Mat Eriaux Multiferro Iques: Structure, Ordres Et Couplages. Une Etude Par Spectroscopie Raman
Mat Eriaux Multiferro Iques: Structure, Ordres Et Couplages. Une Etude Par Spectroscopie Raman
Mat Eriaux Multiferro Iques: Structure, Ordres Et Couplages. Une Etude Par Spectroscopie Raman
THÈSE DE DOCTORAT
DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SACLAY
PRÉPARÉE À L’UNIVERSITÉ PARIS SUD
Par
JURY
La préparation et l’écriture d’une thèse est un passage initiatique que tout apprenti-
chercheur se doit de traverser avant d’être accepté par la communauté scientifique comme
un chercheur à part entière. Ce n’est pas une tâche simple et il faut aller à la rencontre de
soi-même, de son mode de fonctionnement sous pression (sans mauvais jeu de mots avec la
physique) et de ses exigences (qu’on doit malheureusement revoir à la baisse pour rendre un
manuscrit en une période finie de temps !). Un passage par le feu en quelque sorte.
Cette tâche ne peut s’accomplir sans le soutien et les apports de personnes qu’il convient
de remercier ici pour rendre justice au travail multiple dont ce manuscrit est le fruit.
Mes premiers remerciements vont bien évidemment aux personnes ayant rendu possible
cette aventure scientifique de presque quatre années, à savoir à mon directeur de thèse,
Maximilien Cazayous, pour sa confiance, pour son humour caustique, pour les multiples
sujets scientifiques qu’il m’a permis de découvrir et les collaborations scientifiques qui en
ont découlé, ainsi qu’à Alain Sacuto, mon co-directeur de thèse, qui m’a accueillie dans
son équipe et a eu à cœur de me permettre de terminer ma rédaction dans les meilleures
conditions.
Je tiens également également à remercier les autres membres de cette équipe de recherche :
Marie-Aude Méasson pour son soutien scientifique et son encadrement sur mes débuts en
pression hydrostatique (en particulier sur la manip maudite sur TbMnO3 où j’ai connu
quelques moments de solitude) et pour ses encouragements de fin de rédaction, ainsi que
Yann Gallais pour les discussions scientifiques diverses et ses blagues lors de la traditionnelle
pause thé quotidienne.
Ces remerciements s’adressent aussi à la DGA et à l’école doctorale 107 qui ont financé
cette thèse et en particulier à Rose-Marie Sauvage, qui a suivi mes travaux pendant ma
thèse en tant que tutrice DGA. Merci également à Carlo Sirtori, pour son accueil au sein du
laboratoire et à Anne Servouze pour son efficacité légendaire et la bienveillance avec laquelle
elle veille sur nous.
Mes remerciements vont ensuite à ceux sans lesquels l’étape décisive et finale de la sou-
tenance n’aurait pu être réussie : les membres de mon jury de thèse, que je remercie pour les
belles discussions scientifiques lors des questions post-présentation de soutenance. Je tiens
particulièrement à remercier mes deux rapporteurs, Niels Keller et Leonardo Degiorgi, pour
leur lecture attentive et leur retour très positif sur mon manuscrit. Ma gratitude va également
aux quatre autres membres extérieurs de mon jury : Philippe Mendels, pour avoir présidé le
i
ii
jury de soutenance, Stéphane Pailhès, pour ses remarques et ses questions, Ricardo Lobo,
pour son humour qui a détendu l’atmosphère pré-soutenance, Matthieu Le Tacon pour sa
relecture minutieuse et ses remarques judicieuses sur mon manuscrit. Merci à eux, en par-
ticulier, pour leur patience et leur bonne humeur lors des 30 interminables minutes sans
vidéo-projecteur du début de soutenance !
Parmi les personnes sans lesquelles les travaux scientifiques présentés dans cette thèse ne
pourraient être aussi complets et poussés, les chercheuses et chercheurs avec lesquel-le-s j’ai
eu la chance de pouvoir collaborer ont ma plus complète et sincère reconnaissance.
Merci ainsi à Manuel Bibès, Agnès Barthélémy et Daniel Sando pour la synthèse et la
caractérisation des films minces de ferrite de Bismuth que j’ai pu étudier pendant cette thèse
et pour la collaboration pour l’écriture de notre papier. Ce papier doit également beaucoup
aux contributions d’Anatoly Zvezdin et de Brahim Dkhil pour les calculs d’énergie libre et
les simulations par Hamiltonien effectif ainsi qu’à Jean Jurazsek et Arsène Agbelele pour les
mesures Mössbauer.
Je souhaite remercier Dorothée Colson pour la synthèse de monocristaux de BiFeO3 de
très grande qualité pour nos mesures sous pression hydrostatiques, ainsi que Gilles Lemar-
chand et Pascal Munsch pour les multiples chargement de cellule à Jussieu. Merci également
à Rogério de Sousa pour ses calculs d’énergie libre pour expliquer le comportement des ondes
de spin de la ferrite de Bismuth sous pression et pour les nombreuses interactions scienti-
fiques que nous avons eues lors de l’ajustement des data. Je remercie aussi Laurent Bellaiche
et Dawei Wang pour les simulations de Hamiltonien effectif et ce dernier en particulier pour
le soin apporté à l’explication détaillée de ces calculs et la disponibilité pour répondre à nos
questions à des heures indues (décalage horaire aidant).
En ce qui concerne les travaux sur les manganites de Terre-rare, je tiens à remercier Loïc
Pinsard et les Professeurs Sang-Wook Cheong et Hideaki Sakata pour nous avoir fourni,
respectivement, nos échantillons de h-YMnO3, YbMnO3 et TbMnO3 ainsi que Christine
Martin pour les échantillons monocristallins de "grande taille" et de très haute qualité de
CaMn7 O12 avec lesquels j’ai passé de nombreuses heures en tête à tête.
Enfin, mes remerciements chaleureux vont à l’équipe de Grenoble pour les deux collabora-
tions de grande qualité humaine et scientifique que nous avons menées : Laura Chaix, Sophie
Debrion & Virginie Simonet, pour les mesures THz, ainsi que Sylvain Petit (du CEA) pour
les simulations de branches de magnons. Merci pour les nombreuses séances de discussions
lors de la rédaction de l’article sur YMnO3 . Merci également pour la collaboration fructueuse
sur le langasite de Fer au Niobium, avec le concours de Marie-Bernadette Lepetit (merci tout
particulièrement à cette dernière pour le temps passé en conversations téléphoniques pour
démêler tous ces modes de phonons), de Florence Levy-Bertrand et de Hamdi Barkaoui.
Merci également à Pascale Roy pour l’accueil sur la ligne AILES du synchrotron SOLEIL.
Tout expérimentateur qui se respecte connaît en outre les déboires divers que les pièces
mal ajustées lui font subir et je tiens à remercier les deux membres de notre atelier méca-
nique : Martial Nicolas et Patrick Lepert, pour les heures passées à ajuster et fabriquer notre
porte-cellules et diverses pièces. Merci également à Richard Diot pour l’approvisionnement
constant en azote liquide et en fournitures diverses qui nous a souvent fait gagner un temps
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. iii
précieux, ainsi qu’à Jocelyne Moreau et Sandine Di Concetto, du service financier, pour leur
efficacité et leur gentillesse.
Un tel travail n’aurait pas été possible sans un environnement humain pour cultiver
l’enthousiasme et l’envie de continuer et c’est là que les amis, la famille et les collègues
doctorants et stagiaires interviennent et représentent une part importante, bien qu’invisible,
de ce manuscrit.
Je tiens d’abord à remercier les "anciens" du thésarium 1 645B qui ont vu mes premiers
pas (enthousiastes) de doctorante et l’inévitable découragement de fin de première année
(avec les premières manips qui ne marchent pas) : Jiaji, avec qui j’ai eu l’occasion de travailler
la première année, pour sa bonne humeur, Loïc, pour son rôle de commère et l’application
et la constance avec laquelle il a alimenté les rumeurs de notre thésarium, Luc, pour les
souvenirs hauts en couleur de début de thèse où on a pu réapprendre que les chenilles
se métamorphosaient en papillons, Philippe, pour son amitié et les discussions lorsque la
démotivation venait nous rendre visite, les deux Alexandres, l’un pour être une référence
vivante du mauvais goût humoristique et l’autre pour avoir été voisins de bureau et pour
toutes les discussions autour des gâteaux d’Hélène (merci d’ailleurs à Sophie pour son rire
communicatif et son flair imparable en ce qui concerne les types MBTI).
Viennent ensuite mes contemporains : Hélène, que je remercie pour sa gentillesse et son
attention aux autres 2 ainsi que les fous-rires et les soirées passées au labo (en particulier une
certaine soirée pizza avec Siham), Siham, pour sa présence énergique et les longues discussions
(en particulier lors de nos partages de chambre en conférences), Elisa, avec qui on a parcouru
un bout de chemin depuis la licence (!), J-B, fêtard invétéré de bonne compagnie à qui je
souhaite le meilleur en tant que CEO.
Merci enfin aux "petits jeunes" (dont la plupart ont d’ailleurs le même âge) : Pierre, avec
qui on est allé en concert la première année et à qui je souhaite bon courage pour la fin
de thèse, Tom, pour le nombre de capsules de café et de cigarettes que je lui ai taxé et en
souvenir des spectacles surprenants que nous réservent parfois les bords de Seine, Romain,
pour les fous-rires et le soutien en toute fin de rédaction qui m’a permis de passer ce moment
galère avec le sourire (ou presque), Charlotte, à qui je souhaite une bonne soutenance (ça se
rapproche !) et à tous les autres, Bastien, Andreas, Adrien, Adrian, Yassir, Dimitri, Ian (et
tous ceux que je peux avoir oubliés dans cette liste qui s’espère exhaustive mais ne l’est sans
doute pas).
Enfin, les derniers mais non les moindres, je remercie famille et amis qui ont été là pour
moi pendant ces années de thèse et en particulier lors de mes ennuis de santé de cette dernière
année et lors du marathon de fin de rédaction.
Merci d’abord à ceux de la première heure, à la Kolloke du KB, qui a suivi mes débuts
dans la recherche, aux copains des shadowforums et à Géno, qui nous manquera beaucoup
1. C’est ainsi que nous appelons notre bureau en open space, qui, vu de l’extérieur ressemble fortement
à un aquarium à thésards. En témoignent d’ailleurs les petits gâteaux et sachets de thé (ou capsules de
café selon les écoles) qui y sont régulièrement approvisionnés afin de garder lesdits thésards en état de
fonctionnement.
2. En témoignent les gâteaux sus-cités.
iv
et dont mon dernier souvenir restera sa présence à ma soutenance. Merci à Jonathan, pour
les moments passés ensemble sur BFO (à faire et re-faire les figures, entre autres), pour son
soutien et pour ses encouragements tout au long de la rédaction sur la qualité de mon travail
(eh oui, tu avais raison !) et pour le template LATEX avec lequel ce manuscrit a commencé.
Merci à David, pour son amitié fidèle et constante, pour les multiples discussions pas-
sionnées, pour les échanges musicaux et moins musicaux 3 , pour le soutien pré-soutenance et
pour le court-métrage en stop-motion de grande qualité qu’on a pu monter en compagnie de
Romain 4 et qui restera dans les mémoires. Merci à Romain pour sa présence à ma soutenance
et dans les moments rudes qui ont suivi (la vie est farceuse parfois !) et les moins rudes qui
suivront sans doute. Je tiens également à remercier Alexos Bick (et sa soeur Valentonne qui
a pris le relai) pour leur soutien militaire efficace pour la motivation des derniers combats
rédactionnels.
Un grand merci à tous les amis qui ont pu venir à la soutenance et au pot de thèse et
qui m’ont entourée : Arianne (ma plus vieille amie !), Amandine, Jude, Fred, Hush, Laure,
et tant d’autres...
Merci enfin à mes parents, qui m’ont soutenue l’an dernier avec beaucoup de bien-
veillance : Marianne pour m’avoir emmenée en Normandie pour commencer ma rédaction
dans de bonnes condition et pour avoir veillé sur moi quand j’étais au plus bas, Ivan pour
le soutien des troupes lors des mois de rédaction (en particulier par hot-line téléphonique)
et Solal, super-frangin, pour avoir eu le courage et la motivation d’assister à ma soutenance
(et aux questions !).
3. Coucou !
4. Hey les gars !
Panta rhei ! (Tout coule 5 !)
-Héraclite
Sommaire vii
Introduction générale 1
1 Matériaux multiferroïques 6
1.1 Ordres ferroïques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.1.1 Magnétisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.2 Ferroélectricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.2 Mécanismes à l’origine de la ferroélectricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.2.1 Problème d0 versus dn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.2.2 Ferroélectricité induite par des paires isolées . . . . . . . . . . . . . . 21
1.2.3 Ferroélectricité induite par ordre de charge . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.2.4 Ferroélectricité d’origine géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.3 Ferroélectricité impropre d’origine magnétique et couplage magnéto-électrique 24
1.3.1 Couplage magnéto-électrique statique et interaction de Dzyaloshinskii
Moriya inverse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.3.2 Couplage magnéto-électrique dynamique : électromagnons . . . . . . 28
1.4 Le Raman : une technique adaptée à l’étude des ordres et des couplages mul-
tiferroïques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3 Dispositifs expérimentaux 51
3.1 Montage optique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
vii
3.1.1 Chemin optique de la lumière incidente et diffusée . . . . . . . . . . . 51
3.1.2 Sources laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.1.3 Analyse spectrale de la lumière diffusée . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
3.2 Résolution expérimentale et échauffement laser . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3.2.1 Résolution du spectromètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3.2.2 Estimation de l’échauffement laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
3.3 Hautes Pression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
3.3.1 Cellule de pression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
3.3.2 Montage optique spécifique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
3.4 Cryogénie et champs magnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
3.4.1 Cryostat à circuit fermé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
3.4.2 Cryostat développé pour la pression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3.4.3 Cryostat ouvert à 4 He et application de forts champs magnétiques . . 65
6 Etude des excitations dans le langasite de Fer au Niobium Ba3 NbFe3 Si2 O14 159
6.1 Introduction : présentation et état de l’art du composé Ba3 NbFe3 Si2 O14 . . . 159
6.1.1 Propriétés structurales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
6.1.2 Propriétés magnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
6.1.3 Multiferroïcité dans Ba3 NbFe3 Si2 O14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
6.1.4 Motivations de notre étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
6.2 Etude des modes de vibration du réseau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
6.2.1 Echantillons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
6.2.2 Calcul des règles de sélection Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
6.2.3 Identification des modes de phonons . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
6.2.4 Dépendances en température des modes de phonons Raman . . . . . 179
6.2.5 Calculs ab-initio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
6.3 Exploration des excitations de basse énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
6.3.1 Mesures Raman à basse température . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
6.3.2 Dépendance en température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
6.3.3 Mesures Raman sous champ magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . 191
6.4 Conclusion et perspectives expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Bibliographie 229
Il existe des matériaux dans lequels des ordres magnétiques, électriques et élastiques
peuvent coexister dans une même phase. Ces matériaux, appelés multiferroïques, peuvent
présenter des couplages complexes entre ces ordres en interaction dont la compréhension
est d’un intérêt fondamental en physique de la matière condensée. En effet, l’étude des
diagrammes de phases complexes de tels matériaux permet d’apporter un éclairage sur les
différentes interactions subtiles pouvant exister dans la matière et d’acquérir une meilleure
compréhension des mécanismes en matière condensée dans leur ensemble.
L’étude des excitations existant dans les phases multiferroïques complexes peuvent nous
renseigner sur les ordres aussi bien que sur leurs interactions et couplages. De la même ma-
nière que les excitations de vibration du réseau cristallin (phonons) ou que les excitations
d’onde de spins (magnons) vont permettre de caractériser les structures cristallines et ma-
gnétiques des composés multiferroïques, il existe des excitations hybrides qui sont le reflet
des couplages entre les différents ordres.
D’un point de vue applicatif, les matériaux multiferroïques sont des matériaux multi-
fonctionnels par excellence puisqu’ils sont à l’intersection de plusieurs propriétés. L’interac-
tion entre les ordres magnétiques et électriques représente un enjeu considérable dans les
domaines de l’électronique de spin et de stockage de l’information. En effet, les technolo-
gies CMOS 6 actuelles servant, entre autres, au traitement des données se heurtent à des
problèmes de fabrication et de fonctionnement avec la miniaturisation des transistors. Les
transistors actuels sont dans le domaine nanométrique avec une distance source-drain d’une
vingtaine de nanomètres et des phénomènes quantiques apparaissent, phénomènes qui de-
viennent problématiques en dessous de cette taille. Il est donc nécessaire de développer de
nouvelles solutions et l’utilisation de grandeurs intrinsèquement quantiques comme le spin
ou les ondes de spins pour coder l’information permet de lever cet obstacle. D’autre part les
techniques actuelles de stockage de l’information avec des mémoires magnétiques (MRAM 7 )
permettent d’inscrire l’information grâce à l’orientation de petits domaines ferromagnétiques.
Pour écrire de tels domaines, il est habituellement nécessaire d’appliquer un champ magné-
tique. Dans ce cadre, créér des mémoires magnétiques modifiables par un champ électrique
grâce au couplage magnéto-électrique existant dans certains multiferroïques permettrait un
gain considérable d’énergie (l’application d’un champ magnétique nécessaire à retourner les
1
2 Introduction générale
Tout l’enjeu du travail de cette thèse a porté sur l’étude de certains composés multi-
ferroïques et des différentes excitations qui y existent en jouant sur différents paramètres
extérieurs comme les champs électriques, magnétiques ou la contrainte afin d’en sonder l’in-
fluence sur les ordres multiferroïques et leurs couplages. Je me suis intéressée en particulier
au couplage magnéto-électrique et à certaines excitations hybrides qui en sont la signature
dynamique : les électromagnons.
Le premier lien entre le magnétisme et l’électricité a été modélisé par James Clark Max-
well en 1865 lorsqu’il a formulé ses quatres célèbres équations gouvernant la dynamique
des champs magnétiques et électriques et leur couplage avec les charges électriques [Max-
well, 1865]. Les champs magnétiques et électriques qui étaient jusqu’alors considérés comme
deux phénomènes physiques découplés deviennent alors un seul et même objet : le champ
électromagnétique.
Dans la matière, les propriétés électriques (dont la polarisation électrique est la manifes-
tation macroscopique) et magnétiques (aimantation) ont souvent été considérées séparément,
les unes étant dûes aux charges électriques en présence (électrons, protons) et les autres aux
moments dipolaires magnétiques, ou spins, portés par ces charges. La première hypothèse
d’un couplage possible entre ces ordres a été apportée par Pierre Curie en 1894 dans un
article où il montre que les symétries autorisent la polarisation électrique d’un matériau
sous l’effet d’un champ magnétique (et inversement) [Curie, 1894]. Ce n’est que plus de
soixante ans plus tard, que Landau et Lifshitz se penchent à leur tour sur la question et
discutent la possibilité théorique de l’existence d’un couplage magnéto-électrique linéaire 8 .
La même année, Dzyaloshinskii prédit théoriquement un tel couplage [Dzyaloshinskii, 1959]
qui est observé expérimentalement pour la première fois par Astrov dans l’oxyde de chrome,
Cr2 O3 [Astrov, 1959, Astrov, 1960]. Ce couplage a, depuis, été observé dans de nombreux
composés et une classification des groupes de symétrie l’autorisant a été établie [Schmid,
1973]. Ces matériaux sont baptisés "magnéto-électriques".
Par la suite, la recherche de matériaux présentant simultanément un ordre électrique et
magnétique s’est développée dans l’espoir d’y trouver de forts couplages magnéto-électriques.
Le terme de "multiferroïque" a ainsi été introduit pour la première fois en 1994 par Hans
Schmid pour désigner des matériaux dans lesquels plusieurs ordres ferroïques coexistent
dans la même phase [Schmid, 1994]. Ces ordres ferroïques correspondent à l’apparition, en
dessous d’une température critique, d’une polarisation rémanente (magnétique, électrique ou
élastique) en l’absence du champ associé (champ magnétique, champ électrique ou champ
de contrainte) et qui peut être inversée par l’application d’un champ extérieur (de même
8. "Un couplage linéaire entre les champs électrique et magnétique, doit causer, par exemple, une aiman-
tation proportionnelle au champ électrique. Ceci devrait exister pour certaines classes de symétries mais n’a
jamais été observé." Cours de Physique Théorique - Landau & Lifshitz (1959)
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 3
nature).
Magnetically polarizable
Electrically polarizable
(Anti)Ferromagnets
Ferroelectrics
Magnetoelectrics
Multiferroics
Magnetoelectric multiferroics
Figure 0.1 – Schéma de classification des matériaux en fonction de leurs propriétés ma-
gnétiques et électriques. D’après [Eerenstein, 2006]. Les travaux de cette thèse portent sur
l’ensemble des matériaux multiferroïques magnéto-électriques qui se situe à l’intersection des
propriétés magnétiques et électriques dans la matière.
Les multiferroïques qui présentent le plus d’intérêt et qui ont d’ailleurs été les plus étu-
diés sont ceux présentant simultanément un ordre ferroélectrique et un ordre magnétique.
Compte tenu de la rareté des matériaux possédant simultanément un ordre ferroélectrique et
ferromagnétique, la définition de la multiferroïcité s’est élargie pour accueillir les matériaux
qui combinent des propriétés ferroélectriques et antiferromagnétiques ou ferrimagnétiques 9 .
Ils sont au coeur de recouvrements complexes entre les différentes propriétés magnétiques
et électriques et ce sont eux qui font l’objet de cette thèse. Parmi ces matériaux, certains
peuvent présenter un couplage, parfois très important, entre leurs ordres magnétiques et la
ferroélectricité : ils sont appelés multiferroïques magnéto-électriques.
A la fin des années 1970, la recherche sur les matériaux multiferroïques a progressivement
décliné, en raison de la complexité de synthèse de tels composés et de la difficulté à trou-
ver des matériaux avec un fort couplage magnéto-électrique. L’engouement de la recherche
fondamentale pour les supraconducteurs à hautes températures critiques et l’essor des semi-
conducteurs pour les applications ont également contribué au ralentissement des recherches
sur les multiferroïques. Ce n’est que depuis les années 2000 que des avancées expérimentales
majeures, comme la synthèse de couches minces ou la découvertes de nouveaux composés
prometteurs présentant une ferroélectricité induite magnétiquement et donc un couplage
magnéto-électrique très important, ont remis les matériaux multiferroïques au goût du jour.
D’un point de vue fondamental, les multiferroïques peuvent être classés en deux caté-
gories : les multiferroïques de type I, dans lesquels les ordres magnétique et électrique sont
essentiellement indépendants l’un de l’autre et s’instaurent à des températures différentes
9. Nous reviendrons sur ces propriétés dans le premier chapitre.
4 Introduction générale
ELECTROMAGNONS
MAGNETIC ORDERS & MAGNONS
h-YMnO3
h-YbMnO3
Magnetic Field
Electric Field
Type I multiferroics
Type II multiferroics
Figure 0.2 – Composés et ordres étudiés durant cette thèse, les multiferroïques de type I
et de type II sont respectivement notés en gras et en italique.
Chapitre 1
Matériaux multiferroïques
1. Les composés étudiés durant cette thèse présentent tous des ordres magnétiques de type antiferroma-
gnétique.
6
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 7
Electric Field
Piezoelectric TC
δ+ Magnetoelectric
δ ∓ δ-
coupling coupling
Ferroelectricity
(polarisation)
FM AFM
TC TC
Ferroelasticity
(strain) Magnetism
(magnetisation)
et magnétostrictif pourra se reporter, par exemple, aux références [Toledano, 1974, Gibbs,
2012] pour plus de détails.
1.1.1 Magnétisme
Les atomes qui composent la matière sont entourés d’électrons portant un moment magné-
tique (ou spin) qui se distribuent autour du noyau sur différentes couches pouvant accueillir
un certain nombre de paires d’électrons de spin opposés. Lorsque certaines couches sont in-
complètes, l’atome porte un moment magnétique local non nul qui contribue au magnétisme
du système.
Dans le cas de matériaux comportant de tels ions magnétiques, l’agitation thermique
conduit généralement à une aimantation macroscopique nulle dans le matériau (Fig. 1.2.a).
Lorsque le système est paramagnétique, l’application d’un champ magnétique d’intensité suf-
fisante permet l’orientation des spins préférentiellement le long de l’axe du champ appliqué
(Fig. 1.2.b). Dans le cas d’un système ferromagnétique, les interactions entre ces spins portés
par les ions magnétiques sont plus fortes et, en dessous d’une température critique de tran-
sition appelée température de Curie ferromagnétique, les spins s’ordonnent spontanément le
8 1. MATÉRIAUX MULTIFERROÏQUES
a) b) c)
B = 0 B ≠ 0 B = 0, T < TC
Paramagnétisme
Les matériaux paramagnétiques se trouvent parmi les matériaux qui présentent des ions
magnétiques portant un moment magnétique microscopique (µ) qui provient du spin d’élec-
trons non appariés sur leurs couches électroniques. A température non nulle, ces moments
magnétiques sont désordonnés et ont tendance à s’orienter aléatoirement sous l’effet de l’agi-
tation thermique. Lors de l’application d’un champ magnétique extérieur (B) sur un maté-
riau paramagnétique, l’énergie potentielle des moments magnétiques dans le champ :
N0 µ2 B B
M= =C (1.2)
3KB T T
où N0 le nombre total de moments magnétiques microscopiques, µ0 la perméabilité ma-
gnétique du vide 3 et où on définit C comme la constante de Curie. On remarque que pour des
2. kB = 1.38064852 × 10−23 m2 kg.s−2 K −1 est la constante de Boltzmann.
3. µ0 = 4π10−7 T.m.A−2 ' 1.25663706.10−6 T.m.A−2 .
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 9
températures trop élevées l’agitation thermique l’emporte sur l’effet du champ magnétique
extérieur et l’aimantation macroscopique totale diminue. Cette loi reste valable tant que la
température est suffisament élevée, c’est à dire bien au dessus du zéro absolu et pour une
agitation thermique kB T µB.
µ0 (gµB )2
Eint = 3
∼ 3 · 10−5 eV (1.4)
4πr12
Il est alors possible d’estimer un ordre de grandeur pour la température de Curie ma-
gnétique en considérant que kB TC ' Eint , c’est à dire en considérant que la température de
Curie correspond à la température pour laquelle l’énergie d’interaction tendant à aligner les
spins compense l’agitation thermique qui tend à les orienter aléatoirement. On trouve ainsi
une température de Curie ferromagnétique de l’ordre de 0.5 K soit très inférieure à ce qu’on
observe expérimentalement où les températures de Curie sont généralement bien au dessus
de la température ambiante (environ 103 K pour le fer par exemple).
Il est donc nécessaire, afin d’expliquer les températures de Curie ferromagnétiques expé-
rimentales, d’introduire des énergies d’interaction entre les spins qui soient bien supérieures
à l’énergie d’interaction dipolaire magnétique donnée en (1.4). C’est Heisenberg qui introduit
en 1928 une interaction satisfaisant ces critères, appelée "interaction d’échange", qui trouve
son origine dans l’association de la répulsion coulombienne entre électrons et du principe
d’exclusion de Pauli.
Si l’on considère un système très simple composé de deux électrons situés aux positions
r1 et r2 soumis au potentiel d’interaction coulombien VC (r1 , r2 ), ayant respectivement pour
4. µB ' 5, 7883817555(79) × 10−5 eV.T −1
10 1. MATÉRIAUX MULTIFERROÏQUES
fonction d’onde ψ1 (r1 ) et ψ2 (r2 ), la fonction d’onde du système composé des deux électrons
doit être antisymétrique (car fermionique) et sa partie spatiale s’écrit :
1
ψA (r1 , r2 ) = √ [ψ1 (r1 )ψ2 (r2 ) − ψ2 (r1 )ψ1 (r2 )] pour S = S1 + S2 = 1
2
(1.5)
1
ψS (r1 , r2 ) = √ [ψ1 (r1 )ψ2 (r2 ) + ψ2 (r1 )ψ1 (r2 )]
pour S = S1 + S2 = 0
2
Les deux états de spin (S = 0 et S = 1) du système ont donc deux fonctions d’ondes
spatiales différentes (ψS et ψA ) dont les énergies associées s’expriment :
Z Z
∗
EA,S = dr1 dr2 ψA,S (r1 , r2 ) . VC (r1 , r2 ) . ψA,S (r1 , r2 ) (1.6)
où S1 et S2 sont les opérateurs de spin des deux électrons. Pour un potentiel d’interaction
2
purement électrostatique en er , il est possible de montrer que J est positive ou nulle [Stuart,
1960].
Le modèle développé par Heisenberg considère des électrons localisés autour des ions dans
le réseau cristallin et est bien sûr plus complexe que ce modèle simpliste à deux électrons.
Cependant on peut déjà voir que les interactions à l’origine du ferromagnétisme proviennent
d’interactions électrostatiques entre les électrons qui deviennent sensibles aux degrés de li-
berté de spin par l’intermédiaire du principe d’exclusion de Pauli.
Dans le cas de systèmes complexes comportant un grand nombre de porteurs de moments
magnétiques, le hamiltonien de Heisenberg se réécrit :
X
HHeisenberg = − Jij Si · Sj (1.8)
i,j
Si N Sj
La théorie du superéchange modélisée par Anderson [Anderson, 1950] peut être décrite
qualitativement à l’aide de la Figure 1.3. Lorsque l’on considère deux ions magnétiques (en
bleu) porteurs respectivement d’un spin Si et Sj séparés par un atome diamagnétique N ,
par exemple un atome d’oxygène (en rouge), il y a recouvrement partiel entre les orbitales
électroniques des ions magnétiques (orbitales d) et celle de l’atome d’oxygène (orbitale p).
Les électrons ne sont alors plus localisés uniquement sur un ion, bien que le système soit
isolant. L’énergie liée à la délocalisation des électrons p de l’oxygène N dépend fortement de
l’orientation des spins Si et Sj portés par les électrons d des ions magnétiques.
Si l’on suppose que Si = 21 , les orbitales de l’atome N vont se polariser magnétiquement
de telle sorte que la partie la plus proche de l’ion i sera celle portant un spin négatif. Dans
ce cas, l’orbitale de N la plus proche de l’ion j sera occupée par un électron de spin 12 et la
présence en j d’un spin Sj = − 21 sera favorisée. On peut donc voir, qualitativement, que cette
5. Nous avons vu que dans notre modèle simpliste à deux électrons et dans le cas d’un potentiel coulombien
en e2 /r, J était de signe positif, mais le modèle plus complexe développé par Heisenberg autorise des intégrales
d’échanges négatives.
12 1. MATÉRIAUX MULTIFERROÏQUES
interaction d’échange indirecte génère une interaction effective antiferromagnétique entre les
ions magnétiques. D’autre part, compte tenu de la forme des orbitales p des atomes d’oxygène,
on peut montrer que le recouvrement maximal entre les orbitales, et donc l’interaction de
superéchange la plus importante, sera obtenu(e) pour une configuration plane où l’angle
entre les deux liaisons liaisons est de 180◦ (Fig. 1.3).
a) b) c)
d) e) f)
Figure 1.4 – Six types d’ordres antiferromagnétiques existant dans les pérovskites, d’après
[Wollan, 1955].
Dans le cas des pérovskites 6 , plusieurs types d’ordres antiferromagnétiques peuvent exis-
ter [Wollan, 1955]. Ils sont représentés en Figure 1.4 : le ferromagnétisme de type A (Fig.
1.4.a) correspond à un couplage ferromagnétique dans un plan et antiferromagnétique le
long du troisième axe, celui de type C (Fig. 1.4.b) à un couplage ferromagnétique entre spins
premiers voisins le long d’un axe et antiferromagnétique selon les deux autres directions et le
ferromagnétisme de type G (Fig. 1.4.c) correspond à un couplage antiferromagnétique entre
tous les spins premiers voisins. Les trois autres types d’ordres antiferromagnétiques corres-
pondent à des mélanges des ordres précédents où les spins sont couplés ferromagnétiquement
et antiferromagnétiquement à un nombre différent de voisins en fonction de leur position
dans la maille élémentaire pérovskite.
Interaction de Dzyaloshinskii-Moriya
L’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya a été développée pour expliquer le faible ferroma-
gnétisme présent dans certains matériaux antiferromagnétiques.
6. Matériaux du type ABO3 cristallisant dans une structure en général orthorhombique ou tétragonale,
analogue à celle du composé CaTiO3 , dans laquelle les éléments des sites B sont situés au centre d’octaèdres
d’oxygènes.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 13
En 1958, Dzyaloshinskii montre que dans l’hématite (α-Fe2 O3 ) la symétrie du système est
inchangée si au lieu d’un arrangement antiferromagnétique colinéaire le long de l’axe d’ordre
3, les spins s’organisent non-colinéairement et induisent un léger moment ferromagnétique.
Il montre qu’en introduisant dans l’énergie libre du système un terme de la forme :
D · (Si × Si ) (1.9)
où D est un vecteur constant et Si et Sj sont deux spins premiers voisins, on favorise
un état dans lesquels les spins sont inclinés et génèrent une petite composante ferromagné-
tique [Dzyaloshinskii, 1959]. Dzyalohinskii montre ainsi que le faible ferromagnétisme mesuré
dans l’hématite est une propriété intrinsèque du matériau, mais il n’explique pas l’origine
microscopique du phénomène ni comment obtenir le vecteur D.
C’est deux ans plus tard que Moriya répond à ces questions et montre que cette interac-
tion, appelée depuis interaction de Dzyaloshinskii-Moriya, est dûe au couplage spin-orbite.
Ce dernier s’ajoute à l’interaction de superéchange (échange indirect), décrite par le hamil-
tonien de Heisenberg (1.8) et induit la composante asymétrique donnée en équation (1.9).
Il montre également que le vecteur D est non nul si, et seulement si, l’ion non magnétique
N (Fig. 1.5) situé sur le chemin de superéchange n’est pas situé au centre géométrique des
deux ions magnétiques Mi et Mj , autrement dit si δx 6= 0 [Moriya, 1960].
Si N Sj
δx
Dij
Mi Mj
1.1.2 Ferroélectricité
Dans les matériaux isolants, les charges ne sont pas libres et ne permettent pas de conduire
le courant. Elles peuvent, en revanche, être déplacées autour de leur position d’équilibre
par un champ électrique et générer ainsi une polarisation électrique. Dans la plupart des
matériaux ainsi polarisables électriquement, la polarisation varie linéairement avec le champ
appliqué (pour des faibles valeurs de champ) et s’annule en l’absence de champ.
Certains matériaux, très polarisables, possèdent une polarisation électrique rémanente
qui existe en l’absence de champ appliqué, ce sont les matériaux ferroélectriques. Ils sont
caractérisés par une température de transition appelée température de Curie ferroélectrique
(par analogie avec le ferromagnétisme) et notée TC au dessous de laquelle apparaît la ferro-
électricité.
La phase de haute température (T > TC ) est une phase paraélectrique dans laquelle le
matériau est un diélectrique linéaire, c’est à dire polarisable électriquement sous l’effet d’un
champ électrique avec une polarisation linéaire en fonction du champ et s’annulant à champ
nul. Dans phase ferroélectrique (T < TC ), la polarisation rémanente Pr qui existe à champ
nul peut être inversée sous l’effet d’un champ électrique externe dont la valeur est supérieure
à un seuil Ec appelé champ coercitif. La polarisation présente dans ces matériaux un cycle
d’hystérésis en fonction du champ électrique appliqué, montré en Figure 1.6, semblable à
celui de l’aimantation sous champ magnétique dans les matériaux ferromagnétiques.
Psat
Pr
-Ec
E
Ec
-Pr
-Psat
α 2 γ 4 δ 6
F (P ) = P + P + P −E·P (1.10)
2 4 6
où α, β et γ sont des coefficients qui dépendent en général de la température 8 . Nous nous
arrêtons ici à l’ordre 6 qui correspond à l’ordre le plus bas permettant de rendre compte des
transitions para-ferroélectriques du premier et deuxième ordre.
La configuration du système à l’équilibre est donnée par la minimisation de l’énergie libre,
soit :
∂F
=0 (1.11)
∂P
ce qui permet d’obtenir une expression pour l’intensité du champ électrique en fonction
des coefficients α, β et γ et de la polarisation :
8. Nous allons, dans ce qui suit, considérer β et γ constants pour décrire les transitions du premier ordre
(discontinue en P , γ < 0) et second ordre (continue en P , γ > 0).
16 1. MATÉRIAUX MULTIFERROÏQUES
E = αP + γP 3 + δP 5 (1.12)
La dérivation de cette expression par rapport à P permet de montrer que le coefficient
α correspond à l’inverse de la susceptibilité diélectrique au dessus de la température de
transition (en P = 0) :
−1
∂P ∂E 1
χ= = = (1.13)
∂E E=0
∂P P =0 α
α = β(T − TC ) (1.14)
où β est une constante positive. L’énergie libre totale peut alors se ré-exprimer :
β γ δ
F (P ) = (T − TC )P 2 + P 4 + P 6 − E · P (1.15)
2 4 6
La valeur de la polarisation P à l’équilibre est donnée par le minimum de l’énergie libre,
par conséquent, lorsque la polarisation diverge (hors équilibre), on s’attend également à ce
que l’énergie libre diverge et :
lim F (P ) → ∞ (1.16)
P →∞
ce qui impose que δ soit de signe positif et l’ordre de la transition est donc déterminé par
le signe de γ.
Lorsque γ est positif, l’énergie libre varie comme schématisé en Figure 1.7.a et le système
subit une transition para-ferromagnétique du second ordre à T = TC . C’est le cas par exemple
des transitions displacives pour des matériaux ne possédant pas de dipôles électriques à haute
température et dans lesquels la ferroélectricté est dûe à un déplacement des ions du cristal.
On voit (Fig. 1.7.a) que l’énergie libre totale du système à champ nul n’admet qu’un
unique minimum en P = 0 au dessus de la température de Curie, tandis qu’en dessous de TC ,
dans la phase ferroélectrique, elle présente deux minima, PS et −PS et le matériau développe
une polarisation spontanée 10 . Ces deux minima correspondent à une polarisation spontanée
de signe positif ou négatif et sont à l’origine de l’existence de domaines ferroélectriques.
Pour de faibles valeurs de PS , on peut négliger le terme d’ordre 6 de l’équation (1.15) et
la polarisation rémanente en dessous de TC peut s’exprimer :
9. Notons que cette forme en β(T − TC ) est au départ déterminée expérimentalement mais elle n’est pas
seulement phénoménologique et se retrouve également avec un modèle statistique de champ moyen.
10. Notons que cette polarisation PS correspond à la polarisation rémanente du paragraphe précédent.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 17
a) F b) P
T>TC
T=TC
T<TC T
-1
TC
χ
c)
P T
-PS 0 PS TC
Figure 1.7 – Evolution de l’énergie libre du système (a), de la polarisation (b) et de l’inverse
de la susceptibilité diélectrique (c) en fonction de la température pour une transition de phase
du second ordre.
β
PS2 = (TC − T ) (1.17)
γ
ce qui donne (en utilisant les relations (1.12), (1.13) et (1.14)) :
−1 ∂E
χ = = β(T − TC ) + 3γPS2 (1.18)
∂P P =PS
soit, en substituant la relation (1.17) dans (1.18), :
α = β(T − T0 ) (1.20)
18 1. MATÉRIAUX MULTIFERROÏQUES
T>T2
a) F b) P
T=T2
T=TC
T=T1
TC T
χ-1
c)
T<T1
P TC
T
-PS 0 PS
Figure 1.8 – Evolution de l’énergie libre du système (a), de la polarisation (b) et de l’inverse
de la susceptibilité diélectrique (c) en fonction de la température pour une transition de phase
du premier ordre.
β γ δ
(TC − T0 ) + PS2 + PS4 = 0
2 4 6 (1.23)
β(TC − T0 ) + γPS2 + δPS4 = 0
3 γ2
TC = T0 +
16 β δ
(1.24)
P 2 = −3 γ
pour T = TC
S
4δ
Comme précédemment, on peut ainsi obtenir l’inverse de la susceptibilité diélectrique :
3 γ2
χ−1 ∼ + β(T − TC ) + (1.26)
T →TC 16 δ
3 γ2
χ−1 ∼ − 8β(TC − T ) + (1.27)
T →TC 4δ
On voit donc que tant PS que χ−1 restent finies mais sont discontinues au passage de la
transition de phase à TC , ce qui est caractéristique d’une transition du premier ordre.
d0
dn
O2-
Figure 1.9 – Structure multiferroïque de type pérovskite (ABO3 ) dans laquelle la polari-
sation ferroélectrique provient d’un décalage du cation d0 (en rouge) vers un oxygène avec
lequel se crée une liaison covalente. Les ions magnétiques (dn ) sont représentés en bleu.
Pour lever cette incompatibilité intrinsèque et réussir à combiner des ordres magnétique
et ferroélectrique, certains matériaux possèdent à la fois des ions "d0 " et "dn " : un ion
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 21
possédant un niveau d0 est stable au centre d’un octaèdre d’oxygène et coexiste dans la
maille cristalline avec des ions dn . Le décalage de l’ion d0 du centre de l’octaèdre pour former
une liaison covalente induit une polarisation spontanée qui peut cohabiter avec un ordre
magnétique porté par les ions dn (Figure 1.9).
A
B
O
Figure 1.10 – Ferroélectricité provenant de paires électroniques isolées : l’ion A (en rouge)
possède un doublet non liant s’alignant dans une direction et créant une polarisation élec-
trique.
Mn3+ et Mn4+ [Jardón, 1999]. Les sites contenant ces valences différentes portent des charges
différentes et peuvent former des liaisons inéquivalentes qui donnent naissance à la ferroélec-
tricité [?].
a)
neutral
atomic chain
b)
site-centered
+ - + - + - +
charge order
c)
bond-centered
+ - + - + - charge order
d)
+ - + - + - + bond+charge- centered
charge order
ferroelectric polarisation
L’apparition d’une polarisation ferroélectrique du fait d’un ordre de charge peut être
expliquée à l’aide de la représentation schématique d’une chaîne atomique unidimensionnelle
comme en Figure 1.11. La Figure 1.11.a montre une chaîne atomique neutre où chaque site
porte une charge équivalente. Une transition vers un ordre de charge où les sites portent des
charges inéquivalentes (Fig. 1.11.b), comme c’est le cas lors d’ions de valences différentes,
ne brise pas la symétrie d’inversion spatiale et ne donne lieu à aucun moment dipolaire net.
Un autre type d’ordre de charge apparaît avec la dimérisation du réseau sous l’effet d’une
distorsion (de type Jahn-Teller ou Peierls par exemple) : les sites restent équivalents, porteurs
de charges égales mais les liaisons sont en revanche inéquivalentes et la chaîne alterne des
liaisons faibles et fortes entre sites voisins (Fig. 1.11.c). Cette structure électronique est, là
encore symétrique par inversion et ne crée par de polarisation électrique. En revanche, dans
le cas d’un ordre de charge combinant à la fois des sites de charges inéquivalentes (degrés
d’oxydation différents) et des liaisons inéquivalentes (distorsion structurale), comme montré
en Figure 1.11.d, la symétrie d’inversion spatiale est brisée et une polarisation ferroélectrique
spontanée peut apparaitre [Efremov, 2004].
Notons que la plupart des matériaux multiferroïques dans lesquels la ferroélectricité est
induite par un ordre de charge sont des composés type I (pour lesquels le magnétisme et
la ferroélectricité apparaissant à des températures de transition différentes). Cependant,
certains composés de type II, comme les manganites de terre-rare complexes du type RMn2 O5
[Hur, 2004] ou comme CaMn7 O12 (Cf. Chapitre 7) présentent des ordres ferroélectriques dûs
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 23
à une onde de densité de charge qui apparaissent en même temps qu’un ordre magnétique
non-colinéaire.
R
Mn
O
TC
N
Si Sj
Mi Dij Mj
Figure 1.13 – Représentation schématique de l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya inverse
(DMI) : la non-colinéarité des spins des ions magnétiques Mi et Mj génère, à travers le cou-
plage spin-orbite et l’interaction de superéchange, le déplacement d de l’ion non-magnétique
N (en général un oxygène), donnant lieu, du fait du déplacement des charges à une polari-
sation électrique.
De nombreuses théories ont tenté d’éclaircir les origines microscopiques d’une telle ferro-
électricité impropre. Elles se regroupent en deux grandes catégories : celles faisant intervenir
12. Ce déplacement des charges peut correspondre à un déplacement ionique comme montré en Figure
1.13 mais il peut également être interprété comme une polarisation des orbitales du chemin de super-échange
comme nous le verrons ensuite.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 25
une polarisation ionique, dûe à des déplacements effectifs des ions dans la maille cristalline,
et celles, moins nombreuses, pour lesquelles la polarisation ferroélectrique est d’origine élec-
tronique et provient de la polarisation des orbitales électroniques des atomes. Je présente
dans ce qui suit quelques-unes de ces approches théoriques modélisant l’apparition de la fer-
roélectricité sous l’effet d’un couplage magnéto-électrique statique lors d’une transition vers
un ordre magnétique non-colinéaire.
Si Sj
N
Mi jS Mj
eij
d orbitals d orbitals
p orbitals
V V
P
Dans la manganite de Terbium (TbMnO3 ), Nagaosa obtient par ce calcul une valeur
pour la polarisation électrique le long de l’axe c de 760 µC.m−2 [Nagaosa, 2008], ce qui est
comparable aux valeurs mesurées expérimentalement [Goto, 2004].
Ce mécanisme, ainsi que les théories dérivées, ont par la suite été interprétées par Hu [Hu,
2008a] comme résultant d’une interaction de Dzyaloshinskii-Moriya inverse où la symétrie
d’inversion est brisée par l’ordre magnétique non-colinéaire bien qu’il n’y ait pas de dépla-
cements géométriques.
ε0 µ A c M ×∇×M
P = (1.33)
αe2 M2
ge
où α est la constante de couplage spin-orbite et µA = .
2mc
Notons que ce modèle semble de premier abord en apparente contradiction avec la théorie
KNB pour laquelle la norme de la polarisation est proportionnelle à la constante de couplage
spin-orbite. En réalité, l’équation (1.33) implique que la polarisation électrique diverge pour
un couplage spin-orbite nul (α = 0) et donc que ce modèle n’est pas valable pour des valeurs
de α trop faibles. Hu donne comme valeur minimale de validité du modèle :
r
1 ε20 λ
αmin = (1.34)
M0 m∗ e2
avec m∗ la masse effective des électrons et λ une constante dépendant de la structure du
réseau cristallin. Ce modèle théorique s’applique à des matériaux qui ne sont pas des isolants
conventionnels, c’est à dire pas des isolants de bande.
La polarisation ferroélectrique générée par ce type de mécanisme microscopique est pré-
dite avec une valeur maximale de 0.3 µC.cm−2 soit très inférieure à la polarisation maximale
mesurée dans les ferroélectriques conventionnels (26 µC.cm−2 pour BaTiO3 ).
Déplacements ioniques
Cette théorie, développée par Sergienko et Dagotto [Sergienko, 2006] met en jeu une
interaction du type Dzyaloshinskii-Moriya inverse dans laquelle la brisure de symétrie d’in-
version responsable de l’apparition de la ferroélectricité se fait par un déplacement des atomes
d’oxygène hors de leur position d’équilibre.
Ils montrent ainsi que pour un réseau de spins non-colinéaires définis par :
γ x z
δz = S S sin(θ) sin(αx − αz ) (1.36)
κ 0 0
avec γ une constante caractéristique de l’interaction DMI et κ la constante de force de
rappel maintenant les atomes d’oxygènes à leur position d’équilibre.
Les atomes d’oxygène, en se déplaçant tous dans la même direction selon z, vont alors
générer la polarisation ferroélectrique.
28 1. MATÉRIAUX MULTIFERROÏQUES
Elles ont été observées pour la première fois il y a dix ans dans les manganites de Ter-
bium et de Gadolinium (TbMnP3 et GdMnO3 ) par des mesures de spectroscopie Thz en
transmission [Pimenov, 2006a]. La Figure 1.15, reproduite de la référence [Pimenov, 2006a],
montre les spectres THz de basses énergies où ces excitations hybrides apparaissent. Elles se
présentent comme des excitations larges (∆λ = 10-20 cm−1 ) et apparaissent à basses énergies
(< 100 cm−1 ) et en dessous de TN (la température d’ordre magnétique). Ces pics dans les
spectres THz sont assimilables à des excitations magnétiques. La spectroscopie THz étant
sensible aux excitations polaires ces excitations apparaissent ainsi comme des excitations
magnétiques ayant un caractère polaire. De plus, ces excitations sont sensibles à l’orienta-
tion du champ électrique THz et ne sont activées que pour un champ électrique le long de
l’axe a du cristal (Fig. 1.15). L’application d’un champ magnétique extérieur, qui induit
une réorganisation de la structure magnétique dans ces deux composés, fait disparaître cette
excitation.
Ces excitations hybrides ont, depuis, été observées par d’autres techniques et dans plu-
sieurs multiferroïques de type II. Elles ont été observées en spectroscopie infrarouge dans
YMn2 O5 et TbMn2 O5 [Sushkov, 2007] ainsi que dans différentes compositions de Eu1−x Yx MnO3
[Valdés Aguilar, 2007]. Des pics larges émergeant en même temps qu’un ordre magnétique
et activés pour un champ électrique de sonde parallèle à l’axe a ont également été observés
dans des spectres THz dans DyMnO3 [Kida, 2008]. Dans TbMnO3 , des mesures ultérieures
confirment l’observation de ces excitations [Valdés Aguilar, 2009] et une étude par spectro-
scopie Raman sous champ magnétique extérieur montre la déshybridation de ces modes en
des excitations purement magnétiques pour des champs suffisament importants [Rovillain,
2011a].
1. Seul le nom de Raman sera retenu pour nommer le processus physique et sur ces quatres physiciens,
c’est d’ailleurs lui seul qui recevra le prix Nobel de 1930.
31
32 2. DIFFUSION INÉLASTIQUE DE LA LUMIÈRE : SPECTROSCOPIE RAMAN
scattered light
(ωs , ks)
Sample
absorption
transmitted light
(ωi , kt)
Dans le second cas, lorsque ~ωs 6= ~ωi , on peut distinguer deux types de processus : le
processus Stokes qui correspond à la création d’excitation(s) dans le matériau (et donc à
un déplacement Raman ω = ωi − ωs > 0) et le processus Anti-Stokes qui correspond à la
destruction d’excitation(s) (et donc à un déplacement Raman ω = ωi − ωs < 0).
E E
a) diffusion
b)
intermediate intermediate
virtual states virtual state
ω
ωi ωs ωi ωs
�inal state
ω = (ωs-ωi)
initial state
q ≃ 0
k k
Figure 2.2 – Représentation schématiques des processus Raman de création d’un phonon
(a) et d’une paire électron-trou (b) de pulsation ω = ωi − ωs .
Lors du processus de création (Stokes) schématisé en Figure 2.2.a, l’électron excité diffuse
sur le réseau cristallin, créant une excitation phononique (c’est à dire une excitation de
vibration du réseau cristallin) puis relaxe vers son état initial en émettant un photon d’énergie
~ωs inférieure à celle du photon incident. Lors d’un processus Raman électronique, comme
schématisé en Figure 2.2.b, en revanche, l’électron excité dans son état intermédiaire relaxe
vers un état final différent de l’état initial créant une paire électron-trou autour du niveau
de Fermi du système.
