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18 | 2011
Varia
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/echogeo/12640
DOI : 10.4000/echogeo.12640
ISSN : 1963-1197
Éditeur
Pôle de recherche pour l'organisation et la diffusion de l'information géographique (CNRS UMR 8586)
Référence électronique
Pascale Metzger et Robert D'Ercole, « Les risques en milieu urbain : éléments de réflexion », EchoGéo
[En ligne], 18 | 2011, mis en ligne le 06 décembre 2011, consulté le 01 août 2021. URL : http://
journals.openedition.org/echogeo/12640 ; DOI : https://doi.org/10.4000/echogeo.12640
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Les risques en milieu urbain : éléments de réflexion 1
1 L’objectif de ce texte est de contribuer au débat sur la question des risques, et plus
spécifiquement sur les risques en milieu urbain, en décalant un peu le questionnement
habituel. L’option prise est de souligner les problèmes conceptuels posés par l’approche
des risques, notamment en géographie. Il faut voir ce texte comme l’introduction à un
débat sur l’approche des risques par nos disciplines, principalement par la géographie,
qui en même temps ouvre quelques pistes de réflexion sur l’articulation des différentes
problématiques du risque dans les politiques publiques1.
2 De quoi parle t-on quand on parle de risques en milieu urbain ? Nous allons d’abord
parler des risques vus par le sens commun, en toute généralité, démarche nécessaire
dans le sens où cette façon d’introduire les risques interpelle la démarche scientifique.
Dans une deuxième étape, seront abordés les risques comme objet scientifique, c'est-à-
dire comment la démarche scientifique approche et construit cet objet particulier du
monde social. Chemin faisant, on abordera à plusieurs reprises les risques comme
objets de politiques publiques, et les risques impliqués directement ou indirectement
dans les politiques publiques. Mais c’est principalement le deuxième point qui sera
développé, autrement dit l’approche scientifique des risques.
3 Cette présentation essaie paradoxalement d’aborder la question des risques en toute
généralité, mais aussi dans toute sa complexité, dans ses liens avec les grands débats
qui agitent le monde, dans les articulations et distances entre les risques vus par le sens
commun et ceux étudiés par la géographie.
4 Les conséquences dévastatrices du séisme d’Haïti de 2010 ont fait la démonstration
magistrale de ce qu’est la vulnérabilité, de l’importance de la vulnérabilité dans les
risques, et de la dimension majeure de la pauvreté dans cette vulnérabilité. Aussi, les
politiques de prévention basées sur une conception étroite des risques principalement
basée sur l’aléa ne peuvent avoir qu’une efficacité très limitée. La prévention des
risques sismiques se situe largement hors du champ du risque sismique, dans le
développement social et économique, la démocratie et la justice, dans des politiques du
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Les risques en milieu urbain : éléments de réflexion 3
9 Dans le sens commun, le risque c’est aussi le jeu ou la prise de risque, entendue comme
moteur de l’économie libérale, mais cet aspect ne sera pas abordé.
10 On parle donc de risque à tout propos, à différentes échelles, du point de vue à la fois
individuel et social, ponctuel et territorial. Finalement, à bien y regarder, à chaque fois
qu’il est question de perdre quelque chose, on se trouve face à du risque. Les exemples
montrent que le risque implique beaucoup de choses, à la fois physiques et sociales, et
que ces choses « mises en jeu » dans le risque sont différentes en fonction du point de
vue social, territorial et de l’échelle.
11 Les questions environnementales ont, d’une certaine façon, donné un nouveau relief à
la problématique des risques, puisque toutes les inquiétudes environnementales
portent finalement sur l’existence de risques, leurs conséquences et la façon d’y faire
face. Risques sur la biodiversité, sur la santé humaine, sur la préservation d’espaces, sur
les ressources en eau, sur la qualité de l’air, l’épuisement des sols, les risques que
présentent les nouvelles technologies, les risques de changement climatique etc. Il y a
donc une parenté directe qui reste à expliciter et à formaliser entre la problématique
des risques et la problématique environnementale (Metzger, 1999). Cependant, les
inquiétudes environnementales introduisent incontestablement une nouvelle
dimension du risque en impliquant le temps de différentes manières (Ewald, 1997) : il y
a les risques d’aujourd’hui, mais fondamentalement, dans la question
environnementales, il y a les risques qui pèsent sur les générations futures ; il y a les
risques qui se matérialisent brutalement qu’on identifie assez clairement sous la forme
d’évènements possibles (une agression, une inondation…), mais aussi les risques qui se
construisent progressivement sur le temps long comme le changement climatique ou la
pollution de l’eau, des sols, etc.
