T Burkhardt Et La Conception de L'art Dans L Islam

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Ecole Nationale d’Architecture - Marrakech

Histoire et théorie de l’Architecture


Année 2022-203

Enseignant : Rachid EL HOUDA


Titus Burckhardt et le sens de la Beauté
• par Jean-Louis Michon
• * Auteur d’études sur le soufisme et expert du patrimoine culturel auprès de
l’UNESCO – Genève – Suisse
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• Que soient remerciés et récompensés ceux qui ont eu l’idée -et l’ont
concrétisée- de nous réunir ici, à Marrakech, en cette saison de printemps,
pour rendre hommage à Sidi Ibrahîm Titus Burckhardt (2), à ce grand
homme parmi les plus humbles, à sa personnalité rayonnante, à son
intelligence pénétrante, à sa vision des réalités profondes sous-jacentes
aux choses et aux formes extérieures ; ceux qui nous ont réunis pour nous
remémorer ce qu’il a apporté en fait de science, d’art, de philosophie et
de sagesse et, peut-être, pour nous inciter à poursuivre une œuvre de
conservation et de revivification de valeurs concrètes, comme le
patrimoine architectural et l’artisanat traditionnel, qui sont des parties
intégrantes de la civilisation islamique et de la vie de la Umma.
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• En cherchant à présenter la relation intime qui s’est nouée entre T.
Burckhardt et le Maroc, je me suis chargé d’une tâche à la fois
agréable et difficile. Agréable, parce qu’elle me ramène à plus de
vingt-cinq ans en arrière, aux années 1972 à 1977 durant lesquelles
j’ai eu le privilège de me trouver en contact quasi permanent avec T.
Burckhardt pour les actions de protection du patrimoine culturel qui
nous avaient été confiées par le gouvernement marocain et
l’UNESCO. Et difficile, parce qu’il me faut puiser dans un immense
trésor de connaissances, de réflexions et de pertinentes observations
pour tenter d’en présenter un tableau qui, nécessairement, laissera dans
l’ombre un grand nombre de précieux enseignements.
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• A l’avance donc, je demande votre indulgence pour les insuffisances et les
lacunes de mon exposé, l’indulgence surtout de Madame Edith Burckhardt, ici
présente, qui, mieux que quiconque, connaît l’attention et le soin que son époux
portait à tout ce qui concernait le Maroc. A ses côtés, notamment, elle a vécu
chaque journée, chaque épisode de la laborieuse période passée à Fès, pendant
les deux premières années du programme UNESCO, où T.Burckhardt était seul à
inventorier les palais et les sanctuaires de la médina de Fès et à rechercher des
soutiens pour la vaste action de sauvegarde à entreprendre en faveur de la cité
historique ; puis pendant les trois années suivantes où T. Burckhardt est devenu
le conseiller culturel d’une équipe interdisciplinaire et multinationale comprenant
des urbanistes, architectes, restaurateurs et divers autres spécialistes, équipe
chargée d’établir un schéma directeur d’urbanisme pour l’ensemble de la ville de
Fès.
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• Mais il me faut maintenant arriver à ce qui est au cœur de notre sujet, à
savoir le sens de la Beauté chez Titus Burckhardt, car c’est bien ce
« sixième sens » qui l’a d’abord attiré vers le Maroc et qui, plus tard,
dans la dernière partie de sa vie, l’a ramené comme un médecin appelé
en consultation, vers le pays et la ville qui lui étaient devenus aussi
chers que sa propre patrie.
• Remontons donc le temps pour retrouver T. Burckhardt âgé d’à peine
plus de vingt ans. Déjà sa maturité intellectuelle est complète, et il
possède un solide bagage artistique, en partie hérité de son père, le
sculpteur Cari Burckhardt, et en partie acquis par la fréquentation de
plusieurs écoles d’art, en Suisse et en Italie.
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• Il part au Maroc pour y chercher ce que l’Occident ne peut plus
donner, parce qu’il l’a perdu : la présence du Beau dans la vie
quotidienne, dans l’entourage bâti, dans le vêtement viril, dans les
objets usuels faits de main d’homme et non par la machine. Il souhaite
rencontrer des hommes ayant conservé leur style de vie et leurs idéaux
ancestraux, et vivre parmi eux pour mieux connaître les qualités dont
ils sont restés les dépositaires.
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• Au cours de nombreux séjours, dont les premiers s’étaleront sur plusieurs années, T. Burckhardt ne
cessera pas d’élargir et d’approfondir sa connaissance du Maroc et celle de la civilisation et de l’art
islamiques dont les fondements sont providentiellement préservés dans le pays. Les résultats de ses
découvertes, qui le comblent au-delà de toute attente, T. Burckhardt voudra les partager avec d’autres.
Et c’est ainsi qu’il publiera trois ouvrages exclusivement consacrés au Maroc. Le premier, paru en
1941, porte un titre très suggestif : Land am Rande der Zeit, « Pays à la lisière du temps ». Illustré de