34 2. DIFFUSION INÉLASTIQUE DE LA LUMIÈRE : SPECTROSCOPIE RAMAN
P = ε0 χEi (2.1)
avec ei le vecteur unitaire de polarisation de la lumière incidente tel que E0 //ei , il découle
de l’équation (2.1) que la polarisation électrique peut également s’exprimer sous la forme
d’une onde plane :
2. Un calcul rapide d’ordre de grandeur en assimilant la puissance à la norme du vecteur de Poynting nous
donne une intensité de champ électrique de l’ordre du volt par mètre pour des puissances laser de l’ordre de
la dizaine de milliwatts.
3. ε0 ' 8.85418782 × 10− 12 kg−1 m−3 A2 s4 .
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 35
!
∂χ
χ=χ + u avec 4 u = u0 cos(q · r − ωt) (2.4)
0 ∂u
0
P =ε0 E0 ei χ cos(ki · r − ωi t)
0
!
ε0 E0 ei u0 ∂χ
+ cos[(ki − q) · r − (ωi − ω)t]
2 ∂u
!0
ε0 E0 ei u0 ∂χ
+ cos[(ki + q) · r − (ωi + ω)t] (2.5)
2 ∂u
0
On peut remarquer le premier terme de l’équation (2.5), que nous noterons pour la
suite PR , est indépendant de la fréquence de l’excitation phononique et ne dépend que de la
fréquence de l’onde lumineuse incidente. Il s’agit du terme à l’origine de la diffusion élastique
(ou diffusion Rayleigh) et qui provient du terme χ , donc simplement de l’illumination de la
0
matière par un champ incident. Les deux termes suivants, que nous noterons PS et PAS , font
intervenir les fluctuations temporelles de la susceptibilité électrique dûes aux vibrations du
réseau et ont quant à eux des fréquences différentes de celle de l’onde incidente. Ils sont donc
à l’origine de la diffusion inélastique (Raman) de la lumière par le cristal et correspondent
respectivement à la création et à la destruction d’une excitation de vibration du réseau
cristallin de fréquence ω et de vecteur d’onde q (processus Raman Stokes et Anti-Stokes).
Dans la zone de l’échantillon illuminé par le faisceau laser incident, c’est à dire dans
un volume V = L3 avec L la longueur de pénétration de la lumière dans l’échantillon,
cette polarisation induite est non nulle 5 et va générer à son tour un champ électrique dans
l’échantillon que nous appellerons Eind . Ce champ a la même fréquence ωs que la polarisation
induite dont il est issu. Son vecteur d’onde en revanche, que nous noterons Ks , n’est pas
nécessairement le même que celui de la polarisation (ks ) et la dépendance spatiale de Eind
se détermine à partir des équations de Maxwell :
XZ Z 2 20
0 Ks Ks
Is = 2ε0 cηs dωs dωs 2 4 hes P∗S (ks , ωs ) · es .PS (ks , ωs0 )i
ks
ε0 ηs
0
× e−i(ks −Ks )L − 1 ei(ks −Ks )L − 1 (2.15)
où h...i représente la moyenne sur les fluctuations de PS . Cette moyenne est égale au
produit de la moyenne à ωs fixé par une fonction de Dirac :
hes P∗S (ks , ωs ) · es .PS (ks , ωs0 )i = hes P∗S (ks ) · es .PS (ks )iωs · δ(ωs − ωs0 ) (2.16)
d’où
XZ 2cKs2
Is = dωs hes P∗S (ks ) · es .PS (ks )iωs · |ei(ks −Ks )L − 1|2 (2.17)
ks
ε20 ηs3
L’intensité de la lumière diffusée (pour un processus Stokes et à une énergie ~ωs ) dans
un angle solide dΩ est alors donnée par :
Z Z
V ηs L
Is = 2 3 dΩ dωs ωs4 hes .P∗S (ωs )es .PS (ωs )i (2.20)
8π ε0 c
où V = L3 correspond au volume sondé dans l’échantillon et h...i représente la moyenne
sur les fluctuations de la polarisation induite.
Le traitement détaillé de cette approche classique est donné en référence [Hayes, 2004].
Notons que cette description classique a été faite en considérant la susceptibilité électrique
et non pas la polarisabilité, qui est une grandeur locale, puisque nous nous intéressons ici
à la création d’un mode de vibration collectif. Bien évidemment, au niveau local, le champ
électrique de l’onde lumineuse module la polarisabilité des nuages électroniques entourant
les différents atomes et une description locale du processus est également envisageable.
Etapes du traitement
Afin d’obtenir l’intensité Raman diffusée il est d’abord nécessaire de déterminer le nombre
de photons diffusés. En effet, l’intensité Raman diffusée pour un déplacement Raman ω
donné et dans un angle solide de collection dΩ est proportionnelle au nombre dN de photons
diffusés avec une énergie ~ωs = ~ωi − ~ω (modulé par le rendement de détection du dispositif
expérimental). Ce nombre de photons découle de la section efficace différentielle de diffusion
Raman :
∂ 2σ
Z
dN = ΦI dΩ dω (2.21)
∂Ω∂ω
avec ΦI le flux de photons incidents.
La section efficace différentielle de diffusion correspond à la probabilité qu’un photon
incident d’énergie initiale ~ωi soit diffusé inélastiquement dans un angle solide dΩ avec une
énergie comprise entre ~ωs et ~(ωs + dω) et peut s’exprimer comme :
7. Les processus Raman électroniques sont responsables du fond électronique dans les spectres, que je
n’aborderai pas du tout dans cette thèse, mais qui est indispensable pour l’étude de nombreux systèmes
comme par exemple les supraconducteurs.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 39
∂ 2σ ρ(ωs ) X
(q, ωi , ωs ) = h |Pif |2 i (2.22)
∂Ω∂ω ΦI f
T r(e−βH X(t)
hX(t)i = (2.23)
T r(e−βH )
avec β = 1/kB T et H le hamiltonien du système.
Le taux de diffusion introduit en (2.22), correspond à la probabilité par unité de temps
pour que le système transite d’un état initial |ψi i d’énergie Ei à un état final |ψf i d’énergie
Ef et se calcule à partir de la règle d’or de Fermi :
2π
Pif = hψf |H|ψi i δ(Ei − Ef ) (2.24)
~
La connaissance du hamiltonien du système, en l’occurrence le matériau sondé, en in-
teraction avec la lumière, ainsi que des états qui lui sont accessibles est donc nécessaire au
calcul de l’intensité Raman diffusée et c’est donc par là que nous allons commencer.
N N N
X p̂2i e X e2 X
H= + HCoulomb + Hchamp − p̂i .Â(ri ) + Â(ri ).Â(ri ) (2.28)
i=1
2m m i=1
2m i=1
H = H0 + He−photon (2.29)
avec ici :
N N
e X e2 X
He−photon =− p̂i .Â(ri ) + Â(ri ).Â(ri ) (2.30)
m i=1 2m i=1
Le terme He−photon contient deux termes distincts, l’un en pA, l’autre en A2 . On pose :
Ce hamiltonien He−photon traduit l’interaction entre les électrons et les photons dans le
couplage lumière-matière et donnera lieu au processus de diffusion électronique. L’amplitude
de diffusion Raman électronique se calcule en traitant la perturbation du hamiltonien d’in-
teraction au premier ordre en A, ce qui revient à traiter le terme HAA au premier ordre et
le terme HA au second ordre.
Etant donné que le système étudié possède un nombre d’électrons très important, il est
plus judicieux d’exprimer ce hamiltonien en utilisant le formalisme de la seconde quanti-
fication [Fetter, 2003]. Les hamiltoniens HA et HAA peuvent alors se réécrire à l’aide des
opérateurs densité électronique ρ̂ et courant ĵ de la manière suivante :
Z
e
HA = − d3 r ĵ(r)Â(r) (2.32)
m
8. e = 1, 602.10−19 C
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 41
e2
Z
HAA = d3 r ρ̂(r)Â2 (r) (2.33)
2m
avec
†
ρ̂(r) = ψ̂ (r)ψ̂(r)
(2.34)
ĵ(r) = 1 [ψ̂ † (r)(pψ̂(r)) − (pψ̂ † (r))ψ̂(r)]
2m
†
où ψ̂(r) et ψ̂ (r) correspondent aux opérateurs de champ fermioniques de seconde quan-
tification qui permettent respectivement d’annihiler ou de créer une particule à la position
r. Ces opérateurs de création et d’annihilation peuvent s’écrire :
X
ψ̂ † (r) = ĉ†α φ∗α (r) (2.35)
α
X
ψ̂(r) = ĉα φα (r) (2.36)
α
où φα (r) correspond à une fonction d’onde plane en r et ĉ†α et ĉα sont les opérateurs
fermioniques qui correspondent respectivement à la création et à l’annihilation d’un électron
dans l’état |αi. De manière générale, α peut représenter ici tout nombre quantique du système
électronique : il peut s’agir du moment, de l’indice de bande, du spin, du moment angulaire
total, etc.
Le potentiel vecteur du champ électromagnétique, dans la jauge de Coulomb, s’écrit en
seconde quantification de la manière suivante :
r
X ~
Â(r) = eµ (âκ,µ eiκr + â†κ,µ e−iκr ) (2.37)
κ,µ
2ε 0 V ωκ
× √ eµ eµ0 (2.39)
ωκ0
42 2. DIFFUSION INÉLASTIQUE DE LA LUMIÈRE : SPECTROSCOPIE RAMAN
avec
Z
0
hα| eiκr
|α i = d3 rφ∗α (r)eiκr φα0 (r) (2.40)
Z
0
hα| p.eiκr
|α i = d3 rφ∗α (r)p.eiκr φα0 (r) (2.41)
N
X p̂2i
H= + HCoulomb + Hchamp + HED (2.42)
i=1
2m
N
X
HED = e ri .ÊT (0) = eD.ÊT (0) (2.43)
i=1
Excitation magnétiques
Pour décrire les excitations magnétiques, et en particulier les excitations antiferromagné-
tiques 9 , il est nécessaire d’ajouter le hamiltonien suivant à celui de l’équation (2.28) :
9. Les composés multiferroïques que j’ai étudiés durant ma thèse présentant tous des ordres antiferro-
magnétiques, c’est un hamiltonien antiferromagnétique que j’ai choisi de montrer ici mais un traitement
similaire peut être fait pour d’autres types d’ordres magnétiques.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 43
" # " #
X X X X X
HAF M = −2J Ŝi · Ŝj − gβBA Ŝzi − Ŝzj − gβB0 Ŝzi + Ŝzj (2.44)
hi,ji i j i j
mixer les états de spins entre lesquels la transition est initialement interdite en centre de
zone.
2π
Pif = hψf |HT ot |ψi i δ(Ei − Ef ) (2.49)
~
où |ψi i et |ψf i correspondent respectivement à l’état initial d’énergie Ei et à l’état final,
d’énergie Ef du système. En fonction du système que l’on considère et du type d’excitations
que l’on souhaite décrire, le hamiltonien HT ot pourra correspondre au hamiltonien d’inter-
action lumière-matière de l’équation (2.28) et les hamiltoniens HA et HAA des équations
(2.38) et (2.39) (dans le cas où l’on souhaite décrire la création ou destruction d’excitations
électroniques de type exciton), au hamiltonien HED de l’équation (2.43) (dans le cas d’ex-
citations de champ cristallin) ou au hamiltonien donné en (2.45) (dans le cas d’un système
antiferromagnétique et de la description de magnons). Les états accessibles au système et
en particulier les états |ψi i et |ψf i, seront également dépendants du système étudié et du
type d’excitations que l’on considère. Ces états, exprimés dans le formalisme de la seconde
quantification font apparaître le nombre d’électrons dans les différents niveaux d’énergie, le
nombre de photons ainsi qu’éventuellement les quasi-particules créées ou détruites. Différents
états intermédiaires (comme ceux décrits brièvement en Figure 2.2) interviennent au cours
du processus.
Le développement de l’expression du taux de diffusion Raman Pif en seconde quanti-
fication fait apparaître l’opérateur densité électronique effective, ρ̃ˆq , qui correspond à la
densité électronique pondérée par un terme γk (ei , es ), appelé vertex Raman, qui dépend des
polarisations lumineuses de la lumière incidente et diffusée, ei et es :
X
ρ̃ˆq = γk (ei , es )ĉ†k+q ĉk (2.50)
k
∂ 2σ r2 ωs
Z
= 0 dteiωt hρ̃ˆq (t)ρ̃ˆ−q (0)i (2.51)
∂Ω∂ω 2πωi
où h...i représente la moyenne temporelle sur un cycle et r0 correspond au rayon classique
de l’électron, aussi appelé rayon de Thomson :
e2
r0 =
4π0 mc2
∂ 2σ ωs
= r02 S(q, ω) (2.53)
∂Ω∂ω ωi
On peut donc voir que la section efficace différentielle ainsi obtenue est directement pro-
portionnelle à la fonction de corrélation "densité-densité" hρ̃ˆq (t)ρ̃ˆ−q (0)i. Ce qui correspond
au fait que la diffusion Raman électronique sonde les fluctuations de la densité de charge
effective.
On peut également définir la susceptibilité Raman χ00 (q, ωs ) qui s’exprime :
00 π ~ωs
χ (q, ωs ) = 1−e kB T
S(q, ω) (2.54)
~
et qui correspond à l’intensité Raman mesurée expérimentalement corrigée du facteur de
Bose.
11. se reporter aux thèses [Gallais, 2003, Le Tacon, 2006, Buhot, 2015b] pour le développement complet.
46 2. DIFFUSION INÉLASTIQUE DE LA LUMIÈRE : SPECTROSCOPIE RAMAN
Exemple de calcul de règles de sélection Raman pour les phonons dans BiFeO3
A température et pression ambiantes, le composé BiFeO3 cristallise dans le groupe d’es-
pace R3 c, ce qui correspond au groupe ponctuel D3d (-3m). Dans ce groupe ponctuel, le vertex
Raman peut se décomposer en trois représentations irréductibles [Bilbao-CS, 2015b] :
E (1) E (2)
γ̃k = γ̃kA1 g ⊕ γ̃k g ⊕ γ̃k g (2.57)
avec
a 0 0 c 0 0 0 −c d
E (1) E (2)
γ̃kA1 g = 0 a 0 γ̃k g = 0 −c d γ̃k g = −c 0 0
0 0 b 0 d 0 d 0 0
Pour connaître, les règles de sélection de chacun de ces symétries, il suffit de calculer
l’intensité Raman d’après (2.56) pour différentes configurations de polarisation, dans une
orientation d’échantillon donnée. Pour plus de commodité, nous utiliserons la notation de
Porto : ki (ei , es )ks [Porto, 1966].
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 47
(1)
Ainsi, par exemple, intéressons nous aux règles de sélections pour la symétrie Eg . Pour
les configurations de polarisation parallèles, les calculs d’intensité Raman sont les suivants :
2 2
c 0 0 1 c 2
(1)
IXX (Eg ) ∝ 1 0 0 0 −c d 0 = 1 0 0 0 = c
0 d 0 0 0
2 2
c 0 0 0 0 2
(1)
IY Y (Eg ) ∝ 0 1 0
0 −c d 1 = 0 1 0
−c = c
0 d 0 0 d
2 2
c 0 0 0 0
(1)
IZZ (Eg )) ∝ 0 0 1 0 −c d 0 = 0 0 1 d = 0
0 d 0 1 0
Pour les configurations de polarisations croisées, on a :
2 2
0 c
(1) (1)
IXY (Eg ) ∝ 1 0 0 −c = 0 IY X (Eg ) ∝ 0 1 0 0 = 0
d 0
2 2
0 2
0 2
(1) (1)
IY Z (Eg ) ∝ 0 1 0 d = d
IZY (Eg ) ∝ 0 0 1 −c = d
d d
2 2
0 c
(1) (1)
IXZ (Eg ) ∝ 1 0 0
d = 0 IZX (Eg ) ∝ 0 0 1
0 = 0
0 0
(1)
On voit ainsi que les modes de phonons de BiFeO3 symétrie Eg ne seront visibles qu’en
configurations de polarisation parallèles selon l’axe a (XX) ou l’axe b (Y Y ) du cristal, ou
en configurations croisées parallèles aux axes b et c (Y Z et ZY ).
(2)
Pour la symétrie Eg , les termes diagonaux du tenseur Raman associé étant nuls, on aura
(2) (2) (2)
IXX (Eg ) = IY Y (Eg ) = IZZ (Eg ) = 0. Les termes croisés XY (et Y X 12 ) et XZ (et ZX)
seront en revanche non nuls et proportionnels respectivement à |c|2 et |d|2 . On voit donc que
(2)
pour activer et mesurer des phonons de symétrie Eg , il est nécessaire de mesurer dans ces
configurations croisées.
12. Le tenseur Raman étant symétrique, les configurations croisées ij et ij (avec i 6= j) sont équivalentes
théoriquement.
48 2. DIFFUSION INÉLASTIQUE DE LA LUMIÈRE : SPECTROSCOPIE RAMAN
Pour la symétrie A1 , on voit tout de suite que, comme le tenseur γ̃kA1 g est une matrice
diagonale, tous les termes en configuration de polarisations croisées vont être nuls et les
contribution de symétrie A1 de l’intensité Raman dans les configurations (ei , es ) où ei et es
ne sont pas colinéaires vont être nulles : ∀i 6= j Iij (A1 ) = 0. De même, on aura : IXX (A1 ) =
IY Y (A1 ) = |a|2 et IZZ (A1 ) = |b|2 .
Elastic Rayleigh
Intensity scattering
Anti-Stokes Stokes
scattering scattering
ω ⋗ 0 ω ⋖ 0
Raman shift
ΔE = 0 ΔE = Ei - Es
Figure 2.3 – Représentation schématique d’un spectre Raman typique. Au centre, pour un
déplacement Raman nul, on retrouve la raie élastique du laser. Les excitations Raman sont
visibles sous forme de pics de part et d’autre de cette raie.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 49
Une sonde à q ' 0
E(k)
- q + q
k
-π/a 0 π/a
Figure 2.4 – Relation de dispersion d’une excitation dans la première zone de Brillouin et
portions de l’espace réciproque sondées par spectroscopie Raman pour des processus simples
à une excitation (en rouge) et pour des processus doubles (en bleu).
Il est cependant possible de sonder toute la zone de Brillouin dans le cas de processus
Raman doubles 14 où deux excitations de vecteurs d’ondes opposés sont créées simultanément
(voir Figure 2.4) auquel cas le vecteur d’onde total transféré satisfait toujours la condition
qtotal ' 0. Notons néanmoins que ces processus sont beaucoup moins probables et donc a
priori moins intenses que les processus simples et qu’ils doivent, de plus, avoir lieu dans les
zones de l’espace réciproque où la densité d’état est importante (et donc les zones où la
courbe de dispersion des excitations en question est assez plate) afin de donner un signal
Raman d’intensité détectable.
13. En rétrodiffusion, le vecteur d’onde maximal transféré q est de deux fois l’amplitude du vecteur d’onde
des photons k, soit q ∼ 2 × 2π λ . Pour un laser émettant à 532 nm on obtient un vecteur d’onde maximal
transféré de q ' 2.36 10−7 ce qui est négligeable devant l’extension typique de la zone de Brillouin dans un
−10
cristal ∆(k)F BZ = 2πa ∼ 10
14. Ou même triples, ou quadruples, mais ces processus sont extrêmement peu probables et l’intensité
Raman qui en découle est en pratique non détectable.
50 2. DIFFUSION INÉLASTIQUE DE LA LUMIÈRE : SPECTROSCOPIE RAMAN
Unités spectroscopiques
Les différentes techniques de spectroscopie ou de diffusion utilisent généralement des
unités qui leur sont propres et il n’existe pas de standard commun à toutes les techniques. Les
Ramanistes ont pour habitude d’exprimer le déplacement Raman en cm−1 , ce qui correspond
au nombre d’onde. Cette unité correspond à l’inverse de la longueur d’onde, soit à l’énergie
normalisée par hc 15 :
1 E
σ= = (2.58)
λ hc
Afin de faciliter la comparaison des différentes échelles d’énergies au lecteur non Ra-
maniste, un tableau comparatif des différentes unités spectroscopiques est donné en Table
2.1.
Table 2.1 – Table de conversion entre les différentes unités spectroscopiques utilisées.
Nombre d’onde Fréquence Energie Température
1 cm−1 29,98 GHz 0,124 meV 1,44 K
33,4 cm−1 1 THz 4,14 meV 47,98 K
8,06 cm−1 241,8 GHz 1 meV 11,6 K
0,695 cm−1 20,84 GHz 0,086 meV 1K
15. Avec h = 6.62606957 × 10−34 m2 .kg.s−1 et c = 2.99792458 × 108 m.s−1 correspondant respectivement
à la constante de Planck et à la vitesse de la lumière dans le vide.
Chapitre 3
Dispositifs expérimentaux
Durant cette thèse j’ai été amenée à utiliser différents dispositifs expérimentaux que
je détaille dans ce chapitre. J’y présente d’abord le chemin optique de notre montage de
spectroscopie Raman, les différentes sources lumineuses utilisées, ainsi que le fonctionnement
et la résolution de notre spectromètre. J’expose, ensuite, le fonctionnement de notre cellule
de pression ainsi que le montage optique spécifique qui y est associé. Enfin, je présente nos
différents systèmes de cryogénie et le dispositif pour l’application de champs magnétiques.
Les différents échantillons étudiés, leur préparation ainsi que les caractérisations sont,
en revanche, présentés séparément dans chacun des chapitres concernés et le montage spéci-
fique à l’application d’un champ électrique perpendiculairement à la surface des échantillons
est présenté en Chapitre 7 dans la section qui traite des mesures de TbMnO3 sous champ
électrique.
4 λF
×
∅spot = (3.1)
π d
où λ correspond à la longueur d’onde du laser, F à la focale de la lentille L2 de focalisation
et d au diamètre du faisceau laser parallèle avant la lentille L2 (et donc après l’élargisseur de
1. Cryostat, cellule de pression, bobine supraconductrice...
51
52 3. DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX
faisceau). Nous voyons donc que, théoriquement, plus le faisceau est large plus le spot laser
obtenu sur l’échantillon est de taille réduite.
Néanmoins, dans les faits, en raison des aberrations des optiques que nous utilisons, il
existe un élargissement critique (environ 1.7 cm de diamètre de faisceau 2 ) au delà duquel le
diamètre du spot laser sur l’échantillon ré-augmente.
Spectrometer Notch
FE1 laser
�ilter
L4 M0
A
L3 Power
�ilter
L2 P L1 L0
M1
sample
beam expander
Figure 3.1 – Schéma de principe de notre montage optique principal de spectroscopie Raman
(vue de dessus).
Le faisceau laser ainsi élargi est focalisé sur l’échantillon par la lentille L2 (achromatique,
de focale f20 = 100 mm).
Il est important de noter que nous nous plaçons en configuration de quasi-rétrodiffusion,
c’est à dire que les bras optiques de focalisation et de collection forment un angle de 90◦ .
Cette spécificité de notre montage optique est cruciale pour l’observation des basses éner-
gies. En effet, dans une configuration en rétrodiffusion stricte, c’est à dire dans laquelle la
lumière incidente et diffusée passent par la même optique (ki //ks ), la réflexion spéculaire
est également collectée et la contribution spectrale à énergie nulle est alors extrêmement
intense : le pied du pic de la raie laser occulte alors les basses énergies, jusqu’à environ
300 cm−1 . Dans ce cas de rétrodiffusion stricte, l’utilisation d’un filtre Edge (ou Notch) en
transmission, est indispensable pour filtrer la lumière du laser en collection et de couper au
mieux aux alentours de 50 cm−1 mais pas en dessous [Goncharov, 2003, Goncharov, 2012].
En quasi-rétrodiffusion, la réflexion spéculaire peut être rejetée en dehors du spectromètre
en jouant sur l’angle entre l’échantillon et le chemin optique, ce qui permet de s’affranchir
d’une partie de la lumière en Ei − Es = 0 : la diffusion Rayleigh est toujours collectée mais
2. Se reporter à la thèse de J. Buhot pour les courbes de caractérisation [Buhot, 2015b].
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 53
le pic en Ei − Es = 0 est nettement moins intense, ce qui permet de couper en dessous de
8-10 cm−1 sans difficulté.
Cette configuration est appelée quasi-rétrodiffusion en raison du très fort indice de ré-
fraction des échantillons que nous mesurons qui a pour conséquence de rabattre les vecteurs
d’ondes de la lumière incidente et diffusée quasiment le long de la normale à la surface de
l’échantillon et de laisser par conséquent les règles de sélection Raman inchangées par rapport
à une configuration usuelle de rétrodiffusion.
La lumière diffusée est ensuite collectée et focalisée sur la fente d’entrée du spectromètre
par deux lentilles, L3 et L4 (achromatiques, de focales f30 = 60 mm et f40 = 260 mm). Un
polariseur et un analyseur peuvent être placés respectivement en amont de la lentille L2 et
de l’entrée du spectromètre afin de sélectionner les symétries de notre signal Raman (à l’aide
des règles de sélection détaillées en section 1.4 du chapitre 2).
pour les mesures sur h-YMnO3 et h-YbMnO3 ainsi que la raie rouge à 647.1 nm pour certains
spectres sur h-YbMnO3 .
CCD
R1 F12 R2 F23 R3
FE1
Øspot = 50 μm Øspot = 20 μm
0
0 100 200 300 0 100 200 300
F23 (μm) F23 (μm)
Øspot = 50 μm Øspot = 20 μm
0
0 100 200 300 0 100 200 300
F23 (μm) F23 (μm)
Kelvin par mW de puissance laser). Cet échauffement, local, dépend de plusieurs paramètres :
il varie en fonction de la puissance du faisceau laser incident, de la longueur d’onde, de la
taille de la surface illuminée et de la conductivité thermique du composé étudié qui dépend
elle-même de la température. Afin d’estimer cet échauffement et ainsi d’avoir accès aux
températures réelles de nos expériences, plusieurs méthodes sont possibles.
Rapport Stokes/anti-Stokes
Lors du processus de diffusion Raman, la probabilité de créér une excitation (processus
Stokes) n’est pas équivalente à celle d’anihiler cette même excitation (processus anti-Stokes).
En conséquence, les intensités Raman issues de ces deux processus sont asymétriques et le
rapport d’intensité entre les spectres Raman issu des deux processus est donnée par :
Dépendance en puissance
Il est également possible d’estimer l’échauffement laser en comparant l’évolution en tem-
pérature de l’énergie d’une excitation donnée à son évolution en fonction de la puissance
laser. En ajustant les échelles de température et de puissance pour que les énergies des
deux dépendances se superposent et en considérant que les modifications en fonction de la
puissance laser ne sont dûes qu’à un échauffement local 5 nous pouvons estimer un taux
d’échauffement par mW.
Dans le cas de mesures à basses températures, nous utilisons la méthode décrite dans les
références [Maksimov, 1992, Mialitsin, 2010] qui prend, de plus, en compte la conductivité
thermique du composé.
86°
Sample
(100x30µm) ① Ruby ball
(manometer)
Metallic gasket
②
③
4He
Membrane (g) �low
2004]. Ce diamant supérieur servant de fenêtre optique, il a été choisi avec un très faible
taux d’impuretés afin de minimiser le signal Raman dû aux modes de phonons du diamant.
La taille des diamants doit être d’autant plus petite que la pression que l’on souhaite
appliquer est élevée 7 . Les culasses des diamants de notre cellule ont un diamètre de 800 µm,
ce qui nous permet de monter en pression jusqu’à 17 GPa.
Fonctionnement de la cellule
Notre cellule est équipée d’une membrane métallique que l’on peut gonfler par injection
d’Hélium gazeux via un capillaire (en bleu Figure 3.4). La membrane ainsi gonflée, s’élar-
git et vient "pousser" le diamant inférieur () contre l’autre enclume et diminuer ainsi le
volume de la chambre de pression préalablement chargée avec un milieu transmetteur. Ce
milieu transmet la pression (gagnée par diminution du volume) à l’échantillon de façon hy-
drostatique, c’est à dire de façon homogène en minimisant le gradient de pression à travers
la chambre.
Le choix du milieu transmetteur dépend de la pression maximale que l’on souhaite apli-
quer. Ainsi, l’Argon permet d’obtenir une bonne hydrostaticité jusqu’à environ 10 GPa. Au
delà il est préférable d’utiliser de l’Hélium [Klotz, 2009]. Lors des mesures sous pression
effectuée durant ma thèse, la cellule a été chargée avec de l’Argon gazeux 8 .
Montage et préparation
Le montage de la cellule de pression et l’insertion d’un échantillon dans la chambre de
pression est une étape très délicate qui nécessite patience et minutie en raison des petites
dimensions des échantillons et de l’aspect critique des étapes de montage pour la réussite de
la mise sous pression.
La première étape de montage consiste à préparer le joint métallique qui vient former la
limite latérale de la chambre de pression. Le joint, en acier et de 500 µm d’épaisseur environ,
est d’abord indenté dans la cellule en appliquant une pression dans la membrane de 120 bar
environ. Cette étape a pour effet d’affiner le joint en son centre (l’épaisseur après indentation
est d’environ 80 µm) et de lui faire épouser parfaitement la forme des diamants. Le joint est
ensuite percé manuellement en son centre à l’aide de micro-forets pour obtenir un trou de
350 µm de diamètre qui formera la chambre de pression. Le bon centrage du trou, et donc de
la chambre de pression, est extrêmement important pour assurer la bonne tenue mécanique
du joint lors de la mise sous pression.
Le joint ainsi indenté et percé est alors placé sur le diamant Boehler (¬) en respectant
la forme de l’indentation. L’échantillon, d’une taille maximale de 120 µm, est ensuite placé
sur la culasse du diamant inférieur (, côté membrane), ainsi qu’un grain de rubis dont la
fluorescence servira à mesurer la pression in-situ au cours de l’expérience.
7. La pression correspondant au rapport de la force appliquée sur la surface où elle s’applique (P = FS ),
pour appliquer des hautes pressions, on diminue la surface des diamants afin de ne pas endommager la cellule
avec des forces appliquées trop importantes.
8. Lors de l’insertion. Des transitions successives vers les phases liquides et solides du milieu transmetteur
se produisent bien sûr lorsqu’on augmente la pression dans la cellule.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 61
La cellule est ensuite fermée et chargée à l’IMPMC avec le milieu transmetteur gazeux,
puis fermée hermétiquement par serrage mécanique. La pression initiale minimale, obtenue
après chargement, est en général d’environ 0.2 GPa à température ambiante.
Spectrometer M1 Notch
FE1
laser �ilter
L2 M*
M
O1 Power
�ilter
L1 L0
P0 O0
pressure M
cell M0
P2 P1
spatial �ilter
Un montage optique à 90◦ , comme décrit en Figure 3.1 ne permettant pas de faire passer
la lumière incidente et diffusée par le diamant supérieur qui sert de fenêtre optique, la
géométrie du chemin optique a été modifiée, comme montré en Figure 3.1 de telle sorte
que l’angle entre le faisceau incident et le bras de collection soit de 35◦ . Notons que nous
nous plaçons, là encore, en configuration de quasi-rétrodiffusion afin de rejeter la réflexion
spéculaire et pouvoir atteindre les excitations de très basses énergies (ici en dessous 4 cm−1 ,
soit 0.5 meV).
Afin d’obtenir un faisceau gaussien de meilleure qualité et s’affranchir d’une partie de la
diffraction dûe aux optiques, un filtre spatial a été ajouté au montage optique en plaçant un
pinhole (ici de 10 µm) au foyer double de l’élargisseur de faisceau. Le schéma de principe
d’un tel filtre spatial est donné en Figure 3.6. Le faisceau est focalisé par un objectif de
grossissement ×20 sur un pinhole de 10 µm qui filtre le faisceau en ne conservant que la
62 3. DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX
tâche centrale de la figure d’Airy. En sortie de pinhole, le profil du faisceau laser est donc
quasiment gaussien et la lentille L0 sert à collimater le faisceau avec un diamètre dépendant
de sa longueur focale.
Airy
Gaussian 10 μm objective disk
pro�ile pinhole (x 20)
P0 O0
L0
Ce filtre spatial permet une meilleure focalisation du spot laser sur l’échantillon et nous
permet donc d’obtenir des spots de faible taille (< 20 µm), ce qui est nécessaire au vu de la
petite taille des échantillons utilisés pour les mesures sous pression.
4 He
s u re Compressor
s
a) i gh pre
h
Cold head 4 He
Tête froide
(4K) s u re
s
pre
low
Shock absorber
4
He gas �low b)
Vacuum shroud
to pump
Heat controller
Thermal shield
Vacuum
Cold tip
Exchange gas (4He)
Optical window
(quartz)
Figure 3.7 – Schéma de principe (a) et photo (b) du cryostat à circuit ARS à circuit fermé.
Deux types de porte-échantillons sont adaptables sur ces cryostats : un porte échantillon
simple en cuivre sur lequel l’échantillon peut être collé directement à la laque d’argent,
d’une part, et un porte-échantillon à tête tournante monté sur un moteur piézoélectrique
(système Attocube), découplée du support et reliée thermiquement par des tresses de cuivre.
Ces cryostats sont également équipés d’un système de régulation en température dans le-
quel une résistance chauffante est asservie par un contrôleur en température Lakeshore 335.
Deux diodes silicium DT670 montées respectivement au niveau de l’échangeur et du porte-
échantillon permettent de mesurer la température pour la boucle d’asservissement. Deux
jeux de fenêtres optiques en quartz formant un angle de 90◦ entre elles permettent de laisser
passer la lumière incidente et diffusée selon la géométrie décrite en Figure 3.1.
L’enceinte est pompée afin d’atteindre un vide d’au moins 10−6 mbar à température
ambiante avant de lancer le cycle de compression. A basses températures, le cryopompage
est responsable d’une pression dans l’enceinte d’environ 10−7 − 10−8 mbar.
64 3. DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX
a) b) Compressor
HP
LP
≪Pulse tube≫
HP
LP First stage(34K)
Figure 3.8 – Schéma de principe du cryostat à circuit ouvert d’4 He(l) et bobine supracon-
ductrice splittée.
En raison de l’extrême sensibilité des mesures pression aux vibrations, notamment à cause
de la petite taille des échantillons, ce cryostat a été conçu avec une tête froide déportée (de
modèle CryoMech PT407-RM, contenant une vanne rotative haute pression (HP) et basse
pression (LP)). D’autre part, le plateau-échantillon n’est pas directement fixé sur le second
étage pour ne pas être soumis aux vibrations engendrées par les oscillations de l’hélium gaz
9. Une explication détaillée du fonctionnment d’un tube à gaz pulsé peut être trouvée dans la thèse de
D.C. Lopes [Lopes, 2011].
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 65
dans le "pulse tube". Le plateau échantillon est fixé à la base du cryostat sur des poteaux
epoxy et est en contact thermique avec le second étage du pulse tube par l’intermédiaire de
larges tresses en cuivre. En pratique, les oscillations du spot laser observées sur l’échantillon
sont de l’ordre du micromètre.
Deux jeux de fenêtres optiques formant un angle de 90◦ entre elles permettent d’utili-
ser le cryostat dans les deux configurations 10 de montages optiques décrites en Figures 3.1
et 3.5. En conséquence, deux types de porte-échantillons peuvent être fixés sur le plateau-
échantillon : un porte échantillon spécifique, pouvant enserrer la cellule de pression et se
rapprocher au maximum de la fenêtre optique utilisée afin de conserver une ouverture nu-
mérique de travail satisfaisante et une faible distance de travail pour l’objectif de collection,
et un porte échantillon droit en cuivre, pouvant être utilisé avec le montage optique à 90◦
décrit dans la partie 3.1.1. Afin d’avoir une meilleure conduction thermique, chacun de ces
porte-échantillon a été réalisé en une seule pièce de cuivre et lors des mesures sous pression
dans la cellule, une tresse de cuivre, fixée sur le joint, vient assurer le contact thermique
entre la chambre de pression et le porte-échantillon.
De la même façon que pour les cryostats A.R.S, la température au niveau de l’échantillon
peut être régulée par un contrôleur thermique Lakeshore 335 couplé à trois résistances chauf-
fantes de 12 Ω placées au dos du porte-échantillon ainsi qu’à trois sondes de température :
une diode platine pt100 fixée au niveau du premier étage, une diode silicium LakeShore
DT670 (utilisant une calibration LakeShore DT670 générique) fixée à l’arrière du plateau
échantillon et une diode silicium LakeShore DT670 (calibrée spécifiquement) pouvant être
fixé directement sur nos différents porte-échantillons.
10. Dans le second cas, lors de l’utilisation dans le chemin optique à 35◦ spécifique au montage pression,
seule l’une des paires de fenêtres est utilisée.
11. C’està dire nécessitant l’apport régulier de liquide(s) cryogénique(s), ici de l’hélium et de l’azote liquide.
66 3. DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX
insert probe
sample + holder
Figure 3.9 – Schéma de principe du cryostat à circuit ouvert d’4 He(l) et bobine supracon-
ductrice splittée.
Dans ce chapitre, je présente une étude de la ferrite de Bismuth sous contrainte. L’effet de
la contrainte épitaxiale sur l’ordre magnétique existant dans des couches minces synthétisées
sur différents substrats, d’une part, et de la pression hydrostatique sur la structure et les
excitations magnétiques d’échantillons monocristallins, d’autre part, sont ici étudiés.
67
68 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
discussion. Plusieurs études ont déterminé différentes structures possibles pour cette phase :
une structure orthorhombique a été suggérée dans les références [Palai, 2008] (dans le groupe
d’espace P2mm) et [Arnold, 2009] (dans le groupe d’espace Pbnm). Une structure rhombo-
édrique dans le groupe d’espace R3̄c est donnée dans la référence [Selbach, 2008] tandis qu’en
référence [Haumont, 2008] cette phase paraélectrique est décrite dans la structure monocli-
nique P21 /m.
a
α = 59°35ʹ c
3+
Bi
3+
Fe
O 2-
Figure 4.1 – Maille cristalline rhomboédrique de BiFeO3 . Les angles β et γ sont droits. Le
plan en bleu clair correspond au plan supérieur (plan [001]) du pseudo-cube (cf. Fig. 4.2).
Cette maille rhomboédrique est une maille double.
Bi3+
Fe3+
c O2-
b
a
Ferroélectricité
En dessous de 1143 K, lors de la transition structurale de la phase β à la phase α, une
polarisation ferroélectrique due aux déplacements des ions Bi3+ apparaît le long de l’axe [111]
du pseudo-cube (voir la première transition schématisée 1 en Figure 4.3). Ce déplacement
induit une déformation de la stucture pérovskite de BiFeO3 qui se traduit par un déplacement
moyen des ions Bi3+ de 54 pm et des ions Fe3+ de 13 pm par rapport à leur positions
d’origine. Les barycentres des charges positives et négatives ne coïncident alors plus et une
polarisation spontanée apparaît dans la direction [111] (comme dans le composé BaTiO3 ,
cf. [Cohen, 1992]). Cette transition correspond donc à une transition para-ferroélectrique et
la température de transition TC = 1143 K est donc la température de Curie ferroélectrique
du composé.
Dans la référence [Lebeugle, 2007], les auteurs ont effectué des mesures de courant lors du
renversement de polarisation sous l’effet d’une tension sur des échantillons monocristallins de
BiFeO3 . Un cycle d’hystérésis de la polarisation ferroélectrique a ainsi été obtenu, permettant
de déterminer les valeurs du champ électrique coercitif Ec = 12 kV.cm−1 et de la polarisation
rémanente PR = 60 µC.cm−2 . Ce cycle d’hystérésis a également été mesuré dans les films
minces de BiFeO3 dans la référence [Wang, 2003].
Durant ce cycle d’hystérésis, la direction de la polarisation ferroélectrique bascule d’une
direction à une autre. Il y ainsi, en principe, 8 directions équivalentes pour la polarisation
ferroélectrique qui correspondent à des rotations de 180◦ , 109◦ ou 71◦ par rapport à la
direction [111] [Zhao, 2006]. Ces 8 directions équivalentes de polarisations, représentées en
Figure 4.4 correspondent aux 8 grandes diagonales de la maille du pseuso-cube. Notons que
1. Remarquons néanmoins que la maille représentée Figure 4.3 pour T>TC n’est pas schématiquement
exacte puisque la structure de la phase β n’est pas identifiée à ce jour. J’ai donc choisi arbitrairement
de représenter cette maille sous la forme d’une maille orthorhombique (bien que d’autres structures soient
possibles) pour mettre mieux en évidence les déplacements des ions Bi3+ responsables de l’apparition de la
ferroélectricité.
70 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
P[111] P[111]
54 pm
TC 13 pm TN q[10-1]
(-12-1)
1143 K 643 K
Figure 4.3 – Vue schématique de l’effet des transitions vers l’état ferroélectrique à
TC = 1143 K et vers l’ordre magnétique à TN = 643 K sur la maille de BiFeO3 dans la
représentation pseudo-cubique. Le plan bleu correspond toujours au plan [001] des Figures
précédentes. Le plan rose correspond au plan de la cycloïde de spin qui apparaît en dessous
de TN . Le vecteur de polarisation ferroélectrique, P, qui apparaît en dessous de TC selon la
grande diagonale du pseudo-cube et le vecteur de propagation de la cycloïde des spins des
Fe3+ , q, sont indiqués par les flèches rouge et bleue, respectivement. Les oxygènes ne sont
pas représentés pour plus de lisibilité mais l’octaèdre qu’ils forment est montré en arrière
plan en gris clair.
Propriétés magnétiques
En dessous de 643 K, un ordre magnétique local de courte portée apparaît. Il s’agit
d’un ordre antiferromagnétique de type-G des spins des ions Fe3+ (voir Chapitre 1, Fig.
1.4) : chaque ion Fe3+ est entouré par six premiers voisins dont les spins sont anti-parallèles
au sien. Expérimentalement, des mesures sur poudre à température ambiante ont montré
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 71
que l’aimantation variait linéairement en fonction du champ magnétique appliqué [Lebeugle,
2007] ce qui est caractéristique d’un arrangement antiferromagnétique des moments des ions
Fe3+ .
Cet ordre antiferromagnétique local est soumis à une modulation de longue portée, ce
qui génère une spirale cycloïdale des spins des Fe3+ d’une période de 62 nm [Sosnowska,
1982]. Cette cycloïde de spin, représentée en Figure 4.5, est incommensurable. Elle existe
dans le plan (-12-1) formé par la polarisation électrique le long de la grande diagonale du
pseudo-cube (axe [111]) et son vecteur de propagation q, le long de l’axe [10-1]. Ce plan est
indiqué en rose sur les Figures 4.3 et 4.5.
[111]
extra-cyclon modes : ψ (-12-1)
P[111] q[10-1]
[10-1]
cyclon modes : φ
Bien évidemment, lorsque la polarisation n’est pas selon [111] mais selon l’une des di-
rections équivalentes décrites en Figure 4.4, le vecteur q de propagation de la cycloïde est
orienté selon l’une des 3 directions équivalentes [0-11], [10-1] ou [-110] et la cycloïde est
alors respectivement contenue dans les plans équivalents (-1-12), (-12-1) ou (-211). Dans les
études effectuées par D. Lebeugle et al. les échantillons utilisés sont des monocristaux mo-
nodomaines dans lesquels la cycloïde se propage le long de l’axe [10-1] et est contenue dans
le plan (-12-1) [Lebeugle, 2008]. Ce sera également le cas dans les mesures sur monocristaux
que je présenterai par la suite puisque nos échantillons ont été synthétisés par la même équipe
de recherche du CEA-Saclay.
Excitations de spins
Les spins portés par les atomes de fer tournent principalement dans un plan et forment une
cycloïde qui a été décrite plus haut et qui est représentée en Figure 4.5. Cet ordre magnétique
présente des excitations, c’est à dire que les spins, en plus de former cette cycloïde qui se
propage, peuvent osciller autour de leur direction à chaque instant.
72 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
[111]
(-12-1) plane
cyclon modes : φ
[10-1]
[101]
extra-cyclon modes : ψ
[10-1]
Figure 4.6 – Excitations des spins de la cycloïde antiferromagnétique dans BiFeO3 . Les
modes cyclon correspondent à une oscillation des spins dans le plan de la cycloïde (plan
(-12-1)) et sont représentés en bleu. Les modes extra-cyclon correspondent à une oscillation
des spins perpendiculairement au plan de la cycloïde et sont représentés en rouge
.
Ces oscillations peuvent être vues comme une superposition de deux ondes simultanées
[Rahmedov, 2012] : une onde dans le plan, appelée "cyclon" et dénotée φ, pour laquelle
la projection des dipôles magnétiques dans le plan (-12-1) de la cycloïde oscille entre les
directions [10-1] et [111] lorsqu’on se déplace le long de la direction de propagation (c’est à
dire le long de l’axe [10-1]) ; et une onde hors du plan, appelée "extra-cyclon" et dénotée ψ,
pour laquelle les dipôles magnétiques possèdent une composante normale au plan (-12-1) de
la cycloïde dont la valeur et le signe changent (c’est à dire qu’elles croisent le plan (-12-1))
lorsqu’on se déplace le long de la direction de propagation. Ces excitations de l’onde de
spin, cyclon et extra-cyclon, sont représentées, en bleu et en rouge respectivement, dans les
Figures 4.5 et 4.6.
Il faut noter que les spins portés par les Fe3+ ne sont en réalité pas parfaitement conte-
nus dans un plan : il y a un léger moment pendulaire (canting des spins) en dehors du plan
(-12-1), dû au couplage magnétoélectrique local entre l’ordre antiferromagnétique et la pola-
risation ferroélectrique. Ce couplage provient de l’interaction Dzyaloshinskii-Moriya, décrite
en Chapitre 1 de ce manuscrit ainsi que dans les références [Sosnowska, 1982,Lebeugle, 2008].
Il se traduit par une contribution supplémentaire dans le hamiltonien du système magnétique
et conduit à lever partiellement la dégénérescence des modes d’oscillation des spins.
Plusieurs mesures à basses températures ont ainsi montré un léger cycle d’hystérésis de
l’aimantation sous champ magnétique, que ce soit dans des films minces [Naganuma, 2007] ou
des céramiques [Zhang, 2005], ce qui souligne la présence d’un petit moment ferromagnétique
qui proviendrait de la rotation des octaèdres d’oxygènes (elle-même responsable du canting
via l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya inverse). Une faible aimantation, de moins de 1
µB , a ainsi été mesurée et calculée théoriquement dans BiFeO3 [Ederer, 2005b,Wang, 2003]).
En spectroscopie Raman, ces excitations magnoniques sont observées sous la forme de
deux séries de pics très étroits que l’on peut sélectionner avec des configurations de polari-
sation différentes (voir Fig. 4.7) : les modes cyclon φ sont sélectionnés pour les polarisations
des champs électriques des ondes incidente et diffusée parallèles au vecteur de propagation de
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 73
ψ3
q
ψ1 ψ4
ψ0 ψ5 ψ7
( )
φ4
φ2 φ3
φ1
φ5 φ8
(//)
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65
Wavenumber (cm-1)
Figure 4.7 – Spectres Raman de basses énergies mesurés sur un échantillon monocristallin
de BiFeO3 dans la référence [Cazayous, 2008]. Les mesures en configurations de polarisations
croisées et parallèles, permettant de sonder les modes Φ et Ψ, sont tracées en bleu et en
rouge, respectivement.
la cycloïde, donc parallèles à l’axe [10-1] du pseudo-cube ; les modes ψ, eux, sont observables
en polarisations croisées (selon les directions [10-1] et [101] respectivement). Elles ont été
observées pour la première fois en 2008 dans les références [Cazayous, 2008] et [Singh, 2008].
L’assignement des pics observés en Figure 4.7 a été fait pour la première fois sur la base de
calculs théoriques de type Ginzburg-Landau. Cette théorie, développée par R. de Sousa et J.
E. Moore, repose sur la description phénoménologique de l’antiferromagnétisme développée
par Landau en 1937 et celle de la ferroélectricité développée par Ginzburg en 1949 [de Sousa,
2008b].
Dans cette théorie, l’expression de l’énergie libre dans BiFeO3 s’écrit :
r A G c X
F = M 2 + L2 + L4 + |∇Li |2
2 2 2 2 i=x,y,z
− αP · [L (∇ · L) + L × (∇ × L)] (4.1)
β γ δ
+ P2 + P4 + P6 − E · P
2 2 2
+ D · (M × L)
74 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
où le terme suivant :
β γ δ
FF E = + P 2 + P 4 + P 6 − E · P (4.2)
2 2 2
correspond à la ferroélectricité, dont la polariation P est le paramètre d’ordre. Comme
la symétrie impose la parité du terme d’énergie libre ferroélectrique, FF E ne contient pas de
termes impairs.
Pour écrire l’antiferromagnétisme, on introduit le moment magnétique total M = |M1 +
M2 | et le vecteur de Néel L = |M1 − M2 |, où M1 et M2 correspondent aux moments
magnétiques associés aux deux sous-réseaux de spins, et l’énergie libre associée est décrite
par le terme :
r A G c X
FAF M = M 2 + L2 + L4 + |∇Li |2
2 2 2 2 i=x,y,z (4.3)
La cycloïde de spin incommensurable est décrite par le terme de Lifshitz, aussi ap-
pelé terme d’interaction flexoélectrique (équivalent phénoménologique de l’interaction de
Dzyaloshinskii-Moriya) :
Le dernier terme :
FDM I = D · (M × L)
(4.5)
ψ2
φ2
ψ1
φ1
ψ0
φ0 k
π/λmagnon π/a
Figure 4.8 – Vue schématique représentant le repliement spectral des relations de dispersion
des modes cyclons et extra-cyclons, tracées en bleu et en rouge respectivement. La zone verte
de centre de zone de Brillouin correspond à la zone sondée en Raman pour les processus
Raman à une excitation.
.
L’énergie de ces modes, pour un vecteur d’onde nul, s’écrit alors de manière simplifiée :
Ec (n) = c (q).n
p (4.6)
Eexc (n) = c (q). (n2 + 1)
√
avec c (q) l’énergie cyclon, définie par c (q) = νq où ν et q correspondent respectivement
à la vitesse des modes de magnon et au vecteur d’onde de la cycloïde.
Les énergies mesurées expérimentalement (cf. Fig. 4.7 et réf. [Cazayous, 2008]) peuvent
alors être comparées à celles prédites par la théorie de R. De Sousa en équation (4.6). La
Figure 4.9 montre les énergies des pics présentés en Figure 4.7 ainsi que l’ajustement obtenu
théoriquement. Un bon accord entre les valeurs expérimentales et la théorie est obtenu en
ajustant la valeur du paramètre c (q) à 7.5 ± 0.2 cm−1 , ce qui est relativement proche de la
valeur prédite théoriquement cth (q) = 5.3 cm−1
Couplage magnéto-électrique
Le couplage magnéto-électrique dans BiFeO3 correspond au couplage entre cet ordre
magnétique complexe décrit plus haut et la ferroélectricité. L’existence de la cycloïde annule
76 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
65
60
55 E c(n)= ε (q) n
c
50 E exc(n)= ε (q)(n2+1)1/2
Wavenumber (cm-1)
c
45
40 -1
35 εc(q)=7.5 +- 0.2 cm
30
25
20
15
10
5
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8
Index n
Figure 4.9 – Fréquence des pics Raman de basse énergie mesurés sur monocristaux dans
la référence [Cazayous, 2008] en fonction de leur indice. Les énergies effectives des modes
cyclon et extra-cyclon, Ec et Eexc sont données en fonction de l’énergie effective du cyclon,
c , extraite de ces dépendances.
a) b)
Figure 4.10 – Vue schématiques de la structure de type R (pour des contraintes faibles)
(a) et de la structure de type T (pour des contraintes > 4.5%) (b) dans les films minces de
BiFeO3 .
