Etude de Cas Print Services
Etude de Cas Print Services
Etude de Cas Print Services
Éléments contextuels
L’entreprise Print Services est une PME florissante d’envergure internationale dont l’activité
réside dans le développement de logiciels destinés aux utilisateurs d’impressions numériques
couleur et grand format.
Le propriétaire dirigeant de l’entreprise, Simon Lesmans, a créé la société en 1988, avec au
départ seulement deux développeurs de logiciels. En 2009, elle compte un support technique,
une équipe commerciale, et un service marketing, pour un effectif total de 23 salariés.
L’ensemble des activités de l’entreprise est présenté au public sur un site Internet traduit en
six langues (annexe 1).
Dans l’entreprise, les stores sont baissés, rien ne peut laisser entrevoir à l’intérieur de ces
2000 m2 très high-tech une activité aussi intense. Deux open-spaces sont réservés aux
collaborateurs du service recherche et développement qui travaillent sur des ordinateurs
dernière génération, reliés à des imprimantes aux dimensions impressionnantes.
Depuis sa création la société s’est positionnée à la pointe de la recherche et de la conception
dans le domaine des applicatifs d’impression. Son logiciel, COPYWARE, en est à sa
quatrième version ; il est le fruit d’une synergie de technologies permettant des impressions
de haute qualité graphique, de grande productivité et en grand format, adaptées à des papiers
de grammage et de couchage différents.
COPYWARE facilite la gestion des processus de production documentaire : flexibilité
absolue, gestion optimisée des files d’impression, interface utilisateur conviviale,
fonctionnement multitâches, pour des impressions rapides et de grande qualité graphique,
assurant la stabilité de la reproduction.
« Le futur, c’est le travail sur le verre, mais surtout les impressions lenticulaires, en trois
dimensions. Encore au stade de projet, celles-ci nous intéressent fortement car elles possèdent
un pouvoir d’attraction visuelle important » affirme le PDG dont les équipes travaillent
actuellement sur la version 5 du logiciel.
Les ventes du logiciel se déroulent très souvent sur des salons réservés aux professionnels du
milieu informatique et graphique. Print Services possède un réseau de distributeurs à travers
le monde, ce sont eux qui commercialisent le produit auprès des reprographes et sérigraphes.
« Ainsi, nous avons réussi à mondialiser nos ventes, sans pour autant nous mondialiser » se
félicite ce dirigeant entreprenant. Print Services ne fait donc pas de ventes directes,
l’entreprise écoule ses logiciels principalement grâce à son réseau de revendeurs mais aussi
éventuellement par le biais des constructeurs d’imprimantes qui vendent leurs machines avec
le logiciel Print Services intégré. Grâce au réseau des revendeurs, l’équipe de commerciaux
est réduite et les déplacements limités, leur travail consistant à travailler en B to B, et non pas
en B to C. Au chargé d’affaires de Print Services de s’assurer que le revendeur dispose d’un
personnel assez performant pour faire les installations chez ses clients et de planifier avec ce
revendeur une session de formation commerciale et technique. Ainsi, le revendeur pourra-t-
il répondre à toutes les questions de ses clients, leur faire les démonstrations des
fonctionnalités et mettre en avant les qualités du produit. La question du déplacement se pose
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lorsque le revendeur a beaucoup de personnel à former, c’est alors exceptionnellement Print
Services qui est amené à organiser le déplacement d’un technicien en plus du commercial.
La société joue donc, à la fois, sur la proximité et sur un minimum de déplacements. Mais
pour arriver à un tel fonctionnement, elle doit investir dans la construction, le développement
puis le maintien d’une relation commerciale solide.
À ses débuts, la société s'installe dans la périphérie de Lille, ce qui la conduit à travailler avec
la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas, avant de sortir de l’Europe. La
volonté de s’internationaliser est toujours plus forte et, dans cette optique, Simon Lesmans
développe ses équipes commerciales, zone après zone. C’est aujourd’hui chose faite sur cinq
grandes zones et c’est une réussite : Simon Lesmans se targue d’avoir notamment travaillé
avec la NASA pour répondre à ses besoins d’images aériennes. « L’un de nos clients que je
qualifierais d’historique » clame le PDG.
Prochain objectif : l’implantation dans les pays du Moyen Orient, et parmi eux les Émirats
Arabes Unis et l'Arabie Saoudite, puis l’Afrique (annexe 2).
La problématique
Le poste proposé est en création : pour le moment c’est le directeur commercial qui en assure
les missions principales, mais il n’a pas, matériellement, le temps de s’en occuper.
