La Fleche n6 Mar 15 1931
La Fleche n6 Mar 15 1931
La Fleche n6 Mar 15 1931
LA FLÈCHE: SOMMAIRE :
paraît le i5 dé chaque mois, — Prix du numéro: i fr. — Abonne- Le Livre de la Vie> — par «La Flèche »; Les Commandements du
ment d'un an: io fr. — bénévoles soutenir Troisième —
Souscriptions pour Terme, par Ordre du Cône; Le Rite sacré de l'Amour
le journal : 25 fr. et 5o fr. Ces souscriptions donneront droit à —
magique, par Xènia Norval ; La Chute silencieuse, —
par
quelques
4 4 publications
P spéciales au cours de i qo i. — Toute correspon- * „ TJ .„ D ... jr, T r>>/- 7- o i>r> •
dance doit être adressée à la directrice F.Hanoum ; Beltina Klein, -par /. iWmftr; Sagesse d Orient .
et Science moderne, -
Mme Maria de 11, Rue PARIS par Vendegtes.Negtes.
NAGLOWSKA, Bréa, (6 )
*
Le Troisième Temple
évidemment,
Mais, on n'accomplira pas ce grand
rite magique dans les chambres nuptiales ordinai-
— Tu reconnaîtras
i. Dieii en toi et autour de Les"hommes chanteront des cantiques et écou- Question a. — Que vous ont dit les ondes et
toi et dans l'Univers entier, ;— car tout ce qui teront les discours du chef et réciteront à plu- que vous ont dit les hommes?
est visible et invisible est le résultat de la Vie de sieurs reprises la formule suivante : — Les ondes sont muettes et les
Réponse.
Dieu, seul Etre pouvant dire « Je suis »* « Lorsque Moïse traversa la mer rouge noire hommes insensés» Ni les unes ni les autres ne nous
La chair dit ; je fus et je serai. La Vie dit : je ont rien dit qui vaille.
triangle commença^ et la femme fut soumise à
suis. l'homme, son époux, pour procréer selon la Loi. 3. — Que voulez-vous
Question savoir, mes
— Nous rendons
grâce à la phase de l'enfante- soeurs et mes filles?
2. —- Tu te reconnaîtras serviteur de la Vie, ton ment béni et nous en gardons le souvenir respec-
Réponse. — La vérilé sur la Naissance, la vérité
Dieu, ou de Dieu, ta Vie, et tu n'adoreras aucune tueux. » sur la Souffrance et la vérité sur la Vision du
force intermédiaire, visible ou invisible, — car Jour. Car la Naissance s'accomplit en nous, la
adore une force intermédiaire Chaque fois que cette formule sera prononcée
quiconque appar- Souffrance se prolonge à travers nous, mais la
tient à la force intermédiaire, et périt avec elle par les hommes initiés, le chef dira aux chré-
tiens : . Vision du Jour se fait en dehors de nous.
lorsque son temps est révolu. La Naissance du Fils qu'est-eîle pour nous?
« Saluez lés témoins de la première ère. »
Appartiens à Celui qui est et non à celui dont Il se fera alors un silence profond dans la salle,
on dira : il FuL Les chrétiens se retourneront vers les Juifs et les luttes cesseront et les hommes chanteront en
feront trois saluts solennels. choeur : .
3. — Ne donne aucun nom à ton Dieu (= ta Les Juifs répondront au salut en disant : «Nous « Tandis que la guerre était en nous et autour
Vie), — car le nom est une prison et Dieu n'a pas sommes vos frères ».
de murs. de nous, voici que les femmes accomplissaient un
Le chef tracera alors de son épée le triangle de voyage.
Le nom commence avec le souffle, «tîe souffle vie et dira : Bénissons la guerre, la lutte et les tortures,
passe et se répète en un autre temps, toujours le « Ce fut la Verge, cela devint car voici nos soeurs au seuil du Sanctuaire.
même, sans cesse différent. l'Épée, c'est main-
tenant la Flèche, » « Vêtues de noir et versant des larmes, elles
Aucun nom n'est éternel, comment en donne- ont senti le mystère. Elles veulent savoir la rai-
Cette formule sera prononcée au début, au
rais-tu un à Celui qui demeure? son qui nous cause, nous unit à elles et nous
milieu et à la fin de la première heure.
sépare d'elles-
4. — Tu bâtiras un Temple pour adorer ton Elle sera prononcée la dernière fois à minuit et Bénie soit la nuit qui attriste et inspire ».
