Cheikh Abdoul Ahad, Le Maitrer D'oeuvre

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Cheikh Abdoul Ahad, le maître d’œuvre du projet de société de Cheikh Ahmadou Bamba

Dans les années soixante, la soif de liberté des peuples soumis à l’asservissement, avait fini
par aboutir à l’indépendance. Cependant l’on a remarqué que le civilisationnel et le culturel
ont répondu absent lors de ce rendez-vous des indépendances. Le modèle occidental avec son
lot de méfaits demeurait toujours présent à travers les comportements et modes de vie. De ce
fait une réplique identitaire et culturelle devenaient indispensable. C’est dans ces
circonstances que Serigne Abdoul Ahad accéda au plus haut rang de la magistrature suprême
de la mouridiyyah, le 06 aout 1968 en succédant à son frère ainé et très proche Cheikh
Muhammadul Fadhal Mbacké (1888-1968). Ainsi la mission de Serigne Abdoul Ahad fut de
redresser la société et de la mettre sur les rails du droit chemin. Pour réussir ce challenge
majestueux, il fit le projet de société humaniste de son patriarche, le miroir de ses actions
concernant la ville de Touba dont il est le fervent et dévoué protecteur contre les menaces
extérieures. Durant toute sa vie, ce conservateur s’engagea avec rigueur à matérialiser les
vœux formulés par son illustre père dans Matlabul Fawzeyni (La quête du bonheur des deux
mondes). Ainsi mit-il à exécution les visions idéalisatrices du Cheikh. Ce dernier plaça sa
confiance au Seigneur des trônes, et fit ce témoignage : « à toi je confie les soins de ma
propre garde et de la prise en charge de ma religion, des miens, de mes fils, de ma demeure,
la cité bénite de Touba et ce, à jamais ». En appréciant l’immense œuvre de Serigne Abdoul
Ahad, l’on s’apercevra qu’il a donné une forme de vie aux volontés de son patriarche, en
consacrant toute sa vie à lui servir dignement à travers l’Islam, sa famille, ses disciples et sa
précieuse ville de Touba. Ce vaillant travailleur a, par son courage extrême, rehaussé le
drapeau de l’Islam. Muni d’une vêture exemplaire, “Baye Lahad” symbolisant son identité
infaillible et sa pureté, il a trempé dans les eaux de la transparence avec abnégation et
persévérance. Le commun des mourides se souviendra toujours de ce preux manager de la
communauté, dépositaire des vertus louées par le Seigneur des cieux et de la terre, comme
étant celui qui a fait de Touba, un sanctuaire de droiture. Il déploya toute son énergie à
balayer de Touba toutes formes de pratiques en déphasage avec les principes de l’Islam et de
l’orthodoxie mouride. Du coup il introduisit une vague de nouvelles mesures dans la
perspective de lutter contre toutes pratiques nébuleuses brouillant les ondes prodromiques du
message divin. Dans cette période de l’historiographie mouride, Touba fut le centre de
prédilection des orateurs publics, dansant aux rythmes des rituels folkloriques au rebours des
préceptes de l’Isam, caricaturant l’authenticité du message de Cheikh Ahmadou Bamba. Ces
prêcheurs sophistiques appelés « diiwaan kat », enchevêtraient l’intellect des disciples «
Talibés », en leur racontant des histoires sournoises dignes des contes et des légendes dans
l’unique but de toucher les cordes sensibles pour ensuite leur soutirer des sous. Ils profitaient
du comportement candide de certains de leurs auditoires, assimilables à des moutons de
panurges. Aujourd’hui, ces rhéteurs (diiwaan kat) continuent d’exister et d’exploiter la
crédulité des disciples sous de nouvelles formes adaptées à l’ère de l’audiovisuelle et des
réseaux de communications modernes. Par rapport à ce dispositif de conduite, Serigne
Abdoul Ahad adressa au Procureur de la République de première instance de Diourbel (le 18
septembre 1980), une lettre approuvée et signée par l’ensemble des fils de Cheikh Ahmadou
Bamba vivants de l’époque. Dans cette correspondance, il dénonce les pratiques contraires
aux principes défendus par le fondateur de la ville de Touba. Ainsi il notifie au Procureur,
l’interdiction sur l’étendue de la ville de Touba : « vente, consommation de boissons
alcoolisées et ivresse (publique et en clandestin), vente, détention et usage de drogues,
notamment, yamba (publique et clandestin), jeux de hasard et loteries, vols et recels, tam-
tam, musique de danse et manifestation folkloriques, et enfin, tout ce qui, en dehors de ces
faits, est également, contraire aux principes de l’Islam ». Cette mesure consiste à nettoyer les
écuries d’Augias, c'est-à-dire, à apporter un bloc de réformes radicales qui vont apporter un
vent de changement de paradigme dans nos pratiques et coutumes quotidiennes. Toutes ces
prohibitions prônées par Serigne Abdoul Ahad conviennent parfaitement avec ces vers de
Matlaoul Fawzeyni où le Cheikh fit des exhortations aux Créateur, : « Fais de ma demeure la
cité bénite de Touba, le bastion de l’obéissance à Allah et du respect de la coutume sacrée de
l’Envoyé(PSL) pour toujours, et non le parterre des innovations blâmables[…]Préserve ma
