L'analyse: Engéographiehumaine
L'analyse: Engéographiehumaine
L'analyse: Engéographiehumaine
engéographiehumaine
'U Il 0:0
Peter Haggett,
né en 1933, a enseigné au Collège univer-
sitaire de Londres et à l'Université de
Cambridge où il entreprit une série de cours
sur les aspects nouveaux de la recherche
géographique; ceux-ci furent d'ailleurs
l'ébauche de certains chapitres de cet ou-
vrage. Il rencontra Brian J.L. Berry à
l'occasion d'un séminaire de science régio-
nale à l'Université de Berkeley. Revenu ~n
Grande-Bretagne, il fut plusieurs années
professeur à l'Université de Bristol. Depuis
1 973,ilest professeuràl'Université d'Oxford.
l'analyse spatiale
en géographiehumaine
traduction de
Hubert Fréchou
Armand Colin
1°3 bd Saint-Michel, Paris 5 e
Cet ouvrage a été publié en Grande-Bretagne sous le titre
Locationa/ Ana/ysis in Human Geography
par Edward Arnold Ud. La traduction a été établie d'après la 4" édition (1968)
5
PRÉFACE
L'une prend comme objet principal de ses recherches les hommes, étudiant les
populations, leurs structures sociales, leurs genres de vie : c'est la géographie de
l'homme - habitant.
L'autre considère davantage l'espace habité par les hommes. Ce courant s'est
exprimé par l'analyse des localisations, des paysages, de l'organisation de l'espace.
La présence des hommes dans un milieu aux composantes spatiales nécessairement
spécifiques, aux contenus écologiques précis, entraîne des localisations, des lieux
de peuplement d'industries, de villes, l'établissement de trames administratives,
de réseaux et de pôles de développement économique, de commandement, les uns
et les autres concourant à une organisation territoriale. L'espace n'est plus seulement
un support de phénomènes mais un agent physique dont les éléments, distances,
gradients, rythmes jouent un rôle important.
Reprenant sous une forme moderne des concepts présents dans la géographie
traditionnelle, la « nouvelle» géographie leur donne une vigueur neuve, une portée
mal perçue auparavant parce qu'elle s'appuie sur des outils méthodologiques
perfectionnés. Au service de cette analyse spatiale, des méthodes quantitatives sont
utilisées; elles aussi ne sont pas totalement inédites, car le chiffre et la mesure n'ont
jamais été absents de la géographie, mais les applications en étaient fragmentaires,
isolées.
La mesure, la comparaison des mesures, les corrélations, la pondération des compo-
santes d'une structure spatiale, la connaissance des facteurs et du poids respectif
de ces facteurs dans la différenciation et l'organisation d'un territoire représentent
un progrès scientifique considérable.
A la géographie collectrice de faits, typologique, exceptionnaliste, empirique,
inductive, les recherches dont Peter Haggett fait état substituent une géographie
théorique, déductive, recherchant la logique, les régularités, les principes de différen-
ciation et d'organisation, identifiant des structures spatiales, dégageant des modèles
et des séquences d'organisation territoriale.
Par la nouveauté de cette analyse géographique, l'espace devient compréhensible,
s'organise; toutes les pièces d'un puzzle considérées comme isolées trouvent leurs
explications de localisation, de forme, d'intensité sous les effets combinés des données
naturelles, de l 'histoire des volontés et des possibilités humaines et des contraintes
inhérentes à tout espace, s'exprimant en distances, en accessibilité, en coûts.
Comme nous l'avons dit, rien n'est totalement nouveau dans cette optique, mais
les interprétations permises par les techniques quantitatives sont véritablement neuves
et scientifiques.
La science ne progresse pas continûment et régulièrement, et tout progrès porte
en lui des erreurs, des outrances inévitables. Mais les exagérations, les enthousiasmes
incompétents ne doivent pas masquer la réalité du progrès.
Le progrès réside dans l'emploi d'un outil mathématique précieux et non dans
l'emploi de n'importe quelle technique, utilisée pour elle-même sans souci du point
d'application, considéré comme secondaire ou subordonné aux exigences du traite-
ment. On a déjà perçu à l'étranger les dangers de ce jeu mathématique pur sacrifiant
la problématique à la méthodologie.
6
Préface
7
AVANT-PROPOS
9
AVANT-PROPOS
10
A la recherche de l'ordre Chapitre l
La géographie
Systèmes et modèles
Déterminisme et probabilisme
GÉNÉRALITÉS
11
1. A LA RECHERCHE DE L'ORDRE
Dans ce livre, l'accent est mis sur les questions que pose l'ordre, l'ordre des loca-
lisations étudiées par la géographie humaine. La première partie présente les compo-
santes de l'organisation de l'espace géographique : mouvements, réseaux, nœuds,
hiérarchies et surfaces; la seconde partie expose les méthodes et les techniques
d'analyse. Cette approche s'écarte sensiblement de la démarche traditionnelle de
la géographie humaine (Brunhes, 1925; Vidal de la Blache, 1922), préoccupée de
poser des questions de nature biographique sur les phénomènes observés. En effet,
après avoir examiné, de façon très approfondie, l'évolution historique de cette dis-
cipline, Hartshorne constate, dans son ouvrage classique, The Nature of Geography,
qu'« il n'est nécessaire d'élaborer aucune proposition universelle, sinon cette loi
générale de la géographie que chaque région est unique» (Hartshorne, 1939, p. 468).
Ce concept d'unicité, que la géographie partage avec l'histoire, exerce une forte
emprise sur l'enseignement de la géographie, à tous les niveaux; il installe inévi-
tablement dans l'esprit des étudiants la conviction que la région A doit absolument
être différente de la région B.
12
A la recherche de l'ordre
13
Échelle et théorie
!:>.
THÉORIE
DÉDUCTIVE
Ces variations, à leur tour, entraînent les changements représentés sur le plan vertical:
la comparabilité augmente, les cas se multiplient et par conséquent les résultats
deviennent de plus en plus significatifs à mesure que les régions deviennent plus
petites; au contraire, lorsque les régions deviennent plus grandes, il y a moins de cas
à comparer, et les explications doivent, de plus en plus, reposer sur des analo-
gies externes.
L'étude des groupements de population, faite à l'échelle mondiale (Nord-Ouest
de l'Europe, Inde, etc.), a été caractérisée par l'application, assez spéculative, de modèles
climatiques ou historiques (Spate, 1952), en même temps que par la diversité des
14
A la recherche de l'ordre
interprétations. A l'inverse, l'étude des groupements urbains (ici, les cas potentiels
sont nombreux) a été caractérisée par l'observation comparative et par l'application
de modèles de peuplement inductifs (Christaller, 1933), en même temps que par
une moindre diversité d'interprétations. Notre confiance dans les causalités externes
pour expliquer des caractéristiques macro-régionales peut s'opposer à ce qui se
passe pour les régions plus petites; dans leur cas, il apparaît sans aucun doute que
la géographie se suffit davantage à elle-même, tant dans ses aspects physiques qu 'hu-
mains. La persistance des effets d'échelle et le problème que pose le besoin de se
référer, pour des régions de tailles différentes, à une unité de mesure commune
donnent à penser qu'un étalon de comparaison pourrait être utile dans toutes les
situations (Chorley et Haggett, 1965, chap. 18).
Les géographes s'intéressent à des sujets d'étude dont la taille va de celle des
continents (environ 1 à 10 millions de miles carrés) à celle des communes (environ
1 à 10 miles carrés) et même à celle d'unités encore plus petites; bien qu'on ait aban-
donné une grande partie des anciennes unités de surface, les différences entre les
quatre unités traditionnelles (miles carrés, kilomètres carrés, acres et hectares) sont
assez grandes pour rendre difficiles les comparaisons. Certes, on peut en pratique
utiliser des étalons naturels traditionnels (par exemple, 1 million d'acres équivaut
à la surface du comté de Somerset; 100000 miles carrés équivalent à la surface de
l'État du Colorado, et ainsi de suite); ou bien on peut convertir rapidement les dif-
férentes unités, au moyen de tables (Amiran et Schick, 1961), mais cette méthode
reste peu commode et difficile.
Un diagramme linéaire publié par Brillouin (1964, p. 85) donne, en valeurs vraies,
une idée de l'éventail des sujets auxquels s'intéresse la recherche géographique
(fig. 1.2 C). Ce diagramme consiste en une échelle logarithmique qui va de 10 30 à
10-50 cm; il inclut la distance la plus grande et la distance la plus petite que l'on ait
mesurées jusqu'ici (soit, respectivement, environ 1027 et 10- 13 cm). A l'intérieur de
cette gamme, la partie à laquelle s'intéressent les géographes occupe une position
médiane, qui va de 4,01 X 10 9 cm (la circonférence de la terre) à 103 cm environ.
U ne question se pose : peut-on utiliser des unités réelles quelconques pour définir
l'éventail des sujets auxquels s'intéresse la géographie, et pour remplacer les unités
traditionnelles, arbitraires, actuellement en usage? Brillouin (1964, p. 32) a avancé
l'idée que l'on pourrait utiliser comme base une distance linéaire minimale réelle
(le fentometer) définie pratiquement comme étant la distance en deçà de laquelle
aucune onde ou aucun autre moyen de mesure n'existe, qui pourrait être employé
comme étalon. Aussi adéquat que puisse être cet étalon naturel pour les sciences
physiques, il y a là une bonne occasion de considérer une unité également fonda-
mentale - la surface de la terre - comme l'étalon naturel approprié à la mesure
en géographie.
Haggett, Ch orley et Stoddart (1965) ont proposé un étalon de mesure géographique
fondé sur la surface de la terre (Ga), et une échelle de mesure (l'échelle G), obtenue
en divisant cette surface-étalon, successivement, par les puissances de 10. Le tableau
1.1 montre la progression générale des valeurs de G, tandis que la figure 1.2 repré-
sente la relation entre l'échelle G et les étalons traditionnels de mesure des surfaces.
15
ÉTALONS TRADITIONNELS ÉTALONS NATURELS
Ci) ÉCHELLE LINÉAIRE ® ÉCHELLES LOGARITHMIQUES o ÉCHELLE DE
~ BRILLOUIN
@ ÉCHELLE-G
~ 10'° années-lumières
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10'
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100 10z
- 1 mile carré (8.29)
- 1 kilomètre carré (8.71)
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........ '(1\\\ 10'1
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10" 10' - 1 0 hectares (9,71)
o 10' 10 - 1 0 acres (10,10)
10. 2
10'z 100
Fig. 1.2 - Relation entre l'échelle G et les mesures traditionnelles. L'échelle de Brillouin (C) est linéaire, et ne peut donc être
comparée directement aux échelles A, B et D. Les chiffres entre parenthèses placés à la suite des régions indiquées sur
"échelle D donnent les valeurs G propres à ces régions.
Source: HAGGETT, CHORLEY et STODDART, 1965, p. 845.
A la recherche de l'ordre
TABLEAU 1.1
Divisions Surface
Valeurs de G de la surface en miles carrés
de la terre (Ga)
o Ga 1,968 . 10 8
1 Ga (10)-1 1,968' 10'
2 Ga (10)-2 1,968' 106
3 Ga (10)-3 1,968 . 105
n Ga (10)-n 1,968 . 10(8 - n)
G = log (Ga/Ra)
dans laquelle Ga (la surface de la terre) et Ra (la surface de la région étudiée) sont
mesurées avec la même unité de surface (l'acre, par exemple). En pratique, il est
plus commode de calculer la valeur de G en soustrayant le logarithme de la surface
de la terre. Le tableau 1.2 donne les constantes correspondant aux quatre unités de
surface habituellement employées.
TABLEAU 1.2
17
GÉNÉRALITÉS
des surfaces, en ce sens que des régions dont les surfaces sont dans un rapport de
1 à 10 ont sur l'échelle G des valeurs différant d'une unité, des régions dont les sur-
faces sont dans un rapport de 1 à 100 ont sur l'échelle G des valeurs différant de 2
unités, et ainsi de suite; 4° elle simplifie la situation actuelle, rendue confuse par
la diversité des étalons traditionnels (fig. 1.2 B), et lui substitue une échelle plus
simple de valeurs naturelles (fig. 1.2 D).
L'application de l'échelle G aux aires géographiques existantes fait apparaître
quelques résultats intéressants (fig. 1.2 D). Les valeurs obtenues pour les continents
vont de G = 1,06 à G = 1,83; elles aident à rectifier certaines idées fausses que
l'on se fait de leur taille, tant à cause de la projection de Mercator que par suite de
leur accessibilité relative (cf par exemple l'observation de Hiigerstrand selon laquelle
on sous-estime la taille des régions « éloignées », tandis qu'on exagère la taille relative
des régions proches). Il existe cependant des implications plus fondamentales concer-
nant dans son ensemble le caractère propre de la recherche géographique.
Une comparaison (fig. 1.3) entre deux études régionales importantes fait apparaître
l'une des nombreuses potentialités que présente l'échelle G en matière d'illustration
et même d'analyse. L'étude de Broek (1932) sur la vallée de Santa Clara (Californie)
apparaît ici (fig. 1. 3 A) sous la forme suivante : trois périodes historiques, signi-
ficatives pour cette région, sont reliées par de courts segments structuraux; pour
ces périodes, les aspects physiques et économiques de l'aire étudiée sont articulés
de façon à constituer une étude vraiment régionale. Bien que l'auteur donne quelques
informations à l'échelle du ranch, l'échelle spatiale de l'étude, pour toutes les périodes
historiques, est essentiellement celle de la vallée de Santa Clara, soit 600 miles carrés
(G = 5,52). Ceci contraste avec l'étude classique de Vidal de la Blache sur
la France de l'Est (1917) représentée de la même manière sur la figure 1.3 B.
Ici, dans les limites définies par les deux coupures que constituent la révolution
agricole du Néolithique et la révolution industrielle en France, la région d'Alsace-
Lorraine est étudiée dans le cadre d'un continuum temporel. Passant, dans cette
étude bien équilibrée, de cette échelle (G = 4,12) au niveau, inférieur, du dépar-
tement (G # 6), Vidal de la Blache intègre les aspects physiques et humains de l'Est·
de la France, en mettant l'accent plus fortement que Broek sur l'aspect sociologique.
La question de savoir si ces différences de taille des régions ont une significa~ion
plus profonde est à débattre, mais il est peut-être intéressant de noter que les dif-
férences de dimension sont d'une importance capitale en physique classique, où
des variations d'une seule dimension (par exemple la longueur) peuvent être associées
à des variations disproportionnées de surface, de masse, de viscosité, et ainsi de suite.
Ces problèmes de « similitude» ont aussi une importance cruciale en biologie; dans
ce domaine, D'Arcy Thompson (1917) consacre une part considérable de son ouvrage
On Growth and Form à étudier la question de la taille dans le dessin des formes zoo-
logiques et botaniques. Étant donné que les géographes font appel, de plus en plus,
à des modèles physiques et à leurs dérivés en biologie, ils devront être de plus en
plus conscients des dangers que présentent les « anachronismes spatiaux ou dimen-
sionnels », s'il est permis d'employer cette expression. Pour conserver les principes
de similitude propres aux « modèles de gravitation» utilisés en géographie économique
18
1800
-l
m
s:"tI
Cf) 1810
+
B
Néolithique
-l
m
s:"tI
Cf)
~ " M
Géologie Physiographie Etudes Economie Sociologie
régionales
PHYSIQUE HUMAIN
Fig. 1.3 - Comparaison des études régionales de Broek (1932) et de Vidal de la Blache
(1917) rapportées à l'échelle G, à la gamme des questions traitées et à la longueur de
la période envisagée.
Source: HAGGETT, CHORlEY et STODDART, 1965, p. 846.
(chap. 2, section 2), il est peut-être nécessaire de repenser, à des niveaux spatiaux
différents, les mesures de distances (longueurs), de limites (périmètres), de popu-
lations (masses) introduites dans ces modèles.
2. LA GÉOGRAPHIE
La géographie a longtemps été une épine dans le pied des responsables scolaires
et universitaires. Sa place naturelle est-elle dans la section scientifique ou dans la
section littéraire de l'enseignement secondaire? De même, au niveau des universités,
elle a été classée de façons diverses : soit comme une « science de la terre» (à Cam-
bridge, elle fait partie de la faculté de Géographie et de Géologie, qui comprend la
géophysique, la minéralogie et la pétrographie), soit comme une « science sociale»
(il en est ainsi dans la plupart des universités des États-Unis), soit, moins couramment,
comme une « science géométrique », situation qu'elle occupait au temps des Grecs
et que des chercheurs, en particulier les membres du groupe interuniversitaire de
géographes mathématiciens du Michigan, aimeraient rétablir.
« Situer» la géographie dans la structure formelle de l'enseignement est difficile
en raison: Iode la pluralité des conceptions de la géographie dans le passé; 2° du
débat actuel sur le domaine propre de la géographie.
19
Les conceptions de la géographie
Certains géographes ou groupes de géographes ont eu des conceptions différentes
du domaine de la géographie, aux divers stades de son évolution. Le point de vue
le plus largement adopté est probablement celui qui, selon Hartshorne, caractérise
l'attitude traditionnelle des géographes : la différenciation de l'espace. Il existe
cependant un certain nombre de « déviations» par rapport à ce point de vue : la
géographie conçue comme science de la surface de la terre, la géographie conçue
comme étude des relations entre 1'homme et le milieu naturel, et la géographie conçue
comme étude de la localisation des phénomènes à la surface de la terre. Ces trois
grandes tendances sont appelées ici l'école du paysage, l'école écologique et l'école
de la localisation.
LA DIFFÉRENCIATION DE L'ESPACE
20
La géographie
La contestation la plus vive de ce point de vue est ven ue de Bunge (1962), qui
a essayé de déduire logiquement la nature de la géographie d'une série de postulats.
Comme Losch (1954), Bunge s'intéresse à ce qui devrait être plutôt qu'à ce qui
est. Dans son approche, il ignore volontairement ce qu'ont affirmé les grands géo-
graphes du passé, car « les grands hommes du passé pourraient maintenant, au
vu de ce qui s'est passé plus récemment, avoir des opinions différentes de celles
qu'ils professaient» (Bunge, 1962, p. 1). En fait, ni Hartshorne ni Bunge ne s'en
tiennent à la démarche inductive ou à la démarche déductive dans toute leur pureté;
chacun poursuit sa recherche en se référant à des exemples concrets ou à des argu-
ments logiques.
L'ÉCOLE DU PAYSAGE
21
GÉNÉRALITÉS
L'ÉCOLE ÉCOLOGIQUE
22
La géographie
On peut mettre sur le même plan la diversité des points de vue en géographie et
les diversités semblables existant dans d'autres disciplines. En économie aussi, les
conceptions classificatoire et fonctionnaliste (Robbins, 1935) ont suscité bien des
débats, et la conclusion désabusée de Vining : « l'économie, c'est ce que font les
économistes », rend un son familier aux oreilles des géographes. Cependant, le
désir de codifier et d'intégrer les divers points de vue demeure; nous allons essayer,
en utilisant la théorie des ensembles à son stade élémentaire, d'intégrer au moins
quelques-unes des diverses écoles géographiques.
23
GÉNÉRALITÉS
Chacun des trois groupes de sciences dans lesquels la géographie a été placée
(cf p. 19) peut être considéré comme un ensemble, et chaque discipline distincte
comme un élément de cet ensemble. Trois ensembles peuvent être définis : celui des
sciences de la terre (0:), celui des sciences sociales ({J) et celui des sciences géomé-
triques (y). A l'ensemble 0: appartiennent la géographie (l), la géologie (2) et d'autres
sciences de la terre; ce qu'on peut écrire ainsi
0: = {l, 2}
On peut définir de même les deux autres ensembles
{J {1,3}
Y {1,4}
3 étant la démographie et les autres sciences sociales, 4 étant la topologie et les autres
sciences géométriques; une représentation graphique à l'aide des diagrammes de
Venn est donnée par la figure 1.4 A.
On peut aussi représenter les relations existant entre deux ensembles quelconques
en faisant se chevaucher les diagrammes. Ainsi, la géographie appartient par défi-
nition aux deux ensembles 0: et {J; sa position est indiquée dans la partie en brisé de
la figure 1.4 B. Le chevauchement par paires des trois ensembles montre aussi que
la conception de la géographie comme écologie humaine «( l'homme en relation
avec son milieu ») (5) se situe là où se chevauchent les ensembles 0: et {J, la géomor-
phologie (6) et la cartographie et la topographie (7) là où se chevauchent les ensembles
0: et y, et l'analyse des localisations (8) là où se chevauchent les ensembles {J et y.
On peut noter ainsi ces intersections :
o:n{J {l, 5}
o:ny {l, 6, 7}
{Jny {l, 8}
Des relations plus complexes entre les trois ensembles sont représentées sur la
figure 1.4 C, la géographie (1) occupant la position centrale, à l'intersection des
trois ensembles; autrement dit
o:n{Jny = {l}
24
Ensemble ~
.1 .3
25
GÉNÉRALITÉS
que les Grecs avaient de la discipline géographique, et les tentatives les plus réussies
de construction de modèles géographiques procèdent en grande partie de ce type
d'analyse. La géométrie des hexagones de Christaller, celle des courbes littorales
de Lewis, celle des surfaces d'érosion de Wooldridge, celle des ondes de diffusion
de Hagerstrand, celle des projections de Breisemeister, s'imposent à l'esprit. D'un
certain point de vue, une grande partie des travaux statistiques relatifs à l'analyse
de régression (cf pp. 327-333), et aux surfaces généralisées (cf pp. 303-309)
représente seulement des géométries plus abstraites. Les travaux géographiques
les plus passionnants des années 1960 résultent en grande partie d'applications de
géométries de niveau élevé; par exemple, l'application de la géométrie multidimen-
sionnelle aux modèles d'habitat (Dacey, 1964), et l'application de la théorie des
graphes et de la topologie à l'analyse des réseaux (Kansky, 1963). Quand on réfléchit
à l'histoire de la géographie, il est intéressant de noter que la séparation, de plus
'en plus marquée, entre la géomorphologie et la géographie humaine s'est peut-être
produite juste au moment où chacune a le plus à offrir à l'autre. Dans son article « The
Morphology of Landscape », Sauer (1925) a établi des parallèles fondamentaux entre
l'une et l'autre; malheureusement, comme Board (Chorley et Haggett, 1965, chap.
10) l'a montré si clairement, ceux qui se sont inspirés de cet article important de Sauer
ont tenu compte de « paysage» et négligé « morphologie ». La surface topogra-
phique n'est que l'une des nombreuses surfaces à trois dimensions que les géo-
graphes analysent, et aucune raison fondamentale n'empêche par exemple d'employer
des procédés très semblables pour analyser le relief et les surfaces de densité de popu-
lation (chap. 6, section 1). Non seulement la géométrie offre une chance de souder les
différents aspects de la géographie humaine et de la géographie physique en une
association nouvelle et efficace, mais elle redonne à la cartographie un rôle central
par rapport à l'une et à l'autre.
26
Systèmes et modèles
Moses, Price et Schooler, 1960), est essentiellement consacré aux régions économiques.
Les auteurs considèrent que le problème principal est le comportement économique
d'une région (p. 413) : de quelles activités a-t-elle besoin pour que soient atténuées
les fluctuations de l'emploi; comment peut-elle tirer le meilleur parti de ses res-
sources naturelles, qui sont souvent maigres? Des questions de ce genre attirent
fortement l'attention sur le développement économique; Fisher (1955, p.6) a résumé
cette façon de voir en ces mots: « la région la plus utile ... est ce qu'on pourrait
appeler la région de développement économique ».
L'intérêt que les économistes portent actuellement aux régions constitue-t-il une
déviation durable, ou bien est-ce qu'à l'avenir « l'économie régionale peut devenir de
plus en plus difficile à distinguer du reste de l'économie »? (Meyer, 1963, p. 48).
Cette question reste posée. Quelle que soit, à long terme, l'importance de cette ten-
dance pour l'économie, son effet sur la géographie a été celui d'un catalyseur. Les
spécialistes de géographie économique et de géographie régionale ont été, soit soumis
à l'influence des publications des économistes, soit incités à participer à des recherches
régionales interdisciplinaires d'un niveau très élevé. Comme l'indique Garrison
(1959-1960), le travail accompli aux frontières des deux disciplines a été extrêmement
fécond, suscitant à la fois des idées et des techniques nouvelles, qui sont déjà mises
en application dans les publications de quelques écoles géographiques. La nature
et le rythme de cette révolution ne sauraient échapper à quiconque se tient au cou-
rant des thèses publiées depuis 1948 par le département de géographie de l'univer-
sité de Chicago.
3. SYSTÈMES ET MODÈLES
Qu'est-ce qu'un système? Selon une définition peu preCIse citée par Chorley,
c'est « un ensemble d'objets, assorti de relations entre ces objets et leurs attributs»
(Hall et Fagen, 1956, p. 18). Dans le langage de tous les jours, on parle, en plom-
berie, d'un « système d'eau chaude» dans lequel l'ensemble des objets (chaudières,
tuyaux, cylindres, etc.) est lié, par l'intermédiaire de la circulation de l'eau, avec un
apport d'énergie sous forme de chaleur. En géomorphologie, on peut parler d'un
27
GÉNÉRALITÉS
« système d'érosion» dans lequel l'ensemble des objets (lignes de partage des eaux,
versants, cours d'eau) est lié, par l'intermédiaire de la circulation de l'eau et des sédi-
ments, avec un apport d'énergie sous forme d'averses.
En géographie humaine, l'équivalent le plus proche est sans doute la région pola-
risée (chap. 9, section 1), dans laquelle l'ensemble des objets (villes, villages, exploi-
tations agricoles, etc.) est lié par des mouvements ou 'flux (d'argent, de migrants,
de marchandises, etc.), et où les apports d'énergie résultent des besoins biologiques
et sociaux de la communauté. Cette idée existe implicitement dans la plus grande
partie de la théorie des places centrales (cf pp. 137-143), bien que quelques auteurs
seulement (notamment Vining, 1953, et Curry, 1964-B) se soient référés au concept
de « système» pour en faire la description.
Il est donc clair que les systèmes sont des portions, arbitrairement délimitées, du
monde réel, qui possèdent des connexions fonctionnelles. Von Bertalanffy (1951) dis-
tingue les systèmes fermés et les systèmes ouverts. Les systèmes fermés possèdent
des limites définissables à travers lesquelles aucun échange d'énergie n'a lieu, mais,
comme on n'a guère de chances, de par leur définition, d'en rencontrer au cours
d'études géographiques (sauf dans le cas limite où l'on étudie le monde entier),
il n'en sera pas question ici.
Dans la première partie de ce livre, nous adoptons le point de vue selon lequel il
est possible de considérer les régions polarisées comme des systèmes ouverts (Phil-
brick, 1957; Nystuen et Dacey, 1961) : l'étude des mouvements (chap. 2) conduit
à l'examen des canaux le long desquels les mouvements se produisent, et qui forment
le réseau (chap. 3), à l'examen des nœuds de ce réseau (chap. 4) et de leur organisation
selon une hiérarchie (chap. 5); finalement sont intégrées au système les zones inter-
stitielles considérées comme des surfaces (chap. 6). On peut se représenter plus claire-
ment cette progression, qui va des flux d'énergie aux formes topographiques iden-
tifiables, grâce à la figure 1.5, où l'on peut, à la place de leurs équivalents géométriques
abstraits, mettre des formes géographiques plus familières : routes, habitat, hiérar-
chie urbaine, zones d'utilisation du sol. Des sceptiques considèrent encore la région
polarisée comme une pure construction de l'esprit; pourtant, Dickinson (1964,
pp. 227-434) a examiné en détail les régions urbaines existant aux États-Unis et
en Europe occidentale, et Caesar (1955, 1964) a montré la force de la polarisation
à l'intérieur de régions aussi dissemblables par la taille que le bloc communiste
d'Europe orientale et le Nord-Est de l'Angleterre.
Si on veut considérer les régions polarisées comme des systèmes ouverts, il faut
d'abord définir les critères qui permettent d'identifier de tels systèmes, puis vérifier
s'ils existent dans le système régional. Selon Chorley (1962, pp. 3-8), les systèmes
ouverts possèdent certaines des six caractéristiques suivantes : 1° leur entretien et
leur conservation nécessitent un apport d'énergie. En même temps, ils ont la capa-
cité: 2° d'atteindre un « état stable» dans lequel des ajustements de forme répondent
aux entrées et aux sorties d'énergie et de matière; 3° de se régler eux-mêmes, par des
28
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29
GÉNÉRALITÉS
Des échanges entre spécialistes qui étudient les « écosystèmes» à tous les niveaux
devraient s'avérer profitables (cf. par exemple Thomas, 1956, pp. 677-806).
Dans la langue anglaise courante, le terme model (modèle) est employé dans trois
sens différents au moins. Substantif, le mot implique l'idée de représentation;
adjectif, il comporte celle d'idéal; verbe, il signifie faire voir. En français également
quand nous parlons d'un « modèle» réduit de chemin de fer ou d'un époux « modèle »,
nous employons le même mot dans des sens différents. Ackoff (Ackoff, Gupta et
Minas, 1962) a proposé que l'on introduise dans l'usage scientifique du terme une
part de chacune des trois significations; en construisant un modèle (model building)
on crée une représentation idéalisée de la réalité afin de faire apparaître certaines de
ses propriétés.
Le recours aux modèles est rendu nécessaire par la complexité de la réalité. Ils
constituent un support conceptuel, et, comme tels, fournissent au professeur une
image de la réalité simplifiée et apparemment rationnelle, et au chercheur une source
d'hypothèses de travail à mettre à l'épreuve de la réalité. Les modèles ne commu-
niquent pas toute la vérité, mais une part, utile et intelligible, de la vérité.
Ackoff (Ackoff et al., 1962) a proposé une classification simple en trois catégories :
les modèles iconiques, analogiques et symboliques. Chacune de ces catégories corres-
pond à un degré d'abstraction plus élevé que la précédente. Les modèles iconiques
reproduisent les propriétés à une échelle différente; les modèles analogiques repré-
sentent une propriété par une autre; les modèles symboliques expriment les propriétés
par des symboles. On peut faire une comparaison très simple avec le système routier
d'une région: des photographies aériennes figureraient le premier degré d'abstrac-
tion (modèle iconique); des cartes, sur lesquelles les routes seraient figurées par des
traits d'épaisseur et de couleur différentes, correspondraient au deuxième degré
d'abstraction (modèle analogique); une expression mathématique, la densité des
routes, représenterait le troisième degré d'abstraction (modèle symbolique). A chaque
stade, on perd de l'information, et le modèle devient plus abstrait mais plus général.
Chorley (1964), poursuivant cette opération de classification, a créé un « modèle
de modèles» (fig. 1.6), qu'il a illustré d'exemples tirés de la géographie physique et
humaine. Son modèle consiste en un organigramme dans lequel une série de « stades»
(Al à A 6 ) sont reliés par des transformations (Tl à T 6 ). Chaque stade correspond à
un certain aspect du monde réel: modèle, observation ou conclusion; chaque trans-
formation relie ces stades par une opération (formation de concepts, raisonnement
mathématique, interprétation statistique, etc.) qui constitue un progrès, ou une véri-
fication, dans la marche du raisonnement.
La première partie de la figure 1.6 est relati ve à l'opération d'abstraction par laquelle
on simplifie le monde réel, si complexe, afin de le rendre plus intelligible. Chorley
30
Systèmes et modèles
soutient que si cette opération est difficile, c'est en grande partie parce que, tout en
perdant d'énormes quantités d'informations, on introduit des « bruits parasites»;
un tableau de Cézanne constitue un modèle abstrait d'un paysage, dans lequell'inten-
sité du « brouillage » (coups de pinceau, etc.) est forte, tandis qu'un Ruysdaël est
moins simplifié mais beaucoup moins « brouillé)) (Chorley, 1964, p. 132). Les modèles
réussis sont ceux qui parviennent à simplifier beaucoup sans introduire de parasites.
Al
Partie du
monde réel
Tl Conceptualisation
Modèle A2
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0 (modèle --------+--------
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(modèle verbal)
Ta
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mathèmatique
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Rétro-
application
Ae
Conclusions sur
le monde réel
31
GÉNÉRALITÉS
32
Systèmes et modèles
une série de stades successifs : au premier, des comptoirs commerciaux sont épar-
pillés le long de la côte; au dernier, on est dans une phase d'interconnexion: partout
sont établies des liaisons, dont certaines sont prioritaires. Finalement, Taaffe formalise
cette évolution en une suite de quatre stades, commune au Ghana (où il l'a observée)
et à d'autres pays en voie de développement comme le Nigeria, l'Afrique orientale,
la Malaisie, le Brésil.
Les modèles de ce genre, élaborés par induction à partir d'observations, ne sont
pas tous nés au sein même de la géographie. Certains des plus réussis sont fondés
sur des concepts empruntés à d'autres disciplines, particulièrement à la physique.
C'est ainsi que Zipf (1949) a essayé de transposer 1'« élastique divin» (Newton)
de la gravitation aux phénomènes sociaux; sa formule PiPi/djj, qui mesure l'inter-
action entre deux villes de masses Pi et P j , séparées par une distance djj, est une
extension directe de la physique de Newton. Une fois modifiée par le concept affiné
de distance dû à Isard (1960) et par l'introduction des « occasions interposées» de
Stouffer (1962), la formule de Zipf s'est révélée être un instrument de prévision très
efficace dans l'étude des courants de circulation qui se créent entre des points (chap.
2, section 2). Moins largement connu est l'emprunt fait par Léisch (1954, p. 184),
qui a établi un rapport entre, d'une part, 1'« inflexion» présentée par les voies de
communication lorsqu'elles traversent des contrées dont la résistance et les avantages
diffèrent et, d'autre part, la formule du sinus valable pour la réfraction de la lumière
et du son (chap. 3, pp. 75-77). Certes, de tels emprunts peuvent présenter des dangers;
mais ils constituent une abondante source d'hypothèses, dont on peut posément
tester la pertinence à l'égard des problèmes de géographie économique. Un livre
tel que On Growth and Form, de D'Arcy Thompson (1917), montre combien de dis-
ciplines trouvent un terrain commun dans l'étude de la morphologie; on peut encore
s'inspirer de ses exposés sur les structures cristallines ou sur la formation des rayons
de miel, comme Bunge (1964) l'a mis en lumière. Ces modèles sont étudiés à fond
dans la première partie du présent ouvrage et dans Models in Geography, de Chorley
et Haggett (1967).
33
GÉNÉRALITÉS
Sont des modèles, les théories, les lois, les équations ou les intuitions qui énoncent
nos croyances sur l'univers que nous pensons voir.
2° Construire des modèles est économique, parce que cela permet de transmettre
ce qu'il y a de général dans l'information sous une forme très condensée. De même
que pour les règles du pluriel' des adjectifs, en français, il peut exister des exceptions;
mais la règle n'en est pas moins un moyen de progresser dans l'apprentissage de
la langue. Chorley et Haggett (1 965-A, pp. 360-364) ont exposé cette utilisation
pédagogique des modèles.
3° Construire des modèles est stimulant, en ce sens que, du fait même des géné-
ralisations trop poussées que cela implique, les points où un perfectionnement est
nécessaire apparaissent clairement. La construction et la mise à l'épreuve des modèles
ont autant d'importance pour la géographie que pour l'aéronautique; le vol d'essai
d'une hypothèse n'est pas moins palpitant ni moins dangereux que le vol d'essai
d'un prototype Concorde. L'un et J'autre conduisent à de nouvelles recherches et à
des modifications.
En un mot, le rôle des modèles en géographie est de codifier les résultats déjà obtenus
et de susciter de nouvelles recherches. Il se peut que le stock actuel de modèles soit
peu engageant, mais, comme l'a écrit Lôsch, « le chemin de la science ne passe-t-il
pas souvent sur de précaires passerelles, que nous sommes tous prêts à emprunter,
pourvu qu'elles nous permettent de poursuivre notre route? ». Lôsch espérait que
ses travaux sur les régions ouvriraient « une voie dans un pays riche mais presque
inconnu» (Losch, 1954, p. 100); cet espoir a été comblé.
4. DÉTERMINISME ET PROBABILISME
34
Déterminisme et probabilisme
Fig. 1.7 - Opposition entre les tracés de voies ferrées qui ont
été proposés (A) et ceux qui ont été effectivement aménagés (B)
par la compagnie Northern Pacific Railroad, dans un secteur du
Nord-Ouest des États-Unis (G = 3,7).
Source: MEINIG, 1962, p. 413.
35
GÉNÉRALITÉS
part le grand nombre d'options d'égale valeur, d'autre part l'incapacité de prendre
en compte la myriade de très petits effets produits par de nombreuses petites causes.
Il existe dans le centre de la Suède beaucoup plus de sites urbains potentiels que de
villes, de sorte que le site à lui seul ne suffit jamais à expliquer une localisation urbaine
en un point; c'est au contraire un très grand nombre de facteurs qui contribuent
à la croissance urbaine, chaque facteur s'enchaînant aux autres en un dédale de
causalités secondaires. Si Newton avait raison, en principe, de dire qu'un papillon
qui se pose ébranle la terre, il est également vrai que l'effet net de telles causes infi-
nitésimales peut être considéré comme aléatoire. A moins de suivre saint Thomas
d'Aquin dans la métaphysique de la « cause première », on peut seulement avoir
l'espoir de démêler quelques-uns des principaux fils, dans chaque situation; quant
au reste, on ne peut que le considérer comme une sorte de bruit de fond, comme un
mouvement brownien.
36
Déterminisme et probabilisme
que des approximations statistiques, d'une très forte probabilité, fondées sur des
populations extrêmement grandes - mais finies - a été assimilée assez lentement
par les sciences sociales. Comme Kates (1962) l'a soutenu dans une étude sur le rôle
du hasard dans l'aménagement des plaines d'inondation, ni la conception freudienne
de l'homme conduit par des impulsions intérieures en grande partie inconnues,
ni les principes rigides de l'économie classique (l'Homo economicus se pliant à toutes
les menues oscillations du marché des valeurs) ne fournissent un cadre satisfaisant
à l'étude du comportement des hommes en matière de localisation. Les deux points
de vue ont été attaqués de l'intérieur et semblent rétrospectivement « aussi erronés
que les tentatives des premiers physiciens pour tout expliquer par référence aux
quatre éléments, ou que celles des premiers médecins pour expliquer le tempérament
par référence aux quatre humeurs» (Kendall, 1960, p. 7).
Simon (1957, pp. 196-200) a attiré l'attention sur l'alternative que constituent
deux modèles de comportement individuel, le modèle d'optimisation et le modèle de
satisfaction. Le concept d'optimisation a été introduit implicitement dans la géo-
graphie humaine par l'intermédiaire du postulat sur lequel reposent les modèles
tels que ceux de von Thünen, Weber, Christaller et L6sch et selon lequel les indi-
vidus ou les groupes se répartiraient dans l'espace de façon à optimiser l'ensemble
existant des ressources et des demandes. Simon a soutenu, et Wolpert (1964) a démon-
tré (voir au chapitre 6, pp. 205-206 l'exposé de ses résultats concernant l'exploitation
agricole en Suède), que le modèle d'optimisation est assez peu satisfaisant. L'opti-
misation exige que l'individu ou le groupe soient informés et prennent leurs décisions
le plus parfaitement possible, et il est tout à fait évident que, individuellement ou
collectivement, les hommes n'agissent absolument pas, et même ne peuvent pas
agir à ce niveau de perfection, à cause des incertitudes relatives au temps. Simon
remplacerait volontiers ce modèle par un modèle de satisfaction fondé sur le postu-
lat suivant : laies hommes ordonnent les diverses lignes de conduite possibles pré-
sentes à leur conscience sur une échelle de préférences; 2 0 ils choisissent dans cet
ensemble la ligne qui satisfera un ensemble de besoins. Évidemment, ce choix est
souvent sub-optimal, car « l'optimisation exige des opérations dont la complexité
dépasse de plusieurs ordres de grandeur celle des opérations exigées par la satis-
faction» (March et Simon, 1958, p. 140).
37
GÉNÉRALITÉS
.38
PREMIÈRE PARTIE
LES MOUVEMENTS
Une des difficultés de l'analyse des systèmes régionaux intégrés (chap. l, section 3)
est le fait qu'il n'existe pas de point d'entrée évident ou unique. A vrai dire, plus le
système est intégré, plus il est difficile de le dissocier. Ainsi, dans le cas de régions
polarisées, il est tout aussi logique de commencer par l'étude du peuplement que
par celle des voies de communication. Comme Isard le fait observer : « le labyrinthe
des interdépendances, dans la réalité, est vraiment redoutable, leur nombre infini,
leur circularité incontestable. Cependant, il faut les disséquer ... quel que soit le point
par où l'on doive entrer dans leur cercle ». Pour pénétrer dans ce cercle, nous avons
choisi l'étude des mouvements.
Ce chapitre expose les divers types de mouvements qui importent dans la cons-
truction des autres composantes du système régional, et passe en revue quelques-
uns des modèles élaborés pour décrire leur organisation. L'idée de mouvements
conduit à l'examen des champs naturels qu'ils créent, et aux territoires « non
naturels» définis pour délimiter des champs qui se chevauchent. Nous introduisons
aussi, à ce stade, l'idée de diffusion, extension logique du mouvement dans le temps,
en essayant de montrer le lien entre ses points d'application, séparés dans la suite
de ce livre.
41
1. MOUVEMENT ET MORPHOLOGIE
42
Mouvement et distance : le concept d'interaction
Chemin
optimum
Courbe d'effort
croissant
1
1
1
1
1
a.
Fig. 2.1 - Chemins optima entre deux centres, du point de vue du calcul
des probabilités.
de moindre effort entre les points IX et {J est représenté par la ligne en tireté sur la
figure 2.1 A. Cependant, on peut soutenir (en s'appuyant par exemple sur les résul-
tats obtenus par Meinig sur le tracé des voies ferrées dans le Nord-Ouest des États-
Unis (cf. pp. 35 et 82-83) que les itinéraires réels s'écartent des chemins optimaux
(en termes de distance) pour toute une série de raisons, rationnelles et irrationnelles.
Des exemples d'itinéraires réels sont représentés par le faisceau de lignes qui relie
IX et {J. En faisant une coupe transversale, de X à Y, perpendiculairement au chemin
le plus court, on peut montrer que, plus les itinéraires s'écartent du chemin optimal,
plus augmente la quantité de travail à fournir, mesurée en distance parcourue. Ceci
est représenté par une parabole sur la figure 2.1 B. On peut soupçonner que les iti-
néraires réels tendront à fluctuer autour de l'optimum, de façon aléatoire, selon une
distribution de Laplace-Gauss centrée sur le chemin de moindre effort (courbe
en trait plein sur la fig. 2.1 B).
43
LES MOUVEMENTS
de Ravenstein sur les relations entre la distance et le volume des migrations sont
apparues si frappantes que l'on a essayé bien des fois d'exprimer cette liaison sous
une forme générale, souvent mathématique. Ces tentatives ont été discutées en détail
par Hiigerstrand (1957, pp. 112-154) et par Isard (1960, pp. 493-568). Nous allons
brièvement passer en revue quelques-uns des modèles les plus importants, et ce
qu'ils impliquent du point de vue de la localisation. D'autres modèles, qui se rapportent
plus logiquement à l'étude des champs et des territoires, seront présentés plus loin.
Les études menées sur les relations entre mouvements et distance sont très diverses,
à la fois du point de vue des mouvements étudiés et du point de vue des distances
concernées. La figure 2.2 rassemble trois exemples typiques de mouvements de
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Distance. en miles
44
Mouvement et distance : le concept d'interaction
transport, à trois échelles différentes. Dans le premier (fig. 2.2 C), le volume du fret
transporté entre vingt-cinq régions, par voie océanique, en 1925, est rapporté gra-
phiquement à la distance. Malgré le caractère limité des données, la diminution
continue des mouvements en fonction de la distance, jusqu'à 13 000 miles, apparaît
clairement. Pour un espace plus limité, les États-Unis, la figure 2.2 B montre égale-
ment la diminution du tonnage des expéditions de classe l, par voie ferrée, en 1949,
en fonction de la distance, qui va jusqu'à 1 500 miles. Pour une aire encore plus petite,
la région de Chicago, He1vig (1964) a montré que le nombre des voyages de camions
est, lui aussi, lié à la distance, dans une zone de 350 miles alentour (fig. 2.2 A).
Nombre d'études analogues ont été menées sur des mouvements autres que les
mouvements de fret. L'étude de Dihl (1957) sur les contacts entre la ville de Vasteras,
en Suède et le reste de ce pays est typique; Dihl a cartographié les mouvements
de population, le trafic de voyageurs, le trafic téléphonique, les abonnements aux
journaux, les relations d'affaires, les relations nouées dans le commerce de détail,
et le trafic de marchandises. Malgré des différences mineures, par exemple entre
des mouvements dus aux relations privées et ceux dus aux relations d'affaires, ou
entre une période et la période suivante, Dahl a constaté que la diminution générale
du mouvement avec la distance était confirmée de façon frappante. A côté d'études
régionales de ce genre existent quelques études systématiques. Dans un livre curieux,
Human Behaviour and the Principle of Least Effort, Zipf (1949) a réuni des douzaines
d'exemples variés de mouvements, dont la plupart concernent les États-Unis. Plus
récemment, Isard (1956, pp. 55-76), dans la préface de son livre Location and
Space Economy, a passé en revue des études semblables sur la distance et le mouvement.
Les modèles proposés pour expliquer les taux de décroissance décrits ci-dessus
sont de deux sortes : les uns s'inspirent d'analogies physiques, les autres sont des
tentatives empiriques pour rassembler des résultats de détail en une formule mathé-
matique générale.
Dans cette formule, Mij est l'interaction entre les centres i et j, Pi et Pj les masses
des deux centres, et du la distance qui les sépare. Comme Carrothers (1956) l'a montré
dans un exposé historique, les concepts liés à la gravitation ont été rapidement
adoptés, tant en Europe qu'en Amérique du Nord. Deux spécialistes américains
45
LES MOUVEMENTS
des sciences sociales, Stewart (1947) et Zipf (1949), ont étudié les interactions concer-
nant une vaste gamme de phénomènes sociaux (migrations, trafic de fret, échange
d'information, etc.) selon les termes de la formule de la gravitation, en employant
une variante de la formule de Reilly :
Une méthode assez différente a été employée pour analyser des mouvements de
migration en Scandinavie. Kant (1946), étudiant l'immigration dans la ville estonienne
de Tartu, a proposé une formule du type de celle de Pareto :
M = a D- b
46
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Distance, en km Valeur de l'exposant b
rement porté sur la valeur de l'exposant b. Dans les études passées en revue par
Hâgerstrand, elle varie de 0,4 à 3,3. Les basses valeurs de b indiquent un gradient
faible, avec un champ de mouvement étendu, et se rencontrent plus couramment
dans les études sur des mouvements observés au xx e siècle; les valeurs élevées de b,
qui indiquent un fort gradient et un champ de mouvement restreint, sont plus carac-
téristiques des migrations du XIX e siècle. Il est clair que les valeurs obtenues pour b
s'étendent largement autour de la valeur 2 prévue par la « loi du carré inverse »,
mais il est peut-être significatif que dans cet échantillon (représenté sous la forme
d'un histogramme de fréquences sur la figure 2.3 B) la classe modale ait justement
cette valeur. Fait significatif, la valeur moyenne, pour toutes les études, est 1,94.
Les études régionales sur les migrations donnent à penser que 1'hypothèse du carré
inverse, si elle ne fournit pas la solution unique, est néanmoins une approximation
très utile.
47
LES MOUVEMENTS
48
-s
3° Les relations entre masse et distance posent le troisième problème difficile. Les
fonctions assez simples, proposées tant dans les modèles de gravitation que dans les
modèles de Pareto, correspondent à une liaison linéaire sur papier bilogarithmique.
Mais il est également possible d'ajuster une fonction quadratique, plutôt qu'une
fonction linéaire, à un ensemble de données d'interaction; ceci doit modifier notre
idée de l'effet d'atténuation dû à la distance (Isard et al., 1960, p. 510). Helvig (1964)
a corroboré ce point de vue dans une étude sur les mouvements de camions dans la
région de Chicago. Il adopte une forme quadratique pour le modèle familier masse-
distance, à savoir
MtJ = 0,42 [JPtPJ/dIJ2]2 + 4,9 [JPIPJ/diJ 2] + 160
II justifie cette formule nouvelle et plus complexe de façon tout à fait empirique
elle donne un meilleur ajustement aux taux de décroissance du mouvement particulier
qu'il étudie.
Il existe évidemment plusieurs façons d'adapter le modèle de gravitation, pour le
rendre plus valable dans des études empiriques. Bien d'autres doutes demeurent,
cependant, sur son utilité dans des situations complexes (Beckerman, 1956).
49
LES MOUVEMENTS
TABLEAU 2.1
Complémentarité:
Augmentation du nombre des emplois dans l'industrie 12 %
Revenu familial médian. . . . . . . . . . . 12 %
Membres des professions libérales et techniciens 10%
Taille:
Effectif de la main-d'œuvre employée . . . . . 44%
Ensemble des quatre facteurs . . . . . . . . . 47%
Ensemble des quatre facteurs, plus ajustement aux données cli-
matiques . 55%
1. États-Unis, 1950-1960.
Source: H. G. KARIEL, in Annals of the Association of American Geographers, 1963, p. 210.
50
Mouvement et surface .. les concepts de champ et de territoire
f (Zi) est une fonction de Zi, Zi mesurant la force d'attraction dirigée vers i (Isard
et al., 1960, p. 68). Il reste à définir en détailla « force d'attraction» dont nous pou-
vons seulement, ici, signaler la variabilité. Par exemple, dans les études sur les migra-
tions, il semble clair que les agréments en général et le climat en particulier jouent
un rôle croissant dans les migrations intérieures des pays les plus développés (Ullman,
1949). Ceci ajoute du poids à ce que Kariel a trouvé : le « seuil d'explication» géné-
ral est élevé de 8 % (tableau 2.1) quand on ajuste les résultats de façon à prendre
en compte l'attrait climatique en opposant des zones situées au nord et au sud de
l'isotherme moyen d'hiver 7°2.
Les graphiques exprimant les relations entre mouvement et distance sont fréquem-
ment tracés sur papier bilogarithmique; ainsi, l'origine du mouvement n'est jamais
au point zéro. Ce fait souligne une caractéristique fondamentale des champs d'inter-
action : ce sont théoriquement des distributions continues, avec une diminution très
rapide près de leur centre et une diminution très lente, presque asymptotique, vers la
périphérie. On peut les appeler, en jargon statistique, « distributions leptocurtiques
log-normales à deux variables », ou, de façon plus imagée, les comparer aux pics
escarpés de la surface d'un gâteau d'anniversaire que l'on vient de glacer.
A cause de leur nature continue, on ne peut pas toujours définir la taille des champs
par leurs limites absolues; mais on peut procéder à une généralisation utile en sub-
stituant le concept de champ moyen à celui de champ maximal ou potentiel. Ainsi,
considérant la diffusion d'un journal local, on a des chances de constater que son
champ est immense (quelques exemplaires sont envoyés à des émigrés, en Argentine
ou à Madagascar), mais que son champ moyen est très petit : peut-être n'a-t-il pas
plus de vingt kilomètres de diamètre. A propos de la région de la baie de San Francisco,
Vance (1962, p. 509) a montré que, si environ 17 %des clients des centres de commerce
régionaux venaient de distances supérieures à dix miles, la moitié des clients habitaient
à moins de trois miles du centre. De même, bien que 1 % des visiteurs du parc national
de Shenandoah vienne de plus de 2 000 miles, son champ moyen a un rayon inférieur
à 300 miles (Clawson, Held et Stoddard, 1960, p. 171).
51
LES MOUVEMENTS
TABLEAU 2.2
Type 1 Type 3
Type 2 !
Bois en grumes (bois (poteaux de
(bois de pulpe)
de placage) mine)
Comme le montre le tableau 2.2, les produits de faible valeur (par exemple les poteaux
de mine) se déplacent normalement sur de courtes distances, tandis que les produits
de grande valeur (par exemple les bois de placage) se déplacent sur des distances
relativement longues. Christaller (1933) a avancé la même idée fondamentale dans
son concept de« portée d'un bien ». De même les produits de faible valeur spécifique
(par exemple les produits forestiers) tendent à se grouper près de la ville dans le
paysage idéal de Thünen (chap. 6, section 2).
20 La taille des champs moyens varie dans le temps. Un accroissement rapide de
la mobilité est un des traits dominants du mouvement en notre siècle. Les champs
moyens liés aux mouvements de l'information, de la population et des biens ont
grandi régulièrement, à mesure que les innovations techniques réduisaient le coût
relatif de la distance. Chisholm (1962, pp. 171-197) a rassemblé plusieurs exemples
de cette tendance, montrant par exemple que le coût réel de la navigation océanique
s'est abaissé d'environ trois cinquièmes entre 1876 et 1955, ou que les coûts de trans-
port par voie ferrée en Nouvelle-Zélande ont diminué d'environ un quart entre
1884 et 1956.
A propos du Royaume-Uni, le Jack Report (Ministère du Transport, 1961) a
montré la diminution relative du coût des services d'autocars ruraux. Sur la figure
2.5 A on peut constater l'augmentation des tarifs de chemin de fer et d'autocars,
pendant la période 1938-1960, par rapport à l'indice général des prix à la consomma-
tion. Malgré des augmentations récentes, le coût des deux services est resté bien
au-dessous de l'indice général des prix. Un second enseignement du Jack Report
52
Mouvement et surface : les concepts de champ et de territoire
(figure 2.5 B) concerne l'augmentation relative des tarifs d'autocar, pendant la même
période, pour trois distances (5, 10 et 15 miles) : l'augmentation a été moindre pour
les longues distances que pour les courtes, de sorte que le coût relatif des voyages
à longue distance a été particulièrement réduit.
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à la consommation
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Indice des priX A Voie
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TABLEAU 2.3
1906 1956
Source: M. CLAWSON, R. B. HELD et C. H. STODDARD, Land for the Future, 1960, pp. 534-536.
53
LES MOUVEMENTS
traires, est très rare; si on veut définir un champ par une limite synthétique unique,
une solution de compromis telle que la ligne médiane peut suffire, quand on ne
recherche pas une exactitude parfaite. D'autres solutions de compromis sont discutées
au chapitre 9 (pp. 275-276).
54
Mouvement et surface : les concepts de champ et de territoire
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55
LES MOUVEMENTS
tout autour (mesurées par le trafic téléphonique à longue distance) aux interactions
théoriques données par l'emploi d'une formule non linéaire Pjd. Ses résultats montrent
que le trafic entre Montréal et d'autres villes situées dans la province de Québec
(fig. 2.7 A) était de cinq à dix fois plus grand que le trafic entre Montréal et des villes
ayant des valeurs Pjd comparables et situées dans la province voisine, l'Ontario
(fig. 2.7 B). La force avec laquelle la limite de provinces bloquait l'extension du
champ de Montréal était elle-même surpassée par l'effet de blocage de la frontière
internationale, vers le sud. Le trafic avec des villes comparables situées aux États-
Unis était réduit à un cinquantième du trafic intérieur du Québec. La technique
de Mackay permet de mesurer de façon assez claire l'effet de frontières sur le façon-
nement des champs, et il pourrait être utile d'étendre son emploi à d'autres régions.
La troncation peut, cependant, ne pas être seulement un effet des données politiques.
Vance (1962) a montré comment les aires commerciales de onze centres de commerce
régionaux situés dans la région de la baie de San Francisco sont modifiées par la
direction nord-sud des Coastal Ranges, et plus précisément par les droits de péage,
relativement élevés, payés pour la traversée des indentations de la baie elle-même.
Un modèle graphique général, qui prend en compte l'effet de blocage de facteurs
physiques et politiques, a été imaginé par L6sch (1954, p. 341). Quand la limite est
politique, marquée par des augmentations de tarif, le champ potentiel de centre IX
est limité par la distance x, mais la forme réelle du champ tronqué peut varier. La
forme probable est représentée par la figure 2.8 A, si la frontière politique peut être
traversée en tous ses points, par la figure 2.8 B, si elle peut être traversée seulement
en un point {3 (poste de douane). Si la limite n'est pas une frontière politique, mais
une caractéristique naturelle (par exemple une rivière) présentant un seul point de
passage {3, le champ aura probablement la même forme que celui de la figure 2.8 C.
Fig. 2.8 - Effet de frontières sur la taille d'un champ centré sur rl.
56
Mouvement et surface : les concepts de champ et de territoire
Cette asymétrie peut sans doute être en partie conciliée avec les idées d'Isard et
Getis (cf. infra, pp. 64-67) : selon ces auteurs, les champs peuvent apparaître distordus
simplement parce qu'ils sont les transformations de champs qui, rapportés à un
espace non géographique, sont réguliers. Dans le cas particulier des champs de
migration, le sociologue StoufIer (1940) a soutenu que, théoriquement, il ne devrait
en aucun cas exister de champs circulaires, parce qu'il n 'y a pas de liaison détermi-
niste nécessaire entre les migrations et la distance géographique. Son hypothèse
peut être énoncée ainsi :
Dans cette formule, Mij est l'interaction théorique entre la localisation i et la loca-
lisation j, N j le nombre d'occasions situées en j, Nij le nombre d'occasions situées
dans la zone interposée entre i et j, et k une constante. Ce modèle, le modèle des
occasions interposées, affirme que la valeur de l'interaction, sur une distance géo-
graphique donnée, est directement proportionnelle aux occasions situées à cette
distance, mais inversement proportionnelle au nombre d'occasions interposées. Ce
modèle a été employé par Isbell (1944) et par Folger (1953) dans des études menées
sur les migrations intérieures en Suède et dans la vallée du Tennessee (Est des États-
Unis). Dans les deux cas, le modèle des occasions interposées a fourni des prévisions
meilleures que le simple modèle de gravitation.
Le modèle de StoufIer donne une explication adéquate des champs distordus
(fig. 2.6 D), qui tient compte à la fois de la réduction du côté intérieur du champ
(les occasions interposées situées dans le centre plus important entament la surface
potentielle du champ) et de l'extension de son côté extérieur (l'absence d'occasions
interposées laisse au centre du champ la liberté d'étendre son influence de ce côté).
Des modèles plus sophistiqués sont évidemment nécessaires; néanmoins, l'introduc-
tion des champs distordus dans les modèles généraux d'interaction a permis quelque
progrès.
30 Les champs fragmentés consistent en une aire centrale d'un seul tenant et un
ou plusieurs « écarts» qui lui sont fortement liés. La figure 2.6 E suggère la forme
générale d'un tel champ. Hagerstrand (1957, pp. 126-154) a rassemblé plusieurs
exemples régionaux de ce type de champ, à propos de mouvements de migration.
Un des exemples les plus frappants est celui du Varmland, dans le centre de la Suède.
Cette région était le point de départ principal de migrants qui allaient dans des
régions proches et dans une région éloignée de 400 kilomètres, mais pas dans les
régions intermédiaires. D'autres cas de discontinuités semblables sont présentés
par les migrations vers Paris et vers Budapest, au niveau national, et par les concen-
trations d'immigrants allemands dans de petites régions bien particulières d'Amé-
rique du Nord, au niveau international (Johnson, 1941).
Hâgerstrand a constaté que trois facteurs sont communs à tous ces cas: 10 l'impor-
tance de la chaîne d'informations que constituent les relations personnelles; 2° la
division des migrants en éléments actifs et passifs, ces derniers suivant les voies
bien définies qu'ont tracées les premiers; 3° le facteur hasard dans le choix initial
des régions. Il n'était pas possible de construire un « modèle de feedback » compré-
57
LES MOUVEMENTS
hensif, pour tenir compte de l'ensemble des trois éléments, mais Hagerstrand a pro-
posé un modèle à court terme, défini par l'expression
TABLEAU 2.4
Source: T. HAGERSTRAND, in Lund Studies in Geography, 13, 1957, pp. 125, 133.
58
Mouvement et surface : les concepts de champ et de territoire
Russie soviétique, l'aire tribale chez les Amérindiens du Brésil sont autant de réponses
à ce problème commun. Certes, il existe des différences entre la paroisse et l'État,
mais l'un et l'autre comportent la notion de propriété, et nous les désignons ici
par le terme général de territoire. Ce concept de territoire se rencontre couramment
en biologie (Howard, 1920; Wynne-Edwards, 1962).
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Pavagel
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Périmètre, en km
59
LES MO UVEMENTS
2° Les cercles sont les plus économiques des polygones réguliers. Si on imagine
une suite de polygones réguliers commençant par le triangle (3 angles) : le carré
(4 angles), le pentagone (5 angles), l'hexagone (6 angles), etc., on augmente d'un,
à chaque étape, le nombre de côtés et de sommets. Le cas limite est évidemment
celui du cercle, que l'on peut considérer comme un polygone régulier ayant un
nombre infini de côtés et de sommets. Si on examine cette suite (fig. 2.9 A), on cons-
tate, à surface constante, que l'accessibilité à partir du centre, mesurée par la distance
radiale maximale, s'améliore, et que le périmètre diminue. La liaison entre ces deux
paramètres est représentée graphiquement par la figure 2.9 B; il est important de
noter que les progrès ne sont pas réguliers : l'efficacité du carré est à peu près égale
à la moitié de celle du cercle, et l'efficacité du décagone est à peu près égale à 90 %
de celle du cercle.
