Styles Et Strategies D'Enseignement Dans Les Universites Et Les Grandes Ecoles
Styles Et Strategies D'Enseignement Dans Les Universites Et Les Grandes Ecoles
Styles Et Strategies D'Enseignement Dans Les Universites Et Les Grandes Ecoles
RESUME
Enseigner est d’abord un acte intentionnel, qui suppose une intention didactique préalable, puis
un acte de communication, dans lequel l’enseignant exprime un message. Cette intentionnalité
est fondamentale, car elle rend indispensables la définition des objectifs et l'adoption de
stratégies adéquates, nous situant d'emblée dans une perspective taxonomique ( Peraya, 1989).
L’acte de communication, lui aussi fondamental, fera varier la portée du message selon les
formes utilisées : verbale, non-verbale, numérique.
Depuis Lewin, Lippit et White (1939), nous savons que le style se rapporte à la manière
personnelle d'établir la relation avec les élèves, de gérer une classe ou un groupe
d'apprentissage, sans préjuger des méthodes ou des techniques mises en œuvre (Therer, 1984).
La pratique nous démontre au fil des années que pour être un enseignant « efficace », il est
nécessaire d’être adaptable et flexible dans la variété de nos activités d'enseignement, afin de
répondre aux besoins différenciés des apprenants.
Si l’on considère que connaitre son style d’apprentissage dominant peut être un élément
favorable à la prise de conscience de soi pour les apprenants, il est envisageable de considérer
que connaître son style d’enseignement, puisse aider les enseignants à mieux se définir et se
connaître. Cette notion de style fait débat depuis plusieurs décennies dans la littératie
scientifique, et différents partis-pris s’expriment, souhaitant pour certains exprimer un doute,
pour d’autres une certitude. Ce n’est pas notre approche. Nous allons réaliser une analyse
pragmatique pour en différencier les différents éléments constitués. Nous proposons de définir
le style d’enseignement comme une série d’opérations à travers lesquelles l’enseignant
sélectionne et gère en classe les tâches, les matériaux, les activités des élèves ; et une stratégie
d’enseignement, comme un ensemble de méthodes et de moyens spécifiques d’enseignement,
utilisés pour atteindre les objectifs d’apprentissage d’un cours dans une discipline donnée, et à
un niveau intellectuel correspondant à des apprenants identifiés. Pour analyser les résultats de
cette étude empirique, nous avons utilisé l’outil d’auto-évaluation : Staffordshire Evaluation of
Teaching Styles (SETS) créé par l’Université Staffordshire au Royaume-Uni, qui satisfait ces
attendus.
ABSTRACT
Like any form of education, teaching is first of all an intentional act, which presupposes a prior
didactic intention, and then an act of communication, in which the teacher expresses a message.
This notion of intentionality is fundamental, since it makes it essential to define objectives and
adopt appropriate strategies: it places us from the outset in a taxonomic perspective (Peraya,
1989). The act of communication, which is also fundamental, will vary the scope of the message
according to the forms used: verbal, non-verbal, digital.
Since Lewin, Lippit and White (1939), we have known that style refers to the personal way of
relating to students, of managing a class or learning group, without prejudging the methods or
techniques used (Therer, 1984). Practice has shown us over the years that to be an "effective"
teacher, it is necessary to be adaptable and flexible in the variety of our teaching activities, in
order to meet the differentiated needs of learners.
If we consider that knowing one's dominant learning style can be a favourable element for self-
awareness for learners, it is conceivable that knowing one's teaching style can help teachers to
better define and know themselves. This notion of style has been debated for several decades
in scientific literacy, and different views have been expressed, some wishing to express doubt,
others certainty. This is not our approach. We are going to carry out a pragmatic analysis to
differentiate between the different elements that make it up. We propose to define teaching style
as a series of operations through which the teacher selects and manages in the classroom the
tasks, materials and activities of the students; and a teaching strategy, as a set of specific
teaching methods and means, used to achieve the learning objectives of a course in a given
subject area, and at an intellectual level corresponding to identified learners. To analyse the
results of this empirical study, we used the self-assessment tool: Staffordshire Evaluation of
Teaching Styles (SETS) created by Staffordshire University in the United Kingdom, which
meets these expectations.
