Bescherelle Chronologie de L'histoire Des Sciences
Bescherelle Chronologie de L'histoire Des Sciences
Bescherelle Chronologie de L'histoire Des Sciences
L’HISTOIRE
DES SCIENCES
Des origines à nos jours
CHRONOLOGIE
L’HISTOIRE DES SCIENCES
Des origines à nos jours
Santiago Aragon
Maître de conférences en biologie animale et histoire des sciences,
responsable de la collection de zoologie, Sorbonne Université
David Aubin
Professeur d’histoire des sciences, Sorbonne Université,
Institut de mathématiques de Jussieu-Paris Rive Gauche
Hélène Gaget
Maître de conférences en informatique et philosophie des sciences,
Sorbonne Université
Alexandre Guilbaud
Maître de conférences en histoire des sciences mathématiques,
Sorbonne Université, Institut de mathématiques de Jussieu-Paris Rive Gauche
Néstor Herran
Maître de conférences en histoire des sciences, Sorbonne Université,
Observatoire des sciences de l’univers Ecce Terra
Christophe Lécuyer
Professeur d’histoire des techniques, Sorbonne Université,
Laboratoire d’informatique LIP6
Les auteurs
Santiago Aragon, David Aubin, Hélène Gaget, Alexandre Guilbaud, Néstor Herran et
Christophe Lécuyer sont membres de l’Atelier Sciences – Histoire – Cité (ASHiC), de la
faculté des sciences de Sorbonne Université.
Les auteurs tiennent à remercier pour leur aide Andrea Bréard, Karine Chemla, Dylan
Courtin, Tony Freeth, Isabel Iribarren, Leopoldo Iribarren et Marc Moyon, ainsi que
Laurianne Geffroy et Christophe Vescovacci.
Sous réserve des exceptions légales, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite,
par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite
et constitue une contrefaçon sanctionnée par le Code de la Propriété Intellectuelle. Le CFC est le seul
habilité à délivrer des autorisations de reproduction par reprographie, sous réserve en cas d’utilisation
aux fi ns de vente, de location, de publicité ou de promotion de l’accord de l’auteur ou des ayants droit.
Avant-propos
La chronologie est la science qui cherche à établir les dates des événements
passés. C’est le guide qui nous permet de domestiquer les temps anciens et
de nous y repérer. Cette conception qui date de la Renaissance reste d’actua-
lité, même si le défi principal, pour ce qui concerne l’histoire des sciences, est
aujourd’hui moins de dater les événements que de sélectionner les plus aptes
à en faire comprendre les enjeux.
– 687
Catalogue d’étoiles
en Mésopotamie
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
Vers – 500
Dissection du corps
humain par Alcméon
Vers – 450
Description
de l’embryon humain
Vers – 430
Vision atomiste du monde
par Démocrite 415
Hypatie, femme
de sciences
Vers – 300
Euclide, Éléments
– 240
Calcul de la circonférence
de la Terre par Ératosthène
Vers 80 636
Invention de Isidore de Séville,
la boussole Étymologies
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– 500 An 0 500 1000
– 206 à 220 Dynastie des Han (Chine)
– 626 à – 539 Empire néo-babylonien Chute de Troie 1184
– 495 à – 429 Périclès : apogée d’Athènes
753 Fondation de Rome
– 356 à – 323 Alexandre le Grand
– 100 à – 44 Jules César
– 5 à 30 Jésus-Christ
250
Publication
Vers – 60 du bestiaire
Machine Physiologus
d’Anticythère
132 597
Détection de Diffusion
– 25
séismes à distance du trébuchet
Traité d’architecture
de Vitruve
77
Pline l’Ancien,
Histoire naturelle
127
Première observation
astronomique par Ptolémée
– 3000 À Uruk, les scribes
tiennent leurs comptes
Mathématiques et astronomie
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– 500 An 0 500 1000
– 590 à – 495 Pythagore 150 Ptolémée (IIe siècle), L’Almageste
– 625 à – 546 – 300 Euclide, Éléments 250 Diophante (v. 215-290), Arithmétiques
Thalès
v. – 287 à – 212 Archimède
– 2600 Une impératrice
domestique le ver à soie
Le chemin de la domestication
Cette légende symbolise ainsi la naissance de l’élevage en captivité. La dépendance
du vers à soie vis-à-vis de l’homme pour accomplir son cycle de vie – celui-ci étant
incapable de redevenir sauvage – reflète l’ancienneté de sa domestication. Cette
légende illustre aussi les connaissances et le savoir-faire nécessaires à la domesti-
cation des animaux et des plantes utiles au développement des sociétés humaines.
La soie devient peu à peu une matière de luxe appréciée des pays étrangers. Le
précieux fil, longtemps resté l’exclusivité de la Chine, commence à s’exporter à par-
tir du IIe siècle avant notre ère.
La route de la soie
Le commerce de la soie est ainsi à l’origine de la célèbre « route de la soie », l’une des
premières voies commerciales entre l’Orient et l’Occident. La sériciculture arrive
alors en Europe occidentale au Moyen Âge, en Espagne puis en Italie à travers la
culture arabe.
Mais le fil de soie n’est pas le seul à voyager à travers le monde. En suivant sa
route, les savoirs commencent à se diffuser sur de longues distances et l’Europe
découvre des inventions chinoises comme la poudre ou la boussole (! 82).
Le texte de La Charrue
En 687 avant notre ère, à Assur, en Mésopotamie (dans le nord de l’actuel Irak),
un scribe trace minutieusement dans l’argile un texte astronomique. Il s’agit de
l’un des premiers qu’on puisse dater avec précision. Composé de près de 400 lignes
de caractères cunéiformes, ce texte, connu à travers plusieurs copies, compile des
savoirs astronomiques qui remontent à 1 400 ans avant notre ère. Les assyriologues
appellent MUL.APIN cette série de tablettes, d’après le nom de la constellation de
« La Charrue » (aujourd’hui la Grande Ourse) citée au début de chaque copie.
Un catalogue d’étoiles
❝
20
Tablette secrète du
Les tablettes MUL.APIN délivrent des informations Ciel, connaissance exclusive
astronomiques diverses, toujours dans le même des grands dieux, ne pas
ordre. Pour commencer, une liste de 36 étoiles dont divulguer ! On peut l’enseigner
le lever au-dessus de l’horizon permet de définir au fils qu’on aime. L’enseigner
un calendrier idéal de 360 jours. Puis viennent à un scribe de Babylone […]
des données concernant le mouvement appa- ou à tout autre savant est une
rent de ces étoiles, de la Lune, du Soleil et des abomination pour [les dieux]
cinq planètes connues à cette époque (Mercure, Nabu et Nisaba. »
Vénus, Mars, Jupiter et Saturne). Certaines pra- Extrait d’une tablette de Mésopotamie,
er
tiques algorithmiques permettant le calcul des I millénaire av. notre ère.
calendriers solaire et lunaire sont également précisées.
Mathématiques et astronomie
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3100 à – 2800 Début de la construction de Stonehenge – 2000 Notation des nombres en base 60 – 1400
Premiers catalogues
– 3000 Tablettes comptables à Uruk Papyrus de Rhind, les mathématiques en Égypte – 1550 d’étoiles en Mésopotamie
Des étoiles dans l’argile
Lorsque le hasard a voulu
qu’elles soient enterrées,
les tablettes d’argile se sont
remarquablement bien conser-
vées. Si bien qu’on possède
aujourd’hui une connais-
sance de première main de
la science mésopotamienne,
bien meilleure parfois que
celle d’autres périodes pour-
tant plus récentes. Conservée
au British Museum de Londres,
cette tablette MUL.APIN datée
de – 687 a permis de reconsti-
tuer certaines pratiques astro-
nomiques qui remontent à
1 400 ans avant notre ère.
Tablette cunéiforme
MUL.APIN, – 687.
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Mathématiques et astronomie
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3100 à – 2800 Début de la construction de Stonehenge – 2000 Notation des nombres en base 60 – 1400
Premiers catalogues
– 3000 Tablettes comptables à Uruk Papyrus de Rhind, les mathématiques en Égypte – 1550 d’étoiles en Mésopotamie
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❝
particularité de chaque espèce, et la semence
femelle apporte la matière, commune et péris- Hippon […] soutient
sable après la mort, qui permet la croissance. que l’enfant est formé
Une telle conception sera utilisée, dans la tra- soixante jours après la
conception, ajoutant que dans
dition occidentale, pour affirmer une supréma-
le quatrième mois la chair
tie masculine. prend sa consistance, dans le
Pour Hippon, 60 jours suffisent à la forma- cinquième poussent les ongles
tion de l’embryon, à commencer par la tête, et les cheveux, et dans le
siège de l’âme. Aristote prédira de son côté un septième l’enfant est parvenu
développement de 40 jours pour les garçons et à sa perfection. »
de 3 mois pour les filles ! Censorin, Du jour natal, vers 238.
De la conviction à la preuve
D’autres philosophes comme Épicure (341-270 av. notre ère) ou Lucrèce (! 1417) se
placent dans la lignée de Leucippe et de Démocrite et défendent l’existence des
atomes. Par conviction, Robert Boyle et Newton (! 1687) au XVIIe siècle, puis Dalton
au XVIIIe siècle, soutiennent eux aussi le corpuscularisme.
Mais ce n’est qu’en 1913 que le physicien Jean Perrin clôt le débat avec la publica-
tion d’un livre, Les Atomes, dans lequel il accumule des preuves expérimentales en
faveur de l’existence des atomes. Les physiciens commencent même à s’intéresser à
leurs divers composants : électrons, protons et bientôt neutrons (! 1932).
Philosophie et culture
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 1800 Épopée de Gilgamesh
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Les atomes crochus
de Démocrite
Pour Démocrite, la diversité de la Une vision matérialiste
matière est liée aux propriétés des
atomes. Leur forme notamment, Démocrite considère que tout est matière.
qui peut être ronde, anguleuse ou Atome ou vide sont aussi réels l’un que
« crochue », leur permet de se lier
l’autre, et le néant n’existe pas. « Rien ne
entre eux par de petites barbes et
des crochets. La quantité de vide naît de rien et rien ne retourne au néant »,
entre les atomes affecte la texture, selon Épicure. Ainsi, le divin « s’efface »
qui peut être fluide, ferme, etc. Une et l’âme se matérialise. Pour cette raison,
dernière catégorie, subjective, de bien des savants ou philosophes atomistes
propriétés comme la couleur et le
goût influe sur les sensations que
sont inquiétés à diverses époques par les
nous avons des corps. autorités religieuses. L’Église catholique
Atomes d’or observés au a longtemps combattu cette conception
microscope à effet tunnel, des corps, la jugeant incompatible avec la
xxie siècle.
transsubstantiation, c’est-à-dire le change-
ment du vin et du pain en sang et en corps
du Christ lors de l’Eucharistie.
Un héritage singulier
Nous ne savons quasiment rien d’Euclide, mis à part qu’il vécut vers 300 av. notre
ère. Une partie de ses œuvres, parmi lesquels les célèbres Éléments, lui ont néan-
moins survécu. Si ce traité compile des résultats mathématiques, nous ne disposons
d’aucune indication directe sur la façon dont il a été construit à partir du savoir de
l’époque. Le texte n’en constitue pas moins un ouvrage de référence, qui a éclipsé
l’ensemble des contributions mathématiques grecques précédentes.
L’art de la démonstration
30 Le principe d’exposition des Éléments d’Euclide consiste à démontrer chaque proposi-
tion – qui peut prendre la forme d’un théorème ou de la solution d’un problème – à par-
tir d’autres propositions préalablement démontrées et d’un jeu réduit de définitions,
de « demandes » (postulats) et de « notions communes » (axiomes). C’est cette façon de
démontrer et de structurer les mathématiques qui en ont fait un succès sans équiva-
lent dans l’histoire, en même temps qu’un modèle de rigueur jusqu’au XIXe siècle.
Géométrie et arithmétique
Les Éléments d’Euclide contiennent treize livres organisés de façon thématique,
dédiés à la géométrie plane, l’arithmétique et la géométrie dans l’espace. Au total,
470 propositions sont ainsi démontrées. On y trouve par exemple une étude sur les
nombres premiers, une méthode de construction du plus grand diviseur commun à
deux nombres, ou encore des procédés de division des nombres.
Parmi les postulats du premier livre des Éléments, le cinquième, appelé « postulat
des parallèles », est celui qui a le plus interrogé les mathématiciens, ces derniers
ayant cherché à le prouver rigoureusement. Nous en connaissons tous un énoncé
équivalent, formulé par le mathématicien britannique John Playfair (1748-1819) :
« Par un point extérieur à une droite ne peut passer qu’une seule et unique droite
parallèle à cette droite ». Il faudra attendre le XIXe siècle pour comprendre que ce
postulat n’est pas démontrable.
Mathématiques et astronomie
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3100 à – 2800 Début de la construction de Stonehenge – 2000 Notation des nombres en base 60 – 1400
Premiers catalogues
– 3000 Tablettes comptables à Uruk Papyrus de Rhind, les mathématiques en Égypte – 1550 d’étoiles en Mésopotamie
Élémentaire
mais pas originale !
Comme la plupart des écrits
grecs de cette période, nous
ne disposons d’aucune ver-
Les 13 livres des Éléments
sion originale des Éléments. Géométrie plane : constructions
Les versions actuelles du Livre I à IV et propriétés des figures rectilignes
texte sont donc la compilation et des cercles.
de nombreuses versions ulté- Théorie des proportions,
Livre V
rieures, souvent traduites. Le rapports de deux grandeurs.
plus vieux manuscrit complet
Application du livre V aux grandeurs
des Éléments, actuellement Livre VI
de la géométrie plane.
conservé à Oxford, date de la
fin du ixe siècle, soit environ Arithmétique des nombres entiers :
1 200 ans après sa période Livre VII à IX nombres premiers, PGCD, division
de rédaction. euclidienne, algorithme d’Euclide…
De l’ombre à la circonférence
32 Au solstice d’été donc, vers 240 avant notre ère, Ératosthène mesure la taille de
l’ombre au sol d’un obélisque ou d’un gnomon à Alexandrie. En utilisant l’angle
que forment les rayons du soleil avec la verticale, la distance entre les villes de
Syène et d’Alexandrie, et des règles de trigonométrie bien choisies, il réussit à cal-
culer la circonférence de la Terre.
Ératosthène n’a pas laissé d’écrit sur son expérience, et ceux qui la rapportent au
siècle suivant donnent peu de précisions sur les méthodes de mesure utilisées. Si
l’évaluation de l’angle pose peu de problèmes, qu’elle soit faite à partir de l’ombre
d’un obélisque ou d’un gnomon, celle de la distance entre Syène et Alexandrie sou-
lève de nombreuses questions.
Mathématiques et astronomie
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3100 à – 2800 Début de la construction de Stonehenge – 2000 Notation des nombres en base 60 – 1400
Premiers catalogues
– 3000 Tablettes comptables à Uruk Papyrus de Rhind, les mathématiques en Égypte – 1550 d’étoiles en Mésopotamie
La bibliothèque d’Alexandrie
Vers l’an 245 avant notre ère,
Ératosthène est appelé en Égypte
Une trop bonne mesure
pour assurer l’éducation de Ptolé- Comment atteindre une aussi bonne mesure avec
mée IV, le fils du pharaon, et à partir
de –221, il devient conservateur de
autant d’imprécisions ? En effet, Syène et Alexan-
la bibliothèque d’Alexandrie. Ayant drie ne sont pas exactement sur le même méri-
accès au plus grand centre culturel dien, ce dont le calcul ne tient pas compte. D’autre
de l’époque, avec plus de 400 000 part, la mesure de la distance Syène-Alexandrie,
ouvrages disponibles (Sophocle,
quelle que soit la méthode utilisée, est inévita-
Euripide, Homère, Hippocrate et
Aristote), Ératosthène se lance blement approximative. Autre incertitude : l’unité
alors dans différents travaux qui le de mesure utilisée par Ératosthène. Plusieurs
rendront célèbre. sources (Pline, Strabon) laissent penser qu’il aurait
Évocation de la bibliothèque utilisé non pas le stade égyptien de 157,2 m mais
d’Alexandrie, gravure
d’Otto von Corven, vers 1886.
le stade attique de 184,98 m en usage parmi les
géographes. Dans ce cas, le calcul d’Ératosthène
surdimensionnerait la Terre de 16 % !
34 Un siècle de recherches
Sur certains de ces fragments, des inscriptions difficiles à déchiffrer attirent l’atten-
tion : il s’agit manifestement d’un objet très particulier d’usage astronomique. Mais
est-ce un simple astrolabe ou bien un mécanisme permettant de reproduire les mouve-
ments du cosmos, voire de faire des calculs astronomiques et de prédire les éclipses ?
Les travaux de plusieurs générations d’historiens, s’appuyant parfois sur des tech-
niques d’imagerie sophistiquées, permettent de déchiffrer l’énigme. Il s’agit d’un
cosmos portatif, véritable petit bijou de sciences et de technologie.
Un cosmos portatif
À l’aide d’une manivelle, il est possible d’actionner la machine d’Anticythère et
de simuler le passage du temps et les mouvements célestes. Ses cadrans indiquent
les jours selon trois calendriers différents, et des aiguilles donnent la position des
étoiles et des planètes par rapport à la Terre.
Les engrenages qui l’animent sont essentiellement construits sur la base de la
science mathématique et astronomique d’Apollonius de Perge (v. 240 av. notre ère), et
permettent de calculer le mouvement apparent du Soleil, de la Lune et des planètes
dans le ciel. Persuadés jusque-là de la prédominance de la théorie sur la pratique à
l’époque antique, les historiens découvrent, avec la machine d’Anticythère, la subti-
lité d’un objet qu’ils pensaient impossible à réaliser à cette époque-là.
Techniques et architecture
| | | | |
– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3300 Le bronze – 2600 Pyramide de Chéops – 1600 La clepsydre,
en Mésopotamie première horloge à eau
Le char de combat – 2000
Des rouages astronomiques
On a tout d’abord pensé que ce disque était
celui d’un astrolabe, instrument d’observa-
tion dont parlent les Anciens comme Ptolé-
mée (! 127). Très vite, cependant, on a réalisé Le théâtre des machines de Héron
qu’il s’agissait d’engrenages dont subsistent
une trentaine de roues. En se servant de tech-
La machine d’Anticythère incorpore de
niques tomographiques (photographie par nombreuses connaissances techniques
couches), les recherches les plus récentes conformes à celles de la période hellé-
ont pu donner une interprétation des calculs nistique. En effet, elle présente le même
que pouvait effectuer la machine.
niveau de savoirs que les inventions
Reconstitution par le professeur Tony Freeth
de la machine d’Anticythère, montrant les décrites par Héron, mathématicien et
trajectoires du Soleil et des planètes inférieures. ingénieur d’Alexandrie au ier siècle de
notre ère. Dans ses Pneumatiques, ce der-
nier présente une machine à vapeur mise
en mouvement par la puissance du feu. Et
Prestige en la demeure
Au Ier siècle avant notre ère, à Rome, les dirigeants
politiques et les familles de la haute société mani-
❝ Avec le secours de
cet ouvrage qui renferme
tout ce qui regarde
festent leur pouvoir en édifiant de nouveaux bâti- l’architecture, vous pourrez
ments publics. L’empereur Auguste (63 av. notre juger par vous-même de
ère-14) dirige lui-même un vaste programme d’em- la nature des travaux que
bellissement de Rome. C’est dans ce contexte que
vous avez faits, et de ceux
que vous ferez encore […]. »
Vitruve publie, vers 25 avant notre ère, son traité
Vitruve, De architectura, préface,
De architectura. Livre I, 25 av. notre ère.
36
Une bible de l’architecture
L’objectif de cet ouvrage en 10 volumes est de codifier tous les savoirs liés à l’archi-
tecture et de les rendre accessibles aux commanditaires de nouveaux bâtiments,
afin qu’ils aient une bonne compréhension des problèmes techniques et puissent
ainsi prendre les décisions adaptées.
Mais sa visée est aussi encyclopédique. Vitruve y traite de tout : des préceptes à uti-
liser dans la construction des villes ; des règles de conception des temples, maisons et
bains publics ; des caractéristiques des matériaux de construction et des endroits où il
est possible de les trouver. Vitruve propose aussi une classification des styles architec-
turaux, s’intéresse aux principes de l’acoustique et aux systèmes mécaniques.
Un engouement tardif
De architectura est l’unique traité d’architecture et de mécanique de l’Antiquité
romaine qui nous soit parvenu. Peu cité par les auteurs latins et peu utilisé au
Moyen Âge, le traité connaît un extraordinaire engouement à la Renaissance.
Imprimé d’abord en latin en 1486, il est maintes fois traduit en français, italien et
espagnol aux XVIe et XVIIe siècles. Il constitue alors le principal traité à l’usage des
architectes : les règles qu’il préconise seront utilisées pour la conception de nom-
breux bâtiments jusqu’au XVIIIe siècle.
Techniques et architecture
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3300 Le bronze – 2600 Pyramide de Chéops – 1600 La clepsydre,
en Mésopotamie première horloge à eau
Le char de combat – 2000
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Le pont du Gard
Les architectes romains
sont des constructeurs émé-
rites. Le pont du Gard offre Architecte à la romaine
un excellent exemple de leur
virtuosité. Construit quelques Comme beaucoup d’architectes romains, Vitruve est
décennies après la publication à la fois ingénieur militaire, ingénieur civil, spécia-
de De architectura, il enjambe liste de mécanique et architecte au sens moderne du
le Gardon et apporte les eaux
terme. Il sert ainsi Jules César en tant qu’ingénieur
des montagnes voisines aux
fontaines et bains publics de militaire pendant la guerre civile contre Pompée et
Nîmes. D’une extraordinaire conçoit notamment des scorpions qui servent à lan-
solidité, il survit à près de vingt cer de lourdes flèches. Plus tard, Vitruve construit
siècles de crues du Gardon. un vaste bâtiment public dans la colonie Fanum For-
tunae récemment fondée par l’empereur Auguste.
Il travaille aussi sur le système d’adduction d’eau
de Rome. À la fin de sa vie, il rédige De architectura,
qu’il dédie à l’empereur Auguste.
❝
tout ce qui existe dans la nature. Et pour bien la
conduire, il consulte de nombreux auteurs grecs Ce n’est pas chose
et latins en complément de son expérience person- aisée que de donner un air
nelle. nouveau à ce qui est ancien,
Pline semble parfois négliger son esprit cri- de l’autorité à ce qui est
nouveau, du brillant à ce qui
tique pour parler de choses qu’il n’a pas vues. Il
est terne, de la lumière à ce
décrit certains phénomènes par ouï-dire, ce qui qui est obscur, de la faveur
conduit le réel et l’imaginaire à cohabiter dans à ce qui est dédaigné, du
ses écrits. Ses descriptions nourrissent ainsi crédit à ce qui est douteux,
un monde peuplé de dragons et d’êtres imagi- à chaque chose sa nature,
naires, un univers fantastique qui bénéficie du et à la nature tout ce qui lui
crédit que l’on accorde à son auteur et aura une appartient. »
influence durable jusqu’au XVIe siècle. Pline l’Ancien, Histoire naturelle, vers 77.
Techniques et architecture
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3300 Le bronze – 2600 Pyramide de Chéops – 1600 La clepsydre,
en Mésopotamie première horloge à eau
Le char de combat – 2000
Une cuillère pour
connaître l’avenir
On raconte qu’au tournant de
notre ère, les Chinois se ser-
vaient des propriétés du magné- Une formule explosive
tisme, et notamment de cuil-
lères taillées dans un aimant Tout comme pour la boussole, les évocations les
naturel qu’on plaçait sur un plus anciennes faisant référence à la poudre à
tableau, pour prédire l’avenir. canon remonteraient à la dynastie des Han, vers
Ils utilisaient aussi de petites 41
150 de notre ère. Toutefois, la première confirma-
boussoles taillées en pierre
d’aimant pour déterminer l’har-
tion écrite date du viie siècle, autrement dit de la
monie d’un lieu. Il ne semble pas dynastie des Tang. Certains textes parlent alors
que les boussoles aient servi d’une formule combinant du soufre, du salpêtre
à la navigation avant la fin du et une herbe appelée aristoloche. Les Principes
xie siècle.
généraux des classiques de la guerre, en 1044,
Reconstitution d’une cuillère
indiquant le sud au temps des
expliquent comment fabriquer des grenades et
Han. des lance-flammes. Souvent utilisée pour fabri-
quer des feux d’artifice, la poudre permettra le
développement des canons aussi bien en Chine
qu’en Europe à partir du xive siècle.
Mathématiques et astronomie
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3100 à – 2800 Début de la construction de Stonehenge – 2000 Notation des nombres en base 60 – 1400
Premiers catalogues
– 3000 Tablettes comptables à Uruk Papyrus de Rhind, les mathématiques en Égypte – 1550 d’étoiles en Mésopotamie
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Techniques et architecture
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– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3300 Le bronze – 2600 Pyramide de Chéops – 1600 La clepsydre,
en Mésopotamie première horloge à eau
Le char de combat – 2000
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Le mystère du sismoscope
Peu d’éléments nous sont parvenus
Le poids des superstitions
sur le fonctionnement de cet
instrument de deux mètres de dia- À l’époque des Han, les tremblements de terre
mètre. Toutefois, diverses équipes
sont interprétés comme des punitions divines
scientifiques ont réalisé des
répliques du sismoscope en s’ai- condamnant les manquements du dirigeant
dant de textes anciens. L’une des dans sa mission de gouvernance. L’empereur
versions proposées est dotée d’un Han Xuan (vers 70 av. notre ère) décrète ainsi
pendule central qui, lorsqu’il est des cérémonies « d’auto-incrimination » pendant
ébranlé par une secousse, libère
une bille unique. Celle-ci s’engage
lesquelles il promet d’être plus raisonnable dans
dans l’un des huit sillons et va la gestion des affaires de l’État. Un décret, entre
actionner l’ouverture de la mâchoire 132 et 154, oblige même les hauts fonctionnaires
du dragon qui correspond à la direc- à démissionner en cas de séisme. À cette même
tion du séisme.
époque, des explications rationnelles sont pour-
Reconstitution du sismoscope
de Zhang Heng. tant avancées : les séismes seraient causés par
un mouvement naturel de la Terre. Mais cela ne
suffit pas à mettre fin à ces superstitions.
Le Physiologue a dit…
Le Physiologus est un bestiaire chrétien qui a connu une large diffusion pendant
près de dix siècles. L’original grec semble avoir été écrit vers le IIIe siècle environ
à Alexandrie, carrefour des traditions grecque et orientale. D’auteur anonyme, la
plupart des notices qui le composent sont introduites par la formule « le Physiologue
a dit… ».
Les différentes versions du bestiaire traduites en latin présentent une soixan-
taine d’animaux réels ou légendaires (hibou, griffon, serpent, licorne, etc.), sans
ordre préétabli. Seul le lion ouvre systématiquement l’ouvrage.
46
Des leçons de théologie
Chaque notice du Physiologus comporte deux parties, un récit suivi d’une morale.
La description symbolique des animaux et de la nature sert à introduire des leçons
d’ordre théologique. Le lion est par exemple comparé au Christ, tout comme la pan-
thère qui dégage un parfum envoûtant, attirant autour d’elle tous les autres ani-
maux à l’exception du serpent, symbole du Diable.
Le bestiaire est commenté par les Pères de l’Église entre le IIIe et le VIIIe siècle. Parmi
eux, saint Augustin (354-430) et saint Ambroise de Milan (340-397) reprennent des
parties de l’ouvrage grec et soulignent l’importance de la connaissance du monde
naturel dans l’interprétation de la Bible.
❝
vale et ont longuement inspiré la littéra-
L’ensemble des créatures ture, l’art et le cinéma. Dernièrement, des
que Dieu plaça sur Terre, Dieu sagas cultes, comme Harry Potter ou Les
les créa pour l’homme, et afin Animaux fantastiques, se sont emparées
que celui-ci prenne chez elles de cet univers éblouissant.
des exemples de croyance
religieuse et de foi. »
Pierre de Beauvais, Bestiaire, xiiie siècle.
À bonne école
Théon d’Alexandrie est un mathématicien et un astronome reconnu. Il a commenté
les œuvres des savants qui l’ont précédé, surtout celles d’Euclide (! – 300) et de Ptolé-
mée (! 127). Sa fille Hypatie, elle-même philosophe, astronome et mathématicienne,
l’a-t-elle aidé dans cette tâche, comme on l’affirme parfois ? Difficile à dire, même si
on lui connaît un commentaire des Arithmétiques de Diophante (v. 215-290).
Hypatie est plutôt reconnue pour ses talents de pédagogue. À l’école néoplatoni-
cienne d’Alexandrie, elle forme les enfants des bonnes familles de l’Empire romain
d’Orient. Elle leur enseigne la philosophie de Platon (IVe siècle av. notre ère), l’usage
48 d’instruments comme l’astrolabe, et les quatre disciplines du quadrivium : arith-
métique, géométrie, astronomie et musique. L’un de ses élèves, Synésios de Cyrène,
témoigne d’ailleurs dans ses lettres de sa profonde admiration pour celle qu’il
désigne simplement comme « la philosophe ».
Martyre de la philosophie
Bien qu’elle n’exerce aucune fonction publique, Hypatie jouit d’une grande
influence sur la vie civique d’Alexandrie. Mais voilà qu’en 412, un jeune évêque
nommé Cyrille cherche à renforcer le pouvoir ecclésiastique au détriment des auto-
rités impériales. Le préfet Oreste lui résiste et reçoit le soutien d’Hypatie.
Mal lui en prend. Si l’on en croit l’Histoire ecclésiastique laissée par Socrate le Scho-
lastique, Hypatie est attaquée un jour de mars 415, sur les ordres de Cyrille, par un
groupe de chrétiens fanatisés. Ces derniers la traînent dans une église et l’humi-
lient publiquement avant de la mettre à mort et de brûler son corps.
C’est pourtant ce meurtre horrible qui lui assure l’immortalité. Pour les philo-
sophes des Lumières, elle sera la victime emblématique du fanatisme chrétien des-
tructeur du glorieux héritage de l’Antiquité. Plus récemment, auteurs et autrices
féministes ont fait d’Hypatie une figure symbolique de l’emprise de la misogynie
et de la façon dont celle-ci interdira aux femmes, des siècles durant, de pratiquer
les sciences.
Philosophie et culture
| | | | |
– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 1800 Épopée de Gilgamesh
Hypatie, une figure
inspirante
La philosophe et mathé-
maticienne grecque est
un sujet très prisé des
artistes à travers les
époques. On a fait d’elle
le personnage principal
de plusieurs films, de
romans, de bandes des-
sinées… Même si elle
avait déjà atteint un âge
mûr au moment de sa
mort, Hypatie est sou-
vent représentée sous les
traits d’une jeune vierge.