Dieu '(== ta Vie), — car tes soucis sont impurs les femmes se prosterneront alors à terre. Les
hommes passeront les femmes, les Les hommes se rangeront après cela sans dis-
et il te faut un lieu où pénétrer lavé de les soucis. par-dessus
Juifs ©édant la plate, à droite, aux chrétiens pour tinction entre circoncis et non-circoncis, et les
se ranger eux-mêmes à gauche de la salle. femmes se placeront au premier rang, le flambeau
allumé dans la main.
Au coup de minuit le chef ordonnera aux La Mère dira ceci :
femmes de se relever, en disant :
La Messe d'or du Sabba « La première heure fut celle du Mariage,
« Femmes, levez vous ! Enlevez le voile de sang celle de la descente de la divinité dans l'huma-
et apparaissez au milieu de nous noires de honte. nité pour la fécondation spirituelle de cette der-
Car l'heure de la bénédiction est passée et nous nière.
Tu viendras dans le Temple le soir du Sabba,
dans la nuit qui sépare et unit le repos des Juifs, entrons dans l'ère de la souffrance. Voici l'épée L'animal devint homme.
qui se place entre vous et l'Homme qui vous
les Témoins, et le repos des Chrétiens, les Sacri- La seconde heure fat celle de la guerre et de
ficateurs. repousse pour sa purification par la souffrance. »
la Séparation, car la mère fécondée, l'Huma-
A cet instant, de droite et de gauche, des épées nité, devait laisser mûrir en elle le fruit du
Tu y resteras trois heures avec les frères et les
. seront lancées dans la direction des femmes. Elles Mariage.
élus de la Mère, et tu rendras grâce : de onze
heures à minuit à Moïse, le fondateur du Témoi- tomberont à terre, formant une séparation entre A présent le Fils de VHomme est en nous et la
les hommes et les femmes. troisième heure verra Sa Naissance.
gnage, et de minuit à une heure à?Jjesasj ï'Iustau-
rateur du Sacrifice, et de une heure à deux heures Alors un groupe se détachera des circoncis et Femmes, le fruit de vos entrailles voyait le
à la Vie libérée de la prison de la chair. des non-circoncis. Ces hommes se draperont de jour en dehors de vous, mais le Fils de l'Homme
Si lu es profane, lu le placeras parmi les pro- rouge, saisiront les épées gisant à terre et les répand sa Lumière en dedans et au dehors.
retourneront contre ceux qui les avaient lancées. Vivons maintenant la Troisième heure, afin de
fanes, les frères, et tu écouleras et tu recevras
la comprendre. »
avec eux aussi longtemps que tu ne seras initié. Une lutte s'engagera. Ce sera la guerre.
par ordre du Cône.
Si tu es initié tu le placeras parmi les initiés. Les femmes se retireront au fond de la salle. M. de N.
De onze heures à minuit à droite, si tu es cir- Elles arracheront leurs voiles rouges et resserreront
concis, et à gauche, si lu ne l'es pas. A minuit étroitement autour d'elles le voile noir. (A suivre)
les circoncis passeronl à gauche cédant leurs
Vous n'introduirez au Elles entonneront le cantique suivant :
places aux non-circoncis.
milieu de vous aucun homme de couleur noir ou « Voici devant, nous la mer désolée et le pâle
rouge, car ces races sont révolues. horizon qui invile nu voyage.
Les femmes initiées se placeront au milieu de la
Montons, une à une, dans les barques trem-
salle, entre les circoncis et les non-circoncis. Elles
blantes et confions notre sort à ces ondes.
se rangeront l'une derrière l'autre, et elles entre-
ront dans le Temple voilées de trois voiles; le L'Epoux divin a perdu son Epouse, en nous
premier voile sera blanc, le second noir, le troi- gémît leur souffrance.
sième rouge. Allons pleurer leurs larmes au loin, peut être
Les femmes garderont sur elles les trois voiles retrouverons-nous leur rose. »
de onze heures à minuit, et enlèveront alors le
voile rouge. Le second voile sera enlevé à la fin Et tandis que les hommes s'infligeront des tor-
de. la seconde heure de présence, et le troisième tures, les femmes, voilées de noir, longeront à la
la cérémonie de la dernière heure, entre file indienne les murs de la salle.
pendant
une heure et deux heures du matin.