Keywords: teaching styles; teaching strategies, universities; graduate schools.
INTRODUCTION
Après avoir investigué pendant quinze ans les styles et stratégies d’apprentissage des adultes (≥
21 ans), en présentiel, puis sur les réseaux numériques, nous avons décidé de nous intéresser
aux styles et stratégies d’enseignement, à l’université et dans les grandes écoles1, en menant
une étude comparative internationale. Notre programme de recherche vise à étudier le processus
enseignement-apprentissage et à mettre sur le devant de la scène les styles et stratégies dans
l’enseignement supérieur dans l’optique de concevoir au mieux des environnements
numériques pour l’apprentissage (Galaup, 2020). Nous commencerons par contextualiser la
notion des styles et stratégies d’apprentissage, et nous expliciterons les styles et stratégies
1
Nous-même avons vécu cette double expérience
Dans nos travaux, nous reprenons la définition de Jean Therer (1984) : « le style
d’apprentissage, c’est le mode personnel de saisie et de traitement de l’information, c’est donc
la manière préférentielle d’un individu pour aborder et résoudre un problème » (Frayssinhes,
2012 p.167). La notion de style s’inscrit dans la psychologie différentielle, en s’appuyant et
distinguant :
CONTEXTE
La théorie qui sous-tend l'enseignement didactique remonte sans doute aux années 1800-1900,
lorsque des philosophes, tels que Francis Bacon et John Locke, ont postulé que tout
apprentissage s'acquiert par l'expérience que l’on peut tester, et tester à nouveau, à l’aide de
méthodes empiriques. Selon Herbart (dans Hergenhahn, 2009), les enseignants devraient
identifier ce que les apprenants savent déjà, et ensuite expliciter les raisons pour lesquelles il
est important d'apprendre davantage, en faisant le lien entre le nouveau matériel didactique et
les connaissances de l’apprenant déjà acquises. L'accent est mis sur la découverte en tant que
construction systématique, délivrée par une approche didactique utilisant la méthode des cours
magistraux, pour enseigner aux apprenants "quoi penser", pas nécessairement "comment
penser", à l’aide d’un référentiel de connaissances semblable à un dictionnaire (Fry et al., 2003).
Cependant, c'est étroitement lié à l'une des façons dont les humains acquièrent des
REVUE DE LITTERATURE
Le style d'enseignement peut être défini comme comprenant les rôles que joue un enseignant
dans la classe (Grasha, 1997). Notre style d'enseignement de référence ou de prédilection,
pourrait être fondé sur la façon dont on nous a enseigné, mais aussi nos capacités et nos
croyances de ce qui constitue un bon enseignement. Certains croient que les classes doivent être
centrées sur l'enseignant, considéré comme étant l'expert et donc détenteur de l'autorité en
matière de présentation de l'information. D'autres adoptent une approche centrée sur
l'apprenant, considérant leur rôle comme celui d'un facilitateur/médiateur de l'apprentissage des
élèves comme dans le processus de FOAD.
L'analyse de l'enseignement a permis d'identifier depuis une trentaine d’années, les principales
variables qui régissent les situations d'apprentissage. Dans ce contexte, les styles
d'enseignement peuvent être théoriquement aussi variés, que les combinaisons possibles de ces
variables. Il existe une vaste littérature portant sur les styles d’enseignement et le premier travail
du chercheur est d’établir une sélection des différents outils disponibles.
