Livret Colloque UCAD-version 11février

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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

COLLOQUE INTERNATIONAL SUR Le BILAN DE LA


RECHERCHE SCIENTIFIQUE A LA FACULTE DES
LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DE L’UCAD

DATES : 24-25 FEVRIER 2022


LIEU : CENTRE DE CONFERENCES DE L„UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE
DAKAR (SÉNÉGAL)

LIVRET
APPEL A COMMUNICATIONS
Colloque international sur « la Recherche scientifique à la Faculté des Lettres et
Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar : historique, bilan et
perspectives »
Dates : 24-25 février 2022
Lieu : UCAD II

Historique, contexte et justification

Du point de vue de ses origines, l‟Université de Dakar, fondée officiellement le 24 février


1957, est le fruit d‟une longue tradition académique arrimée à la puissance coloniale
française : création du Comité d‟études historiques et scientifiques de l‟AOF en 1915 ; de
l‟école de Médecine de Dakar en 1918 ; de l‟IFAN en 1936 et de l‟Institut des hautes études
de Dakar qui regroupe les écoles supérieures de Médecine, de Sciences, de Droit et Lettres en
1950.

L‟acte fondateur du 24 février 1957 scelle les débuts d‟une longue aventure académique,
scientifique et culturelle. Rattachée dans un premier temps à l‟Académie de Bordeaux, ses
activités scientifiques, de recherche restent essentiellement organisées autour du modèle
académique français qui va élaborer les premiers programmes de recherche et de formation
des cadres avec une forte présence de la coopération technique française dans les Facultés.
Mais l‟accession du Sénégal à l‟indépendance en 1960 sonne l‟amorce des processus
d‟africanisation du personnel et des programmes de l‟université. Malgré une présence des
coopérants encore très importante dans certaines Facultés, comme c‟est le cas à la Faculté des
Lettres et Sciences humaines, les programmes d‟enseignement et les activités de recherche
dessinent une cartographie intellectuelle qui s‟attache à construire les fondements
scientifiques et épistémologiques d‟une université postcoloniale cherchant à se débarrasser
fondamentalement de l‟emprise académique française. Dès lors, à la Faculté des Lettres et
Sciences humaines, plus la dynamique d‟africanisation avance, plus l‟architecture des savoirs
produits, élabore les profils des élites africaines formées par l‟Université. L‟activité de
recherche et d‟enseignement, ainsi que les transformations du système académique, suite aux
multiples crises structurelles et politiques que connait l‟université après mai 68, prennent dans
cette Faculté le visage d‟une appropriation africaine des dynamiques de production et de
transmission du savoir universel et/ou endogène. Celles-ci se matérialisent d‟une part par
l‟organigramme des enseignements et de la recherche qui postulent une décolonisation de la
recherche en même temps que celle du matériau épistémologique et herméneutique ; d‟autre
part les modalités de constitution et de production d‟un savoir hérité des sciences humaines et
sociales d‟origine occidentale.

Depuis 1960, la Faculté des Lettres et Sciences humaines a construit une longue tradition
de recherche scientifique et de formation des élites nationales, africaines qu‟il convient de
revisiter et de vulgariser.

- Quels sont les grands moments historiques et épistémologiques qui articulent les
soixante années de recherche à la Faculté des Lettres et Sciences humaines ?
- Quels sont les apports scientifiques et pédagogiques des réformes académiques et
pédagogiques à l‟activité de recherche de la Faculté ?
- Quelle est la réception des travaux scientifiques produits à la Faculté, au sein des
universités africaines et ailleurs ?
- Quels sont les impacts de la réforme LMD sur la qualité des productions scientifiques
à la faculté ?

Consciente de la nécessité de repenser davantage l‟université africaine, ses nouvelles


missions et réorientations souhaitées par toute la communauté scientifique ainsi que les
acteurs qui gravitent autour de la recherche, la Faculté des Lettres et Sciences humaines se
projette de réunir autour de panels de discussions variés, des experts de tous bords afin de
discuter des conditions, modalités et objectifs de la recherche au 21 e siècle qui se voudrait
responsive. Nous lançons un appel à contribution en direction de toutes les disciplines des
sciences humaines et sociales, afin de recueillir des avis d‟experts sur la question de la prise
en charge de la recherche scientifique à la FLSH.

I. Axes thématiques :

Sans être exhaustifs, les axes thématiques suivants sont proposés :

- Hommage à certaines personnalités qui ont marqué la FLSH ;


- Les « écoles de Dakar » ;
- Syndicalisme et Politique à la FLSH ;
- Continuités et ruptures dans les enseignements et la recherche à la FLSH ;
- La FLSH : un legs colonial ?
- Vers la professionnalisation des enseignements ?
- Les enjeux et les défis liés aux sureffectifs, à la bi-modalité dans un contexte de la
Covid-19 ;
- Réponses de la Recherche aux besoins de la société ;
- Recherche et infrastructures au sein de la FLSH ;
- Recherche et coopération scientifique à la FLSH ;
- Le financement de la Recherche à la FLSH.

II. Lignes directrices de soumission :

Les propositions de communication d‟environ 300 mots accompagnées d‟un bref cv sont à
envoyer aux adresses suivantes : [email protected] ; [email protected] et
[email protected].

Les langues du colloque sont toutes celles enseignées à la FLSH : anglais, allemand,
arabe, espagnol, français, italien, portugais, pulaar, russe, wolof, etc.

III. Calendrier :

30 novembre 2021 : dernier délai pour la soumission des propositions

31 décembre 2021 : réponse du comité scientifique

31 janvier 2022 : dernier délai pour l‟envoi des communications

La durée des interventions sera de 20 mn.

Les frais de séjour seront pris en charge par les organisateurs et les actes du colloque seront
publiés.

IV. Comité d’organisation

Amadou Oury BA, Professeur assimilé d‟Allemand,

Idrissa BA, Professeur assimilé d‟histoire médiévale,

Moussa FALL, Professeur assimilé de Lettres Modernes,

Khady NIANG, Maître de Conférences titulaire d‟Archéologie,


Bacary SARR, Maître de Conférences titulaire de Lettres modernes

Oumar THIAM, Maître de conférences titulaire d‟anglais.


PROGRAMME
Le 24 février 2022

Heure Activité

09 h – 09 h 30 Mise en place

09 h 30 – 10 h Discours du Pdt du comité scientifique, du Doyen de la FLSH, du


Recteur et du MESR

Heure Activité

10 h 00 – 10 h 30 Pause-café

Panel 1 : Epistémè des Savoirs et Philosophie


Modérateur : Professeur Bado NDOYE
Rapporteur : Malick DIAGNE

Heure Auteur et communication

10 h 30 – 10 h 45 Mamadou Lamine Ngom : Penser la recherche à l‟aune du pluralisme


et de la fracture scientifique

10 h 45 – 11 h 00 Oumar Dia : Pensée critique africaine et défis du temps présent

11 h 00 – 11 h 15 Abdoulaye Bâ : Trois figures tutélaires du département de


philosophie

11 h 15 – 11 h 30 Pape Abdou Fall : Le fagot de ma mémoire de Souleymane Bachir


Diagne : parcours et enseignements d‟un humaniste intégral

11 h 30 – Midi Débat

Heure Activité

Midi – 14 h 00 Pause-déjeuner
Table-ronde sur « Vies créatives dans les universités africaines : pédagogie de l’espoir
et du désespoir »
Modérateur : Professeur Babacar Mbaye DIOP
Rapporteur : Dr. Mouusa Diène
Heure Auteur et communication
14 h15 – 14 h45 Sur les expériences à l‟UCAD
14 h 45– 15 h 15 Sur les expériences à l‟Université Houphouët-Boigny de Cocody,
Abidjan, Côte d‟ivoire
15 h 15 – 15 h 45 Sur les expériences à l‟Université d‟Abomey-Calavi du Bénin
15 h 45 – 16 h 15 Sur les expériences à l‟Université de Yaoundé I, Cameroun
16h 15 – 16h 45 Sur les expériences à l‟Université de Maroua, Cameroun
16 h 15 – 17 h 15 Débat

Le 25 février 2022

Amphithéâtre du centre de de conférences de l’UCAD II

Panel 2 : la Sociologie à la croisée des chemins


Modérateur : Professeur Souleymane GOMIS
Rapporteur : Souleymane Dia

Heure Auteur et communication

09 h – 09 h 15 Pape Alioune Ndao et Mouhamed Abdallah Ly : Trente ans de


sociolinguistique à l‟UCAD : esquisse de bilan critique

09 h 15 – 09 h 30 Samba Diouf et El Hadj Malick Sy Camara : Dynamique de


l‟enseignement de la sociologie à l‟UCAD

09 h 30 – 09 h 45 Ousmane Bâ : Enseignement de la Sociologie au Sénégal : de la


Sociologie générale au sein de la Faculté des Lettres et Sciences
humaines (FLSH) à la Sociologie du Sport à l‟INSEPS

09 h 45 – 10 h 00 Ibrahima Dia et Alassane Sow : Hommage au Professeur Abdoulaye


Bara DIOP (1930-2021) : Itinéraire d'un chercheur pluridisciplinaire et
pionnier de la sociologie sénégalaise

10 h 00 – 10 h 15 Pascal Oudiane : Amadou Ali DIENG, le précurseur de la sociologie


économique au Sénégal.

10 h 15 – 10 h 45 Débat
Heure Activité
11 h 00 – 11 h 30 Pause-café

Panel 3 : Histoire et historiographie à Dakar : débats et travaux en cours


Modérateur : Professeur Ibrahima THIOUB
Rapporteur : Ousmane SEYDI

Heure Auteur et communication

11 h 30 – 11 h 45 Mohamed Mbodj
Les articulations idéologiques et socio-politiques de l'école des
historiens de Dakar

11 h 45 – 12 h 00 Catherine Coquery - Vidrovitch : La re-création de l‟École de Dakar


par Boubacar Barry

12 h 00 – 12 h 15 Idrissa Manga L‟influence de Cheikh Anta Diop sur l‟écriture de


l‟histoire à l‟Ecole de Dakar

12 h 15 – 12 h 30 Gafou Diop : 60 ans de recherches scientifiques à la FLSH : l‟enfance


en question au département d‟histoire

12 h 30 – 12 h 45 Sawrou Fall : Primosyndicalisme à la faculte des lettres et sciences


humaines : de l‟avènement de la liste rouge a la suspension des
amicales (2005-2007)

12 h 45 – 13 h 15 débat

Salle visioconférence

Panel 4 : Continuités, innovations et ruptures dans les enseignements et la recherche à


la FLSH
Modérateur : Professeur Moussa FALL
Rapporteur : Astou SAGNA

Heure Auteur et Communication

09 h – 09 h 15
Mamadou Cissé : Métalangage et réalités linguistiques
09 h 15 – 09 h 30 El Hadji Malick Sy Wone : Regard sur les études linguistiques des
Annales de la FLSH de l‟UCAD

09 h 30 – 09 h 45 Nohou Gano : Renouvellement des enseignements/apprentissages dans


les départements de linguistique et sciences du langage et de lettres
modernes : l‟analyse du discours en mode déclencheur

09 h 45 – 10 h 00 Ousseynou Thiam : Quels apports de Moussa Daff à la recherche sur la


didactique du français et à l‟enseignement de la francophonie.

10 h 00 – 10 h 15 Khassim Diakhaté : Le développement de la recherche à la flsh-ucad


en matière de pensée arabo-islamique : la contribution du Professeur
Yves Marquet

10 h 15 – 10 h 30 Ibrahima Sylla : Le numérique au Département de Géographie de


l‟UCAD : diagnostic d‟une compétence en cours de négociation

10 h 30 – 10 h 45 El hadj Omar Thiam, Djibril Mbaye, Adama Mbengue :


L‟enseignement de l‟espagnol, de l‟italien et du portugais à la FLSH de
l‟UCAD. Enjeux scientifiques, culturels, politiques et diplomatiques

10 h 45 – 11 h 15 Débat

Heure Activité
11 h 15 – 11 h 45 Pause-café

Panel 5 : Recherche, approche inclusive et besoins de la société


Modérateur : Professeur Babacar DIOP dit Buuba
Rapporteur : Aminata SAMB

Heure Auteur et communication

11 h 45 – 12 h 00 SANZA LOMANDE EDGARD : Impact de la recherche scientifique


sur les besoins socio-économiques

12 h 00 – 12 h 15 Ondua Hervé : Le système LMD et la question de la recherche


scientifique dans les Universités d‟Afrique

12 h 15 – 12 h 30 Astou Fall : Les enseignantes-chercheures face aux défis de la


recherche scientifique à la Faculté des Lettres de l‟UCAD. : le cas du
département d‟anglais

12 h 30 – 12 h 45 Mouhamadou Lamine Gaye : Université et Handicap : le défi de


l‟éducation inclusive.

12 h 45 – 13 h 00 Aliou Sène : Analyse des enjeux et des défis liés aux effectifs
pléthoriques de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de
l‟UCAD

13 h 00 – 13 h 15 YEHOUN Olivier Wétuan : La réponse de la recherche à la question


de l‟employabilité des jeunes en Afrique.

13 h 15 – 13 h 30 Yankhouba Seydi
Covid-19, the Threat that Became an Opportunity for Digital Learning
in Public Higher Education in Africa, Case in Point: Senegal

Panel 6 : Rayonnement scientifique de la FLSH


Modérateur : Professeur Alioune Badara DIANE
Rapporteur : Dr Bouna Faye
Heure Auteur et communication
09 h 00 – 09 h 15 Mamadou Yero Baldé : Coopération scientifique et mobilité
académique. Les échanges entre la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines (F.L.S.H.) de Dakar et les établissements français
d‟enseignement supérieur (années 1970-1980).

09 h 15 – 09 h 30 Moussa Samba
Un siècle d‟édition scientifique à l‟UCAD : Quels bilan et perspectives
à la FLSH
09 h 30 – 09 h 45 Inoussou Diandia (Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina
Faso) : La contribution de la FLSH de l‟Université Cheikh Anta DIOP
de Dakar à la formation des élites burkinabè

09 h 45 – 10 h 00 MILLOGO Missa
Conversion d‟Adama A. Touré au communisme et son impact sur la
vie politique au Burkina Faso (1959 à 1987)

10 h 00 – 10 h 15 Oudiane Thiam
DAFF, le Malien

10 h 15 – 10 h 45 Débat

Heure Activité
11 h 15 – 11 h 45 Pause-café

Heure Activité
14 h 15 – 16 h 15 Pause-déjeuner

Heure Activité
16 h 15 – 16 h 45 Rapport général du colloque
RESUMES ET COMMUNICATIONS
PANEL I
Mamadou Lamine NGOM (UCAD) [email protected]

Penser la recherche en Afrique à l’aune du pluralisme et de la fracture scientifique

Résumé
L‟idée directrice de cette communication est de remettre en cause la thèse, biaisée mais
largement répandu aujourd‟hui, que Nicolas Bouleau appelle « le préjugé de supériorité
analytique ». Parmi tant d‟autres conséquences qui ne seront pas abordées ici, l‟idée d‟une
supériorité analytique en matière de recherche permet de légitimer une fausse hiérarchisation
entre les aires de productions scientifiques. Cela est corrélatif de l‟argument selon lequel la
production scientifique moderne est l‟apanage du monde occidental. Une réflexion axée sur la
notion actuelle de pluralisme scientifique permet d‟argumenter en faveur de la contribution de
toutes les « aires culturelles » à la recherche scientifique aujourd‟hui en prenant la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines (FLSH) de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar comme
étude de cas.

Cependant, le fait est que plusieurs entités de recherches, notamment occidentales, sont
bien en avance sur nous. Cela laisse entrevoir une certaine désynchronisation dans la
production scientifique. L‟analyse de ce constat sera basée sur le concept de « chrono-
diversité épistémique » récemment forgé par Léo Coutellec. Il s‟agit de penser une pluralité
temporelle en matière de recherche afin de montrer l‟inconsistance de l‟idée d‟une vitesse
standard dans le processus de production des savoirs scientifiques.

Le dernier point de cette communication appelle à un certain réalisme. Il s‟agira de


reconnaître une réelle « fracture scientifique » afin de proposer des solutions axées sur la prise
en charge de la question primordiale du financement de la recherche à la (FLSH) et sur une
reconsidération des savoirs endogènes. Cela permettra de construire un espace partagé de la
recherche scientifique en prenant appui sur la diversité épistémique. De ce fait, à la
conception géocentrée de l‟activité de recherche, substitue le renforcement des collaborations
scientifiques fructueuses.

Introduction
L‟idée directrice de cette communication est de remettre en cause la thèse, largement
répandue aujourd‟hui, expliquée par ce que le philosophe et mathématicien Nicolas Bouleau
appelle « le préjugé de supériorité analytique » (Bouleau, 2008). Parmi tant d‟autres
conséquences, qui ne seront pas abordées ici, l‟idée d‟une supériorité analytique permettrait
de légitimer une fausse hiérarchisation entre les aires de productions scientifiques. On peut
penser à un argument, dominant l‟histoire des sciences, stipulant que la science moderne est
l‟œuvre exclusive de l‟Occident. Au contraire, une réflexion axée sur une certaine dimension
du pluralisme scientifique1 permet d‟argumenter en faveur de la contribution de toutes les
fractions de l‟humanité au processus de maturation de la science contemporaine, qu‟on
qualifierait désormais de "science mondiale". En guise de rapide élucidation conceptuelle,
le pluralisme scientifique peut être compris comme la culture de la pluralité dans les sciences
(aussi bien au niveau des pratiques que des contenus). Cette pluralité peut concerner les
disciplines scientifiques en général ou plus spécifiquement les différentes théories qui
répondent à une unique question scientifique au sein d‟une même discipline.
Cependant, dans le cadre de cette communication, nous parlons de pluralisme dans un
autre sens très peu étudié aujourd‟hui, selon la philosophe des sciences Hélène Longino. Il
s‟agit de considérer que la science contemporaine est une synthèse de plusieurs sources
géoculturelles et de réfléchir au thème de la circulation et de la transmission des savoirs
scientifiques ainsi produits dans un cadre pluriel. Un aspect de ce pluralisme transparait dans
l‟idée que « (…) les individus qui participent à la production des connaissances scientifiques
sont historiquement, géographiquement et socialement situés et leurs observations et
raisonnements reflètent leurs situations » (Longino, 2019)2.

Toutefois, même si ce pluralisme reconnaît l‟apport de tous, il ne devrait pas cacher les
énormes disparités entre les entités de recherche. Ainsi, les structures de recherche
occidentales sont très en avance, par exemple sur celles de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines (FLSH) de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Compte tenu des
moyens mis au service de la recherche de part et d‟autre de ces structures disparates, on peut
entrevoir une certaine « désynchronisation » (un certain défaut synchronicité) dans la

1Cette problématique très actuelle du pluralisme scientifique, avec ses divers champs d’application en
science, est au cœur des travaux de recherche de ma co-directrice de thèse, la philosophe des sciences
Léna Soler, Maître de Conférences HDR aux Archives Henri-Poincaré de l’Université de Lorraine. Je
voudrais lui dire merci de m’avoir mis sur cette piste de recherche.

Voir aussi un texte de référence sur cette question (Bala, A. (2006). The Dialogue of Civilizations in the
2

Birth of Modern Science. USA: Palgrave Macmillan.)


production des connaissances. Toutefois, la notion de « chrono-diversité épistémique »
comme reconnaissance d‟une pluralité temporelle en science permettrait de mieux intégrer cet
état de choses (Coutellec, 2015, p. 27).

Il s‟agit également dans cette communication de faire preuve d‟un certain "réalisme". Cela
consiste à reconnaître une réelle « fracture scientifique » entre les entités de recherches afin de
proposer des solutions axées sur la prise en charge de la question primordiale du financement
de la recherche en Afrique (la FLSH de l‟UCAD étant considérée comme un cas particulier)
et sur une revalorisation des savoirs endogènes. L‟objectif final est de penser la construction
d‟un espace partagé de la recherche scientifique en prenant appui sur la diversité des
"épistémè".

1. Recherche scientifique et apport multiculturel : la grande question de Needham ?

« Bien que le point de vue de Needham concernant l'étendue de l'influence


ait été
contesté, il a ouvert la porte à la possibilité que le développement de la science en
Europe n'ait pas été un processus aussi insulaire qu'on le supposait jusqu'alors » (Bala,
2006, p.21).

Parler de recherche scientifique, c‟est aussi s‟intéresser à la rationalité en général. Cette


dernière comporte une dimension historique étroitement liée à celle de la production des
savoirs par la recherche. Si les résultats scientifiques peuvent être définis comme une
substance extraite d‟un matériau culturel et assimilée à des constructions rationnelles, il
semble pertinent, en ce qui concerne la recherche scientifique, de réfléchir en partant du
pluralisme multiculturel et d‟un externalisme minimaliste en histoire des sciences. Il s‟agit de
supposer que la connaissance scientifique ne se réduit pas à un tout organisé par les seuls
jugements de la raison et de l‟expérience, les seuls facteurs internes (le côté strictement
intellectuel, méthodologique et expérimental). Les résultats de la science sont aussi le fruit
d‟une construction de la pensée qui se rapporte aux idées propres à une époque et à une
culture. Pour se pérenniser, toute recherche doit donc s‟accorder, en tout lieu et en tout temps,
à des valeurs admises dans le contexte culturel, économiques et axiologique qui l‟accueille.
Nous en déduisons que, compte tenu de la diversité des aires géoculturelles dans le monde, la
recherche scientifique ne se fait ni de la même manière, ni avec les mêmes intérêts, ni avec le
même rythme ou la même intensité. La croyance en la science par la société, le choix des
hypothèses et les réponses attendues peuvent différer selon l‟aire culturelle considérée.
Malgré tout, la tendance est d‟identifier l‟histoire de la science moderne et contemporaine
à celle de l‟Occident. C‟est justement la vielle « revendication d'universalité de la conception
“occidentale-positive-technologique” de la science »(Paty, 1999, p. 3). La question est de
savoir si l‟on peut vraiment fournir un compte rendu complet et satisfaisant de l‟histoire de la
recherche scientifique contemporaine en faisant abstraction de l‟apport des aires
géoculturelles non-occidentales sous quelque forme que se présente cette contribution et
quelle que soit la difficulté d‟établir les "ponts" pour la rendre viable.

C‟est cette importante question qui traverse l‟œuvre monumentale du biochimiste et


historien des sciences (sinologue) britannique Joseph Needham qui a fait sa carrière de
scientifique à Cambridge avant de se tourner vers l‟histoire des sciences et des technologies
chinoises. Le dessein de Needham3 était de montrer que l‟avènement de la science moderne (à
la Renaissance) n‟est pas un fait occidental absolument indépendant de toute influence des
aires culturelles extérieures (chinoise, arabe, égyptienne… par exemple). Cela légitime l‟idée
que la recherche scientifique est une histoire de transmissions et de dialogues entre toutes les
fractions de l‟humanité. Il semble que nous ayons tout intérêt à garder précieusement ces liens
afin d‟éviter ce que Lévi-Strauss appelle les « particularismes aveugles » dans la recherche.
Dans ce sens, il met en garde à la fois contre deux extrêmes : l‟universalisme et le
particularisme.

Ainsi qu‟il le note, « C‟est le devoir sacré de l‟humanité de se garder d‟un particularisme
aveugle, mais aussi de ne jamais oublier qu‟aucune fraction de l‟humanité ne dispose de
formules applicables à l‟ensemble, et qu‟une humanité confondue dans un genre de vie
unique est inconcevable, parce que ce serait une humanité ossifiée », cité d‟après (Paty,
1999, p. 15).

Il est important d‟ajouter que les cultures, parce qu‟elles ne sont pas rigides ou étanches,
peuvent être transformées par la recherche scientifique. La difficulté se situe, ce faisant, dans
la manière d‟établir les ponts d‟une science et d‟une culture à une autre pour arriver à « ré-

3
C’est à Needham que l’on doit, entre autres, la série monumentale de plus de quinze volumes : Science and
civilisation in China et les recueils d’articles disponibles en français : La science chinoise et l’Occident, Collection
Points sciences, Le Seuil, 1973 ; La tradition scientifique chinoise, Collection Savoir, Hermann, 1974 ; Dialogue
des civilisations Chine-Occident. Pour une histoire oecuménique des sciences, choix de textes et présentation
par G. Métailié, 1991.
équilibrer ce rapport en proposant une diversité de manières originales d'acculturer les
sciences » (Paty, 1999, p. 18).

La posture épistémologique de Needham nous intéresse en cela qu‟elle soulève la question


fondamentale replaçant la production des savoirs scientifiques dans un contexte géoculturel
qui les influence et donc les conditionne à certains égards. Il a fait valoir, par exemple, que la
Chine ancienne a été culturellement caractérisée (par un féodalisme bureaucratique) par son
ingéniosité technique et intellectuelle dans des canaux qui empêchaient le développement de
certains domaines comme la science moderne qui a émergé en Europe occidentale du 14ème au
17ème siècles. La grande question de Needham est la suivante : pourquoi la science moderne
s'est-elle développée en Europe à la Renaissance et pas ailleurs (en Chine, en Inde ou en
Afrique) ? Il est question d‟en chercher les raisons socio-culturelles. La réponse que Needham
propose :

« (…) je pensais que le seul problème essentiel était de savoir pourquoi la science
moderne ne s‟est développée qu‟en Europe et non4 à l‟intérieur de la civilisation chinoise
(ou indienne). (…) La réponse à toute ces questions se trouve, je le crois maintenant,
d‟abord dans les structures sociales, intellectuelles et économiques des différentes
civilisations »(Needham, 1973, p. 124).

Partant de ce postulat externaliste pour expliquer la naissance de la science moderne, il


privilégie un processus dialogique basé sur la transmission des connaissances au détriment de
ce que l‟historien des sciences Hendrik Floris Cohen appelle « le fait de la priorité
occidentale » (Cohen, 1994, p. 404). Cohen précise cependant qu‟il ne faut pas que les
occidentaux soient trop "fiers" ni les non-occidentaux trop "envieux", mais qu‟il faut prendre
comme tel ce « fait remarquable »5 afin d‟expliquer pourquoi l‟invention de la science (au
sens post-Renaissance) a échappé aux autres civilisations. Cependant, nous considérons avec
Arun Bala que la reconnaissance d‟un processus dialogique entre les civilisations n‟édulcore
en rien « le fait de la priorité occidentale » :

« Au contraire, l'enracinement de la science moderne dans les traditions du savoir au-


delà de l'Europe lui donnerait une signification plus globale. Une histoire
culturellement hybride de la science moderne rendrait beaucoup plus difficile pour les

4 C’est l’auteur qui souligne.


5 C’est l’expression utilisée par Cohen.
autres civilisations de la rejeter comme un implant complètement étranger venant de
l'Occident »(Bala, 2006, p.25).

Les apports multiculturels font donc de la science le fruit d‟une synthèse, d‟échanges entre
des aires géoculturelles très différentes. Cela pourrait légitimer par exemple, selon Needham,
l‟idée d‟une transmission des connaissances scientifiques et technologiques très avancées du
Moyen Age chinois, arabe et de l‟Antiquité égyptienne à l‟Europe. Le mérite incontestable de
l‟Europe réside en fin de compte dans son organisation socioculturelle très propice à
l‟éclosion des idées scientifiques qui alimentent les racines de notre science contemporaine.

Faisons remarquer que même si les constructions scientifiques sont universelles en droit,
elles sont toujours situées dans les faits. L‟universalité de droit ne deviendra un fait que
lorsque les éléments rationnels de la science sortent de leur environnement culturel
d‟élaboration pour se confronter à d‟autres éléments ayant leur ancrage dans d‟autres cultures.
D‟où l‟importance, voire la nécessité, des collaborations nationales et internationales autour
des thématiques de recherche (c‟est la thèse principale de cette communication).

Lors leur entretien en 1974, Jean-Marc Lévy-Leblond a demandé à Joseph Needham à


quels types de lecteurs il s‟adressait à travers ses livres sur la tradition scientifique chinoise.

Needham répondit : « (…) je crois qu'en général mes collaborateurs et moi-même


considérons ce projet comme une contribution à la compréhension internationale et à la
lutte contre le racisme. Je serais bien récompensé si un jour en Afrique, par exemple, un
ingénieur européen ou latino-américain rencontrait un ingénieur chinois en ayant lu ce que
nous avons dit sur les triomphes de la technologie chinoise au Moyen Âge ; ça lui
permettrait de ne pas considérer le Chinois tout à fait comme un bouseux, et, en
connaissant quelque chose de ce qu'ont accompli les ancêtres de son collègue chinois, il
approcherait cette relation personnelle dans un tout autre esprit » (Lévy-Leblond, 1974).