Lorsqu'elles seront près du rideau séparant la
Car le rouge appartient à la chair bénie, le noir salle de l'assistance du Sanctuaire de l'Acte, la
à la tristesse delà séparation et le blanc à la joie Mère qui se trouvera là pour les attendre, leur
du renouveau. remettra à chacune un flambeau allumé.
Pendant la première heure de présence vous Elle posera les questions et recevra les réponses
commémorerez la formation du peuple d'Israël et le suivantes :
symbole du pacte conclu entre Dieu et son peuple — Mes soeurs,
eïu : la Verge cachée dans l'Arche. Question 1. qu'avez-vous vu au
cours de ce voyage?
Les femmes demeureront silencieuses et le
à terre. Elles ne feront aucun mou- — Nous avons vu dans la mer des
regard baissé Réponse.
vement et leur attitude rappellera l'obéissance des ondes furieuses et sur les rivages des hommes
femmes de la première ère. égarés.
LA FLECHE
Nous restâmes encore quelque temps dans Micha revint vers moi. Je m'arrêtai sur le dernier de l'échelle,
gradin
l'angle Nord de la salle, mais nous ne parlâmes — A — en me Dour voir ce que Micha ferait encore.
quoi penses-tu? demanda-t-il,
plus. prenant les deux bras dans ses mains fortes. — Mes yeux, habitués entre temps à l'obscurité,
Micha avait l'air de méditer un plan, et ce Xénia je veux que tu m'aimes. Moi. Pas l'autre. me permirent de distinguer le visage du jeune
n'était, certes, pas mon intérêt, de détourner sa Je serrais les lèvres. Aucune aomme : il avait l'air et
réponse ne me inspiré, de ses lèvres
pensée de la. pelouse, autour du chêne géant, où il venait à l'esprit. Micha sans într'ouvertes des sons :
interpréta, doute, en partaient inintelligibles
s'imaginait .rencontrer un rival en chair et en os, no ! hé ! ho.!.'hé!
sa faveur ce silence, qui avait pourtant une bien ha, et d'autres syllabes encore,
comme lui. autre cause, et, m'attirant passionnément contre pu'il me fut impossible de distinguer.
Nous ne dansâmes pas, ni l'un ni l'autre, et aux
sa large poitrine, il déposa sur mon oeil droit un D'un geste instinctif
venaient m'inviter, je ramenai sur ma robe
cavaliers, qui je répondais ardent baiser. ;laire les plis du large manteau
invariablement: noir, que j'avais
— J'aime tes yeux, — dit-il ; et un moment jeté sur mes épaules pour affronter la fraîcheur de
— Je ne suis pas Ce sera
disposée aujourd'hui, — la nuit. Pour rien au monde
une autre fois. après : L'autre ne t'aime pas, j'en suis sûr, je
' je n'aurais voulu
pour te le prouverai. attirer en cet instant l'attention de Micha,
Les membres de ma famille déduisaient, natu- pour ne
de ma conduite la chose la banale
•— Tu sauras tout à une heure, —
disje, mais pas le déranger dans son étrange opération, car il
rellement, plus m'était évident subissait — oh! à ma
et qui, à leur point de vue, était aussi la meilleure, ma voix étouffait dans ma gorge. qu'il déjà
— la volonté de mon Maître
— Oui, oui, grande joie!
à savoir : qu'entre Micha et moi se préparaient je saurai tout, et je lutterai ferme, rieux, lime
mysté-
s'il le faut, -— dit Micha, — car faut une femme et un homme, avait-
des fiançailles. je te veux. il dit.
Teut à coup Micha tressaillit. Il me regarda encore et encore, puis, il se
— dit-il. Micha fil un nas »- avant""et se trouva dé ce
—Il y a là un étrange courant d'air, détacha de moi avec un grand effort et frissonna
Fait Ugixciiient éclairé.
Il se leva et ferma les fenêtres les plus proches, de la tête aux pieds.
Je vis alors qu'il portait tout l'équipement cosa-
à droite et à gauche, de nos deux sièges. — Prends-tu un manteau? — me demanda-t-il
que : le long kaftan garni d'astrakan gris, le haut
Il se remit à sa place, se leva encore. tout à coup- — Il faudra aussi des chaussures plus bonnet de Cette même fourrure, et lés nombreux
— L'extraordinaire est, —- dit-il, le vent L'herbe est humide là nuit.
