Guidance Parentale

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Philippe Scialom La guidance parentale

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LA GUIDANCE PARENTALE

Philippe SCIALOM

INTRODUCTION

La guidance parentale intéresse directement tous les intervenants de l’enfance dans les

secteurs de la santé et de l’éducation : les orthophonistes, psychomotriciens, psychologues et

aussi les éducateurs, pédagogues, pédopsychiatres, pédiatres, etc…

Travaillant en institution ou en exercice libéral, on oublie trop souvent le point essentiel : les

enfants ont des parents. Nous allons donc nous intéresser à ces derniers car ils ont souvent

plus besoin d’aide que leur progéniture. Non seulement les parents ne sont pas les

« méchants » de l’histoire mais, bien qu’ils l’ignorent, ils en savent plus que nous sur leur

enfant.

DE L’ABSENCE DE PATHOLOGIE AUX FACTEURS DE RISQUE

Aujourd’hui, une nouvelle logique s’impose et nous allons essayer de l’éclairer : de plus en

plus de parents viennent consulter pour des situations « normales » qui ne présentent aucune

psychopathologie. Pour quelles raisons viennent-ils alors ? Ils sont tombés dans des pièges et

ne savent pas comment en sortir. Ils sont arrivés à une situation difficile avec leur enfant. Elle

empoisonne la vie quotidienne de toute la famille et concerne le sommeil, l’alimentation, la

propreté, l’école, le comportement etc.

Compte tenu du risque d’évolution vers une structuration pathologique, ce phénomène récent

pose question du point de vue sociologique mais aussi du point de vue clinique et préventif :

c’est l’objet de mon premier ouvrage que j’ai intitulé - Pièges à parents (2003).
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LES LIMITES DE LA GUIDANCE

Guide pour parents aurait pu être le titre de ce livre, mais j’ai évité les déclinaisons de

l’expression guidance parentale. Elles n’apparaissent dans aucune page, bien que cet essai ne

traite finalement que de ce sujet. Je préfère parler de consultation thérapeutique comme l’a

fait Winnicott. Pourtant le mot guidance a le mérite d’être clair entre les professionnels de la

santé, à condition de le définir pour ne pas risquer de le confondre avec d’autres approches. Je

pense ici à la récente mode du coaching professionnel qui a fait naître dernièrement le

coaching scolaire et d’autres encore. Que signifie cet engouement pour ces conducteurs de la

vie des autres, ces guides pour tout. Il semble que ce phénomène réponde à une demande, un

besoin de trouver des repères, mais alors attention au risque d’une dépendance aliénante,

d’une dictature1 des uns qui seraient supposés en savoir plus sur les autres. Tous les

thérapeutes ont à s’interroger sur les bords, les limites de la guidance et ses dangers

d’intrusion ou de manipulation perverse.

LES TROUBLE DU SOMMEIL D’EDOUARD : UN CAUCHEMAR POUR LES

PARENTS, UNE MERVEILLEUX EXEMPLE DE GUIDANCE

Après ces préliminaires, deux mots sur l’origine anecdotique de ce livre vont nous faire

entrer dans le vif du sujet.

Cela fait environ huit années que j’ai reçu un petit garçon âgé de 5-6 ans pour des troubles du

sommeil. Il avait de bonnes raisons de ne pas s’endormir. Tous les soirs sa chambre s’animait.

Des fauves sautaient du haut de l’armoire pour rejoindre les crocodiles cachés sous son lit.

Son château playmobile se transformait en maison hantée. Les jouets, si drôles le jour, se

métamorphosaient à la tombée de la nuit. Cela faisait plusieurs mois que les terreurs

d’Edouard obligeaient son pauvre père à endosser le rôle d’un chasseur impitoyable. La nuit

finissait de deux façons différentes. Au début, les parents déménageaient tous les jouets
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Fuhrer en allemand, duce en italien, ont une traduction proche de guide avec en plus une sinistre connotation.
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rebelles mais ensuite, comme les monstres revenaient toujours, Edouard s’endormait

avec sa mère pendant que son père se débrouillait seul avec les monstres dans le lit de son fils.