Pour nous, ce motif invoqué par Needham doit inciter à poursuivre et à nourrir les
collaborations scientifiques pour éviter qu‟une partie du monde de la recherche ne soit laissée
en rade. En effet, la recherche scientifique se porterait mieux en Afrique et partout ailleurs
dans le monde si l‟on évitait autant que faire se peut le type de jugement, pour le moins,
caricatural par lequel le « jésuite belge Louis Van Hée étala [,] au long d‟une série d‟articles
[,] son mépris envers le "mathématicien jaune", comme il l‟appelait, dépourvu selon lui de
toutes les qualités qui signalent un véritable scientifique » (Chemla, 2007, p. 72).
Une étude bien menée dans le champ du pluralisme scientifique devrait aider à déplacer ce
type de préjugé de supériorité analytique »(Bouleau, 2008) qui relègue certains régimes
d‟activité scientifiques au simple rang de premiers balbutiements. Au contraire, une
confrontation de ces diverses expériences permettrait de jeter une lumière sur les manières
dont l‟activité scientifique se nourrit des cultures au contact desquelles elle se déploie, sur les
différents régimes qu‟elle a connus en des temps et des lieux tout aussi divers.
Si l‟on considère la question du point de vue de la recherche en sciences humaines et
sociales en Afrique, on peut évoquer la nécessité de maintenir un profond arrimage des
savoirs endogènes au "savoir universel" de l‟humanité contemporaine. C‟est de cette manière
qu‟il nous semble possible de remédier au problème soulevé par l‟anthropologue Jean Copans
qui se demande si les sciences sociales africaines ont une âme de philosophe6 :

« (…) l‟observateur avisé, écrit-il, peut penser aujourd‟hui que le Moyen-Orient et


l‟Asie, l‟Amérique latine et centrale, voire le Pacifique sont tout naturellement parties
prenantes de la mondialisation alors que l‟Afrique noire s‟en détournerait
irrémédiablement » (Copans, 2000, p. 54).

La mondialisation étant presque irréversible, il n‟est pas nécessaire de répondre à cela en


prêchant le vieux « africanisme intellectuel » qui n‟a pas de sens en soi. La recherche en
Afrique devrait d‟abord s‟ancrer davantage dans les savoirs endogènes à travers ce que les
organisateurs de ce colloque international ont appelé une « appropriation africaine des
dynamiques de production et de transmission du savoir universel et/ou endogène ». Ensuite,
elle devra s‟enrichir des collaborations scientifiques, à parité, avec le reste du monde de la
recherche scientifique notamment l‟Europe. Une réelle "modernisation" des outils de
recherche (comme un meilleur usage du numérique) et des thématiques de recherche pourrait
résulter de cet important processus d‟hybridation de la recherche.

Ainsi, on pourra répondre à l‟injonction de Needham selon laquelle, « Il est nécessaire de


voir l'Europe de l'extérieur - de voir l'histoire européenne et l'échec européen, tout comme
les réalisations européennes, à travers les yeux de cette grande partie de l'humanité que
sont les peuples d'Asie et, bien sûr, d'Afrique », Needham cité d‟après (Bala, 2006, p. 53).

6 C’est le titre énigmatique de son article cité (voir dans la bibliographie).


Ce que nous avons dit sur ce premier point ne doit nullement être pris comme une quête
de légitimation de la contribution africaine à la science contemporaine, mais comme une piste
de réflexion qui pourrait aboutir à une histoire alternative de la recherche scientifique qui soit
cosmopolite, mais aussi intellectuellement et anthropologiquement plus satisfaisante. L‟enjeu
philosophique de notre invocation du pluralisme fondé sur la diversité épistémique et les
apports multiculturels est de sensibiliser le monde africain de la recherche afin qu‟il embrasse
davantage le statut de co-producteur des savoirs scientifiques qui alimente cette même
recherche.

L‟Afrique pourra ainsi sortir de ce "cliché" qui ressort du rapport mondial de l‟UNESCO
en 2005 d‟après lequel « Jusqu‟à présent, les pays en développement n‟ont eu qu‟un simple
rôle de consommateurs sur le marché mondial de l‟enseignement supérieur » (Bindé dir.,
2005, p. 91 ). Nonobstant les faibles moyens et les outils souvent rudimentaires s‟ils existent,
l‟Afrique a un rôle important à jouer sur « le marché mondial de l‟enseignement supérieur ».
En fin de compte, il faut prendre conscience du fait que « ni l‟occidentalisation de la science,
ni les nationalismes scientifiques, ni même les sciences endogènes ne rendront compte
véritablement de la science qui s‟invente véritablement dans la pensée humaine » (Mvé-Ondo,
2007, p. 128). De ce fait, à la conception géocentrée de l‟activité de recherche se substitue le
renforcement des collaborations scientifiques fructueuses. C‟est ainsi qu‟on pourra résorber
cette fracture scientifique sans cesse grandissante dont souffre l‟Afrique.

2) Résorber la fracture scientifique : la place de l’Afrique ?

« Désormais on peut parler ici de fracture scientifique, c‟est-à-dire d‟une sorte de


distance qui sépare les pays développés et les pays en développement en matière de
production, de circulation et de gestion du savoir » (Mvé-Ondo, 2007).

Nous vivons dans un paradigme qui exige que nous allions « vers les sociétés du
savoir » (Bindé dir., 2005). Aujourd‟hui, on peut sans doute s‟accorder sur le fait que le vrai
capital est la production et la transmission des savoirs scientifiques. La tendance actuelle est
telle que toute société qui n‟investit pas sérieusement dans la recherche scientifique, est
presque irrémédiablement condamnée à disparaître. Toute aspiration au développement est
tributaire d‟une recherche scientifique élaborée sur les bases épistémologiques et culturelles,
constitutives de la société qui l‟accueille.
La réflexion à propos du statut ou de la place de l‟Afrique par rapport à la recherche
scientifique mondiale, nous semble donc primordiale. En effet, dans ce contexte de
mondialisation irréversible, il importe de porter un regard sur la place scientifique des
Universités africaines exemplifiées, dans le cadre de ce colloque international, par la FLSH de
l‟UCAD.

La notion de fracture scientifique que nous empruntons au philosophe gabonais


Bonaventure Mvé-Ondo nous invite surtout, de façon réaliste, à prendre conscience du retard
de l‟Afrique par rapport au reste du monde en matière de recherche scientifique (sans oublier
que de grandes avancées sont à noter dans des pays comme l‟Afrique du Sud). Le sous-
développement est certes une explication valable de cet état de choses, sans doute la
principale, mais il faut aussi dire que le problème n‟est pas lié qu‟au sous-développement du
continent. Il pourrait surtout s‟agir davantage d‟un problème de société, donc institutionnel et
organisationnel. La question se situe surtout au niveau du prix que les politiques africaines
sont prêtes à payer pour participer davantage au processus de construction de la science
contemporaine. Il semble important de reconsidérer l‟intérêt de la recherche scientifique par
des décisions politiques d‟accompagnement financier, matériel et infrastructurel qui
détermine le dynamisme de la recherche.

Pour se représenter l‟ampleur de cette fracture à l‟origine scientifique, il suffit de


s‟intéresser à l‟apport de l‟Afrique à la production scientifique mondiale. En 2000, elle ne
pesait que 0,3% de la production scientifique mondiale (science publiée, recensée et citée)
(Gaillard & Waast, 1988, p. 8). La situation d‟aujourd‟hui ne semble pas y avoir changé
grand-chose. Pour la considérer au plus près de nous, ajoutons que, selon le classement de
l‟Atlas sociologique mondial, le Sénégal occupe la 98ème place au monde pour 10381
publications scientifiques entre 1996 et 2018.

Il n‟est pas sûr que ces chiffres veuillent dire grand-chose ni qu‟ils puissent rendre
compte de la situation vraie, mais le problème en soi est réel. Nous pensons qu‟il faut imputer
cette situation à la faiblesse du financement et des moyens dédiés à la recherche scientifique.
Il s‟agit donc essentiellement d‟un problème politique parce que la priorité des politiques
devrait être de mettre toujours les chercheurs dans les conditions optimales. La preuve, pour
rester sur le cas du Sénégal, selon la Banque Mondiale, seulement 0,58 % du PIB étaient
destinés à la recherche scientifique en 2015. À cela il faut ajouter les infrastructures à
"moderniser" lorsqu‟elles ne sont pas simplement absentes. En toute bonne logique, si
l‟investissement dans la recherche est faible, la productivité des chercheurs en est
inévitablement affectée. Lorsqu‟on ne met pas les moyens nécessaires pour faciliter le travail
des chercheurs, on ne peut pas exiger d‟eux en retour, une ultra-productivité.

Il s‟agit là du paradoxe souligné par Jean Copans pour le cas des sciences sociales
africaines qui nous intéressent le plus :

« Paradoxalement, l‟indépendance institutionnelle et la pauvreté des moyens qui


l‟accompagne obligea au bout d‟un certain temps les milieux africains des sciences
sociales à se soumettre aux lois du marché de l‟expertise, ce qui se retourne contre les
dynamiques de l‟autonomisation intellectuelle » (Copans, 2000, p. 62).

En effet, la faiblesse de l‟accompagnement à la recherche, surtout en Sciences


Humaines et Sociales, freine l‟autonomisation intellectuelle ou du moins, en anéantit toutes
les aspirations. Nous en déduisons que l‟Afrique doit changer sa posture scientifique en
s‟ouvrant davantage au monde afin de s‟adapter aux défis de la mondialisation scientifique.
Parce que : « Changer de posture, c‟est aussi participer à l‟élaboration d‟une science mondiale
qui permette de mettre en valeur "les styles scientifiques" ou les "cultures scientifiques
différentes"» (Mvé-Ondo, 2007, p. 121). Nous ajouterons volontiers que changer de posture,
c‟est aussi participer financièrement à la survie des collaborations internationales afin de
faciliter les échanges d‟étudiants, de doctorants, de chercheurs etc.

Il serait également opportun de faire un effort plus soutenu d‟opérationnalisation et de


modernisation des structures de recherche. Pour le cas de la FLSH, la construction et
l‟équipement en matériel informatique de locaux dédiés aux laboratoires de recherche pourrait
améliorer la visibilité et renforcer les collaborations avec des structures internationales. C‟est
peut-être un combat qui peut être gagné grâce aux syndicats d‟enseignants qui sont très
dynamiques. On sortira ainsi de cette situation que décrit Mvé-Ondo, « les communautés
scientifiques nationales ou régionales ont tendance à vivre en vase clos, ignorant le plus
souvent ce qui se fait dans le laboratoire d‟à côté » (Mvé-Ondo, 2007, p. 122).
L‟enfermement en matière de recherche est d‟autant plus difficile à gérer que les
institutions vont être amenées à prendre en charge tous les coûts de l‟investissement dans la
recherche ; le travail en réseaux institutionnels allégerait la charge, enrichirait les savoirs ainsi
produits et faciliterait leur circulation. C‟est ce qu‟on peut lire dans le rapport de l‟UNESCO
(2005) à propos des pays en développement :
« Il est en effet plus facile, pour ces pays, de se « raccorder » à des structures en
réseaux, lesquelles s‟arriment elles-mêmes à d‟autres institutions ou réseaux existants
dans le cadre d‟une coopération régionale ou internationale, publique ou
privée »(Bindé dir, 2005, p. 96).
Ces réseaux vont favoriser une plus grande mobilité des étudiants et des chercheurs qui seront
amenés à travailler dans les institutions partout dans le monde, cette diversité étant bénéfique
en soi pour la recherche.
Néanmoins, malgré l‟importance des collaborations et l‟urgence de résorber la fracture
scientifique, nous voudrions faire remarquer l‟importance de la notion de « chrono-diversité
épistémique » (Coutellec, 2015) qui permet de prendre conscience d‟une pluralité temporelle
dans la recherche en partant des mouvement de la « Slow science ». L‟idée est de penser une
temporalité propre à chaque objet, chaque tâche, chaque sujet de recherche et, peut-être,
chaque entité de recherche selon sa situation. Ce qui est ainsi remis en cause, c‟est la "course
folle" aux publications, l‟hyper-productivité ou l‟accélération à outrance dans le monde de la
recherche. Cette situation de tension ininterrompue aggrave la fracture scientifique. Les
chercheurs du monde entier sont ainsi pris dans un engrenage par les politiques de recherches,
les stratégies de financement... Le scientifique se trouve comme piégé dans une tension
quotidienne. Il peut en résulter, comme le souligne Olivier Gosselain, des « milliers d‟articles
dupliqués, saucissonnés, reformatés, quand ils ne sont pas plus ou moins
“empruntés”»(Gosselain, 2011, p. 134). On finit par ne plus savoir ce que l‟on cherche.
Depuis 2010, la course aux publications, les évaluations des chercheurs et la
concurrence exacerbée entretenue par le monde de la recherche ont donné naissance à un
ensemble de réactions regroupées sous le slogan de la « slow science ». La réaction est née de
la publication du « Manifeste de la slow science » par la « Slow science Academy » fondée
par des chercheurs berlinois qui ont préféré garder l‟anonymat. Le fond de leur argumentaire
consiste à dire qu‟on a besoin de temps pour faire de la bonne science. On lit justement dans
ce Manifeste ce qui suit :
« Nous avons besoin de temps pour réfléchir. Nous avons besoin de temps pour
digérer. (…) Nous ne pouvons pas toujours vous dire ce que signifie notre science, à
quoi elle sert, parce que nous ne le savons simplement pas pour l‟instant. La science a
besoin de temps. Tolérez-nous pendant que nous pensons »7.

7 http://slow-science.org/(consulté le 02/01/2022).
Des chercheurs à l‟Université Libre de Bruxelles ont épousé les revendications de la « Slow
science Avademy » (Gosselain, 2011). Ces universitaires revendiquent une désexcellence,
c‟est-à-dire un ralentissement pour sortir des canons de l’excellence (au sens de la course
effrénée). Cette dernière est souvent caractérisée, selon eux par la trilogie « vite, beaucoup,
mal » (Gosselain, 2011, p. 132). Cependant, les « désexcellents » ne prêchent pas les vertus
d‟une médiocrité intellectuelle, ils ne s‟opposent pas non plus radicalement à la manière
actuelle de faire de la recherche. Leur but est de faire comprendre que l‟on a quand même
besoin de temps et que la constance est l‟une des vertus essentielles de la science. Voici la
raison avancée par le Professeur Olivier Gosselain de l‟Université Libre de Bruxelles dans son
article de 2011 :

« En matière de recherche, la lenteur et la constance l‟emportent donc sur la vitesse et


la versatilité. Le danger vient de la pression exercée par l‟opinion publique sur les
chercheurs – via les politiques de financement– dont on attend qu‟ils obtiennent des
résultats immédiats, dans des domaines qui changent sans cesse au gré de l‟actualité »
(Gosselain, 2011, p. 131).

Compte tenu de ces arguments, peut-on standardiser notre rapport temporel au savoir
et aux publications ? Chaque objet ou sujet de recherche, chaque contexte social, politique,
économique et culturel de recherche ne devrait-il pas jouir d‟une temporalité propre en
matière de recherche ? Le terme « Slow » (le ralentissement ou encore la désexecellence)
n‟est pas à prendre au pied de la lettre, il s‟agit de pointer du doigt un phénomène
pathologique dans la recherche : le fait de vouloir obtenir des preuves ou des résultats tout de
suite en mettant les chercheurs (ou que les chercheurs eux-mêmes se mettent) dans une
pression souvent très insupportable.

Les conditions de recherche en Afrique appellent peut-être une forme de « Slow


science » dans le sens d‟une temporalité propre à cette situation particulière qui est, peut-on
espérer, transitoire.

Conclusion

Il faut « Que nous répondions présents à la renaissance du Monde/Ainsi le levain qui


est nécessaire à la farine blanche » (Senghor, 1945).

Pour tenter une synthèse finale, nous avons essayé de proposer un certain nombre de
réflexions pour encourager une approche alternative de la recherche, essentiellement fondée
sur le pluralisme scientifique, au sens premier du terme selon (Longino, 2002, p. 175), celui
de la diversité épistémique résultant de la diversité des perspectives culturelles et
idéologiques qui influencent la conduite de la recherche scientifique(voir aussi Hessen, 2006).
Cette façon de penser la production et la circulation des savoirs sur la base d‟une diversité
épistémique (par exemple, chez Needham, Chemla, Bala etc.) peut inciter à des collaborations
vivantes entre diverses entités de recherche internationales. Comme le dit Michel Paty, dans
une orientation interdisciplinaire, « Une leçon de l‟Histoire est que lorsqu‟une “science” se
fige et se ferme, elle est destinée à disparaître du champ de la connaissance. Elle se fossilise,
telles l‟astrologie et l‟alchimie, sciences vivantes jadis, vestiges culturels aujourd‟hui »(Paty,
1999, p. 12). Le caractère mortel de l‟enfermement pour les sciences peut aussi s‟appliquer
aux institutions de recherche qui peuvent de la même manière se fossiliser par manque
d‟ouverture. Nous avons également évoqué certaines raisons de la situation de la recherche en
Afrique, d‟une fracture scientifique qu‟il est très urgent de résorber par des décisions
politiques en faveur du bien être des chercheurs.
Nous voulons terminer en soulignant l‟importance pour les débutants dans la
recherche (masterants, doctorants et jeunes chercheurs) à la FLSH de l‟UCAD d‟avoir
l‟occasion d‟être plus proches des chercheurs expérimentés à travers la multiplication des
séminaires, des journées d‟étude etc. C‟est aussi une manière de revenir à l‟essence de la
recherche scientifique qui est avant tout une affaire de « communauté scientifique » (au sens
de Kuhn )au-delà des individus qui y participent. La recherche à la FLSH gagnerait donc à
associer les plus jeunes en leur donnant, par exemple, l‟occasion de publier leurs travaux de
recherche et de faire des communications scientifiques (colloques, séminaires…). Tout cela
pourrait être soutenu par un effort d‟autonomisation des laboratoires de recherche en termes
de financements et d‟équipements dédiés à la recherche.

Références bibliographiques

Bala, A. (2006). The dialogue of civilizations in the birth of modern science (1st ed). Palgrave
Macmillan.
Bindé (dir), J. (2005). Vers les sociétés du savoir. Unesco Publ.
Bouleau, N. (2008). Du pluralisme dans la science. halshs-00374576, 10.
Chemla, K. (2007). Aperçu sur l'histoire des mathématiques en Chine ancienne dans le
contexte d'une histoire internationale. Dogène, 219, 20.
Cohen, H. F. (1994). The scientific revolution: A historiographical inquiry. University of
Chicago Press.
Copans, J. (2000). Les sciences sociales africaines ont-elles une âme de philosophe ? : Ou du
fosterage de la philosophie. Politique africaine, 77(1), 54.
Coutellec, L. (2015). La science au pluriel. Editions Quæ.
Gaillard, J., & Waast, R. (1988). La recherche scientifique en Afrique. Afrique contemporaine
(La Documentation Française), 148, 3‑30.
Gosselain, O. (2011). Slow Science – La désexcellence. uzance, 1, 128‑140.
Hessen, B. (2006). Les racines sociales et économiques des Principia de Newton (Vuibert).
Lévy-Leblond, J.-M. (1974). Un entretien avec Joseph Needham (1900-1995). Alliage.
Longino, H. E. (2002). The fate of knowledge. Princeton University Press.
Longino, H. E. (2019). The Social Dimensions of Scientific Knowledge. Stanford
encyclopedia of philosophy. https://plato.stanford.edu/index.html.
Mvé-Ondo, B. (2007). Rationalité scientifique et diversité culturelle. Diogène, 219(3), 118.
Needham, J. (1973). La Science Chinoise et l’Occident (Ed Française). Edistions du Seuil.
Paty, M. (1999). L‟universalité de la science,une notion philosophique à l‟épreuve de
l‟histoire. Mâat. Revue Africaine de Philosophie, 1, 25.Senghor, L. S. (1945). Prières aux
Masques in Chants d’Ombre (Seuil).

Oumar DIA (UCAD) [email protected]

Pensée critique africaine et défis du temps présent


Soumise pendant plusieurs siècles à une très forte domination européenne, l‟Afrique n‟a dû ‒
au moins en partie ‒ sa libération encore inachevée qu‟à sa pensée critique. Celle-ci, produite
à la fois dans le continent et dans les plantations d‟Amérique où des millions d‟africains
étaient réduits à l‟esclavage, a connu son développement le plus important au vingtième siècle
et surtout après la deuxième guerre mondiale. Dépossédée d‟elle-même par la traite négrière
et par la colonisation, l‟Afrique se devait de produire une pensée critique pour se libérer en
réhabilitant sa culture et son histoire niées par l‟Occident esclavagiste et impérialiste. C‟est
dans ce cadre qu‟il faut ranger la naissance de courants de pensées et d‟œuvres aussi diverses
que le Panafricanisme, le Consciencisme, la Revue Présence africaine, Cahier d’un retour au
pays natal d‟Aimé Césaire, Nations nègres et cultures de Cheikh Anta Diop, etc. Mais si la
pensée critique qui sous-tend ces courants et œuvres diverses a effectivement constitué une
excellente réponse au défi de l‟époque en réhabilitant la culture et l‟histoire africaines, force
est de reconnaître que la libération de l‟Afrique est loin d‟être achevée comme l‟atteste la
réalité de ce qu‟il est convenu d‟appeler depuis plusieurs décennies le néocolonialisme. Se
pose ainsi la redoutable question de savoir quelle nouvelle pensée critique africaine (ré)
inventer pour faire face aux défis du temps présent de la libération ou de l‟indépendance
complète du continent. La présente proposition de communication se propose d‟apporter une
tentative de réponse à cette question.

Abdoulaye BA (UCAD) [email protected]

Trois figures tutélaires du département de philosophie


La philosophie est une tradition. Et, s‟interroger sur cette tradition est le premier acte qu‟elle
pose, depuis Socrate. Au Sénégal, le département de philosophie de l‟Université cheikh Anta
Diop en est l‟incarnation, certes non millénaire ou séculaire, mais vivante de quelques bonnes
décennies irriguées par, entre autres, ces trois figures sur lesquels nous souhaitons marquer un
temps d‟arrêt : Mamoussé Diagne, Abdoulaye E. kane et Souleymane Bachir Daigne.
L‟objectif visé, au-delà d‟un hommage est de repérer d‟abord le positionnement de chacun
d‟entre eux sur la question tant discutée d‟une philosophie africaine. Comment l‟apprécient-
ils? Ensuite, sur un plan épistémologique (car tous ont eu une réflexion de ce genre), quelles
réflexions ont-ils développées pour asseoir ce positionnement ? Enfin, quels sont les traits
particuliers qui rendent uniques leurs pensées, chacun pris individuellement et
comparativement aux autres.

Papa Abdou Fall (UCAD)

Le fagot de ma mémoire de Souleymane Bachir Diagne : parcours et enseignements d’un


humaniste intégral
Le fagot de ma mémoire de Souleymane Bachir Diagne entrelace sa biographie et sa
bibliographie. Malgré les difficultés que préfigurent déjà le titre – défaillance de la mémoire,
contrainte narratologique, synthèse d‟une pensée qui se nourrit du pluralisme et du
perspectivisme, etc. –, Souleymane Bachir Diagne, enseignent chercheur ayant servi pendant
presque vingt ans au département de philosophie de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar, fait, dans ce livre, l‟historique et le
bilan de ses recherches et de ses enseignements tout autant qu‟il détermine les perspectives de
ceux-ci. Autant dire que Le fagot de ma mémoire et, de manière générale, l‟œuvre de
Souleymane Bachir Diagne méritent une place dans ce colloque dédié à la « Recherche
scientifique » à cette faculté. Un tel livre synthétise l‟œuvre de l‟auteur et celle-ci l‟éclaire. Ce
qui permet d‟appréhender l‟œuvre à l‟aune des enseignements du livre et inversement. Telle
est notre hypothèse : le pluralisme, le dialogue et la tolérance sont d‟autant plus au cœur de la
vie et de l‟œuvre de Souleymane Bachir Diagne qu‟il promeut un humanisme intégral. Selon
ce philosophe, la parole prophétique « allez chercher le savoir, fût-ce jusqu‟en Chine » est
l‟esprit de l‟islam, a favorisé l‟ouverture et le développement des sciences et particulièrement
de la philosophie dans le monde musulman et constitue les soubassements des orientations de
son parcours, de ses recherches et de ses enseignements. Deux exigences marquent de leur
sceau la parole prophétique autant que la carrière du philosophe. D‟une part, on cherche à
savoir et/ou à faire savoir non seulement pour le savoir, mais aussi et surtout pour l‟ouverture,
le pluralisme, le dialogue, la tolérance, l‟humanisme, etc. D‟autre part, recommander d‟aller
jusqu‟en Chine pour l‟apprentissage-enseignement, c‟est aussi reconnaître que « le savoir est
voyage » et le voyage est savoir.
PANEL II
Papa Alioune Ndao (Lettres modernes, UCAD) et Mouhamed Abdallah Ly (UCAD)

Trente ans de sociolinguistique à l’UCAD : esquisse de bilan critique

Un inventaire exhaustif des travaux de sociolinguistique à l‟UCAD, en général, et à la FLSH,


en particulier, déboucherait sans doute sur une somme imposante de références dont les plus
anciennes remonteraient aux années soixante. Toutefois, c‟est à la fin des années quatre-vingt
et au début des années quatre-vingt-dix que la sociolinguistique ucadienne a réellement pris
son envol avec les travaux de Pape Alioune Ndao, Moussa Daff, Ndiassé Thiam, etc. Dans
cette communication, nous ferons un bref état des lieux des objets de recherche, des courants
théoriques, des méthodologies, etc. mobilisés par les chercheurs de ce domaine de savoir des
Sciences du langage. Cela nous permettra d‟évoquer par la suite ce qui nous semble être des
impensés, des culs-de-sac, mais surtout les potentielles réorientations thématiques, théoriques
et méthodologiques et épistémologiques qui pourraient être envisagées au regard du
renouvellement générationnel qui s‟opère mais surtout à la lumière d‟un certain nombre de
mutations sociales et linguistiques qui structurent et restructurent le Sénégal contemporain,
des bifurcations, dans divers contextes, au sein de la discipline et enfin des débats suscités par
les études postcoloniales.

Mots-clés : Sociolinguistique, linguistique, Ucad, Sénégal, bilan critique

Samba DIOUF (UCAD) et El Hadji Malick Sy Camara (UCAD)

Dynamique de l’enseignement de la sociologie à L’UCAD

L‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar est l‟une des premières universités de
l‟Afrique occidentale française (AOF). En Afrique francophone, le Sénégal est le premier pays
à connaître l‟enseignement de la sociologie. En effet, dès la création de la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines (FLSH), la sociologie était enseignée comme une discipline transversale
dans les départements de Lettres classiques et modernes, de Philosophie, d‟Allemand,
d‟Espagnol, d‟Histoire, de Géographie et de Portugais.

Au Sénégal, Georges Balandier peut être considéré comme le père fondateur de la


sociologie8. À la suite de Balandier et Louis Vincent Thomas, la première génération de
sociologues sénégalais a pris le flambeau pour assurer son enseignement. Il s‟agit notamment de
Boubakar Ly et d‟Abdoulaye Bara Diop, premiers spécialistes de la discipline à avoir travailler
sur les sociétés halpulaar et wolof.

Cependant, en 1968 le département de sociologie a été frappé d‟interdiction. En réalité,


avec la publication des ouvrages de Louis-Vincent Thomas (Idéologies négro-africaines
d’aujourd’hui), de Pierre Fougeyrollas (Où va le Sénégal ?) et de Majhemout Diop (Les
classes sociales dans l’Afrique de l’Ouest), le pouvoir pensait qu‟il y avait un lien étroit entre
l‟idéologie révolutionnaire marxiste et la sociologie. Ce supposé lien fusionnel, a conduit à la
fermeture du département de sociologie après les événements de mai 1968, sonnant ainsi le
glas de l‟enseignement de la discipline dans l‟université sénégalaise. Mais en 1990,
l‟ouverture d‟une section de sociologie à l‟université Gaston Berger de Saint-Louis, deuxième
université sénégalaise, a suscité l‟envie de rouvrir le département à l‟université Cheikh Anta
Diop de Dakar (Tamba, 2015).

Les partisans de la réouverture du département de sociologie de l‟UCAD n‟obtiennent


effectivement gain de cause qu‟en 1999. La section de sociologie a été portée de 1992 à 1998
par le département de philosophie avant d‟être érigée en département, à part entière, en 1999,
comme l‟avait fait le doyen Thomas.

Après sa réouverture, le département s‟est beaucoup illustré sur le plan de l‟enseignement et


de la recherche. Les sorties pédagogiques, les journées scientifiques ont fait de la sociologie la
vitrine de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.

Cette communication se propose de documenter quelques activités scientifiques réalisées


par le département de Sociologie en particulier les enseignants et les étudiants afin de montrer
les activités essentielles et les faits saillants ayant contribué à son dynamisme et à son
rayonnement.

8
D‟ailleurs, Balandier lui-même se définit comme tel : « Oui, je suis l‟initiateur de la sociologie dans quelques pays
d‟Afrique noire francophone, notamment au Sénégal, en Guinée, au Congo Brazzaville, au Gabon, etc. Georges
Balandier, entretien avec Moustapha Tamba, in Moustapha Tamba, 2014, La sociologie au Sénégal,
L‟Harmattan-Sénégal, p.45.
En Afrique, les flux migratoires occasionnés par l‟Éducation Pour Tous (EPT) sont
peu absorbés par l‟enseignement supérieur malgré le développement fulgurant de
l‟enseignement supérieur privé. Les universités publiques n‟arrivent pas à absorber les flux
des bacheliers. Dès lors, il faut se demander quelle est l‟institution universitaire qui pourrait
supporter une augmentation de ses effets de 10% par année pendant cinq années ?