—que solides.
vient par en bas. Nous ne sommes poignards enfoncés dans le ceinturon de cuir. Ses
pourtant pas — Tu as raison, —- -— J'irai ce
au balcon, dts-je. prendre hautes bottes lui montaient par-dessus lés genoux.
en hiver. J'ai les pieds gelés. Viens
marcher un peu nous fera du bien. qu'il faut tout à l'heure. Il était impressionnant, et je ne pus m'empêcher
— Non
vas-y lout de suit?. Je serai ici à ton de ressentir pour lui une vive admiration.
Il faudra passer devant toutes les vieilles dames,
— et retour. — — dit-il d'une voix atone» —--
— déranger les danseurs. Quaranle-et-un,
observai-je, Il jeta autour de lui un regard inquiet.
— Nous ne sommes pas à Paris ou à Pélers- Qaarante-et-un c'est le nombre du voyage, accompli
— C'est par cette échelle qu'il faudra descendre
— — et à la comme du onze jusqu'au six.
bourg, répondit Micha, guerre n'est-ce — dit-il, en désignant l'échelle de
à la guerre. pas? le nombre de la première
dans la cour des C'est consaerâliôn,
fer, qui, du balcon, conduisait
Il ouvrit la fenêtre, qu'il %'enail de fermer, plaça après la descente jusqu'au centre de l'oeuf.
l'une de nos chaises en guise de marche-pied paons et des oies. Il se lut un instant,
— Oui. reprit lé souffle, et Continua
devant le rebord de la fenêtre, et me demanda comme une leçon apprise par coeur, qu'on balbutié
— Eh, bien'! vas! NJUS nous retrouverons dans
d'un ton bourru : encore pour ne pas l'oublier :
— Au riez-vous le monde en la cour, au pied de l'échelle. Ici ce ne serait pas
peur de scandaliser —
Quarante-et'Un c'est le chiffre du seuil atteint.
prudent... moi aussi j'ai quelque chose à prendre
vous servant de cet escalier improvisé? Voyons C'est l'addition : onze plus deux,
vous du avant de partir. plus dix, plus
XSnia, n'hésitez pas et moquez public.
— Il ne me faut quatre, plus huit, plus six. A ce souil on meurt
pas un bien grand effort pour Sas yeux brillèrent d'un éclat mauvais. ou on reprend le chemin en ascension... Mainte-
un acte si simple, — en riant, et, sans il sans
disje Pauvre Miclnl pensait, doute, à son nant, il s'agit de réaliser, en remontant,
sur la main me sautai sept plus
m'appuyer qu'il tendait, je sabre.
le rebord de la cinq, plus neuf, plus trois, plus onze, plus un, —
sur la chaise, de la chaise sur soit trente-six en tout...
* * Trente-six plus quaranle-
fenêtre, et de là sur les dalles du balcon. Tout — c'est
et-un font soixanle-dix-sept, pourquoi le
cela en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire. — une demi-heure chiffre 77 est celui
Lorsque je revins peut-être de la libération... C'est la
Micha me suivit d'une seule enjambée. car dus faire tout le lourde la maison seconde celle du
plus tard, je consacralion, Maître dans le
par les salons du Sud-Est, le hall, l'escalier inté- mâle... C'est aussi le second cinq... le cinq?..
rieur et, enfin le corridor, au fond duquel se l'étoile de l'Autre-Rive.,.
La nuit était très sombre. Pas de lune, et les
et sem- trouvait ma chambre —Micha se tenait à quelques Micha fil encore trois
myriades d'étoiles, larges scintillantes, pas en avant, de la
la d'infinis pas de l'échelle de fer, à l'abri de la lumière, qui démarche raide d'un et
blaient braquer sur terre regards somnambule, prononça
venait des fenêtres de la salle de bal. d'une voix terriblement en portant son
angoissés. forte,
L'air était frais et vif. Le silence était profond, car les danseurs et sabre en garde :
— La! 0!i est mieux tous les invités et les membres de la famille étaient — .le te
ici, —dit Micha, en aspi- permets et je t'invite à remonter à
rant profondément la brise de la nuit. — Quelle passés dans la salle à manger,où un copieux souper travers moi du Six au Un, soit de k 1 à 77,..
heure est-il? à la russe retenait toute leur attention.