Charles William Michel,
Hypatia, 1885.
49
❝
nord de la Grèce actuelle, vers 597 ?
Dans le récit qu’il livre de cet événement, Suspendues à l’arrière de ces
l’évêque Jean de Thessalonique donne en pièces de bois il y avait des frondes
effet la première description connue en et à l’avant de solides cordes, au
50 Europe de cette arme terrible qui, plus effi- moyen desquelles, en tirant vers
cace que les anciennes catapultes à torsion, le bas et en libérant la fronde,
se répand rapidement en Occident. ils propulsent les pierres vers le
Dans les armées grecques et romaines de haut et avec un grand bruit. »
l’Antiquité, de gigantesques machines pro- Jean de Thessalonique, Les Miracles de saint
Démétrius, vers 680.
pulsaient de lourdes flèches ou des pierres
à grande vitesse. Mais la force propulsive provenait habituellement de nerfs de
bœuf qu’on étirait ou, pour plus d’efficacité, qu’on tordait vigoureusement. C’est
en Chine, peut-être dès le IVe siècle avant notre ère, que des machines à bascule sont
imaginées pour projeter de lourdes charges en direction de l’ennemi. On appelle ces
machines, qui utilisent la force humaine, des trébuchets à traction.
Techniques et architecture
| | | | |
– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 3300 Le bronze – 2600 Pyramide de Chéops – 1600 La clepsydre,
en Mésopotamie première horloge à eau
Le char de combat – 2000
51
À l’assaut !
De mai à août 1191, l’empereur
germanique Henri VI donne le
siège à Naples. Dans toutes les Des mathématiques pour la guerre
chroniques, on insiste sur les
imposantes machines de guerre Dès l’Antiquité, savants et ingénieurs contribuent
déployées à cette occasion. Sur à l’art de la guerre. Les catapultes à torsion sont
ce dessin, tiré d’un manuscrit décrites, par exemple, comme un problème de
contemporain, on aperçoit des
trébuchets à traction dont se
mécanique et de mathématiques par plusieurs
servent les assiégeants. ingénieurs dont Vitruve (! – 25). Dans l’un des
Illustration extraite du Liber ad traités de Philon de Byzance (iiie siècle avant
honorem Augusti de Petrus de notre ère), le Livre des machines de guerre, on
Ebulo, 1195-1197.
trouve une solution approximative du fameux
« problème de la duplication du cube », c’est-
à-dire de la façon de construire un cube dont
le volume est le double d’un premier cube de
référence. Ce problème n’a rien de l’amusement
gratuit qu’on imagine souvent, puisqu’il s’agit,
au contraire, de trouver le moyen de doubler la
puissance d’une arme déjà redoutable.
Philosophie et culture
| | | | |
– 3000 – 2500 – 2000 – 1500 – 1000
– 1800 Épopée de Gilgamesh
53
La diffusion
des Étymologies
Les Étymologies sont abondam-
ment recopiées et diffusées en La tradition des encyclopédies
Europe pendant plusieurs siècles,
parfois annotées, complétées, Initiée chez les Romains, la pratique encyclopédique
illustrées ou enluminées comme consiste à regrouper et à compiler, dans un seul
le montre cette carte du monde ouvrage de plusieurs volumes, l’ensemble des
ajoutée à une copie du xiie siècle. connaissances de l’époque. La grande encyclopédie
Même après l’arrivée massive
des textes d’Aristote traduits
romaine de Varron date du ier siècle avant notre
en arabe, elles sont encore très ère. Plus tard, Pline rédige sa célèbre Histoire
lues au xiiie siècle et recopiées naturelle sur le même modèle (! 77). Cette tradition
jusqu’au xvie. perdure au Moyen Âge avec, outre les Étymologies
Mappemonde extraite des d’Isidore de Séville, les textes de Boèce et ceux,
Étymologies d’Isidore de Séville,
xiie siècle. allégoriques, de Martianus Capella (ve siècle).
La tradition encyclopédique, toujours vivante
au xviiie siècle comme le montre l’entreprise
de Diderot et d’Alembert (! 1751), se poursuit
encore aujourd’hui avec notamment l’Encyclopædia
Universalis et Wikipedia (! 2001).
Au service du pouvoir
Cette science du temps est l’affaire des puissants, qui trouvent là un moyen d’ac-
croître leur contrôle sur leurs peuples et le cours des choses. Pendant longtemps,
ils s’appuient sur la croyance que les astres peuvent influer les affaires humaines
3000 av. notre ère-700 Aux origines des sciences
55
Le cadran solaire
de Carthage
Des cadrans solaires ornent
Chronographie
souvent les espaces publics
des cités antiques. Retrouvé
Ce sont aussi les savants de l’Antiquité qui inventent
dans les ruines de Carthage, la chronologie. En Alexandrie, le bibliothécaire Éra-
le cadran ci-dessus laisse thosthène (! – 240) compile une célèbre Chrono-
passer la lumière du Soleil graphie de toute l’histoire grecque, depuis la chute
par une ouverture circulaire
de Troie jusqu’à la mort d’Alexandre le Grand. C’est
et projette son image sur un
réseau de lignes qui permet de une autre conception du temps mathématique qui
déterminer l’heure du jour et le se déploie ici : un temps orienté du passé vers
moment de l’année. l’avenir, où, ici et là, surnagent des événements
Cadran solaire exposé au marquants qui arrivent à des moments opportuns
musée du Louvre, ier ou
iie siècle.
(que les Grecs appellent kairos). Sans ce cadre
conceptuel, une chronologie des sciences et des
techniques telle que nous la publions aujourd’hui
serait tout simplement impossible.
Les savoirs
médicaux en Europe
La médecine comme système de savoirs et profession voit le jour avec
l’apparition des premières civilisations du Proche-Orient, en Inde et
en Chine. Dans le cadre européen, la médecine galénique-hippocratique
devient le système de référence principal jusqu’au XIXe siècle.
doivent être douces et agir sur le mode de vie : on préconise un régime adéquat
d’exercice, de repos, d’hygiène, de pratiques sexuelles et de diète. On ne fait appel
aux drogues et à la chirurgie qu’en dernier recours. L’environnement joue aussi
un rôle central dans l’apparition de la maladie : le climat, les émanations de la
terre – appelées « miasmes » – ou certains métiers peuvent induire des troubles.
Ces théories médicales seront à la base de la pratique médicale en Occident jusqu’au
XIXe siècle.
❝
Premières traces de la médecine
Les plus anciens textes médicaux conservés
Voici ce qu’il en est
sont des tablettes akkadiennes de la biblio-
de la maladie dite sacrée
thèque d’Assourbanipal (viie siècle avant notre
[épilepsie] : elle ne me paraît
ère). Elles renferment souvent des listes de dia-
avoir rien de plus divin ni de
gnostics médicaux et de remèdes fabriqués à plus sacré que les autres, mais
partir de centaines de substances minérales et la nature et la source en sont
végétales. Le code d’Hammourabi (env. 1700 av. les mêmes que pour les autres
notre ère), pour sa part, mentionne l’existence maladies. Sans doute c’est
de professionnels de la santé et spécifie les grâce à l’inexpérience et au
tarifs applicables pour différents traitements merveilleux qu’on en a regardé
ainsi que les châtiments autorisés en cas de la nature et la cause comme
mauvaises pratiques. quelque chose de divin. »
Hippocrate, De la maladie sacrée.
Des savoirs
qu’on s’échange
700-1500
Le souffle du renouveau
Jusqu’au milieu du XIVe siècle, l’Europe occidentale
61
prospère sous l’effet de progrès techniques en agriculture
et dans l’industrie textile ou mécanique. Le fleurissement
de l’architecture gothique en est un témoignage visible
(! 1230), comme l’horlogerie (! 1368). À Paris, Bologne
ou Oxford, maîtres et étudiants forment des universités
qui jouissent d’une large autonomie (! 1277). Même les
ravages de la Grande Peste autour de 1350 ne suffiront pas
à étouffer le souffle du renouveau. Le XVe siècle est déjà,
en Italie, celui de la Renaissance, tandis qu’en Allemagne
un artisan invente une technique qui bouleversera la
circulation des savoirs : l’imprimerie (! 1448).
833
Invention de l’algèbre
| | | | |
700 800 900 1000 1100
999
Diffusion des chiffres
arabes en Occident
1021
Nouvelle vision de
l’optique d’Alhazen
1154 1482
Cartes et planisphère du monde Innovations
de Léonard de Vinci
1166
Averroès, Colliget
1230 1368
Le carnet Premiers écrits
de Villard de Honnecourt sur l’horlogerie
1241
Premier traité
de fauconnerie
| | | |
1200 1300 1400 1500
1158
1304
Hildegarde,
Traité d’optique
phytothérapeute
sur l’arc-en-ciel
1448
Premier atelier
d’imprimerie
1417
Redécouverte
1269 de Lucrèce
Théorie du magnétisme 1280
Calendrier par le Pogge
de Pierre de Maricourt
de l’empereur
Kubilay khan
1277
L’université de Paris
discute les idées d’Aristote
833 Al-Khwarizmi invente
l’algèbre
L’algèbre en héritage
L’œuvre d’al-Khwarizmi, qui touche l’astronomie et la géographie, lui vaut un sta-
tut scientifique et social puissant. Le texte est lu dans tout l’empire musulman. Pour
beaucoup, l’algèbre d’al-Khwarizmi apparaît cependant comme inachevée et de nou-
veaux courants de recherches poursuivent les travaux engagés. L’algèbre conduit à
une importante généralisation et restructuration de l’héritage mathématique grec,
mais donne aussi naissance à de nombreux domaines mathématiques comme les
dénombrements, les méthodes de calculs approchés ou encore la théorie des nombres.
| | | | |
1100 1200 1300 1400 1500
Fibonacci, Livre de calcul 1202 1230 Sacrobosco, La Sphère 1344 Tentative de réforme du calendrier julien
67
| | | | |
1100 1200 1300 1400 1500
Fibonacci, Livre de calcul 1202 1230 Sacrobosco, La Sphère 1344 Tentative de réforme du calendrier julien
Pas si fou !
Né à Bassora en Irak, le savant al-Hasan Ibn al-Haytham, plus connu sous le nom
d’Alhazen, rejoint Le Caire en 1011 à la demande du calife pour tenter, semble-t-il,
de réguler les eaux du Nil. Réalisant qu’il est impossible de maîtriser les inonda-
tions de ce fleuve grâce à un barrage, il feint la folie pour échapper à la colère du
calife. Ce dernier l’assigne alors à résidence, au Caire.
Dès lors, Alhazen met son temps à profit pour écrire de nombreux traités de
mathématiques et d’astronomie. Son œuvre est si prolifique qu’on le surnomme le
« second Ptolémée », en référence au grand astronome qui vivait à Alexandrie au
68 IIe siècle (! 127). Il doit avant tout sa renommée à son Traité d’optique qu’il achèvera
en 1021, année de sa réhabilitation et de la mort du calife.
Et la lumière fut !
❝
Le principal objectif de ce traité en sept livres pour but […] l’usage de la
est de faire le pont entre l’optique géométrique justice et non la poursuite de
Nous nous donnerons
Jeu de miroirs
L’optique est une science
Quand l’optique y voit plus clair mathématique et physique
qui induit de nombreuses
Dès le ive siècle avant notre ère, Aristote cherche à applications. Dès l’Antiquité,
expliquer la vision dans ses Météorologiques, en sup- on raconte ainsi qu’Archi-
mède (287-212 av. notre
posant qu’elle est causée par des rayons émis par
ère) aurait incendié les
l’œil. Les savants plus enclins aux mathématiques, navires qui assiégeaient la
comme Euclide et Ptolémée, développent, quant à ville de Syracuse, en Sicile,
eux, une théorie de la perspective faite de théorèmes grâce à des miroirs ardents.
géométriques. Peu intéressés par la cause des phé- Toute cette iconographie se
retrouve sur l’édition latine
nomènes optiques, ils cherchent à déduire les lois des œuvres d’Alhazen.
de la réflexion et de la réfraction à partir d’un petit Frontispice de l’édition
nombre d’axiomes. Alhazen réunit ces deux visions latine de Bâle du Traité
en intégrant la description physiologique de l’œil à d’optique d’Alhazen, 1572.
l’optique géométrique.
| | | | |
1100 1200 1300 1400 1500
Fibonacci, Livre de calcul 1202 1230 Sacrobosco, La Sphère 1344 Tentative de réforme du calendrier julien
Géographie et culture
| | | |
700 800 900 1000
Impulsion de l’instruction des clercs par Charlemagne 794 957 Description de la géographie
du monde musulman par al-Masudi
Le
Le monde
monde à l’env
l’envers
vers
Comme
C omme less cartes
carttes ara
arabes
abes sont
orientées au sud, il faut lire
cette mappemonde à l’envers.
Peu de détails y figurent. C’est
La Géographie de Ptolémée
dans le traité et les soixante-dix
cartes régionales qui l’accom-
Cette œuvre grecque de Ptolémée représente le
pagnent que sont consignées
monde tel qu’on le connaissait au iie siècle. Elle les nombreuses informations
regroupe des données astronomiques permettant de récoltées par al-Idrisi. Quelque
positionner précisément les sites, mais également cinq mille fleuves, localités et
des observations directes de nombreux savants, montagnes, du Danemark à la
Chine, y sont décrits.
voyageurs ou enquêteurs. Les routes et les royaumes
Carte du monde d’al-Idrisi
y sont décrits, ce qui ajoute à l’aspect érudit du travail plaçant le Sud en haut,
un rôle utilitaire pour le déplacement des armées et xiie siècle.
la levée des impôts. La Géographie est composée de
huit tomes dont le dernier rassemble, dans sa ver-
sion complète, un ensemble de soixante-dix cartes .
Au service du sultan
Né dans une prestigieuse famille de cadis (juges) à Cordoue, et disciple du philo-
sophe et médecin al-Turjali, Averroès est appelé à Marrakech par Abd al-Mumin,
premier sultan de la dynastie Almohade, pour réformer la cour de justice. En tra-
vaillant à côté d’Avenzoar (1091-1161), médecin du sultan, Averroès élabore un
recueil de médecine qui accompagne le traité sur les maladies (Kitab al-taisir) rédigé
par son collègue.
Un médecin émérite
74 La première version de l’ouvrage d’Averroès,
le Kitab al-kulliyat ou Principes généraux de la méde-
cine, est écrite entre 1161 et 1166. Elle est origi-
❝ La médecine possède en
effet un aspect théorique, qui
appartient à la science naturelle,
nale par son caractère encyclopédique et sys- et un aspect pratique. […] Mais
tématique, qui prend modèle sur le travail du ce que nous comprenons par
voie expérimentale est peu de
botaniste et pharmacologue Ibn Wafid (997-
chose en comparaison de ce qui
1074). Basé sur une approche logique de l’art est nécessaire. Ainsi la voie du
médical, l’ouvrage est composé de sept livres raisonnement est-elle nécessaire
qui traitent respectivement de l’anatomie, la pour expliquer les causes de ce
santé, la maladie, les symptômes, les drogues que nous enseigne l’art médical
et aliments, l’hygiène et la thérapeutique. expérimental. »
Averroès, Colliget, livre I, 1166.
Un philosophe en disgrâce
En 1194, Averroès produit une seconde version du Kitab al-kulliyat, qui renforce son
approche théorique. Toutefois, ses commentaires sur la philosophie d’Aristote,
qu’il utilise pour interpréter des doctrines théologiques, attirent l’animosité des
oulémas (autorités religieuses). Il est alors chassé de la cour du sultan et ses livres
philosophiques sont brûlés publiquement. Seuls ses travaux médicaux et astrono-
miques seront sauvés.
Le Colliget
Le Colliget est une édition com-
mune des ouvrages d’Avenzoar
Médecine et philosophie (Kitab al-taisir) et d’Averroès
(Kitab al-kulliyat). Traduit pour
Basé sur le Canon de médecine d’Ibn Sina la première fois en hébreu et
en latin en 1285 par le médecin
(980-1037), connu en Occident sous le nom Tobia Bonacosa, il sera imprimé
d’Avicenne, le Colliget privilégie une approche à Venise en 1482. Dès lors, il
théorique de la médecine. Pour Averroès, la devient un ouvrage essentiel de
médecine doit être basée sur des principes, l’enseignement universitaire de
médecine en Europe, jusqu’au
car seule la raison peut accéder aux lois uni-
xviie siècle.
verselles. Cette conception est proche de celle
Extrait du Colliget, 1530.
abordée dans le plus connu de ses traités de
droit, la Bidaya. Ainsi, tel un juge, le médecin doit
baser son diagnostic sur le tahmin (hypothèse)
et le hads (intuition), et utiliser l’observation ou
l’interrogation pour confirmer ses propositions.
Un mystérieux auteur
Un énigmatique carnet de croquis, composé de trente-trois feuillets de parchemins
cousus sous une peau grossière, est conservé à la Bibliothèque nationale de France.
Sur les premières pages, l’auteur a inscrit son nom : Villard de Honnecourt. Il semble
donc être originaire de cette petite commune du Nord de la France, Honnecourt.
Mais on ne sait à peu près rien d’autre sur lui, si ce n’est qu’il a parcouru l’Europe. De
Cambrai, Meaux, Reims, Laon et Chartres, mais aussi de Bavière, Suisse et Hongrie,
il rapporte de nombreuses esquisses de personnages bibliques ou contemporains, des
représentations d’animaux, des dessins architecturaux et des schémas de machines.
76
Des esquisses fantastiques
La précision des schémas, la qualité des esquisses et l’exactitude des plans sont
remarquables. Certains dessins renseignent sur la coupe des pierres, d’autres
donnent les plans d’engin de levage ou décrivent le maniement d’outils (règle,
équerre, compas…). D’autres encore indiquent comment utiliser certains tracés
géométriques, à la manière d’un « guide pratique ».
On trouve enfin quelques dessins de machines et d’inventions que Villard a obser-
vées ou conçues lui-même : le trébuchet, utilisé pour détruire des murs ou lancer
des projectiles (! 597), une machine à mouvement perpétuel, et même un pigeon
automate. Tout l’univers fascinant des techniques médiévales.
Innovations techniques
| | | |
700 800 900 1000
720 Invention d’une horloge mécanique Publication de la recette de la poudre à canon 1044
par Liang Lingzan
Fabrique de papier à Bagdad 794
77
L’art de la géométrie
❝
Au Moyen Âge, on enseigne peu la géométrie d’Euclide
dont le texte des Éléments (! – 300) est assez mal
connu. Cependant, ingénieurs, arpenteurs et archi-
Villard de Honnecourt
tectes perpétuent un savoir pratique ancien concer- vous salue et prie tous ceux qui
nant la géométrie qui fera l’objet de plusieurs traités travailleront sur les machines
spécialisés. Villard de Honnecourt dit lui-même que qu’on trouvera dans ce livre
« l’art de la géométrie » peut aider à mieux dessiner.
de prier pour son âme et de
C’est finalement au début du xiiie siècle que des tra-
ductions latines des Éléments apparaissent et que les se souvenir de lui. »
artisans commencent à s’y référer. Villard de Honnecourt, Carnet, xiiie siècle.
Tour de l’horloge de la cathédrale de Laon, extrait
du carnet de Villard de Honnecourt, xiiie siècle.
Le temps de l’envol
Nourri par ces rencontres, Frédéric II écrit De arte venandi cum avibus ou De l’art de chas-
ser avec les oiseaux. Dans ce texte fondateur, son expérience personnelle s’appuie sur sa
connaissance livresque de la fauconnerie et lui permet d’élaborer une synthèse com-
plète du sujet abordé.
Outre les techniques de chasse et d’affaitage, l’auteur décrit le comportement et
la morphologie des rapaces et de leurs proies ailées. Textes et images composent un
véritable manuel d’ornithologie qui passe en revue la forme des becs, les couleurs
des plumes ou les silhouettes en vol de nombreuses espèces d’oiseaux.
Un homme d’observations
L’œuvre de Frédéric II témoigne de l’émergence, au Moyen Âge, d’une activité
créatrice basée sur l’étude directe de la nature. Cette nouvelle approche entraîne
la remise en question d’une bonne partie des idées héritées des traditions gréco-
latines et arabes, jusque-là non contestées. Grâce à ses observations, Frédéric II
réfute de fausses croyances reçues d’Aristote comme celle concernant l’hiberna-
tion des hirondelles dans les anfractuosités des rochers pendant la saison froide.
La fauconnerie,
un art multiculturel
Originaire des steppes asiatiques, la
fauconnerie se répand à travers l’Eu-
L’éveil des sciences naturelles
rope à partir du ve siècle grâce aux Au début du xiiie siècle, l’œuvre d’Aristote com-
peuples germaniques. Elle se perfec-
tionne avec des pratiques d’origine
mence à être connue. De nombreux Occiden-
orientale, comme l’usage du chaperon taux traduisent ainsi directement ces textes
et du leurre, et atteint son apogée au anciens et enrichissent leur contenu grâce
Moyen Âge. Encore pratiquée dans de aux observations faites dans la nature. C’est
nombreux pays, et inscrite au patri-
le cas de Frédéric II mais aussi d’Albert le
moine culturel immatériel de l’huma-
nité de l’UNESCO en 2010, la faucon- Grand (vers 1200-1280), professeur à l’univer-
nerie trouve un emploi civil dans les sité de Paris. Dans son œuvre De animalibus,
aéroports, où les rapaces sont dressés il démonte également de vieilles croyances,
pour éloigner les oiseaux des pistes. comme celle du phénix renaissant de ses
Fauconnier extrait du traité de cendres. Il se lance dans la description du
Frédéric II, De arte venandi cum
avibus, xiiie siècle. milieu naturel qui l’entoure et fait les premiers
portraits des animaux du centre de l’Europe.
Pour certains, comme la taupe, il pratique
des dissections.
Mathématiques et astronomie
| | | |
700 800 900 1000
830-901 Traduction d’Euclide et de Ptolémée en arabe 970 Introduction de la tangente
en trigonométrie par Abu al-Wafa
Ouverture de la Maison de la sagesse à Bagdad 832
938-1003 Gerbert d’Aurillac
Alhazen, Traité d’optique 1021
81
L’invention de la boussole
❝
Difficile de déterminer l’origine de la boussole
avec précision (! 80). En 1044, on retrouve la Cette pierre porte en elle-
description d’une aiguille en forme de poisson même une ressemblance avec le
servant à s’orienter par rapport aux points car-
dinaux. Puis au début du xiie siècle, Zhu Xi (vers
ciel. […] Comme dans le ciel il y
1130-1200), célèbre penseur de la dynastie Song a deux points plus remarquables
dont le père est surintendant du port de Guang- que les autres, par le fait que la
zhou, décrit une boussole marine. Elle se com- sphère céleste tourne autour d’eux
pose, à l’origine, d’une simple aiguille aimantée
flottant dans un récipient d’eau. Puis l’aiguille est
dont l’un est appelé pôle Nord et
placée sur un pivot, dans une boîte, à laquelle on l’autre pôle Sud, ainsi distingues-
adjoint une rose des vents au xvie siècle. tu parfaitement, dans cette pierre,
Enluminure extraite des Premières Œuvres deux points, l’un nord, l’autre sud. »
de Jacques de Vaulx, 1583.
Pierre de Maricourt, lettre sur l’aimant, 1269.
Géographie et culture
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700 800 900 1000
Impulsion de l’instruction des clercs par Charlemagne 794 957 Description de la géographie
du monde musulman par al-Masudi
Un observatoire à Pékin
Afin d’établir un système astronomique capable de produire des prédictions fiables,
les chercheurs font de nombreuses observations nouvelles. Pendant trois ans, on
relève les coordonnées d’une centaine de planètes et d’étoiles. Pour cela, les scien-
tifiques transportent leur équipement dans vingt-sept lieux différents, couvrant
environ 6 000 km dans la direction nord-sud et 3 300 km dans la direction est-ouest.
On érige même à Pékin un véritable observatoire dont le toit est équipé d’« instru-
ments ingénieux », comme la sphère armillaire.
Mathématiques et astronomie
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700 800 900 1000
830-901 Traduction d’Euclide et de Ptolémée en arabe 970 Introduction de la tangente
en trigonométrie par Abu al-Wafa
Ouverture de la Maison de la sagesse à Bagdad 832
938-1003 Gerbert d’Aurillac
Alhazen, Traité d’optique 1021
85
Le siècle de l’arc-en-ciel
Les savants sont nombreux, au XIIIe siècle, à s’intéresser à l’arc-en-ciel. N’est-ce pas
le symbole que Dieu envoie à Noé après le Déluge pour sceller son alliance avec les
êtres humains ? Puisque Dieu est lumière, l’optique rencontre ainsi la théologie et
la philosophie, et s’affirme comme le moyen privilégié de comprendre le monde et
parfois même d’éclairer les dogmes chrétiens (! 1277).
En 1272, Roger Bacon (vers 1220-1292), qui vient de réaliser des expériences sur
l’arc-en-ciel et enseigne à Paris, voit arriver un jeune étudiant allemand, Thierry
de Freiberg. Ce dominicain, qui deviendra maître de théologie, s’intéresse lui aussi
86 à l’expérimentation et décide, sous l’impulsion du directeur des dominicains de
Toulouse, de mettre de l’ordre dans ses propres réflexions sur l’arc-en-ciel. En 1304,
il rédige le traité De l’arc-en-ciel et des impressions créées par les rayons [lumineux], en s’ap-
puyant sur des expériences.
Mathématiques et astronomie
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700 800 900 1000
830-901 Traduction d’Euclide et de Ptolémée en arabe 970 Introduction de la tangente
en trigonométrie par Abu al-Wafa
Ouverture de la Maison de la sagesse à Bagdad 832
938-1003 Gerbert d’Aurillac
Alhazen, Traité d’optique 1021
87
L’amant et l’horloge
Célèbre chroniqueur de la guerre de Cent Ans, Jean Froissart est aussi un poète qui
se passionne pour l’amour chevaleresque. Rien d’étonnant alors qu’il s’inspire de
l’horloge du palais royal de l’île de la Cité, à Paris, pour écrire un poème de 1174
vers intitulé l’Orologe amoureus ou L’Horloge amoureux – au masculin dans le texte
car le mot vient d’être inventé. Au fil des vers, il compare ainsi le comportement
de l’amant au mécanisme de l’horloge. Et certains passages, copiés à l’encre rouge
dans le manuscrit, lui donnent le caractère d’un véritable traité d’horlogerie.
88 Au cœur de la mécanique
Dans son poème, rédigé vers 1368, Froissart parle notamment du « foliot » : un balan-
cier qui permet d’assurer la régularité de la rotation d’une roue dentée, qui peut
entraîner les aiguilles d’un cadran. Grâce à cette innovation, l’horloge devient assez
régulière pour actionner des cloches ou un cadran, et marquer fidèlement le temps.
Le développement des horloges mécaniques – succédant aux cadrans solaires et
aux clepsydres – est justement rendu possible à la fin du XIIIe siècle grâce à cette inno-
vation technique cruciale dont il est difficile de retracer l’origine avec précision.
Innovations techniques
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700 800 900 1000
720 Invention d’une horloge mécanique Publication de la recette de la poudre à canon 1044
par Liang Lingzan
Fabrique de papier à Bagdad 794
L’heure de la cité
❝
Construite par l’horloger allemand Henri de Vic entre 1362 89
et 1370, et installée sur le palais royal de l’île de la Cité de Une seconde roue
Paris à la demande du roi Charles V, l’horloge de la Concier- est ajoutée qui la retarde
gerie devient immédiatement célèbre. À l’origine, l’horloge
ne comporte pas de cadran, les heures étant simplement
[l’horloge] et la fait mouvoir
marquées par la sonnerie d’une cloche. Un cadran y est par ordonnance et par mesure,
ajouté en 1418 et, depuis le xvie siècle, des inscriptions par la vertu du foliot aussi qui
latines y célèbrent le pouvoir royal, enjoignant les spec- continuellement la meut ainsi,
tateurs à respecter sa loi. un coup à droite et l’autre
L’horloge de la Conciergerie à Paris. à gauche. »
Jean Froissart, L’Horloge amoureux, 1368.
Dieu horloger
L’introduction de l’horloge mécanique en Prusse, développant une pensée car-
Europe a des conséquences majeures tésienne, écrit à Voltaire que Dieu lui-
sur l’appréhension même du temps. même est horloger, ce dernier ayant
Autrefois pensé comme cyclique, créé les ressorts cachés qui font se
variable selon les saisons et rythmé par mouvoir les êtres humains et le monde
les révolutions des planètes, le temps tout entier. À son tour Frédéric use de
devient linéaire et conventionnel. Cela la même allégorie que Jean Froissart !
change la manière dont on paie les Et les savants de l’époque moderne
ouvriers, mais aussi la vision savante embrassent cette image mécaniste du
du monde. En 1737, le roi Frédéric II de monde.
90 Un trésor oublié
C’est probablement dans la bibliothèque de l’abbaye
allemande de Fulda, en 1417, que le Pogge met la main
sur un manuscrit du IXe siècle dans lequel est consignée
une œuvre célèbre du Ier siècle avant notre ère. Intitu-
lée De rerum natura ou De la nature des choses, l’œuvre est
❝ Les poèmes
du sublime Lucrèce
ne périront que le jour
où le monde entier
un poème de plus de sept mille vers attribué à Lucrèce sera détruit. »
(vers 98-55 av. notre ère) que les hommes du Moyen Âge Ovide, Les Amours, livre I,
croyaient perdu à jamais. Le Pogge se met rapidement Élégie 15, 19 av. notre ère.
au travail pour recopier le texte.
La renaissance de l’atomisme
Dans les années qui suivent, une cinquantaine de copies sont en circulation car les
savants y découvrent des idées qui les fascinent. Dans son poème, Lucrèce expose en
effet la pensée du philosophe grec Épicure (341-270 av. notre ère) qui considère que
tout ce qui existe est composé d’atomes se mouvant au hasard dans le vide. Contrai-
rement aux modèles chrétiens et aristotéliciens, la philosophie de Lucrèce explique
les phénomènes par leur cause matérielle et non leur finalité. Imprimé dès 1473, le
poème de Lucrèce influence l’œuvre des grands philosophes du XVIe siècle.
Géographie et culture
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700 800 900 1000
Impulsion de l’instruction des clercs par Charlemagne 794 957 Description de la géographie
du monde musulman par al-Masudi
Un orfèvre d’inventivité
C’est à Mayence, dans sa ville natale, que Johannes Gutenberg s’initie aux tech-
niques de l’orfèvrerie et de la métallurgie. Il polit des pierres précieuses, produit
en série des petits miroirs, puis s’intéresse aux techniques d’impression.
