Amartya Sen - Développement, Justice, Liberté
Amartya Sen - Développement, Justice, Liberté
Amartya Sen - Développement, Justice, Liberté
Sur près de 400 pages, Amartya Sen livre sa réflexion politique, philosophique et
économique, notamment en matière de développement. Il unifie celle-ci en définissant le
développement comme l'expansion des libertés, la liberté recouvrant différentes réalités
complémentaires. Il mène son discours pas à pas, autour d'une pensée philosophique
cohérente, défait minutieusement les théories adverses, et défend longuement les points
important pour le développement. Pour quelqu'un déjà acquis à la mise en œuvre de politiques
de développement en accord avec la défense des libertés individuelles, la lecture de cette fiche
sera suffisante, seul le chapitre 7 sur les famines dressant un constat vraiment intéressant.
La liberté doit être comprise pour son double rôle : constitutif et instrumental. Les
dépenses publiques sont essentielles pour le développement (comparaison du Kérala avec le
Brésil, par exemple), beaucoup plus que le PNB (exemple de l'espérance de vie en Écosse
entre 1900 et 1960, qui évolue à l'opposé du PIB). « Les fonctions isntrumentales de la liberté
se déclinent sous des formes diverses mais corrélées, telles que les facilités économiques, les
libertés politiques, les opportunités sociales, les garanties de transparence et la sécurité
protectrice. » Les personnes doivent être considérées comme des acteurs à part entière, et non
comme les destinataires passifs de mesures programmées par des experts.
Sen cite T. H. Huxley pour critiquer la foi actuelle dans le marché : « Le destin des
vérités nouvelles est de commencer en hérésie et de finir en superstition ». Le marché (du
travail par exemple) est d'abord une liberté, condition nécessaire du développement, mais il a
ses défaillances, notamment à l'égard des biens publics, consommés collectivement et non
individuellement (comme la vaccination contre la malaria). « les critères d'efficacité et
l'exigence d'équité se combinent pour justifier l'aide publique à l'éducation, à la santé et aux
autres biens publics (ou semi-publics). » Sen oublie la critique du système financier basé sur
la propriété et l'héritage, qui est un ensemble de règles, de lois et de fonctionnements qui
donnent sa forme au marché et déterminent l'allocation des richesses : le marché ne peut être
vu que comme un simple espace de liberté, il doit être compris comme élément constitutif d'un
système reproduisant la pauvreté. Il ne dit pas comment encadrer le marché. À l'inverse de
données ajustables comme le revenu, la privation de capacités (analphabétisme, handicap,
etc.) n'est pas susceptible à des distorsions d'incitations et l'aide publique qui y répond n'est ni
échangeable ni revendable. Problèmes des mesures conditionnées aux bas revenus : distorsion
des informations, distorsion des incitations, désutilité et stigmatisation, coûts administratifs et
corruption, permanence et qualité (les prestataires ciblés ont un faible poids politique). Citant
Michel Bruno, l'auteur explique que l'inflation doit être maîtrisée avant qu'elle ne devienne
trop forte, où elle est destructrice. Pour autant la lutte contre l'inflation, le conservatisme
financier ne doit pas être le seul cheval de bataille : chômage en Europe, protection sociale
aux États-Unis, analphabétisme en Inde, régulation du système financier en Asie de l'Est et du
Sud-Est sont autant de chantiers.