Propriétés ferroélectriques
Les phases structurales de type R et de type T sont toutes deux ferroélectriques. Autre-
ment dit, dans les films minces de BiFeO3 , l’existence de la ferroélectricité est robuste au
passage des transitions structurales sous contrainte épitaxiale.
Dans la phase de type R, la polarisation pointe approximativement dans la direction [111]
du pseudo-cube, comme c’est le cas dans les monocristaux. Lorsque la contrainte épitaxiale
croît en compression, la polarisation tourne dans le plan (110) pour devenir parallèle à la
direction [001] (soit le long de l’axe c du pseudo-cube) sous l’effet de la variation d’inclinaison
des octaèdres d’oxygène qui influe sur la polarité locale [Jang, 2008,Dupé, 2010,Choi, 2011].
Dans la phase de type T, une polarisation ferroélectrique très importante (de 151 µC.cm−1 ),
dûe à la structure P4mm fortement déformée, a été prédite théoriquement par Ederer et
Spaldin [Ederer, 2005a]. La projection sur l’axe [001] du pseudo-cube de cette polarisation
a été reportée expérimentalement dans la référence [Béa, 2009] et mesurée avec une valeur
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 79
de 75 µC.cm−1 , en accord avec les prédictions théoriques. Plus récemment, Rossell et al.
ont apporté une preuve expérimentale directe, grâce aux techniques combinées de microsco-
pie électronique en transmission HAADF 5 et de spectroscopie EELS 6 , de la coordination
pyramidale des atomes de fer à haute contraintes (dans la phase de type T). Ces mesures
confirment le fort déplacement le long de l’axe c des atomes de fer et des atomes d’oxygène
du plan équatorial de l’octaèdre dans cette phase, comme schématisé en Figure 4.10.b. et
clarifient l’origine microscopique de la polarisation ferroélectrique géante observée dans les
films de BiFeO3 pour de fortes contraintes épitaxiales [Rossell, 2012].
Magnétisme
De nombreuses recherches se sont concentrées sur le lien entre la structure et les propriétés
magnétiques dans les films de BiFeO3 . Dans la référence [Wang, 2003], l’aimantation semble
dépendre de l’épaisseur des films, ce qui montre l’effet du désaccord de maille sur la réponse
magnétique. Cependant Eerenstein et al. n’ont observé aucune dépendance des propriétés
magnétiques en fonction de l’épaisseur dans des films déposés sur le même substrat (STO 7 )
[Eerenstein, 2005]. Des études ultérieures ont attribué la présence d’un moment de type
ferromagnétique et la dépendance du magnétisme en fonction de l’épaisseur des films à
des facteurs extrinsèques : des lacunes d’oxygène [Wang, 2005] et la présence de phases
parasites [Béa, 2005], ce qui est l’interprétation retenue aujourd’hui.
Des mesures de diffusion neutron ont révélé un ordre antiferromagnétique de type G
dans des films de BiFeO3 de grande épaisseur (240 nm) déposés sur STO, mais la cycloïde
incommensurable n’y a pas été observée. Des ordres magnétiques similaires ont, de plus, été
mesurés dans des films de plus de 110 nm d’épaisseur déposés sur LSAT 8 par diffraction
de rayons-X haute résolution. Cependant un moment magnétique accru, bien que de faible
intensité, est observé dans les films contraints sur toute leur épaisseur (et donc au maximum
de 75 nm) [Rana, 2007].
En 2005, Bai et al. ont observé, pour des films orientés selon la direction [111], que
la contrainte épitaxiale induit une transition d’un ordre magnétique cycloïdal à un état
antiferromagnétique homogène, dûe à la libération d’une composante antiferromagnétique
latente, bloquée dans la cycloïde [Bai, 2005]. Cette étude prédit la destruction de la cycloïde
pour des contraintes de plus de 0.5% de désaccord de maille.
Dans les films sous hautes contraintes épitaxiales, dans la phase monoclinique de type
tétragonal, MacDougall et al. ont récemment observé un ordre antiferromagnétique de type
G apparaissant en dessous d’une température de Néel abaissée de 324 K. Des signes d’une
seconde transition autour de 260 K, possiblement vers une phase magnétique minoritaire de
type C, sont également observés [MacDougall, 2012].
La référence [Infante, 2010] donne les températures de transition mesurées dans des films
minces de BiFeO3 synthétisés sur différents substrats : la température de Néel semble indé-
5. High-angle annuar dark field (HAADF)
6. Electron energy loss spectroscopy (EELS)
7. SrTiO3 .
8. (LaAlO3 )0.3 (Sr2 AlTaO6 )0.7 .
80 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
1400
SSO
NSO
GSO
Temperature (K)
1200
TC
DSO
STO
1000
LSAT
800 TN
600 : Neutron diffraction
: XRD
400 : Mössbauer
-2 -1 0 1 2
Misfit strain (%)
Couplage magnéto-électrique
Dans les films minces, le couplage magnéto-électrique a été mis en évidence expérimen-
talement pour la première fois en 2006 par Zhao et al. [Zhao, 2006]. Dans cette référence, le
couplage magnéto-électrique est rapporté comme étant dû au couplage des domaines ferro-
électriques et antiferromagnétiques à la structure sous-jacente de domaines ferroélastiques.
Des calculs ab-initio de l’énergie d’anisotropie magnéto-cristalline ont montré que l’orien-
tation préférentielle des spins, en l’absence de cycloïde, était orthogonale à l’axe [111] du
rhomboèdre. L’orientation du sous réseau magnétique est donc couplée à la contrainte ferroé-
lastique et le système de spins doit toujours être perpendiculaire à la polarisation. En effet,
cette étude rapporte qu’un basculement de la polarisation ferroélectrique de 71◦ ou de 109◦
induit une rotation du plan d’aimantation facile. Par exemple, si la polarisation tourne de
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 81
109◦ de la direction [111] à la direction [1-1-1], le plan d’aimantation facile tourne également
de 109◦ de (-12-1) à (-1-12).
En 2008, Catalan et al. ont montré que les domaines ferroélectriques dans les films
ultra-minces de BiFeO3 (d’une épaisseur de moins de 35 nm) ont des parois irrégulières.
Ils montrent également que la taille de ces domaines est nettement plus importante que
dans d’autres films ferroélectriques de même épaisseur et se rapproche de la taille des do-
maines observés dans des matériaux magnétiques, ce qui est en accord avec un fort couplage
magnéto-électrique au niveau des parois de domaines [Catalan, 2008].
Dans les films de BiFeO3 dans la phase mixte T-R 9 , Zeches et al. ont observé un fort
amollissement structural [Zeches, 2009]. A la suite de cela, Wojdel et al. ont alors introduit
des termes d’amollissement dans leurs calculs de l’énergie libre dans les multiferroïques ma-
gnétoélectriques et ont montré que ce relâchement de la structure génère une augmentation
spectaculaire de la réponse magnéto-électrique dans les films minces de BiFeO3 [Wojdeł,
2010]. La référence [Prosandeev, 2011] établit que l’augmentation des coefficients magnéto-
électriques linéaire et quadratique ont la même origine macroscopique : une augmentation
de la permittivité diélectrique. Enfin, Chen et al. ont récemment réussi à manipuler élec-
triquement les ordres ferroélectriques et ferroélastiques aux limites de la phase mixte T-R
et montré que les moments magnétiques spontanés sont liés aux paramètres d’ordres locaux
(ferroélectriques et ferroélastiques), ce qui ouvre la possibilité de contrôler électriquement
l’orientation des moments magnétiques à température ambiante [Chen, 2012].
de Jean Juraszek de l’Université de Rouen pour les mesures Mössbauer qui confirment et
complètent nos mesures Raman.
[001]
c
b
a
BFO FILM
SUBSTRATE
Figure 4.12 – Vue schématique des films minces de ferrite de bismuth. La croissance des
échantillons que nous avons étudiés se fait selon l’axe c de la représentation pseudo-cubique,
la surface du film est donc un plan [00`], parallèle au plan montré en bleu clair. Le paramètre
de maille du substrat impose celui du film (pour des films de faible épaisseur).
Table 4.1 –
Substrats et contraintes associées, échantillons et épaisseur des films.
épaisseur
du film 50 nm 70 nm 70 nm 70 nm 70 nm 70 nm 70 nm
La Figure 4.13 présente une échelle des contraintes où sont placés tous nos échantillons
(nous les nommerons par la suite dans toutes les Figures par le nom de leur substrat) ainsi que
des photos obtenues par microscopie à force atomique. Sur ces photos les petits domaines
ferroélectriques sont visibles et on remarque que leur taille caractéristique varie peu d’un
échantillon à l’autre. Notons que ces échantillons sont les mêmes que ceux mesurés par
Infante et al. dans la référence [Infante, 2010] et que leur température de Curie de transition
ferroélectrique est très impactée par la contrainte appliquée, tandis que la température de
Néel de la transition magnétique ne l’est quasiment pas, comme illustré en Figure 4.11.
-3.0 -2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0
misfit strain (%)
Pour pouvoir distinguer notre spot Raman de ceux des réflexions à l’interface entre le film
et le substrat et sur la face arrière du substrat (lui aussi transparent), nous avons mesuré nos
échantillons en configuration à 45◦ où le faisceau laser incident forme un angle de 90◦ avec
le bras de collection de la lumière diffusée. En jouant sur la fente d’entrée du spectromètre,
nous avons ensuite pu rejeter les spots parasites. La taille du spot laser sur les films était
d’environ 100 µm2 .
Résultats
Les spectres Raman de basses énergies obtenus en configuration de polarisation parallèle
et croisée sur chacun des septs échantillons sont montrés en Figures 4.14.(a,b,c) et 4.15. On
remarque en Figures 4.14.a, 4.14.b et 4.14.c que les spectres obtenus sur les films synthétisés
sur DSO, GSO et SSO sont assez similaires qualitativement à ceux observés dans les mo-
nocristaux (cf. Fig. 4.7). On observe en effet deux séries de pics de faible largeur spectrale,
sélectionnés en polarisations parallèles et croisées. La gamme spectrale de ces spectres, entre
8 et 45 cm−1 , exclut toute origine phononique puisqu’aucun mode de phonon n’est prédit
en dessous de 70 cm−1 . Ces pics correspondent, comme dans le bulk, à la signature d’une
cycloïde magnétique incommensurable.
Pour confirmer la corrélation entre ces pics et les excitations de spins dûes à un ordre
incommensurable, les différents pics des Figures 4.14.a, 4.14.b et 4.14.c ont été ajustés par
des lorentziennes et leurs énergies reportées en fonction de l’index du pic. Cette dépendance
est tracée en Figures 4.14.d, 4.14.e et 4.14.f. Les points expérimentaux ont été ajustés en
par le substrat). C’est l’ensemble (d’épaisseur ∼1mm) formé par le film + le substrat qui était suspendu lors
de nos mesures.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 85
a) d) 50
DSO
Raman intensity (arb. units)
εc(q) = 6,2 cm-1
Wavenumber (cm-1)
-0.7% misfit 40
ψ
0
ψ ψ ψ 30
1
2 3 ψ
4
ψ
5 ψ
φ
3 φ 20
φ φ φ 5
* 1 2 4 φ
6 φ ψ
10 * DSO φ
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 1 2 3 4 5 6
Wavenumber (cm-1) Peak index
b) e)
50
ψ
G SO
Raman intensity (arb. units)
0
-0.2% misfit Wavenumber (cm-1) εc(q) = 6,4 cm-1
40
ψ
1
ψ 30
φ
1
2 ψ
4 ψ
5 ψ
φ 20
2 φ φ
3 4 φ φ
6
φ ψ
5
10
G SO φ
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0
0 1
1 2
2 3
3 4
4 5
5 6
6
Wavenumber (cm-1) Peak index
c) f) 50
SSO
Raman intensity (arb. units)
ψ 0.4% misfit 40
0
ψ
1 ψ ψ
2 3 ψ
4
ψ
5 ψ 30
φ φ
1
φ 3 φ 20
2 4 φ
5 φ ψ
10
SSO φ
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 1 2 3 4 5 6
Wavenumber (cm-1) Peak index
Figure 4.14 – (a,b,c) Spectres Raman de basses énergies mesurés les échantillons DSO,
GSO et SSO respectivement. Les mesures en configurations de polarisations croisées et paral-
lèles, permettant de sonder les modes Φ et Ψ, sont tracées en bleu et en rouge, respectivement.
(d,e,f ) Fréquence des pics Raman mesurés dans les films déposés sur DSO, GSO et SSO
respectivement, en fonction de leur indice. La valeur de c , correspondant à l’énergie effective
du cyclon, extraite de ces dépendances est donné en haut de chaque graphe.
86 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
utilisant les équations (4.6) et un bon accord a été trouvé pour des valeurs du paramètre c (q)
de 6.2 cm−1 dans DSO, 6.4 cm−1 dans GSO et 6.3 cm−1 dans SSO. Ces valeurs de l’énergie
cyclon sont plus faibles que celle extraite des mesures dans les monocristaux (7.5 cm−1 ),
mais elles sont plus importantes que celle prédite théoriquement par R. de Sousa, qui est
d’environ 5.3 cm−1 et qui est calculée pour correspondre à la susceptibilité des films minces
de BiFeO3 . Nous nous attendions donc à des valeurs expérimentales de c (q) plus faibles dans
les films que dans les monocristaux, ce qui est bien le cas ici. Notons que nous observons en
Figure 4.14.a un pic anormal (noté *) dont nous discuterons l’origine plus tard.
Les Figures 4.15.a, 4.15.b et 4.15.c et 4.15.d présentent les spectres Raman de basses
énergies obtenus sur les échantillons LSAT, STO, NSO et PSO. Contrairement à ceux ob-
tenus sur les trois autres échantillons, ces spectres ne ressemblent plus à ceux mesurés dans
les monocristaux et seuls deux pics, sélectionnés en polarisations croisées et parallèles, sub-
sistent. Les énergies de ces deux pics, autour de 10 cm−1 pour celui observé en polarisations
parallèles et autour de 17 cm−1 pour celui observé en polarisations croisées, ne semblent pas
varier beaucoup d’un échantillon à l’autre.
Comme vu précédemment, l’observation des pics multiples dans chaque polarisation pro-
vient du repliement spectral des branches de dispersion φ et ψ des excitations magnoniques
dû à l’incommensurabilité de la cycloïde. Par conséquent, leur disparition au profit de deux
pics est un signe de la destruction de la cycloïde dans ces échantillons plus contraints. Ce
résultat est en accord avec les travaux présentés en référence [Bai, 2005] qui indiquent que
la cycloïde de spin peut être détruite à partir d’une perturbation critique dûe à la contrainte
élastique du film et qu’un état antiferromagnétique homogène peut alors être stabilisé.
Pour mieux saisir l’origine de ces deux pics, présents dans nos spectres Raman pour des
contraintes épitaxiales compressives inférieures à -1.6% et extensives supérieures à 0.9%,
nous nous sommes appuyés sur plusieurs travaux théoriques et expérimentaux présents dans
la littérature. Les travaux des références [Ederer, 2005a] et [Ramazanoglu, 2011] prédisent
et mesurent un faible moment ferromagnétique associé à un léger canting des spins hors du
plan de la cycloïde. Dans les films minces où la cycloïde disparaît, on s’attend toujours à
observer ce faible canting et donc un faible ferromagnétisme. De Sousa et al. ont développé un
modèle phénoménologique, utilisant la théorie de Ginzburg-Landau, basé sur une structure
antiferromagnétique cantée pour prédire les excitations de l’onde de spin dans les films minces
de BiFeO3 sous contrainte épitaxiale. Le "canting" de l’ordre antiferromagnétique est contenu
dans le plan perpendiculaire à la polarisation ferroélectrique. Dans leur travail théorique,
deux modes d’excitations de l’onde de spin sont prédits, un mode de basse fréquence et
un mode de haute fréquence. Le mode de basse fréquence, prédit aux alentours de 4 cm−1
correspond à la correction magnétostatique en présence du faible moment ferromagnétique.
Le mode de haute fréquence, prédit aux alentours de 25 cm−1 est, lui, dû à l’interaction de
Dzyaloshinskii-Moriya [de Sousa, 2008a].
Plus récemment, Dawei Wang et al. ont développé une approche ab-initio pour simuler
les propriétés dynamiques de structure et de magnétisme. Dans la référence [Wang, 2012],
deux fréquences résonnantes dans les susceptibilités électriques et magnétiques, autour de
7 cm−1 et 85 cm−1 , sont prédites. La disparition du mode de basse énergie, à 7 cm−1 ,
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 87
a) b)
LSAT STO
Raman intensity (arb. units)
φ φ
5 10 15 20 25 30 35 40 5 10
10 151520 20
25 30
25 353040 35
45 50
40
Wavenumber (cm-1) Wavenumber (cm-1)
c) d)
NSO PSO
Raman intensity (arb. units)
φ
φ
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Wavenumber (cm-1) Wavenumber (cm-1)
Figure 4.15 – Spectres Raman de basses énergies mesurés les échantillons LSAT (a), STO
(b), NSO (c) et PSO (d). Les mesures en configurations de polarisations croisées et paral-
lèles, permettant de sonder les modes Φ et Ψ, sont tracées en bleu et en rouge, respectivement.
est prédite lorsqu’on éteint le paramètre responsable du canting des spins (autrement dit,
ce mode n’existe pas pour une structure antiferromagnétique de type G pure). Dans les
"Supplementary Information" de la même référence ce mode est associé aux rotations des
dipôles magnétiques dans le plan (111) (c’est à dire le plan perpendiculaire à la polarisation
ferroélectrique). Cette interprétation est en accord avec ce qui est prédit pour l’excitation
d’onde de spin de basse énergie dans les travaux de de Sousa et al.. Cela permet d’associer ce
mode de basse énergie à l’oscillation du petit moment ferromagnétique induit par le canting
dans le plan perpendiculaire à la polarisation ferroélectrique. Le mode magnétique de plus
haute énergie, prédit à 85 cm−1 , est associé, lui, aux oscillations des moments magnétiques
dans et hors du plan (111) (voir [Rahmedov, 2012] pour la décomposition) et serait dû à
l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya. Ce mode de plus haute énergie peut donc être associé
au mode gappé d’onde de spin prédit par de Sousa et al. à 25 cm−1 .
Le pic de plus basse énergie présent dans chacune de nos mesures de diffusion Raman sur
88 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
les films minces synthétisés sur LSAT, STO, NSO et PSO se situe aux alentours de 10 cm−1 ,
et celui de plus haute énergie aux alentours de 20 cm−1 ce qui est en bon accord avec les
mesures de diffusion inélastiques de neutrons de la référence [Matsuda, 2012] qui rapporte
deux branches de magnon à 9 cm−1 (1.1 meV) et 20 cm−1 (2.5 meV).
Si le premier pic que nous mesurons autour de 10 cm−1 est en bon accord avec les
7 cm−1 prédits théoriquement (la légère différence de 3 cm−1 pouvant provenir de l’anisotropie
locale de chaque ion Fe3+ ), le pic de plus haute énergie ne dépasse en revanche pas les
20 cm−1 , ce qui ne correspond pas aux 85 cm−1 de la référence [Wang, 2012] mais qui est
plus proche des 25 cm−1 de la théorie de de Sousa et al.. Ce mode provient de l’interaction de
Dzyaloshinskii-Moriya et son énergie est donc calculée théoriquement en fonction du facteur
D de l’interaction. Toutefois, la valeur de D n’est pas bien déterminée et la littérature ne
s’accorde pas encore à ce sujet. La référence [Matsuda, 2012], qui mesure un pic à la même
énergie que nous, estime la valeur de D à 0.1623 meV. La référence [Jeong, 2012] mesure une
branche de magnon avec une énergie allant jusqu’à 72.5 meV sur toute la zone de Brillouin en
neutrons inélastiques. Dans cette mesure, le meilleur ajustement théorique est trouvé pour
une valeur effective de D=0.107 meV.
En ce qui concerne le pic (*) à 7 cm−1 , présent sur le spectre Raman en configuration de
polarisations perpendiculaires de la Figure 4.14.a (film synthétisé sur DSO), il n’est, a priori,
pas associé aux séries de pics de la cycloïde incommensurable. En effet, les règles de sélection
Raman imposent que ce soit un mode φ (cyclon), or il est de plus basse énergie que le premier
mode ψ (extra-cyclon) observé qui est, lui, autour de 10 cm−1 . Les modes d’oscillation dans
le plan de la cycloïde étant énergétiquement moins coûteux que les modes d’oscillations hors
du plan, on s’attend à ce qu’à index égal, les pics φn soient de plus faible énergie que les
pics ψn , ce qui est en contradiction avec l’énergie de ce mode (*). Il pourrait cependant être
interprété comme l’excitation d’onde de spin de basse énergie dûe à la présence du canting
ferromagnétique.
Les mesures Raman que nous avons effectuées sur les différents échantillons permettent
donc de conclure à l’existence d’une cycloïde de spin incommensurable dans les films les
moins contraints, à savoir ceux synthétisés sur DSO (ε = −0.7%), GSO (ε = −0.2%) et SSO
(ε = 0.4%). Dans les films plus contraints, que ce soit en compression (LSAT (ε = −2.6%)
ou STO (ε = −1.7%)) ou en extension (NSO (ε = 0.9%) ou PSO (ε = 1.0%)), la signature
d’une cycloïde incommensurable disparaît et nos spectres ne présentent plus que deux pics
magnétiques, associés à un ordre antiferromagnétique canté, qui trouvent leur origine dans
l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya et dont les énergies sont compatibles avec celles de la
littérature.
Résultats
Les spectres Mössbauer obtenus à 295 K sur les sept échantillons mesurés précédemment
en Raman sont présentés en Figure 4.17. Ils présentent tous les 6 raies magnétiques hyper-
90 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
θ=0°
Δ12 Δ56
absorption
R23
absorption
β Δ16
[10-1] velocity
(001) plane
BFO FILM
Figure 4.16 – Configuration expérimentale des mesures Mössbauer. Les axes indiqués sont
ceux de la représentation pseudo-cubique ainsi que les plans en bleu (001) et en rose (-
101) qui sont les mêmes que précédemment. Les angles θ et β sont les angles formés par le
champ Bhf hyperfin et la direction [111] de la polarisation ferroélectrique et la normale [001]
respectivement. Des spectres caractéristiques dans les cas où θ=0◦ et où θ=90◦ sont montré
dans les directions associées.
fines, issues de l’interaction entre les noyaux de 57 Fe avec leur environnement magnétique,
avec un déplacement isomérique 12 de 0.37 mm.s−1 ce qui est caractéristique d’une coordi-
nation octaédrale des ions Fe3+ . On observe des spectres presque parfaitement symétriques
pour les films synthétisés sur LSAT, STO, NSO et PSO (Fig. 4.17a, 4.17.b, 4.17.f et 4.17.g),
c’est à dire pour les films fortement contraints, tandis qu’une assymétrie, notamment au
niveau de la largeur spectrale des raies, est visible dans les spectres mesurés dans les films
faiblement contraints, c’est à dire, ceux synthétisés sur DSO, GSO et SSO (Fig. 4.17.c, 4.17.d
et 4.17.e).
Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’assymétrie de la largeur spectrale des raies
dans les spectres Mössbauer est due à la rotation des moments magnétiques dans un plan.
Par conséquent, dans BiFeO3 , cette assymétrie est une preuve expérimentale de l’existence de
la modulation cycloïdale des spins portés par les ions Fe3+ (voir la référence [Lebeugle, 2007]
pour plus de détails). Ces mesures CEMS confirment donc l’existence de la cycloïde dans
les films faiblement contraints (DSO, GSO, SSO) et sa disparition à plus hautes contraintes
(LSAT, STO, NSO, PSO), ce qui est en accord avec le scénario basé sur nos mesures Raman.
Afin d’obtenir le maximum d’information sur l’orientation des moments magnétiques
12. Ce déplacement isomérique se voit sur les spectres comme le décalage du milieu entre les deux raies
3 et 4 des spectres par rapport au point de vitesse nulle (qui correspond à l’énergie exacte des photons γ
incidents (soit 14.4 keV ici)).
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 91
a) b)
1.05 1.08
1.04 LSAT 1.06 STO AF
Emission
Emission
1.03 ε = -2.6 % ε = -1.6 %
AF 1.04
1.02
1.01 1.02
1.00 1.00
-10 -5 0 5 10 -10 -5 0 5 10
-1
Velocity (mm.s ) Velocity (mm.s-1)
c) d)
1.08 1.15
DSO GSO
1.06
Emission
Emission
ε = -0.7 % 1.10 ε = -0.2 %
1.04 k=[1-10] k=[1-10]
+AF 1.05
1.02
1.00 1.00
-10 -5 0 5 10 -10 -5 0 5 10
Velocity (mm.s-1) Velocity (mm.s-1)
e) f)
1.15
1.08 SSO NSO
Emission
Emission
1.02 1.05
1.00 1.00
-10 -5 0 5 10 -10 -5 0 5 10
-1
Velocity (mm.s ) Velocity (mm.s-1)
g)
1.15
PSO
Emission
1.10 ε = -1.3 %
AF
1.05
1.00
-10 -5 0 5 10
Velocity (mm.s-1)
Figure 4.17 – Spectres Mössbauer obtenus sur les différents échantillons. Le substrat corres-
pondant à l’échantillon est indiqué en haut de chaque graphe ainsi que la contrainte corres-
pondante . Les cercles correspondent aux données expérimentales, les courbes de couleurs
à l’ajustement optimal qui en a été fait. Sont tracés en bleu les ajustements correspondant à
un ordre antiferromagnétique homogène, en rouge les ajustements correspondant à une cy-
cloïde de spin de type 1, c’est à dire se propageant selon q = [1-10] et en jaune l’ajustement
correspondant à la cycloïde de type 2 se propageant selon la direction [110].
92 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
dans les différents échantillons, les raies d’absorption Mössbauer ont été ajustées à l’aide
de simulations numériques. Les lignes rouges des Figures 4.17.c (DSO) et 4.17.d (GSO)
correspondent aux ajustements des spectres avec un modèle basé sur la cycloïde observée
dans le bulk. C’est à dire basé sur une rotation des spins dans le plan défini par la direction de
propagation [1-10] et par la direction de la polarisation électrique (selon [111] dans le bulk
et proche de [111] dans les films faiblement contraints comme rapporté dans la référence
[Daumont, 2012]). Notons au passage, que comme les photons γ arrivent sous incidence
normale, selon l’axe [001], les différents domaines équivalents par rotations de 90◦ par rapport
à la normale sont sondés de manière équivalente. La Figure 4.17.d montre que pour GSO
l’ajustement du spectre avec ce modèle est satisfaisant ce qui confirme l’existence d’une
cycloïde proche de celle observée dans le bulk dans les films avec des contraintes épitaxiales
faibles. Pour DSO en revanche, des données CEMS ne sont pas parfaitement reproduites par
un modèle de cycloïde harmonique du même type que dans le bulk.
La Figure 4.18 montre différents ajustements du spectre Mössbauer obtenu sur l’échan-
tillon DSO. Dans la Figure 4.18.a, l’ajustement est obtenu à partir du modèle de cycloïde
harmonique du bulk (qu’on notera pour la suite "cycloïde de type 1") se propageant selon la
direction [1-10]. L’asymétrie des données expérimentales est bien reproduite mais l’intensité
modélisée des raies n◦ 2 et 5 n’est pas en très bon accord avec les données, ce qui est parti-
culièrement visible en observant les résidus du fit. La valeur absolue ∆ de ces résidus, c’est
à dire de la différence en chaque point entre l’ajustement et les données, est utilisée pour
caractériser la qualité de l’ajustement. Pour la Figure 4.18.a, la cycloïde harmonique donne
une valeur de ∆ = 63.10−3 . L’ajustement est légèrement amélioré (∆ = 62.10−3 ) lorqu’une
anharmonicité de la cycloïde (m = 0.95) est introduite (Fig. 4.18.b). Cependant, cela ne
suffit pas à reproduire les intensités des raies 2 et 5 du spectre. C’est en considérant une
superposition entre la cycloïde anharmonique du second modèle et un ordre antiferroma-
gnétique canté que l’on arrive à ajuster au mieux les données Mössbauer expérimentales sur
l’échantillon DSO. La différence résiduelle est de ∆ = 40.10−3 avec un modèle superposant
la cycloïde anharmonique à 30% et un antiferromagnétique canté à 70% (Fig. 4.18.c). Cela
indique que l’ordre magnétique du film de BiFeO3 synthétisé sur DSO est un mélange entre
une cycloïde et un état homogène canté. Ce résultat est en accord avec les résultats Raman
sur le même échantillon où un pic supplémentaire (*) lié au canting est observé (Fig. 4.14.a).
Pour l’échantillon synthétisé sur SSO, les données Mössbauer ne peuvent être reproduites
par un modèle conventionnel de cycloïde (comme on le voit en Figure 4.19.a où ∆ = 85.10−3 ).
Le spectre est cependant clairement assymétrique (il suffit pour s’en convaincre de regarder
les raies 1 et 6), ce qui exclut un ordre antiferromagnétique canté simple. La Figure 4.19.b
montre un ajustement par une cycloïde du même type (et de même longueur d’onde) que
celle du bulk mais se propageant dans la direction [10-1]. Ce fit est meilleur que le précédent
avec une différence résiduelle avec les données expérimentales de ∆ = 45.10−3 . Un ajustement
d’encore meilleure qualité est obtenu avec un modèle de cycloïde dont la période est multipliée
par 1.22 par rapport à celle des monocristaux (on appellera ce type de cycloïde "cycloïde de
type 2") et se propageant selon la direction [110] (Fig. 4.19.c). Il semble donc que la structure
magnétique cycloïdale soit modifiée dans l’échantillon SSO (c’est à dire à basses contraintes
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 93
Figure 4.18 – Données CEMS et ajustements théoriques pour l’échantillon synthétisé sur
SSO. Les données sont ajustées avec un modèle basé sur une cycloïde harmonique de type
1 (comme celle existant dans les monocristaux)(a), une cycloïde de type 1 mais avec une
anharmonicité (b) et une combinaison d’une cycloïde anharmonique de type 1 (30%) et
d’un ordre antiferromagnétique pseudo-collinéaire (70%) (c). Les résidus (différences entre
l’ajustement et les données) sont tracés en vert.
extensives), ce qui montre que la contrainte épitaxiale peut non seulement faire disparaître
la cyloïde lorsqu’elle est trop importante mais peut également en modifier la nature.
Penchons-nous maintenant sur les données obtenues à plus hautes contraintes, où les
spectres sont symétriques et où la modulation cycloïdale de l’ordre magnétique a disparu
au profit d’un ordre homogène. Le rapport relatif d’intensité entre les différentes raies des
spectres nous donne des informations sur l’orientation moyenne des moments magnétiques.
Le rapport R23 entre la seconde (ou cinquième) et troisième (ou quatrième) raie du sextuplet
magnétique est donné par :
2
4.sin β
R23 = 1+cos 2β
En incidence normale, R23 =4 pour des spins orientés dans le plan de l’échantillon et
R23 =0 pour des spins orientés perpendiculairement. A hautes contraintes compressive, pour
les échantillons LSAT et STO (Fig. 4.17.a et 4.17.b), R23 est proche de 4 et par conséquent,
les spins des atomes de fer sont contenus dans le plan (001).
94 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
Figure 4.19 – Données CEMS et ajustements théoriques pour l’échantillon synthétisé sur
DSO. Les données sont fittés avec un modèle basé sur une cycloïde harmonique de type 1
(équivalente à celle existant dans les monocristaux) (a), une cycloïde se propageant selon la
direction [10-1] (b) et une cycloïde de type 2 se propageant selon la direction [110] (c). Les
résidus (différences entre l’ajustement et les données) sont tracées en vert.
Pour les hautes contraintes en extensions, c’est à dire pour les échantillons NSO et PSO
(Figures 4.17.f et 4.17.g), ce rapport diminue fortement (R23 ' 0.73) ce qui correspond à des
spins proches de la normale au plan (001). Ces quatre spectres peuvent, en conséquence, être
ajustés par des modèles où les moments des ions Fe3+ sont ordonnés antiferromagnétiquement
et pointent respectivement à des angles β = 90◦ (pour les hautes contraintes extensives) et
β = 35◦ (pour les hautes contraintes compressives) par rapport à la normale des films (voir
les ajustements en bleu Figure 4.17).
Calculs de Ginsburg-Landau
Dans les travaux d’Anatoly K. Zvezdin et de ses collègues, la composante magnétique de
l’énergie libre des films s’exprime comme la somme des termes suivants :
où
X
Fexch = A (∇Li )2 = A((∇θ)2 + sin2 θ(∇φ)2 ) (4.8)
i=x,y,z
FM E = −γP · [L (∇ · L) + (L∇)L)]
= −γ(∇x θcosφ + ∇y θsinφ − cosθsinθ (sinφ∇x φ − cosφ∇y φ)) (4.9)
13. Pour faciliter la navigation du lecteur entre cette thèse et notre article [Sando, 2013], j’ai repris les
mêmes notations que dans l’article pour les développements théoriques. Les notations des coefficients diffèrent
donc de ceux donnés plus haut en section 4.1.1.
14. Notons, au passage que ces dérivées spatiales sont exprimée dans la base (x0 , y 0 , z 0 ) définie plus haut.
96 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
où Kef f est la constante d’anisotropie effective qui inclut les contributions provenant de
l’anisotropie uniaxiale et de l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya.
Le dernier terme, enfin, est un terme magnétoélastique prenant en compte l’effet de la
contrainte épitaxiale sur le magnétisme :
La minimisation de l’énergie libre par les méthodes d’Euler-Lagrange donne deux équa-
tions différentielles magnétiques, qui sont données dans les Supplementary Materials de notre
article [Sando, 2013] et que je ne détaillerai pas ici. Deux types de cycloïdes de spin sont
solutions :
— La première, appelée cycloïde de "type 1", correspond à une cycloïde harmonique
de même longueur d’onde que celle présente dans BiFeO3 massif (λ=62 nm) qui se
propage dans la direction [1-10]. Pour cette cycloïde l’orientation du paramètre d’ordre
antiferromagnétique est donnée par θ = q0 .y (avec y selon l’axe [010] du pseudo-cube)
et φ = π2 . Pour obenir cette solution, seulement les deux premiers termes de l’énergie
libre Fexch et FM E sont nécessaires.
— La seconde, appelée√ cycloïde de ’type 2", correspond à une cycloïde dont la période
est augmentée de √32 ' 1.22, soit λ2 = 1.22 λ, et se propageant selon la direction
[110] du pseudo-cube. L’orientation du vecteur de Néel L est ici décrite par θ =
√ y
3.q0 . √x2 + √2 (dans les axes pseudocubiques) et φ = 0. Cette solution est obtenue
en ajoutant les deux termes d’anistropie des équations (4.10) et (4.11) aux termes
précédents.
Dans les monocristaux, la seconde cycloïde est également solution mais est énergétique-
ment défavorable, tandis qu’elle peut être stabilisée dans les films, comme nous l’avons vu
avec les ajustements des données Mössbauer sur l’échantillon SSO.
Les équations d’Euler-Lagrange produisent également des solutions correspondant à des
ordres antiferromagnétiques homogènes (dans ces cas là, les deux premiers termes de l’énergie
libre, Fexch et FM E sont annulés) :
— Les contraintes compressives induisent un plan d’aimantation facile : θ = π2 , φ = π2 ,
ce qui correspond à un vecteur de Néel antiferromagnétique le long de l’axe [110] du
pseudo-cube.
— Pour les contraintes épitaxiales en extension, l’état antiferromagnétique homogène
résultant provient de la compétition entre les deux termes d’énergie libre d’anisotropie
Fan et FMelast . Le vecteur de Néel est déterminé par φ = 0 et θ = θ0 , ce qui correspond
à des spins formant un angle β = θn − θ0 avec la normale (ie l’axe [001]). A très hautes
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 97
contraintes cet angle β tend vers 0 et les spins tendent à être parallèles à l’axe [001]
du pseudo-cube.
Les énergies associées à ces différents états (cycloïde de type 1, cycloïde de type 2, états
antiferromagnétiques homogènes avec les spin orientés selon les directions [110] ou [011]
respectivement) ont été calculées et sont tracées en Figure 4.20. Les expression théoriques
de ces énergies et le détail de ces calculs est présenté dans les Supplementary Materials de
notre article [Sando, 2013].
Type-2
Canted spin Canted
Type-1 spin cycloid
homogeneous AF cycloid homogeneous AF
along [110]
state along [110] along state along [011]
[110]
c
150 b
a
100
50
0
-50
-100
-150
-3.0 -2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0
misfit strain (%)
Figure 4.20 – Diagramme de phase magnétique des films minces de BFO sous contrainte épi-
taxiale. Les énergies, calculées théoriquement, des quatre états fondamentaux magnétiques
possibles sont reportées en fonction du désaccord de paramètre de maille par rapport au bulk
(en pourcentage). Les domaines de stabilité des trois états magnétiques sont indiqués par leur
couleur : en vert, les ordres antiferromagnétiques homogènes stables à hautes contraintes, en
bleu, la cycloïde de type 1, stable à faibles contraintes en extension, en violet, la cycloïde
de type 2 qui est stable pour les faibles contraintes compressives. Les différents échantillons,
repérés à l’aide du nom du susbtrat associé, sont indiqués en haut du diagramme. Les sché-
mas des ordres magnétiques ainsi que l’orientation du vecteur antiferromagnétique à hautes
contraintes et des direction de propagation des cycloïdes sont insérés en arrière plan.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 99
Notons que l’ajustement choisi pour les paramètres du Hamiltonien effectif permet de
reproduire nos mesures avec un excellent accord ainsi que les zones d’existence des phases
magnétiques prédites par les calculs d’énergie libre. Comme on le voit en Figure 4.20, les zone
de couleur, qui correspondent aux régions d’existence des différentes phases prédites par les
simulations de Hamiltonien effectif, correspondent au zones du diagramme où les différentes
énergies libres sont minimales.
Ces deux approches théoriques permettent de prédire le diagramme de phase magnétique
des films minces de ferrite de bismuth sous contrainte épitaxiale (Fig. 4.20) en parfait accord
avec les résultats expérimentaux issus de nos mesures Raman et des mesures Mössbauer.
4.3.1 Mesures
Pour appliquer le champ magnétique sur les films, nous avons utilisé le cryostat Oxford
Systems Spectromag avec la bobine supraconductrice, comme décrit au Chapitre 3. J’ai
utilisé le même porte-échantillon et la même configuration à 45◦ que décrits en section 4.2.2
afin de minimiser le signal Raman parasite issu du substrat et de l’environnement. Le laser
utilisé est un laser solide de longueur d’onde 532 nm filtré en fréquence grâce à un filtre Notch
Optigrate et filtré en puissance pour n’avoir pas plus de 5 mW arrivant sur les échantillons.
Comme précédemment, le spectromètre Jobin-Yvon T64000 est utilisé en configuration triple
soustractive et la taille du spot laser sur les échantillons est d’environ 100 µm.
La Figure 4.21 montre les spectres Raman de basse énergie, mesurés à température am-
biante sur les films de BiFeO3 synthétisés sur GSO (Fig. 4.21.a) et SSO (Fig. 4.21.b), pour
des valeurs croissantes du champ magnétique extérieur appliqué. On peut déjà remarquer
qu’à champ nul, la signature de la cycloïde est présente dans les deux échantillons, comme
dans les mesures présentées en section 4.2.2.
Dans l’échantillon synthétisé sur SSO, les pics multiples, indicateurs de l’existence de la
modulation cycloïdale des spins des Fe3+ , disparaissent et laissent place à un unique pic Pcant
lorsque l’intensité du champ magnétique extérieur appliqué atteint les 4 T. Nous interpré-
tons cette disparition comme la signature de la destruction de la cycloïde à hauts champs
magnétiques (>4 T). La fréquence du pic Pcant qui demeure à la transition (11 cm−1 ) est en
accord avec la valeur du mode φ de l’état antiferromagnétique canté décrit précédemment.
Un phénomène similaire est observé sous champ dans l’échantillon synthétisé sur GSO.
Comme le montrent les spectres de la Figure 4.21.a, les pics multiples, signature de l’ordre
100 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
a) Pcant
GSO φ b) Pcant
SSO φ
Raman intensity (arb. units) 10T
6T
4T
4T 2T
φ1
2T φ2
φ1 φ2 φ φ3
3 φ5 0T 0T
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
-1
Wavenumber (cm ) Wavenumber (cm-1)
Figure 4.21 – Spectres Raman de basses énergies mesurés sur les échantillons GSO (a) et
SSO (b) sous l’effet d’un champ magnétique appliqué le long de l’axe c du pseudo-cube. Ces
spectres ont été mesurés en configuration de polarisations parallèles et les excitations visibles
sont donc des modes cyclons (φ).
a) 30
Cycloid AFM b) Cycloid Mix AFM
40 φ5
SSO GSO
φ
3
35
25
Frequency (cm-1)
Frequency (cm-1)
30
φ
φ 3
20 2
25
φ
20 2
15 φ1
15 φ1
Pcant
Pcant
10 10
0 2 4 6 0 2 4 6 8 10
Magnetic Field (T) Magnetic Field (T)
Figure 4.22 – Relevé des fréquences des pics magnétiques de basse énergie en fonction de
l’intensité du champ magnétique appliqué, pour l’échantillon SSO (a) et l’échantillon GSO
(b). Les spectres ont été mesurés en configuration de polarisations parallèles et les excitations
reportées ici sont donc des modes cyclons (φ).
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 101
cycloïdal, disparaissent à 8 T. On remarque également l’apparition du pic Pcant à 11 cm−1 à
partir de 4 T. Pour une meilleure visualisation de ce résultat, les énergies des pics magnétiques
des spectres, obtenues par ajustement par des fonctions lorentziennes, ont été reportées en
fonction de l’intensité du champ magnétique appliqué (Fig. 4.22). On observe, en Figure
4.22.a que l’apparition du pic Pcant à 11 cm−1 et la disparition de tous les modes φ ne
coïncident pas et qu’il y a une zone, entre 4 et 8 T, de coexistence de la phase cycloïdale,
caractérisée par les modes multiples φn et de la phase antiferromagnétique cantée caractérisée
par le pic Pcant . Ce résultat montre que la cycloïde de spin est plus robuste dans le film
synthétisé sur GSO, ce qui est cohérent avec le fait que ce soit également le substrat ayant
le plus petit désaccord de maille avec BiFeO3 (et donc que ce film soit le moins contraint de
nos échantillons).
Il semble par ailleurs que l’effet du champ magnétique externe sur la cycloïde dans les
films de BiFeO3 soit analogue à celui de la contrainte épitaxiale. En augmentant le champ, on
observe une transformation de l’ordre magnétique qui passe d’une modulation cycloïdale à
un ordre antiferromagnétique homogène en passant par un état intermédiaire de coexistence
des deux ordres. Notons que cette situation est analogue à celle rencontrée dans l’échantillon
DSO avec la présence du pic (*) en Figure 4.14.a.
Comparons maintenant ces résultats obtenus dans les films avec ce qui se passe sous
champ magnétique dans BiFeO3 massif. Dans les monocristaux de BiFeO3 , des transitions
magnétiques similaires sont observées sous l’effet d’un champ magnétique externe. La ré-
férence [Ruette, 2004] rapporte l’observation de 3 phases magnétiques successives lorsque
l’intensité du champ augmente. Jusqu’à 10 T la cycloïde "usuelle", abondamment décrite
plus haut, est stable. Entre 10 et 18 T, la cycloïde existe toujours mais commence à être
impactée par le champ et une augmentation croissante de l’anharmonicité est reportée, ainsi
qu’un canting des spins hors du plan de la cycloïde. Au delà de 18 T, la cycloïde est détruite
et une transition magnétique induite vers un ordre antiferromagnétique homogène est ob-
servée et calculée théoriqement. Une étude théorique des transitions magnétiques de BiFeO3
sous champ, où l’influence de l’orientation du champ appliqué sur la valeur du champ critique
est explorée, est également proposée en référence [Fishman, 2013a].
Outre la similitude des phases observées, il est intéressant de comparer les champs magné-
tiques critiques pour lesquels la cycloïde disparaît dans le bulk et dans nos couches minces.
La Figure 4.23 montre un diagramme de phase magnétique sous champ en fonction de la
contrainte dont les valeurs de champs magnétiques critiques 15 sont extraites de nos mesures
Raman sur les films et de la référence [Wardecki, 2008] pour le composé massif. On remarque
que la cycloïde est beaucoup plus robuste sous champ dans BiFeO3 massif et qu’elle est fra-
gilisée dans les films sous l’effet de la contrainte épitaxiale. Comme on s’y attend, la cycloïde
est de moins en moins robuste lorsque le désaccord de maille du substrat augmente. En
effet, le champ magnétique critique nécessaire pour induire une transition vers un ordre an-
15. Les champs critiques qui Figurent sur ce diagramme correspondent aux valeurs du champ magnétique
externe nécessaire pour détruire la cycloïde. Il serait bien sûr également intéressant de faire figurer sur ce
diagramme les champs pour lesquels la coexistence des phases apparaît mais cela n’a pas été encore fait ici
car nous attendons les résultats des calculs théoriques du groupe de A. K. Zvzedin.
102 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
tiferromagnétique homogène est de plus en plus faible à mesure que la contrainte épitaxiale
augmente.
20
bulk
15
Critical field (T)
AF order
10
cycloid
0
-2.5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5
Strain (%)
Figure 4.23 – Diagramme de phase magnétique sous champ obtenu à partir des valeurs du
champ critique mesurées sur nos films et à partir de la référence [Wardecki, 2008].
4.3.2 Théorie
Figure 4.24 – Schéma comparatif, extrait de la référence [Guennou, 2011b], des différentes
phases structurales de BiFeO3 observées sous pression dans la littérature.
Raman entre 0 et 12 GPa, les spectres de chaque phase sont représentés de différentes
couleurs. La nature précise des groupes d’espace de ces phases demeure sujet à discussions.
La transition vers la phase Pnma à haute pression a été reproduite théoriquement par
calculs DFT (théorie de la fonctionnelle de la densité) dans la référence [Ravindran, 2006],
mais la pression prédite pour la disparition de la phase R3c est très élevée (13 GPa) par rap-
port aux résultats expérimentaux (autour de 3 GPa) et aucune des phases orthorhombiques
n’a encore été reproduite théoriquement à ce jour.
Concernant les propriétés magnétiques, la référence [Feng, 2010] prédit, par des calculs
ab-initio, une transition antiferromagnétique-ferromagnétique à 9-10 GPa et une anomalie
magnétique à 12 GPa. En revanche, aucune des études expérimentales précédentes n’a suivi
l’évolution de l’ordre magnétique sous pression. Les résultats que je présente par la suite, où
nous avons suivi simultanément sous pression les excitations du réseau (et donc l’évolution
des phases structurales) et les excitations magnétiques de très basses énergie sont donc une
première dans BiFeO3 .
P (GPa) P (GPa)
12.8 12.1
x 3
11.2 11.2
10.8
9.0
x 3
7.7 7.8
6.6 6.4
x 2
5.7
5.1
4.7
4.3 4.1
3.6 3.3
2.6
0.4 0.4
14 a) b) Spot 1
③ ⑤ ④ Spot 2
② ①
Raman intensity (arb. units)
12 Spot 3
Spot 4
10 Spot 5
0
0 10 20 30 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
Raman shift (cm-1)
La Figure 4.28 montre l’un de ces échantillons de BiFeO3 inséré dans la cellule de pression.
Un grain de rubis (ruby ball) sert de manomètre in-situ (cf. Chapitre 3). Le joint métallique
enserrant la chambre de pression est visible autour ainsi que les réflexions sur les facettes du
diamant par lequel l’image est prise.
Nos mesures sous pression hydrostatiques ont été effectuées dans la cellule de pression
à enclumes de diamants décrite au Chapitre 3. Le milieu transmetteur utilisé dans les deux
séries de mesures était de l’Argon, gazeux lors du chargement de la cellule. Toutes nos
mesures ont été faites à température ambiante dans la configuration spécifique au montage
pression décrit : le faisceau laser incident (de longueur d’onde 561.3 nm) arrive à travers le
diamant supérieur de la cellule qui sert également de fenêtre optique pour la collection de
la lumière diffusée. Le spectromètre T64000 est utilisé en configuration triple soustractive
et les fentes d’entrée et de sortie (avant la CCD) sont fermées à 40 µm, la taille du spot
laser sur l’échantillon étant de moins de 15 µm. A cause de la biréfringence sous pression
du diamant qui nous sert de fenêtre optique, les polarisations sont susceptibles de tourner
lorsque la pression hydrostatique augmente dans la cellule. Les mesures sont donc toutes
faites sans contrôle des polarisations de la lumière incidente et diffusée et nous n’avons donc
pas étudié les règles de sélection sous pression des excitations Raman mesurées 17 .
Comme on le verra par la suite, nous avons effectué deux séries de mesures successives
17. De nouvelles mesures avec des polarisations circulaires pour compenser l’effet de la biréfringence sont
à envisager pour étudier les règles de sélection Raman sous pression.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 107
a) b) Spot 1
⑥
Spot 2
① ④ ②
Raman intensity (arb. units)
③ Spot 3
⑤ Spot 4
20 Spot 5
Spot 6
10
0
0 10 20 30 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
Raman shift (cm-1)
BiFeO3
(~100 µm) ruby
gasket
350 µm
Figure 4.28 – Image par microscopie optique de l’échantillon retenu pour notre première
série de mesures, après insertion dans la cellule de pression. La chambre de diamètre 350 µm
est visible au centre en plus clair et est délimité par le joint torique en plus sombre. Le rubis
inséré avec l’échantillon dans la chambre de pression sert pour la mesure de la pression in
situ comme décrit au Chapitre 3.
108 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
(sur les deux échantillons décrits plus haut), la première de 0 à 12 GPa puis une seconde
de 0 à 4 GPa, avec des pas en pression beaucoup plus petits, pour étudier plus finement le
comportement sous pression des excitations magnétiques de BiFeO3 dans la première phase.
a) b)
BiFeO3 Phonon modes ? Spin wave modes
Raman intensity (arb. units)
0.99 GPa
φ-
2
φ+
2
φ- ψ-
1 ψ+ 2
1
ψ+ ψ- ψ+
1 1
φ+ 0
1
Figure 4.29 – Spectres Raman obtenus à 0.99 GPa (1ère pression mesurée dans la cellule
après chargement). Le spectre des excitations de l’onde de spin en (b), correspond à un zoom
du spectre des modes de phonons observés en (a).
GPa
12.1
10.18
7.93
5.78
5.51
5.24
3.82
2.94
1.12
0.98
50 75 100 125 150200 400 600
Figure 4.30 – Spectres Raman obtenus pour des pressions mesurées allant de 0.98 à 12.1
GPa. Les différentes phases structurales sont représentées en différentes couleurs.