Au cours d’un comité de direction, il explique le contexte du poste à ses collègues : « Le
marché de l’impression grand format est exponentiel. Même dans certains pays du Moyen
Orient où les représentations humaines sont normalement interdites la communication
visuelle est omniprésente. L’objet de l’affiche n’est pas un personnage mais plutôt le produit
: une montre ou une voiture par exemple. Dans certains pays d’Afrique, la société de
consommation n’est pas réellement ancrée, et pourtant là aussi il existe une communication
visuelle importante ayant comme sujet le Président du pays ou les ministres. Peu importe le
pays, dans cette zone géographique il y a des marchés à prendre, notre objectif est que tous
les imprimeurs et sérigraphes connaissent nos produits et sachent où se les procurer ».
Et le directeur commercial ajoute : « Il faut recruter quelqu’un pour cette zone, je suis
convaincu qu’il faut que ce soit un homme, je ne suis pas discriminant mais c’est une question
de logique. Une femme passerait très mal pour des raisons religieuses et culturelles.
D’ailleurs, dans ces pays les femmes ne travaillent pas, elles restent la plupart de leur temps
dans leur maison. Pour le reste, les anciens y sont très respectés, il faut éviter de prendre un
collaborateur trop jeune : on n’est pas aux USA ! ».
Marie Doumani est assise en face de Simon Lesmans. Il y a quelques jours, après un comité
de direction pendant lequel le directeur commercial a visiblement minimisé les résultats
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obtenus sur les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, il a demandé à la jeune femme de
passer le voir pour faire un point, directement avec lui.
« Lors de mon intégration au sein de l’entreprise, mes premières analyses ont été
les suivantes : la priorité est de s’adapter au territoire dont on a la charge et de s’adapter au
revendeur avec lequel on travaille. C’est autour de ces axes que tourne la politique
commerciale de l’entreprise, je l’ai compris dès le départ ».
« Si les situations sont différentes d’une zone géographique à l’autre, c’est vrai
également à l’intérieur d’une zone : ce qui est valable à Dubaï ou en Arabie Saoudite ne l’est
pas au Maroc et encore moins au Kenya. Les marchés sont différents, les cultures sont
différentes, les comportements sont différents et il faut sans cesse s’adapter. J’ai mis à profit
mes premiers mois au sein de la société pour « m’attaquer » aux Émirats Arabes Unis et à
l’Arabie Saoudite, ça a été très riche et aujourd’hui les résultats sont probants. J’ai appris par
ailleurs que le dialogue est essentiel entre le commercial et le revendeur. En cas de doute il
est toujours possible de demander l’avis des collègues au regard des situations : cela donne
plein d’idées nouvelles ».
« Vous me demandez comment je vois ma mission : il s’agit de trouver les salons
qui peuvent être intéressants sur les zones dont j’ai la charge. Vient ensuite une importante
phase d’organisation du planning pendant la durée du salon où les visites aux revendeurs sont
incontournables. Le temps est souvent compté et il faut ménager les susceptibilités : venir
dans un pays et ne pas rendre visite à tous ses revendeurs est inconcevable ».
« La détection de bons revendeurs n’est pas si simple. Il faut être capable
d’identifier rapidement la capacité du revendeur à commercialiser notre produit ; il faut pour
cela évaluer son savoir-faire technique, détecter ses éventuelles faiblesses, mesurer sa
rentabilité en fonction des produits vendus et des zones couvertes, pour enfin le convaincre
de revendre notre produit ». Le niveau d’exigence requis est élevé car il est impensable de ne
pas savoir répondre à certaines questions techniques posées par les revendeurs. Il faut par
exemple connaître les spécificités des imprimantes pour proposer les produits adaptés. Sur
ces questions techniques je ressens parfois une certaine méfiance de la part de mes
interlocuteurs qui doutent a priori des compétences d’une femme dans ce domaine. Ils sont
vite rassurés lorsqu’ils constatent que je maîtrise mon sujet ! ».
« Il est un point sur lequel j’ai appris à être très ferme, ce sont les délais de
paiement que certains revendeurs ne respectent pas. II faut, dès le départ, instaurer des règles
précises et limiter au maximum les écarts. Mais ce n’est pas une chose facile sachant que
culturellement les valeurs ne sont pas les mêmes. En Afrique du Nord, il est impensable pour
un revendeur de payer la facture avant que son client n’ait lui-même réglé. Alors, même si
nous expliquons que le délai de paiement est de 30 jours sur le papier, rien n’est acquis. Vous
avez décidé de mettre en place un système de blocage du logiciel si le règlement n’a pas été
effectué. Mais ce blocage n’est pas forcément vu d’un bon œil par le revendeur qui ne veut
pas perdre sa crédibilité vis-à-vis de son client. Le revendeur nous demande souvent de ne
pas bloquer l’activité du client pour ne pas perdre la face. C’est alors mon rôle de négocier
avec lui et en interne pour parvenir à un modus vivendi. Je vous avoue que ça bricole un peu...