Méthodologie
Dans le cadre de cette étude, nous avons consulté des ouvrages, des mémoires de
master de sociologie, des articles scientifiques. Nous avons aussi exploité des documents
administratifs de la FLSH relatifs à l‟effectif des étudiants par niveau et cycle. En effet, ces
statistiques nous ont permis d‟avoir le nombre d‟étudiants orientés au niveau de la FLSH en
général et du département de sociologie en particulier.

La recherche documentaire a été articulée à la démarche empirique. Cette dernière nous a


permis de rencontrer des acteurs clés : enseignants, étudiants, PATS de la FLSH et du
département de sociologie. En sus, nous avons mis un accent particulier sur le discours des
acteurs pour saisir leurs perceptions du dynamisme du département de sociologie de sa
réouverture à nos jours.

Résultats

Tableau 1 : Répartition des effectifs d‟étudiants de la Faculté selon le département et le


niveau (2020-2021)

Licence Licence Licence Master Master


Niveau Total
1 2 3 1 2
Département

Anglais 2407 1152 979 543 564 5645

Géographie 2015 950 1089 327 285 4666

Lettres
modernes 2521 629 549 110 82 3891

Histoire 1879 656 530 262 358 3685


Espagnol 1270 454 630 335 158 2847

Philosophie 1414 686 423 128 93 2744

Arabe 1910 529 431 233 216 3319

Portugais 666 317 493 198 82 1756

Sociologie 775 445 349 195 215 1979

Allemand 412 141 109 24 21 707

Linguistique 684 157 115 228 229 1413

Russe 103 102 82 45 50 382

Italien 151 60 33 17 22 283

Lettres
classiques 11 6 9 3 18 47

Langue
persane 0 0 0 1 7 8

TOTAL 16218 6284 5821 2649 2400 33372

Source : Service administratif de la FLSH, 2020

Pour l‟année académique2020-2021, la FLSH comptait 33372 étudiants répartis dans 13


départements. Ce présent tableau indique que les effectifs sont très élevés dans quatre
départements : Anglais, Géographie, Lettres Modernes et Histoire. Ces départements occupent
respectivement 16.91%, 13,98%, 11,65%, et 11,04%. On peut noter également qu‟au niveau
de la faculté que les effectifs du premier cycle (Licence 1, Licence 2 et Licence 3) restent très
importants par rapport au deuxième et au troisième cycle. D‟ailleurs en 2020, les licences
représentent 84,87 % et les masters 15, 13 % de l‟effectif de la FLSH. En effet, l‟écart
important entre le premier et le deuxième cycle est d‟une part dû aux taux d‟échecs très
élevés aux examens des différentes sessions. D‟autre part, la licence ne suffit plus pour
garantir l‟admission au deuxième cycle9. Le troisième cycle (doctorat) reste accessible sous
certaines conditions. En effet, il est sélectif. En 2008, date d‟introduction officielle de la
réforme LMD (licence, master, doctorat), trois grandes écoles doctorales ont été instituées à

9
L‟admission en master est assujettie à certains critères basé sur le mérite dont la durée dans le parcours L , la
capacité d‟accueil et le taux d‟encadrement.
la FLSH. Il s‟agit de ETHOS10, ARCIV11 et EDEQUE12, qui totalisent 21 formations
doctorales. En 2020, 525 étudiants sont inscrits au doctorat, comme le détaille le tableau 2.
Tableau 2 : Effectif des étudiants inscrits dans les Ecoles doctorales de la FLSH en 2020.

Sexe
Ecole doctorale
Féminin Masculin Total

ARCIV 59 198 257

ETHOS 48 191 239

EDEQUE 5 24 29

TOTAL 112 413 525

Source : Service administratif de la FLSH, 2020


Ce tableau montre la répartition de l‟effectif des étudiants inscrits dans les Ecoles
doctorales de la FLSH en 2020. Il faut souligner que ces trois écoles doctorales regroupent 21
formations doctorales. En 2020, 525 étudiants sont inscrits au doctorat avec respectivement
257 étudiants à ARCIV, 239 à ETHOS et 29 à EDEQUE.

Les sorties pédagogiques

Le département de sociologie organise des sorties pédagogiques dans les différentes


régions du Sénégal. Cette activité annuelle participe non seulement à la formation des
étudiants mais aussi c‟est une façon pour le département de contribuer au développement des
différentes localités. De 2007 à 2019, le département a régulièrement organisé des sorties
pédagogiques sur diverses thématiques. On peut citer par exemple les sorties pédagogiques
de 2017 à Richard Toll sur « l‟analyse situationnelle de l‟éducation et de la qualité de vie »,

10
Études de l‟homme et de la société (ETHOS) regroupe 4 formations doctorales : philosophie et rationalité ;
sciences appliquées au développement ; Espace, sociétés et culture ; Histoire moderne et contemporaine.
11
Arts et Civilisations (ARCIV) regroupe 12 formatons doctorales : Études germanistiques ; Littérature française et
comparée ; Études américaines et caribéennes ; Études britanniques et du Commonwealth ; Sociolinguistiques ;
Linguistiques et didactiques des langues ; Études historiques sur les inventions culturelles ; Lettres classiques ;
Langue et Civilisations arabes ; Langue et Civilisation russes ; Études et recherches en romanistique ; Langue et
Civilisations persanes.
12
L‟École Doctorale Eau et Qualité de l‟eau (DERMIQUE) présente 5 formations doctorales : Hydrologie
continentale, Gestion intégrée des ressources en eau, gouvernance du littoral, Eau, environnement et santé, Eau et
stratégies spatiales traditionnelles et modernes.
2018 à Kaffrine sur « la scolarisation des filles et entreprenariat des jeunes », 2019 à Dioffior
et Filma sur l‟agriculture et le tourisme.

En 2017, les recherches sur les déterminants de la qualité de vie à Richard-Toll ont
permis de comprendre les différentes perceptions de la population. Les données de terrain
ont montré qu‟au-delà des conditions d‟existence matérielles et financières, les liens sociaux,
les valeurs morales et religieuses sont perçus comme des éléments qui contribuent à la qualité
de vie. La qualité de la vie est appréciée différemment selon les localités à Richard Toll :
l‟aspect financier est plus évoqué dans certains quartiers que d‟autres. Vivre avec sa famille et
avoir du travail est l‟une des préoccupations des trentenaires et de ceux âgés de plus de 45
ans. Pour les jeunes âgés de 26 à 40 ans, travailler à Richard Toll est mis en relation avec les
opportunités offertes par la Compagnie Sucrière Sénégalaise.13

En 201814 l‟étude sur la scolarisation des filles à Kaffrine, les étudiants ont montré
qu‟au fur et à mesure qu‟on avance dans le cycle scolaire, les filles qui ont connu un
meilleur accès abandonnent les études. Il se pose ainsi la problématique de leur maintien à
l‟école dans la zone. Mais qu‟est-ce qui explique le fait que les filles accèdent plus à l‟école
mais se maintiennent moins aux cycles moyen et secondaire ? L‟étude a montré quelques défis
pouvant affecter la qualité de l‟offre et la demande de scolarisation à Kaffrine. Il s‟agit
notamment :

- de l‟insuffisance du personnel enseignant à cause de son faible renouvellement ;


- de la disponibilité des infrastructures scolaires (lycées) parfois éloignés par rapport
aux domiciles des élèves ;
- des difficultés dans l‟entretien des infrastructures disponibles ;
- de l‟absence ladre réglementaire à l‟école concernant la situation des filles mères ;
- du caractère dérisoire des équipements scolaires qui nécessitent un renforcement ;
Ces réalités prédisposent ou favorisent le non maintien des filles à l‟école à Kaffrine.

Par ailleurs, il convient de souligner que les redoublements, les grossesses précoces,
contraintes familiales dont les mariages forcés constituent des facteurs de décrochage des
filles à l‟école.

13
Sortie pédagogique organisée par le département de sociologie de la FLSH de l‟UCAD à Richard Toll sur
l‟analyse situationnelle de l‟éducation et de la qualité de vie en 2017
14
Sortie pédagogique organisée par le département de sociologie de la FLSH de l‟UCAD à Kaffrine sur la
scolarisation des filles et entreprenariat des jeunes en 2018
En 2019, le département de sociologie a porté son choix sur Dioffior et Fimela.
L‟agriculture et le tourisme ont été les deux principaux thèmes de recherche15.

Les recherches portant sur l‟agriculture ont montré que la dynamique foncière expose le
secteur à des obstacles majeurs. Il s‟agit particulièrement de l‟accès à la terre et à l‟eau. Cette
situation occasionne la rareté de la ressource en eau à Dioffor, par exemple. Par contre si
Fimela, une zone à fortes potentialités hydro-écologiques avec une forte présence du fluor et
du calcium, offre une disponibilité de l‟eau, la forte pression démographique conséquence de
l‟urbanisation et l‟orientation des populations vers les cultures irriguées pose la
problématique la durabilité des ressources en eau et des activités dominantes de la zone (
agriculture et tourisme). Ainsi, si la pratique du maraîchage est souvent envisagé comme une
solution de rechange, elle bute sur les importants investissements que requiert l‟activité pour
rendre l‟eau disponible. En réalité, Fimela, connu aujourd‟hui comme une zone urbanisée et
à forte potentialités touristiques, est limitée dans son développement par l‟accès à l‟eau.

S‟agissant du tourisme16 l‟objectif de l‟étude était de comprendre la structuration du


secteur du touristique à Fimela dans un contexte de promotion de l‟écotourisme et du
développement local participatif. Les recherches ont montré que la localité présente une
multitude d‟acteurs œuvrant dans la promotion culturelle et touristique ; une diversité des
zones à fortes caractéristiques écotouristiques et une situation géographique et
environnementale favorable à l‟émergence des activités touristiques.

Ainsi, la prégnance de l‟activité touristique et de la présence des touristes dans la


localité a favorisé le développement d‟une forme de tourisme solidaire qui s‟explique par une
participation plus ou moins effective des touristes à l‟accès aux services sociaux de base
(santé, éducation, etc.). Toutefois, l‟activité touristique est doublement perçue : d‟une part,
elle est positive car ils participent au développement socioéconomique de la localité (achat
des produits halieutiques, formation des jeunes écoliers et dotations de fournitures,
équipement scolaire et sanitaire, dotation de médicaments). D‟autre part, elle jugée négative
par certaines populations qui pensent que l‟activité touristique entraine la perversion des
jeunes (exposition aux maladies sexuellement transmissible, détournement de mineurs, films
pornographies, organisation des défilés). Aussi, la privatisation de certains espaces naturels et
côtières (cas de Djilor) est-elle une conséquence de la présence de « touristes entrepreneurs ».

15
Sortie pédagogique organisée par le département de sociologie de la FLSH de l‟UCAD à Dioffior et Fimela
sur l‟agriculture et le tourisme en 2019
16
idem
Cette privatisation entraine des conflits entre propriétaires des sites d‟hébergement
touristiques et les habitants qui n‟ont plus accès à certaines zones de leur localité.

Enseignements tirés des voyages d’études : leçons apprises par les étudiants

Nombreux sont les étudiants qui pensent que les sorties pédagogiques organisées
par le département leur ont permis de capitaliser une bonne expérience en matière de
recherche, de gestion de groupe et surtout du vivre ensemble. C‟est dans cette perspective que
B. S étudiant en master1 de sociologie affirme que « Ce voyage d’étude m’a permis, avec mon
rôle de moniteur, de savoir comment manager un groupe, comment administrer un
questionnaire ou un guide, comment faire un focus group et surtout comment écrire un
rapport de travail. Ce voyage m’a aussi beaucoup servi sur le côté social parce qu’il m’a
permis de connaître la vie de groupe et de rencontrer d’autres populations afin de partager
avec elles ».

C.C étudiante en 3e année de sociologie abonde dans le même sens : « Ce voyage


d’études a été une expérience unique, car il m’a permis de tisser des relations avec des
étudiants que je ne connaissais pas bien auparavant. Avant cette activité, beaucoup avaient
des jugements à mon endroit, ils disaient que j’étais impolie, mais le voyage a permis à toutes
ces personnes de connaitre ma vraie nature et c’était vraiment cool. Par rapport à l’aspect
pédagogique, le travail est bien organisé. Nous étions répartis en groupe et chaque groupe
avait un moniteur et un superviseur pour mieux coordonner le travail. Durant la durée du
voyage, nous avons eu la chance de faire une méthodologie mixte, c’est à dire faire en même
temps du qualitative et du quantitative. Mais aussi de mettre en pratique toutes les théories
apprises en cours. C’était une occasion d’administrer des questionnaires et de faire des
entretiens et des focus group. Les ateliers de formation sont aussi organisés pour mieux nous
former à l’analyse des données ».

À bien des égards, les sorties pédagogiques sont considérées comme des moments
de socialisation et de découverte. Selon K.H, étudiant en première année de thèse,

« Les voyages d’études sont des moments essentiels en ce qu’ils nous permettent de
nouer des relations avec presque l’ensemble des étudiants du département. On découvre de
nouvelles personnes, connait des gens qui finissent par marquer notre vie et avec qui on finit
par nouer des relations soudées. C’est un moment de socialisation très forte pour nous
étudiants parce qu’on a l’habitude de faire les cours aux amphis ensemble mais on ne se
connait pas pour autant. À travers les voyages d’études, les étudiants se découvrent
mutuellement et arrivent à dépasser ces barrières où chaque personne qui n’était pas dans
ton cercle amical était considéré comme étant un inconnu. On devient de plus en plus des
personnes connues et associées à tout le monde. De plus, c’est le moment où les étudiants se
sentent vraiment très proche des professeurs. Ces derniers vivent et débattent avec les
étudiants au quotidien durant les voyages d’études. Ce qui nous permet de mieux les
connaitre, de mieux les côtoyer. À vrai dire, c’est un moment où les professeurs aussi
s’abaissent au niveau de vie sociale des étudiants pour instaurer un cadre social
confortable ».

Par rapport aux expériences capitalisées sur le terrain, il poursuit toujours en disant que
« Mes séjours aux voyages d’études ont été vraiment utiles, car ils m’ont permis de
capitaliser beaucoup de connaissances. Premièrement, en tant que simple étudiant qui
effectue sa première expérience au voyage d’étude, j’ai capitalisé des connaissances
pratiques sur les méthodes d’approche du terrain, c’est-à-dire comment réussir son entrée
sur le terrain et se faire accepter par la population d’accueil tout en adoptant les
comportements qui conviennent au regard de cette population qui m’observe et peut porter
des jugements importants sur moi. Deuxièmement, le voyage d’étude m’a également permis
de lier mes connaissances théoriques aux pratiques. Effectuer un entretien ou un focus group
était chose facile et simple, telle est l’idée que j’avais. Mais avec les pratiques de terrain, j’ai
compris que l’entretien, tout comme le focus group, est un moment sérieux dans lequel on est
en interaction sérieuse avec la personne et que la discussion dépasse de loin ces simples
discussions habituelles que nous avons l’habitude de mener entre amis. Troisièmement, en
étant moniteur d’équipe et aussi superviseur ou responsable de protocole de recherche, j’ai
pu capitaliser des connaissances en matière de gestion et de supervision d’équipe de
recherche (management d’équipe) mais également la coordination d’activités pédagogiques
».

A.T étudiant en master 2 de sociologie soutient en ces termes : « Depuis 03 ans j’ai
participé aux dernières éditions des voyages d’études qui ont eu lieu dans les communes de
Richard Toll, Kaffrine et Fimela-Dioffior. Les voyages d’études ont été une expérience
unique, car ils m’ont permis de tisser des relations avec des étudiants que je ne connaissais
pas auparavant. Chaque année, plus de 500 étudiants sont déployés sur le terrain pour une
durée de 10 à 15 jours. Cela implique une grande logistique et une capacité de logement
importante, car les étudiants sont repartis sur deux sites. Par rapport aux lieux de couchage,
toutes les dispositions sont prises pour que les étudiants soient à l’aise, trois étudiants
partagent deux matelas. Et ils logent dans des réceptifs (maisons louées, centres culturels)
adaptées.

Concernant l’aspect pédagogique, le travail est bien reparti. Les étudiants sont
scindés en groupe de 10 et chaque groupe a un moniteur et un superviseur pour mieux
coordonner le travail. Ces groupes travaillent sur deux thématiques choisis lors de la phase
exploratoire et ils sont déployés dans les différents quartiers de la commune. Durant la durée
du voyage, les étudiants ont pour tâche de collecter des données en utilisant une
méthodologie mixte c’est à dire faire en même temps du qualitative et du quantitative. Des
outils de collecte comme les questionnaires, les entretiens et les focus group sont utilisés. Des
débriefings journaliers sont organisés pour faire le point sur la collecte et des ateliers de
formation sont aussi faits pour mieux former les étudiants à l’analyse des données.

Conclusion
En définitive, le département de sociologie n‟est pas en reste par rapport à la
dynamique de l‟enseignement supérieur à la faculté des lettres et sciences humaines de
l‟UCAD. Il joue pleinement son rôle à travers les enseignements mais également à travers les
activités pédagogiques notamment les sorties pédagogiques qui sont des moments de
formation à la recherche. Elles participent à la socialisation des étudiants mais également à
leur autonomie.

Bibliographie

DÉPELTEAU F., 2013, La démarche d’une recherche en sciences humaines : de la question


de départ à la communication des résultats, Québec, éds. De boeck.
GOMIS S., 2013, Analyse sociale de l‟enseignement supérieur public au Sénégal, collection :
Etudes africaines. Afrique subsaharienne Sénégal
QUIVY R. et VAN CAMPENHOULDT L, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris,
Dunod, 2011.
SALL Abdou Salam, 2012, Les mutations de l’enseignement supérieur en Afrique : le cas de
l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Dakar, L‟Harmattan Sénégal.
TAMBA Moustapha, 2014, Sociologie au Sénégal, Paris, L‟Harmattan.
TAMBA Moustapha, « La recherche à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de
l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar : Bilan de 50 ans d‟activités », in Annales de la
Faculté des Lettres et Sciences Humaine. ETHOS, n°39/B, 2009 p. 255-270

Dr. Ousmane BA
Résumé

Notre communication pose la problématique de la professionnalisation des enseignements au


sein de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. En effet, il s‟agira de montrer concrètement
comment la sociologie s‟est professionnalisée en passant de la Sociologie générale à la sociologie du
sport. Ainsi, cette professionnalisation de la Sociologie à travers la Sociologie du sport a permis à
l‟INSEPS de valoriser la question de l‟employabilité de ses produits. Pour ce faire, nous allons
d‟abord décliner quelques axes de la problématique, ensuite proposer la méthodologie à adopter pour
enfin présenter les résultats.

1- Introduction

Comme le disait Jean Jacques Rousseau (1888) : « S‟élancer d‟un bout de la salle à l‟autre,
juger le bond d‟une balle en l‟air, la renvoyer d‟une main forte et sûre ; de tels jeux conviennent moins
à l‟homme qu‟ils ne servent à le former ». Le Sport joue un rôle important car il est devenu un fait de
société. En effet, sa dimension transversale l‟incite à occuper presque tous les domaines d‟activités de
l‟homme tels que : social, éducatif, culturel, économique, médiatique et sanitaire. Ainsi, nous allons
mettre l‟accent à travers cette communication sur la dimension éducative du sport pour être en
conformité avec notre objet de recherche. Ce qui veut dire que le sport est perçu aujourd‟hui comme
étant un objet d‟étude scientifique et notamment sociologique (Collinet, 2002) ; d‟où la naissance de la
« sociologie du sport » comme étant une nouvelle discipline dont son objectif principal est de saisir
tous les faits et phonèmes sociaux qui résultent dans le champ du sport (Callède, 2010). Mais
puisqu‟une communauté se définit classiquement en sociologie des sciences par les attaches
institutionnelles qui fondent sa légitimité (Merton, 1973) alors force est de constater que la sociologie
du sport va définir son propre champ et son propre domaine pour affirmer son existence.

D‟ailleurs, pour le sociologue, la question élémentaire de la définition du sport constitue une


première difficulté à affronter. Car il arrive parfois que le sport soit défini en mettant seulement
l‟accent sur les compétitions organisées par les institutions fédérales. Or, le sport peut aussi être utilisé
dans d‟autres champs comme les Activités Physiques et Sportives (APS) et l‟Éducation Physique et
Sportive (EPS). Justement cette dernière constitue l‟objet de notre communication. Il s‟agit pour nous
de voir comment l‟enseignement de la sociologie peut participer activement et positivement à
l‟employabilité ou à l‟insertion des produits de l‟INSEPS ? Autrement dit, comment l‟enseignement
de la sociologie du sport peut participer à la professionnalisation (Loirand, 2004) des produits ou
sortants de l‟INSEPS. Pour ce faire, nous allons montrer la démarche méthodologique adoptée,
l‟analyse conceptuelle, les résultats obtenus et la discussion des données obtenus.

2- Démarche méthodologie

Dans le cadre de cette communication, nous avons utilisé une démarche méthodologique en
rapport avec notre objet de recherche. Dans un premier temps, nous avons mis le focus sur une
recherche documentaire orientée vers la Sociologie de manière générale et vers les Sciences et
Techniques des Activités Physiques et Sportive (STAPS) en particulier. Ce qui nous a permis de
collecter des données secondaires à travers les sites de documentation physiques et numériques. Dans
un deuxième temps, nous avons eu à interroger quelques acteurs (Directeur des études, chefs de
départements, coordonnateurs de formations diplomantes ou continues et quelques collègues de la
spécialité sociologique et étudiants de niveau master) sur la question de l‟employabilité de nos
produits. Enfin, dans un troisième temps, une exploitation critique des maquettes a été aussi faite pour
non seulement voir la pertinence de cette discipline dans la formation des étudiants mais surtout son
impact dans la question de l‟insertion professionnelle de ces derniers.

3- Définition des concepts

Dans cette partie de notre travail, nous allons essayer de définir et d‟éclairer quelques concepts
fondamentaux en rapport avec l‟objet de notre communication. Il s‟agira des concepts : Enseignement,
Sociologie du sport et Professionnalisation.

- Enseignement
On ne saurait définir l‟enseignement sans pour autant au préalable définir le concept
d‟éducation. Pour ce faire, nous avons opté pour deux (02) définitions. La première est celle de la
Banque mondiale (1988) qui pense que: « sans éducation pas de développement, seule l‟éducation
peut donner à un pays les compétences dont il a besoin pour asseoir durablement la croissance et
améliorer la qualité de vie de sa population ». En ce qui concerne la deuxième, elle est relative à celle
de Émile Durkheim pour qui l‟éducation est « l‟action exercée par les générations adultes sur celles
qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez
l‟enfant un certain nombre d‟états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société
politique dans son ensemble et le milieu social auquel il est particulièrement destiné» (1966, 41).
Partant de ces deux (02) définitions, nous pourrons dire que l‟éducation est un moyen de socialisation
donnée par une collectivité (selon la religion, les coutumes, de celle-ci) pour insérer l‟apprenant par
une mise à niveau de ses connaissances, des valeurs et des normes prônées par la collectivité.
Par ailleurs, l‟enseignement quant à lui focalise le rôle de la personne, de l‟institution, la
machine, l‟environnement qui permet d‟apprendre. Autrement dit, la perception de l‟apprenant via
l‟enseignement est influencée par les évolutions historiques et scientifiques. Car non seulement la
perception mais aussi la finalité de l‟éducation et la perception de l‟acte d‟apprendre changent. C‟est
pour dire que l‟enseignement est un des thèmes principaux de la l‟éducation. En rapport à des écoles
de pensées différentes, l‟enseignement traite prioritairement la matière à enseigner au sens
behavioriste ou bien il centre les représentations mentales de l‟apprenant pour essayer de les adapter à
des nouvelles situations c‟est à dire au sens constructiviste. Dans le cadre de notre communication,
nous allons mettre l‟accent sur le rapport entre l‟enseignement et la question de l‟employabilité de nos
produits au sein de l‟Institut National Supérieur de l‟Éducation Populaire et du Sport (INSEPS) de l
Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

- Sociologie du sport :
À ce niveau, il urge d‟abord de définir au préalable la sociologie de manière générale avant de
définir accessoirement la sociologie du sport. Les définitions de la sociologie sont aussi nombreuses
que divergentes et que chaque auteur propose la sienne. Toutefois, on peut retenir parmi elles quelques
unes. Ainsi, pour Auguste Comte l‟initiateur du mot, la sociologie est : « l‟étude positive de
l‟ensemble des lois fondamentales propres aux phénomènes sociaux ». Or pour Émile Durkheim : « La
sociologie est l‟étude scientifique des faits sociaux. Ces faits sociaux consistent en des manières de
sentir, d‟agir et de penser extérieurs à l‟individu. Ces faits sont les manifestations du groupe et sont
doués d‟une puissance impérative et contraignante. Le fait social se reconnait à son pouvoir de
coercition et s‟impose à l‟individu ». Justement avec cette définition de Durkheim, nous pouvons dire
que le sport est un fait social. D‟ailleurs, nous pouvons aller plus loin en le considérant comme un «
fait social total » pour reprendre les termes de Marcel Mauss (1922), c'est-à-dire un phénomène « où
s'expriment à la fois et d'un coup toutes les institutions » de la société. Pour dire mieux, Jacques
Defrance (2006) pense que l'analyse des phénomènes recouvert par le terme de « sport » sont tellement
nombreux, et on peut se demander s'il n'aurait pas été plus juste de « sociologies des sports ».

- Professionnalisation

Le thème de la professionnalisation joue un rôle capital et important dans certaines disciplines


telles que la sociologie. En effet, son utilisation relève de la nécessité de développer des expertises
multiples dans des contextes d‟activité qui changent de façon quasi-permanente ou de finaliser
davantage les apprentissages et les formations par rapport aux situations de travail. Mais qu'entend-t-
on par professionnalisation en général et d'un club en particulier ? D‟après le Larousse, la
"Professionnalisation" est le caractère d‟une activité dont l‟exercice tend à devenir professionnel, à ne
plus être confié qu‟à des spécialistes, des gens de métier c'est-à-dire le caractère d‟une activité que
l‟on pourvoit d‟une finalité professionnelle. Et le Petit Robert de dire qu‟elle traduit « la voie vers le
sérieux et la compétence dans une activité exercée. La professionnalisation fait allusion à la
profession, mot qui vient du latin professio, qui fait référence au métier exercé par une personne. Au
niveau collectif, il s‟agit de l‟intérêt commun des personnes exerçant le même métier. Le professionnel
est différent de l‟amateur par sa façon de faire. Il utilise les techniques et langages propres aux
hommes de métier. Il travaille selon les usages de la profession et dans les règles de l‟art.

La professionnalisation est un processus d‟engagement volontaire qui peut être initiée soit par la
direction c'est-à-dire les instances dirigeantes ou les acteurs c'est-à-dire les employés pour développer
ou renforcer une identité de métier. Cette identité est constituée des pratiques, comportements et
valeurs du professionnel au niveau de la structure de l‟organisation, son activité et les acteurs. Ces
trois processus sont étroitement liés et concourent respectivement à la professionnalisation du service
créé et à sa pérennisation. Dans la pratique, le mot professionnel est utilisé dans plusieurs domaines
notamment, juridique, sociologique et sportif et sa signification peut donc varier d‟un domaine à un
autre.

Sur le plan juridique, c'est celui qui perçoit une rétribution (quelle soit principale ou secondaire)
relative à son activité donnée (sportif ou autres). Elle se présente comme un processus d‟engagement
réciproque entre le salarié et l‟entreprise. Pour réussir, elle nécessite la combinaison des dispositifs que
prévoie la réforme de la formation. Le sportif reçoit une rétribution de son savoir faire ou technique et
qui est reconnu à travers ses performances.

Sur le plan sportif est dit professionnel, le sportif qui fait du sport un métier, une activité sportive qui
le fait vivre et en conséquence reçoit un salaire régulier de son club et/ou de son sponsor afin qu‟il
exercer pleinement son métier. Dans le cadre du sport, elle peut toucher entre autres les fédérations, les
ligues, les associations sportives affiliées et les Clubs.

Sur le plan sociologique est considéré comme professionnel, celui qui maîtrise certaines compétences
spécialisées reconnues (sans forcement être rémunéré) et la professionnalisation est alors « le
processus visant à une élévation et à une spécialisation des compétences » qui peut aboutir à la
constitution de professions.

La professionnalisation, c'est « un processus historique à travers lequel un groupe se fait


reconnaître comme profession » (Bernardeau Moreau, 2004). Elle est marquée par le caractère évolutif
des interactions entre individus, institutions et société (statut des sportifs et des organisations
professionnelles, réglementation fédérale ; degré de spécialisation des individus ; compétences en
termes de planification et de rationalisation de l'organisation sportive...), (Dubar et Tripier, 1998).
Pour un Club sportif de football, la professionnalisation signifie la pratique du sport par des
spécialistes du football, qui exercent le football comme métier, travaillent pour le Club et perçoivent
en conséquence une rétribution. De ces différentes définitions, la professionnalisation s‟étend à tous
les acteurs de l‟organisation (la structure, l‟activité, et le personnel) qui ont une certaine compétence
dans le domaine spécifiques et qui concourent à la réalisation des objectifs de l‟organisation ou les
instances sportives (Fédération, Ligue, Club).

4. RÉSULTATS

Dans cette partie de notre communication, nous allons montrer les données obtenues et
exploitées en relation avec notre objet de recherche. Ces dernières peuvent être divisées en trois (03)
axes : les différents types de sociologie enseignés dans les trois (03) départements de l‟INSEPS ; le
Personnel enseignant et recherche sociologue de l‟INSEPS ; et enfin la perception des étudiants sur
l‟enseignement de la Sociologie du sport ainsi que son impact sur leur professionnalisation.