Nous ne prétendons à aucune exhaustivité dans ce qui suit. Le style d'enseignement peut être
défini comme " les comportements personnels de l'enseignant et les médias utilisés pour
transmettre ou recevoir des données à l'apprenant " (Kaplan et Kies, 1995, p. 29). La recherche
a révélé que des domaines comme les croyances, les antécédents culturels, les expériences
d'enseignement (Heimlich, 1990), la nature de la matière (Evans, 2004 ; Lawrence, 1997), les
initiatives gouvernementales en matière de curriculum (Hargreaves, 2003; Richards, 1998) et
la satisfaction professionnelle (Opdenakker et Van Damme, 2006) influencent les styles
Présences Vol. 15, 2021, Université du Québec à Rimouski
Revue transdisciplinaire d’étude des pratiques psychosociales.
6
Frayssinhes J., Galaup M., Styles et stratégies d’enseignement dans les universités et…
d'enseignement. Les chercheurs pré-cités ont tenté de concevoir des inventaires pour évaluer
les styles d'enseignement, mais jusqu'à présent " on sait peu de choses sur l'utilisation et la
perception qu'ont les enseignants des divers styles d'enseignement " (Kulinna et Cothran, 2003,
p. 1). Les chercheurs qui ont étudié les styles d'enseignement ont travaillé individuellement et
ainsi, un certain nombre de dimensions ont été élaborées pour mesurer les styles d'enseignement
dans différents domaines : (Robinson, 1979); proactif et réactif (Lenz, 1982); centré sur
l'enseignant et l'apprenant (Opdenakker et Van Damme, 2006); guidé, exposé et enquête (May
Oi et Stimpson, 1994); didactique, socratique et facilitateur (Jarvis, 1985); facilitateur et chemin
gnomonique (Rosenfeld et Rosenfeld, 2007); reproducteur et productif (Kulinna et Cothran,
2003); et holistique et analytique (Evans, 2004). Il existe de multiples inventaires de
l'enseignement en ligne, tels que CORD (2005), Grasha et Riechmann (1996), ou Pratt et
Collins (2000). L'un des inventaires d'enseignement les plus courants est l'inventaire Grasha-
Riechmann, qui évalue cinq styles d'enseignement : expert, autorité formelle, modèle personnel,
animateur et délégant. Le Teaching Perspective Inventory (TPI) élaboré par Daniel Pratt et John
Collins (2000) en est un autre, qui évalue plusieurs styles : transmission, apprentissage,
développement, éducation et réforme sociale. Mohanna, Chambers et Wall (2007) ont conçu un
outil pour sensibiliser les enseignants novices à leur style d'enseignement. La méthodologie de
Tournier (1978) est organisée autour du mode de médiatisation ; celle de De Ketele et al. (1988)
s’organise autour de quatre dimensions : acteur principal, les objectifs/activités, l’agent
d’apprentissage, la visée. La typologie de Chamberland, Lavoie et Marquis (1996), propose
trois dimensions : qui contrôle ? rôle du groupe ; importance des intermédiaires pédagogiques.
L’enseignement « stratégique » de Tardif (1997) comprend trois phases : préparation à
l’apprentissage, la présentation du contenu et l’application et le transfert des connaissances.
L’enseignant stratégique est un « éducateur-médiateur » (Feuerstein, 1989), au service de
l’émergence d’un développement positif des apprenants. Enfin, les styles d’enseignement
élaborés par Jean Therer à l’Université de Liège (1984), développés sur la base de la Blake &
Mouton Managerial Grid, qui permet l’auto-évaluation du leadership.
Comme toujours dans les études scientifiques, la plus grande difficulté réside dans l’analyse
des résultats et leur interprétation (Frayssinhes, 2019). Que l’on souscrive ou non aux théories
qui mettent l'accent sur l'importance de l'alignement ou de l'enchaînement des programmes
d'études dans l'enseignement, ou la mise de l'accent sur le constructivisme ou l'apprentissage
par la découverte, il est clair que les enseignants, quel que soit le rôle qu’on leur attribue, ont
une fonction à remplir dans tous les domaines permettant le suivi et la progression de l'élève. Il
y a quelques principes de base qui découlent notamment de l'opinion d'experts, mais aussi de
l'expérience acquise dans le cadre de l'évaluation axée sur les résultats, qui ont tendance à être
réitérés comme éléments d'un enseignement efficace :
▪ Fixer des objectifs clairs et des résultats escomptés,
▪ Assurer une supervision et une évaluation adéquates de ces objectifs,
▪ Fournir une rétroaction significative aux élèves,
▪ Montrer de l'intérêt pour les progrès des apprenants.
