La Vie Spirituelle

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La vie spirituelle

Sens commun
- Elle n’est pas une vie en plus au-delà de la vie quotidienne.
- Elle ne doit pas être opposée à la vie matérielle, corporelle, parce qu’étant vécue par un
humain, elle regarde toute la personne.
- L’expression de vie spirituelle concerne tout homme qu’il soit croyant ou pas. Xavier
THEVENOT donne une définition de la personne :
« La personne est une individualité « tout une », mais en laquelle, on peut
distinguer trois dimensions inséparables : biologique, psychique, sociale (ou
culturel). L’ensemble de ces trois dimensions est pris en charge par la quête
éthique et spirituelle (…) C’est pourquoi nous préférons ne pas mettre le spirituel
comme quatrième dimension à côté du biologique, du psychique et du culturel. Le
spirituel informe et pénètre chacune des autres dimensions, mais ne fait pas
nombre avec elles.» 1

Dimension
physique

Travail
spirituel

Dimension Dimension
psychique sociale

Le spirituel n'est pas logé dans un coin secret de notre être, il fait partie intégrante de
notre vie. Il est cet espace en soi où chaque individu s'interroge sur le sens de sa vie, de
sa présence au monde, sur l'éventualité d'une transcendance. Il désigne au cœur de la
personne, le plus intime de l'intime, la personne elle-même dans son statut de sujet,
celui qui la fait libre et irréductible à toute autre.

1
Xavier Thénenot, la bioéthique, p 110.
- Quand dans l’homme surgit la question du sens, quand l’homme attiré par la
connaissance de lui-même commence à explorer ce qui lui est intérieur, quand il
commence à penser, à méditer et par conséquent à choisir, à décider, à assumer des
sentiments, des comportements, alors commence la vie spirituelle.
- Cette vie spirituelle peut être développée ou laissée en friche.
- La vie spirituelle demande une intériorisation, une intégration des événements vécus
pour parvenir, tout en acceptant l’énigme qui nous habite, à interpréter ce que nous
sommes.
- Plutôt que de parler de vie spirituelle, on pourrait utiliser le terme de travail spirituel qui
exprime mieux l’idée de processus toujours en évolution et jamais achevé.

La vie spirituelle chrétienne


Elle transcende la vie spirituelle commune à tout homme. Elle appartient à ceux qui se
laissent guider par l’Esprit de Dieu. Elle n’est possible qu’en raison de l’Esprit Saint qui la
fait être, qui l’inspire, qui la soutient, qui la porte à une plénitude impossible à atteindre
par les seules forces humaines.
St Paul en donne plusieurs expressions :
- Vie cachée avec le Christ en Dieu (Col 3,3)
- Vie de l’homme intérieur qui se renouvelle de jour en jour (2Cor 4,16)
- Vie nouvelle (Rm 6,4)
jusqu’à lancer des affirmations vertigineuses :
- Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi (Gal 2,10)
- Pour moi, vivre c’est le christ et mourir m’est un gain (Phil 1,21)
Cette vie spirituelle est une expérience pratique, une connaissance donnée à travers une
conformation réelle de notre vie à celle du Christ.
Elle est synergie de la grâce sanctifiante (Esprit Saint) et de l’esprit de l’homme. C’est
une respiration en nous. Un Autre respire en nous. C’est la vie de Dieu dans la vie de
l’homme.

Le cœur de l’homme
La vie spirituelle a une source, un organe symbolique : le cœur humain. Il désigne le plus
profond de l’homme dans la tradition biblique et spirituelle. La vie spirituelle est ce long et
patient pèlerinage en direction du cœur profond. Le cœur est l’organe spirituel qui nous
permet d’entrer en contact avec nous-même, d’être en harmonie avec les autres, avec
Dieu. C’est le centre de notre être. C’est le lieu ou chacun dit « je veux » ; c’est le lieu de
notre liberté, le lieu où nous sommes au meilleur de nous-mêmes.

