1935 LA SYRIE ROMAINE M. I. Rostovtzeff
1935 LA SYRIE ROMAINE M. I. Rostovtzeff
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LA SYRIE ROMAINE
II
La Syrie septentrionale a l'époque romaine
Je l'ai déjà noté, la Syrie septentrionale à l'époque hellénistique
étaitle noyaude l'Empire des Séleucides. La Cyrrhestique - avec les
-
citésde Cyrrhuset de Berœa,aujourd'huiAlep les régionsd'An-
tiocheet d'Apamée,de Laodicée,rivaled'Antioche,et de Séleucieen
Piérie,étaientpourles Anciensune secondeMacédoine,la Macédoine
asiatiquede l'Oronteet des Séleucides.Cetteidée était-ellejuste,nous
l'ignorons: elle a pour elle les nomsmacédonienset dynastiquesdes
villeset le fondgrecque conservala civilisationde toutela Syriesep-
tentrionalejusqu'au viie siècle après J.-C.Mais la périodehellénis-
tique a laissélà peu de vestiges: ils ontété bientôtdévoréspar l'essor
des tempsromainset byzantins.La pierreest moinsdurableque l'ar-
gile et les briques: toujoursutilisable,elle tenteles constructeurs et
passe d'un édificeà l'autre. Les architectes de l'ère romaine traitèrent
les monumentshellénistiquescommedes carrières ; les leurs furent
traitésde mêmeà l'époquebyzantine.Ces deux époques,richeset am-
bitieuses,ne se bornèrent pas à transformer, mais bâtirentdu neuf,
grattant les ornements et les inscriptions pour graverles leurs à la
place. Voilà pourquoi on trouve si peu d'édificesde l'époque hellénis-
tique ou proto-romaine en Syrie; voilà pourquoi,pour des milliers
d'inscriptions de date tardive,on n'en a que quelques dizaines des
débutsde la conquêteromaineet quelquesunitésde l'époque hellénis-
tique. Quelques templesfontexception: on préféraitconstruiredes
églises entièrement neuves, plutôt que de convertiren églises les
templespaïens.Aussivoit-onsouvent,en facede ruinesd'églises,des
ruinespresqueintactesde templespaïens.
Quoi qu'il en soit,la Syriehellénistique, mêmesa capitaleAntioche
sontpournous des énigmes.La richeproductionlittérairede l'hellé-
nismesyrien,qui ne s'étaitjamais distinguéepar ses qualités,n'a pas
survécu.Les fouillespratiquéesdans les ancienscentres,commeAn-
tiocheet Apamée,n'ontencoreriendonnéet,je le crains,ne donneront
jamais rienqui puissenous éclairersurl'ère hellénistique de leur his-
toire.
Nous n'en savonspas davantagede la Syrieproto-romaine. La lit-
tératureimpérialene s'y intéresseguère; la littérature locale, incon-
sistante,futéphémère.Peu de ruinesà la surface: Baalbek, quelques
templesde villages,des pontset des routes,quelquesmonuments funé-
14 M. I. ROSTOVTZEFF
III
Phénicie, Palestine, Liban et Antiliban, Transjordanie
Les grandescités phéniciennes de la côte : Arad, Byblos,Beryte,
Sidonet Tyr,ontdepuislongtemps perduleurcaractèrepurement phé-
nicien.Déjà avant Alexandre,des relationscommerciales ininterrom-
puesavec la Grèceavaienteu pourconséquences l'installationdans ces
villesde beaucoupde Grecset leurhellénisation : le vieuxpenchantde
l'Égéideversla Syriene s'étaitjamais démenti,il acquit une vigueur
nouvellesous la monarchieperse,surtoutdans les périodesd'affaiblis-
sementde l'élémentiranien,quand la tendanceuniversaliste prédomi-
nait sur la tendancenationaliste.L'époque hellénistiquene fut pas
particulièrement favorableà la Phénicie: sous les Ptolémées,ses villes
se trouvèrent incapablesde concurrencer Alexandrie; quant aux Sé-