METODOLOGIE
Le Staffordshire Evaluation of Teaching Styles (SETS) que nous avons utilisé, a été construit
en 2007 au sein de l’Université Staffordshire au Royaume-Uni par le professeur David Wall,
auquel nous avons demandé et obtenu l’autorisation de l’utiliser. C’est un outil d’auto-
2
Traduction libre de l’auteur
PRINCIPAUX RESULTATS
STYLES D’ENSEIGNEMENT
Le score du style 1 est de 11450 points sur un total possible de 13900, soit 82,37 %
Le score du style 2 est de 9067 points sur un total possible de 13900, soit 65,23 %
Le score du style 3 est de 8986 points sur un total possible de 13900, soit 64,64 %
Le score du style 4 est de 8509 points sur un total possible de 13900, soit 61,21 %
Le score du style 5 est de 8872 points sur un total possible de 13900, soit 63,82 %
Le score du style 6 est de 5998 points sur un total possible de 13900, soit 43,15 %
Somme
Style 1
Professeur polyvalent
flexible et adaptable
12000 11450
10000
8000 Style 2
Style 6
6000 Professeur sensible centré
Professeur occasionnel 9067 sur l'apprenant
5998 4000
2000
0
Style 3
Style 5 8872 8986 Professeur du programme
Professeur conférencier (curriculum) d'études
officiel
8509
Style 4
Professeur direct qui
enseigne les faits
Le style 1 est le plus représenté chez nos participants à cette étude, suivi ensuite de façon
décroissante des styles 2, 3, 5, 4 dont les résultats sont très proches, et enfin du style 6 dont les
résultats sont significativement très différents des cinq autres.
SEXE*STYLES
Le sexe est une variable active pour tous les styles d’enseignement. Pour les cinq styles (S1,
S2, S4, S5, S6), nous obtenons pour chacun d’eux, un Khi2 de Pearson <,000, un test exact de
Fisher <,000 et une Sig. Monte Carlo <,000. Pour le style 3, nous obtenons un Khi2 de Pearson
à ,003 avec un test exact de Fisher ,002 et une Sig Monte Carlo ,002. Les hommes et les femmes
de notre cohorte n’enseignent pas de la même manière. Nous allons voir si la force de chacun
des styles s’exprime différemment entre les deux sexes.
Sexe*Force Style 1
Nous avons une très forte majorité du niveau « fort » des réponses dans le style 1, avec un
effectif total de 475 personnes. Les hommes à 70,8% et les femmes à 66,2%. Puis le niveau
« moyen » à 28,6% pour les hommes et 31,4% pour les femmes. Le niveau « faible » est très
peu représenté à 0,6% pour les hommes et 2,4% pour les femmes.
Les résultats du Khi2 de Pearson à ,102 et du Test exact de Fisher à ,102 et du Monte Carlo à
,100, nous indiquent que le sexe n’influence pas la force du style 1 de nos participants. Nous
acceptons H0. La force du style 1 est indifférenciée entre les hommes et les femmes.
RS1
Faible Moyen Fort Total
Effectif 2 93 230 325
Homme
% compris dans Sexe ,6% 28,6% 70,8% 100,0%
% compris dans RS1 18,2% 44,5% 48,4% 46,8%
% du total ,3% 13,4% 33,1% 46,8%
Sexe
Sexe*Force Style 2
C’est le niveau « moyen » qui s’exprime le plus dans le style 2, avec 55,9% pour les femmes et
36,9% pour les hommes. Le niveau « fort » s’exprime chez 28,6% des hommes et 27,3% des
femmes. Le niveau « faible » se retrouve chez 32,0% des hommes contre 16,8% des femmes.