3° Les hexagones sont les polygones réguliers permettant le meilleur pavage d'une
surface, celui qui minimise les coûts de mouvement et de limites. La figure 2.10 illustre
le problème que pose Je pavage d'une surface donnée par des champs circulaires
le grisé montre son inefficacité, mesurée par les surfaces inutilisées qui s'étendent
entre les cercles. Le problème du remplissage d'un plan par les polygones réguliers
de surface égale a d'abord été étudié au début du XVIIe siècle par Kepler, qui a indiqué
l'existence de trois solutions : le triangle équilatéral, le carré et l'hexagone régulier.
De ces trois mosaïques régulières (Coxeter, 1961, pp. 61-64), l'hexagone conserve
60
Afouvement et surface : les concepts de champ et de territoire
au mieux les avantages du cercle. En effet, comme le montre la figure 2.9 B, l'effi-
cacité de l'hexagone (n = 6) est à peu près égale aux quatre cinquièmes de celle du
cercle, du point de vue de la distance radiale maximale et du point de vue du périmètre.
Depuis les Grecs, les hexagones ont fasciné les naturalistes et les mathématiciens;
le concept de symétrie hexagonale a joué un rôle clé dans le développement de la
cristallographie, et Thompson (1961, pp. 102-125) a montré son importance dans
l'ensemble des sciences biologiques. Il n'est donc pas surprenant que les deux prin-
cipaux ouvrages théoriques sur les types d'habitat et leurs domaines de subsistance,
Die Zentralen Orte in Süddeutschland, de Christaller (1933, Baskin, 1957) et Die
Riiumliche Ordnung der Wirtschaft, de L6sch (1940; 1954), aient employé l'hexagone
comme module pour leurs modèles de structure de l'habitat. Ces derniers sont
discutés au chapitre 5.
ÉTUDES RÉGIONALES DE PAVAGES
Malgré la grande importance théorique de l'hexagone, on a rarement recherché
l'existence réelle de dispositions en hexagones. Les cartes de territoires tels que
comtés, communes ou États donnent une impression d'irrégularité et de complexité.
A titre de vérification, un échantillon de 100 comtés d'un pays, le Brésil, a été tiré
en employant la méthode des nombres au hasard, et ses caractéristiques de pavage
étudiées. Puisque ce pays avait, en 1960, quelque 2800 comtés (municipios) et puisque,
à la différence des États-Unis qui ont leur système de township and range (cf. pp. 103-
104), il n'a pas disposé ses unités administratives selon des lignes géométriques,
le Brésil représente, pour une telle vérification, un échantillon que l'on peut raison-
nablement considérer comme sans biais.
Un indice simple de forme, S, a été employé pour mesurer les caractéristiques
de forme de l'échantillon brésilien :
S = (1,27 A)/1 2
Dans cette formule, A est la surface du comté en km 2, et 1 la longueur du grand
axe du comté, défini comme étant le segment de droite joignant les deux points du
périmètre les plus distants l'un de l'autre. Le multiplicateur (1,27) règle l'indice de
façon qu'il ait la valeur 1 pour un cercle, et des valeurs allant de 1 à zéro en général.
20
Pavage Pavage
carré hexagonal
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Indice de forme, S
61
LES MOUVEMENTS
Les valeurs réelles obtenues par cette méthode sont représentées sur la figure 2.11;
elles vont de valeurs aussi faibles que 0,06 (pour des comtés très allongés) à des
valeurs aussi élevées que 0,93 (pour des comtés compacts, quasi circulaires). Dans
ce système de mesure, les valeurs obtenues pour les trois pavages réguliers (ou treillis)
sont: 0,42 pour le pavage triangulaire, 0,64 pour le pavage carré et 0,83 pour le pavage
hexagonal; des lignes limites sont interpolées sur la figure 2.11, de façon à diviser
la distribution en trois parties définies par rapport à ces valeurs. Les résultats sug-
gèrent avec force la nature, généralement allongée, des comtés. Cependant, la possi-
bilité d'une correspondance des limites entre pavages avec des solutions de conti-
nuité existant dans la distribution de fréquences peut suggérer que les formes tendent
à se grouper autour des trois mosaïques possibles proposées par Kepler.
Une deuxième caractéristique associée à la mosaïque hexagonale régulière est le
nombre de contacts entre un territoire quelconque et les territoires adjacents. Dans
un système hexagonal régulier, le nombre de contacts serait évidemment 6, étant donné
qu'une aire serait contiguë à ses 6 voisines, dont chacune aurait à son tour 6 voisines.
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Nombre de contacts Densité de population
Fig. 2.12 - A. Histogramme des nombres de contacts de 100 comtés du Brésil. - B. liaison
entre les nombres de contacts et la densité de population.
Les comtés qui touchent les côtes et les frontières internationales, ayant des champs
tronqués, ont été éliminés de l'échantillon; les 84 comtés restants ont été examinés
et leurs nombres de contacts enregistrés. La courbe de fréquence des résultats (fig.
2.12 A) montre que près d'un comté sur trois a exactement six voisins, bien que le
nombre de contacts varie de deux à quatorze. Le nombre de contacts moyen de
l'échantillon est 5,71. Ce résultat est, de façon frappante, proche du nombre 6 corres-
pondant à 1'hexagone proposé par Christaller et L6sch; ce fait donne à penser qu'on
s'est peut-être trop hâté de critiquer, le trouvant trop théorique, le système hexa-
62
Mouvement et surface : les concepts de champ et de territoire
63
LES MOUVEMENTS
Isard (1956) a montré que le schéma régulier, formé d'hexagones de surface égale,
proposé par Christaller et Losch, a peu de chances de se réaliser en pratique. Par
suite de la forte densité de population postulée par Losch dans le noyau central,
la taille de l'aire de marché doit vraisemblablement y être plus petite; loin du noyau
central, elle doit être plus grande. Isard a présenté un dessin (fig. 2.14) qui conserve
autant que possible les hypothèses du système de Losch, mais qui introduit cette
idée de centres définissant un pavage plus serré près du point de polarisation général.
64
Mouvement et surface : les concepts de champ et de territoire
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Densité de population, en hab. / km 2
Fig. 2.15 - Liaison entre la taille et la densité de population de 100 comtés du Brésil.
choisis par échantillonnage.
D 'ailleurs, c~ phénomène n'apparaît pas comme limité au Brésil : les cartes des
comtés des Etats-Unis, ou les cartes des paroisses de Grande-Bretagne, indiquent
une tendance généralement semblable.
Une deuxième confirmation de la modification proposée par Isard est donnée
par une étude de Getis (1963) sur la partie sud-est de la ville de Tacoma, située aux
États-Unis. Getis a étudié la répartition des magasins dans cette aire urbaine, en
se référant à la théorie de la localisation; il a constaté que le schéma géographique
« normal» présenté par les divisions régulières du système de township and range
65
LES MOUVEMENTS
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Il est clair que la taille et la forme générale des deux cartes sont les mêmes: seules
ont changé les divisions internes, les cases. Getis a réalisé une transformation de
l'espace normal, ou géographique, en un espace de revenus. Comme Tobler (1963)
66
Mouvement et temps : le concept de diffusion
67
LES MOUVEMENTS
68
Mouvement et temps : le concept de diffusion
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Distance au centre d'innovation Distance à Malmo, en km
Les quatre stades sont indiq ués par les profils 1 à IV sur la figure 2.17 A : le stade
1, appelé stade primaire, montre le début du processus de diffusion, avec un fort
contraste entre les centres innovateurs et les zones éloignées; le stade Il, ou stade
de diffusion, représente le processus de diffusion proprement dit, dans lequel existe
un fort effet centrifuge, avec la création de nouveaux centres en croissance rapide
dans les zones éloignées et une diminution des forts contrastes régionaux du stade 1;
au stade III, ou stade de condensation, l'augmentation relative est égale dans les trois
localisations; au stade IV, ou stade de saturation, il existe une augmentation générale
mais lente, asymptotique, vers le maximum réalisable dans les conditions existantes.
La figure 2.17 B, illustration de ce processus, représente la diffusion d'une innovation
récente (les récepteurs radio) le long d'un profil allant de Malmo à Hassleholm,
dans le Sud de la Suède, entre 1925 et 1947. Le stade de saturation paraît atteint
vers 1945.
69
LES MOUVEMENTS
Le modèle stochastique de diffusion qui est peut-être le plus simple a son origine
dans les travaux de Neyman et Scott (1957). Ces derniers présentent l'idée que la
distribution spatiale d'une population sur un « plan d'habitat}) de base dépend
du jeu réciproque de quatre forces : 1° la distribution aléatoire de « centres de grou-
pement }) où naissent les enfants d'une génération; 2° la variation aléatoire du nombre
des enfants; 3° les mécanismes aléatoires de dispersion; 4° le mécanisme aléatoire
de survie jusqu'à un moment fixé à l'avance. Critiquant cette démarche, Skellam
a fait remarquer que ce processus aléatoire conduirait, à la longue, à une distri-
bution leptocurtique normale, et qu'il est nécessaire d'introduire un mécanisme
dépendant de la densité, pour empêcher la formation de densités excessives dans le
centre.
Ce procédé stochastique d'étude des processus de diffusion a des implications
importantes en dehors de la géographie humaine. La Mathematical Theory of Epi-
demies, de Bailey (1957), emploie la théorie des probabilités pour prévoir la pro-
pagation des maladies, et Hagerstrand (1953, 1957) utilise des techniques semblables
pour rendre compte de la propagation des idées. La figure 2.18 représente six stades
de la diffusion de l'information, d'après un modèle de propagation aléatoire. Dans
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ce cas, le schéma, bien que théorique, ressemble fort aux schémas historiques réels
de diffusion (du peuplement, des voies de communication, des zones d'utilisation)
décrits dans les chapitres suivants.
70
Mouvement et temps : le concept de diffusion
U ne des plus intéressantes applications des idées de Hagerstrand sur les ondes de
diffusion a été faite par Yuill (1965), qui a employé la méthode de simulation de
Monte-Carlo, programmée pour un ordinateur I.R.M. 7090. Yuill a étudié l'effet
de quatre types d'obstacles sur la diffusion de l'information à l'intérieur d'une
matrice de quelque 540 cases, en employant une grille mobile de 9 cases (à comparer
avec la grille mobile de 25 cases représentée sur la figure 4.7). La figure 2.19 A repré-
sente la grille mobile de 9 cases, où les cases-obstacles sont en pointillé, les émetteurs
représentés par de gros points, et la diffusion (c'est-à-dire l'émission de l'information)
par des flèches. Quatre types de cases-obstacles sont envisagés, et rangés par ordre
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Longueur de l'obstacle. en cases
Fig. 2.19- A. Quatre types de cases obstacles employés dans le modèle de simulation.
- B. Ondes de diffusion passant à travers une ouverture pratiquée dans un obstacle
en forme de barre. - C. Ondes de diffusion passant autour d'un obstacle en forme
de barre. - D. Vitesses de reconstitution autour d'obstacles en forme de barres.
Source : YUILL, 1965, pp. 19, 25, 29.
71
LES MOUVEMENTS
72
La localisation des voies de communication
La densité des réseaux
Chapitre 3
Les modèles de transformation des réseaux
LES RÉSEAUX
73
1. LA LOCALISATION DES VOIES DE COMMUNICATION
La théorie des voies de communication est une des parties les moins élaborées
de la théorie de la localisation; dans ces pages, nous essayons de coordonner quelques
fragments plutôt que d'exposer un système complet. Nous étudierons d'abord la
localisation de la composante la plus simple, la voie isolée, puis la forme du réseau
de voies.
74
~--------------~
cr B
Longueur: 1.46 Trafic: 1
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~_--- B
Longueur: 1 Trafic: 0,61 Longueur: 1,32 Trafic: 0,85
Fig. 3.1 - Tracés possibles entre deux points. méconnaissant les centres intermédiaires (A). mini-
misant la longueur (6). maximisant le trafic (C). et optimisant la longueur et le trafic (D).
Les solutions extrêmes du problème, posé dans l'abstrait, sont: minimiser la lon-
gueur de la ligne (fig. 3.1 B), ou maximiser le trafic (fig. 3.1 C). Si on suppose à la
fois que la distance en ligne droite, de CL à {J, est égale à l, et que le trafic maximal en
provenance des villes intermédiaires (cercles creux) et des villes industrielles( cercles
pleins) est égal à l, alors la première solution réduit le trafic à 0,61, et la seconde
fait passer la longueur de la voie ferrée à 1,46. Un compromis entre ces deux solutions
(fig. 3.1 D), obtenu en reliant seulement les centres industriels, maintient le trafic
à 0,85 et fait passer la longueur de la voie ferrée à 1,32 seulement.
L'intérêt de cette étude ancienne réside moins dans les résultats concrets que dans
l'illustration du type de problème rencontré lors de la construction des voies de
communication. Les statistiques utilisées par Wellington étaient d'une exactitude
douteuse, même pour le Mexique du XIX e siècle, et leur emploi, comme celui des
distances radiales de Thünen (chap. 6, section 2), vaut surtout à titre d'exemple.
D'autre part, c'est surtout au milieu et à la fin du XIX e siècle que se posait le pro-
blème de la localisation des voies ferrées, plutôt que de nos jours; peut-être est-ce
dans ce contexte historique qu'il faudrait examiner les principes de la localisation
des voies ferrées dans la plupart des systèmes ferroviaires existant dans le monde.
Le deuxième type de déviation, appelé ici déviation négative, doit son existence
à la nécessité d'éviter certains obstacles ou de minimiser la distance parcourue à travers
des zones où les transports coûtent cher.
August Losch (1954, p. 184) a discuté de l'application des « lois de la réfraction»
à l'étude de la localisation des voies de communication. La figure 3.2 représente
deux applications typiques de la loi de Snell (Sears et Zemansky, 1964, p. 842) dans
un contexte simplifié. Le problème est de trouver un itinéraire tel qu'un produit
puisse être expédié à un prix aussi bas que possible du lieu ri.. au lieu ~, et de localiser
un port sur la côte, que l'on suppose partout favorable à la construction d'un port.
75
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/ f2
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cf
j3
1···
fig. 3.2 - Lois de la réfraction appliquées à la localisation des itinéraires.
Source: LOSCH, 19S4, p. 184.
ft sin x - /2 sin y = 0
Dans cette formule, x et y sont les angles que les deux voies de transport font avec
la côte, ft et /2 les tarifs de transport. On obtient ainsi le site portuaire correspondant
aux moindres coûts, , (fig. 3.2 C). Plus le coût de transport par chemin de fer est
élevé par rapport au fret maritime, plus la localisation du port se rapproche de 15;
inversement, si le fret maritime augmente, le point optimal de transbordement se
déplace vers e (fig. 3.2 B).
La figure 3.3 représente une application plus complexe du même principe de réfrac-
tion : il s'agit du problème du choix, entre ex et {J, d'un itinéraire qui doit franchir
une chaîne de montagnes (figurée en grisé). Ici encore, le coût par kilomètre de la
voie de communication est beaucoup plus faible en plaine qu'en montagne, de sorte
76
La localisation des voies de communication
que le tracé direct n'est pas le moins cher. Plus est élevé le coût de la traversée de
la zone montagneuse (ou plus est grand 1'« indice de réfraction» dans l'analogie
faite par L6sch), plus le tracé de moindre effort est dévié vers le sud (fig. 3.3 B).
Ici encore, la localisation finale de compromis (fig. 3.3 C) dépend des coûts de cons-
truction et d'utilisation dans les deux milieux, plaine et montagne.
De peur que cet exemple ne semble trop théorique, L6sch rappelle le « détour-
nement» par la route du cap Horn, au XIXe siècle, d'une grande partie du commerce
entre la côte est des États-Vnis et la Californie; ce détour ajoutait quelque 15000 km
à la distance en ligne droite, par voie de terre, à travers les États-V nis. V n cas abso-
lument semblable s'est présenté au Xxe siècle : le projet de canal à travers l'isthme
de l'Amérique Centrale. Deux itinéraires principaux étaient envisagés, l'un par le
Nicaragua, l'autre par le Panama; c'est l'itinéraire septentrional (Nicaragua) qui
aurait le plus réduit la distance par mer entre l'Est et l'Ouest des États-Vnis, mais
cette économie était insignifiante, comparée à l'économie sur les coûts de construc-
tion obtenue en choisissant le Panama, où l'isthme est plus étroit. Ici encore, le
rapport des coûts a été déterminant. Si le coût du transport maritime avait été beau-
coup plus élevé, les avantages d'un itinéraire plus septentrional auraient pu être
décisifs. Du fait que des navires autres que ceux des États-V nis devaient utiliser le
canal, la décision était beaucoup moins facile à prendre en réalité, mais l'idée de
L6sch reste, fondamentalement, valable. Specht (1959) a attiré l'attention sur les
coûts de traversée par ferry et sur ses conséquences, telles que 1'« inflexion» des
itinéraires autour du lac Michigan; un exemple à plus petite échelle, mais tout aussi
pertinent, est l'orientation des ponts traversant des voies ferrées. A moins qu'une
route ne soit extrêmement importante, le pont franchit la voie ferrée à angle droit
ou presque droit, en déviant par rapport à la direction générale de la route de chaque
côté du pont. L6sch dirait que c'est la conséquence du très fort pouvoir de réfrac-
tion ou d'inflexion qu'ont les coûts de construction sur le tracé rectiligne de la route.
L6sch voit, dans le parallèle évident entre la loi économique et la formule de
réfraction de la lumière et du son, moins le signe que le comportement des hommes
se conforme à des principes de physique, qu'un principe général de moindre résis-
tance (chap. 2, section 1) : « Toute l'histoire des sciences de la nature, écrit-il, est
parcourue par le principe du moyen le plus simple ou de la moindre résistance (lex
parsimoniae); il s'agit de l'hypothèse selon laquelle les phénomènes naturels atteignent
leur but par le chemin le plus court» (L6sch, 1954, p. 184).
Des études empiriques de voies de communication particulières, comme celle de
Vance (1961) sur le contraste entre les tracés de la piste de l'Oregon et de la ligne
de l'Vnion Pacific à travers les montagnes Rocheuses, ou comme celle de Monbeig
(1952) sur les voies de communication qui traversent la Serra do Mar dans le Sud-Est
du Brésil, montrent qu'en aucun cas la localisation ne fut aussi simple que la géo-
métrie de Lûsch ne le suggère, mais il est tout aussi vrai que jamais son influence
ne paraît absente.
77
La localisation des réseaux de voies
Bunge (1962) s'est beaucoup inspiré des concepts de la partie la plus fondamentale
de la géométrie, la topologie, pour mettre en lumière les caractéristiques des réseaux
de transport. Il avance l'idée que, s'il est aisé de construire une voie de communi-
cation qui relie cinq centres, la question de « l'itinéraire le plus court» ne peut être
résolue aussi simplement que dans les problèmes examinés ci-dessus, relatifs à deux
points seulement. La figure 3.4 illustre l'affirmation de Bunge : six réseaux de lignes
ont été tracés, dont chacun représente une réponse différente à cette question.
Le premier réseau est le réseau de distance minimale qui permet de partir d'un
point particulier et d'aller en tous les autres en faisant le plus petit parcours total :
solution qualifiée par Bunge de « réseau Paul Revere ». La figure 3.4 B représente
un problème de distance semblable, le problème du circuit le plus court passant
par cinq points : « problème du voyageur de commerce ». Les deux définitions sui-
vantes (figures 3.4 C et 3.4 D) sont données pour des réseaux plus complets; la
première pour une liaison hiérarchique entre un point déterminé et tous les autres,
et la seconde pour un réseau complet reliant chaque point à tous les autres. Si on
examine cette dernière solution, elle apparaît comme la réponse complète à notre
problème de réseau, en ce sens qu'on y trouve toutes les lignes possibles utilisées
dans les trois solutions précédentes. Quant (1960) et d'autres auteurs font cer-
78
La localisation des voies de communicat,lfI,
tainement cette supposition quand ils considèrent qu'un réseau de transport optimal
comporte des liaisons assurant une connexion totale du réseau.
Toutefois, comme Bunge le fait observer, l'ensemble le plus court de lignes reliant
les cinq points ne comporte en fait aucun des éléments représentés sur les schémas
précédents; cette solution est représentée sur la figure 3.4 E. On peut la trouver
analytiquement, ou en utilisant des modèles analogiques de type mécanique ou de
type « bulles de savon» (Miehle, 1958; Silk, 1965); les intersections qu'elle présente
ne coïncident avec aucun des points initialement définis. Enfin, la figure 3.4 F illustre
le cas topologique général d'un réseau de lignes reliant cinq points, tel que Beckmann
l'a présenté (Bunge, 1962, p. 189). L'étude de ce dernier schéma montre que les deux
cas précédents - le réseau totalement connecté (D) et le réseau de liaisons le plus
court (E) - ne sont que des cas limites particuliers du réseau général de Beckmann.
Parmi les définitions simples de réseaux de distance minimale, celle du type « voya-
geur de commerce» (fig. 3.4 B) a très souvent attiré l'attention. S'il est facile de
trouver la solution quand il s'agit seulement de cinq points, les problèmes de calcul
deviennent énormes pour des nombres plus grands de points. Par exemple, il y a
479002000 solutions au problème de la figure 3.5 : quel est le circuit le plus court
reliant les treize villes de l'Ouest des États-Unis représentées sur la figure? Une
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Fig. 3.5 - Circuit le plus court passant par treize
grandes villes de l'Ouest des États-Unis.
Source: DANTZIG, FULKERSON et JOHNSON, 1954,
p. 219.
seule de ces lignes, celle que représente la figure 3.5 B, est la solution optimale. Le
terme général (le nombre total de solutions) est donné par la formule : (N - 1) !,
où N est le nombre de points, de sorte que pour une centaine de villes le nombre
de solutions possibles s'élève au chiffre astronomique de 9,3 X 10158 • Le calcul de
telles solutions (fait couramment à l'aide d'ordinateurs très rapides) est important
pour des entreprises telles que des compagnies pétrolières, qui ont à expédier régu-
lièrement des produits, par la route, à des centaines de dépôts locaux; on étudie
intensivement les chemins et réseaux optimaux (Flood, 1956; Garrison, 1959-1960)
pour trouver des solutions pratiques à ces problèmes de localisation d'itinéraires.
79
!'ES RÉSEAUX
80
La localisation des voies de communication
va plus loin dans le quatrième cas (fig. 3.6 D); l'unité d'exploitation y est transformée
en une bande rectangulaire moins commode, et les bâtiments ont une situation excen-
trique (sur la route), mais la longueur totale de la route qui dessert quatre fermes
est de nouveau réduite, de moitié, à 0,5 mile seulement (on suppose que de telles
fermes sont situées sur le côté sud de la route).
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81
LES RÉSEAUX
C. H. Cooley, dans une remarquable étude, déjà ancienne, sur la théorie des
transports, a souligné l'importance des facteurs politiques dans l'explication des
plans des voies de communication, et avancé l'idée que « l'aspect politique de la
question prend de l'importance avec le temps» (Cooley, 1894, p. 53). Ce thème est
repris dans une étude récente de Wolfe, Transportation and PoUlies (1963). Il est
certain que, dans le domaine de la construction des voies ferrées, la relation entre
la ligne du Canadian-Pacific et l'État canadien, ou la relation entre le Transsibérien
et l'État russe, ont valeur de symbole, même si ces voies ferrées ont eu des consé-
quences moins décisives qu'on ne le pensait autrefois. Dans le détail, le plan des
réseaux de voies de communication peut traduire des différences politiques, impor-
tantes ou mineures. Sur la figure 3.7, l'effet d'« alignement» produit sur les voies
ferrées (fig. 3.7 A) par la frontière qui sépare les États-Unis du Canada (représenté
en grisé) est mis en parallèle avec l'effet de « blocage» produit sur le plan des routes
(fig. 3.7 B) par la limite secondaire qui sépare l'Ontario du Québec (en grisé).
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82
La localisation des voies de communication
Meinig relève un certain nombre de traits communs aux deux réseaux ferro-
viaires. Tous deux se sont étendus à peu près au même rythme, l'un en réponse à
une pression politique et à l'idée de service public, l'autre en réponse à des possi.
bilités de profit. Tous deux ont été compliqués par des changements dans l'orien-
tation générale du commerce vers les différents ports, et leurs deux tracés ont subi
la pression des communautés locales. Dans les deux cas, aussi, le nombre des variantes
de tracés possibles dépassait toujours celui des voies qui pouvaient matériellement
être construites, et les décisions étaient prises dans un cadre restreint (cf fig. 1.7).
Les différences entre le réseau d'État et le réseau privé se révèlent d'autant plus
frappantes. Meinig met au premier plan le fait que les itinéraires et les services existent,
ou non, en double. Dans le bassin de la Columbia, les liaisons entre les centres d'expé-
ditions de l'intérieur et les ports maritimes sont couramment doublées, et l'expéditeur
est placé devant un choix entre des services concurrents à destination de ports dif-
férents. De telles possibilités de choix sont totalement absentes dans le Sud de
l'Australie. En outre, la zone d'attraction de chaque ligne, dans le Sud de l'Australie,
reste stable, ce qui contraste avec la « piraterie» et les « invasions» de territoires
constamment observées dans le bassin de la Columbia. Une telle inconstance du
réseau privé, selon Meinig, explique la reconversion rapide du système du bassin
de la Columbia à un écartement de voie uniforme et son développement ultérieur;
au contraire, le système du Sud de l'Australie est resté divisé en zones d'attraction
relativement étanches, dont chacune est desservie par une ligne ayant son écarte-
ment propre. Avec le développement de la réglementation gouvernementale, aux
États-Unis, les contrastes initiaux entre modes d'organisation s'affaiblissent quelque
peu de nos jours.
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Fig. 3.8 - Relalions entre des indices topologiques de connexité (A) et de forme
(B) de réseaux ferroviaires, et des indices de développement économique.
Source: KANSKY, 1963, p. 42.
le système ferroviaire est allongé. Les deux graphiques manifestent une tendance
puissante et cohérente, qui est statistiquement significative, et qui suggère avec force
que la géométrie de certains réseaux de voies de communication peut être en rapport
très étroit avec le développement général des ressources régionales. S'il en est ainsi,
il faut modifier légèrement les vues de Cooley sur l'influence des facteurs purement
politiques; selon nous, ils peuvent jouer un rôle très important pour des voies de
communication considérées isolément, mais, plus généralement, le plan suggère
l'importance de facteurs plus purement économiques.
L'emploi de la théorie des graphes dans l'analyse des réseaux s'est aussi montré
utile pour l'étude de la position de localités particulières dans un système de voies
de communication. En utilisant une mesure d'accessibilité, l'indice de Shimbel-
Katz, Garrison (1960, pp. 131-135) a pu analyser l'accessibilité relative de quarante-
cinq localités situées dans le Sud-Est des États-Unis et reliées les unes aux autres
par un réseau de grandes routes, 1'« Interstate Highway System» (fig. 3.9 A). Les
localités ont été choisies en partie d'après des critères de taille et en partie d'après
leur position topologique (par exemple : à l'extrémité d'une voie de communication).
La localisation des localités peu accessibles est peut-être prévisible, mais l'indice
de Shimbel-Katz révèle une répartition intéressante et inattendue des localités dont
l'accessibilité est élevée. La raison de ce contraste se trouve en partie dans le fait
que la théorie des graphes met l'accent sur la propriété topologique du réseau, sa
connexité, plutôt que sur ses dimensions (cf pp. 266-269). Kansky (1963) a rappelé
que, dans une perspective topologique, les chemins de fer de Sardaigne apparaissent,
84
®
Fig. 3.9 - A. Réseau des grandes routes dans le Sud-Est des États-Unis (G = 2,7). -
B et C. Simplification graphique du réseau ferroviaire de la Sardaigne (G = 4,3).
Sources: GARRISON, 1960, p. 132; KANSKY, 1963, p. 8.
non comme sur la figure 3.9 B, mais plutôt comme sur la figure 3.9 C. Les avantages
que ce modèle plus abstrait présente du point de vue de l'analyse doivent évidemment
être mis en balance avec la perte d'autres détails significatifs.
Hoover (1948, pp. 301-302) a démontré que le tracé des voies de communication
peut influer fortement sur les conditions de la lutte entre sources d'approvisionnement
et lieux de destination pour la localisation des industries (chap. 5, section 4). La
figure 3.10 A représente un système de transport théorique, avec une série de villes
le long des voies de communication. Deux villes, IX et 0, sont des sources d'approvi-
sionnement en matières premières, charbon et bois respectivement, pour la fabri-
cation d'un produit industriel. Hoover suppose que les coûts de transport, par kilo-
mètre (compte non tenu des économies réalisables dans les transports à longue
distance), sont entre eux, pour le bois, le charbon et le produit fini, comme les nombres
2, 3 et 4. Il poursuit en démontrant que la question de la localisation « la
moins coûteuse» est une question mal posée, car « dans ces conditions, il n'existe pas
de localisation optimale unique de l'usine, ni même de type unique d'orientation.
Un certain nombre de possibilités d'orientation peuvent se présenter, selon l'ordre
dans lequel les sources d'approvisionnement et le marché sont placés sur le système
de voies de communication» (Hoover, 1948, p. 301).
Cette indétermination est illustrée par les figures 3.10 B à 3.10 F, où l'on suppose
la production localisée en cinq points du système, qui sont, dans les deux premiers
cas, les sources d'approvisionnement - charbon (fig. 3.10 B) ou bois (fig. 3.10 C) -
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Fig. 3.10 - Effet de la géométrie du réseau sur la localisation d'installations industrielles. Les traits
forts indiquent les parties du réseau les mieux desservies à partir de chacun des cinq points d'implan-
tation potentiels.
86
La densité des réseaux de voies
et, dans les trois derniers cas, des nœuds du système. Aucun point n'est optimal
pour l'ensemble du système, et le meilleur, en ce sens qu'il dessert la plus grande
longueur de voies de communication, est le point de jonction ~, sur la figure 3.10 D.
En pratique, la localisation en de tels points de jonction est favorisée lorsque les
sources d'approvisionnement en matières premières et les lieux de destination des
produits sont dispersés, ce qui arrive couram!TIent. Elle est également avantagée
par les tarifs de transport du type « transit intérieur», selon lesquels les produits
transformés en un point quelconque d'un itinéraire ne subissent qu'un seul tarif
de passage, alors qu'autrement ils subissent deux tarifs calculés chacun pour un
trajet plus court mais plus élevés au total (Alexander, 1963, p. 476).
Le niveau local
L'examen des cartes à grande échelle ou des plans représentant des zones urbaines
ou rurales révèle habituellement des différences assez fortes dans la densité des
voies de communication. Les villages, avec une répartition plus dense, ressortent
par rapport à la campagne environnante; en ville, les secteurs vraiment urbains
(même dans les villes américaines à plan géométrique) se détachent, grâce à la répar-
tition plus dense de leurs rues, par rapport au réseau moins serré de leurs banlieues.
Récemment, les observations qualitatives de ce genre ont été fortement corro-
borées par une étude minutieuse de Borchert (1961) sur le plan des routes dans la
région des « villes-jumelles» de Minneapolis et Saint-Paul. Au lieu de mesurer la
densité des routes par leur longueur par unité de surface, Borchert a élaboré une
technique de mesure simple, qui consiste à compter tous les points de jonction sur
la carte. Il a constaté que la densité des points de jonction était en corrélation si
forte avec la longueur de routes (coefficient de corrélation égal à + 0,99) qu'il était
possible, et utile, de la substituer à la mesure, traditionnelle et plus lente, de la lon-
gueur. Les résultats obtenus par Borchert sont résumés sur la figure 3.11 A, qui montre
la très forte liaison existant, dans la région de Minneapolis et Saint-Paul, entre la
densité de la population, mesurée par le nombre de logements individuels (axe des y),
et la densité du réseau, mesurée par le nombre d'intersections (axe des x). Le plan,
nettement concentrique, des zones de densité du réseau, autour des centres des deux
villes, est représenté sur la figure 3.11 B.
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du réseau (G = 5,1). - C. Carré échantillon (G = 7) pris dans le réseau, avec des lignes d'égale
densité.
Source : BORCHERT, 1961, pp. 50-56.
Le niveau régional
88
La densité des réseaux de voies
Le niveau international
Comparer les densités des réseaux de pays différents, au niveau mondial, soulève
des problèmes ardus; il s'agit de la définition pratique des voies de communication
(chap. 7, section 1). Non seulement les problèmes de définition se multiplient (dif-
férences entre chemins de fer à une ou plusieurs voies, ou entre chemins ruraux et
autoroutes à plusieurs voies), mais des informations semblables sont enregistrées
et classées de façons très différentes. Ginsburg a essayé de normaliser ces chiffres
établis de façon discordante dans son Atlas of Economie Development (1961) et les
résultats qu'il a obtenus seront employés ici comme base de discussion.
Deux cartes de l'atlas de Ginsburg sont très importantes : la carte de densité
des voies ferrées (XXIV) et la carte de densité des routes (XXIX). Sur l'une et l'autre,
la densité est conçue comme égale à la longueur des voies de communication par
100 km 2 ; l'auteur souligne cependant qu'il existe plusieurs autres façons, aussi
valables, de représenter la densité (par exemple par rapport à la population, ou par
rapport à la population et à la distance). Pour notre propos, la densité par unité
de surface fournit un paramètre plus fondamental, en ce sens qu'elle représente
l'existence réelle, sur le terrain, de voies de communication spécialisées, quelle que
soit l'intensité de l'utilisation de ces voies.
89
TABLEAU 3.1
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91
LES RÉSEAUX
sont très denses, sont représentés par de grands cercles pleins, et les dix derniers,
dont les réseaux sont les moins denses, par de grands cercles creux. La position des
États-Unis sur cette échelle est marquée par un astérisque, pour référence.
Les dix pays qui ont les réseaux routiers les plus denses apparaissent groupés
(fig. 3.12 A) vers l'extrémité de l'échelle qui correspond à un grand développement.
Neuf d'entre eux sont des pays d'Europe: Royaume-Uni (1), Allemagne de l'Ouest
(2), Belgique (3), France (4), Suisse (5), Pays-Bas (6), Danemark (7), Pologne (8),
et Irlande (10). Seul, un autre pays, Hong Kong (11), fait exception. Les seuls pays
très développés qui aient des réseaux routiers de densité relativement modeste sont
les États-Unis, le Canada et la Suède. La répartition des densités des réseaux ferro-
viaires (fig. 3.12 B) se conforme, d'une façon générale, au même schéma : les pays
d'Europe occupent les premiers rangs. Sept des pays mentionnés ci-dessus réap-
paraissent, accompagnés par deux pays d'Europe de l'Est, la Tchécoslovaquie (21)
et la Hongrie (22), et par un État d'Extrême-Orient, Taïwan (23). La position appa-
remment anormale de Taïwan traduit le rang relativement élevé que tiennent, en ce
qui concerne la densité des voies ferrées, plusieurs pays d'Asie du Sud-Est, comme
l'Inde et la Birmanie, où les chemins de fer se sont développés grâce à l'administra-
tion coloniale britannique, ou comme le Japon et son ancienne colonie Taïwan, où
le développement des transports a été délibérément axé sur le réseau ferroviaire.
A l'autre extrémité de l'échelle, la position des pays qui ont les réseaux les moins
denses est difficile à définir, à cause de l'absence de la plupart des pays très sous-
développés dans l'échelle de développement économique et démographique de Berry.
On ne dispose pas d'un nombre suffisant de données pour les situer avec précision
sur l'échelle, et les « dix pays dont les réseaux sont les moins denses» sont tirés de
la population plus restreinte formée par les quatre-vingt-quinze pays qui figurent
sur l'échelle. Néanmoins, la répartition, telle qu'elle apparaît, est intéressante. En
ce qui concerne la densité des voies ferrées (fig. 3.12 B), les pays où elle est la plus
faible se groupent, de façon frappante, en bas de l'échelle de développement. Six des
sept pays ainsi placés sont des États africains : le Soudan (25), l'Éthiopie (28), la
Libye (30), le Libéria (20), la Gambie (27), et l'ancienne Afrique équatoriale française
(26); avec eux se trouve l'Afghanistan (29). Les anciens pays coloniaux plus
développés ayant des réseaux ferroviaires très peu denses sont le Surinam (14) et la
Guyana (15), pourvus l'un et l'autre d'excellentes rivières navigables, et, seule ano-
malie majeure, l'Islande (24).
En ce qui concerne la densité des routes, la répartition des pays où elle est la plus
faible n'est pas aussi claire. Des pays relativement développés et de surface très
grande, l'U.R.S.S. (9) et le Brésil (12), constituent des anomalies remarquables,
tandis qu'à l'extrémité inférieure de l'échelle le Libéria est seul à représenter le groupe
des pays d'Afrique remarqué sur la carte de densité des voies ferrées. Le Surinam
et la Guyana sont ici au centre d'un groupe d'États tropicaux non africains, placés
un peu au-dessous du milieu de l'échelle de développement: Costa Rica (13), l'Équa-
teur (16) et la Bolivie (18), États américains et l'Iran (19) et l'ancien Bornéo britan-
nique (17), pays d'Asie. D'une façon générale, la répartition de la densité des routes
est moins facile à interpréter, ce qui traduit en partie la grande variabilité de la
92
Les modèles de transformation des réseaux
définition des « routes ». Les différences entre les parties inférieures des deux échelles
(rail et route) donnent à penser que des chemins de fer ont servi à suppléer les
routes, et que dans d'autres cas, comme en Guyana, la navigation fluviale et côtière
a servi à compléter routes et chemins de fer.
Le développement des routes, des chemins de fer, des canaux, etc., est étroitement
lié au processus global de croissance économique et de développement régional.
Nous considérerons ici quelques modèles assez simplifiés de transformation de réseaux,
et nous examinerons la nature des changements associés à de telles transformations.
ExposÉ DU MODÈLE
Nous devons à Taaffe, Morrill et Gould (1963) une des rares tentatives faites
pour rassembler les constantes générales de la diffusion des voies de communication
à l'intérieur d'un pays. A partir de l'étude du cas spécifique du développement des
transports au Ghana et au Nigeria, et d'une étude moins approfondie concernant
le Brésil, l'Afrique orientale britannique et la Malaisie, ces auteurs proposent une
suite de quatre phases de développement (fig. 3.13).
Première phase : des petits ports et des comptoirs commerciaux sont éparpillés
le long de la côte de la région en voie de développement (fig. 3.13 A). Chaque petit
port possède une petite aire commerciale à l'intérieur du pays, mais il y a peu de
contacts le long de la côte, sauf, à l'occasion, par l'intermédiaire de bateaux de
pêche et de commerçants qui passent irrégulièrement. Des groupes d'indigènes sont
installés autour de chaque poste de commerce européen. Les auteurs identifient
cette phase, au Nigeria et au Ghana, comme s'étant déroulée du xv e à la fin du
XIX e siècle.
93
LES RÉSEAUX
3° pour drainer des régions capables de produire des denrées agricoles exportables,
comme les régions cacaoyères situées au nord d'Accra. Bien que chaque raison ait
joué un rôle, celle de l'exploitation des mines a été déterminante dans la construction
des chemins de fer en Afrique; les exemples de l'Ouganda (ligne du cuivre de Kasese),
du Cameroun (ligne de la bauxite de l'Adamaoua) et de la Mauritanie (ligne du
minerai de fer de Fort-Gouraud), donnent à penser que cette phase n'est pas encore
terminée.
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94
Les modèles de transformation des réseaux
VALIDITÉ DU MODÈLE
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aC)/// 1869
1889
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1955
95
LES RÉSEAUX
de Rio de Janeiro (fJ) dans le Sud-Est du Brésil. Les cartes montrent l'état du sys-
tème ferroviaire en 1869 (fig. 3.14 A), en 1889 (fig. 3.14 B) et en 1955 (fig. 3.14 C);
on peut facilement y voir les faits caractéristiques d'extension et d'embranchement
que mentionne le modèle de Taaffe. Des cartes semblables d'anciennes régions
coloniales, comme l'Ouest des États-Unis, présentent un schéma assez identique.
A vrai dire, ce schéma suggère implicitement l'idée d'une onde de diffusion sem-
blable à l'innovationsforloppet de Hagerstrand (1953) plutôt que d'un processus par
étapes. Ce qui donne sa plus grande valeur à cette suite de quatre phases, comme
aux « étapes de la croissance économique» de Rostow (1960), c'est le fait qu'elle
stimule l'étude du développement; il y aura probablement bien des débats univer-
sitaires sur le nombre d'étapes à reconnaître et, éventuellement, sur les points de
rupture significatifs.
Si le modèle précédent a des possibilités d'application plus larges que celles qui
étaient visées tout d'abord, le problème de la construction d'un modèle général de
développement des voies de communication dans les régions développées reste posé.
Dans ce cas, on peut supposer qu'un système de voies de communication fonctionne
déjà, et on s'intéresse à la façon dont les réseaux s'ajustent aux transformations
techniques survenues dans les transports et à l'élargissement des cercles d'interaction
qui accompagne l'élévation des niveaux sodo-économiques.
Le besoin de changer d'itinéraire se manifeste parfois dans le trafic routier; d'où
des problèmes, dont certains ont été soulevés dans le Buchanan Report (Ministère
du Transport, 1963, pp. 71-136). Ce rapport insiste sur le fait que les « lignes de
désir » (c'est-à-dire les lignes joignant les points de départ et de destination des
mouvements) s'allongent et sont fort gênées par les voies de communication exis-
tantes; celles-ci, en effet, ont été tracées de façon à correspondre à d'anciennes lignes
de désir de plus courte portée. C'est avec lenteur que le plan ancien se transforme,
à mesure que l'on construit de nouvelles routes, des autoroutes et des rocades autour
des centres de peuplement.
Une tentative pour concilier ce schéma d'évolution avec un paysage théorique
de Losch (Losch, 1954, p. 127) est représentée sur la figure 3.15. Tout d'abord, la
figure 3.15 A représente un paysage idéal de Losch, dans lequel des lignes de désir
relient chaque point de peuplement au voisin, d'où un réseau de sentiers entre-
croisés; ce type de plan est encore perceptible sur des cartes de régions rurales d'Afrique
tropicale. A la deuxième étape (fig. 3.15 B), le niveau économique s'est élevé, d'où
un allongement de la distance d'interaction et une réduction de moitié du nombre
des centres majeurs; il reste une série de petits centres, laissés de côté par les grandes
voies et reliés par les petites. A la troisième étape (fig. 3.15 C), le niveau d'interac-
tion s'est encore élevé, et il existe un nouvel ensemble d'itinéraires optima, un nouvel
ensemble, réduit, de grands centres, et un ensemble plus grand de centres laissés
de côté par les grands axes.
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97
LES RÉSEAUX
La figure 3.16 B illustre la situation postérieure à cette date : le trafic, dévié vers
une route d'accès limitée à quatre voies, contourne cette localité.
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Fig. 3.16 - Rocade contournant Marysville.
Source: GARRISON, BERRY, MARBLE, NYSTUEN el MORRILL,1959, p.102.
Les effets de ce nouvel itinéraire sur le trafic ont été nets et conformes aux pré-
visions. Dans l'année qui a suivi la construction de la rocade, le trafic traversant
Marysville est tombé à environ un tiers de son volume antérieur (environ 5 400
véhicules par jour, contre 14000). Les effets sur les fonctions de la ville ont été
moins évidents. Sur ce point, Garrison a constaté que la chute du trafic de transit
a fait de Marysville un centre de commerce local plus attirant, à tel point que les
ventes correspondant aux « fonctions de premier et de second ordre» ont atteint
121 % des quantités vendues avant la construction de la rocade. D'autre part, comme
il est désormais plus facile d'aller à Everett (qui est une plus grande ville) à partir
des zones rurales qui entourent Marysville, les « fonctions de troisième ordre»
de Marysville sont tombées à 83 % de leur niveau antérieur, tandis que ce dernier
s'élevait à Everett. Par contre, Marysville, débarrassée de l'intense circulation de
transit, est devenue une localité plus agréable à habiter; les loyers des terrains libres
ont augmenté, et une vague de prospérité semble prévisible dans la construction de
logements. L'étude de Garrison met bien en évidence l'effet de la transformation
de la structure des voies de communication sur la réorientation de l'offre et de la
demande et sur leur réajustement. Les habitants font de plus longs parcours sur la
nouvelle grande route, pour aller à Everett satisfaire leurs besoins d'ordre plus élevé,
mais Marysville est devenue un centre local plus agréable. A travers ces changements,
il apparaît que le système urbain se réorganise lui-même, face aux tensions et aux
contraintes exercées sur lui; ce qui se passe est conforme à ce qui a été proposé ci-
dessus (pp. 27-34) comme caractéristique du comportement d'un système ouvert.
Les études comparables sont moins courantes en Angleterre; cependant, quelques
tentatives intéressantes ont été faites, pour prévoir les effets qu'aurait le raccour-
cissement de certains itinéraires par la construction de ponts sur des estuaires.
Woodward (1963) a montré les conséquences probables de la construction d'un
pont routier sur la Tamar : l'extension de la sphère d'influence de la ville de Plymouth
dans les zones adjacentes du Sud-Est de la Cornouailles. Une conséquence parti-
culièrement remarquable, envisagée dans les plans régionaux, concerne la localité
située, sur la rivière, directement en face de la grande ville. La population de cette
localité, Saltash, était en 1960 de 7 500 habitants environ, et avait jusqu'alors aug-
menté lentement. Comme l'indique le tableau 3.2, les plans prévoient que cette
situation changera radicalement, dans les douze années à venir, quand la petite
ville commencera à intensifier sa fonction de dortoir de la grande cité. Des cas aussi
frappants d'expansion urbaine consécutive à la construction d'un pont se sont pro-
duits autour de la baie de San Francisco, dans l'Ouest des États-Unis.
98
TABLEAU 3.2
Source: M.!. J. WOODWARD, Geographical Effects of Building the Tamar Road Bridge, 1963, p. 23.
L'étude des voies de communication entre dans le cadre général des modèles de
diffusion. Étudiant le problème à l'échelle locale, Borchert (1961) a retracé le déve-
loppement de zones de densité des voies de communication autour des villes de
Saint-Paul et Minneapolis, en distinguant les densités fortes, moyennes et faibles.
Il a cartographié la position de chaque limite de densité en 1900, en 1940 et en 1956,
et sa position telle qu'il la prévoyait pour 1980. Cette prévision est fondée sur la
vitesse de l'expansion antérieure dans une direction donnée et sur des estimations
99
LES RÉSEAUX
forte (supérieure à 16 miles par 100 miles carrés) sont figurées en grisé. La régula-
rité avec laquelle se propagent les classes de densité des grandes routes donne à
penser qu'il serait possible de faire des prévisions à court terme, à partir des prin-
cipes définis par Borchert. Sur cette base, il apparaît que l'augmentation de la densité
des voies de communication est plus probable entre deux nœuds qu'en n'importe
quel autre secteur comparable du Ghana; ce résultat est conforme à ce qu'indiquent
les modèles d'interaction présentés dans la section 2 du chapitre 2. Godlund (1956,
pp. 22-26) a cartographié des formes de diffusion comparables, à propos de la den-
sité des services d'autocars en Suède.
Les résultats obtenus sur le développement des voies de communication, qu'ils
soient énoncés en termes de réseaux ou de limites de densité, semblent indiquer qu'il
serait possible, et utile, d'appliquer à ce thème des modèles de simulation fondés
sur la méthode de Monte-Carlo. Morrill (1963) a introduit des itinéraires de trans-
port simulés dans son étude sur la croissance démographique et urbaine dans le
Sud de la Suède, et Kansky (1963) a tenté de « prévoir» le plan du réseau ferroviaire
de la Sicile en employant des techniques de simulation et des indices de la théorie
des graphes. Les principes de ces modèles de simulation prospectifs sont discutés
au chapitre 10 (pp. 338-344).
100
La morphologie de l'habitat Chapitre 4
Les groupements de population : la distribution des tailles
La taille et l'espacement des groupements
LES NŒUDS
De même que l'étude des mouvements amène à considérer les réseaux, l'étude des
réseaux amène à considérer les nœuds qui se trouvent sur ces réseaux. Le mot « nœuds»
est employé ici pour désigner les points de jonction ou sommets du réseau, et, en
tant que tel, il sert de terme collectif incluant d'autres mots - pôles, villes, places
centrales, hameaux, groupements de population - qui ont tous des significations
distinctes. On peut identifier des nœuds à tous les niveaux de l'organisation régionale,
de la macrorégion, qui a pour nœud une aire métropolitaine, à la microrégion, qui a
pour nœud une ferme.
Nous examinerons dans ce chapitre la distribution de ces nœuds à la fois du point
de vue de leur importance et du point de vue de leur disposition dans l'espace; dans
le chapitre suivant, nous étudierons leur organisation hiérarchique.
101
1. LA MORPHOLOGIE DE L'HABITAT
TABLEAU 4.1
Nœuds
1
1 1 1
Classification Classification Classification
morphologique d'après l'effectif fonctionnelle
(formes d'habitat) de la population (par ex. : places
(par ex. : métropole centrales,
grande ville, petite places non centrales
1 ville, village, hameau) (Christaller, 1963»
\ 1
Habitat Habitat
urbain rural
1
1 ~
Irrégulier Régulier
(par ex. : Weiler, (par ex. : Rundling,
Drubbel, Dorf, Strassendorf,
Haufendorf) Angerdorf)
102
La morphologie de l'habitat
Les types de répartition de 1'habitat décrits par les géographes européens n'indiquent
guère l'existence de treillis réguliers. A vrai dire, l'attention s'est portée plus particu-
lièrement sur la forme des unités d'habitat prises isolément, plutôt que sur leur mode
de répartition en général. Alors qu'une typologie complexe des formes de villages
a été élaborée, particulièrement dans les publications allemandes (tableau 4.1 ; cf par
exemple Meitzen, 1895, résumé par Pfeifer, in Thomas, 1956, pp. 240-277), la descrip-
tion du mode de répartition n'a guère dépassé la dichotomie simple: habitat dispersé-
habitat groupé. Certaines formes géométriques régulières se laissent identifier de
façon nette. La « centuriation » romaine ou la façon dont les nouveaux villages sont
disposés sur les terres vierges asséchées des polders hollandais sont de modestes
exemples de treillis réguliers situés en Europe; mais les principaux exemples se situent
outre-mer, dans les aires de colonisation européenne.
Dans le cas le plus remarquable, celui du township and range system américain,
un système régulier de subdivisions carrées a été dessiné sur une surface de quelque
deux millions de miles carrés, soit la plus grande partie du Centre et du sud des
États- Unis. Pattison (1957) a décrit les diverses solutions proposées à partir de 1785
pour résoudre le problème du partage des terres inoccupées des Territoires de l'Ouest.
La difficulté que constituait la convergence des méridiens posait des problèmes
d'arpentage, et ce n'est qu'au XIX B siècle qu'un plan relativement uniforme a été
adopté. Le système rectiligne, avec ses divisions emboîtées, toutes carrées, - townships
(surface: trente-six miles carrés), sections (un mile carré), quarts de section (160 acres),
- a fourni le moule dans lequel s'est coulée la société complexe qui a colonisé l'Ouest.
En 1862, à un moment critique de l'occupation des terres, le Homestead Act (loi sur
les Fermes) a fait du quart de section J'étalon d'exploitation agricole; bien qu'il ait
été révisé par la suite, le plan qui en est résulté a marqué vigoureusement des paysages
aussi dissemblables que ceux de l'Oklahoma et de l'Alaska. Mead et Brown (1962)
donnent quelques exemples excellents des relations entre le système de township and
range d'une part, et les routes, l'habitat et l'utilisation du sol d'autre part, en diverses
régions des États-Unis.
103
LES NŒUDS
Au cours du siècle écoulé depuis que le système de township and range a été imposé,
la rigidité de ses lignes géométriques a été quelque peu brouillée. Johnson (1957),
étudiant le bassin de la Whitewater, dans le Minnesota, a montré la façon dont les
concessions d'un quart de section primitives, celles de 1853-1854, ont été elles-mêmes
formées par combinaison irrégulière d'unités contiguës de quarante acres, pour essayer
d'adapter les limites des exploitations aux caractéristiques fondamentales du sol et
du relief de chaque région. Depuis lors, à la suite d'abandons, de reventes, de regrou-
pements, le plan a continué à s'adapter. Comme on l'a montré au chapitre 3, l'accessi-
bilité aux grandes routes a joué un rôle majeur dans la localisation de la ferme à
l'intérieur du quart de section (fig. 3.6), et une répartition linéaire de l'habitat s'est
étendue, le long des routes, sur de vastes surfaces. Kollmorgen et Jenks (1951) ont
confirmé cette tendance, à propos d'une autre région partagée en quarts de section,
l'Ouest du Kansas, où ils ont constaté que la surface des exploitations a été multi-
pliée par cinq depuis 1890, les nouvelles fermes étant disposées en lignes le long des
grandes routes qui vont de l'est à l'ouest, c'est-à-dire selon la direction principale de
la circulation.
Dacey (1962) a analysé la distribution des hameaux, des villages et des villes dans
une région des États-Unis où la colonisation a été soumise au système de township
and range. Il a choisi un secteur du Sud-Ouest du Wisconsin, déjà étudié par Brush
(1953) et contenant quelque 235 unités d'habitat, qu'il a réparties en trois strates:
hameaux (61 % du total des unités d'habitat), villages (31 %), villes (8 %). Dacey a
employé la technique d' « analyse du plus proche voisinage» (chap. 8, section 2)
pour comparer la répartition observée avec trois distributions théoriques : la distri-
bution hexagonale régulière, la distribution aléatoire et la distribution en groupes
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Fig. 4.1 - Répartitions typiques: régulière (A), aléatoire (B), groupée (C).
Source: GREIG-SMITH, 1964, p. 12.
(fig. 4.1). Le tableau 4.2 présente la relation existant entre la répartition observée
et les distributions théoriques, en indiquant les valeurs D qui mesurent les différences
entre le premier et les autres : de fortes valeurs D indiquent de fortes différences,
104
La morphologie de l'habitat
et vice versa. La comparaison des chiffres des trois colonnes montre clairement que
la répartition des unités d 'habitat, dans cette région, est proche d'une distribution
aléatoire (plutôt que d'une distribution régulière ou groupée). Cependant, il existe
quelques différences entre les trois niveaux de stratification de 1'habitat : le plus haut
degré de régularité est observé pour les hameaux. Par conséquent, l'étude de Dacey
incite à penser que, même dans une région où le sol a été partagé selon un plan,
le mode prédominant de répartition des unités d 'habitat se révèle aléatoire, mais que
l'ancien dispositif régulier persiste davantage au niveau des plus petites unités d'habitat
(les hameaux) qu'à celui des unités des catégories supérieures.
TABLEAU 4.2
La méthode du plus proche voisinage a également été employée par King (1962)
dans une étude comparative faite sur un échantillon de vingt secteurs des États-Unis.
Dans chaque secteur, King a repéré toutes les localités de caractère urbain, et mesuré
les distances en ligne droite entre chaque ville et la ville voisine la plus proche (sans
tenir compte de leur taille). Le nombre de villes variait de 177, dans le secteur échan-
tillon de Pennsylvanie, à 23, dans le secteur échantillon du Nouveau-Mexique. En
comparant les espacements observés aux espacements théoriques correspondant à
une distribution aléatoire, King a calculé l'indice de plus proche voisinage, Rn. Les
valeurs de Rn s'étendent de zéro (groupement de tous les points en une seule locali-
sation) à 2,15 (treillis triangulaire régulier), en passant par 1 (distribution aléatoire
uniforme). Les valeurs de Rn obtenues pour les vingt secteurs échantillons sont portées
sur la figure 4.2 B : leur étendue est faible, allant de 0,70 dans le cas du secteur échan-
tillon de l'Utah, où la distribution est relativement groupée, à 1,38 pour le secteur
échantillon du Missouri, où la répartition est assez régulière. La distribution réelle
dans ces deux secteurs est représentée sur la figure 4.2 C. Ainsi, la principale conclusion
à tirer de l'étude de King est qu'elle confirme le point de vue selon lequel la répartition
des unités de peuplement aux États-Unis n'est pas régulière, mais proche d'une
distribution aléatoire.
105
® Distribution
régulière
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Groupements
Fig. 4.2 - A. Répartition à l'intérieur des États-Unis des secteurs échantillons étudiés (G = 1,8).
- B. Échelle des valeurs de Rn' - C. Unités d'habitat groupées, dans le secteur échantillon de
l'Utah (G = 4,7); contraste avec la régularité de la répartition des unités d'habitat dans le secteur
échantillon du Missouri (G = 4,8).
Source : KING, 1962, pp. 3-4,
106
La morphologie de l'habitat
Une des plus intéressantes confirmations de cette tendance est fournie par un
ouvrage de Bogue (1949), The Structure of the Metropolitan Community, dans lequel
l'auteur analyse la répartition de la population autour de soixante-sept grandes villes
des États-Unis. Bogue présente les résultats obtenus sous la forme de profils généra-
lisés allant de la ville à la périphérie rurale, jusqu'à 300 miles de la ville. Ces profils
suggèrent quatre conclusions générales :
10 La population urbaine diminue, quand la distance par rapport à la ville prise
comme centre augmente. Cette variation décrit à peu près une ligne droite sur papier
bilogarithmique sur tous les graphiques de la figure 4.3, la densité de population
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Distance par rapport ft la métropole la plus proche. en miles
Fig. 4.3 - Variations des densités de population urbaine. par régions (A, B. C) et par types
de secteurs (D. E, F), aux États-Unis.
Source: BOGUE. 1949. pp. 47. 58.
10?
LES NŒUDS
urbaine, représentée par une ligne brisée, est portée en ordonnée, la distance par
rapport à la métropole la plus proche en abscisse. A 25 miles de la ville-centre, la
densité est supérieure à 200 habitants par mile carré; à 250 miles, elle tombe à environ
4 par mile carré.
2° La densité et son taux de diminution en fonction de la distance varient selon
la taille de la ville-centre. Bogue a constaté que, pour les quatre métropoles qui ont
plus de 500 000 habitants, la densité de population urbaine, à 25 miles du centre,
était environ huit fois plus forte que pour les cinquante-trois villes dont la population
est inférieure à ce niveau; mais la différence diminue quand la distance par rapport
à la métropole est plus grande.
3° La densité et son taux de diminution diffèrent selon les régions des États-Unis.
Le contraste entre le Nord-Est (fig. 4.3 A), le Sud (fig. 4.3 B) et l'Ouest (fig. 4.3 C)
ressort nettement: le Nord-Est a une densité générale forte et un taux de décroissance
rapide, le Sud a une densité plus faible et un taux de décroissance irrégulier, et l'Ouest
a un taux de décroissan,ce extrêmement rapide.
4° La densité et son taux de diminution diffèrent selon les directions. Bogue a
partagé les zones d'influence des soixante-sept villes en secteurs de trois types :
secteurs routiers, secteurs sous-dominants et secteurs locaux. Il a délimité douze secteurs
de trente degrés sur un calque transparent, qu'il a fait pivoter autour du centre de
la grande ville, jusqu'à obtenir le « meilleur ajustement» avec les principales routes
allant de cette ville aux autres grandes aires métropolitaines (fig. 4.4 B). Il a classé
lOS
La morphologie de l'habita
les secteurs contenant une route principale comme secteurs routiers, ceux contenant
au moins une ville de 25 000 habitants ou plus comme secteurs sous-dominants,
et les secteurs restants comme secteurs locaux. Dans chaque cas, il a mesuré la popu-
lation urbaine et a affecté chaque comté à un ou plusieurs secteurs. A cause de la
convergence des limites de secteurs, Bogue n'a pas appliqué cette façon de procéder
près de la ville, et a noté les différences entre secteurs seulement pour les zones situées
à plus de 25 miles du centre. La figure 4.4 représente les étapes de la délimitation des
secteurs, pour l'une des villes, Memphis (Tennessee) : les secteurs routiers sont figurés
en blanc, les secteurs sous-dominants en noir et les secteurs locaux en grisé.
L'examen des tendances de la densité, dans les trois types de secteurs (fig. 4.3 D,
E, F), montre que la population urbaine la plus dense est celle des secteurs sous-
dominants. Dans les secteurs routiers, l'extension de l 'habitat urbain le long des
grandes routes qui joignent les métropoles est moins forte qu'on pouvait l'escompter;
dans les secteurs locaux, le niveau de la densité est bien inférieur à celui des deux autres
types.
109
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L'un des problèmes posés par les modèles d'habitat de Christaller et de Losch
vient de leur caractère essentiellement statique; dans la réalité, le facteur temps
complique la hiérarchie des places centrales. Ainsi, dans des régions telles que l'Est
des États-Unis ou l'Est du Brésil, la hiérarchie de l'habitat est bien marquée dans les
aires de peuplement ancien; dans les aires plus récemment peuplées, cette hiérarchie
est encore en pleine évolution. Nous allons examiner ici deux orientations théoriques
majeures, dans lesquelles le facteur temps est introduit explicitement : celle des
modèles déterministes et celle des modèles probabilistes.
110
La morphologie de l'habitat
1° Une des rares tentatives faites pour placer l'expansion du peuplement dans un
cadre déterministe est due à Bylund (1960). Une étude historique sur la colonisation
du centre de la Laponie suédoise avant 1867 a conduit cet auteur à considérer la
façon dont les « vagues» de peuplement se déplaçaient dans cette région; il a créé
quatre modèles simples d'évolution (fig. 4.6). Pour chacun de ceux-ci, les hypothèses
Développement A 8
de la colonisation
• origine
() l"~ phase
o 3' phase
de base sont les suivantes : 1° les conditions physiques du pays sont identiques dans
tous ses secteurs (peuplés ou vides); 2° tant que les secteurs proches des « foyers»
de migration n'ont pas été occupés, les secteurs plus éloignés ne sont pas colonisés.