Saluons au passage l’incontournable complexe d’Œdipe !

Vous l’avez compris, cette histoire a fini chez le « psy », moi en l’occurrence. Dès le premier

entretien, il s’est avéré que rien de pathologique n’accompagnait ces aventures nocturnes. J’ai

pris le parti d’expliquer une partie de mon point de vue à Edouard et l’autre partie à ses

parents épuisés, avant qu’ils ne tombent de sommeil devant moi.

Après m’être assuré qu’Edouard avait envie de grandir, je lui ai expliqué qu’il pouvait mieux

se débrouiller avec ses peurs et s’en débarrasser s’il essayait de le faire tout seul, puisqu’il n’y

avait aucun vrai danger dehors. Tout venait de l’intérieur de lui, de ses pensées et de sa grande

imagination. Par exemple, il pouvait mettre un peu de lumière, allumer une lampe de poche,

boire de l’eau, bien se remettre dans son lit avec son doudou, fermer les yeux, bref trouver son

« truc » à lui. S’il essayait j’étais certain qu’il serait plus fort que ses peurs et que cette lutte le

ferait grandir. Son écoute attentive m’indiquait que j’étais sur la bonne voie. J’en ai profité

pour lui dire que la place dans le lit de sa mère était celle de son père. S’il reprenait sa place à

lui dans son propre lit, un jour il deviendrait un homme comme son papa et il pourrait dormir

avec une femme de son âge parce qu’ils s’aimeront.

Je me suis ensuite tourné vers les parents pour leur apprendre en premier lieu qu’Edouard

allait bien et qu’il ne souffrait d’aucun signe pathologique. Entre 4 et 6 ans, il est normal

qu’un garçon ait des peurs ou des cauchemars et surtout qu’il profite d’une bonne occasion

pour avoir sa mère pour lui tout seul. Tout ceci ne signe pas un problème mais des conflits

que l’enfant doit résoudre pour grandir, sans évincer son père. En aucun cas les parents ne

peuvent protéger leur enfant d’un danger qui n’est pas réel. Par contre, ils peuvent le rassurer

et l’amener à gérer lui-même son imaginaire. Or, en déménageant tous les jouets et en

permutant les lits, ils ont fait tout le contraire. En fait, ils ont donné corps à ses peurs, comme
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si les jouets pouvaient devenir véritablement dangereux. Cela revenait à dire à Edouard que

ses pensées et son imagination les mettaient tous en péril ! Ils ont donc empiété l’espace

imaginaire de leur fils en voulant le protéger. Leurs interventions ne faisaient qu’accentuer et

entretenir le phénomène au lieu de l’apaiser. Plus le père voulait rassurer Edouard, plus il se

disqualifiait lui-même et plus les peurs et les fantasmes Œdipiens de son fils perdaient leur

statut imaginaire. L’espace transitionnel se rétrécissait au fur et à mesure que le jeu devenait

impossible. Loin d’être de mauvais parents, ils ont plutôt été des parents trop bons2.

EPILOGUE

Les parents d’Edouard ont été très surpris par mes explications. Surtout le père qui s’est

esclaffé comme s’il venait de faire une découverte extraordinaire. Une semaine plus tard, j’ai

revu Edouard avec sa mère. Ils étaient radieux et leurs cernes avaient disparu. Le miracle

s’était accompli. Le cauchemar des parents avait pris fin.

Ils m’ont ensuite adressé un grand nombre de familles prises dans des situations similaires

avec des enfants en bas âge. Ils étaient en général tous enfermés par des conflits autour du

sommeil, de l’alimentation, de l’acquisition de la propreté, de l’autonomie pour s’habiller, se

laver, travailler etc. Presque à chaque fois, le contexte n’était pas pathologique, mais en

revanche il risquait de le devenir. Le nœud se défaisait très rapidement grâce au diagnostic de

normalité qui s’associait au simple recul pris par les parents au cours des consultations.