La Bible nous parle ainsi souvent du cœur de l’homme et lui donne des qualificatifs :
Notre coeur peut être : bon – mauvais – dur – divisé – aveugle – endurci – instable –
inconstant – brisé – broyé – contrit – attendri par l’amour, etc…
La lectio divina permet à la Parole de Dieu de descendre dans le cœur de l’homme pour
le rendre moins dur mais plus doux, plus humble à l’image de celui du Christ, «  doux et
humble de cœur ». La Parole est l’aliment du cœur. Le cœur mange, rumine, digère et
assimile la Parole :
« Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais: ta parole était mon ravissement et
l'allégresse de mon coeur. Car c'est ton Nom que je portais, Yahvé, Dieu Sabaot. » Jr
15,16
L’homme cache la Parole dans son cœur. Il s’y attache et y adhère (Act 16). Il la murmure
jour et nuit (Ps 1). Il la conserve comme Marie qui « retenait toutes ces paroles dans son
cœur ». Le cœur est l’organe de la Lectio Divina ; c’est l’organe de la prière, de la prière
liturgique où l’on entend battre le cœur de Dieu.

Zone Corporelle

Zone du mental

Cœur

Zone affective

La prière c’est un voyage au centre de nous-mêmes, une descente dans notre cœur où
Dieu s’invite. Mais ce voyage intérieur nous demande beaucoup de pauvreté et d’humilité
car dans cette aventure, nous n’emportons rien avec nous. Pour accéder à notre cœur, il
nous faudra traverser un certain nombre de zones de turbulences qui nous déroutent ou
nous retiennent : Nous sommes souvent immergés dans les sens, ou dans les
sentiments, notre imagination peut parfois devenir « la folle du logis », la publicité, la
télévision nous gavent d’images toutes plus provocantes les unes que les autres qui
viennent polluer notre mémoire au moment de la prière.
Aussi, force est de constater qu’il y a beaucoup de friture sur les ondes de notre cœur. Il
faut traverser ces turbulences, apprendre à déjouer leurs pièges, les neutraliser et surtout
être vigilants tout au long de nos journées à ne pas les alimenter. Pratiquer « la garde du
cœur » (choisir ce qu’on veut y laisser entrer et rejeter le reste) ; en devenir vraiment le
maître, le propriétaire car Dieu n’est chez lui que là où nous sommes chez nous.
Jésus dit à Zachée : « Descend vite (dans ton cœur) car aujourd’hui, il me faut demeurer
chez toi. »
L’homme est ce pèlerin à la recherche de son cœur : « Tu nous as fait pour Toi,
Seigneur, et notre Cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi. » St Augustin. Il
nous faut ramener sans cesse notre cœur au Seigneur ; c’est là que nous devons vivre
de plus en plus. C’est là que nous trouverons notre solidité, notre stabilité, notre paix
intérieure quand bien même tout chavire autour de nous. C’est un espace en nous
impénétrable, inviolable, connu de Dieu seul. Le démon ne peut savoir ce qui s’y passe,
ce qu’il s’y dit entre Dieu et sa créature.
Mais à cause de notre péché, notre cœur est souvent réfractaire à l’Esprit Saint. C’est
l’endurcissement dont nous avons parlé plus haut. Dans la prière, dans la fréquentation
prolongée de Dieu, nous sommes amenés à déplier notre cœur devant Dieu, à l’ouvrir, à
être comme l’héliotrope, à nous exposer. La méditation de la Parole de Dieu agit aussi
sur notre cœur comme un onguent qui vient l’adoucir, le rendre meuble et en faire une
bonne terre, fertile, qui produira du fruit. « Et ce qui est dans la bonne terre, ce sont ceux
qui, ayant entendu la Parole avec un coeur noble et généreux, la retiennent et portent du
fruit par leur constance ». Lc 8,15

Une fois pour toutes, depuis notre baptême, la Trinité Sainte s’est égarée dans le cœur
de l’homme. Nous portons alors en nous la force de l’Esprit Saint et l’énergie de la
résurrection. La vie spirituelle consiste à retrouver puis à dégager, et désensabler cette
source inouïe cachée au fond de notre cœur pour qu’elle irrigue tout notre être.
Les commencements de la vie spirituelle

Par le hiéromoine Elie


Monastère de la Dormition de la Mère de Dieu

Peut-on vraiment parler d'un commencement de la vie spirituelle ? Quand est-ce que la vie en
Dieu commence réellement ? Si l'on peut parler d'un commencement de la vie spirituelle, c'est
parce qu'il y a un moment dans l'existence où l'on pénètre, plus consciemment, dans l'intimité de
Dieu. Mais cette intimité est un don divin, un charisme presque, qui s'enracine dans une attitude
d'abandon à Dieu, de confiance.

On essaiera ici, humblement, d'apercevoir quelques aspects de cette attitude, importante par-
dessus toutes. Il faut dire tout de suite que cette attitude d'abandon de soi est moins un précepte
moral qu'une posture intérieure propice à la floraison de la vie divine en nous.