 Les différents types de sociologie enseignés dans les 03 départements de l’INSEPS


Il faut noter et remarquer qu‟il y a plusieurs types de sociologies enseignées au sein des trois
(03) types de départements que compte l‟INSEPS. Il d‟agit entre autres : la Sociologie typique et les
autres disciplines connexes en Sociologie.

Pour la Sociologie typique, il s‟agit :

- Sociologie générale
- Sociologie du sport
- Sociologie de l‟éducation
- Sociologie de la jeunesse
- Sociologie des organisations
- Sociologie rurale
- Sociologie urbaine
En ce qui concerne, les autres disciplines connexes en Sociologie, nous pouvons noter :

- Introduction aux sciences Sociales


- Anthropologie culturelle
- Psychologie sociale
- Psychosociologie sociale du sport
- Psychologie du sport.
 Le Personnel Enseignant et Chercheur (PER) sociologues
Au sein de l‟Institut National Supérieur de l‟Éducation Populaire (INSEPS) de l‟Université
Cheik Anta Diop de Dakar (UCAD), nous avons identifié deux (02) catégories de sociologues
Enseignants-chercheurs. Il s‟agit des « sociologues, Enseignants-chercheurs de souche » c‟est à dire
des ceux qui ont appris de manière linéaire la discipline sociologique de la première année jusqu‟en
thèse de doctorat. Ces derniers sont au nombre de deux (02) contre quatre (04) qui ont appris cette
discipline de manière discontinue. Toutefois, tous ces cinq (06) ont en dénominateur commun la
sociologie du sport comme spécialité.

 La perception des étudiants sur l’enseignement de la Sociologie du sport


Lors de notre enquête de terrain, quelques étudiants ont été interrogés sur l‟enseignement de la
sociologie en générale et de la sociologie du sport en particulier non à l‟INSEPS mais surtout sur leur
professionnalisation. Deux (02) tendances se sont dégagées après transcription des entretiens et
exploitations des données qualitatives :

- Pour d‟aucuns, l‟enseignement de la sociologie leur sera un grand apport car c‟est non
seulement une discipline pratique mais elle leur permettra de mieux cerner leur
environnement de travail ;

- Pour d‟autres, l‟enseignement de la sociologie du sport va au-delà de la maîtrise de leur


environnement de travail en ce sens qu‟il peut aussi leur permettre de participer activer au
service de la communauté et de la société au niveau de leurs localités.

Analyse et discussion

Même si les données qualitatives exploitées montrent que les étudiants semblent montrer la
pertinence de l‟enseignement de la sociologie du sport par rapport à leur professionnalisation force est
de constater qu‟il y a des dysfonctionnements notés :

- Le cœur de métier à l‟INSEPS, ce sont les Activités Physiques et Sportives ou l‟Éducation


Physique et Sportive (EPS) et par conséquent le volume horaire de cette dite disciple est infime par
rapport aux autres (Sport collectif ; sport individuel ; micro-enseignement, etc.) ;
- Malgré cette vision réductionniste pensant que la formation des étudiants doit nécessairement
se focaliser sur le cœur de métier à l‟INSEPS, il urge de montrer que pour valoriser la
professionnalisation de ces derniers, l‟enseignement de la sociologie est encore un besoin
incontournable car :
- Le contenu : le corpus sociologique au sein de l‟enseignement ; la Sociologie des pratiques ;
- La compétence : 03 axes : savoir, savoir-être et le savoir faire : le savoir agir
- La centralité de la sociologie dans al mesure où elle est une discipline transversale
- Construction nouvelle des métiers : Approche par le Compétences c‟est à dire partir du
champs professionnel pour revenir au champs pédagogique ;
- La notion de prise des besoins dans le domaine de la Sociologie et le Sport ;
Pour Claude Fluck (2001), grand spécialiste des théories de la compétence, il existe quatre (04)
types de compétences :
- 1- Compétence technique ;
- 2- Compétence relationnelle ;
- 3-Compétence d‟adaptation ;
- 4- la Compétence d‟organisation
C‟est donc noter que la sociologie du sport peut valablement prendre en charge ces compétences
évoquées par Fluck dans le cadre de la professionnalisation des produits de l‟INSEPS.

Conclusion

En somme, il faut noter que l‟enseignement de la sociologie de manière générale est important
dans la formation des étudiants. En effet, faisant partie d‟une de ses différentes spécialisations, la
sociologie du sport joue un rôle important dans la formation des étudiants de l‟INSEPS. Toutefois,
malgré cette importance, il faut noter que le volume horaire qui lui ai accordé au sein de cet dit Institut
semble être infime ; d‟où le fait de le revoir.

Bibliographie

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d’ajustement de revitalisation et ‘expansion (Étude de politique générale de la

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professionnalisation des dirigeants bénévoles, L'Harmattan, Paris.

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du CNRS, Sport, recherche et société.

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vol. 52, no 2, p. 271-295.

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Jean Jacques Rousseau. 1888. Émile ou de l‟éducation. Livre II. Hachette

Ibrahima DIA (UCAD) & Alassane SOW (UCAD)

Hommage au Prof. Abdoulaye Bara DIOP (1930-2021): Itinéraire d'un chercheur


pluridisciplinaire et pionnier de la sociologie sénégalais
Abdoulaye-Bara Diop fut un intellectuel qui a marqué de son empreinte les sciences sociales
en Afrique francophone d‟abord mais aussi dans les autres aires culturelles du continent. Il est
le fondateur de la sociologie sénégalaise. Ses publications font partie du patrimoine le plus
important de l‟université sénégalaise en raison de leur originalité réflexive, de la solidité de
leurs fondements et de la précision de leurs résultats. Cette œuvre magistrale, déjà saluée par
les pairs, a été forgée sur la longue durée. Elle a été dominée par des publications
exceptionnelles par leur qualité. Abdoulaye Bara Diop a activement contribué au
fonctionnement et à l‟animation scientifique des premières institutions de recherches
africaines en sciences sociales en Afrique de manière générale et au Sénégal en particulier.
Ses travaux de recherche ont aidé à la connaissance des sociétés africaines, notamment celle
sénégalaise du point de vue de leurs réalités et des démarches scientifiques nécessaires à leur
appréhension. C‟est précisément en milieux rural et urbain qui furent son domaine d‟étude
privilégié, que l‟ancien directeur de l‟IFAN est frappé par la place qu‟occupent, dans les
sociétés africaines, les rapports de domination, les dynamiques agraires, les migrations vers
les grandes villes des années 90, les configurations de la famille wolof en milieu rural, etc.
Abdoulaye Bara Diop a toujours milité en faveur d‟une approche transversale et
transdisciplinaire qui décloisonne, associe et s‟ouvre perpétuellement à toutes les sources de
connaissances disponibles.
C‟est à cet homme multidimensionnel, scientifique méthodique et rigoureux, partisan de la
connaissance totale et approfondie que nous exprimons notre reconnaissance et rendons un
hommage mérité à travers ce colloque international organisé par la Faculté des Lettres et
Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop, en faisant l‟historique et le bilan et en
indiquant les perspectives de ses recherches.

Introduction
Abdoulaye-Bara Diop fut un intellectuel qui a marqué de son empreinte les sciences sociales
en Afrique francophone d‟abord mais aussi dans les autres aires culturelles du continent. Il est
le fondateur de la sociologie sénégalaise. Ses anciens disciples occupent des positions
importantes dans l‟enseignement, la recherche ou les fonctions administratives au Sénégal et
ailleurs dans le monde. Ses publications font partie du patrimoine le plus important de
l‟université sénégalaise en raison de leur originalité réflexive, de la solidité de leurs
fondements et de la précision de leurs résultats. Cette œuvre magistrale, déjà saluée par les
pairs, a été forgée sur la longue durée. Elle a été dominée par des publications exceptionnelles
par leur qualité. Elle a constitué une séquence majeure dans la production de la « grande
bibliothèque » relative à la vie de notre pays. Abdoulaye-Bara Diop incarne l‟art de la
recherche fondamentale et a étudié diverses problématiques et enjeux de développement dans
les pays d'Afrique de l'Ouest à faibles revenus.

Abdoulaye Bara Diop a activement contribué au fonctionnement et à l‟animation scientifiques


des premières institutions de recherches africaines en sciences sociales en Afrique de manière
générale et au Sénégal en particulier. Ses travaux de recherche ont aidé à la connaissance des
sociétés africaines, notamment celle sénégalaise du point de vue de leurs réalités et des
démarches scientifiques nécessaires à leur appréhension. C‟est précisément en milieux rural et
urbain qui furent son domaine d‟étude privilégié, que l‟ancien directeur de l‟IFAN est frappé
par la place qu‟occupent, dans les sociétés africaines, les rapports de domination dans les
sociétés wolof, les dynamiques agraires, les migrations vers les grandes villes des années 90,
les configurations de la famille wolof en milieu rural, etc. Abdoulaye Bara Diop a toujours
milité en faveur d‟une approche transversale et transdisciplinaire qui décloisonne, associe et
s‟ouvre perpétuellement à toutes les sources de connaissances disponibles.

C‟est à cet homme multidimensionnel, scientifique méthodique et rigoureux, partisan de la


connaissance totale et approfondie que nous exprimons notre reconnaissance et rendons un
hommage mérité à travers ce colloque international organisé par la Faculté des Lettres et
Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop, en faisant l‟historique et le bilan et en
indiquant les perspectives de ses recherches. Ainsi, notre communication s‟articule autour de
5 points. Dans un premier temps, il s‟agira de mettre l‟accent sur l‟itinéraire d‟un chercheur
pluridisciplinaire. Dans un second temps, nous présenterons Abdoulaye Bara Diop comme un
pionnier des études en milieu urbain, sans oublier les travaux de recherche qu‟il a dirigés.
Ensuite, nous mettrons en exergue ses travaux en milieu rural, y compris ceux de ses anciens
étudiants. Puis, nous le décrirons comme un homme de méthode et de rigueur scientifique.
Enfin, nous exposerons ses limites et les critiques qui lui étaient adressées, avant de conclure.

1. L’itinéraire d’un chercheur pluridisciplinaire

Né le 19 août 1930 à Saint-Louis, Abdoulaye Bara Diop a effectué ses études primaires dans
cette ville. Entre 1948 et 1953, il fréquente la célèbre École normale William Ponty à
Sébikotane. À la suite d‟une année de propédeutique à l‟Institut des Hautes Études devenu,
plus tard, l‟Université de Dakar, il entame, en 1954, des études à l‟Université de Toulouse. En
1958, il obtient une licence de psychologie et de sociologie. Il détient également le certificat
de philosophie et le DES de sociologie. En 1958, de retour au Sénégal, il est recruté à l‟IFAN,
alors dirigé par Théodore Monod. En 1959, il est nommé assistant titulaire. Il prépare sa thèse
de doctorat de troisième cycle qu‟il soutient avec brio en 1964. Il est maître-assistant en 1968.
En 1979, Abdoulaye-Bara Diop soutient sa thèse de doctorat d‟État en sociologie à
l‟Université de Paris-Sorbonne, sous la direction de Georges Balandier. Il sera le premier
sociologue professeur titulaire de l‟Université de Dakar. Il se consacre alors entièrement à
l‟enseignement et à l‟encadrement de ses doctorants.17 Entre 1986 et 1995, il dirige l‟Institut
fondamental d‟Afrique noire Cheikh Anta Diop. Admis en 1995 à faire valoir ses droits à la
retraite, il poursuit néanmoins ses enseignements à la Faculté des Lettres et Sciences
humaines. Il est également sollicité par ses collègues pour participer à des jurys de thèse au
Sénégal, mais aussi dans d‟autres pays africains et en Europe. Sa sensibilité politique de
gauche l‟a rapproché d‟Abdoulaye Ly, grande figure intellectuelle, politique et morale du
Sénégal contemporain, d‟Amadou Mahtar Mbow, d‟Assane Seck et d‟autres universitaires et
patriotes africains de renom. C‟est en reconnaissance de ses qualités intellectuelles et morales
que la présidence de la Commission scientifique des Assises nationales du Sénégal lui a été
confiée. Par ailleurs, il a joué un rôle important au sein de la Commission nationale de
réforme des institutions (CNRI) qui a produit – le fait mérite d‟être souligné – le meilleur
rapport disponible dans le pays en matière de réforme des institutions. Il a obtenu de

17
DIÈYE M. M., 1995, L‟islamisme au Sénégal : crise de société et/ou dynamisme de l‟Islam, Abdoulaye B.
Diop (dir.,), thèse de doctorat de 3ème cycle en sociologie, Dakar, Université de Dakar, Faculté des Lettres et
Sciences humaines, Département de Sociologie.
nombreuses distinctions, parmi lesquelles le titre de professeur honoraire de la Faculté des
Lettres et Sciences humaines de l‟UCAD, d‟Officier de l‟Ordre du Mérite de la République du
Sénégal, de Chevalier des Palmes académiques de la République française, de Chevalier de la
Légion d‟honneur de la République française, avant de rendre l‟âme le 3 janvier 2021 à
Dakar.

2. Abdoulaye Bara Diop, un pionnier des études en milieu urbain

Le succès de ses livres sur les Wolof a tendance à occulter son œuvre fondatrice sur les
migrations. Avant l‟indépendance du pays, il a lancé une grande enquête sur la migration
toucouleur à Dakar dans le cadre des recherches de la Mission socio-économique du Sénégal
(MISOES). Cette enquête a été effectuée entre avril 1958 et mars 1959 dans les centres
urbains. Ses résultats avaient fait l‟objet d‟un premier rapport. Il en tirera une thèse de
troisième cycle en 1964. C‟est à partir de cette base solide qu‟il a encouragé ses étudiants à
s‟intéresser aux migrations sereer et joola.18 Il a conduit avec ses partenaires des programmes
de recherche en y insérant certains de ses étudiants. En 1996, il a édité, en collaboration avec
Philippe Antoine (démographe à l‟ORSTOM devenu IRD), le livre au titre évocateur19. Ce
livre collectif réunit les contributions d‟une vingtaine de chercheurs en sciences humaines à
un séminaire conjoint de l‟Institut fondamental d‟Afrique noire (IFAN) et de l‟Office de la
recherche scientifique et technique outre-mer (ORSTOM) qui s‟est tenu à Dakar en 1991. À
travers cet ouvrage, Abdoulaye Bara Diop questionnait le processus d‟insertion urbaine,
compris comme un « processus dynamique d‟installation en ville, en particulier d‟accès au
travail et au logement » (p. 5). Cette problématique est justifiée par le contexte urbain de
l‟époque en Afrique de l‟Ouest : une urbanisation nouvelle car rapide et de grande ampleur
liée à une forte pression migratoire en provenance des espaces ruraux, touchant
principalement les grandes villes. Ainsi, les auteurs s‟attachent dans cet ouvrage à analyser les
processus qui conduisent les migrants en ville et la manière dont ils accèdent aux « ressources
urbaines » que sont habitat et emploi, manière qui diffère de celle des natifs de la ville
notamment en raison de la nature des réseaux auxquels les uns et les autres peuvent faire
appel. Cette analyse touchait plusieurs terrains, très majoritairement ouest-africains (Sénégal,
Mali, Burkina Faso, Togo, Côte d‟Ivoire) et relatifs aux plus grandes villes de la sous-région.
D‟autres terrains comme l‟Inde, la RDC (ex-Zaïre) et le Brésil sont également présents mais
18
Cheikh Oumar Ba, 1997, Migrations et organisations paysannes en Basse Casamance. Une première
caractérisation à partir de l‟exemple du village de Sue1 (Département de Bignona), Abdoulaye Bara DIOP (dir.),
Mémoire de confirmation, Institut sénégalais de recherches agricoles.
19
La ville à guichets fermés : Itinéraires, réseaux et insertion urbaine, IFAN-ORSTOM, 1995.
plus à la marge. Deux ans plus tard, Abdoulaye Bara Diop a rédigé la préface de l‟ouvrage20
sur l‟insertion urbaine à Dakar et à Bamako, dans le cadre d‟un partenariat entre le
CERPOD21, l‟IFAN-CAD22, l‟ORSTOM23, le CEPED24 et le Département de démographie de
l‟Université de Montréal.

Abdoulaye-Bara Diop a marqué un intérêt soutenu en faveur de la comparaison internationale,


de la recherche empirique de terrain et de l‟analyse biographique en l‟occurrence. Il s‟est
déployé au-delà de sa discipline. Sa carrière remarquable est jalonnée par des études
novatrices au croisement de la sociologie, de l‟anthropologie, de l‟histoire, de la géographie et
de la démographie. Son intérêt pour la démographie a été permanent. Voilà pourquoi il a
dispensé des enseignements à l‟IPDSR25, alors qu‟il avait déjà pris sa retraite de l‟Université
Cheikh Anta Diop.

En somme, Abdoulaye Bara Diop a mené études sur les conditions de vie sociale et, plus
particulièrement, familiale d‟une population de jeunes filles et femmes de l‟agglomération
dakaroise, ainsi que leurs opinions et attitudes sur des questions en étroite relation avec cette
vie et entrant, certainement, dans leurs préoccupations majeures, questions relatives au
mariage, au divorce, à la polygamie, à la dimension de la famille, à l‟éducation sexuelle. Les
membres de la population en question ont fait l'objet d‟une enquête longitudinale portant sur
la croissance biologique, depuis leur naissance, au milieu des années cinquante. La deuxième
génération est, actuellement, suivie par le Service de Pédiatrie de l‟hôpital A. Le Dantec de
Dakar. Cette étude peut être considérée comme un volet psycho-sociologique complémentaire
de l‟étude biologique26. Abdoulaye Bara Diop a abordé dans ses articles la problématique de
la migration ayant trait aux relations que le migrant entretient avec sa famille, dans son ancien
lieu de résidence. Migrer, ce n‟est pas voyager, c‟est changer de lieu de résidence et aussi
changer d‟entourage familial. À l‟époque des études et en Afrique plus particulièrement,
l‟appartenance à une famille, village, ethnie, religion est fondamentale. Certains de ses
articles décrivent comment les migrants sont accueillis en ville par la famille ou par des « co-

20
Trois générations de citadins au Sahel : trente ans d’histoire sociale à Dakar et à Bamako, Paris,
L‟Harmattan, 1998.
21
Centre d‟études et de recherche sur la population pour le développement.
22
Institut fondamental d'Afrique Noire-Cheikh Anta Diop.
23
Institut français de recherches scientifiques pour le développement en coopération.
24
Centre français sur la population et le développement.
25
Institut de formation et de recherche en population, Développement et Santé de la reproduction.
26
Abdoulaye Bara Diop, 1982, « Jeunes filles et femmes de Dakar : conditions de vie et attitudes relatives à la
famille, au mariage et l‟éducation sexuelle », Bulletin de l'Institut Fondamental d'Afrique Noire, Série B:
Sciences humaines, vol. n°44, pp.163-212.
régionaires », démontrant une grande solidarité. Il analysait la manière dont le migrant
continuait à participer à la vie sociale de son ancien village, en y retournant, la fréquence
dépendant de ses revenus bien souvent, en y envoyant denrées ou argent, en assumant sa part
financière dans les cérémonies familiales très coûteuses.

Avec d‟autres chercheurs occidentaux, Abdoulaye Bara Diop a décrit et analysé la


reconstitution en ville de réseaux sociaux par les migrants, par les femmes plus
particulièrement, par leur participation à des associations religieuses ou non, qui permettent la
mise en commun de ressources et d‟assister ceux qui le nécessitent à un moment donné. La
volonté des migrants d‟intégrer ''un petit peu de chez eux'' dans leur nouvelle vie est légitime,
que ce soit au niveau religieux, culturel ou matériel, voire culinaire… Il est important que la
ville d‟accueil puisse proposer des endroits de rencontre spécifiques, des équipements qui
respectent les coutumes des arrivants…Il met en évidence la complexité du phénomène
migratoire vers les villes et les différents problèmes que peut poser l‟insertion urbaine en
général. Pour lui, c‟est une nécessité de bien connaître les populations accueillies pour
pouvoir gérer au mieux le développement harmonieux de la ville. En somme, à l‟époque, on
ne parle pas de pauvreté et de misère. Les migrants semblaient pouvoir compter sur la
solidarité d‟une famille élargie et sur l‟économie informelle pour manger et se loger, même si
actuellement les conditions de migration sont nettement plus difficiles en raison des crises
économiques, et la migration d‟alors qui semblait être positive a du mal à être reconnue
aujourd‟hui comme position enviable par le plus grands nombre, vivant dans des conditions
précaires.

3. Les travaux d’Abdoulaye Bara Diop en milieu rural

On retiendra d‟Abdoulaye-Bara Diop les œuvres monumentales que sont : La société wolof,
les systèmes d’inégalité et de domination et La famille wolof. Tradition et changement. Le
premier livre traite notamment des castes, des ordres monarchiques et de la société religieuse
confrérique. Il y explique, entre autres, les conditions d‟émergence du système des confréries
religieuses. Ces travaux sur la famille wolof traitent successivement de la parenté (structure,
terminologie, système d‟alliance, comportements), des cérémonies matrimoniales (de
l‟organisation traditionnelle et des changements socio-économiques), de la polygamie et du
divorce. Il a mis au point une méthodologie à la fois descriptive et analytique du système de
parenté et d‟alliance avec une terminologie d‟une grande précision. Il a surtout mis en
évidence les changements et problèmes d‟adaptation qui se posaient à la société wolof et les
effets de la très rude domination du pays par le système capitaliste. C‟est ce qui l‟avait amené
à insister sur la nécessité de rechercher une autre forme de développement mettant l‟intérêt
des paysans au centre de ses préoccupations et dont ils seraient eux-mêmes partie prenante.

On se souvient encore de la chronique bibliographique établie par l‟un de ses collègues, un


théoricien hétérodoxe très attaché au Sénégal : « Ce travail est important à plus d‟un titre : à
cause de la place des Wolof dans l‟histoire des sociétés sénégambiennes et sénégalaises
d‟abord, mais surtout parce qu‟il s‟agit là de la première étude d‟ensemble, sociologique et
ethnologique, sur cette population. Ce travail est également décisif en ce qu‟il allie travail de
terrain (recueil de traditions orales et de questionnaires sociologiques) et travail de relecture
de la littérature disponible ».27 D‟autres travaux de Diop ont été consacrés à la tenure foncière
en milieu rural. D‟ailleurs, il a été sollicité pour participer, avec Christian Coulon et Donal
Cruise O‟Brien, à la présentation critique du livre de Jean Copans. 28 En ce qui concerne
l‟évolution de la tenure foncière, A.-B. Diop s‟est également intéressé aux paysans du bassin
arachidier, notamment à leurs comportements de survie au début de la mise en œuvre des
programmes d‟ajustement structurel qui ont affecté durablement l‟économie et la société
sénégalaises.

« Les tessons du canari ne sont plus immobiles »29, disent les Sereer. Dans les campagnes du
Sine, au centre-ouest du Sénégal, les tessons de poteries qui jonchent les aires villageoises
symbolisent la socialisation et la sacralisation anciennes des lieux ; ils témoignent de
l‟attachement des paysans sereer à leur terroir. Or, ce confinement dans les vieux pays a
cessé, les jeunes gens partent travailler dans les Terres neuves situées à l‟est et s‟y fixent.
Cette mobilité géographique s‟accompagne de changements de tous ordres qui mettent à mal
les représentations anciennes quelque peu figées du système agraire et de la société rurale des
Sereer du Sine. Dans les Terres neuves, une dynamique socio-économique très forte se fonde
sur l‟extension des espaces productifs et offre des possibilités d‟enrichissement aux paysans.
Toutefois, les potentiels de production ne semblent guère ménagés pour l‟avenir. Les terres de
ces exploitants qui n‟ont pas rompu avec ceux du Sine constituent un élargissement de
l‟espace agro-pastoral sereer.30

27
« La question islamique en Afrique noire », in Politique africaine, n° 4, décembre 1981, p.137-138.
28
Les marabouts de l’arachide, Paris, Le Sycomore, 1980.
29
Abdoulaye Bara Diop, 1999, Paysans sereer : dynamiques agraires et mobilités au Sénégal, Marseille, IRD
Editions, EAN.
30
Abdoulaye Bara Diop, 1999, Paysans sereer : dynamiques agraires et mobilités au Sénégal, Marseille, IRD
Editions, EAN.
4. Abdoulaye Bara Diop, un homme de méthode et de rigueur scientifique

Abdoulaye-Bara Diop a marqué des générations de sociologues et d‟anthropologues. Il leur a


notamment appris que le succès d‟une recherche dépend de sa préparation, de sa bonne
planification, mais aussi des références théoriques solides qui la soutiennent et l‟orientent.
Connu pour sa grande rigueur intellectuelle, il a enseigné à ses étudiants les fondements et les
exigences du métier de chercheur. Il leur a surtout montré que l‟excellence est le fruit de
l‟épreuve, de l‟apprentissage organisé et patient de la méthode, de la mise à jour des
connaissances théoriques. Il leur disait que les recherches rapides, ponctuelles et portant sur
des objets circonstanciels peuvent, en effet, conduire à des conclusions superficielles. Le
succès de l‟oeuvre d‟Abdoulaye Bara Diop est le fruit d‟un patient travail de méthode et de
créativité scientifique. Abdoulaye-Bara Diop a organisé, du 27 février au 3 mars 1989, une
rencontre internationale destinée à célébrer le cinquantenaire de l‟IFAN, un Institut qui fut
prestigieux et qu‟il a tenté de redresser de toutes ses forces pour l‟inscrire à nouveau dans la
trajectoire définie par Théodore Monod, son fondateur. Ce symposium a marqué la mémoire
de l‟Institut par la qualité des participants et des contributions. Abdoulaye-Bara Diop faisait
partie des enseignants et chercheurs, venant de toute la sous-région ouest-africaine, qui ont
marqué l‟institution universitaire du Sénégal durant les années 1960 et 1970. Ces enseignants
et chercheurs bien formés et recrutés avec rigueur ont rendu l‟université attrayante pour les
jeunes de la sous-région, malgré la vigueur du syndicalisme étudiant de l‟époque. En un mot,
ils constituaient une élite prestigieuse et respectée.

En définitive, Abdoulaye-Bara Diop a donné à plusieurs étudiants31 et chercheurs l‟inspiration


et la force leur permettant de produire des savoirs originaux sur les sociétés africaines. Son
territoire de prédilection a toujours été l‟université. Malgré son âge, il n‟avait pas arrêté la
quête du savoir. Il continuait à travailler sur un grand projet éditorial dédié à la nation
sénégalaise. Par exemple, pour étudier le phénomène de la migration dans les grands centres
urbains, Abdoulaye Bara Diop présentait la méthodologie utilisée pour mesurer de la manière
la plus précise possible les phénomènes de migration et les changements sociétaux que cela
peut induire. Sa méthode est rigoureuse dans le sens où elle met l‟accent sur l‟analyse
statistique des données de recensement pour avoir les pistes principales, choix de secteurs à

31
M. Hamidou Nacuzon, 1996, Efficacité et équité de l‟enseignement supérieur. Quels étudiants réussissent à
l‟Université de Dakar ?, Abdoulaye Bara DIOP (dir.), thèse de doctorat d‟Etat ès-Lettres et Sciences Humaines
(option Sciences de l‟Education), Faculté des Lettres et Sciences Humaines Département de Philosophie, UCAD.
étudier en fonction des caractéristiques de la ville, enquête ménage sur ces secteurs à l‟issue
de laquelle un grand nombre de données quantitatives sont collectées, puis tirage aléatoire
d‟un échantillon spécifique de personnes en relation avec le domaine que l‟on veut mettre en
valeur. Il confectionnait des questionnaires biographiques permettant de connaître le parcours
migratoire, les conditions d‟accueil du migrant, ses expériences professionnelles, son niveau
scolaire, son régime matrimonial, sa religion, les liens qu‟il garde avec sa famille restée au
lieu de résidence initial, etc… Donc, il apparait que les divers outils fournis par la
méthodologie lui permettaient de cerner des points singuliers.

5. Abdoulaye Bara DIOP face à ses limites et aux critiques de son temps

La distinction qu‟Abdoulaye Bara Diop fait entre migrants et non-migrants dans les processus
d‟insertion urbaine n‟est pas unanimement partagée. Pour d‟autres auteurs, cette distinction
n‟est pas pertinente tant qu‟elle part d‟un a priori négatif sur l‟insertion urbaine des migrants
par rapport aux non-migrants. Considérer par avance que les migrants rencontrent plus de
difficultés dans l‟accès à l‟emploi et au logement en ville serait présomptueux. Ainsi,
contrairement à Abdoulaye Bara Diop, Philippe Bocquier montrait dans son article «
L‟insertion professionnelle des jeunes à Dakar » que l‟âge est un critère plus déterminant que
le parcours migratoire pour expliquer des difficultés dans l‟accès à l‟emploi : les jeunes, qu‟ils
soient natifs de Dakar ou non, sont comparativement et en moyenne bien plus touchés par le
chômage que les migrants dans leur ensemble, qu‟ils soient jeunes ou moins jeunes. Ce type
d‟analyse renverse donc la perspective : les différences de mécanismes d‟insertion urbaine
entre migrants et non-migrants sont un résultat possible mais non incontournable. Mieux,
selon G. Pontié et A. Lericollais, la définition même de la migration vers la ville est
susceptible de remettre en question certaines analyses : en effet, ce qui est perçu par le
chercheur comme un changement de lieu de résidence peut être considéré par les « migrants »
et leurs milieux d‟origine comme une multiplication des lieux de résidence. D‟après M.
Lututala, l‟approche duale classique (migrants/non-migrants) choisie par Abdoulaye Bara
Diop serait réductrice « dans le contexte africain caractérisé par l‟ubiquité résidentielle » (p.
40).