12 La formalisation et la réponse à tous ces risques sont d’abord venues des philosophes,
avec des notions telles que le principe de responsabilité et le principe de précaution
(Habermas, 1973 ; Jonas, 1990). Ces notions font maintenant partie du vocabulaire
commun, elles sont entrées dans les discours habituels, dans le droit et les politiques
publiques, mais aussi dans l’espace public, du local à l’international (Gilbert, 1997).
Ainsi dans la sphère politique se discute, se débat, explicitement ou non, à travers la
problématique environnementale, la question des risques, de leur existence, de leurs
causes, de leurs conséquences et de la façon de les diminuer, de les éviter, d’y faire
face… L’incertitude portée par les « nouveaux risques » questionne la science
positiviste et renvoie à des systèmes de croyance (Godard, 1997 ; Godard, Henry,
Lagadec et Michel-Kerjan, 2002 ; Theys et Kalaora, 1992).
13 On voit immédiatement que les risques, puisqu’ils sont largement construits par un
point de vue social et territorial (ce que l’on peut perdre), se posent presque
systématiquement en terme de contradictions : contradictions entre différents risques,
qui traduisent et expriment des conflits d’intérêts, contradictions entre intérêt collectif
et intérêt individuel, contradictions entre groupes sociaux, entre territoires, entre
systèmes de valeurs (Borraz, 2005).
14 Pour reprendre quelques exemples rapides, le syndrome Nimby (Not In My Back Yard)
exprime le conflit entre intérêt individuel et intérêt collectif, mais aussi et plus
certainement, entre lieux qui sont susceptibles de supporter le risque, entre types de
risque, entre d’une part le risque collectif, diffus et plus ou moins lointain de la
pollution de l’eau et des sols en l’absence de traitement des eaux usées par exemple et
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d’autre part les nuisances et risques immédiats et localisés liés à la présence des
stations d’épurations.
15 Les risques expriment donc aussi des conflits entre territoires et entre échelles de
territoire. Ainsi, l’urbanisation de secteurs considérés comme dangereux, modalité
habituelle d’accès au sol urbain des populations les plus pauvres des villes du Sud en
l’absence de politique du logement, va augmenter les risques, la déforestation étant
susceptible d’augmenter le ruissellement et de déstabiliser des terrains, d’où les risques
d’inondation ou de glissement de terrain en aval (Chaline et Dubois Maury, 1994).
16 L’exemple d’AZF2, emblématique des risques technologiques, montre clairement que les
risques posés par cette usine sont de plusieurs ordres, différents en fonction des
positions sociales, acteurs impliqués, échelles concernées : on voit distinctement
s’opposer le risque à l’échelle de l’individu de perdre son emploi et celui, à l’échelle de
la ville, de perdre une activité économique majeure, au risque local de perdre la vie, la
santé, son logement, dans une explosion.
17 Autre exemple d’opposition entre risques qui se situent sur différents plans, à
différentes échelles spatiales ou de temps, le risque alimentaire ou sanitaire s’oppose
souvent au risque de contamination par les pesticides : pour lutter contre le risque
alimentaire ou sanitaire, on va répandre des pesticides qui vont provoquer un autre
type de risque sur une autre échelle de temps. De la même façon, le risque nucléaire va
entrer en contradiction avec le risque de réchauffement climatique, les choix opérés
déplaçant à la fois le type de risques, de territoires et de populations concernées…
L’énergie nucléaire qui était perçue comme un risque majeur dans les années 70-80
devient une solution dans les années 2000.