Le niveau « très faible » ne concerne que 2,5% des hommes et aucune femme.
Les résultats du Khi2 de Pearson <,000 et du Test de Fisher <,000 et le Monte Carlo <,000 ,
nous indiquent que le sexe a une influence sur le style 2 de nos participants. Nous rejetons H0.
La force du style 2 s’exerce différemment entre les hommes et les femmes.
Tableau 6 - Sexe*ƩStyle 2
RS2
Très Faible Faible Moyen Fort Total
Effectif 8 104 120 93 325
Homme
Sexe*Force Style 4
C’est le niveau « moyen » qui s’exprime le plus dans le style 4, chez 72,7% des femmes et
67,7% des hommes. Le niveau « faible » s’affirme ensuite chez 23,5% des femmes et 20,9%
des hommes. Le niveau « fort » est en troisième position chez 11,4% des hommes et 3,0% des
femmes. Le niveau « très faible » ne se retrouve que chez 0,8% des femmes.
Les résultats du Khi2 de Pearson <,000 et du Test exact de Fisher <,000 et le Monte Carlo <,000,
nous indiquent que le sexe a une influence sur le style 4 de nos participants. Nous rejetons H0.
La force du style 4 s’exerce différemment entre les hommes et les femmes.
Homme
% compris dans Sexe ,0% 20,9% 67,7% 11,4% 100,0%
% compris dans RS4 ,0% 43,9% 45,0% 77,1% 46,8%
% du total ,0% 9,8% 31,7% 5,3% 46,8%
Sexe
Sexe*Force Style 5
Le niveau « moyen » est majoritairement représenté dans le style 5, à 69,2% chez les hommes
et 66,5% chez les femmes. Le niveau « faible » s’affirme ensuite chez 24,6% des femmes et
13,2% des hommes. Le niveau « fort » est présent chez 17,5% des hommes et 8,9% des femmes.
Les résultats du Khi2 de Pearson <,000 et du Test exact de Fisher <,000 nous indiquent que le
sexe a une influence sur le style 5 de nos participants. Nous rejetons H0. La force du style 5
s’exerce différemment entre les hommes et les femmes.
Tableau 9 - Sexe*Ʃstyle 5
RS5
Faible Moyen Fort Total
Effectif 43 225 57 325
Homme
Tableau 10 - Sexe*ƩStyle 6
RS6
Très Faible Faible Moyen Fort Total
Effectif 21 195 105 4 325
Homme
STYLES MIXTES
Tableau 11 – Styles mixtes
Style 1 : Représenté chez 82,37% de nos participants, le style 1 est le plus significatif de tous
les styles, et c’est le seul style où son intensité est indifférenciée selon le sexe. Le professeur
polyvalent, flexible et adaptable est prégnant dans le style 1 à un niveau « fort » chez 68,3% de
la cohorte. Cette caractéristique est la plus représentative des participants à notre étude. C’est
le seul style dont le résultat s’exprime majoritairement au niveau « fort », tant chez les hommes
que chez les femmes. Les tests de Khi2 et de Fisher nous indiquent que le sexe n’a aucune
n’influence sur le style 1 de nos participants. Nos participants ayant en moyenne 20 ans
d’ancienneté en tant qu’enseignant, le style 1 est le plus représenté chez nos participants, et
celui qui correspond le plus, à ce que l’on est en droit d’attendre d’un professeur qualifié et
expérimenté. Enfin, nous constatons que le style 1 est le seul qui s’agrège à chacun des cinq
autres styles (2 à 6), auprès des participants qui ont révélés des styles mixtes.