Notons que nos mesures Raman nous permettent de mesurer de nouveaux modes de pho-
nons en dessous de 100 cm−1 , jamais observés sous pression à ce jour, qui correspondent
aux modes de vibration Bi-O, moins énergétiques que les modes Fe-O en raison de la masse
plus importante des atomes de Bismuth. La Figure 4.31 synthétise les énergies des modes de
vibrations observés entre 40 et 200 cm−1 des spectres de la Figure 4.30, extraites d’ajuste-
ments par des fonctions lorentziennes, en fonction de la pression hydrostatique (mesurée par
fluorescence des rubis). Ces nouveaux modes de phonons Bi-O dont l’architecture est très
modifiée aux transitions structurales nous permettent de déterminer avec plus de précision
les pressions de transition et en particulier de voir précisément la transition entre les phases
structurales orthorhombiques O2 et O3. Cette transition n’est pas évidente à remarquer si
l’on ne dispose que de la partie des spectres au delà de 100 cm−1 (Fig. 4.25, [Guennou,
2011b]). La disparition d’un mode de phonon à 40 cm−1 entre les spectres à 5.78 et 7.93 GPa
nous permet, ici, de déterminer clairement cette transition structurale.
18. Nous avons gardé la même dénomination que la référence [Guennou, 2011b] pour les phases intermé-
diaires.
110 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
150
100
50
0 2 4 6 8 10 12
Pressure (GPa)
Figure 4.31 – Energies des phonons de basses énergies mesurés par spectroscopie Raman
(spectres Fig. 4.30) reportées en fonction de la pression appliquée.
De plus, l’observation de ces nouveaux modes de vibration Bi-O, intenses et bien définis,
devrait pouvoir permettre d’extraire des informations additionnelles sur les phases ortho-
rhombiques O1, O2 et O3 dont la nature et les groupes d’espaces sont encore controversés 19 .
Une collaboration avec le groupe de Jirka Hlinka, de l’institut de Physique de l’Académie
des Sciences de République Tchèque est en cours pour prédire la structure de ces phases
intermédiaires ainsi que les énergies des modes de phonons à l’aide de calculs ab-initio de la
réponse Raman du réseau.
a) b) 45
x 0.15
40
Raman intensity (arb. units)
GPa
12.1 35
Figure 4.32 – Excitations magnétiques sous pression. (a) Spectres Raman de basses éner-
gies pour différentes pressions appliquées. (b) Energies des pics, obtenues par ajustement
lorentzien, en fonction de la pression. Les lignes verticales discontinues indiquent les quatre
transitions structurales et les différentes couleurs correspondent aux différentes phases struc-
turales comme sur les Figures précédentes.
Dans la première phase structurale, jusqu’à 3.5 GPa, les spectres présentent à basse éner-
gie la série de pics qui est l’empreinte de la cycloïde antiferromagnétique incommensurable.
Lors de la première transition structurale ces excitations multiples disparaissent et on observe
uniquement la présence de deux pics, ce qui indique la disparition de la cycloïde de spins
et le passage vers un état antiferromagnétique homogène. L’énergie de chaque excitation
magnétique en fonction de la pression est reportée en Figure 4.32.
A basse pression, dans la phase R3c, les fréquences des excitations de l’onde de spin se
décalent : certaines durcissent tandis que d’autres ramollissent. Les trois excitations de plus
basse énergie semblent converger autour de 12 cm−1 à l’approche de la première transition
structurale. Un léger saut en énergie est observé à 1.4 GPa pour l’excitation à 18 cm−1 dont
nous ne pensons pas qu’il soit intrinsèque mais qu’il proviendrait d’une légère distorsion due
à la solidification du milieu transmetteur qui intervient à 1.4 GPa pour l’Argon. Dans les
phases suivantes, les deux excitations restantes durcissent avec l’augmentation de la pression
dans chaque phase, ce qui est attendu en raison de la rigidification du réseau sous pression.
dans la phase R3c, sont extraits de la seconde série de mesure dont les pas en pression étaient beaucoup
plus petits. Les énergies des excitations observées lors de ces deux séries de mesures se superposent parfaite-
ment, montrant la reproductibilité (en tout cas jusqu’à 4 GPa) de nos mesures et la robustesse du montage
expérimental, et c’est pourquoi nous les avons fait figurer ensemble en Figure 4.32.a.
112 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
On observe un saut en énergie de ces deux pics entre les phases O1 et O2 que l’on peut
interpréter comme une diminution en énergie des modes de magnons due à la réorganisation
du réseau cristallin à la transition.
a) b)
3.01 GPa
0 GPa
Figure 4.33 – Spectres Raman des excitations magnétiques de basse énergie (a) et des
modes de phonons Bi-O (b) mesurés lors de la descente en pression à la fin de la seconde
série de mesures. Les modes de phonons des spectres en rouge correspondent à la phase
O1, ceux en gris sombre à la phase R3c. La pression mesurée pour chacun des spectres est
indiquée avec le code couleur de la phase dans laquelle l’échantillon devrait être (d’après nos
mesures lors de la montée en pression). Les modes magnétiques observés dans le spectre à
0 GPa ne correspondent pas à ceux de la phase R3c.
riquement les phases R3c et Pnma dans les bonnes plages de pression, elle prédit également
deux phases intermédiaires orthorhombiques, de groupe d’espace Pna21 et Pca21 , qui corres-
pondent à des structures orthorhombiques où des variations complexes des inclinaisons des
octaèdres d’oxygène interviennent. Ces deux phases, dont l’énergie est très proche de celle
des phases R3c et Pnma, appartiennent à la famille des "nanotwin" (phases cristallines ma-
clées à l’échelle nanométrique) et ont été prédites théoriquement stables pour BiFeO3 dans
la référence [Prosandeev, 2013].
Ces calculs de hamiltonien effectif nous permettent donc de reproduire les phases ob-
servées expérimentalement, à l’exception de l’une des phases O2 ou O3. En effet, afin de
reproduire le saut en énergie des excitations d’onde de spin observé lors de la transition
structurale de O1 à O2, nous avons choisi d’associer la phase Pna21 à O1 et la phase Pca21 à
O2 ou O3 21 . Ces deux phases O2 et O3, non différenciées par ces calculs théoriques, doivent
toutes deux correspondre à des phases maclées (nanotwin) ayant des énergies très proches :
l’une (O2 ou O3) peut être associée à cette structure Pca21 tandis que la structure de la
seconde reste à élucider.
Notons que ces calculs nous fournissent également des informations précieuses sur la po-
21. J’ai arbitrairement choisi d’attribuer à cette phase (Pca21 ) le code couleur de la phase O2 pour les
Figures.
114 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
R3c
Relative energy (Hartree/5 atoms)
0.002
Pnma
Pna21
Pca21
0.000
-0.002
0 2 4 6 8 10 12
Pressure (GPa)
Figure 4.34 – Diagramme de phase structural sous pression hydrostratique prédit à l’aide
du Hamiltonien effectif donné en équation (4.14). Les énergies des différentes phases sont
normalisées par celle de la phase R3c, les domaines correspondant aux différentes structures
sont colorés en arrière-plan. Les mailles cristallines rhomboédrique et orthorhombique, cor-
respondant aux phases R3c et Pnma respectivement, sont montrées en arrière-plan dans les
zones du diagramme correspondantes.
θ
P Bi
ωAFD Fe
O
u
c
b
a
Figure 4.35 – Représentation schématique, dans la maille cristalline, du vecteur ~u, vecteur
unitaire dans la direction de polarisation ferroélectrique, du vecteur ω
~ AF D correspondant au
vecteur unitaire le long de la direction apicale des octaèdres d’oxygènes, et de l’angle θ entre
ces deux vecteurs, indicateur de la rotation des octaèdres dans la maille.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 115
a)
Local modes (dimensionless)
0.08
R3c Pna21 Pca21 Pnma
0.06
ux
uy
0.04 uz
0.02
0.00
0 2 4 6 8 10 12
Pressure (GPa)
b)
Antiferrodistorsions (radians)
θ (degree)
ωx 60
0.10 ωy 40
ωz
0.05 20
θ
0.00 0
0 2 4 6 8 10 12
Pressure (GPa)
Figure 4.36 – Calculs des paramètres ~u, ω ~ AF D et θ dans les différentes phases structurales
prédites théoriquement. La valeur moyenne du mode local ~u calculé dans chaque phase en
fonction de la pression est tracée en (a). Le vecteur d’antiferrodistorsion ω ~ AF D et l’angle θ
entre ~u et ω
~ AF D calculés en fonction de la pression sont tracés en b, l’échelle de gauche et
l’échelle de droite correspondent respectivement à ω ~ AF D et θ.
116 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
larisation ferroélectrique ainsi que sur les orientations des octaèdres d’oxygènes dans chaque
phase structurale. Ils nous donnent accès à la valeur du mode local u, qui correspond au
vecteur décrivant le déplacement entre les deux sous-réseaux des ions Fe3+ (la polarisation
P à l’équilibre étant directement proportionnelle à u) ainsi qu’au vecteur d’antiferrodistor-
sion, ωAF D , qui donne l’inclinaison de l’octaèdre des oxygènes dans la maille pseudo-cubique.
Ces deux paramètres, u et ωAF D ainsi que l’angle θ qu’ils forment sont schématisés en Fi-
gure 4.35. Leurs valeurs, simulées numériquement, sont tracées en Figures 4.36.a (pour u)
et 4.36.b (pour ωAF D et θ) et constituent, comme nous le verrons par la suite, une donnée
cruciale pour la reproduction théorique du comportement des excitations magnoniques sous
pression.
r0 2 A0 2 G0 4 c0 X
F = M + L + L + |∇Li |2
2 2 2 2 i=x,y,z
(4.12)
− α0 P · [L (∇ · L) + L × (∇ × L)]
+ D0 ωAF D · (M × L)
où L, M et P correspondent respectivement aux paramètres d’ordres antiferromagné-
tique, ferromagnétique et ferroélectrique. Les quatre premiers paramètres (r0 , A0 , G0 et c0 )
c0 X
sont proportionnels à l’interaction d’échange, J, entre les spins et le terme |∇Li |2
2 i=x,y,z
correspond à l’énergie d’échange qui favorise l’alignement des spins.
Comme nous l’avons vu en équation (4.4), le terme d’interaction flexoélectrique (ou terme
de Lifshitz) : −α0 P · [L (∇ · L) + L × (∇ × L)] décrit la cycloïde antiferromagnétique. Le
paramètre α0 se pose comme la limite continue de l’interaction spin-courant (un type d’inter-
action de Dzyaloshinskii-Moriya) avec α0 ∝ ηSO .J où ηSO correspond à l’énergie du splitting
spin-orbite de l’ion le plus massif, c’est à dire Bi3+ (voir la référence [Rahmedov, 2012] pour
plus de détails).
Le dernier terme, quant à lui, décrit l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya qui permet
de reproduire le faible moment ferromagnétique qui existe dans BiFeO3 [Ederer, 2005c]. D0
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 117
correspond au vecteur de Dzyaloshinskii-Moriya et D0 ∝ ηSO |ωAF D |.J où ωAF D est le vecteur
qui caractérise le déplacement des octaèdres formés par les ions oxygènes autour des ions
Fe3+ , qualifié aussi de mouvement d’antiferrodistorsion (AFD) [Kornev, 2006, Rahmedov,
2012].
Pour reproduire le comportement des excitations d’onde de spin sous pression hydrosta-
tique, il faut ajouter à l’énergie libre du système, décrite par l’équation (4.12), un terme
d’anisotropie :
−K 0 (u · L)2
(4.13)
( )
1X X
H= JSi · Si+δ + [C (ui × δ) + D (ωi − ωi+δ )] · Si × Si+δ − K (ui · Si )2 (4.14)
2 i,δ i
La somme est faite sur les différents sites i du réseau pseudo-cubique formé par les ions
3+
Fe et δ correspond au vecteur unitaire qui relie chaque site à ses six plus proches voisins. Le
vecteur Si décrit le spin de l’ion Fe3+ au site i, tandis que les vecteurs ui et ωi représentent
les distorsions structurales autour du site i : le vecteur ui correspond au mode local décrivant
le moment dipolaire électrique au site i et ωi est le pseudo-vecteur représentant la rotation
de l’octaèdre des oxygènes (Fig. 4.35).
Les paramètres de l’énergie libre décrite par les équations (4.12) et (4.13) se réécrivent
alors :
π2 2
J|Kef f | 1 ωAF D
> ∝ − , (4.17)
8 (Cu)2 J u2
l’état fondamental devient une cycloïde anharmonique pour laquelle Q < (Cu)/(Ja).
Dans ce cas, le canting des spins est oscillant (c’est à dire que la légère aimantation résiduelle
change de signe) et possèdent des harmoniques impaires en fonction du vecteur d’onde :
(2n + 1)Q (avec n entier). L’amplitude du canting est alors proportionnelle à (Kef f )n où
l’anisotropie effective Kef f est définie comme :
D2 ωAF
2
D
Kef f = Ku2 − (4.18)
12J
Les excitations magnoniques d’une phase anharmonique sont obtenues en considérant
une petite variation de l’état fondamental : δSi = (φi D̂i + ψi ŷ)eiωt . Dans le cas présent,
les modes cyclon φi décrivent les fluctuations le long du vecteur unitaire D̂i tangentiel à Si
(orthogonal à Si , mais dans le plan de la cycloïde), et les modes extra-cyclon ψi décrivent
les fluctuations le long de ŷ, le vecteur perpendiculaire au plan de la cycloïde. Les modes
cyclon et extra-cyclons pairs (+) et impairs (-) sont définis par les extensions suivantes :
∞
X ∞
X
φi (x) = φ+
i,n cos(nQx) + φ−
i,n sin (nQx), (4.19a)
n=0 n=1
∞
X X∞
+ −
ψi (x) = ψi,n cos(nQx) + ψi,n sin (nQx), (4.19b)
n=0 n=1
45
40
35
- +
30 ψ2 ψ2
Energy (cm-1)
φ+ φ-
2 2
25
ψ-
1
20
ψ+
1
15
ψ+φ1-
0
10
φ+
1
R3c O1 O2 O3 Pnma
5
0 2 4 6 8 10 12
Pressure (GPa)
Figure 4.37 – Energie des pics Raman de basses énergies de la Figure 4.32.b en fonction de
la pression auxquelles nous avons superposées les relations de dispersion calculées théorique-
ment. Les lignes pleines correspondent aux ajustements obtenus avec le modèle théorique de
Rogério de Sousa et certains paramètre issus de calcul numérique de Dawei Wang (cf. texte).
Les lignes verticales discontinues indiquent les quatre transitions structurales.
(2) Quand K = 0, un seul magnon a une fréquence différente de zéro (le second est un
boson de Goldstone avec ω = 0). Ce régime-ci ne permet pas non plus de décrire nos
données dans les phases O1, O2 et O3 puisque l’on ne mesure, non pas une, mais deux
excitations d’onde de spin.
√
(3) Quand K < 0, il existe deux modes de magnons qui satisfont ωhigh /ωlow > 2. Ce
régime est pertinent pour décrire les excitations d’onde de spin dans la mesure où
nous obtenons expérimentalement dans les phases O1, O2 et O3 un rapport ωhigh /ωlow
compris entre 1,5 et 3. C’est également le seul régime qui permet de prédire ces deux
excitations avec une énergie croissante avec la pression.
Dans le cas (3), les fréquences des deux modes de magnons prédits théoriquement sont
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 121
décrites par
p 1/2
ωhigh = E00 1 + 1 + ξ , (4.23a)
p 1/2
ωlow = E00 1 − 1 + ξ , (4.23b)
avec
√ q
~E00 = 2 3S J|Kef f |, (4.24a)
KD2 sin2 θ
ξ = 2
, (4.24b)
6JKef f
où ξ ∈ [−1, 0].
Les deux relations (4.23a) et (4.23b), nous ont permis d’ajuster parfaitement le comporte-
ment en pression des deux ondes de spin mesurées dans les phases O1, O2 et O3 (voir Figure
4.37). Notons cependant que cet ajustement de nos données expérimentales n’est pas réali-
sable de façon directe car les relations (4.23a) et (4.23b) dépendent des paramètres E00 et ξ
qui dépendent eux-mêmes de K et D dont la dépendance en pression nous est inconnue. Nous
avons alors utilisé les calculs de Hamiltonien effectif présentés dans la section précédente qui
nous donnent l’angle θ et déterminent que J croît linéairement avec la pression [Guennou,
2011b].
Les différentes étapes de la méthode utilisée pour ajuster théoriquement les excitations
de l’onde de spin mesurées expérimentalement dans la phases O1, O2 et O3 sont détaillées
ci-dessous :
Etape 1 : Nos mesures expérimentales qui nous donnent les valeurs de ωhigh et ωlow nous per-
mettent de calculer ξ et E00 de la façon suivante (à l’aide des équations (4.23a) et
(4.23b)) :
" ω 2 #
high
ω
−1
ξ= ω low 2
high
−1
ωlow
+1
et
ω
E00 = √ high
√
1+ 1+ξ
Nous avons donc ainsi pu obtenir les valeurs des ces paramètres en fonction de la
pression hydrostatique p appliquée à l’échantillon et l’ajustement de ces valeurs nous
a permis d’accéder à la dépendance en pression de ces deux paramètres :
√
E00 ∝ p et ξ ∝ p1 .
Etape 2 : Il s’agit alors de vérifier que ces dépendances en pression sont cohérentes avec l’angle
θ extrait des calculs de hamiltonien effectif. Pour cela, nous avons regardé l’expression
de Kef f et tenté de réduire le nombre de paramètres ajustables. Comme nous sommes
dans le cas où K < 0, l’équation (4.18) se réécrit :
122 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
h i
D2 ωAF
2
Kef f = − |K|u2 + 12J
D
−|K|u2
On cherche à étudier les racines du dénominateur de ξ et on pose donc x = 2
.
D2 ωAF D /12J
Comme Kef f intervient au carré, deux racines x± sont possibles et s’expriment en fonc-
tion de ξ de la façon suivante :
" s #
2 sin2 (θ) ξ
x± = −1 + 1± 1− (4.25)
ξ sin2 (θ)
D2 ω2
Notons que x± nous permet d’évaluer le rapport entre |K|u2 et 12J AF D
en fonction de
la pression. Pour calculer ces valeurs de x± , nous utilisons ξ extrait de nos mesures
et l’angle θ calculé par Dawei Wang à partir du Hamiltonien effectif et les réinjectons
dans l’équation (4.25). Ici pour la phase O3, nous utilisons le paramètre θ de la phase
Pca21 aussi utilisé pour décrire O2. Nous trouvons que le cas x+ est en meilleur accord
avec notre expérience qui exige que x+ ∝ 1/p. D’autre part, |x+ | ∼ 10, ce qui signifie
D2 ωAF
2
que |K|u2 >> 12J D
et donc que |Kef f | ≈ |K|u2 , ce qui nous permet de simplifier les
expressions (4.18), (4.24a) et (4.24b).
p
Nous avons ainsi pu extraire les paramètres J|K|u2 and DωAF D en fonction de la
pression (ils sont présentés en Figure 4.38) mais il nous est impossible d’extraire les
paramètres individuels indépendamment. Nous constatons que les sauts en énergie
des excitations d’onde de spin observés aux transitions R3c → P na21 (de R3c à O1)
et P na21 → P ca21 (de O1 à O2) sont directement liés au paramètre θ et donc aux
rotations de l’octaèdre des oxygènes dans la maille pseudo-cubique.
Etape 3 : Après avoir vérifié, à l’étape 2, que notre modèle était cohérent avec nos données
expérimentales et avec l’angle θ extrait du calcul de Dawei Wang, nous avons pu ajuster
nos courbes expérimentales avec les relations 4.23a et 4.23b en considérant ξ ∝ 1/p et
0 √
E0 ∝ p. Ces ajustements, montrés en Figure 4.37, sont en excellent accord avec nos
données Raman.
Nous avons donc pu mesurer et reproduire théoriquement le comportement des excitations
magnétiques sous pression dans BiFeO3 massif à travers les 4 phases structurales elle-mêmes
prédites théoriquement. Dans la phase R3c, 5 des 6 modes d’excitations de l’onde de spin sont
bien reproduits et dans les 4 phases structurales observées à plus haute pression, les deux
modes de magnons restants sont ajustés avec un excellent accord. Une étude plus poussée
des modes de phonons de basse énergie est en cours et devrait permettre de reproduire
les structures des trois phases orthorhombiques (et non plus uniquement de deux d’entre
elles), ce qui pourrait nous donner des informations supplémentaires pour les ajustements
des excitations magnétiques dans les phases O2 et O3.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 123
0.60 O1 O2 O3
√J│K│u2 (meV)
0.55
0.50
1.2 O1 O2 O3
D│ωAFD│ (meV)
1.0
0.8
4 5 6 7 8 9 10
Pressure (GPa)
Figure 4.38 – Calculs des paramètres ~u, ω ~ AF D et θ dans les différentes phases structurales
prédites théoriquement. La valeur moyenne du mode local ~u calculé dans chaque phase en
fonction de la pression est tracée en (a). Le vecteur d’antiferrodistorsion ω ~ AF D et l’angle θ
entre ~u et ω
~ AF D calculés en fonction de la pression sont tracés en (b), l’échelle de gauche et
l’échelle de droite correspondent respectivement à ω ~ AF D et θ.
Concernant l’assignement des différents modes de magnons observés dans la phase R3c,
le lecteur pourra noter que nous n’avons pas utilisé le même système d’assignement que dans
les films minces. En effet, pour les films, nous avons repris les assignements utilisés dans les
références [Cazayous, 2008], [Rovillain, 2009], [Rovillain, 2010] et basés sur les travaux de
Rogério de Sousa présentés dans les références [de Sousa, 2008a] et [de Sousa, 2008b].
Lors de notre étude du magnétisme sous pression dans le composé BiFeO3 massif, nous
nous sommes en revanche appuyés des travaux récents de l’équipe de Randy Fishman qui ont
montré que lorsque l’on prend en compte l’anisotropie magnétique pour prédire les modes de
magnons, il y a une levée de dégénérescence des branches. Ces calculs théoriques basés sur
une approche hamiltonienne permettent de reproduire les énergies des modes d’excitations de
la cycloïde de spin mesurées expérimentalement avec beaucoup plus de précision. Nous avons
ainsi associé les pics Raman de basse énergie mesurés sous pression aux modes d’excitations
magnoniques sur la base des travaux théoriques des références [Fishman, 2013b] et [Nagel,
2013].
124 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
GSO
Lattice parameter a (Å)
3.95 DSO
STO
3.90
3.85 LSAT
3.80
8 6 4 2 0
Hydrostatic pressure (GPa)
4.6 Conclusion
Les travaux que j’ai pu mener durant cette thèse m’ont amenée à étudier en détail l’in-
fluence de la contrainte sur les excitations magnétiques de la ferrite de bismuth BiFeO3 .
Dans les couches minces, contraintes épitaxialement grâce au désaccord de maille avec le
sustrat, la contrainte modifie fortement la structure magnétique. En effet, à basse contrainte
compressive, un ordre cycloïdal antiferromagnétique similaire à celui qui est présent dans
le composé massif, se propageant dans la direction [1-10] est observé. Lorsque la contrainte
(compressive) augmente et dépasse le seuil de -1.7% de désaccord de maille, la cycloïde
disparaît et laisse place à un ordre antiferromagnétique homogène canté dans lequel les spins
portés par les ions Fe3+ sont parallèles à l’axe [110] du pseudo-cube. Pour des contraintes
épitaxiales en extension (c’est à dire pour des films synthétisés sur des substrats ayant
un paramètre de maille plus important), un ordre cycloïdal est également observé à basse
contrainte. Cet ordre n’est pas tout à fait similaire à celui du bulk puisque la longueur d’onde
de cette cycloïde, qui se propage dans la direction [110], est augmentée d’un facteur 1.22.
Lorsqu’on augmente encore le paramètre de maille du substrat, et quand le désaccord dépasse
la valeur seuil de 0.9%, cet ordre cycloïdal disparait et un ordre antiferromagnétique canté
apparaît. Dans cet ordre antiferromagnétique, les moments magnétiques des atomes de fer
tendent à être parallèles à la direction [011] lorsque la contrainte augmente. Ces résultats
découlent d’une collaboration entre plusieurs équipes d’expérimentateurs et de théoriciens
et tant les différentes mesures expérimentales que les deux approches théoriques sont en
excellent accord entre elles et convergent pour construire un diagramme de phase magnétique
des couches minces de BiFeO3 en fonction des contraintes épitaxiales.
L’application d’un champ magnétique sur ces films minces détruit également l’ordre cy-
cloïdal lorsque l’intensité du champ appliqué dépasse une valeur critique dépendant du sub-
strat. Nous avons pu vérifier que les cycloïdes présentes dans les trois échantillons faiblement
22. Une étude des modes de phonons dans les films minces et leur comparaison avec ceux observés dans
le composé massif sous pression hydrostatique aurait été intéressante, mais il serait nécessaire pour cela de
s’affranchir complètement du signal des substrats (présentant également des modes de phonons), travail que
je n’ai pas eu l’occasion d’effectuer durant cette thèse.
126 4. ETUDE DE LA FERRITE DE BISMUTH SOUS CONTRAINTE
contraints sont de moins en moins robustes à mesure que la contrainte épitaxiale augmente :
l’intensité du champ magnétique critique nécessaire à la destruction de la cycloïde diminue
lorsque le désaccord de maille du film avec le substrat augmente. Des calculs théoriques
d’énergie libre sont en cours pour reproduire nos mesures et prédire le diagramme de phase
des films minces sous champ magnétique et sous contrainte épitaxiale.
Dans le composé massif, la pression hydrostatique, appliquée de façon isotrope, impacte
fortement la structure et la magnétisme. En effet, cinq phases structurales successives sont
observées expérimentalement lorsque la pression augmente : la phase rhomboédrique (R3c)
bien connue subsiste jusqu’à 3.5 GPa, la phase orthorhombique centrosymmétrique (Pnma)
décrite dans la littérature est observée à partir de 10 GPa et trois phases orthorhombiques
intermédiaires apparaissent à 3.5, 5.5 et 7 GPa. Des calculs de hamiltonien effectif repro-
duisent ces phases, à l’exception de l’une des phases orthorhombiques intermédiaires, nous
donnant des informations précieuses sur les orientations des octaèdres des oxygènes. Notre
dispositif expérimental nous permettant d’accéder à des excitations de très basses énergies
(< 0.5 meV), nous avons pu observer de nouveaux modes de phonons (Bi-O) nous permet-
tant de mieux déterminer les pressions de ces transitions structurales. Nous avons également
été capables d’accéder aux excitations magnoniques et de suivre simultanément, pour la pre-
mière fois, l’évolution de l’ordre magnétique et de la structure sous pression. La cycloïde
de spins existe dans toute la phase R3c et nous avons suivi la dispersion sous pression des
modes d’excitations de l’onde de spin dans cette phase. Au delà de la première transition
structurale, à 3.5 GPa, la cycloïde est détruite et un ordre antiferromagnétique homogène
apparait. La combinaison de nos mesures avec des calculs de type Ginzburh-Landau et avec
les information sur la structure extraites des calculs de hamiltonien effectif nous ont permis
de reproduire théoriquement, avec un bon accord, l’évolution des modes magnétiques sous
pression. Des calculs ab-initio pour prédire précisément l’évolution des modes de phonons
de basse énergie sous pression est en cours et devrait nous permettre clarifier les phases
structurales orthorhombiques intermédiaires.
Chapitre 5
Manganites de Terres Rares
hexagonales : h-RMnO3
Structure cristallographique
Les manganites de terre rares cristallisent dans des structures qui sont soit de type pé-
rovskites orthorhombiques (de groupe d’espace Pbnm), pour les ions terre rare de large rayon
comme La, Ce, Pr, Nd, Sm, Eu, Gd et Tb, soit dans des structures hexagonales (de groupe
d’espace P63 cm), pour des espèces chimiques de terre rares de plus faible rayon ionique,
comme c’est le cas pour Er, Tm, Yb, Lu, In et Sc. Les terre rares Dy, Y et Ho ont pour
particularité de pouvoir donner des manganites dont la structure peut être hexagonale ou or-
thorhombique en fonction des conditions de cristallisation [Fiebig, 2005, Cheong, 2007, Park,
2003].
Sc In Lu Yb Er Tm Ho Y Dy Tb Gd Eu Sm Pm Nd Pr Ce La
ionic
radius
Figure 5.1 – Evolution de la structure stabilisée par les composés RMnO3 en fonction du
rayon de la terre rare. La structure des composés intermédiaires (DyMnO3 , HoMnO3 et
YMnO3 ) est dépendante des conditions de synthèse.
127
128 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
a) b) z0 plane
O2
O3
O5
O4
O1 R
Mn
O
c c
b b c 1
b z0 + plane
a 2
a a
Figure 5.2 – Structure générale des manganites de terre rares hexagonales : (a) vue de
l’empilement des plans Mn-O et R-O le long de l’axe c et (b) vue perpendiculaire de l’ar-
rangement triangulaire des plans Mn-O.
Ferroélectricté
Les manganites hexagonales possèdent un ordre ferroélectrique qui apparaît à hautes
températures, pour des températures de transition en général supérieures 800 K [Lorenz,
2013] sous l’effet d’une transition structurale.
Au dessus de la transition (T>800K), ces composés cristallisent dans le groupe d’espace
P63 /mmc [Van Aken, 2004] dans lequel les oxygènes O3 , O4 et O5 sont dans le même plan
que les manganèses. A la transition, les bypiramides MnO5 s’inclinent légèrement, ce qui fait
sortir les oxygènes des plans Mn-O, et les ions de terre rares se déplacent le long de l’axe c. La
combinaison de ces déplacements permet aux oxygènes des plans Mn-O et aux ions terre-rares
de former des dipôles électriques responsables de l’apparition de la ferroélectricité [Alonso,
2000, Jeong, 2012].
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 129
R
Mn
O
TC
Les composés h-RMnO3 sont donc des ferroélectriques impropres pour lesquels la ferro-
électricité est induite par une modification de la structure cristalline. Aucune autre transition
structurale n’a été observée en dessous de TC ' 800 K dans ces composés.
Structure magnétique
Les manganites hexagonales peuvent posséder plusieurs ordres antiferromagnétiques qui
apparaissent à plus basses température. Deux réseaux sont susceptibles de s’orienter magné-
tiquement dans ces composés. Le réseau triangulaire formé par les manganèses s’ordonne
avec une température de transition en général inférieure à 100 K [Lorenz, 2013], et, dans les
composés où la terre rare est une espère magnétique, le réseau formé par les ions terre-rares
peut s’ordonner à des températures très basses généralement inférieures à 5 K, comme c’est
le cas dans h-HoMnO3 , ErMnO3 et YbMnO3 [Yen, 2007].
Le réseau formé par les ions manganèses est un réseau triangulaire, siège d’une frustration
magnétique, qui s’ordonne antiferromagnétiquement dans une structure à 120◦ dans les plans
(a,b) en dessous d’une température de Néel magnétique (TN (M n) . 100 K). Cette mise
en ordre est tridimensionnelle, ce qui traduit l’existence de couplages planaires, au sein
des plans Mn-O, mais également interplanaires, entre plans Mn-O adjacents. Six structures
magnétiques associées aux ions maganèses sont compatibles avec le groupe d’espace P63 cm
[Brown, 2006]. Ces configurations sont montrées en Figure 5.4.
Le réseau des terre rares peut également s’ordonner magnétiquement comme c’est par
exemple le cas dans HoMnO3 et YbMnO3 où le site R(4b) de la terre rare s’ordonne à très
basses températures (<5 K) [Muñoz, 2001, Fabrèges, 2008].
Cependant, la nature des interactions contrôlant la structure magnétique dans les man-
ganites hexagonales h-RMnO3 est encore mal connue et on observe de grandes variations de
configuration magnétique d’un composé à l’autre. Par exemple, les moments magnétiques
130 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
a) c) e)
b) d) f) ψ
Figure 5.4 – Schéma des configurations magnétiques à 120◦ accessibles aux ions Mn3+ dans
les manganites RMnO3 hexagonales.
Structure
La manganite d’Ytterbium cristallise dans le groupe d’espace P63 cm. La maille élémen-
taire ferroélectrique est montrée en Figure 5.5. Les paramètres de maille à température
ambiante (et donc dans la phase ferroélectrique) de YbMnO3 sont a = 6.0629(1) Å et
c = 11.3529(1) Å [Fabrèges, 2010].
Comme dans toutes les manganites hexagonales, la structure de ce composé est formée
par des plans successifs, dans les directions (a,b), de bipyramides MnO5 inclinées les unes
par rapport aux autres (Fig. 5.5.a). Entre ces plans MnO3 se trouvent des plans contenant
les ions terre rare, qui s’empilent selon l’axe c [Muñoz, 2000].
Les bipyramides MnO5 sont connectées bidimensionnellement les unes aux autres dans
les plans (a,b) par les atomes d’oxygène O3 O4 et O5 et ces plans sont reliés entre eux par
132 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
les atomes d’oxygènes apicaux O1 et O2 des bipyramides. Comme montré en Figure 5.5.b,
les ions Mn3+ forment un réseau triangulaire dans les plans (a,b).
c
a) b) b
Mn a
Yb (4b) c layer
O1
O3
c=1/2 layer
O4
O2
Mn
Yb (2a)
c=1/2 layer
c layer c
a
b
Ordres ferroïques
En dessous d’environ 900 K, le déplacement des ions O3 , O4 et O5 le long de l’axe c,
comme montré en Figure 5.3, induit une polarisation ferroélectrique dans YbMnO3 .
En dessous de la température de Néel magnétique TN = 80 K [Yen, 2007], les moments
magnétiques des ions Mn3+ s’ordonnent antiferromagnétiquement dans une configuration
à 120◦ (cf. section 5.1) en raison de la frustration magnétique provenant des interactions
entre premiers voisins des spins des Mn3+ dans le réseau triangulaire (voir Figure 5.5). En
l’absence de champ magnétique, la structure magnétique des ions Mn3+ dans YbMnO3 est
de type B2 , ce qui correspond au groupe d’espace magnétique P63 c’m’ schématisé en Figure
5.4.d. L’application d’un champ magnétique permanent le long de l’axe c fait transiter cette
structure magnétique vers le groupe d’espace P63 ’c’m (type A2 ) [Fiebig, 2003].
Dans YbMnO3 , la terre rare, Yb, est également une espèce magnétique et les moments
des atomes d’Ytterbium des sites 4b se couplent antiferromagnétiquement à l’intérieur des
plans de terre rare en même temps que les manganèses à TN = 80 K Les couches c et
c = + 12 sont couplées ferromagnétiquement entre elles. Les atomes d’Ytterbium des sites
2a s’ordonnent, eux, en dessous de 3.5 K avec des moments magnétiques beaucoup plus
faibles [Fabrèges, 2008, Fiebig, 2003]. La référence [Fabrèges, 2008] montre que les moments
magnétiques des Yb(4b) s’ordonnent à cause du champ moléculaire des Mn tandis que les
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 133
moments des Yb(2a) s’ordonnent à travers des interactions Yb-Yb, d’où les températures de
transitions magnétiques différentes.
500 μm 100 μm
b
a YbMnO3 YbMnO3
Figure 5.6 – Photo d’un échantillon monocristallin de YbMnO3 après préparation. Les axes
cristallins sont représentés en pointillés.
Pour nos mesures Raman, nous avons utilisé les raie verte et rouge, respectivement à
514 nm et 647.1 nm, du laser gaz Ar-Kr (la raie utilisée est indiquée dans les légendes des
figures). Le spectromètre T64000 Jobin-Yvon est utilisé en configuration triple soustractive
avec les réseaux 1800 traits.
10 A1 + 15 A2 + 10 B1 + 5 B2 + 15 E1 + 15 E2 (5.1)
Toutes nos mesures Raman ont été faites en configuration de rétro-diffusion (avec le
vecteur d’onde de la lumière incidente antiparallèle à celui de la lumière diffusée). La Table
5.1 donne les règles de sélection des différentes symétries en fonction de l’orientation de nos
échantillons.
Table 5.1 – Règles de sélection Raman pour les différentes configurations de polarisations
et en rétrodiffusion.
Configuration de polarisation Symétries sondées
Y ∗ (ZZ)Ȳ ∗ A1 (TO) - E2
Y ∗ (ZX)Ȳ ∗ - E1 -
Z ∗ (XX)Z̄ ∗ A1 (LO) - E2
Z ∗ (XY )Z̄ ∗ - - E2
Les modes de symétries E1 et E2 pures sont obtenus respectivement dans les configura-
tions 1 Y (ZX)Ȳ et Z(XY )Z̄. Les modes A1 sont déduit des configurations parallèles : les
configurations Y (ZZ)Ȳ et Z(XX)Z̄ permettent de mesurer respectivement les modes de
symétries A1 (TO)+E2 et A1 (LO)+E2 . Les modes de symétries A1 et E1 pouvant induire un
moment dipolaire non-nul parallèlement et perpendiculairement à la direction de propagation
des phonons, un dédoublement des modes LO-TO est attendu pour ces symétries.
La Figure 5.7 montre les spectres Raman à partir des échantillons monocristallins de
YbMnO3 mesurés dans les configurations Y (ZZ)Ȳ (spectre a), Y (ZX)Ȳ (spectre b), Z(XX)Z̄
(spectres c et e) et Z(XY )Z̄. En nous appuyant sur les règles de sélection Raman données
plus haut, nous avons identifié 9 modes A1 , 5 modes E1 et 11 modes E2 , leurs énergies sont
détaillées dans la Table 5.2.
Les fréquences à 10 K des modes de phonons que nous avons mesurés sont reportés dans
la Table 5.2 et sont comparés avec des résultats précédemment obtenus dans la littérature.
A notre connaissance, avant cette étude, les modes de phonons dans YbMnO3 n’avaient
été observés que dans des films minces et des échantillons polycristallins par l’équipe de
H. Harima [Fukumura, 2007, Fukumura, 2009] 2 . L’attribution des directions et du sens des
déplacements atomiques associés à ces différents modes est basée sur les références [Iliev,
1997] et [Litvinchuk, 2004].
Nous avons observé un léger dédoublement LO-TO des modes A1 , attendu pour cette
famille de manganites.
On peut noter, dans la Figure 5.7, que l’intensité du mode A1 à 678 cm−1 est très
importante comparée à celles des autres modes de phonons. Ce mode est lié au mouvement
1. notations de Porto, cf. Chapitre 2, section 2.4 (pp 46-47) et réf. [Porto, 1966]
2. Ce sont donc avec leurs mesures que la comparaison est faite en Table 5.2.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 135
Figure 5.7 – Spectres Raman dans la gamme spectrale 60-700 cm−1 obtenus pour différentes
configurations de polarisations. Les spectres a) et b) ont été obtenus en configuration de
rétro-diffusion selon l’axe y et les spectres c), d) et e) ont été obtenus en rétro-diffusion
selon l’axe z du cristal. Les spectres a) à d) ont été obtenus en excitant avec la raie à 514
nm d’un laser Ar-Kr, tandis que le spectre e) a été obtenu en excitant l’échantillon dans le
rouge à 647 nm.
Dépendance en température
La dépendance en température entre 7 K et 300 K des spectres Raman entre 60 et
750 cm−1 obtenus dans la configuration Z(XX)Z̄ est présentée en Figure 5.8.a. Le com-
portement en température des fréquences de plusieurs des modes A1 et E2 , normalisées par
leur valeur à 7 K, est reporté en Figure 5.8.b. Quand la température augmente les modes
de phonons ont tendance à ramollir (i.e. décroître en énergie) à cause de la dilatation de la
maille cristalline. C’est bien ce qui est observé ici : à l’exception du mode à A1 à 678 cm−1
tous les modes de phonons reportés en Figure 5.8.b ont de plus grandes fréquences à basse
température. On observe également que le mode E2 à 256 cm−1 présente un décalage de
fréquence en température beaucoup plus important que le comportement moyen des autres
136 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
Table 5.2 – Fréquences des modes de phonons de symétries A1 , E1 and E2 (en cm−1 ) mesurés
dans YbMnO3 et description des déplacements atomiques associés.
modes. Les fréquences de ces deux modes en fonction de la température sont montrées à la
Figure 5.9.
La fréquence du mode E2 à 256 cm−1 présente un changement de pente abrupt autour de
la température de Néel (Fig. 5.9.a). Des anomalies similaires ont été observées dans les films
minces et les échantillons polycristallins de YbMnO3 [Fukumura, 2007, Fukumura, 2009]
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 137
a) z(xx)z b) 1,0025
7K 1
Raman intensity (arb. units)
Normalized wavenumber
30K
0,99
50K
70K 0,98
A1 122 cm- 1
90K
E 2 140 cm-1
130K 0,97
E 2 256 cm-1
100 200 300 400 500 600 700 0 50 100 150 200 250 300
Wavenumber (cm-1) Temperature (K)
Figure 5.8 – (a) Spectres Raman de 7 à 300 K dans la configuration Z(XX)Z̄. (b) Evo-
lution en température de la fréquence normalisée à 7 K de 5 modes A1 et de 3 modes E2.
et dans des composés isomorphes comme HoMnO3 et YMnO3 [Vermette, 2008, Vermette,
2010]. Ce mode E2 est associé au déplacement relatifs des ions manganèses et oxygènes dans
le plan (a,b) (cf. Table 5.2) et il module les angles des liaisons Mn-O-Mn dans le plan (a,b)
et l’interaction de super-échange Mn-Mn intraplan. En conséquence, son durcissement en
fréquence en dessous de TN est caractéristique d’un couplage spin-phonon dans la phase
magnétiquement ordonnée.
La fréquence du mode A1 à 678 cm−1 présente un amollissement à la transition magné-
tique suivi par un durcissement à basse température (Fig 5.9.b). Ce résultat diffère de ce
qui a été mesuré dans les polycristaux de YbMnO3 où la fréquence de ce mode est constante
jusqu’à 150 K lorsque la température décroît et présente un amollisement jusqu’à 10 K sans
changement notable autour de TN . Ce mode est lié au déplacement relatif des oxygènes
apicaux le long de l’axe c. Il module les angles des liaisons Mn-O-O-Mn et ainsi l’interaction
Mn-Mn entre les plans adjacents de manganèses. Cette interaction est dûe aux chemins de
super-super-échange passant par les atomes apicaux et gouverne l’ordre magnétique tridi-
mensionnel qui apparaît en dessous de TN . L’amollissement partiel à TN de ce mode A1
mettant en jeu ces oxygènes apicaux souligne le lien structurel entre l’ordre ferroélectrique
et l’ordre magnétique dans ce composé : en effet, le déplacement des oxygènes apicaux hors
des plans Yb-O est lié à l’apparition de la ferroélectricité.
a) b)
256 680,5 TN
254
680,0
Wavenumber (cm-1)
Wavenumber (cm-1)
252
679,5
250
TN 679,0
248
246 678,5
244 678,0
0 50 100 150 200 250 300 0 50 100 150 200 250 300
Temperature (K) Temperature (K)
cm−1 . L’insert de la Figure 5.10.a montre un zoom de la région où les pics P3 , P4 et P5 sont
observés.
Aucun mode de phonon n’est prédit en dessous de 70 cm−1 . La spectroscopie Raman est
une sonde de centre de zone pour les processus à une excitation, de bord de zone 3 pour les
processus à deux excitations et c’est une technique permettant de sonder des excitations de
spin et de champ cristallin. Ces pics (Fig. 5.10.a) peuvent donc être attribués à des excitations
de spin (soit des magnons) ou à des excitations de champ cristallin.
L’étude de mesures neutrons faites précédemment permet de déterminer l’origine de ces
excitations. La Figure 5.10.b représente les relations de dispersion des excitations de spin
le long des directions q = (1,0,k) et q = (k,0,0) de l’espace réciproque tirées de la réfé-
rence [Fabrèges, 2008]. La courbe non dispersive à 9.3 cm−1 correspond au dédoublement
du doublet fondamental du champ cristallin des ions Yb(4b) sous l’effet du champ cristallin
du Manganèse. En effet, les ions Yb(4b) ont un nombre impair d’électrons sur leur couche
externe et leur état fondamental est donc doublement dégénéré [Kramers, 1930]. Le champ
moléculaire des ions manganèse crée un splitting Zeeman de faible intensité et la transition
peut alors être observée.
Les branches à 24.8 et 30.6 cm−1 sont associées aux modes de magnons de la structure
magnétique des ions Mn3+ dans le plan (a,b). Au point Γ, ces deux modes correspondent
aux rotations globales, en phase et en opposition de phase, de la configuration à 120 degrés
à l’intérieur du plan basal (a,b) (voir Figure 5.15). Le mode à 24.8 cm−1 correspond au gap
d’anisotropie uniaxiale dans le plan (a,b). Le mode à 54 cm−1 a été associé aux spins des
Mn3+ dans les références [Fabrèges, 2009] et [Fabrèges, 2010]. Cette relation de dispersion
est quadruplement dégénérée le long de l’axe c.
3. ou en tout cas de zone où les relations de dispersion sont plates ce qui équivaut à une densité d’états
plus importante, cf Chapitre 2.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 139
a) b)
p2 p3 p5
Raman intensity (arb. units)
Wavenumber (cm-1)
Wavenumber (cm-1)
90 90
25 30 35 40 45 50 55 60
Wavenumber (cm-1) 60 60
p1 p5
p3 p4 p5
-1 -1 -1 p3
9,8 cm 32,8 cm 41 cm-1 54 cm 30 30
p2
p1
0 0
10 20 30 40 50 60 π/c (1,0,k) 0 (k,0,0) π/a
-1
Wavenumber (cm ) Wavevector
Figure 5.10 – (a) Spectres Raman des excitations de basses énergies, obtenus à 7 K dans la
configuration Z(XY )Z̄ [ou Y (ZX)Ȳ ] ; (b) Relations de dispersion de excitations de champ
cristallin et des magnon selon k = (1,0,k) et k = (k,0,0) extraites des références [Fabrèges,
2009] et [Fabrèges, 2010]. Les lignes pointillées représentent les relations de dispersion pré-
dites par la théorie.
Par comparaison des données Raman et neutron des Figures 5.10.a et 5.10.b, le pic Raman
P1 observé à 8.9 cm−1 peut être clairement identifié comme l’excitation de champ cristallin à
9.3 cm−1 , les pics P2 , P3 et P4 , observés respectivement à 23.8 cm−1 , 32.8 cm−1 et 53 cm−1 ,
correspondent respectivement à des excitations à un magnon en centre de zonde de Brillouin
à 24.8 cm−1 , 30.6 cm−1 et 54 cm−1 .
Comportement en température
La dépendance en température des excitations de spin mesurées de 7 à 70 K dans la confi-
guration Z(XY )Z̄ est montrée en Figure 5.11. Les quatre pics P2 , P3 , P4 et P5 disparaissent
à l’approche de la température de Néel (TN = 80 K) et sont donc liés à la phase magnétique.
Ils présentent un durcissement habituel avec la diminution de la température. Le pic P4 en
revanche, présente un comportement inhabituel avec une fréquence quasi-constante lorsqu’on
diminue la température. Cette excitation est discutée dans ce qui suit.
L’évolution en fonction de la température des fréquences, normalisées à 7 K, des cinq
pics de basses énergies est reportée en Figure 5.12 ainsi que celle des moments magnétiques
des ions Yb et Mn tirés de la référence [Fabrèges, 2008]. L’évolution en température de la
fréquence du pic P5 semble en parfait accord avec la variation du moment magnétique des
manganèses. Ce mode magnonique peut donc être associé aux excitations de spin des ions
Mn3+ .
On remarque également que le comportement en fréquence du pic P2 est proche de celui
du moment magnétique de l’Ytterbium. Comme déterminé précédemment par comparaison
140 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
P3 P5
20K
40K
60K
70K
15 20 25 30 35 40 45 50 55 60
-1
Wavenumber (cm )
7K
20K
30K
40K
50K
60K
70K
80K
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Wavenumber (cm- 1)
1.1
1.0
Normalized Wavenumber
0.9
0.8
0.7
0.6 P2
P3
0.5 P4
P5
0.4 Y b(4b) moment
Mn moment
0.3
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Temperature (K)
10T
8T
6T
4T
2T
1T
P2 P4 0T
P3 P5
10 20 30 40 50 60 70
Figure 5.13 – Dépendance en champ magnétique, sous l’effet d’un champ parallèle à l’axe
c, des spectres Raman de basses énergies obtenus à 10 K dans la configuration Z(XY )Z̄.
n’avons pas observé dans nos mesures Raman de domaine d’hystérésis dans le diagramme
de phase magnétique sous champ. Les configurations magnétiques B2 (en dessous de 2 T)
et A2 (au dessus de 2 T) représentent des ordres antiferromagnétiques triangulaires avec un
couplage respectivement antiferromagnétique et ferromagnétique entre les plans voisins le
long de l’axe c.
60
55 P5
50
-1
)
45 P4
Wavenumber (cm
40
(
35 P3
30
25 P2
20
15
10
0 2 4 6 8 10
Magnetic field (T)
Figure 5.14 – Fréquence des excitations P2, P3, P4 et P5 en fonction du champ magnétique.
Le mode de magnon P5 correspond aux excitations de spin des Mn3+ . Il est quadruplement
dégénéré le long de l’axe c [Fabrèges, 2008]. Le dédoublement sous champ de ce mode peut
être expliqué de la façon suivante : la réorientation des spin des ions Mn3+ à 2 T, passant
de la configuration magnétique B2 à la configuration magnétique A2 , lève partiellement la
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 143
dégénérescence de ce mode. Remarquons d’ailleurs que si l’excitation P5 n’était pas dégénérée
à 0 T, le gap maximum entre les courbes non dégénérées (qui correspond à la résolution
Raman en fréquence) serait de 0.75 cm−1 environ (soit 0.1 meV) et il ne serait pas observable
dans nos mesures.
Le second mode de magnon, P3 , correspond à une excitation de spin influencée par le
couplage entre Yb et Mn, comme montré par les dépendances en température reportées en
Figure 5.12 et en accord avec la référence [Pailhès, 2009]. Le fort impact du champ magnétique
sur l’excitation P3 nous montre donc que l’interaction de super-échange Mn-O-Yb (passant
par les oxygènes apicaux) est impliquée dans la transition de la configuration magnétique
B2 à la configuration A2 qui intervient à 2 T. Notons qu’il a d’ailleurs été montré [Fiebig,
2001] dans la manganite de terre rare ErMnO3 , que le diagramme de phase magnétique
était gouverné par l’interaction d’échange interplans Er-Mn, ce qui ouvre des portes pour
la compréhension de l’influence des couplages R-Mn dans les manganites hexagonales h-
RMnO3 .
Concernant le pic P4 , il disparaît lors du passage dans la phase magnétique A2 (Fig. 5.14).
Sachant que l’intensité des excitations à deux magnons est essentiellement proportionnelle à
la densité d’états de la branche considérée, cette disparition montre que la transition de la
phase magnétique B2 à la phase magnétique A2 renormalise fortement la densité d’état de
bord de zone du magnon associé.
a) b)
B2 A2
Structure
En dessous de TC = 900 K, la manganite d’Yttrium hexagonale, h-YMnO3, cristalise
dans le groupe d’espace hexagonal P63 cm [Bertaut, 1963] avec des paramètres de maille
a = 6.15 Å et c = 11.40 Å [Fabrèges, 2010]. Les structures cristallines et magnétiques de
ce composé sont toujours en cours de discussion [Singh, 2013] mais nous allons par la suite
nous appuyer sur les résultats des références [Fabrèges, 2010, Fabrèges, 2009].
