Texte N°1: Une Charogne: Introduction
Texte N°1: Une Charogne: Introduction
Texte N°1: Une Charogne: Introduction
: UNE CHAROGNE
→Introduction :
L’extrait étudié « Une Charogne » appartient à la première section du recueil « Les fleurs du mal »
de Charles Baudelaire, nommée « Spleen et Idéal », dont il est le 29ème poème. Ce poème fait parti
du parcours « L’alchimie poétique : la boue et l’or ». Baudelaire né en 1821 à Paris et mort en 1867
est un poète du XIXème siècle, il s’inspire du romantisme, adhère un petit peu au Parnasse et
influence beaucoup le symbolisme. Celui-ci propose dans son recueil une poésie novatrice pour son
époque, car son but est d’atteindre la beauté poétique par le biais du mal, ce qui fera scandale en
1857, dès sa parution.
Dans ce poème, Baudelaire décrit la promenade d’un couple interrompue par une vision d’horreur :
l’apparition d’un cadavre en décomposition.
Les poèmes qui le précèdent évoquent la beauté de la femme tandis que ceux qui le suivent
établissent le lien entre la femme et la mort. Le poème étudié, « Une Charogne », fait donc office de
transition entre ces deux sortes de poèmes.
Du vers 1 à 8, le poète nous met dans le contexte en nous annonçant la découverte d’une charogne
lors d’une balade amoureuse dans la nature. Puis, du vers 9 à 36, le poète décrit la charogne, qui
devient alors un objet poétique. Enfin, du vers 37 à 48, le poète annonce à la femme aimée qu’elle
subira cette même décomposition.
→ Lecture expressive
→ Explication Linéaire :
Premièrement, le poète est en compagne de la femme aimée. Le pronom «nous» au vers 1 donne
l’image du couple. Également, le déterminant possessif de la première personne est associé à un
terme suggérant l’amour, l’adoration. L’auteur emploie des termes tels que « mon âme » au vers 1.
Ensuite, nous en déduisons qu’il va être question d’un souvenir grâce au verbe « Rappelez-vous »
présenté initialement comme étant très agréable : « ce beau matin d’été si doux ». Les termes
« été », « beau », « doux » sont des conditions idéales pour se promener.
A première vue, ce poème s’inscrit dans la tradition de la poésie amoureuse. Le poète et la femme
aimée se promènent dans une nature accueillante, un univers paradisiaque. Le couple est amoureux,
la nature est belle. Pourtant ils vont découvrir un tableau horrible : un cadavre en décomposition,
entraînant ainsi un décalage saisissant avec la première impression donnée.
Ainsi, Dès le vers 3, la promenade idyllique est rompue par la découverte d’une « charogne
infâme ». Cette « charogne » est initialement désignée par le mot « objet », puis qualifiée
péjorativement par l’adjectif « infâme ». Juste après, une métaphore érotique, provocante, amorcée
par « lit de cailloux » au vers 4 se prolonge dans la seconde strophe avec « les jambes en l’air » et la
comparaison « comme une femme lubrique ». Cette image est particulièrement provocante.
Mouvement n°2 : Une description surprenante de ce cadavre
Tout d’abord, le poète évoque une nature agréable. Des références au cadre se prolongent tout au
long du poème, et notamment du second mouvement. Le champs lexical de la nature est présent
avec les termes « Le soleil » au vers 9, « ciel » au vers 13, « fleur » au vers 14, « nature »… De
plus, ces termes sont présentés de façon méliorative : le soleil est associé au verbe « rayonner », le
ciel est personnifié par son regard, la fleur est associée au verbe « s’épanouir », et surtout la nature
est mise en valeur, au vers 11, avec l’adjectif mélioratif et la majuscule : « grande Nature ».
Cela crée un contraste surprenant avec la charogne. Le poète va donc opposer la laideur du cadavre
à la beauté de la nature. Le poème contient d’ailleurs diverses antithèses comme « fleur/ puanteur ».
Ensuite, le poète fait une description précise et réaliste de la charogne. Recherchant la provocation,
il insiste sur le processus de décomposition, du vers 17 à 22, avec « mouches », « larves »,
« putride ». L’enjambement vers 18-19 matérialise l’action marquée par le verbe « coulait ».
Baudelaire insiste aussi sur les odeurs avec les expressions « suant le poison » au vers 6, « plein
d’exhalaisons » au vers 8, « putride » au vers 17, à la rime et enfin, « la puanteur était si forte » au
vers 15. Le vocabulaire utilisé n’est absolument pas poétique.
Néanmoins, on trouve toutefois une description très imagée et caractéristique de l’écriture poétique.
La description dépasse la simple observation de la réalité. Ainsi, la charogne devient une sorte
d’hallucination, comme le reflète le mot « rêve », au vers 29.
Le cadavre animal est ainsi transfiguré en un objet extraordinaire. On est bien dans la sublimation
de l’horreur par les oppositions entre beauté et laideur, comme le reflète particulièrement l’oxymore
« carcasse superbe » du vers 13. Le second mouvement offre donc un regard double sur la
charogne, elle est à la fois très crue, horrible, réaliste, ce qui représente la boue mais aussi embellie
par l’écriture poétique ce qui la transfigure en or.
Mouvement n°3 : Le message que le poète veut faire passer à la femme aimée :
Les 3 derniers quatrains reviennent sur la conversation du début du poème comme le montre l’usage
du tiret au vers 37.
Pour finir, Baudelaire fait une réflexion sur la puissance de l’art. En effet, c’est la femme, et non le
poète qui semble touchée par cette déchéance future. Ainsi, la dernière strophe montre la femme
dévorée par la vermine, tandis que le poète, lui, demeure, par l’intermédiaire de sa poésie. Il affirme
« j’ai gardé la forme et l’essence divine ». Il oppose alors cyniquement la condition mortelle de la
femme à la sienne. Par le biais de son art, et d’ailleurs il y a un champs lexical de l’art avec les
termes « ébauche » vers 30, « toile » vers 31 et « artiste » vers 31, il se voit comme un être
supérieur, sacré, faisant ici l’apologie de la création artistique. Grâce à l’alchimie poétique, le poète
est capable, lui, de transcender la mort et d’accéder à l’éternité. Le poète se distingue du commun
des mortels. La mort et la décomposition n semblent réservés qu’à la femme qui l’accompagne par
le pronom « vous » dans le vers 37 et 41.
→ Conclusion
Pour conclure, à travers son recueil, Baudelaire avait un objectif novateur : atteindre la beauté
poétique, même par le biais du mal, comme le suggère le titre du recueil, Les Fleurs du mal. Il
montre que par l’alchimie poétique, n’importe quel objet peut générer une œuvre d’art. Dans ce
poème, on retrouve également l’idée que seul l’art peut abolir la mort, puisque seul l’art peut
traverser les siècles.
→ Ouverture
Ce poème peut être mis en parallèle avec « Mignonne allons voir si la rose... », de Ronsard. Dans ce
poème, on retrouve aussi le thème du «carpe diem », mais la femme est ici associée à une rose
fanée.