Si la gravure sur bois permet au XVe siècle de reproduire des dessins, Gutenberg
adapte et réinvente ces techniques pour imprimer des textes. Il conçoit ainsi une
nouvelle presse à bras, une encre plus tenace et, surtout, des caractères mobiles
et réutilisables. Faits d’un alliage d’étain, de plomb et d’antimoine, qui restera en
usage jusqu’au XXe siècle, ces caractères, réalisés dans un moule de sa conception,
92 sont particulièrement résistants.
Innovations techniques
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700 800 900 1000
720 Invention d’une horloge mécanique Publication de la recette de la poudre à canon 1044
par Liang Lingzan
Fabrique de papier à Bagdad 794
L’art
L’a
arrtt de l’imprimerie
ar
typographique
ty
typo
typ
yp o
yp
Po
Pour
Pou
P our reproduire un texte,
iill faut fa d’abord assem-
fa
bler
b
ble le
er des caractères pour
former
fo
for m des mots dans
un
u
un n composteur,
co
co en inter-
ccalantalana des blancs entre
lles
le ess mots.
e m Les lignes ainsi
composées
cco omp
mp sont ensuite
placées
p
pla
pl la
acé sur un plateau
a
ap ppe galée. Enfin, les
appelé
lignes
lliign
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gne
ne sont posées et blo-
quées
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uée sur le marbre –
lla
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partie
a plate et immo-
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e de
d la presse –, avant
d ’ê
’êtr
tr encrées. Le papier
d’être
peu
p eut alors être imprimé.
peut
U
Unene imprimerie
i au
viee ssiècle, extrait des
xxvi
vi
Ch
C han royaux sur la
Chants
C on
ncce
Conception, 1519-1528.
93
94
En 1482, à la recherche d’un mécène, Léonard
❝Je puis construire
envoie une lettre au futur duc de Milan (1452- des voitures couvertes et
1508) dans laquelle il dresse la liste de toutes indestructibles portant de
les merveilles qu’il est capable de réaliser : des l’artillerie et qui, ouvrant les
ponts légers et faciles à transporter, de véri- rangs de l’ennemi, briseraient
tables chars d’assaut pour prendre les forte- les troupes les plus solides. »
resses ennemies, des navires qui résistent au Léonard de Vinci, Codex Atlanticus,
e e
feu… Le jeune ingénieur affirme également xv -xvi siècles.
pouvoir égaler n’importe quel architecte ou sculpteur de son époque. Étonnamment,
il ne mentionne pas la peinture, pour laquelle il deviendra si célèbre.
Innovations techniques
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700 800 900 1000
720 Invention d’une horloge mécanique Publication de la recette de la poudre à canon 1044
par Liang Lingzan
Fabrique de papier à Bagdad 794
95
De savants traducteurs
Ces initiatives servent ainsi de modèle au vaste programme de traduction vers
l’arabe entrepris au VIIIe siècle à Bagdad par la dynastie des Abbassides. Souvent
l’œuvre de chrétiens nestoriens ou des membres de minorités ethniques ou reli-
gieuses, les traductions ont pour but premier la collecte de savoirs médicaux et juri-
diques – Hippocrate, Galien et Aristote étant les auteurs les plus appréciés. Bientôt,
les élites de l’empire étendent les traductions à la philosophie, aux mathématiques
et à l’astronomie.
Avec l’adoption du papier – technique importée de Chine au VIIIe siècle –, le
mouvement de traduction vers l’arabe prend une ampleur extraordinaire. Vers le
XIIe siècle, la quasi totalité des écrits de l’Antiquité grecque est traduite en arabe,
cette dernière devenant la langue de référence pour les sciences. Avec les croisades
et l’intensification des échanges dans le bassin méditerranéen, c’est par le biais de
cette langue, qui incorpore de nombreux néologismes scientifiques grecs, sanskrit
ou persan, que les chrétiens d’Europe occidentale vont renouer avec l’héritage grec.
700-1500 Des savoirs qu’on s’échange
Traductions et renaissances
Les traductions latines des textes arabes prennent place aux côtés de celles faites
dans l’Antiquité tardive, directement à partir du grec, notamment de celles de
Boèce. La première vague de traduction a lieu dès le XIIe siècle. Des écoles de tra-
ducteurs, dont la plus connue est celle de Tolède, traduisent ainsi des ouvrages
médicaux, astronomiques et philosophiques de l’arabe au latin. La culture univer-
sitaire, qui émerge dans toute l’Europe occidentale, s’appuie sur ces traductions
pour introduire la philosophie aristotélicienne dans la pensée scolastique.
La prise de Constantinople par les Ottomans, en 1453, conduit plusieurs savants
de Byzance à émigrer vers l’Italie. C’est une nouvelle vague de traduction, directe-
ment du grec au latin cette fois, qui commence. On redécouvre ainsi la Géographie de
Ptolémée, qui guidera les navigateurs vers l’Inde ou le Nouveau Monde, et la philo-
sophie platonicienne qui fonde l’humanisme de la Renaissance du XVe siècle.
❝ De la traduction,
toute la science a reçu
sa progéniture. »
Giordano Bruno, cité dans
la préface de la traduction
des Essais de Montaigne 97
de John Florio, vers 1584.
Traduire et améliorer
les sciences
Les experts qui traduisent les textes
scientifiques développent rapide-
ment une expertise technique. Ils
sont, dès lors, tentés d’y mettre leur
grain de sel et de clarifier les pro-
pos. Les différentes versions de la
Syntaxe mathématique de Claude
Ptolémée (! 127), connue en occi-
dent comme l’Almageste (de l’arabe
« le plus grand »), en fournissent un
exemple éclairant. Le texte original
est ici agrémenté de discussions sur
le changement de la durée de l’an-
née solaire, ainsi que de tables et
de catalogues d’étoiles qui résultent
d’observations nouvelles.
Ptolémée, L’Almageste, d’après
la traduction de Thābit Ibn Qurra,
1401-1500.
Dénombrer,
compter, calculer
Le concept de nombre paraît simple. Mais son histoire fait apparaître
trois sciences distinctes : la numération, qui est l’art de représenter
les nombres, la logistique, qui rassemble les techniques permettant
d’effectuer des calculs, et l’arithmétique, qui en étudie les propriétés,
et détermine par exemple s’ils sont pairs ou premiers.
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1543
Copernic, Des
révolutions des
orbes célestes
1556 1614
Agricola, traité Invention des
technique logarithmes
De re metallica par John Napier
1628
Démonstration
de la circulation
sanguine
par Harvey
1633 1751
Descartes, Parution du premier
Système du Monde tome de l’Encyclopédie
1696
L’Hospital, Analyse
des infiniment petits
1644
Principe
du baromètre
par Torricelli
1756
Traduction
1659 1739 de Newton
Perfectionnement Buffon au Jardin du roi en français
de la machine par Émilie
pneumatique Du Châtelet
par Boyle et Hooke
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1655
Ole Worm 1735
constitue un Linné, Système
célèbre de la nature
cabinet
1666
de curiosités
Fondation
de l’Académie
des sciences
par Colbert
Marie Meurdrac,
La Chymie
charitable et
facile en faveur 1745
des dames Étude de la trajectoire
d’un boulet de canon
dans l’air par Euler
1687
1761
Newton, Principia
Invention du chronomètre
mathematica
de marine
1768
Cartographie des côtes
de l’hémisphère austral
par James Cook
1493 Les épidémies
colonisent l’Amérique
Un début en fanfare
Philippus Aureolus Theophrastus Bombastus von Hohenheim, théologien et médecin
itinérant, est chargé de cours de médecine à l’université de Bâle en 1527. Il y fait scan-
dale : il critique l’enseignement traditionnel, enseigne en allemand à la place du latin,
et brûle publiquement le Canon de la médecine d’Avicenne.
Ridiculisé par ses opposants, il doit fuir la Suisse et, pour poursuivre ses voyages
en Europe, il change de nom. Désormais, il se fait appeler Paracelse (« plus impor-
tant que Celse »), en référence à un médecin romain de l’Antiquité du nom d’Aulus
Cornelius Celsus (Ier siècle).
110
Défenseur de l’alchimie médicale
Paracelse critique sans relâche la médecine conventionnelle, basée sur le savoir
gréco-romain. Il s’inspire des savoirs médicaux populaires, comme ceux détenus
par les guérisseuses ou les barbiers-chirurgiens, assistants des médecins mais sans
formation académique.
Selon lui, la maladie n’est pas due à un déséquilibre des humeurs internes, obses-
sion de la médecine galénique (! dossier, p. 56-57), mais plutôt à des causes natu-
relles ou spirituelles. La maladie est localisée dans des organes spécifiques et, pour
la guérir, il faut utiliser des remèdes précis, souvent des drogues d’origine minérale
transformées par la pratique alchimique. Ainsi, il utilise avec un succès apparent des
onguents au mercure pour traiter la syphilis, et popularise l’usage par voie interne
de l’antimoine et du laudanum.
Alchimie et astrologie
Paracelse conçoit le corps
humain comme un micro- La magie naturelle
cosme lié en permanence
au macrocosme de l’Uni- Pour ses théories, Paracelse s’inspire de la magie
vers. Pour lui, une force naturelle, un courant intellectuel très important au
appelée « archée » ou xvie siècle. Les magiciens naturels s’appuient sur
« alchimiste » est respon-
sable des digestions, sépa-
divers traités comme ceux écrits par le mythique
rations et exhalations du Hermès Trismégiste et compilés par Marsile Ficin
corps humain. Par ailleurs, (1433-1499), ou comme la kabbale juive, telle qu’elle
chaque organe est asso- est divulguée par Jean Pic de La Mirandole (1463-
cié à un métal et à une pla-
1494). Ils essaient de comprendre le monde naturel
nète. Le médecin doit donc
aussi faire appel à l’astro- à partir de l’existence de forces occultes et d’analo-
logie pour comprendre la gies entre phénomènes naturels. Aujourd’hui consi-
santé et la maladie. dérés comme irrationnels, ces savoirs participent
Johannes Stradamus, néanmoins à la construction de la science moderne.
Le Laboratoire de
l’alchimiste, 1570.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1635 Fondation 1669 Explication de la fossilisation par Steno 1735 Linné, Système de la nature
du Jardin du roi à Paris
1675 Découverte des micro-organismes par Van Leeuwenhoek
1749 Premier tome
de l’Histoire naturelle de Buffon
Inoculation contre la variole à Constantinople 1714
1543 Copernic
place la Terre en orbite
❝
113
Copernic place le Soleil au centre de l’Univers.
Tournent autour, dans un mouvement circulaire uni- Il s’en fallut de peu que,
forme, Mercure, Vénus puis la Terre, celle-ci tour- de crainte du mépris pour la
nant sur elle-même en vingt-quatre heures avec nouveauté et l’absurdité de mon
la Lune en orbite. Viennent ensuite Mars, Jupiter, opinion, je ne supprimasse tout
Saturne. Pour justifier son système, Copernic met
en exergue les difficultés calculatoires des sys-
à fait l’œuvre déjà achevée. »
tèmes astronomiques existants et leur manque Nicolas Copernic, Des révolutions des orbes
« d’ordre et d’harmonie ». célestes, préface au pape Paul III, 1543.
Gravure représentant l’Univers copernicien,
Harmonia Macrocosmica, 1660.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1637 Descartes, Géométrie 1687 Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 1761 et 1769
Passages de Vénus
1642 Construction de la machine à calculer de Pascal devant le Soleil
Euler, Introduction à l’analyse infinitésimale 1748
1543 André Vésale étudie
l’anatomie des meurtriers
❝
quemment, au corps d’un singe et non à celui d’un
homme (! dossier, p. 56-57). Vésale révèle que les La description du
nerfs ne sont pas creux, fait une description détail- corps humain doit être
lée du cerveau et des os du crâne et parle pour la considérée à juste titre comme
première fois du diaphragme, des valves cardiaques le fondement le plus solide
ou de l’épiploon, la membrane péritonéale qui relie
de tout l’art médical et le
principe de sa constitution. »
les viscères contenus dans l’abdomen.
André Vésale, La Fabrique du corps
humain, 1543.
Père de l’anatomie moderne
La Fabrique du corps humain, paru en 1543, devient le texte fondateur de l’anatomie
moderne. Basé sur la dissection et illustré de belles gravures sur bois, il est divisé en
sept parties : os et articulations, muscles, cœur et vaisseaux sanguins, nerfs, organes
contenus dans l’abdomen, organes du thorax et cerveau. D’abord critiqué dans les
milieux académiques, l’apport de Vésale marque un tournant dans la médecine.
Dès le début du XVIIe siècle, le texte est adopté par l’ensemble de la communauté
médicale et les dissections deviennent pratiques courantes dans toutes les facultés.
❝
Willen Van der Meer à Delft,
1617.
Quiconque s’intéresse à l’art de la
dissection se rend compte que rien ne leur était
plus étranger que la dissection du corps humain ! »
André Vésale, La Fabrique du corps humain, 1543.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1635 Fondation 1669 Explication de la fossilisation par Steno 1735 Linné, Système de la nature
du Jardin du roi à Paris
1675 Découverte des micro-organismes par Van Leeuwenhoek
1749 Premier tome
de l’Histoire naturelle de Buffon
Inoculation contre la variole à Constantinople 1714
1556 Agricola décrit l’art
de la métallurgie
116 De re metallica
Agricola se consacre dès lors à la rédaction d’un ouvrage, divisé en douze livres,
sur les mines et la métallurgie. Écrit en latin sur le modèle des traités techniques
de l’Antiquité, le De re metallica offre une description précise et détaillée de tous les
procédés et machines utilisés dans les mines et ateliers d’Europe centrale, l’une des
plus grandes régions minières de l’époque.
L’ouvrage est exhaustif, traitant aussi bien de la découverte et de l’exploitation
de nouveaux filons, que des techniques de séparation des métaux et des machines
permettant d’assécher les mines. À ces descriptions, Agricola ajoute près de trois
cents gravures qui, grâce à leur grande précision, permettent de reproduire les
machines et procédés présentés à l’identique.
Un succès posthume
Fruit de vingt ans de travail, le De re metallica d’Agricola est publié de façon pos-
thume en 1556 et rencontre, dès sa parution, un succès considérable. Il est traduit
dans plusieurs langues et réédité de nombreuses fois au cours des XVIe et XVIIe siècles.
Il est aussi beaucoup lu et utilisé dans les régions minières d’Europe et d’Amérique
latine. Au Pérou par exemple, l’ouvrage est si précieux qu’il est enchaîné aux murs
des églises !
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1637 Descartes, Discours de la méthode 1690 Machine à vapeur de Papin 1739 Hume, Traité de la nature humaine
1657 Horloge de Huygens 1751
Parution du premier tome de l’Encyclopédie
1600 Les applications militaires
fortifient la géométrie
Le siège de velours
En 1597, le roi de France Henri IV attaque les troupes espagnoles à Amiens. Pré-
voyant une longue attente, les troupes françaises s’installent confortablement
autour de la ville, si bien qu’on appelle cette opération le « siège de velours ».
Après six mois, les Français s’emparent enfin de la ville. Le roi ordonne alors à
son ingénieur Jean Errard, natif de Bar-le-Duc, de concevoir de nouvelles fortifica-
tions pour la ville reconquise. Trois ans plus tard, en 1600, il fait paraître, aux frais
du roi, la Fortification démontrée et réduite en art. Il s’agit du premier traité de génie
militaire écrit en français.
118
Un ingénieur au Conseil du roi
Protestant, Jean Errard est autrefois contraint de s’exiler en Allemagne pour étu-
dier et poursuit sans doute sa formation en Italie, où il se familiarise avec les nou-
velles techniques de fortification. Se mettant d’abord au service de Charles III de
Lorraine, il publie en 1584 une description d’instruments mathématiques (compas,
règles, cadrans, etc.). C’est alors que Henri IV le remarque.
Bientôt Errard devient premier ingénieur du roi et il est admis au Conseil royal.
Parmi ses missions, il fortifie les villes de Sedan et de Montreuil. En 1594, il rédige l’un
des premiers manuels de géométrie en français La Géométrie et pratique générale d’icelle.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1637 Descartes, Discours de la méthode 1690 Machine à vapeur de Papin 1739 Hume, Traité de la nature humaine
1657 Horloge de Huygens 1751
Parution du premier tome de l’Encyclopédie
1610 Galilée se fait
messager céleste
Galileo
En révélant des astres et de nouveaux phénomènes
Galilei, dit astronomiques, Galilée sème le doute à propos
Galilée de la cosmologie aristotélicienne, et incite à accepter
1564-1642
la vision héliocentrique du Système solaire.
À l’appui de Copernic
À Florence, Galilée poursuit son examen du ciel avec sa lunette. Les observations
des phases de Vénus suggèrent que la planète ne tourne pas autour de la Terre, mais
bien du Soleil, et confirment ses intuitions en faveur du système héliocentrique de
Copernic (! 1543, p. 112). Galilée développe ensuite des arguments subtils en faveur
des thèses coperniciennes, se heurtant une nouvelle fois à l’opposition d’influents
philosophes aristotéliciens et théologiens, jusqu’à sa condamnation par l’Inquisition.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1644 Invention du baromètre par Torricelli Échelle thermométrique de Celsius 1742 1751 Découverte de la nature
électrique des éclairs par Franklin
1672 Décomposition prismatique
de la lumière blanche par Newton Découverte de l’hydrogène par Cavendish 1766
1614 John Napier invente
les logarithmes
❝
ççant
ant leles
es bât
bâtonnets
tonnetts leles
es uunsns à côté
d es autres,
des autre es, les
le
es multiplications
multip pliccations se
édd i
réduisent tàd i l additions.
de simples dditi
La découverte des logarithmes […], 123
12
Cet outil se répand rapidement en réduisant à quelques heures le travail
dans toute l’Europe. C’est néan- de plusieurs mois, double, si l’on peut ainsi
moins la méthode des logarithmes, dire, la vie des astronomes, et leur épargne
plus sophistiquée, qui aura la pré-
férence des savants.
les erreurs et les dégoûts inséparables de
Boîte de bâtonnets de Napier
leurs longs calculs. »
à quatre faces, 1617-1799. Pierre-Simon Laplace, Cours de l’École normale,
28 janvier 1795.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1637 Descartes, Géométrie 1687 Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 1761 et 1769
Passages de Vénus
1642 Construction de la machine à calculer de Pascal devant le Soleil
Euler, Introduction à l’analyse infinitésimale 1748
1620 Un chancelier anglais
imagine la science du futur
Un chancelier philosophe
Élu pour la première fois au Parlement de Londres en 1581, Francis Bacon, juriste de
formation, se hisse dans les hautes sphères politiques britanniques avec l’appui du
comte d’Essex, favori de la reine Élisabeth. Il devient proche conseiller de la reine,
puis chancelier de son successeur, le roi Jacques Ier.
Homme politique redoutable, Bacon est aussi philosophe et publie plusieurs livres
critiquant l’aristotélisme pendant les deux premières décennies du XVIIe siècle. Son
ouvrage le plus connu est l’Instauratio Magna, publié en 1620, qui propose une nou-
velle façon d’accéder à la vérité.
124
De la déduction à l’induction
Par contraste avec la méthode aristotélicienne
❝ La science doit être
tirée de la lumière de la
nature, elle ne doit pas être
qui se fonde sur la déduction pour aller d’une retirée de l’obscurité et de
vérité générale à des cas particuliers, Bacon l’antiquité. »
propose de refonder les savoirs sur la base d’une Francis Bacon, Instauratio Magna, 1620.
nouvelle méthode, l’induction.
Il s’agit de collecter des faits à propos de la nature, de les classer, de les vérifier
en effectuant des expériences et d’en tirer des « axiomes » généraux, ce que nous
appelons des lois scientifiques. Bacon théorise ainsi une méthode qui sera utilisée
par de nombreux acteurs de la révolution scientifique au XVIIe siècle.
À la conquête du savoir
Cette gravure, qui apparaît en pre-
La Nouvelle Atlantide mière page de l’Instauratio Magna de
Bacon, montre un navire franchissant
Dans La Nouvelle Atlantide, un ouvrage paru
les colonnes d’Hercule. Ces piliers,
en 1627, peu après sa mort, Bacon décrit qui bordent le détroit de Gibraltar,
une société utopique centrée sur la « Mai- symbolisent, à cette époque, les
son de Salomon ». Les membres de cet ins- limites du savoir humain. Bacon invite
titut de recherche scientifique et technique y ainsi ses lecteurs à suivre l’exemple
de ce navire, à découvrir des mondes
font des expériences scientifiques et en tirent inconnus et à enrichir les connais-
des « axiomes ». Sur la base de ce savoir, ils sances sur la nature.
conçoivent et développent des matériaux et Frontispice de l’Instauratio Magna,
techniques utiles aux hommes. D’après Bacon, 1620.
cette nouvelle approche scientifique permettra
aux hommes de contrôler la nature. Grâce à elle,
ils innoveront et développeront des technolo-
gies qui leur assureront la maîtrise du monde.
❝ Beaucoup passeront
et la science augmentera. »
Frontispice de l’Instauratio Magna, 1620.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1637 Descartes, Discours de la méthode 1690 Machine à vapeur de Papin 1739 Hume, Traité de la nature humaine
1657 Horloge de Huygens 1751
Parution du premier tome de l’Encyclopédie
1626 Des missionnaires font
découvrir la lunette aux Chinois
127
Mission sciences
À l’époque moderne, les missions licisme, Xu Guangqui, il produit, en 1607,
étrangères en Extrême Orient participent la première traduction en mandarin des
à une véritable mondialisation des Éléments d’Euclide (! – 300). Ferdinand
savoirs. L’ordre jésuite, fondé en 1540, Verbiest (1623-1688), collaborateur de
y prend une part prépondérante. L’un Schall, fabrique en 1672 une machine
de ses membres, Matteo Ricci, réus- à vapeur pour la cour de Pékin. Inver-
sit à rencontrer l’empereur grâce à ses sement, les missionnaires jésuites vont
connaissances astronomiques. Avec un contribuer à diffuser les connaissances
collaborateur chinois converti au catho- chinoises en Occident.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1644 Invention du baromètre par Torricelli Échelle thermométrique de Celsius 1742 1751 Découverte de la nature
électrique des éclairs par Franklin
1672 Décomposition prismatique
de la lumière blanche par Newton Découverte de l’hydrogène par Cavendish 1766
1628 Harvey dissipe les croyances
sur la circulation sanguine
❝
périence du garrot.
Harvey insiste sur le fait que la méthode Le sang est animé d’un
expérimentale mise en œuvre a le même mouvement circulaire qui
caractère de démonstration que le raisonne- l’emporte dans une agitation
ment mathématique. Cependant, sa décou- perpétuelle, c’est là la fonction
verte, capitale, sur la circulation sanguine du cœur qui est la cause unique
est accueillie avec scepticisme par la commu- de tous ces mouvements. »
nauté médicale, tributaire de la pensée galé- William Harvey, Anatomie du mouvement
du cœur et du sang chez les animaux, 1628.
nique. Elle ne sera admise qu’après sa mort.
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1640 1660 1680 1700 1720 1740 1760 1780
1635 Fondation 1669 Explication de la fossilisation par Steno 1735 Linné, Système de la nature
du Jardin du roi à Paris
1675 Découverte des micro-organismes par Van Leeuwenhoek
1749 Premier tome
de l’Histoire naturelle de Buffon
Inoculation contre la variole à Constantinople 1714
1633 Descartes imagine
un nouveau Monde
Mathématiques et astronomie
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1535 1543 Copernic, Des révolutions des orbes célestes 1608 Kepler,
Méthode de Cardan pour Astronomie
résoudre les équations du 3e degré Observatoire de Tycho Brahe 1576 nouvelle
Invention de l’algèbre littérale par Viète 1591
L’Univers selon Descartes
Descartes propose une explication
mécanique de la stabilité des orbites
des planètes avec sa théorie des tour-
billons. Selon cette hypothèse, il existe
une matière subtile qui tourne en cercles
autour de chaque étoile, et emporte avec
elle les planètes comme de simples brin-
dilles dans un vortex.
Les tourbillons de Descartes,
Principes de la philosophie, 1644.
Sciences expérimentales
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1516 1537 Développement de la mécanique 1600 Gilbert, De l’aimant
Arrivée de Léonard de l’artillerie par Tartaglia
de Vinci en France Galilée, Messager céleste 1610
Énoncé de la loi de la réfraction par Snell 1628
133
La machine pneumatique
Au XVIIe siècle, les expériences menées par des philosophes naturels, comme Gali-
lée ou Evangelista Torricelli, aboutissent à la construction des premiers baromètres
et stimulent le débat sur l’existence et la nature du vide (! 1644). En 1647, le philo-
sophe et diplomate Otto von Guericke (1602-1686) construit la première « machine
pneumatique », capable de raréfier l’air et donc de générer du vide dans un réci-
pient, par l’action de pompes. Ces travaux inspirent le philosophe et théologien
anglais Robert Boyle (1627-1691). En 1659, son assistant Robert Hooke (1635-1703)
redessine complètement l’instrument en y ajoutant une sphère de verre.
136
Des expériences dans le vide
Boyle et Hooke observent ainsi les effets du vide sur différents objets en les intro-
duisant dans le réceptacle en verre : des vessies remplies d’air se mettent à gonfler,
des bougies s’éteignent, des animaux périssent et le son des cloches est réduit au
silence. En revanche, les aimants continuent à attirer le fer et des corps chargés
électriquement à se repousser… Les comptes rendus de ces expériences sont publiés
par Boyle dans son livre New Experiments Physico-Mechanical Touching the Spring of the Air
and its Effects, et la contribution de Hooke est pratiquement effacée.
Sciences expérimentales
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1516 1537 Développement de la mécanique 1600 Gilbert, De l’aimant
Arrivée de Léonard de l’artillerie par Tartaglia
de Vinci en France Galilée, Messager céleste 1610
Énoncé de la loi de la réfraction par Snell 1628
137
Un instrument
« philosophique »
L’émergence de la science moderne La loi des gaz
au xviie siècle entraîne la création de
nouveaux types d’instruments scien- C’est en utilisant non pas une machine pneuma-
tifiques. Aux instruments « mathé- tique mais des baromètres que Robert Boyle réa-
matiques » utilisés pour mesurer lise les premières expériences contrôlées sur le
angles, distances, volumes ou poids, rapport entre volume et pression d’un gaz. Cet
et « optiques » tels que les lunettes et
les microscopes, s’ajoutent les ins-
exemple illustre le penchant de Boyle pour l’in-
truments « philosophiques » comme duction de lois à partir de l’expérience, inspirée
le baromètre, la machine électros- par le chancelier Francis Bacon (! 1620). Son
tatique ou la machine pneumatique intérêt pour la découverte de lois dans la nature
qui produisent de nouveaux phéno-
est aussi caractéristique de la théologie natu-
mènes, sujets à la discussion phi-
losophique (! dossier, p. 166-167). relle, qui cherche à montrer l’existence de Dieu
Joseph Wright of Derby, en mettant en évidence la perfection et l’ordre
Une expérience sur un oiseau de la nature et dont Boyle est un des principaux
dans une pompe à air, 1768.
représentants.
Sciences expérimentales
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1516 1537 Développement de la mécanique 1600 Gilbert, De l’aimant
Arrivée de Léonard de l’artillerie par Tartaglia
de Vinci en France Galilée, Messager céleste 1610
Énoncé de la loi de la réfraction par Snell 1628
La cour des savants
Dans un décor dominé par l’Observatoire royal
encore en chantier, des globes planétaires, Une science au masculin 139
cartes géographiques et squelettes d’animaux,
Colbert présente au roi les savants de la nou- Reflet de la société et de l’histoire,
velle Académie royale des sciences. Parmi l’Académie des sciences est restée
eux, on reconnaît le médecin et architecte pendant longtemps le privilège des
Claude Perrault, l’astronome Giovanni Dome-
nico Cassini, le botaniste Joseph de Tourne-
hommes. En 1910, elle refuse d’élire
fort et le mathématicien Gilles de Roberval. Marie Curie qui, pourtant, a déjà été
Henri Testelin, Colbert présentant à Louis XIV honorée d’un premier prix Nobel en
les membres de l’Académie royale des 1903. Yvonne Choquet-Bruhat (née
sciences, seconde moitié du XVIIe siècle.
en 1923), mathématicienne et physi-
cienne, est la première femme élue
membre… en 1979. Avant elle, la
❝ On ne détourna personne
de suivre son génie ; on laissa à
chacun la liberté d’apporter ses
chimiste Marguerite Perey (1909-
1975), qui a découvert le francium,
un élément chimique nommé ainsi en
hommage à son pays, a été désignée
expériences ; on exhorta les plus correspondante en 1962. Aujourd’hui
laborieux et les plus industrieux à encore sur 271 académiciens, on ne
en faire, on les préféra à tout autre compte guère que 31 femmes.
entretien. »
Discours de Sorbière à l’Académie de Montmort,
le 3 avril 1663.
Conseils de beauté
Seule la sixième partie du livre, contenant des recettes de produits de beauté, est
spécifiquement destinée aux femmes. Elle met en garde ses lectrices contre l’usage,
fréquent à l’époque, de produits dangereux comme le mercure. L’ouvrage connaît
un grand succès – il est réédité à plusieurs reprises, traduit en italien et en alle-
mand – jusqu’au milieu du XVIIe siècle… puis est oublié. Aujourd’hui, son exemple
nous rappelle que certaines femmes ont su vaincre les préjugés de leur époque et
produire une œuvre scientifique.
Sciences expérimentales
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1516 1537 Développement de la mécanique 1600 Gilbert, De l’aimant
Arrivée de Léonard de l’artillerie par Tartaglia
de Vinci en France Galilée, Messager céleste 1610
Énoncé de la loi de la réfraction par Snell 1628
❝ Je m’objectais à moi-même
que ce n’était pas la profession
d’une femme d’enseigner ; qu’elle
doit demeurer dans le silence,
écouter et apprendre, sans
témoigner qu’elle sait. […] Je
me flattais d’un autre côté […]
que les esprits n’ont point de
sexe et que si ceux des femmes
étaient cultivés comme ceux des
hommes, et que l’on employât
autant de temps et de dépense
à les instruire, ils pourraient les
égaler. »
Marie Meurdrac, La Chymie charitable
et facile, 1666.
Histoires d’eaux
Quand Louis XIV décide de faire construire un palais à Versailles, il souhaite y ins-
taller des fontaines à nulles autres pareilles. Mais le site choisi se trouve en hau-
teur, loin de toutes sources d’eau. Qu’à cela ne tienne ! Savants et ingénieurs sont
sommés d’imaginer un ambitieux système hydraulique.
