Reformulation

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Studii de lingvistică 9, nr.

2, 2019, 247 - 267

De quelques marqueurs de reformulation dans


l’écriture des mémoires de master en roumain
langue maternelle et en français langue étrangère
On some reformulation markers in masters dissertations written in
Romanian as a mother tongue and in French as a foreign language

Luminiţa Steriu1
Monica Vlad2

Abstract: The theoretical chapter of masters dissertations written by


master’s students represents a real challenge for them because the
techniques of academic writing presuppose judicious understanding
and reformulation of the sources consulted. In this article, based on a
corpus of 30 masters dissertations written in Romanian mother tongue
and in French as a foreign language in the broad domain of philology, we
examine the types of reformulation as well as the markers of reformulation
used by novice writers. The analysis shows that the qualitative and
quantitative differences between the reformulation markers used in the
mother tongue and in the foreign language are related to the students’
reading and writing practices in the two languages.

Key words: reformulation, reformulation markers, masters


dissertations, academic writing, Romanian as a mother tongue,
French as a foreign language.

Introduction

La réalisation d’un mémoire de fin d’études constitue une étape


importante et indispensable dans la formation universitaire. Dans cet
article, de tous les éléments qui composent ce type de travail académique
nous dirigerons notre attention sur la revue de la littérature dont « la
constitution et la consistance représentent l’un des critères d’évaluation
du mémoire » (Vlad et Codleanu 2010 : 158). Scripteurs non experts,
les étudiants ont souvent du mal à s’inscrire dans une dynamique de
la production scientifique de qualité, car l’élaboration de la revue de la
littérature requiert non seulement des compétences de compréhension
approfondie du discours scientifique mais aussi des compétences de
1
 Université « Ovidius » de Constanţa ; [email protected].
2
 Université « Ovidius » de Constanţa ; [email protected].
248 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

reformulation, qui permettent d’éviter le plagiat ou la profusion de


citations. Dans ce cadre, la reformulation est donc l’un des procédés
mis en œuvre par les jeunes scripteurs pour insérer le discours d’autrui
dans leur propre discours. Comme l’expliquent Mangiante et Parpette
(2010  : 95), «  la compétence à reformuler devrait devenir, chez les
étudiants, les jeunes doctorants ou les apprentis chercheurs, l’une des
compétences indispensables à acquérir ».
Le procédé de reformulation en langue étrangère requiert
les mêmes pratiques et a la même utilité que la reformulation en
langue maternelle, c’est-à-dire produire un discours nouveau à partir
d’un discours antérieur, mais à travers des moyens linguistiques
généralement différents.
Dans cet article, par le biais de l’étude des marqueurs de
reformulation dans deux corpus complémentaires (extraits de mémoires
de master rédigés en français langue étrangère et en roumain langue
maternelle), nous allons voir dans quelle mesure les opérations de
reformulation en langue étrangère et en langue maternelle influent sur
l’écriture de recherche des étudiants.
La démarche analytique nous permettra d’observer quelles sont
les fonctions des marqueurs de reformulation dans l’organisation du
discours, quels sont les marqueurs de reformulation que les étudiants
privilégient, comment ceux-ci s’en servent pour incorporer leur propre
énonciation dans celle du discours repris, ou encore si les étudiants
utilisent les marqueurs de reformulation de la même manière et dans la
même mesure dans les deux langues. Nous adopterons une démarche à
valence contrastive qui nous permettra de rendre compte des emplois des
marqueurs de reformulation respectivement en français et en roumain,
sans toutefois l’exigence d’un contraste illustré en tant que tel.

1. La notion de reformulation : cadre théorique

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études et


recherches dans différents domaines des sciences du langage se sont
intéressées à la notion de reformulation ainsi qu’aux procédés qui y sont
apparentés tels que la répétition, la reprise, la paraphrase, l’altération,
la transformation.
Les définitions proposées par les linguistes pour la notion de
reformulation sont aussi nombreuses que variées. D’une part, Jean Peytard
définit la reformulation comme «  l’ensemble des transformations qu’un
discours (littéraire, scientifique) admet d’une même et unique source,
pour devenir autrement équivalent » ou bien comme « le mouvement d’un
discours vers un autre, la production de l’autre à partir de l’un, sous
le sceau d’une équivalence » (Peytard 1984 : 17-18). On trouve le même
point de vue chez Blandine Pennec, qui soutient que la reformulation est
régie par une « équivalence, signalée par un marqueur, entre les contenus
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 249

propositionnels de deux segments. Le second doit être considéré comme


la réélaboration formelle du premier  » (Pennec 2006  : 33). Elisabeth
Gülich et Thomas Kotschi parlent eux aussi d’une relation d’équivalence
sémantique entre les deux énoncés que la reformulation met en rapport.
Pour eux « la reformulation est une opération linguistique de la forme xRy,
qui établit une relation d’équivalence sémantique entre un énoncé-source
x et un énoncé reformulateur y, R étant le marqueur de reformulation »
(Gülich et Kotschi 1987 : 15-81).
D’autre part, selon Claire Martinot, la reformulation est
«  tout processus de reprise d’un énoncé antérieur qui maintient
dans l’énoncé reformulé une partie invariante à laquelle s’articule
le reste de l’énoncé, partie variante par rapport à l’énoncé source »
(Martinot 2009 : 31). La définition de Claire Martinot montre qu’on
peut distinguer les niveaux linguistiques (lexical, syntaxique ou
sémantique) de l’énoncé reformulé et de l’énoncé reformulant. Ainsi
l’énoncé reformulant peut-il garder le lexique et la syntaxe de l’énoncé
reformulé mais pas le même sens.
Les procédés de reformulation supposent donc l’existence de
deux aptitudes  : d’un côté, l’aptitude à transformer partiellement
un énoncé et, d’un autre côté, l’aptitude à établir une équivalence
sémantique entre l’énoncé reformulé et l’énoncé reformulant.