Le père d’Edouard m’a rappelé quatre ans plus tard pour me dire qu’il est éditeur et me

proposer d’écrire un ouvrage sur cette approche spécifique. Il avait relevé à l’époque dans

mes interprétations une explication qui l’avait bien guidé et qui est devenue le titre de ce livre

- Pièges à parents. Nous avons ajouté un sous-titre explicatif : ces erreurs que nous

commettons par amour. Cet ouvrage est structuré de manière à avertir de tous les grands

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Je prends la liberté d’emprunter à D. W. WINNICOTT (1975) son concept de good enough mother, la mère
suffisamment bonne, c’est-à-dire ni pas assez ni trop bonne, pour l’étendre au couple parental.
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pièges du développement. Il donne, comme au cours des consultations, des repères et des

explications sur le développement psychologique et psychomoteur de façon à cerner les

limites entre normal et pathologique, selon le modèle de la guidance parentale que nous allons

décrire maintenant.

PREMIÈRE ÉTAPE DE LA GUIDANCE PARENTALE : UN DIAGNOSTIC DE

NORMALITÉ ET UNE TRANSMISSION D’INDICATEURS

Chaque grande étape concrète du développement de l’enfant présente des spécificités qui

permettent de différencier une évolution normale d’une évolution à risque ou pathologique. Je

me réfère au concept de lignes de développement dont parle Anna FREUD (1968) pour

définir le normal ou le pathologique. Ces repères manquent aux parents d’aujourd’hui, peut-

être plus qu’autrefois. La transmission de mère en fille et de père en fils est sans doute

perturbée par l’éclatement géographique, social et culturel des cellules familiales, car celle-ci

évoluent vers de nouvelles configurations. Il est donc important de permettre à ces nouveaux

parents d’intégrer les jalons de l’éducation. C’est à la suite du diagnostic différentiel qui

élimine l’existence d’une organisation pathologique, que se situe le premier temps de la

guidance parentale. Les parents doivent y recevoir des indications sur la bonne santé de leur

enfant : elles constitueront des modèles de comparaison internes, englobant toutes les

variations de la sphère du « normal ». Il s’agit de les aider à régler leurs signaux d’alarme de

manière plus fine. Leur seuil pour réagir à une souffrance de l’enfant, ne doit pas être trop

faible – cela mènerait à la surprotection, à l’anticipation excessive et à une relation de

dépendance. Le seuil ne doit pas être non plus trop élevé – cela mènerait à une conduite

abandonnique aussi catastrophique. C’est pourquoi les parents doivent s’approprier des

indicateurs.
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LE DEUXIÈME TEMPS DE LA GUIDANCE PARENTALE : FAVORISER

LES DIFFÉRENCIATIONS

Ce premier niveau de la guidance parentale ne peut pas trouver son efficacité dans un climat

de culpabilité. Ces parents vivent un échec et en souffrent. C’est pourquoi les situer sur le

plan d’être « trop bons » permet de sortir du cadre enfermant de la culpabilité. Ils doivent

reprendre en main le tâtonnement nécessaire à l’éducation d’un enfant. Cette reprise de

confiance en leur capacité à être parent s’accompagne de la reprise de confiance en la capacité

de se développer de leur enfant.

Pour développer ce deuxième point, revenons à la famille d’Edouard. Cette situation de

consultation courante, illustre pour moi la fonction d’auxiliaire incarnée par la guidance

parentale. Que s’est-il passé de miraculeux avec Edouard ? En quoi a consisté mon

intervention que je qualifierais de guidance parentale ? Les parents d’Edouard n’avaient plus

confiance en eux ni en leur enfant et ils se sentaient pris dans une impasse quand ils sont

venus consulter. Ils dramatisaient une situation simple.