En adoptant une posture de recherche qui lui est postérieure (« territoire circulatoire », «
champ migratoire »), Abdoulaye Bara Diop inscrivait l‟« insertion urbaine » dans un parcours
temporel et spatial en mouvement des individus résidents urbains et l‟articulait avec le rôle
joué par les réseaux dans les processus d‟insertion urbaine. Son approche témoigne de
mutations épistémologiques en ébauche, au début des années 1990, dans l‟évaluation de ce
rôle. Le contexte dans lequel il situait ses recherches était un contexte de crise : l‟ampleur de
la croissance démographique dans les villes africaines dépasse alors de loin l‟offre sur le
marché du travail urbain. Dans ce cadre, Abdoulaye Bara Diop s‟interrogeait sur la place que
le secteur informel jouait et pourrait jouer à l‟avenir comme « régulateur » de la crise/des
crises. À l‟instar d‟A. Dubresson, Abdoulaye Bara Diop présentait le secteur informel comme
une poche de réserve pour l‟emploi et la régulation des salaires.

Comme les travaux d‟A. Agounke, M. Pilon au Togo et J. Nanitélamio, ses travaux portant
spécifiquement sur l‟insertion urbaine des femmes soulignaient tout particulièrement le
recours nouveau de celles-ci à des activités dans le secteur informel, permettant aux familles
de s‟adapter aux réalités économiques du moment en apportant un revenu de complément. Il
décrivait les activités informelles comme un stade transitoire de l‟insertion urbaine qui
illustrait les débats scientifiques naissants au début des années 1990. Toutefois, cette
description est remise en question par Philippe Bocquier pour qui l‟économie informelle est
partie intégrante de l‟économie urbaine. C‟est ainsi que Jean Copans défend l‟idée qu‟il faut
dépasser l‟assimilation des pratiques informelles à des logiques de survie ou d‟appoint, pour
les faire entrer - notamment celles qui s‟appuient sur les réseaux personnels ou
communautaires - dans les options des politiques publiques. Mieux, par rapport à Abdoulaye
Bara Diop, ces auteurs soulignaient la complexité des logiques de réseaux à l‟œuvre dans les
processus d‟insertion urbaine. Par exemple, A. S. Fall définissait le réseau social ainsi : « Le
réseau social désigne un tissu complexe de rapports sociaux qui apparaissent sous la forme de
circuits d‟accueil et/ou d‟insertion socio-professionnelle, résidentielle, de solidarité humaine,
de relations privilégiées» (p.258).

Abdoulaye Bara Diop étudiait le rôle des réseaux de manière duale et cherchait à comprendre
comment ceux-ci favorisent l‟insertion des individus d‟un côté, et comment ces individus
alimentent ces réseaux de l‟autre. Qu‟il s‟agisse de réseaux liés à une origine géographique,
une religion, une caste, une famille lors de l‟arrivée en ville, puis de réseaux construits en
ville, associatifs, syndicaux… ils jouent un rôle déterminant dans l‟accès au logement et à
l‟emploi notamment. Il souligne cette fonction facilitatrice qu‟ils exercent, tout en mettant en
évidence les apports que le réseau réclame souvent en contrepartie de ses membres. Les
réseaux familiaux ou liés à une origine géographique sont souvent en attente d‟une
contrepartie financière : de nombreux migrants soutiennent ainsi leur famille demeurée dans
des localités rurales en crise. La dynamique de groupe s‟appuyant sur une boucle « vertueuse
» entre individu(s) et réseau(x) lui offre mutuellement une plus forte résilience face aux crises
socio-économiques. Dans ce cadre, les réseaux viennent en complément, parfois en soutien,
parfois en palliatif, des politiques publiques, même si Abdoulaye Bara Diop ne le souligne pas
avec suffisance. Dans son livre « La ville à guichets fermés ? », Abdoulaye Bara Diop
démontrait que « les migrants qui obtiennent un « ticket », et se mettent dans une place «
acceptable », ou « confortable », le doivent à leur capacité d‟activer leur capital social ». En
un mot, il faut replacer ses travaux dans leur contexte scientifique, en profonde mutation du
fait du bouleversement nouveau de la démographie urbaine en Afrique subsaharienne, pour
saisir ses inquiétudes (atténuation d‟une dichotomie entre migrants et natifs de la ville, vision
positive et durable du rôle du secteur informel urbain, dynamisme intégrateur et multiplicité
des réseaux devant encore être reconnus comme tels par les politiques publiques).

Conclusion

En définitive, de 1958 à 2021, les travaux d‟Abdoulaye Bara Diop sont ponctués par des
recherches, des productions d‟articles et d‟ouvrages collectifs et individuels, l‟exécution de
programmes de recherches, des enseignements et des encadrements de thèses et mémoires. Il
a offert à travers son parcours, sa méthode et les résultats de ses recherches, des pistes solides
pour comprendre les dynamiques urbaines actuelles des villes africaines, et en particulier des
villes ouest-africaines, dans la mesure où la croissance urbaine est toujours soutenue, sur la
base du solde migratoire, et où les crises socio-économiques se sont multipliées depuis les
années 1990 dans les pays de la sous-région. Certaines de ces pistes mériteraient d‟être
approfondies, car, du fait de sa pluridisciplinarité, Abdoulaye Bara Diop ne traite en effet qu‟à
la marge de la dimension spatiale de l‟insertion urbaine. Comme V. Dupont et S. Jaglin,
Abdoulaye Bara Diop s‟attaquait de front à l‟étude des mutations spatiales des villes induites
par la croissance démographique urbaine et montrait que la question foncière était devenue
névralgique dans ces mutations, conditionnant les analyses sur l‟insertion urbaine.

Bibliographie
DIOP (A, B), « La tenure foncière en milieu rural wolof : historique et actualité », Notes
Africaines, n° 188, 1968, IFAN, DAKAR, pp. 48-52.
DIOP (A, B), « L‟organisation et la famille africaine », Dakar en devenir, Paris, Présence
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IFAN, DAKAR, pp. 1-7.
DIOP (A, B), « Parenté et famille wolof en milieu rural », Bull, IFAN, B, n°1,1970, DAKAR,
pp. 216-229.
DIOP (A, B), « La famille rural wolof : mode de résidence et organisation socio-
économique », Bull, IFAN, B, n°1, 1974, DAKAR, pp. 147-163.
DIOP (A, B), 2012, La société wolof, tradition et changement, les systèmes d’inégalités et de
domination, Paris, Karthala.
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DIOP (A, B), 1985, La famille wolof, Paris, Karthala.
DIOP (A, B) et Antoine Ph, 1995, La ville à guichets fermés ? Itinéraires, réseaux et insertion
urbaine, Dakar – Paris, IFAN – ORSTOM.
DIOP (A, B), 1982, « Jeunes filles et femmes de Dakar : conditions de vie et attitudes
relatives à la famille, au mariage et l‟éducation sexuelle », Bulletin de l'Institut Fondamental
d'Afrique Noire, Série B: Sciences humaines, vol. n°44, pp.163-212.
DIOP (A, B), 1999, Paysans sereer : dynamiques agraires et mobilités au Sénégal, Marseille,
IRD Editions, EAN.
DIOP (A, B), 2006, Sociétés en devenir : mélanges offerts à Boubacar Ly, Dakar, Presse
Universitaire de Dakar.
DIOP (A, B), Structures et dynamiques des sociétés africaines dans l’œuvre de Cheikh Anta
Diop.

Pascal OUDIANE (UGB)

Amadou Ali DIENG, le précurseur de la sociologie économique au Sénégal.

La sociologie n‟est pas l‟invention de sociologues. Il faut attribuer la paternité de cette


discipline aux philosophes (Saint Simon, Émile Durkheim, Raymond Boudon) au physicien
(Auguste Comte) et enfin à l'économiste et juriste (Max Weber).

Amadou Ali DIENG fait partie de ce lot d‟étrangers utiles dont la légitimité est discutée dans
la discipline de sociologie. Il est proche du statut de ce professeur en droit commercial du
nom de Max Weber et qui est le père de la sociologie allemande.

Docteur DIENG ramène à la sociologie à travers ses cours de spécialisation de licence, le


paradigme de l‟individualisme méthodologique qui fonde l‟homo economicus et qui est
largement traité par la science néoclassique de l‟économie. La paternité de l'approche
individualiste en sociologie devra probablement être discutée aujourd‟hui par ses étudiants en
opposant Max Weber et le français Raymond Boudon. Au-delà de l‟intérêt accordé à la
rationalité individuelle dans la compréhension et l‟explication de l‟activité sociale, il fait une
place non moins considérable à ce qu‟il appelle l‟institutionnalisme méthodologique
d‟essence durkheimienne. Voilà ce que l‟école française ne fit pas dans ses débuts pour la
sociologie allemande en guise de reconnaissance, et vice versa.

Dans son cours de première et de deuxième année de sociologie économique le docteur Dieng
fait une large place à l‟économie africaine avec un accent pour l‟économie coloniale et post
coloniale. Le professeur Amady Aly DIENG se conforme à l‟historicisme méthodologique
allemand.

Pour le Sénégal, ses cours portent sur les faits historiques et économiques de la culture
arachidière. Pour la Cote d‟ivoire, il s‟agira du cacao avec un détour sur les relations
historiques entre les présidents Houphouët Boigny et Léopold Sedar Senghor. Il sera aussi
question des économies Nigériane et Ghanéenne.

PANEL III
Mohamed MBODJ
Les articulations idéologiques et socio-politiques de l'école des historiens de Dakar (UCAD).
Dans le contexte actuel, les pratiques intellectuelles sont si ancrées que l‟on a appelé Ecole
Historique de Dakar, le groupe des historiens gravitant autour de l‟Université Cheikh Anta
Diop de Dakar. Ce nouveau concept dont l‟origine est à débattre (Thierno Bah, Catherine
Coquery-Vidrovitch, ou Boubacar Barry ?), semble avoir conquis le monde académique au-
delà de toute expectation. Bien avant la fondation de l‟Université de Dakar (donc du
Département d‟Histoire actuel), il y eut l‟éclosion d‟une écriture de l‟histoire bien ancrée dans
la perspective locale et coloniale. Au fil de l‟évolution, les acteurs/auteurs vont changer mais
l‟influence de la situation socio-politique va endurer. Comme étudiants, les précurseurs des
années coloniales ont eu des liens et un statut compliqué avec la société sénégalaise globale,
l‟administration coloniale et l‟Etat sénégalais indépendant. Leurs étudiants, collègues, puis
successeurs durant la période postcoloniale auront un positionnement et un statut moins
complique, mais fourniront l‟essentiel de ce qui va constituer cette Ecole Historique de
Dakar. Cependant, comme Ibrahima Thioub l‟analyse, les acteurs/auteurs ont une vision de
l‟histoire influencée par leurs origines statutaires ou sociales. Ce papier va analyser cette
[QUESTION] sur la longue durée, de la période coloniale à la période contemporaine à
travers divers acteurs/auteurs qui ont joué un rôle décisif dans l‟établissement et le succès de
l‟Ecole Historique de Dakar.

Catherine Coquery-Vidrovitch (UPVII)

La re-création de l’École de Dakar par Boubacar Barry


Je voudrais rappeler le rôle essentiel qu‟a joué Boubacar Barry entre les années 1970/72 et
2000 au département d‟Histoire, pour faire repartir sur de nouvelles bases, cette fois-ci
africaines, l‟École de Dakar. Boubacar m‟a fait l‟honneur de me demander d‟y participer, et je
pourrai ainsi rappeler un peu dans le détail le travail et l„atmosphère qu‟ont su dynamiser les
historiens africains qui enseignaient en ce temps-là l‟histoire contemporaine au département
d‟Histoire de l‟université Cheikh Anta Diop. Ils y ont joué un rôle moteur. Les enseignants
étaient Sénégalais, mais aussi originaires de plusieurs États, qui trouvaient à Dakar un milieu
accueillant quand leurs propres chefs d‟État tyranniques les avaient refoulés : Boubacar lui-
même de Guinée, Cissoko du Mali, Tierno Ba du Cameroun, d‟autres encore, sous la houlette
d‟un chef de département bienveillant et ouvert, Mbaye Gueye. Cela a abouti, au début des
années 2000, à de magnifiques soutenances en Histoire de thèses d‟État (qui existait encore)
qui pour la première fois se tenaient non pas dans une université française mais à l‟université
Cheikh Anta Diop : Abdoulaye Bathily et Boubacar Barry ont soutenu à Dakar au tout début
des années 1980, en même temps que le Père De Benoist qui, bien que Français, avait voulu
soutenir aussi au Sénégal. Ça a été le moment de l‟organisation du laboratoire d‟histoire, avec
sa bibliothèque, le dépôt obligatoire des travaux de maitrise et de thèse des étudiants, et aussi
l‟installation d‟un atelier informatique performant aidé par la collaboration avec l‟université
parisienne Paris-Diderot et l‟historien compétent en informatique, Jean-Claude Debeir venu à
plusieurs reprise compléter la formation des collègues sénégalais. Puisqu‟il fallait
réglementairement un « docteur d‟État » à la façon française, les collègues du Sénégal m‟ont
fait jouer ce rôle en me faisant habiliter par le conseil de l‟université Cheikh Anta Diop à
l‟initiative, là encore, de Boubacar Barry, ce qui a permis de faire démarrer dès 1972 le niveau
du 3e cycle. Ce fut un moment passionnant, auquel je suis fière d‟avoir pu participer.
Idrissa MANGA (UCAD)

L’influence de Cheikh Anta Diop sur l’écriture de l’histoire à


L’école de Dakar
Résumé : Cet article analyse l‟influence de Cheikh Anta Diop sur l‟écriture de l‟histoire à
l‟école de Dakar. Il comporte deux grandes parties. La première tente d‟analyser Cheikh Anta
Diop comme une figure emblématique à l‟épreuve du temps. La deuxième explore la vision
globale de Cheikh Anta Diop à travers le monde au-delà de l‟École de Dakar.
La thématique que nous voulons aborder touche à l‟historiographie africaine en
général et sénégalaise en particulier. Elle s‟intéresse à l‟apport du Professeur Cheikh Anta
Diop à l‟écriture de l‟histoire à l‟Ecole de Dakar. Au lendemain du second conflit mondial,
l‟œuvre de réécriture de l‟histoire africaine a été engagée dans le milieu universitaire. Dès
l‟entame de ce projet, Cheikh Anta Diop a pris la mesure de l‟enjeu. Aussi va-t-il orienter
l‟écriture de l‟histoire à l‟Ecole de Dakar vers de nouvelles perspectives. Dès lors, l‟écriture
de l‟histoire devient un enjeu d‟ordre panafricain. Son projet était de rétablir l‟évolution des
sociétés négro-africaines et de définir leur apport à la Civilisation Universelle. Pour ce faire, il
a tenté de faire du mot « civilisation africaine » un concept scientifique opératoire, un fait de
conscience historique africaine et mondiale. Plus de trente ans après sa mort, son œuvre
continue d‟influencer la recherche en histoire africaine, et de manière plus globale, la pensée
politique, philosophique, économique et culturelle du monde.

Mots-clés : Cheikh Anta Diop, écriture de l‟histoire, historiographie, civilisation, Ecole de


Dakar.

Abstract : This article analyzes the influence of Cheikh Anta Diop on the Writing of history
at the school of Dakar. It has two major parts. The first attempts to analyze Cheikh Anta Diop
as an emblematic figure that has stood the test of time. The second explores the global vision
of Cheikh Anta Diop throughout the world beyond the School of Dakar.
The theme we want to address concerns African historiography in general and
Senegalese in particular. She is interested in the contribution of Dr Cheikh Anta Diop to the
writing of history at the School of Dakar. In the aftermath of the Second World War, the work
of rewriting African history was initiated in the university environment. From the start of this
project, Cheikh Anta Diop took the measure of what was at stake. So he will orient the writing
of history at the School of Dakar towards new perspectives. From then on, the writing of
history becomes a pan-African issue. His project was to restore the evolution of black African
societies and to define their contribution to Universal Civilization. To do this, he tried to make
the word "African civilization" an operative scientific concept, a fact of African and world
historical consciousness. More than thirty years after his death, his work continues to
influence research in African history, and more, generally the political, philosophical,
economic and cultural thought of the world.

Keywords : Cheikh Anta Diop, Writing of history, historiogragrahy,civilization, School of


Dakar

Introduction
A la suite de périodes traumatiques (dominations coloniales, guerres civiles, crises
économiques...), on observe généralement une phase de recomposition et de redéfinition du
« rapport à l‟identité collective, l‟enjeu étant alors de redéfinir ce qui fait sens pour que les
individus qui se retrouvent dans une communauté et notamment dans une communauté
nationale, puissent à nouveau dire « nous » » (Denis-Constant M. (dir.) .1994.).
Dès la fin des années 1950, plusieurs historiens et leaders politiques africains ont ainsi
fait « d‟une rupture avec l‟historiographie coloniale le support de leur engagement politique,
le plus souvent nationaliste, panafricain et anti-impérialiste » (Havard J-F .2007. p.72).
L‟enjeu étant alors de contribuer à la décolonisation de l‟Afrique par la décolonisation de son
histoire. Parmi les universités africaines engagées dans ce processus, « l‟École historique dite
de Dakar fut une des plus prolifiques » (Barry B. 2001. p. 36.), avec celles d‟Ibadan et de Dar
es-Salaam ( Coquery-Vidrovitch C .2013. p.112).
Selon les règles établies au sein de l‟université, « l‟école de Dakar se définie par la
volonté affirmée de ses animateurs de dévoiler la falsification délibérément opérée par les
savoirs coloniaux portant sur les sociétés africaines » (Thioub I .2002. p.110). Pour le
Professeur Boubacar Barry, Dakar est le point de rencontre de toute l‟intelligentsia africaine
de l‟AOF et de l‟AEF que le pouvoir colonial a voulu modeler à son image » (Barry B. 2001.
p. 38).
Dans le cadre de l‟exclusion de l‟histoire africaine dans l‟histoire Universelle,
l‟ethnologie a été pendant longtemps l‟instrument idéologique privilégié de la domination
coloniale. Le fait de repenser son histoire est un signe de renaissance pour un peuple.
De ce fait, l‟œuvre de déconstruction et de réécriture de l‟histoire africaine prend
naissance dans le milieu universitaire (waquet J-C, Goerg O et Rogers R .2000.). Dès lors,
ils, les historiens, proclament la nécessité d‟une réécriture de l‟histoire Africaine, écrite par
des Européens imbus d‟un complexe de supériorité (Sossa Orendo M. A .1987. p.1).
Mais, au-delà, de la revendication d‟une rupture historiographique, les historiens
africains de la première génération, en acceptant « le moule historiographique constitué au
cours du XVIIIe siècle pour restituer un passé de l‟Afrique répondant aux normes
académiques ainsi définies » (Chakrabarty D .1999. p.89), établirent un jeu d‟oppositions
entre l‟histoire nationale et l‟histoire coloniale. En arrière-fond du combat contre le barrage
des mythes dressés par le savoir impérial, il y a là avant tout pour ces historiens un enjeu
politique et idéologique : la construction des identités nationales (Havard J-F .2007. p. 72).
Ainsi, les travaux des chercheurs Sénégalais fournissent un modèle de cette façon
d‟appréhender l‟écriture de l‟histoire et le métier d‟historien. A partir de ce moment-là, on
peut maintenant comprendre à postériori le rôle primordial joué par «les deux historiens
Cheikh Anta Diop et Abdoulaye Ly dans la naissance et le développement de l‟Ecole de
Dakar qu‟ils ont davantage influencé par leur engagement dans la lutte patriotique que par
leur enseignement » (Barry B .2001. p.38). C‟est dans cette perspective que Cheikh Anta
Diop à la lumière d‟une formation universitaire, mettait l‟accent dans ses productions
scientifiques, sur les sociétés africaines depuis la préhistoire jusqu‟au XVIe siècle.
En s‟investissant dans ce domaine qui était réservé à une certaine élite blanche à savoir
la Recherche scientifique, Cheikh Anta Diop réussit à allier Savoir et Combat. De fait, il
comprend très vite que l‟idéologie est dans la Science et que le Savoir, sous toutes ses formes,
est sculpté, dans le contexte d‟alors, pour opprimer le colonisé. C‟est en ce sens qu‟il va
déconstruire les thèses racistes contenues dans l‟Anthropologie coloniale de l‟époque afin
d‟affirmer l‟existence de la civilisation africaine.
La présente étude tente de répondre aux questions suivantes. En quoi Cheikh Anta
Diop représente-il une figure emblématique de l‟historiographie africaine en général et
sénégalaise en particulier ? Est-il possible, pour Cheikh Anta Diop, avec les outils et
méthodes de la discipline alors en vigueur, d‟écrire une histoire d‟Afrique disposant de la
crédibilité nécessaire à sa validation par les autorités académiques de cette époque ? Telles
sont les interrogations auxquelles nous tenterons d‟apporter des réponses dans cet article.
Cette étude a été réalisée à partir de l‟exploitation des sources archivistiques et des
travaux scientifiques ainsi que des entretiens de terrain. Toutefois, les travaux du Professeur
Cheikh Anta Diop tels que Nations nègres et Culture (1954), l’Afrique noire
précoloniale (1960), nous ont été d‟un grand apport.
L‟objectif de cet article est de passer en revue les opinions, voire l‟apport de Cheikh
Anta Diop sur l‟écriture de l‟histoire à l‟Ecole de Dakar. .
La démarche utilisée s'articule autour de la collecte des divers documents, leur
croisement et leur analyse pour produire une connaissance relative à l‟historiographie
sénégalaise en particulier et africaine en général.
Cet article comporte deux grandes parties. La première tente d‟analyser Cheikh Anta
Diop comme une figure emblématique à l‟épreuve du temps. La deuxième explore la vision
globale de Cheikh Anta Diop à travers le monde au-delà de l‟École de Dakar.

I - Cheikh Anta Diop : une figure emblématique à l’épreuve des temps


Dans les années 1940, en effet, l‟existence d‟une connaissance scientifique sur
l‟évolution des sociétés africaines était soit niée, soit prise avec beaucoup d‟intention.
Pourtant, « les militants de la négritude comme ceux de « Back To Africa », les Américains
Georges Padmore, Williams Dubois, et tant d‟autres, comme ceux-là, avaient déjà affirmé
l‟existence de la civilisation africaine » (Sève L .1995. p. 75).
Après la conquête politique, il fallait penser une science impériale pour justifier la
conquête intellectuelle. La théorie de l‟africanisme qui stipule que tout ce qui est progrès en
Afrique est attribué à l‟étranger est ainsi mise en branle. A travers cette théorie diffusionniste,
« l‟histoire coloniale ajoutait à l‟aliénation politique et économique une aliénation
intellectuelle. En ce sens, elle était bien une science impériale » (Sibeud E .2002. p. 273).
Toutefois, le jeune Cheikh Anta Diop « risque par la mauvaise disposition de son
professeur, M. Boyaud, de tripler sa troisième, ce qui motiverait sans aucun doute son renvoi
du lycée. M. Boyaud est un singulier professeur, dont j‟ai eu l‟occasion, dès ses débuts au
lycée, de signaler l‟attitude hostile à notre race aux autorités. Ses théories sur la race, qui font
de lui un disciple de Gobineau, sont des plus pernicieuses et font que le fossé se creuse
chaque jour davantage entre le Blanc et le Noir… »32. Cette lettre, rédigée en août 1941 par un
des responsables administratifs du lycée Van Vollenhoven de Dakar (actuel lycée Lamine
Guèye), est adressée à l‟inspecteur général de l‟enseignement en Afrique occidentale
française (AOF). Le Sénégal n‟exista pas encore, et le climat qui règne alors dans les milieux
de l‟enseignement comme dans ceux de la recherche universitaire est fortement teinté de
colonialisme et de racisme anti-noir.
Il faut noter qu‟en produisant des savoirs stéréotypés, l‟histoire coloniale n‟a souvent
pas été à même de saisir la complexité des sociétés africaines et, inéluctablement, elle
s‟exposa à la critique des historiens nationaux, ce fut le cas de Cheikh Anta Diop. Son œuvre
fut d‟affirmer l‟existence de la civilisation africaine. « Cheikh Anta Diop fut toute sa vie
durant animé d‟une seule passion : la restauration de la conscience historique nègre » (Tine A
.2005. p.33). Selon Aimé Césaire « Cheikh Anta Diop a contribué à redonner à l‟Afrique son
passé, et en redonnant à l‟Afrique son passé, il a redonné peut-être son passé à l‟humanité »33.
Il s‟agissait, écrit Mamadou Diouf, « de retrouver des voix étouffées, des corps démembrés et
des traditions mutilées » (Diouf M .2000. p.6).