1.1. Classements des opérations de reformulation

Nous avons vu que l’opération de reformulation établit une


équivalence entre deux segments d’un discours. Pour désigner les
séquences affectées par cette opération, les linguistes ont proposé
diverses dénominations. Par exemple, Anna Domagała-Bielaszka
(2011 : 210) affirme que « la réalisation des opérations de reformulation
suppose l’existence de deux segments de la structure propositionnelle »,
que Gülich et Kotschi appellent « énoncé-source » et « énoncé-doublon »
(1983 : 308). L’énoncé-doublon est appelé aussi « énoncé reformulateur »
(Gaulmyn 1987). Pour notre part, nous emploierons le terme reformulé
pour désigner le segment qui subit l’opération de reformulation et
le terme reformulant pour celui qui représente le résultat de cette
opération. Selon Domagała-Bielaszka, pour que l’énoncé reformulé et
l’énoncé reformulant puissent être interprétés comme les composants
d’une reformulation, on doit prendre en considération non seulement
la relation sémantique qui lie ces deux énoncés mais aussi la forme du
marqueur de reformulation (Domagała-Bielaszka 2011 : 211).
La notion de marqueur est définie par Elisabeth Gülich et
Thomas Kotschi comme « une trace qui révèle le travail ou l’effort de
l’organisation discursive » (1983 : 313). Domagała-Bielaszka souligne
l’importance de l’utilisation d’un marqueur de reformulation dans une
opération de reformulation, en montrant que celui-ci déclenche la
250 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

relation reformulative entre l’énoncé reformulé et l’énoncé reformulant.


Les chercheurs ont également identifié différents types de
reformulations, qu’ils ont regroupés dans des classes. Plusieurs
typologies ont été proposées par des chercheurs tels que Elisabeth
Gülich et Thomas Kotschi, Eddie Roulet ou Corinne Rossari.
Gülich & Kotschi (1987) distinguent « l’hétéro-reformulation »
et «  l’auto-reformulation  », selon que la reformulation porte sur le
discours de l’autre ou sur son propre discours. Une autre classification
qu’ils proposent est fondée sur la distinction entre la reformulation
paraphrastique et la reformulation non paraphrastique. La notion
de reformulation paraphrastique se caractérise par «  l’équivalence
sémantique entre deux ou plusieurs interventions ou énoncés  »
(Gülich et Kotschi 1987 : 15-81). Elle peut être réalisée par l’emploi
de synonymes et de connecteurs tels que c’est-à-dire, en d’autres
termes, autrement dit (Gülich et Kotschi 1983  : 315). La notion de
reformulation non paraphrastique a été proposée par Roulet, qui
soutient que, dans ce cas, «  l’énonciateur tente de mieux satisfaire
à la complétude interactive en présentant l’intervention principale
comme une nouvelle formulation, liée à un changement de perspective
énonciative indiqué par le connecteur » (Roulet 1987 : 115-116).
Corinne Rossari distingue à son tour la reformulation
paraphrastique et la reformulation non paraphrastique. Elle pointe le
fait que, dans la reformulation paraphrastique, le locuteur revient sur
sa première formulation, « afin de la compléter, la clarifier ou même
la rectifier, tout en instaurant avec celle-ci une équivalence à quelque
niveau que ce soit » (Rossari 1990 : 348). L’auteure montre également
que, dans la reformulation non paraphrastique, le changement de
perspective « donne lieu à une prise de distance plus ou moins forte
de la part du locuteur par rapport à sa première formulation selon le
connecteur utilisé » (ibid. : 349).
D’ailleurs, Rossari prend en considération la nature du marqueur
de reformulation comme critère de cette opposition. Ainsi, en fonction du
marqueur utilisé, l’acte de reformulation peut-il être reconnaissable comme
reformulation paraphrastique ou non paraphrastique. Le marqueur de
reformulation s’avère nécessaire d’autant plus que « la reformulation
non paraphrastique n’est repérable que par le marqueur qui l’introduit »
(Gülich et Kotschi 1987 : 15-81). Parmi les marqueurs représentatifs de
ce type de reformulation, nous pouvons citer : en somme, en fait, au fond,
de toute manière, enfin (Rossari 1990 : 347-348).
Dans notre recherche, nous nous intéressons spécifiquement
à la reformulation du discours d’autrui (hétéro-reformulation). Nous
examinerons également la manière dont les étudiants utilisent la
reformulation paraphrastiques et la reformulation non paraphrastique,
ainsi que les marqueurs qui s’y rattachent, lors de l’élaboration du
chapitre théorique de leur mémoire de master.
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 251

1.2. Typologies des marqueurs de reformulation

Des typologies des marqueurs de reformulation ont également


été proposées par les chercheurs, dont nous nous servirons pour
l’analyse des marqueurs de reformulation relevés dans notre corpus.
Gülich et Kotschi sont parmi les premiers à avoir travaillé sur
les marqueurs de reformulation paraphrastique (désormais MRP).
Selon eux, « le critère principal qui permet d’identifier les marqueurs
de reformulation paraphrastique est l’existence d’une relation
paraphrastique entre deux énoncés liés par une certaine équivalence
sémantique » (Gülich et Kotschi 1983 : 315). Les auteurs ont travaillé
sur un corpus oral constitué de différentes conversations spontanées,
enregistrées dans des situations de communication diverses, en
particulier, la transcription d’un entretien téléphonique radiodiffusé
et celle d’un cours de sémantique. Ils rendent compte de l’existence de
deux catégories de marqueurs (1983 : 316), qui sont liées plutôt à la
valeur morphologique des éléments repérés :
- expressions contenant des verbes comme dire, expliquer,
préciser, etc. (ou leurs correspondants nominaux) ou des substantifs
qui renvoient au processus communicatif : je vous donne ces précisions,
pour préciser exactement ma pensée, je le répète, je vous l’explique, je
vais vous dire, nous sommes bien d’accord, comme vous l’avez dit, vous
me dites que, c’est-à-dire (que), je veux dire que, tu veux dire, voyez ce
que je veux dire, autrement dit, ça veut dire que. Étant donné que nous
nous situons dans le cadre de l’analyse des productions écrites des
étudiants, nous ne retiendrons que les marqueurs qui pourraient être
utilisés dans le discours écrit, comme : c’est-à-dire (que), en d’autres
termes, autrement dit et par exemple.
- morphèmes et locutions qui sont considérés comme adverbes,
conjonctions, interjections : ah oui, ah ben, alors, bon, de toute façon,
donc, en fait, évidemment, enfin, d’accord, oui alors, précisément. De
nouveau, nous excluons les termes appartenant au discours oral et
nous retiendrons uniquement les marqueurs qu’on peut trouver dans
le discours écrit : alors, de toute façon, donc, en fait, enfin.
Un autre classement est réalisé par Roulet, qui s’intéresse aux
marqueurs de reformulation non paraphrastique (désormais MRNP). Il
précise que ces marqueurs ont la propriété de produire un changement
de perspective énonciative par rapport au discours antérieur, ce qui
permet de leur attribuer une fonction argumentative (Roulet 1987  :
119). Selon lui, ce changement de perspective énonciative se manifeste
de trois manières différentes. Il peut s’agir de :
- invalider la perspective énonciative adoptée antérieurement,
- préciser la nouvelle perspective adoptée par l’énonciateur,
- indiquer le type de changement de perspective opéré.
En s’appuyant sur les différents aspects du changement de
252 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