- Tout d’abord, la guidance a consisté à amener les parents à prendre conscience qu’ils ne

différenciaient pas amour et éducation. Cette confusion provient de la peur des parents que

leur enfant ne souffre. Oui, grandir passe par des frustrations mais qui ne sont pas de

véritables souffrances car elles débouchent sur des horizons nouveaux.

- La guidance a aussi consisté à différencier, à séparer psychiquement, l’enfant de ses parents

- Françoise DOLTO (1984) aurait peut-être dit, à franchir les étapes des castrations

symboliques. Les parents d’Edouard devaient apprendre à moins intervenir sur le désir de

grandir de leur enfant. Il fallait les amener à ne pas le parasiter par leurs craintes parentales –

c’est-à-dire la peur qu’il n’arrive pas à construire des défenses face à ses peurs, de façon

autonome, sans leur intervention.


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Les parents étaient aussi pris dans le fantasme contemporain que l’éducation serait une

construction linéaire et efficace, à l’image de notre monde. Cette position, poussée par la

conception zéro défaut de notre société hyper technicisée, pervertit la notion d’éducation. Elle

ne laisse plus de place à la régression ni aux détours inévitables à n’importe quelle initiation.

Le fait même du tâtonnement éducatif devient à lui seul un échec au lieu d’être considéré

comme partie intégrante de l’apprentissage.

Généralement, quand une consultation permet de remettre les pendules à l’heure, en

confirmant l’absence de souffrance pathologique et en donnant des repères, le recul des

parents devient suffisant pour qu’ils franchissent par eux-mêmes cette deuxième étape. La

séparation, l’individuation psychique, la différenciation entre amour et éducation s’effectuent

alors spontanément. Parfois il peut être nécessaire de prolonger l’accompagnement, ou encore

de « revacciner » à l’occasion d’une nouvelle stagnation de l’enfant à sa prochaine étape du

développement.

Il est courant également de voir des cas combinés où, par exemple, des difficultés scolaires

réelles liées à une dyslexie se redoublent, sont potentialisées par l’attitude anxieuse des

parents. La deuxième étape de la guidance parentale s’impose alors pour les aider à trouver la

bonne distance, suffisamment rassurante, encourageante, tout en n’empiétant pas la nécessaire

prise d’autonomie de l’enfant à gérer ou compenser son trouble. La guidance visera donc à

aider les parents à laisser leur enfant prendre plus de risque, à se confronter à la réalité, à

augmenter sa résilience face aux échecs dirait Boris CYRULNIK (2001). Bref, les parents

doivent amener leur enfant à penser de façon indépendante, malgré ses problèmes qu’il faut

traiter par ailleurs.

POURQUOI LA DEMANDE DE GUIDANCE S’ACCROÎT-ELLE ? CETTE

APPROCHE EST-ELLE NÉCESSAIRE ?


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Tout au long de cet exposé, j’ai soulevé certaines questions sur l’origine de ces

nouveaux comportements :

• Pourquoi de plus en plus d’enfants voient-ils un « psy »?

• Quels sens donner à cette demande croissante ?

• Pourquoi ces repères manquent-ils plus aux parents d’aujourd’hui ?

• Quel risque prend le thérapeute ou le rééducateur qui ne tiendrait pas compte de la nécessité

de ce travail avec les parents ? Est-ce qu’il ne risque pas d’accroître un sentiment d’abandon

chez ceux-ci ?

• Sans guidance, quel pronostic pour ces jeunes patients ou leur relation avec leur famille ?

Tentons maintenant de répondre à ses questions en apportant quelques hypothèses. C’est une

démarche qui relève moins d’une approche clinique individuelle que d’une approche

sociologique de ces phénomènes, mais elle me paraît nécessaire pour mieux gérer les

entretiens de ce type de consultations.

DE NOUVEAUX SYMPTÔMES AUTOUR DES LIENS D’ATTACHEMENT

Tout d’abord, les parents ont de quoi s’alarmer : il ne se passe pas une semaine sans qu’une

émission télévisée ne présente un symptôme psychique à la mode comme les TOC (troubles

obsessionnels compulsifs), les addictions (dépendances multiples), la violence, l’échec

scolaire ou l’hyperactivité.

