déclarations comptables et fiscales des entreprises, de recenser les prix
exacts des produits et de combattre les pratiques abusives. Les autorités douanières sont
chargées de surveiller et d’évaluer la véracité des prix des produits des exportations et des
importations et de leurs quantités, alors que les autorités judiciaires sont responsables de
l’application des lois. Il incombe aux décideurs de concevoir des politiques et des lois qui
s’attaquent aux FFI. D’où l’importance de soutenir le renforcement des capacités
institutionnelles à tous les échelons des autorités nationales en Afrique.
42. Plus précisément, les autorités fiscales de nombreux pays africains ont un besoin
urgent de ressources supplémentaires et d’activités de renforcement des capacités et de
formation. Elles sont en sous-effectif et manquent des compétences voulues. Par exemple,
dans une enquête menée au Nigéria, 62 % des entreprises interrogées ont répondu
s’inquiéter du manque de connaissances des agents fiscaux pendant les audits 42. Afin de
renforcer ses capacités de recouvrement de l’impôt, ce qui pose problème dans de
nombreux pays africains, le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie, par
exemple, a investi des ressources dans les capacités d’audit après une décennie
d’investissements privés dans le secteur extractif pendant laquelle les recettes perçues sont
restées faibles. En 2009, il a créé l’Agence tanzanienne d’audit des ressources minérales,
qui est un organisme autonome relevant du Ministère de l’énergie et des minéraux.
L’Agence est chargée de suivre la qualité et la quantité des minéraux produits et exportés
par les compagnies minières et de réaliser des audits financiers. Dotée de ressources et
d’effectifs suffisants, y compris de spécialistes de la fiscalité, de scientifiques de
l’environnement, d’analystes des technologies de l’information, d’ingénieurs et de
gemmologues, elle a réussi à mener des audits financiers et à lutter contre les prix de
transfert. Grâce à la coopération efficace entre l’Agence et les autorités fiscales
tanzaniennes, 65 millions de dollars supplémentaires ont été perçus au titre de l’impôt sur
les bénéfices des sociétés entre 2009 et 2015, ce qui représente 7 % des recettes fiscales
provenant du secteur extractif enregistrées pendant cette période43.
43. La lenteur des progrès réalisés dans le recouvrement des avoirs volés souligne la
nécessité d’accroître les capacités nationales et internationales afin d’en accélérer le rythme
dans le cadre de la Décennie d’action. À cet égard, la communauté internationale devrait
soutenir davantage les initiatives telles que l’initiative Stolen Asset Recovery
(recouvrement des avoirs volés) de la Banque mondiale et de l’ONUDC, qui visent à
donner des conseils pratiques sur la stratégie de recouvrement des avoirs et la gestion des
efforts qui y sont consacrés. Le caractère multilatéral des organisations à la tête de ce projet
en fait un cadre approprié de dialogue et de collaboration sur des cas précis qui impliquent
souvent différents pays, aussi bien développés qu’en développement.
44. Les organisations de la société civile, les dénonciateurs d’abus et les journalistes
d’investigation jouent un rôle essentiel dans la divulgation de l’ampleur des FFI et des
mécanismes qui les sous-tendent en Afrique et ailleurs. Au sein de cette chaîne d’acteurs,
42 Andersen Tax, Review of transfer pricing development in Africa: A study of key sub-Saharan African
countries (2019). Disponible à l’adresse : https://andersentax.ng/docs/review_
of_transfer_pricing_development_in_africa_10042019.pdf.
43 A. Redhead, Improving mining revenue collection: [United Republic of] Tanzania’s Mineral Audit
Agency, Natural Resource Charter Case Study (Natural Resource Governance Institute, 2017).
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49. L’examen des sources des FFI, figurant dans le rapport, illustre l’ampleur des
activités néfastes à l’environnement, telles que l’exploitation forestière illégale, la pêche
illégale, l’exploitation minière illégale et le trafic illégal de déchets. De même, comme il
ressort de l’analyse empirique réalisée dans le rapport, les externalités négatives provenant
du secteur extractif n’ont pas seulement des retombées sur d’autres secteurs comme
l’agriculture, mais touchent aussi les ressources en eau essentielles au niveau
communautaire. Cependant, les problèmes dus aux caractéristiques dominantes des
modèles économiques actuels de la transformation structurelle et les contraintes en matière
de données rendent difficile l’établissement de liens de causalité dans les modèles
économétriques sur les FFI et le développement durable.
50. Compte tenu de ces constatations, davantage de travaux de recherche devraient être
consacrés à l’intégration de la valeur des dommages environnementaux causés par les
sources prédominantes des flux illicites dans les initiatives en cours sur la mesure des FFI.
Ces efforts pourraient permettre aux gouvernements africains de renforcer l’argumentation
en faveur de l’établissement de passerelles dans les négociations sur la réduction des FFI et
l’appel au financement de l’action climatique.
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45 G. Ooms et R. Hammond, Financing global health through a global fund for health?, document 4 du
groupe de travail sur le financement (Chatham House, 2014).
46 A. Waris et L.A. Latif, « Towards establishing fiscal legitimacy through settled fiscal principles in
global health financing », Health Care Analysis: Journal of Health Philosophy and Policy (2015),
23(4):376–390.
47 Ibid.
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56. À cet égard, les pays africains pourraient échanger des tactiques de négociation sur
la manière de combiner de multiples objectifs avec d’autres pays du Sud. Cependant,
compte tenu de la divergence des intérêts économiques, il sera difficile d’obtenir un
consensus entre les pays sur la lutte contre les FFI mais il faudrait pleinement l’envisager.
57. À de nombreux points de vue, la lutte contre les flux financiers illicites est une
question d’éthique. Ces préoccupations éthiques sont prises en compte par tous les acteurs
participant à la lutte contre les FFI, y compris les entreprises multinationales. En Afrique,
l’importance de l’éthique transparaît dans le mécanisme africain d’examen par les pairs.
La méthode élaborée pour le mécanisme comprend comme domaine thématique la
gouvernance des entreprises et l’objectif de veiller à ce que les pratiques internes des
organisations respectent l’éthique, qui vise à s’attaquer à la corruption et aux flux illicites
de fonds48.
V. Conclusions
58. Le multilatéralisme a un rôle clair à jouer en atténuant les conséquences néfastes des
FFI et en encourageant la participation des pays africains à la gouvernance mondiale.
Les recommandations tirées de l’analyse exposée dans le rapport sont censées renforcer les
politiques adoptées pour lutter contre l’importance et l’impact des FFI. L’Afrique en
ressortirait plus forte et plus résiliente, et serait mieux à même de lutter contre la pandémie
actuelle de maladie à coronavirus et les problèmes à venir.
48 Commission de l’Union africaine, Domestic Resource Mobilization: Fighting Against Corruption and
Illicit Financial Flows (Addis-Abeba, 2019).
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