Les Figures 5.16.a et 5.16.b représentent la structure cristallographique de h-YMnO3 dans
sa phase ferroélectrique (c’est à dire en dessous de 900 K). Ce composé est formé, comme
toutes les manganites hexagonales, de plans Mn-O et Y-O empilés selon l’axe cristallin c.
Chaque ion Manganèse est entouré de 5 atomes d’oxygène : trois à l’intérieur du plan (a,b)
et deux dans la direction apicale le long de l’axe c. Les ions Mn3+ forment des réseaux
triangulaires dans les plans (a,b) s’empilant selon c (Fig. 5.16.b).
Ordres ferroïques
L’ordre ferroélectrique apparaît en dessous de la température de Curie TC ' 900 K et
résulte de la rotation des bipyramides MnO5 et du glissement des plans Y-O par rapport au
reste de la structure. La polarisation ferroélectrique apparaît le long de l’axe c, ce qui a pour
effet de rapprocher les ions oxygènes apicaux des atomes d’Yttrium ce qui donne lieu à des
moments ferroélectriques en quinconce [Van Aken, 2004].
L’Yttrium n’étant pas une espèce magnétique, l’ordre magnétique de YMnO3 provient
uniquement des moments magnétiques des manganèses qui s’ordonnent antiferromagnéti-
quement en dessous de la température de Néel magnétique TN = 72 K. Ces moments ma-
gnétiques s’ordonnent selon des configurations à 120◦ dans la représentation irréductible Γ1
(Fig. 5.16.c) comme déterminé par les mesures de diffraction neutron des références [Fa-
brèges, 2009] et [Fabrèges, 2010]. La compétition entre les interactions antiferromagnétiques
J1 entre les spin des Mn3+ premiers voisins dans le réseau triangulaire dans les plans (a,b)
donne lieu à de la frustration magnétique (voir Fig. 5.16.c).
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 145
a) b) c=1/2 layer
Mn
c layer
Y Y
c) Mn3+ z=0
Mn3+ z=1/2
JZ 2 JZ 1
c b
J1
a b a
c
Les monocristaux de manganite d’Yttrium que nous avons utilisés pour nos mesures
Raman ont été synthétisés par technique de zone flottante (FZ 4 ). Nous avons utilisé des
plaquettes de quelques millimètres dont l’axe cristallin c était perpendiculaire à la surface
de mesure. Ces cristaux ont été polis pour obtenir une surface de très grande qualité optique
pour nos mesures Raman, l’épaisseur des cristaux pour les mesures THz en transmission était
d’environ 600 µm. Une photo de la surface de l’échantillon monoscristallin de h-YMnO3 par
microscopie optique est montrée en Figure 5.17.
500 μm
b h-YMnO3
Figure 5.17 – Photo d’un échantillon monocristallin de h-YbMnO3 après préparation. Les
axes cristallins sont représentés en pointillés.
10 A1 + 15 A2 + 10 B1 + 5 B2 + 15 E1 + 15 E2 (5.2)
Trente-huit de ces modes sont actifs en spectroscopie Raman [Roy, 2006] : il s’agit de 9
modes A1 , 14 modes E1 et 15 modes E2 . Nos mesures Raman ont été effectuées en configura-
tion de rétrodiffusion avec les vecteur d’onde de la lumière diffusée (ks ) collectée antiparallèle
au vecteur d’onde de la lumière incidente (ki ). Les modes E2 purs ont pu être observés dans
la configuration de polarisation Z(XY )Z̄ (correspondant à la configuration où ki et ks sont
selon l’axe c et les polarisations de la lumière incidente et diffusée ei et es sont respective-
ment selon l’axe a et l’axe b [Porto, 1966]). Les modes A1 sont déduits des mesures dans la
configuration de polarisations parallèles Z(XX)Z̄ qui permet d’observer les modes A1 (TO)
et E2 . Les règles de sélection Raman sont résumées en Table 5.3
Table 5.3 – Règles de sélection Raman pour les différentes configurations de polarisations
en rétrodiffusion selon l’axe c.
Configuration de polarisation Symétries sondées
Z ∗ (XX)Z̄ ∗ A1 E2
Z ∗ (XY )Z̄ ∗ - E2
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 147
Table 5.4 – Fréquences (en cm−1 ) des modes A1 et E 2 mesurés dans h-YMnO3 et description
des déplacements atomiques associés.
Mode This work [Iliev, 1997] [Kim, 2000] [Vermette, 2010] Direction of the largest
10 K 300 K 300 K 10 K displacement [Iliev, 1997]
A1 164 148 161 +Z(Y1 ), -Z(Y2 )
211 190 205 244 Rot x,y (MnO5 )
262 257 264 +Z(Y1 , Y2 ), -Z(Mn)
279 297 307 X(Mn), Z(O3 )
434 433 438 434 +Z(O4 ,O3 ), -Z(Mn)
467 459 467 +X,Y(O1 , O2 ), -X,Y(Mn)
685 681 683 686 +Z(O1 ), -Z(O2 )
E2 85 83 X,Y(Y1 , Y2 , Mn)
104 +X,Y(Mn,O4 ,O3 ),
-X,Y(Y1 , Y2 )
142 135 137 +X,Y(Y1 ), -X,Y(Y2 )
215 220 +X,Y(O2 , Mn),
-X,Y(O1 , O3 )
235 231 Z(Mn,O2 ,O1 )
249 Z(Mn,O1 ,O2 )
309 302 305 Z(O1 , O2 ), +X,Y(O4 )
376 357 +X,Y(O1 , O2 ,
O3 , O4 ), -X,Y(Mn)
418 405 +X,Y(O1 , O4 ),
-X,Y(O2 , Mn)
442 441 +X,Y(O4 ), -X,Y(O1 , Mn)
637 X,Y(O3 , O4 )
La Figure 5.18 montre les spectres Raman mesurés sur nos échantillons monocristallins de
h-YMnO3 dans les configurations Z(XX)Z̄ et Z(XY )Z̄. Nous y avons identifié sept modes
A1 et neuf modes E2 . Les fréquences des modes de phonons mesurés à 10 K sont reportés
en Table 5.4 et sont comparées aux résultats expérimentaux précédemment observés en
références [Iliev, 1997], [Kim, 2000] et [Vermette, 2010]. Les déplacements atomiques associés
à ces modes sont tirés de la référence [Iliev, 1997].
Comportement en température
Les fréquences et les intensités, normalisées par leur valeur à 10 K, de plusieurs modes
de phonons A1 et E2 sont reportées respectivement sur les Figures 5.19.a et 5.19.b. Lorsque
la température augmente, la fréquence a généralement tendance à diminuer (amollissement)
à cause de la dilatation de la maille cristalline. Excepté pour le mode E2 à 309 cm−1 , tous
148 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
685 A 1
10 K
164 A 1
467 A 1
637 E 2
142 E 2
235 E 2
262 A 1
434 A 1
279 A 1
249 E 2
309 E 2
211 A 1
z(x,x)z
*
418 E 2
442 E 2
360 E 2
376 E 2
z(x,y)z
les modes ont une énergie plus importante à 10 K qu’à température ambiante. Ce mode E2 ,
qui durcit quand la température augmente, est associé au déplacement relatif des oxygènes
apicaux le long de l’axe c (cf. Table 5.4 et référence [Iliev, 1997]). Il module le chemin Mn-O-
O-Mn et donc l’interaction de super-échange Mn-Mn entre plans de Manganèse adjacents qui
y est associée. Rappelons que l’interaction magnétique dominante dans h-YMnO3 est l’inter-
action antiferromagnétique de super-échange Mn-O-Mn à l’intérieur des plans manganèse-
oxygène qui est environ 100 fois plus importante que l’interaction de super-super-échange
Mn-O-O-Mn entre plans voisins selon c [Lee, 2005,Petit, 2007]. Cependant, cette dernière in-
teraction Mn-O-O-Mn, modulée par le phonon E2 à 309 cm−1 , intervient dans la stabilisation
de l’ordre magnétique tridimensionnel en dessous de TN .
Le mode A1 à 164 cm−1 présente un décalage en fréquence qui se démarque du comporte-
ment moyen des autres modes avec un changement de pente au voisinage de la température
de Néel : un durcissement (augmentation de la fréquence) à la transition magnétique, suivi
d’un amollissement (diminution de la fréquence) lorsque la température diminue. Ce mode
est associé aux déplacement relatif des ions Yttrium apicaux le long de l’axe c (Table 5.4).
Les mesures de diffraction neutron haute-résolution des paramètres de maille du réseau cris-
tallin [Lee, 2005] ont montré que la position des atomes Y(4b) 5 le long de l’axe c chute de
0.230 à 300 K à 0.2297 à 80 K, juste au dessus de TN .
L’intensité du mode A1 à 279 cm−1 croît fortement au dessus de TN pour décroître ensuite
brutalement (Fig. 5.19.b). Ce mode est associé au déplacement des ions manganèse dans les
plans (a,b) le long de l’axe a. Il a été montré que le composé h-YMnO3 subit à TN une
transition isostructurale avec des déplacements atomiques très importants. En particulier,
le déplacement atomique des ions Mn est d’environ 0.05–0.09 Å ce qui est comparable aux
5. Les ions Yttrium occupent les positions de Wyckoff 2a et 4b.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 149
a) 1,010
b)
1,6 142 E2
1,005 164 A1
235 E2
1,000
0,985 1,0
0,980
0,8
0,975
142 E2 0,6
0,970 164 A1
235 E2
0,965
249 E2 0,4
279 A1
0,960
309 E2
467 A1 0,2
0,955
685 A1
0,950 0,0
0 50 100 150 200 250 300 0 50 100 150 200 250 300
Figure 5.19 – Dépendance en température des fréquences (a) et intensités (b) normalisées
à 10 K de plusieurs modes de phonons A1 et E2.
valeurs obtenues dans les composés ferroélectriques prototypiques comme BaTiO3 [Lee, 2008].
Les ions manganèse se décalent le long de l’axe a de x = 13 ce qui modifie l’interaction de
super-échange entre manganèses dans le plan (a,b). En outre, les liaisons Mn-O intraplanaires
ne sont alors plus équivalentes (il y en a une plus courte et une plus longue) ce qui donne
naissance au fort couplage magnétoélastique observé à TN dans h-YMnO3 [Yen, 2005]. Par
conséquent, le comportement inhabituel des modes A1 aux environs de la température de
Néel semble être une signature du fort couplage spin-phonon dans la phase magnétiquement
ordonnée.
P1
M1
M0
z(x,x)z
z(x,y)z
10 20 30 40 50 60
Wavenumber (cm-1)
Figure 5.20 – Spectres Raman des excitations de basses énergies mesurés à 7 K dans les
deux configurations de polarisation parallèles (Z(XX)Z̄) et croisées (Z(XY )Z̄)
Absorption (arb. units.)
10 20 30 40 50 60
Wavenumber (cm-1)
Figure 5.21 – Spectres THz en absorption mesurés à 6 K pour trois orientations différentes
des champs éléctriques et magnétiques THz : (e ⊥ c et h // c), (e // c et h ⊥ c) ou (e ⊥ c
et h ⊥ c).
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 151
Raman. La Figure 5.21 montre les règles de sélection THz (la totalité des mesures THz
figure dans notre article [Toulouse, 2014]).
Afin d’avoir une meilleure idée de leur origine, nous avons suivi ces excitations en faisant
varier la température au passage de la température de Néel. Tous ces pics disparaissent au
delà de TN (Fig. 5.22) et sont par conséquent liés à l’ordre magnétique. Pour comprendre les
origines de ces excitations ainsi que leurs règles de sélection et leurs activités en spectroscopies
Raman et THz, nos résultats sont comparés dans ce qui suit avec des mesures de diffraction
neutron et des calculs d’onde de spin.
80K
Raman Intensity (arb. units.)
70K
60K
50K
40K
30K
20K
10K
20 25 30 35 40 45 50 55
Wavenumber (cm-1)
Description théorique
Des mesures de diffusion inélastique de neutrons aux basses énergies dans h-YMnO3 ont
déjà été analysées et rapportées dans les références [Petit, 2007], [Sato, 2003] et [Park, 2003].
Afin de mieux saisir la nature des excitations de basses énergies mesurées en Raman, des
simulations d’ondes de spin ont été effectuées par Laura Chaix de l’institut Néel à Grenoble
et Sylvain Petit du Laboratoire Léon Brillouin du CEA Saclay. Trois branches de magnons
différentes ont été simulées à l’aide d’un Hamiltonien de spin de Heisenberg avec une ou avec
deux interactions antiferromagnétiques dans les plans triangulaires (a,b) et deux interactions
inter-plans (entre plans premiers voisins le long de l’axe c). Des anisotropies magnétiques
planaires (dans les plans (a,b)) et selon l’axe d’aimantation facile ont été introduites dans
les calculs.
Notons que les mesures Raman et les mesures THz peuvent sonder les magnons de centre
de zone de Brillouin mais avec des règles de sélection et des poids spectraux différents car les
processus de diffusion ne sont pas les mêmes (il s’agit, dans le cas de la spectroscopie THz
152 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
d’un processus direct, tandis que le processus Raman est indirect et médié par les électrons
du système). Les excitations magnétiques sondées par les mesures neutron et les mesures
THz sont, en revanche, directement comparables en centre de zone puisque le mécanisme
d’interaction est le même : il s’agit de l’interaction magnétique entre les moments magné-
tiques présents dans l’échantillon avec celui porté par la sonde (donc, celui porté par les
neutrons ou par le champ magnétique uniforme THz incident).
Pour les mesures Raman, le processus d’interaction est indirect et médié par le couplage
spin-orbite. L’énergie des magnons observés doit donc correspondre à ce qui est attendu en
centre de zone ou aux points équivalents dans l’espace réciproque mais sans correspondance
simple concernant les poids spectraux associés. Remarquons également que les mesures op-
tiques ont une meilleure résolution en énergie que les mesures neutron.
Les dispersion d’ondes de spin associées à l’ordre magnétique dans la représentation
irréductible Γ1 ont été calculées, ainsi que les poids spectaux associés, en nous plaçant dans
l’approximation linéaire et en prenant en compte la distorsion isostructurale survenant en
dessous de TN [Lee, 2008].
Le Hamiltonien utilisé est le hamiltonien de spin décrit en référence [Petit, 2007] en
s’assurant que les manganèses dans le plan triangulaire (a,b) soient décalés de leur position
idéale x = 13 de 0.03423 :
X
z z
H= JR,i,R0 ,j SR,i .SR0 ,j + HSR,i .ni + DSR,i .SR,i (5.3)
R,i,R0 ,j
(a)
Energy (cm-1)
M 2/3
P1/2
M1
M0
(b)
Energy (cm-1)
M 2/3
P1/2
M1
M0
(c)
Energy (cm-1)
M 2/3
P1/2
M1
M0
(0 k 0)
Figure 5.23 – Poids spectral calculé pour toutes les composantes de spin (a), pour les
composantes de spin perpendiculaires à l’axe c (b) et pour les composantes de spin selon
l’axe c (c). Les excitations mesurée et Raman et Thz sont reposrtées sur les simulations par
les lignes pointillées.
avec une énergie finie de 42 cm−1 a un poids spectral non nul. Il s’agit de la seule excitation
observée dans les mesures THz (M2 ) et la règle de sélection prédite théoriquement pour les
spin perpendiculaires à l’axe c correspond bien à celle observée expérimentalement dans les
mesures THz (configuration h ⊥ c) [Toulouse, 2014].
Les règles de sélection et les poids spectraux sont différents pour la spectroscopie Raman
et les trois gaps correspondant aux trois branches de magnons simulées théoriquement (et
montrée en Fig. 5.23) sont mesurés expérimentalement. Notons que la configuration Z(XY )Z̄
permet de ne sonder que les modes de magnons de la structure magnétiques des ions Mn3+
perpendiculaires à l’axe c, tandis que les modes de magnons aussi bien inclus dans que hors
des plans (a,b) sont sondés par la configuration Z(XX)Z̄. Les énergies des excitations M1
et M2 mesurées en spectroscopie Raman sont en très bon accord avec les calculs d’onde de
spin, pour celle du pic M0 , en revanche, un désaccord (de 4 cm−1 ) subsiste.
154 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
1.0
0.9
Pour comparer avec plus de précision les données Raman et neutron, nous avons reporté
en Figure 5.24 les valeurs normalisées de l’énergie du pic M2 mesuré en spectroscopie Raman,
l’énergie du gap mesuré par diffusion inélastique de neutrons et par spectroscopie THz en
références [Pailhès, 2009] et [Kadlec, 2011] ainsi que l’énergie calculée théoriquement, en
fonction de la température. L’évolution en température de l’excitation de spin observée en
Raman est en accord avec le comportement des excitations mesurées en THz et en mesures
neutrons. L’énergie calculée pour le gap est donnée par :
p
Egap = 2S DJ1 (5.4)
Revenons maintenant aux pics P1 et P2 observés dans les spectres Raman de la Figure
5.20. D’après les calculs d’onde de spin, ces deux excitations ne peuvent pas correspondre
à un processus à un magnon en centre de zone de Brillouin (Fig 5.23.a). Pour expliquer
l’origine de ces pics, plusieurs scénarios sont alors possibles :
— (1) Le large "phonon-paramagnon" décrit dans la référence [Kadlec, 2011] pourrait
correspondre en énergie. Les donnée Raman possèdent ces deux pics P1/2 à la même
position, mais ils disparaissent au delà de TN contrairement à ce phonon-paramagnon
qui est visible à hautes températures dans le domaine de l’infrarouge lointain. Il ne
semble donc pas que ce paramagnon soit une interprétation valable de nos pics P1 et
P2 .
— (2) Ces deux pics pourraient être associés à une excitation à deux magnons avec deux
fois l’énergie du bord de zone (aux environs de 16 cm−1 donc). Cependant, aucune
branche n’est prédite aux alentours de 16 cm−1 par nos calculs d’ondes de spin, ce
qui exclut cette hypothèse.
— (3) Ces excitations pourraient aussi être associées à un anti-croisement entre les
courbes de dispersion d’un magnon et d’un phonon acoustique. Un tel anti-croisement
a déjà été observé en dessous de la température de Néel par diffusion de neutrons aux
alentours de 40 et 60 cm−1 pour la plus basse et la plus haute des branches de la
Figure 5.23 avec un vecteur d’onde de diffusion q0 = 0.185a∗ 6 le long de l’axe c. Ces
valeurs ne sont pas en complet accord avec les énergies des pics P1 et P2 qui sont
mesurés à 30.6 cm−1 et 35.4 cm−1 dans nos données Raman. Cette différence pourrait
provenir du fait que le gap n’est pas mesuré au même vecteur d’onde dans l’espace des
phases en Raman et en neutrons, et que l’anti-croisement peut impliquer des branches
de dispersion de magnon et de phonon-acoustique différentes.
Cette interprétation est appuyée par d’autres caractéristiques. La dépendance en tempé-
6
5
G ap (cm-1)
4
3
2
1
0
10 20 30 40 50 60
Temperature (K)
Figure 5.25 – Dépendance en température du gap entre les énergies des modes P1/2 et
la valeur normalisée du mode de phonon mesurée par spectroscopie Raman (carrés) et par
diffusion de neutrons à q = 0.175 (étoiles). La normalisation du mode de phonon correspond
à la différence entre son énergie à une température donnée et sa valeur à 200 K.
rature des pics P1 et P2 qui est présente en Figures 5.25 et 5.24 montre clairement que ces
deux pics apparaissent en dessous de TN et sont donc liés au magnétisme. Sur la Figure 5.25,
l’évolution en température de la différence en énergie des pics P1 et P2 est comparée à celle
de la valeur du gap d’anti-croisement mesuré en neutrons en référence [Petit, 2007] : tant
leur valeur en énergie que la dépendance en température sont similaires. Un autre argument
en faveur de cette hypothèse d’anti-croisement est donné par les règles de sélection Raman
pour les pics P1 et P2 . Ils n’apparaissent que dans la configuration Z(XX)Z̄, c’est à dire
le long de l’axe c, ce qui correspond à la direction du gap observé par diffusion de neutrons
en référence [Petit, 2007]. Ces arguments sont donc en faveur de l’interprétation des pics
P1/2 comme une signature dans les spectres Raman d’un anti-croisement entre un phonon
acoustique et une branche de magnon.
Une question subsiste cependant : comment un tel gap peut-il être observé à travers
un processus de diffusion Raman ? La diffusion Raman est capable de sonder la courbe de
dispersion d’une excitation à travers toute la zone de Brillouin grâce à un processus de
diffusion à deux excitation qui implique deux fois la même excitation avec des vecteurs
d’onde +q et -q de telle sorte que le vecteur d’onde total transféré soit nul (voir Chapitre
2). Un tel processus à deux excitations donne lieu à un signal Raman dont l’intensité est
proportionnelle à la densité d’états de l’excitation dans la région de l’espace des phases
considérée. Une région plate de la courbe de dispersion, qui correspond à une région où la
densité d’états est plus importante, peut donc donner un pic Raman mesurable pour un
processus à deux excitations comme c’est le cas pour un double magnon de bord de zone
(cf. section 5.2.4). Un gap dans une branche de phonon correspond également à ce critère.
Notons cependant que dans le cas d’un processus de diffusion à deux quasi-particules, le pic
Raman devrait être observé au double de l’énergie de l’excitation (aux corrections quantiques
près) ce qui ne semble pas être le cas ici et ce point reste donc à éclaircir.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 157
Influence d’un champ magnétique permanent
a) b)
48
Raman intensity (arb. units)
10 T 44 M1
Wavenumber (cm-1)
8 T 40 P1/2
6 T M2
36
4 T
2 T 32
0 T
P2 M2
M1 P1 20
15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 0 2 4 6 8 10
Wavenumber (cm-1) Temperature (K)
Figure 5.26 – (a) Spectres Raman obtenus à 10 K dans la configuration Z(XX)Z̄ sous l’effet
d’un champ magnétique permanent appliqué selon l’axe c. (b) Evolution des fréquences des
modes P1/2, M1 et M2 en fonction du champ magnétique.
Pour avoir un meilleur aperçu de l’impact de la structure magnétique sur les excitations
de spin, nous avons étudié le diagramme de phase de h-YMnO3 sous champ magnétique. La
Figure 5.26.a présente les spectres Raman sous un champ permanent de 0 à 10 Tesla appliqué
selon l’axe c, mesurés dans la configuration de polarisation Z(XX)Z̄ où tous les pics Raman
sont présents. Les fréquences des excitations magnétiques en fonction de l’intensité du champ
appliqué sont reportées en Figure 5.26.b. Nous y voyons que la fréquence de l’excitation M1
est quasi-constante tandis que celle du pic M2 croît sous l’effet du champ.
Aucune transition de phase n’est détectée lors de l’application d’un champ magnétique
permanent jusqu’à 10 T, ce qui est en contraste avec ce qui a été observé dans d’autres man-
ganites hexagonales comme h-HoMnO3 , h-ErMnO3 , h-TmMnO3 ou h-YbMnO3 (cf. section
5.2.4 et [Fiebig, 2003]) dans lesquelles un ré-ordonnancement de la structure magnétique
sous champ a été observé. Réordonnancement, qui, dans ces composés, provient du couplage
entre les ions Mn3+ et la terre-rare magnétique. Dans la manganite d’Yttrium, h-YMnO3 ,
comme dans les composés h-ScMnO3 et h-LuMnO3 , la couche électronique 4f est remplie
et par conséquent il n’y a pas de rotation en opposition de phase des spins des ions Mn3+
sous l’effet d’un champ magnétique (comme c’est le cas par exemple dans YbMnO3 lorsque
la structure magnétique passe de la symétrie B2 à A2 ).
Par conséquent, dans h-YMnO3 , aucune transition magnétique n’est attendue sous champ
magnétique. Les excitations P1 et P2 sont sensibles au champ magnétique : elles convergent,
fusionnent et s’élargissent pour disparaître au delà de 6 T. Ce comportement confirme leur
origine magnétique, ou du moins partiellement magnétique. Des mesures et des caractérisa-
tions plus poussées seront nécessaires pour avoir une pleine compréhension de ces nouvelles
excitations.
158 5. MANGANITES DE TERRES RARES HEXAGONALES : H-RMNO3
5.4 Conclusion
Les excitations de basses énergies et les modes de phonons ont été étudiés dans les deux
manganites de terre rare hexagonales YbMnO3 et h-YMnO3 .
Les mesures des modes de vibration du réseau cristallin dans des échantillons monocris-
tallins de h-YMnO3 et YbMnO3 ont permis de mettre en évidence un couplage spin-phonon,
caractérisé par des anomalies à la température de Néel magnétique de certains modes de
phonons : les modes E2 à 256 cm−1 et A1 à 678 cm−1 dans YbMnO3 et les modes E2 à
309 cm−1 et A1 à 164 cm−1 dans h-YMnO3 . L’association de ces modes de phonons aux
déplacements atomiques auxquels ils correspondent permet également de voir que ce sont les
chemins des interactions d’échanges les plus faibles (les interactions interplans R-O-Mn et
Mn-O-O-Mn) qui sont mises en jeu lors de la transition magnétique.
Dans YbMnO3 , les mesures des excitations de basses énergies ont permis d’identifier des
modes de magnons 23.8, 32.8 et 54 cm−1 et de les associer aux différentes espèces magnétiques
en présence (Yb et Mn) ainsi qu’aux différentes branches de magnons issues de mesures
neutrons. Une excitation de champ cristallin à 9.8 cm−1 a également été observée et identifiée.
Une excitation plus large attribuée à un mode de magnon double a également été mise en
évidence à 41 cm−1 dans nos mesures Raman. Des mesures sous champ magnétique nous ont
de plus permis d’observer une transition dans la structure magnétique d’une structure B2 à
une structure magnétique A2 en accord avec la littérature.
Dans la manganite d’Yttrium hexagonale h-YMnO3 , les mesures des basses énergies nous
ont permis d’observer des excitations magnétiques à 7.5, 21, 43 et 48 cm−1 et de mettre
en évidence deux excitations (à 30.6 et 35.4 cm−1 ) qui ne semblent pas avoir une origine
uniquement magnétique mais qui semblent correspondre à une hybridation avec le réseau.
Cette hybridation semble pouvoir être interprétée comme un gap d’anti-croisement entre les
branches de dispersion d’un magnon et d’un phonon acoustique.
Chapitre 6
Etude des excitations dans le langasite
de Fer au Niobium Ba3NbFe3Si2O14
A3 BC3 D2 O14
Très étudiés en raison de leurs propriétés piézoélectriques remarquables, ils peuvent se sub-
stituer au quartz dans un certain nombre d’applications, par exemple dans des dispositifs
de microscopie en champ proche [Douchet, 2010], mais également dans des dispositifs radio-
fréquence [Fachberger, 2004] intégrables dans les systèmes de téléphonie mobile ou dans
certains systèmes d’asservissement mécanique de précision. D’un point de vue plus fonda-
mental, certains de ces composés sont très étudiés pour leur ordres magnétiques frustrés et
les propriétés chirales multiples (structurales et magnétiques) qu’ils présentent, en particulier
des ordres de spin hélicoïdaux.
159
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
160 Ba3 NbFe3 Si2 O14
1a, les trois Fer des sites C en position 3f , les deux Silicium des sites D sont en position
2d ainsi que deux des oxygènes (dont on nommera les sites O1), et les 12 oxygènes restants
occupent les positions 6g en deux sous-réseaux décalés (que l’on nommera O2 et O3). Les
différents sites cationiques ainsi que les polyèdres d’oxygène associés sont représentés en
Figure 6.1.
c
c
a b
a b
b a b
a
La structure cristalline des langasites est constituée d’un empilement, le long de l’axe c,
de plans contenant les sites (A,B) (et donc les atomes de Ba et Nb) aux ordonnées z = z0 et
de plans contenant les sites (C,D) (et donc les atomes de Fe et Si) aux ordonnées z = z0 + 21 .
La particularité de cette structure est qu’elle possède deux formes énantiomères possibles
avec deux chiralités différentes. Les plans (A,B) (ou (Ba,Nb)) et (C,D) (ou (Fe,Si)) corres-
pondant à la chiralité droite et gauche sont respectivement représentés en Figures 6.2 et
6.3.
Notons que la maille cristalline trigonale, indiquée en Figures 6.2 et 6.3 par le losange tracé
en noir, comporte 23 atomes et ses paramètres de maille dans Ba3 NbFe3 Si2 O14 , déterminés
dans la thèse de K. Marty [Marty, 2008b], ont pour valeurs a = 8.5023(6) Å, b = 8.5040(4) Å
et c = 5.2133(7) Å.
1. Cette figure correspond au cas d’une chiralité droite ce qui n’est pas toujours le cas comme nous le
verrons plus loin.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 161
Table 6.1 – Positions de Wyckoff du groupe d’espace P321 extraites des tables internatio-
nales de cristallographie, sites cationiques et espèces chimiques associées dans le langasite de
Fer au Niobium.
Position de Wyckoff Positions équivalentes Site cationique Espèce chimique
6g (x,y,z) (-y,x-y,z) (y-x,-x,z) O2, O3 O
(y,x,-z) (x-y,-y,-z) (-x,y-x,-z)
3f (x,0, 12 ) (0,x, 12 ) (-x,-x, 12 ) C Fe
3e (x,0,0) (0,x,0) (-x,-x,0) A Ba
1 2 2 1
2d ( 3 , 3 ,z) ( 3 , 3 ,-z) D, O1 Si, O
2c (0,0,z) (0,0,-z) aucun aucune
1b (0,0, 12 ) aucun aucune
1a (0,0,0) B Nb
C site
B site
A site D site
b b
a a
1
z=z0 plane z=z0 + plane
2
Figure 6.2 – Représentation schématique des plans (A, B) et (C,D) et des polyèdres d’oxy-
gènes associés dans le cas de cristaux à chiralité droite. Les axes a, b correspondent aux axes
cristallins de la maille trigonale.
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
162 Ba3 NbFe3 Si2 O14
A site
C site
B site
D site
b b
a a
1
z=z0 plane z=z0 + plane
2
Figure 6.3 – Représentation schématique des plans (A, B) et (C,D) et des polyèdres d’oxy-
gènes associés dans le cas de cristaux à chiralité gauche. Les axes a, b correspondent aux
axes cristallins de la maille trigonale.
Dans le langasite de Fer au Niobium, Ba3 NbFe3 Si2 O14 , le Fer est la seule espèce chimique
magnétique et seuls les ions Fe3+ sont porteurs d’un moment magnétique (S = 25 , L = 0).
Dans la structure décrite précédemment, ces cations magnétiques sont empilés selon l’axe c
et forment un réseau triangulaire dans le plan (a, b) qui est représenté en Figure 6.4 ainsi
que les chemins de super-superéchange Fe-O-O-Fe entre les Fe3+ premier voisins dans le plan
(auxquels ils faut ajouter des chemins Fe-O-O-Fe interplans). Ce réseau triangulaire est à
l’origine d’une frustration magnétique géométrique qui, combinée à la chiralité structurale
des échantillons, engendre des propriétés magnétiques complexes qui ont été étudiées dans
les thèses de K. Marty et M. Loire [Marty, 2008b,Loire, 2011b] et décrites dans les références
[Marty, 2008a, Marty, 2010, Loire, 2011a].
En dessous de la température de Néel magnétique TN ' 27 K, les moments magnétiques
des Fe3+ s’ordonnent antiferromagnétiquement selon un arrangement à 120◦ dans les plans
(a, b) et forment une hélice commensurable qui se propage selon l’axe c et dont la longueur
d’onde est d’environ 36.5 Å, soit sept fois le paramètre de maille trigonal selon l’axe c. Les
spins des ions Fe3+ de deux plans adjacents forment donc un angle de 2π 7
à chaque instant.
◦
L’arrangement à 120 intraplan ainsi que l’ordre hélicoïdal selon l’axe c sont respectivement
montrés en Figures 6.5.a et 6.5.b. Les orientations respectives des spins des Fe3+ le long de
l’axe c sont montrées en Figure 6.6.
Il est à noter que des chiralités de trois natures différentes sont ainsi présentes dans
ce composé. Une première chiralité, structurale, est due aux deux formes énantiomères de
langasites décrites plus haut. Il existe également deux chiralités magnétiques : l’une due
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 163
Ba2+
Nb5+
Fe3+ b b
Si4+
O2- a a
right-handed chirality left-handed chirality
a) b)
120°
120°
120°
b
b
a
a
Figure 6.5 – Représentation schématique, pour une chiralité structurale droite, de l’arran-
gement des spins à 120◦ à l’intérieur des plans (a, b) (a) et de l’hélice de spins se propageant
selon l’axe c (b).
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
164 Ba3 NbFe3 Si2 O14
c
z=z0 z=z0+ 12 z=z0+1 z=z0+ 32 z=z0+2 z=z0+ 52 z=z0+3 z=z0+ 72
au sens de rotation des spins dans les triangles de Fer des plans (a, b) et l’autre due aux
hélices de spins le long de l’axe c. Ces deux dernières sont appelées "chiralité triangulaire"
et "chiralité hélicoïdale" et notées respectivement ε∆ et εH et sont décrites dans la référence
[Simonet, 2012]. Les quatre états fondamentaux magnétiques chiraux possibles pour une
telle structure magnétique sont représentés en Figure 6.7. De façon surprenante, un seul
de ces quatre états est observé expérimentalement dans Ba3 NbFe3 Si2 O14 pour une chiralité
structurale donnée. Pour un échantillon de chiralité structurale droite, il s’agit de l’état où
ε∆ = 1 et εH = −1, c’est à dire du cas où les spins ions Fe3+ des triangles des plans (a, b)
sont ordonnées avec une chiralité gauche tandis que leur propagation selon l’axe c est de
chiralité droite. Ces configurations sont déduites de la comparaison des mesures neutrons et
des simulations numériques en référence [Simonet, 2012]. Des mesures de résonance de spin
électronique associées à des simulations et une analyse de champ moyen sont proposées en
références [Zorko, 2011] et [Marty, 2008a] pour expliquer ce phénomène.
Par ailleurs, les travaux de thèse de Laura Chaix [Chaix, 2014], ont montré que la struc-
ture magnétique n’était pas parfaitement hélicoïdale et que l’arrangement à 120◦ des mo-
ments magnétiques n’était pas parfaitement planaire, ce qui a été décrit et modélisé théori-
quement en référence [Chaix, 2015].
Excitations de spin
Les excitations magnétiques ont été étudiées par diffusion inélastique de neutrons dans
les références [Zhou, 2010, Loire, 2011a] et deux branches de magnons ont été observées
en sondant l’espace des phases dans la direction (0 -1 `) (cf. Fig. 6.8). Ces deux branches
émergent des pics de superstructures magnétiques (satellites) en ±τ . L’une d’entre elles
présente un gap et un minimum à 0.4 meV (3.2 cm−1 ) tandis que l’autre ne semble pas
être gappée et est mesurée jusqu’à 0.1 meV (0.8 cm−1 ) ce qui correspond à la résolution des
mesures de neutrons inélastiques. La branche de plus haute énergie, ayant un maximum de
4.8 meV (38.4 cm−1 ), correspond à des composantes de spin dans le plan (a, b), tandis que
celle de plus basse énergie, qui est mesurée jusqu’à 3.2 meV (25.6 cm−1 ) correspond à des
composantes de spin le long de l’axe c [Loire, 2011a].
Les branches de magnons mesurées expérimentalement en référence [Loire, 2011a] ainsi
que les simulations théoriques les reproduisant sont montrées en Figure 6.8.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 165
εΔ=+1 εΔ= -1
(εH=+1, εΔ=+1) (εH= -1, εΔ=+1) (εH=+1, εΔ= -1) (εH= -1, εΔ= -1)
Figure 6.7 – Représentation schématique des quatre états fondamentaux magnétiques chi-
raux possibles : les états de chiralité droite dans le plan (a, b) (ε∆ = 1) sont représentés à
gauche et les états de chiralité gauches dans le plan (a, b) (ε∆ = −1) sont représentés à droite.
Les états fondamentaux chiraux observés expérimentalement pour une structure de chiralité
droite ou gauche sont entourés en bleu (tirets) et en rouge (pointillés) respectivement.
Les mesures de spectroscopie THz de la référence [Chaix, 2013] montrent également (en
centre de zone de Brillouin) des excitations qu’ils identifient comme des modes de magnons à
12.9 cm−1 (1.61 meV) et 13.1 cm−1 (1.63 meV) avec une largeur spectrale à 10 K de 0.8 cm−1
(soit 0.1 meV) (cf. Fig 6.10).
Energy (meV)
2 100
Intensity
2
80
1.5
1.5
60
1 1
40
0.5 0.5 20
0 0 0
-2 -1.5 -1 -0.5 0 -2.5 -2 -1.5 -1 -0.5 0
(0 -1 l) (0 -1l )
Figure 6.8 – Mesures (a) par diffusion inélastique de neutrons et simulations théoriques
(b) des ondes de spin dans Ba3 NbFe3 Si2 O14 extraites de la référence [Loire, 2011a]
en référence [Lee, 2014] ainsi que des mesures de spectroscopie Mössbauer effectuées par
Lyubutin et al. [Lyubutin, 2011] vont également dans le sens d’une polarisation contenue
dans les plans (a, b). Les observations expérimentales de la ferroélectricité, découverte très
récemment dans ce composé, ne s’accordent donc pas encore sur sa direction principale.
Dans la phase paramagnétique, au dessus de TN ' 27 K, la ferroélectricité est interdite
pour des raisons de symétrie 2 et seul un ordre antiferroélectrique est autorisé [Schmid, 1973].
Lors de la transition magnétique à 27 K, certaines symétries peuvent être brisées (perte de
l’axe d’ordre 3 ou des axes d’ordre 2) et rendre ainsi la ferroélectricité possible.
— Une transition du type P321 (groupe non polaire) 7→ C2 (groupe polaire) où la symé-
trie d’ordre 3 est brisée autorise une polarisation ferroélectrique dans le plan (a, b),
ce qui est compatible avec les prédictions théoriques de Lee et al. [Lee, 2010] et les
mesures Mössbauer récentes de Lyubutin et al. [Lyubutin, 2011].
— Une transition du type P321 (groupe non polaire) 7→ D3 (groupe polaire), en revanche,
où la symétrie d’ordre 2 est perdue, autorise une polarisation ferroélectrique le long
de l’axe c, ce qui est compatible avec les mesures de Zhou et al. [Zhou, 2009].
Les travaux de Chaix et al. [Chaix, 2013] montrent que Ba3 NbFe3 Si2 O14 est un bon can-
didat pour la perte de l’axe d’ordre 3 à la température de Néel, ce qui penche en faveur d’une
polarisation électrique dans le plan (a, b) et qui est compatible avec les mesures expérimen-
tales très récentes de Lee et al. [Lee, 2014]. Cependant la perte de l’axe 3 n’a, à ce jour, pas
encore été prouvée expérimentalement et la question reste donc ouverte.
2. Le groupe d’espace P321, bien que non centro-symétrique est non polaire car il possède plusieurs axes
de rotations non colinéaires.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 167
Propriétés magnéto-électriques statiques
Le langasite de Fer au Niobium présente un couplage magnéto-électrique statique entre
une polarisation ferroélectrique induite par un champ électrique et l’ordre magnétique. Ce
couplage a été mis en évidence par des mesures macroscopiques de constante diélectrique. La
Figure 6.9, extraite de la référence [Marty, 2010], montre l’évolution de la capacité électrique
(qui est proportionnelle à la permittivité diélectrique), mesurée le long de l’axe c, en fonction
de la température dans un échantillon monocristallin de Ba3 NbFe3 Si2 O14 soumis à un champ
électrique de 100 kHz le long de l’axe c. On voit clairement qu’une anomalie est observée
lors de la transition magnétique à 27 K.
1.855
Ba3NbFe3Si2O14
Electric capacity (10-12 F)
E c axis
ᵀ
f = 100 kHz
1.850
TN
1.845
10 15 20 25 30
Temperature (K)
Les résultats très récents de Lee et al. [Lee, 2014] confirment l’existence d’un couplage
magnéto-électrique important, cette fois-ci entre une polarisation électrique spontanée et
l’ordre magnétique. Cet article montre l’apparition d’une polarisation ferroélectrique, prin-
cipalement selon l’axe a, en dessous de la température de Néel magnétique, qui s’avère donc
être également la température de Curie ferroélectrique du composé. La très forte variation de
cette polarisation sous l’effet d’un champ magnétique, qui fait tourner la direction principale
ferroélectrique dans le plan (a, b) (de l’axe a à champ nul à l’axe b à 9 T) est une preuve
expérimentale supplémentaire d’un fort couplage magnéto-électrique dans Ba3 NbFe3 Si2 O14 .
Figure 6.10 – Excitations THz extraites de la référence [Chaix, 2013]. A gauche : spectres
d’absorption pour différentes configurations du champ THz, à droite, dépendance en tempé-
rature de l’énergie (b), de la largeur spectrale (c) et de l’aire (d) des ajustements gaussiens
(montrés en insert de la Figure (a)) de l’excitation hybride magnéto-électrique.
a*
a) b b) a
a 30°
b*
30°
c
a* b
47°
c 5°
Ba3NbFe3Si2O14 Ba3NbFe3Si2O14
Lame Y Lame Z
Figure 6.11 – Photos des échantillons et orientation des axes cristallographiques. Les droites
en pointillés sont des repères visuels pour l’orientation des échantillons lors des différentes
mesures : il s’agit d’un des bords de l’échantillon pour la lame Y (a) et de l’encoche du porte
échantillon en cuivre pour la lame Z (b).
j’ai calculé les règles de sélection Raman attendues pour les différentes configurations de
polarisation des champs électriques des faisceaux incidents et diffusés.
Γvib = 10 A1 + 12 A2 + 22 E
10 A1 + 22 Ex + 22 Ey
4. Les symétries A2 et E étant actives en spectroscopie infrarouge.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 171
Les modes A1 sont associés aux fonctions (x2 +y2 , z2 ) tandis que les modes Ex et Ey sont
associés aux fonctions ((x,y), (xz,yz), (x2 -y2 ,xy), (Jx ,Jy )) et correspondent à des modes E en
projection respectivement sur les axes a et b.
Tenseurs Raman
Les tenseurs Raman associés à ces symétries, extraits des tables cristallographiques du
Bilbao Crystallographic Server [Bilbao-CS, 2015a] et exprimés dans la base trigonale (x,y,z)
(correspondant aux axes (a, b, c) des Figures de la section 6.1) s’écrivent :
a 0 0 c 0 0 0 −c −d
A1 = 0 a 0 Ex = 0 −c d Ey = −c 0 0 (6.1)
0 0 a 0 d 0 −d 0 0
Nos mesures Raman étant effectuées dans la base orthonormée B ∗ = (a∗ , b, c) et non
dans la base trigonale B = (a, b, c), j’ai réexprimé ces trois tenseurs à l’aide des matrices de
passage suivantes :
√3 1 2
√1
2 2
0 √
3 3
0
M = 0 1 0 M −1 = 0 −c d (6.2)
0 0 1 0 d 0
Les projections du tenseur Raman relatives aux symétries A1 , Ex et Ey s’expriment
donc 5 :
√
−2c d −c −c 3 −2d
√
a 0 0 c √ √
2
3 3 −c2√3 3
A∗1 = A1 = 0 a 0 ∗
Ex = 0 −c d Ey∗ = c (6.3)
2√ 2
0
0 0 a 0 d 0 −d 3 d
0
2 2
2 2
a 0 0 0
0 2
IZZ (A1 ) ∝ 0 0 1 0 a 0 0 = 0 0 1 0 = a
0 0 a 1 a
−2c 2 d 2
√d
c √3 3
0
√
3
IZZ (Ex ) ∝ 0 0 1
0 −c d 0 = 0 0 1
d = 0
0 d 0 1 0
√ 2 −2d 2
−c −c 3 −2d
√ 0 √
2√ 2 3 3
IZZ (Ey ) ∝ 0 0 1 −c2 3 c
0 0 = 0 0 1 0 = 0
√ 2
1 0
−d 3 d
0
2 2
Nous voyons donc que pour des lumières incidente et diffusée polarisées selon l’axe c,
la seule symétrie pour laquelle l’intensité Raman est non nulle est la symétrie A1 . Cette
configuration de polarisations permet donc de sélectionner les excitations de symétrie A1 .
De même, pour des mesures dans la configuration X ∗ (ZY )X̄ ∗ (c’est à dire avec la polari-
sation de la lumière incidente selon l’axe c et la polarisation de la lumière diffusée selon l’axe
b), les calculs d’intensité Raman pour les différentes symétries actives en Raman s’écrivent :
2 2
a 0 0 0
0
IZY (A1 ) ∝ 0 0 1 0 a 0 1 = 0 0 1 a = 0
0 0 a 0 0
−2c 2 −2c 2
√d
c √3 3
0
√
3
2
IZY (Ex ) ∝ 0 0 1 0 −c
d 1 = 0 0 1 −c = d
0 d 0 0 d
√ 2 −c√3 2
−c −c 3 −2d
√ 0
2√ 2 3 2
= d 2
IZY (Ey ) ∝ 0 0 1 −c2 3 c c
0 1 = 0 0 1
√ 2 2 2
−d 3 d 0
d
0
2
2 2
Cette configuration de polarisation permet donc de sélectionner tous les modes E (Ex et
Ey confondus).
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 173
Règles de sélection
Les règles de sélection Raman calculées de la même façon que précédemment pour les 8
configurations de polarisations, en rétrodiffusion selon a∗ et selon b, sur la lame Y et la lame
Z respectivement, sont résumées en Table 6.2.
Table 6.2 – Règles de sélection Raman, calculées dans la base orthonormée B ∗ = (a∗ , b, c),
pour les différentes configurations de polarisations et en rétrodiffusion selon la normale à la
surface de chacun des échantillons. les valeurs entre parenthèses correspondent aux valeurs
calculées de l’intensité Raman pour chacune des symétries actives.
Lame Y (rétrodiffusion selon a∗ )
X ∗ (ZZ)X̄ ∗ A1 (a2 ) - -
c2
X ∗ (Y Y )X̄ ∗ A1 (a2 ) Ex (c2 ) Ey ( )
4
X ∗ (Y Z)X̄ ∗ - Ex (d2 ) -
d2
X ∗ (ZY )X̄ ∗ - Ex (d2 ) Ey ( )
4
c2
Z(X ∗ X ∗ )Z̄ A1 (a2 ) Ex (c2 ) Ey ( )
4
c2
Z(Y Y )Z̄ A1 (a2 ) Ex (c2 ) Ey ( )
4
4c2 3c2
Z(X ∗ Y )Z̄ - Ex ( ) Ey ( )
3 4
3c2
Z(Y X ∗ )Z̄ - - Ey ( )
4
Table 6.4 – (Suite de la Table 6.3) Modes de phonons mesurés à 15 K par spectroscopie
Raman et symétries associées (tirées des règles de sélections de la Table 6.2). Une compa-
raison avec les mesures Raman de la thèse de M. Hudl [Hudl, 2012] est faite sur les deux
colonnes de droite. Les lignes grisées correspondent aux modes que nous avons assignés à
une symétrie A1 .
Mesures expérimentales (cette thèse) Mesures expérimentales (M. Hudl)
Energie (cm−1 ) Symétrie associée Energie (cm−1 ) Symétrie associée
422 Ey - -
454 Ey - -
480 Ex - -
503 Ey 503 E
509 Ey 510 A1
525 Ey - -
566 Ex 567 E
573 A1 573 A1
615 Ey 615 E
621 Ex - -
630 Ey - -
677 Ex 675 E
718 Ey - -
758 Ey - -
772 A1 777 A1
781 A1
836 Ey - -
868 Ex 869 E
884 Ey 885 A1
937 Ex 942 E
983 A1 982 A1
Total : 44 10 A1 17 Ex 17 Ey Total : 22 8 A1 + 12 E
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 177
Table 6.5 – Modes de phonons extraits des mesures de spectroscopie THz de nos colla-
boratrices (S. DeBrion et L. Chaix). Les assignations entre parenthèses sont obtenues par
comparaison avec les assignations Raman, les autres sont extraites directement des règles de
sélection THz. Dans le premier cas et pour une symétrie E, l’énergie de l’excitation Raman
associée est également donnée dans les parenthèses.
Energie (cm−1 ) Symétrie associée
71 (A2 ) -
82 - (E, 83)
87 (A2 ) -
96 - (E, 96)
126 (A2 ) -
128 - (E, 129)
142 - (E, 140)
189 - (E, 190)
196 - -
227 - (E, 226)
236 - (E, 231)
250 - (E, 250)
260 (A2 ) -
290 - -
301 - (E, 301)
316 - -
322 - (E, 321)
408 - (E, 408)
411 - (E, 418)
430 (A2 ) -
455 - (E, 454)
484 - (E, 480)
524 - (E, 525)
546 A2 -
565 - -
598 A2 -
608 - E
640 - E
847 - E
917 - E
983 A2 -
Total : 32 8 A2 22 E
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
178 Ba3 NbFe3 Si2 O14
Ey Ei // c & Es // c
A1
Ei // c & Es // b
A1 Ei // b & Es // b
Raman intensity (arb. units)
Ei // b & Es // c
Ex
Ex
Ey
Ex
Ey Ex
Ey Ey
A1 Ex Ex A1
Ex A1
Figure 6.12 – Spectres Raman obtenus sur la lame Y à 15 K dans la plage spectrale 40-
1150 cm−1 pour différentes configurations de polarisation du champ électrique de la lumière
incidente et diffusée. Les règles de sélection Raman décrites dans le texte sont observées
clairement et les assignements associés sont indiqués sur certains des modes d’excitations de
forte intensité.
modes relevés lors de ces mesures sont reportés en Table 6.5. Les assignements de ces modes
proviennent, soit directement des règles de sélection THz, soit, dans la plupart des cas, de
comparaison avec les attributions tirées des mesures Raman que j’ai présentées plus haut. En
effet, lorsqu’aucun mode n’est observé en Raman dans des énergies proches (±10 cm−1 ), j’ai
considéré que le mode pouvait être assigné à une symétrie A2 . Inversement, lorsqu’un mode
E est observé en Raman dans la même plage d’énergie, j’ai considéré qu’il pouvait s’agir du
même mode E observé en THz. En revanche, dans les cas où un mode THz est proche de
deux modes attribués à des symétries différentes en Raman, aucune attribution n’a été faite
à partir des mesures Raman. Les détails de ces mesures de spectroscopie THz sont donnés
dans notre article [Toulouse, 2015].
Ei // b & Es // b Ey Ey
Ei // b & Es // a*
Ei // a* & Es // a*
Ei // a* & Es // b Ex
Raman intensity (arb. units)
A1
Ex
Ey
Ey
Ey
Ex
Ey A1 Ey
A1
Figure 6.13 – Spectres Raman obtenus sur la lame Z à 15 K dans la plage spectrale 40-
1150 cm−1 pour différentes configurations de polarisation du champ électrique de la lumière
incidente et diffusée. Les règles de sélection Raman décrites dans le texte sont observées
clairement et les assignements associés sont indiqués sur certains des modes d’excitations de
forte intensité.