18 On voit ainsi que faire face à ces risques renvoie à des formulations variées qui
appellent des réponses àdifférentes échelles : des comportements individuels, des
stratégies collectives, des politiques urbaines, des politiques publiques nationales, des
actions internationales … Ainsi, la gestion des risques correspond bien à un arbitrage
entre différents types de risques (Dourlens & Vidal Naquet, 1992 ; Barraqué, 1994).
19 Globalement les risques renvoient à l’insécurité (sociale, sanitaire, économique,
politique, physique). En face des risques, dans le sens commun, on a la sécurité et tout
système d’assurance, qu’il soit individuel ou collectif. Donc on a aussi l’Etat, garant de
la sécurité des citoyens, et toutes les politiques d’assistance, la sécurité sociale,
l’assurance chômage en plus des politiques explicites de prévention des risques (Borraz,
2008). Mais on voit aussi dans la question des risques se profiler les politiques
économiques. Par exemple, le développement de cultures d’exportation destinées avant
tout à produire des devises voit s’opposer un risque économique ou financier à l’échelle
nationale, voire internationale, à des risques sociaux ou environnementaux à une
échelle beaucoup plus locale dans les territoires transformés en zone de monoculture.
Autre exemple, en écho à ce qui a été dit précédemment, le choix du nucléaire dans le
cadre d’une politique nationale d’indépendance énergétique va concrètement et
localement avoir des implications en termes de risque.
20 Ainsi des politiques très lointaines par rapport à la problématique du risque, des
politiques nationales qui apparemment n’ont rien à voir avec le risque, et en tout cas
sont rarement prises en compte dans l’analyse des risques, vont de fait arbitrer entre
des types de risques, entre des temps du risque, entre les lieux du risque (Pigeon, 2005 ;
Gilbert, 2007 ; Cartier, Vinet, Gaillard, 2009).
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21 Ce panorama du sens commun des risques met en évidence la diversité des risques et
montre que la question des échelles et du point de vue territorial et social joue un rôle
dans ce qui fait le risque, dans ce qu’est le risque, dans ce que sont les politiques
publiques, qu’elles soient ou non affichées comme politiques de gestion du risque. Le
risque est donc bien une affaire de géographes et de sciences sociales. Il s’agit aussi
d’insister sur le fait que derrière la formulation de l’existence de risques il y a
nécessairement des conflits, des intérêts contradictoires, et derrière les politiques
publiques, il y a souvent, implicitement, des arbitrages entre risques, qui opèrent un
déplacement social ou spatial ou temporel du risque. Il s’agit donc bien à la fois d’un
problème politique, et d’un objet de politiques publiques (Borraz, 2008). Ainsi ce qui fait
les risques dans une société, ce qui aboutit à des risques très concrets sur un territoire,
a des racines très profondes qui peuvent se situer très loin du territoire concerné, dans
de lointaines politiques publiques, dans des décisions et des choix qui se jouent ailleurs
et sur un tout autre registre. Tous ces éléments laissent entrevoir les problèmes posés
par la gestion démocratique des risques, par la gouvernance des risques pour reprendre
un terme à la mode.
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27 Pour les risques environnementaux, la situation est moins claire : on a surtout des
approches dans lesquels l’environnement (le milieu dans lequel on vit) devient un
risque, du fait par exemple de la pollution de l’eau, des sols, de l’air, ou la déforestation.
On serait donc dans le risque défini par la cause, découpé par les objets des disciplines ;
mais on pourrait également considérer que c’est l’environnement qui est au cœur des
risques environnementaux, qu’il s’agit de préserver l’environnement, auquel cas les
risques environnementaux seraient tous les risques qui pèsent sur l’environnement.
28 Ce découpage du champ des risques renvoie le plus souvent à des disciplines des
sciences de la terre, en particulier pour tout ce qui concerne les risques d’origine
naturelle qui sont les risques les plus souvent abordés par la géographie. C’est
essentiellement l’approche scientifique des risques d’origine naturelle dont il sera
question ici.
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plupart des analyses, l’aléa va non seulement orienter, déterminer toute la démarche,
mais également délimiter l’espace qui est pertinent pour l’analyse du risque.
