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Le commentaire de décision

par Anouk Paillet

Le commentaire de décision est un exercice proposé aux étudiants dans les facultés
de droit mais c’est également un exercice auquel s’adonne la doctrine juridique. Il a pour
objectif de présenter une décision tout en proposant une discussion critique sur celle-ci.

Tout travail de commentaire doit nécessaire être précédé d’une analyse de la


décision (1) pour que l’étudiant soit ensuite en mesure de délivrer une analyse critique de
celle-ci (2).

1 Un travail préalable : l’analyse de la décision

L’analyse de la décision est un préalable indispensable au commentaire. Une


capsule présentant cet exercice est disponible sur le site web de la Chaire de rédaction
juridique Louis-Philippe-Pigeon. Nous vous invitons à vous reporter à ce document pour
plus de détails sur ce point.

Certains éléments de l’analyse de décision se retrouveront dans le texte même du


commentaire. En particulier, il est nécessaire de présenter la décision en revenant sur les
faits et la procédure. L’étudiant doit ici faire preuve de synthèse pour sélectionner les
éléments pertinents et les exposer de manière brève et claire.

Si le travail d’analyse de décision requiert une bonne compréhension de la décision


sans nécessiter de connaissances particulières, le commentaire exige une bonne maîtrise de
la matière pour la mettre au service de la critique de la décision.

1
Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, Faculté de droit, Université Laval.
2 Un travail de réflexion : la discussion critique de la décision

Après s’être assuré de bien comprendre la décision, l’étudiant doit amorcer un


travail de réflexion sur celle-ci. Pour cela, il faut alors se poser de nombreuses questions
quant au sens, à la valeur et à la portée de la décision1. Toutes ces questions ne trouveront
pas nécessairement de réponse ou ne seront pas toujours utiles à traiter pour l’ensemble des
décisions. Il s’agit simplement de questions pour guider la réflexion et tenter de mettre en
relief les principaux enjeux de la décision en question.

2.1 Le sens de la décision

La réflexion sur le sens de la décision est normalement bien aidée par le travail
d’analyse intervenu au préalable. Il s’agit ici de s’assurer de bien comprendre le cœur de
la décision : la problématique et la solution qui lui est apportée.

Les questions à se poser :


➔ Quelle est la problématique / quelles sont les problématiques en discussion dans
la décision ?
➔ Quelle est la réponse / quelles sont les réponses apportées par la juridiction ?

2.2 La valeur de la décision

Apprécier la valeur de la décision exige d’apporter une appréciation en droit ainsi


qu’une évaluation en équité.

- L’appréciation en droit de la décision amène à nous interroger sur la règle de droit


qui a été choisie par le ou les juges mais également sur son application et son
interprétation2. Il faut ici se questionner sur la pertinence d’un tel choix ainsi que
sur la manière dont le ou les juges l’utilisent.

1
Denis Le May, Julie McCann et Martin Thiboutot, Documentation juridique : recherche, rédaction et
références, Montréal, Wilson & Lafleur, 2019, à la p 244.
2
Ibid, aux pp 245-246.
2
Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, Faculté de droit, Université Laval.
- L’appréciation en équité de la décision amène à nous interroger sur « les
répercussions juridiques, sociales et économiques » de celle-ci3. Il faut ici
s’interroger sur les implications d’une telle décision pour les parties.

Les questions à se poser :


➔ Est-il justifié, au vu des faits de l’espèce, de faire appel à cette règle de droit ?
➔ Aurait-il été possible d’utiliser une autre règle plus adaptée ?
➔ Quelles sont les conditions posées par le texte ?
➔ Le juge vérifie-t-il chacune de ces conditions ?
➔ Passe-t-il sous silence certains éléments ?
➔ Quelles sont les conséquences induites par une telle décision ?
➔ Quelles auraient été les conséquences d’une décision inverse ?