*
Il tira sa montre du gousset. Sous la lueur énigmaliqùe des étoiles, lourdes * *
— Onze heures. en ces régions méridionales, où le ciel semble
Il eut un frisson nerveux. bas et massif, la fine silhouette des monts nei- Mes lecteurs, vous êtes désormais habitués aux
— Il est de ce donc vous dire
presque temps de commencer nos pré-
geux se dessinait en dentelures imprécises et sem- extravagances récit, je puis
dit-il. blait inviter à un voyage mystérieux dans tranquillement, et sans excuses inutiles, qu'au
paratifs, l'esprit
Il fil quelques pas le long du mur, tandis que je inconnues. moment où Micha prononça le mol « septante-
des profondeurs
contemplais, immobile, la splendide profondeur Les taches plus sombres des vallées aux épaisses sept » (car il ne dit pas soïxante-dix-sepl), une
du ciel. A ma mémoire revenaient ces vers flamme bleue tomba sur la pointe de son sabre ei
forêts avaient un aspect sinistre, et la crainte ner-
de notre : y disparut, comme un serpent dans la terre.
majestueux grand poète Apouchtine veuse, qu'elles inspiraient, était un stimulant
chaînes puissant pour une âme courageuse. Tout près de moi, une voix étouffée murmura;
Les augustes
Dorment dans la nuit. Une brise froide se promenait dans l'espace. Je — Pose-lui trois questions et n'oublie pas ce
Les vallées se traînent sentais qu'elle contenait une pensée et une volonté Fais vite, car ii a peu de temps à
qu'il répondra.
Sans le moindre bruit. qui me seraient bientôt révélées. ta disposition.
Je descendis lentement, en plaçant avec pré- Je cherchais la question à poser, quand tout à
caution mes pieds, chaussés de petits souliers ver- et comme malgré moi, je dis:
Les forêts se taisent coup,
nis, sur les gradins étroits de l'échelle en fer. Je
—
Doux sont les étangs faut-il combattre le neuf!
regardais Micha, qui se livrait dans l'obscurité à Pourquoi
La douleur mauvaise
un exercice pour le moins bizarre : il tenait dans — C'est ça, —souffla la brise, redoubla en
Va cesser.,, attends / qui
sa main droite son grand sabre de cosaque, et cet instant.
— Oui, en elïet, pensais-je, — tout cesse et dans avec cette arme faiblement éclai-
traçait l'air,
Micha, toujours comme un automate répondit:
lout commence à temps, à la minute réglée rée par moments, de larges cercles, qu'il coupait
d'avance. ne pas contrarier la ensuite de haut en bas et de gauche à droite, droit — Le neuf est le symbole du six renversé.
L'essentiel, pour
volonté inconnue, c'est de rester calme et passive devant lui. Par terre, à un mètre ou deux de dis- C'est le mensonge, qui parle le langage du vrai.
en toute circonstance. Pas de désirs personnels, tance, était déposée une lanterne, qui projetait à C'est Mi croix, '5 perpétuée pour le triomphe de
travers ses vitres une lueur rouge. l'Injuste.
4 LA FLECHE
l'empêcher de tomber, —
car^ évidemment, il picturale accomplie par des générations d'artistes
était bien lourd le poussai vers français qui n'eurent pas à subir l'hégémonie spiri-
pour moi, —je
le mur, dont tuelle de Berlin... Les portraits,
quelques pas à peine nous sépa- compositions,
raient. II recula aussitôt types, paysages de Bettina Klein se' rapportant
et, arrivé près du mur,
il s'y appuya avec un soulagement visible. aux colonies françaises, portent une facture gra-
cieuse de l'art français moderne, non outré, ni
Son sabre grinçait sur les cailloux. « cérébralisé mais illuminé avant lout la
», par
— — dis — personnalité attrayante de leur auteur : coloris
Micha, je, sois sans crainte, tu
tendrement harmonisé qui ne heurte pas nos
vas bien à présent.
sens ; dessin léger, enveloppant les formes sans
Il aspira l'air frais de la brusquerie, expressivité des visages, mais rien des
profondément nuit,
tressaillit encore et me regarda. poses épileptiques, introduites par certains nova-
teurs ; l'équilibre naturel et le sens inné de l'har-
— Te voilà, — dit-il. — Je viens d'avoir monie.
Xénia,
une vision extraordinaire. Donne-moi la main, Telles sont les qualités dominantes de l'oeuvre
mon amie, je commence à comprendre bien des de Bettina Klein, l'oeuvre qui s'impose dans l'art
choses. moderne où une orientation évidente vers le colo-
nialisme (autre-aspect de l'orientalisme) paraît se
(A dessiner à l'horizon, favorisée par la grande mani-
suivre.)
BETTINA KLEIN : Une nomade. festation da Vincennes. J. BIÉLINKY.