Auteur du projet du canal du Midi, l’entrepreneur Pierre-Paul Riquet (1609-1680)
suggère de construire un canal entre la Loire et Versailles. Mais en 1674, la faisabi-
lité du projet est remise en cause par l’astronome Jean Picard (1620-1682) de l’Acadé-
mie des sciences (! 1666, p. 138), l’altitude du palais étant plus élevée que les points
142 de captation possibles sur la Loire.
Un chantier pharaonique
En 1679, l’entrepreneur liégeois Arnold de Ville (1653-1722) propose un ambitieux
système de pompes capable d’acheminer l’eau de la Seine, située environ cent cin-
quante mètres plus bas, jusqu’à Versailles. Pour ce projet, de Ville fait appel au
charpentier et mécanicien wallon Rennequin Sualem, issu d’une famille d’ingé-
nieurs des mines, qui maîtrisent les techniques de pompage (! 1556). La machine –
qui aura nécessité 170 000 livres de cuivre, autant de plomb, 20 fois autant de fer,
100 fois autant de bois, 296 pompes et la paie de 1 800 hommes pendant 7 ans –, est
inaugurée le 13 juin 1684, en présence du roi, enchanté.
❝
Construite sur un bras de la Seine, la machine de
Marly est composée de 14 roues de 10 mètres de
diamètre. Ces roues actionnent des pistons, qui
Quand j’ai demandé au
puisent l’eau et la transporte jusqu’à un premier gros ambassadeur [de Thaïlande],
réservoir à mi-hauteur, ainsi qu’une suite de balan- ce qu’il avait trouvé de beau en 143
ciers qui actionnent les pompes permettant de France, il me dit qu’après les
faire passer l’eau par-dessus la colline, qui s’élève
à environ 150 mètres au-dessus du fleuve. Au som-
troupes du roi et ses places de
met, un aqueduc en maçonnerie conduit les eaux guerre, c’était la machine de
jusqu’au parc de Versailles, à 7 kilomètres de là. Marly. »
Pierre-Denis Martin, Vue de la machine de Marly Abbé de Choisy, Mémoires pour servir
et de l’aqueduc de Louvecienne, 1727, Château de à l’histoire de Louis XIV, 1727.
Versailles.
Et la gravitation fut !
Dans ce traité, Newton utilise la géométrie pour démontrer que la trajectoire ellip-
tique des planètes, préalablement décrite par Johannes Kepler (1571-1630), met en
jeu une force d’attraction inversement proportionnelle au carré de la distance qui
sépare les planètes du Soleil. Cette force s’appelle la gravitation !
Pour la décrire, il pose le caractère « absolu, vrai et mathématique, sans rela-
tion à rien d’extérieur », du temps et de l’espace, ainsi que trois lois universelles du
mouvement. Dès lors, le mouvement de tout corps, sur Terre comme dans l’espace,
devient calculable et prédictible (! 1814).
Mathématiques et astronomie
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1535 1543 Copernic, Des révolutions des orbes célestes 1608 Kepler,
Méthode de Cardan pour Astronomie
résoudre les équations du 3e degré Observatoire de Tycho Brahe 1576 nouvelle
Invention de l’algèbre littérale par Viète 1591
Le newtonianisme
Au xviiie siècle, le mouvement
européen des Lumières, œuvrant Une force étrange
pour le triomphe de la raison sur 145
la croyance, va glorifier les tra- L’existence d’une force invisible qui lie les corps
vaux de Newton. L’empirisme et célestes entre eux, à distance, soulève des
la rationalité qui s’y expriment réticences aux xviie et xviiie siècles. Pourtant,
sont des modèles de pensée. La
dans les Principia mathematica, Newton se veut
vision newtonienne du monde
devient la référence et les plus empiriste : il soutient qu’il « tire les propositions
grands écrivains, comme Voltaire des phénomènes » naturels, et que seules les
ou Alexander Pope (1688-1744), observations des positions des planètes et
le louent. celles de la chute des corps guident ce qu’il
Détail d’un billet d’une livre expose. À propos de cette force de gravitation,
sterling représentant Newton,
son télescope et la construction « cette espèce d’esprit très subtil qui pénètre à
géométrique de sa démonstration, travers tous les corps solides », il écrit : « Je ne
1978.
forge point d’hypothèses. » Il n’en donne donc
aucune explication métaphysique.
Mathématiques et astronomie
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1535 1543 Copernic, Des révolutions des orbes célestes 1608 Kepler,
Méthode de Cardan pour Astronomie
résoudre les équations du 3e degré Observatoire de Tycho Brahe 1576 nouvelle
Invention de l’algèbre littérale par Viète 1591
Le calcul différentiel
en scène
Cette allégorie fait apparaître Des querelles à n’en plus finir
l’arrière-plan géométrique du 147
calcul différentiel ainsi que les Dès 1697, une vive querelle oppose, à l’Académie
méthodes algébriques utilisées des sciences, partisans et pourfendeurs du calcul
pour ce calcul, comme le fait différentiel et intégral. Ces derniers considèrent
l’ange en bas à gauche. On y voit
en effet que les infiniment petits sont mal défi-
aussi clairement les usages mul-
tiples auxquels il peut servir : nis et devraient être exclus des mathématiques.
la géographie représentée par Quelques années plus tard, lorsque la méthode
le globe, l’optique par le miroir, commence à être mieux acceptée, la question de
l’astronomie par les cadrans sa paternité soulève d’acrimonieux débats entre
solaires, etc. Curieusement, les
applications en mécanique n’y
les Anglais qui soutiennent les prétentions de
figurent pas encore. Newton et les continentaux qui défendent Leib-
Illustration extraite de l’Analyse niz. Plus de trente ans plus tard, certaines idées
des infiniment petits, Guillaume de Newton peinent encore à se faire accepter des
de L’Hospital, 1696.
académiciens parisiens (! 1736).
Un foisonnement d’espèces
À partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, les voyages d’exploration révèlent un
monde où foisonnent les nouvelles espèces animales et végétales, qu’il faut d’abord
nommer puis classer par rapport à celles déjà connues. Or, la diversité des lan-
gues et la prolifération de détails morphologiques utilisés pour décrire les espèces
rendent la tâche ardue. C’est finalement Carl von Linné, professeur de botanique
à l’université d’Uppsala, qui propose un procédé de classification simple et univer-
sel. Son système, présenté en 1735 dans la première édition de Systema naturae, se
généralise à partir de 1758.
148
Un classement en poupées russes
Pour Linné, une classification reflète la hiérarchisation de la connaissance. À la
façon des poupées russes, les espèces sont rangées en fonction de leur degré de
ressemblance physique, du plus général au plus particulier, dans des « boîtes »
qu’il appelle taxons. Il en définit six : règne, classe, ordre, genre, espèce et variété.
Linné choisit successivement des caractères pour établir le classement. Ainsi, pour
le règne végétal, il distingue d’abord les plantes avec ou sans fleur. Pour les pre-
mières, il place d’un côté les plantes avec fleurs hermaphrodites, de l’autre celles à
sexes séparés. Ensuite, il suggère de les ranger d’après le nombre et la disposition
des étamines.
❝
149
Pour s’entendre
avec quelqu’un qui est
absent, il faut bien
convenir des noms
qu’on donne aux objets
dont on parle. »
Jean-Jacques Rousseau,
Lettres sur la botanique, 1773.
❝
Cassini, qui soutient la vision de Descartes, conclut
à l’allongement du globe terrestre vers les pôles À Paris vous vous
150 grâce à une série de mesures précises sur tout le ter- figurez la Terre faite comme
ritoire français, les calculs newtoniens prédisent au un melon ; à Londres elle est
contraire un renflement au niveau de l’équateur. aplatie des deux côtés. »
Voltaire, Lettres philosophiques, 1734.
Réponse du bout du monde
Pour trancher la question, deux expéditions sont financées par la France. La pre-
mière, conduite par Charles Marie de La Condamine (1701-1774), part mesurer un arc
de méridien au Pérou, tandis que la seconde, sous la direction de Maupertuis, fait
de même entre la Suède et la Finlande.
Partie plus tard, en 1736, l’expédition nordique rentre la première, dès l’année sui-
vante. Les aventures, y compris amoureuses, de Maupertuis et de son équipage chez les
Samis égaient la bonne société parisienne. Et les conclusions scientifiques tranchent,
sans appel, en faveur de l’hypothèse de Newton : la Terre est bien aplatie aux pôles.
Le triomphe de l’analyse
Lorsque les résultats de l’expédition du Pérou sont connus, un nouveau consensus
sur la forme de la Terre est déjà établi. L’adoption de la physique newtonienne par
les jeunes académiciens comme Jean Le Rond d’Alembert (! 1751) fait alors triom-
pher l’analyse mathématique comme moyen privilégié de décrire, avec un succès
certain, les phénomènes naturels.
Mathématiques et astronomie
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1535 1543 Copernic, Des révolutions des orbes célestes 1608 Kepler,
Méthode de Cardan pour Astronomie
résoudre les équations du 3e degré Observatoire de Tycho Brahe 1576 nouvelle
Invention de l’algèbre littérale par Viète 1591
Triangulation et mesure de précision
La controverse sur la forme de la Terre se déploie autour
❝
d’une science dédiée aux mesures de la surface du globe,
la « géodésie ». Pour déterminer la longueur d’un méridien, Les premières années
il est nécessaire de transporter des instruments de visée
de ma jeunesse ont été
dans des lieux élevés, visibles les uns des autres. L’opé-
ration consiste essentiellement en la mesure des angles consacrées à cette carte 151
de vastes triangles qui, par le biais de la trigonométrie, qui comprend les limites et
donne la longueur recherchée. l’intérieur du Royaume, qui
Cassini III, La Méridienne vérifiée, 1744. sera toujours le premier et
peut-être le seul monument
invariable de géographie. »
Cassini III, lettre à Turgot, vers 1774.
La carte de France
Âgé d’à peine vingt ans, César François mathématisation. Il se lance dans la
Cassini de Thury, dit Cassini III (1714- réalisation d’une carte détaillée de la
1784), est impliqué dans la controverse France à l’échelle de 1/86 400, entre-
de la figure de la Terre. Il prend part à prise gigantesque et unique au monde
de nouvelles campagnes de mesures à cette époque qui ne sera complétée
en France qui, en fin de compte, confir- qu’au xixe siècle. Dans ce travail collec-
ment l’hypothèse newtonienne. Mais, tif d’une grande précision instrumentale
contrairement à d’Alembert, Cassini III s’exprime une autre forme de la moder-
ne suit pas la voie d’une plus grande nité scientifique.
Un naturaliste à la cour
Originaire de Montbard en Bourgogne, Georges Louis Leclerc de Buffon est nommé
intendant du Jardin et du Cabinet d’Histoire naturelle du roi en 1739, à Paris, l’an-
née de ses trente-deux ans. Il entreprend aussitôt de moderniser et de développer
l’institution créée sous Louis XIII afin d’y former des médecins et des apothicaires.
Durant près de cinquante ans, il agrandit et enrichit les collections du jardin et du
cabinet, notamment avec les spécimens collectés dans le monde par des explora-
teurs (! 1768) comme le comte de Bougainville (1729-1811).
Floraison du Muséum
Quelques années après la mort de Buffon, le Jardin et le Cabinet du roi se transfor-
ment en une institution républicaine : le Muséum national d’Histoire naturelle.
Louis Daubenton (1716-1799), qui assure le changement de régime, en devient le pre-
mier directeur. Douze chaires professorales sont créées au bénéfice des sciences
naturelles, de la zoologie à la botanique en passant par le dessin naturaliste et la
chimie appliquée aux arts. Depuis, le Muséum est devenu une référence en France
pour la recherche, la médiation et l’enseignement des sciences naturelles.
Un chef-d’œuvre
des Lumières
Une œuvre d’influence Buffon est un précurseur de la
vulgarisation des sciences. Son
L’Histoire naturelle de Buffon renferme des idées nova- Histoire naturelle, en 36 volumes,
trices qui anticipent un changement de vision concer- séduit un vaste public mondain.
Conçue pour présenter les col-
nant la vie sur Terre. Bien que croyant à la création des lections du cabinet royal, elle
espèces par Dieu, l’intendant du Jardin du roi remet en s’est popularisée grâce aux des-
cause les textes bibliques en ce qui concerne l’âge de la criptions anatomiques des ani-
Terre, la supposant beaucoup plus vieille qu’annoncé. maux, de leurs mœurs et de leur
utilité. Chaque entrée est accom-
Il envisage également, chez les animaux, la possibi-
pagnée de gravures soigneuse-
lité d’une variation morphologique sous l’influence du ment élaborées par les peintres
climat, de la nourriture ou de la domestication. Cette Jacques de Sève, pour les qua-
répercussion du temps qui passe sur la plasticité du drupèdes, et François-Nicolas
vivant constitue le pilier sur lequel ont été construits, Martinet, pour les oiseaux.
au xixe siècle, le transformisme de Lamarck et l’évo- Planche de l’Histoire naturelle
des oiseaux de Buffon,
lutionnisme de Darwin (! 1809 et 1859, p. 230). XVIIIe siècle.
❝
vient de mourir. Alors qu’il s’interroge sur son
avenir, Euler reçoit une offre alléchante du jeune Le désir infini
roi de Prusse, Frédéric II, qui cherche à attirer les de servir votre majesté
plus grands savants de l’Europe pour fonder une m’a déterminé à appliquer
nouvelle Académie des sciences (! 1666, p. 138). mes forces à une science
Euler accepte et s’installe à Berlin le 25 juillet qui pourrait avoir quelque
154
utilité importante pour
1741. Mais le courant passe mal entre le roi volage,
le service de votre majesté.
qui cultive la compagnie des philosophes comme […] Je crois que je ne
Voltaire et Maupertuis (! 1736), et le mathémati- pourrais mieux satisfaire à
cien calviniste. Frédéric II n’affiche que mépris mon désir qu’en travaillant
pour les « abstractions des grandeurs de l’algèbre ». sur un livre anglais sur
Pour mieux séduire le roi, qui combat alors en Silé- l’artillerie. »
sie, Euler propose d’entreprendre un travail sur la Lettre de Leonhard Euler
balistique, la science des trajectoires des projectiles. à Frédéric II de Prusse, 1744.
Sciences expérimentales
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1480 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620
1516 1537 Développement de la mécanique 1600 Gilbert, De l’aimant
Arrivée de Léonard de l’artillerie par Tartaglia
de Vinci en France Galilée, Messager céleste 1610
Énoncé de la loi de la réfraction par Snell 1628
Le portrait d’une femme
savante
Née dans une famille aristocrate
à l’esprit ouvert, la jeune Émilie
bénéficie de la même éducation
que ses frères. Elle sait se mon-
trer coquette en société mais se
retire également sur ses terres
pour un travail acharné. Elle
est dépeinte comme libertine,
exigeante et ambitieuse. Son
intelligence critique lui permet
d’accéder aux connaissances
scientifiques de son temps. Elle
s’attache les amitiés de Voltaire,
Maupertuis, Clairaut et de bien
d’autres.
Gabrielle Émilie Le Tonnelier
de Breteuil.
159
De la controverse à la célébrité
En 1740, dans ses Institutions de physique, Émilie Du Châ-
telet critique vivement un mémoire de Dortous de Mai-
❝ Les femmes sont
exclues, par leur état, de
toute espèce de gloire, et
ran, le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences quand, par hasard, il s’en
(! 1666, p. 138), qui réagit furieusement. Le sujet de la trouve quelqu’une qui est
discorde concerne les forces vives (ou énergie cinétique). née avec une âme assez
Tandis que Mairan les assimile à la vitesse, Du Châtelet élevée, il ne lui reste que
soutient que ces forces sont proportionnelles au carré de l’étude pour la consoler
la vitesse et le prouve par des expériences. Elle a donc de toutes les exclusions et
raison, « pour le fond et pour la forme ». Cette controverse de toutes les dépendances
attire les regards : son ouvrage est traduit en plusieurs auxquelles elle se trouve
langues. En 1746, elle est élue à l’Académie des sciences condamnée. »
de Bologne et entre dans la Décade d’Augsbourg, c’est-à- Émilie Du Châtelet, Discours sur
dire parmi les dix savants les plus célèbres de son temps. le bonheur, 1744-1746, publié en
1779.
Le prix de la précision
Dès 1567, le roi Philippe II d’Espagne lance un concours pour trouver une méthode
pratique et efficace permettant de calculer la longitude d’un lieu. Sans succès.
Trente ans plus tard, son fils Philippe III offre alors la somme considérable de 6 000
ducats et une pension à vie de 2 000 ducats à celui qui arrivera à « découvrir les lon-
gitudes ». En 1636, c’est au tour de la Hollande d’offrir une récompense à celui qui
inventera enfin une méthode pratique.
Ces récompenses attirent l’attention de tous les savants. En 1616, Galilée propose
aux autorités espagnoles d’utiliser l’observation des satellites de Jupiter récem-
ment découverts (! 1610). En effet, ces derniers sont périodiquement, et à heures
fixes, éclipsés par la planète autour de laquelle ils gravitent, et peuvent donc pro-
curer aux marins une horloge universelle. La différence entre cette heure univer-
selle et l’heure locale, calée sur le mouvement du Soleil, permet de calculer la longi-
tude d’un lieu d’observation. Mais ni les Espagnols ni les Hollandais ne jugent cette
méthode pratique, l’observation des satellites en mer à l’aide de lunettes, d’ailleurs
encore peu répandues (! 1626), n’étant vraiment pas aisée.
1500-1770 De nouveaux mondes, de nouvelles sciences
De l’atelier au salon
À la différence des instruments mathématiques traditionnels, ces nouveaux ins-
truments sont le fruit du travail de savants et de leurs assistants dans leurs ate-
liers et laboratoires. Leur caractère innovant est objet de suspicion. C’est le cas de la
lunette de Galilée, dont les observations ne sont acceptées qu’après de nombreuses
vérifications et l’appui de savants prestigieux. La machine pneumatique fait aussi
l’objet de controverses : Thomas Hobbes (1588-1679) nie qu’il soit possible d’émettre
des conclusions générales sur la nature à partir d’expériences faites sur un méca-
nisme artificiel. En revanche, Robert Boyle défend l’idée que la réalisation d’expé-
riences sous la supervision de témoins fiables est la meilleure manière de surmon-
ter les différences d’interprétation dues à la division des écoles philosophiques,
religieuses ou politiques. La présence d’un public témoin, dans les académies
comme dans les salons, caractérise l’usage des instruments aux XVIIe et XVIIIe siècles,
période où académies savantes et salons aristocratiques deviennent des espaces clés
de la discussion scientifique (! 1666, p. 138).
167
1789 1800
Lavoisier, Invention de la pile
1769
Traité élémentaire de chimie électrique par Volta
Brevet
de la machine
à vapeur 1801
par Watt Méthode des moindres
carrés de Gauss
1784
Rejet du
magnétisme animal
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1770 1780 1790 1800 1810
1774 1804
Gouvernement Cuvier, Leçon
« éclairé par 1785 d'anatomie
la science » de Turgot Coulomb, Mémoires comparée
sur l’électricité
et le magnétisme
1810
Création de l’université
de Berlin
1791
Naissance
du mètre 1814
Laplace,
Essai philosophique
sur les probabilités
1794
Sophie Germain,
interdite d'entrée
à Polytechnique
1816 1859
Shelley, Frankenstein Darwin,
ou le Prométhée moderne L’Origine des espèces
1820
Œrsted, lien entre
électricité et magnétisme
1824 1856
Mise en place du « système Premier colorant
américain de production » artificiel par Perkin
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1833 1859
Lyell, Mise au point
Principes de géologie du spectroscope par
Bunsen et Kirchhoff
1865
1835 Lois de l’hérédité
Quetelet, Sur l'homme par Mendel
et le développement
de ses facultés
1869
Tableau périodique
des éléments
par Mendeleïev
1843
Joule, Sur l’équivalent
mécanique de la chaleur
1769 Watt dépose un brevet
pour une machine à vapeur
La machine de Watt
La vapeur provenant d’une
chaudière est introduite
dans un cylindre métallique Le début de l’anthropocène
et fait monter le piston. La
Le moteur de Watt, dont l’avantage principal est d’être
vapeur entre ensuite dans
le condenseur (installé dans plus économe en carburant que les machines à vapeur
la cuve) et s’y transforme en qui l’ont précédé, a l’effet paradoxal d’augmenter consi-
eau. Cette transformation dérablement la consommation de charbon à l’échelle
crée un vide dans le cylindre, mondiale. En effet, comme il est moins coûteux d’utili-
ce qui attire le piston vers
le bas. Les mouvements du
ser ces machines, un très grand nombre d’usines vont
piston actionnent la poutre les adopter à la fin du xviiie siècle et pendant tout le xixe
et la roue. siècle. Cela entraîne une utilisation accrue de charbon
Dessin de la machine de et une augmentation de la production de gaz à effets de
Watt actionnant une roue, serre qui changent l’atmosphère et les écosystèmes.
xviiie siècle.
D’après le chimiste et météorologue Paul Crutzen (né
en 1933), les inventions de James Watt marquent le
début d’une nouvelle ère géologique, l’anthropocène,
au cours de laquelle les hommes transforment pro-
fondément leur environnement terrestre.
Techniques et culture
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion 1848 Marx et Engels, Manifeste du parti communiste
1827 Première photographie de Niépce 1851 Exposition universelle à Londres
Première ligne télégraphique aux États-Unis 1843
1769 Un perruquier anglais brevette
un métier à filer
177
Techniques et culture
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion 1848 Marx et Engels, Manifeste du parti communiste
1827 Première photographie de Niépce 1851 Exposition universelle à Londres
Première ligne télégraphique aux États-Unis 1843
1774 Turgot dirige un gouvernement
« éclairé par la science »
Révolutionnaire
178 Le projet de Turgot est « révolutionnaire » : il veut abolir les corvées et les remplacer
par une taxe unique, soumettre la noblesse et le clergé à l’impôt, libéraliser le com-
merce et l’industrie… Libéral dans le domaine économique, il l’est aussi dans celui
des mœurs et de la pensée : il promet la liberté de conscience aux protestants, un
système de poids et mesure unifié (! 1791) et un vaste plan d’instruction publique.
❝
Il s’entoure de conseillers de l’Académie des sciences
(! 1666), dont Jean Le Rond d’Alembert, Charles Bossut Il ne craignait pas
(1730-1814) et Nicolas de Condorcet (1743-1794), à qui il de consulter les savants,
commande de vastes enquêtes scientifiques pour déci- parce qu’il ne craignait
pas la vérité. »
der, par exemple, de l’utilité d’un canal en Picardie.
Nicolas de Condorcet,
Vie de Monsieur Turgot, 1786.
Gouverner par la science
Non content de s’appuyer sur l’expertise des savants, Turgot adopte une approche
scientifique de l’art de gouverner. Auteur de Réflexions sur la formation et la distribu-
tion des richesses en 1766, il conçoit son programme de gouvernement comme la mise
en œuvre des doctrines de penseurs libéraux, les « physiocrates », qui ont pour
ambition de fonder une science de l’économie basée sur l’ordre de la nature. Mais
ces réformes se heurtent à des intérêts trop puissants : Turgot est congédié dès le
12 mai 1776.
❝
La question du canal de Picardie, qui pré-
occupe Turgot et Condorcet, se pose dans L’intérêt courant de
un pays qui prête de plus en plus d’atten- l’argent est le thermomètre
tion à l’aménagement de son territoire.
La construction de nouvelles routes et de
par où l’on peut juger de
l’abondance ou de la rareté 179
canaux permet de fluidifier le transport des
biens et des personnes. Crée en 1716, le des capitaux ; il est la mesure
corps des ponts et chaussée prend peu à de l’étendue qu’une nation
peu le contrôle de ces problématiques. Ses peut donner à ses entreprises
ingénieurs, formés dans une école établie en
1747, y reçoivent une éducation scientifique
de culture, de fabrique et de
solide. commerce. »
Diderot et D’Alembert, « Hydraulique », Turgot, Réflexions sur la formation
tome V des planches, Encyclopédie, 1767. et la distribution des richesses, 1766.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion 1848 Marx et Engels, Manifeste du parti communiste
1827 Première photographie de Niépce 1851 Exposition universelle à Londres
Première ligne télégraphique aux États-Unis 1843
1784 Les académiciens rejettent
le magnétisme animal
Un médecin attirant
Médecin réputé à Vienne, Franz Anton Mesmer développe une pratique médicale
basée sur l’existence d’un supposé « fluide magnétique » emplissant l’univers. En 1778,
il s’installe à Paris, où ses méthodes de guérison attirent de nombreux patients de la
haute société parisienne. Lettres et pamphlets recensent des centaines de guérisons,
et le mesmérisme, ou magnétisme animal, devient à la mode dans la capitale.
Malgré le soutien de personnalités influentes comme le médecin Charles Deslon
(1738-1786) et la reine Marie-Antoinette, les autorités médicales réagissent violem-
ment à ces méthodes et expulsent de la faculté les médecins partisans de Mesmer.
180 En 1784, le gouvernement met en place une commission royale dans le but d’exa-
miner l’efficacité du mesmérisme. Le chimiste Antoine Laurent Lavoisier (! 1789)
mène l’enquête aux côtés de quatre médecins de l’université de Paris et de quatre
membres de l’Académie des sciences, dont Benjamin Franklin (1706-1790).
La haute société se
réunit autour du baquet
Les traitements de Mesmer
Les médecines « alternatives »
consistent d’abord à appli- Le mesmérisme partage des similarités avec d’autres
quer des aimants sur le
corps du patient. Plus tard,
thérapies, dites « alternatives », qui émergent durant
Mesmer considère ce geste le xixe siècle et se caractérisent par l’insistance sur
superflu et agit directement l’individualisation des traitements, la popularité auprès
par sa présence. Devant l’af- des classes supérieures et les conflits avec l’establishment
flux de patients, il conçoit un
médical. On peut citer ici l’homéopathie de Samuel
« baquet magnétique » des-
tiné à des cures collectives. Hahnemann (1755-1843), qui tire son inspiration des
Le récipient, installé dans effets antipaludiques de la quinine et du succès des
son domicile, est censé accu- vaccins. Elle se base sur un principe de similarité suivant
muler du « fluide magné- lequel « les semblables sont guéris par les semblables »,
tique » que les patients
reçoivent en se saisissant
auquel s’ajoute une préférence pour les traitements en
de tiges métalliques. très petites doses. Comme Mesmer, Hahnemann est
Séance de baquet de décrié par la communauté médicale, mais son succès
Mesmer dans un salon de la auprès de l’élite fait perdurer ses méthodes jusqu’à
noblesse française au XVIIIe.
aujourd’hui. Un autre exemple est l’hydropathie, codifiée
par Vincent Priessnitz (1799-1851), qui consiste à traiter
les maladies par l’usage interne et externe de l’eau.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion 1848 Marx et Engels, Manifeste du parti communiste
1827 Première photographie de Niépce 1851 Exposition universelle à Londres
Première ligne télégraphique aux États-Unis 1843
1785 Coulomb « pèse » l’électricité
Curieuse électricité
Les manifestations électriques intriguent et inquiètent depuis longtemps, et nombre
d’amateurs éclairés se passionnent pour le sujet au XVIIIe siècle. Les émissions d’étin-
celles de lumière, l’attraction de petits morceaux de papier ou de feuilles d’or par
des tiges frottées sont admirées dans les salons, sur les boulevards et même à la
cour du roi. Moines et militaires y forment des chaînes humaines, en se donnant
la main, et sursautent en se transmettant de proche en proche une décharge élec-
trique. Donné en spectacle, le phénomène reste toutefois mal expliqué et peu contrô-
lable. Charles-Augustin Coulomb va alors s’appliquer à mesurer les forces en jeu.
182
Une « balance » électrique
Ingénieur militaire français, Coulomb cherche à appliquer les mathématiques aux
sciences de l’ingénieur. Il étudie notamment la torsion des fils et comprend son inté-
rêt pour mesurer des forces de répulsion, comme les forces électriques ou magnétiques.
Newtonien convaincu, il souhaite tester l’intensité de la force électrique qui est
pour lui, à l’image de la force de gravitation, une force centrale s’exerçant à dis-
tance. Son savoir-faire méticuleux le mène alors, en 1785, à élaborer une « balance »
de torsion de « la plus grande exactitude », lui permettant de mesurer l’intensité de
répulsion entre deux charges électriques de même polarité.
La naissance de l’électrostatique
Grâce au principe de sa balance, Coulomb soumet à l’analyse mathématique de nom-
breux effets de l’électricité statique et du magnétisme. Il rédige ainsi sept mémoires
entre 1785 et 1789 et énonce la loi de Coulomb. En l’honneur de ces travaux, l’unité de
charge électrique sera baptisée, cent ans plus tard, le coulomb (C).
Il faut attendre 1820 pour que Hans Christian Œrsted (! 1820) découvre, grâce
à la pile de Volta, l’effet inattendu de l’électricité sur une boussole. André Marie
Ampère (1775-1836) fonde alors le concept de courant et le domaine de l’électrody-
namique.
La balance de torsion,
modèle de précision
Une controverse électrique Deux petites balles de sureau
sont placées à proximité l’une
L’Encyclopédie (! 1751) décrit l’électricité comme de l’autre dans une enceinte
l’« effet d’une matière très fluide et très subtile » en verre. La première, fixe,
qui se transmet par contact. Mais existe-t-il une ou électrisée, touche la seconde
deux natures de fluides ? L’abbé Nollet (1700-1770), qui, suspendue à un fil très fin,
s’éloigne. En jouant sur la tor-
savant expérimentateur, conçoit des « affluences » sion du fil, on oblige les balles
et « effluences » de fluides de différente nature, et à se rapprocher. La torsion,
se trouve en cela grandement suivi. D’autres, comme proportionnelle à la force
Benjamin Franklin (1706-1790), savant et homme de répulsion, permet d’en
mesurer l’intensité. Coulomb
politique américain, considèrent que les effets élec-
montre ainsi que cette force
triques s’expliquent par excès ou défaut de charges est inversement proportion-
d’une seule nature. Aucune expérience ne permet alors nelle au carré de la distance
de trancher la question. Il faudra attendre 1897 et des deux charges.
l’identification du porteur de charge électrique, l’élec- Balance de Coulomb,
Mémoire de l’Académie royale
tron, pour connaître la vraie nature du flux électrique. des sciences, 1785.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Fourier, Théorie analytique de la chaleur 1840 Liebig, Chimie agricole 1856 Invention du premier colorant artificiel
1824 Carnot, Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines 1869
Tableau périodique des
1831 Première dynamo 1843 Joule, Sur l’équivalent éléments par Mendeleïev
électrique par Faraday mécanique de la chaleur
1789 Lavoisier révolutionne la chimie
Antoine-
En commençant par l’étude des gaz et des réactions
Laurent de de combustion, Antoine-Laurent de Lavoisier révolutionne
Lavoisier la chimie sur la base de la quantification et d’une réforme
1743-1794
intégrale de la nomenclature chimique.