Style 2 : Représenté chez 65,23% de nos participants, le style 2 vient en second dans la
hiérarchie des styles utilisés, et son intensité s’exerce différemment entre les hommes et les
femmes. L'enseignant sensible, centré sur l'étudiant est présent majoritairement au niveau
« moyen » avec une cohorte de 327 individus sur 695, suivi du niveau « fort » pour 194
personnes. C’est le côté affectif qui s’exprime en premier lieu, auprès de cette population ; Cela
peut toutefois varier selon les apprenants et les matières enseignés. Cet enseignant connait les
liens qui se tissent dans les situations d’enseignement /apprentissage, entre les dimensions
émotionnelles et la construction des objets de savoirs (Vygotski, 1998).
Style 3 : Représenté chez 64,64% de nos participants, le style 3 vient en troisième position dans
la hiérarchie des styles utilisés, et son intensité s’exerce différemment entre les hommes et les
femmes. L'enseignant du programme (curriculum) d'études officiel se retrouve chez 453
personnes sur 695 au niveau « moyen ». C’est un score élevé pour ce style qui suit avec rigueur
et professionnalisme les injonctions des instances administratives officielles.
Style 4 : Représenté chez 61,21% de nos participants, le style 4 vient en cinquième position
dans la hiérarchie des styles utilisés, et son intensité s’exerce différemment entre les hommes
et les femmes. Le professeur direct qui enseigne les faits se retrouve chez 489 personnes sur
- Les français sont 425 à avoir exprimé le style 1 : fort pour 278 d’entre eux, soit 65,4%
de la cohorte, moyen pour 139 d’entre eux, soit 32,7%, et faible pour 8 individus, soit 1,9%.
- Les arabisants sont 30 à avoir exprimé le style 1 : fort pour 19 d’entre eux, soit 63,3%
de la cohorte, moyen pour 11 d’entre eux, soit 36,7%, et aucun de niveau faible.
- Les québécois sont 87 à avoir exprimé le style 1 : fort pour 55 de la cohorte, soit 63,2%,
moyen pour 29 d’entre eux, soit 33,3%, et faible pour 3 individus, soit 3,4%.
- Les anglophones sont 38 à avoir exprimé le style 1 : fort pour 36 d’entre eux, soit
94,7% de la cohorte, moyen pour 2 personnes, soit 5,3% et aucun de niveau faible.
- Les germaniques/alémaniques sont 30 à avoir exprimé le style 1 : fort pour 16 d’entre
eux, soit 53,3% de la cohorte, moyen pour 14 personnes soit 46,7%, et aucun de niveau faible.
- Les hispaniques et latinos sud-américains sont 54 à avoir exprimé le style 1 : fort pour
44 d’entre eux, soit 81,5% de la cohorte, moyen pour 10 personnes soit 18,5%, et aucun de
niveau faible.
- Les russophones sont 19 à avoir exprimé le style 1 : fort pour 18 d’entre eux, soit
94,7% de la cohorte, moyen pour 1 personne soit 5,3%, et aucun de niveau faible.
- Les « autres » sont 12 à avoir exprimé le style 1 : fort pour 9 d’entre eux, soit 75% de
la cohorte, moyen pour 3 personnes soit 25%, et aucun de niveau faible.
On constate que la force du style 1 est de niveau fort pour 61% des enseignants qui ont entre 1
et 20 ans d’expérience professionnelle. Le style 1 de niveau fort s’élève ensuite de façon
croissante à 72,6% pour la tranche des 21/30 ans d’expérience, puis à 87,3% pour la tranche
des 31/40 ans d’expérience, et à 91,3% pour la tranche des 41/55 ans.
Nous pouvons ainsi en conclure que plus les années d’enseignement et donc l’expérience
s’accroissent, plus la force du style est affirmée par les participants à notre étude.
Avec un Khi2 de Pearson <,000 et un test exact de Fisher <,000, et le Monte Carlo < , 001, les
années de pratiques enseignantes influencent les résultats obtenus sur les styles d’enseignement.
On rejette H0.
STYLE*SPECIALITE
Rappelons que nous avons trois niveaux distincts. Les enseignants titulaires d’un doctorat ; ceux
qui sont titulaires d’un Master Bac +5, et ceux qui ont un Bachelor (Bac +3/4 selon les pays).