Afin d’observer l’effet des transitions sur les excitations du réseau, j’ai ajusté par une
fonction Lorentzienne chaque pic d’excitation Raman dans chacun des spectres (pour les dif-
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
180 Ba3 NbFe3 Si2 O14
Ei // b & Es // b 10 K
280 K
Raman intensity (arb. units)
Raman intensity (arb. units)
∗(0.5)
Normalized FWHM
573 cm-1 (A1)
0.99
0.98
0.97
1
TN TP
0.96
0 50 100 150 200 250 300 0 50 100 150 200 250 300
Temperature (K)
Figure 6.15 – Dépendance en température des énergies (a) et largeurs à mi-hauteur (b)
de certains modes de phonons intenses, obtenues par ajustement lorentzien des pics et nor-
malisées à 10 K. Les lignes en pointillés sont des repères visuels pour repérer les transitions.
est surlignée en mauve pour le repère visuel. Comme on le voit, l’amplitude de cet amollisse-
ment est de moins de 1%, ce qui est très délicat à observer et nécessite une grande stabilité
de l’expérience 7 .
La dépendance en température de la largeur spectrale 8 des modes de phonons, normalisée
à 10 K, est montrée en Figure 6.15.b. Comme attendu, la plupart des pics Raman sont plus
fins à basse température, ce qui indique un temps de vie plus important de l’excitation. Le
mode Ey à 321 cm−1 présente cependant un comportement inhabituel avec un élargissement
spectral aux alentours de TP = 130 K, ce qui correspond à la température d’apparition
de l’excitation hybride magnéto-électrique observée par Chaix et al. [Chaix, 2013] et à la
possible transition évoquée précédemment.
Normalized Wavenumber
1.002 1.002
1.001
1.000
1.000
0.999
0.998
0.998
0.997 181 (A1) 0.996
0.996 331 (A1)
573 (A1) 0.994 301 (Ex)
0.995 772 (A1) 630 (Ey)
0.994 781 (A1) 836 (Ey)
983 (A1) 0.992 868 (Ex)
0.993
0 50 100 150 200 250 0 50 100 150 200 250
Temperature (K) Temperature (K)
Figure 6.16 – Dépendance en température des énergies (a) et largeurs à mi-hauteur (b)
de certains modes de phonons intenses, obtenues par ajustement lorentzien des pics et nor-
malisées à 10 K. Les lignes en pointillés sont des repères visuels pour repérer les transitions.
mesures expérimentales. Ces calculs, de théorie de la fonctionnelle densité (DFT), ont été
effectués en utilisant la fonctionnelle hybride B3LYP, décrite en référence [Becke, 1993], pour
optimiser la géométrie et calculer les énergies des modes de phonons dans le groupe d’espace
P321.
La Table 6.6 donne les modes calculés dans le groupe d’espace P321 et leur symétrie
ainsi que les comparaisons avec les mesures et les attributions expérimentales. Les lignes
surlignées en gris correspondent aux modes prédits théoriquement et qui, soit n’ont aucun
mode expérimental correspondant soit ont un mode expérimental mesuré avec une symétrie
différente.
Nous voyons ainsi que 29 des 43 modes théoriques correspondent à des modes expéri-
mentaux avec un accord en énergie de moins de 10 cm−1 . Huit modes de phonons calculés
théoriquement ont été associés à des modes expérimentaux avec des énergies ayant un moins
bon accord : les modes A2 prédits à 222, 472, 516, 559 et 968 cm−1 qui ont été mesurés à
236, 430, 546, 598 et 983 cm−1 respectivement et les modes E à 392, 440 et 465 cm−1 qui
ont été associés aux modes Raman à 408, 454 et 480 cm−1 . Enfin, un mode théorique est or-
phelin (à 99 cm−1 ), tandis que quatre autres sont associés à des modes dont les attributions
expérimentales ne correspondent pas (deux dans la symétrie A1 et deux dans la symétrie
A2 ). Notons que les assignements de certains des modes IR (à 140 et 236 cm−1 ), tirés d’une
comparaison avec les mesures Raman, ne correspondent pas aux symétries prédites par ces
calculs.
De plus, 12 des modes observés expérimentalement ne sont pas reproduits par ces calculs
dans le groupe d’espace P321, 11 de ces modes étant observés en Raman et 2 en infrarouges.
La Table 6.8 regroupe ces modes de phonons non prédits dans P321.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 183
Table 6.6 – Modes de phonons extraits des calculs ab-initio de structure dans le groupe
d’espace P321 et comparaison avec les mesures Raman et THz ainsi qu’avec les assignements
expérimentaux.
Calculs dans P321 Raman IR
Energie Représentation Energie Assignement Energie Assignement
(cm−1 ) irréductible (cm−1 ) expérimental (cm−1 ) expérimental
71 A2 - - 71 (A2 )
81 E 83 E 82 (E)
84 A2 - - 87 (A2 )
92 E 96 E 96 (E)
96 A1 99 A1 - -
99 E none none
125 A2 - - 126 (A2 )
127 E 129 E 128 (E)
140 A2 - - 142 (E)
141 E 140 E - -
181 E 190 E 189 (E)
183 A1 181 A1 - -
193 A1 197 A1 - -
196 E 206 E 196 -
222 A2 - - 236 (E)
224 A1 218 A1 - -
230 E 226 E 227 (E)
251 E 250 E 250 (E)
252 E - - 260 (A2 )
280 A2 273 E - -
289 E 288 A1 290 -
301 E 301 E 301 (E)
322 E 321 E 322 (E)
335 A1 331 A1 - -
392 E 408 E weak -
408 E 418 E 411 (E)
440 E 454 E weak -
465 E 480 E 484 (E)
472 A2 - - 430 (A2
491 A1 503 E - -
516 A2 - - 546 A2
520 E 525 E 524 (E)
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
184 Ba3 NbFe3 Si2 O14
Table 6.7 – (Suite de la Table 6.6) Modes de phonons extraits des calculs ab-initio de
structure dans le groupe d’espace P321 et comparaison avec les mesures Raman et THz ainsi
qu’avec les assignements expérimentaux.
Calculs dans P321 Raman IR
Energie Représentation Energie Assignement Energie Assignement
(cm−1 ) irréductible (cm−1 ) expérimental (cm−1 ) expérimental
559 A2 - - 598 A2
563 E 566 E 565 -
565 A1 573 A1 - -
599 E 615 E 608 E
625 E 622 E - -
789 A1 781 A1 - -
831 E 836 E 847 E
870 A2 868 E - -
878 A1 884 E - -
904 E - - 917 E
968 A2 - - 983 A2
981 A1 983 A1 -
Table 6.8 – Modes de phonons expérimentaux non reproduits par les calculs dans P321.
Raman IR
Energie (cm−1 ) Assignement Energie (cm−1 ) Assignement
148 E weak -
- - 316 -
362 E - -
422 E - -
509 E - -
630 E 640 E
677 E - -
718 E - -
758 E - -
772 E - -
937 E - -
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 185
L’accord entre ces calculs et les résultats expérimentaux n’étant pas excellent, il nous a
semblé judicieux de regarder du côté des sous-groupes de P321. Les modes Ex et Ey étant
dégénérés en Raman, ce qui n’est pas prédit théoriquement dans le groupe d’espace P321,
nous nous sommes tournés vers le sous-groupe C2 pour lequel la symétrie d’ordre 3 est
supprimée. Dans ce sous-groupe de P321, les symétries des modes sont transformées de la
façon suivante :
P321 → C2
A1 7→ A,
A2 7 → B,
E 7 → A+B
Les calculs des énergies et des symétries des modes de phonons dans le groupe d’espace C2
ainsi que les comparaisons avec les valeurs expérimentales des énergies sont montrés en Table
6.9. Les lignes surlignées en gris clair indiquent les modes théoriques orphelins, c’est à dire
pour lesquel aucun mode expérimental n’a pu être associé dans la bonne gamme d’énergie.
Notons que ces calculs prédisent des modes de phonons d’énergie négative dans la symé-
trie B, ce qui est le signe que ce groupe d’espace est instable pour cette structure. Marie-
Bernadette Lepetit et Hamdi Barkaoui ont donc envisagé un abaissement supplémentaire de
symétrie avec le sous-groupe P1, n’ayant plus qu’une représentation irréductible, notée A.
Les modes de phonons calculés sont donnés en Table 6.10.
Comme attendu avec cet abaissement de symétrie (où on perd les axes de symétrie d’ordre
2), tous les modes de phonons prédits sont à présent stables. On peut voir que tous les modes
théoriques peuvent être associés à des modes expérimentaux avec un très bon accord (à moins
de 6.1 cm−1 près). Seuls cinq modes entre 600 et 800 cm−1 n’ont pas pu être reproduits par
ces calculs théoriques. Ils figurent en Table 6.11.
Plusieurs conclusions peuvent être tirées des résultats de ces calculs ab-initio. Tout
d’abord, le groupe d’espace P321 habituellement assigné à ce composé ne semble pas être à
même de décrire précisément les modes de phonons observés expérimentalement. L’hypothèse
d’une structure appartenant à un sous-groupe de P321 pour lequel la symétrie d’ordre 3 le
long de l’axe c est brisée, y compris à température ambiante pour la phase paramagnétique,
semble permettre de mieux décrire les mesures de spectroscopie Raman et THz. Concernant
la direction de la polarisation ferroélectrique, une structure dans le groupe d’espace P1, qui
brise à la fois la symétrie d’ordre 3 et les symétries d’ordre 2 dans le plan (a, b), autoriserait
une polarisation le long de l’axe c et dans le plan (a, b), ce qui permettrait de réconcilier les
différentes observations de la littérature.
Concernant la non-reproductibilité par la théorie des modes de phonons entre 600 et
800 cm−1 , l’hypothèse de modes dûs à des impuretés cristallines est à exclure car ces modes
sont pour certains très intenses et ont déjà été observés dans d’autres mesures expérimentales
(cf. [Hudl, 2012]). La possibilité d’une maille multiple est donc à considérer, d’autant plus
que la maille magnétique correspond dans ce composé à une maille de multiplicité 7 selon
l’axe c.
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
186 Ba3 NbFe3 Si2 O14
Table 6.9 – Modes de phonons extraits des calculs ab-initio de structure dans le groupe
d’espace C2 et comparaison avec les mesures Raman et THz.
Raman IR Calculs dans C2 Raman IR Calculs dans C2
(cm−1 ) (cm−1 ) Symétrie (cm−1 ) cm−1 ) (cm−1 ) Symétrie (cm−1 )
B -137 321 322 A 320
B -17 331 A 333
71 B 76 362 B 379
83 82 A 81 A 391
87 A 93 408 411 B 402
99 A 96 418 A 406
n A 97 422 B 419
96 96
B 110 430 A 438
B 116 454 B 450
126 A 124 A 465
129 128 B 124 B 469
142 B 137 480 B 473
140 A 139 484 A 488
148 weak B 145 503 B 515
B 174 509 A 517
n A 179 525 524 B 519
181
A 180 546 B 556
n B 191 573 A 561
190 189
A 191 n A 562
566 565
197 196 A 194 B 563
206 B 201 598 B 591
218/222 A 223 615 608 A 594
226 227 A 228 622 B 621
236 B 230 630 A 623
( B 248 781 A 788
250 250 A 249 836 A 831
B 250 847 B 841
260 B 259 868 B 868
273 B 280 884 A 876
n A 288 n A 905
290 917
B 290 B 906
301 301 A 300 937 B 965
316 B 316 983 983 A 978
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 187
Table 6.10 – Modes de phonons extraits des calculs ab-initio de structure dans le groupe
d’espace P1 et comparaison avec les mesures Raman et THz.
Raman IR Calculs dans P1 Raman IR Calculs dans P1
(cm−1 ) (cm−1 ) Symétrie (cm−1 ) cm−1 ) (cm−1 ) Symétrie (cm−1 )
71 A 74 316 A 319
( A 82 321 322 A 320
83 A 83 331 A 333
A 84 n A 392
362
n A 93 A 393
87
A 94 408 411 A 407
n A 96 418 A 408
96 96
A 97 422 A 439
99 A 98 430 A 440
126 A 124 n A 465
454
n A 124 A 466
129 128
A 124 480 A 473
140 A 139 484 A 489
142 A 140 503 A 512
148 weak A 142 509 A 517
( A 179 525 524 A 517
181 A 180 546 A 557
A 181 n A 560
566 565
190 189 A 192 A 561
197 196 A 194 573 A 563
206 A 196 598 A 595
218 A 222 615 608 A 597
222 A 223 622 A 623
226 227 A 229 630 A 625
236 A 230 781 A 789
n A 249 836 A 832
250 250
A 250 847 A 832
260 A 250 868 A 868
273 A 279 884 A 875
n A 288 n A 905
weak 290 917
A 288 A 905
n A 299 937 A 963
301 301
A 301 983 983 A 978
6. ETUDE DES EXCITATIONS DANS LE LANGASITE DE FER AU NIOBIUM
188 Ba3 NbFe3 Si2 O14
Table 6.11 – Modes de phonons expérimentaux non reproduits par les calculs dans C2 et
P1.
Raman IR
Energie (cm−1 ) Energie (cm ) −1
- 640
677 -
718 -
758 -
772 -
Des calculs ab-initio des modes de phonons ont donc été effectués par Hamdi Barkaoui
dans des mailles doubles et triples selon l’axe c, dans le groupe d’espace P321. Ces calculs
ne donnent pas de modes dans la région spectrale 600-800 cm−1 . Il faudrait alors considérer
des multiplicités supérieures, y compris dans les sous-groupes de P321 testés précédemment
mais les calculs étaient trop volumineux pour être menés. En revanche, de nouveaux modes
de phonons de très basses énergies (<70 cm−1 ) ont été prédits par les calculs pour des mailles
doubles ou triples, ce qui peut être en accord avec les mesures d’excitations de basses énergies
que je présente par la suite.
P
Raman intensity (arb. units)
Figure 6.17 – Spectres Raman de basse énergie obtenus sur la lame Y (en rétrodiffusion
selon a∗ ) dans les configuration de polarisation X ∗ (ZZ)X̄ ∗ (en a)), X ∗ (Y Y )X̄ ∗ (courbe
verte), X ∗ (Y Z)X̄ ∗ (courbe bleue) X ∗ (ZZ)X̄ ∗ (courbe rouge) (en b)) et Z(Y X ∗ )Z̄ (courbe
violette) et Z(X ∗ X ∗ )Z̄ (courbe rose) (en c)).
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 189
6.3 Exploration des excitations de basse énergie
a) b)
Ei // c & Es // b Ei // c & Es // c
11.8 cm-1
Ei // b & Es // b 8K
10.5 cm-1 15K
13.3 cm-1
Raman intensity (arb. units)
Ei // c
20K
P
M 47 cm-1
EM
29.6 cm-1
24.8
cm-1
18K
45 cm-1
12K 29.6
M 8K 29
Ei // b
11.7 cm-1 8K
6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 20 25 30 35 40 45 50 55 60
Raman shift (cm-1) Raman shift (cm-1)
a) b)
M 9 K 80 K
20 K 70 K
60 K 50 K
100 K 40 K
30 K
Raman intensity (arb. units)
Raman intensity (arb. units)
20 K
15 K P
10 K
Ei // b & Es // b Ei // c & Es // c
10 15 20 25 10 20 30 40 50 60 70
Raman shift (cm-1) Raman shift (cm-1)
Figure 6.19 – Dépendance en température entre 10 et 100 K des spectres Raman de basses
énergies, obtenus en configuration X ∗ (Y Y )X̄ ∗ (a) et X ∗ (ZZ)X̄ ∗ (b).
10
8T
8 6T
Raman intensity (arb. units)
4T
6
2T
4 1T
0T
2
Ei // c & Es // c
0
20 40 60
-1
Raman shift (cm )
Figure 6.20 – Spectres Raman à 10 K des basses énergies sur la lame Y en configuration
X ∗ (ZZ)X̄ ∗ entre 0 et 8 T.
échantillon dont la surface est dans le plan (a,b) ce sont les seules configuration où toutes les symétries sont
sélectionnées (et en particulier la symétrie A1 qui contient la symétrie d’ordre 3).
Chapitre 7
Deux composés de type II : CaMn7O12 et
TbMnO3
7.1 Introduction
Un couplage direct entre l’ordre magnétique et la ferroélectricité a été démontré dans
de nombreux matériaux multiferroïques dits de type II ou "magnéto-électriques", dans les-
quels la ferroélectricité apparaît lors d’une transition magnétique (voir Chapitre 1). C’est le
cas par exemple dans TbMn2 O5 [Hur, 2004], Ni3 V2 O8 [Lawes, 2005] ou MnWO4 [Taniguchi,
2006]. Cependant, la polarisation ferroélectrique induite magnétiquement dans ces matériaux
a tendance à être de faible intensité (de l’ordre de 100 µC.m−2 ) et la température de tran-
sition magnétique est généralement très basse et bien en dessous du point d’ébullition de
l’azote liquide 1 , ce qui restreint les applications technologiques de ces composés. Quelques
rares matériaux multiferroïques magnéto-électriques, comme les hexaferrites [Kimura, 2005]
ou CuO [Kimura, 2008], présentent un ordre électrique polaire à des températures proches de
la température ambiante. Cependant l’intensité des polarisations ferroélectriques qui y ap-
paraissent sont très faibles par comparaison à celles qui apparaissent dans les multiferroïques
de type I (comme BiFeO3 par exemple où la polarisation est de l’ordre de 10 000 µC.m−2 .
Deux matériaux de type II sont cependant très prometteurs et présentent des ordres fer-
roélectriques avec des polarisations importantes : la manganite de Terbium, TbMnO3 , qui
présente une polarisation de 800 µC.m−2 en dessous de 40 K [Kimura, 2003] et la quadruple
manganite de calcium CaMn7 O12 dans laquelle une ferroélectricité "géante" de 2870 µC.m−2
induite magnétiquement à 90 K a très récemment été découverte [Johnson, 2012]. Ces compo-
sés, dans lesquels la ferroélectricité est induite par des ordres magnétiques frustrés complexes,
sont également des candidats de choix pour l’étude de la frustration magnétique et de son
influence dans l’apparition d’une ferroélectricité "géante".
C’est sur ces deux matériaux, qui présentent un fort couplage magnéto-électrique et dans
lesquels des électromagnons (excitations hybrides magnéto-électriques) ont été observés et/ou
prédits [Pimenov, 2006a, Chupis, 2007, Lu, 2012], que porte ce chapitre. La première partie
se concentrera sur l’étude de CaMn7 O12 dans sa forme monocristalline et en particulier sur
1. Les températures de Néel magnétiques de ces composés sont en général en dessous de 30 K
194
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 195
les excitations de basses énergies où nous observons deux modes d’électromagnons. Dans
la seconde partie, je présenterai les expériences préliminaires pour suivre l’évolution des
électromagnons de TbMnO3 sous champ électrique et sous pression.
Mn3+
A sites
Ca2+
Mn3.25+ B sites
O2- O sites
Dans cette structure R3̄, les manganèses occupent trois types de sites inéquivalents, de
symétries différentes. Les ions Mn1 occupent des sites de symétrie 1̄ aux positions de Wyckoff
9e et occupent un tiers des sites A de la structure pérovskite (le tiers restant étant occupé
par les ions calcium). Les ions Mn2 et Mn3 occupent les sites B de la structure pérovskite
pseudo-cubique, de symétries 1̄ et 3̄, aux positions de Wyckoff 9d et 3b respectivement. Ils
occupent le centre des octaèdres d’oxygène et sont arrangés selon des plans triangulaires
(Mn2 , Mn3 ) empilés selon l’axe c, représentés en Figure 7.2.a, entre lesquels des plans (Mn1 ,
Ca), représentés en Figure 7.2.c, sont intercalés 3 . A température ambiante, les ions Mn1
portent une charge de +3 tandis que les ions Mn2 et Mn3 sont de valence mixte +3.25 [Zhang,
2011]. La correspondance avec la structure cubique précédente et la représentation dans la
maille pseudo-cubique est montrée en Figures 7.2.b et 7.2.d.
Une transition supplémentaire, isotructurale, vers un ordre de charge intervient à 250 K.
Les orbitales électroniques autour des manganèses des sites B ne sont plus équivalentes et
les ions Mn2 et Mn3 acquièrent des valences nominales de +3 et +4, respectivement [Perks,
2012]. L’arrangement structural de ces différentes orbitales tourne autour de l’axe de symétrie
d’ordre 3 (axe c) d’un plan (a,b) à l’autre, ce qui laisse le groupe de symétrie de la structure
inchangé.
Cette onde de densité de charge, qui modifie les longueurs des liaisons formées entre les
Mn2,3 avec leurs voisins, génère ainsi une modulation structurale le long de l’axe c dont les
3. Les plans (Mn1 , Ca) et (Mn2 , Mn3 ) ne sont pas représentés sur les mêmes figures pour plus de lisibilité
mais ils sont intercalés le long de l’axe c : les ions Ca2+ sont situés en dessous et au dessus des ions Mn3
selon l’axe c, tandis que les positions des Mn1 se superposent à celles des Mn2 .
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 197
détails sont donnés en référence [Perks, 2012]. Cette modulation, hélicoïdale, est incommen-
surable et a pour vecteur de propagation qC ' (0, 0, 2.077).
c
a) z = z0 plane b)
z = z0+1 plane
a z = z0+2 plane
c z = z0+2 plane z = z0+1 plane
1 c
c) z = z0+ plane d)
2 3
z = z0+ plane
2
Mn3
Mn2
b
Mn1
5
Ca2+ a z = z0+ plane
5 2
O2- z = z0+ plane 3
c 2 z = z0+ plane
2
Magnétisme
Le Manganèse étant une espèce magnétique, les ions Mn3+ (3d4 , S = 2, L = 2) et Mn4+
(3d , S = 32 , L = 3) sont responsables de l’apparition d’un ordre magnétique. La structure en
3
plans triangulaires décrite plus haut est responsable de l’apparition d’un magnétisme frustré
donnant lieu à des propriétés complexes. En effet, deux transitions d’origine magnétique
surviennent successivement à TN 1 = 90 K et TN 2 = 48 K [Przeniosło, 1999,Sánchez-Andújar,
2009].
A 90 K, CaMn7 O12 transite vers une première phase antiferromagnétique, que nous ap-
pellerons AFMI , et dans laquelle les spins des différents sous-réseaux de Manganèse (Mn1 ,
Mn2 et Mn3 ) s’ordonnent perpendiculairement à l’axe c de la maille hexagonale. Cet ordre
magnétique anisotrope, où les spins sont confinés dans les plans (a,b), est représenté en Fi-
gure 7.3.b. Les positions superposées des différents ions Mn1 , Mn2 et Mn3 sont également
montrés (Fig. 7.3.a) pour servir de repère visuel pour le lecteur.
Dans chacun des plans triangulaires (Mn2 , Mn3 ), les spins des Mn2 sont parallèles entre
eux, ainsi que ceux des Mn3 , formant deux sous-réseaux magnétiques. Les moments des Mn1 ,
situés dans les plans (Ca, Mn1 ), sont, quant à eux, tous parallèles entre eux dans chacun des
plans [Johnson, 2012].
Ces spins tournent de 124◦ d’un plan au suivant, formant une modulation hélicoïdale
incommensurable dont la périodicité le long de l’axe c est deux fois plus petite que celle de
l’onde de densité de charge (λM = 2λC ). Il semble donc que la modulation de densité de
charge présente dans la phase paramagnétique en dessous de 250 K verrouille la direction
de la modulation magnétique qui apparaît en dessous de TN 1 [Perks, 2012]. Les mesures
neutrons sur poudre de la référence [Johnson, 2012] ont, de plus, déterminé que ces hélices
de spin se propagent selon le vecteur de propagation k1 = (0, 1, 0.963) (exprimé dans la
base hexagonale).
Les spins de chacune des hélices sont orientés comme ceux des hélices voisines (au sein
d’un même plan), ce qui a pour conséquence que la symétrie globale de la structure magné-
tique de CaMn7 O12 est Γ3 [Perks, 2012] comme mis en évidence par le triangle tracé en gras
en Figure 7.3.b.
En dessous de TN 2 = 50 K, une seconde transition magnétique, vers la phase que nous
noterons AFMII , intervient. Dans cette phase, une modulation supplémentaire des spins dans
les plans (a,b) apparait, le vecteur de propagation des hélices magnétiques se dédouble et
on observe deux directions de propagations données par k2 = k1 − (0, 0, δ) = (0, 1, 0.880)
et k3 = k1 + (0, 0, δ) = (0, 1, 1.042) [Johnson, 2012]. Ces deux vecteurs d’onde, proches
l’un de l’autre, conservent la direction de propagation privilégiée imposée lors de la première
transition à 90 K et donnée par k1 = (0, 1, 0.963). Ce dédoublement est en accord avec
les résultats de la référence [Sławiński, 2012] qui prédit un vecteur d’onde moyen constant à
travers les deux phases et qui décrit la modulation magnétique supplémentaire dans la phase
AFMII comme un mode de battement de l’ordre magnétique de la phase AFMI . L’origine
d’une telle phase magnétique complexe demeure obscure mais ses propriétés de symétrie, en
particulier en ce qui concerne la chiralité, semblent être très similaires à la phase magnétique
de plus hautes températures.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 199
a) b) Mn3 (Mn4+)
Mn2 (Mn3+)
Mn1 (Mn3+)
b
Mn3 (Mn4+)
Mn2 (Mn3+) z = z0 plane
a 3
z = z0+ plane
Mn1 (Mn3+) 2
z = z0+2 plane
c
Figure 7.3 – (a) Vues, superposées le long de l’axe c, des différents plans des Figures 7.2.a
et 7.2.c, (b) structure magnétique dans le plan (a,b). Les spins associés aux différents sites
Mn1 , Mn2 et Mn3 sont représentés en vert, bleu et rose respectivement.
La nature à la fois polaire et magnétique des ordres hélicoïdaux qui apparaissent à 250
puis 90 K et leur intrication, suggérée par la symétrie et la périodicité le long de l’axe c de
ces deux ordres, rend possible l’existence d’électromagnons (excitations hybrides magnéto-
électriques), suggérées en références [Lu, 2012, Chaix, 2013]. Notre dispositif expérimental
permettant d’atteindre de très basses énergies, nous avons pu observer ce couplage sous la
forme de deux excitations larges de basse énergie, aux alentours de 50 et 30 cm−1 , appa-
raissant respectivement en dessous de TN 1 = 90 K et TN 2 = 50 K. De plus, des mesures
très récentes de spectroscopie THz, rapportées en référence [Kadlec, 2014], confirment ces
résultats et les auteurs attribuent également ces excitations à des électromagnons.
Nous observons que le polissage induit effectivement de fortes contraintes et que les modes
de phonons mesurés après polissage (spectre du haut, en rouge) sont beaucoup plus larges
et moins définis qu’avant polissage.
J’ai donc cherché à élaborer une technique de préparation de la surface qui n’abîme pas
la structure fragile de ces échantillons tout en les rendant mesurables en Raman à basse
énergie. Le nettoyage de la surface aux ultrasons ayant également un effet sur les phonons
j’ai opté pour un nettoyage de la surface à l’acétone.
La Figure 7.6 présente les spectres Raman de basses énergies obtenues sur différents
échantillons. Les spectres du haut (échantillons J, H, L, S et K) correspondent à des échan-
tillons non polis nettoyés à l’acétone, les échantillons J, H, L et S ayant été laissés en bain
d’acétone sans frotter et l’échantillon K (spectre en noir) ayant simplement été nettoyé à
l’aide d’un morceau de papier optique imbibé d’acétone. Nous voyons que la partie de basse
énergie (en dessous de 100 cm−1 environ) semble être affectée par cette préparation et qu’on
observe une remontée à basses énergies d’autant plus importante que l’échantillon a été
en contact avec l’acétone longtemps. Il est probable qu’en s’évaporant, l’acétone accélère
l’oxydation de la surface des échantillons. Notons d’ailleurs à cet effet que lors de nouvelles
mesures effectuées 3 mois plus tard sur les échantillons non préparés laissés à l’air sec j’ai
obtenu des spectres Raman de basses énergies similaires à ceux des échantillons J, H, L et S
202 7. DEUX COMPOSÉS DE TYPE II : CaMn7 O12 ET TbMnO3
Polished
Unpolished
Raman intensity (arb. units)
de la Figure 7.6.
J’ai donc finalement choisi de mesurer des échantillons sans aucune préparation préalable.
Pour cela j’ai sélectionné des échantillons les plus propres possibles, sans traces de flux ni
aspérités. Les spectres en bleu et vert de la Figure 7.6 correspondent aux spectres Raman
de basse énergie mesurés sur les échantillons non préparés P et 2 (voir Fig. 7.4.e et 7.4.j).
Nous observons la disparition de la remontée quasi-élastique et l’émergence d’excitations de
basse énergie.
Les mesures qui sont présentées par la suite ont été effectuées sur l’échantillon 2, montré
en Figure 7.4.j, qui présentait le signal à basse énergie de plus grande intensité.
J
H
L
Raman intensity (arb. units) S
K
P
2
Figure 7.6 – Spectres Raman de basses énergies obtenus à 4K sur différents échantillons
(en 2400s) en configuration de polarisations parallèles. On remarque que deux échantillons
(P et 2) présentent du signal à basses énergies.
contribution Gaussienne dûe au spectromètre. Lors de ces mesures, la fente d’entrée du spec-
tromètre était ouverte de 90 µm, ce qui correspond à une résolution de 0.9 cm−1 de largeur
à mi-hauteur [Buhot, 2015b]. J’ai ajusté chacune des excitations par une fonction Voigt en
imposant la largeur de la contribution gaussienne à 0.9 cm−1 . Le résultat de ces ajustements
est tracé en Figure 7.7 et les paramètres sont donnés en Table 7.1. Nous observons que la
largeur donnée par le fit Lorentzien simple est très proche de celle extraite de la fonction
Voigt, ce qui est attendu car la largueur des excitations est très supérieure à la résolution
du spectromètre dans cette configuration.
Raman spectrum 4K
Voigt peak 1
Voigt peak 2
Raman intensity (arb. units)
Fit
Baseline
10 20 30 40 50 60 70
-1
Raman shift (cm )
Figure 7.7 – Spectre Raman de basses énergies de référence à 4 K (en configuration de po-
larisations parallèles), obtenu en 20 heures d’acquisition. La ligne rouge continue correspond
à l’ajustement du spectre par la somme de deux fonctions Voigt correspondant à chacune
des deux excitations et tracées respectivement en pointillés en vert et en bleu.
Table 7.1 – Paramètres des ajustements des deux excitations de basse énergie dans
CaMn7 O12 par deux fonction Lorentziennes puis par deux fonctions Voigt en imposant une
largeur à mi-hauteur de 0.9 cm−1 pour la contribution gaussienne (résolution instrumentale).
Ajustement lorentzien simple
Paramètre Valeur (pic 1) Erreur (pic 1) Valeur (pic 2) Erreur (pic 2)
Centre (cm−1 ) 24.88295 0.25308 46.74649 0.13733
FWMH (cm−1 ) 11. 69502 1.312 13.19989 0.69116
Ajustement Voigt
Paramètre Valeur (pic 1) Erreur (pic 1) Valeur (pic 2) Erreur (pic 2)
Centre (cm−1 ) 24.899 0.22229 46.60576 0.12832
FWMH Lorentz. (cm−1 ) 11.60731 0.81501 13.13112 0.51613
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 205
disparaît à la première transition à TN 2 tandis que la seconde, à 47 cm−1 ne disparaît qu’à
TN 1 .
On peut voir en Figure 7.9.a que, dans la phase AFMII (en bleu), les énergies des deux pics
augmentent avec la température. L’énergie du pic de plus haute énergie qui subsiste au delà
s’ammollit légèrement en température dans la phase AFMII . Concernant les largeurs spec-
trales de ces excitations, elles augmentent avec la température, ce qui est un comportement
classique (Fig 7.9.b).
La disparition à TN 2 de l’excitation de plus basse énergie montre que cette excitation
est liée à la modulation magnétique supplémentaire qui apparaît dans la phase AFMII à
basses températures, et donc au battement de l’ordre magnétique (Cf. [Sławiński, 2012]. Il
apparaît alors clairement que, si ces excitations sont bien des excitations magnéto-électriques
hybrides [Lu, 2012, Chaix, 2013], l’ordre AFMII qui apparaît en dessous de TN 2 a un impact
sur le couplage entre le magnétisme et l’ordre polaire.
150K
110K
90K
80K
Raman intensity (arb. units)
70K
60K
50K
40K
30K
20K
10K
20 40 60 80 100
Raman shift (cm-1)
a) 55 b) 35
AFMII AFMI AFMII AFMI
Raman wavenumber (cm-1)
50
30
45
FWHM (cm-1)
25
40
20
35 Peak 1 (low)
Peak 2 (high)
15
30
Peak 1 (low)
10 Peak 2 (high)
25
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100
Temperature (K) Temperature (K)
Figure 7.9 – Dépendance en température de 10 à 150 K du vecteur d’onde (a) et de la
largeur spectrale à mi-hauteur (b) des ajustements des deux excitations de basse énergie.
Discussion
Ces résultats ont depuis été confirmés par les mesures de spectroscopie THz et de diffusion
de neutrons inélastiques sur des échantillons polycristallins par Kadlec et al. qui retrouvent
également deux excitations à 28 et 48 cm−1 (6 et 10 meV), ce qui est cohérent avec nos me-
sures, et de largeurs spectrales similaires. Cependant, la première excitation correspondrait
d’après eux à une excitation double (à 27 et à 28 cm−1 ). La qualité de notre signal Raman
ne nous permet pas ici de résoudre deux pics.
Ils observent également des plages d’existence en température différentes pour les trois
excitations : celle à 48 cm−1 apparaît dès 90 K tandis qu’ils n’observent celle(s) à 28 cm−1
qu’en dessous de 50 K. Des mesures sous champ magnétique de ces excitations montre que
celles à 48 et 28 cm−1 durcissent légèrement (1 cm−1 ) sous l’effet d’un champ magnétique de
0 à 7 T, tandis que celle à 27 cm−1 s’amollit (1.5 cm−1 ). Ils observent également l’émergence
de deux nouveaux modes aux atour de 30 et 55 cm−1 [Kadlec, 2014].
Lors de nos mesures de spectroscopie Raman, je n’ai observé ces excitations que lorsque les
polarisations de la lumière incidente et diffusée étaient parallèles entre elles. Ne connaissant
pas les orientations des surfaces que j’ai mesurées 5 cela ne permet pas de déduire avec
certitude les symétries de ces excitations, mais on peut néanmoins retenir ces règles de
sélection empiriques pour plus tard.
5. Il s’agit a priori de faces pseudo-cubiques, donc d’une orientation (aP C ,bP C ), (aP C ,cP C ) ou (bP C ,cP C ).
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 207
7.2.4 Conclusions et Perspectives
Pour la première fois, grâce à la spectroscopie Raman, nous avons exploré les excita-
tions de basses énergies de CaMn7 O12 à travers les différentes phases magnétiques de basses
températures.
Nous avons observé deux excitations de basse énergie dans CaMn7 O12 qui ont des ca-
ractéristiques pouvant indiquer qu’il s’agirait d’électromagnons : leurs énergies ainsi que
leurs largeurs spectrales sont très similaires à celles observées pour les électromagnons de
TbMnO3 [Chupis, 2007,Pimenov, 2009,Rovillain, 2012]. Nous les observons à 25 et 47 cm−1 .
Leur suivi en température à travers les deux phases magnétiques montre que l’excitation de
plus haute énergie disparaît à la transition magnétique de plus haute température (90 K)
qui est celle de l’apparition de la ferroélectricité. En revanche, celle de plus basse énergie
disparaît à la seconde transition magnétique à 48 K indiquant un couplage avec les batte-
ments de l’ordre magnétique qui apparaissent alors [Sławiński, 2012]. Ces résultats ont été
confirmés par les mesures récentes de la référence [Kadlec, 2014].
Des études expérimentales supplémentaires de ces excitations en les soumettant à des
champs magnétiques et électriques, seraient très intéressantes à mener pour confirmer leur
nature.
Bien que nous disposions d’un cryostat et d’une bobine permettant d’atteindre 10 T à
basses températures, le montage expérimental associé ne nous permet à ce jour d’obtenir
qu’un spot laser de 100 µm de diamètre environ, ce qui n’est pas adapté, compte tenu de
la petite taille des cristaux de CaMn7 O12 synthétisables [Johnson, 2012]. Le développement
d’un montage optique similaire à celui utilisé pour la pression sera alors indispensable pour
l’étude de CaMn7 O12 sous champ magnétique.
En ce qui concerne les mesures sous champ électrique, compte tenu de l’extrême sensibi-
lité des échantillons (cf Figures 7.5 et 7.6), il est vraisemblable que le dépôt d’un conducteur
transparent, par exemple de l’ITO comme cela a été fait pour BiFeO3 en référence [Ro-
villain, 2010], soit extrêmement délicat. Cependant, des mesures plus qualitatives avec un
contact simple et des mesures Raman avec le spot laser très proche du contact (comme celles
présentées en section 7.3.2 de ce chapitre) permettraient déjà d’avoir une première idée du
comportement des excitations de basse énergie sous champ électrique et de nous donner des
informations sur le couplage magnéto-électrique dans CaMn7 O12 .
208 7. DEUX COMPOSÉS DE TYPE II : CaMn7 O12 ET TbMnO3
a) b)
Tb3+
Mn3+
c O2-
b
c
b
a a
Figure 7.10 – Structure cristalline de TbMnO3 (a) vue en trois dimensions, (b) vue planaire
perpendiculairement à l’axe c. Les chemins d’échange Mn-O-Mn à l’intérieur des plans (a,b)
sont représentés en pointillés verts.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 209
Propriétés magnétiques
Le Manganèse et le Terbium étant toutes deux des espèces magnétiques, TbMnO3 transite
successivement à travers trois phases magnétiques à basses températures, deux étant dûes
à l’ordonnancement des moments magnétique des manganèses et la dernière à celui des
moments du Terbium.
En dessous de TN 1 = 42 K, les spins des ions Mn3+ s’ordonnent antiferromagnétique-
ment et forment une structure magnétique sinusoïdale incommensurable modulée le long
de l’axe b avec pour vecteur de propagation (0, qM , 0) avec qM = 0.29 [Quezel, 1977, Ka-
jimoto, 2004]. Cette structure sinusoïdale, représentée en Figure 7.11.a, est une structure
antiferromagnétique de type A, c’est à dire que chaque spin est entouré de 4 premiers voisins
alignés dans un plan (en l’occurrence le plan (a,b)) et de deux premiers voisins anti-alignés
perpendiculairement à ce plan (cf. Chapitre 1).
A TN 2 = 28 K, la structure magnétique se complexifie et subit une modulation supplé-
mentaire le long de l’axe c, passant d’une structure magnétique colinéaire à une structure
magnétique non-colinéaire, ce qui met en compétition les interactions entre premiers et se-
conds voisins [Kajimoto, 2004]. Les spins des ions Mn3+ tournent alors dans le plan (b,c) et
forment une cycloïde incommensurable, représentée en Figure 7.11.b, qui se propage le long
de l’axe cristallin orthorhombique b. Lors de cette transition d’une sinusoïde à une cycloïde
incommensurable, le vecteur d’onde de la modulation magnétique diminue et sa norme dans
la phase cycloïdale vaut qM = 0.27 [Kajimoto, 2004, Kenzelmann, 2005].
En dessous de TTNb = 7 K, un nouvel ordre magnétique, dû à l’organisation des spins
du Terbium, apparaît [Quezel, 1977]. Les moments magnétiques des ions Tb3+ s’ordonnent
antiferromagnétique et s’alignent le long de l’axe a pour former un ordre colinéaire de quasi-
longue portée 6 se propageant le long de l’axe b et ayant pour vecteur de propagation kT b = (0,
0.42, 0) [Kajimoto, 2004, Kenzelmann, 2005]
6. C’est à dire que la cohérence de cet ordre ne subsiste qu’à un niveau quasi-local (plusieurs mailles
élementaires) et disparaît à l’échelle du cristal.
210 7. DEUX COMPOSÉS DE TYPE II : CaMn7 O12 ET TbMnO3
c
a
b
a
c
b
cc
P
aa
bb
a
c
b
cc
P
aa
bb
a
c
b
T < 7K
Figure 7.11 – Ordres magnétiques dans TbMnO3 : (a) ordre antiferromagnétique sinusoïdal
des spins des ions manganèse se propageant le long de l’axe b (à T<TN 1 = 42 K), (b)
cycloïde elliptique dans le plan (b,c) (pour T<TN 2 = 28 K) et (c) ordre antiferromagnétique
de quasi-longue portée le long de l’axe a des moments des ions terbium (en dessous de 7 K).
La polarisation ferroélectrique apparaît le long de l’axe c en dessous de TN 2 .
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 211
a) b) b)
TN2 TN1 TN2 TN1
Polarisation, P(μC.m2)
Polarisation, P(μC.m2)
10 kHz Pc
Dielectric constant, ε
Dielectric constant, ε
800
35
600
30 εc
400
25
εa 200 Pb
εb Pa
0
0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50
Temperature (K) Temperature (K)
Figure 7.12 – Figure extraite de la référence [Kimura, 2003] : mesures (a) de la constante
diélectrique et (b) de la polarisation électrique le long des trois axes cristallographiques, au
passage des transitions magnétiques.
50
TN1
paramagnetic H//a 50
TN1 paramagnetic H//b 50
TN1 paramagnetic H//c
Temperature (K)
Temperature (K)
Temperature (K)
40 40 40
incommensurate AF incommensurate AF incommensurate AF
TN2 TN2
30 30 30 TN2
long-wavelength long-wavelength long-wavelength
20 ferroelectric 20 nearly-lock-in AF 20 nearly-lock-in AF
nearly-lock-in AF canted AF
ferroelectric ferroelectric
TC2
10 (P//c) (P//a) 10 10 ferroelectric paraelectric
TTb (P//c) (P//a) (P//c)
0 0
0 5 10 0 5 10 0 5 10
Magnetic Field (T) Magnetic Field (T) Magnetic Field (T)
Des mesures de diffraction inélastique de neutrons sous champ magnétique ont mon-
tré que, dans la phase cycloïdale (en dessous de 28 K), le basculement de la polarisation
ferroélectrique de l’axe c à l’axe a (Pc 7→ Pa ) s’accompagne du basculement simultané du
plan de rotation des spins de la cycloïde du plan (b,c) au plan (a,b) [Aliouane, 2009]. La
cycloïde perd alors son incommensurabilité et devient commensurable avec le réseau [Arima,
2005, Aliouane, 2006].
Les mesures de diffusion de neutrons polarisés effectuées par Yamasaki et al. ont, de plus,
montré que le signe de la polarisation électrique le long de l’axe c dépend de la chiralité
magnétique de l’ordre cycloïdal [Yamasaki, 2007, Yamasaki, 2008]. La direction, le sens et la
norme de la polarisation ferroélectrique et l’ordre magnétique sont donc fortement liés.
Notons également que l’indice de réfraction du milieu dans la phase paraélectrique au
delà de 8 T peut être modulé par une variation d’intensité du champ magnétique appliqué,
ce qui rend TbMnO3 potentiellement intéressant pour des applications optoélectroniques de
type interrupteur optique [Pimenov, 2006a].
7. donc beaucoup plus intenses que les interactions d’échange de type Dzyaloshinskii-Moriya prévues par
Katsura et al.
214 7. DEUX COMPOSÉS DE TYPE II : CaMn7 O12 ET TbMnO3
ΔV
silver paint
TbMnO3 E
SiO2 - Silica
Figure 7.15 – Schéma du dispositif pour appliquer un champ électrique à travers l’échan-
tillon, le long de l’axe c.
Afin d’appliquer un champ électrique uniforme sur nos échantillons, nous les avons en-
voyés dans l’équipe de Manuel Bibès de l’Unité Mixte de Recherche CNRS-Thalès pour qu’un
film conducteur d’oxyde d’indium-étain (ITO), transparent dans le visible (ce qui est indis-
pensable pour nos mesures optiques), y soit déposé, comme cela avait été précédemment
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 215
réalisé pour les mesures sous champ électrique de la ferrite de bismuth [Rovillain, 2010].
Le schéma du dispositif que nous souhaitions implémenter est représenté en Figure 7.15 :
l’échantilon est collé sur un support isolant à l’aide de laque d’argent (conductrice) et deux
électrodes, connectées au dos de l’échantillon via la laque d’argent et à sa surface via le dépôt
d’ITO, permettent de faire passer un champ électrique à travers l’échantillon. L’épaisseur de
l’échantillon est de 45 µm, afin d’éviter la relaxation du champ électrique, et a été obtenue
par polissage de la face arrière des échantillons.
Une difficulté expérimentale inattendue est apparue lors des étapes de dépôt. La Figure
7.16.a montre une photographie au microscope optique de l’un des échantillons après dépôt
d’ITO. Comme nous le voyons, l’état de surface du dépôt est craquelé et peu propice aux
mesures optiques. Il s’est avéré que nous n’observions pas le signal Raman des électromagnons
à basses énergies avec le dépôt d’ITO. J’ai donc nettoyé mes échantillons (Fig 7.16.b) et
remesuré les basses énergies : les deux électromagnons, mesurés précédemment par Rovillain
et al. étaient de nouveau bien présents (Fig. 7.17) après suppression du dépôt.
a
a) b)
Figure 7.16 – Photo de l’un des échantillons avec le dépôt d’ITO craquelé (a) et après
nettoyage (b).
Voulant tout de même avoir une première idée du comportement des électromagnons
sous champ électrique, j’ai contacté localement et directement la surface de mon échantillon
de TbMnO3 ainsi nettoyé avec un fil d’or et de la laque d’Argent. Bien évidemment ce
montage permet seulement d’appliquer un champ électrique en un point (celui du contact).
Afin de travailler dans une zone où le gradient de champ est raisonnable, j’ai travaillé avec
le spot laser aussi proche du contact que le montage me le permettait 8 . Ces mesures, certes
qualitatives mais néanmoins informatives, sont présentées dans le paragraphe suivant.
Pour ces mesures, nous avons utilisé le cryostat ARS à circuit fermé décrit en Chapitre
3. Le spectromètre Jobin-Yvon T64000 est utilisé en configuration triple soustractive et le
laser utilisé est un laser solide Oxxius Slim, émettant à 561.3 nm, filtré en réflexion par un
filtre Optigrate Notch Filter afin d’en éliminer les raies parasites.
8. c’est à dire que le cercle de 100 µm de diamètre environ du spot laser était tangent au contact, afin de
ne pas mesurer la diffusion élastique dûe à la laque d’argent du contact.
216 7. DEUX COMPOSÉS DE TYPE II : CaMn7 O12 ET TbMnO3
Résultats
La Figure 7.17 montre le spectre Raman de référence à 9 K obtenu à champ nul, en 40
minutes d’acquisition, après nettoyage de l’ITO. On observe bien deux excitations larges
centrées respectivement en 31.4 et 64.1 cm−1 , d’une largeur spectrale d’environ 28 cm−1 , qui
peuvent être ajusté par des fonctions Voigt. Ces excitations correspondent parfaitement à
celles mesurées précédemment par Rovillain et al. [Rovillain, 2012].
TbMnO3 9K (0V)
Voigt peak 1
Raman intensity (arb. units)
Voigt peak 2
Total Voigt Fit
Baseline
0 40 80 120
-1
Raman shift (cm )
Figure 7.17 – Spectre Raman de basses énergies de référence à 9 K et à champ nul. La ligne
rouge continue correspond à l’ajustement du spectre par la somme de deux fonctions Voigt
correspondant à chacune des deux excitations et tracées respectivement en pointillés en vert
et en bleu.
Les spectres Raman de basses énergies obtenus à 9 K lors de l’application du champ élec-
trique avec notre montage sont montrés en Figure 7.18.a. Les deux excitations ont été ajus-
tées, pour chaque spectre, et les dépendances en champ de l’énergie de ces deux excitations,
ainsi obtenues, sont montrées en Figures 7.18.b et 7.18.c ; les barres d’erreur correspondent
aux erreurs numériques sur l’ajustement.
A partir de ces première données, on peut donc déjà obtenir les informations suivantes :
tout d’abord, les deux électromagnons sont bien sensibles à l’application d’un champ élec-
trique (en l’occurrence, le long de l’axe c). Leur décalage en énergie, ensuite, où l’excitation
de plus basse énergie ramollit d’environ 8-10 cm−1 tandis que celle de plus haute énergie
durcit légèrement de 2-3 cm−1 , semble, à première vue, analogue à celui observé sous champ
magnétique par Rovillain et al. dans la référence [Rovillain, 2012].
9. Notons que la différence de potentiel appliquée ne correspond pas à la différence de potentiel (et donc
au champ électrique) vu(e) par l’échantillon à l’endroit de la mesure Raman mais à l’endroit du contact, et
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 217
a) b) 34
500 V
480 V Low energy peak
32
460 V
280 V
260 V 22
240 V
220 V 20
200 V 0 100 200 300 400 500
180 V
160 V Applied voltage (V)
140 V
120 V c) 70
100 V
80 V
60 V
40 V
Raman shift (cm-1)
35 V 68
30 V
24 V
20 V
16 V 66
12 V
8 V
4 V
2 V
1 V 64
High energy peak
0 V
Nous avons donc d’ores et déjà la certitude, grâce à ces résultats préliminaires, que
l’application d’un champ électrique a une influence sur les électromagnons. Des mesures
où la différence de potentielle effective appliquée à travers l’échantillon (et donc le champ
électrique effectif) est contrôlée, ainsi que des mesures le long des différents axes cristallins
seraient extrêmement intéressantes à mener puisque ces premières mesures confirment le
contrôle électrique possible de ces excitations.
Préparer des échantillons pour un montage pression est un travail minutieux. En raison
de la faible taille de la chambre de pression 10 (350 µm dans le cas de notre cellule) et de
la faible épaisseur du joint délimitant latéralement cette chambre (70 µm), il est nécessaire
d’avoir des échantillons dont la taille n’excède pas la moitié de celle de la chambre, soit
environ 120 µm et dont l’épaisseur de dépasse pas les 40 µm afin de garantir une bonne
hydrostaticité.
A partir d’échantillons de taille millimétrique (3.5 mm) j’ai découpé un échantillon plus
petit, montré en Figure 7.20.a, en conservant l’orientation des axes cristallins, que j’ai ensuite
affiné à 40 µm d’épaisseur en polissant sa face arrière 11 .
Une fois affiné à l’épaisseur voulue, j’ai redécoupé cet échantillon afin d’obtenir des échan-
tillons d’une surface de taille convenable pour tenir dans la chambre de la cellule de pression.
La photographie au microscope optique de ces différents échantillons est montrée en Figure
7.20. L’échantillon TbMnO3 (a) ayant la taille la plus adaptée (il présente en effet une lon-
gueur maximale de 120 µm et une surface suffisamment large pour pouvoir faire des mesures
en plusieurs points de la surface si nécessaire) c’est celui que j’ai retenu pour la suite de
l’expérience.
a) 100 μm b) 100 μm
a sample (a) (e) (g)
TbMnO3 c
Figure 7.20 – Deuxième étape de découpe des échantillons. (a) échantillon avant découpe
et (b) reconstitution après découpe. Les axes cristallins (a,c) sont indiqués en rouge en (a)
ainsi que les axes propres des échantillons en bleu clair.