La seule différence majeure entre les quatre modèles réside dans le nombre et la loca-
lisation des « foyers »; il est clair que l'expansion est supposée avoir lieu à partir d'une
localisation côtière dans les cas A et D, à partir d'une localisation à l'intérieur des
terres dans les cas B et C.
Comme Thünen (chap. 6, section 2), Bylund essaie de réintroduire la réalité dans
son modèle en faisant varier les conditions physiques du pays, l'accès aux routes,
et le nombre des cultivateurs migrants qui, à chaque génération, s'en vont fonder
de nouvelles fermes. La comparaison entre un modèle beaucoup plus affiné et les
documents historiques concernant la paroisse d'Arvidsjaur de 1775 à 1867 fait appa-
III
LES NŒUDS
raître une concordance suffisante pour suggérer qu'il serait intéressant de pousser
la recherche sur ce type thünenien de modèle de croissance.
2° On peut aborder autrement l'étude de l'évolution du peuplement, en se plaçant
dans un cadre probabiliste. Dans ce cas, la croissance est simulée par des processus
aléatoires (technique dite de Monte-Carlo discutée au chapitre 10, section 3) qui sont,
chacun à leur tour, limités par un cadre que définissent certaines « règles» fondées
sur l'observation empirique du comportement des hommes en matière de peuplement.
Morrill (1962) fournit un exemple typique de cette façon d'aborder l'évolution du
peuplement. Il considère d'abord un point de peuplement initial, et observe l'édifica-
tion, autour de ce centre fondateur, d'une hiérarchie de l'habitat déterminée par une
suite de nombres au hasard. Ces nombres peuvent être donnés par un dé, par un ordi-
nateur, ou par des tables (cf par exemple: Fisher et Yates, Statistical Tables, 1957,
pp. 126-131). Les trois règles fondamentales suivies par MorriU sont les suivantes :
1° Pour chaque période ou génération (To, Tl' T 2, . . . , T n), chaque localité, selon son
rang d'origine, produit au moins un émigrant, le nombre total des émigrants de
chaque localité étant proportionnel à la taille de celle-ci. 2° Toute localité peut recevoir
des immigrants plus d'une fois, et s'agrandir, pourvu que soit respectée la « règle de
compatibilité de distance» qui limite la taille d'une localité en fonction de la distance
qui la sépare de localités plus grandes (par exemple, un point de peuplement situé
à cinq cases de distance du point origine peut s'accroître jusqu'à cinq, puis il stagne).
3° La longueur et la direction du déplacement de chaque migrant sont déterminées
par les nombres d'une matrice de probabilité (fig. 4.7 A) fondée sur l'étude empirique,
faite par Kulldorff (1955) et Hagerstrand (1957), de mouvements locaux de population
en Suède.
La figure 4.7 B présente un exemple simple, donné par MorriU, de la croissance
d'une hiérarchie comprenant six unités de peuplement (A, B, ... , F). La séquence
commence par l'unité de peuplement isolée A, située au bord de la mer. Les nombres
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B
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1
2-
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51 - 61-
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66 72 82 88 90
91 92- 94- 98-
93 97 99 100
Ef4
Fig. 4.7 - A. Matrice de probabilité donnant les distances et les
directions. - B. Exemple de séquence de simulation utilisant la
méthode de Monte-Carlo.
Source: MORRILL, 1962, p. 112.
112
La morphologie de l'habitat
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113
LES NŒUDS
Décrire dans leur complexité les schémas des processus réels de diffusion est un
problème de recherche historique qui exige une vaste documentation. Mitchell (1954),
dans une savante reconstitution de l'évolution du peuplement de l'East Anglia, a
regroupé des éléments d'information hétérogènes : noms de lieux, architecture reli-
gieuse, photographies aériennes. Sandner (1961), dans une remarquable enquête sur
l'expansion de la colonisation espagnole à Costa Rica, se fonde davantage sur des
documents d'archives et, pour les périodes plus récentes, sur les recensements. Ces
deux études, et d'autres du même genre, ont cherché à identifier des phases distinctes
dans les processus de peuplement; par exemple, Mitchell distingue le peuplement
primaire des vallées et le peuplement secondaire des interfluves et Sandner décrit
le processus par lequel les « foyers» de migration servent de base pour des créations
ultérieures.
Chisholm (1962) a avancé l'idée que la diffusion d'unités de peuplement nouvelles
et plus petites autour d'unités plus anciennes et plus grandes peut être liée à quatre
grands types de changements : 1° transformations, socio-économiques, du système
de tenure des terres; 2° disparition du besoin de s'agglomérer pour se défendre;
3° élimination de facteurs, tels que les maladies, qui, précédemment, empêchaient
le peuplement d'une contrée; 4° améliorations techniques apportées à l'approvision-
nement en eau. Dans les régions industrialisées, les plus importantes ont peut-être
été les transformations des systèmes de tenure des terres. Hoskins, dans son ouvrage
The Making of the English Landscape (1955, p. 157), a discuté l'effet produit par les
« enclosures» sur de grandes étendues de terre, en Angleterre, entre 1750 et 1850.
Des fermes isolées et des domaines remembrés se sont alors substitués aux villages
nucléaires et aux terres partagées en bandes et soumises aux pratiques communau-
taires; dans le langage de la figure 4.5, on est retourné du type D au type A. A propos
du Japon, Inouye a retracé le lent fractionnement de villages linéaires (type C de la
figure 4.5) en formes plus dispersées. Pour le village de Kamitome, près de Tokyo,
il a pu, grâce à la continuité de la documentation concernant les fermes et les tenures,
retracer en détail l'évolution depuis la fin du XVIIe siècle: à mesure que la population
augmentait, la largeur des exploitations en forme de bandes diminuait progressive-
ment, les nouvelles fermes se pressant le long de la route, conformément à la tradition,
jusqu'au moment où le bord de la route s'est trouvé saturé. Alors, dans l'impossibilité
de rétrécir davantage les bandes, les nouvelles fermes ont été installées à l'écart de la
route (V.G.I., 1964).
Les nouveaux schémas de répartition des fermes dans le Sud de l'Italie, et les nou-
veaux plans de colonisation dans la « zone sèche» de Ceylan (Farmer, 1957), pré-
sentent des exemples des deuxième et troisième facteurs de dispersion de Chisholm.
L'évolution technique, quatrième facteur de dispersion, a évidemment agi dans deux
directions : tandis que le fil de fer barbelé et le moulin à vent métallique permettaient
la dispersion du peuplement agricole des Grandes Plaines (Webb, 1927), des change-
ments techniques ultérieurs, notamment l'automobile et la moissonneuse-batteuse,
autorisaient le développement de l'agriculture absentéiste (cf. pp. 181-182).
114
Les groupements de population : la distribution des tailles
Chisholm (1957) a fourni des données sur cet aspect de la concentration économique.
Il a calculé, pour l'Angleterre et le Pays de Galles en 1956, le coût du ramassage du
lait, des fermes au dépôt local d'où partent les chargements de gros vers la ville.
Les variations du coût de ramassage suivaient de près celles du nombre de gallons
collectés par mile parcouru par le camion. Pour les parcours de faible densité (cinq
gallons par mile/camion), le coût du ramassage atteignait 3,8 pence par gallon,
alors que pour les parcours de forte densité (40 gallons par mile/camion), il était
seulement de 0,6 penny par gallon. La faible densité de certains parcours résulte de la
combinaison de deux faits : l'éparpillement de petites fermes et la faiblesse de la
production de lait par ferme; il est clair que collecter dans ces secteurs revient environ
six fois plus cher que dans les secteurs de forte densité. Il en va de même pour la
plupart des fournitures de services aux habitats largement éparpillés. L'électrification,
l'adduction d'eau et le système d'égouts, le téléphone et les services postaux, les routes
et les transports coûtent plus cher dans de tels secteurs.
115
TABLEAU 4.3
Sources: International Urban Research, The World's Metropolitan Areas, 1959; B.J.L. BERRY, in Economie
Development and Cultural Change, 9, 1961, p. 588.
Dans cette formule, P n est la population de la ville qui a le nième rang, toutes les
villes d'une région étant rangées selon l'effectif de leur population, par ordre décrois-
sant; Pl est la population de la plus grande ville (la ville première). Théoriquement,
par conséquent, la population de la cinquième ville devrait être exactement égale à
un cinquième de la population de la plus grande ville, si la règle de la taille selon le
rang décrivait parfaitement la liaison. Isard (1956, p. 58) a montré qu'aux États-Unis,
en 1940, Pl (la population de New York) étant égale à 11 690 000, la valeur de P s
devait être égale à 2 338 000. En fait, la population de la cinquième ville, Boston,
était de 2351000.
Stewart (1958) a souligné que cette règle est un résultat empirique, non une propo-
sition théorique ou logique. Christaller et L6sch se sont l'un et l'autre intéressés,
dans leurs modèles théoriques, à la détermination de catégories d'après les fonctions
plutôt que d'après la taille (chap. 5, section 1). Mais Beckmann (1958) a montré
comment, par introduction d'un facteur aléatoire, les échelons discrets de la hiérarchie
de Christaller peuvent se fondre en une distribution des tailles des villes selon leurs
rangs. Il n'en faut pas moins apprécier l'utilité de cette «règle» par l'aide qu'elle
apporte quand il s'agit de tirer une idée générale d'observations sur la distribution
de la population.
Il est plus facile d'obtenir des données sur les niveaux supérieurs de la hiérarchie
des villes, et il n'est pas étonnant que l'intérêt se soit porté principalement sur l'appli-
cation de la règle aux grandes villes. Stewart (1958) a étudié le rapport entre la popu-
lation de la première ville (Pl) et celle de la deuxième (P2), dans un échantillon de
soixante-douze pays. Il a constaté que les rapports (P2 /PI ) ne se groupaient pas autour
116
Les groupements de population : la distribution des tailles
de la valeur 0,50, qui est la valeur théorique selon la règle, mais que, pour l'ensemble
de l'échantillon, la valeur médiane du rapport était 0,31 (autrement dit, la taille carac-
téristique de la deuxième ville était égale à un tiers de la taille de la première). Les
valeurs du rapport s'étendaient de 0,65 (valeur atteinte pour des pays tels que le
Canada) à 0,06 (pour l'Uruguay). Stewart n'a guère découvert de constantes dans la
distribution de ces rapports, sinon la tendance des grands pays à avoir des rapports
de valeur élevée. Pour six de ces pays (Australie, Brésil, Canada, Inde, États-Unis
et U.R.S.S.), il a aussi calculé les rapports P 2 / Pl au niveau des diverses divisions admi-
nistratives (États, provinces, etc.). Les valeurs obtenues s'étendaient de 0,43 (valeur
médiane obtenue pour les États-Unis) à 0,07; cette dernière valeur, remarquablement
basse, étant celle de l'Australie, où cinq États sur six sont, chacun, fortement dominés
par un grand centre urbain. Ici, encore, au niveau provincial, les résultats donnent
à penser que les rapports sont de valeur inférieure à la valeur théorique prévue par
la règle de la taille selon le rang.
Les résultats fondés sur les deux principales villes sont évidemment très variables.
Plusieurs auteurs (Zipf, 1949; Stewart, 1958; Gibbs, 1961, pp. 438-451) ont poursuivi
l'étude de cette liaison en descendant plus bas dans la gamme des villes. La figure 4.9 A
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Fig. 4.9 - A. Valeur médiane des rapports de la population des 2", 3",4" et 5" villes à la population de
la 1'" ville. - B. Évolution de la distribution des villes d'après leur taille, en Suède et aux États-Unis.
Sources: STEWART, 1958, pp. 228, 231; ZIPF, 1949.
117
LES NŒUDS
présente les rapports obtenus pour les cinq plus grandes villes, dans un certain nombre
de pays très différents les uns des autres: pour les États-Unis, leurs valeurs concordent
assez étroitement avec la suite théorique (1; 0,50; 0,33; 0,25; 0,20), tandis que la
divergence est très nette pour l'Australie. En étendant l'étude de la liaison entre le
rang et la taille à toute la gamme des villes pour lesquelles on dispose de données,
on obtient des courbes semblables à celles de la figure 4.9 B, qui présentent deux cas
opposés: celui des États-Unis (en traits continus), dans lequel les courbes sont rela-
tivement rectilignes, et qui confirme la forme générale de la règle de la taille selon
le rang, et celui de la Suède (en tireté), où la courbe est en forme d'S. La comparaison
des courbes des deux pays fait apparaître une linéarité de plus en plus nette avec le
temps dans le cas des États-Unis, mais une irrégularité de plus en plus marquée dans
le cas de la Suède. Ici encore, les deux cas suggèrent l'existence d'une certaine variation
de la distribution des villes selon leur taille, aussi bien dans l'espace que dans le temps.
LA FORME DE LA DISTRIBUTION
Le fait que la règle de la taille selon le rang apparaît sous la forme d'une droite sur
papier bilogarithmique (fig. 4.9 B) incite à penser qu'il est possible de la considérer
simplement comme une partie d'une distribution logarithmique tronquée. Abordant
ainsi le problème, Berry (1961-A) a étudié la distribution des villes d'après leur taille
dans trente-huit pays choisis de façon à représenter équitablement toutes les parties
du monde, sauf l'Afrique (qui était sous-représentée). Les pays de l'échantillon s'éche-
lonnaient, du point de vue de leur taille, de la Russie soviétique au Salvador; les
données utilisées concernaient le début de la décennie 1950-1960. La population
statistique étudiée consistait en 4 187 villes de plus de 20 000 habitants; cependant,
pour quelques pays, notamment la France, les données concernant les classes infé-
rieures n'étaient pas disponibles.
Pour chaque pays, Berry a porté en ordonnée le nombre des villes, en pourcentages
cumulés, et en abscisse la taille des villes. Il a porté les ordonnées sur une échelle
gaussienne, et les abscisses sur une échelle logarithmique; dans ces conditions, une
distribution log-normale doit apparaître simplement sous la forme d'une ligne droite.
En employant ce type de graphique, Berry a identifié deux types principaux de distri-
bution des villes selon leur taille, et une classe intermédiaire. Il a classé treize pays,
sur trente-huit, comme ayant une distribution log-normale (correspondant à la règle
de la taille selon le rang); parmi eux se trouvent aussi bien des pays très développés
comme les États-Unis (a) que des pays sous-développés comme la Corée (h); aussi
bien de grands pays comme la Chine (c) que de petits pays comme le Salvador (d)
(fig. 4.10 A). Berry a classé quinze autres pays comme ayant une distribution prima-
tiale, présentant un intervalle bien marqué entre la ou les villes placées en tête de la
distribution et les villes plus petites. Tous les pays de ce groupe sont petits, mais les
caractéristiques de leurs courbes varient beaucoup : sur la courbe de la Thaïlande (a)
118
60
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40
Distributions log-normales Distributions primatiales ®
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Taille des villes, en dizaines de milliers d'habitants
rien ne rappelle la courbe log-normale, tandis que sur celle du Danemark (b) des
traces de la distribution log-normale réapparaissent dans la partie inférieure de la
gamme des tailles, et que celle du Japon ne présente qu'une petite cassure par rapport
au modèle log-normal.
Entre ces deux classes, Berry identifie une distribution intermédiaire, qui concerne
neuf pays, parmi lesquels des pays comme l'Angleterre et le Pays de Galles (a),
où « les villes premières sont surajoutées au sommet d'une distribution log-normale
complète aplatie» (Berry, 1961-A, p. 576), ou comme l'Australie (b), où les petites
villes manquent à la courbe log-normale, ou comme le Portugal (c), dont la distri-
bution curieusement « biseautée » présente une section moyenne log-normale
(fig. 4.10 C). La superposition des courbes de l'ensemble des trente-huit pays
(fig. 4.10 D) fait apparaître leur caractère général: il existe une tendance bien marquée,
au niveau mondial, vers le modèle log-normal.
119
LES NŒUDS
Que signifient les différences observées entre ces diverses formes de la distribution
des villes selon leur taille? Berry propose deux groupes d'hypothèses.
IoLe premier groupe d'hypothèses contient des idées qui semblent logiques dans
l'abstrait, mais que l'observation empirique n'a pas confirmées. On peut par exemple
proposer une hypothèse d'urbanisation selon laquelle le type de distribution est lié
au degré d'urbanisation. Cependant, si on rapporte graphiquement le degré d'urba-
nisation, mesuré par la proportion de la population totale d'un pays vivant dans des
villes de 200 000 habitants ou plus, à la distribution des villes selon leur taille, on ne
constate aucune liaison. Par exemple, on rencontre le modèle primatial aussi bien
dans des pays très urbanisés (comme les Pays-Bas ou le Japon) que dans des pays en
grande partie ruraux (comme le Mexique ou la Thaïlande). Il en va de même en ce
qui concerne le modèle log-normal.
Une deuxième hypothèse, l'hypothèse de développement économique, a aussi été
testée, et s'est également révélée inefficace. Dans ce cas, la distribution des villes
selon leur taille est rapportée au degré de développement économique, qui est mesuré
d'après une échelle calculée par Berry (1960) à partir de quarante-trois indices de
développement économique (cf ci-dessus pp. 90-93). Si le développement écono-
mique et la distribution des villes selon leur taille sont liés, on doit théoriquement
trouver tous les pays ayant une distribution primatiale à une extrémité de l'échelle
et tous les pays ayant une distribution log-normale à l'autre extrémité. En
fait, comme la figure 4.11 le montre, la répartition est essentiellement aléatoire.
o
• • • 0 o~ •
o
• •
o
Distribution log-normale
Distribution primatiale
Fig. 4.11 - Répartition, sur l'échelle de développement de Berry, des pays à distribution log-
normale et des pays à distribution primatiale.
Source: BERRY, 1961-A, p. 586.
Les pays ayant une distribution primatiale (représentés par des cercles creux) et les
pays ayant une distribution log-normale (représentés par des cercles pleins) sont
répartis irrégulièrement, sans qu'il existe un groupement préférentiel en un point
quelconque de l'échelle de développement. On peut donc conclure que l'hypothèse
de développement économique ne peut être retenue.
20 Le second groupe d'hypothèses contient des idées qui semblent moins logiques
et certainement moins claires dans l'abstrait, mais que confirment les données dispo-
nibles. Simon (1955) a proposé une hypothèse stochastique de caractère général,
dont les implications sont importantes pour les distributions log-normale et primatiale.
120
Les groupements de population : la distribution des tailles
Il aborde l'étude de la distribution des villes selon leur taille du point de vue de la
théorie générale des systèmes (chap. 1, section 3), en soutenant que, du fait de sa
stabilité dans l'espace et le temps, la liaison entre le rang et la taille des villes peut être
considérée comme un phénomène d'état stable, c'est-à-dire un état d'entropie dans
lequel la distribution est soumise à une myriade de petites forces aléatoires. Simon
a rapproché la règle de la taille selon le rang d'une formulation probabiliste que Yule
a employée en 1924 pour expliquer la distribution des espèces biologiques, et dans
laquelle la distribution log-normale est présentée comme cas limite de processus
stochastiques de croissance. Berry et Garrison (1958-c) ont testé le modèle de Simon
à propos de la distribution des villes selon leur taille dans l'État de Washington
aux États-Unis et, comme le tableau 4.4 le montre, l'approximation obtenue est assez
bonne.
TABLEAU 4.4
Nombre d'habitants (x 10 4 )
Nombre de villes
0,5 1,5 1
2,5 3,5
Nombre observé . 36 12 7 5
Nombre théorique (d'après le modèle de Simon) : 1
36 14 9 6
1 1
En ce qui concerne les deux modèles de distribution par pays, modèle log-normal
et modèle primatial, Berry (1961-A) a soutenu que la démarche de Simon implique
deux groupes d'hypothèses secondaires. Premier groupe : les modèles log-normaux
sont le produit de l'urbanisation, dans des pays qui : (a) sont plus grands que la
moyenne, (b) ont une longue tradition d'urbanisation, (c) sont économiquement
et politiquement complexes. Parmi les treize pays de ce groupe, les États-Unis et
le Brésil vérifient l'hypothèse a, l'Inde, la Chine et les six pays d'Europe vérifient
l'hypothèse b, et il est possible que l'Afrique du Sud vérifie l'hypothèse c. Évidem-
ment, certains pays vérifient les trois hypothèses; il apparaît, par contre, que deux
pays du groupe log-normal, la Corée et le Salvador, n'en vérifient aucune.
Deuxième groupe d 'hypothèses secondaires : on peut soutenir que les modèles
primatiaux sont le produit du développement des villes dans des pays : (a) qui sont
plus petits que la moyenne, (b) dont l'urbanisation est récente, (c) qui sont, économi-
quement ou politiquement, simples. Il est certain que les quinze pays de ce groupe
sont de taille petite à moyenne, et que, dans certains, apparaît clairement l'effet d'un
petit nombre de forces puissantes. Ainsi, les capitales du Portugal, de l'Espagne, de
l'Autriche et des Pays-Bas se sont développées de façon à desservir des Empires
plutôt qu'en harmonie avec la hiérarchie urbaine locale: par exemple, la taille de
121
LES NŒUDS
Vienne est logique dans le cadre de l'Empire austro-hongrois plutôt que dans celui
de l'Autriche contemporaine. D'autres pays possèdent soit un secteur commercial
d'exportation superposé à un système agricole traditionnel (par exemple l'économie
« dualiste» de Ceylan), soit un vigoureux système d'exportation de produits primaires
(par exemple l'Uruguay), soit une seule viIJe « occidentalisée» (par exemple la Thaï-
lande).
Une des difficultés que soulèvent les deux façons de considérer le continuum formé
par les tailles des unités de peuplement (règle de la taille selon le rang et distribution
log-normale tronquée) est que l'une et l'autre s'appliquent mal à l'extrémité inférieure
de la distribution. Selon les deux règles, le nombre des unités de peuplement devrait
continuer à croître à mesure que leur taille décroît, de sorte que, théoriquement, il
devrait exister non seulement plus de villages que de villes, mais plus de hameaux
que de villages, plus de maisons isolées que de hameaux. Les mêmes postulats sont
sous-jacents aux idées présentées par Christaller et Losch sur la hiérarchie fonction-
nelle (chap. 5, section 1). Mais on sait que cette liaison n'est pas universellement
valable: il peut se faire que les maisons isolées ne soient pas plus nombreuses que les
hameaux.
Gunawardena (1964) a étudié la répartition de l'habitat dans le Sud de Ceylan,
et a pu décomposer le peuplement en groupes distincts, au niveau du quartier de
village. La distribution des unités d'habitat selon leur taille, portée sur papier bilo-
Échantillon de 40 pays
(N=4,187)
1 1"
"" 1 1
10 10 2 10 3 10 4
Taille des unités d'habitat
Fig. 4.12 - Distributions de fréquences de la taille des unités d'habitat dans la zone
humide el dans la zone sèche du Sud de Ceylan.
Source: GUNAWARDENA, 1964, p. 167.
122
La taille et l'espacement des groupements
garithmique (fig. 4.12), présente, tant pour la zone humide que pour la zone sèche,
une courbe caractéristique, d'après laquelle il est possible de considérer cette distri-
bution comme log-normale. Ces résultats donnent à penser que les études faites
jusqu'à présent sur les grands groupements de population n'ont, en fait, décrit qu'une
partie (la partie supérieure ou urbaine) du continuum formé par les unité s d'habitat.
En effet, si on porte les données du tableau 4.3 sur le graphique de Gunawardena,
elles décrivent en gros une parallèle à la partie supérieure des distributions caracté-
ristiques des deux zones. Il peut donc être nécessaire d'examiner la partie inférieure,
celle qui correspond aux « quartiers de villages », pour voir si la règle de la taille selon
le rang peut y être inversée, à peu près comme, Hjülstrom l'a constaté, la liaison entre
la taille des particules et la sensibilité à l'érosion s'inverse dans les classes inférieures
de dimension, parce que les particules très petites forment des agrégats (Scheidegger,
1961, p. 135). Il est difficile d'obtenir des données à ce niveau, ce qui pose des pro-
blèmes particuliers; des enquêtes sur le terrain sont probablement nécessaires, plutôt
que l'exploitation secondaire de recensements, pour clarifier les liaisons intéressantes
existant, à ce niveau assez peu connu, entre le nombre et la taille des groupements.
Supposons, sans tenir compte des résultats obtenus par Gunawardena (cf ci-dessus),
que la règle de la taille selon le rang soit effectivement valable; alors, théoriquement,
l'espacement des unités d 'habitat devrait être régi en grande partie par leur taille.
Les grandes unités d 'habitat seraient largement espacées, les petites peu espacées.
A propos de types discrets de peuplement, Christaller (1933) et L6sch (1954) ont
montré que cette proposition peut être valable, au moins pour des régions bien déter-
minées. Dans le Sud de l'Allemagne, Christaller a examiné en détailla hiérarchie des
petites villes et des villages situés autour des cinq grandes capitales régionales (Franc-
fort, Munich, Nuremberg, Strasbourg et Stuttgart) : alors que la distance qui sépare
celles-ci est de 178 kilomètres, la distance qui sépare les chefs-lieux de provinces plus
petites est de 108 kilomètres seulement, celle qui sépare les chefs-lieux d'arrondisse-
ment de 21 kilomètres, et celle qui sépare les villages de 7 kilomètres. Les observations
de Losch concernant l'Iowa, dans le centre des États-Unis, sont représentées par la
figure 4.13, qui suggère l'existence d'une liaison étroite entre la taille et l'espacement,
pour trois classes de localités, qui ont de 300 à 1 000 habitants (fig. 4.13 A), de 1 000
à 4 000 habitants (fig. 4.13 B) et de 4 000 à 20000 habitants (fig. 4.13 C). Cette figure
donne aussi à penser que l'espacement est d'autant plus variable que la taille augmente.
Depuis les années 1930, à ces résultats se sont ajoutés des travaux tels que celui
de Brush et Bracey (1955), qui ont comparé les centres ruraux du Sud-Ouest du Wis-
consin (États-Unis) et ceux du Sud de l'Angleterre. Ces auteurs ont constaté qu'en
dépit des différences bien marquées (en ce qui concerne la densité de population,
123
50
N = 415
®
N = 152
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N = 39
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Espacement des villes, en kilomètres
Fig. 4.13 - Histogrammes des distances, en ligne droite, qui séparent les petites villes (A), les villes
moyennes (B) et les grandes villes (C), dans l'Iowa.
Source : LbSCH, 1954, p. 391.
les fonctions économiques et 1'histoire politique et sociale) existant entre les deux
régions, l'une et l'autre présentaient deux niveaux distincts de places centrales :
des centres de catégorie supérieure disposés à des intervalles de 21 miles, et des centres
de catégorie inférieure disposés à des intervalles de 8 à 10 miles.
Des liaisons quelque peu différentes ont été découvertes par Bouse (1953), dans
une étude sur les villes de taille moyenne appartenant à ces deux mêmes sociétés
industrielles. Bouse a défini les villes de taille moyenne comme ayant de 20000 à
100000 habitants, et étudié leur distribution en Angleterre, au Pays de Galles, et
dans la partie occidentale de la grande zone industrielle (manufacturing belt) des
États-Unis (Illinois, Indiana, Michigan, Ohio et Pennsylvanie). Comme le montre
le tableau 4.5, les deux aires étudiées avaient des effectifs de population à peu près
comparables, mais, dans cette région des États-Unis, la densité de population était
deux fois moins forte, et les villes de taille moyenne environ trois fois moins nom-
breuses, qu'en Angleterre et au Pays de Galles. Dans les deux cas, la distance séparant
les villes augmente généralement avec la taille des villes; mais ces distances sont
très inférieures aux valeurs obtenues par Christaller. Selon ce dernier, les intervalles
124
TABLEAU 4.5
ESPACEMENT DES VILLES DANS DEUX RÉGIONS INDUSTRIELLES
Angleterre
États-Unis
Pays de Galles
(1950)
(1951)
entre villes de 30 000 habitants sont d'environ 38 miles dans le Sud de l'Allemagne;
en Angleterre et au Pays de Galles, le chiffre correspondant est d'environ 7 miles,
et, aux États-Unis, d'environ 25 miles. Les différences entre ces résultats proviennent
en grande partie des caractéristiques de l'industrie dans ces dernières régions. Il est
difficile de donner des définitions exactes, les classifications employées dans les recen-
sements étant très différentes. Environ la moitié des villes britanniques sont des villes
minières et industrielles, dont beaucoup sont encore agglomérées sur les gisements
de houille qui sont à l'origine de leur localisation. Aux États-Unis, les villes sont moins
spécialisées, et, s'étant développées plus tard, moins concentrées sur les gisements.
Le niveau atteint par l'industrialisation et l'époque à laquelle elle a eu lieu ont donc
modifié profondément les caractéristiques d'espacement.
A côté des études sur les caractéristiques moyennes des groupements de population,
il en est qui considèrent l'espacement comme une fonction continue. Dans ces der-
nières, la méthode d'analyse dépend de la définition adoptée pour l' « espacement»;
dans la plupart des cas, l'espacement est mesuré par la distance en ligne droite entre
une unité d'habitat et ses « plus proches voisines de même taille ». Cependant, comme
Thomas (1961) le fait remarquer, ceci ne signifie pas nécessairement que les popula-
tions des deux villes ont exactement la même taille, mais plutôt qu'elles ont approxi-
mativement la même taille. Thomas introduit le concept de probabilité, qui donne
beaucoup plus de précision au choix de la taille que l'on qualifie d' « approximati-
vement la même ». Il montre, à partir d'un échantillon dont la distribution est proche
d'une courbe log-log-normale, qu'en adoptant un seuil de confiance donné (par
exemple 95 %) on peut définir l'intervalle numérique dans lequel se trouvera, théori-
quement, la localité voisine la plus proche ayant « la même population ». La formule
générale peut être écrite ainsi :
Si - xE; ,,:;;; Ni ,,:;;; Si + xE,
125
LES NŒUDS
Fig. 4.14 - Plus proches voisines d'unités d'habitat échantillons, dans l'Iowa (G = 3,5).
Les liaisons avec des unités d'habitat situées à l'extérieur de "État nesont pas représentées.
Source : THOMAS, 1961, p. 408.
126
La taille et l'espacement des groupements
faisant les mêmes calculs sur les cinq premiers recensements du xx e siècle. Il constate
une stabilité étonnante de la liaison entre la distance et la taille. C'est seulement pour
le recensement de 1900 que le degré de corrélation présente une différence marquée
avec celui obtenu pour le recensement de 1950; même dans ce cas, la liaison s'avère
statistiquement significative, au seuil de confiance de 95 %' Thomas compare également
les distances séparant les villes échantillons de leurs voisines de « même taille» (hypo-
thèse 1) aux distances séparant les villes échantillons de leur voisine « de même ou
de plus grande taille» (hypothèse 2).
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Fig. 4.15 - Corrélations entre deux hypothèses possibles sur la liaison entre la taille des villes
et leur espacement.
Sources: THOMAS, 1962, p. 27; GIBBS, 1961, p. 458.
Sur la figure 4.15 A, les valeurs des coefficients de corrélation obtenues d'après la
première hypothèse sont rapportées à celles obtenues d'après la seconde. Les coeffi-
cients sont statistiquement significatifs pour les deux ensembles de valeurs (seuil de
confiance: 95 %), mais la liaison la plus forte est toujours celle obtenue pour la seconde
hypothèse. Il est clair que, dans l'Iowa, la taille des localités est étroitement liée à
l'espacement, et que cette liaison est valable dans un sens hiérarchique, puisque les
localités échantillons sont encore plus étroitement liées à leurs voisines quand celles-ci
sont plus grandes. Reste à voir si la convergence dans le temps des deux ensembles de
liaisons traduit une intégration croissante des relations entre les unités de peuplement.
Gibbs (1961, pp. 451-459) a confirmé les hypothèses de Thomas, en étudiant
l'espacement des plus grandes villes de six pays (Brésil, Canada, France, Italie,
Mexique et Pays-Bas). Il a trouvé (fig. 4.15 B) un coefficient de corrélation plus élevé
entre la taille d'une aire métropolitaine et la distance qui la sépare de l'aire métropo-
litaine supérieure la plus proche, qu'entre sa taille et la distance qui la sépare de l'aire
métropolitaine la plus proche. Il est remarquable qu'en dépit des différences entre
les valeurs du coefficient (d'un pays à l'autre) ces valeurs soient toujours plus élevées
pour la deuxième liaison.
127
LES NŒUDS
Dans l'une des rares études où l'espacement ait été traité dans un contexte plus
large, King (1961) a étudié plusieurs hypothèses en employant l'analyse de régression
multiple. Considérant l'espacement comme fonction de la taille d'une localité, de sa
structure de l'emploi, et des caractéristiques de la zone dans laquelle elle était située,
King a tiré au hasard, dans le recensement fait aux États-Unis en 1950, un échantillon
de 200 localités dont la taille variait de 5 habitants (Slaughter Beach, Delaware) à
près de 500000 habitants (Seattle, Washington). Il a déterminé la « plus proche
voisine » de chaque localité échantillon en utilisant la définition probabiliste de
Thomas (voir plus haut, p. 125), et fait une analyse de corrélation de l'espacement
considéré comme fonction. Le tableau 4.6 indique que la liaison qu'il a découverte,
bien que statistiquement significative, n'expliquait qu'environ 2 % des différences
d'espacement. Le partage de l'échantillon en deux catégories, celle des places centrales
et celle des places non centrales montre que la possibilité de prévoir l'espacement
est plus grande pour la première catégorie que pour la seconde. De même, un partage
des localités entre cinq grandes zones agricoles met en évidence des différences impor-
tantes entre les régions des États-Unis. Dans les Grandes Plaines et au Far-West, le
seuil d'explication s'élève nettement, dépassant 40 %; il dépasse 20 % dans le Corn
Belt; ceci donne à penser que les constantes décrites par Losch (1954, pp. 389-393)
pourraient être moins caractéristiques de l'ensemble des États-Unis qu'on ne l'a
souvent supposé.
TABLEAU 4.6
1. États-Unis, en 1950.
2. Significatif au niveau de confiance de 95 %'
Source: L. J. KING, in Annals of the Association of American Geographers, 1961, pp. 227-231.
128
La taille et l'espacement des groupements
Ainsi, sauf dans le cas de quelques régions, l'emploi des effectifs de population
pour prévoir l'espacement des localités n'a guère donné de résultats positifs. King a
testé ensuite cinq autres hypothèses relatives aux caractéristiques de la région dans
laquelle la localité est située, et à sa structure de l'emploi. Il soutient que les localités
d'une taille donnée doivent probablement être plus largement espacées lorsque :
1° la densité de population rurale est faible; 2° l'agriculture est extensive; 3° la pro-
duction agricole est faible; 4° la densité de la population totale est faible; 5° la pro-
portion de ceux qui, dans la localité elle-même, travaillent dans l'industrie est faible.
Par une analyse de régression, il montre que chacune de ces cinq variables compte
plus que la taille des localités pour prévoir leur espacement, mais qu'une seule d'entre
elles, la densité de la population totale, peut expliquer plus de 10 % des différences.
A vrai dire, l'action simultanée des six variables ne peut expliquer qu'un quart des
différences d'espacement; mais, ici encore, les résultats sont meilleurs pour certaines
zones agricoles (dernière colonne du tableau 4.6). Il est évidemment très difficile de
construire des modèles prévoyant avec précision les espacements, pour un territoire
aussi grand que les États-Unis, où l'histoire des progrès du peuplement a été très
dissemblable d'une région à l'autre. Dans l'avenir, des recherches employant les
techniques d'analyse multivariée et comportant l'introduction de facteurs historiques
dans le modèle permettront d'expliquer logiquement les fortes différences observées
dans les caractéristiques d'espacement des localités urbaines.
129
Chapitre 5 Les hiérarchies fonctionnelles des unités de peuplement
La place des centres spécialisés dans la hiérarchie
Les distorsions dues aux dimensions des établissements
Les distorsions dues à la localisation des ressources
LES HIÉRARCHIES
130
1. LES HIÉRARCHIES FONCTIONNELLES DES UNITÉS DE PEUPLE-
MENT
Un fait a été établi depuis des décennies par les études sur les places centrales, et
depuis toujours par l'expérience quotidienne : les grands centres de population
possèdent une gamme de marchandises, de services et de fonctions plus étendue que
celle des petits centres. En dépit de cet accord général, l'intérêt porté à la liaison
entre taille et fonction n'a pas faibli. Il s'est plutôt tourné vers l'étude de cas aberrants,
qui paraissent infirmer la règle, et vers l'étude de la forme exacte de la liaison entre
taille et fonction.
Des chercheurs ont essayé de définir la forme précise de la liaison entre l'effectif
de la population d'une unité de peuplement et la gamme de ses fonctions. La figure 5.1
présente deux ensembles de résultats obtenus dans des régions du monde occidental
et du monde non occidental. Tout d'abord, ceux de Stafford (1963), qui, en étudiant
les fonctions d'un petit échantillon de localités du Sud de l'Illinois, a découvert
une corrélation positive (r = 0,89) entre la population et la gamme des fonctions
(fig. 5.1 A). Des résultats assez semblables, avec des liaisons positives fortes, ont été
trouvés à propos d'autres régions du monde occidental: King (1962) a obtenu un
coefficient de 0,82 pour le district de Canterbury (Nouvelle-Zélande); Berry et Garrison
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Taille des unités de peuplement
Fig. 5.1 ---: Liaison entre la gamme des fonctions et la taille des unités de peuplement, dans le Sud de
l'Illinois (Etats-Unis) (A) et dans le Sud de Ceylan (B). L'échelle de l'axe des ordonnées est arithmétique
sur le premier graphique, logarithmique sur le second.
Sources: STAFFORD, 1963, p. 170; GUNAWARDENA, 1964.
131
LES HIÉRARCHIES
(1958-B), une valeur un peu plus faible (0,75) pour le comté de Snohomish (État
de Washington, États-Unis).
Dans le monde non occidental, Gunawardena (1964) a trouvé, pour la partie sud
de Ceylan, une liaison curviligne et positive semblable. La figure 5.1 B représente
les résultats obtenus en rapportant le nombre des établissements de services à la taille
des unités de peuplement (r = 0,91). Des coefficients semblables ont été obtenus en
rapportant à la taille des unités de peuplement le nombre des magasins (0,89) et
celui des établissements de détail (0,87).
Ces deux ensembles de résultats ont été acquis à propos de régions à dominante
rurale, mais, selon Ullman et Dacey (1962), on peut raisonnablement les étendre
aux localités plus grandes et aux villes. Les fortes corrélations positives suggèrent :
lOque les grands centres possèdent une gamme de services beaucoup plus importante
que les petits centres; 20 que la liaison entre la taille et la gamme des fonctions est
curviligne : à mesure que la population de l'unité de peuplement croît, le nombre
des fonctions nouvelles suscitées par un effectif additionnel donné diminue.
Théoriquement (cf p. 137), la liaison entre taille et fonction devrait présenter des
« paliers» plutôt qu'être continue. Les données disponibles ne permettent pas de
conclure, mais un certain nombre d'études sur les seuils et les discontinuités jettent
quelque lumière sur cette hypothèse. Selon Haggett et Gunawardena (1964) on peut
considérer comme seuil d'une fonction quelconque le point central de sa « zone
d'apparition ». Pour une fonction donnée Fi, il existe un niveau inférieur d'effectif
de la population, tel qu'aucune unité de peuplement de cette taille ne possède Fi;
inversement, il existe un niveau supérieur d'effectif de la population, tel que toutes
les unités de peuplement de cette taille possèdent Fi. En appliquant une technique
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Effectif de la population
1
1
132
Les hiérarchies fonctionnelles des unités de peuplement
TABLEAU 5.1
1. Sud de Ceylan.
Les résultats obtenus par Gunawardena sont importants, car ils confirment, à
propos d'une région du monde non occidental, la hiérarchie des seuils dont un ouvrage
plus ancien de Berry et Garrison (1958-A, B) avait établi l'existence aux États-Unis.
D'ailleurs, Bunge (1962, p. 146) avait critiqué ces observations sur les seuils aux
États- Unis pour les raisons suivantes : 10 il s'agit de seuils définis pour la population
d'une localité, non pour la population de sa zone d'attraction; 20 l'existence des
usagers des grandes routes est ignorée, alors qu'ils contribuent pour une grande part
à la formation des véritables populations seuils dans les localités des États-Unis.
A propos du Sud de Ceylan, Gunawardena a pu montrer que la population de la ville
était en corrélation significative avec la population totale de sa zone d'attraction,
pour toutes les fonctions étudiées. Dans le Sud de Ceylan, la mobilité est si réduite,
du moins comparativement aux États-Unis, que la circulation de transit ne contribue
que faiblement à la formation de la population seuil.
133
LES HIÉRARCHIES
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Fonctions Nombre total d'habitants désservis
Fig. 5.3 - Hiérarchie des unités de peuplement, dans le Sud-Ouest de l'Iowa, aux États-Unis, déter-
minée pour quatre classes de places centrales.
Source: BERRY, BARNUM et TENNANT, 1962, pp. 79, aD.
134
Les hiérarchies fonctionnelles des unités de peuplement
figure 5.3 B fait apparaître les positions distinctes qu'occupent les villages, les bourgs
et les villes quant à la liaison entre l'aire commerciale (en miles carrés) et la population
desservie (l'échelle des deux axes de coordonnées est logarithmique). L'avantage
de ce graphique est de faciliter la détermination du seuil et de l'aire d'influence maxi-
male de chaque classe de la hiérarchie des unités de peuplement : sur la figure 5.3 B,
des flèches indiquent ces valeurs, pour les villes.
Du point de vue théorique, les études du type de celle de Berry sur le Sud-Ouest
de l'Iowa, ou de celle de Mayfield (1962) sur le Nord de l'Inde, permettent d'interpréter
les petites ruptures existant dans la distribution des tailles des unités de peuplement
en termes de hiérarchie fonctionnelle. La question reste posée, de savoir si de telles
études, de par leur rigidité mathématique, perdent en partie le caractère régional
d'études plus traditionnelles (Smailes, 1946). Il est certain qu'elles se fondent sur
la masse impressionnante d'écrits consacrés antérieurement à l'étude de la hiérarchie
des unités de peuplement; des classiques tels que l'ouvrage de Bracey sur un comté
anglais, Social Provision in Rural Wiltshire (1952), donnent un aperçu de l'efficacité
et de la souplesse d'une approche moins théorique.
Treillis et fonctions k
135
K ' 3 K 4 K 7
0 0 0 0
0
0 0
0 0 @ 0 0
0 0 0
0 0 0 0 0
K ' 9 K , 12 K ' 13
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0 0 0 0 0
0 @ 0 @
0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0
K , 16 K , 19 K , 21
Fig. 5.4 - Les neuf plus petits territoires hexagonaux d'un paysage de Lbsch.
Source : lOSCH, 1954, p. 118.
136
Les hiérarchies fonctionnelles des unités de peuplement
K = 19
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Nombre d'unités de peuplement desservies
Fig. 5.5 - Efficacité relative des territoires hexagonaux cartographiés sur la figure 5.4,
Par des raisonnements de ce genre, on peut voir qu'un treillis régulier d'unités de
peuplement conduit: 10 à une série discontinue de nombres exprimant des solutions
du problème des places centrales; 20 à des irrégularités dans l'efficacité relative de
ces solutions. C'est sur ces nombres fondamentaux du système hexagonal, les valeurs
de l'indice k, que Christaller et L6sch ont édifié leurs hiérarchies de places centrales.
137
LES HIÉRARCHIES
Christaller (1933) a élaboré une série de hiérarchies de places centrales fondées sur
le postulat que, dans une région quelconque, la valeur de k, une fois adoptée, est
fixée : elle s'applique indistinctement aux relations entre fermes et villages, villages
et bourgs, bourgs et villes, en passant par tous les niveaux de la hiérarchie des places
centrales. La figure 5.6 A représente une hiérarchie très simple, à trois niveaux,
fondée sur le postulat que k = 4 : il existe une strate inférieure de villages subordon-
nés, sur laquelle est édifiée une strate de bourgs, sur laquelle est édifiée la strate supé-
rieure des villes centres. La hiérarchie complète correspondant à k = 4 se conforme
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à une progression géométrique régulière (1, 4, 16, 64, ... ); la hiérarchie correspondant
à la solution suivante, k = 7, se conforme à une progression du même type (l, 7,
49,343, ... ) (fig. 5.6 B). Le terme général, qui permet d'obtenir le nombre des loca-
lités situées à chaque niveau, dans une hiérarchie où la valeur de k est fixée, est :
Nt = Kt. Dans cette formule, N est le nombre de centres subordonnés et t le niveau
de la hiérarchie. Selon cette formule, dans une hiérarchie où k = 7, une place centrale
devrait théoriquement dominer 2 ~l (7 4) centres subordonnés situés au quatrième
niveau de cette hiérarchie.
Christaller a vu les avantages que présente l'indivision des centres subordonnés,
mais, selon lui, elle serait réalisée par groupement des centres en « nids)} plutôt
que par adoption des limites hexagonales optimales représentées sur la figure 5.4.
I! envisage trois cas :
10 Lorsque l'approvisionnement des centres subordonnés à partir des places
138
Les hiérarchies fonctionnelles des unités de peuplement
centrales doit se faire sur un trajet aussi court que possible (primauté du fait com-
mercial) , une hiérarchie où k = 3 est indiquée, puisqu'elle maximise le nombre
des places centrales. Pour surmonter la difficulté que posent les centres subordonnés
partagés, Christaller avance l'idée que des liaisons seront établies avec seulement
deux des six centres subordonnés les plus proches (fig. 5.7 A), et que ceci donnera
naissance à une hiérarchie en nids symétrique.
Fig. 5.7 - Les trois schémas de formation de « nids» dans le paysage de Christaller.
Losch (1954) a utilisé une unité hexagonale semblable pour construire ses paysages
théoriques, mais il a amélioré et élargi la formule de Christaller. La différence majeure
entre les deux démarches est la suivante : Losch considère le postulat selon lequel
la valeur de k est fixée comme un cas limite particulier; il emploie toutes les solutions
hexagonales, non seulement les neuf représentées sur la figure 5.4, mais aussi d'autres,
obtenues en poussant plus loin le même raisonnement. En superposant les réseaux,
centrés sur un seul point, d 'hexagones de toutes tailles, et en les faisant tourner
autour de ce point, il obtient six secteurs possédant beaucoup de centres de production,
et six autres en possédant peu (fig. 5.8). Suivant ce dispositif, « tous les réseaux ont
un centre en commun... le nombre maximal de localisations coïncide... la somme des
139
Fig. 5.8 - Paysage de Lbsch simplifié, présentant des systèmes de réseaux hexagonaux.
Source : ISARD, 1956, p. 270.
distances minimales entre les localisations industrielles est minimale, et par conséquent
non seulement les expéditions mais aussi les lignes de transport sont réduites au
minimum» (Losch, 1954, p. 124). Comme la figure 5.91e montre, la rotation engendre
de fortes variations dans le schéma de répartition, à la fois d'un secteur à l'autre et
suivant la distance par rapport à la métropole. Ici, le centre métropolitain est le
centre de 150 champs distincts. Les points sur lesquels sont centrés plus de quatre
ou plus de huit champs sont représentés par deux modèles plus gros de cercles noirs
sur la figure 5.9 C.
140
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Bien que Losch ait utilisé la même unité de base, hexagonale, et le même indice k
que Christaller, la hiérarchie qu'il a élaborée est nettement différente. La hiérarchie
de Christaller consiste en un certain nombre de paliers ou niveaux bien définis, tels
que : 10 toutes les places centrales situées à un niveau particulier ont la même taille
et les mêmes fonctions; 20 les places centrales de catégorie supérieure comportent
toutes les fonctions possédées par les places centrales plus petites. Au contraire, la
hiérarchie de Losch est beaucoup moins rigide. Elle consiste en une suite presque
continue de centres plutôt qu'en des niveaux distincts, de sorte que : Iodes unités
de peuplement de même taille n'ont pas nécessairement les mêmes fonctions (par
exemple, un centre qui dessert sept unités de peuplement peut être soit une place cen-
trale d'un réseau tel que k = 7, soit seulement le point en lequel coïncident deux
réseaux, l'un tel que k = 3, l'autre tel que k = 4); 20 les grandes places centrales ne
possèdent pas nécessairement toutes les fonctions des places centrales plus petites.
De bien des façons, le système de Losch - du moins une fois adapté aux concen-
trations et aux répartitions irrégulières de ressources (cf. pp. 109-110) - fournit
un schéma qui s'accorde à la réalité mieux que celui de Christaller. Du modèle à
indice variable de Losch résulte une distribution plus continue, présentant des dévia-
tions assez faibles par rapport à la distribution logarithmique, Vining (1955) a critiqué
avec vigueur l'indice fixe de Christaller, disant qu'il conduit à une distribution « en
paliers» des villes selon la taille, plutôt qu'à la distribution continue que l'on observe
en réalité (chap. 4, section 2). Par contre, Beckmann (1958) a défendu le modèle de
Christaller, le trouvant à la fois plus simple et plus satisfaisant du point de vue théo-
rique; il pense que ce modèle n'est peut-être pas en désaccord avec les distributions
141
LES HIÉRARCHIES
observées des villes selon leur taille, si on admet l'introduction d'un facteur aléatoire;
ce facteur peut suffire à brouiller les paliers rigides de la hiérarchie, transformant
celle-ci en une suite continue conforme à la règle de la taille selon le rang.
L'un des sous-produits des recherches sur les seuils, dont on a rendu compte plus haut
(pp. 132-135), est l'étude : 10 du concept de niveaux de la hiérarchie, 2 0 des relations
entre ces niveaux, représentées par les valeurs de l'indice k. Il est certain que les études
dans lesquelles des niveaux ont été reconnus ne manquent pas, et même, depuis que
Christaller (1933, 1950) a établi sa hiérarchie à sept niveaux allant du hameau à la
ville d'importance mondiale, on a peut-être reconnu autant de niveaux en géographie
humaine que de surfaces d'érosion en géographie physique! La difficulté fondamen-
tale de telles études est la définition des « solutions de continuité» soit dans la suite
des fonctions soit sur le terrain. En pratiq ue, il faut établir des divisions plus ou moins
arbitraires. C'est ainsi que Bracey (1962), étudiant les villages-centres du Somerset
(Angleterre), reconnaît des villages de première, de deuxième et de troisième caté-
gorie (fig. 5.10); mais il fonde cette classification sur un continuum (le nombre des
Villages
e du premier ordre o Centre urbain
• du second ordre
• du troiSième ordre
non classé
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Fig. 5.10 - Hiérarchie des villages - centres dans le Somerset (G = 5,1). dans le Sud-Ouest de
l'Angleterre.
Source : BRACEY, 1962, p. 176.
142
La place des centres spécialisés dans la hiérarchie
magasins), en établissant des coupures à cinq, dix et vingt boutiques. Des techniques
perfectionnées permettent de définir des coupures significatives (par exemple l'analyse
factorielle, utilisée par Berry, Barnum et Tennant (1962»; elles aident à venir à
bout de cette difficulté, en fournissant des tests objectifs.
En utilisant des méthodes de classification homogènes, on peut suivre les variations,
d'une région à l'autre, des relations entre les différents niveaux. Ainsi Gunawardena
(1964), qui a identifié quatre niveaux fonctionnels dans la hiérarchie des unités d'habi-
tat du Sud de Ceylan, a pu montrer que les valeurs de k s'étendaient, selon les pro-
vinces, de 1,6 à Il. Cette variation est peut-être plus importante et plus caractéristique
que cet autre résultat : la classe modale était k = 3, ce qui concorde exactement
avec ce que Christaller appelle la « primauté du fait commercial ».
Le concept de spécialisation
143
TABLEAU 5.2
,-----------1 1
Il ~--I 1 l,
-1
Sporadiques (13), Transports (5) Commerce (4) Divers (ll)
c'est-à-dire présentes par ex.
seulement dans quelques villes par ex. magasins par ex. hôpitaux
de 10 000 habitants ou plus chemin, de fer d'alimentation \
1 l-----
1 1 1 .
: - - - - 1- - - - - ' - - - - Il
1. États-Unis, 1950.
Source: G. ALEXANDERSSON, The Industrial Structure of American Cities, 1956.
60
~ 40
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--- - r - - - - -- ------ A : Commerce de détail
- - -- -.....
B : Industrie automobile ..... ,
1
o
o 200 400 600 800
Nombre de villes de plus de 10.000 habitants
144
La place des centres spécialisés dans la hiérarchie
ordonnée). C'est une courbe tout à fait différente (B, sur la figure 5.11) que présente
une activité typiquement ubiquiste, le commerce de détail, qui se rencontre dans
toutes les villes : il n'existe aucune ville où soit employé dans ce groupe d'activité
soit moins de 5 % soit plus de 21 % de la main-d'œuvre.
Bien que les résultats obtenus par Alexandersson ne s'appliquent qu'à un pays
et à un instant donnés, il est significatif que l'activité sporadique (l'industrie) soit
un élément régressif de la structure urbaine, même dans un pays très industrialisé.
Dans deux sur trois des villes de cet échantillon, l'industrie employait moins de la
moitié de la main-d'œuvre : dans aucune ville, si spécialisée soit-elle, l'industrie
n'utilisait plus de 80 % de la population active, et cette proportion apparaît comme
une limite extrême.
Bogue (1949) a choisi d'étudier l'industrie, qui est l'une des principales « activités
de base» de la population urbaine localisée autour de soixante-sept villes des États-
Unis (cf pp. 107-109). Il mesure les variations de l'importance de l'industrie en
fonction de la distance par rapport aux villes à l'aide d'indices tirés du Census of
Manufactures (1940). La distribution absolue est représentée sur la figure 5.12 A par
un indice a (valeur ajoutée) et la distribution relative sur la figure 5.12 B par trois
indices c, d et e (respectivement : valeur ajoutée par personne, nombre d'employés
pour 1000 habitants, nombre d'établissements pour 1000 habitants). Sur les deux
graphiques, les valeurs des indices sont portées en ordonnée, les distances en abscisse;
l'échelle des deux axes est logarithmique.
La liaison entre la diminution de l'importance de l'industrie et la distance par
rapport à la ville apparaît nettement: la courbe a présente une baisse rapide, beaucoup
plus accentuée que celle de la courbe b qui représente la densité de population
(fig. 5.12 A); la décroissance est rapide jusqu'à environ trente miles de la métropole,
ainsi qu'au-delà de soixante-cinq miles environ. Entre ces deux points, il y a un palier,
correspondant à une partie de la zone d'influence de la métropole où tendent à se
concentrer de grandes villes très spécialisées.
Les courbes des indices per capita montrent que l'industrie, non seulement décroît
en même temps que la densité de population, mais se « dilue » dans la population
dans les zones éloignées. La comparaison entre la courbe du nombre des établis-
sements et celle du nombre des employés montre que la taille moyenne des établis-
sements diminue quand on s'éloigne de la métropole (cf pp. 156-159).
145
c:
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10
"3
C-
a
Q)
"C
'$
'u;
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Q)
o
10 50 500 la 50 500
Distance par rapport il la métropole la plus proche, en miles
Bien que les villes-centres elles-mêmes ne soient pas très spécialisées, la taille d'une
ville-centre peut avoir beaucoup d'effet sur le degré de spécialisation dans sa zone
d'influence: les très grandes villes (plus de 500000 habitants, en 1940) sont relative-
ment plus spécialisées que les villes plus petites, et dans leur zone d'influence le niveau
d'industrialisation est partout plus élevé.
Si on se réfère à la classification de Bogue (cf. pp. 107-109) en trois types de
secteurs (secteurs routiers, sous-dominants et locaux), on constate que les indices
d'industrialisation sont nettement plus bas dans les secteurs locaux que dans les deux
autres types (tableau 5.3). Cependant, un décalage significatif apparaît sur tous les
indices : leurs valeurs sont légèrement plus fortes pour les secteurs sous-dominants
TABLEAU 5.3
1
Secteur
Secteur sous- Secteur
Indices d'intensité de l'industrialisation routier local
dominant
1. États-Unis, 1940.
146
La place des celltres spécialisés dans la hiérarchie
que pour les secteurs routiers. A la différence des trois autres « activités de base »,
l'industrie se concentre fortement dans les secteurs sous-dominants. A la limite de
la portée de la métropole, à environ 250 miles de la ville la plus proche, le niveau
d'industrialisation se révèle plus élevé dans le secteur local que dans le secteur routier.
Le renversement de la tendance générale à cette distance extrême semble indiquer
que la métropole est assez éloignée et inaccessible pour que des « poches» industrielles
locales puissent exister.
147
TABLEAU 5.4
Nouveaux Effet
emplois multiplicateur
Secteurs
Primaire (sidérurgie). . . . . . . . . . II 666 1,0
Secondaire (reste de la métallurgie du fer) 77 014 6,6
Tertiaire (autres activités) 70089 6,0
Total . 158769 13,6
148
La place des centres spécialisés dans la hiérarchie
3° Il existe une gamme d'importance des stocks, correspondant à l'ordre des centres
et telle que chaque centre d'un certain échelon a besoin d'approvisionnements infé-
rieurs d'un tiers à ceux d'un centre d'ordre immédiatement supérieur. Curry justifie
ce postulat par des raisonnements mathématiques faits sur des sections choisies au
hasard dans un continuum: c'est, reconnaît-il, une approximation très grossière de
la réalité. La figure 5.13 A montre la forme de la courbe représentant la gamme
d'importance des stocks. Le nombre relatif de déplacements faits pour des achats
pendant un intervalle de temps donné, ou fréquence des déplacements, est égal au
carré de l'ordre des centres. Ceci concorde grosso modo avec ce qu'on connaît des
comportements en matière de déplacements (par exemple : on se déplace une fois
par semaine pour aller à l'épicerie, une fois par mois pour aller au théâtre, de temps
en temps pour acheter des meubles); mais la forme exacte de la courbe (fig. 5.13 A)
est probablement plus complexe.
2
o 200
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il Mouvements 1 Mouvements
oS
des marchandises de la population
1
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o 5 10 0 5 10
Ordre des centres
Fig. 5.13 - Modèle théorique d'optimisation des mouvements dans un système de places
centrales.
Source: CURRY, 1962, p. 41.
149
LES HIÉRARCHIES
150
La place des centres spécialisés dans la hiérarchie
Isard et al. (1960, pp. 189-205) ont rédigé un compte rendu des études faites sur
cette question. Déterminer la façon de partager la population d'un centre en éléments
spécifiques et banaux pose des problèmes techniques ardus, et, parmi les études
entreprises sur cette question, on ne compte qu'un petit nombre de monographies
de villes, et pas d'étude comparative à l'échelle nationale. Le tableau 5.5 donne un
exemple d'étude locale de ce type, concernant la ville de Wichita, au Kansas. Il montre
que l'industrie minière, qui satisfait surtout des besoins extérieurs à la ville, a un
caractère nettement spécifique, tandis que l'imprimerie, qui satisfait des besoins en
grande partie locaux, est une activité banale. Malgré la somme de travail considérable
qu'ont demandée de telles études, on peut douter de la possibilité, et de l'utilité, de
classer ainsi bien des activités « mixtes ».
TABLEAU 5.5
Catégorie d'emploi
Marché desservi :
- spécifique (national, régional, mondial) 29250 900 514
- banal (local) 59325 71 120O
Rapports spécifique-banal 2,02 0,08 2,34
Multiplicateur de l'emploi 3,02 1,08 3,34
2° Le second groupe d'études a pour fondement des comparaisons entre les données
concernant une ville particulière et un repère établi à l'échelon national ou régional.
Alexandersson (1956, p. 16) a passé en revue un certain nombre de tentatives faites
en Suède et aux États-Unis. Un exemple typique est l'indice de spécialisation S,
donné par la formule :
151
LES HIÉRARCHIES
Cette difficulté a conduit à faire des études plus fines, dans lesquelles on tient compte
de la taille d'un centre pour définir son degré de spécialisation. A l'occasion d'une
étude menée aux Pays-Bas, Klaasen, Torman et Koyck (1949) ont élaboré une tech-
nique dérivée de la méthode « spécifique-banal » qu'Ullman et Dacey (1962) ont
adovtée aux États-Unis. En comparant les effectifs de main-d'œuvre travaillant
dans des ensembles de villes du même ordre de grandeur, on peut estimer que la
proportion la plus faible que l'on ait trouvée pour une activité, dans l'une quelconque
des villes, représente le minimum exigé, c'est-à-dire le niveau le plus bas qu'une ville
d'une taille donnée doive maintenir pour cette activité.
Ullman et Dacey ont étudié de cette façon quatorze activités, pour des villes des
États-Unis réparties en six classes de taille. Parmi les quatorze villes de plus d'un
million d'habitants, Washington (D.C.), où 2,3 % de la main-d'œuvre était employée
dans l'industrie des biens durables, représentait le minimum dans cette partie du
tableau. D'où la supposition que le minimum exigé pour une ville de plus d'un
~ 10~
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§-10 4
0..
o 5 10 15
Pourcentage minimal de la main-d'œuvre
million d 'habitants était égal à 2,3 %' Ullman et Dacey ont calculé les minima sem-
blables correspondant à chaque activité et à chaque classe de villes, rapporté graphi-
quement les deux paramètres l'un à l'autre, et calculé les droites de régression pour
faire apparaître les liaisons moyennes. Comme le montre la figure 5.14, le minimum
exigé variait selon les activités (comparer par exemple le commerce de détail et l'indus-
trie), mais, pour chaque activité, les minima augmentaient toujours avec la taille des
villes. Dans certains cas, par exemple celui des professions libérales, la liaison était
nettement marquée; dans d'autres cas, par exemple celui des institutions financières,
elle était moins significative.