De fait, depuis quelques années, j’ai observé, avec beaucoup de mes confrères, une

modification sensible des symptômes dans les consultations d’enfants. Cela commence avec

des troubles de l’alimentation, du sommeil, de l’apprentissage de la propreté ; cela se poursuit

avec les enfants qui n’ont pas d’autonomie quotidienne ou scolaire, allant jusqu’à ceux qui

tyrannisent leurs parents. On remarque aussi des troubles de l’attention et de la concentration

(instabilité psychomotrice), avec leurs conséquences sur les apprentissages, telles que les
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dyslexies et les dyscalculies. Plus tard, l’expression de ces problèmes se prolonge sur

les adolescents et les jeunes adultes. Ils sont de plus en plus concernés par le suicide, l’obésité

ou l’anorexie, les dépendances aux écrans, à l’alcool, aux drogues, aux jeux de hasard qui se

multiplient avec même aussi… l’addiction au travail (Philippe SCIALOM, 2005).

Ces symptômes, devenus un problème de santé publique3, ont un point commun entre eux : ils

recouvrent des pathologies du lien, des pathologies de la dépendance. Celles-ci sont

dominées par l’angoisse de séparation ou d’abandon. Le manque d’autorité, souvent reproché

aux parents, est en fait une difficulté à poser des limites et des repères, dominée par la crainte

de faire souffrir l’enfant en le frustrant et surtout par la croyance qu’en agissant de la sorte, le

lien d’amour qui uni risque d’être détérioré.

LES FONCTIONS PARENTALES FRAGILISÉES PAR L’AVANCÉE SOCIO-

CULTURELLE

Aujourd’hui, c’est plutôt la surprotection qui engendre ce laxisme, déstructure l’enfant et

favorise l’apparition de ces pathologies. Quand les enfants lisent Les trois petits cochons,

Bruno BETTELHEIM (1976) nous dit bien qu’ils comprennent parfaitement la morale du

conte : il faut accepter de renoncer à des plaisirs immédiats pour en obtenir d’autres, plus

enrichissants et durables (danser à l’abri dans une maison solide), c’est cela devenir « grand ».

Dire non à son enfant, c’est donc dire oui à son désir de grandir, lui permettre d’accéder à une

nouvelle étape de son développement. Et cela le rassure ! C’est le message éducatif de la

guidance parentale.

La plupart des parents font de leur mieux, mais pourtant ils tombent dans ce piège de la

surprotection, selon moi en réaction à leurs propres peurs (inconscientes) et aux angoisses

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Voir notamment :
- EXPERTISE COLLECTIVE (2002).
- CHOQUET Marie, GRANBOULAN Virginie (2004).
- POMMEREAU Xavier (2002).
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collectives de nos sociétés contemporaines. Celles-ci sont le fruit d’un siècle de

génocides, dont les images impensables ont fait effraction en chacun de nous à notre insu.

Parallèlement, les progrès récents de l’informatique, de la biologie et de la génétique

appliquée au clonage, rendent à leur tour possibles des transgressions sur l’humanité,

manipulant la vie, la mort, la différence des sexes, des générations et des espèces. La loi et le

lien humain ont ainsi provisoirement perdu leur légitimité. Les fonctions parentales

fondamentales sont déstabilisées par ces « traumatismes ». La confiance dans le lien humain

n’est plus une référence d’appui. La fonction paternelle séparatrice n’est plus suffisamment

opérante. La fonction maternelle, protectrice, est livrée à elle-même, dans un prolongement

pathologique de la préoccupation maternelle primaire chère à D. W. WINNICOTT (1975).

Le corps devient alors le lieu d’expression des angoisses de séparation, de perte du lien et

d’abandon (l’explosion récente de la mode des tatouages et des piercings révèle dans ses

excès le besoin de mettre des signes là où ils manquent). C’est pourquoi les parents sont

poussés naturellement vers la surprotection, c’est-à-dire à établir une barrière contre ces

attaques psychiques.