33 La logique générale initiale de cette approche « aléa x vulnérabilité » exprime l’idée
qu’on a d’un coté un aléa actif, qui agit, qui fait le risque, qui produit des dommages, de
la destruction, et de l’autre une vulnérabilité qui renvoie aux conséquences de l’aléa sur
des éléments passifs. L'aléa se définit donc par une probabilité d’occurrence et une
intensité d’un phénomène dommageable, et la vulnérabilité par l’estimation des
dommages sur des supports passifs, les conséquences.
34 Malgré les controverses et évolutions autour de la notion de risque, le paradigme
risque = aléa x vulnérabilité et la primauté de l’aléa restent au fondement de la très
grande majorité des recherches (Gilbert, 2009). Ce paradigme continue à être
amplement diffusé et solidifié par les méthodes d’élaboration des plans et politiques de
prévention des risques, ancrant ainsi cette approche dans un large consensus
technique. Il est également repris et reproduit dans la formulation des programmes de
recherche scientifique.
35 L’évolution de la notion de risque principalement par l’évolution de la notion de
vulnérabilité s’est faite sans remettre en cause le paradigme, ce qui met en évidence
des problèmes conceptuels de fond :
• l’évolution de la notion de vulnérabilité vers la prise en compte d’une dimension plus active
a fait perdre toute cohérence au paradigme « aléa x vulnérabilité »
• dans le paradigme « aléa x vulnérabilité », l’aléa et la vulnérabilité ne sont pas indépendants
• en milieu urbain notamment, l’aléa est incontestablement anthropisé
• la question de « ce qu’on peut perdre » qui est nécessairement centrale dans le risque n’a pas
de statut conceptuel dans le paradigme, même si la question posée par les « éléments
exposés » ou des « enjeux exposés » est de plus en plus présente.
36 Reprenons les différentes notions les unes après les autres.
Aléa
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discuté, alors qu’en parallèle la vulnérabilité peine à être définie clairement, et fait
l’objet de beaucoup de discussions, d’analyses, de propositions conceptuelles et
méthodologiques. (Pigeon, 2005 ; Becerra et Pelletier, 2009).
Vulnérabilité
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Enjeux
46 Comme cela a été souligné plus haut, la question de « ce qu’on peut perdre » est
nécessairement centrale dans le risque, si ce n’est dans l’approche scientifique, tout sûr
dans le sens commun. Si on n’a rien à perdre, il n’y a pas de risque. On peut en toute
simplicité dire que le risque c’est la possibilité de perdre ce à quoi on accorde de
l’importance. Or « ce que l’on peut perdre » n’a pas de statut conceptuel dans le
paradigme « aléa x vulnérabilité ».
47 Le défi est donc de rendre une cohérence à la fois conceptuelle et opérationnelle à la
notion de risque. C’est aussi de considérer « ce qu’on peut perdre », c'est-à-dire l’enjeu
comme un objet autonome dans la problématique des risques, de le dégager des notions
d’aléa et de vulnérabilité qui structurent le concept pour dissocier clairement ce qu’on
peut perdre (les enjeux) de ce qui peut provoquer leur perte (la vulnérabilité).
48 La proposition que nous avons faite dans nos travaux à Quito (D’Ercole et Metzger,
2002, 2004, 2005) et qui sert d’assise conceptuelle au programme PACIVUR (D’Ercole et
al., 2009), est de donner aux « enjeux », c'est-à-dire à « ce que l’on risque de perdre »,
un véritable statut conceptuel, à hauteur de leur importance dans ce qui fait le risque,
et à coté de la vulnérabilité. De cette façon, la recherche sur les risques peut détacher
son regard focalisé sur la « menace », c'est-à-dire sur « l’aléa », pour regarder de près et
prendre au sérieux « ce qu’on risque de perdre ». C’est ensuite, dans un second temps,
que l’on peut analyser comment et pourquoi on peut « perdre » ces éléments, c'est-à-
dire ce qui fait leur vulnérabilité.