perspective énonciative, l’auteur distingue sept sous-groupes de


marqueurs ou connecteurs reformulatifs, pour reprendre son appellation :
- de toute façon, de toute manière, en tout cas ;
- en fait, de fait, en réalité ;
- au fond, en somme ;
- en fin de compte ;
- somme toute, tout bien considéré, tout compte fait ;
- finalement, en définitive ;
- après tout.
Selon Roulet, ces sous-groupes indiquent le type de changement
de perspective opéré et se distinguent par trois propriétés principales :
« la spécification de l’opération qui conduit à la nouvelle perspective
énonciative, l’indication de la portée totale de l’opération et l’indication
de la dimension temporelle de l’opération » (Roulet 1987 : 120).
Les typologies des marqueurs de reformulation proposées
par Gülich et Kotschi (1983) et par Roulet (1987) sont pour nous
des sources d’inspiration dans l’analyse de notre corpus. Nous nous
servirons pourtant, dans cette analyse, des seuls trois critères d’analyse
formulés par Gülich et Kotschi : l’ordre des éléments constitutifs de
la reformulation, le degré d’équivalence entre l’énoncé reformulé et
l’énoncé reformulant et le type de relation établie entre les composants
d’une reformulation paraphrastique.
Dans la deuxième partie de l’article, nous proposons une analyse
sur deux plans : d’une part, le plan quantitatif, où l’on rendra compte
de la distribution des marqueurs de reformulation dans notre corpus,
et, d’autre part, le plan qualitatif, où nous situerons notre analyse
syntaxique et sémantique des trois marqueurs de reformulation les
plus utilisés dans les deux corpus (en roumain langue maternelle et
en français langue étrangère).

2. Le corpus

2.1. Aperçu quantitatif

Nous allons examiner ici un double corpus constitué d’extraits


provenant de 15 mémoires de master rédigés en français langue
étrangère et de 15 mémoires de master rédigés en roumain langue
maternelle par des étudiants roumains. Les mémoires ont été recueillis
dans les archives du Département de Langues Romanes de l’Université
« Ovidius » de Constanţa. Ils ont été rédigés entre 2007-2018 et portent
sur les domaines suivants : didactique du FLE (8 mémoires), linguistique
française (5 mémoires), littérature française (2 mémoires), linguistique
roumaine (2 mémoires), littérature roumaine (11 mémoires) et civilisation
roumaine (2 mémoires). La revue de la littérature de spécialité occupe,
en général, le premier chapitre du mémoire. Dans ce chapitre on définit
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 253

les concepts théoriques qui sous-tendent l’analyse, à partir des travaux


d’autres auteurs sur le même sujet. L’élaboration de la revue de la
littérature requiert non seulement des compétences de compréhension
approfondie du discours scientifique mais aussi des compétences de
reformulation, permettant d’éviter le plagiat ou la profusion de citations.
Nous allons analyser les opérations de reformulation par le biais des
marqueurs de reformulation repérés dans la revue de la littérature des
mémoires pris en considération.
Nous avons réparti les marqueurs en deux groupes, selon le
type de reformulation qu’ils opèrent. Les marqueurs de reformulation
les plus fréquents dans les mémoires de master rédigés en français
langue étrangère figurent dans le tableau suivant :

Nombre d’occurrences
Type de reformulation Marqueurs
(sur 15 mémoires ≈ 280 pages A4)
donc 60
par exemple 52
Reformulation c’est-à-dire 47
paraphrastique ainsi 38
alors 14
en d’autres termes 6
Reformulation non
en fait 14
paraphrastique
Tableau 1 : Les marqueurs de reformulation dans les mémoires en français

Nous tenons à préciser que nous avons inclus le marqueur


ainsi parmi les marqueurs de reformulation paraphrastique, même
s’il ne figure pas dans la typologie des MRP proposée par Gülich et
Kotschi (année), étant donné qu’il établit une relation d’équivalence
sémantique plus ou moins forte entre les énoncés qu’il connecte.
Les marqueurs de reformulation les plus fréquents dans les
mémoires de master rédigés en roumain langue maternelle sont
présentés dans le tableau suivant :

Nombre d’occurrences
Type de reformulation Marqueurs
(sur 15 mémoires ≈ 300 pages A4)
astfel (că) 109
aşadar 56
Reformulation adică 40
prin urmare 23
paraphrastique deci 22
de exemplu 21
altfel spus 6
Reformulation non de fapt 12
paraphrastique în fond 6
Tableau 2 : Les marqueurs de reformulation dans les mémoires en roumain

Nous situons le marqueur astfel (că) parmi les MRP en raison


de l’équivalence sémantique qu’il établit entre l’énoncé reformulé et
l’énoncé reformulant.
254 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

Une première lecture des résultats quantitatifs permet de


confirmer que les étudiants rencontrent plus de difficultés dans
l’utilisation des marqueurs en français langue étrangère qu’en
roumain langue maternelle. Plus précisément, nous avons relevé un
nombre de 230 occurrences dans le corpus en français par rapport
à 295 occurrences dans le corpus en roumain. Dans les mémoires
rédigés en français il y a même des paragraphes entiers dépourvus
de marqueurs de reformulation, les étudiants privilégiant dans ce
cas la parataxe. En revanche, dans les mémoires rédigés en roumain,
les jeunes scripteurs font un usage abondant de marqueurs de
reformulation, qui y connaissent une grande diversité.
Rien d’étonnant donc à ce qu’il y ait une différence notable
en ce qui concerne le nombre d’occurrences du marqueur privilégié
par les étudiants dans les deux langues. Ainsi, le marqueur le plus
utilisé en roumain est astfel (că), avec 109 occurrences, tandis qu’en
français, c’est donc, avec 60 occurrences.
Toutefois, les mémoires rédigés en français et en roumain
présentent quelques ressemblances en ce qui concerne l’emploi des
marqueurs. Ainsi, les étudiants font appel tant en langue étrangère qu’en
langue maternelle aux opérations de reformulation paraphrastique au
détriment des opérations de reformulation non paraphrastique. Pour
réaliser une opération de reformulation paraphrastique, ils ont recours
à peu près aux mêmes marqueurs de reformulation dans les deux
langues : fr. c’est-à-dire, donc, ainsi, par exemple, en d’autres termes
vs roum. adică ‘c’est-à-dire’, deci / aşadar / prin urmare ‘donc’, astfel
(că) ‘ainsi’, de exemplu ‘par exemple’, altfel spus ‘en d’autres termes’.
Pour ce qui est de la reformulation non paraphrastique, nous
avons constaté que les étudiants utilisent presque dans la même
mesure les marqueurs en fait en français et son équivalent de fapt en
roumain, qui marquent une distanciation entre les deux termes de la
reformulation. Dans les mémoires rédigés en roumain, les étudiants
utilisent encore un MRNP, în fond, qui a la même valeur. Le nombre
assez restreint d’occurrences des marqueurs en fait, de fapt et în fond,
montre la difficulté et même l’incapacité des étudiants à prendre des
distances par rapport au texte source, qui pourrait s’expliquer par le
respect pour ce discours d’autorité.