LA SURPROTECTION ET LA CULPABILITÉ SONT VISÉES PAR LA GUIDANCE

D’autres faits de société concourent dans le même sens à la fragilité des liens. Les contrats

implicites qui régissent les relations humaines comme l’amour, le couple et la famille, sont

aujourd’hui à durée déterminée comme les contrats de travail. Le seul lien qui reste durable et

sûr est celui qui relie l’enfant à sa mère. Il est d’autant plus surinvesti que l’enfant devient

rare. Le monde est vécu comme dangereux. Grandir devient synonyme de risquer. Tout

pousse le balancier à pencher vers la surprotection, vers le trop plein d’amour, la confusion

entre l’amour et l’éducation. Ce mouvement sert à contrecarrer la fragilité du lien et


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l’angoisse de perte. Les parents ont plus que jamais besoin d’être aidés à y voir plus clair,

à supporter leurs propres angoisses sans fusionner avec leurs enfants.

Les parents des enfants en difficulté n’ont pas non plus à se sentir coupables. Ils sont de plus

en plus nombreux à consulter un « psy », un psychomotricien ou un orthophoniste. Alors,

même s’ils sont souvent ambivalents, défensifs, voire agressifs, c’est le signe qu’ils désirent

se réapproprier leur place et réajuster leurs rôles, au besoin en prenant un peu de recul auprès

d’un tiers bienveillant. Ils doivent y trouver rapidement d’autres moyens moins coûteux

psychiquement pour protéger leur enfant, comme lui apprendre à se protéger lui-même et à

prendre peu à peu sa vie en main. Il leur faut du courage pour sortir de cette dépendance

protectrice. Les parents y gagnent aussi le plaisir nouveau de communiquer avec un enfant

plus indépendant.

La guidance parentale a pour finalité de soulager une situation et des individus. C’est une part

fondamentale de notre travail qui prend de plus en plus d’ampleur. Qu’il s’agisse de déjouer

des pièges, de rééduquer un trouble ou d’analyser une souffrance, les parents doivent être

accompagnés peu ou prou. La guidance est donc une attitude de consultation qui apprend aux

parents à apprendre à être parents, à s’affirmer et à tenir leur place parentale. La guidance est

ainsi intimement liée à l’idée forte de la prévention dans toute sa noblesse.

J’espère avoir montré que cette formidable responsabilité concerne tous les spécialistes

consultés par ces parents déroutés qui leur font autant confiance.

BIBLIOGRAPHIE

BETTELHEIM B., 1976, La Psychanalyse des contes de fées, Paris : Robert Laffont.
CHOQUET M., GRANBOULAN V., 2004, Les Jeunes Suicidants à l’hôpital, Paris : Editions EDK.
CYRULNIK B., 2001, Ouvr. coll., La résilience : Le réalisme de l’espérance, Ramonville Saint-Agne : Erès.
DOLTO F., 1984, L’image inconsciente du corps, Paris : Seuil.
EXPERTISE COLLECTIVE, 2002, Troubles mentaux. Dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent,
Paris : Les éditions de l’Inserm.
FREUD A., 1968, (1965), Le normal et le pathologique chez l'enfant: évaluation du développement normal
durant l'enfance, évaluation du pathologique, Paris : Gallimard.
POMMEREAU X., 2002, (avril), Rapport sur la santé des jeunes : http ://www.sante.fr.
SCIALOM P., 2003, Pièges à parents, les consultations d’un psychologue, Paris : l’Archipel ; (rééd. 2005,
Paris : J’ai lu).
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SCIALOM P., 2005, Psycho Ados, Lâchez-moi mais ne me laissez pas tomber, Paris : l’Archipel.
WINNICOTT D.W., 1975, (1971), Jeu et réalité. L'espace potentiel, (titre original : Playing and réality,),
Paris : Gallimard.

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