152
La place des centres spécialisés dans la hiérarchie
Les droites de régression correspondant aux divers groupes d'activités sont ensuite
utilisées pour calculer le minimum théorique correspondant à une ville d'une taille
donnée; ainsi, dans la région de la baie de San Francisco, peuplée de 2 680 000 habi-
tants en 1950, au moins 3,6 % de la main-d'œuvre sont, théoriquement, employés
dans l'industrie des biens durables; en fait (tableau 5.6), la proportion est de 9,6 %'
Les écarts entre les valeurs théoriques et les valeurs observées, pour chaque activité,
peuvent être combinés, ce qui donne un indice unique de spécialisation S, calculé ainsi:
Dans cette formule, i désigne chacun des quatorze secteurs d'activité, Pi le pourcentage
de la main-d'œuvre employé dans chacun des secteurs, et Mi le pourcentage minimum
théorique correspondant à la taille de la ville (Ullman et Dacey, 1962, p. 137). Dans
l'ensemble, les résultats suggèrent l'existence d'une forte liaison entre la taille des
villes et leur spécialisation. La somme de tous les minima calculés pour les quatorze
activités s'étend de 24 % (localités de 2 500 à 3 000 habitants) à 49 % (villes de 300 000
à 800000 habitants). Plus la ville est grande, plus augmente le nombre d'activités
spécialisées qu'elle peut entretenir dans les « niches écologiques » de la structure
de sa population, et, ainsi, plus la ville peut se suffire à elle-même. Ce résultat est
logique, car, au niveau le plus bas, la famille ne peut rien se vendre à elle-même,
tandis qu'au niveau le plus élevé, la population totale du monde (soit environ trois
milliards d'habitants) ne peut vendre qu'à elle-même.
TABLEAU 5.6
Industries
Autres
des biens
industries
durables
Paramètres de l'emploi:
Région de la baie de San Francisco (pourcentage observé) 9,6 % 10,0 ~~
Minimum exigé pour une région de cette taille (théorique) 3,6 ~.,~ 5,5 %
Exd:s par rapport au minimum exigé . . . . + 6,0 ~. ~ + 4,4 %
Source: E. L. ULLMAN et M. F. OACEY, in Lund Studies in Geography, 1962, p. 131.
Pour les cinquante-six villes de plus de 300000 habitants existant aux États-Unis
en 1950, l'indice variait de 15,2 à 1,4. Les villes pour lesquelles la valeur de l'indice
était forte étaient des centres très spécialisés, comme la villè de l'acier, Youngstown
(8,5); au contraire, pour des centres commerciaux plus équilibrés, comme Dallas et
Denver, les valeurs étaient faibles (autour de 1,5).
153
3. LES DISTORSIONS DUES AUX DIMENSIONS DES ÉTABLISSEMENTS
+30 +10
,1
1
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Fabriques de pneumatiques
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Fig. 5.15 - Liaison entre les coûts de production et l'importance des établissements.
Source: BAIN, 1954, p. 25.
154
Les distorsions dues aux dimensions des établissements
donnée (axe des x). Les courbes relatives à ces industries prises à titre d'exemples
montrent que, dans une industrie comme celle de la rayonne, les petits établissements
fonctionnent avec un très sérieux handicap (les coûts de production sont plus élevés
d'un quart dans ceux qui représentent moins de 1 % de la capacité nationale), mais
qu'une industrie comme la fabrication de cigarettes est assez peu affectée par les
différences de taille des établissements.
Isard et Schooler (1955) ont montré, à propos de l'industrie pétrochimique, l'impor-
tance prépondérante des économies d'échelle. Pour deux localisations possibles,
Monroe, sur la côte du golfe du Mexique, et Cincinnatti, dans la grande zone indus-
trielle (Industrial Belt) des États-Unis, ils calculent le coût de trois composantes
importantes - les transports, la main-d'œuvre, l'énergie - de la fabrication d'un
produit pétrochimique (le glycol éthylénique). La différence des coûts est calculée
en cents, pour la fabrication de 100 livres de produit (tableau 5.7). Elle est importante
surtout en ce qui concerne le transport par voie ferrée : à peu près cinq fois plus que
la différence maximale concernant la main-d'œuvre, dix fois plus que la différence
maximale concernant l'énergie. Mais ces composantes sont toutes trois rendues insi-
gnifiantes par la différence énorme qui existe, dans les coûts de production, entre
grands et petits établissements, et qui est plus de six fois supérieure à la différence
correspondant au coût de transport par voie ferrée. Dans ces conditions, les diffé-
rences de taille entre établissements deviennent le facteur dominant, et « éclipsent
complètement toutes les autres différences de coût, considérées une à une ou ensemble»
(Isard et al., 1960, p. 240).
TABLEAU 5.7
Différence de coût,
en cents par
100 livres
Transport:
- par péniches. . . . . . . 0,13
- par voie ferrée . . . . . . 0,60
Coût de la main-d'œuvre (différence maximale) 0,12
Coût de l'énergie (différence maximale) 0,06
Économies d'échelle (grands et petits établissements) 3,98
Source: W. ISARD et E. W. SCHOOLER, Location Factors in the Petrochemical Industry, 1955, pp. 19,22-24.
On peut avancer que la taille des établissements influe sur leur localisation; le
nombre potentiel de sites ou de communautés capables d'accueillir un très grand
établissement est en effet inférieur au nombre de ceux qui peuvent en accueillir un
petit. Il est certain que les données sur la distribution des établissements selon leur
taille donnent à penser que les grands établissements sont moins nombreux et moins
155
LES HIÉRARCHIES
répandus que les petits. La figure 5.16 présente, d'après le recensement industriel
fait au Portugal en 1950, un exemple concret qui suggère que la taille des établisse-
ments et leur extension géographique ne sont pas sans rapport.
Fig. 5.16 - Distribution des établissements employant plus de 100 travailleurs (A),
plus de 400 (B), plus de 1 600 (C), au Portugal (G = 3,8), en 1950. Les croix indi-
quent la localisation de 5 % des établissements de chaque catégorie; en grisé,
les districts sans établissement de cette catégorie.
Florence (1953) a constaté l'existence d'une très forte connexion entre la « taille
d'établissement prédominant dans une industrie» et le degré de dispersion: les indus-
tries caractérisées par de petits établissements présentent une tendance à la dispersion.
Le tableau 5.8 illustre la relation entre la taille, définie en trois classes (petits, moyens
et grands établissements), et le degré de localisation, mesuré par un coefficient de
localisation; il s'agit des industries de Grande-Bretagne et des États-Unis à la fin
des années 1930. A l'évidence, les industries caractérisées par de petits établissements
sont le moins étroitement localisées. Ces industries sont dispersées pour diverses
raisons, avant tout parce qu'elles accompagnent la dispersion de la population elle-
même. Exemples remarquables : les industries où les contacts entre le fabricant et le
client doivent être directs, et où l'exécution du travail peut entraîner un certain nombre
d'allées et venues; l'imprimerie est un cas classique. D'autres industries, comme le
bâtiment, exigent des contacts personnels, et sont largement disséminées en petites
entreprises.
156
TABLEAU 5.8
Degré de localisation
Bas 1
Moyen 1
Élevé
1
Industries où prédominent:
- les grands établissements. 9% 10% 13 %
- les moyens établissements 6% 4 0/
/0 11%
- les petits établissements 29% 8% 10%
Source: P. S. FLORENCE, The Logic of British and American lndustry, 1953, p. 71.
Du point de vue de l'industrie elle-même plutôt que de celui des localisations poten-
tielles, Bain (1954) a montré que la distribution des grands établissements est limitée
de deux façons: par le coût absolu du plus petit établissement économiquement viable,
et par la proportion du marché qu'un tel établissement détient. Le tableau 5.9 montre
TABLEAU 5.9
ESTIMATION DE LA TAILLE MINIMALE
DE L'UNITÉ INDUSTRIELLE EFFICACE 1
1 à 10 10 à 100 100àl000
157
LES HIÉRARCHIES
les résultats qu'il a obtenus; les industries sont classées en quatre groupes définis
sur une échelle logarithmique, de sorte que, pour les établissements de la première
catégorie, les investissements nécessaires sont à peu près cent fois plus grands que
pour ceux de la troisième, et ainsi de suite. La production qui exige les plus gros inves-
tissements est celle de l'acier (665 millions de dollars), tandis que la fabrication de
chaussures réclame seulement 2 millions de dollars.
Quand l'apport de capitaux est très réduit, comme dans la plupart des pays sous-
développés, ce coût minimal absolu peut limiter la diffusion des établissements très
coûteux, et tend à les localiser en un seul centre spécialisé dans le système urbain du
pays. La lenteur de la diffusion des aciéries intégrées (Pounds, 1959), pour qui le
minimum initial est très élevé, est un exemple typique de cette limitation; cependant,
cette répartition théorique est quelque peu faussée par des raisons de prestige national.
Si un seul établissement économiquement viable représente une très petite part
de la capacité de production totale, on peut soutenir que ses chances de dispersion
sont plus grandes que dans le cas inverse. D'après les travaux de Bain, cette part
de la capacité de production nationale varie amplement d'une industrie à l'autre.
Le tableau 5.9 implique qu'il suffit, pour la fabrication des machines à écrire, de
trois ou quatre établissements réellement efficaces pour desservir l'en sem ble du marché
des États-Unis, mais qu'il faut environ 500 établissements fabriquant des conserves
de viande. Évidemment, le nombre réel des entreprises dépasse de beaucoup ces minima
économiques, mais ceci est dû en grande partie à 1'héritage du passé, et le processus
de concentration est plus rapide, précisément, dans les industries où un établissement
efficace peut desservir une très grande part du marché total.
Il résulte de cette situation que, dans certaines industries, on ne peut fonder un
nouvel établissement que si on peut compter sur la « capture» d'une part importante
du marché existant, et qu'il faut « voir grand» si on veut éviter de produire à des
coûts largement supérieurs à ceux des concurrents en place. Des tentatives de péné-
tration dans des marchés bien établis peuvent se heurter aux décisions relatives
à la fixation des prix prises par les producteurs en place; Rodgers (1952) a décrit
ce processus, à propos de l'industrie de l'acier. Au contraire, pour les industries
dans lesquelles les petits établissements sont efficaces, et n'ont besoin que d'une
petite part du marché, la dispersion des établissements peut être très rapide, à mesure
que se manifestent les demandes nouvelles de la population locale. L'effet de la taille
des établissements, mesuré en chiffres absolus ou relatifs, est clair : limitation ou
dispersion des activités spécialisées dans le réseau des villes.
Il se peut que l'industrie chimique, étudiée par Isard et Schooler (1955) constitue
un cas extrême; mais bien des observations empiriques incitent à penser que la taille
moyenne de l'unité de production, dans l'ensemble de l'industrie, va croissant.
Chisholm (1962, p. 192) a montré que, de 1924 à 1954, en Grande-Bretagne, l'effectif
moyen des établissements industriels employant plus de dix travailleurs a augmenté
de moitié, passant de 87 à 134. Florence (1953), dans une étude comparative des
industries britannique et américaine, a ajouté que cette tendance était encore plus
forte dans cette dernière. L'importance de l'évolution est quelque peu masquée par
les statistiques d'effectifs de la main-d' œuvre, car, par suite de l'automatisation,
158
Les distorsions dues aux dimensions des établissements
une part plus importante de la production provient de grands établissements très peu
nombreux. La tendance à l'augmentation de la taille est réelle, non seulement dans
les industries où le nombre des emplois augmente (industries automobile et aéronau-
tique) mais aussi dans les industries (minoteries) où le nombre total d'emplois diminue.
Les industries dont le degré de localisation est le plus élevé ne sont pas, comme on
pourrait s'y attendre, caractérisées par de grands établissements mais par des établis-
sements moyens. Certes, les grands établissements sont plus étroitement localisés
que les petits, mais les cas les plus remarquables de localisation très concentrée -
industrie du coton, de la laine, industrie automobile - sont généralement caractérisés
par des établissements de taille moyenne (tableau 5.10). Il se peut que ce haut degré
de localisation d'une industrie soit dû au fait que les établissements forment ensemble
une seule grande unité de production. La différence réside en ce que les économies
d'échelles sont internes dans le cas du grand établissement unique, externes dans le
cas de l' « agrégat» étroitement localisé d'établissements.
TABLEAU 5.10
Coefficient 1
Degré de Forme de localisation Exemple
de localisation concentration
159
LES HIÉRARCHIES
160
Les distorsions dues à la localisation des ressources
reste une des questions de localisation qui intriguent le plus les spécialistes de géogra-
phie historique et les théoriciens de la localisation.
Si importantes soient-elles, ces concentrations ont pour effet de distordre, non de
détruire la hiérarchie urbaine. Même les pays très industrialisés, comme le Royaume-
Uni, où se trouvent d'importants groupements de centres non conformistes, pré-
sentent une distribution des villes selon leur taille qui, comme Berry (1961-A) l'a
montré, ne diffère pas tellement de celle des pays où la population est plus rurale et
où, en même temps, la distribution des villes concorde mieux avec la hiérarchie idéale
des places centrales.
S'il est admis que l'industrie est généralement concentrée dans les villes, et que des
différences de spécialisation, dues au hasard ou à l'importance des établissements,
peuvent modifier la hiérarchie urbaine, certains centres spécialisés se maintiennent
cependant en des localisations apparemment « excentriques ». Nous allons examiner
quelques-uns des modèles qui ont été proposés pour expliquer ces localisations aber-
rantes (Isard, 1956, pp. 91-119; Isard et al., 1960, pp. 375-412; Hoover, 1948, chap. 2
à 5).
161
LES HIÉRARCHIES
Le tableau 5.11 présente le calcul des inputs nets de mouvement, pour l'industrie
prise ici comme exemple. On y voit comment le tonnage d'abord, les coûts de transport
ensuite, modifient le total de mouvement par unité de distance, pour les quatre princi-
pales matières premières introduites dans la fonderie (inputs), et pour son principal
produit (output). Le contraste le plus frappant oppose le charbon de chauffe et
TABLEAU 5.11
Loca-
1
Outputs:
Zinc en plaques. € l,DO 0,54 2,10 1,14
Inputs:
Concentrés de zinc IX 1,00 1,00 1,00 1,00
Charbon de réduction ~ 1,00 0,37 1,10 0,41
Charbon de chauffe y 1,00 1,08 1,10 1,19
Argile réfractaire il 1,00 0,10 0,50 0,05
Total des inputs. - 2,55 - 2,65
Source: C. H. CoTTERILL, lndustrial Plant Location, 1950, pp. 62, 78, 87, 110.
Le concept d'input net de mouvement peut être utilisé de façon très simple dans
le cas où l'on distingue deux points: on rapporte les mouvements dirigés vers l'éta-
blissement, ou mouvements de rassemblement, Qa, aux mouvements accomplis à
partir de l'établissement par les produits finis, ou mouvements de distribution, Qb.
On obtient ainsi un indice d'orientation, V, qui est ici égal à
Quand la valeur de V dépasse l, l'établissement est orienté vers ses sources de matières
premières; quand V est inférieur à l, l'établissement est orienté vers ses débouchés.
162
300 c-
G)
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o 100 o 100
Distance supposée de la source à la destination
Fig. 5.17 - Analyse de Weber: orientation vers le marché ou lieu de destination (A, B): orientation
vers la source de matières premières (C. D).
Dans l'exemple concret choisi (tableau 5.11), la somme des quatre mouvements
de rassemblement (2,65) et l'unique mouvement de distribution (1,14) donnent un
indice d'orientation égal à 2,32, selon lequel l'industrie étudiée est fondamentalement
orientée vers ses sources de matières premières. On peut représenter très clairement
cette situation par un graphique sur lequel on porte les valeurs des inputs nets de
mouvement propres à l'industrie étudiée, la distance de la source de matières pre-
mières au lieu de destination des produits étant supposée égale à 100 miles. Sur la
figure 5.17 A, on voit que le mouvement total augmente à mesure que la localisation
de l'usine est déplacée d'un point C( proche de la source de matières premières vers
un point fJ proche de la destination des produits fabriqués. Le terme général de l'indice
163
LES HIÉRARCHIES
net de mouvement est indiqué sur la figure 5.17 B, où la droite en trait plein représente
la somme des mouvements centripètes de rassemblement et des mouvements centri-
fuges de distribution. Ce graphique montre clairement que la localisation à la source
de matières premières est, dans ce cas, la position d'énergie minimale.
Si les rapports étaient exactement inversés, c'est-à-dire si l'indice d'orientation V
était égal à 0,43, la localisation serait également inversée. Les figures 5.17 C et 5.17 D
présentent les solutions correspondant à cette situation; dans ce cas, la localisation en
f3 est plus logique : la position d'énergie minimale, la plus efficace, est au lieu de
destination des produits.
Weber (1909) a utilisé un rapport simple de poids pour calculer son propre indice
d'orientation, un coefficient de poids obtenu en divisant le poids des matières premières
rassemblées (inputs), y compris le charbon, par le poids des produits distribués
(outputs). Cet « indice de matières premières », qui attribue des valeurs caractéris-
tiques aux diverses branches industrielles (par exemple 4,0 aux hauts fourneaux et
1,3 aux fabriques de tuyaux, dans la sidérurgie), lui a permis de diviser les industries
en deux groupes, selon l'orientation de leurs localisations, vers les matières premières
ou vers le marché, et lui a fourni la base de la distinction, commode bien que vague,
entre « industrie lourde» et « industrie légère ». Cet indice est discuté en détail dans
le livre de Friedrich (1929, pp. 48-75).
Smith (1955) a testé l'efficacité de l'indice de Weber en l'appliquant à l'étude de
soixante-cinq industries britanniques. Il a constaté que l'indice de matières premières
distinguait assez bien les industries localisées près des sources de matières premières
(par exemple le traitement des betteraves sucrières, dans les régions d'Angleterre
consacrées principalement à l'agriculture) des industries manifestement non localisées
près des sources de matières premières, mais que la corrélation n'était nullement
parfaite. Les résultats étaient plus clairs si le poids du charbon était éliminé des calculs
(tableau 5.12). Mais Smith, ne se contentant pas des résultats donnés par l'indice
de matières premières, a poursuivi sa recherche en examinant d'autres indices suscep-
TABLEAU 5.12
Nombre d'industries
- localisées près des matières premières 2 17 3
- non localisées près des matières premières 16 14 1
1. Grande-Bretagne, 1948.
2. Charbon non compris.
Source: W. SMITH, « The Location of Industry », Institute of British Geographers, Publications, 1955, p. 8.
164
Les distorsions dues à la localisation des ressources
tibles de donner une classification utile des localisations des industries. Trois de ces
indices (Smith, 1953, appendice C) étaient au moins aussi discriminants que l'indice
de Weber: 1° le poids de matières par ouvrier (ce rapport avait des valeurs plusieurs
centaines de fois plus grandes pour les hauts fourneaux que pour la fabrication des
voitures); 2° la quantité d'énergie électrique utilisée per capita; 3° le pourcentage
de main-d'œuvre masculine dans le total des effectifs employés. A des valeurs très
élevées de ces indices correspondaient des localisations nettement orientées vers les
sources de matières premières.
D'autres chercheurs, comme Duerr (1960), ont proposé d'autres indices, tels que
la valeur spécifique (valeur d'un produit, divisée par son poids), permettant d'obtenir
une classification des activités industrielles d'après leurs localisations. Mais ces indices,
comme ceux de Weber et de Smith, se sont avérés valables surtout pour les cas extrêmes
de comportement en matière de localisation, plutôt que pour les cas de localisation
intermédiaire entre la source et la destination. MacCarty (MacCarty et al., 1956,
pp. 81-121) a défini la liaison existant, aux États-Unis, entre la localisation de l'indus-
trie des machines-outils et celle d'industries métallurgiques connexes. Comme la
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+ 0,4
Véhicules à moteur
Stade primitif Dernier stade
1 1
2 3 4 5
Suite de la "fabrication dans les industries métallurgiques
figure 5,18 le montre, cette industrie n'est fortement liée ni au stade primitif du travail
des métaux (par exemple aux hauts fourneaux) ni au stade ultime de la transformation
(par exemple au montage des automobiles). Entre ces deux extrêmes, elle est en forte
corrélation avec les stades intermédiaires de la chaîne des industries métallurgiques,
la liaison la plus étroite (r = +0,910) étant établie avec l'industrie de l'acier ouvré.
165
LES HIÉRARCHIES
a
0 1,14
E
@1'
1
0,05
3
CD
166
Les distorsions dues à la localisation des ressources
167
Les irrégularités de l'espace de localisation
Dans l'analyse des coûts de mouvement faite ci-dessus, on a supposé que les coûts
de production locaux (main-d' œuvre, énergie et eau sont les exemples traditionnels)
étaient partout les mêmes. Weber avait une conscience aiguë du caractère peu réaliste
de cette idée d'espace de localisation uniforme, et il a essayé, avec son « coefficient
de main-d' œuvre », d'introduire dans l'analyse l'effet de ces irrégularités.
L'idée qu'il existe des irrégularités, régionales et locales, dans la surface de coûts,
peut être rattachée à la discussion, menée ci-dessus, des problèmes de mouvement
comportant deux points. En ajoutant aux diagrammes des figures 5.17 A et 5.17 B
une surface de coûts irrégulière (dont une section est représentée en grisé sur
la figure 5.20), on peut saisir la façon dont la modification régulière des inputs de
300 r
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/
/
/
/
/
w 200
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r
100 0 100
Distances supposées de la source li la destinatÎon
Fig. 5.20 - Effet des irrégularités de la surface de ressources locales sur le cas d'orien-
tation vers le marché représenté sur la figure 5.17-A, B.
mouvement est déformée par ces irrégularités locales. Cel1es-ci suffisent, sur la
figure 5.20 A, à inverser les avantages des sites a et p, et, sur la figure 5.20 B, à gauchir
la surface d'effort minimal à tel point que la localisation optimale est déplacée de
l'origine au point a.
Il est clair que l'importance des irrégularités de l'espace de localisation varie avec
l'ampleur des irrégularités de la surface de coût locale, et avec l'importance relative
de ces différences locales dans la structure globale des coûts propre à cette industrie.
Greenhut (1956, pp. 123-139) et Isard (1956, pp. 126-142) ont passé en revue ces
variations locales des coûts de fabrication.
168
Les distorsions dues à la localisation des ressources
d'une industrie. L'expression « une industrie'» n'est pourtant, Florence (1953, pp. 15-
21) l'a fait remarquer, rien de plus qu'un terme collectif commode pour désigner
des établissements dont les types de produits peuvent varier énormément, ou qui
peuvent produire des objets semblables en employant des procédés différents. Par
exemple, les complexes pétrochimiques, si leur localisation est telle qu'ils disposent
de gaz naturel à bon marché, utiliseront habituellement de plus grandes quantités de
gaz que de mazout; à l'inverse, en des localisations où le mazout coûte moins cher
que le gaz naturel, le premier peut être substitué au second. En chaque localisation
particulière peut exister une structure locale des facteurs de coût, dont la pondération
peut représenter une économie considérable par rapport aux combinaisons fixes que
l'on suppose exister quand on analyse « une industrie» (Luttrell, 1962).
Isard (Isard et al., 1960, pp. 415-419) a donné un bon exemple théorique de substi-
tution. Il envisage une localisation pour laquelle on a le choix entre deux activités indus-
trielles rémunératrices, 1 et II. Chaque activité combine différemment l'utilisation
de quatre ressources de base (eau, sol, main-d'œuvre, capitaux), et ces ressources
n'existent qu'en quantités limitées. Les ressources nécessaires à chacune des deux
activités et le total des ressources disponibles sont tels que le tableau 5.13 les présente.
TABLEAU 5.13
Ressources :
Eau (a) . 0,5 0,6 6,0
Sol (b) . . 0,2 0,15 1,8
Main-d'œuvre (c) 0,4 0,2 3,0
Capitaux (d) 3,0 2,0 24,0
--
Source: W. ISARD et al., op. cil., 1960, p. 146.
Le problème fondamental de substitution se pose ici entre les deux activités. Faut-il
consacrer toutes les ressources locales à l'activité 1, ou à l'activité II, ou à une combi-
naison de 1 et II? Selon Isard, dans cette situation simplifiée, le problème peut être
résolu très simplement par programmation linéaire. Une solution graphique est pré-
sentée par la figure 5.21, où, sur tous les graphiques, l'activité 1 (en ordonnée) est
rapportée à l'activité II (en abscisse).
169
15
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Fig. 5.21 - Étapes de la solution graphique d'un programme linéaire simple à quatre facteurs.
Source : ISARD et al., 1960, p. 417.
Chacune des quatre premières courbes indique la solution graphique pour une
seule ressource. En ce qui concerne l'eau, les six unités disponibles peuvent être
entièrement consacrées à l'activité l, ce qui donne 12 unités d'input (6 divisé par 0,5),
à porter sur l'axe des ordonnées; ou bien elles peuvent être entièrement consacrées
à l'activité II, ce qui donne 10 unités d'input (6 divisé par 0,6), à porter sur l'axe des
abscisses. La droite qui joint les deux points ainsi obtenus (fig. 5.21 A) représente
toutes les combinaisons possibles de 1 et II qui épuisent exactement les six unités
disponibles. Toutes les combinaisons représentées par les points situés au-dessous
de la droite, dans 'la surface en grisé, sont techniquement réalisables puisqu'il y a
assez d'eau, mais inefficaces puisqu'elles n'utilisent pas toute l'eau. A l'inverse, les
combinaisons représentées par les points situés au-dessus de la droite sont technique-
ment impossibles, en cette localisation, parce qu'elles demandent des quantités d'eau
supérieures à la quantité localement disponible. A chacune des trois autres ressources
correspond sa courbe particulière; les trois courbes sont tracées sur les figures 5.21 B,
C, D.
Il est clair que, pour résoudre le problème, il faut prendre en considération les
quatre ressources à la fois; on peut superposer simplement les courbes caractéristiques
de chacune des ressources. La figure 5.21 F représente la superposition des droites
correspondant aux disponibilités en eau (a) et en sol (b). Ici, la surface en grisé (ab)
représente les combinaisons qu'on peut adopter en tenant compte des deux ressources,
et la courbe en trait épais représente les combinaisons les plus efficaces. Sur le même
graphique, la surface a représente les combinaisons possibles du point de vue des
170
Les distorsions dues à la localisation des ressources
ressources en eau mais impossibles du point de vue des disponibilités en sol; la sur-
face b représente le point de vue inverse.
Sur la figure 5.21 G, le processus de combinaison est poursuivi, de façon à tenir
compte de toutes les ressources; d'où un polygone convexe, l' «enveloppe convexe»
des mathématiciens (Isard et al., 1960, p. 418), dont les points définissent toutes les
solutions efficaces. A l'intérieur de l'enveloppe se trouvent les points représentant
des solutions possibles mais inefficaces (surface abcd), tandis qu'à l'extérieur se
trouvent les solutions impossibles. On sait, de toute façon, que toutes les solutions
efficaces sont quelque part sur l'enveloppe convexe; il reste à déterminer la solution
la plus efficace.
Sur la figure 5.21 E, des droites d'égal revenu sont tracées en diagonale; leurs
valeurs croissent à partir de l'origine. Le point correspondant à la solution la plus
efficace est celui où l'enveloppe coupe la droite d'égal revenu ayant la valeur la plus
forte : il s'agit du point z, sur la diagonale de revenu 10,5 (fig. 5.21 H). Le point z
correspond manifestement à une combinaison des deux activités; on peut relever ses
coordonnées: 3,00 sur l'axe des y, et 7,5 sur l'axe des x. En d'autres termes, le parti
à prendre le plus efficace, pour la localisation donnée et le cortège de ressources qui
le caractérise, est le suivant : porter l'effort principal sur l'activité II (7,5 unités, ou
71 %), mais en maintenant un certain niveau de production dans l'activité 1 (3 unités,
ou 29 %).
L'exemple pris par Isard était évidemment un exemple simple, et c'est le problème
posé par un ensemble beaucoup plus complexe de ressources et d'activités qu'il
faudrait résoudre dans la pratique (Vajda, 1961). Cependant, le principe suivant
demeure : puisqu'il est vraisemblable que les localisations, du point de vue du site
et de la situation, offrent des ressources locales différentes, il est également vraisem-
blable qu'en chaq ue localisation on devra adopter (soit par raisonnement scientifique,
soit par essais et erreurs) ce « panachage» d'activités qui permet de tirer largement
profit des ressources d'accès facile et d'épargner les ressources rares.
Cotterill (1950) a opposé les combinaisons de facteurs adoptées par deux établis-
sements spécialisés dans la fonderie et situés en des localisations différentes, l'une
dans la grande zone du gaz (Gas Belt), au Texas, et l'autre dans le bassin houiller
de l'Illinois, près de Chicago. Les deux fonderies ont les mêmes productions, mais
les structures de leurs coûts de production sont différentes. Le tableau 5.14 indique
sommairement les principales composantes des coûts, pour les deux fonderies.
Les données font ressortir l'avantage considérable dont la fonderie la plus éloignée,
ceBe du Gas Belt, dispose en ce qui concerne les quatre éléments du coût de production.
Les deux tiers de cet avantage proviennent du moindre coût des matières premières,
et un quart du coût de la main-d'œuvre, moindre dans cette région écartée. Étant
donné que l'avantage global de la fonderie du Gas Belt, du fait de sa localisation,
par rapport à celle de l'Illinois, est de l'ordre de 4 contre 3, on peut légitimement
se demander pourquoi la seconde continue à produire.
171
TABLEAU 5.14
1 Origine de l'avantage
Éléments du coût, coût relatif 2 , Illinois « Gas Bell » 1 du « Gas Bell ))
(% de l'avantage total)
-------------1----1----1------ 1
172
Surfaces et gradients
Les modèles de mouvement minimal
Chapitre 6
Les distorsions de gradients réguliers
LES SURFACES
Nous avons considéré jusqu'à présent l'ossature du système régional (le réseau
des voies de communication et la hiérarchie des nœuds) et les mouvements qui en
assurent la cohésion. Mais la plus grande partie de la surface de la terre consiste en
zones interstitielles, situées autour de l'ossature, et que l'on étudie traditionnellement
du point de vue de l'utilisation du sol. Nous considérons ici ces zones non comme une
mosaïque complexe de catégories d'utilisation du sol, mais comme des surfaces de
densité. Sous cette forme plus abstraite, il est possible de saisir l'unité d'un certain
nombre de phénomènes et de concepts différents, par exemple le taux de décroissance
de la densité de population autour des villes et le modèle annulaire de Thünen.
173
1. SURFACES ET GRADIENTS
174
Surfaces et gradients
L'étude de la forme des gradients de densité autour des villes a suscité de l'intérêt
depuis que Thünen, en 1826, a traité ce sujet (Thünen, 1875); mais c'est un article
polémique récent de Clark (1951) qui a de nouveau attiré l'attention sur ces phéno-
mènes. Clark, ayant étudié les gradients de densité de population autour de trente-
six villes échelonnées de Los Angeles à Budapest et de 1801 à 1950, soutient la thèse
que, dans ces villes, les densités de population décroissent exponentiellement, et que
cette règle générale apparaît comme valable, aussi bien dans l'espace que dans le
temps. On peut exprimer cette règle générale par la formule
Pd = Po e- bd
où Pd est la densité de population à une distance donnée (d) du centre, b le gradient
de densité, et Po la densité au centre, obtenue par extrapolation. A propos de cette
formule, deux points méritent d'être notés : 1° par densité de population, on entend
la densité de la « population résidente»; 2° la densité au centre est obtenue par extra-
polation des pentes calculées à partir des densités des zones périphériques. Cette
convention permet de surmonter le fait que, semblable à un cône volcanique, la
ville, en son centre, a une faible population résidentielle (la résidence étant définie
comme le lieu où chaque habitant passe la nuit).
La discussion porte sur deux points : les variations du niveau de la densité au
centre (c'est-à-dire la hauteur du cône extrapolé) et les variations des gradients de
densité (c'est-à-dire la forme des pentes, vers l'extérieur) :
1° Très peu d'études traitent directement de la densité au centre (Po), en grande
175
LES SURFACES
partie parce qu'elle s'est avérée très difficile à définir. Winsborough (1961) a surmonté
cette difficulté, indirectement, en démontrant que la densité au centre (Po) est fonction
de la densité de population globale de l'ensemble de la ville (P), indépendamment
du gradient de densité b. Ce résultat implique qu'il est possible d'obtenir une valeur
approchée de la densité au centre en étudiant la densité globale de la ville. Winsbo-
rough a trouvé une association positive et significative entre cette densité globale P
d'une part, et d'autre part l'âge de la ville (mesuré d'après la proportion de logements
anciens), la taille de la ville, et la proportion de la population employée dans l'indus-
trie. Ainsi, théoriquement, les villes importantes, anciennes, industrielles, devraient
avoir des densités globales de population assez fortes.
D'autres études ont partiellement confirmé l'action des deux premières variables
(âge et taille) de la liaison. Berry, Simmons et Tennant (1963, p. 397) ont introduit
la variable âge dans un modèle fonctionnel des densités au centre exprimé par la
formule:
15
..
. .:
OL--------'------------'-------------J
10 3
Taille (population)
Fig. 6.2 - Liaison entre la densité de population (x 1 000) des villes, et leur taille. États-
Unis, 1950.
Source : CLAWSON, HELD et STODDARD, 1960, p. 83.
176
Surfaces et gradients
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Distance, â partir du centre de la ville, en miles
Fig. 6.3 - Liaison entre la densité et la distance: cas de Hyderabad, en Inde (A), et
de Chicago, aux États-Unis (B).
Source: BERRY, SIMMONS et TENNANT, 1963, pp. 392, 394.
L'intérêt s'est donc déplacé, dans l'étude des gradients, vers la logique des varia-
tions du gradient. Muth (1962) a fait, pour les États-Unis, une analyse de régression,
en rapportant le gradient de densité à onze variables susceptibles d'être explicatives;
parmi ces variables, deux seulement, la taille de l'aire métropolitaine (S.M.A.) et la
proportion de l'industrie installée hors de la partie centrale de l'aire, étaient en liaison
significative avec le gradient b. Berry et al. (1963, pp. 398-399) ont, à leur tour, employé
177
LES SURFACES
Nous avons déjà noté les résultats de l'importante enquête de Bogue (1949), fondés
sur l'étude des gradients autour de soixante-cinq villes des États-Unis (cf. pp. 107-
109). Le profil général de ces pentes périphériques est conforme à la décroissance
exponentielle qui, d'après Clark (1951), caractérise les zones internes de la ville,
mais cette forme se prolonge jusqu'à plus de 300 miles de celle-ci. Les tendances de
la population urbaine ayant déjà été étudiées (fig. 4.3), ainsi que celles de la population
employée dans l'industrie (fig. 5.12), il ne sera maintenant question que de la densité
de la population rurale agricole, c'est-à-dire de l'élément qui, à première vue, est le
plus faiblement lié à une organisation spatiale polarisée.
La forme générale du gradient de la population rurale agricole est plus convexe
que celle de la densité de l'ensemble de la population. Sur les cent premiers miles,
la densité est d'environ 20 habitants par mile carré, et sa décroissance assez faible;
de 100 à 300 miles environ, le gradient est plus abrupt, et la densité tombe à environ
4 par mile carré. Le gradient est très peu modifié par la taille de la ville-centre (alors
que la taille est un facteur important quand il s'agit des gradients de la population
urbaine et de la population employée dans l'industrie). Il subit davantage l'influence
de la division de l'espace en secteurs : dans les secteurs sous-dominants, où sont les
grands centres secondaires, le niveau de la densité dépasse la moyenne; il est moindre
dans les secteurs routiers et locaux (définis sur la figure 4.4).
Les différences les plus frappantes affectant le gradient de densité sont peut-être
celles que l'on peut observer entre les grandes régions des États-Unis. Les gradients
modérés du Sud (fig. 6.4 A), la décroissance plus rapide du Nord-Est, où les densités
de population agricole présentent un creux caractéristique dans les zones proches des
villes (fig. 6.4 B), et la pente très raide des gradients de l'Ouest (fig. 6.4 C), soulignent
les différences fondamentales qui existent, du point de vue des ressources agricoles,
entre ces trois régions (Paterson, 1960).
178
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Distance. à partir de la métropole la plus proche. en miles
Fig. 6.4 - Liaison entre la distance et la densité de la population rurale agricole, dans les
grandes divisions régionales des États-Unis, en 1940.
Source: BOGUE, 1949, p. 58.
179
LES SURFACES
du sol : les vignes, les olivettes et la terre cultivable non irriguée. Les vignes occupent
environ 6 % de la surface étudiée, et sont fortement concentrées dans la zone interne
(à moins de quatre kilomètres du centre), tandis que les oliviers sont le plus fortement
représentés dans la zone moyenne (de deux à six kilomètres du centre). Le blé non
irrigué domine le paysage de la zone externe, mais, étant donné qu'il couvre juste
un peu plus de la moitié de la surface du sol, il est fortement représenté dans toutes
les zones, et occupe la moitié de la surface consacrée aux trois cultures même dans
la « zone urbaine» interne (à moins d'un kilomètre du centre). D'autres modes d'uti-
lisation du sol se montrent sensibles à la distance; ce sont les pâturages, les friches
et les taillis, tous caractéristiques des zones excentriques, et les citronniers, caracté-
ristiques des zones internes.
80
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8 o 2 4 6 8
Distance, à partir de Canicatti, en kilomètres
Fig. 6.5 - Relations entre l'utilisation du sol à Canicatti (Sicile) et la distance à partir du
centre du village.
Source : CHISHOLM, 1962, p. 63.
Pour expliquer le plan observé, Chisholm s'est reporté à des estimations, fournies
par l'Istituto Nazionale di Economia Agraria de Rome, des besoins annuels de
main-d' œuvre par hectare correspondant aux diverses cultures. Le tableau 6.1
fournit le nombre des journées de travail consacrées aux trois cultures représentées
sur la figure 6.5. Il est clair que les produits les moins exigeants sont situés le plus loin
180
TABLEAU 6.1
1. Canicatti, Sicile.
du centre; les terres consacrées au blé, mises périodiquement en jachère, ont de faibles
besoins en main-d'œuvre, et cèdent le pas aux vignes, qui sont soigneusement entre-
tenues et irriguées. Même dans le cadre d'une culture particulière, il apparaît que
les méthodes de culture deviennent moins intensives quand la distance augmente.
A une échelle plus petite, l'utilisation du sol varie avec la distance à partir de la
ferme; Chisholm allègue des constantes observées en Suède, en Finlande, aux Pays-
Bas et en Inde pour suggérer la généralité de ce phénomène. La décroissance des
taux d'occupation en fonction de l'éloignement par rapport à la ferme indique une
diminution des apports (inputs) de main-d' œuvre et de produits fertilisants; en
général, un seuil critique existe, à environ 1 kilomètre. Une extension intéressante
du concept de champ d'influence agricole est observable dans le Centre-Ouest des
États- Unis, où Kollmorgen et Jenks (1958) ont attiré l'attention sur le phénomène
des « agriculteurs non résidents» qui habitent à plus de trente miles de la limite du
comté où leur ferme est située. Le fait que ces agriculteurs, dont certains ont un domi-
TABLEAU 6.2
Résidents Non-
résidents
181
LES SURFACES
cile légal aussi lointain que Los Angeles, doivent se déplacer sur de longues distances
pour exercer leur activité agricole a des effets décisifs sur les techniques de culture,
et, par là, sur l'organisation de l'utilisation du sol. Comme l'indique le tableau 6.2,
dans ces exploitations qui sont plus petites que celles des agriculteurs résidents, plus
de la moitié de la surface est consacrée aux cultures commerciales, notamment en
blé. Les exploitations des agriculteurs non résidents sont des secteurs de grande
production de blé, dans des comtés, où, selon des usages locaux bien établis, pré-
domine un type d'exploitation fondé sur des cultures diversifiées et sur l'élevage
(les deux tiers de la surface sont consacrés aux pâturages et aux cultures fourragères).
Les études faites dans des zones rurales ont pour pendant des enquêtes sur l'uti-
lisation du sol dans des zones urbaines. Dickinson (1964, pp. 125-225) a résumé
un certain nombre d'études importantes concernant la structure générale des zones
d'utilisation du sol, aussi bien dans l'ensemble de la ville que dans les « régions natu-
relies» existant dans des parties déterminées de la ville. Bien qu'un grand nombre
de monographies exhaustives aient été publiées sur des villes, par exemple celle de
Jones (1960) sur Belfast ou celle d'Azevedo (1958) sur Sào Paulo, nous manquons
encore d'études comparatives. L'ouvrage de Bartholomew Land Use in American
Cities (1955) reste l'une des rares études où un échantillon de villes (dans ce cas,
cinquante-trois villes-centres et trente-trois « villes-satellites ») est proposé, en vue
de comparaisons directes. Tant qu'on n'aura pas analysé une plus grande masse
d'informations sur l'utilisation du sol dans les villes, on restera probablement dans
l'incapacité de vérifier ou de généraliser les divers modèles de croissance proposés
jusqu'à présent (cf pp. 199-204).
182
Les modèles de mouvement minimal
0~~
®~ ®@
Fig. 6.6 - Variantes géométriques de la structure
traditionnelle en anneaux de Thünen.
Dans le premier cas (fig. 6.6 A), il s'agit de disposer la surface le plus près possible
d'un seul point; c'est le problème classique de l' «État isolé» de Thünen, dans lequel
n'existe qu'un centre pourvu d'un marché: la solution est un cercle. Dans les cas
suivants, deux points sont substitués au point unique (fig. 6.6 B), puis un segment
aux deux points (fig. 6.6 C), et enfin un anneau au segment (fig. 6.6 D). Dans chaque
cas, le dessin géométrique revêt un aspect plus familier si la mer (en grisé) occupe
la moitié de la figure; on peut alors trouver des analogies entre les deux premiers
schémas et des zones agricoles entourant des ports côtiers; entre le troisième et une
zone entourant une voie ferrée de pénétration; entre le quatrième et des groupements
de population entourant le littoral d'une mer intérieure.
Le cas, traité par Thünen, du développement en anneaux ne représente qu'un
cas extrême, tiré d'un ensemble de problèmes dans lesquels des surfaces se groupent
le plus près possible d'un point ou d'une ligne. Le développement en anneaux est
discuté ci-après, parce qu'il est graphiquement simple et manifestement lié à la
hiérarchie des villes, non parce qu'il serait le seul possible.
LA FORMATION D'ANNEAUX
Lorsqu'il s'agit de placer une surface d'utilisation du sol le plus près possible d'un
seul point, une forme circulaire constitue, ceteris paribus, la solution de mouvement
minimal; la distance radiale maximale, du centre de la surface à sa périphérie, est
183
LES SURFACES
donnée par l'expression (Ain)!. Ce problème simple devient plus intéressant dans
l'hypothèse de différentes catégories d'utilisation du sol.
TABLEAU 6.3
Q
tonne)
Utilisation du sol:
- type a . 3 1,0 3,0 100 5,64 16,9
- type b . 2 0,5 1,0 200 8,01 8,0
- type c . 1 2,0 2,0 300 9,76 19,5
- ensemble - - 1
- 600 13,82 -
dans laquelle Ai est la surface correspondant au type i; le total des Ai est 600 km 2 •
En supposant que la surface soit de forme circulaire, la distance radiale maximale
est de 13,82 km. Il reste à déterminer : 10 si les trois types d'utilisation du sol vont
former des anneaux distincts autour du centre; 20 comment vont se ranger les zones.
Avec les trois types, six dispositions (permutations) sont possibles : abc, acb, bac,
bca, cab, cba. Avec n zones, le nombre de permutations est ne!), de sorte qu'avec les
sept zones de Thünen (tableau 6.4), il existe 5 040 permutations.
184
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5 10 o 5 10 15
Distance à partir du centre, en kilomètres
Fig. 6.7 - Étapes de l'analyse d'inputs de mauvement théoriques, correspondant à des types d'utilisation
du sol.
Source : tableau 6.4.
L'examen de la figure 6.7 D montre que, dans la zone la plus proche du centre,
qui mesure 100 km 2 (en grisé), les inputs de mouvement correspondant au type a
sont plus grands que ceux qui correspondent aux deux autres types; dans la zone
suivante, qui mesure 300 km 2 (en grisé sur la figure 6.7 E), les inputs de mouvement
correspondant au type c sont plus grands que ceux qui correspondent au type b.
Manifestement, c'est le type a qui a le plus besoin d'être placé près du centre, si
les mouvements doivent être minimisés. Dans l'hypothèse d'un type homogène
d'activité agricole, il n'y a pas lieu, à ce stade, de penser que la localisation d'une
partie de ce type loin du centre présenterait des avantages : théoriquement, il devrait
donc exister une zone homogène de type a, formant une surface circulaire de 100 km 2
et ramassée autour du centre. Des raisonnements semblables s'appliquent aux deux
autres types; la disposition acb apparaît donc comme la plus logique des six possibles.
On peut facilement évaluer les avantages que la disposition acb possède sur les
autres, en rapportant graphiquement les inputs de mouvement cumulés, Q (cum.),
185
LES SURFACES
à la distance (fig. 6.8 A). La ligne brisée concave obtenue pour acb est au-dessous
de celle obtenue pour n'importe laquelle des cinq autres dispositions, l'intervalle
entre la courbe acb et la courbe de la disposition la plus coûteuse (bca) est représenté
par la surface en grisé de la figure 6.8 A. La structure en anneaux des deux disposi-
tions est représentée sur la figure 6.8 B.
80
10 ®
~
2
60 • b
o
<Ji
-<>
""5 Solution de mouvement maximum (b c a)
E
40
11 b
i 20 ~ 1
...
Solution de mouvement minimum (a c b)
~
1 .
1 c
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o 5 10 \5
Distance è partir du centre, en km
Fig. 6.8 - Effet des inputs de mouvement sur la disposition des anneaux d'utilisation du sol.
Les concepts employés ici sont analogues à ceux de Thünen. On peut mettre en
regard les inputs de mouvement et son concept de rente de situation (Bodenrente)
qu'il calculait à l'aide de l'expression :
L = E(p - a) - Efk.
Dans cette formule, L (variable dépendante) est la rente de situation par unité
de surface de sol, k (variable indépendante) est la distance, et E, p et a sont des cons-
tantes: E le rendement par unité de surface, p le prix du marché par unité de produit,
a le coût de production par unité de produit; f est le tarif de transport par unité
de distance (Dunn, 1954, p. 7). Le concept d'input de mouvement employé ici est
peut-être plus simple, en ce sens qu'il dispense de considérer explIcitement les cons-
tantes p (prix du marché) et a (coût de production) et leur substitue des hypothèses
sur la demande de produits en termes de surfaces (A).
186
Les modèles de mouvement minimal
TABLEAU 6.4
3c 25 34 - 44
\ """",, avoine (l), jachère (1)
Seigle; produits Système d'assolement trien-
de l'élevage nal : seigle, etc. (1), pâtu-
rage (l), jachère (1).
4 38 45 - 100 Élevage Produits Élevage prédominant; un
de l'élevage peu de seigle consommé
sur place.
5 1 > 100 Terrains non Néant Néant.
exploités
Cette conception était remarquable pour son époque, mais il faut rappeler ses
limites, relativement contradictoires : le caractère simplificateur des postulats d'Une
part, le caractère très empirique du contenu d'autre part.
187
LES SURFACES
188
Les modèles de mouvement minimal
leur persistance en des zones très accessibles. Gottmann (1961) a donné des exemples
de cette tendance, liée à la demande croissante de loisirs observable dans les zones
côtières très urbanisées de l'Est des États-Unis.
Bien qu'il soit difficile de faire des comparaisons directes, on peut affirmer que la
tendance à long terme des coûts réels de transport a été à la baisse. Une suite d'inven-
tions techniques, l'adoption de carburants peu coûteux, et les économies d'échelle
obtenues grâce à l'augmentation constante des quantités mises en circulation, ont,
d'une façon générale, réduit la part des frais de transport dans l'ensemble des coûts
de production. Chisholm (1962, pp. 185-186) a suivi l'évolution des tarifs d'un moyen
de transport, la navigation maritime, et constaté que, déduction faite de l'inflation
universelle, le coût réel de la navigation maritime, entre 1876 et 1955, a diminué
des trois cinquièmes environ.
A mesure que le niveau général des coûts de transport s'abaisse, la mobilité rela-
tive des produits s'accroît, et on pourrait s'attendre à constater un élargissement
des anneaux de Thünen. Losch (1954, p. 51) a fait remarquer que, par suite de la
croissance d'un certain nombre de centres proches l'un de l'autre, les anneaux qui
entourent chaque centre doivent subir une distorsion vers l'extérieur. Il peut tout
simplement ne pas y avoir assez de place pour tous les anneaux, et les anneaux exté-
rieurs peuvent alors être déplacés vers la périphérie de l'État. Pour les anneaux
intérieurs, chaque ville reste donc le marché central, mais, pour les anneaux exté-
rieurs, c'est l'agrégat de villes qui, conjointement, constitue le centre (fig. 6.9 A).
Ce point a été mis en lumière par Jonasson, qui considère le Nord-Ouest de l'Europe
189
LES SURFACES
190
o 20 40 60 au
DlsUlflce, à partir de J, en miles
Fig. 6.10 - Variations, selon les directions, des coûts de transport par chemin de fer dans des
carrés échantillons. A-B : à l'ouest de Milwaukee, États-Unis (G = 4,3). - CoD : au sud-ouest
de Chicago, États-Unis (G = 3,9).
Sources: ALEXANDER, BROWN et DAHLBERG, 1958, p. 9; ALEXANDER, 1944, pp. 26-28.
où les tarifs dépassent treize cents sur la figure 6.10 C ou dix-huit cents sur
la figure 6.10 D sont en grisé, de façon à faire ressortir les zones de coût élevé. En
comparant les localisations de deux points, y et 0, situés à l'ouest et au sud-ouest
de Chicago, on constate que, bien que tous deux soient à la même distance de la ville
(environ 110 miles), le premier possède un avantage de localisation bien marqué en
ce qui concerne la production de bétail, le second en ce qui concerne la production
de céréales.
191
LES SURFACES
Ces exemples mettent en relief le changement radical qui s'est produit par rapport
à l'image idyllique de l'État de Thünen, où chaque agriculteur, avec son cheval et
sa voiture, apportait au marché sa propre production, et avait donc un intérêt direct
à minimiser ses déplacements personnels. Le passage des transports aux mains de
compagnies indépendantes a sapé la logique du postulat de minimisation, car on peut
soutenir que, ceteris paribus, l'objectif d'une compagnie de transport est la maxi-
misation du mouvement total, plutôt que sa minimisation. Troxel (1955) a étudié
quelques-unes des entraves qui sont opposées à cette incitation à la maximisation,
tant par la concurrence que par les pouvoirs publics. Néanmoins, le fait que les
transports ne soient plus aux mains des producteurs a une signification : l'économie
de l'ensemble du système de transport l'emporte sur celle du producteur individuel
et devient l'économie dominante.
192
Les distorsions de gradients réguliers
sols plus ou moins bons, par les vicissitudes du climat, par l'aptitude de l'exploitant
à la gestion, etc. Il a donc présenté un schéma modifié, dans lequel les anneaux pri-
mitifs (fig. 6.11 A) sont déformés non seulement par la présence de centres concur-
rents (fig. 6.11 B) et de voies de communication permettant des transports moins coû-
teux (fig. 6.11 C), mais aussi par l'existence de qualités différentes de sols (fig. 6.11 D).
La confirmation empirique de l'étroitesse des relations entre les ressources natu-
relles et l'agriculture a été fournie par Hidore (1963); il a étudié la liaison entre les
« terrains plats» (dont la pente est inférieure à 3 %) et la culture commerciale des
céréales (fig. 6.12). Pour un échantillon de 730 comtés du Centre-Nord des États-
Fig. 6.12 - Liaison entre les sols horizontaux (A) et les sols cultivés (B)
dans le Centre-Nord des États-Unis (G = 2,7).
Source : HIDORE, 1963, pp. 85, 87.
193
LES SURFACES
TABLEAU 6.5
Source: M. VAHL et J. HUMLUM, in Acta Jutlandica Aarsskrift for Aarhus Universitet, 1949, pp. 59-65.
des transports, il y a même quelques raisons de croire, avec Baker (1921), que les
différences latentes de conditions physiques pourraient jouer un rôle de plus en plus
important dans la détermination de l'utilisation du sol. Les ouvrages d'Alexander
(1963) et de Dickinson (1964) contiennent d'excellentes analyses de l'infl uence des
milieux naturels sur les principales branches de l'activité économiq ue et sur l'organi-
sation urbaine.
194
Les distorsions de gradients réguliers
entre les recettes tirées du lait frais et celles tirées du lait transformé (beurre, fromage,
etc.). Un certain nombre d'études, tant aux États-Unis qu'en Grande-Bretagne, ont
attiré l'attention sur la localisation caractéristique de zones de production de lait,
de beurre et de fromage qui se succèdent dans l'espace à partir du marché industrialo-
urbain (Chisholm, 1962).
Thünen a lui-même employé la notion de substitution dans l'analyse de la répar-
tition d'une culture, le seigle. Le tableau 6.4 indique que le seigle est cultivé dans
toute la zone agricole extérieure (3-4) mais qu'il n'est expédié au marché qu'à partir
de la zone 3. Les expéditions de seigle vers la ville-marché se font donc sur des distances
qui varient beaucoup, de 3,6 à 44 miles. En dépit d'un prix du seigle unique et de
coûts de transport par tonne uniformes, le seigle de la zone extérieure (3 c) peut concur-
rencer avec succès le seigle cultivé à une distance du marché à peu près dix fois moindre,
dans la zone intérieure (3 a).
Thünen montre que la zone extérieure ne peut concurrencer la zone intérieure qu'en
substituant au système de celle-ci un système d'exploitation (Betriebssystem) moins
efficace : la zone extérieure ne peut soutenir la concurrence que parce que les coûts
de production du seigle y sont moindres, ceci au prix du gaspillage que représente
un système dans lequel un tiers du sol est en jachère chaque année. En effet, en compa-
rant les systèmes de rotation des zones 3 a, 3 b et 3 c, on constate que la proportion
de sol en jachère augmente, passant de zéro à un septième puis à un tiers, en même
temps que la distance par rapport au marché (voir le tableau 6.4).
La zone intérieure reste la plus efficace, du point de vue de sa production globale,
car, ainsi que Losch l'a souligné : « c'est le total des profits qui compte; il n'existe
pas d'autre critère, fondé sur une seule culture » (Losch, 1954, p. 61). Comme à
propos de l'industrie du zinc (cf pp. 162, 171-172), il faut conclure que le seigle est
cultivé en des localisations variées où des substitutions de ressources locales rendent
profitable son introduction dans le système cultural.
Gould (1963) a abordé le problème de l'association des cultures en une combinaison
appropriée à une localisation donnée, en utilisant la théorie des jeux. Il a choisi
Jantilla, petit village de l'Ouest du Ghana, comme exemple caractéristique du pro-
blème des associations culturales dans le centre du pays, c'est-à-dire dans une zone à
pluviosité très variable. Dans ce cas, la « stratégie du milieu naturel» (pour employer
le langage de la théorie des jeux) dispose de deux tactiques: humidité ou sécheresse.
En face, la « stratégie des villageois » comporte cinq tactiques, susceptibles d'être
associées : ce sont leurs cinq cultures de base. Mais le rendement varie dans des
proportions considérables, selon ce qui est cultivé et selon les vicissitudes du climat
(tableau 6.6). Par exemple, l'igname est une culture spéculative, dont le rendement
est élevé quand l'année est pluvieuse, mais très bas (huit fois moindre) quand l'année
est sèche. Au contraire, le mil est une culture sur laquelle on peut compter: son rende-
ment diffère très peu entre une année sèche et une année pluvieuse. Le dilemme devant
lequel sont placés les villageois apparaît: doivent-ils tabler sur un temps pluvieux et
cultiver des 'plantes à fort rendement (mais en courant des risques), ou jouer la carte
de la sécurité en cultivant des plantes à rendement modéré, ou adopter une stratégie
mixte?
195
TABLEAU 6.6
Igname 82 11
Maïs 61 49
Manioc 12 38
Mil. 43 32
Riz de montagne 30 71
Pour ce cas où les hypothèses sont simples (2 x 5 tactiques), Gould montre com-
ment calculer la solution optimale. Sur la figure 6.13, le rendement de chaque culture
est porté sur deux axes verticaux distincts, dont l'un correspond à l'année sèche,
l'autre à l'année pluvieuse; les deux points ainsi obtenus sont joints par un segment
90 90 90
0 ® @
70 70 70
J!!'"
il
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50 50
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-Miï - \'"-z,.-
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Sec. PI. Sec. PI. Sec.
Stratégie du milieu
Fig. 6.13 - Stades de la détermination de la meilleure association culturale, pour un village du Ghana,
selon la théorie des jeux.
Source: GOULD, 1963, p. 292.
196
Les distorsions de gradients réguliers
de droite. Plus est forte la pente de ce segment, plus grande est la différence de rende-
ment entre les deux types d'années, et vice versa. La figure 6.13 A représente le segment
correspondant à la première culture, l'igname. Sur la figure 6.13 B est ajouté le segment
correspondant à la deuxième culture, le maïs; sur la figure 6.13 C sont ajoutés les
segments correspondant aux trois autres cultures. En se coupant, les segments font
apparaître les rendements les plus élevés - ceux de l'igname, du maïs et du riz de
montagne - sous la forme d'une ligne brisée concave (fig. 6.13 C). Le point le plus
bas de cette ligne (point d'équilibre, ou col), S, représente la combinaison optimale
de cultures, c'est-à-dire celle qui donnera en moyenne le plus haut rapport, pour
une série d'années bonnes et mauvaises. C'est, dans le langage de la théorie des jeux,
la solution minimax.
Le calcul de la part de chaque culture dans la solution minimax est indiqué sur
le tableau 6.7. On calcule, pour les deux cultures, la différence de rendement entre
année sèche et année pluvieuse (12 et 41). On retranche l'un de l'autre les deux résultats,
ce qui donne la différence comparative (112 - 141). Puis, pour chaque culture, on
divise la différence observée pour l'autre culture par la différence comparative, ce
qui donne les indices (différences proportionnelles : 1,4 et 0,4) qui représentent la
part de chaque culture, et à partir desquels on peut calculer les pourcentages.
TABLEAU 6.7
Cultures possibles
Le rapport obtenu, 77 contre 23, pourrait être interprété à long terme de la façon
suivante : il faut cultiver tout le territoire du village en maïs pendant 77 années par
siècle, et en riz de montagne pendant les 23 autres années! En fait, on adopterait
évidemment la solution à court terme : cultiver chaque année du maïs sur les trois
quarts de la surface, et du riz sur un quart. Gould constate que les proportions calcu-
lées selon cette méthode concordent grosso modo avec l'organisation réelle de l'utili-
sation du sol dans la région de JantiIIa; ceci incite à penser que les habitants sont
197
LES SURFACES
parvenus à cette solution en suivant le sentier épineux des essais et des erreurs. Puisque,
dans ce cas, il faut traduire « erreurs », du point de vue humain, par « famine »,
l'importance pratique de la théorie des jeux, pour aborder les problèmes de substitu-
tion, est manifeste. Vajda (1961) a écrit une intéressante introduction à ce type d'ana-
lyse; les problèmes plus compliqués exigent le recours à un ordinateur.
Si les économies d'échelle n'ont pas encore affecté l'agriculture autant que l'industrie
(chap. 5, section 3), des signes montrent cependant, tout au moins dans les pays occi-
dentaux, qu'elles prennent progressivement une grande importance. Si cette tendance
persiste, les théories de la localisation concernant l'agriculture et l'industrie vont
vraisemblablement s'unifier, à mesure que l'agriculture, imitant l'industrie, adoptera
une structure associant des inputs élevés à une superficie cultivée réduite. Les élevages
industriels de poulets illustrent cette convergence croissante de l'industrie et de
l'agriculture.
Des différences d'intensité de l'utilisation du sol, entre exploitations de tailles diffé-
rentes, sont déjà visibles. Mead (1953), décrivant l'agriculture finlandaise, constate
que deux faits importants sont en corrélation avec l'accroissement de la taille des
exploitations : la diminution de la surface totale cultivée et la tendance à la spécia-
lisation dans les « cultures d'exportation ». Une enquête sur les exploitations agricoles,
faite dans la région d'Helsinki en 1944, a montré qu'environ un tiers de la surface
était cultivé dans les petites exploitations familiales (celles de moins de 36 hectares)
contre un quart seulement dans les exploitations de plus de 250 hectares. Le reste
de la surface de l'exploitation était généralement boisé. A propos de la seconde corré-
lation, Mead montre que dans les petites exploitations une forte proportion des
céréales panifiables est consommée à la ferme (90 % dans les exploitations de moins
de 10 hectares), mais que cette proportion diminue rapidement en raison inverse
de la taille: dans les exploitations de plus de 50 hectares, elle tombe à 5 % environ.
Dans les régions tropicales, la liaison entre grande unité de production et spécialisation
dans les cultures d'exportation est un fait bien établi. A propos de Ceylan, Farmer
(1957) a décrit l' « économie dualiste» composée d'un secteur de plantations et d'un
secteur traditionnel. Waibel (1958) a proposé une dichotomie semblable à propos du
Brésil.