2.2. Critères d’analyse qualitative

Après avoir présenté la distribution des marqueurs de


reformulation dans notre corpus, nous étudierons les marqueurs en
contexte, en nous appuyant sur des exemples. À partir du modèle
d’analyse proposé par Gülich & Kotschi (1983 : 305-346), nous allons
analyser du point de vue syntaxique et sémantique les trois marqueurs
de reformulation les plus fréquents dans le corpus en français : donc,
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 255

par exemple, c’est-à-dire, et dans le corpus en roumain : astfel că,


aşadar et adică.
Gülich & Kotschi (1983) proposent plusieurs critères d’analyse,
afin d’élucider les fonctions discursives et interactives des MRP, en
s’interrogeant sur les facteurs qui déterminent le choix d’un marqueur
donné  : critères d’ordre syntaxique, critères d’ordre sémantique,
critères liés aux types de paraphrases et critères liés au degré de
complexité de la paraphrase.
Sur le plan syntaxique, ils s’intéressent à l’ordre des éléments
constitutifs de la reformulation («  énoncé-source  », «  énoncé-
doublon  » et «  marqueur de reformulation  »). Les auteurs affirment
que les marqueurs de reformulation peuvent occuper « trois positions
différentes par rapport à l’énoncé-doublon : ils peuvent être antéposés,
postposés ou intégrés dans l’énoncé-doublon » (ibid. : 317).
Sur le plan sémantique, Gülich & Kotschi constatent que
l’équivalence sémantique qui s’établit entre l’énoncé reformulé et
l’énoncé reformulant, peut se manifester à des degrés variés  : ils
distinguent ainsi l’équivalence maximale et l’équivalence minimale
(ibid. : 325). L’équivalence maximale est caractérisée par une répétition
structurelle plus ou moins complète, qui a pour effet une augmentation
de sens, alors que dans le cas de l’équivalence minimale « la relation
paraphrastique entre deux énoncés ne peut être exprimée et comprise
qu’à l’aide d’un MRP : c’est en utilisant le MRP que le locuteur établit
la relation paraphrastique et qu’il effectue une “prédication d’identité”
en dépit d’un manque d’équivalence sémantique » (ibid. : 326).
Un autre critère sémantique utilisé est le rapport entre les
composants d’une reformulation  paraphrastique : l’expansion, la
réduction et la variation. Selon Gülich & Kotschi, dans la reformulation
du type « expansion », «  l’énoncé-doublon comporte un plus grand
nombre de traits sémantiques (sèmes) que l’énoncé-source auquel il
se réfère », alors que la reformulation du type « réduction » présente
les caractéristiques inverses : «  les sèmes de l’énoncé-source sont
condensés dans le(s) sémème(s) de l’énoncé-doublon  » (ibid.  : 328).
Quant à la variation, elle regroupe les reformulations qui ne sont
« ni des expansions ni des réductions » (ibid. : 329). Etant donné que
ce critère porte aussi sur la dimension de l’énoncé reformulant par
rapport à l’énoncé reformulé, nous considérons qu’il est en même
temps un critère formel.

3. Analyse des MRP relevés dans les mémoires en français

3.1. Le cas de donc

Comme le montre le tableau 1, donc fait partie de la catégorie


des marqueurs de reformulation paraphrastique. Tout d’abord, sur le
256 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

plan syntaxique, nous allons illustrer les différentes positions de donc


par rapport à l’énoncé reformulant par des exemples de notre corpus.
Pour désigner les constituants impliqués dans la reformulation nous
reprendrons les abréviations proposées par Gülich & Kotschi : ES =
énoncé-source, MRP = marqueur de la reformulation paraphrastique,
ED = énoncé-doublon.
La lecture des exemples de notre corpus nous a permis de
constater que donc est le plus souvent antéposé à l’énoncé reformulant,
comme dans l’exemple suivant :

(1) Tahar Bekri, écrivain, traducteur et universitaire tunisien, décrit


la langue française comme étant la langue «  de l’Autre  » [ES].
Donc [MRP], pour lui, le français est quelque chose d’étranger,
auquel il n’est pas familiarisé [ED]. (M. A.3, litt. fr.)

Quant au plan sémantique, nous ne disposons pas de critères


précis qui permettraient de faire un jugement sur le degré d’équivalence
sémantique entre l’énoncé reformulé et l’énoncé reformulant. De
ce fait, il nous semble convenable d’utiliser les termes équivalence
forte vs équivalence faible, plutôt que ceux d’équivalence maximale
vs équivalence minimale, proposés par Gülich et Kotschi (1983).
L’analyse des exemples de notre corpus nous montre que la majorité
des reformulations est caractérisée par une équivalence sémantique
forte. Nous avons choisi l’exemple (2) pour l’illustrer :

(2) Celui-ci (un écrivain tunisien) perçoit le français «  comme une


amante » [ES]. Donc [MRP], comme un être qu’on aime et qui est
interdit et un péché toutefois [ED]. (M.A., litt. fr.)

Dans l’énoncé ci-dessus, une relation d’équivalence sémantique


forte s’établit entre l’ES et l’ED, du fait que l’énoncé reformulant
propose une définition du mot amante, qui se trouve dans l’énoncé
reformulé. L’emploi de donc, permet au scripteur de présenter l’énoncé
reformulant comme un fait connu des lecteurs.
En ce qui concerne les types de relations qui s’instaurent entre
les constituants d’une reformulation, donc marque, le plus souvent,
des reformulations du type «  réduction  », où l’énoncé reformulé est
condensé dans l’énoncé reformulant.