49 Et dans ce « pourquoi et comment on risque de perdre quelque chose d’important » on
a bien évidemment l’exposition aux aléas. Mais on a aussi d’autres choses. On se
retrouve donc avec un risque qui ne se décompose plus entre aléa et vulnérabilité mais
entre enjeux (à défaut d’autre terme) et vulnérabilité, la vulnérabilité comprenant
l’exposition aux aléas.
50 On ouvre ainsi la possibilité de comprendre les risques sans aléas, ou comportant des
aléas non identifiés. On se donne aussi les moyens d’analyser conjointement tous les
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Transmission de vulnérabilité
53 On peut remarquer que dans la problématique des risques, les principaux objets et
concepts circulent d’un statut à l’autre. L’aléa peut surgir d’une vulnérabilité, ce qui est
vulnérabilité, vu d’un endroit, est aléa d’un autre point de vue, ce qui est enjeu est aléa,
ce qui est aléa est vulnérabilité. La vulnérabilité d’un élément, d’un territoire fait la
vulnérabilité d’un autre élément ou territoire, selon des circuits difficiles à
reconstituer, tant cette circulation des objets du risque est intégrée aux systèmes
sociaux et urbains (Lagadec, 2003 ; Michel-Kerjan, 2003 ; Offner, 2000 ; Gleyze et
Reghazza, 2007). La vulnérabilité circule, se déplace, se transmet, en empruntant tous
les liens possibles, matériels et immatériels entre objets matériels et immatériels…
(Metzger et D’Ercole, 2009). Cette constatation permet de rendre compte de
l’implication du « point de vue » dans la problématique des risques. On se trouve face à
de la vraie complexité qui met sur la touche les approches trop étroitement
déterministes. Le défi est d’ordonner tous ces éléments, de forger des concepts capables
d’englober cette complexité, d’appréhender cette réalité, pour pouvoir agir et réduire
la vulnérabilité des sociétés.
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font appel aux sciences sociales, afin de « prendre en compte la dimension sociale des
risques ». C’est une première étape.
55 Depuis la controverse entre Voltaire et Rousseau au XVIIIe siècle à propos du séisme de
Lisbonne, depuis les travaux de U. Beck (2001) et l’ouvrage de Fabiani et Theys (1987)
pour rester dans l’approche scientifique, au-delà de la dimension sociale du risque, c’est
la construction sociale du risque qui reste à formaliser, à démontrer. Et cela ne pourra
se faire que par la construction de concepts opératoires capables de rendre compte du
réel, du monde social, et capable du coup de permettre une action efficace.
56 Les concepts ne sont pas des bulles pour complaire aux scientifiques, des mots qui
flottent au dessus de la réalité. Ils agissent sur cette réalité parce qu’ils traduisent une
compréhension du monde, expriment une formalisation et une compréhension des
problèmes qui se posent à la société, qui permettent d’avoir prise sur les processus. La
conception actuelle des risques en est la démonstration flagrante : la primauté de l’aléa
dans cette conception impose objectivement une limitation à la compréhension des
risques, et constitue de ce fait, une limitation de la capacité des politiques et actions
publiques à diminuer la vulnérabilité des sociétés et des territoires.
57 Parallèlement, il faut bien le dire, les recherches en sciences sociales sur les risques ne
sont pas à la hauteur des enjeux. Les sciences sociales manquent de stratégie
conceptuelle. Généralement, elles ne cherchent pas à se dégager de la primauté de
l’aléa, tant celui-ci est « évident ». Les sciences de la terre sont en quelques sortes
propriétaires de la problématique des risques d’origine naturelle. Les sciences sociales,
dans la plupart des cas, construisent leurs problématiques à partir d’un aléa, les
géographes prennent généralement pour objet les espaces délimités par les processus
physiques, tels que compris par les sciences de la terre. L’objet risque des sciences
sociales, en particulier en ce qui concerne les risques d’origine naturelle, est construit à
partir des objets des sciences de la terre… il n’y a pas autonomie des problématiques
sociales du risque, et c’est un problème de fond dans l’approche des risques, en
particulier pour les risques d’origine naturelle en milieu urbain, et c’est aussi, selon
nous, un problème de fond dans la légitimité de l’apport des sciences sociales à cette
problématique.