Un traité révolutionnaire
À Paris, Antoine-Laurent de Lavoisier, jeune membre de l’Académie des sciences,
aborde l’étude des nouveaux airs dès 1772. Il commence alors par mettre en doute la
théorie standard de l’époque qui explique certaines réactions chimiques, et notam-
ment les combustions, par l’existence d’un fluide inflammable, le « phlogistique ».
Au-delà de la découverte des composants de l’air et de l’eau, qu’il identifie à la suite
de ces expériences, les recherches de Lavoisier se caractérisent par la précision des
mesures de réactifs et de produits issus de réactions chimiques. Doté d’un des labora-
toires de chimie les mieux équipés d’Europe, celui de l’Arsenal à Paris, ses contribu-
tions à la chimie sont à la fois techniques, expérimentales et épistémologiques.
Avec la publication de son Traité élémentaire de chimie en 1789, Lavoisier réforme
les approches de cette discipline. Ce manuel diffuse au sein des nouvelles généra-
tions de chimistes une nouvelle nomenclature chimique. Cependant, l’exécution de
Lavoisier en 1794, pendant la Terreur, laisse à ses collègues et disciples la tâche de
poursuivre cette réforme.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Fourier, Théorie analytique de la chaleur 1840 Liebig, Chimie agricole 1856 Invention du premier colorant artificiel
1824 Carnot, Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines 1869
Tableau périodique des
1831 Première dynamo 1843 Joule, Sur l’équivalent éléments par Mendeleïev
électrique par Faraday mécanique de la chaleur
1791 La Terre donne naissance
au mètre
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1821 Germain, 1830 Comte, Cours de philosophie positive 1851 1860 Découverte du césium
Recherches sur la Pendule de Foucault par Bunsen et Kirchhoff
théorie des surfaces 1835 Quetelet, Essai de physique sociale
élastiques
1843 Premier programme informatique par Lovelace
1794 Sophie Germain fait
des maths sous un pseudo
La métamorphose de M. Leblanc
❝
C’est donc sous l’identité de Leblanc que Sophie Ger- décrire mon admiration
main entame une correspondance avec certains pro- et mon étonnement, en
Comment vous
189
❝
Mathématiques au féminin
Pour les jeunes femmes attirées par Une jeune fille […]
les sciences, il a longtemps été plus n’a pas hésité à aborder
facile d’accéder aux mathématiques, la plus difficile de nos
qui n’exigent ni équipement dispen- agrégations classiques, celle de
dieux ni laboratoire, plutôt qu’aux autres mathématiques pures […]. Elle a
disciplines. Plusieurs ont laissé une obtenu le second rang, presque
trace dans l’histoire. Sans remonter à le premier, avec une supériorité
Hypathie (! 415), on peut citer les noms marquée sur les nombreux
d’Émilie Du Châtelet (! 1756), Maria candidats reçus après elle et
Agnesi (1718-1799), Mary Somerville dont la plupart vont être chargés
(1780-1872), Sofia Kovalevskaïa (1850- des cours les plus importants
1891), Emmy Noether (1882-1935), etc. dans nos lycées. »
À ce jour, Maryam Mirzakhani (1977- Discours de Charles Zévort, à l’inauguration
2017) est la seule qui, en 2014, ait reçu du lycée des jeunes filles du Havre, 1885.
la médaille Fields, la plus haute récom-
pense en mathématiques.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1821 Germain, 1830 Comte, Cours de philosophie positive 1851 1860 Découverte du césium
Recherches sur la Pendule de Foucault par Bunsen et Kirchhoff
théorie des surfaces 1835 Quetelet, Essai de physique sociale
élastiques
1843 Premier programme informatique par Lovelace
1796 Un jeune garçon échappe
à la variole grâce à une vache
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
Lyell, Principes de géologie 1833 1847 Mesures d’antisepsie de Semmelweis
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1799 Un naturaliste se fait écologue
Alexander
Lors d’un voyage en Amérique du Sud, le naturaliste
von allemand Alexander von Humboldt réalise des
Humboldt descriptions de paysages inédites. Il ouvre la voie à une
1769-1859
nouvelle sensibilité scientifique qui préfigure l’écologie.
La redécouverte de l’Amérique
Avec l’accord du roi d’Espagne, Alexander von Humboldt s’embarque pour un
voyage d’exploration dans les colonies américaines, qui ne durera pas moins de
cinq ans. Son périple commence au Venezuela, au cours de l’été 1799, et se termine
au Mexique, pendant l’hiver 1804.
Humboldt ne cherche pas à échantillonner des productions naturelles pour, plus
tard, les hiérarchiser au sein des classifications mais s’intéresse plutôt aux inte-
ractions des êtres vivants avec leur milieu. Ce changement d’approche redéfinit
la place du naturaliste, qui doit mettre sa compétence scientifique au service de la
192 compréhension globale des paysages.
❝
Bonpland au pied du volcan
Chimborazo, 1810.
C’est dans la beauté absolue des formes,
c’est dans l’harmonie et dans le contraste qui
naissent de leur assemblage, que consiste ce que
l’on nomme le caractère de la nature. »
Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland, Voyage aux régions
équinoxiales du Nouveau Continent, 1814.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
Lyell, Principes de géologie 1833 1847 Mesures d’antisepsie de Semmelweis
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1800 Volta invente la pile électrique
De la controverse à la pile
Alessandro Volta, professeur de physique expérimentale à l’université de Pavie,
n’est pas convaincu par la théorie de Galvani. Il avance l’idée que chaque métal
a une charge intrinsèque d’électricité : le courant est alors produit par le contact
entre les deux métaux, sans nul besoin de matière animale. En 1800, pour le démon-
trer, il empile des disques de cuivre et de zinc, séparés par des morceaux de carton
ou de tissu trempés dans une solution saline, et produit ainsi un courant élec-
trique. Il s’agit de la première pile électrique de l’histoire.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Fourier, Théorie analytique de la chaleur 1840 Liebig, Chimie agricole 1856 Invention du premier colorant artificiel
1824 Carnot, Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines 1869
Tableau périodique des
1831 Première dynamo 1843 Joule, Sur l’équivalent éléments par Mendeleïev
électrique par Faraday mécanique de la chaleur
1801 Gauss minimise les erreurs
et retrouve une planète
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1821 Germain, 1830 Comte, Cours de philosophie positive 1851 1860 Découverte du césium
Recherches sur la Pendule de Foucault par Bunsen et Kirchhoff
théorie des surfaces 1835 Quetelet, Essai de physique sociale
élastiques
1843 Premier programme informatique par Lovelace
1804 Une faune éteinte reprend
vie à Montmartre
L’art de la comparaison
Dès la fin du XVIIIe siècle, des ossements fossiles sont régulièrement découverts
dans les sous-sols de Montmartre, au cours de l’extraction du gypse. Le naturaliste
Georges Cuvier arrive à les identifier grâce à sa méthode d’anatomie comparée. Sa
grande connaissance de l’anatomie des espèces
actuelles l’aide à identifier celles du passé. Après
❝
Il faut se rappeler qu’au
l’observation minutieuse d’une seule dent, il début de M. Cuvier, la zoologie
est capable de décrire son propriétaire, avant se contentait de dire le nombre
même de le sortir de terre ! Lors des fouilles, des dents et des doigts. »
198 il attire ainsi une foule de curieux, désireux Lettre d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire
d’être témoins de son pouvoir de « divination ». à Alexandre Brongniart, 1832.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
Lyell, Principes de géologie 1833 1847 Mesures d’antisepsie de Semmelweis
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1809 Pour Lamarck, les espèces
sont plastiques
Le cou de la girafe
D’après cette théorie, les espèces se transforment au fil du temps pour s’adapter à leur
environnement. Les adaptations acquises au cours d’une génération sont alors trans-
mises à la suivante. Le naturaliste explique cette plasticité des espèces par la loi de
l’usage et du non-usage des organes, ces derniers ayant tendance à se développer s’ils
sont sollicités et à s’atrophier, voire à disparaître, dans le cas contraire. L’exemple de
la girafe, dont le cou s’allonge pour atteindre les feuilles les plus hautes, est devenu
emblématique des idées de Lamarck.
Un environnement d’influence
Aujourd’hui, l’épigénétique, discipline en plein
essor, s’intéresse aux mécanismes qui, sous
l’influence de l’environnement, modifient l’ex-
❝ L’influence
des circonstances
est effectivement, en
pression des gènes sans altérer leur séquence. tout temps et partout,
Le sexe des crocodiles et des tortues dépend agissante sur les corps
par exemple de la température d’incubation de qui jouissent de la
l’œuf. Et les abeilles, qui ont toutes le même vie, mais ces effets ne
patrimoine génétique, deviennent reine ou deviennent sensibles ou
ouvrière en fonction de la nourriture qu’elles reconnaissables qu’à la
reçoivent au cours de leur développement. suite de beaucoup de
L’hérédité n’est plus conçue comme une stricte temps. »
transmission de gènes au cours des généra- Jean-Baptiste de Lamarck,
tions, mais comme un mécanisme dynamique Philosophie zoologique, 1809.
sensible aux effets de l’environnement.
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
Lyell, Principes de géologie 1833 1847 Mesures d’antisepsie de Semmelweis
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1810 Une université moderne
voit le jour à Berlin
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1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion 1848 Marx et Engels, Manifeste du parti communiste
1827 Première photographie de Niépce 1851 Exposition universelle à Londres
Première ligne télégraphique aux États-Unis 1843
1814 Laplace décrit un monde
où tout est joué d’avance
La part du hasard
Laplace généralise à tous les phénomènes physiques l’idée newtonienne consistant
à exprimer les lois de la nature par des équations différentielles. L’une des caracté-
ristiques principales de ces équations est de décrire l’évolution dans le temps d’un
système physique si l’on en connaît l’état initial.
En apportant un fondement mathématique à l’idée de déterminisme déjà
présente chez les penseurs du XVIIIe siècle, Laplace donne à croire que le progrès des
connaissances permettra un jour de tout prévoir. Tout au moins pour une intelli-
gence fictive qui aurait une connaissance parfaite des conditions initiales et sau-
rait résoudre toutes ces équations. À ce compte, faut-il penser que même nos déci-
sions les plus intimes ne sont que la conséquence d’interactions prévisibles entre
molécules ? Tout serait-il joué d’avance ?
Au XXe siècle, la mécanique quantique (! dossier, p. 290-291) et le chaos détermi-
niste (! 1963) montreront les limites inhérentes au déterminisme laplacien.
205
❝
Un Newton à la française
Nous devons envisager Après la Révolution française, Laplace est
l’état de l’Univers comme l’effet de très vite convaincu que les savants ont
son état antérieur et la cause de ce aussi pour mission de s’impliquer dans
qui va suivre. Une intelligence qui, les affaires de la société. Membre de la
à un instant donné, connaîtrait commission chargée de créer le système
toutes les forces dont la nature est métrique en 1791, Laplace s’avère un sou-
animée et la situation respective tien indéfectible de Napoléon Bonaparte
des êtres qui la composent, […] (1769-1821) dont il sera brièvement le
embrasserait dans la même ministre. Il cherche à faire diffuser les
formule les mouvements des plus connaissances et participe avec enthou-
grands corps de l’univers et ceux siasme aux projets pédagogiques de cette
du plus léger atome ; rien ne serait période. De son cours à l’École normale de
incertain pour elle, et l’avenir, l’an III, il tire l’Exposé du système du monde
comme le passé, serait présent qui rencontre un large succès dans toute
à ses yeux. » l’Europe, au point qu’on le surnomme alors
Pierre-Simon de Laplace, Essai philosophique le Newton français.
sur les probabilités, 1814.
| | | | | |
1820 1830 1840 1850 1860 1870
1821 Germain, 1830 Comte, Cours de philosophie positive 1851 1860 Découverte du césium
Recherches sur la Pendule de Foucault par Bunsen et Kirchhoff
théorie des surfaces 1835 Quetelet, Essai de physique sociale
élastiques
1843 Premier programme informatique par Lovelace
1816 Une jeune anglaise imagine
une créature artificielle
| | | | | |
1820 1830 1840 1850 1860 1870
1822 Déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion 1848 Marx et Engels, Manifeste du parti communiste
1827 Première photographie de Niépce 1851 Exposition universelle à Londres
Première ligne télégraphique aux États-Unis 1843
1820 Un apothicaire fait tourner
les aiguilles d’une boussole
209
Techniques et culture
| | | | |
1770 1780 1790 1800 1810
1769 Brevet de la machine à vapeur par Watt Métier à tisser de Jacquard 1801
Positivement rebelle
Admis à l’École polytechnique en 1814, Auguste Comte fait de brillantes études. Mais
son caractère rebelle lui attire des ennuis et il se fait expulser de l’établissement
avec l’ensemble de sa promotion. Suivent des années difficiles, au cours desquelles
il devient secrétaire du comte Henri de Saint-Simon (1760-1825) et découvre grâce à
lui une vision de la société industrielle à l’origine du socialisme. Dès 1829, Comte
s’en inspire pour développer un nouveau système de pensée, en rupture avec la tra-
dition, basé sur les faits, et qu’il appelle la « philosophie positive ».
Mathématiques et astronomie
| | | | |
1770 1780 1790 1800 1810
Institution du système métrique 1795 1801 Gauss, Disquitiones arithmeticae
1799
Laplace, tome I du Traité de mécanique céleste
1814
Laplace, Essai philosophique sur les probabilités
215
L’astronomie,
un modèle à suivre
Positivisme Pour Comte, l’astronomie est la
seule science à avoir atteint le
L’épistémologie est la branche de la philosophie stade ultime du développement
qui cherche à porter un regard critique sur la philosophique. Débarrassée
des explications théologiques
méthode scientifique. Le positivisme postule que et métaphysiques, elle s’appuie
le progrès de l’esprit humain l’amène peu à peu à sur les observations pour pro-
se détacher de la recherche des causes premières poser des lois mathématiques
des phénomènes pour se consacrer à celle des qui ne s’intéressent plus au
« pourquoi » des choses, mais
lois de la nature, exprimées en langage mathéma-
seulement au « comment ». Tout
tique, par le moyen d’expériences et d’observa- comme Newton qui énonce la
tions répétées. Malgré ses dérives religieuses, le loi de la gravitation universelle,
positivisme aura une grande influence sur l’épis- sans forger d’hypothèse pour
témologie. Dans les années 1920, un groupe de chercher à l’expliquer (! 1687).
scientifiques et philosophes autrichiens forment Globes ayant appartenu
à Auguste Comte, Maison
le Cercle de Vienne et s’en inspirent pour promou- d’Auguste Comte, Paris.
voir l’empirisme logique, selon lequel seule la
connaissance basée sur des observations empi-
riquement vérifiables est réellement scientifique.
❝
Pour Lyell, l’histoire de la Terre est enregistrée
Les lois qui ont présidé dans les paysages. Dans son ouvrage, il constate
des ressemblances entre la nature et la structure 217
aux changements de la surface de dépôts récents, obtenus par dragage de l’Adria-
terrestre sont beaucoup plus tique, et celles de divers dépôts anciens italiens. Il
uniformes qu’[on] ne l’avait en conclut la similarité et la lenteur des processus
imaginé. » de formation des couches géologiques à travers le
temps, et définit ainsi les principes d’uniformita-
Charles Lyell, Principes de géologie, 1833. risme et d’actualisme.
Vue de la Valle del Bove, Etna,
Principes de géologie de Charles Lyell, 1833.
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1835 Adolphe Quetelet invente
l’homme « moyen »
Mathématiques et astronomie
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1770 1780 1790 1800 1810
Institution du système métrique 1795 1801 Gauss, Disquitiones arithmeticae
1799
Laplace, tome I du Traité de mécanique céleste
1814
Laplace, Essai philosophique sur les probabilités
219
❝
d’analyse des données. Les travaux de Francis
Galton (1822-1911), Karl Pearson (1857-1936) L’homme naît, se
et Ronald Fisher (1890-1962) produisent des développe et meurt d’après
concepts clés et des critères d’étude, comme certaines lois qui n’ont
le coefficient de corrélation ou le test du χ². jamais été étudiées dans leur
Cet ensemble de méthodes est couramment ensemble ni dans le mode de
utilisé de nos jours en biologie, en médecine, leurs réactions mutuelles. »
en sociologie ou en psychologie. Adolphe Quetelet, Sur l’homme et le
développement de ses facultés, 1835.
221
La naissance de l’énergie
De longue date, le principe métaphy- miques, Laplace et Lavoisier proposent
sique d’un invariant est recherché en de changer « les mots de chaleur libre
physique. En 1644, Descartes affirme […] [en] ceux de force vive ». Grâce à la
que le Créateur conserve ce qu’on convergence des idées d’une dizaine
appelle la quantité de mouvement. Leib- de savants de différentes spécialités, le
niz, lui, considère en 1692 que c’est concept d’« énergie » – proposé en 1847
la « force motrice » ou force vive (vis par Hermann von Helmholtz – s’impose
viva) qui est conservée en mécanique. comme invariant fondamental, par-delà
Concernant les manifestations ther- les domaines de la physique.
La preuve pastorienne
Louis Pasteur (1822-1895) étudie, entre contre la transmission des germes dans
autres sujets, la fermentation et réfute l’air en 1867, et Robert Koch (1843-1910)
l’hypothèse de la génération sponta- arrive à mettre en culture le bacille du
née des microbes (! 1859, p. 228). Ces charbon en 1876. Pasteur complète, en
travaux apportent de nouveaux argu- 1878, les préceptes de Lister en préci-
ments à la théorie microbienne des sant que les germes sont également
maladies, soutenue par divers auteurs apportés par contact. Ainsi, peu à peu,
au xixe siècle. Ainsi, le chirurgien Joseph se précisent les causes de transmission
Lister (1827-1912), se référant aux tra- des infections et les stratégies pour les
vaux de Pasteur, publie sa méthode éviter : l’antisepsie et l’asepsie.
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1856 Un étudiant fabrique
de la mauvéine
La mauvéine s’industrialise
Comprenant que la mauvéine a un vrai potentiel industriel, Perkin entreprend de
la faire breveter et de la commercialiser. À cette fin, il s’associe à son père et à son
frère pour créer une entreprise. En 1857, Perkin développe les procédés de fabrica-
tion de la mauvéine et construit une usine dans la région de Londres afin de la pro-
duire en grande quantité.
Il initie ainsi une course aux teintures artificielles dans laquelle son ancien pro-
fesseur, Hofmann, et d’autres chimistes allemands vont s’illustrer pendant les décen-
nies suivantes. Au mauve s’ajoutent bientôt des rouges, des jaunes, des bleus, des vio-
lets et des bruns qui révolutionnent le monde du textile et de la mode.
Mathématiques et astronomie
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1770 1780 1790 1800 1810
Institution du système métrique 1795 1801 Gauss, Disquitiones arithmeticae
1799
Laplace, tome I du Traité de mécanique céleste
1814
Laplace, Essai philosophique sur les probabilités
Spectre d’absorption,
❝
spectre d’émission
La découverte scientifique la Le spectre solaire (en haut) est continu, sauf
plus remarquable de l’année […] est pour quelques raies noires. Les six autres
sans contredit […] la méthode nouvelle spectres ne sont composés que de raies bril-
lantes caractéristiques des différents métaux 227
inaugurée par MM. Kirchhoff et Bunsen (de haut en bas : sodium, potassium, lithium,
[qui] est une des plus étonnantes calcium, strontium et baryum) saupoudrés
applications à la chimie des procédés dans la flamme du bec Bunsen. La concor-
de la physique. » dance des raies dans le spectre solaire
indique la présence de ces éléments dans
Louis Figuier, Année scientifique et industrielle, 1862. l’atmosphère du Soleil.
Planche de spectres d’éléments métalliques
extraite du Monde physique
d’Amédée Guillemin, 1882.
décisive. Il chauffe deux ballons en verre pour goutte d’eau […], j’ai éloigné
les débarrasser de toutes formes de vie et les d’elle les germes qui flottent
laisse à l’air libre pendant plusieurs semaines. dans l’air, j’ai éloigné d’elle la
Alors que des germes se développent dans le vie, car la vie c’est le germe et
premier ballon à col droit, aucun n’apparaît le germe c’est la vie. »
dans le second ballon à « col de cygne ». Et pour Louis Pasteur, Conférence à la Sorbonne,
cause, le col recourbé, imaginé par Pasteur, 1864.
empêche tout simplement l’arrivée de l’air, et donc des germes, à l’intérieur du bal-
lon. Cette expérience prouve que tout vivant provient du vivant (omne vivum ex vivo)
et pose les fondements de l’expérimentation en microbiologie.
À chaque maladie,
son micro-organisme
Pasteur devient célèbre grâce à l’ef- Le premier pathogène identifié
ficacité de son vaccin contre la rage.
En 1886, une souscription internatio- L’allemand Robert Koch (1843-1910) est
nale est lancée pour créer un insti- le premier à trouver une relation directe
tut antirabique, qui deviendra l’Insti- entre micro-organisme et maladie infec-
tut Pasteur en 1888. C’est dans cette
institution phare de la recherche en
tieuse. C’est en 1876, à travers l’étude de la
médecine et en microbiologie que maladie du charbon, une affection propre au
les disciples de Pasteur, tels Émile bétail qui peut également toucher l’homme,
Duclaux (1840-1904) et Émile Roux que le savant va faire le lien. Il découvre en
(1853-1933), mènent leur combat
effet, dans le sang des animaux infectés,
contre les maladies infectieuses.
une bactérie qui a l’apparence d’un petit
Albert Edelfelt, Louis Pasteur (détail),
1885. bâton et qu’il nomme Bacillus anthracis.
En 1882, il marque un nouveau jalon dans
la lutte contre les maladies infectieuses
avec la découverte du germe Mycobacte-
rium tuberculosis responsable de la tuber-
culose, désormais connu sous le nom de
« bacille de Koch ».
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale 1865
1859 La théorie de Darwin fait
évoluer les idées sur la vie
L’arbre de la vie
Aussi, d’après Darwin, toutes les espèces appartiennent au même arbre du vivant et
sont reliées par des ancêtres communs. Plus l’ancêtre commun est récent, plus les
espèces sont semblables. Plus il est ancien, plus les espèces présentent des divergences
remarquables. La vie n’est plus expliquée comme un acte particulier de création divine.
La première édition de L’Origine des espèces fait sensation. Tous les ouvrages sont
écoulés le jour même de la mise en vente. Mais si le public cultivé de l’époque
adhère instantanément à l’évolutionnisme, l’opposition des plus traditionalistes
et, surtout, de l’Église, est féroce. Il faudra attendre les apports de la génétique du
début du XXe siècle pour que le cadre théorique de Darwin soit conforté (! dossier,
p.288-289).
La sélection sexuelle
En même temps que leur survie,
les organismes vivants cherchent
à assurer leur reproduction. Pour
Darwin, la quête de partenaires
constitue un deuxième impératif,
une pulsion soumise à une sélec-
tion sexuelle. De nombreux traits
sont ainsi sélectionnés pour réus-
231
sir la conquête, de la queue du
paon à la dent du narval, en pas-
sant par la danse des paradisiers
ou le chant des grillons. Cette pres-
sion de sélection est à l’origine du
dimorphisme sexuel entre mâles
et femelles.
Oiseaux de paradis ou paradisiers,
le mâle présentant ici un plumage
jaune et blanc flamboyant, 1882.
❝
Dans la quiétude de l’abbaye
Passionné de botanique, Gregor Mendel réalise des
C’est à lui que
revient incontestablement
expériences de croisement sur des plantes dans le la découverte des lois
potager de l’ancien monastère augustinien de Brno, en essentielles de l’hérédité.
République tchèque. Interpellé par la régularité avec Doté d’un esprit
laquelle reviennent les formes hybrides, il cherche à mathématicien et opérant,
comprendre les mécanismes impliqués dans la trans- Mendel a su donner à
mission des caractères. Il choisit alors le petit pois ces lois une expression
comme modèle expérimental et présente une synthèse rigoureuse et définitive. »
232 de sa recherche à la Société des sciences naturelles de René Taton, Histoire générale
Brno en 1865 : Recherches sur des hybrides végétaux. des sciences, 1961.
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1865 Un vent nouveau souffle
sur la vie
❝
la fabrication et le stockage de sucres, une fonction
métabolique jusque-là considérée comme l’exclusivité
235
La méthode
des plantes. Bernard constate également que l’absorp- expérimentale n’est rien
tion des nutriments se passe dans l’intestin grêle, et
non dans l’estomac, et détermine l’action du suc pan-
d’autre qu’un raisonnement
créatique lors de la digestion. L’expérimentation pra- à l’aide duquel nous soumettons
tiquée in vivo sur des chiens, des lapins ou des rats se méthodiquement nos idées
révèle centrale dans l’élucidation de tous ces processus. à l’expérience des faits. »
Léon Augustin Lhermitte, Claude Bernard et ses élèves
au Collège de France, 1889. Claude Bernard, Introduction à l’étude
de la médecine expérimentale, 1865.
Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde 1855 1859 Darwin, L’Origine des espèces
Popularisation de la théorie microbienne par Pasteur 1859
1869 Mendeleïev met en ordre
les éléments
En quête de classement
Depuis le début du XIXe siècle, la chimie se développe comme une science quantita-
tive, basée sur l’idée que toute matière est composée d’un nombre limité d’éléments
aux propriétés chimiques spécifiques (! 1789).
Dans les années 1860, on connaît environ soixante éléments chimiques. Diffé-
rents scientifiques tentent alors d’expliquer certaines corrélations entre le poids
atomique et les propriétés chimiques à l’aide de tables ou de diagrammes.
Le Britannique John Newlands (1837-1898), par exemple, organise les éléments
par ordre croissant de poids atomique et observe que le huitième élément a des pro-
236 priétés semblables au premier, le neuvième au second, et ainsi de suite. En faisant
une analogie avec l’échelle musicale, il propose une « loi des octaves » en 1866.
Le spectacle de la science
Dès la fin du XVIIIe siècle, les sciences s’offrent en spectacle dans toutes les grandes
métropoles. Les ascensions de montgolfières donnent lieu à des rassemblements
populaires inédits. Réalisé au cours de séances publiques, le traitement électrique
ou magnétique des maladies offre de nouveaux espoirs. Les cabinets de lecture
240 et les cours publics, souvent gratuits, se multiplient pour qui veut apprendre les
mathématiques, l’astronomie, la chimie… Et c’est jusque dans les rues, dans les
foires et les cafés que vulgarisateurs ou charlatans attirent l’attention du public
vers les merveilles de la science.
241
Le merveilleux scientifique
Au xixe siècle, les merveilles de
la science et de la technique se
Marx, critique de la société industrielle retrouvent autant sur le devant
de la scène qu’en arrière-plan.
Karl Marx (1818-1883) est sans aucun doute le
Alors que le public se montre
penseur qui a produit la critique la plus incisive friand de spectacles qui pré-
de la société industrielle. Chacune à sa façon, la sentent les découvertes de la
philosophie matérialiste allemande, la pensée science contemporaine, de nou-
socialiste française et l’économie politique bri- velles machines, comme celle
qu’on peut apercevoir sur la
tannique cherchent déjà à tirer les conséquences gauche de cette gravure, pro-
des mutations sociales et techniques du début duisent de fabuleux effets spé-
du xixe siècle. S’inspirant de ces trois courants, ciaux qui captivent l’auditoire.
Marx considère que l’émergence du capitalisme Spectacle d’astronomie au
engendre un conflit de classe entre propriétaires théâtre de Henri Robin, 1864.
et ouvriers. Dans Le Capital, dont le premier tome
paraît en 1867, il cherche à fonder une science
de l’économie basée sur la notion de travail.
L’empire
des sciences
1870-1945
De multiples découvertes
révolutionnent les fondements
des sciences : l’atome dévoile sa
structure, le temps se dilate,
le vivant semble issu de la matière
inorganique… Les exploits de la
technique apparaissent tous les jours
plus incroyables : le phonographe
reproduit la voix humaine et la radio
la transmet, le cinéma anime les
images, l’avion s’envole et relie les
continents, et, bientôt, l’automobile
façonnera les territoires. Grâce à
sa suprématie technoscientifique,
l’Occident explore et soumet la quasi-
totalité de la Terre. Deux terribles
guerres mondiales font toutefois
douter de l’usage qu’on fait de cette
puissance.
Le Petit Journal illustré, 9 décembre 1923.
L’empire
des sciences
1870-1945
La belle époque des inventions
Dans la guerre franco-prussienne de 1870-1871, l’Allemagne
victorieuse s’appuie sur les techniques modernes comme le
chemin de fer et les canons en acier. Dès lors, la recherche
scientifique et l’innovation technique s’imposent comme
des enjeux vitaux en Europe, mais aussi aux États-Unis qui
viennent d’être ravagés par une terrible guerre civile (1861-
1865). De nouveaux procédés de fabrication de l’acier à
moindre coût permettent la construction d’édifices comme
la tour Eiffel mais aussi le développement rapide de lignes
de communication marines et ferroviaires.
244
Le télégraphe, qui relie les continents les uns aux autres,
impulse le développement de l’industrie électrique (! 1876)
puis celui de la radiophonie (! 1888, p. 252). On invente le
cinéma et l’avion (! 1908). Le moteur à explosion propulse
les automobiles, qui se démocratisent dès
les années 1920 avec Henry Ford (1863-1947).
La maîtrise du monde
Les sciences modernes étendent leur empire. Alors
que les laboratoires universitaires et industriels se
généralisent, les techniques expérimentales atteignent
de grandes précisions. Les découvertes techniques font
apparaître de nouveaux phénomènes, comme les ondes
électromagnétiques (! 1888, p. 252), les rayons X (! 1895,
p. 256) et de nouveaux paradigmes, comme celui de la
mécanique quantique (! dossier, p. 290-291). La chimie
lance de nouvelles industries : celle des teintures (! 1856),
des médicaments comme l’aspirine, des fertilisants
(! 1909), mais aussi celle des nouveaux explosifs (TNT,
dynamite) et des gaz de combat.
Avec les travaux de Louis Pasteur (1822-1895) et de Robert
Koch (1843-1910), on commence à mieux comprendre et
à mieux contrôler les maladies infectieuses. Dès la fin
du XIXe siècle, on a exploré l’ensemble des mers du globe :
les puissances occidentales se partagent l’Afrique et ont
les moyens militaires et techniques d’imposer leur
hégémonie globale.