32.
ANS: Dossier Cheikh Anta Diop, Lettre datée du 7 août 1941.
33.
Père fondateur de la négritude, Aimé Césaire, le poète martiniquais, peiné ne tarissait pas d‟éloge à l‟endroit
de Cheikh Anta Diop, trois jours après le décès de ce dernier survenu le 7 février 1986 à Dakar.
Partant de cela, Cheikh Anta Diop formule donc une problématique en ces
termes « alors qu‟un européen peut remonter le cours de son histoire jusqu‟à l‟antiquité gréco-
latine et des steppes eurasiatiques, l‟Africain qui, à travers les ouvrages occidentaux, essaie de
remonter dans son passé historique s‟arrête à la fondation du Ghana ( IIIé siécle Av. ou IIIé
Apr. J.C.) » (Diop C .1954. p.28). Donc, globalement, ces ouvrages lui apprennent qu‟avant
l‟empire du Ghana c‟est la nuit noire. De là, des questions se posent : comment se fait-il qu‟ils
aient tant attendu pour surgir de l‟ombre avec une organisation sociale perfectionnée ? D‟où
venaient-ils d‟ailleurs ?
C‟est dans le cadre des associations d‟étudiants que Cheikh Anta Diop posait la
question de l‟histoire de sociétés africaines. De fait, Comment faire pour écrire une histoire
africaine quand on sait qu‟un discours historique est rédigé sur la base de sources textuelles
et qu‟au sein de l‟opinion générale, les sociétés africaines étaient des sociétés à base d‟oralité
? Et justement c‟est à ce point précis que se situe le débat entre historiens occidentaux et
africains. Pour les premiers, l‟Afrique ne peut pas faire l‟objet d‟étude scientifique faute de
document écrit. Et en ce qui concerne la tradition orale, l‟école coloniale n‟y voit que récit
incohérent (Maniot H .1962. p.46). Alors, en centrant sa réflexion sur des objets et des
espaces occupant une place limitée dans les mémoires communautaires, s‟en est, Cheikh
Anta, sorti sans aucune difficulté.
La référence à l‟Egypte pharaonique a donné naissance, surtout dans les territoires
sous domination française, à l‟émergence d‟une historiographie contestataire qui a généré
bien des controverses. Dès lors, «il s‟est imposé comme le père fondateur de l‟égyptologie
dakaroise » (Thioub I .2002. p.125). Pour lui, en fait, il ne s‟agit certes pas « de créer de
toutes pièces une histoire plus belle que celle des autres (…) mais de partir de cette idée
évidente que chaque peuple à une histoire » (Diop C .1979. p.19).
Il s‟élance, pour relever le défi, à la reconquête du passé de ce continent, le compare
avec l‟Europe, en basculant les théories admises. C‟est pourquoi dès 1950, il arrive à sa
découverte fondamentale que « l‟histoire africaine ainsi liée à celle de l‟Egypte et de
l‟Ethiopie tout rentre dans l‟ordre, et que le Ghana a surgi à l‟intérieur du continent au
moment du déclin de l‟Egypte » (Diop C .1954. p.28). De ce fait, il va bouleverser
l‟historiographie Africaine en remettant en cause ceux qui soutenaient la thèse (les européens)
selon laquelle l‟évolution des sociétés africaines est quand même impossible à reconstituer sur
l‟inexistence d‟une documentation scientifique.
Ce qu‟il fallait comprendre c‟est que l‟histoire classique de l‟Europe est faite à partir
des sources gréco-latines. De ce point de vue, il se pose la question à savoir y‟a-t-il rien de ses
sources Gréco-latines qui parlent des sociétés Africaines ? En effet, le père de la littérature
occidentale est un certain Homère ; il a écrit des ouvrages (L‟Iliade et Odyssée). Pour Cheikh
Anta Diop, dans ces deux textes, il y‟a plusieurs références aux populations du continent que
nous appelons africaines. Toutefois, les idéologies nées des relations de dépendance sont à la
base de ce que Cheikh Anta Diop appelle « la falsification de l‟histoire et de l‟invention d‟un
nègre mythique » ((Diop C .1954. p.75).
C‟est alors par ces deux points, en pleine effervescence des revendications pour
l‟indépendance politique, que commence le premier texte majeur de Cheikh Anta Diop à
savoir Nations Nègres et Culture, publié en 1954. Ce maître-livre fait de l‟auteur l‟un des
pionniers de l‟historiographie africaine moderne. Pour Aimé Césaire « ce fut le livre le plus
audacieux qu‟un Nègre n‟ait jamais écrit » (Akwa D, Bonambela N .2006. p.34).
Ce livre est celui qui secoua l‟ordre colonial établi et mit en cause les intérêts de
l‟impérialisme culturel et scientifique. Ce dernier « est le premier à fonder son action
politique sur la reconnaissance de l‟historicité de l‟Afrique qui remonte à l‟origine des
civilisations car l‟Egypte est Nègre » (Barry B .2001. p.44). Cheikh Anta Diop veut redonner
confiance aux africains en eux-mêmes ; en démontrant que « ce n‟étaient pas les occidentaux,
mais les Africains qui avaient le mieux su tirer parti de l‟origine commune de leur histoire :
l‟Egypte » (Diop Ch A .1954. p .79).
La problématique qui se dégage de Nations nègres et Culture est une critique acerbe de
l‟historiographie coloniale, source d‟aliénation et la rédaction d‟une « vraie histoire de
l‟Afrique » qui aurait une vision globale du passé du continent avec, pour genèse l‟Egypte
ancienne. Il importe, par ailleurs, de replacer Nations Nègres et Cultures dans son contexte
historique pour comprendre le rôle primordial que cette œuvre a joué dans l‟évolution de
l‟historiographie africaine, dans l‟effort pour la décolonisation et la construction d‟une
Afrique libre, unie et prospère.
Du coup, l‟Afrique prend pied dans l‟histoire, évidemment, par la grande porte et
Cheikh Anta Diop, par ailleurs, privilégie la continuité de cette histoire en mettant en exergue
les ressemblances entre les institutions de l‟Afrique précoloniale avec celles de l‟Egypte
ancienne. Par-là, « il accorde une importance capitale aux langues africaines comme moyen
d‟accès à la modernité » ( Mendy D- F .2014. p.45). Au premier Festival mondial des Arts
Nègres tenu à Dakar en 1966, la communauté intellectuelle lui décerna, le Prix de « l‟Auteur
africain qui a exercé sur le 20e siècle l‟influence la plus féconde »34. Tout un symbole : que
son nom ait été associé à l‟un des théoriciens les plus féconds du Panafricanisme.
Par ailleurs, en dépit de tous les griefs qu‟on lui collait pour décrédibiliser ses travaux,
Cheikh Anta Diop a produit un travail scientifique remarquable et du coup exercé une grande
influence sur bon « nombre de jeunes chercheurs et notamment sur l‟école de Dakar »35 .
Comme l‟ont montré Mamadou Diouf et Mohamed Mbodj « On aurait pu admettre
l‟accusation de racisme (…) si les dommages subis au nom de la » race « se retrouvaient de
manière égale de part et d‟autre, ce qui n‟est bien évidemment pas le cas ». De plus, ce
racisme noir « n‟aurait trouvé sa valeur que s‟il avait pu créer un complexe de culpabilité chez
les Européens, ce qui n‟est pas le but de Cheikh Anta Diop. Pas plus qu‟il ne cherche à
conforter une croyance populaire ; il écrit pour une élite déjà fortement convaincue de
l‟égalité de l‟espèce humaine » (Diouf M et Mbodj M .1992. p. 79). C‟est pourquoi, s‟il
demeure incontestable qu‟il a utilisé les mêmes armes que ses « adversaires scientifiques », on
peut difficilement accuser Cheikh Anta Diop de racisme.
En 1967, il publia Antériorité des civilisations Nègres : mythes ou vérités historique ?
Ce fut à la fois une mise au point et une indication des orientations de ses futurs travaux de
recherches. Malgré son isolement, « l‟Ecole de Dakar se constitua autour de son œuvre,
éparpillée dans diverses Universités africaines (Dakar, Yaoundé, Brazzaville, Kinshasa) »36.
Ainsi, la validité et la fécondité de cette œuvre se mesurent par le nombre croissant de cercles
d‟études organisés par des jeunes scolaires, et même par des adultes amateurs d‟histoire (
Barry B .2001. p.45).
A l‟opposé de Léopold Sédar Senghor qui connaîtra la « gloire » à travers ces
manifestations internationales, Cheikh Anta Diop, « longtemps confiné dans son laboratoire
de l‟IFAN en raison de sa rivalité ne « sortira de l‟ombre » et ne connaîtra la consécration que
dans les années 80 » ( Diop B B .2005. p.7).
Membre du comité scientifique international pour la rédaction de l‟Histoire générale
de l‟Afrique, qui comprendra huit volumes, sous la direction d‟Ahmadou Maktar Mbow, «

34.
Boubacar Barry, lors de l‟entretien du 28 janvier 2022 à Dakar
35.
L‟expérience connaît son apothéose avec le symposium de 1982 organisé par la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines de l‟Université de Dakar et les Editions Sankoré de Pathé Diagne. De fait, l‟occasion est
donnée à Cheikh Anta Diop d‟exposer devant la communauté universitaire de Dakar ses thèses discutées par
des enseignants et chercheurs de diverses disciplines. Dès avant la fin de cette expérience de courte durée
interrompue par le décès de Cheikh Anta Diop survenu en 1986, le département d‟histoire avait recruté deux
enseignants spécialistes des études égyptologiques, Aboubacry Moussa Lam et Babacar Sall (Thioub I
.2000.p.12). Ces derniers, à travers leurs productions scientifiques, prolongent les arguments de Cheikh
Anta Diop dans son combat à la fois politique et historique. .
36
Boubacar Barry, lors de l‟entretien du 28 janvier 2022 à Dakar
Cheikh Anta Diop arrive en 1982, comme professeur d‟histoire associé, à la Faculté ès Lettres
et Sciences humaines de Dakar. Il fait huit heures de cours entre 1983 et 1985. Il intervenait
en maîtrise et DEA. Au-delà des années 1985, on modifie l‟emploi pour intégrer son
programme, mais le destin en a décidé autrement. Il disparaissait en 1986 »37.
Malgré sa mort, mais cela n‟avait pas empêché de nombreux étudiants d‟entreprendre
les études sur l‟Egypte ancienne, « il suscita certains étudiants à s‟intéresser aux études
antiques, en général et en égyptologie, en particulier »38 et de devenir sans la médiation de
l‟enseignement direct, les disciples de Cheikh Anta Diop comme Théophile Obenga qui a eu
la chance de travailler avec lui.
Son influence sur l‟écriture de l‟histoire à l‟école de Dakar suscita également aux
enseignants chercheurs à s‟intéresser, au-delà des études antiques et sur l‟Egypte ancienne,
d‟autres nouvelles pistes de réflexion scientifique. Le but était de combler les lacunes laissées
par leurs prédécesseurs. Il s‟agit des études sur l‟archéologie et de l‟histoire de la santé. Cette
voie de réflexion scientifique, l‟histoire de la santé par exemple, reste un champ nouveau pour
la recherche historique à l‟école de Dakar, mais aussi et surtout dans les autres pays africains,
en général. Cependant, l‟influence de Cheikh Anta Diop traverse les limites de l‟école de
Dakar.
II- Du local au global : les perspectives de Cheikh Anta Diop au-delà de l’École de
Dakar
L‟œuvre historiographique répondait alors à une demande politique et idéologique
avec le risque d‟en altérer la démarche scientifique. Cheikh Anta Diop a consacré le gros de
sa réflexion à relever « le défi d‟écrire une histoire d‟Afrique non contestable au regard des
canons académiques de son temps » ( Thioub I .2002. p.121).
Malgré son action décisive dans l‟élaboration d‟une page d‟histoire africaine par les
Africains, sa mise au point dans le débat culturel pour l‟unité, l‟accès à la souveraineté
internationale du Continent et le rétablissement de la dignité africaine, limite son influence
directe sur le développement des études sur le terrain.
Par le passé, Cheikh Anta Diop était surtout célèbre pour avoir publié ses trois
ouvrages majeurs. Pour lui, la conception d‟une unité culturelle de l‟Afrique développée dans
Nations nègres et culture (1954), plus tard dans L’unité culturelle de l’Afrique (1959), et dans
L’Afrique noire précoloniale (1960), doit être accompagnée d‟une volonté politique : l‟union
des Etats africains. C‟est dire que ces textes précédents non seulement sont inséparables de

37
Babacar Sall, lors de l‟entretien du 20 janvier 2022 à Guédiawaye
38
Babacar Sall, lors de l‟entretien du 20 janvier 2022 à Guédiawaye
ceux sur Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire (1960),
« mais encore que le projet culturel doit être accompagné d‟un projet politique. Et ce qui fera
la fécondité ses réflexions culturelle et politique est la façon dont ses disciples de tous
horizons approfondiront, mais aussi discuteront ses idées de façon universelle » (Mendy D- F
.2014. p.62). Par l‟affirmation de l‟antériorité des civilisations africaines, Cheikh Anta Diop a
« revendiqué le droit à l‟histoire pour la résurrection de l‟Afrique dans l‟unité » (Barry B
.2001. p.46)
Sur le plan de l‟approfondissement de son œuvre, le Congolais Théophile Obenga (né
en 1936) est une des figures la plus représentative. Car non seulement il poursuivra la voie
tracée par le Maître « en plaçant l‟Egypte comme une civilisation négro-africaine et non
orientale, mais encore il établit une parenté génétique entre les langues africaines et l‟égyptien
ancien dans Origine commune de l‟égyptien ancien, du copte et des langues négro-africaines
modernes. Introduction à la linguistique historique africaine » ( Obenga T. 1993).
Toutefois, la rencontre organisée à l‟Université de Dakar sur l‟œuvre de l‟égyptologue,
Cheikh Anta Diop, du 19 au 24 avril 1982 à la faculté de droit avec la participation de
l‟association des historiens du Sénégal constitua, d‟une part, un moment de reconnaissance
par les pairs, d‟autre part, de controverses sur sa pensée. Mais, en dépit des divergences, il
reste que « ce symposium aura constitué un temps fort de discussion des thèses du savant
sénégalais, et surtout de confirmation de son envergure intellectuelle auprès de ses pairs »
(Mendy D- F .2014. p.150).
C‟est aux Etats Unis d‟Amérique que l‟on observe un engouement croissant pour
l‟Egyptologie et une adhésion aux thèses de Cheikh Anta Diop. Ce fut surtout au lendemain
de la publication de l‟ouvrage de Van Sertina They Came before Colombus. Pour nombre de
jeunes universitaires Négro-américains, Dakar apparut comme un lieu d‟espoir et
d‟inspiration intellectuelle, émergeant dans l‟anonymat général d‟un continent qu‟ils
connaissaient mal (Iniesta F .2004. p. 98). Son savoir de plus haut niveau lui permet
d‟animer des conférences et à participer à des colloques internationaux.
C´est un véritable défi intellectuel que Cheikh Anta Diop s´impose. Le colloque du
Caire en est une parfaite illustration. « Ce colloque marqua une étape capitale dans
l´historiographie africaine, c´est-à-dire le travail d´écriture de l´histoire africaine. Pour la
première fois des experts africains ont confronté, dans le domaine de l´égyptologie, les
résultats de leurs recherches avec ceux de leurs homologues des autres pays, sous l´égide de
l´Unesco. Les participants...ont été frappés par la méthodologie de recherche pluridisciplinaire
introduite par Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga.. » (Diop B B .2005. p.8).
A l‟heure du multipartisme, pour rendre compte des préoccupations et des aspirations
des populations et surtout de la complexité de la crise de l‟Etat postcolonial, le débat
historique était désormais possible. C‟est de ce point de vue, « qu‟en raison de l‟actualité du
débat sur l‟intégration, que l‟Association des chercheurs sénégalais organisa une table ronde à
laquelle devaient prendre part Cheikh Anta Diop, Moctar Diouf et Boubacar Barry. Mais, le
destin frappa brutalement la veille de cette rencontre le regretté Cheikh Anta Diop et c‟est
seulement un an après sa mort que le même débat fut organisé à sa mémoire » (Thioub I
.2002. p.147).
Aussi faut-il attendre vingt ans pour qu‟une grande partie de ses théories se trouve
confortée, à la suite du colloque international du Caire de 1974, organisé sous l‟égide de
l‟Unesco et réunissant parmi les plus éminents égyptologues du monde entier39.
Etant un symbole par l‟actualité de sa vision de l‟avenir du continent dans la continuité
historique, Selon Boubacar Boris Diop , Cheikh Anta Diop était prêt à confronter ses idées
pour un Etat fédéral d‟Afrique Noire avec le point de vue de l‟économie, plus soucieux de la
rentabilité des projets économiques régionaux et celui de l‟historien qui porte sa préférence à
des petits espaces régionaux plus homogènes sur le plan historique que géographique.
En fait, Cheikh Anta Diop rêvait secrètement d‟une synthèse entre ancrage et
métissage culturels. « La plénitude culturelle ne peut que rendre un peuple plus apte à
contribuer au progrès général de l‟humanité et à se rapprocher des autres peuples en
connaissance de cause » ( Diop A .1967. p. 67).

Conclusion
Ce travail, qui tente d‟élargir l‟horizon de connaissances sur l‟historiographie
sénégalaise en particulier et africaine en général a permis d‟analyser l‟apport de Cheikh Anta
Diop sur l‟écriture de l‟histoire à l‟Ecole de Dakar. Notre approche a permis de parcourir
l‟œuvre du Professeur Cheikh Anta Diop dans la décolonisation de l‟Afrique par la
décolonisation de son histoire
Prendre conscience de ce problème et le résoudre nous semble être une condition sine
qua non de la vivification de la pensée de Ch. A. Diop qui, dans le cas contraire, sera
"momifiée" dans des éloges frileux et stériles. C‟est là une condition pour renouer avec les
débats qui ont dominé l‟écriture postcoloniale de notre histoire : les origines historiques du
sous-développement de l‟Afrique et sa subordination aux logiques du système capitaliste

39
Histoire générale de l’Afrique. Etudes et documents, volume I, Unesco, Paris, 1978
dominé par l‟Europe dont l‟influence sur l‟Afrique sont largement minimisées par les
Egyptologues défenseurs d‟une forte stabilité.
Dans un combat au quotidien, Cheikh Anta Diop, est parvenu à marquer ses
empreintes sur l‟écriture de l‟histoire à l‟Ecole de Dakar. Ecrire l‟histoire de l‟Afrique au
lendemain du second conflit mondial n‟était pas une chose aisée. Ce fut un acte à la fois
politique mais aussi scientifique. Dès l‟entame de ce projet, il a pris la mesure des problèmes
épistémologiques posés par la question du sujet historique.
Son travail fut, en fait, avant tout un travail de déconstruction de l‟idéologie coloniale
déniant à l‟Afrique et aux Africains toute capacité d‟initiative historique. Autrement dit, sa
perspective a été de rétablir l‟évolution des sociétés négro-africaines et de définir leur apport à
la civilisation. De ce fait, il a tenté de faire de l‟expression civilisation africaine un concept
scientifique opératoire, un fait de conscience historique Africaine et mondiale. Dès lors,
l‟écriture de l‟histoire devient un enjeu panafricain.
Au total, c‟est grâce à son influence de l‟idée de l‟Unité culturelle comme fondement
au fédéralisme qu‟on pourrait en fait caractériser l‟Ecole de Dakar de culturaliste en raison de
l‟intensité des débats sur les problèmes culturels que ce dernier a soulevé. Avant sa mort
l‟université de Dakar portait déjà le nom de Cheikh Anta Diop qui avait hissé de son vivant la
mystique de l‟unité africaine à son plus haut niveau. En ouvrant la voie à la recherche de
l‟histoire africaine, il devient donc l‟historien africain le plus considérable de ce temps. Plus
de trente ans après sa mort, son œuvre continue d‟influencer la recherche en histoire africaine,
et de manière plus globale, la pensée politique, philosophique, économique et culturelle du
monde.
Ce travail, loin de clore le débat sur l‟historiographie africaine ouvre des pistes à la
recherche et au questionnement historique.

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Gafou DIOP (UCAD)

60 ANS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE À LA FLSH : L’ENFANCE EN


QUESTION AU DÉPARTEMENT D’HISTOIRE, 1960 A 2019

Résumé

Les premiers écris sur l‟enfance ont commencé à se développer à partir des années 1990.
Cette tentative n‟a pas occasionné la constitution d‟un champ de recherche à part entière.
Avant cette date, les historiens du Département d‟Histoire s‟intéressaient à divers thématiques
mais tout sauf sur l‟enfance. Ce qui a occasionné la marginalisation de l‟objet d‟étude
« enfance » au sein du champ historique en dépit de quelques travaux dont les auteurs n‟en
ont pas fait un domaine de prédilection. Toutefois, leurs travaux restent des jalons majeurs de
cette histoire de l‟enfance.

Cette contribution part du constat de l‟invisibilité des enfants dans le champ de la recherche
au Sénégal. Elle propose, à travers le croisement des autres disciplines en sciences sociales et
humaines, de faire le bilan historiographique sur l‟enfance au Sénégal. La recension
provisoire de travaux portant sur divers thèmes en rapport avec l‟enfance a permis de mettre
en évidence les principales progressions de la recherche sur l‟enfance en histoire.

Mots-clés

Enfance, enfant, droits de l‟enfant, recherche, enseignements, Sénégal, FLSH, Département


d‟Histoire, interdisciplinaire

Summary

The first writings on childhood began to develop in the 1990s. This attempt did not lead to the
constitution of a full-fledged research field. Prior to this date, historians in the History
Department were interested in a variety of themes, but not in childhood. This led to the
marginalization of the study of childhood within the field of history, despite a few works
whose authors did not make it a field of predilection. However, their work remains a major
milestone in the history of childhood.

This contribution starts from the observation that children are invisible in the field of
research in Senegal. It proposes, through the intersection of other disciplines in the social
and human sciences, to take stock of the historiography of childhood in Senegal. The
provisional review of works on various indirectly related themes relation with childhood has
made it possible to highlight the main progress made in research on childhood in history.

Keywords

Childhood, child, children's rights, research, teaching, Senegal, FLSH, Department of


History, interdisciplinary

INTRODUCTION

Pendant très longtemps, l‟enfant est devenu un petit sujet dans les disciplines et dans sa vie
quotidienne. De 195440 à 198941, il est devenu sujet de droits, grâce à la Convention relative

40Cette Déclaration fut adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1959 dans
sa résolution 1387 (XIV). Elle reste le premier grand consensus international sur les principes
fondamentaux des Droits des Enfants.
aux droits de l„enfant (CDE). À partir de ces dates, les représentations sur l‟enfance, au sein
de la famille, de l‟État, dans la recherche et surtout dans les enseignements ont changé. En
France, c‟est en 1960, avec le livre de Philip Ariès42 que l‟histoire de l‟enfant est devenue un
sujet de recherche. Au Sénégal, qu‟est ce qui devait justifier l‟enseignement de l‟enfance au
sein de la FSLH et, notamment au Département d‟Histoire ? Quelle place occupe l‟enfant
notamment africain dans l‟analyse scientifique ? L‟objet de ce travail cherche à relater les
grands moments de la construction d‟un objet de recherche : l„enfant au sein de l‟institution
universitaire. L‟Université de Dakar est fondée officiellement le 24 février 1957, trois ans
après, le Sénégal accéda à l‟indépendance en 1960. La même année fut créé la Faculté des
Lettres et Sciences humaines (FLSH). Face à une société en transformation, il y‟a eu des
ruptures mais aussi quelques continuités dans les enseignements et dans la recherche au sein
des différents Départements de la FLSH dont le département d‟Histoire. Au sein de ce
dernier, divers thématiques ont été abordées depuis cette date. Mais, la production
académique de manière générale est presque indifférente à l‟enfance d‟où l‟impossibilité de
dire à partir de quel moment l‟enfance est devenue un objet d‟histoire. Aussi, les chercheurs
du Département d‟Histoire travaillant en vase close abordent l‟enfance dans une approche
purement historique, en dépit de quelques contributions dans des revues avec d‟autres
collègues d‟autres disciplines qui s‟intéressent à l‟enfance. L‟intérêt scientifique pour
l‟enfant/enfance a alors commencé à se manifester très timidement durant la deuxième moitié
des années 90. Avec la création de Laboratoire au sein des Écoles doctorales, les doctorants
venant de diverses disciplines commencèrent à aborder cette question de manière
interdisciplinaire43. Les résultats de leurs thèses reflètent les transformations de la société et le
regard qu‟elle porte sur les enfants. Notre contribution s‟appuie sur ces travaux mais s‟ouvre
aussi sur d‟autres de disciplines connexes comme la sociologie. Elle part de 1960 où le
sentiment historique de l‟enfance n‟existait pas dans les disciplines. Elle s‟arrête en 2019 où
on découvre dans les thèses de jeunes historiens de l‟UCAD un changement avec l‟émergence
d‟un intérêt de l‟enfance comme objet d‟histoire. Le découpage chronologique suggéré tend à
montrer les différentes étapes de la construction de cet objet.

41 La CDE a été adoptée à l'unanimité par l'ONU lors de l'Assemblée Générale du 20 novembre 1989.
Depuis, cette date-clé est devenue celle de la journée mondiale des droits de l'enfant. Le texte est
aujourd'hui ratifié par tous les pays du monde, à l'exception des Etats-Unis.
42 Historien de formation et auteur de L‘enfant et la vie familiale, publié en 1960.

43 Cette notion rattachée à la recherche sur l’enfance à la FLSH doit être employée avec prudence car

jusqu’à présent une rupture épistémologique et méthodologique n’est pas encore carrément opérée.
Cet article essaie d‟examiner comment l‟enfance est prise en compte dans les enseignements
et dans la recherche au Département d‟histoire depuis 1960 et, elle vise deux objectifs :

1. À partir d‟un début de renouvellement de la recherche, situer l‟émergence de la notion de


« enfant » dans les travaux historiques au sein du département d‟Histoire de l‟UCAD.

2. Détecter à partir de ces « nouvelles » recherches les problématiques « vedettes » des


chercheurs.

En premier lieu, la focalisation sur des thèmes tels la famille ou l‟école évoque l„importance
de ces institutions dans la vie de l„enfant. En deuxième lieu, l„évolution du département
d‟histoire, par la mise en place d‟Écoles doctorales, entraina l„émergence et la découverte du
sujet « enfant », avant de s‟intéresser à leur développement avec le début d‟une production
historique l„enfance à partir des années 2000.

1. Faire «émerger » l’enfance à partir de la famille, de l’école (1960-1990)

Toutes les sciences se sont intéressées à l‟enfance, bien que chacune d‟entre elle ait eu une
évolution et un rapport spécifique avec l‟enfance qui, elle-même a connu plusieurs
transformation. Ainsi, la construction de l„objet enfant s‟est opérée en prêtant attention aux
changements de cet objet suivant les différentes perceptions portées sur lui. Un fait bien
commun dans toutes les disciplines: de la démographie, à la médecine en passant par le droit,
la sociologie et la psychologie, etc, les spécialistes abordent souvent une approche historique
pour analyser l‟évolution du statut de l‟enfant dans la société.

Pour les historiens occidentaux, le concept « enfance » est né tout récemment après
l‟Antiquité, selon Philip Ariès. Son œuvre fit classer l‟histoire comme discipline pionnière
ayant cherché le « sentiment de l‟enfance » chez les Anciens qui avaient une manière spéciale
de socialiser l‟enfant. Mais son œuvre, bien accueillie, fut très critiquée par les historiens et
autres spécialistes des autres sciences. Plus tard, l‟apport de la sociologie fut capital dans
l‟analyse de cette notion. Cependant, il faut retenir que les difficultés de faire « émerger »
l‟enfance dans les sciences sociales comme l„anthropologie ou la sociologie rappellent bien
évidemment les difficultés pour l‟histoire d‟en faire un objet. Analysant le rapport que les
sciences humaines et sociales ont eu avec l„enfance, Régine Sirota précise que « la sociologie
a joué un rôle de discipline vertébrante, dans cette relecture de la socialisation. Considérant à
l‟instar des historiens que l‟enfance est une construction sociale variable dans le temps et dans
l‟espace, les sociologues de l‟enfance se sont attelés à déconstruire et reconstruire le nouveau
statut attribué à l‟enfance »44. Les travaux de Régine Sirota ou de la démographe Catherine
Rollet45 et toutes autres disciplines connexes se sont beaucoup appuyés sur l‟histoire pour
analyser l‟évolution de la place de l‟enfant et de sa considération dans le champ de la
recherche. La dimension historique des recherches en sciences humaines et sociales est
purement nécessaire car les études historiques sur l‟enfance ont permis de montrer comment
l‟enfant signifiant étymologiquement infans est passé d‟une personne qui ne parle pas à une
personne qui a droit à la parole. Au-delà des questions méthodologiques, les recherches
notamment de longue durée sur l‟enfance ont d‟abord posé le problème de la définition de
l„enfance prouvant que l‟enfant fut d‟abord un être dépendant des adultes. La littérature
sociologique, ethnographique mentionne la dépendance de l‟enfance envers la famille, la
société, l‟école. Ainsi, cette conception pourrait expliquer pourquoi pendant longtemps,
l‟enfant, ce petit de l‟homme est resté un petit sujet, un être invisible dans la recherche.

Dans le contexte sénégalais, pour cette période (1960-1990) où il manque carrément de


recherches historiques sur l‟enfance, il faut considérer l‟objet à partir de la recherche sur des
thématiques qui en parlent. Nous partirons des catégories « famille » et « école » pour sortir
l‟enfance de son invisibilité, à travers des écrits produits par des chercheurs venant d‟autres
disciplines également.

Le premier constat est que la thématique de l‟enfance durant les trois premières décennies
après 1960 n‟a pas fait l‟objet de recherche. Cette première époque est marquée par l‟absence
de travaux sur l‟enfance qui apparait comme un thème totalement négligé par
l‟historiographie sénégalaise au profit de « l‟histoire des gloires ». Si, d‟une part, l‟évolution
de la place de l‟enfant dans la société a été étudiée à travers d‟autres sujets, d‟autre part,
l‟étude de l‟enfance dans les enseignements est un terrain vague qui fut inexploré par les
historiens sénégalais. Sans doute ce qui a fait que les étudiants de la première génération et
même bien après, ne s‟intéressaient pas à ce thème au détriment des thématiques sur la
politique, les figures historiques, le syndicalisme, etc. Toujours au Sénégal, dans d‟autres
disciplines comme en sociologie, d‟une part, c‟est Georges Balandier qui fut le premier a
étudié dès 1948 l‟enfance comme petit objet en se basant sur sa vie quotidienne, son

44 Voir Sirota, Régine. L’enfance au regard des Sciences sociales Bibliographie. AnthropoChildren,
2012, p. 3.
45 Elle est aussi historienne de l'enfance. Spécialisée du XIXe siècle, elle est l’auteur de : Les carnets de

santé des enfants, La Dispute, 2008, 299 pages.


éducation, à travers un cas particulier, « L„enfant chez les Lebou »46. Si la figure tutélaire de
la production universitaire sur l‟enfance lui est attribué, il n‟en demeure pas moins que son
travail soit classé œuvre pionnière de littérature historique. D‟autre part, pour saisir les modes
d‟éducation de même que le statut et la place de l‟enfant africain durant la période pré
(coloniale) et le début des premières années de l‟indépendance, l‟historien doit s‟ouvrir à
d‟autres disciplines comme la littérature47 ou l‟ethnologie. Ces deux disciplines ont largement
contribué à la connaissance sur le rôle primordial que l‟école et la famille ont joué dans
l‟éducation et la formation de l„enfant. En ethnologie, l‟un des auteurs les plus remarquables
fut Pierre Erny48.

Deux décennies après l„indépendance du Sénégal et, après une timide évolution des thèmes
d‟études au sein du Département d‟histoire de l‟UCAD, il est clair que s‟intéresser à l‟enfance
ne pouvait donc pas être possible en dehors de l‟institution familiale ou scolaire qui
constituaient des problématiques sociales présentes. Dès le début des années 1970, période de
sècheresse et, atteignant son paroxysme dès 1980 marquant l‟ajustement structurel, des
changements profonds affectèrent ces deux institutions49 ou les parents sont obligés de
« bricoler » pour échapper à la pauvreté. Le statut et la place de l‟enfance dans la recherche
scientifique se trouva alors en leur sein et ces thématiques ont contribué à mettre en lumière
l‟évolution de la notion d‟enfance et de valider que l‟enfance est effectivement une
construction sociale et culturelle. Malgré tout, l‟enfance n‟est que très partiellement un objet
d‟étude comme le fut l‟école, les sociétés (wolof, alpulaar, etc) et les royaumes mais bien un
champ ouvert chez les éducateurs spécialisés. En histoire, la famille a donc constitué une des
seules formes de prises en charge sociales à travers lesquelles s‟est construite l‟enfance
comme objet sociologique. Concernant, la famille sénégalaise et son fonctionnement, les

46 La méthodologie adoptée est très innovante car le chercheur avait choisi de faire une enquête avec
les enfants. Cette approche est aujourd’hui très encouragée dans les recherches sur l’enfance.
Malheureusement, comme le rappelle Balandier, il avait choisi d’exclure les filles dans cette enquête.
Aussi, à chaque fois que les enfants étaient dans l’impossibilité de s’exprimer, il s’orientait vers les
adultes.
47 Notamment les œuvres autobiographiques. Certes, cette méthodes est pour certain critiqué du fait

que l’auteur parle d’une époque passée. Comme exemple, retenons l’œuvre de Camara Laye, L’enfant
noir, Plon, 19.
48 Voir Erny, Pierre, L’enfant et son milieu en Afrique noire, Paris, Payot, 1972.