(3) Tous les enfants n’ont pas la même conception du monde ni le


même rapport à la communication et à la langue [ES]. Donc [MRP],
ils ne sont pas préparés de la même façon à l’apprentissage d’une
langue étrangère et à la découverte précoce du monde [ED]. (B.
E., did. FLE)

3
 Initiales du nom de l’auteur du mémoire.
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 257

(4) Cet aspect encourage une participation accrue et spécialement


celle des cancres qui trouvent une occasion d’afficher leurs
talents et d’être bien vus à l’intérieur du groupe-classe [ES].
Donc [MRP], le jeu peut aussi établir un équilibre entre les bons
élèves et les cancres [ED]. (B. E., did. FLE)

Les reformulations du type «  expansion  » manquent et celles


du type «  variation  » sont très peu présentes dans notre corpus, ce
qui montre que donc est un marqueur de reformulation du type
« réduction » par excellence.
Dans les exemples (1)-(4), donc est marqueur de reprise. Deux
autres emplois de donc, parmi les cinq emplois identifiés par Zenone4
(1981 : 116-133), concernent la reformulation paraphrastique, à savoir
l’emploi argumentatif et l’emploi récapitulatif (cf. Gülich & Kotschi
1983).
En tant que marqueur argumentatif, donc « annonce le lien de
consécution que le locuteur introduit entre q et p : q devient ainsi un
argument pour p, p est motivé par q » (Zenone 1981 : 122). L’exemple
(3) illustre cet emploi de donc  : l’énoncé reformulant représente la
conséquence, la conclusion qui dérive de l’énoncé reformulé (ibid. :
122).
Enfin, nous avons trouvé beaucoup d’exemples qui illustrent
l’emploi de donc comme marqueur récapitulatif. Dans cet emploi, donc
apparaît intégré à une phrase qui « ne fait que répéter la conclusion du
paragraphe précédent » (ibid. : 132). C’est le cas de la reformulation du
type « réduction », dans l’exemple (5), où 1’énoncé reformulant répète
le contenu véhiculé par l’énoncé reformulé :

(5) Enseigner une langue étrangère à des enfants suppose non


seulement une bonne connaissance des méthodes d’enseignement
de cette langue, mais aussi une très bonne connaissance du
public auquel on s’adresse [ES]. L’enseignant doit [ED] donc
[MRP] orienter son enseignement en respectant les particularités
de ce public [ED]. (B. E., did. FLE)

3.2. Le cas de par exemple

La fonction principale de par exemple est d’exemplifier ce que


les scripteurs affirment dans leur première formulation, l’énoncé
reformulant étant la preuve de la validité de ce qui vient d’être dit. En
ce qui concerne le plan syntaxique, le marqueur par exemple est, dans
la plupart des cas, suivi de l’énoncé reformulant, c’est-à-dire qu’il est
antéposé à l’énoncé-doublon, comme dans l’exemple (6) :

4
  Les cinq emplois de donc identifiés par Zenone sont  : l’emploi de reprise, l’emploi
discursif, l’emploi argumentatif, l’emploi métadiscursif et l’emploi récapitulatif.
258 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

(6) À cause de sa complexité et de sa polysémie, cette notion a


développé un paradigme d’expressions équivalentes [ES]. Par
exemple [MRP], on l’a dénommée aussi « langue native, locale,
nationale, commune, naturelle » [ED]. (A. Z., did. FLE)

Quant au plan sémantique, nous avons constaté une


prépondérance des reformulations caractérisées par une équivalence
forte entre les séquences mises en relation, due soit à des répétitions
lexicales, comme dans (7), soit à l’emploi d’expressions synonymes,
comme dans (8) :

(7) De ce fait, l’enseignement de la langue et la civilisation doivent


se mener de pair [ES]. Par exemple [MRP], dans chaque
enseignement des notions linguistiques, il faut intégrer les
phénomènes de civilisation [ED]. (F. I.-O., did. FLE)
(8) […] il est possible qu’un individu ait deux langues maternelles
en même temps [ES] (par exemple [MRP], les bilingues précoces)
[ED]. (A. Z., did. FLE)

En ce qui concerne les différents types de relations entre les


constituants de la reformulation, par exemple est le plus souvent
utilisé pour introduire une expansion. En l’occurrence, le marqueur
sert à introduire une expansion explicative, comme dans l’exemple
suivant :

(9) Les capacités et les connaissances générales et langagières


qu’un individu possède sont sollicitées différemment [ES]. Par
exemple [MRP], une compétence réduite dans une langue dont
on maîtrise mal la composante linguistique peut être compensée
par des savoir-être exprimant l’ouverture, la convivialité, la bonne
volonté, dans la gestuelle, la mimique, au cours de l’interaction
avec un natif, tandis que dans une langue beaucoup mieux
maîtrisée, le même acteur social pourrait avoir une attitude plus
réservée ou plus distante [ED]. (C. A., did. FLE)

Les reformulations du type « réduction » et « variation » impliquant


le marqueur par exemple sont très peu présentes dans notre corpus.
En revanche, à part l’emploi explicatif, nous avons repéré quelques
exemples où le marqueur est utilisé pour introduire une énumération
dans l’énoncé reformulant, comme dans l’exemple (10) :

(10) Dans certaines instances, le dossier est aussi le lieu où l’utilisateur


du PEL conserve les documents relatifs à ses apprentissages
en cours [ES] : par exemple [MRP], le vocabulaire ou les règles
grammaticales qu’il doit maîtriser, les plans et les projets d’étude,
les articles de journaux et de magazines en rapport avec ses
objectifs [ED]. (C. A., did. FLE)
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 259

3.3. Le cas de c’est-à-dire

Dans notre corpus, la fonction principale de c’est-à-dire est


la fonction interprétative  ; cela veut dire que l’énoncé reformulant
fournit une interprétation de l’énoncé reformulé. Murât & Cartier-
Bresson (1987 : 15), avaient déjà parlé de cette fonction de c’est-à-dire,
qu’ils considèrent comme « le mot de l’interprétation dans la langue ».
D’ailleurs, pour Vassiliadou & Lammert, «  l’aptitude principale de
c’est-à-dire est d’enrichir le sens de la proposition sans affecter pour
autant ses conditions de vérité » (2005 : 209).
L’emploi de c’est-à-dire par les étudiants dans leurs mémoires
présente quelques ressemblances avec l’emploi des deux autres
marqueurs analysés. Premièrement, en ce qui concerne sa position
syntaxique, l’examen des exemples de notre corpus nous a permis
de constater que ce marqueur n’est utilisé qu’en position antéposée
à l’énoncé reformulant. Des contraintes syntaxiques empêchent son
emploi en position intégrée ou postposée.
Dans l’exemple (11), c’est-à-dire introduit ce que Murât &
Cartier-Bresson appellent une « reprise définitionnelle » (1987 : 11) :