Les différences de style ne sont pas significatives pour les styles 1, 3, 5, alors que les différences
sont significatives pour les styles 2, 4, et 6 avec un Khi2 de Pearson compris entre ,000 et ,002
Les styles s’expriment-ils différemment à l’université et dans les grandes écoles ? La réponse
est OUI ! Avec un Khi2 de Pearson < ,000 et un test exact de Fisher < ,000 et le Monte Carlo
compris entre < ,000 et <,002 pour les styles 2 à 6, et un Khi2 de Pearson < ,028 et un test de
Fisher < ,045 et le Monte Carlo < ,041 pour le style 1, nous pouvons affirmer que les styles
d’enseignement de notre cohorte sont influencés par le lieu où les enseignants enseignent. Nous
rejetons H0.
12. DISCUSSION
L’objectif de notre recherche était d’apporter un nouvel éclairage sur les styles d’enseignement
mobilisés par les enseignants des universités et des grandes écoles. Le choix d’utiliser le
Staffordshire Evaluation of Teaching Styles (SETS) (2007) pour analyser les styles
d'enseignement nous paraît intéressant car il offre la possibilité de décrire assez finement les
six facteurs identifiables et permet ensuite de valider nos hypothèses.
Bien sûr, cette herméneutique peut être discutée, car nos différentes interprétations ne sont ni
intangibles, ni gravées dans le marbre. Elles sont le fruit de nos résultats, et notre exégèse est
intra-personnelle. Conformément à nos hypothèses, les résultats montrent que certaines
variables personnelles comme le sexe, la nationalité mais aussi des facteurs contextuels comme
la profession, la spécialité ou le lieu d’enseignement constituaient des variables actives dans
l’explication des styles d’enseignement de ces derniers. Nous validons l’hypothèse que ces
variables ont une incidence sur le comportement et la manière dont les enseignants enseignent.
Cette étude met en lumière notamment que les années d’expérience influencent massivement
les styles d’enseignement et forts de leur pratique, les enseignants du supérieur sont plus
confiants et affirmatifs de leur style d’enseignement De plus, nos résultats nous ont conduit à
remarquer que le niveau d’étude de l’enseignant n’a pas d’influence sur les styles
d’enseignement. Ces résultats nous amènent naturellement à nous questionner sur ce qui peut
influencer le style d'enseignement adopté par un enseignant, et les raisons sont multiples.
Selon Mohanna, Chambers et Wall (2007, p.146), certains éléments recueillis indiquent que le
choix des styles et stratégies d'enseignement est une facette de l'opinion générale d'un
enseignant symétriques aux objectifs de l'éducation. Il est possible de décrire deux catégories
d'enseignants : formels et informels.
Les enseignants formels voient leur rôle en termes de domination des résultats tels que les
résultats des examens, la démonstration des compétences prédéterminées ou de la formation
professionnelle. Ces enseignants ont tendance à privilégier une approche structurée. Les
enseignants informels insistent sur le plaisir que les apprenants tirent de l'éducation et des
13. CONCLUSION
Nous avons indiqué qu’enseigner est d’abord un acte intentionnel, qui suppose une intention
didactique préalable, mais aussi un acte de communication, dans lequel l’enseignant va faire
passer un message. Ces deux notions sont fondamentales, car elles feront varier la portée du
discours et donc du message selon les formes utilisées : verbal, non-verbal, numérique, qui vont
aider à définir le style de l’enseignant qui s’exprime.
L’acte d’enseigner est complexe. Alors que le numérique nous enserre de toute part,
l’enseignement dans notre société de la connaissance nous fait vivre un moment décisif, et le
monde dans lequel les enseignants exercent leur travail, change profondément les habitudes
acquises. L'une des clés d'un enseignement efficace est la flexibilité. Avoir des descripteurs
dérivés pour six styles d'enseignement distincts ont permis de développer un outil d'auto-
évaluation basé sur le questionnaire SETS. Le concept de style d’enseignement peut s’avérer
utile à la compréhension et à l’explication du processus enseignement-apprentissage. Dans la
Présences Vol. 15, 2021, Université du Québec à Rimouski
Revue transdisciplinaire d’étude des pratiques psychosociales.