49 Rappelons que beaucoup de chercheurs notamment des économistes, des socio-démographes ont

produits d’excellentes contributions sur le thème de la pauvreté au Sénégal durant cette période.
Mentionnons tout simplement Antoine, Philippe et Fall, Soukheina, « Population et pauvreté à Dakar,
in Daffé, Gaye et Diagne, Abdoulaye (dir.), Le Sénégal face aux défis de la pauvreté - Les oubliés de la
croissance, Paris, Karthala, 2008, p. 43 ; Rosalie, Aduayi Diop, « Survivre à la pauvreté et à l'exclusion.
Le travail des adolescentes dans les marchés de Dakar », Karthala 2010.
travaux d‟Abdoulaye Bara Diop50 sur la société wolof, de Boubacar Ly, sur la société
alpulaar51 montre que l‟enfance est une notion qui est au carrefour de plusieurs sciences et que
ce petit sujet ne pouvait être visible qu‟à travers des univers socialisants tel que la famille.

C‟est aussi à travers l‟école que se manifestèrent les connaissances sur les enfants. Cette
institution a très tôt était étudié par des historiens et surtout des sociologues de l‟éducation,
bien que les thèmes relatifs aux droits à l‟éducation pour tous, au maintien des filles à l‟école
ne furent pas des aspects valorisés dans la recherche. Toutefois, les études partant sur la
période coloniale montrent clairement des inégalités entre les garçons et les filles, excluant
l„approche par les droits de l„enfant que les pouvoirs publics n‟ont investi que dans les années
2000. Globalement, invisibles et muets sur le plan académique, les enfants le deviennent sur
le plan politique, avec l„absence de politique de protection de l„enfance clairement définie.
Dès 1960, les pouvoirs publics se prononcèrent très vaguement sur les politiques de l‟enfance.
En plus, cette rareté d‟intervention continuer d‟aller de pair avec l‟absence de recherche
même après 1960. Paradoxalement, après cette date, émergées de nouvelles problématiques
liées à la santé, à l‟éducation de l‟enfant mais on constata toujours une absence d‟écrits
spécifiques. À partir des années 1970, les transformations de la société sénégalaise mettent
au-devant de la scène la nécessité d‟une protection de l‟enfance, à cause des cas de mauvais
traitement qui prenaient de nouvelles formes. Par la loi n° 72-61 du 12 juin 1972, le code de la
famille sénégalaise fut adopté. Les questions liées à l‟état civil, au statut de la personne, au
mariage (précoce), à la filiation, à la succession, à l‟héritage conduisirent à des oppositions à
l‟intérieur desquelles se situent l‟avenir de l‟enfant qui se construit dans la famille, par la
socialisation et, à l‟école, par l‟éducation, à travers la figure de la femme qui constitue le
pilier de la famille.

La même décennie 1970, le concept de délinquance juvénile fut son réapparition dans le
milieu politique et des ressources considérables commencèrent à être mises à disposition de
même que de nombreuses discussions sociétales autour de l‟enfance délinquante conduites par
des femmes politiques qui dénoncèrent l‟occupation marginales de la ville par les enfants
qu‟elles qualifiaient de « délinquants », exclus du système scolaire formel et souvent
constitués majoritairement de purs produits des daara ou école coranique. Ces femmes du

50 Diop, Abdoulaye Bara, La société wolof Tradition et changement. Les systèmes d’inégalité et de domination,
Paris, Karthala, 1981, 355 p. Voir également Diop, Abdoulaye Bara, La famille wolof : tradition et
changement, Paris, Karthala, 1985, 272p.
51 Ly, Boubacar, La morale de l'honneur dans les sociétés wolof et halpulaar traditionnelles (tome 2), Paris,

l’Harmattan, 2015, 289 p. Comme le montre le titre, (la société wolof y est également étudiée).
Parti socialiste lancèrent un appel alarmiste qui sera entendu par l‟État, avec la création du
DAARA de Malika en 1980. Les pouvoirs politiques ne trouvèrent d‟autres alternatives que
de « normaliser son corps »52, pour reprendre l‟expression de Martine Fournier.
Malheureusement, cette transformation sociale ne fut pas suivie d‟une évolution
épistémologique, sur le plan académique. Le délitement de la famille, le désespoir sur l‟école
furent considérés parmi les principaux motifs de l‟errance des enfants. Mais, c‟est bien après,
vers les années 2000 que des historiens exhumèrent les archives coloniales pour en analyser la
problématique. Nous reviendrons plus largement sur cela dans la deuxième partie de ce
travail.

Vers les années 1990, le daara, ce lieu d‟apprentissage du Coran continue d‟être critiqué par
les militants des droits des enfants qui vont faire émerger le concept de maltraitance des
enfants. Face à la recrudescence de la question de la mendicité des enfants, les études
adoptant une perspective historique ne manquèrent pas mais elles n‟étaient pas l‟œuvre
d‟historiens du département d‟histoire mais toujours des éducateurs spécialisés. Pour rappel,
l‟autorité publique a mis en place l‟École Nationale des Assistants et Éducateurs Sociaux
(ENAES) en 1970. Trois ans plus tard, on assiste à la première promotion d‟éducateurs
spécialisés dont les thèmes favoris furent les enfants dans la rue. Ainsi, l‟enfant délinquant
commence à être vu autrement. Les éducateurs lui donnèrent l‟occasion d‟être un acteur
social.

Au Sénégal, les travaux sur l‟école/daara ou la famille ont le mérite de montrer que ces
institutions ont constitué les seuls univers de socialisation de l‟enfant, pendant une longue
période. En plus, ces travaux quasi exclusifs sur la famille, l‟école, est pourrait-on dire, une
manière de faire exister l‟enfance dans les recherches en sciences sociales et humaines. Faut-il
rappeler que l‟exploration de la famille, de l‟école, de la femme et même de l‟enfance au sein
de ces disciplines n‟a pas eu le même cheminement. En plus, leurs transformations au fil au
temps a conduit à la naissance de nouveaux faits de société comme la marginalisation,
l‟exclusion de l‟enfant, des thèmes détaillés dans la deuxième partie de ce travail.

En résumé, l‟enfant est objet d‟étude qu‟à travers les thématiques comme la famille, l‟école.
C‟est à leur sein que l‟on peut analyser l‟émergence d‟une histoire de l‟enfance qui, à son
tour, étudie l„évolution de l‟objet mais aussi l‟évolution du regard. C‟est comme si, l‟enfant
ne peut apparaitre en « gros plan » qu‟à partir de l‟étude de la famille, de la femme et de

52 Voir Segalen, Martine. « À qui appartiennent les enfants ?, Tallandier, 2010, 208 p.
l‟école. Toutefois, l‟histoire de l‟enfance doit être appréhendée pour cette époque comme un
reflet de la transformation sociale, économique de la cellule familiale mais aussi des
mutations du système éducatif sénégalais. Les différents regards socio-anthropologique,
juridico-historique n‟ont pas mené à un grand mouvement historiographique. Néanmoins, le
timide mouvement qui se dressait se focalisait sur des thèmes lié à l‟exclusion, à la
marginalité et à la réinsertion : esclavage, vagabondage et mendicité. Ces derniers étudiés à
partir de leur rapport avec la rue.

Cependant, à l‟état actuel, évaluer les publications anciennes et récentes relatives à l‟enfance
est précoce car le nombre de travaux produit sur la famille, l‟école, ou même la femme, figure
incontournable, sont parcellaires. Aussi, le bilan qui est suggéré pour cette fourchette
temporelle (1960-1990) ne peut être que partiel car ne disposons pas de toutes les recherches
faites sur ce sujet. Mais, nous pouvons retenir que l‟enfance dans les documents que nous
avons dépouillés, semble ne pas être un sujet qui est digne d‟être à part entière : d‟une part, il
est difficile voire impossible de relater la genèse de l‟enfance dans la production scientifique
de cette époque. C‟est donc, dès le départ que surgissait l‟impossibilité de construire cet objet
en questionnant les modèles de prise en charge, les acteurs, les institutions d‟accueil comme
l‟école/daara, etc ; d‟autre part, nous remarquons que la notion d‟enfance est un terme qui
semble anachronique pour cette première partie de notre recherche. Si nous nous basons sur
les premiers travaux des historiens du Département d‟histoire, nous remarquons l‟inexistence
d‟une tentative de définition de ce thème et, surtout, lorsque nous nous appuyons sur
l‟approche des droits de l‟enfant, un vide total est constaté.

2. Une timide émergence de la problématique : la découverte de l’enfance (1990-2000)

La première partie de ce travail a fait montrer que l‟enfant émerge dans le champ de la
recherche à partir des préoccupations sociales actuelles. Le début des années 1990, l‟enfant
devient carrément une affaire d‟État. Cette décennie voit naitre les premières mesures de
protection de l‟enfant. Les pouvoirs publics mettent le doigt sur les questions sécurité et la
délinquance des adolescents les inquiétèrent. D‟autres catégories sociales furent aussi prises
en compte : les filles, les nouveaux nés, les enfants « sans familles ». Les sujets liés aux
mariages forcés, les mutilations génitales féminines (MGF), les enfants de la rue, deviennent
des sujets vedettes pour les autorités politiques mais surtout pour les ONGs. En est-il de
même chez les historiens ?
Si ailleurs, comme en Europe, on parle de « redécouverte » de l‟enfance, au Sénégal, les
politiques, découvrirent l‟enfance à partir de la signature et de la ratification d‟instruments
relatifs aux droits de l‟enfant dont la CDE et la Charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant (CADBE). De manière plus globale, les années 1990 constituent partout dans le
monde le début d‟une nouvelle ère pour les enfants. Au Sénégal, jusqu‟à cette époque, le
concept n‟apparaissait que trop timidement dans la production historique et notamment grâce
aux travaux sur l‟histoire urbaine ou l‟histoire sociale entamée dès la deuxième moitié de la
décennie 1990 où l‟enfant devient un acteur muet dans la recherche. Aussi, quelques
recherches, alliant des perspectives purement historique aux approches plus interdisciplinaires
commencèrent à exploiter différents sujets sur la jeunesse faisant émerger très timidement
l‟enfant dans leur analyse.

La première partie de notre travail a permis de voir que la famille, l‟école/daara étaient les
seules méthodes de prises en charge sociale que les chercheurs analysaient pour faire émerger
l‟enfance. Cette seconde partie s‟attèle à montrer, en plus, les rapports entre la justice et les
enfants, au détriment des thèmes comme le travail infantile, la mendicité, très peu exploré par
les historiens du Sénégal.

Les années 1990 prouvèrent timidement que les historiens commencèrent à s‟intéresser à
l‟étude sur l‟enfance, avec l„émergence des termes comme « Buujumaan »53, « faqmaan »54,
des concepts péjoratifs que la société attribuaient à des enfants sans re (pères), abandonnés
par leurs familles et obligés de vivre dans l‟errance. Devenant peu à peu sujet de droits, par
obligation de respecter la CDE et la CADBE, l‟enfant continue de chercher sa « voix » à
travers ses ainés, les jeunes. Ce fut le cas avec l‟article co-écrit par Ousseynou Faye et Momar
Coumba Diop qui étudient Dakar sous le prisme de ces rapports avec la jeunesse 55. Quoique

53 Terme cité par Diop, Momar-Coumba, et Ousseynou Faye, « Dakar. Les jeunes, les autorités et les
associations », Hérault, Georges, et Pius Adesanmi., Jeunes, culture de la rue et violence urbaine en
Afrique / Youth, Street Culture and Urban Violence in Africa : Actes du symposium international
d’Abidjan, 5-7 mai 1997 / Proceedings of the International Symposium held in Abidjan, 5-7 May, 1997.
Ibadan : Institut français de recherche en Afrique, 1997, pp. 147-208. Pour ces auteurs, Buujumaan vient
de l’addition des mots buuj (huître) et maan (homme). Il désignait, au départ, les jeunes récolteurs
d’huîtres de Mbour. Ce vocable imagé renvoie donc aux ‘collecteurs’ des déchets recyclables.
54 Voir Sy (1989) rend bien compte de la trajectoire des faqmaan. Il distingue une phase d’évolution de

ceux-ci à Dakar de 1978 à 1981, puis à Thiès, à partir de cette dernière date, et montre que le mot a été
importé dans cette dernière ville par des commerçants établis auparavant au marché Ndiobène Taye
de Thiaroye (cité par Doip et Faye (1997).
55 Diop et Faye (1997), idem. Dans leur article les deux chercheurs incluent la notion d’enfant dans

celle de jeunes. Le terme enfant est apparu plus de XXX dans le texte, attestant de l’importance qu’ils
lui ont attribué.
très peu investi, le comportement de l‟enfant entra dans le milieu de la recherche scientifique.
La productions scientifiques de cette époque montrent que l‟enfant n‟occupa la ville que sous
les traits d‟un délinquant obnubilant des recherches sur le bien être que doit offrir les villes
émergentes d‟après indépendance aux enfants, par respect à leurs droits de vivre dans un
environnement sain et auprès de leur famille, comme le propose la CDE. De la période
coloniale aux années 2000, les études sur les jeunes/enfants et la rue ne font que confirmer le
regard péjoratif que les administrateurs coloniaux avaient sur les occupants de la rue qu‟ils
ont toujours considérés comme des vagabonds. Un autre de Momar Coumba Diop56 confirme
cette position et montre la gestion coercitive de ces « fléaux sociaux » par les pouvoirs publics
qui mettent toutes les catégories sociales dans le même lot. Les thèmes en vogue durant cette
période sont liés à la rue, nouveau lieu d‟habitation des citoyens sans maison, de socialisation
de l‟enfance abandonnée. Les éducateurs spécialisés en furent un thème de choix. En atteste,
la riche bibliographie de l‟article de Momar-Coumba Diop et d‟Ousseynou Faye57.
Cependant, de manière très limitée, des historiens s‟ouvrirent sur d‟autres sujets toujours
proches des problématiques du présent, avec l‟article d‟Ibrahima Thioub58. Toutefois, dans le
cercle restreint des historiens qui parlent de « l‟enfance difficile » de « l‟enfant travailleur »,
le sujet ne se présente pas dans les documents comme un objet d‟étude à part entière : on le
met dans la liste de toutes les personnes vulnérables affectées par l‟ajustement structurel, le
délitement de la famille59, de la « mort » du père, figure autoritaire ; on ne renouvelle pas le
savoir sur un thème d‟actualité. Ce fut le cas avec les articles d‟Ousseynou Faye sur es enfants
métis60 ou sur les domestiques. Pour le premier paru en 1997, lors de la commémoration du
centenaire de la création de l‟AOF, nous constatons, avec le choix porté sur les enfants métis,
l‟émergence d‟un nouveau thème d‟étude et où l‟enfant figure comme sujet d‟une recherche à

56 Diop, Momar Coumba, « L’administration sénégalaise et la gestion des ‚fléaux sociaux‛. L’héritage
colonial », in Becker (Charles), Mbaye (Saliou), Thioub (Ibrahima) (dir), A.O.F : réalités et héritages.
Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895-1960, Dakar, Direction des Archives du Sénégal, 1997,
p. 1128-1150.
57 Diop, Momar-Coumba, et Ousseynou Faye, « Dakar. Les jeunes, les autorités et les associations »,

idem.
58 Thioub, Ibrahima, « Marginalité juvénile et enfermement à l’époque coloniale : les premières écoles

pénitentiaires du Sénégal, 1888-1927 », Florence Bernault éd., Enfermement, prison et châtiments en


Afrique. Du 19e siècle à nos jours. Karthala, 1999, pp. 205-226.
59 Consulter Diop,Rosalie Aduayi, Crise de la famille : enfants et jeunes en ruptures à Saint-Louis,

Mémoire de maitrise, Section sociologie, Saint-Louis, Université Gaston Berger, 1995.


60 Faye, Ousseynou, « Les métis de la seconde génération, les enfants mal-aimés de la colonisation

française en Afrique occidentale, 1895-1960 », in Becker, Charles, (éd.), AOF : réalités et héritages.
Sociétés ouest-africaines et ordre coloniale, 1895-1960, T2, Dakar, Direction des Archives du Sénégal,
1997, pp. 773-788.
part entière, dans un article. Dans cette contribution, Ousseynou Faye avait diagnostiqué la
situation des enfants métis durant la colonisation. Ce travail était resté d‟actualité car le cas
d‟enfants métis de la période coloniale continuait de faire réfléchir les historiens sous d‟autres
horizons61. Cet article de Faye est le premier en histoire et son objectif était louable, car, sur
les 97 communications qui constituait l‟ouvrage, c‟était le seul article à aborder la question de
la marginalité, de la réintégration de l‟enfant à cause de sa naissance, bien qu‟il fut admettre
que la question de l‟éducation, de la santé, notamment des enfants de la colonie fut bien
analysée. Auparavant, en 1993, dans une autre thématique toujours relative à l‟exclusion,
Ousseynou Faye fut également le premier à faire « émerger » l‟enfance comme objet d‟étude
dans une thématique très investi par les historiens : le salariat et l‟esclavage. Sa réflexion sur
la domesticité essayait de répondre à une problématique d‟actualité : mbiidan dou diam62.
Tout comme sur le cas des métis, « les petites domestiques » et « petits boys », ne connurent
pas de renouvellement chez les historiens de l‟UCAD. Toutefois, les autres travaux63
d‟Ousseynou Faye sur les jeunes et les violences urbaines sont aussi des prétextes pour
pointer du doigt le cas d‟enfants, faisant de l‟enfant un acteur négligé qu‟il faut exhumer à
partir de la jeunesse.

Parallèlement à l‟émergence très timide d‟une production sur l‟enfance, l‟enfant est mis au-
devant de la scène à travers différents évènement mondiaux. La décennie 1990 fut riche: c‟est
la célébration de l‟Année de la Famille. Cette même année, le Sénégal ratifia la CDE et quatre
ans plus tard de la ratification de CABDE. Dans ce jeu de transformation de la société, le
regard de l‟historien doit s‟imposer pour faire connaitre les (r)évolutions des mentalités, les
réticences, les compromissions faites par les familles qui se voient s‟imposer une nouvelle
forme de protection de l‟enfant.

Dans l‟ensemble, malgré l‟intérêt de quelques chercheurs historiens, l‟enfance n‟a pas
constitué un champ de recherche reconnu, jusqu‟à la fin des années 1990.

3. Depuis 2000, vers le début d’une « légitimation » de l’histoire de l’enfance ?

Au Sénégal, depuis 2000, les publications sur les enfants ont connu une grande évolution et
l‟exploration d‟une diversité de thèmes. Dans le milieu politique, l‟enfant commença à jouir

61 Voir l’ouvrage de Saada, Emmanuelle, Les enfants de la colonie: les métis de l'Empire français entre
sujétion et citoyenneté Paris, La Découverte, 2007, 335 pages.
62 La domestique n’est pas une esclave !

63 Voir respectivement son mémoire de Maitrise et ses thèses de doctorat (1979, 1989, 2000).
d‟un statut social et juridique : il parle et il est écouté, comme le stipule l‟article 12 de la
CDE. Au Sénégal, dans le milieu de la recherche ce principe n‟est pas respecté car les
chercheurs continuent d‟utiliser uniquement des sources archivistiques et des données
secondaires pour analyser l‟enfance, occultant l‟agency des enfants, alors que dans les
productions historiques occidentales, l„enfant, naguère sujet muet, devient un co-chercheur,
un interlocuteur qu‟il faut impliquer dans la recherche le concernant.

Afin d‟évaluer la genèse de la production historique sur l‟enfance, pour cette séquence
chronologique, il faut, d‟une part, partir de la naissance ou de l‟apogée des Écoles doctorales
du département et de l‟installation des Laboratoires. D‟autre part, il faut chercher l‟enfance
dans les revues, les thèses, mémoires, etc.

L‟École Doctorale Études sur l‟Homme et la Société (ETHOS) depuis sa création se base sur
une approche intégrée et pluridisciplinaire. Elle compte plusieurs laboratoires dont le Groupe
d‟études et de recherches sur la marginalité et l‟exclusion sociale (GERMES), crée en 1996.
A l‟intérieur de ce groupe, les étudiants sont spécialisés soit en Histoire des Relations
internationales (HIRIS) ou en Histoire des Modernités africaines (HIMAF). Il faut attendre la
mise en place de ce laboratoire mais, bien des années après, pour voir la naissance d‟un intérêt
sur l‟enfance par les jeunes chercheurs. Malheureusement, la remarque est que la production
intense d‟écrits historiques sur l‟enfance n‟a pas suivie, après les premières publications de la
première génération de spécialistes des questions de marginalité notamment. Aussi, le vide
relatif à la recherche sur l‟enfance par les historiens peut être justifié par l‟absence d‟un
enseignement sur l‟enfance ? À notre connaissance, de 1960 aux années 2000, aucun cours
d‟histoire n‟a porté sur l‟enfance. Cependant, un constat s‟impose : ce sont les thèmes sur
l‟esclavage et sur la période coloniale qui ont suscité la plus abondante littérature historique.
Paradoxalement, c‟est à l‟intérieur de ces thèmes que les étudiants parlent des enfants/de
l‟enfance. À partir d‟une enquête administrative de 1904 sur l‟esclavage en AOF, Gafou Diop
a pu faire une analyse de la résurgence de la traite des enfants en AOF. Les résultats de son
travail avaient été confirmés antérieurement dans un mémoire de DEA de Henriette Yague64
qui a traité le sujet. En 2008, Daha Cherif BA65 avait aussi traité le même sujet. Sa

64 Yague, Henriette, « Mineurs affranchis et Habitants Saint-Louisiens dans la politique anti


esclavagiste : 1848-1905 », [DEA d’Histoire], Dakar, Université Cheikh Anta Diop, 2009, 52 p.
65 Bâ, Daha-Chérif, « France coloniale charitable et Enfance indigène affranchie. Une altérité

conflictuelle mal assumée, 1848-1905 », Revue Historiens et Géographes du Sénégal, L’esclavage et ses
traites en Afrique, discours mémoriels et savoirs interdits, n° 8, 2009, pp. 46-57.
contribution parue dans la revue PHARE, dans son huitième numéro fut innovante car pour la
deuxième fois les enfants occupèrent une place dans les revues, après celle de 2003.

Les publications abordant l‟enfance des années 1990 à 2000 ont été faites par des chercheurs
se définissant comme des historiens moderne et contemporaine, même si ce fut le début d‟une
ouverture vers d‟autres disciplines, comme ce fut le cas de l‟article déjà cité co-écrit par
Momar-Coumba Diop et Ousseynou Faye. Sans faire de comparaison, leurs homologues
sociologues et anthropologues investirent tant bien que le mal la question de l‟enfance avec
toujours un focus sur les enfants de la rue, les enfants apprentis, poursuivant le travail entamé
depuis les années 199066. Cependant, toutes disciplines confondues, les connaissances étaient
morcelés. Cette dispersion n‟a pas facilité la mise en place de recherche interdisciplinaire
qu‟en 2003. Dans la Revue Cahiers d’Histoire et de Civilisations, on nota cinq contributions
sur les enfants et dans une approche purement historique, en plus de la participation d‟autres
disciplines. La revue intitula son premier numéro « Enfance », paru en 2003. Cette
contribution historique a permis d‟avoir une idée claire des pistes de recherche durant cette
décennie 2000. En plus, cette parution démontra que l‟histoire des mentalités et, plus
spécifiquement, l‟histoire de l‟enfance, est à son début.

Deux contributions, celles d‟Osseynou Faye « Servir et Punir » et d‟Ibrahima Thioub «La
gestion de la marginalité dans la colonie du Sénégal » portant sur la délinquance
reviennent sur l„affirmation du modèle pénitencier et celui des colonies agricoles, toutes deux
d‟expériences métropolitaines et les débuts de l„emprisonnement des enfants de la colonie.
Les deux chercheurs sont les spécialistes de l„histoire de la marginalité et de l„exclusion, de la
réinsertion et leurs travaux parlent des « exploités », des « exclus »67. À travers ces deux
articles, les deux historiens montrent comment la délinquance juvénile a été gérée par les
pouvoirs publics. Servir et Punir de Ousseynou Faye ressemble à la problématique
foucaldienne de Surveiller et punir. Toutefois quelques précisions peuvent être relevées. Pour
Faye, la démarche de l„administration coloniale a été de protéger ou servir mais punir l‟enfant
coupable et pour Foucault, il faut lui donner une éducation mais aussi le moraliser.

De la question de l‟enfance délinquante, les historiens investirent également la problématique


la santé infantile. L‟un des spécialistes de cette question est Mor Ndao. Ses recherches
représentent un apport très significatif de cette historiographie. Les contributions de Mor

66 Voir la bibliographie de Momar-Coumba Diop et Ousseynou Faye (1997).


67 Voir aussi Faye, Ousseynou, Thioub, Ibrahima (2003), idem.
Ndao, furent entré femmes et enfants, à travers la prise en charge sanitaire, à l‟histoire. Il en
écrit plusieurs articles sur l‟histoire de la santé. Dans la revue Cahiers d’Histoire et de
Civilisations l‟article de Mor Ndao « la sante de l'enfant au Sénégal à l'époque coloniale »
souligne le changement d‟attitude à l‟égard des enfants : désormais on passe de la répression à
la prévention, à la protection. Bien que des enfants continuent d‟être réprimé, Ndao montre
que l„administration coloniale a aussi signer et guéris des enfants. Toujours dans une
approche historique, les relations mère-enfant (allaitement, nutrition, mortalité, morbidité)
sont éclairées dans d‟autres travaux, d‟abord dans deux articles respectivement en 2003 et
2005 et dans un ouvrage paru en 2015. Ses recherches constituent de rares études sur la santé
des enfants inscrites dans une perspective historique68.

Mamadou Moustapha Dieng, dans « Maladies des enfants et initiatives du pouvoirs au


Sénégal XIXe siècle-XXe siècle », aborda également cette problématique de la santé infantile.
Il est aussi connu comme spécialiste de l‟histoire de la santé. Au total, les deux spécialistes de
l‟histoire de la santé présentèrent deux articles dans lesquels ils montrèrent l‟évolution de la
prise en charge de la santé des enfants au Sénégal.

Les deux articles de Faye et Thioub abordent aussi l„entrée dans le monde du travail des
enfants. Une autre contribution parue dans la même revue a aussi éclairé cette histoire du
travail infantile mais pour la période la plus récente : il s‟agit de Kalidou Diallo. Dans son
article « Organisations syndicales et enfants travailleurs au Sénégal », il a traité le travail des
enfants en se basant des résultats d‟une enquête sur ce sujet, à la différence des deux
contributions de Ousseynou Faye et de Ibrahima Thioub où la mise au travail des enfants est
analysé à partir des « habits neuf de l„esclavage » après l‟abolition de l‟esclavage en 1848,
Kalidou Diallo situe ses formes les plus actuelles. Les deux premiers chercheurs traitent
essentiellement du XIXe et du XXe siècle alors que Kalidou Diallo s‟intéresse exclusivement
du XXe siècle. Dans l‟ensemble, toutes les trois contributions dessinent le difficile sort
d‟enfants travailleurs astreints à l‟arbitraire des maitres et patronnes.

68Voir Ndao, Mor, L’alimentation et la santé des enfants dans le Sénégal colonial, 1905-c.a 1960, Paris,
L’Harmattan, 2015, ; « Colonisation et politique de santé maternelle et infantile au Sénégal (1905-1960)
», French Colonial History, Vol. 9, pp. 191-211, 2008 ; Ndao, Mor, « Enfance et ordre colonial. La
politique sanitaire au Sénégal: discours et réalités (1930-1960) », in Revue Sénégalaise d’Histoire,
Nouvelle série, 2005, n° 6 ; Ndao, Mor, « La santé de l’enfant au Sénégal à l’époque coloniale. Le cas
des maladies éruptives: la variole et la rougeole de 1930 à 1960 », Les cahiers histoire et civilisations
1,2003, pp. 85-98.
En gros, cette revue a permis d‟une part d‟évaluer la prise en charge institutionnelle de
l‟enfance (justice, santé) et, d‟autre part, la transmission du travail de socialisation en dehors
du cadre familial (atelier). Dans cette revue Les Cahiers d’Histoire et Civilisations, la
question de la délinquance des enfants fut un des thèmes les plus exploré par les historiens.
Mais, de manière générale, c‟est le thème le plus traité, si l‟on considère le nombre de
chercheurs l‟ayant abordé. En plus des travaux de Ousseynou Faye, de Thioub, présentés dans
la revue, en 2007, l‟article de Dior Konaté « On colonial laws and the treatment of young
female delinquents in Senegal», à travers le cas d‟une fille, Léonie Guèye, figure également
dans la liste des chercheurs ayant traité de l„enfance délinquante. Leurs travaux montrent
l‟historique de la politique de l„enfance délinquante. Comparé aux années précédentes et par
rapport à tous les travaux sur les enfants, le thème de l‟enfance délinquante fut florès mais
nous constatons dans ces études l‟absence d‟une analyse de la problématique à partir de
l‟approche droits de l‟enfant car cette notion n‟existait pas durant la période coloniale.