- déposer tous les soucis du monde, en confiant en Dieu nos tracas. Que ce soit nos
problèmes relationnels, familiaux, professionnels ou même spirituels, nous devons tout
sacrifier à Dieu, afin de recouvrer une certaine disponibilité à son Esprit. Avant d'être une
lourdeur sensuelle, la pesanteur de la chair est plus encore le nœud confus et inextricable
de nos sentiments, de nos pensées, de nos projets ou encore de nos souvenirs. Tout cela,
certes, n'est pas mauvais en soi mais opacifie notre regard. C'est pourquoi il est
nécessaire d'apprendre à se « décréer » fondamentalement parce qu'en «s'épluchant» de
lui-même, l'homme découvre mystérieusement Dieu. On voit ainsi, dans un premier
mouvement, que l'épaisseur des soucis obstrue notre régénération, si prisée par St Paul ;
elle nous garde à la surface de nous-mêmes, loin du secret divin de notre cœur.

- Une fois cette écorce ôtée, un autre écueil commence à poindre. Car, à partir du moment
où l'on a appris à déposer sans cesse en Dieu nos tourments, la pente est rapide d'être
soi-même l'architecte de sa propre vie spirituelle. Le plus dur n'est pas de lutter, mais de
suspendre toute lutte. Que ce soit de suivre une règle de prière personnelle, d'observer
certains préceptes évangéliques comme une certaine hygiène intérieure, il nous faut bien
comprendre que ce ne sont là que des moyens, le but étant de s'immoler à Dieu. Dieu
désire nos cœurs ardents, rien de plus. « Le terme de notre profession est le royaume des
cieux ...notre but est d'atteindre la pureté du cœur », dira avec à propos St Cassien de
Marseille (8). Ce second mouvement nous sensibilise à un danger, celui d'être à soi-même
la source de sa « vie spirituelle ». La crainte de lâcher les rênes pour que Dieu dirige la
caravane nous fait éprouver la peur du désert. Alors on prend la tragique décision d'aller
où bon nous semble... puis on butte contre les mirages qui peuplent l'immensité des
sables. Dieu ne nous veut que du bien, en bout de course, mais nous ne savons pas ce
qu'il nous réserve, et c'est là le motif de notre crainte. Pour remède, nous devons adopter
comme une « stratégie de l'impossible », en nous livrant avec confiance à la pédagogie
divine qui, il est vrai, peut parfois être « une connaissance par les gouffres ». « Ce n'est
pas la voie qui est impossible, c'est l'impossible qui est la voie » (P.Evdokimov, Les âges
de la vie spirituelle).

- Le troisième nerf de cette réflexion sera qu'à ce stade il faut veiller à ne pas glisser dans
ce que l'on pourrait appeler, non sans quelque ironie, « une sainte oisiveté ». La paix n'est
d'ailleurs pas une mollesse. Ayant allégé notre conscience et nous étant disposé à la
nouveauté de Dieu, le quiétisme nous guette de son ombre. Attendre tout de Dieu n'est
pas alors abandonner toute œuvre. Attendre tout de Dieu, c'est quêter son don, avec toute
la dynamique qu'entraîne cette recherche. Force est alors de constater que, loin de nous
dispenser nous-même notre propre subsistance spirituelle et sans nous avachir pour
autant, il nous faut discerner les sources qui jalonnent notre odyssée et d'où jaillit, en
abondance, le Verbe en eaux vives. Un adage des sables du désert résume tout notre
propos. « Donne ton sang et reçois l'Esprit », dit-il. Parce qu'en se donnant entièrement,
jusqu'au sang même, il faut encore attendre tout de Dieu. En s'abandonnant ainsi à Dieu, il
nous fait don de sa Vie toute limpide, l'Esprit Saint.

Pour conclure, il nous faut préciser un dernier point, essentiel. Cette attitude que l'on a tentée de
dépeindre, à savoir de se livrer pleinement à Dieu, n'est pas un état que l'on peut atteindre
d'emblée définitivement, mais un réflexe qu'il est bon d'adopter, un ouvrage à savoir remettre «
cent fois sur le métier » (Boileau, Art poétique). Alors, et seulement alors, la croissance dans le
Christ est une avalanche de commencements au fil d'une maturation, qui est plus proche de
l'affinement d'un vin s'enrichissant de sa vieillesse, que de simples départs pour de nouveaux
quais.

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