Les économies d'échelle peuvent être équilibrées par des avantages de situation.
Assez proche de la notion d' « agrégats» industriels (Florence, 1953) est l'augmen-
tation du nombre des producteurs agricoles spécialisés qui réalisent des économies
en organisant en commun la commercialisation de leurs produits. La Californie
constitue un exemple classique : cette région, nettement favorisée par le climat,
s'est installée au premier rang des fournisseurs d'agrumes du Nord-Est des États-
Unis. L'importance des expéditions et la normalisation des produits lui ont permis
d'obtenir des compagnies ferroviaires des tarifs avantageux; ainsi la Californie a pu
vendre moins cher que des régions plus proches du marché, mais produisant moins,
198
Les distorsions de gradients réguliers
199
;'
;,"'-" 1930
/
~1910
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100
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1941
1
1
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l
1871 1830
3
10
0 2 4 6 8 1800 1960
Distance, ~ partÎr du centre. en miles Temps
@) @
Pays occidentaux 1 Autres pays
--
Distance, à partir du centre, en miles
Fig. 6.14 - A. liaisons entre la distance et la densité: cas de Londres, de 1801 à 1941. - B. Évo-
-
lution de la population de Cleveland, États-Unis. - C, D. Comparaisons, dans le temps, entre
villes des pays occidentaux et villes des autres pays.
Sources: BERRY et al., 1963, pp. -«>0, -«>3; MACKENZIE, 1933.
essayé de définir des règles générales concernant l'évolution des gradients liée à la
croissance urbaine (périodes t 1 , t2 , ••. , tn ), pour les pays occidentaux (fig. 6.14 C)
et pour les autres pays (fig. 6.14 D).
200
Les distorsions de gradients réguliers
1 C B D
2 Industrie légère
3 Quartiers résidentiels de première catégorie
4 Quartiers résidentiels de deuxième catégorie
5 Quartiers résidentiels de troisième catégorie
6 Industrie lourde
7 Quartier d'affaires excentrique
8 Banlieue résidentielle
9 Banlieue industrielle
10 Zone de migrations quotidiennes
Fig. 6.15 - Relations entre zones et densité selon les modèles d'expansion urbaine:
modèle concentrique (A); modèle à secteurs (B); modèle polynucléaire (C).
Source: PRED, 1964, p, 167.
201
LES SURFACES
(e) une zone périphérique, d'où partent des migrations quotidiennes, et qui comprend
des banlieues et des villes-satellites. Burgess reconnaît que ce plan type annulaire
simple est, inévitablement, modifié par le relief, les voies de communication, etc.;
il considère néanmoins que chaque zone s'étend vers l'extérieur, en colonisant la
zone suivante, et que par conséquent l'extension radiale sur un large front est le
processus qui domine dans la formation du plan de l'aire urbaine.
Bien que les discussions sur le modèle de Burgess aient surtout concerné les zones
urbaines, il est également applicable aux zones rurales. Waibel (1958) a identifié
une série de zones qui se développent en demi-cercle autour des aires de colonisation
allemande ancienne, dans le Sud du Brésil. Au cours de 1'histoire de la colonisation
des Pampas argentines, des modes d'utilisation du sol de bon rapport (par exemple
la culture du blé) ont progressivement repoussé les modes d'utilisation de moi'ndre
rapport (par exemple l'élevage des moutons) vers les marges extérieures de la région
(James, 1959, pp. 324-355). La fusion du modèle statique de Thünen et du modèle
dynamique de Burgess pourrait fournir un instrument de description qu'il serait
intéressant d'appliquer à l'étude comparative de la colonisation européenne dans les
pays d'outre-mer (Thomas, 1956, pp. 721-762),
2° Hoyt (1939) a proposé un autre modèle spatial de croissance urbaine: le modèle
en secteurs (fig, 6.15 B). Cet auteur a été conduit par ses recherches sur le niveau des
loyers dans les villes américaines à soutenir que les différents types de zones résiden-
tielles tendent à croître en direction de l'extérieur, le long de rayons distincts, et que
le nouvel accroissement qui se produit sur l'arc extérieur d'un secteur tend à repro-
duire le caractère de l'accroissement précédent de ce secteur. Le modèle de Hoyt
constitue manifestement un perfectionnement du modèle plus ancien de Burgess,
en ce sens qu'il prend en considération à la fois la distance et la direction à partir du
centre de la ville; de ce fait, il répond à certaines des critiques faites contre le modèle
annulaire, par exemple celle liée au fait que le schéma de croissance de villes comme
Paris (Dickinson, 1964, pp. 144-152) est plutôt en étoile que circulaire.
Le modèle en secteurs est également applicable aux processus de croissance en milieu
rural. La figure 6.16 représente les périodes successives de l'expansion du front caféier,
dans le Sud-Est du Brésil (Monbeig, 1952; Stein, 1957); on y remarque la canalisation
de la zone de culture du caféier, le long de la vallée du Paraiba. La régularité de la
succession croissance-prospérité-abandon a suscité l'élaboration d'une variante du
modèle en secteurs, le modèle du « front creux» qui a remis en question ce que l'on
pensait de l'expansion du peuplement au Brésil (Haggett, 1961-A, p. 50). C'est par
une croissance en secteurs, définie à partir d'une ligne de base et non d'un centre,
que Sauer a interprété le développement des grandes zones agricoles de l'Est des
États-Unis; les caractéristiques des colons installés sur la ligne de base qu'était la
côte atlantique (des colons allemands en Pennsylvanie par exemple) ont été progres-
sivement transférées vers l'Ouest, à mesure que les pionniers pénétraient dans les
régions transappalachiennes.
3° Harris et Ullman (1945) ont proposé un modèle polynucléaire (fig. 6.15 C)
qui constitue une modification des deux modèles précédents, Selon ces auteurs, le
schéma de croissance est centré non sur un seul noyau urbain, mais sur plusieurs.
202
1830 1860
Fig. 6.16 - Suite d'étapes de trente ans dans la croissance et l'abandon (en
grisé) de la zone de culture du café, dans un carré échantillon (G = 4,5)
de l'État de Sao-Paulo, Brésil.
203
LES SURFACES
100
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Distance, en miles
204
Les distorsions dues au comportement sub-optimal
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"~{~ :, "i 34 - 40
'-'.' 28 - 34
-28
205
LES SURFACES
206
SECONDE PARTIE
Les méthodes
209
1. LES POPULATIONS GÉOGRAPHIQUES
L'une des difficultés qui, dans le passé, a constamment pesé sur la collecte de données
géographiques est la sujétion à l'égard des sources de seconde main. Parmi les caté-
gories d'information présentées sur le tableau 7.1, aucune n'est plus importante que
celle des « documents d'archives»; elle comprend à la fois l'information enregistrée
directement en deux dimensions (par exemple des cartes, des photographies aériennes)
et l'information qui peut être transposée directement en deux dimensions (par exemple
des recensements). Il est difficile de faire des estimations précises, mais un contrôle
rapide des recherches de ce type publiées dans les revues de géographie au cours des
cinq dernières années permet de penser que cette source d'information représente
plus de 95 % de nos travaux.
TABLEAU 7.1
Sources d'information
Modèles Modèles
mathématiques analogiques
Mesures Observations
quantitatives qualitatives
1---1 1
210
Les populations géographiques
Une population (on dit aussi, parfois, un univers) peut être définie comme une col-
lection quelconque, finie ou infinie, d'objets particuliers (Kendall et Buckland, 1957,
p. 222). Une population géographique est donc une collection d'objets qui ont en
commun une certaine caractéristique géographique. Ainsi, on peut considérer les
comtés des États-Unis (non compris l'Alaska et les Hawaï) comme une population
211
LA COLLECTE DES DONNÉES
Définitions opérationnelles
212
Les populations géographiques
NATURE DU PROBLÈME
Alexander (1963, p. 528) a montré que ce qu'on entend par « habitat urbain»
varie considérablement d'un pays à l'autre : au Danemark, on compte comme
urbaines toutes les unités d 'habitat de 250 habitants ou plus, tandis qu'en Espagne
et en Suisse on ne compte comme urbaines que celles de 10000 habitants ou plus.
En ce qui concerne les États-Unis, le Bureau du recensement publie des données pour
quatre types différents d' « aires de caractère urbain » (urban-like areas) qui sont
rangées approximativement d'après leur importance : 1° la localité urbaine (urban
place), c'est-à-dire n'importe quelle localité de 2500 habitants ou plus; 2° la munici-
palité urbaine (incorporated city), c'est-à-dire la ville de 2 500 habitants ou plus qui
constitue une entité politique particulière; 3° l'aire urbanisée (urbanized area), qui
est centrée sur une ville de 50 000 habitants ou plus et qui inclut la frange urbaine
entourant chaque ville; 4° l'aire métropolitaine (standard metropolitan area) qui
englobe un groupe de comtés contenant au moins une ville de 50000 habitants ou
plus, et dont la plus grande partie de la surface a un caractère non urbain.
Ces quatre catégories débordent largement l'une sur l'autre et ne s'excluent pas
mutuellement. Chacune donne une image différente de ce qu'est le paysage urbain
aux États-Unis, et chacune est valable dans des conditions particulières. A vrai dire,
comme l'ancienneté de la documentation diffère d'un type à l'autre, ce fait détermine
souvent le choix effectif de la définition à employer. On dispose généralement, pour
les municipalités, de données remontant à 1900, alors que pour les aires métropoli-
taines la documentation date d'après la seconde guerre mondiale, et pour les aires
urbanisées, seulement d'après 1950. En Grande-Bretagne, le problème de la défi-
nition de la ville est tout aussi ardu; Dickinson (1963, p. 68) a prouvé, par exemple,
que Liverpool peut être soit plus grande soit plus petite que Manchester, selon la
façon dont chacune des deux villes est délimitée.
Selon Davis et son groupe (International Urban Research, 1959, pp. 6-7), la ville
« naturelle» (c'est-à-dire l'aire urbanisée) peut être mal représentée, dans les recen-
sements, selon diverses façons présentées sous forme de schémas sur la figure 7.1;
la ville « naturelle» est en grisé et les unités statistiques du recensement sont marq uées
par des limites en trait plein.
Le premier de ces trois types de découpage (fig. 7.1 B) est celui de la ville « trop
étroitement délimitée » : les limites définies dans les statistiques sont plus étroites
que l'aire urbaine; en conséquence, celle-ci peut ne pas être séparée des districts ruraux
environnants, ou être démembrée entre d'autres villes définies dans les statistiques.
De tels types « trop étroitement délimités» se rencontrent couramment en Australie,
où de grandes aires urbaines sont divisées en municipalités, comtés, conseils, etc.
Ainsi, Sidney proprement dite n'avait que 193 100 habitants en 1955, alors que
l'ensemble de l'aire urbaine avait 1 869000 habitants.
Le deuxième type de découpage (fig. 7.1 A) est celui de la ville « trop largement
délimitée» : les limites définies dans les statistiques sont plus larges que l'aire urbaine
et peuvent contenir plus d'une aire urbaine. Aux Philippines, les limites administratives
et statistiques de la plupart des « villes» englobent à la fois de vastes zones rurales
213
~\
•
Fig, 7,1 - A, B, C. Relations possibles entre des unités statistiques et l'aire urbanisée
d'une ville. - D. Limites des communes dans un carré échantillon (G = 6,6)
du centre des Chiltern Hills, dans le Sud de l'Angleterre. - E. Terres qui sont
mal classées si on utilise les limites représentées en D.
Source: COPPOCK, 1960, p. 318.
TENTATIVES DE SOLUTION
Le problème de la normalisation des définitions des villes n'est pas résolu. Parmi les
solutions partielles qui ont été proposées, l'une des plus complexes est celle que le
Bureau du recensement des États-Unis (United States Census Bureau) utilise pour
définir les Standard Metropolitan Areas ou S.M.A., et qui tient compte de la densité
de population, des fonctions et du degré d'intégration (Office of Statistical Standards,
1958). La S.M.A. doit contenir au moins une ville de 50000 habitants ou plus, qui
constitue le noyau central. S'y ajoutent les comtés limitrophes qui ont un caractère
214
Les populations géographiques
215
2. LES PROBLÈMES DE « COUVERTURE ))
216
Les problèmes de « couverture»
LA TAILLE DE L'ÉCHANTILLON
Plus un échantillon est grand, plus il a de chances de donner une idée exacte de
la population de laquelle il est tiré. La figure 7.2 montre l'exemple de deux échantil-
lons aléatoires de la proportion de terrains boisés dans les Midlands (Angleterre)
(Haggett, 1963, p. 112) : à mesure que la taille de l'échantillon (en abscisse) augmente,
la moyenne d'échantillon cumulée (en ordonnée) fluctue d'abord quelque peu, puis
se stabilise autour de la moyenne de la population, qui est comprise entre des limites
indiquées par les deux droites en tireté. Cependant, la liaison n'est pas simple ou
linéaire; à mesure que la taille de l'échantillon s'accroît, la précision augmente rapi-
dement tout d'abord, plus lentement ensuite, presque conformément à la loi des
rendements décroissants.
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5 10
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w ~ 0 20 40
Nombre de cases de l'échantillon
217
Nombre d'observations limites de confiance à 95 %
(taille de l'échantillon) - - - - - - - - - - - - - de la proportion calculée
±O,Ol
5 000
1
1
~_----ï ± 0,02
1
1
1
1000
~ __---'I 1
± 0,03
1
~ _ _- - - - - , ± 0,04
500 1
~ -:I ± 0,05
1
1
__- - - - - , ± 0,06
~ __----± 1
0,07
100 :;::-1
:,:::'::\
50
::29:~n.}\
...... .
Si P ~ 0,2 et si la taille de
"échantillon est n = 250, dans
U1. sondage aléatoire à un degré.
,,' les limites de confiance à 95 %
Zone
dangereuse de la proportion calculée sont :
0,2 ± 0,05 ~ 0,15 et 0,25
218
Les problèmes de «couverture}}
P = 80 / 200 = 0,40.
Un ensemble de courbes est tracé sur le graphique. Chacune représente les limites
de confiance à 95 % de la proportion calculée; ces limites vont de ± 0,005 à ± 0,07.
Pour l'estimation « 40 % de terrain boisé» calculée sur 200 observations aléatoires,
les deux coordonnées (40 et 200) sont celles d'un point situé sur la courbe ± 0,07.
Ceci signifie que la véritable proportion de terrain boisé a 95 chances sur 100 d'être
comprise entre 0,33 et 0,47. Il Ya aussi, évidemment, une faible probabilité, 5 chances
sur 100, pour qu'elle soit en dehors de ces limites.
Si on augmente le nombre d'observations, ces limites de confiance se rapprochent.
Par exemple, avec 600 observations, les limites sont ± 0,04; avec 2000 observations,
elles sont ± 0,02. Cette liaison apparaît sur le graphique si on trace une droite parallèle
à l'axe des ordonnées, et si, en lisant de bas en haut, on note ses intersections avec
les courbes représentant des limites de confiance.
Il est évidemment dangereux d'estimer une proportion, soit lorsque la taille de
l'échantillon est trop petite, soit lorsque la proportion estimée est trop petite. Sur la
figure 7.3, la zone en grisé située dans la partie inférieure gauche du graphique repré-
sente la zone dangereuse (toujours pour le seuil de confiance de 95 %) où la limite
de confiance inférieure tombe au-dessous de zéro. Comme ceci entraîne une impos-
sibilité (on ne peut pas concevoir une proportion inférieure à zéro de terrains boisés),
il faut augmenter le nombre d'observations, ou accepter un seuil de confiance plus
bas. Comme Cochran (1953) l'a fait remarquer, l'emploi du sondage aléatoire en vue
de déterminer la proportion d'une modalité rare (par exemple les surfaces bâties,
dans une enquête sur l'utilisation du sol dans une zone rurale) ressemble à la recherche
d'une aiguille dans une botte de foin. Dans de tels cas, d'autres procédés de sondage,
plus complexes, peuvent être plus adéquats.
219
LA COLLECTE DES DONNÉES
TABLEAU 7.2
Systèmes de collecte
~ des données ~
Sondage par
choix raisonné
j Enquête complète
Sondages
220
Les problèmes de «couverture»
• ll. •. ~..::·.:·.
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• • •
• • • • ® • 1 •
Fig. 7.4 - Plans de sondage divers: aléatoire à un degré (A); aléatoire stratifié
(B); systématiq ue (C); systématique stratifié sans alignement (D).
Sources: KRUMBEIN, 1960, p. 361; BERRY, 1962, p. 7.
2 0 Sondage stratifié (OU avec stratification préalable) : la surface étudiée est divisée
en secteurs naturels (labours, terrains boisés, etc.) et les individus de l'échantillon
sont tirés, indépendamment, de chaque secteur. A l'intérieur de chaque secteur,
la localisation des points est déterminée par le même procédé aléatoire que dans le
sondage aléatoire à un degré. La figure 7.4 B représente un échantillon de ce genre,
comprenant vingt-quatre points. Dans cet exemple, on a pris dans chaque secteur un
nom bre d'individus proportionnel à sa surface : seize points dans le secteur de gauche
221
LA COLLECTE DES DONNÉES
(deux tiers de la surface totale) et huit points dans le secteur de droite (un tiers de la
surface totale). Cette méthode a été souvent employée dans la recherche géographique,
notamment par Wood (1955) dans une étude sur l'utilisation du sol dans l'Est du
Wisconsin (États- Unis).
3° Sondage systématique : on définit une grille de localisations régulièrement
espacées; il ya un individu en chaque localisation. La figure 7.4 C représente un cas
simple, comprenant vingt-cinq individus. La grille ici est un quadrillage et forme des
angles droits avec les côtés de la surface étudiée. L'origine de la grille est décidée
par tirage au hasard d'un point de la surface étudiée.
4° Sondage systématique stratifié sans alignement (fig. 7.4 D) : il s'agit d'un plan de
sondage mixte, élaboré par Berry (1962, p. 7) à partir des méthodes précédentes. Il
cumule les avantages théoriques du tirage aléatoire et de la stratification, et les avan-
tages pratiques des sondages systématiques. En évitant l'alignement des points, il
évite aussi la possibilité d'erreur causée par l'existence de périodicités dans les phéno-
mènes étudiés. Sa construction est représentée sur la figure 7.5, où la surface étudiée
~
•
10 ®
x constante
Point-origine
de la grille 1
y variable
....
n(
- - r- - -
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• o
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o
y constante
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• o
Point-origine
o
~_+-_-t-de la grille Il
o
o
• • •
•
Axe des x
222
Les problèmes de « couverture»
TABLEAU 7.3
Source: B. J. L. BERRY, Sampling, Coding, and Storing Flood Plain Data, 1962, pp. 10-11.
223
LA COLLECTE DES DONNÉES
stratifié: sa variance est 21,5 fois plus faible que celle de l'échantillon aléatoire à un
degré, et 5,6 fois plus faible que celle de l'échantillon aléatoire stratifié.
Berry a également appliqué ces tests comparatifs à un second secteur, d'environ
45 miles carrés (Montfort). Ici, les différences d'efficacité sont moins impressionnantes,
mais l'ordre reste le même: d'abord l'échantillon systématique stratifié sans aligne-
ment, puis l'échantillon aléatoire stratifié, puis l'échantillon aléatoire à un degré.
Le fait que les chiffres obtenus sont beaucoup plus grands dans le cas de Montfort
que dans le cas de Coon Creek peut s'expliquer parce que les types de structure spatiale
ne sont pas les mêmes - grandes parcelles boisées dans le cas de Coon Creek, petites
parcelles cultivées dans le cas de Montfort. Haggett et Board (1964) ont montré que
la précision des estimations de surfaces d'utilisation du sol fondées sur des échantillons
varie en fonction de la proportion de la surface qui est couverte par le phénomène
étudié, et en fonction du degré de fragmentation de cette surface.
Dans cette discussion des divers plans de sondage possibles, on a supposé que l'unité
de sondage était le point. Deux autres formes géométriques peuvent également être
appliquées : l'unité de sondage à deux dimensions ou quadrat (élément d'une grille,
généralement d'un quadrillage) et l'unité de sondage linéaire ou transect. Transects
et quadrats ont été utilisés traditionnellement dans des études géographiques, notam-
ment par Platt (1959), mais ce sont les botanistes qui en ont fait le plus grand usage
sur le terrain. Le quadrat, qui est la forme d'unité de sondage la plus couramment
employée en botanique, est habituellement de forme carrée, et sa taille varie de
quelques centimètres à plusieurs mètres. Comme le montre la figure 7.6, cette variation
.~:.::
-. : :.
. AD
224
Les problèmes de « couverture»
de la taille du quadrat a une influence notable sur les résultats obtenus (Kershaw,
1964, p. 30), mais on peut utiliser les fluctuations des résultats pour obtenir des infor-
mations importantes sur l'échelle de la distribution étudiée (Greig-Smith, 1964,
pp. 54-93). Des techniques semblables de décomposition des répartitions géogra-
phiques en composantes d'échelle sont discutées au chapitre 9.
Haggett (1963) a comparé l'efficacité du point, du quadrat et du transect pour la
détermination de la proportion de couvert forestier dans l'Ouest des Midlands, à
partir de cartes de l'Ordnance Survey. Dans cette région où il n'existe guère de couvert
forestier (environ 5 % de la surface du so1), la précision de la méthode des transects
(mesure de la longueur des intersections le long de lignes transversales) était bien
supérieure à celle des deux autres méthodes. Il serait intéressant de pousser plus loin
cette recherche sur les échantillons obtenus par transects, tant sur les cartes que sur le
terrain.
On dispose de nos jours de plus d'informations sur la surface de la terre qu'en toute
autre période antérieure. Le petit ruisseau de cartes et de recensements disponible
au début du siècle est devenu une rivière qui semble grossir exponentiellement de
décennie en décennie. Mais cette croissance est inégale, de sorte que les contrastes
interrégionaux tendent à devenir de plus en plus vifs dans le domaine de l'information.
Berry (in Ginsburg, 1961, p. 110) a même montré qu'un bas niveau de la documentation
va de pair avec l'état de sous-développement, au point qu'il semble exister une
liaison directe entre le développement économique et l'information. Même en ce qui
concerne la densité de population, des observations concernant le Brésil (fig. 2.15)
donnent à penser que les circonscriptions dans le cadre desquelles les données sont
enregistrées forment un filet à mailles beaucoup plus fines dans les régions de peuple-
ment dense que dans les régions relativement vides.
Les comparaisons entre époques différentes se heurtent aussi à des difficultés. Le
fait même de l'amélioration de l'information peut rendre impossibles des comparaisons
avec des périodes antérieures. La figure 2.13 montre, par étapes successives de trente
ans, la progression du découpage administratif d'une région où la population a
augmenté rapidement. On connaît beaucoup plus en détail cette région pour la dernière
période (1960) que pour la première (1870), mais le degré de précision d'une compa-
raison dépend uniquement du découpage administratif le moins poussé, c'est-à-dire
de celui de 1870. Dickinson (1963) a présenté des exemples de problèmes semblables
de découpage administratif et de changement de limites concernant l'Angleterre et
le Pays de Galles, et Hall (1962) a noté l'existence de ces problèmes en retraçant le
développement industriel de Londres à partir des données des recensements. En ce qui
concerne la couverture cartographique, Langbein et Hoyt (1959) ont montré que,
même aux États-Unis, il existe quelques lacunes curieuses, tant en ce qui concerne
l'étendue de la couverture que la mise à jour; les régions sommairement cartographiées
sont révisées moins souvent; la figure 7.7 représente la progression relative de la carto-
graphie de ce pays.
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Tendance des comtés .....
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1900 1950
Fig. 7.8 - Contrastes produits par les différences de taille des unités de collecte: A. Pour-
centages de terres arables supérieures à 50 % de la surface totale, dons le district d' Amer-
sham (Sud de l'Angleterre) (G = 6,6), calculés par fermes (en noir) et par communes
(en grisé). - B. Indices de concentration de la population, aux États-Unis; calcul par
comtés et par États.
Sources: COPPOCK, 1960, p. 321; DUNCAN, CUZZORT, et DUNCAN, 1961, p. 86.
227
LA COLLECTE DES DONNÉES
pour les deux villes. Des comparaisons dans le temps présentent des contrastes encore
plus frappants: la population des États-Unis paraît devenir plus concentrée si on la
calcule par comtés, plus dispersée si on la calcule par États (fig. 7.8 B).
TABLEAU 7.4
DENSITÉS DE POPULATION URBAINE, CALCULÉES DANS LE CADRE
DE DIVERSES UNITÉS DE RECENSEMENT EN 1950
A -
x.
2 1 A -
x-
20 A - 2 1
1
@
2 1 2 x - 2
1 1
Y - 4 1 y - 4 y 4
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1
A - 4 A - 8
A- 2 1
A- 2 A • ? 1 x 2 x- 2
1 1 y 4 y 4
x' 2 X- 2 X - 2
1 1
Y - 4 y 4 Y -4
1 1
----.,----- '- - ---r - - - - ----r----
A - 2 1 A - 2 A - 2
1
A A - 2 1 A - 2
2
x-4 1 X - 3 1 1
X 4 X 3 X - 4 X - 3
Y- 6
1
1
Y - 8 y - 6 1
1
y 8 y - 6 ,
1
- "6
Fig. 7.9 - « Régions» prises comme exemples pour une analyse de corrélation montrant l'effet
de changements de limites sur les coefficients de corrélation (r).
Source : ROBINSON, 1956, p. 234.
elles diffèrent seulement par le fait qu'elles sont plus ou moins subdivisées: le nombre
des divisions va de six (de taille égale) dans le premier cas à trois (de taille inégale)
dans le troisième cas. A partir des valeurs de x et y, on peut calculer le coefficient
228
L'irrégularité des unités spatiales de collecte
de corrélation r (Kendall et Buckland, 1957, p. 67) pour chacune des trois régions;
on obtient les valeurs + 0,715 (fig. 7.9 A), + 0,875 (fig. 7.9 B) et + 0,500 (fig. 7.9 C).
Il est clair que la valeur exacte du coefficient varie en fonction du degré de division,
bien que la distribution de x et de y soit la même dans les trois régions.
Comparer des mouvements soulève des difficultés semblables; le tableau 7.5 fait
apparaître des différences frappantes entre la Belgique et les Pays-Bas, en ce qui
concerne la proportion de migrants quotidiens en 1947 (Chisholm, 1960, p. 187).
TABLEAU 7.5
A première vue, le contraste est manifeste. Mais si on considère d'une part les divisions
administratives pour lesquelles les chiffres sont calculés, d'autre part la définition
du migrant quotidien retenue pour les recensements, les différences commencent à
apparaître moins décisives. L'unité qui sert de base de calcul pour les Pays-Bas, la
gemeente, a une surface moyenne trois fois plus grande que l'unité belge, la commune.
En outre, à cause de la façon dont le migrant quotidien est défini dans les recensements
(un travailleur qui sort de l'unité territoriale dans laquelle il réside), plus l'unité de
collecte est petite, plus est grand l'effectif total apparent des migrants quotidiens.
Si l'on n'y prend garde, il est probable que de tels effets de « mirage» se produiront
plus couramment, à mesure qu'un plus grand nombre d'études quantitatives seront
faites par des géographes à partir de sources statistiq ues de seconde main. Le statis-
ticien M. G. Kendall a même donné l'avertissement suivant: pour certains coefficients
d'association géographique (cf pp. 263-265), on peut obtenir n'importe quelle
valeur choisie à l'avance, en jonglant avec les limites des unités de collecte
(Florence, 1944, p. 113). La question reste ouverte de savoir si des cartes médicales
détaillées (par exemple celles de Murray, 1962), où les indices de mortalité sont minu-
tieusement normalisés en ce qui concerne l'âge et le sexe, ne devraient pas être
également normalisées en ce qui concerne la taille des unités spatiales de collecte
dans le cadre desq uelles ils sont calculés. Il faut certainement s'assurer de nouveau
que certaines des zones qui, représentant de petits foyers de maladie dans le Lan-
cashire et le Yorkshire, apparaissent « malsaines » sur ces cartes, ne doivent rien
à la fragmentation du système de circonscriptions administratives locales.
229
LA COLLECTE DES DONNÉES
Les comparaisons entre régions peuvent être plus ou moins faussées, selon la varia-
bilité des unités spatiales de collecte des données. MacCarty (MacCarty, Hook et
Knos, 1956, pp. 8-19) a étudié la variabilité de la surface des deux principales unités
statistiques des États-Unis (États et comtés) (tableau 7.6). En ce qui concerne les États,
les mesures de surface s'étendent de 71 289 miles carrés (Texas) à 289 miles carrés
(Rhode Island); les mesures sont fortement groupées autour de la surface moyenne,
qui est à peu près égale à 61 000 miles carrés. Quant aux 3074 comtés, MacCarty
les a numérotés en série, après avoir rangé les États dans l'ordre alphabétique, et en
a tiré 100 par la méthode des nombres au hasard. Dans cet échantillon, la différence
relative entre le plus grand comté et le plus petit est moins grande que dans le cas des
États: le comté de San Bernardino, en Californie (20 160 miles carrés) n'est qu'environ
200 fois plus grand que le comté d'Ohio, en Virginie occidentale, qui est le plus petit
(109 miles carrés). Dans le cas des États, le rapport correspondant est presque égal à
300. D'autre part, les comtés sont moins fortement groupés autour de la valeur
moyenne, et le coefficient de variation est plus de deux fois plus grand.
Quand on emploie, dans des études de corrélation, des valeurs correspondant à des
unités spatiales de collecte, des surfaces peuvent souvent se trouver traitées comme des
points. Ainsi, on peut employer des données, collectées par comtés, relatives à une
variable x (par exemple des aciéries) et à une seconde variable y (par exemple des
usines de construction d'automobiles), et les mettre en rapport par une série de tests
statistiques (chap. 10, section 2). Il est donc pertinent d'essayer de mesurer le degré
de « contraction» qu'entraîne le fait de considérer. des surfaces comme des points.
MacCarty a essayé de mesurer la contraction, en supposant que toutes ses unités
spatiales étaient carrées. Cette hypothèse étant posée, on peut prouver que la distance
moyenne entre toutes les paires possibles de points, à J'intérieur d'un carré, est donnée
TABLEAU 7.6
États Comtés
Nombre de circonscriptions . 48
Caractéristiques de surface (en miles carrés)
Moyenne arithmétique . 60757 1 356
Écart-type . 46861 2486
Coefficient de variation 67 % 183 %
Écartement moyen (en miles) 118 16
1. États-Unis, 1940.
2. Échantillon aléatoire.
230
L'irrégularité des unités spatiales de collecte
par une formule qui tient compte directement des surfaces A, c'est-à-dire
Des exemples montrent que l'on peut ainsi obtenir les mêmes résultats, indépen-
damment du mode de division de la région. En employant des formules pondérées
pour le calcul du coefficient de corrélation, Robinson trouve des valeurs identiques
(r = + 0,715) pour chacune des trois « régions» de la figure 7.9.
Au premier abord, ceci semblerait la solution idéale. Il est certain que, si on calcule
des moyennes, des rapports ou des densités, dans le cadre de chaque circonscription,
cette formule fournit une correction de surface sûre, pour cette simple raison qu'elle
fait disparaître la surface: il est évident qu'en prenant un indice tel que la densité
de population par mile carré et en le multipliant par un facteur de pondération qui
est la surface (c'est-à-dire par des miles carrés), on revient au point de départ: la
231
LA COLLECTE DES DONNÉES
population. Cependant, comme Duncan le fait remarquer (Duncan et al., 1961, p. 47),
un point est moins clair: comment pondérer selon des surfaces quand les indices ne
sont pas calculés à partir de surfaces?
TABLEAU 7.7
232
L'irrégularité des unités spatiales de collecte
Dans ce cas, les comtés, qui étaient 126 à l'origine, ont été assemblés en 24 groupes
de comtés, mais la perte de détails (81 %) était moindre que l'augmentation d'unifor-
mité (89 %) mesurée par comparaison des coefficients de variation. Quand les unités
de collecte sont toutes bien régulières, comme dans le cas des comtés du Middle
West américain (Weaver, 1956), la méthode n'est guère justifiée.
On pourra faire et tester plus vite ces assemblages quand des programmes d'ordi-
nateurs auront été élaborés pour la vérification rapide de toutes les possibilités de
combinaison et recombinaison d'unités contiguës. Eu égard à l'énormité du nombre
de combinaisons possibles, il n'est pas certain que celles qu'on a employées jusqu'à
présent soient les meilleures, du point de vue de l'uniformité de la taille des unités
spatiales obtenues.
Les problèmes posés par l'inégalité des unités statistiques spatiales peuvent aussi
être réglés par l'élimination des unités aberrantes. Comme le tableau 7.8 le démontre,
le coefficient de variation calculé pour l'échantillon de 100 comtés pris par MacCarty
(MacCarty et al., 1956, p. 13) est réduit si on supprime le plus grand comté, celui
de San Bernardino. Si on élimine les quatre plus grands comtés (qui ont tous des
surfaces supérieures à 500 miles carrés), l'échantillon de 96 comtés restant présente
un coefficient de variation égal à 119 seulement. Ces résultats permettent de penser
que des améliorations peuvent être apportées par élimination des unités spatiales
aberrantes par leur grande taille, mais que le degré d'amélioration suit la loi des rende-
ments décroissants; autrement dit, les avantages à attendre de cette méthode dimi-
nuent assez vite, une fois que les valeurs exceptionnelles ont été éliminées. Le point
à partir duquel les avantages de la normalisation sont contrebalancés par la dimi-
nution de la taille de l'échantillon est à décider dans chaque cas.
TABLEAU 7.8
L'EMPLOI DE GRILLES
Une des difficultés auxquelles on se heurte, quand on a affaire à des unités spatiales
. de collecte regroupées, est que les groupements ont eux-mêmes des formes, sinon des
tailles, très irrégulières. C'est pourquoi on a essayé de recueillir les informations,
233
LA COLLECTE DES DONNÉES
Fig. 710 - CarIes, faites par ordinateur, représentant la distribution de quatre espèces
végétales par carrés de 10 x 10 km, dans le Sud de la Grande-Bretagne (G = 3,8).
Source: PERRING et WALTERS, 1962.
(Walters, 1957). Ceci mérite d'être pris en considération, à une époque où s'accroît
la production de cartes directement à partir de données mises sur rubans perforés
(Tobler, 1959). Ce système permet d'établir très facilement des comparaisons entre les
données initiales et la distribution de facteurs déterminants. II permet aussi de faire
de la micro-analyse, en divisant les carrés primitifs en carrés plus petits, ou de la
macro-analyse, en combinant les carrés en unités plus grandes.
Dans les deux exemples cités, les données étaient soit collectées directement dans le
cadre d'une grille régulière, soit localisées avec précision, ce qui permettait de les
affecter à tel ou tel carré de la grille. Lorsqu'on ne dispose de données que dans le
234
L'irrégularité des unités spatiales de collecte
cadre de circonscriptions administratives irrégulières, leur report à une grille est plus
compliqué. Robinson, Lindberg et Brinkman (1961, p. 214) ont employé une grille
hexagonale régulière dans une étude sur les tendances de la population dans les
Grandes Plaines des États-Unis (fig. 7.11). Pour reporter les données recueillies par
comté dans les cases de la grille, ils ont mesuré la proportion de la surface de chaque
hexagone que constituait chaque comté et multiplié cette proportion par la densité
de population du comté. La somme des chiffres ainsi obtenus donnait la densité de
population moyenne de l'unité hexagonale.
Fig. 7.11 - A. Grille hexagonale utilisée dans le Nord des Grandes Plaines (États-Unis)
(G = 2,9). - B. Détail de la grille, dans le Centre du Kansas (G = 4,4) montrant les rapports
entre la grille et les limites de comtés.
Source: ROBINSON, L1NDBERG el BRINKMAN, 1961, p. 214.
La figure 7.11 B montre un hexagone qui, centré sur le comté de Rice (Kansas),
inclut entièrement ce comté et le comté adjacent d'Ellsworth. II inclut aussi des parties
de sept autres comtés adjacents. Si on suppose que les densités moyennes de popu-
lation rurale agricole calculées pour chaque comté (les chiffres sont indiqués sur la
carte) sont valables, uniformément, sur toute la surface du comté, on peut multiplier
chacune de ces valeurs par un pourcentage égal à la proportion de la surface de 1'hexa-
gone représentée par le comté. Par exemple, le comté de MacPherson a une densité
de 9,1 habitants par mile carré, et constitue 12 % de la surface de l'hexagone: sa
contribution à la densité résultante de l'hexagone est égale à : 9,1 x 0,12 = 1,09.
La somme des produits ainsi calculés pour chaque comté donne, pour l'ensemble
de l'hexagone, une densité égale à 5,94 (tableau 7.9).
Cette méthode a été utilisée d'abord par Thiessen, en 1911, pour calculer les préci-
pitations moyennes sur les bassins-versants; son exactitude repose sur deux préalables:
1° l'uniformité de la densité de population (ou tout rapport ou indice semblable)
dans tout le comté; 2° le nombre des comtés rassemblés dans chaque hexagone.
Lorsque chaque hexagone contient un certain nombre de comtés entiers, l'hypothèse
d'uniformité devient moins limitative, car les comtés « fractionnés» entrent pour
235
TABLEAU 7.9
Densité de popu-
Proportion de Produit
Comtés lation rurale agricole
(a)
l'hexagone (b) a x b
1. Le centre de l'hexagone est dans le comté de Rice, au centre du Kansas (États-Unis, 1950).
une moins grande part dans le calcul de la valeur globale. Encore une fois, il s'agit
d'un problème d'optimisation, qu'il est possible de résoudre" par programmation
linéaire, et dans lequel jouent d'une part la taille de chaque unité de la grille (pour
laquelle on obtient un résultat d'autant plus sûr qu'elle est plus grande), d'autre part
le nombre de ces unités (nombre qu'il s'agit d'augmenter, en diminuant la taille des
hexagones).
L'AJUSTEMENT DE SURFACES
Il est évident que les méthodes précédentes (assemblage, élimination, grille géo-
métrique) entraînent obligatoirement une certaine perte de détails car les unités
obtenues après transformation sont moins nombreuses que les unités primitives. Le
problème suivant a été récemment posé: comment faire des cartes qui, après géné-
ralisation, conservent tous les points directeurs initiaux? On a pris conscience de ce
problème d'abord en météorologie, où les types de temps généraux doivent être carto-
graphiés à partir de stations d' 0 bservation dont la répartition est irrégulière et la
localisation souvent particulière (Holloway, 1958), et dans la prospection pétrolière,
où l'on peut avoir à cartographier les caractéristiques d'un bassin ou d'un faciès
à partir de renseignements obtenus par des puits ou des forages irrégulièrement
répartis. Krumbein (1959-8) a expliqué à l'aide d'exemples comment on peut utiliser
l'ordinateur pour calculer une formule algébrique décrivant la surface moyenne qui
« s'ajuste» le mieux aux points directeurs irrégulièrement répartis. Cette surface
polynomiale de « meilleur ajustement» emploie toutes les observations disponibles,
et en tire une image généralisée; elle est particulièrement importante quand il existe
236
L'irrégularité des unités spatiales de collecte
des lacunes dans la répartition spatiale des observations; par exemple, Whitten (1959)
l'a employée pour compléter la « stratigraphie fantôme» de zones cristallines non
relevées. Ses potentialités sont énormes en ce qui concerne la géographie humaine
(Chorley et Haggett, 1965-B) : les surfaces généralisées, de densité de population
par exemple, peuvent être calculées à partir d'une répartition très irrégulière des
« points directeurs », c'est-à-dire des centres de gravité des unités spatiales de collecte
irrégulières. Des exemples d'application de ce type d'analyse sont donnés au chapitre 9
(pp. 303-309).
237
Chapitre 8 La
les
description de la localisation absolue
systèmes cartographiques
La description de la localisation relative
les indices statistiques
LA DESCRIPTION
238
1. LA DESCRIPTION DE LA LOCALISATION ABSOLUE: LES SYSTÈMES
CARTOGRAPHIQUES
Pour décrire la localisation absolue de données, l'une des méthodes les plus com-
modes et les plus couramment employées consiste à recourir à l'un des systèmes carto-
graphiques traditionnels. A vrai dire, le rôle des cartes et de leur analyse dans l'ensei-
gnement de la géographie, à l'école et à l 'U niversité, est si important qu'il est présomp-
tueux de tenter une présentation en un demi-chapitre. Mais d'excellents travaux
existent, qui exposent les systèmes cartographiques, notamment ceux de Robinson
(1960) et de Schmid et MacCannell (1955). Nous exposons ici quelques-unes des
difficultés d'utilisation des cartes traditionnelles pour décrire les schémas de localisa-
tion, notamment celles qui proviennent du niveau de mesure des données initiales,
du nombre des composantes à représenter sur la carte, et des problèmes familiers
d'échelle et de projection.
Les types de cartes que les géographes peuvent dessiner sont directement subor-
donnés au niveau de mesure des données. La notion de « niveau de mesure» a des
applications fondamentales en statistique (tableau 10.5), mais son importance pour
la cartographie n'a généralement pas été perçue. Le principe de base de la théorie de
la mesure est qu'il existe quatre échelles - les échelles nominale, ordinale, d'inter-
valles et de rapports - dont les propriétés sont radicalement différentes (Siegel, 1956,
pp. 21-30).
Le niveau de mesure le plus bas est celui de l'échelle nominale ou classificatoire:
les nombres ou les symboles employés servent uniquement à identifier des objets
(par exemple des types d'utilisation du sol: bois, champs, etc.). La seule propriété
formelle des éléments d'une telle classe est l'équivalence (=), et la gamme d'opérations
cartographiques possibles est très limitée; la carte « nominale » (qualitative) n'est en
général qu'une mosaïque de secteurs différemment colorés ou grisés, chaque nuance
de grisé ou de couleur représentant une classe bien définie.
AI' échelle ordinale, nombres et symboles sont utilisés à la fois pour identifier des
objets et pour décrire leurs relations avec d'autres objets. Quand on identifie une route
comme « route de classe B » en Grande-Bretagne, non seulement on emploie un
symbole pour identifier une classe de route, mais on la met dans une certaine relation
(une « relation d'ordre ») avec d'autres routes placées à un échelon supérieur (par
exemple les autoroutes et les routes de classe A) ou inférieur (par exemple les routes
secondaires). 11 existe une différence formelle entre les échelles nominale et ordinale:
la seconde possède non seulement la relation d'équivalence (=) mais aussi la relation
« plus grand que » ou « plus petit que ». Les échelles ordinales se rencontrent couram-
ment dans les conventions cartographiques, où des symboles de taille différente
servent à indiquer des unités de peuplement classées selon leur taille (par exemple :
ville, bourg, village, hameau); ou des voies ferrées de classes différentes; ou des zones
d'agriculture plus ou moins intensive (par exemple: classe l, classe II... , classe n).
239
LA DESCRIPTION
240
@ ® ©
o o o 7 6 03 47 43 73
o 15 12 4 10 97 74 24 67
o o 3 13 9 5 \6 76 62 27
o o 2 8 14 16 12 56 85 99
Fig. 8.1 - Rapports entre les échelles de mesure nominale (A), ordinale (B) et de
rapports (C) et les isarithmes. Les surfaces situées au-dessus de la valeur moyenne
sont en grisé.
l'incidence de l'abaissement des niveaux de mesure, et la part d'erreur qui leur est
inhérente.
241
LA DESCRIPTION
la dimension z, consiste à employer des courbes d'égale valeur. Il est clair que des
cartes ainsi faites présupposent que la répartition est une variable continue; mais,
comme Warntz (1959) l'a montré, il est très avantageux, du point de vue théorique et
du point de vue pratique, de considérer ces variations comme continues, même si,
dans la réalité, elles apparaissent discontinues. A vrai dire, ce n'est pas la réalité, mais
plutôt le choix de l'échelle et du modèle particulier à tester qui conduit à considérer
la population soit comme formée de « quanta» discrets, soit comme un « potentiel»
continu.
Trois problèmes se posent à propos de l'interprétation des cartes en isarithmes :
le nombre des isarithmes, leur espacement, leurs rapports avec le système de points
directeurs.
Sur les cartes topographiques, les courbes de niveau sont normalement tracées
à intervalles de hauteur égaux, tout au moins en ce qui concerne les altitudes basses
et moyennes. Sur les cartes statistiques faites à partir de données spatiales, l'égalité
des intervalles peut ne pas présenter le même intérêt. Jenks et Coulson (1963) ont
étudié une région du Centre du Kansas, où la densité de population varie de 1,6
à 103,4 habitants par mile carré et où la concentration spatiale des fortes valeurs est
telle que des cartes à intervalles égaux ne donnent guère d'informations. Sur une
242
La description de la localisation absolue
telle carte, avec sept intervalles égaux, les limites de classe étant à 16,0, à 30,6, à
45,1, à 59,7, à 74,2 et à 88,7 habitants par mile carré, quatre classes seulement sont
réellement représentées sur la carte, tandis que plus de 90 % de la surface de la carte
est dans une seule classe.
Des problèmes de représentation de petits secteurs où les cotes sont de valeur
élevée, situés à l'intérieur de grandes étendues où les cotes sont de valeur faible, se
posent très couramment en géographie humaine, et ont soulevé un intérêt considé-
rable en cartographie. Selon Robinson (1960, pp. 190-194), le choix des intervalles
entre isarithmes est facilité par le tracé d'une courbe des fréquences cumulées rappor-
tant la première composante (la surface xy) à la seconde (les valeurs z). Pour ce
faire, il faut placer les unités de collecte des données (par exemple des comtés) dans
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Fig. 8.2 - A. Surface statistique lissée. - B. Graphique rapportant les valeurs z à la surface. - C. Carte
en isarithmes espacées de façon à former des surfaces égales. - D. Carte en isarithmes dont l'espacement
est déterminé par des intervalles égaux des valeurs z. - E. Carte en isarithmes dont l'espacement est
déterminé par des cassures significatives de la courbe B.
Source: JENKS, 1963, pp. 16, 19.
243
LA DESCRIPTION
l'ordre de leurs valeurs z (par exemple la densité de population des comtés), et faire
progressivement la somme de leurs surfaces, ce qui donne la courbe des fréquences
cumulées (fig. 8.2 B). Il existe trois manières de choisir les intervalles entre isarithmes :
1° répartir les valeurs z en classes de même amplitude; 2° répartir les valeurs xy (les
surfaces) en classes de même amplitude; 3° répartir les valeurs z en classes correspon-
dant aux sections de pente uniforme de la courbe. La première méthode (fig. 8.2 D)
présente l'avantage de l'uniformité et facilite les comparaisons entre régions; la
deuxième méthode (fig. 8.2 C) offre l'avantage de « répandre » l'information de
façon très régulière sur la carte mais elle rend difficiles les comparaisons entre régions.
La troisième méthode, qui utilise les cassures significatives de la courbe des fréq uences
cumulées (fig. 8.2 E), donne l'image la plus fine des variations locales, dans le détail,
mais elle n'a pas les qualités des deux méthodes précédentes : facilité des comparai-
sons, répartition régulière de l'information.
Une autre façon de choisir les intervalles entre isarithmes est peut-être la plus effi-
cace : considérer la répartition représentée par la carte comme une distribution statis-
tique de fréquences telle que l'on peut appliquer à la concentration spatiale (c'est-
à-dire la dissymétrie, en langage statistique) une transformation appropriée. Les
valeurs z transformées peuvent former une suite géométrique (par exemple 2, 4, 8, 16)
lorsque la localisation des fortes valeurs est concentrée à l'extrême, ou une suite en
arc-sinus (par exemple: 3, 12, 25,42, 59, 75, 88, 97 %) lorsque les valeurs se groupent
aux deux extrémités (Fisher et Yates, 1957, p. 70). Dans chaque cas, la transformation
est adaptée à la forme de la distribution, et, puisque les intervalles entre isarithmes
ainsi obtenus sont fondés sur une distribution mathématique connue, il est facile
de comparer avec d'autres cas.
244
La description de la localisation absolue
supérieure à 20 (en grisé) forment une crête qui traverse la carte en diagonale dans un
cas, deux crêtes séparées par un col étroit dans l'autre. Les deux interprétations
sont valables du point de vue de la méthode d'interpolation géométrique.
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33
Fig. 8.4 - Formes d'unités spatiales de collecte correspondant à des systèmes triangulaires
de points directeurs.
Source: MACKAY, 1953.
(fig. 8.4 D). Une étude récente sur les densités de population dans les Grandes Plaines
des États-Unis (Robinson et al., 1961) confirme l'efficacité du système hexagonal
(cf pp. 235-236).
245
Les cartes à plusieurs composantes
Quand il s'agit des variations spatiales, non d'une seule variable mais de toute une
série de variables, les problèmes cartographiques deviennent beaucoup plus ardus.
Certes, des procédés ingénieux permettent de superposer des cartes en isarithmes
simples - superposition de courbes de couleurs différentes, emploi de transparents
en matière plastique -, mais, très vite, la diminution de l'intelligibilité l'emporte
sur l'avantage d'avoir un document plus complet. Même les plus réussies de ces cartes,
comme les cartes des maladies en Inde établies par Learmonth et Pal (1959), par-
viennent rarement à représenter distinctement plus de deux facteurs.
C'est pourquoi la recherche s'est orientée vers les procédés qui consistent à décom-
poser les systèmes complexes à plusieurs dimensions, avant d'atteindre le stade de
la cartographie. De cette façon, la complexité statistique remplace la complexité
cartographique, mais les difficultés décrites ci-dessus sont tournées. Nous allons
décrire quatre des méthodes les plus efficaces.
246
100
Y.
B C
100 100
IIC
ou secteurs : trois secteurs à composante unique (A, B, C), trois secteurs à deux
composantes (AB, AC, BC), et un secteur à trois composantes (ABC). A l'intérieur
de chaque secteur, des lignes de pourcentage indiquent l'importance relative d'une
composante. Dans ce système, le point X de l'exemple ci-dessus tombe dans la classe A
et le point Y dans la classe BC (fig. 8.5 B). Une autre technique, due aussi à Pelto,
vise à déterminer des limites quantitatives de composition, et non des classes, en
utilisant le concept d'entropie. Le terme « entropie », ici, fait simplement référence
au degré de mélange des composantes; les fortes valeurs d'entropie se trouvent près
du centre du triangle, et les faibles valeurs près des trois sommets. Sur la figure 8.5 C
sont tracées les courbes correspondant aux valeurs 70 et 60 de l'entropie : X et Y
correspondent à des valeurs d'entropie assez semblables; Pelta suggère, quand on
247
LA DESCRIPTION
cartographie ces valeurs, de dessiner entre les isarithmes des grisés distincts, pour faire
ressortir les valeurs élevées correspondant aux trois sommets.
Krumbein (1955-A) a proposé une technique simple, celle des écarts de composition,
qui permet de cartographier la relation entre les points du triangle et un point de réfé-
rence donné. Ce point de référence peut être soit la composition moyenne de la
région étudiée, soit la composition optimale; sur la figure 8.5 D, c'est le point Z,
qui correspond à la composition: 80 % de A, 0 % de B, 20 % de C. Des courbes d'égale
valeur, qui sont des cercles concentriques, sont tracées de façon à faire apparaître
les écarts par rapport au point de référence. Cette technique présente un inconvé-
nient : elle montre la valeur des écarts, mais pas leur direction; il est donc nécessaire
de la comparer à des cartes faites à partir d'une fonction classificatoire. Des cartes
établies d'après ces trois méthodes - fondées sur une fonction classificatoire, sur le
concept d'entropie, sur le calcul d'écarts de composition - sont présentées à titre
d'exemple sur la figure 8.5, au-dessous des graphiques triangulaires correspondants.
L'INDICE DE COMBINAISON
248
La description de la localisation absolue
secteur modèle à trois cultures, 33,3 % des terres cultivées seraient consacrées à
chacune des trois cultures, et 0 % aux autres; et ainsi de suite. Ces distributions
idéales sont représentées, sur la figure 8.6, par des courbes en trait plein ininterrompu.
Weaver, utilisant ces courbes idéales comme étalons, trouve ensuite, par comparaison,
laquelle ressemble le plus à la courbe représentant la distribution réelle. Pour faire
cette comparaison, il emploie la méthode statistique classique des « moindres carrés» :
il mesure les écarts (f) représentés par les segments verticaux sur la figure 8.6, les
élève au carré (p) et fait la somme des carrés (L:J2). Le modèle qui correspond le
mieux aux courbes réelles est celui pour lequel la somme des carrés est minimale.
Dans l'ensemble pris par Thomas, les valeurs obtenues successivement pour L: f2
forment une courbe en U caractéristique: les fortes valeurs sont aux extrémités (une
culture et six cultures). La valeur la plus faible, L: J2 = 356, incite à considérer cette
commune comme une unité à quatre cultures et à ne pas tenir compte des deux
cultures les moins pratiquées.
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Cultures rangées par ordre d'importance
On peut cartographier les indices de combinaison en représentant par des grisés les
nombres d'activités, la suite l, 2, 3, 4 ... n indiquant une série de combinaisons allant
de la monoculture à la diversité. En pratique, on désigne par des lettres les composantes
que sont les cultures (B pour le blé, A pour l'avoine, 0 pour l'orge...); ·les lettres
249
LA DESCRIPTION
correspondant à une combinaison (par exemple BAO) sont écrites sur chaque grisé.
Ou bien on prépare des cartes distinctes des principales combinaisons.
L'indice de combinaison permet de rendre moins confuse la cartographie de compo-
santes multiples, en distinguant éléments dominants et éléments secondaires. Il est
peut-être le plus utile lorsque peu de composantes ont de l'importance; son effi-
cacité est moindre quand il existe un équilibre presque parfait entre de nombreuses
composantes. Des problèmes semblables se posent en écologie botanique, quand il
s'agit de décrire et comparer des associations végétales complexes; il existe, semble-t-il,
un certain nombre d'indices botaniques dignes d'intérêt (Greig-Smith, 1964, pp. 1-19,
131-157) qu'il serait utile de tester à propos de problèmes géographiques comparables.
x
où Xi est la valeur de la mesure pour la région de rang i, la moyenne arithmétique
et Sx l'écart-type de la mesure en question. Ainsi, pour une observation quelconque,
la valeur w exprime l'écart à la moyenne, mesuré en prenant comme unité l'écart-
type.
Le procédé de sommation des rangs a été employé récemment, pour décrire des
variations régionales par la combinaison de plusieurs mesures, dans une étude sur
la « santé économique» de l'État de New York faite par Thompson, Sufrin, Gould
et Buck (1962, p. 5). Ces auteurs ont utilisé neuf indicateurs distincts de l'activité
économique de l'État, parmi lesquels figurent des indices comme le revenu par habitant
et le taux de chômage; ils ont rangé les cinquante-huit comtés, successivement, dans
250
La description de la localisation absolue
l'ordre donné par chacun des neuf indicateurs. Pour chaque comté, ils ont noté le
rang obtenu pour chaque indicateur et fait la somme des neuf rangs; puis ils ont de
nouveau rangé les comtés d'après les totaux obtenus, calculant ainsi un indice combiné.
Comme les auteurs le font remarquer, cette méthode implique de curieuses additions:
ainsi, la ville de New York a un bon rang (le 4 ü ), parmi les comtés, en ce qui concerne
les niveaux économiques mais un mauvais (le 46 e) en ce qui concerne les tendances
économiques. Au total, d'après cette méthode, cette ville occupe la 28 e position.
En conséquence, les auteurs concluent que la méthode donne des images assez exactes
des niveaux de développement atteints pour les diverses parties de l'État; mais, ne
pouvant trouver aucune logique mathématique pour fonder cette méthode, ils la
remplacent par une méthode plus sûre, l'analyse factorielle.
Quand plusieurs composantes sont en jeu, l'un des plus puissants instruments de
la méthode statistique est l'analyse factorielle, qui attaque le problème au point
même où la réduction échoue, en tenant compte du fait que toutes les mesures n'ont
pas le même poids, et que plusieurs peuvent faire double emploi. Quand plusieurs
mesures font apparaître fondamentalement le même schéma de répartition des varia-
tions, on soupçonne intuitivement que certaines sont redondantes et qu'un schéma
plus fondamental est sous-jacent : la composante principale est une approximation
de ce « schéma fondamental ».
Exposer dans le détail ce qu'est l'analyse factorielle (Harman, 1960) serait très
compliqué et n'entre pas dans le cadre du présent ouvrage, mais il est possible de
donner une idée de la puissance de la méthode à partir d'un article de Berry (1960).
Ce dernier a fait une étude à l'échelle mondiale, portant sur 95 pays, dont chacun était
caractérisé par 43 indices de développement économique. En effectuant l'analyse facto-
rielle directe des indices préalablement ordonnés, il a pu ramener les 43 indices à
TABLEAU 8.1
ANALYSE FACTORIELLE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
DE QUATRE-VINGT-QUINZE PAYS
Variation expliquée
Composantes Interprétation
en pourcentages
en pourcentages
cumulés
251
LA DESCRIPTION
cinq facteurs fondamentaux ou « axes factoriels» (tableau 8.1) qui, ensemble, expli-
quaient 94 % des différences observées initialement entre les pays. L'axe technologique,
le plus important, expliquait à lui seul 84 % de ces différences. Il est clair que, grâce à
une telle analyse, Berry a tranché le nœud du problème de cartographie à plusieurs
composantes, en obtenant un indice unique, la composante principale, qui peut en
toute sécurité être substitué à un grand nombre d'indicateurs à partir desquels il
a été calculé.
Ainsi, l'analyse en composantes principales permet de tourner le problème difficile
posé par la cartographie de plusieurs indices, en substituant à ceux-ci des valeurs
uniques plus fondamentales qui peuvent être présentées simplement sous la forme de
cartes traditionnelles, en isarithmes ou par plages. Évidemment, la fiabilité de telles
cartes dépend de la part des variations qu'explique l'axe factoriel principal. Dans
l'étude sur l'État de New York dont il a été question ci-dessus (Thompson et al.,
1962), la composante principale (facteur 1) explique seulement 50,1 % des différences
entre les neuf indicateurs, mais, du fait que ce pourcentage est plus de trois fois plus
grand que celui obtenu pour n'importe quelle autre composante (facteur II : 15,7 %),
il faut le considérer comme l'indice unique le plus fondamental des différences régio-
nales du développement économique, à l'intérieur de cet État, qui ait été élaboré
jusqu'à présent.
Fig. 8.7 - Analyse factorielle appliquée au sud de l'Élal de New York, Élals-
Unis (G = 4,5).
Source: THOMPSON, SUFRIN, GOULD el BUCK, 1962, pp. 6-17.
252
La description de la localisation absolue
Bien que les cartes soient toujours la méthode la plus pratique de « stockage»
de l'information géographique, des signes indiquent qu'à l'avenir des données de plus
en plus nombreuses pourront être stockées par d'autres procédés.
253
LA DESCRIPTION
puisque, par exemple, les cours d'eau ont rarement, en ce qui concerne les localisa-
tions, le caractère significatif que la fréquence de leur emploi sur les cartes pourrait
impliquer. Le degré de fiabilité est indiqué par des informations sur la source d'erreur
inhérente aux phénomènes cartographiés; ainsi, Weaver (1956) a tracé des isarithmes
représentant des systèmes de culture sur des cartes administratives de comtés et de
townships dans les limites desquelles les données étaient collectées. Les bases de
référence sont des informations qui permettent de situer une carte dans une certaine
perspective; ainsi, Ginsburg (1961), dans son Atlas of Economie Development, a carto-
graphié des indices de développement économique sur des fonds de cartes représen-
tant, à l'échelle mondiale, la densité de population.
Un des faits nouveaux les plus importants pour la géographie est le développement
de la cartographie automatique. Par ce système, les données sont stockées sur des
cartes perforées, sur des rubans magnétiques, etc., et peuvent être « traduites» en une
carte géographique représentant une caractéristique quelconque par un traceur de
courbes automatique. Les possibilités que recèlent de telles méthodes ont été discutées
par Tobler (1959). Un exemple remarquable en est l'Atlas of the British Flora (Perring
et Walters, 1962) qui a été fait à partir d'un jeu de cartes perforées, dont chacune
concerne l'une des 2000 espèces vasculaires existant en Grande-Bretagne et l'une des
cases de la National Grid. Les particularités de localisation, l'espèce (sa présence ou
son absence), l'habitat, la date de l'observation, le nom de l'observateur et d'autres
informations pertinentes ont été codées, et les 1 500000 éléments d'information
triés automatiquement. A un stade ultérieur de l'analyse, les données ont été intro-
duites dans un tabulateur automatique, qui imprimait un point, si l'espèce était pré-
sente, au lieu indiqué par les chiffres du système de référence de la grille (fig. 7.10).
Dans le cas de l'atlas de Perring et Walters, le problème des coordonnées géogra-
phiques est résolu simplement, par l'emploi du système de la National Grid. Des
systèmes semblables existent dans un certain nombre de pays, notamment en Suède.