demeure la cité bénite de Touba, des crapuleux et de leurs machinations[…]Fais de ma
demeure la cité bénite de Touba, un sanctuaire de rédemption, une cité de droiture, une
source de connaissance et un pôle de l’agrément d’Allah ». L’on ne disconvient pas que
Serigne Abdoul Ahad, à travers ses chefs d’œuvres, ait donné une apparence réelle aux vœux
de son Patriarche. Sa clairvoyance a fait de Touba un symbole de droiture. Cette entreprise de
redressement amorcée par le troisième khalif général des mourides n’est que la partie visible
de l’iceberg. Il se fixa d’autres priorités novatrices dignes des grands esprits qui ont laissé
leurs empreintes indélébiles dans les annales de l’histoire. Au-delà de ces mesures
prohibitives, il a perpétué les visions de Cheikh Ahmadou Bamba et a conservé son héritage
culturel et cultuel. Les centres d’intérêts du Cheikh, furent ses domaines de prédilection : la
ville de Touba, les disciples et le Coran. Ainsi en termes d’infrastructures, l’autoroute reliant
l’axe Touba-Mbacké porte sa marque de fabrique. Celle-ci fut éclairée à l’époque par une
batterie de lampadaire de haute qualité. Toujours dans cette logique, plus de 120 000
parcelles ont été viabilisées et attribuées à titre gratuite. Concernant l’approvisionnement en
Eau, 12 nouveaux forages ont été construits sous son magistère, ainsi que la rénovation du
puits de miséricorde « Aïnou Rahmati ». Celle-ci disposait d’une nouvelle pompe très
puissante d’un débit de 30k /heure avec la capacité d’alimenter un château d’eau de 50
000m3. Ces travaux hydrauliques furent un vœu formulé par Cheikh Ahmadou Bamba dans
Matlabul Fawzeyni, : « Favorise les habitants de Touba d’un bienfait en eau abondante,
ruisselante et qui court à l’instar d’un ruisseau ». De ce fait Serigne Abdoul Ahad avec ses
constructions de forages et de rénovations du puits de miséricorde, donna une forme
matérielle aux désirs du Cheikh. Par ailleurs, toujours dans cette logique de réalisations, le
Serviteur de l’Élu (saws) souhaitait que sa Grande Mosquée soit spacieuse. Ainsi il fit cette
prière à l’époque où il fut exilé dans la forêt de Mayombé, au moment où il calligraphie le
poème « Radîtu anil Mawlâ ». Aprés ses prières routinières sur le Prophète (saws) et ses
compagnons, il émit une requête au Seigneur: « Par la grâce de l’élu, fais de ma mosquée
(qui vient d’être detruite), une surface étendue.» Cette prière agréée, avec la construction de
la mosquée de Diourbel et la grande mosquée de Touba, sera matérialisée sous le magistère
de Serigne Abdoul Ahad. Ce visionnaire clairvoyant va ébaucher des travaux d’extension de
la grande Mosquée de Touba, avec une somme faramineuse à l’époque, s’élevant à hauteur
d’1milliard et demi. Ces travaux de réaménagement vont doter à ce sublime joyau au cœur de
la ville de Touba une énorme capacité d’accueil, pouvant recueillir plus de 1200 personnes.
Ajouté à cela, il entreprit de lui construire une bibliothèque à l’est de la Grande Mosquée,
symbolisant ces dires du Cheikh: « Mon trésor est le livre d’Allah, les hadiths (coutumes du
Prophète psl) et les bonnes mœurs et non un amas d’argent ou de l’or ». Cette architecture
est destinée à conserver le patrimoine livresque du Fondateur de la Mouridiyyah, et a été
équipée d’une imprimante ultra sophistiquée à cette époque. Le coût total de la construction
de cet édifice s’élève à 225millions FCFA, contenant plus de 80 000 Diwaan Khassaides,
plus de 60 000 exemplaires du Saint Coran, ainsi qu’une importante quantité de livres de
valeurs, estimées à hauteur de 35000 volumes d’une somme de 90millions FCFA. Ce
bâtisseur hors norme fut magnifié par ses visions claires et justes, projetées à long terme. Son
esprit clairvoyant dépassait son temps. Son ultime et dernier projet architectural avant de
rejoindre son vénéré père au Paradis céleste en juin 1989, fut de bâtir une université ultra
moderne dans la citadelle du savoir (Touba). Avant de quitter ce bas monde, il a mis dans ce
projet plus de 200millions de nos francs. Cet ébauche devrait refléter ce vers extrait de
Matlaboul Fawzeyni: « Fais de ma demeure la cité bénite de Touba, une cité de
perfectionnement et de redressement, un centre d’enseignement et d’instruction approfondie
». De ce fait Serigne Abdoul Ahad ambitionna de faire de Touba une centre educative et de
formation de valeureux hommes accomplis au sens religieux et spirituel, dotés d’un sens de
l’humain, ainsi qu’une mégapole de la connaissance, une cité de savoir, une agora pour les
grands esprits de notre temps. 30 ans plus tard, ce projet d’une grande envergure sera
réhabilité et achevé sous l’autorité et l’engagement de Serigne Mountakha Mbacké, actuel
Khalif general des mourides. Qu’Allah lui accorde une longue vie et une bonne santé et lui
accompagne dans ses projets pour la ummah islamique particulièrement pour la communauté
mouride.
[email protected]

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