(11) De cette façon, la langue maternelle pourrait être considérée


comme «  la langue de référence  » [ES], c’est-à-dire [MRP] «  la
langue à laquelle un individu s’identifiera le plus et celle qu’il
utilisera le plus souvent » [ED]. (L. S., did. FLE)

Deuxièmement, en ce qui concerne le degré d’équivalence


sémantique, nous avons repéré, dans la plupart des cas, des
reformulations dont les composants sont reliés par une équivalence
forte :

(12) À l’aide des pratiques langagières des adolescents, ils expriment


des réalités propres et des perceptions spécifiques de ces réalités
[ES], c’est-à-dire [sic] [MRP] les langues sont des supports
d’identification [ED]. (S. M., did. FLE)

Troisièmement, en ce qui concerne les types de relation entre


l’énoncé reformulé et l’énoncé reformulant, nous pouvons dire que,
malgré le fait que Gülich & Kotschi considèrent c’est-à-dire comme
étant, le plus souvent, un MRP du type «  expansion  » (1983  : 330),
l’analyse des exemples de notre corpus nous a montré le contraire :
le nombre de reformulations du type « réduction » (exemples 13 et 14)
l’emporte considérablement sur le nombre de reformulations du type
« expansion » (exemple 15):

(13) J. M. Adam observait que lorsqu’on parle, on fait allusion à un


monde, réel ou fictif, présenté en tant que tel ou non [ES], c’est-
260 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

à-dire [sic] [MRP] on construit des représentations [ED]. (Z. G.,


ling. fr.)
(14) L’hypothèse de Trier soulève le problème complexe de la relation
entre champs conceptuels et champs lexicaux [ES], c’est-à-dire
[MRP], de la relation entre le langage et la pensée [ED]. (I. O.,
ling. fr.)

(15) Dans les champs hiérarchisants, on a un archilexème (exprimé


ou non), et, à l’intérieur de cet archilexème, des distinctions
successives [ES], c’est-à-dire [MRP], chaque fois, des distinctions
dans les termes déjà distingués, avec des archilexèmes
secondaires à plusieurs niveaux, de sorte que les traits distinctifs
fonctionnant à un niveau inférieur y sont «  indifférents  »  par
rapport aux dimensions des niveaux supérieurs [ED]. (I. O, ling.
fr.)

Dans les exemples (13) et (14), les scripteurs précisent dans


l’énoncé reformulant ce qui est dit dans l’énoncé reformulé, en le
résumant, alors que dans l’exemple (15), c’est-à-dire apporte une
information supplémentaire qu’on juge nécessaire à la compréhension,
« tout en allant du moins précis au plus précis » (Chéria 2010 : 44).
Les reformulations du type « variation » introduites par c’est-à-
dire sont assez nombreuses dans notre corpus. Ainsi, dans l’exemple
(16), l’énoncé reformulant complète l’énoncé reformulé tout en
expliquant le syntagme quatre modes d’intelligence :

(16) Les stades cités correspondent chez Piaget à quatre modes


d’intelligence [ES], c’est-à-dire [MRP] à quatre modes d’interaction
entre l’enfant et son environnement [ED]. (B. E., did. FLE)

4. Analyse des MRP relevés dans les mémoires en roumain

4.1. Le cas de astfel (că)

Comme le montre le tableau 2, astfel (că) fait partie de la


catégorie des marqueurs de reformulation paraphrastique. Son
équivalent le plus proche en français est ainsi. La fonction principale
de astfel (că) dans notre corpus est la fonction illustrative, c’est-à-
dire qu’il introduit un fait ou une raison dans l’énoncé reformulant
qui appuient et démontrent l’affirmation exprimée dans l’énoncé
reformulé. Pour l’analyse du corpus de mémoires écrits en roumain,
nous allons appliquer les mêmes critères syntaxiques et sémantiques
que pour le corpus en français.
Dans la plupart des exemples, le marqueur astfel (că) est
antéposé à l’énoncé reformulant :
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 261

(17) În realizarea unei construcţii, este nevoie întotdeauna de


înfăptuirea unui sângeros care să asigure imortalitatea şi
soliditatea construcţiei [ES]. Astfel că [MRP], pentru a dura, o
construcţie trebuie să primească o viaţă şi un suflet, lucruri ce
vor duce la animarea acesteia [ED]. (G. L., litt. roum.)
‘Lors de l’exécution d’une construction, il est toujours nécessaire
d’effectuer un acte sanglant qui garantira l’immortalité et la
solidité de la construction [ES]. Ainsi [MRP], pour durer, une
construction doit recevoir une vie et une âme, ce qui conduira à
son animation [ED]5.’

Sur le plan sémantique, astfel (că) marque tant la reformulation


caractérisée par une équivalence forte, comme dans (18), où celle-ci
est due à des répétitions lexicales dans l’énoncé reformulant, que la
reformulation caractérisée par une équivalence faible, comme dans
(19) où la présence du marqueur astfel (că) rend possible la saisie du
sens de l’énoncé-doublon :

(18) […] după drumul lung străbătut în drumul cosmic prin foarte
multe existenţe, iluminarea se produce instantaneu. [ES]. Astfel
că [MRP], prin iluminarea instantanee, înţelegem că realitatea se
produce dintr-o dată, ca un fulger [ED]. (O. A., litt. roum.)
‘[...] après la longue route parcourue dans le chemin cosmique
à travers de nombreuses existences, l’illumination se produit
instantanément. [ES]. Ainsi [MRP], par l’illumination instantanée,
nous comprenons que la réalité se produit soudainement, comme
un éclair [ED].’
(19) Traducerea cărţilor Sfintei Scripturi a avut un rol fundamental
în evoluţia limbii române [ES], astfel [MRP] s-au „verificat”
caracteristici ale limbii precum : expresivitatea, flexibilitatea sau
bogăţia diferitelor sectoare ale limbii [ED]. (B. G., litt. roum.)
‘La traduction des livres de la Sainte Écriture a joué un rôle
fondamental dans l’évolution de la langue roumaine [ES],
de sorte que [MRP] des caractéristiques de la langue ont été
« vérifiées » telles que : l’expressivité, la flexibilité ou la richesse
des différents secteurs de la langue [ED].’