Pour les études faites à l'échelle du monde, les systèmes de référence sphéroïdaux,
plus compliqués, fondés sur le repérage de la latitude et de la longitude, remplacent
obligatoirement les systèmes de coordonnées rectangulaires. La complexité du calcul
automatique des distances, des surfaces et des directions sur un système de référence
sphérique est encore accrue par l'écart existant entre la forme de la Terre et celle
d'une véritable sphère : la longueur d'un degré de méridien varie de 68,703 miles
terrestres (entre zéro et un degré de latitude) à 69,407 miles terrestres (entre 89 et
90 degrés de latitude). D'où l'usage de plus en plus courant de la projection transverse
de Mercator, qui fournit aux séries de cartes topographiques une base de projection
conforme. Principal avantage de cette projection : les déformations de l'échelle sont
uniformes le long des lignes parallèles au grand cercle qui sert d'étalon, ce qui permet
la construction d'un système de coordonnées xy rectangulaires, dans lequel « une
valeur x donnée aura une caractéristique d'échelle uniforme, pour une valeur y
quelconque» (Robinson, 1960, p. 91). Ce système a été largement employé aux
254
La description de la localisation relative
États- Unis pour l'établissement d'une série de projections identiques appliquées aux
latitudes moyennes, où chaque unité couvre une surface de 6 degrés de longitude
multipliés par 800 kilomètres.
En dehors de ces systèmes fondamentaux, des projections azimuthales ont donné
lieu à des applications intéressantes. Par exemple, dans l'une des études sur les migra-
tions passées en revue au chapitre 2 (fig. 2.4), l'information est stockée en termes de
distance (u) et de direction (v), u et v étant mesurées à partir du point de départ de
la migration. D'autres systèmes, tenant compte du temps de parcours et de la direction,
pourraient s'avérer utiles dans les études cartographiques de circulation (Bunge,
1962, p. 55).
Le codage des localisations géographiques en vue de la cartographie automatique
pose d'autres problèmes techniques, qui sortent du cadre de ce bref exposé. Un exemple
simple est la nécessité, au cours de la programmation, de substituer la convention
mathématique définissant la direction (l'origine, zéro degré, est à l'est, et on mesure les
angles dans le sens opposé à celui des aiguilles d 'une montre) à la convention géogra-
phique (l'origine, zéro degré, est au nord, et on mesure les angles dans le sens des
aiguilles d'une montre). Comme dans le cas du langage juridique, la traduction des
réalités géographiques en programmes d'ordinateur peut conduire à des définitions
pesantes mais précises. C'est ainsi que Nordbeck (1962) a été obligé d'employer
une définition de ses aires d'étude qui, à première vue, paraît très verbeuse. Dans une
étude sur la Suède, il ramène des aires, par approximation, à des polygones, dont il
numérote les sommets Pl' P 2 , ... , P n dans le sens inverse de celui des aiguilles d'une
montre, P n étant égal à Pl' Pl a la plus faible valeur de la coordonnée y, et, si cette
valeur n'est pas unique, Pl a la plus faible valeur de la coordonnée x. L'aire corres-
pondant à chaque polygone est alors définie comme étant la surface située à gauche
de toutes les lignes qui relient deux sommets consécutifs.
LA DESCRIPTION DE LA FORME
Quelques procédés de mesure simples ont été élaborés en géographie humaine pour
décrire avec concision les formes des phénomènes étudiés; mais une comparaison
avec d'autres disciplines montre qu'il est possible d'aller beaucoup plus loin dans cette
direction. D'ailleurs, les géographes ont en grande partie emprunté leurs concepts
fondamentaux relatifs à la forme à d'autres disciplines, par exemple à la pétrographie
sédimentaire, où la forme des particules a une signification primordiale du point
de vue dynamique. Dans ce domaine, des chercheurs tels que Krumbein (1941) et
Pettijohn (1957, pp. 54-68) ont élaboré une série d'indices de grand intérêt, qui per-
mettent de décrire avec concision les caractéristiques de forme, en trois dimensions,
255
@ VARIABLES
A Surface
P Périmètre
L Plus grand axe
Ra, Ri Rayons des cercles
circonscrit et inscrit
INDICES DE FORME
S, = A/O,2B2 P
S, ~ A/O,B66 L
S, = R;/Ro
S. = A/(O,5L)'7t
Fig, 8.8 - Variables utilisées dans les indices de forme; application aux aires urbaines,
Source: GIBBS, 1961, p, 101,
des particules, A partir de quelques variables fondamentales présentées sur la figure 8,8
(surface, périmètre, longueur du plus grand axe, rayons du cercle circonscrit le plus
petit et du cercle inscrit le plus grand) il est possible d'imaginer une série d'indices
deforme, Sur la figure 8.8 B sont définis trois indices simples, dans lesquels des mesures
sont rapportées l'une à l'autre par paires (surface et périmètre, surface et grand axe,
rayons des deux cercles), Dans chaque cas, l'indice de forme est modifié de façon
à permettre une comparaison facile avec un cercle, Ainsi, dans le premier indice de
forme, SI' le périmètre est multiplié par 0,282; dans le deuxième, S2, le grand axe
est multiplié par 0,866. Si la forme étudiée est un cercle, la valeur de chacun des trois
indices est 1,00; à mesure que les formes deviennent plus allongées et plus irrégulières,
les indices tendent vers zéro,
Gibbs (1961, pp, 99-106) a employé l'indice S4 pour décrire la forme des villes améri-
caines, Cet indice rapporte la surface du cercle qui aurait pour diamètre le plus grand
axe, soit (0,5 L)2 n, à la surface réelle, A, de sorte que la valeur 1,00 correspond à une
forme circulaire. La figure 8.8 C représente la forme de trois villes américaines (Ra-
leigh, Trenton et Charleston) : Raleigh est relativement proche d'un cercle (84 = 0,692)
et Charleston allongée (S4 = 0,173). En comparant les indices de forme calculés en
fonction de diverses définitions de la ville, Gibbs a montré que l'aire administrative
256
La description de la localisation relative
de la ville (S4 = 0,412) a une forme sensiblement plus proche du cercle que l'aire
urbanisée (S4 = 0,288).
Parmi les caractéristiques des répartitions géographiques, la forme est l'une des
plus difficiles à mesurer. Le problème est le suivant: en essayant de mesurer la forme,
et seulement la forme, on mesure aussi, involontairement, un certain nombre de
caractéristiques indésirables, notamment l'orientation. La description de formes se
fait couramment à l'aide de catégories subjectives (forme «circulaire », «en lacet )),
« en étoile ))), mais ces modèles géométriques sont peu nombreux et le choix peut
varier d'un observateur à l'autre. Bunge (1962, pp. 73-78) a discuté ces problèmes
en détail, et, pour les résoudre, proposé une méthode fondée sur deux théorèmes :
1° toute forme « simplement connexe )) (c'est-à-dire d'un seul tenant et sans trou)
peut être assimilée à un polygone d'un nombre quelconque de côtés, ces côtés étant de
longueur égale mais variable; 2° si on fait les sommes, selon une règle bien établie,
des distances entre tous les sommets du polygone, il existe un ensemble de sommes,
et un seul, qui définit de façon univoque la forme du polygone.
0 ® ,,
,
1
\
\
\
1
La figure 8.9 montre comment s'appliquent ces deux théorèmes: la forme initiale
(fig. 8.9 A) est assimilée, par approximation, à un polygone dont les six côtés sont
égaux (fig. 8.9 B). Les sommets de ce polygone sont numérotés de 1 à 6. Sur la figure
8.9 C, des segments sont tracés, joignant chaque sommet au second sommet suivant:
le premier sommet est joint au troisième, le second au quatrième, et ainsi de suite.
Ces segments sont mesurés; la somme de leurs longueurs donne le premier indice SSl'
et la somme des carrés de leurs longueurs donne le second indice SS12.
La figure 8.9 D représente l'étape suivante du processus de mesure: des segments
257
LA DESCRIPTION
joignent chaque sommet au troisième sommet suivant : le premier sommet est joint
au quatrième, et ainsi de suite. La somme des longueurs de ces segments donne le
troisième indice SS2' et la somme des carrés de ces longueurs donne le quatrième
indice SS22. Ce processus continue jusqu'à ce qu'on retombe sur les sommes déjà
obtenues une première fois, et que par conséquent « cet ensemble unique de toutes
les sommes ait été déterminé» (Bunge, 1962, p. 77). Quand le polygone a six côtés,
ces sommes sont au nombre de quatre : SSj'" SS22; quand le polygone a huit côtés,
elles sont au nombre de six : SSj'" SS3 2.
En mesurant toutes les formes que l'on veut avec, comme unité de longueur, la
longueur d'un côté du polygone correspondant à chacune, il est facile de comparer ces
formes, tant entre elles qu'avec des figures géométriques types. La figure 8.10 repré-
sente les courbes caractéristiques obtenues pour les sommes correspondant aux formes
de deux communes du Mexique étudiées par Bunge, en même temps que les courbes
correspondant à une forme géométrique type, l'hexagone régulier. Cette tentative
50
~
,/\
~
Q)
~
Cl
.
~
~
~
Cl
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.Q
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Q)
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Q)
E
x~
Q)
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0 Q)
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;~ E
0
l/l
0 2
S, 52 S3
S2
, S2
S2
3
intéressante de Bunge - créer des indices sans dimension - mérite d'être poussée
plus loin; d'autres auteurs (par exemple Boyce et Clark, 1964) ont proposé des indices
comparatifs simplifiés.
258
La description de la localisation relative
phiques menées, en Russie notamment, selon les méthodes qui, depuis, ont été baptisées
« méthodes centrographiques ». L'importance de ce qui a été publié sur ces méthodes
et leur dépendance étroite à l'égard de la théorie statistique nous empêchent d'en
donner ici un compte rendu exhaustif; le lecteur se reportera au travail de Bachi
(1963). Nous allons simplement présenter quelques exemples des méthodes en usage.
Warntz et Neft (1960) ont montré comment appliquer aux deux dimensions du
plan trois caractéristiques familières de tendance centrale, la moyenne, la médiane
et le mode. Ils définissent le centre moyen d'une distribution comme étant le point
où la somme f R2. G (dA) est minimale; le centre médian est le point où la somme
l R.G (dA) est minimale. Dans ces deux expressions, G est la densité de population
dans une très petite portion de surface, dA, et R la distance entre chaque petite portion
de surface et le point moyen ou médian. On peut, de même, définir le mode comme
étant la position du point le plus élevé de la surface de densité.
Hart (1954) et Porter (1963) ont décrit des procédés pratiques de calcul des points
d'accessibilité minimale. La méthode de Hart consiste à faire une série d'approxima-
tions successives, en utilisant un gabarit formé de plusieurs cercles concentriques
dessinés sur un support transparent, et qui permet de compter les effectifs de popu-
lation situées à des distances déterminées du centre du gabarit. La méthode de Porter
est plus rapide, mais peut entraîner des erreurs considérables de localisation du point
(Court et Porter, 1964).
La figure 8.11 représente, au moyen d'isarithmes, la répartition du potentiel de
population aux États-Unis, en 1950; l'intervalle entre les courbes est de 50 unités,
et les valeurs de potentiel supérieures à 300 unités sont en grisé. Le centre moyen (IX)
est situé dans le Sud de l'Illinois, le centre médian (fJ) dans le Centre de l'Indiana,
et le centre modal (y) dans la ville de New York. La localisation des trois points fait
apparaître la grande sensibilité du centre moyen à l'existence de centres de population
éloignés, situés, dans le cas présent, sur la côte pacifique des États-Unis.
259
LA DESCRIPTION
où p est la population d'une très petite surface, d la distance entre elle et le centre
moyen (défini comme ci-dessus) et P la population totale. En 1950, le rayon dynamique
de la population des États-Unis, soit 150 700 000 habitants, était de 790 miles; sur
la figure 8.11, il est représenté par un cercle dont le centre est dans le Sud de l'Illinois.
Environ 69 % de la population des États-Unis habite à l'intérieur de ce cercle; Warntz
et Neft (1960, p. 66) font observer que, à mesure que le centre moyen se déplaçait
vers l'ouest le long du 3ge parallèle, le rayon dynamique s'agrandissait; ainsi, bien que
le centre modal soit resté à New York depuis 1840 et que l'intervalle entre le centre
moyen et le centre modal se soit agrandi, la distribution n'est pas devenue plus dissy-
métrique.
En dépit de l'intérêt soutenu que les géographes européens ont porté à l'étude
quantitative de l'habitat rural (cf le bref compte rendu de Houston, 1953, pp. 81-85),
la plupart des tentatives d'introduction des méthodes statistiques et probabilistes
dans ce domaine sont assez récentes. Une importante étude écologique de Clark et
Evans (1954) sur l'analyse du plus proche voisinage apparaît comme le point de départ
de nombreuses recherches plus récentes sur les structures spatiales de l'habitat.
La méthode d'analyse de Clark et Evans est fondée sur la mesure de la distance
réelle, en ligne droite, qui sépare un point du point voisin le plus proche, et sur la
comparaison entre ces distances et celles qu'on trouverait théoriquement si les points
étaient distribués de façon aléatoire à l'intérieur de la même surface. La comparaison
est faite au moyen de l'indice de plus proche voisinage, Rn, obtenu par application
de la formule :
Rn = ]jObS 1{ 0,50 (AI N)-l}
260
La description de la localisation relative
OÙ ]jObS est la distance moyenne observée entre les points et leurs plus proches voisins,
A la surface et NIe nombre de points. Les valeurs de Rn varient de zéro (valeur obtenue
quand tous les points sont groupés ensemble en un seul lieu) à 2,15 (valeur obtenue
quand les points sont aussi éloignés que possible les uns des autres, et forment donc
une distribution en hexagones réguliers). Quand la valeur de Rn est l, la distribution
des points est aléatoire.
King (1962) a appliqué la méthode de Clark et Evans dans une étude sur l'habitat
urbain aux États-Unis. Les résultats qu'il a obtenus ont déjà été exposés, ainsi que leurs
implications quant à la théorie de la localisation (cf. pp. 104-106); mais il est bon
de se reporter à la figure 4.2 (p. 106), qui représente les valeurs de l'indice Rn : ces
valeurs s'étendent de 0,70 (distribution groupée, dans la région de Duchesne, Utah)
à) ,;38 (distribution à espacements réguliers, dans le Centre du Minnesota). Pour King,
la Valeur Rn = 1,00 n'est pas une ligne fondamentale de partage entre distribution
en groupes et espacement régulier, mais cet indice fournit une échelle continue, le long
de laquelle on peut situer les variations progressives des formes de localisation.
Dacey (1960) a employé l'analyse du plus proche voisinage pour étudier l'espace-
ment des villes le long des cours d'eau, dans les basses plaines du Centre des États-
Unis. Il a voulu vérifier l'idée que les grandes villes situées sur des cours d'eau sont
régulièrement espacées (Burghardt, 1959, p. 322) en lui appliquant la définition plus
rigoureuse que donne la statistique de l'espacement uniforme. Clark (1954, p. 124) a
démontré que, quand des points sont dispersés le long d'une ligne (comme les villes
le long du Mississipi, sur la figure 8.12) on peut distinguer des « paires réflexives »,
c'est-à-dire des groupes-de deux points dont chacun a l'autre pour voisin le plus proche;
sur la figure 8.12, où des flèches vont de chaque ville à la ville voisine la plus proche,
Nouvelle-Orléans St-Louis Minneapolis
• 0 0 0 0 o o • 00 0 00 0 00 •
a 13
~ f-I*--
14- .- ~
-- +- 1----
i4-
- --
-
~ of--
~
o1
MILE ~ 1
500
1
750
1
1000 1250
1 1
Fig. 8.12 - Étapes de l'analyse du plus proche voisinage; exemple des villes
situées sur le Mississipi, dans le Centre des États-Unis.
Source: DACEY, 1960, p. 60.
261
LA DESCRIPTION
apparaît l'exemple de Natchez (IX) et Vicksburg (fJ). De même, on peut distinguer des
paires réflexives de « deuxième plus proche voisinage» (deuxième série de flèches sur
la figure 8.12), des paires réflexives de « troisième plus proche voisinage» (troisième
série de flèches sur la figure 8.12) et ainsi de suite. Dans le cas des villes situées sur le
Mississipi, il existe cinq paires réflexives de premier plus proche voisinage (c'est-à-dire
dix « points réflexifs », trois paires réflexives de deuxième plus proche voisinage
(six points réflexifs) et deux paires réflexives de troisième plus proche voisinage (quatre
points réflexifs).
Clark a démontré que, théoriquement, si des points sont dispersés au hasard le
long d'une ligne, la proportion de points qui appartiennent à une paire réflexive de
nième ordre est (2/3)n. II distingue un espacement uniforme de points, réalisé quand la
proportion est supérieure à (2/3)n, et un espacement groupé, réalisé quand la propor-
tion est inférieure à (2/3)n : plus est grand l'écart par rapport à (2/3)n, plus est accentué
le groupement ou l'uniformité. Sur le tableau 8.2, la proportion de points réflexifs,
en ce qui concerne le premier plus proche voisinage, 10/17 ou 0,588, apparaît infé-
rieure à la proportion théorique correspondant à une situation aléatoire (2/3)1 ou
0,667, et le mode de répartition des villes situées sur le Mississipi est qualifié de « grou-
pé ». En ce qui concerne les plus proches voisinages de deuxième et troisième ordre,
les proportions sont, de même, inférieures à celles qui correspondent à une situation
aléatoire; ce fait confirme la qualification « groupement» ct non la qualification
« régularité» employée par Burghardt. Cependant, avant de conclure que l'analyse
mathématique de Dacey a infirmé l'interprétation qualitative de Burghardt, il faut
considérer que Dacey a défini ses dix-sept villes d'après l'effectif de population, alors
que Burghardt n'a pas défini strictement son échantillon. Une suite divertissante à
la discussion entre Burghardt et Dacey nous est donnée par Porter (1960) dans un
article intitulé « Earnest and the Orephagians », où il montre l'existence de certaines
conditions limitatives, possibles mais peu probables, dans lesquelles la méthode du
plus proche voisinage inverse complètement les concepts intuitifs de groupement et
de régularité.
TABLEAU 8.2
Points réflexifs
-------------
Proportion Proportion
Nombre observée théorique Qualification
Source: M. F. DACEY, in Annals of the Association of American Geographers, 1960, pp. 60-61.
262
La description de la localisation relative
L'un des indices descriptifs que l'on rencontre le plus fréquemment dans les publi-
cations géographiques est le coefficient d'association géographique (G). Cet indice
a été présenté sous diverses appel1ations - « coefficient de liaison », « coefficient de
similarité» - depuis que Hoover (1936), l'a employé le premier à l'occasion de recher-
ches sur la localisation des industries. Le succès qu'il a obtenu semble dû au fait
qu'il est très facile à calculer. Fondamentalement, c'est une mesure du degré d'asso-
ciation entre deux phénomènes quelconques, dans un ensemble de régions géogra-
phiques.
La figure 8.13 A présente un exemple simple d'emploi du coefficient G. Deux distri-
butions sont comparées, cel1e de l'industrie lainière et cel1e de l'ensemble des industries
dans les onze standard regiolls de Grande-Bretagne. Dans les deux cas, la distribution
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ABCOEFGHIJK
RÉGIONS DISTRICTS
est mesurée par l'effectif de main-d' œuvre, qui est fractionné en pourcentages corres-
pondant à chaque région. Ainsi, la première région, A sur la figure 8.13 A, contient
),90 % de la main-d' œuvre de l'industrie lainière britannique et 25,20 % de la main-
j' œuvre de toutes les industries britanniques; l'effectif national total est dans chacun
ks deux cas 100 %. Les parts des onze régions, ainsi mesurées en pourcentages,
;ont portées sur le graphique de la figure 8.13 A, où le trait plein représente l'industrie
ainière, et le trait en tireté l'ensemble des industries. Les interval1es entre les deux
;ourbes indiquent la différence Cf;) propre à chaque région.
263
LA DESCRIPTION
G= 1- CL
;~l
fi)/lOO
où E fi est la somme, calculée en valeur absolue, soit des déviations positives, soit des
déviations négatives. Il importe peu que l'on emploie l'une ou l'autre somme, car elles
sont égales en valeur absolue. Dans l'exemple représenté par la figure 8.13 A, une
seule région présente une déviation positive, la région G (circonscriptions est et ouest
du Yorkshire), où le pourcentage de l'industrie lainière (76,5 %) dépasse celui de l'en-
semble des industries (8,8 %) de 67,7 points.
L'étendue du coefficient va de zéro à 1; sa valeur est faible quand les deux distri-
butions comparées sont semblables, forte quand les deux distributions sont très dissem-
blables. La figure 8.13 représente aussi les courbes caractéristiques de deux industries
portugaises dont les distributions contrastent : l'industrie du bâtiment (fig. 8.13 B)
tend à être très dispersée, en ce sens qu'elle se conforme à la distribution générale de
la main-d'œuvre industrielle, et son coefficient G est de 0,17 seulement; à l'inverse,
l'industrie du ciment (fig. 8. 13 C) est géographiquement concentrée et son coefficient G
est de 0,72. Cet indice présente évidemment beaucoup d'intérêt: il permet de définir
des schémas de localisation en les situant sur une échelle continue; des chercheurs
comme Chisholm (1962, p. 93) l'ont employé avec beaucoup de succès dans des études
sur l'agriculture. A propos de l'Angleterre et du Pays de Galles, pour l'année 1956,
Chisholm a constaté qu'il pouvait situer les distributions de vingt-neuf cultures maraÎ-
chères le long d'une échelle continue allant de 0,39, valeur obtenue pour la laitue,
dont la distribution s'étend largement à la périphérie des villes, à 0,61, valeur obtenue
pour le céleri dont la culture est fortement concentrée sur les sols profonds et bien
drainés des Fens et de certains secteurs du Norfolk.
Le principal inconvénient du coefficient G est sa trop grande dépendance à l'égard
de la taille et du nombre des unités spatiales de collecte des données. Quand ces
unités sont peu nombreuses et grandes, les valeurs de G sont typiquement faibles;
quand elles sont nombreuses et petites, les valeurs de G sont typiquement fortes
(chap. 7, section 3). Par conséquent, comparer directement des coefficients calculés
à partir de distributions semblables pour des pays ou régions différents n'est pas
valable. Cette dépendance provient du fait que le coefficient G n'est pas une véritable
mesure de l'association (comme l'est le coefficient de corrélation de Pearson, r),
mais qu'il indique seulement « la proportion d'une variable à laquelle il faudrait
faire traverser les limites des unités statistiques pour rendre sa distribution identique
à celle de la deuxième variable» (MacCarty et al., 1956, p. 31). Ensuite, MacCarty
recherche dans quelle mesure on peut se fier à G et à r; la comparaison est au désavan-
tage de G. Il constate non seulement que G dépend beaucoup de la grandeur réelle des
valeurs comparées, mais qu'il ne donne aucune indication sur l'existence éventuelle
d'une forte association inverse (c'est-à-dire d'une forte association des fortes valeurs
d'une distribution avec les faibles valeurs d'une autre). Dans l'un des cas qu'il a
étudiés, le coefficient G avait une valeur de 0,744 pour deux distributions qui, selon
264
La description de la localisation absolue
La façon la plus simple de décrire les faits dont l'implantation est linéaire, comme les
itinéraires de transport, consiste à les considérer du point de vue de leurs dimensions.
Ainsi, on peut mesurer la longueur d'un système ferroviaire (L) et le rapporter à
la surface qu'il dessert (A), ce qui donne un rapport simple, la densité, exprimée en
longueur par unité de surface (L/A). Ginsburg (1961, p. 60) a cartographié de
cette façon les variations de la densité des voies ferrées dans le monde, en employant
comme indice le nombre de kilomètres de voie ferrée par cent kilomètres carrés de
surface. Il a constaté que les densités étaient fortes dans les pays d'Europe occidentale
(12,7 par exemple en Grande-Bretagne), alors qu'en Amérique la densité était à peu
près égale au tiers de ce chiffre aux États-Unis (4,47) et s'abaissait à 0,43 au Brésil
(chap. 3, section 2).
Un prolongement intéressant du rapport exprimant la densité (L/A) est son inverse,
le rapport A/L, qui représente la distance entre lignes voisines. En prenant la moitié
de cette distance et en écrivant la formule, pour faire les calculs, sous la forme 0,5 A/L,
on obtient une mesure moyenne de la longueur de parcours à travers champs, c'est-à-
dire de la distance entre une partie quelconque de la surface et la ligne de transport
la plus proche. Dans le cas des réseaux ferroviaires, on peut dire que la longueur
moyenne de parcours à travers champs est égale à 7,84 kilomètres en Grande-Bretagne,
à 22,4 kilomètres aux États-Unis et à 232 kilomètres au Brésil. De tels chiffres, évidem-
ment, masquent les grands contrastes de densité des voies ferrées existant entre les
régions, mais fournissent, dans les limites imposées par les données, un étalon de
comparaison intéressant.
265
LA DESCRIPTION
Une autre façon d'aborder l'étude des réseaux de transport a été proposée par
Garrison (1960) et Kansky (1963), qui ont cherché à traiter le problème à partir de
la théorie mathématique des graphes. Kansky a proposé une quinzaine d'indices
plus ou moins complexes; nous n'en étudierons ici que quelques-uns, choisis soit parce
qu'ils sont considérés comme présentant un intérêt fondamental pour illustrer les
bases de la théorie des graphes soit parce que l'analyse empirique donne à penser
qu'ils sont assez étroitement liés à d'autres aspects du développement régional.
Il est possible de formaliser les réseaux de transport de façon à pouvoir reconnaître
des propriétés fondamentales et, grâce à celles-ci, ne pas aborder de front les réseaux
de transport eux-mêmes. Nous avons effleuré ce procédé de simplification au chapitre 3
(pp. 83-87), en montrant la façon dont le réseau ferroviaire de Sardaigne, tel qu'il se
présente de prime abord, peut être ramené à un schéma simple de points reliés par des
segments de droite (fig. 3.9).
La figure 8.14 A présente un exemple simple de réseau abstrait; il s'agit de deux
réseaux séparés (sous-graphes) Pl et P2' dont chacun est formé par une série d'itiné-
raires (arêtes) el' e2' ... , en, et qui relient une série de nœuds (sommets) VI' V 2' ... , V n _
On connaît aussi la distance mesurée le long de chaque itinéraire (longueur des arêtes,
ou valuation) de_ Ces quatre variables, P, e, V et de, constituent les éléments de base,
dont diverses combinaisons forment les indices plus complexes calculés par Kansky.
Par souci de commodité, ces indices sont groupés ici, simplement, en indices de
centralité, indices de connexité, indices de forme.
266
La description de la localisation absolue
IoLe premier indice de centralité, créé par Kônig en 1936, est appelé ici nombre
de Kônig (Kansky, 1963, pp. 28-29). Il est égal au nombre maximal d'arêtes consti-
tuant le chemin le plus court d'un sommet à un autre sommet quelconque du réseau.
Il est indiqué, pour chaque sommet, sur la figure 8.14 B. C'est donc un indice de
distance topologique, exprimée en nombre d'arêtes, et qui sous-entend que les sommets
dont le nombre de Kônig est petit (le sommet dont le nombre est 2 sur la figure 8.14 B)
occupent une position centrale dans le réseau de transport abstrait.
0 4
8 v,
e,
PI
v,
e.
e,
'1
V
5
PZ
e4
4
4
4
4
Fig. 8.14 - A. Variables fondamentales des réseaux: sommets (v), arêtes (e)
et sous-graphes (p). - B. Indice de centralité des sommets: nombres de Kënig.
Source: KANSKY, 1963, pp. 11, 28.
On saisit mieux la signification de cet indice en pensant aux arrêts et aux retards
que représentent les nœuds dans bien des mouvements de circulation (par exemple
dans les transports routiers); les points dont le nombre de Kônig est petit apparaissent
alors comme réellement « proches» du centre du réseau. En tout cas, on peut réintro-
duire dans les calculs la distance de évaluée en kilomètres, ou en temps, et reprendre
l'examen des nœuds dont le nombre de Kônig est petit, afin de choisir la position
centrale.
20 Le plus simple indice de connexité d'un réseau de transport est l'indice Beta,
ejv, qui rapporte, l'une à l'autre, deux des quatre variables fondamentales: e, le
nombre d'arêtes, et v, le nombre de sommets (Kansky, 1963, pp. 16-18). Sur la figure
3.15, le nombre de sommets reste constamment égal à sept, tandis que le nombre
des arêtes qui les relient augmente progressivement, passant de six à neuf. A mesure
que le nombre d'arêtes augmente, la connexité entre les sommets s'élève et l'indice
Beta passe progressivement de 0,86 à 1,00, puis à 1,14 et enfin à 1,28. Les valeurs de
l'indice s'étendent de zéro à 3, valeurs extrêmes; les valeurs inférieures à 1 caracté-
risent les arbres et les graphes non connexes (fig. 8.15 A), la valeur 1 un réseau compor-
tant un seul circuit (fig. 8.15 B), les valeurs comprises entre 1 et 3 un réseau complexe
(fig. 8.15 C et D). Des exemples concrets de variation de l'indice, concernant les
réseaux ferroviaires de dix-huit pays, sont donnés sur la figure 3.8.
267
o ®
/3 = 0, 86 /3, 1,00
3° La forme d'un réseau est un concept plus difficile à saisir. Nous commençons
ici par le concept de « diamètre », qui est en soi un indice peu significatif pour carac-
tériser les réseaux de transport, mais qui permet de passer à un indice plus complexe
mais plus utile de la forme des réseaux. Le diamètre b mesure la longueur topologique
du graphe; il est égal au nombre d'arêtes constituant le chemin le plus court entre les
sommets les plus distants l'un de l'autre. Sur la figure 8.16, les valeurs du diamètre
varient de 2 à 4; elles augmentent en même temps que la longueur topologique du
graphe, mais diminuent quand les connections sont améliorées entre les sommets.
Ainsi, le troisième et le quatrième graphe de la série ont des diamètres différents,
bien que leur longueur topologique soit la même.
D D o Dl 8, 4
1) , 3 1) , 4
Liant ce diamètre b aux dimensions réelles du réseau, Kansky (1963, pp. 21-23) a
proposé un indice de forme n égal à Cid, C étant la longueur totale, en miles, du réseau
de transport, et d la longueur totale, en miles, de son diamètre. La figure 8.17 A
268
La description de la localisation absolue
10
®
NIdl' 45
&;d z ' 45
NI d 3 ' 65
~! d4 ' 55
)VI
d 5 ' 65
Yv;
dG' 55
Dans la réalité, les indices de forme présentent des variations considérables. Dans
les pays développés, comme la France, ils peuvent être proches de 30, alors que dans les
pays sous-développés, comme la Bolivie, leur valeur, calculée pour les réseaux ferro-
viaires, peut être proche de 1; il est tout à fait clair que JI: constitue un indice sensible
de la situation économique d'un réseau de transport (fig. 3.8).
269
Chapitre 9 Le problème de l'identification des régions
Les problèmes de rattachement
Les problèmes d'échelle
Si les régions sont traditionnellement un thème central de leurs études, les géographes
ont cependant toujours été curieusement réservés quant aux façons de définir les
régions. Cette réticence est regrettable, car c'est précisément dans ce domaine que la
géographie humaine a beaucoup à offrir aux autres sciences sociales, aux pouvoirs
publics et au monde des affaires. Des géographes ont déjà travaillé à améliorer la
répartition régionale des hôpitaux (Godlund, 1961) et des écoles (Yeates, 1963) et à
réviser les limites administratives locales. Ce chapitre rassemble les techniques
employées pour délimiter et regrouper les régions et aborde le probième, connexe
mais plus difficile, des composantes d'échelle dans la structure régionale.
270
1. LE PROBLÈME DE L'IDENTIFICATION DES RÉGIONS
Le concept de région
TABLEAU 9.1
CATÉGORIES DE RÉGIONS
Unités régionales
Ces catégories, si utiles soient-elles, n'ont guère eu d'effet positif sur l'organisation
des publications géographiques; la plupart des géographes paraissent employer des
divisions ad hoc, destinées à répondre à des besoins spécifiques d'enseignement ou
de recherche.
271
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
L'incertitude qui règne actuellement dans la réflexion des géographes sur la région
provient en grande partie de ce que nous avons appelé le point de vue « exceptionna-
liste» (chap. l, section 1). Bunge (1962, pp. 14-26) reproche au schéma de Whittlesey
de traiter les régions comme si les problèmes de classification qu'elles posent étaient
absolument spécifiques et insiste sur l'idée qu'ils constituent seulement l'aspect spatial
d'un problème de classification commun à toutes les sciences. On peut ainsi
cataloguer un certain nombre de termes couramment employés dans les publica-
tions géographiques et les ranger vis-à-vis de ceux qui leur correspondent dans une
classification de caractère général : « région à caractéristique unique » peut être
ramenée à « catégorie unique », « limite de région» à « limite de classe », « région
homogène» à « classe possédant une variance faible ». Bunge soutient que, loin de
déprécier la géographie régionale, cette démarche place la géographie aux côtés des
sciences de la nature, dont plusieurs sont passées par une phase taxonomique à un
certain moment de leur évolution (la chimie par exemple) ou bien continuent à porter
un grand intérêt à la taxonomie (la botanique par exemple). Des conventions admises
dans les recherches géographiques, comme le fait d'ignorer soit les océans soit les
étendues continentales du monde dans la plupart des systèmes de régionalisation
qui ne sont pas fondés sur le climat, peuvent être rapprochées des conventions admises
dans les sciences de la nature. En biologie, par exemple, on considère couramment
les « règnes» végétal et minéral comme séparés, alors même qu'ils font conjointement
partie de l'ensemble de la biologie.
Bunge a sans doute raison de placer la région dans l'ensemble des problèmes géné-
raux de classification; néanmoins, le problème difficile de la localisation absolue
demeure. De quelque façon qu'elles soient classées, les régions conservent un caractère
unique : leur localisation. II est certain que le Centre du Chili serait affecté à une
classe zonale méditerranéenne dans une classification faite du point de vue du climat
et de l'agriculture; il est tout aussi certain que cette région aurait des propriétés
uniques, du fait de sa localisation dans le Sud de l'Amérique du Sud.
272
®
senté par les régions 0:, p et y de la figure 9.1 B. Dans une telle perspective, la carte
apparaît comme un type spécial de diagramme de Venn.
Un cas plus compliqué se présente lorsque les régions ne sont pas entièrement définies
à partir du seul critère de localisation. Soit un ensemble formé par cinq pays tropicaux,
et un second ensemble de onze pays sous-développés, combien d'éléments y a-t-il?
273
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
Fig. 9.3 - Diagrammes de Venn : régions groupées en trois ensembles (A) et quatre
ensembles (8).
et sous-développé. Des pays tels que l'Ouganda (3), la Chine (4), le Chili (5), appar-
tiennent à d'autres parties du diagramme, tandis que le Royaume-Uni est à l'extérieur
de ces ensembles (mais appartient à l'ensemble plus grand formé par tous les pays
du monde). Les deux surfaces en grisé représentent des parties vides des ensembles,
c'est-à-dire: la les pays tropicaux non américains qui ne sont pas sous-développés;
20 les pays tropicaux américains qui ne sont pas sous-développés. Les implications
de ce résultat ont été en grande partie corroborés par Berry (1960) dans son étude
sur la distribution des pays économiquement attardés. La figure 9.3 B suggère la
possibilité de pousser plus loin l'élaboration de diagrammes de Venn, en intro-
duisant l'Amérique Centrale (en grisé) comme sous-ensemble distinct de l'ensemble
américain ex.
Ces relations sont habituellement exprimées par des symboles. Ainsi, on peut expri-
mer la figure 9.2 F par: {3 c y, ce qu'on lit: « {3 est inclus dans y ». Ce type symbolique
d'énoncé logique ne se rencontre guère dans les publications géographiques, mais
commence à être employé (cf. par exemple Kansky, 1963, pp. 122-127) dans les exposés
de recherches; il pourrait bien devenir le langage formalisé de nos théories, régionales
et autres, dont il permettrait de mettre en évidence les illogismes éventuels
(cf. pp. 343-344).
274
Le problème de l'identification des régions
chap. 1), Vidal de la Blache, à la fin de sa vie, considérait même les « pays}} de France,
pierres de touche de l'identité régionale, avec un scepticisme croissant.
Sinnhuber (1954) a étudié la gamme étendue des définitions de l'Europe centrale,
données sous diverses désignations (Central Europe, Mitteleuropa...). Puisant dans
quelque seize livres de géographie (de celui de Schjerning (1914) à celui de Gottmann
(1951 )), Sinnhuber montre la variété des définitions régionales (fig. 9.4 A). Fait sur-
prenant, des surfaces englobées dans le terme Europe centrale débordent les limites
de la carte : la péninsule ibérique est la seule partie de l'Europe qui n 'y ait pas été
rattachée par un auteur au moins! Inversement, la surface sur laquelle tous les auteurs
s'accordent est remarquablement petite: elle ne dépasse pas l'Autriche et la Bohême-
Moravie; cette surface est en grisé sur la figure 9.4 A.
Le fait que ce noyau ne constitue pas lui-même une solution adéquate apparaît
sur la carte présentée en vis-à-vis (fig. 9.4 B), qui est réalisée d'après six conceptions
de l'Europe centrale énoncées dans des livres de géographie datant d'une période
comparable (1887 à 1937), mais fondées sur des critères physiques. Cette carte fait
apparaître, en même temps que des différences moindres entre les définitions, une
grande aire centrale qui englobe le noyau Autriche-Bohême-Moravie de l'analyse
précédente.
La superposition de limites présente un grand avantage: la simplicité. Elle n'exige
guère plus que de tracer ces limites sur un fond de carte. Green (1955) a utilisé ce
procédé pour traiter le problème de la démarcation des zones d'influence des deux
principales villes de la côte orientale des États-Unis, New York et Boston. Des tenta-
tives antérieures, celle de Park et Newcomb, fondée sur la circulation des journaux,
et celle du National Resources Committee avaient abouti à la définition de limites
très différentes: les premiers avaient placé l'État du Connecticut dans le champ de
Boston, le second en grande partie dans le champ de New York.
Pour résoudre ce problème, Green a cartographié séparément sept indicateurs
275
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
Orientation vers A
\ Limite médiane
Exemples de limites données par les indices
Fig. 9.5 - Zone de chevauchement (en pointillé) définie par les essais de démar-
cation des champs d'influence urbaine de Boston et de New York dans le
Sud de la Nouvelle-Angleterre (G = 4,1).
Source: GREEN, 1955, pp. 284-300.
il a pu isoler une aire A totalement orientée, d'après tous les indicateurs, vers New
York, et une aire B orientée de même vers Boston. Cette étude de Green a montré,
de façon assez concluante, que le Connecticut, État traditionnellement rattaché
à la « Nouvelle-Angleterre », est presque totalement orienté vers New York.
Le procédé de la superposition de limites est d'un intérêt évident pour la détermi-
nation rapide du noyau central d'une région; mais un élément d'incertitude demeure
quant à la valeur de cette méthode pour le tracé de limites. Par exemple, en utilisant
une ligne médiane, on présuppose que toutes les limites particulières qu'elle repré-
sente sont de valeur égale en tant qu'éléments de délimitation régionale. On peut
aussi retenir certaines limites et en éliminer d'autres. Il est donc compréhensible que
la recherche géographique se soit tournée, au cours de la dernière décennie, vers
l'élaboration de méthodes plus sûres d'identification des régions.
276
L'analyse quantitative
0 0
0
•
0
• 0
0
0
0 0
1° on trace des segments de droite dont chacun joint un centre à chaque centre voisin;
2° on détermine le milieu de chacun de ces segments; 3° on trace la perpendiculaire
à chaque segment passant par son milieu; autour de chaque centre, ces perpendi-
culaires forment les limites d'un polygone; 4° on inclut chacun des comtés qui sont à
cheval sur ces limites dans le polygone où se trouve la plus grande partie de la surface
du comté.
La validité de la méthode repose sur deux hypothèses : 1° la surface située à l'inté-
rieur des limites d'un polygone est plus proche du centre inclus dans ce polygone
que de tout autre centre; ceci est une propriété géométrique simple du polygone de
Thiessen; 2° une métropole domine réellement tous les points dont, géométriquement,
elle est la plus proche. La seconde hypothèse est évidemment discutable, et Bogue
277
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
ne l'a employée comme hypothèse de travail qu'en l'absence d'autres critères nettement
définis. Bogue, après avoir défini ses métropoles, leur attribue le même pouvoir
d'attraction sur le pays environnant. Que ceci soit vrai pour des villes aussi différentes
que New York et El Paso (Texas) semble contestable. L'emploi de lignes droites
pour joindre les villes à travers les États-Unis revient en réalité à définir des routes
aériennes, ce qui, selon Taaffe, constitue un élément valable de la hiérarchie urbaine.
En pratique, tracer des polygones de Thiessen prend beaucoup de temps, et, habi-
tuellement, on ne sait trop comment choisir les segments de liaison qui servent à
dessiner les limites du polygone autour d'un centre donné. Kopec (1963) a signalé
une autre méthode de construction, qui consiste à tracer des arcs de cercle de même
rayon à partir de centres voisins et à situer le côté d'un polygone en tirant une droite
passant par les points d'intersection des arcs. Cette méthode supprime la nécessité
de tracer les segments joignant les centres et réduit les chances d'erreur qui découlent
de l'emploi de diagonales inadéquates au cours de la construction.
LA MINIMISATION DE LA DISTANCE
2: 2:
" m
dij, X ij = minimum
i~l i~1
278
Fig. 9.7 - Technique de minimisation de la distance employée
pour la construction de limites optimales; carré échantillon du
comté de Grant (Wisconsin, États-Unis) (G = 5,5).
Source: YEATES, 1963, pp. 8, 9.
Dans cette formule, dii est la distance de la section i à n'importe quelle école j, et
Xij le nombre des élèves habitant dans la section i et affectés à l'école j.
Les limites qui résultent de cette opération de minimisation sont représentées sur
la figure 9.7 C. La comparaison avec les limites des districts scolaires simplifiés
fait apparaître des modifications et des chevauchements considérables. Les limites
définies pour l'école de Lancaster, oc, sur la figure 9.7 D, font apparaître un recul
(en grisé) au nord et au sud, mais une avancée importante (en noir) vers l'est, aux
dépens du district de l'école de Platteville, {3.
Quelle est l'importance des modifications apportées par Yeates? Deux facteurs
rendent l'analyse plus difficile : d'une part le fait que les limites théoriques sont
fondées sur la répartition des élèves au cours de la seule année 1961, alors que les
districts scolaires réels doivent rester fixes pendant des périodes plus longues; d'autre
part la difficulté qu'il y a à comparer la distance parcourue réellement, le long des
routes, par les élèves, et la distance à vol d'oiseau employée dans l'analyse théorique.
Le tableau 9.2 présente les résultats obtenus pour deux écoles prises comme exemples
dans l'aire étudiée, Boscobel et Platteville : une comparaison des distances, tant par la
route qu'à vol d'oiseau, indique des économies de l'ordre de 0,4 à 0,3 mile. En l'absence
de renseignements chiffrés sur les coûts de transport, une approximation grossière
279
TABLEAU 9.2
indique que l'adoption éventuelle des limites revues et corrigées permettrait l'écono-
miser 3 à 4 000 dollars par an sur les transports scolaires.
La valeur de la méthode de Yeates a été confirmée par plusieurs auteurs, par exemple
Claesen (1964). Déjà le comté de Somerset (Angleterre), où se posaient des problèmes
ardus (écoliers dispersés dans la campagne et petit nombre d'écoles), a appliqué
avec succès ce type d'analyse à l'organisation des transports scolaires. Dans le domaine
de la localisation des industries, Garrison (1959, pp. 471-482) a montré que cette
méthode pouvait être appliquée à la réduction des coûts de distribution de produits
tels que le pétrole.
L'ANALYSE DISCRIMINANTE
Une méthode qui marque un nouveau progrès dans les techniques de tracé de
limites sera vraisemblablement de plus en plus employée à l'avenir : l'analyse discri-
minante. Sebestyen (1962, pp. 69-71) a indiqué comment employer cette méthode
pour établir les critères de classification à appliquer à des distributions géographiques
complexes. Soit deux phénomènes , et 1], distribués sur un plan selon un schéma
complexe comprenant quatre groupements (fig. 9.8 A). Sebestyen montre que l'on
peut calculer des courbes polynomiales de plus en plus complexes, qui, lorsqu'elles
sont superposées à la distribution, la partagent en secteurs dans lesquels doivent
théoriquement se trouver' et 1]. Un simple polynome du premier degré définit une
ligne droite (fig. 9.8 B); en revanche un polynome du sixième degré définit une courbe
complexe (fig. 9.8 D). Avec la droite, un tiers des points est mal classé, tandis qu'avec
la courbe complexe les deux distributions , et 1] sont classées avec exactitude. Il
existe des solutions intermédiaires, parmi lesquelles le polynome du second degré
(fig. 9.8 C) apparaît comme particulièrement efficace, en ce sens qu'il ne classe de
280
o ® :~R=1
31 .4 % mal classés
... ® .
...... • . . R=6~ ~
o % mal c1as.sé~••---..
,.'
•• ...=
TJ •••
'. ". ..... \ •
.'.
•• • li
•••• • ••• R= 2 e.. ...: ....
0.5 % mal classé
.... .e. . .. ... .'
~
. .. .
... .... .
'
..:
...
: e •• e.
.
.'. ,
...'
•• - • • • • •• "1
Ti .'. ··
Fig. 9.8 - Emploi d'une analyse discriminante de degré élevé pour classer une distri-
bution cartographique (~ et "1)) en régions distinctes.
Source: SEBESTYEN, 1962, pp. 69-71.
façon erronée que 0,5 % des distributions , et 'Yj, tout en constituant une solution
mathématiquement simple.
L'introduction de la cartographie automatique (Tobler, 1959) incite à penser que ce
type de procédé de classification, en dépit de la complexité des calculs qu'il nécessite,
peut être appliqué au problème du tracé probable d'une limite à travers des surfaces
pour lesquelles l'information est rare ou inexistante.
Une des méthodes d'analyse qui ouvrent les plus grandes possibilités est la théorie
des graphes (Harary et Norman, 1953). Ses applications aux réseaux de transport
(cf. pp. 83-85) et à leur description quantitative (cf. pp. 266-269) ont été
exposées ci-dessus. Nystuen et Dacey (1961) ont montré comment employer la même
technique d'analyse pour définir les structures régionales : étant donné un ensemble
de villes réparties sur une surface et une mesure de leur association, comment cons-
truire une hiérarchie régionale?
281
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
Le tableau 9.3 présente une matrice de flux pour un ensemble de villes (a, b, ...1) : les
nombres de la matrice mesurent le flux (par exemple le nombre d'appels téléphoniques)
observé d'une ville à l'autre. Le flux qui va de la ville d à la ville a est ainsi de 19 unités,
le flux qui va de la ville k à la ville i est de 12 unités, et ainsi de suite. Le rang de chaque
ville correspond au total des flux dirigés vers elle; ce total et le rang correspondant
sont indiqués en bas de chaque colonne; ainsi la ville b, avec un total de 337 unités,
est la première ville, j la deuxième, etc. Les relations hiérarchiques entre villes sont
déterminées par le plus grand des flux qui partent de chacune vers les autres; ces flux
les plus grands sont indiqués sur la matrice par des chiffres en caractères gras. Géné-
ralement le flux le plus grand va vers une ville de rang supérieur (flux nodal). Ainsi,
parmi les flux qui partent de a, le plus grand est celui qui va vers b (autrement dit :
a -+ b).
L'examen de la matrice montre cependant que, dans le cas de quatre villes (b, e, g
et j), le flux le plus grand va vers une ville de rang inférieur. Ces villes forment les
points terminaux du graphe.
TABLEAU 9.3
Vers la ville a b
------------
1 c d e f g h 1 i j k
_'1 Classe
A partir de la ville :
a 00 75 15 20 28 02 03 02 01 20 01 00 Satellite
b 69 00 45 50 58 12 20 03 06 35 04 02 Dominante
c 05 51 00 12 40 00 06 01 03 15 00 01 Satellite
d 19 57 14 00 30 07 06 02 Il 18 05 01 Satellite
e 07 40 48 26 00 07 10 02 37 39 12 06 Dominante
f 01 06 01 01 10 00 27 01 03 04 02 00 Satellite
g 02 16 03 03 13 31 00 03 18 08 03 01 Dominante
h 00 04 00 01 03 03 06 00 12 38 04 00 Satellite
i . 02 28 03 06 43 04 16 12 00 98 13 01 Satellite
j 07 40 10 08 40 05 17 34 98 00 35 12 Dominante
,
k.
.
01
00
08
02
02
00
01
00
18
07
00
00
06
01
05
00
12
01
30
06
00
12
15
00
Satellite
Satellite
Total 113 337 141 128 290 071 118 065 202 311 091 039
Rang 8 1 5 6 3 10 7 Il 4 1
2 9 12
1. Données imaginées.
Source: J. D. NYSTUEN et M. F. DACEY, in Regional Science Association, Papers and Proceedings, 1961,
p. 35.
En commençant par ces quatre points terminaux (fig. 9.9), on peut dessiner des
graphes sur lesquels les huit autres villes sont reliées, directement ou indirectement,
aux points terminaux, conformément au flux nodal partant de chaque ville. La struc-
ture hiérarchique qui résulte de cette opération décrit la structure nodale de la région
en distinguant quatre groupements (sous-graphes) d'importance différente.
282
.........
°e . .
Nystuen et Dacey (1961, pp. 38-42) ont choisi l'État de Washington pour donner
un exemple d'application de cette méthode à une région particulière. A propos de
quarante villes situées dans cet État ou tout près de lui (fig. 9.10 A), ils ont construit
une matrice en utilisant des statistiques de flux concernant le trafic téléphonique à
longue distance. Certaines villes, situées au nord de Seattle, ont été omises, faute de
données. L'analyse de la matrice, faite d'après la théorie des graphes, a fait apparaître:
1° une hiérarchie régionale importante centrée sur Seattle (~) et ramifiée en hiérarchies
______ 0 ---...1:)-,
,--
: o. 0 : 1
1 0 0 1 1
1 d
: 0 ~:\
ÇJ tV\
1 0 0 0
1 \
1 0 \
1 0 0 0 \
1 0 0 1
1 1
1 1
1 1
1 1 1
;()d·Q~'
Fig. 9.10 - Structure nodale de l'État de Washington, dans le Nord-Ouest
des États-Unis (G = 3,5) déterminée par analyse des flux entre villes fondée
sur la théorie des graphes.
Source: NYSTUEN et DACEY, 1961, p. 39.
283
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
secondaires centrées sur Yakima (fJ) et Spokane (y); 2° un système séparé centré
sur Portland (0); 3° deux petits systèmes indépendants centrés sur Pasco (10) et Moses
Lake (C) (fig. 9.10 B). Les résultats concordent assez bien avec d'autres observations
empiriques sur l'organisation régionale de l'État, mais font ressortir un fait imprévu:
l'indépendance de deux petits systèmes intérieurs.
Quoique élémentaire, cette application fait apparaître l'utilité de la théorie des
graphes, qui permet de décider de la force relative des « liens» régionaux, et qui,
à partir de données empiriques adéquates, peut probablement s'appliquer à la défi-
nition des régions, tant pour les besoins de l'administration que pour ceux du monde
des affaires. De même que la méthode des « paires fondamentales », elle souffre
d'une dépendance trop étroite à l'égard des flux dominants (aux dépens de l'ensemble
des flux), mais des développements plus complexes de la théorie des graphes corrigeront
probablement ce défaut.
Dans la vie quotidienne, on groupe intuitivement les choses qui sont semblables
ou « proches» l'une de l'autre. Ainsi, on parle des « enfants» comme d'un groupe
composé d'individus proches l'un de l'autre par l'âge. Le mot « distance » n'est
employé dans un sens non géographique que lorsqu'il s'agit de distances le long d'une
échelle des âges. Berry (1958) a examiné plusieurs façons d'appliquer ce concept de
distance à la classification de caractères géographiques.
Le concept d'espace à n dimensions est présenté ici au moyen des trois points oc,
fJ et y de la figure 9.11. Dans le cas, simple, où il existe une seule dimension, représentée
par un seul axe orienté VI (fig. 9.11 A), oc et fJ sont proches l'un de l'autre. Ils restent
proches l'un de l'autre quand on ajoute une deuxième dimension, représentée par
l'axe orienté V2 (fig. 9.11 B). Quand on ajoute une troisième dimension, représentée
284
Les problèmes de rattachement
par l'axe orienté Va (fig. 9.11 C), les positions relatives apparaissent modifiées: fJ est
alors beaucoup plus proche de y que de oc. Il n'est pas possible de représenter graphi-
quement une quatrième dimension, un axe orienté V4' mais, mathématiquement,
on peut ajouter autant de dimensions que l'on veut, de façon à obtenir un espace
théorique à n dimensions.
V, v, VI
a
a
P.
•
P "f
@ 1
1
Y .y .13 1
1 1
1 .Y 1
Vz Vz
0 ®
La distance entre deux points, dans un espace à n dimensions, est obtenue par appli-
cation de la règle bien connue du « carré de l'hypoténuse », qui peut être écrite sous
la forme condensée suivante
285
Fig. 9.12 - Étapes du groupement en régions des circonscriptions de
recensement des États-Unis (G = 1,B) par analyse multivariée.
Source: BERRY, 1961-B, p. 272.
286
Les problèmes de rattachement
en généralité, et on perd en précision. On obtient une vision parfaite du détail avec les
neuf régions primitives, une excellente vue générale en considérant l'ensemble des
États-Unis comme une unité. Il est possible d'évaluer cette perte du détail, à chaque
étape, à l'aide de la distance généralisée mesurée auparavant (D2 des régions regrou-
pées) : elle va de zéro (avec les neuf circonscriptions) à 343,47 (avec une seule région).
La figure 9.13 représente cette perte progressive du détail : un arbre de classifi-
cation (ou hiérarchie de classification) fait apparaître la combinaison progressive des
régions telles qu'elles ont été formées, étape par étape, et cartographiées sur la figure
9.12 A; la perte du détail (mesurée par le D2 des régions regroupées) est portée sur
une échelle logarithmique, ce qui exagère la très faible perte du détail subie au cours
des cinq premières étapes du regroupement: 3,5 % seulement du détail ont été perdus
au cours de ces cinq étapes, ce qui signifie que l'on peut apprendre presque autant.
en considérant les États-Unis comme formés de quatre grandes régions qu'en les
considérant comme formés de neuf circonscriptions plus petites.
D' des régions regroupées
10 100 343.47
1
1
a
1
al I~
Il r
z 1 ~,
_' 8
I~a.
Q)
Q.
E <
o
~ ~ I~
co ~
~ '1
'Q)
c
'Q)
o t:J
0,1 1 10 100
Perte du détail, en %
Les résultats obtenus par Berry, représentés sur la figure 9.13, impliquent qu'il
faut choisir la division en régions qui correspond le mieux aux objectifs particuliers
de la recherche en cours, mais qu'il faut aussi être conscient du fait que l'efficacité
de ces divisions est relative. Supposons qu'il importe peu que les États-Unis soient
divisés, du point de vue de la répartition des activités de services, en deux, en trois
ou en quatre régions; alors l'analyse de la perte du détail faite ci-dessus donne à
penser qu'il est préférable de prendre quatre régions (3,5 % de perte seulement) ou
trois régions (10 % de perte) plutôt que deux (40 % de perte).
287
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
Seuil de confiance de 95 %
CD
r f-------j
288
Les problèmes de rattachement
est portée une valeur de X2 , qui indique dans quelle mesure les deux caractères sont
associés. Si cette valeur est élevée, on a la preuve que les deux caractères ne sont pas
indépendants.
Williams a constaté qu'en additionnant les valeurs de X2 de chaque ligne (ou de
chaque colonne), on pouvait calculer une somme correspondant à chaque espèce
botanique, et aussi que l'espèce dont la colonne donnait la somme la plus élevée
constituait l'indicateur le plus efficace pour une division en régions. Ainsi, les carrés
de la grille peuvent être répartis en deux groupes, selon qu'ils possèdent ou non
l'espèce-indicateur (c'est-à-dire l'espèce présentant la somme maximale de valeurs X2 ).
Ensuite, les deux groupes peuvent de nouveau être scindés, d'après l'espèce présentant
la deuxième somme la plus élevée, et ainsi de suite. Le schéma général de regroupement
est représenté, par un exemple imaginé, sur la figure 9.14 : il s'agit d'une division
en cinq classes régionales, fondée sur la présence (+) ou l'absence (-) de quatre
espèces : IX, {J, Y et o.
Bien des techniques de classification n'ont pas encore été adaptées à la délimitation
de régions géographiques. Kershaw (1964, pp. 130-170) et Greig-Smith (1964, pp. 158-
209) ont exposé dans leurs grandes lignes les nombreuses techniques qu'emploient
les botanistes, et dont les spécialistes de géographie humaine n'ont pas encore plei-
nement exploré les possibilités.
L'ANALYSE DE VARIANCE
289
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
métique. Dans certains cas, la variance peut être décomposée en termes liés à des
facteurs particuliers de variation. Des exemples d'application de ce type d'analyse
à des problèmes géographiques sont donnés dans le livre de Gregory (1963, pp. 133-
150) avec les indications nécessaires aux calculs.
Zobler (1958) a employé l'analyse de variance pour trancher la question suivante:
en ce qui concerne la population employée dans l'industrie (nombre des travailleurs
des industries primaires et de transformation en 1950), auquel des trois groupes
d'États limitrophes, formant chacun une région, faut-il rattacher l'État de Virginie:
la Moyenne Côte Atlantique, le Sud de la Côte Atlantique, ou le Centre-Sud-Est? Ces
trois régions sont représentées sur la figure 9.15 A, où la Virginie occidentale apparaît
en noir. L'étude des statistiques recueillies pour les États composant les trois régions
et pour la Virginie occidentale ne donne aucune indication permettant de décider à
quelle région l'État en question devrait être rattaché.
Zobler adopte donc une méthode plus rigoureuse, en partant du raisonnement
suivant: quand on construit des régions à partir d'unités plus petites (qui sont, ici,
des États), il existe deux facteurs de variation ; variation entre les États à l'intérieur
d'une région (variation intrarégionale) et variation entre les régions (variation inter-
régionale). Pour mesurer ces variations intra- et interrégionales, Zobler emploie
l'analyse de variance, en considérant trois cas : il rattache la Virginie occidentale,
tour à tour, à chacune des trois régions (tableau 9.4). Pour chaque cas, il divise la
« variance interrégionale », qui mesure les variations des régions par rapport à la
moyenne de toutes les régions, par la « variance intrarégionale » qui mesure les varia-
tions des États par rapport à leurs moyennes régionales respectives, de façon à obtenir
le rapport des variances ou rapport de Fisher-Snedecor (rapport F). Si les deux
variances sont égales, la valeur de ce rapport est 1; plus F est grand, plus sont impor-
tantes les différences interrégionales. En gros, le rapport des variances définit la mesure
dans laquelle l'opération de groupement a réussi à maintenir ensemble les États sem-
blables et à maintenir séparés les États dissemblables.
TABLEAU 9.4
290
® F = 5,17
0,01 < P < 0,5
@ @
F = 15,35 F=15,78
P < 0,001 P < 0,001
Les résultats indiqués sur le tableau 9.4 montrent qu'il est sans doute possible de
rattacher la Virginie occidentale à l'une quelconque des trois régions, mais que la
meilleure solution consiste à l'unir aux États d'Alabama, du Mississipi, du Kentucky
et du Tennessee au sein de la circonscription du Centre-Sud-Est (fig. 9.15 D). Inverse-
ment, la plus mauvaise classification, d'après cette analyse, consisterait à la mettre
avec les États du New Jersey, de New York et de Pennsylvanie dans la circonscription
de la Moyenne Côte Atlantique (fig. 9.15 B).
291
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
Dans cette formule, I: est une sommation de toutes les valeurs de i et j (i i= j) variant
de 1 à n. Ce coefficient général en inclut d'autres, tels que les coefficients tau de Kendall,
rho de Spearman et r de Pearson. Des exemples de calcul du coefficient de corrélation
et de son application à des problèmes géographiques sont donnés dans le livre de
Gregory (1963, pp. 167-184).
Le problème étudié par M. J. Hagood (Hagood, 1943; Hagood et Price, 1952,
pp. 541-547) consistait à partager les États-Unis en six à douze groupements d'États
contigus; il fallait rendre chaque groupement d'États aussi homogène que possible,
compte tenu de quelque 104 variables tirées du recensement démographique et agri-
cole de 1940. Ces variables étaient partagées également en deux groupes principaux,
agriculture et population, qui étaient à leur tour divisés en sous-groupes (quinze au
total). La taille de ces groupes allait de douze variables (informations sur les cultures)
à cinq (informations sur l'appartenance raciale).
M. J. Hagood a utilisé ces variables pour établir le « profil démographique et
agricole» de chaque État. Elle a d'abord réduit les 104 variables de façon que la valeur
moyenne de chacune d'elles, pour les 48 États, soit égale à 50, et que l'écart-type soit
égal à la. Elle a ensuite calculé les coefficients de corrélation (r) entre les profils d'États
limitrophes.
Les coefficients obtenus varient beaucoup, allant de valeurs très fortes correspondant
à deux États semblables (par exemple l'Alabama et la Géorgie avaient un coefficient
de + 0,92) à des valeurs très faibles correspondant à deux États dissemblables (par
exemple l'Ohio et son voisin méridional, le Kentucky, avaient un coefficient de 0,01
seulement, ce qui donne à penser que la limite entre le Nord et le Sud reste fortement
marquée aux États-Unis). Une partie de la carte de Hagood, comprenant l3 États
du Nord des États-Unis, est reproduite sur la figure 9.16; les valeurs du coefficient
y sont figurées par des traits d'épaisseur variable, qui font apparaître l'armature des
« liens régionaux» entre États; ce schéma met en relief l'existence de liens vigoureux,
de direction nord-sud, entre le Montana et le Wyoming, entre les deux Dakota, le
Nebraska et le Kansas, et entre le Minnesota et le Wisconsin. En revanche, les liens
apparaissent assez faibles dans la direction est-ouest.