Crises de confiance
En 1914, les horreurs de la Première Guerre mondiale
portent un coup sévère à la foi dans le progrès scientifique
et technique. Malgré les doutes, les États en guerre créent
de nouveaux organismes chargés de superviser la recherche
scientifique (! 1915). Les crises économiques de l’entre-deux-
guerres ne permettent pas toujours de concrétiser cette
volonté. Mais bientôt, la Seconde Guerre va accumuler les
innovations comme la transfusion sanguine, la production
industrielle de la pénicilline (! 1928), le développement
du radar, des premières fusées, des ordinateurs ou de la
bombe atomique (! 1945, p. 298 et 300). Plus que jamais,
les sciences montrent leur double visage, tantôt bénéfique
pour l’humanité, tantôt mortifère.
1898
1871 Découverte du radium
Étude des sciences occidentales et du polonium par
par la mission japonaise Iwakura Pierre et Marie Curie
1895
Découverte
des rayons X
par Röntgen
1888
Détection des ondes
électromagnétiques
par Hertz
| | | |
1870 1880 1890 1900
1897
Description du
réflexe conditionné
par Pavlov
1900
Hilbert pose les bases des
mathématiques modernes
1905
Einstein, théorie de la
relativité restreinte
1908 1928
Traité Découverte
mathématique de la pénicilline
sur l’aviation par Fleming
1909
Procédé Haber-Bosch
de synthèse de l’ammoniac
1915
Naissance
des politiques 1934
nationales de « Naissance »
recherches de Bourbaki
| | | |
1910 1920 1930 1940
1910
Morgan, théorie
chromosomique
de l’hérédité 1929
Observation de
l’expansion de
l’Univers par Hubble 1944
Théorisation
de l’économie
1932
Accélération de la
1919 recherche nucléaire
Confirmation de la avec le cyclotron
relativité par une
éclipse de Soleil
1871 Une mission japonaise étudie
les sciences occidentales
À bord de l’America
248 Le 23 décembre 1871, à Yokohama, plus d’une centaine de diplomates, d’officiers
militaires et d’intellectuels, accompagnés de leurs familles, embarquent à bord
de l’America à destination de San Francisco. Dirigée par l’ambassadeur Tomomi
Iwakura (1825-1883), la mission se rend d’abord aux États-Unis avant d’aller vers
l’Europe.
Pendant deux ans, les envoyés spéciaux visitent cours royales, champs de bataille,
usines et universités. Si la mission échoue concernant la renégociation des traités
inégaux, les informations collectées vont avoir une profonde influence sur le déve-
loppement des sciences et de la société japonaise.
Le Japon s’industrialise
Pendant qu’elle visite l’Écosse, la mission japonaise propose à un jeune ingénieur,
Henry Dyer (1848-1918), de venir à Tokyo pour y fonder une école impériale d’ingé-
nieurs. Bientôt, les étudiants japonais de l’école vont jouer un rôle de premier plan
dans l’industrialisation du pays.
L’un deux, Kunihiko Iwadare (1857-1941), part ainsi travailler pour les entreprises
d’Edison aux États-Unis (! 1876) et fonde, à son retour au Japon, la société NEC
(Nippon Electric Company). Après avoir produit des téléphones, la société devient
l’un des plus grands fabricants d’ordinateurs. Aujourd’hui, elle reste une référence
mondiale dans le secteur des semiconducteurs.
1875 Mise au point de la dynamo par Zenobe Gramme Premiers vols d’un avion des frères Wright 1903
249
Mission Iwakura
Nous sommes en 1871. La
mission Iwakura s’apprête à Nobel nippons
partir de Yokohama. La foule
accompagne l’ambassadeur
Lors de la guerre de 1905, le Japon surprend toute
qui embarque sur un grand l’Europe en battant la Russie, grâce notamment à
bateau à vapeur, l’America, sa maîtrise des technologies modernes. Après la
symbole de la puissance Seconde Guerre mondiale, les scientifiques japo-
occidentale que le Japon
nais rivalisent avec les Occidentaux. En 1949, le
compte étudier au cours de
cette mission. physicien Hideki Yukawa (1907-1981) obtient le
D’après Yamaguchi Hôshun, prix Nobel pour avoir prédit l’existence d’une nou-
La Mission Iwakura, 1893- velle particule élémentaire, le méson. Depuis, le
1971. Japon a récolté pas moins de vingt-quatre prix
Nobel scientifiques et reste, au xxie siècle, en tête
du palmarès, derrière les États-Unis.
Techniques
| | | |
1910 1920 1930 1940
1915 Mise au point du sonar par Langevin 1931 Invention du microscope électronique
Premier dispositif de télévision 1923 Première fusées V2 lancées par les Allemands 1944
Premières bombes atomiques 1945
1876 Edison se lance dans la
recherche industrielle
Thomas Edison est à l’origine d’inventions majeures
Thomas comme le phonographe ou les réseaux électriques.
Edison Mais c’est aussi l’un des premiers à créer un centre
1847-1931
de recherche et développement entièrement dédié
à l’innovation. Une véritable « usine à inventions ».
Mille et un métiers
Thomas Edison entre dans le monde du travail dès l’âge de neuf ans. Il exerce toutes
sortes de métiers : vendeur de journaux et de confiseries dans les trains, vendeur
de légumes… puis opérateur télégraphiste. À cette époque, en 1860, la télégraphie
est une technologie de pointe et Edison, en autodidacte, devient vite un expert. Il
conçoit alors un appareil pouvant envoyer quatre messages simultanément sur la
même ligne ! La vente du brevet sur cette invention lui permet de construire un
laboratoire de recherche industrielle à Menlo Park, dans l’État du New Jersey, où
il s’installe en 1876.
250
Le sorcier de Menlo Park
Ce laboratoire est composé d’une bibliothèque, de laboratoires de chimie et de
physique et d’un atelier de mécanique. L’objectif est alors de réaliser une « petite
invention » tous les dix jours et une « grande invention » tous les six mois. Parmi
les centaines d’inventions qu’Edison et son équipe font à Menlo Park, de 1876 à 1881,
le phonographe est sans doute celle qui a le plus grand retentissement. Cet appareil
permet en effet d’enregistrer la voix humaine, une prouesse qui fascine ses contem-
porains. Edison est désormais connu sous le nom du « sorcier de Menlo Park ».
1875 Mise au point de la dynamo par Zenobe Gramme Premiers vols d’un avion des frères Wright 1903
Une ampoule longue durée
Thomas Edison n’est pas l’in-
Métier : inventeur 251
venteur de l’ampoule électrique.
D’autres modèles avaient été
conçus avant le sien. Mais en Au xixe siècle, un inventeur n’est ni un ingénieur,
1879, Edison met au point une ni un scientifique, même s’il peut en employer. Il
ampoule dotée d’une fibre de appartient à une catégorie à part. C’est un profes-
coton carbonisée, qui rallonge la
sionnel de l’invention, qui identifie les principaux
durée de vie et réduit le coût de
fabrication. Elle est un composant problèmes techniques qui se posent à l’époque
essentiel de son nouveau système et leur apporte des solutions. Il obtient des bre-
d’éclairage électrique. vets sur ses inventions, qu’il revend ensuite ou
Le laboratoire d’Edison, qu’il exploite au sein de sa propre entreprise.
à mi-chemin entre New York
et Philadelphie.
Aux États-Unis, des centaines de personnes
vivent de l’invention pendant la seconde moitié du
xixe siècle. Edison est le plus connu de ces inven-
teurs. Il est aussi celui qui obtient le plus grand
nombre de brevets avec plus de mille titres !
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1910 1920 1930 1940
1915 Mise au point du sonar par Langevin 1931 Invention du microscope électronique
Premier dispositif de télévision 1923 Première fusées V2 lancées par les Allemands 1944
Premières bombes atomiques 1945
1888 Hertz émet de bonnes ondes
De la théorie à la pratique
Dans les années 1860, James Clerk Maxwell (1831-1879) met en équation les interac-
tions qui lient champ électrique et champ magnétique. En 1865, il prédit l’exis-
tence d’ondes associées à ces champs dits électromagnétiques, se propageant à une
vitesse proche de celle de la lumière : les ondes électromagnétiques. Mais ces for-
mules mathématiques expriment-elles une réalité physique ? Ces ondes existent-
elles vraiment ? Cela reste à prouver. C’est la tâche à laquelle s’attelle le physicien
Heinrich Hertz, grâce à un montage expérimental original.
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1910 1920 1930 1940
1911 Découverte de la supraconductivité 1927 Hypothèse d’un univers en expansion par Georges Lemaître
par Kamerlingh-Onnes
1919 Confirmation de la relativité 1935 Prédiction de l’existence
par une éclipse de Soleil du muon par Yukawa
1943 Première pile atomique à Chicago
1888 Un médecin espagnol peint
des neurones
Un monde de cellules
Dans les années 1830, les biologistes allemands Matthias Jakob Schleiden (1804-
1881) et Theodor Schwann (1810-1882) concluent que les plantes et les animaux sont
constitués de petites unités structurales et fonctionnelles : les cellules. Plus tard, le
médecin Rudolf Virchow (1821-1902) montre que celles-ci sont aussi l’unité de déve-
loppement du vivant, toute cellule provenant d’une autre cellule. Dès la seconde
moitié du XIXe siècle, la théorie cellulaire est donc formulée et acceptée par l’en-
semble de la communauté savante. Une seule question demeure cependant sans
réponse : quelle est la véritable nature du système nerveux ?
254
Cap sur les neurones
À la fin du XIXe siècle, il est couramment accepté que le système nerveux est consti-
tué d’un réseau continu de fibres nerveuses (théorie réticulaire). Grâce à de très
nombreuses observations sous microscope et à des dessins tout aussi nombreux, le
médecin Santiago Ramón y Cajal montre en 1888 que les nerfs des animaux sont
constitués de cellules individualisées – baptisées « neurones » en 1891 par Heinrich
Wilhelm Waldeyer –, connectées entre elles par des espaces appelés « synapses ».
Comme le reste des tissus, le système nerveux a donc une nature cellulaire. L’uni-
versalité de la théorie cellulaire, l’un des piliers de la biologie moderne, se confirme.
Invention du vaccin contre la rage par Pasteur 1885 Redécouverte des travaux de Mendel 1900
L’objectivité prend
forme
Jusque-là, les naturalistes
représentent une préten-
due vérité d’après nature.
L’exemple concret est
négligé au bénéfice d’un
archétype idéal, en réa-
lité inexistant, censé réunir
toutes les caractéristiques
de l’objet d’étude (espèce,
organe, tissu, etc.). À l’op-
posé, la démarche de Cajal,
guidée par un souci d’objec-
tivité, ne tient compte que du
cas particulier. Il fait ainsi
de sa propre main environ
2 900 dessins de cellules
nerveuses, uniques et par-
faitement fidèles à ce qu’il
voit au microscope.
Dessin d’un neurone et de
ses milliers de dendrites
dans le cortex cérébelleux
humain, Santiago Ramón y
Cajal, 1899.
255
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1910 1920 1930 1940
1910 Morgan, théorie chromosomique de l’hérédité 1928 Découverte de la pénicilline par Flemming
1918 Grande pandémie de grippe « espagnole » 1937 Theodosius Dobzhansky,
Genetics and the Origin of Species
L’évènement
de la radiographie
Les usages des rayons X
Les premières radiographies
requièrent des temps d’exposition Dans un de ses articles, Röntgen mentionne déjà
très longs, de plusieurs dizaines quelques applications possibles de sa découverte :
de minutes, ce qui expose les pre-
miers radiologues à de graves
l’imagerie médicale, le contrôle de qualité indus-
brûlures et à des cancers. De triel – qui permet aujourd’hui de détecter certains
grandes avancées sont réalisées défauts dans des structures métalliques – et le
dans le domaine de la radiopro- contrôle de bagages. Pour la recherche scienti-
tection grâce aux progrès de l’ins-
fique, l’application la plus importante est la dif-
trumentation et, en premier lieu,
au tube de Coolidge. Inventée en fraction des rayons X, découverte en 1913 par Max
1913, cette « ampoule » permet von Laue (1879-1960), qui permet de déterminer
de contrôler avec précision l’in- la structure cristalline, la composition chimique
tensité et l’énergie des rayons X et les propriétés des matériaux. C’est grâce à elle
émis.
que l’on a pu mettre en évidence la structure en
Radiologie des poumons pour
dépister la tuberculose, 1920. double hélice de l’ADN (! 1953).
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1910 1920 1930 1940
1913 Modèle de l’atome de Niels Bohr 1925 Équation de Schrödinger 1934 « Naissance » de Bourbaki
1917 Einstein, théorie de la relativité générale 1937 Machine universelle
de Turing
1895 Svante Arrhenius annonce
le réchauffement de la planète
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1910 1920 1930 1940
1911 Découverte de la supraconductivité 1927 Hypothèse d’un univers en expansion par Georges Lemaître
par Kamerlingh-Onnes
1919 Confirmation de la relativité 1935 Prédiction de l’existence
par une éclipse de Soleil du muon par Yukawa
1943 Première pile atomique à Chicago
1897 Pavlov fait baver les chiens
Ivan
En étudiant les chiens de son laboratoire au moment
Petrovitch du repas, Ivan Pavlov met en évidence le réflexe
Pavlov conditionné et suppose, à juste titre, qu’il est gouverné
1849-1936
par le système nerveux central.
À table !
Ivan Petrovitch Pavlov, médecin et physiologiste russe, s’intéresse à l’influence des
mécanismes nerveux sur la digestion. En 1897, il observe un comportement inat-
tendu chez les chiens de son laboratoire. Les animaux se mettent à baver avant
même que leur gamelle ne leur soit apportée ! Le chercheur décide de mettre en
place une expérience pour étudier le phénomène.
Il commence par équiper les chiens d’une petite fiole pour noter de façon précise
le moment où la salive est sécrétée. Il fait alors retentir le son d’une cloche avant
qu’un succulent repas de viande ne leur soit servi. On répète plusieurs fois l’expé-
260 rience et on note que les animaux finissent par saliver dès le signal sonore, avant
même qu’on ait apporté la viande. Pavlov parle de « réflexe conditionné ».
Le réflexe de Pavlov
En menant ces expériences, Pavlov distingue deux types de réflexe. L’aliment, par son
odeur et son apparence, déclenche spontanément chez l’animal un « réflexe incon-
ditionné » de salivation, associé à la sécrétion de suc digestif. À l’opposé, le son de la
cloche déclenche un « réflexe conditionné » de salivation chez le chien qui aura asso-
cié ce stimulus à la nourriture. Ce réflexe ou conditionnement pavlovien est considéré
aujourd’hui comme un aspect fondamental de l’apprentissage.
Invention du vaccin contre la rage par Pasteur 1885 Redécouverte des travaux de Mendel 1900
Expérimentation animale
sous surveillance
Du chien à l’homme
Depuis l’émergence de la phy-
siologie au xixe siècle, la vivi- Les travaux de Pavlov sur les réflexes condi- 261
section est pratique courante
tionné et inconditionné influencent fortement la
dans les laboratoires. Soucieux
du bien-être animal, le Conseil psychologie humaine pendant la deuxième moi-
de l’Europe propose en 1986 tié du xxe siècle. À travers l’analyse du compor-
une convention visant à réduire tement observable, les psychologues comporte-
les expériences et le nombre mentalistes s’intéressent dès lors aux interactions
de vertébrés utilisés à des fins
expérimentales. Aucune régle-
historiquement construites entre les humains
mentation ne voit le jour pour et leur environnement sans faire appel au psy-
les invertébrés, hormis pour chisme. La raison et l’émotion sont écartées au
les céphalopodes (pieuvre, moment d’étudier l’influence de l’environnement
seiche, etc.) considérés comme
physique, biologique et social sur l’individu. Les
des animaux intelligents.
thérapies comportementales permettent ainsi le
Ivan Pavlov (au centre) avec
ses assistants et ses étudiants traitement de troubles comme l’anxiété, l’addic-
à l’Académie militaire tion ou les psychoses.
impériale de médecine de
Saint-Pétersbourg, 1912-1914.
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1910 1920 1930 1940
1910 Morgan, théorie chromosomique de l’hérédité 1928 Découverte de la pénicilline par Flemming
1918 Grande pandémie de grippe « espagnole » 1937 Theodosius Dobzhansky,
Genetics and the Origin of Species
Un tandem brillant
À l’École de physique et de chimie industrielles de Paris, le couple Pierre et Marie
Curie reprend les travaux de Becquerel. Marie Curie étudie alors la radiation de la
pechblende, un minerai d’uranium particulièrement actif, à l’aide du quartz pié-
zoélectrique inventé par Pierre Curie pour mesurer de faibles courants électriques.
En 1898, la chimiste découvre que la pechblende contient deux nouveaux élé-
ments chimiques : le polonium, qu’elle nomme ainsi en l’honneur de son pays d’ori-
gine, et le radium. C’est ainsi l’émission des rayons uraniques – qu’elle nommera
radioactivité et dont la découverte vaudra au couple Curie et à Becquerel le prix
Nobel de physique de 1903 –, qui permet de révéler ces éléments.
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1910 1920 1930 1940
1911 Découverte de la supraconductivité 1927 Hypothèse d’un univers en expansion par Georges Lemaître
par Kamerlingh-Onnes
1919 Confirmation de la relativité 1935 Prédiction de l’existence
par une éclipse de Soleil du muon par Yukawa
1943 Première pile atomique à Chicago
1900 À la Sorbonne, un mathématicien
pose problèmes
Un siècle de recherches
Les nombreux travaux de recherche inspirés par les problèmes de Hilbert pendant
un siècle montrent l’incroyable fécondité de l’interaction entre mathématique et
logique. Des vingt-trois problèmes énoncés en 1900, on considère que seuls trois restent
à résoudre, dont la fameuse conjecture de Riemann, l’un des problèmes les plus com-
plexes des mathématiques. S’inspirant de Hilbert, l’Institut de mathématiques Clay
reprend ce problème parmi les sept défis du Prix du millénaire posés en 2000. Signe
des temps : il y a maintenant un million de dollars à la clé pour qui le résoudra !
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1910 1920 1930 1940
1913 Modèle de l’atome de Niels Bohr 1925 Équation de Schrödinger 1934 « Naissance » de Bourbaki
1917 Einstein, théorie de la relativité générale 1937 Machine universelle
de Turing
1905 Albert Einstein vit
une année extraordinaire
De la technique à la théorie
Formé à la prestigieuse École polytechnique de Zurich, Albert Einstein travaille
depuis 1902 à l’Office des brevets de Berne. Il est chargé d’examiner les brevets
de dispositifs électrotechniques et, en particulier, des systèmes de synchronisa-
tion d’horloges. Ces travaux, combinés à une réflexion philosophique sur les fon-
dements de la mécanique inspirée par la lecture du physicien et philosophe Ernst
Mach (1838-1916), le conduisent à écrire quatre articles révolutionnaires.
Du restreint au général
La théorie de la relativité restreinte
veut réconcilier la mécanique de Un savant engagé
Newton avec les lois de l’électroma-
gnétisme énoncées par James Clerk Einstein est un savant engagé qui n’hésite
Maxwell (! 1888). Cette exigence pas à participer aux débats politiques de son
conduit Einstein à se débarrasser temps. Après l’élection d’Adolf Hitler en 1933, il
de quelques idées chères aux physi- quitte l’Allemagne et se réfugie aux États-Unis.
ciens avant lui, comme les concepts
de temps et d’espace absolus ou l’exis-
Bien qu’il recommande au président Roosevelt
tence de l’éther, un fluide censé rem- de poursuivre des recherches sur la fission
plir l’espace et servir de support maté- nucléaire, il devient après la guerre un des réfé-
riel aux ondes électromagnétiques. En rents de l’opposition aux armes atomiques. Ainsi,
1915, il élabore une théorie de la relati-
en 1955 il signe avec le philosophe Bertrand
vité générale qui lui permet d’expliquer
l’attraction gravitationnelle comme le Russell (1872-1970) l’un des plus importants
résultat des propriétés mathéma- manifestes pour le désarmement nucléaire.
tiques de l’espace-temps (! 1919). Ses nombreuses prises de position contre le
Horloge de la mairie de Berne, ville racisme, le militarisme et le nationalisme lui
où Einstein a conçu sa théorie de la
relativité. valent d’être secrètement surveillé par le FBI.
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1910 1920 1930 1940
1913 Modèle de l’atome de Niels Bohr 1925 Équation de Schrödinger 1934 « Naissance » de Bourbaki
1917 Einstein, théorie de la relativité générale 1937 Machine universelle
de Turing
1908 Le mathématicien Painlevé
fait décoller l’aviation
À en perdre sa casquette
Le 10 octobre 1908, au camp d’Auvours près du Mans, l’avion des frères Orville et Wil-
bur Wright, le Flyer, s’élance devant plus de vingt milles spectateurs. Dans l’appareil,
le mathématicien Paul Painlevé, représentant de l’Académie des sciences, est chargé
d’authentifier le vol. Alors que l’avion prend de la vitesse, sa casquette s’envole. D’un
geste brusque, il tente de la rattraper et coupe le cordon d’allumage. Furieux, Wilbur
Wright s’attelle à la réparation. Au second essai, l’avion reste en l’air plus d’une heure,
battant ainsi le record du monde du plus long vol mécanique.
Naissance de l’aérodynamique
Après son premier vol, Painlevé entreprend d’écrire, avec le mathématicien Émile
Borel (1871-1956), un traité grand public sur l’aviation qui paraît en 1910. Si leurs
calculs n’en contredisent plus la possibilité, ils sont encore bien loin d’une théo-
rie complète du vol aérien. Ce rapprochement des mathématiques et de l’aéronau-
tique annonce l’essor d’une discipline d’avenir, fille de l’étude des écoulements des
fluides, l’aérodynamique. Malgré sa complexité, cette discipline permet le dévelop-
pement de l’aviation au XXe siècle.
Techniques
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1870 1880 1890 1900
1869 Ouverture du canal de Suez 1889 Tour Eiffel 1895 Cinéma des frères Lumière
1875 Mise au point de la dynamo par Zenobe Gramme Premiers vols d’un avion des frères Wright 1903
Le temps de l’envol
❝
Il fallait un certain courage pour accep-
Le progrès ne peut naître que de la ter de prendre place dans un avion en 269
coopération entre la théorie et la pratique. 1908. Et Paul Painlevé n’en manquait
visiblement pas ! Quelques jours après
Dans cette coopération, le rôle de la l’exploit des frères Wright de 1908, on
théorie se réduit à fournir des indications le retrouve ainsi au côté de l’aviateur
[…] ; c’est toujours l’expérience qui doit Henri Farman (1874-1958) à bord de
avoir le dernier mot ; mais le rôle de la son biplan Voisin.
théorie […] n’en est pas moins essentiel, Paul Painlevé (à droite) et Henri Farman,
Châlons-sur-Marne, 28 octobre 1908.
et il serait injuste de l’oublier. »
Paul Painlevé et Émile Borel, L’Aviation, 1910.
Techniques
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1870 1880 1890 1900
1869 Ouverture du canal de Suez 1889 Tour Eiffel 1895 Cinéma des frères Lumière
1875 Mise au point de la dynamo par Zenobe Gramme Premiers vols d’un avion des frères Wright 1903
271
La naissance de l’agronomie
C’est à partir du second tiers du
xixe siècle que des méthodes scienti- La guerre chimique
fiques sont systématiquement appli-
quées à l’agriculture. L’agronomie
Au début de la Première Guerre mondiale,
se développe rapidement, donnant Fritz Haber souhaite contribuer à l’effort de
lieu à la création de nouvelles insti- guerre militaire allemand. Travaillant d’abord
tutions de recherches, les stations à l’amélioration de combustibles, Haber et ses
agronomiques. Des programmes de
collaborateurs de l’Institut Kaiser-Wilhelm
recherches, comme celui mené par le
chimiste allemand von Liebig à l’uni- de chimie physique et d’électrochimie déve-
versité de Giessen, sont centraux pour loppent bientôt de nouvelles armes chimiques
le développement de la chimie et son à partir du chlore. En janvier 1915, la première
application à l’agriculture (! 1824, offensive à grande échelle a lieu à Bolimov
p. 212).
(Pologne) et, en avril de la même année, le
chlore est utilisé pour la première fois à la
bataille d’Ypres. Le rôle clé joué par Haber
dans la production de ces armes jette une
ombre sur le prix Nobel qui lui est accordé en
1918 pour la synthèse de l’ammoniac.
Thomas
Une équipe de scientifiques nord-américains dirigée
Hunt par Thomas Hunt Morgan identifie le siège de l’hérédité
Morgan et établit la première cartographie génétique d’un être
1866-1945
vivant, celle de la mouche du vinaigre.
Biologie et médecine
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1870 1880 1890 1900
1871 Darwin, La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe 1890 Découverte des fossiles d’Homo erectus à Java
1878 Invention du mot « microbe » par Sédillot Découverte des groupes sanguins 1900
Invention du vaccin contre la rage par Pasteur 1885 Redécouverte des travaux de Mendel 1900
273
Face à l’urgence
Quand le conflit éclate en août 1914, l’état-major français imagine que la guerre
sera de courte durée et, face à l’urgence de la situation, néglige complètement la
recherche scientifique et technique. À Paris, l’Académie des sciences, qui se met au
service de la défense nationale, n’est guère sollicitée par le gouvernement. Avec la
stabilisation du front et le début de la guerre des tranchées, les choses changent :
on se met alors à rêver à l’arme décisive qui offrira la victoire…
La science nationalisée
Comme la France, tous les pays développés adoptent première fois […] que
alors des politiques nationales de recherches et de dans un document
❝ C’est la
Techniques
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1870 1880 1890 1900
1869 Ouverture du canal de Suez 1889 Tour Eiffel 1895 Cinéma des frères Lumière
1875 Mise au point de la dynamo par Zenobe Gramme Premiers vols d’un avion des frères Wright 1903
275
Médecine de guerre
La Première Guerre mondiale est
sans doute le premier conflit où
les armes tuent davantage que les
maladies et les famines. Et pour
cause, la médecine et la chirur- Dans les airs et sous les mers
gie ont progressé. L’antisepsie,
la vaccination et la transfusion
Pendant la Première Guerre mondiale, les
sanguine se démocratisent tan- progrès techniques permettent aux zones de
dis qu’apparaissent de nouvelles combat de s’étendre bien au-delà des champs
techniques d’imagerie. En France, de bataille traditionnels. Dans les airs, tandis
la physicienne Marie Curie (! 1898)
que les zeppelins bombardent les populations
développe des unités mobiles
de radiographie, auxquelles sa civiles, les avions servent à identifier les
fille Irène apporte un concours cibles de l’artillerie. Dans les profondeurs de
déterminant. l’océan, les sous-marins traquent les navires.
Irène Joliot-Curie parmi les Pour aider la marine française à se défendre
infirmières en radiologie formées
à l’Institut du radium, 1917.
contre ces attaques, l’ingénieur d’origine russe
Constantin Chilowski et le physicien français
Paul Langevin (1872-1946) imaginent en 1917
un système de détection à base d’ultrasons
qui, plus tard, deviendra le sonar.
Le triomphe d’Einstein
Le 7 novembre 1919, le quotidien anglais The Times est le premier à porter Einstein
aux nues en titrant l’un de ses articles : « Révolution en sciences : Une nouvelle
théorie de l’Univers, les idées de Newton renversées ». Einstein profitera de cet
engouement pour diffuser ses travaux postérieurs sur les implications cosmolo-
giques de la relativité et sur une théorie unificatrice des lois de la physique.
❝ La théorie d’Einstein
triomphe, l’espace est
tordu. »
des laboratoires Bell (! 1947) du rayonne-
ment du fond cosmique dans le domaine des
micro-ondes – un rayonnement fossile pré-
dit par la théorie du big bang – revigore cette
The New York Times, 9 novembre 1919. interprétation qui fait aujourd’hui consensus
en astrophysique.
La formule de l’espoir
En 1939, onze ans après la découverte de Fleming, le biochimiste Ernst Boris Chain
(1906-1979) et le pharmacologue Howard Walter Florey (1898-1968) arrivent à établir
la structure moléculaire de la pénicilline et caractérisent sa composition chimique.
C’est à partir de ce moment-là, en pleine guerre mondiale, que la production indus-
trielle de l’antibiotique débute aux États-Unis. Avec la pénicilline débute ainsi l’âge
d’or des antibiotiques, principaux outils de la lutte contre les infections.
Biologie et médecine
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1870 1880 1890 1900
1871 Darwin, La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe 1890 Découverte des fossiles d’Homo erectus à Java
1878 Invention du mot « microbe » par Sédillot Découverte des groupes sanguins 1900
Invention du vaccin contre la rage par Pasteur 1885 Redécouverte des travaux de Mendel 1900
279
L’émergence des
« superbactéries »
À partir des années 1940, des souches Science ou hasard ?
bactériennes résistantes aux antibio-
tiques sont détectées en milieu hos- La découverte de la pénicilline par Fleming
pitalier. En effet, en réaction à l’abus est présentée comme un exemple typique
d’antibiotiques pour les hommes
comme pour les animaux, les bacté-
de sérendipité, c’est-à-dire comme la consé-
ries ont développé des mécanismes quence heureuse d’une circonstance inat-
de défense vis-à-vis des molécules tendue et non recherchée. Cependant, la
qui sont censées les détruire (sulfa- transformation du simple hasard en résultat
mides, pénicillines, tétracyclines…).
scientifique nécessite toujours des connais-
En 2015, l’Organisation mondiale de
la santé présente l’antibiorésistance sances pertinentes et une méthodologie adap-
comme l’un des plus grands défis tée. Un cas similaire a été celui du Viagra, une
sanitaires à relever au xxie siècle. molécule initialement testée pour combattre
Vue au microscope électronique de l’angine de poitrine et qui, finalement, s’est
staphylocoques dorés résistants
à la méticilline (jaune) tuant et
avérée le remède le plus efficace pour com-
s’échappant de globules blancs battre l’impuissance grâce à son effet stimu-
humains (rouge). lateur de l’érection.
❝ Toute la matière
de l’univers a été créée
dans la grande explosion
sans doute l’incroyable beauté des structures
révélée qui frappe les imaginations… et
continuera de le faire jusqu’en 2021. Après
quoi Hubble prendra une retraite bien méritée,
[big bang] dans le passé remplacé par le télescope James Webb,
lointain. » beaucoup plus puissant.
Fred Hoyle à la BBC, 28 mars 1949.
Ernest
Le cyclotron inventé par Ernest O. Lawrence est un des
Orlando instruments clés de la physique nucléaire qui émerge
Lawrence dans les années 1930. Il marque aussi un tournant
1901-1958
dans les formes d’organisation de la science.