Ceci dit, à la date de ce jour, 90 % des commandes sont réglées et le reste est en instance de
paiement ».
« Oui Simon, il est difficile d’être une femme et de travailler dans ces zones là,
mais c’est ce qui me plaît. Néanmoins, je m’attendais à beaucoup de difficultés au Moyen
Orient, et dans les faits ce n’est absolument pas le cas. Aux Émirats Arabes Unis tous mes
interlocuteurs sont très polis et me respectent. Idem pour ce qui est de l’Arabie Saoudite : je
pensais devoir me battre et c’est finalement à Dubaï et à Abou Dhabi que j’ai trouvé mes deux
plus gros revendeurs. Je pensais aussi que mon origine libanaise serait un handicap, car
habituellement les Libanais se plaignent d’être considérés au Proche et au Moyen Orient
comme étant mi-Arabes, mi-Européens. Je n’ai pas encore eu ce problème... Au contraire,
j’ai, parait-il, un accent très amusant en arabe. Ce ne sont pas mes parents qui peuvent me le
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dire, on doit avoir tous les trois le même ! Dans la communauté libanaise de Lille, ils pensent
que, finalement, être une femme est un avantage car les a priori tombent plus vite. D’ici à ce
que l’on m’accuse de réussir au Moyen Orient uniquement parce que je ne suis pas un homme,
il n’y a qu’un pas ! ».
« Par contre, je ne pensais pas avoir de problèmes au Maroc et en Algérie du fait
de la proximité culturelle avec la France. Mais au contraire, même si la langue parlée est le
français, il faut se faire respecter en tant que femme et encore plus en tant que femme ayant
un peu de pouvoir. Je me bats toujours avec certains de mes interlocuteurs ».
« Lorsque je dois rester plus longtemps, entre deux salons, cela peut s'avérer
quelque peu difficile, mais une femme dans les Émirats et plus particulièrement à Dubaï peut
conduire, elle n’est pas obligée de se voiler, beaucoup sortent, fument, travaillent et occupent
des postes à responsabilité. Très souvent, en Europe ou dans d’autres régions du monde on
fait l’amalgame on imagine que le Moyen-Orient n'est qu'un seul pays, ou que les Émirats
Arabes Unis regroupent tous les pays du Moyen-Orient. La réalité est toute différente : tous
les pays de la région sont très différents, chacun a sa propre culture, sa propre tradition, ses
propres caractéristiques...» (annexes3 et 4).
« Il est vrai que la situation de l’Arabie Saoudite est bien différente... L’Islam est
la seule religion officielle et autorisée, elle règle tous les aspects de la vie quotidienne ; les
coutumes, les lois et les règlements du pays sont rigoureusement conformes aux pratiques et
croyances religieuses. Dans la vie quotidienne c’est parfois compliqué pour moi : je n’ai pas
le droit de conduire, je dois me vêtir d’une abaya (long manteau ample) et si possible me
couvrir la tête avec un foulard, je ne peux pas sortir non-accompagnée. Il y a beaucoup de
coutumes à respecter : quand vous pénétrez dans un logis arabe, il faut penser à enlever ses
chaussures et lorsque vos hôtes vous offrent quelque chose, il faut accepter, de la main droite
! Refuser est pris comme une offense... Bien sûr, j’ai vite compris que personne n’avait le
droit de fumer ou boire de l’alcool en public et je me suis également rendu compte que les
magasins ferment cinq fois par jour au moment de la prière, la mutawa (police religieuse)
veillant scrupuleusement à faire respecter cette disposition. Et puis la société saoudienne est
très sexuée dans ses différences : les hommes et les femmes sont deux « choses » distinctes.
Ainsi, dans les restaurants je dois aller dans la section réservée aux familles, les hommes
disposant de leur propre section. Lorsque je veux faire du change à la banque, je dois
également me rendre dans la section féminine où une femme me reçoit. Dans toutes les
entreprises d’état et dans certaines entreprises privées il y a des zones pour les femmes et des
zones pour les hommes, c’est également le cas dans les écoles, collèges, universités. Malgré
tout, de nombreuses femmes travaillent en Arabie Saoudite et plus particulièrement dans le
monde des affaires ; cela fait quatre décennies que cette progression a commencé et
progressivement les métiers s’ouvrent à la féminisation (le métier d’avocat récemment). Elles
sont de plus en plus présentes dans l’encadrement intermédiaire et entretiennent des relations
que l’on pourrait qualifier de « normales » avec les hommes. Je le vois avec les revendeurs,
ils sont très respectueux mais parfois, pour des raisons de praticité, nous fixons nos rendez-
vous dans un des Émirats ».