leucides,ils préféraient
dirigerle commerce surleursportsdynastiques
IV
Syrie méridionale : Batanee, Auranitide et Trachonitide,
aujourd'hui Hauran, Djebel Druse et Led ja
A l'Est de la Decapóle,au Sud du territoire de Damas, s'étendun
pays vallonné et de
rocailleux,pays pierres noires et de noiresbâtisses,
le Hauranet le Djebel Druseactuelsavec leurprolongement, le Ledja
semi-désertique. Le Hauran et le Djebel Druse sont maintenant assez
biencultivéset relativement trèspeuplés.La plainede Deraa donnede
richesmoissons; les collinesrocheusesde la régionmontagneuse, pas-
sablementarrosées,sont couvertesde jardinset de vignes.De leurs
grappeson ne tirepas de vin : les habitantsn'en boiventpas et ne s'es-
timentpas en droitd'en fabriquer.Les innombrables pressoirsqu'on
rencontre, successeursde ceux de l'antiquité,serventà obtenirune
sortede pâte de jus de raisin.Aujourd'huicommesous les Turcs,le
centremilitaireet administratif est Soueida, ville en progrèsrapide.
Elle a pourrivaledans la vallée Deraa. Tout le resten'est que petits
villagesassez misérables.
Le Hauran et le Djebel Druse,commela Syrieseptentrionale, sont
un Eldoradopourles archéologueset les touristesamateursde ruines
intéressantes et romantiques.Les villagesactuelsse sontnichésdans
les vestigesspacieux,admirablement conservés, des anciennesvillesou
villages.Longtemps cetterégion futun quasi-désert, sans population
sédentaire. Depuisl'arrivéedes Drusesdu Liban,les chosesontchangé,
en mieuxpourle pays,en pis pourles savants.Les ruinesontservide
carrières aux nouveauxhorticulteurs, qui ne se gênentpas pour ren-
verserles monuments, malgré présencedes autoritésfrançaises.Ce
la
qui a contribuéencoreà ces destructions, c'estla dernièreinsurrection
des Druses,qui ontsauvagementanéantile curieuxmusée,alorsnais-
sant,de Soueida1.
1. On trouverade bellesreproductions desruinesdu Hauranet du Djebel
et descriptions
Drusedansles volumesde Brünnow-Domaszewski surla provincede l'Arabieet de Butler.
Plusieurs encorebienconservées,
ruinesqui existaient, lorsde leursvoyages,par exemple
cellesdeSia,nesontmaintenant qued'informes Unbeaucataloguedu musée
amasdepierres.
28 M. I. ROSTOVTZEFF
V
Villes de caravanes du désert de Syrie et Mésopotamie
II nousresteà direquelquesmotsde la régionqui reliaitla Syrieau
continent asiatiqueet lui servaiten mêmetempsde boucliercontreles
grands rivaux iraniensde Rome,d'abord les Parthes,puis les Sassa-
nides.
Depuisles tempsles plus reculés,la routedu Tigreet de l'Euphrate
fitcommuniquer PÉgéide et l'Egypte avec le mondesumérien,puis
assyro-babylonien et enfiniranien.Jene répéteraipas ce que j'en ai
déjà dit ailleurs(dans mes CaravanCities),II suffit de rappelerque la
routedu Tigreet de l'Euphrateavait plusieursdébouchéssurles côtes
de la merNoireet de la Méditerranée, en Asie Mineureet en Syrieet
Phénicie.Les caravanespouvaients'éloignerversle Nord,le longdes
deux fleuves,pouraboutir,commeautrefoisXénophon,à Trébizonde,
ou bien traverserle Taurus et continuervers les portsdu Sud et de
l'Ouestde l'Asie Mineure.Ces caravanes-làcontournaient le désertde
les
Syrie.D'autres,pour gagner ports de Phénicie ou de Syrie,quit-
taientplus tôtl'Euphrateet franchissaient le désertpar une des mul-
tiplespistesdontla directionétaitdéterminée par les oasis et les puits.