❝ L’époque où le scientifique,
aussi dévoué soit-il, pouvait faire
des progrès significatifs seul et
dont le projet Manhattan (! 1945) est un
bon exemple.
❝
Originaire de Vienne, l’économiste Oskar
286 Morgenstern (1902-1977) séjourne ainsi à On ne peut arriver
Princeton au moment de l’annexion de l’Au- à l’énoncé exact et à la
triche en 1938 et décide d’y rester. Après avoir solution [des problèmes
écrit un article sur l’application de la théorie d’économie] qu’à l’aide de
méthodes mathématiques qui
des jeux à l’économie, Morgenstern sollicite
divergent considérablement
l’avis de von Neumann. De fil en aiguille, c’est des techniques employées par
un livre entier qu’ils écrivent en 1944 : Théorie des l’économie mathématique
jeux et comportement économique. d’hier ou d’aujourd’hui. »
John von Neuman et Oskar Morgenstern,
L’économie et la théorie des jeux Théorie des jeux et comportement
économique, 1944.
Dans la conception de l’économie de Morgenstern
et von Neumann, les « jeux » désignent toute situation d’interaction dans laquelle
plusieurs individus disposent d’un ensemble de choix, appelés stratégies, qui leur
permettent d’obtenir des « gains » à maximiser. Cette approche renouvelle sensible-
ment les méthodes des économistes et contribue à diversifier leurs outils mathé-
matiques : algèbre, combinatoire et probabilités viennent compléter le traditionnel
calcul différentiel. Rapidement, le succès de la théorie des jeux dépasse largement
la discipline économique. Les élections, l’évolution des espèces, la sociologie des
organisations, ou même la stratégie de la guerre nucléaire seront étudiées de cette
manière.
La synthèse néodarwinienne
C’est dans les années 1930 que la théorie darwinienne de l’évolution et la génétique
moderne se rejoignent. Cette théorie néodarwinienne, ou théorie synthétique de
l’évolution, est exposée en 1937 par le généticien Theodosius Dobzhansky (1900-
1975), un émigré russe qui a travaillé avec T.H. Morgan (! 1910). Dans Genetics and
the Origin of Species, il montre que les mutations fournissent des variations dans le
1870-1945 L’empire des sciences
289
La révolution quantique
Pour Planck, l’idée que l’énergie se transmet en paquets discrets ou « quanta » est
seulement une astuce mathématique, sans rapport avec la réalité physique. Il
revient à la nouvelle génération de physiciens, et notamment à Albert Einstein
(1879-1955) et Niels Bohr (1885-1962), d’interpréter son hypothèse d’une manière
plus radicale. Ainsi, en 1905, Einstein explique l’effet photoélectrique (l´émission
d’électrons par certains matériaux sous l’action de la lumière) en supposant que
la lumière se propage par petits paquets ou quanta : les photons (! 1905). En 1913,
Bohr explique l’émission de spectres lumineux à partir d’un modèle quantique de
l’atome.
Malgré son utilité et son succès prédictif, cette nouvelle discipline fait l’objet d’une
intense controverse philosophique. En effet, dans le monde quantique, les corps
semblent obéir à des règles contraires au sens commun : les objets n’ont plus de
position et de vitesse fixes, mais se manifestent par des distributions de proba-
bilités. Ils peuvent être à la fois des ondes et des corpuscules jusqu’à ce qu’on les
mesure… En 1927, les lois quantiques sont interprétées par Bohr et Heisenberg
comme résultant du caractère intrinsèquement probabiliste et indéterministe du
monde à l’échelle atomique. Il s’agit de l’« interprétation de Copenhague ».
Le modèle
du corps noir
L’hypothèse des quanta de
Planck émerge d’une appli-
cation du modèle théorique
du « corps noir ». Intro-
duit par Gustav Kirchhoff
(! 1859, p. 226), ce modèle
suppose que l’énergie
émise sous forme de radia-
tion par un objet, comme le
Soleil, dépend uniquement
de sa température.
Éruption solaire capturée 291
par le satellite Solar
Dynamics Observatory.
Le débat Bohr-Einstein
Si l’« interprétation de Copenhague » est aujourd’hui com-
❝ Une vérité
nouvelle en science
n’arrive jamais
à triompher en
munément acceptée, ce ne fut pas le cas instantanément. convainquant les
Après le congrès Solvay de 1927, Bohr et Einstein s’en- adversaires et en les
gagent dans un intense débat sur la façon d’interpréter amenant à voir la
philosophiquement la nouvelle mécanique. Einstein, qui lumière, mais plutôt
ne veut pas accepter une interprétation indéterministe parce que finalement
du monde, imagine des expériences qui permettraient de ces adversaires meurent
réfuter le principe d’Heisenberg. Mais Bohr réussit toujours et qu’une nouvelle
à trouver des erreurs dans son raisonnement. Einstein génération grandit,
acceptera finalement le principe d’indétermination, restant à qui cette vérité est
toujours sceptique sur son caractère fondamental. Pour familière. »
lui, il s’agit d’une limitation associée à l’acte de mesurer,
Max Planck, Autobiographie
et non pas une caractéristique fondamentale de l’Univers. scientifique et derniers écrits,
1948.
La grande
accélération
De 1945 à nos jours
1966
Margulis met
la coopération
au cœur de l’évolution
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1940 1950 1960 1970
1945 1953
1968
Explosion Découverte de
Démonstration
des premières la structure
de la tectonique
bombes atomiques de l’ADN
des plaques
1969
Premiers pas de
l’homme sur la Lune
1947 1957
Invention du transistor Année géophysique
dans les Bell Labs internationale
1958 1972
Premières greffes de moelle osseuse Remède contre le paludisme
par Tu Youyou
1959
Découverte de fossiles d’australopithèques
1977
Commercialisation
de l’ordinateur personnel Apple II
1983
Découvertes des bosons W et Z au CERN 2012
Découverte des
1985 « ciseaux génétiques »
Assassinat de la primatologue Dian Fossey CRISPR
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1980 1990 2000 2010 2020
1977
Lancement 2001
des sondes Lancement
Voyager de l’encyclopédie
Wikipédia
1986 1992
Accident Découverte des premières
nucléaire planètes extrasolaires
à la centrale
2017
de Tchernobyl
Montée en puissance
de l’intelligence
1990 artificielle
Premier rapport
du GIEC sur le
réchauffement global
1945 L’architecture de l’ordinateur
se dessine
❝
résoudre tout type de problème numérique.
Le rapport [sur l’EDVAC]
Une architecture visionnaire est le document le plus
John von Neumann (! 1944), célèbre mathéma- important jamais écrit sur
ticien, rejoint le groupe à titre de consultant. le calcul et les ordinateurs. »
Il rédige une première synthèse concernant Herman Goldstine, The Computer from
cette nouvelle machine, le « First Draft of a Report Pascal to von Neumann, 1972.
on the EDVAC », et l’envoie à Goldstine. Ce dernier dactylographie le document le
30 juin 1945 et, contrairement aux habitudes de confidentialité, le distribue large-
ment dans le milieu des chercheurs.
Cette note décrit une architecture rendant le système autonome. Les instruc-
tions, au lieu d’être codées par des commutateurs et des câbles externes, sont enre-
gistrées dans une mémoire interne qui stocke également, pendant tout le temps
du calcul, les valeurs des diverses variables. Cette architecture, avec le concept de
machine universelle énoncé par Alan Turing (1912-1954) en 1936, servira de modèles
aux premiers ordinateurs numériques commerciaux.
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1980 1990 2000 2010 2020
1986 Accident nucléaire à la centrale de Tchernobyl 2016
Victoire du programme
Ouverture du tunnel sous la Manche 1994 2001 Lancement AlphaGo contre un joueur
de l’encyclopédie de go professionnel
Wikipédia
1945 Une bombe atomique
explose en plein désert
❝
d’Hiroshima, l’explosion d’une bombe H
Nous savions que le monde produit des retombées radioactives qui
ne serait plus le même. Certains ont se diffusent dans toute l’atmosphère, et
ri, certains ont pleuré. La plupart soulève la première controverse envi-
étaient silencieux. Je me suis ronnementale globale. Suite à de nom-
souvenu d’une ligne du texte hindou, breuses protestations, un traité signé
la Bhagavad-Gita : <Maintenant en 1963 entre les États-Unis et l’Union
je suis la Mort, le destructeur des soviétique – non ratifié par la France et
mondes>. Je suppose que nous avons la Chine – interdit les essais nucléaires
tous pensé cela, d’une façon ou atmosphériques.
d’une autre. »
Robert Oppenheimer, dans le documentaire
de la NBC, The Decision to Drop the Bomb, 1965.
La famille transistor
Ce premier transistor dit « à pointe » est délicat à reproduire à l’identique. Quelques
mois plus tard, toujours aux Bell Labs, William Schockley (1910-1989) conçoit le
transistor bipolaire, qui remplace rapidement le transistor à pointe dans les postes
radio, les calculateurs, etc.
Un autre type de transistor, dont le brevet a été déposé en 1930 par Julius Lilien-
feld, arrive sur le devant de la scène dans les années 1950. Ce dernier, dit MOSFET,
possède une structure simple, consomme peu d’énergie et peut être de taille très
réduite. Dès lors, il prend place dans les circuits intégrés, qui sont en grande partie
à l’origine de l’essor de l’informatique.
Un travail d’équipe
Le prix Nobel de physique est
attribué à Bardeen, Shockley Les transistors s’intègrent
et Brattain, en 1956, pour la
découverte du transistor. Tou- Les transistors rencontrent un remarquable succès et
tefois, cette invention a béné- sont utilisés dans tous les domaines alors que, dans les
ficié des idées et savoir-faire
années 1950, la révolution technologique ne fait que
de nombreuses autres per-
sonnes. Citons le physicien commencer. En 1958, Jack Kilby assemble plusieurs
expérimentateur G. Pearson, transistors sur un même support hybride. L’année
le chimiste R. Gibney, les suivante, Robert Noyce reprend cette idée. En utili-
métallurgistes J. H. Scaff et sant le nouveau procédé de fabrication planar de Jean
H. C. Theuerer pour la fabri-
cation de silicium ultrapur et
Hoerni, inspiré de la photolithogravure, il envisage de
toute une équipe d’ingénieurs connecter plusieurs composants sur une seule puce
et de techniciens. de silicium. Le premier circuit intégré est fabriqué en
John Bardeen, William mai 1960. Dix ans plus tard, plus de 2 300 transistors
Shockley et Walter Brattain sont concentrés sur une même puce baptisée 4004.
aux laboratoires Bell,
vers 1955. C’est le premier microprocesseur. Aujourd’hui, ces
derniers intègrent plus d’un milliard de transistors
et équipent ordinateurs, montres ou caméras numé-
riques, satellites (! 1977) ou organes artificiels.
L’authenticité du suaire
de Turin mise en doute
La datation au carbone 14
appliquée à des objets de
Du carbone au potassium
culte a parfois provoqué des
polémiques. C’est le cas de la Avec la méthode du carbone 14, il est impossible de
datation du suaire de Turin,
réalisée en 1988 par les labo-
dater des matériaux vieux de plus de 50 000 ans.
ratoires de radiocarbone Toutefois, des méthodes utilisant d’autres éléments
d’Arizona, Oxford et Zurich. radioactifs ont été développées par les physiciens.
Leurs résultats indiquent que La plus ancienne, celle du radium-plomb, inven-
le linge, prétendument utilisé
tée en 1907 par Ernest Rutherford (1871-1937) et
pour ensevelir Jésus-Christ,
a été tissé avec des fibres Bertram Boltwood (1870-1927), permet la data-
datant… du xive siècle ! tion d’échantillons géologiques jusqu’à 2,5 mil-
liards d’années. La méthode du potassium-argon,
développée dans les années 1950, peut dater avec
précision des roches de pratiquement tous les
âges géologiques. C’est avec cette méthode que
l’astromobile Curiosity a pu dater des roches mar-
tiennes en 2013.
La substance de l’hérédité
À la fin du XIXe siècle, le mécanisme qui permet la transmission de caractères de
génération en génération n’est pas connu. En 1868, Charles Darwin (! 1859, p. 230)
propose la théorie de la pangenèse, basé sur un mécanisme de transmission d’infor-
mations aux cellules de l’appareil reproducteur. En 1883, August Weismann (1834-
1914) suppose qu’un « plasma germinatif » serait à l’origine de l’hérédité. Mais il
faut attendre le perfectionnement des techniques biochimiques, au XXe siècle, pour
connaître la base matérielle de l’hérédité.
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1980 1990 2000 2010 2020
1981 Début de l’épidémie du sida 1997 Clonage d’un mouton nommé Dolly
❝
Un médicament très répandu
La pilule contraceptive rencontre un large suc- Aucune femme ne peut se
cès commercial. En 1965, cinq ans après sa
mise sur le marché, elle est utilisée par 25 %
déclarer libre si elle ne possède pas le
des femmes aux États-Unis. Malgré des résis- contrôle de son corps. Aucune femme
tances religieuses et idéologiques, de nou- ne peut se déclarer libre jusqu’à ce
velles formules sont essayées, dont la pilule qu’elle puisse choisir consciemment
RU486, qui évite l’implantation de l’embryon si elle sera ou non une mère. »
dans l’utérus et ainsi le recours à l’avortement
par des moyens mécaniques. Margaret Sanger, « A Parents’ Problem
or Woman’s ? », 1919.
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1980 1990 2000 2010 2020
1981 Début de l’épidémie du sida 1997 Clonage d’un mouton nommé Dolly
Un camionneur entreprenant
En 1934, Malcolm McLean, un camionneur originaire de Caroline du Nord, crée une
entreprise de fret routier spécialisée dans le transport de marchandises entre le Nord
et le Sud des États-Unis. L’entreprise prospère et, en 1954, possède plus de six cents
camions. Mais McLean s’inquiète de l’immobilisation de plus en plus fréquente de ses
camions dans les bouchons sur les autoroutes, et de la concurrence des entreprises de
fret maritime qui peuvent faire du cabotage entre les ports de la côte Est.
L’Ideal-X, premier
porte-conteneurs
L’Ideal-X, un ancien tanker
Les techniques de la mondialisation
transformé en porte-conte-
neurs par McLean, peut Les porte-conteneurs comptent, avec les jumbo-
transporter jusqu’à 58 conte-
neurs. À la fin des années
jets (gros porteurs), le fax et l’Internet (! 1969,
1950, il est affecté au trans- p. 326), parmi les technologies qui ont rendu pos-
port des marchandises entre sible la mondialisation. À partir des années 1970,
les ports du Nord et du Sud les échanges commerciaux et la circulation des
des États-Unis.
hommes et des capitaux dans le monde s’ac-
croissent énormément. Alors que fax et, plus tard,
Internet rendent le transfert d’informations et de
documents beaucoup plus aisé, les porte-conte-
neurs permettent de transporter des marchan-
dises en quantités gigantesques à très bas coûts.
Aujourd’hui, 90 % des échanges commerciaux se
font par voies maritimes, et le commerce mondial
repose sur l’utilisation de plusieurs dizaines de
millions de conteneurs.
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1980 1990 2000 2010 2020
1986 Accident nucléaire à la centrale de Tchernobyl 2016
Victoire du programme
Ouverture du tunnel sous la Manche 1994 2001 Lancement AlphaGo contre un joueur
de l’encyclopédie de go professionnel
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1957 L’année géophysique
internationale lance la conquête
de l’espace
En pleine guerre froide, l’année géophysique impulse
Sergueï une surveillance globale de l’environnement terrestre
Korolev
(1906-1966) et fait de l’Antarctique un domaine réservé à la science.
Elle donne aussi le coup d’envoi de la course spatiale.
Fusées et espions
En pleine guerre froide, dans la droite lignée de l’année polaire, le Conseil inter-
national des unions scientifiques lance l’année géophysique internationale, qui se
déroule entre 1957 et 1958. Son but est de coordonner les observations de divers phé-
nomènes géophysiques, des aurores boréales au monde sous-marin. L’exploration
de l’Antarctique est aussi un projet prioritaire.
Pour l’Union soviétique et les États-Unis, qui développent en secret des missiles
chargés de lancer des satellites espions, cet événement fournit l’occasion parfaite de
déployer leurs technologies et de survoler discrètement l’espace aérien de l’ennemi.
312
Spoutnik prend son envol
En 1955, les États-Unis annoncent qu’ils profiteront de l’événement pour mettre en
orbite leurs premiers satellites. L’URSS affirme également sa volonté de participer
à la conquête spatiale, mais ses capacités techniques sont méprisées par les Nord-
Américains.
C’est donc par surprise, le 4 octobre 1957, que les stations de radio du monde entier
captent le signal de Spoutnik ı. Ayant développé le premier satellite artificiel de l’his-
toire en un temps record, l’équipe de l’ingénieur soviétique Sergueï Korolev coiffe les
États-Unis au poteau. Et un mois plus tard, à l’occasion du 40e anniversaire de la
révolution russe, un deuxième satellite met en orbite une chienne appelée Laïka.
313
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1980 1990 2000 2010 2020
1985 Découverte du trou dans la couche d’ozone 2003 Désintégration 2012 Image du fond diffus
de la navette Columbia cosmologique par le satellite Planck
1990 Premier rapport du GIEC en vol
sur le réchauffement global
Première image d’un trou noir 2019
1958 Georges Mathé sauve
des physiciens irradiés
❝
Georges Mathé prend très tôt conscience de la
nécessité du travail collaboratif pour vaincre Lors de mes études […] j’ai assisté
le cancer. Ainsi, dans les années 1960, il est 315
à l’origine de l’Organisation européenne de
à quelque chose qui m’a épouvanté :
recherche du traitement du cancer et suggère la résignation. […] Il y avait des enfants
la création de l’INSERM. Par ailleurs, l’Institut atteints de leucémie. On les regardait
de cancérologie et d’immunogénétique, qu’il mourir. Homme d’action par définition,
crée en 1961, inaugure l’idée d’une médecine j’ai décidé de prendre pour cible cette
globale, associant laboratoires, animalerie et
première unité de soins disposant d’un secteur
maladie. »
hospitalier stérile. Georges Mathé, dans l’émission L’homme en question,
Georges Mathé observant une cellule 1977.
sanguine vue au microscope, 1975.
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1980 1990 2000 2010 2020
1981 Début de l’épidémie du sida 1997 Clonage d’un mouton nommé Dolly
Le « chaînon manquant »
En 1871, Darwin publie La Filiation de l’homme, un ouvrage qui annonce la parenté
biologique entre les humains et le reste des primates. Dès lors, la recherche d’un
supposé « chaînon manquant » mobilise les anthropologues. Le néerlandais Eugène
Dubois (1858-1940) pense l’avoir trouvé en Asie. Son « homme de Java » ou pithé-
canthrope, décrit en 1894, est pendant longtemps considéré comme l’ancêtre des
humains. Mais au milieu du XXe siècle, après plus de vingt ans de recherches, le
couple d’anthropologues Louis et Mary Leakey fait une formidable découverte.
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1980 1990 2000 2010 2020
1981 Début de l’épidémie du sida 1997 Clonage d’un mouton nommé Dolly
319
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1980 1990 2000 2010 2020
1985 Découverte du trou dans la couche d’ozone 2003 Désintégration 2012 Image du fond diffus
de la navette Columbia cosmologique par le satellite Planck
1990 Premier rapport du GIEC en vol
sur le réchauffement global
Première image d’un trou noir 2019
1963 Edward Lorenz découvre le
chaos dans les ailes d’un papillon
Pur hasard
Lorenz est plus sceptique que Charney quant à la possibilité d’étendre les méthodes
de simulations numériques développées aux prévisions à très long terme. Cet
objectif lui semble illusoire. Pour montrer que même les modèles les plus simples
peuvent être imprévisibles, autrement dit qu’il y a des limites intrinsèques à la
possibilité de prévision, Lorenz simplifie drastiquement le modèle de la circula-
tion atmosphérique jusqu’à obtenir, en 1963, un système qui ne comprend plus que
trois paramètres. Bien peu réaliste, ce modèle concentre cependant l’essence de sa
démonstration : il produit un résultat que rien ne peut distinguer du pur hasard.
La théorie du chaos
Dans les deux décennies qui suivent, un grand nombre de chercheurs s’enthousias-
ment alors pour ce qu’ils appellent la théorie du « chaos déterministe ». De nom-
breux autres modèles simples ont des comportements chaotiques ou sensibles aux
conditions initiales, ce qui ne les empêche pas d’exhiber un ordre caché d’une très
grande beauté, comme celui révélé par l’attracteur de Lorenz. Au moment où l’in-
formatique commence à se démocratiser, ces recherches approfondissent la com-
préhension de la modélisation numérique, mais aussi celle de ses limites.
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1980 1990 2000 2010 2020
1983 Découverte des bosons W et Z au CERN 2012 Découverte
du boson de Higgs au CERN
1986 Découverte de la supraconductivité à haute température
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1980 1990 2000 2010 2020
1981 Début de l’épidémie du sida 1997 Clonage d’un mouton nommé Dolly
❝ Si nous acceptons
l’hypothèse de Wegener, il nous
faut faire table rase de tout ce que
arguments ne convainquent pas, il
cherche une explication dans un glis-
sement des continents vers l’équateur
ou dans les forces de frottements des
nous avons appris depuis soixante- marées. Cela ne satisfait pas la com-
dix ans. » munauté des géologues qui rejette son
R. T. Chamberlain, Some of the objection to hypothèse de mobilité.
Wegener’s Theory, 1928.
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1980 1990 2000 2010 2020
1985 Découverte du trou dans la couche d’ozone 2003 Désintégration 2012 Image du fond diffus
de la navette Columbia cosmologique par le satellite Planck
1990 Premier rapport du GIEC en vol
sur le réchauffement global
Première image d’un trou noir 2019
1969 Les militaires américains
créent ARPANET
Extension
du domaine d’ARPANET
Après les trois nœuds initiaux, D’ARPANET à Internet
le réseau s’étend rapidement. Il
compte treize nœuds en décembre En 1973, Robert Kahn et Vinton Cerf, deux infor-
1970, puis, pendant la première maticiens et cadres d’ARPA, s’attellent au pro-
moitié des années 1970, le réseau blème de la connexion d’ARPANET à d’autres
croît au rythme de près d’un nœud réseaux informatiques également financés
par mois, pour atteindre 61 nœuds
en 1975. Ce premier réseau devien-
par ARPA. Cela les amène à concevoir, l’année
dra le cœur du futur Internet, et suivante, un protocole « universel » qui permet
surtout, un outil de développement d’acheminer les paquets aux ordinateurs aux-
des nouvelles techniques de com- quels ils sont adressés, quel que soit le réseau
munication.
auquel ils appartiennent. Ce protocole nommé
Un ordinateur de travail connecté
grâce à ARPANET, vers 1970.
TCP/IP permettra plus tard la création d’Inter-
net. Pendant les années 1980, les réseaux infor-
matiques s’internationalisent et s’affranchissent
petit à petit de leurs origines militaires. Mais
ce n’est qu’en 1995 qu’Internet, le réseau des
réseaux, devient complétement privé.
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1980 1990 2000 2010 2020
1986 Accident nucléaire à la centrale de Tchernobyl 2016
Victoire du programme
Ouverture du tunnel sous la Manche 1994 2001 Lancement AlphaGo contre un joueur
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1969 Deux hommes marchent
sur la Lune
La course à l’espace
Non contents de doubler les Américains en plaçant en orbite le premier satellite
artificiel (! 1957), les Soviétiques confirment leur avance technologique en mettant
en orbite le cosmonaute Youri Gagarine en avril 1961. Le mois suivant, John Fitzge-
rald Kennedy, récemment élu, annonce que la NASA enverra un homme sur la Lune
avant la fin de la décennie. Portés par la volonté de reprendre aux Soviétiques la
première place, les Américains se lancent dans la course à la Lune.
« Objectif Lune »
Faire marcher un être humain sur
la Lune est le fruit d’une longue et De la Lune vers la Terre
intense préparation. Les vols spa-
tiaux habités Mercury et Gemini Les six missions Apollo qui se posent sur la
testent le lanceur Saturn V, pré- Lune y réalisent différentes mesures scienti-
cisent les techniques d’arrimage et fiques et ramènent sur Terre 382 kilogrammes
les sorties extravéhiculaires. Les de roches lunaires. La moisson de données
vols Apollo 7 à Apollo 10 expéri-
mentent l’aller-retour Terre-Lune,
permet de mieux connaître la formation et la
survolent la Lune pour faire des structure de la Lune ainsi que l’histoire de la
repérages, et testent le module Terre. Mais les retombées les plus importantes
d’alunissage. En parallèle, des concernent les domaines technologiques des
missions robotisées déposent en
matériaux, de l’instrumentation, de la méde-
douceur, sur la Lune, des sondes
qui analysent la consistance du cine et de l’informatique. Avec un tel exploit,
sol. le niveau d’exigence s’accroît dans la conduite
Buzz Aldrin au pied du module de projet et les contrôles qualité. Par ailleurs,
lunaire, 1969. l’impact symbolique et philosophique des vols
Apollo n’est pas à négliger, éveillant, par l’image
d’une Terre vue de l’espace, une conscience de
sa globalité et de sa fragilité.
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1980 1990 2000 2010 2020
1985 Découverte du trou dans la couche d’ozone 2003 Désintégration 2012 Image du fond diffus
de la navette Columbia cosmologique par le satellite Planck
1990 Premier rapport du GIEC en vol
sur le réchauffement global
Première image d’un trou noir 2019
1972 La médecine traditionnelle
chinoise offre un cadeau
au monde
Une chercheuse chinoise en pharmacie isole
Tu Youyou une molécule pour combattre le paludisme grâce
née en 1930 à sa connaissance profonde de la médecine
traditionnelle chinoise et de la science occidentale.
Un siècle de résistance
Le paludisme, ou malaria, l’une des maladies infectieuses les plus mortelles au
monde, a accompagné l’humanité dans son histoire (! 1962). Dès le XVIIe siècle, on
utilise en Occident la quinine, un remède naturel extrait de l’écorce d’un arbuste
originaire d’Amérique du Sud. C’est la première et principale drogue utilisée pour
combattre la maladie jusqu’au XXe siècle.
Des molécules synthétiques antipaludiques, plus efficaces que la quinine dans un
premier temps, sont ensuite commercialisées, au début du XXe siècle, en Allemagne
et en France. Mais au fil du temps, la résistance de l’agent pathogène du paludisme
330 à ces traitements s’accroît.
❝ Grâce à la découverte
de l’artémisinine, nous avons
compris les points forts de la
moins de cinq ans. Plusieurs moyens sont
employés pour combattre ce fléau, comme
la distribution de moustiquaires impré-
gnées d’insecticide, l’assèchement des
médecine chinoise et occidentale. eaux stagnantes nécessaires à la repro-
De grands progrès sont à venir si duction du moustique ou les traitements
leurs forces sont intégrées. » thérapeutiques à base d’artémisinine, la
Tu Youyou, Discours de réception du prix molécule isolée par Tu Youyou.
Nobel, 2015.
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1980 1990 2000 2010 2020
1981 Début de l’épidémie du sida 1997 Clonage d’un mouton nommé Dolly
❝
per sa société.
Le simple est
L’Apple II parfois plus difficile que le
En 1977, ces investissements et l’apport de savoir- complexe : il faut travailler
faire managériaux permettent à Apple de com- dur pour faire le ménage
mercialiser la nouvelle machine de Wozniak, dans ses pensées et réussir
l’Apple II, à une grande échelle. Alors que l’Apple I à faire simple. »
et les autres ordinateurs personnels vendus Steve Jobs, Business Week, 1998.
jusque-là sont assemblés par leurs acheteurs, l’Apple II arrive déjà tout construit.
Il est beaucoup plus facile à utiliser. Il est aussi beaucoup plus rapide. Bénéficiant
d’une bonne campagne de publicité, l’Apple II suscite un vrai engouement. Il est
vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires à la fin des années 1970.
333
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1980 1990 2000 2010 2020
1986 Accident nucléaire à la centrale de Tchernobyl 2016
Victoire du programme
Ouverture du tunnel sous la Manche 1994 2001 Lancement AlphaGo contre un joueur
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1977 Deux sondes voguent jusqu’aux
confins du Système solaire
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1980 1990 2000 2010 2020
1985 Découverte du trou dans la couche d’ozone 2003 Désintégration 2012 Image du fond diffus
de la navette Columbia cosmologique par le satellite Planck
1990 Premier rapport du GIEC en vol
sur le réchauffement global
Première image d’un trou noir 2019
1983 Le CERN détecte
les bosons W et Z
Un « zoo » de particules
Forts de l’intérêt suscité par la recherche nucléaire aux États-Unis durant la guerre
froide (! 1945, p. 300), de grands accélérateurs de particules fleurissent, à Broo-
khaven et Stanford (! 1 932). Dans ces grands instruments, les collisions toujours
plus énergétiques entre protons ou électrons produisent des cascades de nou-
velles particules aussi exotiques qu’éphémères. On cherche alors à classer et à com-
prendre par de nouveaux modèles la manière dont ces particules « élémentaires »
interagissent entre elles.
Le « modèle standard », proposé en 1961 par Sheldon Glashow (né en 1932), par-
336 vient à expliquer l’origine de la force électromagnétique et des interactions faibles
responsables des désintégrations radioactives (! 1898). En 1967, Steven Weinberg (né
en 1933) et Abdus Salam (1926-1996) l’aident à parfaire ce modèle, qui prédit alors
l’existence de deux nouveaux types de particules, les bosons W et Z.
❝
rie du tout » qui permettrait d’unifier le
Europe 3 - États-Unis modèle standard et la gravitation n'existe
même pas Z-Zéro […] Les pas encore, malgré le développement
Européens sont maintenant de modèles mathématiques très sophis-
en tête dans la course pour tiqués, comme la théorie des « super-
découvrir les constituants cordes ».
fondamentaux de la matière. »
Éditorial du New York Times, 6 juin 1983.
339
Informatique et technologies
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1940 1950 1960 1970
Wiener, La Cybernétique 1948 1954 Première centrale nucléaire à Obninsk 1975
Fondation de
Loi de Moore 1965 Microsoft
Début du développement d’ARPANET, ancêtre de l’Internet 1969
Des dégâts de tout ordre 341
En plus des pertes humaines, la
catastrophe de Tchernobyl a pro-
Une bonne dose de controverse voqué des dégâts économiques
estimés à plusieurs centaines
En plus des décès directement attribués à de milliards d’euros : perte d’in-
l’explosion, des milliers de personnes ont été frastructures agricoles et indus-
trielles, coûts du confinement du
affectées par les émissions radioactives de réacteur… D’autre part, et malgré
l’accident de Tchernobyl. Pourtant, le nombre la récupération des espaces par
de victimes causé par l’accident fait débat. Pour la faune sauvage après l’arrêt des
l’industrie nucléaire, on ne doit compter que activités humaines, les radiations
ont eu des effets nuisibles sur les
quelques centaines de morts, tandis que des
êtres vivants, notamment sur les
associations écologistes parlent de dizaines, oiseaux et les invertébrés.
voire de centaines de milliers de victimes. La La centrale de Tchernobyl,
controverse est liée à l’absence de consensus trois jours après l’accident
concernant les effets de faibles doses de radia- du 26 avril 1986.