« La censure de certains livres et magazines rend difficile l'accès à l'information,
en dehors d’Internet. Pour compenser certains interdits, il reste heureusement un grand
nombre d'activité tels que les sports nautiques, les ballades dans le désert et en montagne, ou
encore faire du shopping dans les souks et les centres commerciaux... Personnellement, j’évite
de participer à des soirées organisées par les expatriés. Je préfère passer du temps avec les
quelques amies que je me suis faites là-bas grâce aux Libanais installés ».
« Pour terminer, des réunions avec les constructeurs sont prévues : je dois rencontrer les
responsables des zones Afrique et Moyen Orient, et ainsi coordonner des actions communes
dans les pays où un effort doit être fait. Nous allons par ailleurs sponsoriser un salon à
Casablanca, je dois mettre en place le budget prévu et me charger de l’organisation de
l’évènement avec un des revendeurs marocains ».
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« Je n’en suis pas encore au point de tout traiter depuis la France mais
progressivement on va y arriver : les technologies comme Skype ou les vidéos conférences
devraient nous y aider. Cela ne nous empêchera pas d’entretenir une relation suivie avec
chacun des revendeurs, nous n’en ferons pas l’économie ! ».
En l’écoutant, Simon Lesmans se dit que son analyse de la situation était juste : rester dans
les représentations véhiculées par son directeur commercial n’aurait servi à rien et faire le
choix de poursuivre dans l’esprit des recrutements précédents était pertinent. Cette impression
est confortée par les résultats de la jeune femme qui sont excellents : en 8 mois, elle a déjà
atteint les objectifs (plutôt élevés !) fixés par son directeur commercial ; si elle continue sur
sa lancée elle pourrait bien, sur l’année complète, les dépasser de plus de 15 %.
Malgré tout, le PDG est inquiet ; la décision qu’il a prise à l’encontre des souhaits exprimés
par son directeur commercial a créé de très fortes tensions entre les deux hommes ; non
seulement il a peur que ce collaborateur, par ailleurs d’une grande valeur, quitte la société,
mais il est également préoccupé à l’idée de ne pas avoir de vision claire sur sa stratégie de
recrutement à l’international. Il se dit qu’il est temps de prendre un peu de recul pour analyser
la situation : mettre en perspective la stratégie d’internationalisation de l’entreprise et sa
stratégie de recrutement, porter une réflexion sur la diversité culturelle de Print Services et
mettre en évidence les points-clés d’un recrutement à l’international...
QUESTIONS :
2. Quel est la place donnée à la culture et à l’interculturel par l’entreprise Print Services
dans son développement ?
3. Quel sont les points-clés d’un recrutement à l’international, et quelles sont les spécificités
de la situation de Marie Doumani ?
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ANNEXES
Zone Profil
Prise en charge par un Français qui sait comment
Asie du Sud-Est proposer le produit dans cette région, pour y avoir
vécu et travaillé en stage et césure durant ses études.
Confiée à un jeune commercial franco-américain
recruté après une période d’apprentissage. La
Amérique du Nord politique de l’entreprise a alors consisté à lui confier
cet immense marché qu’est le continent nord-
américain, malgré (ou à cause...) de son jeune âge.
Europe du Sud - Animée par un hispanophone ayant vécu et travaillé
Amérique Latine au Mexique.
Prise en charge par un ancien commercial ayant
travaillé pendant 10 ans en Allemagne dans le
Europe de l’Est
secteur médical, aguerri aux pratiques de
négociations de ces pays, et reconverti à la
technologie desnouvelle
Confiée à une logiciels.recrue d’origine russe
rencontrée en Chine et qui connaissait à la fois le
Russie/Scandinavie/Angleterre monde professionnel du grand format en impression
et les pratiques de négociations grâce à une
expérience dans le secteur du jouet.
Les Émirats Arabes Unis sont composés de 7 émirats : Abou Dhabi, Dubaï, Sharjah,
Umm Al Quaywayn, Fujarah, Ras Al Khaimah et Ajman qui représentent une
puissance économique non négligeable. Cette région attire de plus en plus d’étrangers
grâce à la richesse de ses ressources, à son ouverture internationale et à sa capacité à
se renouveler continuellement. Dubaï est le plus productif et le plus inventif des
Émirats. Il mise sur l’attractivité de son marché et il est connu dans le monde entier
pour ses folies architecturales.
Source : www.studyrama.com
Annexe 4 : L’Arabie Saoudite