292
Valeurs des liens
> 0.65
0.33 à 0.65
- - - - ,,0.33
Fig. 9.16 - Schéma des liens. établis par calcul de corrélation. entre
États du Centre-Nord des États-Unis (G = 2.5)'.
Sources: HAGOOD et PRieE, 1952, p. 545.
TABLEAU 9.5
État État
type « noyau )) type « marginal ))
(Alabama) (Missouri)
293
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
est manifestement situé en plein cœur du Sud et ressemble beaucoup à ses voisins,
alors que le Missouri est à la limite de quatre des six grandes régions identifiées par
M. J. Hagood. Le Missouri, ayant des liens plus forts avec l'Illinois qu'avec tout
autre État voisin, a finalement été rattaché à une « région des Grands Lacs ».
Nous pouvons donc constater que ces liens établis par calcul de corrélation ne
résolvent pas les problèmes de régionalisation, en ce sens qu'ils ne créent pas l'homo-
généité là où elle n'existe pas. Mais ils aident à prendre une décision dans des cas
di.fficiles, et à rendre claires aux yeux de l'observateur les raisons d'un choix, quelque
marginal que puisse être ce choix.
Les difficultés que soulève l'emploi de données correspondant à des unités spatiales
de taille différente ont été décrites au chapitre 7 (section 3); nous avions constaté
l'existence d'un dilemme fondamental : les généralisations faites à un certain niveau
ne sont pas nécessairement valables à un autre niveau, et les conclusions tirées à une
certaine échelle peuvent être sans valeur à une autre. Comme l'a affirmé MacCarty :
« Tout changement d'échelle amène à poser un problème nouveau, et rien ne permet
de présupposer que des liaisons existant à une échelle existent aussi à une autre »
(MacCarty et al., 1956, p. 16). Ce problème difficile a également été discuté à fond
par Duncan (Duncan et al., 1961, pp. 26 sq.).
L'étude de la localisation des industries fait apparaître des exemples concrets de
problèmes d'échelle. MacLaughlin et Robock (1949), dans leur étude sur la «migra-
tion» des établissements industriels vers le Sud des États- Unis, ont constaté la nécessité
de partager en deux groupes les raisons pour lesquelles les entreprises ont choisi
telle ou telle localisation : d'une part les raisons du choix du Sud en général (regional
zoning), d'autre part les raisons du choix d'une localité particulière (community
screening). Ainsi, le marché potentiel que constitue le Sud, considéré comme un fac-
teur au niveau régional, perd beaucoup de son importance au niveau local, où des
facteurs tels que les équipements sociaux (hôpitaux, écoles, etc.) peuvent jouer un
rôle plus décisif.
Nous avons étudié (Haggett, 1964) les problèmes d'échelle posés par l'analyse de
la localisation d'un type d'utilisation du sol, la forêt résiduelle, à propos de la répar-
tition des terrains boisés dans le Sud-Est du Brésil. Nous avons constaté qu'à l'échelon
régional (pour une surface à peu près équivalente à celle de la Virginie occidentale)
les deux facteurs dominants étaient la densité de la végétation forestière et le caractère
plus ou moins accidenté du relief (tableau 10.7). A l'échelon local (pour une surface
d'environ quarante miles carrés) le relief et l'accessibilité étaient les facteurs les plus
importants (tableau 10.10). Non seulement les résultats n'étaient pas semblables aux
deux niveaux, mais il a fallu employer des types d'analyse différents: les données
294
Les problèmes d'échelle
Le fait que les problèmes d'échelle aient depuis longtemps préoccupé les géographes
est mis en évidence par le nombre des tentatives qu'ils ont réalisées pour définir les
régions par référence à leurs dimensions. En ce qui concerne les régions homogènes
(tableau 9.1), le système appliqué autrefois par Fennemann (1916) aux divisions
physiographiques des États-Unis, système identifiant de grandes divisions, des pro-
vinces et des secteurs, a eu beaucoup d'influence sur d'autres auteurs (tableau 9.6).
TABLEAU 9.6
Surface Échelles
Fennemann Unstead Linton Whittlesey cartographiques
approximative 1
1
(en miles carrés) 1 1916 1933 1949 1954 convenant à
l'analyse 1
10° Site
10 Stow Stow Locality 1/10000
10' District Tract
Tract District 1/50000
103 Section Section
Sub-région Province 1/1 000000
104 Province Province
Minor region
10' Major division Major Realm 1/5000000
division
10 6 Major Continent
region
1. Whittlesey, 1954.
Unstead (1933), dans un article intéressant sur les « systèmes de régions », a proposé
le schéma qui a complété, pour les échelons inférieurs, le système dont Fennemann
avait tracé les échelons supérieurs. Linton (1949) a intégré les deux systèmes précédents
dans un schéma à sept échelons, qui vont de l'unité la plus petite, le site, à la plus
grande, le continent. Plus récemment, Whittlesey (in James, Jones et Wright, 1954,
pp. 47-51) a présenté une hiérarchie des régions avec des indications détaillées sur
les échelles cartographiques convenant à leur étude et à leur présentation; il a fait
ensuite une étude sur la Rhodésie du Sud à titre d'application (Whittlesey, 1956).
295
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
Au cours de la décennie écoulée depuis que Whittlesey a lancé un appel pour « com-
bler cette lacune de la réflexion géographique» (in James et al., 1954, p. 47), on n'a
guère travaillé dans ce sens. Parmi les rares articles importants publiés sur cette
question, un seul, celui de Bird (1956), a fait subir au schéma de Whittlesey l'épreuve
du terrain. De la comparaison, faite à deux échelles par Bird, entre deux presqu'îles
d'Europe occidentale, la Bretagne et la Cornouailles, il ressort qu'une étude générale
(ou à petite échelle) fait apparaître les deux régions comme semblables, mais qu'une
étude minutieuse (ou à grande échelle) montre que les deux presqu'îles diffèrent
presque du tout au tout dans le détail. Bien que Bird ait ainsi habilement mis en lumière
un problème géographique fondamental, et qui se pose très couramment, cet article
est passé presque inaperçu.
Un deuxième grand pas en avant, au cours de la période qui a suivi les articles de
Whittlesey, a été fait par Philbrick (1957), qui a publié un schéma très complet fondé
sur l'idée d'une hiérarchie de fonctions comprenant sept ordres. Il existe, correspon-
dant à chaque fonction, un point de polarisation, entouré de sa région fonctionnelle.
C'est ici que l'échelle est introduite, par l'intermédiaire du concept géométrique
d'emboîtement: chaque ordre de la hiérarchie s'ajuste dans l'ordre immédiatement
supérieur. Philbrick expose le cas théorique dans lequel chaque place centrale d'un
ordre donné commande par définition quatre places centrales de l'ordre immédiate-
ment inférieur. Il y a ainsi, dans une région de septième ordre, une suite de 4 centres
du sixième ordre, 16 du cinquième ordre, et ainsi de suite jusqu'au niveau terminal :
4096 centres de premier ordre. Dans son essai d'application de ce schéma à l'Est
des États-Unis, où New York et Chicago jouent le rôle de centres du septième et du
sixième ordre, Philbrick n'a réussi qu'en partie; mais cette tentative d'introduction
d'une composante d'échelle dans un système de régions nodales a joué un rôle pilote.
Les géographes n'ont guère essayé d'employer des méthodes quantitatives pour
isoler et mesurer les composantes d'échelle. Dans cette section et la suivante, deux
façons d'aborder ce problème sont proposées: d'une part l'échantillonnage à plu-
sieurs degrés et l'analyse de variance, d'autre part la cartographie-filtre et une tech-
nique qui lui est étroitement liée, la cartographie des surfaces de tendance. Pour
exposer ces techniques, nous prendrons l'exemple d'une étude faite par nous (1961-B)
sur le Centre du Portugal, et nous nous référerons plus largement à des recherches
menées dans d'autres sciences de la terre, notamment en géophysique (Miller et
Kahn, 1962, pp. 390-439; Chorley et Haggett, 1965-B).
296
Les problèmes d'échelle
nécessaire de couvrir une région aussi vaste que possible tout en restant attentif aux
variations locales.
Fondamentalement, la méthode d'échantillonnage à plusieurs degrés consiste à
diviser l'ensemble territorial étudié en quelques grandes régions de surface égale.
Plusieurs de ces grandes régions sont alors choisies au hasard et divisées en un certain
nombre de sous-régions. Plusieurs de ces sous-régions sont à leur tour retenues au
hasard et divisées; on continue ainsi jusqu'à ce qu'on ait atteint la plus petite unité
significative, ou jusqu'à ce qu'on cesse d'avoir des données. La figure 9.17 illustre
ce processus : un rectangle de 150 X 100 kilomètres est divisé en six « unités régio-
nales» carrées dont chacune mesure 50 kilomètres de côté; puis chacun de ces carrés
est subdivisé quatre fois, jusqu'au niveau des plus petites unités, qui sont des carrés
de 3,125 kilomètres de côté (tableau 9.7). En prélevant au hasard, à chaque niveau du
processus de division, deux carrés seulement parmi les quatre disponibles, on ne tire
pour les étudier que 96 de ces petites unités, sur un total possible de plus de 1 500 uni-
tés existant dans la surface primitive: la fraction de sondage est de 1/16. La localisation
des unités tirées est représentée par des points noirs sur la figure 9.17 B. Un sondage
ainsi fait garantit non seulement que toutes les parties de la région sont représentées,
mais que le temps passé sur le terrain à visiter chaque point est nettement inférieur
à celui que nécessiterait un sondage aléatoire à un degré au même taux de 1/16.
297
TABLEAU 9.7
Sous- Sous-
Région région District district Localité
1 II III IV V
Source: P. HAGGETT, Mu/ti/eve/ Variance Ana/ysis ofSobreiro Distribution in the Tagus-Sado Basin (inédit),
1961, pp. 9, 11.
C'est principalement au stade de l'analyse que l'on a intérêt à collecter des données
dans un cadre défini par le processus exposé ci-dessus. Toute valeur « locale» X peut
alors être considérée comme résultant de la somme de la valeur moyenne et des
déviations indépendantes observables à chaque niveau du processus de division :
X = valeur moyenne de l'ensemble étudié (150 X 100 km)
+ déviation de la région (50 x 50 km) par rapport à la valeur moyenne de
l'ensemble
+ déviation de la sous-région (25 x 25 km) par rapport à la moyenne de la
région
+ déviation du district (12,5 X 12,5 km) par rapport à la moyenne de la sous-
région
+ déviation du sous-district (6,25 X 6,25 km) par rapport à la moyenne du
district
+ déviation de la localité (3,125 x 3,125 km) par rapport à la moyenne du
sous-district.
On suppose que toute observation isolée faite en un point de la surface de la terre
peut être considérée comme affectée d'une déviation par rapport à la valeur moyenne
du district dans lequel est situé ce point; on suppose de plus que cette moyenne du
district peut être considérée comme affectée d'une déviation par rapport à la moyenne
de la région dans laquelle est situé ce district. On peut continuer ainsi, en considérant
chaque valeur comme affectée d'une déviation par rapport au niveau immédiatement
supérieur.
Krumbein et Slack (1956) ont fait sur le Sud-Ouest de l'Illinois une étude géologique
qui éclaire ce point. Ils ont établi une hiérarchie à cinq échelons: l'échelon des régions
du Sud-Ouest de l'Illinois où affleure la houille (soit une surface de 150 X 25 miles
environ), celui du groupe de townships (18 X 18 miles), celui du township (6 X 6 miles),
298
Les problèmes d'échelle
celui de la mine et celui de l'unité de sondage. La figure 9.18 représente ces cinq éche-
lons, rangés par ordre de taille croissante le long de l'axe des y du graphique; la
valeur correspondante de la caractéristique étudiée est portée sur l'axe des x. La
Région
Groupe de townships
Township
Mine
Unité de sondage
2 3 4 5
Valeurs
valeur obtenue pour l'unité de sondage (1) peut être considérée soit comme une valeur
isolée de 5,10, soit comme affectée d'une déviation de + 2,51 par rapport à la mine
d'où elle est tirée et dont la valeur moyenne est 2.59 (2). Cette valeur obtenue pour
la mine peut aussi être considérée comme affectée d'une déviation de +0,04 par
rapport au township (3) dans lequel la mine est située et dont la valeur moyenne est
de 2,55. Toutes les valeurs portées sur ce graphique peuvent être considérées comme
affectées de déviations par rapport à la moyenne régionale (5) du Sud-Ouest de l'Illi-
nois, qui est égale à 2,42.
Il est évidemment possible de remplacer le graphique par l'expression
5,10 = 2,42 + 0,67 + (-0,54) + 0,04 + 2,51
L'intérêt de ce type d'analyse réside en ce qu'il permet de séparer l'une de l'autre
les déviations correspondant à chaque échelon de la hiérarchie régionale, et, de plus,
de mesurer leur valeur. La figure 9.19 représente les résultats d'une analyse de la
structure de variabilité présentée par la répartition des forêts dans le Centre du Portu-
gal, analyse faite par Haggett à l'aide de cette technique; le plan initial est représenté
sur la figure 6.1 A. Le graphique indique le grand contraste existant entre l'augmenta-
tion de variabilité qui apparaît au troisième échelon, celui du district, et l'effet négli-
geable de l'échelon immédiatement supérieur. Dans cet exemple, l'analyse de variance
était faite sur la base du plan de sondage à plusieurs degrés représenté par la figure 9.17,
et les échelons de la hiérarchie régionale identifiés (l, II, ... , V) sont ceux qu'indique
le tableau 9.7 : le premier échelon (1) correspond à une surface de 2500 km 2 , tandis
que le cinquième échelon (V) correspond à une surface de 10 km 2 seulement.
299
400
ru
300
\
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la 10 2 103 10 4
Surface du Quadral, en km 2
La première courbe (fig. 9.19 A) fait apparaître les grands contrastes de variabilité
entre les cinq échelons: les plus grandes différences s'observent aux premier, troi-
sième et cinquième échelons. L'examen des courbes suggère que la variabilité peut
être en rapport avec une série de facteurs agissant à des échelles différentes; la faiblesse
des gradients climatiques, dans l'aire étudiée, s'oppose par exemple à la brusquerie
300
Les problèmes d'échelle
Les méthodes cartographiques n'ont été que récemment utilisées pour séparer les
composantes d'échelle supérieure (échelle régionale) des composantes d'échelle
inférieure (échelle locale). Bien qu'il tire son origine de la prospection géophysique
et de la prévision météorologique, ce type de cartographie, la cartographie des sur-
faces de tendance, présente, quand on l'introduit dans l'analyse géographique,
de grandes possibilités que Chorley et Haggett (l965-B) ont étudiées en détail et sur
lesquelles nous ne nous étendrons pas ici. Nous allons simplement exposer trois
méthodes de complexité croissante - la méthode des cartes-filtres, la méthode des
plans de tendance et la méthode des surfaces de tendance d'ordre plus élevé - et
discuter le problème du choix entre ces méthodes.
LE FILTRAGE CARTOGRAPHIQUE
Les idées sur lesquelles repose la construction de cartes-filtres peuvent être saisies
à partir d'un exemple assez simple. La figure 6.1 montre les étapes de l'analyse en
composantes régionales et locales d'une distribution donnée, qui est ici la répartition
réelle des forêts dans un secteur du Centre du Portugal (fig. 6.1 A). Pour son étude
statistique, cette répartition peut être exprimée sous deux formes : le rapport surface
boisée/surface non boisée, soit 0,352, ou le pourcentage surface boisée/surface totale,
soit 26,3 %. En posant sur l'aire étudiée une grille rectangulaire, on peut calculer les
valeurs de ces rapports pour de petites surfaces (ici, des cases carrées de 40 km 2) et
tracer des isarithmes. La carte obtenue (fig. 6.1 B, p. 174) décrit complètement l'aire
étudiée, sous une forme bidimensionnelle. Comme une carte en courbes de niveau
représentant le relief, elle pourrait être transformée en une maquette à trois dimensions;
mais on peut de toute manière la concevoir comme une surface de tendance à trois
dimensions.
301
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
302
Les problèmes d'échelle
2
@
Résidus positifs Résidus négatifs
Fig. 9.20 - Distribution des forêts dans le Sud-Est du Brésil (G = 3,9) : proportion observée;
tendance régionale; anomalies locales.
Source : HAGGETT, 1964, p. 372.
La distribution observée est représentée, sur la figure 9.20 A, par des isarithmes (à
intervalles de 10 unités); les surfaces où la proportion de forêts est inférieure à la valeur
moyenne de l'ensemble de la région sont en grisé. La tendance générale présentée
par cette distribution des forêts est indiquée par le plan d'ajustement (fig. 9.20 B)
qui s'abaisse vers l'intérieur des terres, plongeant perpendiculairement à la direction
303
LA DÉFINITION DES RÉGIONS
de la côte. Les surfaces où la proportion de forêts est supérieure à celle indiquée par
le plan, ou anomalies positives (fig. 9.20 C), comprennent les parties extrêmement
boisées de l'escarpement de la Serra do Mar et de la Serra da Mantiqueira. Les sur-
faces « déprimées» (fig. 9.20 D) de la répartition se trouvent dans le bassin peu arrosé
de Taubaté et dans la partie nord-ouest de la carte.
304
Les problèmes d'échelle
la surface qui est couvert par un type de forêt (fig. 6.1 B et fig. 9.21 A), le plan de
meilleur ajustement (fig. 9.21 B) et la surface de résidus (fig. 9.21 C) sont calculés
comme ci-dessus. Puis deux plans distincts sont ajustés aux résidus, d'une part à
ceux qui correspondent à la partie positive du premier plan, d'autre part à ceux qui
correspondent à sa partie négative; ces deux ensembles de résidus sont séparés par
la ligne en tireté de la figure 9.21 C, et les deux plans obtenus sont représentés sur la
figure 9.21 D. On peut continuer ainsi à ajuster des plans à des parties de plus en plus
petites de la carte, jusqu'à ce que les points directeurs deviennent trop peu nombreux
pour constituer une base acceptable de calcul d'une tendance. A chaque étape du
processus, le nombre de plans est doublé.
Cette analyse a été faite à titre d'expérience, mais il semble évident que la méthode
employée est susceptible d'applications plus larges. Elle fournit un moyen simple de
décrire une carte en isarithmes complexe, comme celle de la figure 9.21 A, en la rame-
nant à une série de vecteurs, comme sur la figure 9.21 D. Chaque vecteur ayant un
azimuth particulier (compris entre 0 et 360 degrés) et une inclinaison particulière
(comprise entre 0 et 90 degrés), la comparaison de répartitions, qui est habituellement
une affaire difficile et incertaine, est rendue beaucoup plus facile.
305
LINÉAIRE QUADRATIQUE ORDRE 3 ORDRE 4
Z Z Z Z
'J)
c
0
"iij
c
Q)
E
'ë
x
::l
Q)
0
U U
. U U
Z = 0 + bu Z = 0+ bu + cu 2 Z = 0 + bu + cu 2 + du' Z = 0+ bu+cu 2+du'+eu 4
'J)
c
o
"iij
c
Q)
E
'ë
'J)
'ë v
1-
Fig. 9.22 - Correspondance entre courbes à deux dimensions et surfaces à trois dimensions.
Sources: CHORlEY el HAGGETT, 1965-B; KRUMBEIN, 1956.
Fig. 9.23 - Comparaison entre une surface représentant une répartition réelle (A)
et un plan ou surface d'ordre 1 (B) et une surface quadratique d'ordre 2 (c).
Source: KRUMBEIN, 1959-B, pp. 828-831.
des études dans lesquelles on les emploie. Ces surfaces servent parfois à « reconstruire»
des répartitions à partir de données fragmentaires (cas des « stratigraphies-fantômes»
de Whitten (1959», mais, plus souvent, à dégager les tendances régionales et à étudier
les déviations par rapport à ces tendances. Selon Krumbein (1956, p. 2193), les résidus
calculés à partir de surfaces linéaires, qui font ressortir les formes locales, peuvent
présenter plus d'intérêt que la carte initiale ou qu'une carte représentant une surface
de tendance d'ordre supérieur.
307
® .
Tendance réglOllah3 @RéSidUS
® CD
308
Les problèmes d'échelle
309
Chapitre 10 Les hypothèses en géographie humaine
Les tests statistiques
Les vérifications par analogies
LA VÉRIFICATION
DES HYPOTHÈSES
310
1. LES HYPOTHÈSES EN GÉOGRAPHIE HUMAINE
L'un des plus simples parmi les modèles de vérification d'hypothèses en géographie
humaine a été proposé par MacCarty (1956, p. 263); cet auteur plaide pour l'adoption
dans la recherche géographique d'une démarche séquentielle: définition des problèmes,
puis application d'hypothèses, puis évaluation de leur efficacité, enfin énoncé de
nouvelles hypothèses propres à expliquer les discordances. Plus précisément, on peut
formuler la démarche préconisée par MacCarty comme une série de cycles de
régression tels que ceux que présente le tableau 10.1. Au cours du premier
cycle (Cl)' le problème est défini, les données collectées, puis soumises à une analyse
statistiq ue, enfin transformées en cartes en isarithmes de la répartition étudiée (Y).
L'analyse de la carte de la répartition Y conduit à la formulation d'une hypothèse,
qui est destinée à rendre compte des irrégularités géographiques observables sur
la carte, et qui amorce le deuxième cycle (C2 ) par la définition d'une variable explicative
Xl' Des données relatives à Xl sont collectées, puis soumises à une analyse statistique,
et mises en rapport avec la répartition Y par une analyse de régression : à l'aide de
l'équation de régression Y = f (Xl)' les déviations de la distributi{m réelle Y par
rapport à la distribution théorique peuvent être mesurées. La carte de ces déviations
ou résidus marque la fin du deuxième cycle. L'analyse de la carte de résidus peut conduire
à une seconde hypothèse destinée à prendre en compte ce qui reste inexpliqué de la
répartition Y. Ainsi s'amorce le troisième cycle (C 3 ), qui commence par la définition
de la variable explicative X 2 • Comme le montre le tableau 10.1, ce troisième cycle est
semblable au deuxième et peut être prolongé par d'autres cycles (C4 à Cn ) jusqu'à
ce qu'un seuil d'explication satisfaisant soit atteint.
311
TABLEAU 10.1
Phase <l.
:2 Cartes en isarithmes Cartes en isarithmes ~ ?
D 0.
'...."
00
.8....
de la répartition
étudiée Y
des résid us (Y ~ Yc )
9
•1
1
1
1
1
U'" 1
Phase
.g'"
::> 4 8 10 14
C
.~
3
:§ Analyse de régression Analyse de régression
Y = !(X l ). (Y - Yr) =! (X2 ).
"' Tests de signification Tests de signification
'"'>." de la tendance de la tendance
<;
1::
<t:
7a 7b 13a 13b
0"", Coll~cte de
données X 2 •
Phase 1::_ Collecte de données Y. Collecte de données Xl'
"'-l Échantillonnage Échantillonnage Echantillonnage
B
1 5 11
Thomas (1960) s'est inspiré d'une étude peu banale de MacCarty, restée inédite,
pour illustrer cette méthode. Dans cet article, intitulé « MacCarty on MacCarthy»,
MacCarty essaie d'expliquer la répartition (Y) des votes en faveur du sénateur Joseph
MacCarthy dans l'État de Wisconsin. Les données indiquent le pourcentage de voix
obtenu par le sénateur dans chaque secteur électoral de l'État. MacCarty examine
312
Les hypothèses en géographie humaine
d'abord l'hypothèse (Hl) selon laquelle MacCarthy a été élu principalement grâce
aux voix des agriculteurs. La variable indépendante Xl est le pourcentage de population
rurale de chaque secteur électoral. De l'analyse de régression Y = f (Xl)' il ressort
qu'environ un tiers de la variation totale du pourcentage de votes en faveur de Mac-
Carthy peut être attribué à ce facteur. La carte de résidus résultant de l'opération
y - Yc présente deux aires de fortes valeurs positives, situées l'une dans le Nord,
l'autre dans le Centre-Est de l'État (fig. 10.1 A). Dans ces deux aires, la prédiction
fondée sur 1'hypothèse Hl a donc considérablement sous-estimé l'importance véritable
des votes favorables à MacCarthy. De cette carte, MacCarty tire l'idée qu'un autre
313
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
suite l'une de l'autre, ce qui permet de décider de leur valeur relative. Cette démarche
est le fondement de la méthode d'analyse de régression multiple (cf pp. 330-333), que les
géographes utilisent largement de nos jours. Les deux démarches, séquentielle et
parallèle, mettent en application l'idée d 'hypothèses multiples. La première a pour
avantages la clarté du raisonnement et son caractère progressif; la seconde favorise
davantage l'induction et met en évidence la nature multiforme des problèmes géo-
graphiques.
Rs = 1 - {( 6 ~ fi 2
)/(N3 - N) }
314
TABLEAU 10.2
Variables: A B C D E F G H 1 J K
Coefficient de localisation (A) 1 + 0,72 - 0,02 + 0,19 + 0,15 - 0,09 + 0,43 + 0,13 - 0,15 -0,19 - 0,59
Quotient de localisation (B) 1 - 0,25 - 0,08 - 0,36 - 0,18 + 0,25 + 0,46 - 0,45 - 0,25 - 0,53
Espacement des établissements (C) 1 + 0,52 + 0,42 - 0,40 + 0,45 - 0,14 - 0,20 - 0,19 - 0,05
Taille des établissements (D) 1 + 0,79 + 0,19 + 0,25 -0,76 - 0,02 + 0,68 + 0,04
Concentration (E) 1 + 0,46 + 0,28 - 0,80 + 0,40 + 0,73 + 0,34
Investissements (F) . . . 1 + 0,34 - 0,01 + 0,27 + 0,06 + 0,56
Taille des entreprises (G) . 1 + 0,33 - 0,34 - 0,57 - 0,42
Rap-
( Carburant
M"iè,,, p"miè,,*oû" (H).
1coûts (1) . . . .
1 - 0,32 ' - 0,90
1 + 0,56
- 0,22
+ 0,55
ports Main-d'œuvre 1coûts (J) . . 1 + 0,38
Investissements 1coûts (K). . 1
1
1
où N est le nombre d'unités (ici, les industries) et fi la différence entre les rangs de
l'unité i relativement à deux variables. R s peut s'étendre de la valeur +
l, qui indique
un accord maximal entre les deux variables, à la valeur -l, qui indique un désaccord
total; les valeurs proches de zéro correspondent à des relations indéterminées entre
les deux variables.
Le tableau 10.2 est une matrice qui présente toutes les combinaisons possibles
des onze variables prises deux par deux. Les nombres indiqués dans chaque case de la
matrice sont les valeurs de R s . Mais, du fait que ces nombres ne mesurent que des
relations statistiques, il est essentiel de savoir dans quelle mesure les valeurs obtenues
correspondent aux prévisions théoriques que donnerait le calcul des probabilités.
Les chiffres en caractères gras du tableau 10.2 représentent les valeurs de R s dont la
différence avec zéro est significative au seuil de confiance de 95 % (cf. section 2).
On peut analyser ce tableau par référence à trois concepts : les paires fondamentales,
les groupements rho et les groupes F (OIson et Miller, 1958).
10 Une paire fondamentale est caractérisée par le fait que chacune de ses deux
variables est en corrélation plus forte avec l'autre qu'avec toute autre variable. Les
paires constituent des points de convergence des valeurs et leur rôle premier est un
rôle de « formateurs d'ensembles ». L'examen du tableau 10.2 fait apparaître que
la plus forte valeur de R s obtenue pour la variable J (part de la main-d'œuvre dans
les coûts globaux) est celle qui mesure la corrélation avec H (part des matières pre-
mières dans les coûts) et inversement. Ces deux variables forment donc une paire
fondamentale. Considérons une autre variable, C; sa plus forte valeur de R s est celle
qui mesure sa corrélation avec D; mais D (taille des établissements) est en corrélation
encore plus forte avec une autre variable, E. Toute variable qui, comme C dans le
cas présent, ne forme pas de paire fondamentale, est rattachée à la paire fondamentale
avec un élément de laquelle sa corrélation est la plus forte (ici, la paire DE), de façon
à former un ensemble.
Le tableau 10.3 présente les paires fondamentales et les ensembles dont elles forment
TABLEAU 10.3
(2) E
- D C Ensemble des variables de dimension
(3) B
- A K-F Ensemble des variables de localisation
\
1. Industries du Portugal, 1950-1955.
316
Les hypothèses en géographie humaine
les noyaux. Les trois ensembles décelés sont les suivants : l'ensemble 1 (variables
de coût) dans lequel les variables coûts des matières premières et coûts de main-
d'œuvre sont en corrélation forte mais négative; l'ensemble 2 (variables de dimensions)
dans lequel les variables taille de l'établissement et concentration sont en forte corré-
lation positive; l'ensemble 3 (variables de localisation) dans lequel un groupe plus
important de variables se rattache à un axe formé par le coefficient et le quotient de
localisation.
2° L'analyse en paires fondamentales réduit le nombre des intersections et met
un peu d'ordre dans la matrice, mais elle présente l'inconvénient de ne pas décrire
tous les liens que la matrice fait apparaître. Par exemple, le tableau 10.2 montre que
A appartient à l'ensemble 1, mais qu'il est également lié (quoique moins fortement)
à B et à l'ensemble 3. Ce critère de corrélation maximale, qui est employé pour déter-
miner les ensembles dans l'analyse en paires fondamentales, peut être remplacé par
Première étape: seuil
de confiance de 99,9 %
/",..--------
Deuxième étape: seuil
de confiance de 99 %
,
--- ------
"\
\
1
1
"\ 1 1
1
,
1 1
,,
1 1
- - -- "" ,
1
............... E,'
,--------- ! ", ,
---
~
1
:'0
"
@': ~,
Troisième étape: seuil --------"
de confiance de 95 %
.... -------------
--- --,
1
.... ,
\
1
\
1
1
\
1 1
1 1
1
1
,1
1 1
1 1
1
1
\ 1
\ 1
\ 1
\ ,/
" ....
c
-------------
fig. 10.2 - Modifications des schémas de liaison entre les variables
des industries portugaises correspondant à un abaissement du seuil
de confiance.
Source : HAGGETT, 1959, p. 20.
317
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
le concept de groupement rho, qui fait apparaître tous les liens existant à un seuil de
confiance donné.
La figure 10.2 montre que les corrélations entre les variables sont beaucoup plus
complexes que ne le révèle l'analyse en paires fondamentales. Les trois ensembles
simples sont remplacés par deux groupements dont les liens internes sont solides
et qui sont en partie liés l'un à l'autre par une variable commune, J (coût du combus-
tible). Il est clair que les ensembles 1 et 2 se sont combinés en un groupement de quatre
variables (auxquels s'ajoutent trois variables annexes), tandis que l'ensemble 3 a
conservé son indépendance en formant un groupement de trois variables (auxquels
s'ajoutent deux variables annexes).
30 On appelle groupe F un groupe quelconque de variables entre lesquelles on
pense qu'il existe une liaison fonctionnelle. L'analyse des matrices de corrélation,
faite dans la perspective des groupes F, distingue d'une part les liaisons fonctionnelles
entre variables (par exemple entre les diverses variables de localisation), d'autre part
Groupe F
A . des variables
'. de localisation
.: . , . . ,"
.
\. /~A0;"'-:'
H' )"'"/ / (, 1 . LIENS
. ., V' /. ·1. .'
. . . l'y <' 1/· '.
Groupe F . . ' . 1/ J( ,~/\. 1. . - - - très significatif
des variables. . . . . I~ ~ '<" 1" . , : - - - significatif
____ probablement
de coût ~. ",,/ ,'\\." .
significatif
/. : .. \~~ ..
-:-.---.~.
Fig. 10.3 - Analyse, par la méthode des groupes F, des schémas de liaison
présentés sur la figure 10.2.
Source: HAGGETT, 1959, p. 21.
les liens avec des variables indépendantes. Sur la figure 10.3, les onze variables ont
été classées en trois groupes F distincts : le groupe des « variables de localisation»
(A, B, C), le groupe des « variables de dimensions» (D, E, F, G), et le groupe des
« variables de coûtS» (H, J, J, K). Les variables étant groupées sur cette base quali-
tative, la distinction entre liaisons internes à un groupe et liens entre groupes apparaît
clairement.
L'analyse des industries portugaises faite selon cette méthode suggère deux hypo-
thèses principales : la taille des établissements est liée aux coûts; la localisation est
318
Les tests statistiques
liée aux investissements. En mettant en lumière les liaisons qui ont le plus d'impor-
tance et en éliminant celles dont les effets sont moindres, cette méthode fraye la voie
à l'application des techniques classiques de test d'hypothèses.
Au passif de la méthode du fusil de chasse, rappelons cependant qu'il peut exister
des liaisons entre une variable d'une part, plusieurs variables d'autre part. De telles
liaisons n'apparaissent pas sur la matrice de corrélation (tableau 10.2) qui mesure
seulement les liaisons entre variables prises deux par deux. Des techniq ues plus
compliquées sont nécessaires pour traiter ce problème plus difficile. Berry (1960)
a montré comment inverser une matrice et lui appliquer l'analyse canonique pour en
extraire la « structure latente ». C'est à partir d'un tableau croisé de quatre-vingt-
quinze pays et quarante-trois indices de développement économique qu'il a défini,
par le calcul, les composantes principales présentées sur le tableau 8.1 (p. 251) :
ces composantes conduisent à un certain nombre d'hypothèses relatives au dévelop-
pement économique.
L 'hypothèse tirée de l'imagination a des chances de conserver la première place
dans la recherche géographique; mais des techniques statistiques, plus ou moins
complexes et efficaces, sont susceptibles de suggérer des hypothèses de travail en
faisant apparaître l'organisation éventuellement latente dans les observations.
Peu de vagues d'innovation ont déferlé sur la géographie avec plus de force et
avec des effets aussi décisifs que l'analyse statistique. En 1955, l'emploi de méthodes
statistiques dans la recherche géographique était une curiosité (sauf peut-être en
çlimatologie). Vers 1965, beaucoup d'articles faisant une large place à l'analyse
statistique étaient publiés dans de nombreuses revues américaines de géographie,
notamment dans les Annals of the Association of American Geographers,. même dans
les revues anglaises, plus conservatrices, se manifestaient discrètement des tendances à
l'emploi de ces méthodes. En outre, ont été publiés un manuel de statistique spéciale-
ment conçu pour les géographes (Gregory, 1963), une étude importante sur la carto-
graphie statistique (Duncan et al., 1961), une bibliographie exhaustive de la géogra-
phie mathématique (Anderson, 1963), et un symposium sur les méthodes quantitatives
en géographie (Garrison, 1967).
Il n'y a pas lieu de débattre ici du rôle à accorder à la statistique en géographie.
Les arguments en sa faveur ont été exposés avec force par Burton (1963-A), qui consi-
dère la « révolution quantitative» comme à la fois inévitable et irréversible. Quant
aux arguments contre l'emploi, ou plutôt contre l'emploi inconsidéré de la statistique,
Spate (1960) les a présentés dans un plaidoyer en faveur de l'analyse littéraire et
qualitative. Des escarmouches ont été engagées à propos des techniques elles-mêmes,
par Reynolds (1956) et Garrison (1956) sur la question de la statistique « géogra-
phique », et par Zobler (1958) et Mackay (1958-B) sur l'utilité de la variable X2 dans
le tracé des limites régionales. L'ardeur du débat provient en grande partie du manque
d'information et de compréhension, d'un côté comme de l'autre (Robinson, 1961-A).
319
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
La variété et la complexité des techniques statistiques sont telles que leur exposé
dépasse le cadre de cet ouvrage; nous nous contenterons d'énoncer les problèmes que
pose au départ l'application de tests statistiques aux populations géographiques,
et de présenter, à l'aide de cinq exemples, quelques-unes des possibilités de ces
méthodes. D'excellents manuels de statistique sont à la disposition de ceux qui vou-
draient aller plus loin. Le livre de Davies (1958) présente une introduction non mathé-
matique très claire aux procédés types et constitue un excellent formulaire; celui de
Siegel (1956) offre un tableau résumé des tests non paramétriques. Gregory (1963)
a écrit une introduction aux méthodes statistiques appliquées aux données géogra-
phiques; des manuels semblables concernent l'écologie (Greig-Smith, 1964; Kershaw,
1964) et la géologie (Miller et Kahn, 1962). Deux courts exposés généraux nous
semblent particulièrement intéressants, ceux de Strahler (1954) et de Chorley (in
Dury, 1965) sur les applications de la statistique à la géomorphologie; ces articles
font bien ressortir les problèmes, tant morphologiques que spatiaux, de l'analyse
géographique.
Deux des difficultés fondamentales que rencontre tout essai d'application des
méthodes statistiques traditionnelles à la solution de problèmes géographiques ont
leur source dans la nature même des populations géographiques (chap. 7, section 1).
En effet, les mesures relatives à ces populations - taille des villes, pentes, etc. -
révèlent couramment des distributions qui ne sont pas « normales» au sens statistique
du terme (c'est-à-dire : ne suivent pas la loi de Laplace-Gauss), mais fortement
dissymétriques; d'autre part, le niveau de mesure (cf pp. 239-241) est souvent bas.
Dans la plupart des tests statistiques, l'une des hypothèses fondamentales est que
les valeurs observées sont distribuées symétriquement de part et d'autre de la moyenne,
selon une fonction de densité normale représentée graphiquement par une courbe
en cloche (Davies, 1958, p. 15). On sait peu de chose sur la distribution statistique des
populations géographiques, mais les rares études déjà faites montrent clairement
que les données géographiques ne se conforment à une distribution exactement
normale que dans très peu de cas. Presque tous les indices dont les courbes cumu-
latives figurent dans l'atlas de Ginsburg ont une distribution fortement dissymétrique.
En présence d'une distribution non normale, il existe deux façons de tourner la
difficulté :
10 Employer la vaste gamme des tests statistiques assez simples, dits non paramé-
triques, dont l'application n'exige pas que la distribution des observations soit normale.
Siegel (1956) a présenté brièvement plusieurs tests de ce genre dans son livre Non-
parametric Statistics. Ces tests posent un problème : l'échelle des mesures utilisées
doit être au moins l'échelle ordinale; convertir à cette échelle les valeurs observées
initiales peut entraîner l'abandon d'une partie de l'information qu'elles contenaient.
320
Les tests statistiques
2° Analyser non les données initiales, mais une transformation adéquate de ces
données, de façon à stabiliser les variations et à rendre la distribution plus proche
de la normale; ainsi les tests paramétriques traditionnels peuvent être appliqués
sans difficulté. Le tableau 10.4 indique les transformations les plus usuelles et leur
effet sur les données initiales. Parmi elles, la plus couramment employée en géographie
TABLEAU 10.4
Normale . .
Log-normale Log X Normalise les données
Binomiale. Arc-sinus Stabilise la variance
Poisson. -JX Stabilise la variance
Gamma . . -JX ou log X Stabilise la variance
est la transformation logarithmique, qu'ont appliquée King (1961) dans une étude
sur l'espacement des villes aux États-Unis, et Haggett (1964) dans une étude sur la
distribution des forêts dans le Sud-Est du Brésil. Thomas (1962, p. 17) a utilisé une
extension de cette transformation, la transformation bilogarithmique : dans une
étude sur l'espacement des localités de l'Iowa, il a pris le logarithme du logarithme
des distances. Dans les études sur l'utilisation du sol, la transformation arc-sinus
présente un intérêt particulier; Krumbein (1957) a exposé en détail les arguments
en faveur de son adoption à la place de l'emploi direct de données qui se présentent
sous forme de pourcentages ou de rapports; en gros, elle a pour effet de stabiliser
la variance et de permettre l'emploi de plans d'expériences qui, autrement, seraient
inadaptés. La figure 10.4 représente le résultat de la conversion de données (en pour-
centages) relatives à la distribution des forêts au Portugal en unités angulaires par
application de la transformation arc-sinus. Des tables de conversion figurent dans
le livre de Fisher et Yates (1957, tableau X, p. 20).
Il n'est guère difficile de décider si la transformation arc-sinus est appropriée ou
non à un cas donné : elle est adéquate si les données en pourcentages sont fondées
sur l'observation de moins de 100 individus, ou s'il existe des valeurs inférieures à
30 % ou supérieures à 70 % (Jeffers, 1959, p. 74). Dans bien des cas, cependant, il
peut être bon de se demander quelle transformation est adéquate, ou même s'il est
nécessaire d'en faire une. Il est utile, à titre d'essai, de porter diverses transformations
sur du papier gausso-arithmétique, sur lequel une distribution normale est représentée
par une droite. Jeffers (1959, p. 75) a présenté une méthode rapide qui permet de
choisir la transformation adéquate en comparant la variance et la moyenne de l'échan-
tillon sur du papier bilogarithmique. En pratique, plusieurs tests sont assez robustes
321
30
20
10
a,... DONNÉES INITIALES
Forêts de sobceiro, en %
100
50
00 100 gL9----90.L-----'ao----'.,,1...0-G.l.O-5.l.0-4Q..l-.J.3O-21.-0-.J.10-------J1 0 ~
100 -g
<1>
DONNÉES TRANSFORMÉES ~
<1>
U>
Forêts, en unités angulaires n
50 3c:
ro:
<1>
L-_ _--'s::::..-----lL-..l-..1-..1-..1---'--------L_--'---- ---Jo !!'
<1>
gg gO 80 70 60 5040 30 20 10 1::>
100 ?f!.
1!~
DONNÉES IDÉALES
Distribution normale
50
o o
80 7060 5040 30 20 10
pour être peu affectés par de faibles écarts par rapport à la loi normale; des transfor-
mations approchées suffisent donc.
Ainsi, des transformations permettent d'appliquer à des populations géographiques
non normales toute la gamme des tests paramétriques. Malheureusement, il faut
ensuite faire une nouvelle transformation des résultats de l'analyse statistique, pour
revenir à la forme initiale; cela peut être très difficile, et le chercheur isolé doit mettre
en balance, dans chaque cas, les avantages théoriques et les inconvénients pratiques
de ces opérations. Krumbein (1957) a néanmoins rappelé que le souci de conserver
telle ou telle forme de mesure (par exemple les pourcentages, dans l'étude de l'utili-
sation du sol) est souvent fondé plutôt sur la tradition que sur les qualités uniques ou
irremplaçables qu'aurait cette forme; par exemple, pour les mesures d'acidité, l'échelle
pH est couramment acceptée, bien qu'elle soit logarithmique et non arithmétique.
Nous avons déjà vu (chap. 8, section 1) quelle relation existe entre la notion de
niveau de mesure et le choix des techniques appropriées au traitement d'un ensemble
de données géographiques; cette relation s'étend au choix des opérations statistiques.
Sur le tableau 10.5, les quatre échelles fondamentales de mesure (échelles nominale,
ordinale, d'intervalles et de rapports) sont croisées avec le nombre de composantes
étudiées. Quand il existe une seule composante, on ne s'intéresse qu'à un seul ensemble
d'individus, à un seul caractère ou variable (Xl); il s'agit par exemple de la distance
moyenne entre les unités d'habitat d'une région. Quand il existe deux composantes,
on met en relation deux caractères de ce genre, par exemple la distance entre unités
322
Les tests statistiques
d'habitat (Xl) et une variable que l'on suppose être un facteur de la première, comme
la densité de population (X2 ). n est visible que ce cas est plus difficile, car le second
caractère, X 2 , peut lui-même être mesuré à l'une des trois échelles: il est possible de
mettre en relation la distance Xl' qui est mesurée à l'échelle de rapports, avec une
composante X 2 qui peut être par exemple le type d'utilisation du sol (mesuré à l'échelle
nominale ou classificatoire) ou les périodes de peuplement (mesurées à l'échelle
ordinale) aussi bien que la densité de population (mesurée à l'échelle de rapports).
Ainsi, avec deux composantes, six combinaisons sont possibles; elles sont présentées
dans la deuxième partie du tableau 10.5. Quand il existe plusieurs composantes, on
met en relation plusieurs ensembles, plusieurs caractères ou variables, par exemple la
distance entre unités d'habitat (Xl) avec à la fois la densité de population (X2 ) et
d'autres caractères ou variables (Xa, ... , X n ).
TABLEAU 10.5
Deux composantes
Khi-carré Test U de Mann Comparaison de moyennes
Échelle nominale Whitney (par ex. test t de Student)
Coefficient de Comparaison de variances
contingence (par ex. test F de Fisher-Snedecor)
Corrélation des
Échelle ordinale rangs : rho de
Spearman, tau
de Kendall Coefficient de corrélation
Échelles d'inter- (par ex. de Bravais-Pearson)
valles et de rap-
ports Régression linéaire et non linéaire
Plusieurs composantes
Échelles d'inter- Analyse de va- Corrélation multiple
valles et de rap- riance
ports Analyse de co- Régression multiple
variance
323
LA VÉRIFICA TlON DES HYPOTHÈSES
Un problème, très simple et très fréquent, est posé lorsque les données se présentent
sous forme de classes en ce qui concerne un des caractères, et sous forme de mesures
très précises en ce qui concerne l'autre.
La figure 10.5 offre un cas de ce genre : les données relatives à l'espacement des
localités sont à l'échelle nominale en ce qui concerne la variable indépendante (il
s'agit simplement d'une classification en deux aires géographiques, l'Iowa-Missouri
et le Black Belt du Texas), à l'échelle de rapports en ce qui concerne la variable
dépendante (les distances en kilomètres entre localités sont connues exactement,
dans les deux aires étudiées).
La comparaison des deux moyennes (Xl et X2 ) fait apparaître que la distance entre
les petites villes du Texas (20,5 km) est plus grande que la distance entre villes de
taille semblable de la région Iowa-Missouri (19,2 km). Mais la comparaison des deux
histogrammes fait naître un doute. En effet, non seulement le chevauchement des
deux distributions est considérable, mais le nombre des localités qui ont servi d'échan-
tillon pour le calcul des moyennes est presque trois fois plus grand en ce qui concerne
l 'Iowa- Missouri qu'en ce qui concerne le Texas. Dans ces conditions, la différence
entre les deux moyennes est-elle réellement significative, ou due au hasard?
Pour tester cette différence entre moyennes d'échantillons, on pose l'hypothèse
nulle suivante : il n'existe pas de différence réelle entre les moyennes des deux aires
étudiées. Cette hypothèse nulle peut être testée à l'aide de la variable t de Student,
qui est calculée ainsi
324
60
o Est du Texas
N ~o 67
X = 20,5
S = 5,80
® Iowa et
Missouri
N =203
X ~ 19,2
S ~ 6,85
'"
~ 40
<.>
.2
Q)
"0
x
Q)
1
.E
E
o
1
z 20 1
o 10 20 30 40 50 o 10 20 30 40 50
Distance entre les localités. en kilomètres
Fig. 10.5 - Histogrammes de l'espacement des localités, dans deux aires échan-
tillons du Centre des États-Unis.
Source: LbsCH, 1954, p. 392.
La « table des valeurs de t » (Fisher et Yates, 1957, p. 44) montre qu'avec 268 degrés
de liberté (NI + N 2 - 2), la probabilité de la valeur obtenue pour t est comprise
entre 0,8 et 0,9. Cette probabilité est largement supérieure à celle (P < 0,05) qui
correspond au seuil d'acceptation le plus bas; 1'hypothèse nulle doit donc être retenue.
Autrement dit, la différence de 1,3 km observée entre l'espacement moyen des localités
du Texas et celui des localités de l'Iowa-Missouri peut être due au hasard: elle est
statistiquement non significative.
Un certain nombre de tests « non paramétriques» sont adaptés aux mesures qui
ne sont pas à l'échelle d'intervalles ou de rapports. L'un des plus puissants tests
325
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
Dans cette formule, NI est l'effectif du plus petit des deux groupes, N 2 l'effectif du
plus grand, RI la somme des rangs donnés aux unités du groupe d'effectif NI (Siegel,
1956, pp. 116-127).
Le tableau 10.6 représente une série de mesures tirées (Haggett, 1961-A, p. 52) d'un
échantillon de 40 photographies aériennes du bassin de Fortaleza (État de Sào Paulo,
Brésil) : les photographies sont partagées en deux groupes correspondant à deux
types de terrain. Nous avons estimé, photo par photo, les surfaces cultivées, puis
rangé les valeurs obtenues de la plus forte (rang 1) à la plus faible (rang 40), en faisant
un seul rangement pour les deux groupes de photos.
TABLEAU 10.6
Nombre
de photos Rangement des estimations
(N)
Types de terrain :
- fonds de vallées 10 1 2 3 6 8 10 14 16 18 33
- pentes . . . . 30 4 5 7 9 11 12 13 15 17 19 20 21 22 23 24 25
26 27 28 29 30 31 32 34 35 36 37 38 39 40
326
Les tests statistiques
et voir à quelle probabilité correspond cette valeur sur une table des valeurs de z
(Siegel, 1956, table A, p. 247). Dans l'exemple présenté ici :
Le premier type de recherche d'une liaison entre deux variables mesurées à l'échelle
de rapports est la régression linéaire, par laquelle on essaie de définir la fonction qui
lie X et Y; dans l'expression Y = f (X), Y est considéré comme un « effet », X comme
327
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
une « cause », et f est un symbole qui signifie « fonction de ». Pour faire une recherche
de ce type, il faut avoir de fortes raisons logiques d'attribuer à une variable, plutôt
qu'à l'autre, le rôle de cause. Par exemple, il est possible de dire que de faibles chutes
de pluie peuvent être la cause d'une pénurie de blé, mais non l'inverse!
La figure 10.6 présente un exemple d'analyse de régression, dans lequel une ten-
dance est nettement affirmée. Les données utilisées sont les distances, mesurées par
Losch, entre les localités de 1 000 à 4 000 habitants situées dans une bande de 130 kilo-
mètres de large et 1 000 kilomètres de long qui s'étend de Chicago à la limite orientale
du Nebraska. Ces données sont portées sur le graphique de la figure 10.6 A : la
variable indépendante (la « cause ») est sur l'axe des x, la variable dépendante
(<< l'effet ») sur l'axe des y. Les points du graphique montrent que l'espacement croît
légèrement à mesure qu'augmente la distance à partir de Chicago; mais cette crois-
sance n'est pas régulière, et l'on a des raisons de penser que la situation décrite n'est
pas simple. Il s'agit donc de découvrir la forme dacte de la fonction qui lie X et Y,
et de vérifier, par un test, si la liaison trouvée est statistiquement significative.
.. Ci) 0 @
~ 100
ro 200
• 1
"
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~~ ••• ~ '"
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50
• • • •• +
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• •
'"
li}
W 1 1 1
0 400 800 0 400 800 0 400 800
Distance par rapport à Chicago. en km (X)
Fig. 10.6 - Étapes de l'analyse de régression de l'espacement de localité (y) en fonction de la distance
par rapport à Chicago (x) : A. Graphique de dispersion. - B. Droite de régression ou de meilleur
ajustement. - C. Résidus obtenus par régression (y - Ye)'
328
Les tests statistiques
de la figure 10.6 A, mais il est évident qu'aucun des points n'est réellement situé
sur la droite, et que plusieurs valeurs en sont à une certaine distance. D'où la nécessité
de décider, au moyen d'un test, si la liaison entre Yet X est statistiquement signifi-
cative, ou si elle n'est due qu'au hasard. L'examen du graphique fait apparaître
que trois facteurs sont d'une importance primordiale dans la détermination du seuil
de signification de la tendance : le nombre de points, la pente de la droite, et le degré
de dispersion des points de part et d'autre de la droite. Si le nombre de points est
très petit, ou si la droite a une pente très faible (si elle est presque parallèle à l'axe des
X), même un examen rapide du graphique permet de penser que la tendance est peu
marquée.
Dans l'exemple présenté ici, le nombre de points (N = 10) et la pente de la droite
(b = 0,142) sont déjà connus. Le degré de dispersion est mesuré par une caractéris-
tique appelée erreur type d'estimation, notée Sy.x, et calculée ainsi
329
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
(comprise entre 1/100 et 1/1 000) pour que cette liaison (la tendance à tester) soit
due au hasard. L'hypothèse nulle doit donc être rejetée; on peut considérer que la
pente de la droite qui représente la tendance (fig. 10.6 B) est statistiquement signifi-
cative, au seuil de confiance de 99 %'
Jusqu'ici, nous avons parlé de la régression linéaire: l'échelle des axes X et Yest
arithmétique, et la courbe de régression est une droite. Mais il existe d'autres fonctions,
qui peuvent produire un meilleur ajustement aux données portées sur le graphique.
La figure 10.7 en donne quatre exemples :
A - une fonction logarithme : Y = 1 + loglo (X + 2)
B - une fonction exponentielle: Y = 1 - 0,01 eX
C - une fonction puissance : Y = 10 X%
D - une fonction polynôme : Y = 10 - 5 X + X2
y y
3 ® 30 ®
20
10
o L-----'-_---L_ X
00 2 4 6
o 10 20
Y Y
@
~o
30
20 40
20
Dans chacun de ces cas, la liaison entre X et Y n'est pas simplement linéaire. On peut
parfois « transformer» ces fonctions en graduant selon une échelle spéciale l'un des
deux axes du graphique, ou les deux. Mais, comme nous l'avons souligné ci-dessus
(p. 320), ces distributions « non normales» sont importantes pour nous, dans la mesure
où bien des distributions géographiques connues semblent être de ce type.
Lorsque - le cas est fréquent - un effet peut être expliqué non par une seule cause
mais par plusieurs, on a besoin d'un procédé de calcul permettant de lier cet effet (Y)
à un certain nombre de causes combinées (Xl' X 2 , ••• , X n ). Ce problème est résolu
330
Les tests statistiques
par l'analyse de régression multiple, qui consiste à rechercher les valeurs des cons-
tantes a, b, ... , z de l'équation :
y = a + bX + cXz + ... + zXn
1
TABLEAU 10.7
I. Sud-Est du Brésil.
331
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
plutôt à penser que chaque facteur agit en tant qu'élément d'un complexe, le milieu.
L'analyse de régression multiple permet de combiner les facteurs par deux, par trois,
par quatre ou par cinq, pour étudier leur action conjointe. Les résultats donnés par
les combinaisons par paires sont présentés sur la figure 10.8 : le niveau d'explication
est plus élevé que celui que l'on atteint en considérant chaque facteur isolément.
80
"
.,
.a.
=;
E
c ~--~~--~~----~.~----,~------~
.~ 60 1 1 1 .x,+x,+x,+x.+x." 1
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>-
x.+x 3 ~t.I.~ ------
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<li
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.---~====»~.-========;ll
•( 1"""''/
X 1+ X 2 . ./""'"
-- x.
1ndice de densité
de la végétation forestière
"u
c
'"
"""../""'" --'.--
X, Indice de relief
-- --
.~
>
1r.·~~1 ~------------~
.!!!
~ 20
c
o
B X 2 +X 3 1 ,..""'" X!!I Indice de valeur du sol
-c"
'"
0::
,.-- __ -- .... ~~ndice de densité de population rurale
....-.""."" X2: Indice d'espacement de l'habitat
01..<::..- --'- --'--- .1....- ---"- --'- _
o 10 20 30 40 50
Réduction de la variance par analyse de régression simple
En étudiant l'action conjointe des cinq facteurs, on explique environ deux tiers des
variations régionales de la répartition des forêts.
Un procédé très intéressant et peut-être plus facile à comprendre permet de faire
apparaître les résultats de l'analyse de régression : la cartographie des résidus. Cette
technique a été exposée par Thomas (1960). La figure 10.9 en donne une illustration:
les aires en grisé et affectées du signe plus sont celles où le pourcentage de la surface
du sol réellement couvert par la forêt est supérieur au pourcentage qui serait atteint
si la répartition des forêts obéissait exactement à chacune des hypothèses; ce sont les
anomalies positives. De même, les aires en grisé et affectées du signe moins corres-
pondent aux anomalies négatives. Aux hypothèses qui fournissent une bonne « pré-
diction » de la répartition des forêts correspondent des cartes comportant des
« maxima» et des « minima» assez peu marqués; au contraire, les cartes comportant
des anomalies étendues indiquent de mauvais ajustements. Les résidus positifs sont,
332
{~~~
Y=f(X 4 )
1<".+:. ":1 Surfaces où le pourcentage réel dépasse de 10% ou plus le pourcentage prédit
r· .~:. :':.1 Surfaces où le pourcentage réel est inférieur de 10% ou plus 8U pourcentage prédit
pour les six équations correspondant aux six hypothèses, localisés dans une bande
de trente miles, le long de la côte. A l'intérieur de cette bande littorale, certains noyaux
apparaissent et réapparaissent sur les cartes. Mais, sur la carte correspondant à 1'hypo-
thèse combinant les cinq facteurs, ces résidus positifs se contractent en deux petits
« maxima» de forme elliptique et dont le grand et le petit axes mesurent, respective-
ment, vingt et dix miles environ. Les résidus négatifs sont concentrés de façon sem-
blable, mais ils se localisent loin de la côte, autour de deux importants noyaux qui
réapparaissent d'une carte à l'autre. Ces aires d'anomalie négative sont divisées par
les hautes terres de l'escarpement de la Serra da Mantiqueira, et moins stables que
les résidus positifs, tant en ce qui concerne leur localisation que leur étendue. L'équa-
tion qui prend en compte les cinq facteurs ne laisse subsister qu'un « minimum»
qui s'enfonce comme un coin sur une profondeur de quarante miles en direction du
Sud-Ouest. Il est probable que les aires de résidus, tant positifs que négatifs, sont des
secteurs où agissent des facteurs qui n'ont pas été pris en compte dans l'analyse.
C'est évidemment ces aires qu'il vaudrait la peine d'étudier de près, cas par cas.
333
Les plans d'expérience
Les tests présentés dans les exemples ci-dessus se rapportent principalement aux
méthodes statistiques qui permettent d'extraire des informations de données géo-
graphiques préexistantes. Il sera question maintenant de plans d'expérience relatifs
à des localisations : successivement, des questions sont formulées, des tests statis-
tiques choisis, des observations faites sur le terrain. Quand on suit un plan d'expé-
rience, la collecte des données sur le terrain n'est faite qu'à un stade tardif du
processus de recherche. Krumbein (1955-n) a passé en revue les plans d'expérience
employés dans les sciences de la terre; Davies (1956), dans son livre The Design and
Analysis of Industrial Experiments, a présenté une mine d'idées et de techniques, qui
pourraient s'avérer en grande partie applicables aux études géographiques. L'étude
de Melton (1960) sur les relations entre les pentes et les facteurs locaux du milieu
est un exemple particulièrement intéressant d'application d'un plan d'expérience
à une situation observable sur le terrain.
c oc
o
bc obc
b ob
b ob
fig.1D.1D - Étopes de 10 division d'une région. selon un plon d'expérience à trois facteurs.
334
Les tests statistiques
et leur accessibilité (D) - pouvaient être d'importants facteurs du milieu. Nous avons
testé chaque facteur à deux niveaux. Par exemple, le premier facteur, le relief, a été
défini par la pente (l'angle avec 1'horizontale) et une division en deux classes séparées
par une valeur critique a été établie : d'une part les pentes supérieures à 5 degrés
(1 sur la figure 10.10 A), d'autre part les pentes inférieures à 5 degrés (a). La
figure 10.10 A présente le partage, fait sur cette base, d'une aire théorique et d'une
aire réelle tirée de la région étudiée. Du point de vue du deuxième facteur, le sol, nous
avons aussi défini une division en deux classes : les sols sur micaschistes (b) et les
autres sols (1). Du croisement des deux premiers facteurs résultent quatre combinai-
sons possibles: l, a, b et ab (fig. 10.10 B). Le croisement avec les deux autres facteurs,
pour chacun desquels est également définie une division en deux classes, produit au
total 16 combinaisons (tableau 10.8), qui vont de la combinaison l, dans laquelle
aucun facteur n'a théoriquement d'effet positif sur le couvert forestier, à la combi-
naison abcd, dans laquelle les quatre facteurs agissent tous ensemble. Nous avons
TABLEAU 10.8
Facteur C .- Facteur D .-
Facteur A : Facteur B.- Taille Accessibilité
Relief Sol des exploitations des exploitations
abcd. Moins de 2 km
r abc. Moyenne ( abc. Plus de 2 km
ab. Sur micaschiste
l ab. Grande
abd.
( ab.
Moins de 2 km
Plus de 2 km
a. Pentes > 5° 1
acd. Moins de 2 km
f ac.
1
tracé, sur une carte à 1/10 000 du bassin de Fortaleza, les limites correspondant à
chacune des divisions en deux classes. L'entrecroisement de ces limites a permis de
définir plus de 100 secteurs, dont chacun appartient à l'un des 16 types de combinaisons
de facteurs. Pour chaque type, nous avons repéré sur la carte 16 points échantillons,
335
Fig. 10.11 - Localisation des points de sondage dans les secteurs définis par
combinaison de facteurs, dans le bassin de Fortaleza (G = 6,9), comté de
Taubaté, Brésil.
Source : HAGGETT, 1964, p. 368.
par la méthode des coordonnées aléatoires (cf pp. 221-222); au total, 256 points
ont été obtenus, dont la localisation par rapport aux secteurs définis par combinaison
de facteurs apparaît sur la figure 10.11. Nous avons reporté ces points sur des photo-
graphies aériennes à 1/25000, tracé autour d'eux des cercles équivalents à 2,50 acres
(environ 1 ha) et mesuré la proportion de terrain couverte par la forêt dans chaque
cercle.