Quant aux types de reformulation moyennant astfel (că), nous


avons identifié dans notre corpus des exemples qui illustrent les trois
types (expansion, réduction et variation), les reformulations du type
« expansion » étant les plus utilisées par les étudiants. Leur rôle est
d’apporter une explication, un éclaircissement du sens de l’énoncé
reformulé dans l’énoncé reformulant, comme dans (20) :

(20) Secvenţa temporală narată de către narator poate fi lineară sau


alterată [ES]. Astfel [MRP], naratorul poate respecta ordinea

5
Les exemples en roumain ont été traduits par nos soins.
262 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

cronologică a faptelor, poate plasa în povestire evenimente


ulterioare sau poate reveni în trecut pentru a relata evenimente
anterioare istoriei [ED]. (C. M., ling. roum.)
‘La séquence temporelle racontée par le narrateur peut être
linéaire ou modifiée [ES]. Ainsi [MRP], le narrateur peut respecter
l’ordre chronologique des faits, peut placer dans l’histoire des
événements ultérieurs ou il peut revenir dans le passé pour
raconter des événements antérieurs à l’histoire [ED].’

D’autres fonctions de astfel (că) sont également exploitées par


les étudiants, par exemple pour organiser et structurer le texte. Dans
ce cas, le marqueur a un rôle discursif, permettant de « repérer dans
les discours les relations de cohérence » (Tran 2014  : 29). On peut
donc le rattacher à la classe « marques linguistiques non référentielles
méta-discursives dont le rôle est de signaler de façon plus ou moins
explicite l’organisation du texte » (Laignelet 2004, apud Tran 2014  :
29). Ce cas de figure est illustré dans l’exemple (21) :

(21) Am vrea să vorbim acum despre cum este considerată Biblia din
punctul de vedere al specialiştilor, astfel, sunt împărtăşite două
opinii, după cum prezintă […]. (B. G., litt. roum.)
‘Nous voudrions parler maintenant de la façon dont la Bible est
considérée du point de vue des spécialistes, ainsi, deux opinions
sont partagées, d’après […].’

4.2. Le cas de aşadar

Nous avons inclus ce marqueur dans la catégorie des MRP en


raison de sa proximité sémantique avec le marqueur donc. Sa fonction
principale est de condenser, en récapitulant le contenu de l’énoncé
reformulé dans l’énoncé reformulant.
En ce qui concerne sa position syntaxique, aşadar est le plus
souvent utilisé en position antéposée à l’énoncé reformulant, comme
dans l’exemple (22) :

(22) Identificarea timpului de referinţă se poate realiza cu ajutorul


unor adverbe sau cu ajutorul altor cuvinte ce au rolul de a
plasa acţiunea în timp [ES]. Aşadar [MRP], indiferent de forma
gramaticală a verbului, timpul real este redat, uneori, cu ajutorul
acestor elemente [ED]. (C. M., ling., roum.)
‘L’identification du temps de référence peut se faire à l’aide
d’adverbes ou d’autres mots qui ont pour rôle de placer l’action
dans le temps [ES]. Ainsi [MRP], quelle que soit la forme
grammaticale du verbe, le temps réel est parfois rendu à l’aide de
ces éléments [ED].’

Sur le plan sémantique, l’analyse des exemples de notre corpus


nous a permis de constater que aşadar marque, le plus souvent, des
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 263

reformulations qui établissent une équivalence sémantique forte entre


les segments qu’il relie :

(23) Căutând să identifice coordonatele acestui tip de creaţie,


Roger Caillois ajunge la concluzia că „fantasticul înseamnă o
întrerupere a ordinii recunoscute, o năvală a inadmisibilului în
sânul inalterabilei legalităţi cotidiene şi nu substituirea totală a
universului exclusiv miraculos” [ES]. Aşadar [MRP], intruziunea
straniului în lumea realului, perturbarea ordinii cunoscute sunt
ingredientele ce asigură reţeta de succes a creaţiei fantastice
[ED]. (S. M., litt. roum.)
‘En cherchant à identifier les coordonnées de ce type de création,
Roger Caillois conclut que « le fantastique signifie une interruption
de l’ordre reconnu, une pénétration de l’inadmissible dans la
légalité quotidienne inaltérable et non pas le remplacement
total de l’univers exclusivement miraculeux » [ES]. Donc [MRP],
l’intrusion de l’étranger dans le monde réel, la perturbation de
l’ordre connu sont les ingrédients qui assurent la recette réussie
de la création fantastique [ED].’

En ce qui concerne les types de reformulations, nous avons


constaté la prépondérance des reformulations du type « réduction », ce
qui n’est pas étonnant, vu le sémantisme de aşadar, proche de celui
de donc, qui est un MRP du type « réduction » par excellence :

(24) Prezenţa măştilor pe teritoriul ţării noastre încă din vremuri


primitive, diversitatea mare a formelor şi spectaculozitatea
acestora confirmă prezenţa şi permanenţa pe aceste tărâmuri
a unor tradiţii ce datează de peste o mie de ani [ES]. Aşadar
[MRP], măştile sunt mărturiile vii ale constituirii şi evoluţiei
deprinderilor străvechi [ED]. (R. A., civilis. roum.)
‘La présence de masques sur le territoire de notre pays depuis
les temps primitifs, la grande diversité des formes et leur
caractère spectaculaire confirment la présence et la permanence
sur ces terres de traditions remontant à plus de mille ans [ES].
Donc [MRP], les masques sont les témoignages vivants de la
constitution et de l’évolution des anciennes coutumes [ED].’

4.3. Le cas de adică

Le marqueur adică est le correspondant le plus proche de


c’est-à-dire. Ce marqueur a donc la même fonction que son équivalent
français, plus précisément une fonction interprétative qui lui permet
de fournir dans l’énoncé reformulant une interprétation de l’énoncé
reformulé.
Les mêmes critères d’analyse sont appliqués dans le cas de
c’est-à-dire. Tout d’abord, de toutes les positions syntaxiques, adică
n’apparaît qu’en position antéposée à l’énoncé reformulant :
264 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

(25) Termenul „mit” implică, în acest sens, şi mitul propriu-zis [ES],


adică [MRP] povestea care legitimează cutare sau cutare credinţă
religioasă sau magică, legendă şi somaţiile ei explicative, basmul
popular sau povestirea românească [ED]. (M. V., litt. roum.)
‘Le terme « mythe » implique, en ce sens, le mythe lui-même [ES],
c’est-à-dire [MRP] l’histoire qui légitime telle ou telle croyance
religieuse ou magique, la légende et ses convocations explicatives,
le conte populaire ou l’histoire roumaine [ED].’