photographies et de dessins de l’auteur, il évoque un monde où les types humains, les paysages, les
occupations de la campagne et de la ville, les coutumes, la pratique religieuse sont comme revêtus d’un
caractère intemporel. Plus tard, en 1960, ce sera la publication d’une magistrale monographie sur Fes
Stadt des Islam (« Fès, ville d’Islam ») dont une version anglaise est parue en 1992 et dont la version
française, impatiemment attendue depuis fort longtemps, devrait voir le jour d’ici quelques mois, Dieu
voulant ! En 1972, enfin, l’année même où T. Burckhardt va commencer sa mission de consultant au
Maroc, paraît -toujours en allemand, langue dont T. Burckhardt possède une maîtrise qui fait
l’admiration des germanophones- un guide de voyage : Marokko, dont on voudrait qu’il puisse être lu
par chaque touriste qui visite le Maroc. Car, quel meilleur guide pour le voyageur que celui qui a connu
et vu le pays et ses habitants avec la science et l’œil de la certitude (pi ’ilm al-yaqîn wa ‘ayn al-yaqîn)?
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• C’est que l’expérience et la vision que T. Burckhardt a acquises du
Maroc ne procèdent pas d’une quête de la beauté au sens ordinaire, de
la seule recherche du plaisir esthétique que peut procurer le
dépaysement et la découverte d’un univers préservé de la corruption.
Chez T. Burckhardt, la quête du Beau s’est toujours assimilée à la
quête spirituelle, à la recherche de la Vérité. Or, le Maroc ne lui a pas
seulement fourni mille et une manifestations de la Beauté, notamment
dans le domaine artistique ; il lui a aussi ouvert les portes permettant
de remonter aux archétypes de ces manifestations et à leur source
unique, le Dieu de Vérité (al-Haqq).
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• Laissons maintenant Ibrahîm Burckhardt lui-même nous parler de
cette science de la Beauté qui lui a été donnée, nous dire comment elle
s’exprime dans l’art islamique et, plus particulièrement dans l’art
maghrébin et celui du Maroc ; écoutons-le nous parler des mérites de
l’artisanat traditionnel, de son rôle dans l’embellissement du cadre de
vie de chaque citoyen, demandons-lui aussi de nous conduire dans la
médina de Fès, de nous montrer dans quel sens il a dit qu’elle est « un
modèle d’urbanisme islamique » et de nous faire percevoir, en même
temps que les maux dont elle souffre, les remèdes qui peuvent lui être
appliqués.
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• Ces enseignements, T. Burckhardt les a déjà donnés oralement dans
une série de conférences, prononcées devant divers auditoires, à Fès,
dans d’autres villes du Maroc, et lors de plusieurs réunions
internationales pendant les années de sa mission au Maroc. Les textes
de ces conférences, qui n’existent souvent que sous forme manuscrite
ont pu être rassemblés avec l’assistance de Madame Burckhardt dans
l’intention d’en faire une publication. C’est à partir de ces textes que je
vais extraire les leçons de science et de pratique, de 7/m et de ‘amal
que nous a laissées ce Maître.
Pourquoi, comment il a aimé et servi le
Maroc
• En 1976, au moment où il collaborait à la tenue du World of Islam
Festival de Londres -Festival qui est resté dans les mémoires comme
l’hommage le plus grandiose qui ait jamais été rendu en Occident à la
civilisation islamique et à son rayonnement-, Titus Burckhardt écrivit
un texte pour exposer ce qu’est la conception de la Beauté dans l’art
islamique.
• En voici l’essentiel
La Conception de la Beauté dans l’Art
Islamique :
• « Dieu est beau et il aime la beauté » (Allâhu jamilun yuhibbu l-jamâI)
: cette parole du Prophète ouvre des perspectives illimitées, non
seulement pour la vie intérieure, où la beauté aimée par Dieu est
avant tout celle de l’âme, mais aussi pour l’art, dont le vrai but,
compris à la lumière de cet enseignement prophétique, est de prêter
un support à la contemplation de Dieu.
• Car la beauté est le rayonnement de Dieu dans l’univers, et toute
œuvre belle en est un reflet.
La Conception de la Beauté dans l’Art
Islamique
• « Il découle de cette vision des choses que la beauté possède une
réalité universelle et qu’elle n’est pas fonction de nos sensations
individuelles.
• On a tort de dire qu’elle est affaire de goût, à moins d’entendre par
ceci que la plupart des hommes ne la perçoivent qu’à travers leurs
préjugés sentimentaux et dans les formes qui leur sont familières.
La Conception de la Beauté dans l’Art
Islamique
• « C’est pour dégager la vue sur la beauté universelle, qui émane, non
pas de l’homme mais de Dieu, que l’art de l’islam écarte toute forme
d’expression qui met en jeu la subjectivité humaine au sens courant du
terme ; ainsi l’image même de l’homme est, sinon entièrement rejetée,
du moins reléguée à des domaines périphériques comme celui de la
miniature.
• L’image à forme humaine est un miroir qui peut être véridique mais
qui peut également refléter les désirs, les passions et les rêves de
l’homme.
La Conception de la Beauté dans l’Art Islamique