21
Frayssinhes J., Galaup M., Styles et stratégies d’enseignement dans les universités et…
dyade enseignant-apprenant, la différence entre les apprenants n’est que l’un des facteurs
explicatifs (Mohanna, Chambers et Wall, 2007 p.147). Il en est de même pour les enseignants.
Trouver, construire son style d’enseignement n’est pas immédiat et demande quelques années
de pratique. Bien sûr, il n’existe pas un style idéal d’enseignement qu’il faudrait s’efforcer de
maîtriser, mais bien des styles relativement opportuns en fonction de diverses variables
individuelles et institutionnelles. Notre recherche tend d’ailleurs à démontrer qu’il existe
plusieurs styles d’enseignement et qu’il n’est pas souhaitable de se limiter à un seul style. Ainsi,
chaque enseignant se trouve à un moment donné dans la position d’utiliser chacun des six styles,
sans qu’il en soit nécessairement conscient. Le style 1 (professeur polyvalent, flexible et
adaptable), qui représente l’idéal théorique, est le plus représenté chez nos participants. Parmi
les variables actives, le sexe influence la profession/titre exercée, la spécialité enseignée, la
force des styles 2 à 6. Les variables nationalité/idiome, années d’enseignement, et spécialités
enseignées, influencent tous les styles d’enseignement. La variable niveaux d’étude n’en
influence que trois sur six. Par ailleurs, il y a une différence significative entre les styles des
enseignants de l’université avec ceux des grandes écoles, ce qui est probablement dû au poids
différent de chacune des structures, qui diffèrent dans leur mode de recrutement, de
gouvernance, d’organisation, et de pratiques pédagogiques.
En guise de perspectives de cette première recherche exploratoire, plusieurs pistes pourraient
être envisagées. La première consisterait à informer les enseignants du supérieur de l’existence
de ces différents styles. De plus, il y a nécessité d’avoir une action réflexive (post action) afin
de mesurer l’efficacité de son action, de ses mises en œuvre et de sa planification, et il pourrait
être intéressant qu’ils questionnent eux-mêmes leurs styles d’enseignement en regard des
définitions présentées dans le tableau des styles SETS. Outre le développement de la
connaissance de soi, cette prise de recul favoriserait la vision dynamique du style
d’enseignement, et l’accommodation de l’adoption de caractéristiques propres à d’autres styles
(Cf. Modificabilité du Style d’enseignement). Cette prise de conscience est susceptible de les
amener à modifier leur posture pouvant ainsi les conduire à planifier, suggérer, entraîner et
soutenir différemment l’étudiant. In fine, l’enseignant pourrait dans toutes les situations
d’enseignement-apprentissage avoir recours où proposer un autre style d’enseignement aux
étudiants. Cette pratique réflexive les engagerait, d’une part, dans un éventuel processus de
changement qui les conduirait à analyser leurs pratiques pédagogiques passées et présentes et à
les réajuster selon les enseignements à dispenser.
L’enseignant doit être un acteur de changement, un activateur de l’apprentissage de ses élèves.
Il est donc capital qu’il connaisse l’impact qu’il produit sur ses apprenants (Hattie, 2012), en
étant capable de mesurer les effets provoqués chez eux.
D’autre part, les enseignants pourraient changer leur représentation au sujet de leurs postures
pédagogiques et les adapter à l’évolution du comportement des apprenants adultes. Ainsi, les
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Nous pensons au décret 2017-854 du 9 mai 2017 (JORF, 2017) et notamment l’article 13 que les jeunes Maîtres
de Conférences doivent bénéficier désormais, au cours de leur année de stage, « d’une formation visant
l’approfondissement des compétences pédagogiques nécessaires à l’exercice du métier ».