Clinique Du Travail Et Clinique de L'activité
Clinique Du Travail Et Clinique de L'activité
Clinique Du Travail Et Clinique de L'activité
Yves Clot
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL
`‒ ¦ ¡? fi›‹ ¡?¡‹? £‹¡?Ÿ? F\ ‒¡ ¡Y
LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL
LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL
o›·‒?¦ ¡‒?¦¡ ?\‒ ¦ ¡?Y
LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 187.79.218.5 - 26/12/2017 05h46. © ERES
Yves CLOT
RECONNAISSANCE ET MÉTIER
m’étendre sur cette question ici (Clot, 2005), je veux insister sur un
point. En réalité il s’agit, autour d’une trace vidéo de l’activité, de nouer
un dialogue entre des professionnels deux à deux, par binômes, puis en
démultipliant les binômes. Et ce, afin de restaurer dans un collectif
demandeur et entre « connaisseurs » du travail, des controverses profes-
sionnelles. Ces « disputes » de métier ont pour visée de renouveler leur
pouvoir d’agir en donnant plus de voix au répondant collectif de l’activité
personnelle. J’ai déjà eu l’occasion de souligner que le pouvoir d’agir dont
il est question ici a un sens précis. Pour Spinoza, l’effort pour augmenter
la puissance d’agir n’est pas séparable d’un effort pour porter au maxi-
mum le pouvoir d’être affecté (1965, V. 39). En clinique de l’activité,
c’est aussi le cas.
En fait, il s’agit d’organiser ce que j’appelle volontiers, avec
Bernstein, une « répétition sans répétition » (1996). L’objectif est de
reprendre la même activité mise à disposition par l’image afin de la
contraire, par la différence infinie qui se manifeste. Car ce qu’il avait fait
et dit en tant que « je » à la première personne s’exprime à nouveau en
tant qu’« autrui » et, sans s’altérer, devient pourtant absolument autre,
donnant à ce qui s’est déjà fait les contours de l’inachevé. L’activité
s’échange au travers du dialogue et, du coup, paradoxalement, se sous-
trait à l’échange. Dans la répétition dialogique à laquelle on la soumet,
l’activité de travail, redite et refaite en pensée, ne se répète pas. Ou
plutôt, elle marque sa différence essentielle avec tout discours qui
cherche à la cerner, devenant fondamentalement inachevable. J’ai pu
parler de ce genre d’activité d’analyse dans les termes de Tosquelles :
dans ce cadre, l’activité humaine réelle est un « furet » dialogique (2003,
p. 111).
Il n’est pas facile de rendre compte de ce genre de clinique. Mais il
m’arrive souvent, peut-être pour me rassurer, de m’appuyer pour le faire
sur ce texte de M. Foucault, dans la conclusion de sa préface à Naissance
de la clinique : « Ce qui compte le plus dans les choses dites par les
hommes, ce n’est pas tellement ce qu’ils auraient pensé en deçà ou au-
delà d’elles, mais ce qui d’entrée de jeu les systématise, les rendant pour
le reste du temps, indéfiniment accessibles à de nouveaux discours et
ouvertes à la tâche de les transformer » (1988, XV). C’est ainsi, sans
doute, qu’une clinique de l’activité, loin d’être un dispositif où l’on vient
confesser les limites de sa subjectivité, est un cadre où l’on peut entre-
Clinique du travail et clinique de l’activité 171
Mon idée est que le travail le peut aussi. R. Bresson aimait dire que
l’hostilité envers l’art est une hostilité au neuf, à l’imprévu (1975,
p. 133). Le travail ordinaire est, pour le moins, le terrain par excellence
de cette hostilité sociale à l’imprévu qui peut devenir tyrannique. Et pour-
tant, il est aussi le temps même où l’imprévu se répète. Ce paradoxe est
la source des sentiments mélangés que nous éprouvons à l’égard du
travail et des passions sociales qui le soulèvent. À notre insu et aussi au
travers de conflits déguisés qu’on cherche à écarter, le travail nous
affecte, nous transporte ou nous diminue. Il est producteur d’autres
conflits inconscients qui développent et renouvellent ceux que la famille,
souvent à son insu, a préparés pour l’enfant.
Le travail est donc particulièrement indigeste, selon moi, pour une
conception archéologique de la psychanalyse, celle-là même que Deleuze
a si justement critiquée en proposant d’affranchir l’inconscient de toute
tentation commémorative. On sait qu’il lui opposa une conception carto-
graphique de la vie psychique. Au lieu de « toujours s’enfoncer » dans le
passé, les cartes de l’itinéraire psychologique se superposent de telle
manière que chacune trouve un remaniement dans la suivante, au lieu
d’une origine dans les précédentes : « D’une carte à l’autre, il ne s’agit
pas de la recherche d’une origine, mais d’une évaluation des déplace-
ments » (1993, p. 84). Pour lui, dans la distribution des affects, ce qui
vient avant n’est qu’un « transformateur » dans la constellation affective
174
Nouvelle Revue de psychosociologie - 1
expériences réalisées à la fin des années 1920 par Lewin et Karsten sur
la saturation de l’activité (Lewin, 1965, 1967 ; Michelot, 2002 ;
Kaufmann, 1968 ; Vygotski, 1984). On ne sait pas assez non plus qu’il
en a modifié substantiellement le protocole pour soutenir son dialogue
avec Lewin sur les rapports entre affect et concept dans le développe-
ment de la pensée (Vygotski, 1984 ; Clot, 2004).
Pour conclure, je ne suis pas sûr d’être ici en accord complet avec
beaucoup des psychosociologues qui s’intéressent au travail humain
(Mendel et Prades, 2002). Mais avec les plus proches cités ci-dessus –
auxquels il faudrait ajouter V. De Gaulejac (2005) – et dont l’héritage est
très présent dans les articles de ce numéro, la discussion est à la fois
nécessaire et possible. Sans doute, également, une clinique de l’activité
se rapproche-t-elle du travail de G. Mendel avec lequel j’ai cherché à
engager un dialogue critique il y a déjà longtemps sans être sûr d’y être
parvenu (Clot, 1993), ou encore de celui de D. Lhuillier (2002, 2005)
avec qui nous avons, plus récemment, conçu ce numéro. Mais beaucoup
de chemin reste à faire sur lequel j’espère seulement ne pas avoir installé
d’obstacle supplémentaire. Peut-être à la lecture de ce numéro verra-t-on
BIBLIOGRAPHIE
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 187.79.218.5 - 26/12/2017 05h46. © ERES
RÉSUMÉ
Cet article est une tentative pour définir les rapports entre clinique de l’activité,
clinique du travail et psychosociologie clinique. Les concepts de travail, de recon-
naissance et de clinique dialogique sont précisés. Enfin, les rapports entre clinique
de l’activité et psychanalyse sont aussi analysés.
MOTS-CLÉS
Clinique de l’activité, clinique du travail, psychosociologie clinique, psychanalyse.
ABSTRACT
This paper attempts to definite links between clinic of activity, clinic of work and
clinic psychosociology. Concepts of work, acknowledgement and dialogical clinic
are clarified. Finally, the links between clinic of activity and psychoanalysis are
also analyzed.
KEYWORDS
Clinic of activity, clinic of work, clinic psychosociology, psychoanalysis.