Ei // a & Es // a
Ei // c & Es // c
Raman intensity (arb. units)
Ei // c & Es // a
Ei // a & Es // c
Figure 7.21 – Spectre Raman à 4 K et à pression nulle de l’échantillon TbMnO3 (a) dans
les différentes configurations de polarisation.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 221
Un spectre Raman de référence des basses énergies, obtenu à 4 K en 10h d’acquisition
(et mesuré dans la configuration de polarisation ou les champs électriques de la lumière
incident et de la lumière diffusée sont sélectionnés le long de l’axe a) est montré en Figure
7.22. L’ajustement de ce spectre donne deux excitations centrées en 22.56 et 66.54 cm−1 , qui
correspondent bien à celles observées avant la phase de préparation (polissage et découpe).
Reference 4K
Voigt peak 1
Voigt peak 2
Fit
Baseline
Raman intensity (arb. units)
0 20 40 60 80 100
Raman shift (cm-1)
Figure 7.22 – Spectre Raman de basses énergies de référence à 4 K et à pression nulle (dans
la configuration Ei //a et Es //a) obtenu en 10h d’acquisition. La ligne rouge continue corres-
pond à l’ajustement du spectre par la somme de deux fonctions Lorentziennes correspondant
à chacune des deux excitations et tracées respectivement en pointillés en vert et en bleu.
Afin de vérifier leur comportement en température, j’ai mesuré l’échantillon TbMnO3 (a),
au passage de la température de Néel magnétique et de Curie ferroélectrique : TN 2 =TC =28 K.
Trois spectres, à 4, 15 et 30 K, montrés en Figure 7.23, attestent bien de la disparition des
deux excitations magnéto-électriques au delà de TN 2 .
Montage expérimental
Après avoir été caractérisé, l’échantillon est déposé sur la surface du diamant inférieur
(Figure 7.24.a), ainsi que deux rubis ball qui serviront à mesurer la pression in-situ. Le
joint en acier, préalablement indenté et percé 12 est placé par dessus ainsi que le diamant
supérieur avant fermeture de la cellule (Figure 7.24.b). La cellule est ensuite chargée avec de
l’Argon gazeux (servant de milieu transmetteur pour la pression) à l’Institut de Minéralogie,
12. L’identation se fait en insérant le joint entre les deux diamants et en gonflant la membrane de la cellule
pour qu’il prenne la forme des diamants. Il est ensuite percé en son centre à l’aide de micro-forets pour
obtenir une chambre d’environ 350 µm de diamètre à pression ambiante (voir Figure 7.24.b).c.
222 7. DEUX COMPOSÉS DE TYPE II : CaMn7 O12 ET TbMnO3
Ei // a & Es // a
30K
15K
4K
Figure 7.23 – Dépendance en température des spectres Raman de basses énergie (dans la
configuration Ei //a et Es //a) au passage de la transition magnétique à 28 K.
Essais en cellule
Après chargement, la pression mesurée dans la cellule à l’aide de la fluorescence des
grains de rubis insérés dans la cellule en même temps que l’échantillon a une valeur d’en-
viron 0.3 GPa. La cellule, insérée dans le cryostat CryoMech développé spécialement pour
la contenir, est ensuite refroidie très progressivement, tout en injectant de l’hélium gazeux
dans la membrane afin d’y maintenir une pression constante. La pression à l’intérieur de la
chambre de la cellule augmente lors de la descente en température en raison de la contraction
du corps de la cellule.
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 223
a) b) c)
700 μm 350 μm
ruby ball 2
c ruby ball 1
metallic gasket
Figure 7.24 – Photos au microscope de l’échantillon TbMnO3 (a) déposé sur le diamant de la
cellule de pression (a), puis dans la cellule fermée, avant chargement (b) et après chargement
à l’Argon gaz (c). Deux ruby ball insérées avec l’échantillon serviront de manomètres in-situ.
2,0
1,8 Calculated pressure in-situ 694,2
Ruby �luorescence
1,6
694,0
1,4
Wavelength (nm)
Pressure (GPa)
1,2
693,8
1,0
0,8 693,6
0,6
0,4 693,4
0,2
0,0
0 50 100 150 200 250 300
Tempé rature (K)
Patm (4K)
1.86 GPa (3K)
Raman intensity (arb. units)
Ei // a & Es // a
Figure 7.26 – Spectre Raman à 3 K et à 1.86 GPa (dans la configuration Ei //a et Es //a)
et comparaison avec le spectre de référence à pression ambiante (en ligne pointillée).
Les pressions atteintes lors de ce premier test étant relativement faibles, nous étions
encore dans le domaine de réversibilité et la pression après réchauffement jusqu’à 300 K
était revenue à 0.35 GPa environ. Après sortie de cellule, j’ai re-mesuré les basses énergies
et vérifié la présence des deux électromagnons, indiquant que cet échantillon est réutilisable
pour refaire cette mesure. Contrainte par le temps à la fin de ma thèse, je n’ai pas pu refaire
cette mesure avec la membrane neuve, mais je suis convaincue que cette étude sous pression
apportera des résultats intéressants pour mieux cerner les propriétés des électromagnons
dans TbMnO3 .
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 225
7.4 Conclusions et Perspectives
Tout d’abord, nous avons pu observer par spectroscopie Raman, pour la première fois,
les excitations de basses énergies de CaMn7 O12 qui présentent toutes les caractéristiques
des électromagnons (domaine d’énergie, largeurs spectrales). Leur suivi en température nous
informe de plus, qu’elles ne semblent pas êtres régies par le même mécanisme. L’excitation
de plus basse énergie à 25 cm−1 disparaît lors de la première transition magnétique (à 48 K)
tandis que celle de plus haute énergie, à 47 cm−1 , disparaît en même temps que l’ordre
ferroélectrique à 90 K.
Les premières mesures des électromagnons dans TbMnO3 sous champ électrique nous
fournissent des informations intéressantes. Ils sont sensibles au champ électrique et leur
comportement semble à première vue analogue à celui observé lors de l’application d’un
champ magnétique [Rovillain, 2012].
En ce qui concerne l’étude de TbMnO3 sous pression hydrostatique, nous n’avons pas
pu observer la présence d’électromagnons sous pression. Il nous est, à ce jour, impossible
d’en tirer des conclusions car cette expérience n’a pas pu aboutir en raison de problèmes
techniques importants.
Les résultats obtenus dans ce chapitre gagneraient à être complétés et poursuivis par
d’autres mesures expérimentales. La poursuite des mesures déjà effectuées ou ébauchées ici
devrait être source de nombreuses informations. L’étude des excitations de basses énergies
dans CaMn7 O12 en connaissant l’orientation des cristaux nous permettrait de donner les
symétries de ces excitations et d’en mieux comprendre l’origine. Des études sous champ,
électrique et magnétique, de ces excitations, nécessiteraient le développement de montages
expérimentaux adaptés à la petite taille des échantillons mais pourraient fournir une étude
exhaustive du couplage magnéto-électrique dans CaMn7 O12 .
Concernant les mesures électriques sur TbMnO3 , le problème du dépôt d’ITO reste à
résoudre pour faire une mesure quantitative. Dans le cas où ce ne serait pas possible, une
caractérisation précise du gradient de fuite du champ électrique en l’absence de dépôt conduc-
teur transparent pourrait déjà nous permettre d’obtenir une information plus quantitative
concernant l’effet du champ électrique sur les excitations magnéto-électriques. De plus, le
développement d’un montage expérimental, compatible avec l’application d’un champ, avec
un spot laser de plus petite taille (comme c’est le cas pour les mesures pressions), permettrait
de se rapprocher du contact et donc d’atteindre des valeurs effectives de champ électrique
plus importantes.
Enfin, la poursuite des mesures de TbMnO3 sous pression, à travers la transition magnéto-
électrique rapportée en référence [Aoyama, 2014], permettrait suivre les électromagnons au
passage de cette transition et de mieux comprendre la nature du couplage magnéto-électrique
dans TbMnO3 .
Conclusion générale
A travers l’étude de six composés différents, le travail présenté dans ce manuscrit propose
une approche multilatérale des ordres et des couplages dans les matériaux multiferroïques.
Les mesures effectuées au cours de ces trois années de thèse et l’application de champs
extérieurs (contraintes, champs magnétiques et électriques, température) m’ont permis de
sonder les diagrammes de phases complexes des différents matériaux étudiés et d’apporter
des éléments pour une meilleure compréhension des mécanismes à l’œuvre dans ces composés.
La ferrite de bismuth, BiFeO3 , est l’un des rares matériaux à être multiferroïque à tem-
pérature ambiante où elle présente une importante polarisation ferroélectrique ainsi qu’un
ordre antiferromagnétique cycloïdal. Cette thèse présente une étude de la ferrite de bismuth
sous contrainte : sous contrainte épitaxiale sur des films minces synthétisés sur différents
substrats, d’une part, et sous pression hydrostatique sur des échantillons monocristallins,
d’autre part.
Dans les couches minces, la combinaison de nos mesures de spectroscopie Raman et de
mesures Mössbauer, associées à des calculs théoriques de Ginzburg-Landau et des simula-
tions de hamiltonien effectif, nous ont permis d’établir un diagramme de phase magnétique
de BiFeO3 sous contrainte épitaxiale. Une cycloïde de spins semblable à celle présente dans
le composé massif est observée dans les films faiblement contraints compressivement et une
cycloïde d’un nouveau type est observée pour de faibles contraintes épitaxiales en exten-
sion. Ces deux cycloïdes sont détruites pour des contraintes compressives et extensives plus
importantes et laissent place à des ordres antiferromagnétiques homogènes cantés à hautes
contraintes. Dans les échantillons où une cycloïde est présente, l’application d’un champ
magnétique permanent détruit l’ordre cycloïdal au profit d’un ordre antiferromagnétique ho-
mogène. Nous avons pu vérifier que les valeurs critiques du champ magnétique nécessaire
à la destruction de la cycloïde sont d’autant plus faibles que la contrainte épitaxiale est
importante, indiquant une cycloïde moins robuste.
Les mesures sous pression hydrostatique effectuées durant cette thèse sur des mono-
cristaux de ferrite de bismuth nous ont permis d’observer quatre transitions structurales
successives, depuis la structure rhomboédrique bien connue à pression ambiante jusqu’à une
structure orthorhombique de groupe d’espace Pnma à hautes pressions. La combinaison de
nos mesures avec des calculs de hamiltonien effectif ont permis d’étudier les phases ortho-
rhombiques intermédiaires et de déterminer que les transitions structurales associées étaient
dûes à des mouvements subtils des octaèdres d’oxygènes au sein de la maille pérovskite de
226
Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude
par spectroscopie Raman. 227
BiFeO3 . Notre montage expérimental de spectroscopie Raman permettant d’atteindre les
excitations de très basses énergies, nous avons pu suivre simultanément les excitations ma-
gnétiques de basses énergies sous pression à travers les différentes transitions structurales.
Là aussi, la cycloïde disparaît à la première transition structurale au profit d’un ordre anti-
ferromagnétique canté et des calculs d’énergie libre ont permis de déterminer que l’évolution
des excitations de l’onde de spin dans la première phase était essentiellement contrôlée par
l’anisotropie magnétique.
Une étude des excitations de basses énergies et des modes de phonons dans deux man-
ganites de terre-rares hexagonales, h-YMnO3 et YbMnO3 , qui présentent toutes deux une
structure magnétique frustrée dûe à des arrangements triangulaires des manganèses, a égale-
ment été menée durant cette thèse. Les mesures des modes de vibration du réseau cristallin
dans des échantillons monocristallins de h-YMnO3 et YbMnO3 ont permis de mettre en
évidence un couplage spin-phonon, caractérisé par des anomalies à la température de Néel
magnétique de certains modes de phonons, dans les deux composés.
Les mesures des excitations de basses énergies dans YbMnO3 ont permis d’identifier des
modes de magnons et de les associer aux différentes espèces magnétiques en présence (Yb et
Mn), ainsi que d’observer une excitation plus large attribuée à un mode de magnon double.
Des mesures sous champ magnétique nous ont de plus permis d’observer une transition dans
la structure magnétique, prédite théoriquement.
Dans la manganite d’Yttrium hexagonale (h-YMnO3 ), les mesures des basses énergies
nous ont permis d’observer des modes de magnons et de mettre en évidence deux excitations
qui ne semblent pas avoir une origine uniquement magnétique mais qui semblent corres-
pondre à une hybridation avec le réseau, interprétée comme un gap d’anticroisement entre
les branches de dispersion d’un magnon et d’un phonon acoustique.
Dans le langasite de Fer au Niobium, Ba3 NbFe3 Si2 O14 , composé présentant une double
chiralité structurale et magnétique et dans lequel des électromagnons ont récemment été
découverts, beaucoup de questions subsistent, notamment en ce qui concerne la structure
et les brisures de symétries responsables de l’apparition de la ferroélectricité. Les travaux
présentés dans ce manuscrit proposent une étude détaillée des modes de phonons et de leurs
symétries pour tenter d’élucider le groupe d’espace de structure cristalline et un éventuel
abaissement de symétrie. Des mesures à basses énergies ont permis ont permis de retrouver
les excitations hybrides magnéto-électriques précédemment observées et de les suivre en
température et en champ magnétique.
La manganite de Terbium, TbMnO3 , est le composé dans lequel les électromagnons ont
été découverts pour la première fois. Les travaux de cette thèse proposent une première
mesure sous champ électrique de ces particules hybrides magnéto-électriques. Cette mesure,
bien que qualitative en raison de difficultés techniques, est déjà concluante puisqu’elle permet
d’observer un décalage de l’énergie de ces excitations sous l’effet du champ appliqué. Une
campagne de mesures sous pression hydrostatique de ces mêmes excitations a également été
mise en œvre et gagnerait à être poursuivie.
228 7. DEUX COMPOSÉS DE TYPE II : CaMn7 O12 ET TbMnO3
La quadruple manganite de Calcium CaMn7 O12 est un composé multiferroïque dans le-
quel une polarisation ferroélectrique magnétiquement induite très importante (un tiers de
celle qui apparaît dans BiFeO3 environ) a très récemment été découverte. La combinaison
d’un ordre de charge spiral, dû à des valences différentes des ions Mn et d’un ordre magné-
tique non colinéaire dont la direction est verrouillée par l’ordre de charge fait de CaMn7 O12
un matériau qui présente un couplage magnéto-électrique fort. Durant ma thèse, j’ai pu me-
surer, pour la première fois, des excitations larges de basses énergies dont le profil spectral
ressemble fortement aux électromagnons précédemment observé dans TbMnO3 . Le suivi en
température de ces excitations montre qu’elles disparaissent sucessivement au passage des
deux température de transitions magnétiques de ce composé.
Toutes ces mesures permettent d’apporter des informations pour mieux appréhender la
structure, les ordres ferroïques et leurs couplages dans les composés multiferroïques étudiés.
Elles gagneraient à être poursuivies et précisées par d’autres expériences complémentaires.
En particulier, dans les films minces de ferrite de bismuth, la reproduction théorique du
diagramme de phase magnétique sous contrainte épitaxiale et sous champ magnétique reste
encore à faire. Dans BiFeO3 monocristallin, une étude des nouveaux modes de phonons (Bi-
O) de basses énergies découverts durant cette thèse permettrait de mieux saisir la nature des
phases structurales orthorhombiques intermédiaires observées sous pression. Dans les man-
ganites de terre rare hexagonales, une meilleure compréhension des mécanismes à l’origine du
couplage spin-phonon mis en évidence à la température de Néel est encore à construire et la
nature exacte de l’hybridation observée dans h-YMnO3 reste encore à élucider. La structure
et la nature de la brisure de symétrie responsable de l’apparition de la ferroélectricité dans
le langasite de Fer au Niobium sont encore mal comprises et des mesures visant à clarifier
l’impact de la transition à 120-130 K sur les modes de vibration du réseau (et donc sur
la structure) seraient intéressantes à mener. Des mesures sous champ électrique des basses
énergies dans ce composé (Ba3 NbFe3 Si2 O14 ) et dans CaMn7 O12 pour étudier l’effet du champ
sur les électromagnons permettraient également d’apporter un éclairage sur ces excitations
hybrides et la nature du couplage magnéto-électrique dont elles sont la signature. Enfin, la
poursuite des mesures sous champ électrique et sous pression des électromagnons dans la
manganite de Terbium, composé où ces excitations ont été découvertes, apporterait des in-
formations précieuses pour la compréhension de la physique du couplage magnéto-électrique
dynamique.
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Les publications suivantes, résultant des travaux présentés dans ce manuscrit, sont
reproduites (dans l’ordre et conformément aux autorisations des différents éditeurs 13 ), dans
les pages qui suivent :
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13. C’est pour cela que l’article paru dans Nature Materials ne figure pas dans sa version publiée mais
dans la version modifiée pré-publication (et post-comité de lecture).
247
PHYSICAL REVIEW B 86, 184410 (2012)
J. Liu,1 C. Toulouse,1 P. Rovillain,1,2,3 M. Cazayous,1 Y. Gallais,1 M-A. Measson,1 N. Lee,4 S. W. Cheong,4 and A. Sacuto1
1
Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques UMR 7162 CNRS, Université Paris Diderot-Paris 7, 75205 Paris cedex 13, France
2
School of Physics, University of New South Wales, Sydney, New South Wales 2052, Australia
3
The Bragg Institute, ANSTO, Kirrawee DC NSW 2234, Australia
4
Rutgers Center for Emergent Materials and Department of Physics and Astronomy, Rutgers University, 136 Frelinghuysen Road,
Piscataway, New Jersey 08854, USA
(Received 24 July 2012; published 9 November 2012)
Lattice and spin excitations have been studied by Raman scattering in hexagonal YbMnO3 single crystals. The
temperature dependences of the phonon modes show that the E2 mode at 256 cm−1 related to the displacement of
Mn and O ions in a-b plane is coupled to the spin order. The A1 phonon mode at 678 cm−1 presents a soft mode
behavior at the Néel temperature. Connected to the motion of the apical oxygen ions along the c direction, this
mode controls directly the Mn-Mn interactions between adjacent Mn planes and the superexchange path. Crystal
field and magnon mode excitations have been identified. The temperature investigation of the spin excitations
shows that the spin structure is strongly influenced by the Yb-Mn interaction. Under a magnetic field along the c
axis, we have investigated the magnetic reordering and its impact on the spin excitations.
678
120
Mn
a b Mn
c layer
Yb(4b)
295
O1
c= ½ layer O3
221
O4
430
469
258
O2 (a) y(zz)y
c
336
362
b y
c= ½ layer
385
643
153
Yb(2a) a (b) y(zx)y
c layer
470
140
256
122
266
307
431
524
460
z(xx)z
295
157
108
(c)
FIG. 1. (Color online) Structure of hexagonal YbMnO3 in its
127
ferroelectric P 63 cm phase. z(xy)z
(d)
240
z(xx)z
182
341
c = 11.3529(1) Å. YbMnO3 is formed of tilted MnO5 (e)
77
bipyramids arranged in a layered type structure in the a-b 100 200 300 400 500 600 700
plane with apical (O1 , O2 ) and in-plane (O3 , O4 ) oxygen Wave number (cm )
-1
ions. Between the bipyramid layers, the rare-earth ions layers
are stacked along c axis.21 These MnO5 bipyramids are FIG. 2. Raman spectra of YbMnO3 single crystal measured at
two-dimensionally connected with each other at their corners 10 K using (a) y(zz)ȳ [A1 (TO) + E2 modes], (b) y(zx)ȳ (E1 modes),
and formed the triangular lattice of the Mn3+ ions. The (c) z(xx)z̄ [A1 (LO) + E2 modes], (d) z(xy)z̄ (E2 modes), and
displacement of ions along the c axis induced a ferroelectric (e) z(xx)z̄ [A1 (LO) + E2 modes] scattering configurations. The a,
transition around 900 K. Mn3+ spins order antiferromagneti- b, c, and d spectra have been measured using the 514 nm laser line,
cally in the a-b plane below the Néel temperature TN = 80 K. and the e spectrum using the 647 nm laser line.
In the RMnO3 compounds the Mn magnetic moments order
in 120◦ arrangements. The magnetic frustration arises from attribution of the direction and sign of atomic displacements
the frustration of the first neighbor interactions between the in Table I has been based on previous works on the hexagonal
Mn3+ spins in the triangular lattice (see Fig. 1). Yb moments RMnO3 compounds.23,24 We have measured a small LO-TO
of the 4b sites are antiferromagnetically coupled within a splitting for A1 modes as expected in this manganite family.
given layer. The c and c = +1/2 layers are ferromagnetically In Fig. 2 we can notice that the intensity of the A1 mode
coupled. Yb atoms of 2a sites order below 3.5 K with much at 678 cm−1 is very strong compared to the other modes.
smaller moments.15,17 It has been shown that the Yb(4b) This mode is related to the motion of apical oxygen along the
moments order due to the Mn molecular field, whereas the polarization direction (c axis) and is directly connected to the
Yb(2a) moments order through Yb-Yb interactions.15 polarization of YbMnO3 . In order to analyze the effects of
The vibrational modes detected by Raman spectroscopy the phase transitions on the phonon modes, one can follow
depend on the crystal symmetry which controls the matrix the temperature dependences.
elements of the Raman tensor and on the incident and Figure 3(a) shows the temperature dependance of Raman
scattered light polarizations which stress the Raman tensor. spectra and Fig. 3(b) represents the normalized frequencies
The irreducible representation for the normal modes in this over the frequency at 7 K of several A1 and E2 modes.
system gives 60 phonon modes at the point: 10A1 + 15A2 + The phonon frequencies usually tend to soften due to the
10B1 + 5B2 + 15E1 + 15E2 and 38 of these modes are Ra- dilation of the unit cell when temperature increases. Except
man active: Raman = 9A1 + 14E1 + 15E2 . All measurements for the A1 mode at 678 cm−1 , all frequencies are higher at
have been performed in backscattering configuration (incident low temperatures. In addition to this mode, the E2 mode at
wave vector antiparallel to the scattered one). Pure E1 and 256 cm−1 presents a frequency shift beyond the mean behavior
E2 modes are obtained using y(zx)ȳ and z(xy)z̄ geometries, of the other modes [Fig. 3(b)]. The frequencies of the both
respectively.22 The A1 modes are deduced from parallel modes as a function of the temperature are shown in Fig. 4.
polarizations. The y(zz)ȳ and z(xx)z̄ configurations give The frequency shift of E2 mode at 256 cm−1 presents
the A1 (TO) + E2 and A1 (LO) + E2 modes, respectively. A an abrupt change of slope around the Néel temperature in
LO-TO splitting is expected for the A1 and E1 modes, as these Fig. 4(a). Similar anomalies have been observed in the thin
modes may induce a nonzero dipole moment both parallel and film and polycrystal samples of YbMnO3 18,19 and in the
perpendicular to the phonon propagation direction. isomorphic compounds, HoMnO3 and YMnO3 .25,26 This mode
Figure 2 shows the Raman spectra measured on h-YbMnO3 is associated to the relative displacement of Mn and O ions
single crystals with y(zz)ȳ, y(zx)ȳ, z(xx)z̄, and z(xy)z̄ scat- in the a-b plane. It modulates the Mn-O-Mn bond angles in
tering configurations. Following the Raman selection rules, a-b plane and the in-plane Mn-Mn superexchange interaction.
we have identified 9 A1 modes, 5 E1 modes, and 11 E2 Therefore, the hardening of the E2 mode frequency below 80 K
modes. To our knowledge, the phonon modes of h-YbMnO3 characterizes the spin-phonon coupling in the magnetically
have been only reported in thin films and in polycrystals.18,19 ordered phase.
The frequencies of the phonon modes at 10 K are reported in The frequency of the A1 mode at 678 cm−1 in Fig. 4(b)
Table I and compared to the previous experimental results. The presents a softening at the magnetic transition followed by a
184410-2
LATTICE AND SPIN EXCITATIONS IN MULTIFERROIC . . . PHYSICAL REVIEW B 86, 184410 (2012)
TABLE I. A1 , E1 , and E2 mode frequencies (cm−1 ) measured in (a) z(xx)z 1.0025 (b)
h-YbMnO3 and description of the atomic displacements.
7K 1
Fukumura This work Direction of the largest
E1 152 +X,Y (Yb1 ), −X,Y (Yb2 ) FIG. 3. (a) Raman spectra of h-YbMnO3 from 7 to 300 K in
336 +X,Y (O1 ,O2 ,O3 ) z(xx)z̄ configuration. (b) Normalized wave numbers [ω(T )/ω(7 K)]
−X,Y (O4 ,Mn) of 5 A1 and 3 E2 modes as a function of temperature.
360 362 +X,Y (O1 ), −X,Y (O2 )
384 +X,Y (O1 ), −X,Y (O2 )
643 X,Y (O3 ), −X,Y (O4 ) modes or to crystal field excitations. The origin of the
excitations is discussed below based on neutron measurements.
E2 77.5 X,Y (Yb1 ,Yb2 ,Mn)
Figure 5(b) represents the spin excitation dispersions along the
127 +X,Y (Mn,O4 ,O3 )
k = (1,0,k) and k = (k,0,0) axes.15 The nondispersive curve
−X,Y (Yb1 ,Yb2 )
139 140 +X,Y (Yb1 ), −X,Y (Yb2 )
at 9.3 cm−1 corresponds to the splitting of the fundamental
156 157 +X,Y (Yb2 ), −X,Y (Yb1 ) doublet of the Yb(4b) ions crystal field in the molecular field
182 of Mn ions. The Yb(4b) ions have an odd number of electrons
252 256 +X,Y (Mn), −X,Y (O2 ,O3 )
296 Z(Mn,O1 ,O2 )
305 307 Z(O1 ,O2 ), +X,Y (O4 ) 256 (a)
341 +X,Y (O1 ,O2 ,O3 ,O4 )
W ave number (cm -1 )
184410-3
J. LIU et al. PHYSICAL REVIEW B 86, 184410 (2012)
(a) p2 p3 p5 (a) P2
20K
40K
60K
25 30 35 40 45 50 55 60 70K
Wave number (cm-1)
p3 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60
p1 p4 p5 Wave number (cm -1)
-1
-1 32.8 cm 53 cm
-1 10K
9.8 cm 41 cm
-1
20K
40K
60K
70K
10 20 30 40 50 60
-1
Wave number (cm ) 0 10 20 30 40 50 60 70 80
-1
Wave number (cm )
1.1
(b) (b)
1.0
120 120
0.9
Wave number (cm -1)
0.7
P2
60 60 0.6 P3
p5 P4
p3 0.5 P5
30 30
Yb(4b) moment
p2 0.4
p1 Mn moment
0 0 0.3
π/c (1,0,k) 0 (k,0,0) π/a 0 10 20 30 40 50 60 70 80
Temperature (K)
FIG. 5. (Color online) (a) Raman spectra of low frequency
FIG. 6. (a) Temperature-dependent Raman spectra in the low
excitations measured at 7 K in z(xy)z̄ [or y(zx)ȳ] configuration;
frequency region between 7 and 70 K. (b) Temperature dependence
(b) crystal field and magnon dispersions along k = (1,0,k) and
of normalized wave number of magnetic modes compared with the
k = (k,0,0) extracted from Refs. 16 and 27. The dashed lines
Yb and Mn moments. The Yb and Mn moment data combine neutron
represent the dispersion curves predicted by the theory.
powder diffraction and Mossbauer spectroscopy measurements.16
184410-4
LATTICE AND SPIN EXCITATIONS IN MULTIFERROIC . . . PHYSICAL REVIEW B 86, 184410 (2012)
10T
50 at 678 cm−1 presents a softening due to the interplane Mn-Mn
1 3
F. Yang, M. H. Tang, Z. Ye, Y. C. Zhou, X. J. Zheng, J. X. F. Moussa, M. Hennion, J. Rodriguez-Carvajal, H. Moudden,
Tang, J. J. Zhang, and J. He, J. Appl. Phys. 102, 044504 L. Pinsard, and A. Revcolevschi, Phys. Rev. B 54, 15149 (1996).
4
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2 5
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184410-5
J. LIU et al. PHYSICAL REVIEW B 86, 184410 (2012)
6 18
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19
Mater. 7, 478 (2008). H. Fukumura, N. Hasuike, H. Harima, K. Kisoda, K. Fukae,
7
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S. Lee, A. Pirogov, M. Kang, K. H. Jang, M. Yonemura, M. N. Iliev, H. G. Lee, V. N. Popov, M. V. Abrashev, A. Hamed,
T. Kamiyama, S.-W. Cheong, F. Gozzo, N. Shin, H. Kimura, R. L. Meng, and C. W. Chu, Phys. Rev. B 56, 2488 (1997).
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16 29
X. Fabréges, S. Petit, I. Mirebeau, S. Pailhes, L. Pinsard, A. Forget, S. Pailhés, X. Fabréges, L. P. Règnault, L. Pinsard-Godart,
M. T. Fernandez-Diaz, and F. Porcher, Phys. Rev. Lett. 103, 067204 I. Mirebeau, F. Moussa, M. Hennion, and S. Petit, Phys. Rev. B
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184410-6
ARTICLES
PUBLISHED ONLINE: XX MONTH XXXX | DOI: 10.1038/NMAT3629
Multiferroics are compounds that show ferroelectricity and magnetism. BiFeO3 , by far the most studied, has outstanding
ferroelectric properties, a cycloidal magnetic order in the bulk, and many unexpected virtues such as conductive domain walls
or a low bandgap of interest for photovoltaics. Although this flurry of properties makes BiFeO3 a paradigmatic multifunctional
material, most are related to its ferroelectric character, and its other ferroic property—antiferromagnetism—has not been
investigated extensively, especially in thin films. Here we bring insight into the rich spin physics of BiFeO3 in a detailed study of
the static and dynamic magnetic response of strain-engineered films. Using Mössbauer and Raman spectroscopies combined
with Landau–Ginzburg theory and effective Hamiltonian calculations, we show that the bulk-like cycloidal spin modulation
that exists at low compressive strain is driven towards pseudo-collinear antiferromagnetism at high strain, both tensile and
compressive. For moderate tensile strain we also predict and observe indications of a new cycloid. Accordingly, we find that
the magnonic response is entirely modified, with low-energy magnon modes being suppressed as strain increases. Finally, we
reveal that strain progressively drives the average spin angle from in-plane to out-of-plane, a property we use to tune the
exchange bias and giant-magnetoresistive response of spin valves.
S
1 both antiferromagnetic and ferroelectric orders, and has shown 23
2 means for tuning the various remarkable functionalities of application potential in areas as diverse as nanoelectronics15,16 , 24
3 perovskite oxide thin films. For instance, epitaxial strain can photovoltaics17,18 and energy harvesting19 . Also, in spintronics, it 25
4 strongly enhance ferroelectric properties in BaTiO3 (ref. 2), induce has been used as a blocking layer in spin-valves20,21 , with the aim 26
5 ferroelectricity in SrTiO3 (STO; ref. 3) and EuTiO3 (ref. 4) or of controlling their giant magnetoresistance22 (GMR) by an electric 27
6 suppress ferromagnetism in mixed-valence manganites5 . However, field applied across BFO (ref. 20) through the magnetoelectric cou- 28
7 strain engineering has very rarely been applied to modify the pling between ferroic orders. In BFO, the energy of spin excitations 29
8 properties of antiferromagnets4,6 , although these are ubiquitous can also be electrically controlled over a wide range23 , which is 30
9 in the perovskite family and show promise in many fields. A attractive for magnonics12 . Here we report how epitaxial strain can 31
10 classical application of antiferromagnets is in magnetic read heads, be used to engineer the magnetic order, spin dynamics and GMR in 32
11 where they are used to block the magnetization of an adjacent BFO films and heterostructures. Our results illustrate the power of 33
12 ferromagnetic layer via the exchange bias effect7 . More recently, it strain engineering for designing functional materials on demand. 34
13 was suggested that antiferromagnets may play a more active role Below the Néel temperature TN ≈ 640 K, BFO exhibits a G-type 35
14 in spintronics8 , in view of their initially unanticipated sensitivity antiferromagnetic order, where the Fe magnetic moments are 36
15 to spin torque9 and their ability to produce giant tunnelling coupled ferromagnetically within the pseudocubic (111) planes 37
16 anisotropic magnetoresistance when their band structure is strongly and antiferromagnetically between neighbouring planes. In the 38
17 spin–orbit dependent10 . Furthermore, spins respond much faster in bulk, an additional long-range cycloidal magnetic modulation 39
18 antiferromagnets than in ferromagnets11 , thereby offering unique is superimposed on this antiferromagnetic order, resulting in a 40
19 possibilities for magnonic12 and spintronic devices operating at rotation of the spin axis through the crystal with a long period λ0 ≈ 41
21 In this paper, we investigate the static and dynamic spin proper- through neutron diffraction26 that this cycloidal modulation is 43
22 ties of BiFeO3 (BFO; ref. 13) thin films. BFO is multiferroic14 with suppressed by high epitaxial strain in BFO thin films. Further 44
1 Unité Mixte de Physique CNRS / Thales, 1 av. Fresnel, 91767 Palaiseau & Université Paris-Sud, 91405 Orsay, France, 2 Groupe de Physique des Matériaux,
UMR 6634, CNRS-Université de Rouen, Avenue de l’Université BP12 Saint Etienne du Rouvray cedex, France, 3 Physics Department and Institute for
Nanoscience and Engineering, University of Arkansas, Fayetteville, Arkansas 72701, USA, 4 Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques (UMR 7162
CNRS), Université Paris Diderot-Paris 7, 75205 Paris cedex 13, France, 5 Laboratoire SPMS, UMR 8580, Ecole Centrale Paris-CNRS, Grande Voie des Vignes,
Châtenay-Malabry, France, 6 Prokhorov General Physics Institute, Russian Academy of Sciences, ul. Vavilova 38, Moscow 119991, Russia, 7 Physics
Department, M.V. Lomonosov Moscow State University, Leninskie gory, MSU, Moscow 119992, Russia, 8 Department of Physics, University of South
Florida, Tampa, Florida 33647, USA, 9 Electronic Materials Research Laboratory—Key Laboratory of the Ministry of Education, and International Center for
Dielectric Research, Xi’an Jiaotong University, Xi’an 710049, China, 10 Moscow Institute of Physics and Technology State University (MIPT) 141700, 9,
Institutskii per., Dolgoprudny, Moscow Region, Russia. † Present addresses: School of Physics, University of New South Wales, Sydney, New South Wales
2052, Australia; The Bragg Institute, ANSTO, Kirrawee DC New South Wales 2234, Australia. *e-mail: [email protected].
a
14.4 keV¬γ
e
[111] GSO
[001] 1.12
ε = ¬0.1%
¬¬ [111]
Emission
[ 1 12] 1.08 ¬
q = <1 10>
Cycloid θ n
plane 1.04
ϕ θ
β 1.00
¬ ¬
[1 10] [1 10] ¬10 ¬5 0 5 10
Velocity (mm s¬1)
b 1.050 f
LSAT 1.075 SSO
1.036 ε = ¬2.6% ε = +0.2%
Emission
Emission
1.050 q = <110>
1.022 AF
1.025
1.008
1.000
0.994
¬10 ¬5 0 5 10 ¬10 ¬5 0 5 10
Velocity (mm s¬1) Velocity (mm s¬1)
c g
STO 1.12 NSO
1.058 ε = +0.9%
ε = ¬1.7%
Emission
Emission
AF 1.08 AF
1.035
1.04
1.012
1.00
¬10 ¬5 0 5 10 ¬10 ¬5 0 5 10
Velocity (mm s¬1) Velocity (mm s¬1)
d h
DSO
1.12 PSO
1.058 ε = ¬0.5%
¬ ε = +1.0%
Emission
Emission
Figure 1 | Mössbauer spectra for BFO films grown on various substrates. a, Sketch of the measurement geometry and the bulk-like cycloidal plane; the
different angles used in the study are indicated. b–g, CEMS spectra at 295 K for all films. The data are shown as symbols and lines are the best fits to the
data. Blue lines correspond to fits with an antiferromagnetic arrangement and antiferromagnetic vector lying at an angle β from the film normal. The values
of β are given in Fig. 4a. In d the red line is a fit using two magnetic components: 30% cycloid with k along [11̄0] with an anharmonicity of 0.98 and 70%
pseudo-collinear antiferromagnetic order with spins in the plane. In e the red line is a fit using a harmonic cycloid model and a propagation vector along
[11̄0] (as in the bulk). In f the orange line is a fit with a cycloid with its propagation vector along [110].
1 measurements on thick, partially relaxed films, however, showed shift), a possible electric field gradient (quadrupole splitting) and 21
2 a cycloidal signature27 . To gain deeper insight into the influence the magnetic environment (magnetic splitting). The experimental 22
3 of strain on the spin structure, we have grown a series of (001)- CEMS spectra collected at 295 K on seven BFO films grown on 23
4 oriented films (in pseudocubic notation, which we use throughout various substrates are presented in Fig. 1. All spectra exhibit a 24
5 the paper) on substrates spanning a strain range from −2.6% six-line magnetic hyperfine pattern with an isomer shift value of 25
6 (compressive) to +1.3% (tensile)28 . Their thickness was set to 0.37 mm s−1 , characteristic of Fe3+ ions in octahedral coordination. 26
7 70 nm to prevent strain relaxation (except for (LaAlO3 )0.3 − Whereas almost perfectly symmetric lines are found for BFO films 27
8 (Sr2 AlTaO6 )0.7 —LSAT—for which it was 50 nm), as checked by on LSAT, STO, NdScO3 (NSO) and PrScO3 (PSO) substrates (high 28
9 reciprocal space maps28 . To enhance the signal in Mössbauer compressive and tensile strain), a clear asymmetry (in both the 29
10 experiments, films were grown from a ∼100% 57 Fe enriched target. amplitude and breadth of the peaks) is visible for those grown 30
11 To determine the magnetic order of our BFO films, we first on DyScO3 (DSO), GdScO3 (GSO) and SmScO3 (SSO) which are 31
12 used conversion electron Mössbauer spectroscopy (CEMS). This weakly strained (<±1%). In BFO, an asymmetric line broadening 32
13 technique probes the hyperfine interactions between the 57 Fe nuclei is the fingerprint of a cycloidal modulation of the Fe3+ spins29 . 33
14 and their electronic environment through the absorption of γ Our CEMS results therefore show that at low strain, the cycloid is 34
15 photons emitted by a radioactive source of 57 Co. During the present, whereas high strain destroys it. They are consistent with the 35
16 experiments, the source is displaced towards or away from the scenario of Bai et al., which predicts a destabilization of the cycloidal Q1 36
17 sample, which respectively blue- or red-shifts the radiation, thereby ground state by a strain-induced uniaxial anisotropy promoted by 37
18 allowing absorption in a narrow energy range around the intrinsic piezoelectric and magnetoelectric couplings25 . 38
19 γ photon energy. The obtained spectra provide information on The red lines on Fig. 1d and e are fits of the CEMS spectra 39
20 the electronic density at the nuclei (through the so-called isomer with a model based on the bulk cycloid: the spins rotate in a plane 40
LSAT
defined by the pseudocubic [11̄0] direction of propagation and the
NSO
DSO
GSO
PSO
STO
SSO
1
5 the various magnetic domains equivalent by 90◦ rotations about the 200 β
6 film normal are probed equivalently. For GSO, the spectrum can be
150
34 Lagrange–Euler method yields equations whose solutions are spin are almost normal to the plane (β → 0). 63
35 cycloids with a wave vector q lying in the film plane (q⊥n). The comparison of the free energies of these different phases 64
36 Remarkably, two types of the cycloid fulfil this condition (Fig. 2): yields the phase diagram shown in Fig. 2 (we use HDM = 7 T 65
37 The first (‘type-1’) is a cycloid with the wave vector q k [11̄0], for the Dzyaloshinskii–Moriya field, which corresponds to a film 66
38 analogous to the one observed in the bulk BFO with a period magnetization MS = 3.1 kA m−1 ; an exchange stiffness A = 4 pJ m−1 67
39 λ0 = 62 nm. The cycloid plane is (112̄) and it contains the principal estimated from the Néel temperature; the flexomagnetoelectric con- 68
40 axis of the bulk crystal [111] and q. stant γ = 2Aq0 = 0.6 mJ m−2 was found by minimization of the free 69
41 The second solution (‘type-2’) corresponds to a more compli- energy32 ; q0 = 2π/λ0 ). The homogeneous phases (shown in blue) 70
42 cated structure lying in the (11̄0) plane with the spin modulation are energetically favourable at high compressive and tensile strain 71
43 along both the [110] and [001] directions. However, averaging over (beyond about −1.6% and +0.5%, respectively). The type-1 cycloid 72
44 the film thickness gives q k [110]. The period of this structure is (shown in red) is predominant in the strain range from −1.6% to 73
Q2 45
46
enlarged with respect to the bulk crystal case: 0%, whereas the type-2 cycloid (shown in orange) exists in narrow 74
47 where θn is the angle between the normal to the film plane and Ginzburg theory with calculations using a recently-developed 79
48 the [111] direction (the principal axis of the bulk crystal). Cycloids effective Hamiltonian33 (Heff ). This atomistic tool is able to 80
49 propagating in planes different from those of type-1 and type-2 reproduce the magnetic cycloid of bulk BFO as well as its unusual 81
50 cycloids are energetically unfavourable. features, by the incorporation of an original energetic term33 that 82
51 In addition to the cycloid solutions, there are also solutions can be thought of as representative of the converse spin-current 83
52 corresponding to a pseudo-collinear spin order. Compressive strain model34 . The strength of this original energetic term is characterized 84
53 induces an easy-plane state with the spins aligned along the [11̄0] by the coefficient denoted as C in ref. 33. In the present study and 85
54 pseudocubic direction. At tensile strain the resulting homogeneous as in previous work (see, for example ref. 30), we model epitaxial 86
55 state is determined by competing anisotropic contributions and the (001)-oriented BFO films by freezing-in some components of the 87
56 effective anisotropy due to the strain. The equilibrium state is at the strain tensor. Typically, 18 × 18 × 18 supercells are used to mimic 88
57
58
angle β to the film plane normal that fulfils the following condition: such films, and the internal energy of this Heff is used in Monte- 89
Keff sin(2(θn − β)) = U sin(2β) (2) For small compressive strains, the Heff approach indeed predicts 91
59 where U is the magnetoelastic energy constant and Keff is the bulk bulk. This cycloid has its propagation direction along [11̄0], when 93
60 crystal anisotropy, which comprises the magnetic crystal anisotropy the polarization lies close to [111]. For a critical tensile strain, 94
61 and a contribution from the Dzyaloshinskii–Moriya interaction (see and in accordance with the measurements and phenomenological 95
a d
ψ
ψ
φ φ
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Wavenumber (cm¬1) Wavenumber (cm¬1)
b e
Raman intensity (arb. units)
φ
φ
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Wavenumber (cm¬1) Wavenumber (cm¬1)
c f
Raman intensity (arb. units)
φ
φ
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Wavenumber (cm¬1) Wavenumber (cm¬1)
Figure 3 | Low-energy Raman spectra for BFO films grown on various substrates. Measurements with parallel or crossed polarisers probing φ and ψ
modes are shown in light and dark green, respectively.
1 work described above, the Heff scheme predicts that this bulk-like GSO, DSO and SSO show series of peaks in both measurement 34
2 cycloid becomes energetically unfavourable with respect to a second configurations; in contrast, the films on LSAT, NSO and PSO 35
3 type of cycloid for which the propagation direction now lies along show only a single peak for each configuration. For GSO, DSO 36
4 the in-plane [110] direction. Also consistent with the present and SSO, both φ and ψ peaks show a roughly linear dependence 37
5 experimental data and Landau–Ginzburg theory, the Heff technique of their energy on the peak index, as occurs for the bulk36 . This 38
6 gives a (slightly spin-canted35 ) antiferromagnetic ground state for confirms the presence of a cycloidal ordering in all these films. 39
7 a large enough magnitude of compressive or tensile strains. The We note that the Raman data do not show major differences 40
8 precise values of the critical strain leading to the transition between between samples with type 1 or type 2 cycloids. The spectra for 41
9 the cycloid of the first type and the cycloid of the second type, the remaining films (LSAT, NSO and PSO) with a low-energy 42
10 as well as those at which the transitions between these cycloids peak at about 10–15 cm−1 , are reminiscent of the predictions37 of 43
11 and the antiferromagnetic configurations occur, strongly depend on Wang et al. for pseudo-antiferromagnetic BFO. They calculate a 44
12 the aforementioned C coefficient. However, the qualitative trend is magnon frequency at 7 cm−1 , corresponding to the precession of the 45
13 similar to that found in Landau–Ginzburg calculations. weak ferromagnetic moment. Here, the difference in energy may be 46
14 Having theoretically established the magnetic phase diagram of due to magnetic anisotropy. In summary, our Raman data show that 47
15 BFO films, let us return to the Mössbauer data to evaluate the strain can completely modify the magnonic response of BFO films, 48
16 possibility of stabilizing a new cycloidal modulation at moderate with all high-energy modes being suppressed at high strain. 49
17 tensile strain. In Fig. 1f (BFO on SSO), the orange line is a Now that the influence of strain on the cycloid is well settled, let 50
18 fit of the spectrum with the type-2 cycloid, which reproduces us take a closer look at the antiferromagnetic state that is stable at 51
19 the data quantitatively better than with the type-1 cycloid (even high strain, and come back to the CEMS spectra of Fig. 1. Beyond 52
20 with a propagation wave vector along [101̄], see Supplementary the strain-dependence of the spectral asymmetry, another visible 53
21 Information). This brings strong support to the existence of this feature is the variation of the relative intensity of the different peaks. 54
22 previously unidentified spin arrangement, as indeed this sample In Mössbauer spectroscopy, the relative intensity of the lines in a 55
23 falls within the strain range for which the type-2 cycloid is predicted magnetically-split sextet is indicative of the average orientation of 56
24 to be stable (Fig. 2). the magnetic moments, see Supplementary Information. The ratio 57
25 We now turn to the influence of strain on magnetic excitations R23 between the second (or fifth) and third (or fourth) lines of the 58
26 in BFO. In bulk BFO, the cycloid ordering results in a specific magnetic sextet is given by R23 = 4sin2 β/(1 + cos2 β). At normal 59
27 magnonic response36 , with two species of magnon modes corre- incidence, R23 = 4 for in-plane spins and R23 = 0 for perpendicular 60
28 sponding to excitations in (φ modes) and out (ψ modes) of the spins. At high compressive strain (LSAT, STO), R23 is close to 4, 61
29 cycloidal plane. Raman spectroscopy can be used to probe these and thus the Fe spins are in-plane. For PSO, R23 ≈ 0.73, which 62
30 excitations, with φ and ψ modes being selected in configurations corresponds to the spins being close to out-of plane. Accordingly, 63
31 with parallel or crossed polarizers, respectively36 . The low energy the spectra for the films on LSAT, STO and PSO can be well 64
32 Raman spectra for our BFO films are shown in Fig. 3. The data fitted by models with antiferromagnetic Fe3+ spins pointing at 65
33 can be divided into two sets: just as for bulk BFO, the films on an angle β from the normal direction (blue lines in Fig. 1b–d,f). 66
romagnet, MFM and tFM are the magnetization and thickness of the 33
60
β (°)
30
in the antiferromagnet, L the antiferromagnetic domain size (or, 35
Experimental data
Landau¬Ginzburg equivalently, the linear density of antiferromagnetic domain walls) 36
0
Heff and ξ a factor of order unity depending on the shape of the domains. 37
b
40 For a ferromagnet with planar anisotropy, HE is thus expected to be 38
a maximum when β is close to 90◦ , that is, when the spins in both 39
30
HE (Oe)
10
close to 0), HE should be vanishingly small. 42
Experimental data
Calculated values To probe the possibility of tuning the exchange bias by strain 43
0 in BFO, we have deposited CoFeB/Cu/Co spin valves onto films 44
¬3 ¬2 ¬1 0 1 2
Strain (%)
grown on various substrates and measured their magnetic response 45
c 1 DSO
e 1 NSO
Fig. 4c,e. For the sample grown on DSO, two magnetic reversals can 47
M/MS
49
0 0
to the CoFeB in contact with BFO. Over the range of about 40 Oe 50
R (Ω)
4.33 GMR, visible from the R(H ) data of Fig. 4d,f. The sample on DSO 55
5.04
4.32 shows a clean GMR response, with a R(H ) cycle shifted towards 56
4.31 negative fields. The switching fields match well with those found in 57
5.02
¬100 ¬50 0 50 100 ¬100 ¬50 0 50 100 the magnetic data. As shown by the minor loop (red curve), both 58
H (Oe) H (Oe) antiparallel and parallel states are stable in zero field. In contrast, 59
Figure 4 | Influence of strain on the spin angle, exchange bias and GMR. or peaked antiparallel states, consistent with the similar switching 61
a, Spin angle β with respect to the film normal as a function of strain. fields of Co and CoFeB. 62
b, Strain dependence of the exchange field. c–f, Magnetic field dependence Similar experiments were carried out for various substrates, and 63
of the magnetization (c,e) and resistance (d,f) in Au(6 nm)/Co(4 nm)/ the exchange field was found to show a systematic dependence 64
Cu(4 nm)/CoFeB(4 nm)/BFO samples grown on DSO (c,d) and NSO (e,f). on epitaxial strain, see Fig. 4b (black symbols). These numbers are 65
1 Importantly, both Landau–Ginzburg and Heff calculations also above, using β angles deduced from the Mössbauer spectra, domain 67
2 predict moments pointing in-plane at high compressive strain (with sizes L measured by piezoresponse force microscopy (L only varied 68
3 the spins pointing along the [11̄0] direction) and out-of-plane at by about 25% across the strain series) and standard parameters 69
4 high tensile strain (blue regions in Fig. 2). There is thus excellent for BFO and CoFeB (ref. 38), see Fig. 4b, red symbols. The good 70
5 agreement between theory and experiments as to the hierarchy of agreement demonstrates that the exchange bias and GMR can be 71
6 magnetic phases and their response to epitaxial strain. tuned by epitaxial strain in BFO-based heterostructures. 72
7 Intermediate values of R23 are observed for the films that have a In summary, we have combined CEMS, Raman spectroscopy, 73
8 spatially modulated spin structure, namely on DSO, GSO and SSO. Landau–Ginzburg theory and Heff calculations to establish the 74
9 For a purely harmonic cycloid (as is probably the case for BFO on magnetic phase diagram of strain-engineered BFO films. Whereas 75
10 GSO), all directions in the cycloid plane are equivalent. However, if high epitaxial strain destroys the bulk-like cycloidal modulation, 76
11 the anharmonicity is large (as probably happens for DSO and SSO), non-collinear orders are stable at low strain. Furthermore, we 77
12 the spins ‘bunch’ along a given direction as they rotate, so that an predict and experimentally observe a new cycloidal state, with 78
13 average β may then be defined. The strain dependence of the spins’ a propagation wave vector along [110]. These findings have 79
14 direction deduced from the R23 ratio is summarized in Fig. 4a and profound implications for the implementation of BFO films in 80
15 compared to the trends predicted by Landau–Ginzburg theory and magnonic and spintronic devices. Indeed, our Raman data reveal 81
16 Heff calculations. Again, the agreement is very good and all data that strain can completely quench high-energy magnon modes, 82
17 confirm that the spins lie in the plane at high compressive strain, offering exciting possibilities for BFO-based magnonic devices. The 83
18 progressively rotate as strain decreases towards zero, thus forming progressive reorientation of spins from in-plane to out-of-plane as 84
19 a cycloidal spin structure, and are eventually perpendicular to the strain goes from compressive to tensile also provides a handle for 85
20 plane at 1% tensile strain or more. tuning exchange interactions with adjacent ferromagnets and spin- 86
21 This systematic variation of the spins’ direction brings about valves, whose GMR response can also be quenched at high tensile 87
22 an interesting possibility for the functionalization of BFO films in strain. Perspectives of this work encompass dynamical studies of 88
23 spintronic devices. In this field, the main implementation of BFO strain-controlled magnonic and spintronics architectures, using 89
24 has been as a blocking layer for tuning the magnetization direction for instance piezoelectric substrates41 , as well as measurements of 90
25 of an adjacent soft ferromagnet, such as Ni80 Fe20 , Co72 Fe8 B20 or the giant magnetoelectric response expected to occur across the 91
26 Co90 Fe10 (refs 20,21,38,39). When the ferromagnet is deposited cycloidal-to-antiferromagnetic phase transition. 92
1 pressure were 580 ◦ C and 6 × 10−3 mbar. Targets were 15% enriched in Bi and, for 23. Rovillain, P. et al. Electric-field control of spin waves at room temperature in 76
2 Mossbauer experiments, ∼100% enriched in 57 Fe. We verified that films containing multiferroic BiFeO3 . Nature Mater. 9, 975–979 (2010). 77
3 natural Fe or 57 Fe had the same structural parameters and gave the same Raman 24. Sosnowska, I., Peterlin-Neumaier, T. & Steichele, E. Spiral magnetic ordering 78
4 signature. The single-crystal substrates were purchased from Crystec. in bismuth ferrite. J. Phys. C 15, 4835–4846 (1982). 79
5 Conversion electron Mössbauer spectra were collected in constant acceleration 25. Bai, F. et al. Destruction of spin cycloid in (111)c -oriented BiFeO3 thin films by 80
6 mode using a He–CH4 gas-flow proportional counter43 . We used a γ-ray beam epitaxial constraint: Enhanced polarization and release of latent magnetization. 81
7 from a 50 mCi 57 Co radioactive source in a Rh matrix, with the incident direction Appl. Phys. Lett. 86, 032511 (2005). 82
8 set perpendicular to the sample plane. Special care was taken to ensure proper 26. Béa, H., Bibes, M., Petit, S., Kreisel, J. & Barthélémy, A. Structural distortion 83
9 collimation of the γ-ray beam by means of a lead screen with a 2 mm-diameter hole. and magnetism of BiFeO3 epitaxial thin films: A Raman spectroscopy and 84
10 Isomer shifts are reported relative to α-Fe at room temperature. The experimental neutron diffraction study. Phil. Mag. Lett. 87, 165–174 (2007). 85
11 data were least squares fitted to theoretical spectra using the histogram method, 27. Ke, X. et al. Magnetic structure of epitaxial multiferroic BiFeO3 films with 86
12 assuming Lorentzian emission lines (MOSFIT program). engineered ferroelectric domains. Phys. Rev. B 82, 134448 (2010). 87
13 Raman spectroscopy was carried out in the backscattering geometry using 28. Infante, I. et al. Bridging multiferroic phase transitions by epitaxial strain in 88
14 a 647.1 nm laser line. Raman scattering was collected by a triple spectrometer BiFeO3 . Phys. Rev. Lett. 105, 057601 (2010). 89
15 (Jobin Yvon T64000) equipped with a CCD (charge-coupled device). The spot 29. Lebeugle, D. et al. Room-temperature coexistence of large electric polarization 90
16 size was about 100 µm2 and the penetration depth was less than 100 nm. The and magnetic order in BiFeO3 single crystals. Phys. Rev. B 76, 024116 (2007). 91
17 φn and ψn modes (the n index labels the modes from their lowest to highest 30. Daumont, C. et al. Strain dependence of polarization and piezoelectric response 92
18 energy) were selectively observed using parallel and crossed polarizations in the in epitaxial BiFeO3 thin films. J. Phys.: Condens. Matter 24, 162202 (2012). 93
19 (010) plane, respectively. 31. Ramazanoglu, M. et al. Temperature-dependent properties of the magnetic 94
20 The phase diagram was constructed using the phenomenological approach by order in single-crystal BiFeO3 . Phys. Rev. B 83, 174434 (2011). 95
21 minimizing the free-energy functional comprising the inhomogeneous exchange 32. Sosnowska, I. & Zvezdin, A. K. Origin of the long period magnetic ordering in 96
22 (exchange stiffness), inhomogeneous magnetoelectric (flexomagnetoelectric44 ), BiFeO3 . J. Magn. Magn. Mater. 140–144, 167–168 (1995). 97
23 the bulk magnetic anisotropy and strain-induced anisotropy in the thin film (for 33. Rahmedov, D., Wang, D., Íñiguez, J. & Bellaiche, L. Magnetic cycloid of BiFeO3 98
24 details see Supplementary Information). The comparison of the total energies from atomistic simulations. Phys. Rev. Lett. 109, 037207 (2012). 99
25 corresponding to various phases was carried out in the harmonic approximation 34. Katsura, H., Nagaosa, N. & Balatsky, A. V. Spin current and magnetoelectric 100
26 for the cycloidal state. effect in noncollinear magnets. Phys. Rev. Lett. 95, 057205 (2005). 101
35. Albrecht, D. et al. Ferromagnetism in multiferroic BiFeO3 films: A 102
27 Received 22 November 2012; accepted 12 March 2013; first-principles-based study. Phys. Rev. B 81, 140401 (2010). 103
28 published online XX Month XXXX 36. Cazayous, M. et al. Possible observation of cycloidal electromagnons in BiFeO3 . 104
Phys. Rev. Lett. 101, 037601 (2008). 105
29 References 37. Wang, D., Weerasinghe, J. & Bellaiche, L. Atomistic molecular dynamic 106
30 1. Schlom, D. G. et al. Strain tuning of ferroelectric thin films. Annu. Rev. Mater. simulations of multiferroics. Phys. Rev. Lett. 109, 067203 (2012). 107
31 Res. 37, 589–626 (2007). 38. Béa, H. et al. Mechanisms of exchange bias with multiferroic BiFeO3 epitaxial 108
32 2. Choi, K. J. et al. Enhancement of ferroelectricity in strained BaTiO3 thin films. thin films. Phys. Rev. Lett. 100, 017204 (2008). 109
33 Science 306, 1005–1009 (2004). 39. Martin, L. W. et al. Nanoscale control of exchange bias with BiFeO3 thin films. 110
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46 R. Soc. A 369, 3098–3114 (2011). Phys. Stat. Solidi B 246, 1956–1960 (2009). 123
71 Lett. 12, 1141–1145 (2012). Supplementary information is available in the online version of the paper. Reprints and 144
72 21. Dho, J., Qi, X., Kim, H., MacManus-Driscoll, J. L. & Blamire, M. G. Large permissions information is available online at www.nature.com/reprints. Correspondence 145
73 electric polarization and exchange bias in multiferroic BiFeO3 . Adv. Mater. 18, and requests for materials should be addressed to M.B. 146
74 1445–1448 (2006).