TABLEAU 10.9
VARIATIONS DE LA RÉPARTITION DES FORÊTS DANS UNE CLASSIFICATION
FONDÉE SUR QUATRE FACTEURS 1
Pentes < 5° (1) Autres (1) 12,9 (I) 23,6 (c) 19,4 (d) 10,0 (cd)
Sur mica-
schiste (b) 8,1 (b) 22,1 (bc) 30,1 (bd) 22,0 (bcd)
Pentes> 5° (a) Autres (1) 24,4 (a) 30,0 (ac) 31,3 (ad) 17,5 (acd)
Sur mica-
schiste (b) 8,2 (ab) 23,6 (abc) 37,5 (abd) 54,9 (abcd)
1 1 1
336
Les tests statistiques
Les résultats de cette analyse sont présentés schématiquement dans le tableau 10.9;
il convient de noter que la proportion de sol couverte par la forêt pour chaque type
de combinaison de facteurs n 'y est pas indiquée sous la forme traditionnelle de pour-
centages de la surface totale, mais en unités angulaires. Il est en effet difficile d'intro-
duire des données en pourcentages dans une analyse statistique, particulièrement
lorsque les valeurs à traiter sont des pourcentages compris entre 0 et 30 %' D'où la
nécessité de convertir les valeurs initiales, exprimées en pourcentages, en une forme
plus stable, en les transformant en valeurs angulaires qui s'étendent de 0 à 90 degrés.
Les arguments en faveur d'une telle conversion ont été exposés ci-dessus (cf transfor-
mation arc-sinus pp. 321-322).
TABLEAU 10.10
Mesure de
l'effet Rapport F Signification
(en degrés)
Nous avons analysé les résultats du tableau 10.9 en utilisant un procédé dû à Yates
(Davies, 1956, p. 283) (tableau 10.10). Dans la première partie de ce tableau, l'effet
de chaque facteur considéré isolément est présenté comme une valeur positive, expri-
mée en degrés. Il convient de noter que, si tous les facteurs agissent, deux seulement
(le relief et l'accessibilité des exploitations) ont un effet statistiquement significatif
au seuil de confiance de 95 %' Un point intéressant apparaît dans la deuxième partie
du tableau : la forte interaction des facteurs sol et accessibilité des exploitations
(BD); ceci donne à penser que les exploitations accessibles tendent à être localisées
sur les sols formés à partir du micaschiste; ainsi l'effet important de l'accessibilité
des exploitations sur la répartition des forêts englobe un facteur sol « caché ».
Le plan factoriel n'est que l'un des nombreux plans d'expériences qu'il est possible
d'employer en géographie. Des plans à plusieurs degrés ont déjà été utilisés dans
337
LA VÉRIFICA TION DES HYPOTHÈSES
l'analyse en composantes d'échelle (chap. 9), et la méthode des carrés latins dans
d'autres sciences de la terre (Krumbein, 1953). Haggett (1961-A) a employé un plan
d'expérience moins efficace, la méthode des comparaisons par paires, dans une étude
sur de petits bassins-versants, au Brésil: dans chaque paire, les deux bassins-versants
étaient semblables en ce qui concerne le climat, les roches, la pente, la surface et la
morphométrie, mais totalement différents à un point de vue : l'un des bassins était
couvert de forêts, l'autre défriché. David (1963), dans son livre The Method of
Paired Comparisons, a montré comment on peut, dans des conditions favorables,
utiliser cette « méthode par élimination» pour tester les facteurs qui subsistent.
Nous avons vu, à propos de la construction des modèles (chap. l, section 3), qu'il
existe, à côté des méthodes de recherche mathématiques et statistiques, des méthodes
utilisant des expériences et des analogies avec des phénomènes naturels pour corro-
borer les théories. On n'a guère fait appel à celles-ci en géographie, surtout en géogra-
phie humaine, mais des signes indiquent un changement à cet égard. Nous allons
examiner les aspects les plus intéressants des méthodes de simulation. Chorley (1964)
a passé en revue les applications de certaines d'entre elles.
338
Les vérifications par analogies
aimants de ce genre dans un réservoir circulaire en partie rempli d'eau, puis à enre-
gistrer la position de repos ou d'équilibre qu'ils occupent finalement. Cette opération
est répétée une centaine de fois.
TABLEAU 10.11
Les résultats de cette expérience sont présentés sur le tableau 10.11, où chaque
forme obtenue est rattachée à la figure géométrique dont elle se rapproche le plus;
les polygones sont tous pris en compte, qu'ils aient ou non un point central. La
prédominance de la forme hexagonale ressort nettement de ce tableau. Près de la
moitié des épreuves ont pour résultat une forme semblable à celle du modèle de
Christaller et Losch : un hexagone avec un point central; de plus, un quart des
épreuves ont pour résultat une forme hexagonale sans point central. Ensemble,
hexagones et pentagones représentent 94 % des épreuves.
II est évidemment possible d'améliorer ce type d'expérience. Flemming (1964,
communication personnelle) a suggéré la possibilité de remplacer les aimants par
des boules positivement chargées, et d'introduire dans le modèle, en faisant varier
les charges, des différences de taille et d'espacement. En modifiant la pente et la forme
de la surface sur laquelle les boules se déplacent, il serait possible en outre d'étudier
le concept de « résistance}} du milieu local.
339
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
Fig. 10.12 - Réseaux ferroviaires de la Sicile en 1908 : réseau obtenu par simulation
(A) et réseau réel (B) (G = 4,3).
Source: KANSKY, 1963. pp. 143, 146.
340
Les vérifications par analogies
etc.). La probabilité de migration d'un secteur à l'autre est considérée comme fonction
de la distance entre ces deux secteurs, de la différence d'attrait des deux secteurs,
et de 1'histoire des contacts précédemment établis par migration. L'attrait relatif
est introduit dans le modèle sur la base des occasions d'emploi qui sont supposées
créées par les activités attribuées au cours des phases précédentes de la simulation.
La possibilité qu'a un migrant donné de suivre une direction particulière est supposée
être fonction inverse de la distance, la distance constituant un obstacle plus ou moins
surmontable selon le niveau de la technologie des transports et selon la composition
de la population (urbains, ruraux).
341
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
considéré est alors choisi; il est égal à 20 dans l'ensemble présenté ici; 20 nombres
compris entre 1 et 100 sont tirés d'une table de nombres au hasard. Chacun d'eux
correspond à un numéro qui figure dans l'un des secteurs; les destinations des migrants
sont ainsi déterminées. La figure 10.13 D présente les migrations ainsi définies.
La répétition de ce processus secteur par secteur permet de déterminer les gains
nets ou les pertes nettes, et d'en déduire les tendances de l'évolution de la population
dues aux migrations. En faisant la somme des résultats des activités qui ont été
attribuées aux secteurs, et de ces modifications par migration, on peut calculer l'évo-
lution globale de la répartition de la population pendant une période donnée. La
nouvelle répartition devient la base d'un nouveau cycle de simulation correspondant
à la période suivante, et ainsi de suite.
La méthode employée par Morrill pour simuler l'évolution de la population
présente des avantages et des inconvénients. Les avantages que sont la grande sou-
plesse de la méthode et sa simplicité mathématique la rendent particulièrement inté-
ressante pour aborder des problèmes dont la solution n'est pas unique, mais comporte
un grand nombre de réponses possibles (par exemple: à quelle distance de leur foyer
d'origine les migrants iront-ils ?). En attribuant des probabilités aux diverses options
possibles - on sait par exemple que des localisations proches ont plus de chances
d'être choisies que des localisations très lointaines - , on peut déterminer le choix
final par un procédé de sondage employant les nombres au hasard. Puisque le choix
d'une localisation dépend en définitive de décisions préalables (qui sont prises en
compte par la « probabilité de migration ») l'événement aléatoire est lié à toute
l'histoire des décisions.
Un inconvénient de cette méthode - il ne s'agit probablement que d'un frein
temporaire - est le volume de calculs nécessaires. Morrill, dans son étude, distingue
155 secteurs, d'où 155 X 155 # 24000 tracés de migrations possibles et autant de
probabilités, qu'il faut entièrement recalculer pour chaque cycle de simulation. En
définitive, la solution est évidemment le traitement par ordinateur, avec un programme
englobant l'ensemble du processus de simulation.
Leopold et Langbein (1962) ont montré comment l'emploi de procédés aléatoires
permet de construire des hiérarchies régulières d'unités spatiales de tailles différentes:
ainsi, les mouvements aléatoires de particules d'eau (fig. 10.14 A) peuvent conduire
à la définition d'une hiérarchie régulière de captures (fig. 10.14 B). Ce modèle simule
des réseaux hydrographiques, mais il est clair que des modèles semblables pourraient
être appliqués à la géographie humaine, à propos des aires commerciales, des divisions
administratives, etc. De même, il serait sans doute possible d'adapter des modèles
de promenades aléatoires (fig. 10.14 C) au développement des itinéraires autour des
centres. En introduisant dans ce modèle une composante, la gravité, Leopold et
Langbein ont pu obtenir d'assez bonnes simulations de réseaux hydrographiques
(fig. 10.14 D); en y faisant entrer une autre composante, la force centrifuge, il serait
de même possible de simuler le développement de réseaux de voies de communication
autour de centres.
342
® a
Fig. 10.14 - A. Grille montrant J'établissement de liaisons entre des centres par
orientation aléatoire. - B. Division de l'espace qui en résulte. - C. Promenade
aléatoire comportant seize pas. - D. Application d'un modèle de trajet aléatoire
à l'évolution d'un réseau.
Sources: LEOPOLD et LANGBEIN, 1962, pp. 16, 18; KRUMBEIN, 1955-B, p. 10.
Personne n'a encore essayé de fonder une partie quelconque de la géographie sur
un ensemble d'axiomes desquels tout pourrait être déduit logiquement. Il est cepen-
dant des périodes, dans l 'histoire de toutes les branches de la connaissance, où le
désir d'axiomatiser domine : « lorsqu'un effort est fait pour coordonner et codifier
ce qui est déjà connu, pour mettre en ordre les fragments détachés et pour écarter
ce qui est sans importance ou de valeur douteuse» (Fletcher, 1964, p. 181). La seconde
moitié du xx e siècle sera probablement, pour la géographie, une de ces périodes
d'inventaire, au cours de laquelle les modèles seront révisés et généralisés.
L'axiomatique a pour objet la déduction rigoureuse d'une série de résultats à
partir de quelques axiomes (ou hypothèses de travail) en nombre minimal. Elle se
relie directement à la fois à la logique et aux mathématiques par l'algèbre de Boole
343
LA VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES
et l'algèbre des ensembles; nous avons déjà découvert quelques aspects de son emploi
à propos de la nature de la géographie (chap. 1, section 2) et de la structure régionale
(chap. 9, section 1). On peut définir l'axiomatique, de façon simple et pratique, par
l'expression calcul des propositions, qui résume l'union essentielle entre d'une part
les propositions qui découlent des résultats empiriques, d'autre part le traitement
de ces propositions par la logique mathématique. La question reste posée de savoir
dans quelle mesure la géographie peut répondre aux exigences d'un système axioma-
tique (tel que le définissent les logiciens); mais il est certain que les géographes peuvent
orienter leur travail en ce sens.
Kansky (1963, pp. 122-127) a, dans son étude sur les réseaux de transport, ouvert
la voie à un système semi-axiomatique valable pour la géographie humaine. Son
analyse comporte trois phases : définition rigoureuse de huit termes définissant les
composantes du système; énoncé de neuf axiomes en partie démontrés par des résultats
empiriques; déduction de quatre tendances de localisation, à partir des axiomes.
Ainsi, dans la première phase, le terme réseau est défini: « union de toutes les voies de
transport Ei », et symbolisé par l'expression algébrique
N = df. UEi
Dans la deuxième phase, Kansky a pu condenser son septième axiome (<< Quand le
réseau Ni se développe dans le réseau Nj, la longueur métrique des arêtes de Nj
(Ej) tend à être plus courte que la longueur métrique des arêtes de Ni (Ei) ») en la
forme symbolique :
Langer (1953), dans son livre An Introduction to Symbolic Logic, a montré que la réduc-
tion du langage à une forme symbolique entraîne rigidité et étrangeté, mais que ceci est
compensé, comme dans le cas du langage juridique, par une plus grande précision.
A la différence du langage juridique, les symboles peuvent être introduits dans des
équations que l'on peut soumettre à un traitement mathématique, afin de rechercher
les contradicti.ons éventuelles ou d'obtenir des relations insoupçonnées.
Certes, nous pouvons intuitivement nous défier d'un système qui menace de réduire
la phrase « Ophélie aime Hamlet » à H ~ 0; mais la rigueur de la méthode axioma-
tique a beaucoup d'attrait. A une époque où la géographie humaine accorde plus
d'attention à la mesure et à la quantification, la logique symbolique lui offre l'occasion
d'unir cette tendance aux modes de pensée traditionnels fondés sur le sens commun.
A long terme, c'est moins sur la complexité des techniques ou la minutie de l'obser-
vation que sur la force du raisonnement logique que sera jugée la géographie de notre
époque.
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Review, 46, pp. 536-565.
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357
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
358
Orientation bibliographique
359
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
TOYNE P., NEWBY P. T., Techniques in Human Geography, Londres, Macmillan, 1971, 187 p.
Chacun de ces ouvrages comporte évidemment des bibliographies abondantes. Si les
références sont fatalement les mêmes, leur présentation diffère. Il faut mettre à part l'ouvrage
de :
HARVEY D., Explanation in Geography, Londres, Arnold, 1969, 521 p., ouvrage de réflexion
épistémologique unique en son genre.
Les volumes de « Readings» sont nombreux. Ils réunissent des articles parus antérieu-
rement et dispersés dans les revues :
BERRY B. J. L., HORTON F. E., Geographie Perspectives on Urban Systems, Englewood
Cliffs, Prentice Hall, 1970, 564 p.
BERRY B. J. L., MARBLE D. F., Spatial Analysis : a reader in statistical geography, Engle-
wood Cliffs, Prentice Hall, 1968, 512 p.
DAVIES W. K. D. (ed. by), The Conceptual Revolution in Geography, University of London
Press, 1972, 394 p.
D'autres livres ont été publiés dans l'optique d'une présentation de ces nouveaux concepts
et méthodes aux professeurs de l'enseignement secondaire. Ils se présentent le plus souvent
sous la forme de recueils d'articles rédigés par de nombreux auteurs.
CHORLEY R., HAGGETT P., Frontiers in Geographical Teaching, Londres, Methuen, 1965,
385 p.; nouvelle édition, University Paperbacks, 1970.
COOKE R. U., JOHNSON J. H. (ed. by), Trends in Geography. An Introductory Survey, Per-
gamon Press, 1969, 287 p.
La plupart des revues étrangères font maintenant une large place à ces nouveaux courants
de recherche. Citons :
Annals of the Association of American Geographers.
Economie Geography, publié par l'Université de Clark, Worcester, Massachusetts, 4 numéros
par an.
Geographical Analysis, an international joumal of theoretical geography, publié par « The
Ohio State University Press », 4 numéros par an.
Land Economies, Madinson, Wisconsin, 4 numéros par an.
Lund Studies in Geography, ser. E, Human Geography; ser. C, General, Mathematical and
Regional Geography, publiées par le département de Géographie de l'Université royale de
Lund, Suède.
Regional Stl/dies, Journal of the Regional Studies Association, University of Reading,
Grande-Bretagne, 4 numéros par an.
Regional and Urban Economics-Operational Methodes, North Holland, 4 numéros par an.
The Annals of Regional Science, 2 numéros par an, publié en collaboration avec The Western
Regional Science Association et Western Washington State College.
et tout spécialement les deux publications de « The Regional Science Association»
Papers, 1 numéro par an.
Journal of Regional Science, 3 numéros par an.
Depuis 1969, Progress in Geography, International Reviews of Current Research (Arnold,
ed.) publie un volume annuel contenant des mises au point sur les différentes tendances de
la recherche géographique. Les quatre volumes déjà publiés confirment la qualité et l'éclec-
tisme de la revue.
Mais c'est surtout dans les « Seminar Papers» et les « Research Papers », publiés par
chaque université, que paraissent régulièrement les résultats des recherches en cours.
360
Orientation bibliographique
II
Ces ouvrages sont nombreux. Ceux qui ont été retenus sont accessibles au lecteur dépourvu
d'une formation préalable. Ils sont groupés en deux catégories : les ouvrages de base, d'al-
gèbre et d'analyse, et les ouvrages spécialisés. Le nombre d'astérisques est fonction de la
difficulté de ces ouvrages.
1. Ouvrages de base
- Algèbre et analyse
BARBUT M., Mathématiques des sciences humaines, 1. Combinatoire et algèbre, Paris, P.U.F.,
3e éd. 1971,255 p.; 2. Nombres et mesures, 1968,289 p.
BARBUT M., D'ADEMAR e., JULIEN B., LECLERC B., Mathématiques élémentaires et appli-
cations aux sciences sociales et à la statistique, Paris, P. U.F., à paraître.
BARBUT M., MONJARDET B.*, Ordre et classification, algèbre et combinatoire, Paris, Hachette,
1970, 2 tomes, 176 + 175 p.
COHEN V., Mathématiques pour les sciences sociales, Paris, P.U.F., 1971,282 p.
DEsPLAs M. *, Algèbre linéaire et applications économiques, Paris, Dalloz, 1971, 172 p.
GAUTHIER C., GIRARD G., GERLL D., THIERCE e., WARUSFEL A.*, ALEPHo/Algèbre, Paris,
Hachette, 1971, 194 p.; ALEPHo/Analyse, t. 1 : Calcul différentiel. Applications,
Paris, Hachette, 1971, 304 p.
LESIEUR L., JOULAIN C., LEFEBVRE J. **, Mathématiques, P.e. 1Te année et spéciales B.,
Paris, A. Colin, 1966, 2 vol. : Algèbre et géométrie, 496 p., Analyse, 445 p.; Mathéma-
tiques, P.e. 2 e année et spéciales B, Compléments d'analyse, statistique et probabilités,
1967, 528 p.
- Statistique et probabilité
BUI-TRONG-LIEU, Cours de probabilités et statistique à l'usage des étudiants des premiers
cycles M-SH, M-P, et P-C, Paris, Centre de documentation universitaire, 1971, 178 p.
CALOT G., Cours de statistique descriptive, Paris, Dunod, 1965, 519 p.
CHARTIER F., MORICE E., Méthode statistique, Paris, LN.S.E.E., 1954,2 tomes, 187 + 555 p.
CHAMBADAL L.*, Calcul des probabilités, Paris, Dunod, 1969, 136 p.
FOURGEAUD e., Statistique, licence ès sciences économiques, 2 e année, Paris, Dey, 1969,
168 p.; 3e année, 1970, 170 p.
GIRAULT M. *, Calcul des probabilités en vue des applications, Paris, Dunod, 3e éd. 1970, 210 p.
GUERBER L., Statistique descriptive, Paris, Dalloz, 1971, 156 p.
GUERBER L., HENNEQUIN P.-L., Initiation àla statistique, Paris, Association des professeurs
de mathématiques de l'enseignement public, 1967, 239 p.; Initiation aux probabilités,
Paris, Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public, 1970,
229 p.
HÉRAULT D.*, Éléments de théorie moderne des probabilités, Paris, Dunod, 1967,256 p.
LIORZOU A., Initiation pratique à la statistique, Paris, Gauthier-Villars, 2 e éd. 1966, 310 p.
MONJALLON A., Introduction à la méthode statistique, Paris, Librairie Vuibert, 1969, 279 p.
2. Ouvrages spécialisés
AIVAZIAN S.*, Étude statistique des dépendances, Paris, Éditions de Moscou, 1970,236 p.
BARBUT M., FOUGEAUD e. *, Éléments d'analyse mathématique des chroniques, Paris, Hachette,
1971, 208 p.
361
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
Dans ces disciplines, la réflexion sur l'introduction des méthodes statistiques et mathé-
matiques a déjà abouti à des manuels d'initiation ou à des ouvrages d'application de ces
méthodes. Quelques-uns d'entre eux sont mentionnés ci-dessous.
362
Orientation bibliographique
2. Économie
GILLET M., Techniques de l'histoire économique. Exécution et commentaire de graphiques,
Paris, Centre de documentation universitaire, 1972, 2 fasc., 91 + 16 p.
MALINVAUD E., Méthodes statistiques de l'économétrie, Paris, Dunod, 1969,800 p.
PIATIER A., Statistique et observation économique, Paris, P.U.F., 1961, 972 p., 1. Méthodo-
logie, statistique .. 2. Économétrie, conjoncture, comptabilité nationale.
3. Sciences de l'homme
AUSTRUY J., « Méthodes mathématiques et sciences de l'homme », Revue économique,
1961, nO 3, pp. 414-439.
BOUDON R., L'Analyse mathématique des faits sociaux, Paris, Plon, 1967, 464 p.
BouDON R., Les Mathématiques en sociologie, Paris, P.U.F., 1971,272 p.
NAYRAC P., Composants et facteurs, méthodes pour le dégagement des concepts généraux en
psychologie quantitative, Paris, Hermann, 1951, 103 p.
REUCHLIN M., Les Méthodes quantitatives en psychologie, Paris, P. U.F., 1962, 455 p.
TRYSTRAM J.-P., Statistique et sociologie. Remarques sur la statistique des données quali-
tatives, Thèse complémentaire pour le doctorat ès lettres, Paris, 1955, 130 p.
Calcul et formalisation dans les sciences de l'homme, Conférences prononcées lors des Jour-
nées internationales d'études sur les méthodes de calcul dans les sciences de l'homme,
Rome, 4-8 juillet 1966, Paris, C.N.R.S., 1968, 325 p.
« Analyse de systèmes en sciences sociales », Revue française de sociologie, 1970, numéro
spécial.
Archéologie et calculateurs. Problèmes sémiologiques et mathématiques, Paris, Éditions du
C.N.R.S., 1969, 372 p.
363
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
Dans des ouvrages récents consacrés à l'analyse urbaine, des économistes et géographes
français ont présenté les recherches théoriques et les travaux empiriques qui se sont déve-
loppés depuis l'après-guerre dans les pays anglo-saxons et en France : recherches sur les
places centrales et les régions économiques (Christaller, Losch), sur la relation rang-dimension
(Zipf), les localisations (Von Thünen, Weber), les modèles de gravité, la théorie de la base
économique et les multiplicateurs d'emploi.
364
Orientation bibliographique
1. Références générales
- Livres
BERRY B. J. L., Géographie des marchés et du commerce de détail, Paris, A. Colin, coll. « U2 »,
1971, 254 p.; traduction par B. Marchand de l'ouvrage publié aux États-Unis, Geography
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BOUDEVILLE J. (dir.), L'Espace et les pôles de croissance, Paris, P.U.P., 1968, 232 p.
BOUDEVILLE J. (dir.), L'Univers rural et la planification, Paris, P.U.F., 1968, 216 p.
BOUDEVILLE J., Aménagement du territoire et planification, Paris, Genin, 1972, 280 p.
CLAVAL P., « Géographie générale des marchés », Cahiers de Géographie de Besançon,
nO 10, Paris, Les Belles Lettres, 1962, 360 p.
CLAVAL P., « Essai sur l'évolution de la géographie humaine », Cahiers de Géographie de
Besançon, nO 12, Paris, Les Belles Lettres, 1964, 162 p.; chap. IX : « Géographie et méthode
économique », pp. 131-145.
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CORONT-DuCLUZEAU F., La Formation de l'espace économique national, Paris, A. Colin,
1964, 252 p.
DERYCKE P.-H., L'Économie urbaine, Paris, P.U.P., 1970, 261 p.
GUYOT F., Essai d'économie urbaine, Paris, Librairie générale de Droit et de Jurisprudence,
1968, 375 p.
HOOVER E. M., La Localisation des activités économiques, Paris, Éditions ouvrières, 1955;
traduction par J. Alaurent de l'ouvrage publié aux États-Unis, The Location of Economie
Activity, 1948.
ISARD W., Méthode d'analyse régionale. Une introduction à la science régionale, t. 1 : Équilibre
économique,. t. 2 : Optimatisation, Paris, Dunod, 1972, 240 + 224 p. Traduction par
Sallez et Strawezynski.
LACHENE R., Contribution à l'analyse de l'espace économique, Thèse pour le doctorat de
sciences économiques, Paris, 1965,.177 p. ronéoté, Metra, 1965, série spéciale, nO 6,146 p.
PONSARD c., Économie et espace. Essai d'intégration du facteur spatial dans l'analyse écono-
mique, Paris, S.E.D.E.S., 1955, 467 p.
PONSARD c., Histoire des théories économiques spatiales, Paris, A. Colin, 202 p.
PROST M.-A., La Hiérarchie des villes en fonction de leurs activités de commerce et de service,
Paris, Gauthier-Villars, 1965, introduction et 1Te partie, pp. 11-59.
REPUSSARD M., Les Méthodes d'analyse urbaine, Bordeaux, Éd. Bière, 1966,216 p.
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miques, 1960, 278 p.
TERMOTE M., Migration et équilibre économique spatial, Université catholique de Louvain,
Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques, Louvain, nouvelle série, 1969,
nO 54, 256 p.
Articles
ADAM H., « Méthodes statistiques et recherches corrélatives en géographie urbaine », Hommes
et Terres du Nord, 1965, nO 3, pp. 105-116 (analyse du livre de A. MOSER et W. SCOTT,
British Towns, a statistical study of their social and economic differences, et présentation
de quelques applications méthodologiques en France).
BAILLY A., « La théorie de la base économique: son histoire, son évolution », Revue géo-
graphique de l'Est, 1971, nO 3-4, pp. 299-317.
365
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
CLAVAL P., « La théorie des lieux centraux », Revue géographique de l'Est, janv.-juin 1966,
pp. 131-152.
CLAVAL P., « La théorie des villes », Revue géographique de l'Est, janv.-juin 1968, pp. 3-56.
CLAVAL P., « La localisation des activités industrielles », Revue géographique de l'Est, janv.-
juin 1969, pp. 187-214.
DREYFUS J., « Recherche et aménagements urbains », Consommation, 1966, nO 1, 119 p.
(réflexion critique sur les études françaises d'aménagement urbain et analyse de la recher-
che urbaine aux États-Unis).
NEIL J. M., « Notes sur les localisations industrielles », Économies et Sociétés, Cahiers de
l'I.S.E.A., oct. 1966, pp. 31-96.
PONSARD c., « Graphes de transfert et analyse économique », Revue d'économie politique,
1972, nO 2.
2. Applications
Certains thèmes d'analyse spatiale ont été des domaines privilégiés d'application des
méthodes statistiques et mathématiques, ou tout au moins de recherches méthodologiques.
Une place à part est faite, dans la bibliographie, aux exemples de modèles et d'analyse
factorielle, et aux méthodes d'enquêtes par sondage.
L'ANALYSE RÉGIONALE
Pour un aperçu sur les études régionales effectuées par les géographes français
THIBAULT A., « L'analyse des espaces régionaux en France depuis le début du siècle »,
Annales de Géographie, nO 444, mars-avril 1972, pp. 129-170.
Pour une réflexion sur la notion de région :
BRUNET R., « Pour une théorie de la géographie régionale », in La Pensée géographique
française contemporaine, Mélanges offerts au professeur A. Meynier, Presses Universi-
taires de Bretagne, 1972, pp. 649-662.
CLAVAL P., JUILLARD E., Région et régionalisation dans la géographie française et d'autres
sciences sociales, Paris, Dalloz, 1967, 99 p.
JUILLARD É., « La région, essai de définition », Annales de Géographie, nO 387, sept.-oct.
1962, pp. 483-499.
et dans les Actes du congrès de l'Association de Science régionale de langue française,
consacré au « dialogue interdisciplinaire dans les sciences régionales », Bordeaux, 27-29 mars
1969, Revue juridique et économique du Sud-Ouest, 1969, nO 3, les communications de
BOUDEVILLE J., « L'économiste et la région du géographe », pp. 515-522.
CLAVAL P., « Les économistes, les géographes et la région », pp. 523-531.
MILHAU J., « Le rôle de l'économiste en matière de théorie et de politiques économiques
régionales », pp. 559-574.
ROCHEFORT M., « Les géographes face à la notion de région », pp. 507-513.
ROSENFELD F., « La statistique dans l'analyse et la programmation de l'économie régionale »,
pp. 533-548.
Trois ouvrages restent fondamentaux pour la méthodologie des études d'organisation
régionale, bien que leur formulation n'emprunte rien au langage mathématique :
DUGRAND R., Villes et campagnes en Bas-Languedoc, Paris, P.U.F., 1963, 638 p.
LABASSE J., Les Capitaux et la région, Paris, A. Colin, 1955, 532 p.
ROCHEFORT M., L'Organisation urbaine de l'Alsace, Paris, Les Belles Lettres, 1960, 384 p.
366
Orientation bibliographique
367
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
- La distribution spatiale
BAKER A. R. H., « Établissements ruraux sur la marge sud-ouest du Bassin Parisien, dans'
les premières années du XIX· siècle », Norois, 1968, nO 60, pp. 481-492 (étude des formes
d'une distribution).
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spatiale du peuplement de la Gaspésie et du bas Saint-Laurent », Cahiers de Géographie
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matiques à l'étude synthétique des mouvements migratoires internes définitifs en Bel-
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NADASDI 1., « L'évolution séculaire (1821-1968) de la répartition et du développement de
la population au Grand Duché de Luxembourg », Bulletin de la Société géographique de
Liège, 1970, nO 6, pp. 145-168.
L 'ANALYSE URBAINE
Les premiers travaux de recherche statistique comparative sur un groupe de villes ont
fait l'objet d'une publication parue en 1959 :
GOZZI J., PINCHEMEL P., VAKILI A., « Niveaux optima des villes. Essai de définition d'après
l'analyse des structures urbaines du Nord et du Pas-de-Calais », Comité d'études régionales
économiques et sociales, cahier nO 11, Lille, 1959, 117 p.
Elle fut suivie d'une étude systématique des villes françaises de plus de 20000 habitants.
L'ouvrage, paru en 1963, contient de nombreux exemples de traitement statistique des
données de population urbaine, sur les thèmes de l'urbanisation, de la croissance urbaine,
des structures professionnelles et des fonctions :
CARRIÈRE F., PINCHEMEL P., Le Fait urbain en France, Paris, A. Colin, 1963, 375 p.
- Les hiérarchies
Les études de hiérarchie ont essentiellement concerné les agglomérations de population,
prenant en considération, soit seulement la taille de ces agglomérations mesurée par l'impor-
tance numérique de la population, soit la taille et la répartition fonctionnelle de la popu-
lation active.
Sur la relation rang-dimension (Zipf) :
ADAM H., loos A., « Une application de la règle « de la taille suivant le rang» (Rank Size
Rule) à l'étude des villes de la région du Nord », Hommes et Terres du Nord, 1964, nO 2,
pp. 77-83.
CHARLET J.-c., « Les agglomérations urbaines françaises de plus de 100000 habitants.
Quelques aspects de leur croissance », Hommes et Terres du Nord, 1967, nO 2, pp. 49-64.
Sur la relation taille-activités :
BAILLY A., BUEB J.-c., GUARY M., MATHIEU D., « Problèmes d'urbanisation dans la région
de Belfort-Montbéliard », Cahiers de Géographie de Besançon, 1967, nO 15, chap. : « La
structure commerciale de la région », pp. 67-75.
368
Orientation bibliographique
369
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
CARRÈRE P., Les Effets d'induction dans la croissance des grandes agglomérations, compte
rendu de la communication présentée au congrès international de la population, Belgrade,
20 août-lO sept. 1965.
CARRIÈRE F. et PINCHEMEL P., Le Fait urbain en France, Paris, A. Colin, 1963, pp. 263-290
(méthode dite des « deux taux »).
LE GUEN G., «La structure de la population active des agglomérations françaises de plus
de 20000 habitants. Méthode d'étude. Résultats », Annales de Géographie, nO 374, juilI.-
août 1960, pp. 355-370 (application de la méthode d'Alexandersson).
LEBEL N., VIGNAUX D., « Hiérarchie spatiale des activités en banlieue de Paris », Cahiers
de l'I.A. U.R.P., janv. 1971, vol. 22, 25 p.
PONSARD c., «Croissance des villes et structure des activités », Revue de l'économie du
Centre-Est, oct.-déc. 1963, pp. 53-59 (présentation de l'étude faite par le C.R.E.S.C.O.).
RACINE J. B., «Exurbanisation et métamorphisme péri-urbain. Introduction à l'étude de la
croissance du Grand Montréal », Revue de Géographie de Montréal, 1967, nO 2, pp. 313-
341 (application de la méthode des « deux taOlx »).
SAGET F., «Pour une stratégie de l'emploi industriel en milieu urbain. Une application :
le cas de Gien », Urbanisme, 1971, nO 1, pp. 42-48 (application de la théorie de la base).
- Les transports
BARBIER M., MERLIN P., « Le futur réseau de transports en région de Paris », Cahiers de
l'l.A.U.R.P., 1966, vol. 4-5, nO 4,58 + 40 p.
MERLIN P., « Les moyens de transport et le rythme d'urbanisation. Le cas particulier de
l'agglomération parisienne », Acta Geographica, 1966, nO 62-63, pp. 41-44.
MERLIN P., « Les transports urbains et leurs usagers en région de Paris », Cahiers de
l'l.A.U.R.P., 1966, vol. 4-5, nO 2, 20 + 54 + 56 p.
MERLIN P., Les Transports parisiens, Paris, Masson, 1966,495 p.
370
Orientation bibliographique
371
ORIENTATION BlBLIOGRAPHIQVE
BARBIER M., MOISDON J.-c., SCHAUVLIEGE J.-M., JOSEPH M.-D., « Investissement et tari-
fication des transports urbains. Un essai d'approche systématique », Cahiers de l'I.A. V.R.P.,
1969, vol. 17-18, nO 4, 44 p. (recherche sur les capacités de transports).
MALLET P., « Analyse du choix du mode de transport par les usagers en région parisienne »,
Cahiers de l'J.A.V.R.P., 1969, vol. 17-18, nO 2, 42 p.
MERLIN P., Les Transports parisiens, Paris, Masson, 1966,495 p. (une place à part est réservée
à l'influence des autoroutes).
- Analyses factorielles
Sur les méthodes et leurs applications
BALLADUR J.-P., « Analyse factorielle des correspondances », Annales de l'I.N.S.E.E.,
1970, nO 4, pp. 47-79 (analyse des correspondances-type Benzecri).
BOICHARD J., « Gestion agricole et géographie rurale », Revue de Géographie de Lyon, 1969,
nO 4, pp. 321-374 (méthodes d'analyse globale ou des comparaisons).
LABBÉ B., « L'analyse factorielle », Métra, 1965, nO 3, pp. 421-438.
RACINE J. B., « Modèles graphiques et mathématiques en géographie humaine. 1 : La trans-
formation des unités statistiques quantitatives en unités géographiques qualitatives;
2 : Les algorithmes de l'analyse typologique », Revue de Géographie de Montréal, 1971,
nO 4, pp. 323-358; 1972, nO 1, pp. 7-34.
VOLLE M. et al., « L'analyse arborescente », Annales de l'I.N.S.E.E., 1970, nO 4, pp. 81-99.
Des exemples :
BARBIER M., TAISNE-PLANTEVIN c., « Comparaison et classification des communes de
l'agglomération parisienne », Cahiers de l'J.A.V.R.P., 1965, vol. 3, 105 p. (analyse de
Spearman).
CEAUX J., RONCAYOLO M., « 1. La division sociale de l'espace urbain: méthodes et procédés
d'analyse; 2. L'analyse statistique des espaces urbains: quelques applications à Marseille »,
deux communications présentées au colloque sur « la division sociale de l'espace urbain »,
Bulletin de l'Association des géographes français, janv.-févr. 1972, pp. 5-30.
DALMASSO E., « Essai d'application de quelques méthodes statistiques à la région milanaise »,
Bulletin de l'Association des géographes français, nov.-déc. 1971, pp. 377-392.
GEIGER P. P., GUIMARAES M. R. de SILVA, STEFFAN E. R., « Application de la technique
d'analyse des composants principaux à l'étude des villes de la région Centre-Ouest du
Brésil », Cahiers de Géographie de Québec, sept. 1971, nO 35, pp. 191-212.
GREER-WOOTEN B., « Le modèle urbain », in Montréal, guide d'excursions, 22 e congrès
international de géographie, Presses de l'Université de Montréal, 1972, pp. 9-31 (étude
des transformations sociales à Montréal, entre 1951 et 1961).
LE BRAS H., « La mortalité actuelle en Europe. Présentation et représentation des données »,
Population, 1972, nO 2, pp. 271-293 (analyse en composantes principales et analyse des
correspondances).
Loux P., VIRVILLE M. de, « Le système social d'une région rurale, le Châtillonnais », Études
rurales, juilL-sept. 1969, pp. 5-135 (analyse des correspondances).
MEUNIER M., RACINE J. B., « La structure spatiale des États-Unis. Essai d'analyse statistique
multivariée », Cahiers de Géographie de Québec, sous presse.
OMNIUM TECHNIQUE D'AMÉNAGEMENT, Composantes de la fonction urbaine. Essai de typologie
des villes, Paris, D.A.T.A.R., avril 1970, 105 p.
RACINE J. B., « Les structures de l'utilisation du sol urbain sur la rive sud », in Montréal,
guide d'excursions, 22 e congrès international de géographie, Presses de l'Université de
Montréal, 1972, pp. 95-102.
372
Orientation bibliographique
- Méthodes d'enquête
Quelques exemples seulement sont donnés, de méthodes de collecte des informations et
d'enquêtes par sondage :
BELTRAMONE A., « Sur la mesure des migrations intérieures au moyen des données fournies
par les recensements », Population, 1962, nO 4, pp. 703-724.
CLERC P., « Grands ensembles et banlieues nouvelles », Travaux et documents de l'I.N.E.D.,
nO 49, Paris, P.U.F., 1967,471 p., chap. II : « L'enquête », pp. 37-63.
FLEURY M., HENRY L., « Pour connaitre la population de la France depuis Louis XIV.
Plan de travaux par sondage », Population, 1958, nO 4, pp. 663-686.
LAURENT c., « Les méthodes du service central des enquêtes et études statistiques (ministère
de l'Agriculture) », Économie rurale, 1966, nO 3, pp. 57-71.
POURCHER G., « Le peuplement de Paris », Travaux et documents de l'LN.E.D., nO 43, Paris,
P.U.F., 1964,310 p., chap. II : « La réalisation de l'enquête »; chap. III : « Le champ de
l'enquête », pp. 29-71.
TRYSTRAM J.-P., « Un langage de description des données statistiques », Bulletin du comité
français de cartographie, août-sept. 1970, pp. 114-117.
1. Méthodologie
BERTIN J., Sémiologie graphique, les diagrammes, les réseaux, les cartes, Paris-La Haye,
Mouton; Paris, Gauthier-Villars, 1967, 431 p. (ouvrage de base).
BERTIN J., « Graphique et mathématique. Généralisation du traitement graphique de l'in-
formation », Annales E.S.c., janv.-févr. 1969, pp. 70-101.
BERTIN J., VERGNEAULT F., « Traitement graphique d'une information: les marines royales
de France et de Grande-Bretagne (1697-1747) », Annales E.S.C., sept.-oct. 1967, pp. 993-
1004 (utilisation du fichier-image).
BRUNET R., « Les cartes des pentes », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest,
1963, nO 4, pp. 317-334.
DUFOUR J., « Essai de réalisation d'un fichier-image des exploitations agricoles en gestion
dans la Sarthe », in La Pensée géographique française contemporaine, Mélanges offerts
au professeur A. Meynier, Presses Universitaires de Bretagne, 1972, pp. 493-513.
373
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
GRONOFf J.-D., « La zone herbagère des Ardennes. Analyse typologique par matrice ordon-
nable », Études rurales, 1971, nOS 43-44, pp. 170-214.
GUY M., « Le premier symposium sur les ensembles de traitement d'information géogra-
phique », Ottawa, 28 sept.-2 oct. 1970, Bulletin du Comité français de cartographie, 1971,
nO 1, pp. 287-296.
RIMBERT S., Leçons de cartographie thématique, Paris, S.E.D.E.S., 1968, 139 p.
RIMBERT S., « Essai méthodologique sur des stéréotypes régionaux au Canada », Cahiers
de Géographie de Québec, déc. 1971, nO 36, pp. 523-536 (étude comparée de résultats 0 btenus
à partir d'une méthode graphique et à partir d'une méthode statistique).
VERHASSELT Y., « Essai de mise au point d'une méthode rapide de mesure des longueurs
et des surfaces », Travaux de l'Université libre de Bruxelles, 1961, nO 1-4, pp. 131-144.
2. Cartographie automatique
BRUNET Y., «Les migrations alternantes: le cas de la petite Bourgogne. L'influence des
caractéristiques socio-économiques sur le comportement migratoire de la main-d'œuvre »,
Revue de Géographie de Montréal, 1971, nO 3, pp. 199-219 (utilisation du programme
SYMAP).
MIGNERON J.-G., « Cartographie automatique et traitement des données de planification »,
Revue de Géographie de Montréal, 1971, nO 4, pp. 359-371 (présentation du programme
SYMAP, étudié au Laboratory for Computer Graphies de l'Université Harvard).
RIMBERT S., « Vers une automatisation de la cartographie thématique », Revue de Géographie
de Montréal, 1969, nO 2, pp. 187-193 (historique de l'automatisation en cartographie).
STINE G. E., «Les systèmes d'automatisation employés en cartographie. Leur évolution.
Les projets d'avenir », Bulletin du Comité français de cartographie, 1967, nO 3, pp. 239-247.
La parution de 1'« Atlas de la France rurale» est un exemple d'utilisation systématique
de la cartographie automatique :
GROUPE DE SOCIOLOGIE RURALE, Atlas de la France rurale, Cahier de la Fondation nationale
des Sciences politiques, Paris, A. Colin, 1967, 176 p. (présentation critique dans Études
rurales, juill.-sept. 1967).
Les services administratifs adoptent progressivement ce mode de représentation des données
statistiques (LN.S.E.E., D.A.T.A.R., Ministère de l'Agriculture...). Voir notamment:
DEsPRE J.-F., JOLY R., « Représentation cartographique de la répartition régionale des
données économiques », Études et Conjoncture, 1960, nO 12, pp. 1102-1109.
GREINER P., «Méthode de représentation cartographique automatique sur ordinateur »,
Statistique agricole, supplément « série Études» nO 38, 1968, pp. 69-111.
GREINER P., BOITARD, « Le programme de cartographie automatique du ministère de l'Agri-
culture », Statistique agricole, supplément « série Études », nO 95, janv. 1972, 59 p.
«La cartographie automatique »,2000, 1967, nO 3, pp. 16-19.
374
Orientation bibliographique
PERPILLOU A., « L'utilisation agricole du sol en France et les transformations des paysages
ruraux », Acta Geographica, juin 1961, pp. 9-21 (étude de toutes les sources qui sont à
l'origine de la carte).
Cet article contient également les références des analyses et commentaires des cartes
d'utilisation du sol, établis entre 1953 et 1961 par P. Garenc, A. Perpillou, É. Juillard et
P. Angrand.
La carte « Utilisation agricole du sol en France. Seconde moitié du xx e siècle )), réalisée
par le Laboratoire de Géographie rurale de l'Institut de Géographie de Paris, dessinée
et imprimée par l'Institut Géographique National, a été publiée par le Centre national de
la Recherche scientifique en 1970.
La même méthode cartographique a été utilisée pour l'étude des structures agricoles :
BONNAMOUR J., BONTRON J.-c., MATHIEU N., « Évolution des structures agricoles en France.
Essais de recherche méthodologique et cartographique)), Bulletin de l'Association des
géographes français, janvAévr. 1969, pp. 291-309.
375
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
376
Index
B C
BACH! R., 259.
BACKE H., 190. CAESAR A. A. L., 28.
BACON F., 33. CAIN S. A., 203.
BAILEY N. T. J., 70. CAPOT-REY R., 42.
BAIN J. S., 154-155, 157-158. CARELESS J. S. M., 115.
BAKER O. E., 194. CAROE L., 303.
banal (rapport spécifique), 150-151. carrés latins, 338.
BARFORD B., 147. CARRIÈRE F., 150.
BARROWS H. H., 22. CARROTHERS G. P., 26, 45.
BARTHOLOMEW H., 182. CARRUTHERS N., 242, 330.
BASKIN C. W., 61, 137. cartographiques (méthodes), 239-255, 301-309.
BECKERMAN W .• 49. centrale (caractéristiques de valeur), 258-259.
BECKMANN M. J., 32, 55, 79, 116, 137,141-142. centralité (indice de), 267.
BEESLEY M., 160. centrales (places), 102-103, 135-143, 338-339.
BERRY B. J. L., 29, 90-93, 97-98, 116, 118-122, centuriation, 103.
131-135,137,139,143,161,176-178,199-200, CHAMBERLIN T. C., 313.
218-225, 250-252, 274, 284-287, 319. champs, 51-58.
BERTALANFFY L. von, 27-28. CHAPIN F. S., Jr., 204.
BIRCH J. W., 220. CH!SHOLM M. D. 1., 52, 80-81, 114-115, 158,
BIRD J., 296. 179-182,187,189-190,195,199,229,231,264.
377
INDEX
CHORLEY R. J., 12, 14-19, 22, 26-34, 72, 206, DICKINSON R. E., 28, 182, 194, 201-202.
210-211,220,237,274,295-296,301,306-307, différenciation de l'espace, 20-21.
320, 324, 338. diffusion (modèles de), 67-72, 93-100, 110-115,
CHRISTALLER W., 15, 26, 37, 52, 55, 61-62, 64, 199-204.
103, 110, 116, 122-125, 130, 135-143,314,338- discontinuités, 132-135, 179-182.
339. discriminante (analyse), 280-281.
CLAESEN C. F., 280. dispersée (ville), 150,
CLARK A. H., 21, 67. dispersion (caractéristiques de), 260.
CLARK C., 175, 177-178, 199, 246. DUERR W. A., 52, 165.
CLARK P. J., 260-262. DUNCAN O. D., 211, 227-228, 232, 294, 319,327.
CLARK W. A. V., 258. DUNN E. S., 48, 182, 186, 188.
CLAWSON M., 51, 53, 176-177, 199. DURY G., 210, 320, 324.
COCHRAN W. G., 212, 216, 219.
COHEN S. B., 56.
COLWELL R. L., 226.
combinaison (indice de), 248-250. E
complémentarité (modèles de), 50-5I.
composantes (cartes à une, à plusieurs), 241-25I.
composantes d'échelle (analyse en), 296-309. échantillonnage (méthodes d'), 212, 216-225,
composantes principales (analyse en), 134-135, 296-298, 334-338.
251-253. échelle (problèmes d'), 294-309.
concentration économique, 154-161, 198-199. écologique (école), 22.
concentriques (anneaux), 182-192. EDMONSON M. S., 68.
concentriques (modèles de croissance en zones), EELLS W. C., 258.
201-202. élimination des unités aberrantes, 233.
connexité, 83-87, 267-268. ENKE S., 338.
contacts (nombre de), 62-63. ensembles (théorie des), 23-25, 272-274.
COOLE Y C. H., 82, 84. ERATOSTHÈNE, 216.
COPPOCK J. T., 211, 214-215, 227, 232. espace à n dimensions, 284-287.
corrélation (calculs de), 87, 126-127, 131-132, espace de revenus, de population, 66-67.
165, 193, 231-232, 264-265, 292-294, 314-319. espacement et taille des unités d'habitat, 123-129.
COTTERILL C. H., 161-162, 167, 171-172. État isolé, 182-189.
COULSON M. R. c., 242-243. EVANS F. C., 260-262.
COURT A., 259. exceptionnalisme, 12-13.
couverture (problèmes de), 216-226. EZEKIEL M., 327.
COXETER H. S. M., 59-6I. expérience (plans d'), 334-338.
croissance (modèles de), 200-204.
CROWE P. R., 42.
CUMBERLAND J. H., 26.
CURRY L., 28, 38, 148-150. F
F (groupes), 318-319.
factorielle (analyse), 134-135, 251-253.
D
factoriels (plans, expériences), 334-338.
FAGEN R. E., 27.
DACEY M. F., 26, 28, 104-105, 132, 152-153, FARMER B. H., 68, 114, 198.
261-262, 281-284. feedback (modèles de), 57-58.
DÂHL S., 45. FENNEMANN N. M., 295.
DANTZIG G., 79. files d'attente (théorie des), 148.
DAVID H. A., 338. filtrage cartographique, 301-302.
DAVIES O. L., 301, 320, 324, 327, 334, 337. FISHER J. L., 27.
DAVIS D. H., 55. FISHER R. A., 112, 244, 321, 323, 325, 329.
DAVIS W. M., 42, 68, 212. FLEMMING N., 339.
définitions opérationnelles, 212-215. FLETCHER T. J., 272-273, 343.
DEMANGEON A., 27I. FLOOD M. M., 79.
densité (gradients de), 107-109, 173-179, 199-200. FLORENCE P. S., 156-160, 169, 198,229.
densité des voies de communication (modèles FOGEL R. W., 99.
de), 87-93. FOLGER J., 57.
déterministes (modèles), 34-38. fonctionnelle (hiérarchie des unités de peuple-
DICKINSON G. C., 213, 225. ment), 113, 131-143.
378
Index
FORGOTSON J. M., 246-247. HAGGETT P., 14-19, 22, 26, 33-34, 72, 132-133,
forme des champs, territoires, aires géogra- 174-175, 202, 204, 206, 211, 217, 220, 224-
phiques, 54-67, 255-258. 225,232-233,237,274,294-301,303-307,314-
Fox J. W., 179. 319, 321-322, 326, 331-338.
Fox K. A., 327. HAGOOD M. J., 289, 292-294.
FREUD S., 37. HALL A. D., 27.
FRIEDRICH C. J., 154, 161, 164, 167. HALL P., 225.
« frontière », front pionnier, 67-68, 202. HANNERBERG D., 42.
frontières politiques (effets des), 55-56, 82. HANSON N. R., 12.
fusil de chasse (méthode du), 314-319. HARARY F., 281.
HARDY T., 143.
HARMAN H. H., 251.
G HARRIS C. D., 48, 202-203.
HART J. F., 259.
G (coefficient - d'association géographique), HARTSHORNE R., 12, 20-23, 34, 216.
263-265. HAWLEY A. H., 22.
G (échelle), 15-19. HEISENBERG W., 36.
GALTON P., 36. HELD C. C., 189.
GARRISON W. L., 27, 29, 32, 79, 83-85, 97-98, HELVIG M., 44-45, 49.
121, 131-133,204,266,280,303,319, 339. HETTNER A., 23.
GAUSS (distribution de), 43, 320-322. hexagones, 59-67, 106, 135-142, 235-236, 338-
GEER S. de, 23. 339.
géographie (définitions de la), 19-27. HIDORE J. J., 193.
géométrique (esprit - en géographie), 25-26. hiérarchie fonctionnelle des unités de peuple-
GETIS A., 57, 65-67. ment, 113, 131-143.
GIBBS J. P., 117-118, 127,256-257. HIGHSMITH R. M., 216.
GINSBURG N., 89-90, 212, 225, 250, 254, 265, HJULSTRÔM F., 123.
320. HOLLOWAY J. L., Jr., 236.
GODLUND S., 68, 100, 270. HOOVER E. M., 23, 85-87,154,161,182,263.
GOLDTHWAIT J. W., 147. HORTON R. E., 266.
GOODRICH C., 50. HORVATH R. J., 203.
GOTTMANN J., 189, 194-195, 275. HOSKINS W. G., 114.
GOULD P. R., 32-33, 38, 88-89, 93-96, 100, 195- HOTELLING H., 32, 50, 338.
198, 314. HOUSE J. W., 124-125.
gradients de densité, 175-179. HOUSTON J. M., 260.
GRADMANN R., 13. HOWARD E., 59.
graphes (théorie des), 83-85, 266-269, 281-284. HOWE G. M., 23.
gravitation (modèles de), 45-51. HoYT H., 202.
GREEN F. W. H., 54. HoYT W. G., 225-226.
GREEN H. L., 275-276. HUFF D. L., 48.
GREENHUT M. L., 167-168. HUMLUN J., 194.
GREGOR H. F., 211. hyrothèses en géographie humaine, 311-319.
GREGORY S., 288, 290, 292, 310, 319-320, 324,
327-328.
GREIG-SMITH P., 104, 225, 250, 289, 320.
grilles cartographiques, 233-236, 244-245, 254- l
255.
GROTEWALD A., 187.
groupement des unités de collecte, 232-233. identification des régions, 271-284.
groupements de population (taille des), 115-129. incertitude (principe d'), 35·38.
GRYTZELL K. G., 215. innovation (ondes d'), 68-72, 96, 319.
GULLEY J. L. M., 67. INOUYE S., 81, 114-115.
GUNAWARDENA K. A., 11, 122-123, 131-133, 143. interaction (modèles d'), 41-51.
International Urban Research, 115-116,213,215.
interposées (occasions), 57.
H irrégularité des unités spatiales de collecte, 226-
237.
habitat (répartition de l'), 102-115. ISARD W., 23, 26, 32-33, 41, 44-45, 48-51, 57,
HAGERSTRAND T., 18, 26, 38, 42, 44, 46-49, 57- 64-67, 106, 116, 147-148, 151, 154-155, 158,
58, 68-71, 96, 102, 112,226, 339-340. 161, 167-171, 182.
379
INDEX
K M
380
Index
381
INDEX
S
T
SANDNER G., 114.
satisfaction (modèles de), 37, 205-206.
SAUER C. O., 13,21,25-26,67, 193,202-203,271. TAAFFE E. J., 32-33, 88-89,93-96, 100,278,314.
SCHAEFER F. K., 13. taille (règle de la - selon le rang), 115-123.
SCHEIDEGGER A. E., 123. taille et espacement des unités d'habitat, 123-
SCHICK A. P., 15, 253. 129.
SCHLUTER O., 21. taxonomie, 272..
SCHMID C. F., 239. tendance (surfaces de), 236-237, 301-309.
SCHOOLER E. W., 27, 155, 158. territoires, 58-67, 226-237.
SCOTT E. L., 38, 70, 339. tests statistiques, 319-338.
SCOTT W., 150. THATCHER W. S., 211.
SEARS F. W., 45, 75, 167. THEODORSON G. A., 22, 54.
SEBESTYEN G. S., 280-281. Thiessen (polygones de), 109, 235-236, 277-278.
secteurs péri-urbains, 108-109, 202. THOMAS D., 248-250.
SEMPLE E. C., 22. THOMAS E. N., 125-128, 312-313, 321, 332.
seuils, 132-135, 179-182. THOMAS F. H., 80.
ShimbeI-Katz (indice de), 84-85. THOMAS W. L., Jr., 21, 30, 49, 52, 103,202.
SIEGEL S., 239, 314, 320, 326-327. THOMPSON D'ARCY W., 18,33,42,61.
SIGWART, 12. THOMPSON J. W., 250-253, 293.
SILK J. A., 79. THOMPSON W. R., 231, 265.
similitude, 18. THÜNEN J. H. von, 23, 32, 37, 42,52,75,111,
SIMON H. A., 37, 120-121. 175, 182-195, 200-202.
simulation, 38, 69-72, 100, 112-113, 338-344. TOBLER W. R., 66-67, 234, 254, 281.
SINNHUBER K. A., 275. topologie, 24-25, 78-80, 83-85, 266-269.
SKELLAM J. G., 70. TOULMIN S., 207.
SKILLiNG H., 33. township and range, 65, 103-104.
SLACK H. A., 298-299. transformations algébriques, 321-322, 337.
SMAILES A. E., 135. transformations cartographiques, 65-67.
SMITH W., 164-165. treillis, 102-110, 135-137,244-245.
Snell (loi de), 75. triangulaires (graphiques), 246-248.
sondage (méthodes de), 212, 216-225, 296-298, TROXEL E., 190, 192.
334-338. TURNER F. J., 67-68.
SORRE M., 22. TWAIN M., 13.
SPATE O. H. K., 14, 319.
SPEARMAN C., 292, 314, 323.
U
SPECHT R. E., 77.
spécialisés (centres), 143-153. UKWU U. 1., 11.
spécifique (rapport - banal), 150-151. ULLMAN E. L., 49,51-52,80,132,152-153,202-
SPENCER J. E., 203. 203, 266.
STAFFORD H. A., Jr., 131. Union géographique internationale, 81,114-115,
STAMP L. D., 271. 203.
382
Index
unités spatiales de collecte des données, 226-237, WEBER A., 23, 32, 37, 130, 154, 161-168, 182,
264. 311.
UNSTEAD J. F., 295. WEISS S. F., 204.
utilisation du sol (zones d'), 173-206. WELLINGTON A. M., 74-75.
WHITTEN E. H. T., 237, 307.
WHITTLESEY D., 271-272, 295-296.
WILLIAMS W. T., 288-289.
v WINSBOROUGH H. H., 176.
VAHL M., 194. WISE M. J., 160.
WOLFE R. 1., 82.
VAJDA S., 171, 198.
WOLPERT J., 37, 205-206.
VALKENBURG S. van, 189. WOOD W. F., 222.
VALVANIS S., 137.
WOODWARD M. 1. J., 98-99.
valeur centrale (caractéristiques de), 258-259. WOOLDRIDGE S. W., 12, 26, 271.
VANCE J. E., Jr., 51, 53, 56, 77.
WOOLF H., 11.
variance (analyse de), 289-291,298-301, 334-337. WRIGLEY E. A., 274.
Venn (diagrammes de), 24-25, 272-274. WYNNE-EDWARDS V. c., 59.
VIDAL DE LA BLACHE P., 12-13, 18-19, 22, 275,
311.
VINING R., 23, 28, 48, 141.
voies de communication (densité des), 87-93.
voies de communication (localisation des), 35, y
43, 74-87.
voisinage (analyse du plus proche), 104-106, YATES F., 112,216,220,244,321,325,329,337.
260-262. YEATES M., 48, 270, 278-280.
YUILL R. S., 71-72.
YULE G. D., 121.
W
383
Table des matières
PRÉFACE. . . 5
AVANT-PROPOS 9
1. GÉNÉRALITÉS Il
1. A la recherche de l'ordre 12
Les traditions exceptionnalistes en géographie 12
Échelle et théorie 14
2. La géographie . . . 19
Les conceptions de la géographie. 20
La différenciation de l'espace, 20. - L'école du paysage 21. - L'école écologique,
22. - L'école de la localisation, 22.
Essai d'intégration par la théorie des ensembles . 23
L'abandon de l'esprit géométrique en géographie 25
Science régionale et géographie . . . . 26
3. Systèmes et modèles. . . . . . . .... 27
La géographie humaine et la théorie générale des systèmes. 27
La nature des systèmes, 27. - Les régions polarisées (ou nodales) en tant que
systèmes ouverts, 28.
La construction de modèles en géographie humaine . . . . . . . 30
Les types de modèles, 30. - Les techniques de construction de modèles, 32. -
Le rôle des modèles, 33.
4. Déterminisme et probabilisme 34
L'abandon du déterminisme en géographie humaine 34
Lois normatives et lois probabilistes 36
L'incidence du principe d'incertitude, 36. - L'apparition des modèles stochas-
tiques, 37.
PREMIÈRE PARTIE :
2. LES MOUVEMENTS 41
1. Mouvement et morphologie 42
2. Mouvement et distance : le concept d'interaction 43
Études régionales des taux de décroissance . . 44
Les modèles élémentaires d'interaction . . . . 45
Les modèles déductifs : analogies avec la gravitation et l'absorption, 45. -
Les modèles inductifs : ajustement de courbes, 46.
385
TABLE DES MA TIÈRES
3. LES RÉSEAUX . 73
1. La localisation des voies de communication. 74
La localisation de la voie isolée . . . . . 74
Les déviations positives, 74. - Les déviations négatives, 75.
La localisation des réseaux de voies . . . . . . . . 78
Les concepts de distance minimale, 78. - Les applications pratiques des plans
de réseau optimal, 79. - Les facteurs politiques, 82.
Les effets de la géométrie des réseaux 83
2. La densité des réseaux de voies 87
Le nivea u local. . . . 87
Le nivea u régional . . 88
Le nivea u international 89
3. Les modèles de transformation des réseaux. 93
Le développement des voies de communication dans les régions
sous-développées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Exposé du modèle, 93. - Validité du modèle, 95.
Les substitutions de voies de communication dans les régions déve-
loppées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
Recherche d'un modèle, 96. - Les effets des substitutions, 97.
Le développement des voies de communication et les modèles de
diffusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
386
Table des matières
387
TABLE DES MATIÈRES
SECONDE PARTIE
LES MÉTHODES 207
8. LA DESCRIPTION. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
1. La description de la localisation absolue : les systèmes cartographiques 239
Niveaux de mesure et cartographie 239
388
Table des matières
389
TA.BLE DES MATIÈRES
390
Berger-Levrault, Nancy. - 778649-4-1973
Dépôt légal : 2 e trimestre 1973
nO A. Colin : 6274
Cet ouvrage est publié dans la collection
« U », série « Géographie », que dirige
Philippe Pinchemel, Professeur à l'Univer-
sité de Pa ris 1.
K. 4506