58 Le défi pour les sciences sociales est de se distancier par rapport à l’aléa sans pour
autant le reléguer comme quantité négligeable, ce qui aurait pour conséquence de
marginaliser, voire de décrédibiliser, les sciences sociales auprès des acteurs des
politiques de prévention des risques. C’est la tentative qui a été faite en proposant de
définir le risque à partir des deux notions d’enjeux et de vulnérabilité. Dans ce cadre les
« enjeux » sont définis en dehors de toute référence à l’aléa, par rapport à un territoire.
Dans cette approche, l’exposition aux aléas est considérée comme une dimension de la
vulnérabilité, parmi de nombreuses autres.
59 Il reste à réfléchir de plus près également, et dans les mêmes termes, c'est-à-dire en
questionnant les concepts et leurs implications sociales, à la gouvernance des risques, à
ce que recouvre la notion d’acceptabilité sociale des risques, aux liens entre
environnement et risques, entre vulnérabilité et développement.
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Pelling M., 2003. The Vulnerabilities of cities: Natural disasters and social resilience. Londres,
Earthscan, 256 p.
Pigeon P., 2005. Géographie critique des risques. Paris, Economica, Anthropos, 218 p.
Pigeon P., 2003. L’intérêt du risque pour l’enseignement de la géographie. In Moriniaux V., Les
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Pigeon P., D'Ercole R., 1999. L’expertise internationale des risques dits naturels : intérêt
géographique. Annales de Géographie, vol. 108 (608), p. 339-357.
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Theys J., Kaloara B. (dir.), 1992. La Terre outragée. Les experts sont formels ! Autrement, 270 p.
Thouret J.-C. et al., 1994. Les phénomènes naturels créateurs de dommages : diagnostic,
inventaire et typologie. Revue de Géographie Alpine, 82(4), p. 17-25.
NOTES
1. Les réflexions exposées ici sont alimentées tant par la bibliographie que par les recherches
menées sur la vulnérabilité urbaine à Quito, à Lima et à La Paz ans le cadre du programme
Pacivur (Programme andin de recherche et de formation sur la vulnérabilité urbaine), et du
programme antérieur de recherche mené à Quito sous l’intitulé « Système d’information et
risques dans le District Métropolitain de Quito ». Pour plus de détails, voir nos travaux, en
particulier : Los lugares esenciales del Distrito Metropolitano de Quito (2002) ; La vulnerabilidad
del Distrito Metropolitano de Quito (2004) ; Repenser le concept de risque pour une gestion
préventive du territoire (2005) ; Enjeux territoriaux et vulnérabilité, une approche opérationnelle
(2009) ; La vulnérabilité territoriale : une nouvelle approche des risques en milieu urbain (2009).
2. Accident technologique majeur survenu à Toulouse en septembre 2001.
3. Voir en particulier les ouvrages de synthèse portant sur les risques : Dauphiné, 2001 ;
Moriniaux, 2003 ; Veyret, 2003 ; Pigeon, 2005.
RÉSUMÉS
L’objectif de ce texte est de contribuer au débat sur la question des risques en milieu urbain, en
reprenant les différentes manières d’aborder cette question, et en soulignant les problèmes
conceptuels posés par l’approche des risques par les sciences sociales, notamment en géographie.
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Les risques en milieu urbain : éléments de réflexion 15
Le texte tente de présenter les multiples points de vue et dimensions du risque, discute les
différentes notions qui entrent dans sa définition, et argumente sur la nécessité de prendre en
compte « ce qu’on risque de perdre » dans la définition du risque, ce qui renvoie d’une part à la
construction sociale du risque, d’autre part à l’arbitrage entre risques opéré par les politiques
publiques. Il insiste sur la nécessité pour les sciences sociales et la géographie de construire un
concept dégagé de la primauté de l’aléa.
This text is a contribution to the debate on the question of the risks in urban zones. It exposes
the various approaches of this question, and focuses on the conceptual problems put by the
definition of the risks by the social sciences, in particular by the geography. The text exposes the
multiple points of view and dimensions of the risk. It discusses the different notions which enter
in its definition, and argues about the necessity of taking into account " what we can lose " in the
definition of the risk. That position sends back on one hand to the social construction of the risk,
on the other hand to the choice between the risks operated by the public policies. The text insists
on the necessity for the social sciences and the geography to build a concept cleared of the
superiority of the hazard.