A la limitedu désert,ellestrouvaientdes villesantiquesdontles plus
florissantes étaient,depuis des tempstrès anciens,Hamath,aujour-
d'hui Hama, Émèse, aujourd'huiHoms, et surtoutDamas, dont le
nomn'a pas varié.
Sur le sortde ces villesaux époqueshellénistiqueet romaine,nous
n'avons que des renseignements épars et fragmentaires, qui ne per-
mettentpas de reconstituer leur histoire.C'étaienttoutesdes villes-
1. Voir mes CaravanCities,p. 120 et suiv.
Rev. Histor. CLXXV, 1er fasc. 3
34 M. I. ROSTOVTZEFF
avant et après J.-C.ne savaientpas plus lire que ceux de nos jours.
Enfin,à l'époque romaineaussi,les caravanesstationnaient dans ces
villes,y faisaient manger les chameaux et reposer les hommes et y
écoulaientune partde leursmarchandises.
Beaucoupplus orientaleétaitla physionomie des villesqui, comme
Édesseou Arbèles,obéissaientdepuisl'èrehellénistique à des dynastes
indigènes, devenus plus tard vassaux des Parthes. Quiconqueest fami-
lier avec l'histoiredes débutsdu christianisme connaîtle personnage
d'Abgar,correspondant légendairedu Christet premierchrétienhors
de la Palestine.Sous la dynastiedes Sévères,Rometentade ramener
cesvilles- Carrhae,Ëdesseet autres- désormaiscitésde la province
de Mésopotamie,à la vie urbainegrecque.Elles sont désignées,sur
leursmonnaieset dansles papiersdes administrateurs romains,comme
coloniesromaines.Leurs scheiksdisparaissent de l'horizon.Mais cette
tentativefutcourteet l'Orientrecouvritde sonvoileces citésqui jadis
avaientété grecques.
Les Bédouinsdu désertde Mésopotamie, commeceux du désertde
Syrie,avaientleurrégimeséculaire: les clans et la vie nomade.Ils ne
furentpas englobés,sauf de raresexceptions,dans le monderomain.
Pourtantquelques-uns,ceux qui habitaientl'oasis de Palmyreet ses
environs, participaientau traficdes caravaneset ce sonteux qui, avec
l'aide et sousl'influence étrangère,organisèrent la capitalede ce com-
merce,Palmyre,secondePétra. Les Arabes nomades(skénites)firent
de mêmede leur propreinitiativeen Mésopotamie,où leur centre,
Hatra, prit peu à peu l'allure d'une seconde Palmyre.Les ruines
de Hatra, que voulurentsoumettreet Trajan et Septime-Sévère,
se dressentencoreaujourd'huiau milieudu désert: oasis d'architec-
tureiranienneparmiles sables et les pierres,dignerivale de l'oasis
d'architecture grecque,Palmyre.Tant que vécut l'Empire parthe,
Hatra subsistaavec ses fortsretranchements et les hautessallesvoû-
téesde son palais de pierre.Mais, pour les Sassanides,elle était trop
indépendante : ils mirentun termeà sa courteexistence,de la même
façonque leur politiqueenversRomemitfinà l'existenceou du moins
à la prospérité de Palmyre.
Telle futla Syrieromaine.Sur bien des points,elle ressembleà la
Syried'aujourd'hui.Elle continuede jouer un certainrôledans la vie
mondiale,commesourcede pétrolepour l'Angleterreet la France,
commebouclierd'unecivilisationsemi-occidentale contreles Bédouins
de l'Arabieheureuse,commecoinenfoncéentreles deux grandesmoi-
tiés du mondemusulman,la turqueet l'arabe. Dans l'antiquité,son
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