75 22. Baibich, M. N. et al. Giant magnetoresistance of (001)Fe/(001)Cr magnetic Competing financial interests 147
superlattices. Phys. Rev. Lett. 61, 2472–2475 (1988). The authors declare no competing financial interests. 148
L. Chaix
Institut Laue Langevin, 6 Rue Jules Horowitz, BP 156, F-38042 Grenoble Cedex 9, France*
L. Pinsard-Godart
Laboratoire de Chimie des Solides, URA 446, Centre National de la Recherche Scientifique, Universite Paris-Sud, Orsay, France
S. Petit
Laboratoire Léon Brillouin, Centre d’Études Alexandrines, Unités Mixtes de Recherche 12,
Centre National de la Recherche Scientifique, CE-Saclay, F-91191 Gif-sur-Yvette, France
(Received 10 December 2013; revised manuscript received 28 January 2014; published 19 March 2014)
We used Raman and terahertz spectroscopies to investigate lattice and magnetic excitations and their cross
coupling in the hexagonal YMnO3 multiferroic. Two phonon modes are strongly affected by the magnetic
order. Magnon excitations have been identified thanks to comparison with neutron measurements and spin-wave
calculations but no electromagnon has been observed. In addition, we evidenced two additional Raman-active
peaks. We have compared this observation with the anticrossing between magnon and acoustic-phonon branches
measured by neutron. These optical measurements underlie the unusual strong spin-phonon coupling.
(a) (b)
c= layer
y
Mn
Y c layer
O a
c
c JZ1
JZ2
a b
J1
a
c
FIG. 1. (Color online) Crystallographic and magnetic structure of hexagonal YMnO3 in its ferroelectric P 63 cm phase. The hexagonal unit
cell is shown with dash lines. (a) and (b) Perspective and top views. (c) Hexagonal unit-cell projection in the a-b plane with only the Mn3+
ions. The corresponding 1 magnetic order is also shown.
even if the exact crystalline and magnetic structures are still THz absorbance spectra were obtained by measuring the
under debate [21]. This compound is formed by stacked transmission at the Advanced Infrared Line Exploited for
Mn-O and Y-O layers as shown in Fig. 1. The Mn ions are Spectroscopy beamline of Synchrotron SOLEIL [24]. A
surrounded by three in-plane and two apical oxygen ions Bruker IFS125 interferometer equipped with a pulse tube cryo-
and form two stacked triangular lattices. The ferroelectric stat was used, combined with a Helium pumped bolometer.
order appears below TC ≈ 900 K resulting from the tilting The 10–60-cm−1 energy range was explored at a resolution of
of the MnO5 bipyramides with the buckling of the Y-O 0.5 cm−1 using a 6-μm-thick silicon-mylar multilayered beam-
planes. The polarization is along the c axis. As a result, splitter. The absolute absorbances were determined by measur-
the oxygen ions move closer to the yttrium atoms giving ing the transmission through a 2-mm diaphragm as a reference
rise to staggered ferroelectric moments. YMnO3 becomes and the sample transmission through that same diaphragm.
antiferromagnetic below the Néel temperature TN = 72 K.
The Mn magnetic moments order in 120◦ arrangements within III. RESULTS AND DISCUSSION
the 1 irreducible representation as determined by neutron-
diffraction measurements [22,23]. Magnetic frustration arises A. Lattice excitations
from the competition of the first-neighbor antiferromagnetic The group theoretical analysis for the -point phonon
interactions J1 between the Mn3+ spins in the triangular lattices modes of hexagonal (P 63 cm) YMnO3 gives 60 phonon modes
(Fig. 1). at the point: 10A1 + 5A2 + 10B1 + 5B2 + 15E1 + 15E2
YMnO3 single crystals have been grown using the standard and 38 of these modes are Raman active [25]: Raman =
floating-zone technique. Several mm size plaquettes have been 9A1 + 14E1 + 15E2 . Our measurements have been performed
used with the c axis either in or perpendicular to the plaquette in backscattering configuration with the incident wave vector
surface. The crystals have been polished to obtain high surface of the light antiparallel to the scattered wave vector. Pure E 2
quality for Raman measurements while a thickness of 600 μm modes are obtained using z(xy)z geometry [26] (corresponding
has been used for transmission THz measurements. to the backscattering configuration along the z axis with
Raman spectra were recorded in a backscattering geometry polarization of the incident and scattered light along the x
with a triple spectrometer Jobin Yvon T64000 coupled to a axis and the y axis, respectively). The A1 modes are deduced
liquid-nitrogen-cooled CCD detector using the 514 excitation from parallel polarizations with the z(xx)z configuration giving
line from a Ar+ -Kr+ mixed gas laser. The resolution of the the A1 (TO) + E 2 modes.
excitation mode frequencies is less than 0.5 cm−1 . Tem- Figure 2 shows the Raman spectra measured on h-YMnO3
perature measurements have been performed using an ARS single crystals with z(xx)z and z(xy)z scattering configurations.
closed-cycle He cryostat and the magnetic-field measurements We have identified seven A1 modes and nine E 2 modes. The
have been performed using an Oxford Spectromag split-coil frequencies of the phonon modes at 10 K are reported in
magnet. Table I and compared to the previous experimental results
094415-2
LATTICE AND SPIN EXCITATIONS IN MULTIFERROIC . . . PHYSICAL REVIEW B 89, 094415 (2014)
TABLE I. A 1 and E 2 mode frequencies (cm−1 ) measured in h-YMnO3 and description of the atomic displacements.
This work Iliev et al. [25] Kim et al. [27] Vermette et al. [28] Direction of the largest
Mode 10 K 300 K 300 K 10 K displacement [25]
A1 164 148 161 +Z(Y1 ), −Z(Y2 )
211 190 205 244 Rot x,y (MnO5 )
262 257 264 +Z(Y1 , Y2 ), −Z(Mn)
279 297 307 X(Mn), Z(O3 )
434 433 438 434 +Z(O4 ,O3 ), −Z(Mn)
467 459 467 +X,Y (O1 , O2 ), −X,Y (Mn)
685 681 683 686 +Z(O1 ), −Z(O2 )
E2 85 83 X,Y (Y1 , Y2 , Mn)
104 +X,Y (Mn,O4 ,O3 ), −X,Y (Y1 , Y2 )
142 135 137 +X,Y (Y1 ), −X,Y (Y2 )
215 220 +X,Y (O2 , Mn), −X,Y (O1 , O3 )
235 231 Z(Mn,O2 ,O1 )
249 Z(Mn,O1 ,O2 )
309 302 305 Z(O1 , O2 ), +X,Y (O4 )
376 357 +X,Y (O1 , O2 , O3 , O4 ), −X,Y (Mn)
418 405 +X,Y (O1 , O4 ), −X,Y (O2 , Mn)
442 441 +X,Y (O4 ), −X,Y (O1 , Mn)
637 X,Y (O3 , O4 )
094415-3
C. TOULOUSE et al. PHYSICAL REVIEW B 89, 094415 (2014)
FIG. 3. (Color online) (a) Normalized wave numbers [ω(T)/ω(10K)] and (b) normalized intensities [I (T)/I (10K)] of several A1 and E 2
modes as a function of temperature.
electric and magnetic fields with respect to the crystal c axis. M 2 = 43 cm−1 , P 1 = 30.6 cm−1 , and P 2 = 35.4 cm−1 .
One single excitation (labeled M2 ) is clearly observed at All these peaks disappear above TN [Fig. 8(a)] and are
41.5 cm−1 whenever the THz magnetic field h is perpendicular therefore connected to the magnetic order. Quite surprisingly,
to the c axis, that is to say, for e//c h⊥c and e⊥c h⊥c, only one excitation, M 2 , is observed both in Raman and
while nothing occurs for e⊥c h//c (with e the electric field THz experiments while the remaining ones are only Raman
of the electromagnetic wave). It is therefore a magnetoactive active. To understand the origin of these different observed
excitation with h⊥c as already reported in [29]. Its temperature excitations and their THz and Raman activity, we now compare
dependence is given in Fig. 5. Increasing the temperature has a our results with those of neutron-diffraction and spin-wave
dramatic effect on M2 : this excitation broadens and disappears calculations.
above 60 K (below TN ), giving a clear indication that M2 is a Inelastic neutron-scattering measurements and their analy-
magnon associated to the magnetic order. sis have been reported previously [19,30,31]. Three different
Figure 6 shows the low-frequency Raman spectra measured branches are observed for the magnons, which have been
on a single crystal at 7 K with two polarization configurations. modeled using a Heisenberg spin-Hamiltonian with one or two
Five peaks are detected: M 0 = 7.5 cm−1 , M 1 = 21 cm−1 , antiferromagnetic interactions in the triangular planes and two
interactions from one plane to the other. Planar and easy-axis
094415-4
LATTICE AND SPIN EXCITATIONS IN MULTIFERROIC . . . PHYSICAL REVIEW B 89, 094415 (2014)
25
Raman intensity (arb. units) (a)
M
2 20
Energy (cm-1)
P
2 15
M M
0 1 P
1 10
z(x,x)z M2
P1/2
5
M1
M0
0
z(x,y)z
25
(b)
10 20 30 40 50 60 20
Energy (cm-1)
15
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C. TOULOUSE et al. PHYSICAL REVIEW B 89, 094415 (2014)
0.8
resulting from the coupling between magnetic and optical
0.7 phonon excitations. The THz absorbtion measurements are
60K
0.6
M2 Raman
able to reveal electromagnons at the zone center. Whereas
0.5 M2 Thz [35] conventional magnetic excitations are excited by the magnetic-
50K
0.4 M2 Neutron [21] field component h of the THz wave, electromagnons appear
0.3
Calculated Gap
as magnetic resonances excited by the THz electric field e.
40K 0.2
In Fig. 4, there is no additional peak or modification as a
function of the THz electric field and the only peak observed
0.1
at 42 cm−1 is driven by the THz magnetic field as expected
30K 0.0
10 20 30 40 50 60 70 80 90 for a pure magnetic excitation. From these measurements, it is
Temperature (K)
P2
20K clear that there is no evidence for electromagnons at the zone
P1 M2 center in h-YMnO3 .
M1 10K
We now can come back to the P 1,2 peaks in the Raman
1 1
phonon paramagnon is clearly visible at high temperatures
P
0 0 in the far infrared range that have not been explored in our
10 20 30 40 50 60
Temperature (K) THz study.
(2) They could be associated to a two-magnons excitation
with twice the energy of the zone edge (around 16 cm−1 ).
FIG. 8. (Color online) (a) Raman spectra measured between 10 However, there is no branch around 16 cm−1 at the zone edges
and 80 K in z(xx)z configuration. (b) Temperature dependence of
according to our spin-wave calculations.
the M 2 peak energy measured by Raman (square), Thz (circle)
(3) They might be associated to the anticrossing between
in [29], and neutron (triangle) in [20] compared to the calculated
acoustic-phonon and magnon dispersion curves. Such anti-
gap. (c) Temperature dependence of the gap between the P 1/2 and
the normalized phonon mode energy measured by Raman (square)
crossing has been already observed by neutron scattering
and by neutron (star) at q = 0.175 in [19]. The normalization of around 40 and 60 cm−1 for the lower and upper branches
the phonon mode energy corresponds to the difference between the at the scattering vector q0 ≈ 0.185a∗ along the c axis below
phonon energy at a given temperature and its value at 200 K. the Néel temperature. These values are not in total agreement
with the energy of peaks P 1 at 30.6 cm−1 and P 2 at 35.4 cm−1 .
This discrepancy may come from the fact that the gap is not
measured using the z(xx)z configuration. The energies of M1 measured by neutrons and Raman at the same wave-vector
and M2 excitations measured in Raman spectroscopy are in and/or that the anticrossing involves different acoustic-phonon
very good agreement with the spin-wave calculations, whereas and magnon dispersion curves.
for M0 some discrepancy persists. More features support this kind of interpretation. The
To compare with more accuracy the Raman and neutron temperature dependence of peaks P 1,2 is reported in Fig. 8. It
data, the normalized values of the M 2 peak as a function of is clear that they appear below TN and are then connected to
the temperature are reported in Fig. 8(b) in addition to the the magnetic order. In Fig. 8(c), the energy difference between
associated spin-gap energy measured by neutron scattering them is compared to the anticrossing gap value measured by
[20] and Thz spectroscopy [29] and the calculated energy gap. neutron measurements [19] as a function of temperature. Both
The temperature evolution of the spin excitation observed by their values and temperature dependencies are similar. Another
Raman scattering is in good agreement with the behavior of argument is given by the Raman selection rules. The P 1/2
the magnetic moment of the√Mn3+ ions. The calculated gap peaks appears only in the z(xx)z configuration, i.e., along the
energy is given by Egap = 2S DJ1 . S follows the temperature c axis, the direction of the observed gap in neutron scattering.
behavior of the magnetic moment measured in [23]. These evidences support the interpretation of P 1/2 peaks as
Within these calculations, we explain the THz and Raman signatures in Raman spectra of the anticrossing between a
results for M1 and M2 . Clearly, there is no spin-wave magnon and an acoustic-phonon branch.
contribution that can explain P1 and P2 . We now turn to One question remains: how is it possible to observe such
possible lattice contribution. Notice that no optical phonon a gap by the way of a Raman-scattering process? Raman
mode is expected under 70 cm−1 . scattering probes all the dispersion curve of an excitation
094415-6
LATTICE AND SPIN EXCITATIONS IN MULTIFERROIC . . . PHYSICAL REVIEW B 89, 094415 (2014)
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094415-8
PHYSICAL REVIEW B 92, 104302 (2015)
Phonons in the multiferroic langasite Ba3 NbFe3 Si2 O14 : Evidence for symmetry breaking
C. Toulouse and M. Cazayous
Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques UMR 7162 CNRS, Université Paris Diderot-Paris 7, 75205 Paris Cédex 13, France
The chiral langasite Ba3 NbFe3 Si2 O14 is a multiferroic compound. While its magnetic order below TN = 27 K
is now well characterized, its polar order is still controversial. We thus looked at the phonon spectrum and
its temperature dependence to unravel possible crystal symmetry breaking. We combine optical measurements
(both infrared and Raman spectroscopy) with ab initio calculations and show that the signatures of a polar state
are clearly present in the phonon spectrum even at room temperature. An additional symmetry lowering occurs
below 120 K as seen from the emergence of softer phonon modes in the terahertz range. These results confirm
the multiferroic nature of this langasite and open new routes to understand the origin of the polar state.
I. INTRODUCTION in a triangular network stacked along the c axis (see Fig. 1).
This space group is nonpolar and contains one threefold axis,
The Fe langasite Ba3 NbFe3 Si2 O14 is a fascinating material
the c axis, as well as three twofold axes, in the ab plane
owing to its original chiral and magnetic properties [1–3].
perpendicular to the c axis. A static polarization in the ab plane
Recently, its terahertz (THz) spectrum revealed a new kind
is present only if a symmetry breaking occurs, most probably
of electromagnetic excitations, exhibiting all the characters
from P 321 to C2, with the loss of the threefold axis. On the
of an optical phonon, plus the ability to be excited by the
other hand, a static polarization along the c axis is not allowed
magnetic field of a THz wave [4]. A model involving a helical
for C2 but possible for P3, the other subgroup of P 321 where
polarization has been proposed, in which the symmetry of the
the threefold axis is preserved and no twofold axis remains.
crystallographic structure (P 321) is reduced. Two transition
Finally, in the lowest symmetry, P 1, a static polarization in
temperatures are then expected: the first one involving the
the ab plane as well as along the c axis is allowed. Optical
magnetic order is clearly observed at TN = 27 K, the second
measurements should be particularly well suited to probe such
one involving the establishment of a static polarization and
a symmetry breaking. For P 321 symmetry, the 66 optical
therefore the loss of crystallographic symmetry remains con-
modes, expected for this compound with 23 atoms per unit
troversial. While the THz magnetoelectric excitation appears
cell, consist in 22 E modes that are doubly degenerated, 10
below TP = 120 K, no structural transition has been reported
A1 modes, and 12 A2 modes. Infrared (IR) spectroscopy can
so far. Moreover, the compound has been shown to sustain a
probe E and A2 modes, while Raman spectroscopy can probe
weak static electric polarization below TN , but studies differ
E and A1 modes. In C2 symmetry as well as in P 3 and P 1
concerning the direction of this polarization [6–8]. To unravel
symmetries, all 66 modes are no longer degenerated and are
possible symmetry breaking in this langasite compound, we
all IR and Raman active.
probed potential structural changes by looking at the phonon
spectrum using infrared and Raman spectroscopies. We also
confronted our experimental results with first-principles cal-
II. LATTICE EXCITATIONS: PHONON MODES
culations.
Ba3 NbFe3 Si2 O14 crystallizes in the P 321 space group [9]. A. Infrared measurements
The magnetic Fe3+ ions form a lattice of triangles arranged Infrared measurements were performed using two kind of
experimental setup. Temperature resolved data were recorded
from 50 cm−1 up to 700 cm−1 on a powdered sample, using
*
[email protected] the synchrotron radiation on the AILES beamline at SOLEIL,
† combined with an IFS 125 spectrometer and a helium cooled
Present address: Stanford Institute for Materials and Energy
Sciences, SLAC National Accelerator Laboratory, Menlo Park, bolometer. The sample temperature was scanned from 8 to
California 94025, USA. 300 K. Spectra were obtained in the transmission configuration
Normalized energy
500 1.00
(a) powder sample
0.98
400 300 K
Absorbance
0.96
200
10 K
100
0.5 A2
Reflectivity
ture and magnetic order projected along the c axis. a and b axes
are twofold axes, while c axis is the threefold axis. 0.4 800 900 1000 1100
104302-2
PHONONS IN THE MULTIFERROIC LANGASITE Ba . . . PHYSICAL REVIEW B 92, 104302 (2015)
104302-3
C. TOULOUSE et al. PHYSICAL REVIEW B 92, 104302 (2015)
104302-4
PHONONS IN THE MULTIFERROIC LANGASITE Ba . . . PHYSICAL REVIEW B 92, 104302 (2015)
TABLE III. Calculated (within the C2 and P1 space groups) and TABLE III. (Continued.)
measured (IR and Raman) phonons modes. Frequencies are in cm−1 .
Calc. SG: C2
Raman
Calc. SG: C2
Raman Freq IR Freq Irrep Freq
Freq IR Freq Irrep Freq
630 A 623
B − 137 781 A 788
B − 17 836 A 831
71 B 76 847 B 841
83 82 A 81 868 B 868
87 A 93 884 A 876
99 A 96 A 905
917
A 97 B 906
96 96
B 110 937 B 965
B 116 983 983 A 978
126 A 124
129 128 B 124 Calc. SG: P1
142 B 137 Raman
140 A 139 Freq IR Freq Irrep Freq
148 weak B 145 71 ⎧A 74
⎨A 82
B 174
83 A 83
A 179 ⎩
181 A 84
A 180
B 191 A 93
190 189 87
A 191 A 94
197 196 A 194
A 96
206 B 201 96 96
A 97
218/222 A 223 99 A 98
226 227 A 228 126
236 A 124
⎧B 230 A 124
⎨B 248 129 128
A 124
250 250 A 249 140 A 139
⎩
B 250 142 A 140
260 B 259 148 weak ⎧A 142
273 B 280 ⎨A 179
A 288 181 A 180
290 ⎩
B 290 A 181
301 301 A 300 190 189 A 192
316 B 316 197 196 A 194
321 322 A 320 206 A 196
331 A 333 218 A 222
362 B 379 222 A 223
No assignation A 391 226 227 A 229
408 411 B 402 236 A 230
418 A 406
A 249
422 B 419 250 250
A 250
430 A 438 260 A 250
454 B 450 273
No assignation A 465 A 279
A 288
No assignation B 469 weak 290
A 288
480 B 473
A 299
484 A 488 301 301
A 301
503 B 515
316 A 319
509 A 517
321 322 A 320
525 524 B 519
331 A 333
546 B 556
A 392
573 A 561 362
A 393
A 562
566 565 408 411 A 407
B 563
418 A 408
598 B 591
422 A 439
615 608 A 594
430 A 440
622 B 621
104302-5
C. TOULOUSE et al. PHYSICAL REVIEW B 92, 104302 (2015)
TABLE III. (Continued.) should, however, note that the few experimental modes in the
640–770 cm−1 range remain unassigned (see Table IIIc).
Calc. SG: P1 A few conclusions can be drawn at this point. First, the
Raman
Freq IR Freq Irrep Freq P 321 space group usually assumed in the literature for this
system is not the correct group for the Ba3 NbFe3 Si2 O14
A 465 langasite. Indeed, the C3 rotation around the c axis is broken,
454
A 466 even at room temperature—thus allowing a static polarization
480 A 473 in the ab plane to take place—but the in-plane C2 rotation axis
484 A 489 is also expected to be lost, allowing also for a polarization
503 A 512 along the c direction. Even when lowering the symmetry,
509 A 517
the calculations could not account for the phonons in the
525 524 A 517
whole frequency range. Since all the other phonon modes are
546 A 557
reproduced with a very good accuracy, it is unlikely for the
A 560
566 565 computational technique to be at fault. One should thus look
A 561
573 A 563 for other reasons. Crystalline phase impurities may be invoked
598 A 595 to explain the extra experimental modes, however, some of
615 608 A 597 the excitations observed in Raman spectroscopy within the
622 A 623 640–770 cm−1 range are very intense. In addition, the 677 and
630 A 625 772 cm−1 modes have previously been measured on a different
781 A 789 sample by another group [13]. It is therefore unlikely that
836 A 832 impurities could explain the experiment-theory discrepancies.
847 A 832 The only remaining possibility is that both the initial point
868 A 868 group and the unit cell are incorrect.
884 A 875 At this point, one should remember that the magnetic unit
917
A 905 cell corresponds to a c = 7c supercell. We therefore computed
A 905 the phonon modes in a double (2c) and a triple (3c) cell along
937 A 963 the c direction within the P 321 space group. Unfortunately, the
983 983 A 978 size of these calculations does not allow to go up to a 7c unit
cell or P1 space group. Nevertheless, these calculations clearly
Nonassigned modes within C2 and P1 calcul. show that even in a double or a triple unit cell, we still do not
Raman freq. IR freq. find phonon modes in the 640–770 cm−1 range. The spectrum
. 640 of the triple unit cell, however, presents the emergence of new
677 . phonon modes at very low energy (< 70 cm−1 ).
718 . We will thus now focus on the low-energy part of the phonon
758 . spectrum, below (70 cm−1 ) the calculated cutoff energy for the
772 . phonons in a single unit cell.
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PHONONS IN THE MULTIFERROIC LANGASITE Ba . . . PHYSICAL REVIEW B 92, 104302 (2015)
66
e // c
e⊥ c
64
Phonon wave number (cm )
62
-1
60
58
56
54
TN TP
52
0 50 100 150 200 250 300
T (K)
FIG. 7. (Color online) Phonon energy measured as a function of FIG. 8. (Color online) Low-energy Raman spectra obtained for
temperature for two directions of the THz polarization. different polarization configurations on the Y crystal at 10 K.
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C. TOULOUSE et al. PHYSICAL REVIEW B 92, 104302 (2015)
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PRL 115, 267204 (2015) PHYSICAL REVIEW LETTERS 31 DECEMBER 2015
Multiferroic insulators have noncollinear magnetic order antiferromagneticlike spiral of the cycloidal type with
that drives ferroelectricity, and ferroelectric order that wave vector Q0 ¼ 2π=64 nm [11]. This spiral transforms
controls magnetism. This demonstrated cross-correlation into a canted homogenous antiferromagnetic state under
between electric and magnetic effects shows great promise epitaxial strain [4,6] or chemical doping [5]. Hydrostatic
for the development of magnonic devices whose goal is to pressure is known to induce dramatic changes in BiFeO3 ’s
use magnetic excitations as a low energy substitute of ferroelectricity and crystal structure. The large electric
conventional electronics [1–3]. The spin-lattice interaction polarization either disappears or becomes weak above
plays a decisive role in mediating the combined ferroic ≈5 GPa, and a total of six structural phase transitions have
properties of multiferroic materials. When induced by been observed up to 50 GPa [12,13].
epitaxial mismatch or chemical substitutions, strain pro- In this Letter, we combine an advanced high-pressure
vides a handle for the complex interplay between magnetic technique ideally suited to probe simultaneously spin and
and electronic properties and their coupling to structural phonon excitations with Landau-Ginzburg and effective
distortions [4–6]. At present, the mechanisms linking spin Hamiltonian calculations to elucidate the coupling between
excitation to structural deformation remain hardly acces- spin excitations and structure in the prototypical multiferroic
sible, whereas their fine control is highly desirable to build BiFeO3 . We determine how pressure-induced structural
these new technologies. transitions drive the magnetic order from a noncollinear
Bismuth ferrite (BiFeO3 ) plays an important role in to a homogeneous magnetic state.
multiferroics research, as it is one of the few materials that We performed Raman spectroscopy measurements on
has coexisting ferroelectricity and magnetism at room single crystals of bulk BiFeO3 under hydrostatic pressure
temperature [7] with an unusual combination of properties up to 12 GPa in a membrane diamond anvil cell. We have
such as large above band gap voltages [8], photovoltaic developed an original optical experimental setup in order to
effect [9], and conductive domain walls [10]. At ambient track low energy excitations down to 7 cm−1 under extreme
pressure, it becomes ferroelectric below ≃1100 K, conditions [14]. We have thus been able to follow simulta-
with one of the largest known electrical polarization (that neously the phonon modes and the magnetic excitations
is, P ¼ 100 μC=cm2 ). Below 640 K, it exhibits an under a broad range of hydrostatic pressure.
(b)
(b)
FIG. 1 (color online). (a) Raman spectrum of spin wave FIG. 2 (color online). (a) Evolution of the energies of selected
excitation modes at low energy in BiFeO3 under 0.99 GPa phonon modes in the 40–200 cm−1 range. Several modes appear
and at 300 K. The assignment of these spin excitation modes is in or disappear at the structural transitions. (b) Effective Hamil-
agreement with Refs. [20,21] (note that this revises our original tonian simulations of the structure: the plotted lines correspond to
mode attribution [22]). The first spin wave excitation peak at the enthalpies of four different structures as a function of
7 cm−1 (denoted by “?”) has not been assigned (see text). Inset: pressure, relative to the enthalpy of the R3c phase. As the
Large energy scale Raman spectrum of phonon modes. (b) Mag- pressure increases, we observe the sequence of phase transitions
netic incommensurate cycloid in BiFeO3 and the two sets of spin R3c → Pna21 → Pca21 → Pnma.
wave excitations ϕ and ψ as in-plane cyclon and extracyclon
modes, respectively. The electrical polarization vector P is along
[111] and the cycloid propagating along ½1; 0; −1 lies in the transitions can be tracked, especially the transitions
ð−1; 2; −1Þ plane. between the O2 and O3 phases.
To support the structural description of BiFeO3 under
pressure, we performed a theoretical study of the crys-
Figure 1(a) shows the phonon modes and the spin talline structure using the effective Hamiltonian approach
excitations measured at low pressure. The frequency and developed in Refs. [27,28]. As shown in Fig. 2(b), at low
the optical selection rules of the phonon modes are character- pressure the crystalline structure is rhombohedral and
istic of the rhombohedral (R3c) phase [23]. The series of belongs to the R3c space group; when the pressure
narrow peaks (with linewidth ∼1 cm−1 ) in Fig. 1(a) are the increases, we find several transitions towards orthorhom-
fingerprint of the cycloidal spin excitations at zero wave bic structures with complex oxygen octahedra tilts
vector [22]. The spin excitations in BiFeO3 can be decom- belonging to the space groups Pna21 and Pca21 . These
posed into cyclon (ϕn ) and extracyclon (ψ n ) modes, corre- complex structures belong to the family of nanotwin
sponding to oscillations in and out of the cycloid plane, phases predicted in Ref. [28] that have energies close
respectively [Fig. 1(b)] [22,24,25]. The first spin wave to those of the R3c and Pnma states. Finally, at the highest
excitation peak at 7 cm−1 has not been assigned because pressures, theory predicts a transition to the orthorhombic
it can either be attributed to the Φ0 þ mode or can result from structure belonging to the Pnma space group. One can
small domains in the sample with weak magnetization [26]. thus notice that all but one of the measured structural
As indicated by the change in the phonon modes [see phases are reproduced in the calculations. This missing
Fig. 2(a) and in [14]], we observe four structural transitions phase is likely another intermediate and stable nanotwin
occurring at about 3.5, 5.5, 7.75, and 11 GPa, from a configuration that may have a slightly higher enthalpy in
rhombohedral (R3c) to an orthorhombic (Pnma) phase the present effective Hamiltonian calculations. This theo-
through three orthorhombic structures (O1 , O2 , O3 ), in retical study also provides information on the electrical
agreement with previous high energy Raman scattering and polarization and structural changes of the oxygen octahe-
x-ray studies [12]. Thanks to our observation of the new dra through the successive structural phases. These
phonon modes occurring below 100 cm−1, all structural extracted parameters will be shown to be crucial to
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(a) (b)
FIG. 3 (color online). (a) Low energy part of some of the Raman spectra showing the behavior of the magnetic excitations under
pressure. (b) Energy of the spin wave excitations in BiFeO3 from 0 to 12 GPa reported as a function of pressure. Lines are fits using our
theoretical model (see text) and some structural parameters obtained from computations. Vertical dash lines mark the four structural
transitions.
reproduce the evolution with pressure of the spin wave linking each site to its six nearest neighbors. The vector Si
excitations observed at low energy. describes the Fe3þ spin at site i, while the vectors ui and ωi
Figure 3(a) shows the low-energy part of the Raman represent structural distortions around this site. More pre-
spectra obtained at different pressures, and Fig. 3(b) depicts cisely and as schematized in Fig. 4, ui is the local mode
the corresponding spin excitation energies as a function of describing the electric dipole moment at site i (the ionic
the applied pressure. At low pressure, below the first contribution to the electrical polarization P is proportional to
structural transition at 3.5 GPa, we observe that some spin hui i), and ωi is a pseudovector describing oxygen octahedra
excitations harden while others soften with a clear tendency tilting at site i (the direction of ωi is the axis about which the
for the three lowest energy modes to merge towards oxygen octahedron of site i tilts, while its magnitude is the
12 cm−1 . Otherwise, the width of these peaks remains value of the angle associated with such tilt [30]).
constant under pressure, which indicates good hydrosta- All interaction energies in Eq. (1) are expected to be
ticity. Above 3.5 GPa, the crystal structure enters the first pressure dependent. The exchange interaction J > 0 is
orthorhombic phase and only two spin excitations are known to scale inversely proportional to the tenth power of
observed, signaling the sudden disappearance of the spin the distance between the Fe spins [31]. As a result, in each
cycloid at the first structural transition. The presence of two structural phase J will increase linearly with pressure with
spin excitations in the O1 phase shows that in this pressure the derivative dependent on the Fe-O-Fe angle in addition
range, BiFeO3’s magnetic order is a simple two-sublattice to the Fe-Fe distance [12]. The pressure dependence of the
antiferromagnet. The spin excitations harden as the pres- other model parameters is not known. The parameter C is
sure increases. A jump discontinuity is observed at the O1 - the spin-current interaction responsible for cycloidal order
to-O2 phase transition, whereas the hardening is continuous in BiFeO3 , and the parameter D leads to spin canting and
through the O2 -to-O3 phase transition. weak ferromagnetism [27,32]. Both C and D arise from the
In order to describe these results, we propose a modified Dzyaloshinskii-Moriya interaction, with C; D ∝ ηSO J, with
model for the coupling between magnetism and ferroelec- ηSO being the spin-orbit energy splitting of the heaviest
tricity in BiFeO3 [27,29] lattice ion, Bi3þ . Finally, the last term of Eq. (1) models
single ion anisotropy, with the anisotropy axis pointing
1X
H¼ fJSi · Siþδ þ ½Cðui × δÞ þ Dðωi − ωiþδ Þ along the local mode vector ui, with K ∝ η2SO as shown in a
2 i;δ microscopic calculation [29].
X At ambient pressure and room temperature, BiFeO3 has
· Si × Siþδ g − K ðui · Si Þ2 ; ð1Þ
the R3c structure with the same local mode u at all sites i,
i
pointing along [111] and giving rise to P. In addition, the
with the sum running over all sites i of the pseudo-cubic oxygen octahedra adopts an antiferrodistortive order, with
lattice formed by the Fe3þ ions, with δ being the unit vector ωi ¼ ωAFD =2 in one sublattice and ωiþδ ¼ −ωAFD =2 in the
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(a)
quite different from the structural changes under chemical
pressure observed in the rare earth manganite series [31]. In
Fig. 3(b), the pressure trend of the spin excitations is well
reproduced by our simple two parameters model. Only one
of them depends on pressure [14].
With pressures above about 3.5 GPa, a structural phase
transition has occurred, and only two spin excitations with
frequencies to be denoted by ωhigh and ωlow are observed.
Equation (1) predicts a transition to a (canted) homo-
geneous antiferromagnet when
π 2 JjK eff j 1 ω2AFD
< ∝ − 2 ; ð3Þ
(b)
8 ðCuÞ2 J u
so we infer that either J decreases or ωAFD =u increases
during the transition R3c → O1 . Both behaviors are
consistent with our effective Hamiltonian calculations.
Obviously, if P becomes zero right at the O1 phase boundary,
a transition towards a homogeneous antiferromagnetic state
would appear associated with a single spin waves peak. This
scenario is inconsistent with the measurements and the
structural calculations. Indeed, u is not zero in the nanotwin
phases as evidenced in Fig. 4(a). We combine the two
theoretical models to reproduce the spin wave excitations in
the orthorhombic phases. Equation (1) is able to explain the
observed magnon data provided that two conditions are
FIG. 4 (color online). (a) Calculated average local mode hui satisfied: K < 0 and θ ≠ 0, where θ is the angle between hui
(directly proportional to P) for each phase as a function of and ωAFD shown in Fig.
pressure. Inset: schematic representation of the local mode u, the
pffiffiffi 4. Only under these two conditions
do we get ωhigh > 2ωlow with ωlow > 0 as observed
polarization P, and the antiferrodistortive vector ωAFD describing experimentally in the homogeneous magnetic phases.
the tilting of BiFeO3 ’s oxygen octahedra in the pseudo-cubic
Turning again to our effective Hamiltonian calculations,
structure of BiFeO3 . The Dzyaloshinskii-Moryia interaction
vector points along ωAFD . (b) Calculated antiferrodistortive we see that θ becomes nonzero only after the transition
vector ωAFD (left scale) and the θ angle between hui and R3c → Pna21 , and that θ has a jump discontinuity in the
ωAFD (right scale) as a function of pressure. transition Pna21 → Pca21 (Fig. 4). We do not define θ for
the nonpolar phase Pnma. Using the effective Hamiltonian
calculations of θ for Pna21 and Pca21 to model magnons
other, with ωAFD also pointing along [111]. This structural in the O1 and O2 − O3 phases, respectively, we are able to
configuration combined with Eq. (1) gives rise to the reproduce the pressure dependence of the two spin wave
magnetic cycloidal order shown in Fig. 1(b). When the excitations in the O1 , O2 , and O3 [Fig. 3(b)]. Therefore,
effective anisotropy the jumps observed at the R3c → Pna21 ðO1 Þ and the
D2 ω2AFD Pna21 ðO1 Þ → Pca21 ðO2 Þ structural transitions are directly
K eff ¼ Ku2 − ð2Þ linked to θ.
12J
In the Pnma phase, we observe two modes at 25 cm−1
is positive, the ground state of Eq. (1) is an anharmonic and ∼40 cm−1 [Fig 3(a)]. The first one has quite large
cycloid, with spin excitations splitting into waves of even spectral weight (10 times larger than all other magnon
(þ) and odd (−) symmetry with respect to space inversion peaks), and does not seem to change frequency with
along the cycloid wave vector Q [14]. This splitting is increasing pressure. The second peak is quite similar to
found to be essential to describing the modes [20,21,33]; the magnon peaks in other phases. It may be that these first
for example, at ambient pressure, the ϕ1 modes are split and second peaks are related to the so-called X5þ and R5þ
by 5.5 cm−1 [21]. From our model calculations, we expect antipolar modes known to occur in the nonpolar Pnma
the evolution with pressure of the split modes to track the phase [35,36]. Future work is needed to verify such
pressure dependence of J, u, and ωAFD [14]. hypothesis because the model of Eqs. (1)–(3) is presently
Our effective Hamiltonian calculations predict that u developed to understand results of the polar R3c, O1 , O2 ,
decreases with increasing pressure and ωAFD remains nearly and O3 phases.
constant in each phase (Fig. 4), as consistent with the known In summary, via the combination of original Raman
fact that (small) pressure typically reduces ferroelectricity scattering experiment and computational and theoretical
[34]. These changes under hydrostatic pressure are in general techniques, we report the magnetic excitations of BiFeO3
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as a function of pressure up to 12 GPa, showing for the first [6] D. Sando et al., Nat. Mater. 12, 641 (2013).
time that the material undergoes a series of magnetic phase [7] G. Catalan and J. F. Scott, Adv. Mater. 21, 2463 (2009).
transitions linked to structural changes. As pressure [8] S. Y. Yang et al., Nat. Nanotechnol. 5, 143 (2010).
increases above 3.5 GPa, the noncollinear cycloidal mag- [9] M. Alexe and D. Hesse, Nat. Commun. 2, 256 (2011).
[10] J. Seidel, D. Fu, S.-Y. Yang, E. Alarcón-Lladó, J. Wu, R.
netism transforms into a canted homogeneous antiferro-
Ramesh, and J. W. Ager, Phys. Rev. Lett. 107, 126805 (2011).
magnet. At the ensuing crystal phase transitions at 5.5, [11] I. Sosnowska, T. Peterlin-Neumaier, and E. Steichele,
7.75, and 11 GPa, the two remaining spin excitations show J. Phys. C 15, 4835 (1982).
jump discontinuities. The effective Hamiltonian approach [12] M. Guennou, P. Bouvier, G. S. Chen, B. Dkhil, R. Haumont,
provides information on the electrical polarization and G. Garbarino, and J. Kreisel, Phys. Rev. B 84, 174107 (2011).
structural changes of the oxygen octahedra through the [13] S. Gómez-Salces, F. Aguado, F. Rodríguez, R. Valiente, J.
successive structural phases. The extracted parameters are González, R. Haumont, and J. Kreisel, Phys. Rev. B 85,
then used in a Ginzburg-Landau model to reproduce the 144109 (2012).
evolution with pressure of the spin wave excitations [14] See Supplemental Material at http://link.aps.org/
observed at low energy in all of the structural phases. supplemental/10.1103/PhysRevLett.115.267204, which in-
We demonstrate that the structural phases and the magnetic cludes Refs. [15–19], for details about experimental, com-
putational and methodological techniques and results.
anisotropy drive and control the spin excitations. Pressure
[15] W. Zhong, D. Vanderbilt, and K. M. Rabe, Phys. Rev. Lett.
reveals several hitherto unexplored regimes in the proto- 73, 1861 (1994).
typical multiferroic BiFeO3 and can help stabilize unstable [16] W. Zhong, D. Vanderbilt, and K. M. Rabe, Phys. Rev. B 52,
structural distortions leading to promising novel metastable 6301 (1995).
phases. The control of the crystallographic lattice by [17] J. B. Neaton, C. Ederer, U. V. Waghmare, N. A. Spaldin, and
ultrafast optical excitations may result in high-speed K. M. Rabe, Phys. Rev. B 71, 014113 (2005).
magnonic devices thanks to the simultaneous coherent [18] P. Fischer, M. Polomska, I. Sosnowska, and M. Szymanski,
driving of both lattice and magnetic excitations between J. Phys. C 13, 1931 (1980).
different ferroelectric and magnetic phases. [19] D. Albrecht, S. Lisenkov, W. Ren, D. Rahmedov, I. A.
Kornev, and L. Bellaiche, Phys. Rev. B 81, 140401 (2010).
C. T., J. B., M.-A. M., and M. C. would like to acknowl- [20] R. S. Fishman, J. T. Haraldsen, N. Furukawa, and S.
edge support from the French National Research Agency Miyahara, Phys. Rev. B 87, 134416 (2013).
(ANR) through DYMMOS and PRINCESS projects and [21] U. Nagel, R. S. Fishman, T. Katuwal, H. Engelkamp, D.
the General Directorate for Armament (DGA). This work Talbayev, H. T. Yi, S.-W. Cheong, and T. Rõõm, Phys. Rev.
was supported by the Labex SEAM (Grant 262 No. ANR- Lett. 110, 257201 (2013).
11-IDEX-0005-02). J. B. and M.-A. M. thank P. Munsch [22] M. Cazayous, Y. Gallais, A. Sacuto, R. de Sousa, D. Lebeugle,
and D. Colson, Phys. Rev. Lett. 101, 037601 (2008).
and G. Le Marchand for high-pressure technical support
[23] C. Beekman, A. A. Reijnders, Y. S. Oh, S. W. Cheong, and
(IMPMC, UPMC, Paris 6). R. d. S. acknowledges support K. S. Burch, Phys. Rev. B 86, 020403(R) (2012).
from the Natural Sciences and Engineering Research Council [24] R. de Sousa and J. E. Moore, Phys. Rev. B 77, 012406
of Canada, through its Discovery program. D. W. and L. B. (2008).
thank the support of the Air Force Office of Scientific [25] M. K. Singh, R. Katiyar, and J. F. Scott, J. Phys. Condens.
Research under Grant No. FA9550-16-1-0065. Matter 20, 252203 (2008).
[26] D. Wang, J. Weerasinghe, and L. Bellaiche, Phys. Rev. Lett.
109, 067203 (2012).
* [27] D. Rahmedov, D. Wang, J. Íñiguez, and L. Bellaiche, Phys.
Present address: High Field Magnet Laboratory, Institute for
Rev. Lett. 109, 037207 (2012).
Molecules and Materials, Radboud University Nijmegen,
[28] S. Prosandeev, D. Wang, W. Ren, J. Íñiguez, and L.
Toernooiveld 7, 6525 ED Nijmegen, The Netherlands.
† Bellaiche, Adv. Funct. Mater. 23, 234 (2013).
Corresponding author.
[29] R. de Sousa, M. Allen, and M. Cazayous, Phys. Rev. Lett.
maximilien.cazayous@univ‑paris‑diderot.fr
‡ 110, 267202 (2013).
Corresponding author.
[30] I. A. Kornev, L. Bellaiche, P. E. Janolin, B. Dkhil, and E.
marie‑aude.measson@univ‑paris‑diderot.fr
Suard, Phys. Rev. Lett. 97, 157601 (2006).
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[36] O. Diéguez, O. E. Gonzalez-Vazquez, J. C. Wojdel, and
A. L. Kholkin, A. M. L. Lopes, Y. G. Pogorelov, J. P. Araujo,
J. Íñiguez, Phys. Rev. B 83, 094105 (2011).
and M. Maglione, J. Appl. Phys. 103, 024105 (2008).
267204-5
Titre : Matériaux multiferroïques : structure, ordres et couplages. Une étude par
spectroscopie Raman.
Résumé : Les matériaux multiferroïques sont des composés dans lesquels des ordres
magnétiques, électriques et élastiques peuvent coexister au sein d’une même phase. Ces
ordres peuvent être couplés entre eux et l’étude de ces couplages permet de mieux
comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les diagrammes de phase complexes de ces
matériaux. Cette thèse porte sur l’étude de différents composés multiferroïques par
spectroscopie Raman.
Abstract : Multiferroic materials are compounds that exhibit at least two coexisting
ferroic orders (magnetic, electric or elastic) in a same phase. These orders can be
coupled together and the study of these couplings yields a better understanding of the
mechanisms at stake in these compounds. This PhD thesis deals with the study of
several different multiferroic materials by the mean of Raman spectroscopy.
In bismuth ferrite (BiFeO3), the effect of the strain on the magnetism, both in thin films
(epitaxial strain) and bulk samples (hydrostatic pressure), is investigated here in details.
This thesis presents in addition a study of hybrid magnetoelectric excitations
(electromagnons) in type II multiferroic compounds with high ferroelectric polarization
such as CaMn7O12 and TbMnO3. Furthermore, phonon modes and magnetic excitations
have also been studied (especially under magnetic field) in magnetically frustrated
multiferroic compounds such as h-YMnO3, h-YbMnO3 and in the iron langasite with
niobium Ba3NbFe3Si2O14.
Université Paris-Saclay
Espace Technologique / Immeuble Discovery
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