2.3 La portée de la décision

Analyser la portée de la décision, c’est réfléchir à la manière dont celle-ci s’insère


dans un ensemble plus global. Pour cela, il faut s’intéresser à plusieurs éléments :

- La juridiction et sa place dans la hiérarchie judiciaire : La juridiction et sa place


dans la hiérarchie judiciaire va influer sur l’importance à accorder à la décision.
Plus la juridiction est haut placée, plus elle est vouée à exercer une autorité sur les
juridictions inférieures. Ainsi, les décisions de la Cour suprême ont une grande
influence sur la jurisprudence4.
- La jurisprudence antérieure et – le cas échéant – postérieure : Pour mieux
comprendre l’importance que peut avoir une décision, il est utile de vérifier
comment celle-ci s’insère dans la jurisprudence rendue jusqu’alors.
Lorsque la décision à commenter n’est pas récente et a été rendue il y a plusieurs
années, il est également utile de s’intéresser à la jurisprudence postérieure. Cela
permet de vérifier si les juges ont continué d’appliquer cette solution ou bien si au
contraire des évolutions ont eu lieu.

3
Ibid, à la p 246.
4
Ibid, à la p 245.
3
Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, Faculté de droit, Université Laval.
- Le contexte sociétal : Les décisions de justice n’évoluent pas en vase clos. Elles
s’insèrent nécessairement dans un contexte sociétal. Or, la société est en perpétuelle
évolution. Parfois, les juges ne feront que prendre en considération cette évolution
pour faire évoluer leur jurisprudence en conséquence. Mais, il arrive aussi parfois
que certaines décisions poussent à faire évoluer les mœurs et la société. Il peut être
ici parfois pertinent d’apporter un aspect comparatiste en considérant le droit
d’autres États.

Les questions à se poser :


➔ Quelle est la juridiction rendant la décision ?
➔ Quelle est sa place dans la hiérarchie judiciaire ?
➔ La décision s’inscrit-elle dans la continuité du droit antérieur ou au contraire s’en
éloigne-t-elle jusqu’à entraîner un revirement jurisprudentiel ?
➔ D’autres décisions postérieures ont-elles été rendues sur le même sujet ? Si oui,
quelle était la réponse donnée par la juridiction ?
➔ Cette décision est-elle conforme aux mœurs de la société actuelle ?
➔ Quelle est la solution donnée dans les autres États ?

Ces divers questionnements – sur le sens, la valeur et la portée de la décision –


permettront de faire naître une analyse critique de la décision. Cette dernière peut être de
différents ordres. Tout d’abord, la critique peut être limitée à une discussion de la cohérence
du droit. Toutefois, elle peut également être poussée au-delà de la norme et s’intéresser à
l’adéquation de la décision avec la réalité sociale5. Selon les cours, les professeurs seront
amenés à privilégier l’une ou l’autre de ces approches.

5
À titre d’exemple, dans un commentaire de la décision Adoption – 1445, Louise Langevin délivre une
analyse féministe, en poussant la réflexion au-delà de la seule question de la norme juridique. Voir : Louise
Langevin, « La Cour d’appel du Québec et la maternité de substitution dans la décision Adoption – 1445 :
quelques lumières sur les zones d’ombre et les conséquences d’une « solution la moins insatisfaisante »,
(2015) 49:2 RJT 451.
4
Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, Faculté de droit, Université Laval.
Pour terminer, il convient de préciser que cette réflexion doit être organisée de
manière claire et logique. Là aussi, les exigences de présentation varient d’un professeur à
un autre. Ainsi, sur ce point, l’étudiant doit se conformer aux consignes données par son
professeur.

Références

Langevin, Louise, « La Cour d’appel du Québec et la maternité de substitution dans la


décision Adoption – 1445 : quelques lumières sur les zones d’ombre et les conséquences
d’une « solution la moins insatisfaisante », (2015) 49:2 RJT 451.

Références suggérées

Gardner, Daniel et Dominique Goubau, « Guide de la dissertation juridique », (2018) à la


p 28, en ligne (pdf): Université Laval, Faculté de droit
<fd.ulaval.ca/sites/fd.ulaval.ca/files/guide-dissertation-septembre-2018.pdf >.
Le May, Denis, Julie McCann et Martin Thiboutot, Documentation juridique : recherche,
rédaction et références, Montréal, Wilson & Lafleur, 2019.

***

Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon


Faculté de droit, Université Laval
Pavillon Charles-De Koninck, local 6257
1030, avenue des Sciences-Humaines
Québec (Québec) G1V 0A6
CANADA

Courriel : [email protected]
Twitter : @CRJ_LP_Pigeon

*Capsule mise à jour le 3 février 2021.

5
Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, Faculté de droit, Université Laval.

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