El objetivo del texto es contribuir al debate sobre la cuestión de los riesgos en medio urbano,
exponiendo las diferentes maneras de encarar esta cuestión y señalando los problemas
conceptuales planteados por el enfoque de los riesgos en las ciencias sociales, en particular en la
geografía. El texto presenta los múltiples puntos de vista y dimensiones del riesgo, cuestiona las
nociones que entran en su definición y discute la necesidad de considerar “lo que se puede
perder” en la definición del riesgo. Este planteamiento remite por un lado a la construcción social
de los riesgos, por otro al arbitraje operado entre los riesgos por las políticas públicas. El texto
insiste en la necesidad para las ciencias sociales y la geografía de construir un concepto soltado
de la preeminencia del peligro.
INDEX
Mots-clés : risque, vulnérabilité, concept, politiques publiques, enjeux, sciences sociales,
géographie
Palabras claves : riesgo, vulnerabilidad, concepto, políticas públicas, elementos esenciales,
ciencias sociales, geografía
Keywords : risk, vulnerability, concept, public policies, stakes, social sciences, geography
AUTEURS
PASCALE METZGER
Pascale Metzger est chargée de recherches à l'IRD (programme PACIVUR – programme andin de
formation et de recherche sur la vulnérabilité et les risques en milieu urbain) et membre de
l'UMR Prodig. [email protected]. Elle a publié récemment :
- Metzger P., Couret D. et collectif Urbi, 2010. Vulnérabilité et pauvreté en milieu urbain.
Réflexions à partir des villes du sud. In Coutard O. et Lévy J.-P. (dir), Ecologies Urbaines, Editions
Economica, Anthropos, Collection Villes, p. 239-257.
- D’Ercole R. Metzger P., 2010. Différentiation spatiales et sociales, représentations et gestion du
risque volcanique à Quito. In Coanus T., Comby J., Duchène F., Martinais E., Risques et territoires.
Interroger et comprendre la dimension locale de quelques risques contemporains, Ed. Lavoisier,
Collection Sciences du risque et du danger, série Références. p 193-206.
EchoGéo, 18 | 2011
Les risques en milieu urbain : éléments de réflexion 16
- D'Ercole R., Hardy S., Metzger P., Robert J., 2009. Vulnérabilités urbaines dans les pays andins :
introduction générale. In : D'Ercole R. (ed.), Hardy S. (ed.), Metzger P. (ed.), Robert J. (ed.),
Vulnerabilidades urbanas en los países andinos (Bolivia, Ecuador, Peru). Bulletin de l'Institut Français
d'Etudes Andines, 38 (3), p. 411-420.
http://www.ifeanet.org/publicaciones/detvol.php?codigo=456
ROBERT D'ERCOLE
Robert d'Ercole est directeur de recherches à l'Ird (programme PACIVUR – programme andin de
formation et de recherche sur la vulnérabilité et les risques en milieu urbain) et membre de
l'UMR Prodig. [email protected]. Il a publié récemment :
- D’Ercole R. Metzger P., 2010. Différentiation spatiales et sociales, représentations et gestion du
risque volcanique à Quito. In Coanus T., Comby J., Duchène F., Martinais E., Risques et territoires.
Interroger et comprendre la dimension locale de quelques risques contemporains, Ed. Lavoisier,
Collection Sciences du risque et du danger, série Références. p 193-206.
- D'Ercole R., Hardy S., Metzger P., Robert J., 2009. Vulnérabilités urbaines dans les pays andins :
introduction générale. In : D'Ercole R. (ed.), Hardy S. (ed.), Metzger P. (ed.), Robert J. (ed.),
Vulnerabilidades urbanas en los países andinos (Bolivia, Ecuador, Peru). Bulletin de l'Institut Français
d'Etudes Andines, 38 (3), p. 411-420.
http://www.ifeanet.org/publicaciones/detvol.php?codigo=456
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