❝
Simulation de la température et de la couverture 343
de glace de mer en 2091.
Nous sommes certains
des éléments suivants :
il existe bel et bien un effet de
serre naturel et les émissions
résultant des activités humaines
Science et politique
augmentent considérablement les
Le GIEC, qui compile des milliers d’études concentrations atmosphériques
de centaines de chercheurs, est une insti- des gaz à effet de serre : CO2,
tution hybride entre science et politique. méthane, chlorofluorocarbures
Ses conclusions, qui doivent être approu- et protoxyde d’azote. Ces
vées unanimement par tous les États augmentations renforceront
membres, sont soumises aux enjeux poli- l’effet de serre, entraînant un
tiques. Pour certains de ses détracteurs, réchauffement supplémentaire
ce mode de fonctionnement tend à sous- de la surface de la Terre. »
estimer les effets du réchauffement cli- Premier rapport d’évaluation du GIEC, 1990.
matique. Toutefois, il a aussi engendré
des formes très sophistiquées de ges-
tion de l’incertitude, tant au niveau des
mesures que pour les extrapolations à
partir de modèles.
❝
quelles elles gravitent. À partir de 1990, on pré-
fère une méthode précise : la mesure des fluctuations Une des questions les
parasites de la vitesse de l’étoile lorsqu’elle se déplace 345
vers la Terre ou s’en éloigne (effet Doppler-Fizeau).
plus brûlantes de l’astronomie
Aujourd’hui on utilise aussi la méthode du transit, qui concerne la fréquence des objets
mesure la variation de luminosité de l’étoile lorsqu’une planétaires dans la Galaxie
planète passe devant. autour d’étoiles autres que le
Image des quatre planètes gravitant autour de l’étoile Soleil. […] Il pourrait exister
HR 8799, située à environ 130 années-lumière de la
Terre, dans la constellation de Pégase.
beaucoup d’objets de ce type
dans la Galaxie. »
Otto Struve, dans un article de 1952.
Devenir « respectable »
Les contributions à Wikipédia se font sans validation par un comité d’experts,
une idée perçue au départ comme « subversive ». Mais malgré de nombreux propos
médisants, le contenu et la fréquentation de Wikipédia explosent. Dès 2005, une
étude atteste que le taux d’erreurs de son corpus est comparable à celui de l’Encyclo-
pædia Britannica. Pour conforter sa respectabilité, les administrateurs de Wikipédia
sollicitent des experts pour obtenir leurs contributions.
Il faut attendre les années 2010-2011 pour que l’encyclopédie libre soit acceptée par
le milieu universitaire. De nombreux enseignants l’adoptent alors, encadrant leurs
étudiants dans la rédaction de contributions éditoriales, les sensibilisant ainsi à la
fiabilité des données, à l’importance de la citation et à la qualité rédactionnelle.
Informatique et technologies
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Wiener, La Cybernétique 1948 1954 Première centrale nucléaire à Obninsk 1975
Fondation de
Loi de Moore 1965 Microsoft
Début du développement d’ARPANET, ancêtre de l’Internet 1969
347
Un succès fulgurant
et planétaire
Une nouvelle forme de gouvernance
La forme de partage proposée
par Wikipédia plaît instanta- Wikipédia représente une expérience originale
nément aux contributeurs. Six
d’organisation collective. Rapidement, le fonc-
semaines après sa création,
en 2003, 1 000 articles sont tionnement éditorial se précise : les faits doivent
écrits. Huit mois plus tard, ce être présentés sans interprétation, des sources
sont 10 000 articles qui viennent reconnues doivent être citées, etc. Des méca-
enrichir cette encyclopédie nais- nismes de contrôle et de protection sont peu à
sante. En 2004, 450 000 articles
y sont rédigés, dont 200 000 en
peu installés : des robots surveillent toutes ten-
anglais. Le succès est planétaire. tatives malveillantes et les bloquent. En parallèle,
Aujourd’hui 15 langues pro- des procédures de résolution des conflits entre
posent chacune plus de 1 million contributeurs favorisent la cohésion. Il s’avère
d’articles à leurs lecteurs, l’an-
que les corrections successives mènent en géné-
glais en offre plus de 5 millions
et le français, plus de 2 millions. ral à une version stable des articles. Cette forme
Monument érigé en l’honneur de gouvernance permet ainsi l’élaboration d’une
de Wikipédia à Słubice connaissance à destination de tous qui échappe
(Pologne). aux pouvoirs étatiques et aux logiques de marché.
Stars de la biologie
Dès la parution de leur La guerre des brevets
article sur la technolo-
gie CRISPR dans la revue Comme toutes les technologies révolutionnaires,
Science en 2012, Emma- CRISPR fait l’objet d’une guerre sans merci pour les
nuelle Charpentier et Jen-
brevets. Cette guerre oppose Charpentier, Doudna et
nifer Doudna deviennent des
stars de la biologie. Elles les universités de Vienne et de Californie d’un côté, à
obtiennent des dizaines de Feng Zhang, un chercheur du Broad Institute au MIT,
prix au cours des années de l’autre. Zhang est le premier à avoir démontré que
suivantes. CRISPR permet de manipuler les cellules animales et
Emmanuelle Charpentier humaines. En 2012, les deux groupes déposent des
(à droite) et Jennifer Doudna
(à gauche) reçoivent le demandes de brevet sur CRISPR auprès de l’USPTO,
Breakthrough Prize in Life l’agence américaine pour les brevets. Comme Zhang
Sciences en 2015.
a opté pour une procédure accélérée, l’USPTO lui
accorde le brevet sur CRISPR ! Cette décision entraîne
dès lors de nombreux procès. Les enjeux financiers
et commerciaux sont en effet importants. Les entre-
prises fondées par Charpentier, Doudna et Zhang ont
toutes besoin de licences sur ces brevets pour com-
mercialiser leurs thérapies !
Informatique et technologies
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1940 1950 1960 1970
Wiener, La Cybernétique 1948 1954 Première centrale nucléaire à Obninsk 1975
Fondation de
Loi de Moore 1965 Microsoft
Début du développement d’ARPANET, ancêtre de l’Internet 1969
Les promesses
d’AlphaZero
Après avoir atteint le niveau
des meilleurs champions de
351
go, de shogi et d’échecs, et
battu Stockfish, AlphaZero
bat maintenant les humains
dans Capture the flag, un jeu
vidéo très complexe. Il a été
aussi utilisé pour simuler le
repliement des protéines.
Google et l’intelligence artificielle
❝
Fondée dans la Silicon Valley en 1998, Google pro-
pose un moteur de recherche gratuit aux inter- Bien sûr, je suis
nautes. La société monétise ce service en ven- impatient de savoir
dant aux annonceurs des informations sur les ce qu’AlphaZero peut
utilisateurs de son moteur. Les énormes bénéfices nous apprendre sur le
qu’en retire Google lui permettent de développer jeu d’échecs. C’est la
de nouveaux produits et services comme YouTube grande promesse de
ou Android, un système d’exploitation pour smart- l’ère des machines :
phones. Comme les autres géants de la Silicon Val- elles parviennent à
ley, Google investit chaque année des milliards de identifier des règles que
dollars dans l’intelligence artificielle afin d’amélio- les humains ne peuvent
rer ces produits et d’en développer de nouveaux. détecter. »
La filiale de Google, DeepMind, constitue le fer de Gary Kasparov, au sujet de la
lance de ces efforts. rencontre AlphaZero-Stockfish,
2017.
Le paradigme de la cybernétique
❝ Il s’impose donc
En 1948, le mathématicien Norbert Wiener (1894- à nous sans plus attendre
1964) publie un livre, La Cybernétique, pour décrire de discuter la question
ce qui paraît être le paradigme d’une nouvelle ère des pouvoirs de ces
dans l’histoire de la pensée humaine. Ce titre est un machines, d’analyser
nouveau mot qu’il a inventé et qu’il définit comme nos rapports avec
l’étude de la communication et du contrôle chez elles et l’ensemble des
l’animal et la machine. Issue de son expérience de
conséquences de cette
nouvelle et fondamentale
guerre, où la coordination hommes-machines est révolution technique. »
centrale, la cybernétique attire l’attention des spé-
Norbert Wiener,
cialistes les plus divers : psychologues, économistes, Cybernétique et société, 1952.
physiciens, etc. Très vite, les ordinateurs électro-
niques se révèlent être l’outil rêvé pour créer des systèmes de contrôle de plus en
plus sophistiqués. Au plus fort de la guerre froide, la défense américaine développe
ainsi le système SAGE qui associe radars, ordinateurs et opérateurs humains pour
réagir rapidement face à une hypothétique attaque soviétique.
De 1945 à nos jours La grande accélération
353
Rêves de croissance
Dans les années 1950 et 1960, les avancées techniques dans les domaines du
nucléaire, du spatial et de l’informatique confèrent une ampleur inégalée aux dis-
cours utopistes. Les responsables des programmes nucléaires diffusent l’idée d’une
énergie presque illimitée et « si bon marché qu’il ne servirait à rien d’en mesurer
la consommation », et prévoient des retombées médicales et industrielles (! 1949).
En même temps, Américains et Soviétiques présentent l’espace comme le dernier
territoire à conquérir : ils rêvent de vaisseaux traversant le cosmos et de colonies
humaines installées sur des planètes du Système solaire (! 1957). Enfin, les avan-
cées dans le domaine de l’informatique et de la cybernétique font penser que des
« cerveaux électroniques » seront bientôt capables de penser par eux-mêmes et que
des robots déchargeront l’être humain des corvées les plus pénibles.
L’essor de la technocritique
Mais des voix s’élèvent bientôt pour émettre une critique vis-à-vis de ces représen-
tations techno-optimistes d’un futur d’abondance. La controverse sur les retom-
bées radioactives des essais atomiques (! 1945, p. 300) et la peur croissante d’une
De 1945 à nos jours La grande accélération
apocalypse déclenchée par les armes nucléaires provoquent l’émergence d’un mou-
vement antinucléaire (! 1986). De manière inattendue, l’image symbolique du pro-
gramme spatial n’est pas celle de la conquête de la Lune (! 1969, p. 328), mais celle
de la Terre vue de l’espace, tel un îlot de vie fragile au milieu d’un univers inerte
et hostile. Les dégâts de l’agriculture industrialisée engendrent une vive critique
des pesticides (! 1962), tandis que le Club de Rome, après avoir modélisé l’évolution
du système Terre en 1972, tire la sonnette d’alarme en soulignant les limites de la
croissance. Tout cela contribue à l’émergence d’une écologie politique remettant en
question l’usage irréfléchi des technologies.
L’heure de la controverse
Entre confiance totale dans la technoscience et conscience des limites environne-
mentales et éthiques à respecter se jouent les controverses politiques et environ-
nementales contemporaines. Elles interrogent non seulement la viabilité d’un pro-
jet industriel de croissance sans limite, mais sont aussi révélatrices des rapports
de force des sociétés technoscientifiques. La géo-ingénierie en est un exemple ins-
tructif. Régulièrement présentée comme une solution pour lutter contre les effets
néfastes du changement climatique, la généralisation de telles techniques n’est pas
sans soulever d’importantes questions éthiques. Comment évaluer les risques de
telles pratiques et, surtout, comment imaginer une gouvernance globale du climat ?
355
Le songe post-humain
Le développement de la robo-
tique et de la bio-ingénie-
rie offre l’espoir de vaincre
la maladie et le vieillisse-
ment, mais aussi d’amélio-
rer la performance du corps
humain et du cerveau. Dotés
d’une mémoire augmentée
et de capteurs électroniques,
les post-humains pourraient
braver la mort et dépasser
les limites physiologiques
de l’organisme. Pourtant, ces
songes, dont la faisabilité est
incertaine, se heurtent à des
réflexions éthiques encore
non résolues : quelles valeurs
articuleront la définition de
ces êtres ? quel rôle pour les
humains actuels dans ces
futurs envisagés ?
Pour aller plus loin
B
Baartman, Saartjie ! 199
big bang ! 277, 280, 352
big science ! 283
Bingen, Hildegarde de ! 72
Babylone ! 16, 20, 54 biologie ! 192, 322, 232
bacille de Koch ! 229 biométrie ! 218
Bacon, Francis ! 124 Biot, Jean-Baptiste ! 208
Bacon, Roger ! 68, 80, 86 biotechnologie ! 348
bactérie ! 278, 322, 348 bipédie ! 316
bactériophage ! 306 Biringuccio, Vannoccio ! 117
Index des noms, des notions et des lieux
C
cabinet de curiosités ! 134, 152
Censorin ! 26
censure ! 82, 130, 156
centrale nucléaire ! 340
Cabinet du Roi ! 152 Cercle de Vienne ! 215
cacao ! 109 CERN ! 282, 336
cadavre ! 114, 222 cerveau ! 26, 260
cadran solaire ! 54-55 césium ! 226
cailloux ! 98 Chain, Ernst Boris ! 278
Cajal, Santiago Ramón y ! 254 chaînon manquant ! 316
Calcidius ! 25 chaleur ! 220, 238
calcul différentiel et intégral ! 146, 155, champ électrique ! 252
158, 282 champ magnétique ! 252, 282
champignon ! 278 Colliget ! 74
chaos ! 204, 320 Colomb, Christophe ! 85, 106
char d’assaut ! 94 colonisation ! 106, 108, 162
charbon ! 175 colorant chimique ! 224
Charcot, Jean-Martin ! 180 combustible ! 271
Charles III de Lorraine ! 118 combustion ! 184
Charles V ! 88 commerce ! 16, 18, 108, 301, 310
Charney, Jule ! 320 compagnie Bell ! 302
Charpentier, Emmanuelle ! 348 Comte, Auguste ! 214
chasse ! 78 condensateur ! 174
Châtelet, Émilie du ! 139, 158 Condorcet, Nicolas de ! 178
Chicago ! 304 conducteur ! 302
chien ! 260 Congrès international de
chiffres arabes ! 66 mathématiques ! 265
chiffres indiens ! 67 conquête spatiale ! 312, 328
chiffres romains ! 66 Conseil international des unions
chimérisme ! 315 scientifiques ! 312
chimie ! 110, 138, 184, 212, 224, 236, Conseil royal ! 118
262, 270 Consejo de Indias ! 108
Chine ! 18, 40, 44, 50, 56, 84, 126, 330 conservation des cadavres ! 115
Choisy, Abbé de ! 143 Constantinople ! 97
364 Chong, Wang ! 40 constellation ! 20
Choquet-Bruhat, Yvonne ! 139 contraception ! 308
Christ ! 46 controverse ! 115, 120, 150-151, 133, 147,
Christian IV ! 134 150, 159, 167, 183, 194, 228, 291, 301,
chromosome ! 272 318, 341, 348, 354-355
chronographie ! 55 convection ! 324
chronologie ! 54 Convention de Stockholm ! 318
chronomètre de marine ! 160, 164 Cook, James ! 149, 160, 162
chute des corps ! 145 Copenhague ! 208
Cicéron ! 38 Copernic, Nicolas ! 112, 122, 120, 130
circonférence de la Terre ! 32-33 Coppens, Yves ! 316
circuit intégré ! 302, 333 corps humain ! 24, 56-57, 111, 114-115,
circulation sanguine ! 128 234, 328, 355
ciseau génétique ! 348 Corpus hippocraticum ! 25, 55-56
Cité des dames ! 141 Cortès, Hernan ! 106
classification ! 148, 201, 236 cosmos ! 22, 34, 52, 112, 131, 166, 193
climat ! 258 coton ! 176
CNRS ! 274 couche géologique ! 216
Code d’Hammourabi ! 55-56 Coulomb, Charles-Augustin ! 182
code génétique ! 307 coupe histologique ! 254
cœur ! 128 courant électrique ! 182, 208
col de cygne ! 228 courbe de Gauss ! 196
Colbert, Jean-Baptiste ! 138, 164 courriel ! 326
collection ! 152 Cours de l’École normale ! 123
Index des noms, des notions et des lieux
D
Danemark ! 134
dioxyde de carbone ! 313, 342, 258
Discussions de pinceau depuis un petit
ruisseau de rêve ! 41
365
Darwin, Charles ! 230, 288, 306, 316, 322 Disquitiones arithmeticae ! 197
darwinisme social ! 231, 288 dissection ! 24, 114, 234
datation ! 304 distance ! 32
Daubenton, Louis ! 152 Dobzhansky, Theodosius ! 288-289
Dausset, Jean ! 314 domestication ! 18, 153
Davy, Humphry ! 195 donneur ! 315
DDT ! 318 dorsale ! 313, 324
De animalibus ! 79 double hélice ! 306
De Architectura ! 36 Doudna, Jennifer ! 348
De humani corporis fabrica ! 114 Dracula ! 206
De l’histoire naturelle des Indes ! 108 drosophile ! 272
De la pyrotechnie ! 117
Du jour natal ! 26
De re metallica ! 116
Du sens et des sensibles ! 24
De revolutionibus ! 112
Du, Ding ! 41
décharge électrique ! 166
duplication du cube ! 51
DeepMind ! 350
dynastie des Abbassides ! 96
défibrillation ! 207
dynastie des Han ! 40
Delambre, Jean-Baptiste ! 187
Démocrite ! 13, 28, 91, 136 dynastie des Han ! 44
démonstration ! 30, 103, 128, 144, 285, dynastie des Tang ! 41
320, 324 dynastie Yuan ! 84
embryon ! 26
E
E = mc2 ! 266
empereur ! 126
Empire aztèque ! 106
Empire inca ! 106
eau ! 132
Empire romain ! 38
échange colombien ! 106
ENCCRE ! 157
échec ! 350
encre ! 92
Eckert, John ! 298
encyclopédie ! 38, 43, 52, 72, 74, 116, 346
éclairage électrique ! 250
éclipse ! 84, 276 Encyclopédie ! 156, 178
école de médecine ! 24 énergie ! 220, 238, 266, 290
École de pharmacie de l’université énergie cinétique ! 159
de Giessen ! 212 engrais chimique ! 270
École de physique ENIAC ! 298
et de chimie industrielles ! 262 enseignement ! 48, 202
École des traducteurs de Tolède ! 96-97 entropie ! 238-239
École normale supérieure ! 202 environnement ! 193
École polytechnique de Zurich ! 266 épicentre ! 44
École polytechnique ! 188, 202, 214 Épicure ! 90
école ! 17 épicycles ! 43
écologie ! 192, 318 épidémie ! 106, 138
économie ! 282 épigénétique ! 201
366 écriture ! 16, 20 épigénistes ! 27
Eddington, Arthur ! 276 épistémologie ! 215
Edison, Thomas Alva ! 250 Épitaphe à l’intention d’Isaac Newton ! 144
EDSAC ! 298-299 équation ! 64, 144, 154, 252-253
effet de serre ! 258 équilibre de Nash ! 283
effet Joule ! 220 équivalent mécanique de la chaleur ! 220
effet photoélectrique ! 1905 Ératosthène ! 32
effet placebo ! 180 Ercker, Lazarus ! 117
Église ! 112, 120 Errard, Jean ! 118
Égypte ! 32, 42, 48, 68 erreur ! 160, 196
Einstein, Albert ! 266, 276, 282, 290, espace ! 22, 266, 354
300, 337 Espagne ! 52, 66, 108, 164, 254
électricité ! 182, 194, 207, 208, 256, 340 espèce ! 148, 200, 230
électrodynamique ! 208 essai nucléaire ! 300
électrolyse ! 194
Essai philosophique sur les
électronique ! 332 probabilités ! 204
électrostatique ! 182, 209 étalon ! 186
élément chimique ! 226, 236 États-Unis ! 211, 248, 280, 282, 308, 298,
élément radioactif ! 282 310, 312, 318, 326
Éléments de mathématique ! 284 Éthiopie ! 317
éléments radioactifs ! 306 éthique ! 307, 354
Éléments ! 30, 127 ethnographie ! 134
élevage ! 18 ethnologie ! 163
embryologie ! 27 éthologie ! 339
Index des noms, des notions et des lieux
F
faculté de sciences ! 263
Freeth, Tony ! 35
Freiberg, Thierry de ! 86
fret maritime ! 310
faculté des Arts de Paris ! 82
Freud, Sigmund ! 180
Faraday, Michael ! 252
Froissart, Jean ! 88
fauconnerie ! 78
Fukushima ! 340
fax ! 311 Fulda ! 90
féminisme ! 48, 308 fusil ! 210
femmes de sciences ! 48, 72, 138-139, fusion nucléaire ! 300
140-141, 158-159, 185, 188-189, 262-
263, 338-339 Fust Johann ! 92
fertilité ! 308
Fibonacci, Leonardo ! 66, 78, 98
fièvre puerpérale ! 222
First Draft of a Report on the EDVAC ! 298
G
galaxie ! 280
fission nucléaire ! 300 Galien, Claude ! 38, 55, 96, 110, 114, 116,
fixisme ! 200 128
Fleming, Alexander ! 278 Galilée ! 120, 126, 130, 132, 164
Florence ! 120 gallium ! 236
Florey, Howard Walter ! 278 Galton, Francis ! 197, 219, 231
fluide ! 128, 184, 208, 220, 234, 238, 256, Galvani, Luigi ! 194, 207
267, 268-269 garrot ! 128
Gassendi, Pierre ! 138 grenouille ! 194
Gauss, Carl Friedrich ! 188, 196, 218 Gribeauval, Jean-Baptiste de ! 211
gaz ! 135, 226, 175, 258, 342 Griffith, Frederick ! 306
gaz de combat ! 274 grippe ! 191
gaz nobles ! 237 Grosseteste, Robert ! 87
gazomètre ! 184 groupe sanguin ! 129
gène ! 272, 348, 307 Groves, Leslie R. ! 300
générateur électrostatique ! 166-167 Guangqui, Xu ! 127
génération spontanée ! 228 Guericke, Otto von ! 136
génétique ! 232, 288, 348 guérison ! 180
génie militaire ! 118 guerre de Sécession ! 211
génome humain ! 233, 307, 348 guerre du Vietnam ! 310
genre ! 148 Guerre froide ! 312
géocentrisme ! 112 guerre ! 50, 94, 274
Géographie ! 43, 70, 97 Guillaume, Jacquette ! 141
géographie ! 32, 70, 137, 192 Gutenberg ! 92
géologie ! 216
géométrie euclidienne ! 118
géométrie ! 30, 32, 48, 76-77, 130, 155
géophysique ! 304, 312, 324
H
H4 ! 160
géopolitique ! 300
Haber, Fritz ! 270
368 Germain, Sophie ! 188
Haeckel, Ernst ! 193, 288
germanium ! 236, 302
germe ! 228 Haïti ! 308
GIEC ! 342 Hall, John ! 210
Giessen ! 212 Halley, Edmond ! 144, 160, 216
glaciation ! 258 Harpers Ferry ! 210
gnomon ! 54-55 Harrison, John ! 160, 164
go, jeu de ! 350 Harry Potter ! 47
Gödel, Kurt ! 265, 282 Harvey, William ! 128
Goldstine, Herman ! 298 hasard ! 204, 290, 320
Golgi, Camillo ! 254 Hassabis, Demis ! 350
Gongliang, Zeng ! 41 héliocentrisme ! 112
Goodenough, John ! 195 hémisphère sud ! 162
Google ! 350 Henri de Montmort ! 138
gorges d’Olduvai ! 316 Henri IV ! 118
gorille ! 338 Herbier national du Muséum national
goudron ! 224 d’histoire naturelle de Paris ! 149
GPS ! 313 hérédité ! 201, 232, 272, 288, 306
Antarctique ! 312 Hermann von Helmholtz ! 221
Graham, George ! 160 Hernández, Francisco ! 108-109
Grand Schisme ! 90 Héron ! 35
gravitation ! 144, 158 Herschel, William ! 226
Grèce ! 34, 50 Hertz, Heinrich ! 252
Greffe ! 314 Hess, Harry Hammond ! 324
Index des noms, des notions et des lieux
I
iatrochimie ! 110 J
Ideal-X ! 311 Jacques Ier ! 124
IIIe République ! 189 Jammet, Henri ! 314
immunogénétique ! 315 Japon ! 248, 300
immunologie ! 191 Jardin des plantes ! 262
impératrice Eugénie ! 225 Jardin du roi ! 152
Imprimerie ! 92 Jean de Thessalonique ! 50
Jenner, Edward ! 190 La Richesse des Nations ! 179
Jersey ! 301 La Situation de la classe laborieuse en
jésuites ! 126-127, 156, 277 Angleterre ! 177
Jésus-Christ ! 305 Laïka ! 312
Jobs, Steve ! 332 Lamarck, Jean-Baptiste de ! 200, 230
Johanson, Donald ! 317 Laon ! 77
Joliot, Frédéric ! 282 Laplace, Pierre-Simon ! 123, 196, 204,
218, 321
Joules, James ! 220, 238
Laponie ! 150
Jules César ! 37
Laue, Max von ! 257
Jungner, Waldemar ! 195
Lavoisier, Antoine-Laurent ! 180, 184, 220,
Jupiter ! 120, 334 236
Jussieu, Antoine Laurent de ! 152 Lawrence, Ernest ! 282
Le Devisement du monde ! 85
K
kabbale ! 111
Le Livre des machines de guerre ! 51
Le Messager céleste ! 120
Leakey, Louis et Marie ! 316, 338
Kennedy, John Fitzgerald ! 328 Legendre, Adrien Marie ! 196
Kepler, Johannes ! 68, 122, 144 Leibniz, Gottfried Wilhelm ! 146
kilogramme ! 187 Leizu ! 18
Kirchhoff, Gustav ! 226 Les Amours ! 90
Kitab al-kulliyat ! 74 Les Animaux fantastiques ! 47
370
Koch, Robert ! 222, 229 Les Épidémies au Mexique ! 106
Korolev, Sergueï ! 312 Les Fondements de la géométrie ! 264
Kovalevskaïa, Sofia ! 189 Les Miracles de saint Démétrius ! 50
Kubilay khan ! 84 Les Temps difficiles ! 177
Kuo, Shen ! 41 lettre sur l’aimant ! 80
Lettres à une princesse d’Allemagne ! 155
Lettres philosophiques ! 150
L
L’Anatomie du mouvement du cœur et du
Lettres sur la botanique ! 149
leucémie ! 314
Leucippe ! 28, 91
sang chez les animaux ! 126-127
Lévi-Strauss, Claude ! 281
La Charrue ! 20
Libby, Willard Frank ! 304
La Chymie facile et charitable en faveur des
dames ! 138 licorne ! 134
La Condamine, Charles Marie de ! 150 Liebig, Justus ! 212
La Fabrique du corps humain ! 114 Linné, Carl von ! 148
La Filiation de l’homme ! 316 lion ! 46
La Génétique et l’origine des espèces ! 288 livre technique ! 117
Löfling, Pehr ! 149
La Géométrie et pratique générale
d’icelle ! 119 logarithme ! 122
La Méridienne vérifiée ! 150 loi Comstock ! 308
La Merveilleuse Règle des loi des gaz ! 135
logarithmes ! 122 loi normale ! 218
La Nouvelle Atlantide ! 125 lois de la réflexion ! 68
Index des noms, des notions et des lieux
P
Pacifique ! 162
physiocrates ! 178-179
physiologie ! 234
Physiologus ! 46
Padoue ! 114 physique quantique ! 290
Painlevé, Paul ! 268, 274 physique sociale ! 218
paléoanthropologie ! 316 physique ! 28, 130, 136, 144, 256, 262, 266,
paléontologie ! 198 336
paludisme ! 224, 318, 330 phytothérapie ! 72
Pic de La Mirandole, Jean ! 111 présage ! 20
pile atomique ! 300 presse ! 92
pile électrique ! 194, 208 pression atmosphérique ! 132
pilule contraceptive ! 308 Prévost, Jean-Louis ! 207
Pincus, Gregory ! 308 Priestley, Joseph ! 184
Pisan, Christine de ! 141 primate ! 338
pithécanthrope ! 316 primatologue ! 338
Planche de Galton ! 197 principe actif ! 330
Planck, Max ! 290-291 Principes de géologie ! 216
planète ! 34, 42, 144, 344, 328 Principes de la philosophie ! 130
planisphère ! 70 Principes généraux de la médecine ! 74
Planté, Gaston ! 193 Principes généraux des classiques de la
plantes ! 72 guerre ! 40-41
plasma germinatif ! 306 Principia ! 130, 144, 158
Platon ! 25, 48, 54 Printemps silencieux ! 318
Playfair, John ! 30 prix Nobel ! 249, 256, 262, 266, 271, 283,
Pline l’Ancien ! 38 302, 304, 330, 339,
Pneumatiques ! 35 probabilités ! 204, 218, 290
poésie ! 88, 90 procédé Haber-Bosch ! 270
Pogge, le ! 90 production de masse ! 210
Poincaré, Henri ! 264 produits de beauté ! 140
374 pôle ! 80 progestérone ! 308-309
Polidori, John William ! 206 programme informatique ! 350
polonium ! 262 projet Manhattan ! 283, 300, 304
pomme de terre ! 109 protocole de Kyoto ! 342
pompe ! 117, 132, 142, protocole de Montréal ! 342
Pont du Gard ! 36-37 psychologie ! 261
pont ! 36 Ptolémée IV ! 33
Pope, Alexander ! 144 Ptolémée, Claude ! 42, 68, 70, 74, 112, 162
Popper, Karl ! 22 public ! 240-241
porte-conteneurs ! 311
puissances de 10 ! 123
Porter, Rodney ! 191
pulsar ! 344
Porto Rico ! 308
puy de Dôme ! 133
Portugal ! 164-165
Pythagore ! 98
positivisme ! 215
positron ! 282
post-humanisme ! 354-355
postulat des parallèles ! 30
potassium radioactif ! 316
Q
quadrivium ! 48
Pouchet, Félix Archimède ! 228 quanta ! 266, 290-291
poudre à canon ! 80 querelle du vide ! 133
poumon ! 128 Quesnay, François ! 179
précision ! 32, 151, 183, 196 Quételet, Adolphe ! 218
préformationistes ! 27 quinine ! 224
Première Guerre mondiale ! 270, 274, 280 quotient intellectuel ! 218
Index des noms, des notions et des lieux
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204 ph © RMN-Grand Palais (Château de Versailles)/
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205 ph © RMN-Grand Palais (Château de Versailles)/
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