• « L’européen qui entre pour la première fois en contact avec le monde des formes
islamiques, cherche instinctivement les exemples d’art figuratif, car ce sont les seuls
qui lui permettent d’appliquer les critères esthétiques empruntés à l’art occidental.
• C’est en observant la manière dont un artiste rend la nature avec plus ou moins de
fidélité et la traduit dans un certain langage formel, -c’est dans ce contexte que
l’européen saisit le plus facilement le génie d’un art.
• Au demeurant, il risque de passer à côté des caractères essentiels de l’art islamique,
• qui exige l’effacement de l’artiste individuel devant les lois qu’impose la beauté
dans sa nature impersonnelle.
• Car si la beauté est subtile comme un parfum et insaisissable en son fond infini,
elle n’est cependant jamais arbitraire mais comporte les plus pures des
mathématiques.
• L’art de l’islam affirme volontiers ce dernier aspect de la beauté, son aspect « vérité »
ou « connaissance ».
La Conception de la Beauté dans l’Art Islamique
« On a fort bien dit que
« l’art de l’islam est une science et la science de l’islam un art »,
• et les exemples qui étayent cette double assertion sautent aux yeux :
• pour l’art-science on pense notamment à certaines constructions de coupoles
d’une subtile clarté géométrique,
• et pour la science-art à certains instruments astronomiques dont la beauté semble
refléter l’harmonie des mouvements célestes.
• « Puisque la beauté est une qualité divine, elle doit nécessairement contenir la
vérité, de même que cette dernière comporte la beauté.
• De ce fait il existe une science de la beauté, comme il existe des critères
esthétiques pour la science.
• Il s’agit là d’une vue d’ensemble qui garantit l’équilibre d’une civilisation
La Conception de la Beauté dans l’Art Islamique
• « Selon une parole du Prophète,
« Dieu prescrit la perfection en toute chose »
(Innâ-Llâha kataba l-ihsâna àlâ kulli shaî),
le mot ihsân que nous traduisons par « perfection » ayant également les significations de
« beauté » et de « vertu ».
Il est donc un devoir du musulman de rechercher la perfection en toute œuvre, cette
perfection impliquant à son tour la beauté.
C’est à cette maxime que se réfère la pratique traditionnelle des arts, et l’on comprend
immédiatement que sur cette base il ne saurait y avoir de scission entre artisanat et art.
En fait, il est difficile de trouver un artisan musulman qui ne soit pas d’une certaine manière
un artiste, le plus humble tisserand ou boisseleur s’efforçant de donner quelque beauté à son
produit.
D’un autre côté, on ne trouvera pas d’artiste traditionnel qui n’ait appris un métier manuel.
Cette situation, disons-le en passant, tourne aujourd’hui à la tragédie, car en détruisant
l’artisanat musulman, la technologie moderne détruit également l’art.
La Conception de la Beauté dans l’Art Islamique
• « Le lien étroit entre art et artisanat remplissait le monde islamique de beauté.
• L’art de l’islam est d’ailleurs essentiellement un art de l’ambiance : l’architecture, les arts du bois et du
métal, l’ornement et même la calligraphie.
• Tout sert à façonner l’ambiance vitale de l’homme, l’art figuratif étant l’exception.
« Dieu vous a créés et ce que vous faites »
(Allâhu khalaqakum womà ta’malûn),
dit le Coran indiquant par ceci comme deux phases de la création divine :
une création directe qui a pour objet la nature de l’homme dans sa totalité,
et une création indirecte, à travers l’homme, qui a pour objet l’ambiance de celui-ci.
Pour que l’acte créateur de l’homme soit comme un prolongement conscient de l’acte divin, il faut
qu’il confère aux choses qu’il façonne leur état de perfection naturelle.
Or c’est précisément cela que recherche l’art islamique :
il confère à la nature brute un état de perfection cristalline en se servant des moyens les plus simples et
directs,
tels que l’ordonnance géométrique des formes et le revêtement des surfaces par des panneaux
colorés ou des ornements sculptés qui leur communiqueront comme une vibration lumineuse.
L’artiste musulman travaille comme un alchimiste qui fait de l’or avec du vil plomb.
La Conception de la Beauté dans l’Art
Islamique
La Conception de la Beauté dans l’Art
Islamique
La Conception de la Beauté dans l’Art
Islamique
La Conception de la Beauté dans l’Art
Islamique
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Islamique
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Islamique
L’artisanat marocain et son avenir
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Pour sauvegarder la médina de Fès
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Fès hier, aujourd’hui, demain
Fès hier, aujourd’hui, demain
Fès hier, aujourd’hui, demain
Fès hier, aujourd’hui, demain
Fès hier, aujourd’hui, demain
Fès hier, aujourd’hui, demain
En guise de conclusion
Chez le Moqaddem Mohammed Mejedlî
Chez le Moqaddem Mohammed Mejedlî
Chez le Moqaddem Mohammed Mejedlî
Chez le Moqaddem Mohammed Mejedlî
Notes

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