Deuxièmement, nous avons constaté que adică marque,


dans la majorité des cas, des reformulations caractérisées par une
équivalence sémantique forte :

(26) Eliade a realizat o tratare a subiectului în manieră existenţială,


încercând să realizeze imaginea unui cadru divizat, care să
permită reversibilitatea şi imortalitatea [ES], adică [MRP]
trecerea de la un fel de existenţă în altul, respingându-se până
la negare această finalitate a existenţei umane [ED]. (G. L., litt.
roum.)
‘Eliade a traité le sujet de manière existentielle, essayant de
créer l’image d’un cadre divisé, qui permette la réversibilité et
l’immortalité [ES], c’est-à-dire [MRP], le passage d’un type
d’existence à un autre, refusant jusqu’à nier le but de l’existence
humaine [ED].’

Dans les exemples ci-dessus, l’énoncé reformulant précise le


sens de l’énoncé reformulé, en expliquant certaines expressions que
celui-ci contient, comme mitul propriu-zis, dans l’exemple (25), ou
reversibilitatea et imortalitatea, dans l’exemple (26).
Troisièmement, en ce qui concerne les types de rapports entre
les deux segments impliqués dans la reformulation, nous avons
remarqué la prédominance des reformulations du type « réduction »,
où les scripteurs fournissent une interprétation de l’énoncé reformulé,
tout en le résumant :

(27) Mai rămân şi oameni care tind să acceadă spre transcendent, care
cred că originea vieţii este sacră şi care doresc să reactualizeze
comportamentul divin pentru a putea rămâne în preajma zeilor,
în cazul de faţă, în preajma lui Dumnezeu [ES], adică [MRP] să
rămână în real [ED]. (B. G., litt. roum.)
‘Il y a encore des gens qui ont tendance à accéder au transcendant,
qui croient que l’origine de la vie est sacrée et qui veulent mettre
à jour le comportement divin afin de pouvoir rester près des
dieux, en l’occurrence, autour de Dieu [ES], c’est-à-dire [MRP]
rester dans le réel [ED].’

Nous avons également trouvé un bon nombre de reformulations


du type « variation » :
De quelques marqueurs de reformulation dans l’écriture des mémoires de master 265

(28) Există situaţii în care prezentul indicativ ia forma prezentului


retrospectiv [ES], adică [MRP] zona semantică a verbului se află
în trecut [ED]. (C. M., ling. roum.)
‘Il y a des situations où l’indicatif présent prend la forme
du présent rétrospectif [ES], c’est-à-dire que [MRP] la zone
sémantique du verbe appartient au passé [ED].’

Conclusions

La technique de la reformulation est certes l’une des


compétences de base que chaque étudiant doit avoir afin de pouvoir
mener une recherche et rédiger son mémoire, conformément aux
normes de la déontologie universitaire. Même si les marqueurs de
reformulation jouent un rôle très important dans la rédaction d’un
mémoire, car leur usage permet aux étudiants de mieux structurer
leur discours et de produire un discours cohérent, leur enseignement /
apprentissage explicite est rarement pris en considération, aussi bien
en langue maternelle qu’en langue étrangère.
Les mémoires qui ont servi de corpus pour cette recherche
ne sont pas assez nombreux pour nous permettre d’avoir une vision
d’ensemble sur la question de la reformulation. Nous pouvons
cependant formuler quelques conclusions.
D’abord, une approche quantitative des marqueurs de
reformulation nous a permis de constater que, des deux grands types
de reformulation, les étudiants privilégient tant en langue étrangère
qu’en langue maternelle la reformulation paraphrastique et les
marqueurs de reformulation paraphrastique qui s’y rattachent. Le fait
que la reformulation non paraphrastique est très peu présente dans
les mémoires analysés relève de la difficulté des étudiants à prendre
des distances par rapport au texte source et à opérer un changement
de perspective énonciative, ce qui est une caractéristique intrinsèque
à ce type de reformulation. La préférence des étudiants pour la
reformulation paraphrastique était en quelque sorte attendue, vu leur
manque d’expérience en tant que scripteurs d’un discours scientifique.
Nous avons également remarqué que les marqueurs de
reformulation ne sont pas employés dans la même mesure dans les
deux langues. Ainsi avons-nous relevé des différences considérables
concernant la distribution des marqueurs à trois niveaux : au niveau
du nombre total d’occurrences des marqueurs dans les deux langues,
au niveau du nombre d’occurrences du marqueur le plus fréquent
dans chaque langue et, enfin, au niveau du nombre d’occurrences des
trois marqueurs les plus utilisés dans les deux corpus.
Nous avons remarqué aussi que les étudiants rencontrent
plus de difficultés dans l’utilisation des marqueurs en français langue
étrangère qu’en roumain langue maternelle, ce qui était également
attendu. C’est pourquoi, dans les mémoires rédigés en roumain, les
266 Luminiţa Steriu et Monica Vlad

jeunes scripteurs font un usage abondant d’une diversité de marqueurs


de reformulation, alors que dans les mémoires rédigés en français, les
étudiants emploient peu de marqueurs.
Si l’approche quantitative révèle un bon nombre de différences
concernant l’emploi des marqueurs de reformulation en français et
en roumain, l’approche qualitative, au contraire, fait état de bien des
ressemblances. Tout d’abord, le plus souvent, les étudiants placent
les marqueurs dans une position antéposée à l’énoncé reformulant,
tant en langue étrangère qu’en langue maternelle. L’équivalence forte
est privilégiée. Quant aux types de rapports qui peuvent s’établir entre
les composants d’une reformulation, les jeunes scripteurs préfèrent
les reformulations du type «  réduction  », à cause, peut-être, d’une
certaine insécurité linguistique. Ainsi, les MRP du type « réduction »
qui apparaissent dans notre corpus sont donc, c’est-à-dire, pour le
français, et aşadar et adică, pour le roumain. Toutefois, l’emploi de ces
marqueurs dans le contexte d’une reformulation du type « expansion »
ou « variation » n’est pas complètement exclu. Les MRP qui marquent
des reformulations du type « expansion » sont par exemple et astfel (că).
Nous avons également constaté que les étudiants préfèrent presque
les mêmes marqueurs de reformulation dans les deux langues.
Cette étude peut être encore développée sous différents angles.
D’une part, nous avons l’intention d’élargir le corpus d’analyse afin
d’examiner d’autres stratégies discursives liées à la reformulation,
outre les marqueurs de reformulation. D’autre part, nous voudrions
prendre éventuellement en considération des mémoires de master
rédigés par des scripteurs français natifs. Cela nous permettra de
voir si les irrégularités que nous avons pu constater dans le cadre
de l’écriture de recherche en français langue étrangère sont dues
seulement au statut d’étrangers de nos étudiants ou bien s’il s’agit,
au contraire, de problèmes qui sont spécifiques à tous les scripteurs
débutants.

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