En gros, la revue semble donner à l‟enfant l‟occasion de devenir «véritablement un objet


d‟histoire ». La dimension purement historique de même que la démarche de la longe durée a
permis en évidence d‟autres questions sur l‟enfance notamment l‟évolution de la notion d‟âge
passant de 16 ans à 18 ans. Si ce travail a participé à la découverte de l‟enfance, il est
regrettable qu‟il n‟y ait pas eu de renouvellement du savoir ni parvenu à interrompre la
division disciplinaire et mettre en place un réseau qui, plus tard serait à l‟origine d‟autres
numéro exclusif sur l‟enfance avec un renouvellement du savoir mais surtout de la
méthodologie, mettant au cœur de a recherche les enfants concernés.

En plus de l„article Servir ou Punir, auparavant Ousseynou Faye a abordé partiellement dans
ces autres publications notamment dans sa thèse de doctorat, étudiant les questions de
déviances où il dresse le portrait des comportements et des mineurs des jeunes. Le
comportement des jeunes filles exposées à la prostitution fut pointé légèrement du doigt.

Daha Cherif Ba a aussi fait entrer l‟enfance dans ses travaux69 notamment dans ses mémoires
de maitrise et de DEA, avec l‟étude sur la criminalité. Dans son ouvrage Crimes et délits dans
la vallée du fleuve Sénégal de 1810 à 1970, des cas d‟infanticide, de traite d‟enfants, de viol
sur des mineurs ont occupé une place dans son œuvre. Malheureusement, ces thèmes, devenus

69 Bâ, Daha Chérif, Crimes et délits dans la vallée du fleuve Sénégal de 1810 à 1970, L'Harmattan, 2010, 436
p.
de nouvelles formes de maltraitance infantiles au Sénégal, ont été plus féconds en droit qu‟en
histoire sociale.

Le thème sur les enfants métis refit surface sous la dimension juridico-historique. Pour une
vue d‟ensemble plus complète des travaux conduits depuis cette période, il est nécessaire de
consulter des études de nature juridique. Par exemple, sur le thème de l'illégitimité, un
historien du droit, Mamadou Badji fut une excellente contribution. Ce travail fut précédé d‟un
autre, celui déjà cité d‟Ousseynou Faye, qui l‟aborda dans une perspective historique.

On constatera donc que c‟est vers que la première moitié des années 2000 qu‟apparaitra le
nombre plus élevé de production historique sur l‟enfance que les précédentes décennies. Le
corpus très restreint autorise –t-il de parler d‟émergence de l‟enfance à partir de cette période.
Au regard du nombre d‟articles produits et de la variété des sujets, cette décennie 2000
pourrait être vue comme moment d‟émergence d‟une histoire de l‟enfance, comparé aux
décennies précédentes. Des chercheurs d‟horizons divers décidèrent de rompre avec le vide
autour de la réflexion sur l‟enfance. Le résultat fut la publication d‟une série d‟articles sur
l‟enfance à travers diverses approches. Les auteurs qui en parlent l‟abordent à travers les trois
systèmes de prise en charge social et institutionnels que sont la famille, l‟école, la justice,
l‟État. Sous la forme d‟une étude interdisciplinaire réunissant historiens, linguistes dont les
approches ne sont identiques, le défi méthodologique est énorme.

Jusqu‟à la fin des années 2000, l‟histoire de l‟enfance est encore un domaine de recherche très
« marginalisé ». Sans doute parce que tous les historiens qui ont écrit sur ce sujet n‟en ont pas
fait un domaine de prédilection en dépit de quelques travaux dont les auteurs n‟en ont pas fait
un domaine de prédilection. Toutefois, leurs travaux restent des « jalons majeurs » de cette
histoire de l‟enfance. L‟urgence pour les jeunes historiens est d‟investir des études spécifiques
sur l‟enfance.

Restant dans la perspective purement historique, les historiens de l‟ère contemporaine ont
naturellement saisis cette problématique importante pour l'étude des sociétés actuelles. Ainsi,
nous observons, un grand décalage entre les historiens médiévistes et antiquistes avec les
modernistes et contemporanéistes. Ces derniers sont les seuls70 qui tentèrent d‟analyser la
situation des enfants et les réponses des politiques publiques. La récente thèse de Gafou Diop
sur la maltraitance des enfants au Sénégal donne des renseignements précieux sur la politique

70 Selon une recension provisoire des productions faites au Département d’Histoire de l’UCAD.
de protection de l‟enfance mais ce travail aurait gagné à croiser les sources archivistiques et
bibliographiques, seules utilisées, aux sources orales et à faire une étude plus approfondie de
la genèse de la protection de l‟enfance au Sénégal. Cette thèse était précédée par un autre faite
par Sawrou Fall71 sur la mendicité des enfants au Sénégal et suivie d‟une autre, celui
d‟Ambroise Djéré Mendy qui a accordé une place importante aux enfants dans sa thèse
surtout dans ses rapports avec l‟Église, le scoutisme.

L‟émergence d‟ONGs, n‟a pas fait susciter de nombreux travaux historiques qui analyseraient
leur cause et leur genèse. En plus, les historiens travaillent sans le soutien et l‟encouragement
de l‟État pour valoriser leur recherche mais aussi pour la faire progresser, à travers des
allocations ou des subventions. On notera tout simplement qu‟aucun appel à projets de
recherche ne fut lancé.

Globalement, nous assistons à une timide évolution de l‟objet qui ne s‟est intéressé qu‟à deux
thématiques, occultant le sort d‟enfants travailleurs, des enfants illégitimes, des enfants
mendiants, des enfants abusés: les déviances et la délinquance. Quoique très limitées, les deux
revues nous ont donné l‟occasion de faire l‟historique, de dresser le bilan en dégageant les
principales évolutions de la recherche sur l‟enfance en histoire.

A même moment, l„attention porté sur l‟école a évolué, amorcé dans les années 1990, apparait
certainement du changement de l‟évolution des droits de l‟enfant. La CDE ou la CADBE et
leur ratification par le Sénégal respectivement en 1990 et en 1999 sont des facteurs
déterminants d‟une considération de l„enfant et de son intérêt. Pour connaitre les besoins des
enfants, la méthodologie se réadapta et privilégiant l‟implication des enfants dans la
recherche. De l„enfant acteur invisible, sujet muet, celui-ci devient un acteur à part entière
dans la recherche. Malheureusement, après 2003 avec la publication de «la revue, aucune
recherche n‟a tenté d‟examiner le point de vue des enfants pour connaitre leur univers à
travers leur propres représentations. Le Département d‟Histoire de l„UCAD se doit d‟outiller
les jeunes chercheurs intéressé par ce domaine afin de faire face aux nombreux défis
méthodologiques et éthiques, car l„enfant est un sujet complexe mais qui a le droit d‟être un
objet d‟étude à part entière.

En guise de conclusion

71Fall, Sawrou, « Ordre politique et mendicité des enfants au Sénégal, de l’imposture du décret de
1848 à l’incendie de la daara de la Medina en 2013 », Thèse de doctorat nouveau régime, 2019.
Le peu de source dont nous disposons a permis de dresser ce bilan historiographique dédié à
l‟enfance et d‟ouvrir des perspectives de recherches mais n‟a pas faciliter de dire avec
exactitude à partir de quel moment, l‟enfant est devenu un acteur à part entière dans l‟analyse
scientifique. Le nombre de production produite de 2003 pourrait constituer le point de départ.
Et, malgré une production historique très limitée, les contributions des historiens ont le mérite
de faire la genèse de la protection de l‟enfance par les pouvoirs publics sénégalais. Ces
travaux montrent le regard que la société la portée sur les enfants : enfants à protéger ; enfants
à corriger.

Face au constat d‟un éparpillement et d‟une dispersion des connaissances dans le domaine de
la production sur l‟enfance, nous nous sommes fixés comme objectif de répertorier les travaux
d‟abords purement historique. Ce recensement a pris en compte les études produites par le
Département d‟Histoire, avec une ouverture sur d‟autres disciplines qui a facilité la
construction d‟une histoire de l‟enfance. L‟inventaire a permis d‟évaluer les retards du
département en matière de production historique sur l‟enfance. Les historiens sénégalais ont
abordé la recherche qualitative et ont favorisé une analyse des données secondaires excluant
les enfants dans les recherches les impliquant. Depuis les premiers travaux jusqu‟au plus
récents, les enfants sont des « muets ».

Si l‟évolution de l‟objet n‟a pas suivi le même cheminement chez toutes les générations
d‟historiens, les travaux ont permis de comprendre l‟évolution du regard de l‟enfant dans la
société sénégalaise. Malheureusement, on remarquera aisément que l‟histoire de l‟enfance est
un enseignement totalement négligé, en dépit de quelques productions de thèses, de
mémoires. La revue Les Cahiers d’Histoire et Civilisations n‟existe plus. C‟est dans cette
revue qu‟avait été produit le plus grand nombre d‟articles au croisement de toutes les
disciplines. La revue PHARE n‟a pas fait mieux, en dépit de ces diverses parutions.

Au total, on ne peut parler d‟une histoire de l‟enfance au sein du Département d‟Histoire mais
ces 60 années de recherche, des progrès ont été accomplis pour établir le statut social de
l‟enfant. Ainsi des perspectives doivent être dégagées :

-L‟enfance doit avoir sa place dans l‟enseignement de l‟histoire. Pour cela, il faut mettre en
place un Comité d‟histoire de l‟enfance. Ce Comité aura comme mission de définir et
d‟encourager des études sur l‟enfance depuis la période précoloniale.
-Collaboration entre les historiens contemporanéistes et d‟autres périodes comme les
antiquistes, pour un renouvellement de la méthodologie et promouvoir plus de travaux
quantitatifs ou mixtes.

-Le Département se doit d‟innover et d‟offrir un programme d‟études interdisciplinaire.

-Des synthèses sont nécessaires dans toutes les disciplines des sciences humaines et sociales.

-60 ans après, il faut améliorer le savoir sur l‟enfance mais surtout encourager la construction
des connaissances sur les problématiques des droits de l‟enfant.

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Sawrou Fall
PANEL VI
Mamadou Cissé (UCAD)

Métalangage et réalités linguistiques


Cette intervention se fixe comme objectif principal la soumission à la réflexion critique des
notions et des méthodes le plus fondamentales de la description des langues naturelles. Puise
que le métalangage est désormais affranchi de la langue qu‟il est censé décrire, ses avancées
devraient se répercuter sur les textes qui se produisent et se reproduisent de façon autonome
de la description.
Le risque d‟exposition à l‟uniformisation se fonderait donc sur la grammaire gréco-latine.
Ne devrait-on pas alors repenser, revisiter et remettre en question le métalangage à la lumière
du continuum entre spécificité et généralité ?

El Hadji Malick Sy Wone (UCAD)


Regard sur les études linguistiques des Annales de la FLSH de l’UCAD
Résumé
Dans ce texte, nous avons répertorié des articles publiés par les Annales de la Faculté des
Lettres et Sciences humaines de l‟UCAD et ayant trait à des recherches linguistiques. La
communication se scinde en trois morceaux : l‟ancien français (grammaire historique), la
linguistique du français moderne et les langues africaines. Ce travail nous aura permis de
connaître dans le détail les thématiques abordées, leurs auteurs et le rythme de production des
travaux. Par ailleurs, il pourrait éventuellement servir de point d‟appui pour voir quelles
orientations donner aux futures études scientifiques de cette spécialité.
Mots-clés : Grammaire historique, Ancien français, Moyen français, Grammaire moderne,
Linguistique française, Langues africaines

Introduction
Lancée en 1971 juste après la « sénégalisation » de l‟université de Dakar, le rôle et l‟ambition
de la revue « Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines » fut dès le départ de
servir de vitrine et de réceptacle aux travaux des enseignants-chercheurs de cette grande et
prestigieuse faculté.
Dotée de plusieurs départements, les disciplines enseignées dans cet établissement vont des
langues anciennes aux médiums modernes en passant par l‟histoire, la géographie, la
philosophie et la sociologie. Aussi fallait-il - parallèlement au dispositif de transmission de
connaissances - mettre en place un périodique scientifique dévolu aux recherches des
universitaires du Sénégal et d‟ailleurs. Dans les années 2000, avec l‟avènement du « Système
LMD », la revue de la FLSH connaitra une mutation dans son mode de diffusion réparti selon
les Ecoles doctorales ARCIV (Arts, Cultures, Civilisations) et ETHOS (Etude sur l‟Homme et
la Société).
En tout état de cause, dans cette étude, nous envisageons d‟effectuer l‟état des lieux et de faire
un tour d‟horizon des travaux exclusivement consacrés à la Science du langage. Ainsi avons-
nous articlé l‟analyse des productions en trois phases : celles relavant de la grammaire
historique, celles s‟intéressant à la linguistique française moderne et enfin les travaux ayant
portés sur les langues africaines.

1 – Grammaire historique et français ancien :


Dans cette partie, ce sont les travaux des professeurs Diamé Signaté et ceux de Nguissaly
Sarré qui sont les plus perceptibles. Ils s‟étalent du début des années 80 au commencement de
la décennie 2000/2010. Pour D. Signaté, nous avons répertorié six articles :

- L’Expression du but et de la conséquence dans L’Eneas, (n°15, 1985)


- Le nom et son groupe à travers les âges, (n°16, 1986)
- De la subordination corrélative dans les systèmes temporels en Ancien et Moyen
français, Etude de quelques schémas syntaxiques (n°21, 1991)
- La norme et l’usage, (n°24, 1994)
- Autel et Autretel en Ancien français, (n°25, 1995)
- La problématique du ‘’Masque pur’’ en Ancien et Moyen français, (n°29, 1999)
Pour feue, Pr N. Sarré, trois publications ont été notées :
- Le complément de nom de parenté, de possession et de dépendance dans ‘’Le Conte de
Graal ou Perceval’’ (n°11, 1981)
- Syntaxe des formes en ‘’ANT’’ en moyen français, (n°29, 1999)
- Le déterminant zéro en emploi référentiel en français classique, (n°30, 2000)
Dans le premier article de D. Signaté (L’Expression du but et de la conséquence dans
L’Eneas), après avoir résumé l‟Eneas - un roman datant du 12e siècle - il s‟engage dans
l‟explication des concepts d‟expressivité du but et de la conséquence en passant par le
traitement des modes et des temps. En réalité, sa réflexion est une analyse stylistique adossée
à une œuvre ancienne. La publication « De la subordination (…) » est un examen syntaxique
en relation avec les aboutissements de la subordination. Et pour ce faire, il schématise trois
cas de figure : (1er : Subordonnées + Principale ; 2ème : Principale + Subordonnée ; 3ème : A
peine… que).
Dans la même foulée, nous pouvons convoquer un troisième texte produit par D. Signaté, il
s‟agit de « La problématique du Masque pur en Ancien et Moyen français ». Pour percer ce
qu‟on entend par « masque pur », l‟auteur cite Damourette et Pichon (1940 : 3050) :
La caractéristique d’un masque pur, c’est de ne jouer d’une part aucun rôle
grammatical dans l’intérieur de la sous-phrase. D’autre part, puisqu’il y a
masquement, la sous-phrase doit être constituée comme une phrase pleinement
factiveuse.
Bref, ce thème renvoie à l‟usage d‟un terme qui dépouillerait à une proposition quelconque sa
capacité d‟être une principale.
N. Sarré, quant à elle, dans « Le complément de nom (…) » articule son raisonnement en deux
phases. En effet, elle s‟attaque d‟abord aux « facteurs commandant l’apparition des
différentes tournures » avant de s‟occuper de « l’emploi des trois tournures » dans Perceval.
La citation suivante donne un aperçu de la problématique traitée (1981 : 137) :
La syntaxe du complément de nom de possession, de parenté et de dépendance est un des
aspects les plus caractéristiques de la syntaxe de l’ancien français. Cela tient à l’originalité
d’une tournure propre à l’ancien français qui disparaîtra au XIVe siècle avec la ruine de la
déclinaison. Cette tournure caractérisée par l’absence de préposition rappelle l’expression
du complément de nom en latin.
Dans son second article publié dans les Annales en 1999 (18 ans après le premier), elle
s‟intéressera à la « Syntaxe des formes en ANT en moyen français ». Aussi avance-t-elle ce qui
suit (1999 : 229) :
Le moyen français est une langue mouvante qui correspond à une période qui
juxtapose les traits de l’ancien français finissant avec ceux du français moderne en
gestation. Les formes en ANT (participe présent, adjectif verbal et gérondif) et les
constructions participiales jouïssent d’une grande vogue en moyen français
notamment dans les textes de la prose narrative. Avant la décision de l’Académie
française du 3 juin 1679 décrétant l’invariabilité du participe présent, cette forme en
ANT variait en nombre. Du fait de cette variabilité du participe présent, il est très
difficile, en moyen français, de faire une distinction morphologique entre participe
présent et adjectif verbal, seuls des critères d’ordre syntaxique et quelquefois d’ordre
sémantique peuvent permettre l’identification de l’une ou de l’autre.
Ensuite, l‟année suivante en 2000, la revue de la Faculté des Lettres de l‟UCAD publiera le
troisième article de N. Sarré intitulé : « Le déterminant zéro en emploi référentiel en français
classique ». Elle y retrace l‟historique du « déterminant zéro » et explique les mécanismes de
son usage en français classique.
Enfin, signalons le texte de Denis Lalande sorti en 1975, dont le titre est ainsi libellé :
« Quelques remarques sur l’emploi du relatif ‘’Lequel’’ au XVe siècle ». Selon lui, la forme
„‟Lequel‟‟ qui est une addition de l‟article défini „‟le‟‟ avec „‟quel‟‟. Cela (1975 : 90) « a
permis de pronominaliser un morphème qui, héréditairement, pouvait cependant être aussi
bien adjectif que pronom. Ainsi est né l’opposition, attestée dès ‘’La Chanson de Roland’’, de
quel adjectif/lequel pronom, servant tous deux à l’interrogation directe et indirecte ».
Grosso modo, voilà le visage des articles, portant sur le français ancien, publiés par les
Annales de la FLSH de l‟université publique de Dakar.

2 - Grammaire et linguistique du français moderne


2 – 1 Les études syntaxiques
Le professeur Madické Diop (décédé en 1998) est le premier à avoir véritablement proposé
des articles foncièrement syntaxique en 1983 et 1984 à travers les publications suivantes :
« L’ambiguïté de ‘’phrase’’ dans les verbes du type : ‘’former’’, ‘’constituer’’,
‘’composer’’ » et « Recherches syntaxiques sur une forme de passif en français
contemporain : ‘’Il a été l’objet de diffamation’’ ».
A sa suite, Modou Ndiaye s‟investira activement dans ce « sous-secteur » de la grammaire. En
effet, il a eu à écrire « Syntaxe des verbes pouvant régir la séquence ‘’A + Ce que P’’ » (n°28,
1998), « Description syntaxique des constructions en ‘’Tel que’’ à sens comparatif », (n°29,
1999) ou encore « Les locutions ‘’à ce que’’ et ‘’de ce que’’ des subordonnées complétives »,
(n°26, 1996). Néanmoins, c‟est son article sorti en 1991 « Eléments pour une classification
des subordinatifs du français » qui aura le plus attiré notre attention. Ainsi y dira-t-il ceci
(1991 : 187) :
(…) il est difficile de trouver sur le terrain de la description une justification à la
classification traditionnelle des conjonctions de subordination. Dans les grammaires
scolaires comme chez certains linguistes contemporains, celles-ci sont identifiées et
classées sur une base essentiellement morphologique (…). Or elles doivent être
identifiées à partir de leur rôle syntaxique fondamental, qui est de subordonner un
élément à un autre élément (…)
De même, M. Ndiaye a examiné la manière d‟écrire de l‟écrivaine sénégalaise Aminata Sow
Fall dans « Les constructions injonctives dans la Grève des bàttu de A.S. Fall », (n° 30, 2000).
Aussi en tire-t-il l‟observation suivante (2000 : 237) :
- (…) les moyens utilisés par l’auteur (…) pour réaliser des constructions à effet de sens
injonctif sont variés. Cependant, ils s’organisent tous (…) à partir du verbe, par
l’emploi d’un mode ou d’un lexique verbal spécifique.
Koffi Konan, de l‟université F. H. Boigny d‟Abidjan, a élaboré une analyse sur l‟occurrence
du partitif « de » dans l‟expression « Celui qui mange de ce pain » en 2014/2015 (numéro
double 44-45/A). Son compatriote Youssouf Diawara de Bouaké en fera de même avec
l‟étude du fonctionnement syntaxique du « relateur Et » dans l‟œuvre d‟Henri Lopes nommée
Le pleurer-rire.

2 – 2 Autres thématiques
En dehors de la syntaxe, d‟autres domaines ont intéressé les chercheurs dont les articles ont eu
à être publiés par les Annales de la FLSH de l‟UCAD. Nous les avons répartis en quatre
parties : les études verbales, l‟analyse de concepts, les recherches lexicales et enfin les
développements théoriques.
Pour traiter de « l’incertitude de la norme » en rapport avec la maîtrise du système de
conjugaison du français, Francis-Marie Gandon s‟est servi comme corpus d‟un texte
malgache traduit en français. Il a surtout examiné ce qu‟il a nommé (1995 : 195) « la
transition passé simple/passé composé ». Moussa Fall, quant à lui, a travaillé en 2003 sur
« les créations verbales » de L. S. Senghor dans Chants d’ombre, Ethiopiques et Elégies
majeures. Voilà comment il condense le résultat de son investigation (2003 : 298) :
(…) les procédés de créations verbales utilisés par le maître-de langue sont nombreux
et féconds. Mais le mot n’est pas créé en soi ; il est au service de la poésie. Et Senghor
de préciser en substance que si les nègres avaient « bousculé » cette vieille dame de
langue française, ils ne l’avaient pas maltraitée.
Des articles ayant opté pour l‟analyse d‟un concept linguistique existent également. Rose
Sène (n°49/A, 2019) a réfléchi sur « La terminologie : origine, histoire et principe de la
langue des sciences ». Mohamed Camara (n°47/A, 2017) s‟est préoccupé de « La majuscule
ou l’art de clarifier le texte écrit » et il rappelle ainsi son rôle et ses limites (2017 : 30) :
Aussi, la majuscule a-t-elle une fonction grammaticale et expressive très déterminante
dans l’énoncé. Elle précise la nature des mots et permet d’exprimer les nuances de
style qui sont l’apanage de celui qui rédige le texte. (…) La majuscule est un élément
essentiel de la grammaire. (…) Son usage souffre d’une absence de normes fixes et
universelles et la bonne pratique est souvent aléatoire et injustifiée.
Fallou Mbow a élaboré « une mise en perspective en sciences humaines » de la notion d‟Ethos
en 2018, concordant avec le numéro 48/A. Cependant, vingt-quatre avant lui, Claude
Vincenot avait produit un écrit à la fois original, instructif et un tantinet hermétique : « La
perspective, catégorie grammaticale méconnue ». C. Vincenot pense (1994 : 232) que la
perspective est une « catégorie grammaticale enchaînée à l’axe syntagmatique, la perspective
s’y manifeste à la manière des faits, eux aussi syntagmatiques, d’assimilation régressive (…)
et progressive (…) ».
Concernant les recherches lexicales, on peut citer Jean Schmidt qui est à l‟origine des
« Remarques sur la norme du français et sur quelques définitions de dictionnaires », (n°7,
1977). Il y questionne le devenir de la langue française, quant à l‟influence que pourraient y
apporter les locuteurs des autres zones de la francophonie. Aussi interpelle-t-il les
lexicographes à veiller à tous ces enjeux et mutations en devenir. De plus, notons que M.
Schmidt a sorti « Vocabulaire de l’automobile » ; article qui s‟est étalé sur cinq numéros de
1978 à 1982. Fait rare qui mérite d‟être indiqué.
Enfin, la quatrième catégorie d‟articles – que nous avons estampillé „‟développements
théoriques‟‟ – renvoie aux productions suivantes :
- Francis-Marie Gandon (Linguistique saussurienne et théorie des Quanta : dialectique
de la saisie et dualité de l’objet, n°24, 1994)
- Francis-Marie Gandon (Une métaphore hétérodoxe du signe chez Saussure : la
lanterne magique, n°26, 1996)
- Komi Kpatcha (Le française comme facteur d’intégration régionale : illusions et
réalités, n° 38/A, 2008)
- Seka Yapi Arsène Th. Seka (L’acquisition du langage à l’épreuve des théories
nativiste, behavioriste, constructiviste et interactionniste, n°44-45/A, 2015)
En fait, il s‟agit généralement de réflexions qui reviennent sur des débats classiques ou
d‟actualités d‟un aspect de la langue. Ils peuvent, sans sortir du champ disciplinaire
linguistique, convoquer des systèmes des pensées d‟une autre discipline. Cela dans le dessein
d‟étoffer leur réflexion ou de trouver de nouvelles perspectives.
3 - Les langues africaines
3 – 1 Au Sénégal
C‟est à partir de son 3e numéro datant de 1973 que des recherches sur les langues africaines
sont apparues pour la première fois dans les Annales. Il s‟agit des deux articles suivants :
« Notes sur le verbe FCA » de Geneviève Ndiaye Correard et « Les consonnes glottalisées du
poular du Fouta Toro » de Jean Schmidt.
Le terme « FCA » renvoie à la langue Balante de Ganja. Le travail de l‟universitaire G. N.
Correard repose sur l‟analyse des aspects verbaux formels, des relations entre éléments d‟un
même énoncé et des relations circonstancielles. Et en guise de conclusion, elle écrira ceci
(1973 : 192) :
Au terme de cette rapide étude, bien que de nombreux points de détails restent à
élucider, il ne semble pas que des recherches plus approfondies doivent modifier le
schéma fondamental des quatre modes et des deux aspects du système verbal du fca.
La tâche réalisée par J. Schmidt sur la langue pulaar est d‟ordre phonologique. En effet, il a
caractérisé de manière exhaustive - en précisant les modes et lieux d‟articulation - les
consonnes « glottalisées » de la variante pulaar du Fouta sénégalais. De plus, il évoquera la
« vitalité » des consonnes qu‟il a analysées dans le parler quotidien des locuteurs concernés.
Néanmoins, il fera un pronostic qui prendra le contre-pied du constat précédent (1973 : 215) :
En ce qui concerne l’avenir des glottalisées, nous estimons que la position avant
consonne, position dans laquelle on relève de nombreuses variantes concurrentes avec
des formes géminées non préglottalisées, est la plus menacée. Cette remarque vaut
(…) pour les groupements de glottalisées géminées. On peut inférer, semble-t-il, de ce
qui se produit dans la langue courante des « halpularen » de la région du Cap-Vert,
où la tendance à la neutralisation dans cette position apparait très marquée.
Par ailleurs, d‟autres études sur le pulaar verront le jour dans les Annales. Ils sont l‟œuvre du
chercheur Mamadou Ndiaye :
- Le langage scientifique : son utilisation dans le discours en langues africaines
(l’exemple du pulaar), (n°28, 1998)
- Les relations de genre dans la littérature orale africaine. Un cas d’étude : les textes
oraux peuls, (n° 31, 2001)
Auparavant, en 1974 (n°4 des Annales), Jean Schmidt assistant au département de linguistique
de l‟Université de Dakar avait investigué sur le vocabulaire du pulaar austral sénégalais : « Le
dialecte peul de Casamance ou dialecte du firdou. Lexique de base ».
Bien sûr, d‟autres langues locales sénégalaises ont fait l‟objet d‟études publiées par la revue
de la FLSH de l‟UCAD. En effet, en 1997 Francis Gandon publiera « Système verbal et
neutralisation : l’exemple de la négation en sérère singandum (1ère partie) » ; ceci dans le
n°27 des Annales. Voici comment il a introduit son sujet (1997 : 177) :
Notre étude porte sur la défectivité de la négation à l’inaccompli du sérère
singandum. Cette première partie est consacrée à la dualité des morphèmes de
négation dans cette langue. Une deuxième partie envisagera les aspects diachronique
et synchronique de cette neutralisation à travers quelques langues négro-africaines ;
elle en proposera ensuite une interprétation globale.
Mbacké Diagne du Centre de linguistique appliquée de Dakar (CLAD), à travers
« Constructions ditransitives en Bayot Kugere », nous apprend que cette langue dispose de
deux dialectes et qu‟elle est par rapport à la question soulevée similaire aux langues (2011 :
57) « à alignement neutre puisque les deux arguments non-sujets sont traités de la même
manière que l’objet de la construction monotransitive, c’est-à-dire qu’ils restent non-
marqués ». Toutefois, il poursuit en cernant davantage les éléments analysés (2011 : 57) :
Cependant, au regard du trait +/- animé et par rapport au nombre, à la personne et
sous l’effet des opérations syntagmatiques et celles d’indexation, le bayot kugere
révèle, pour les arguments non sujets des constructions ditransitives, des propriétés de
comportement et d’encodage qui en font une langue de type particulier.
Noël Bernard Biagui s‟est penché sur « Le statut des idéophones en créole casamançais » et
Momar Cissé a dressé le tableau des langues sénégalaises enseignées à l‟université Cheikh
Anta Diop en écrivant l‟article suivant en 2001 : « Les langues nationales à l’université :
réflexions sur le contenu des enseignements ».
Rosine Santos, pour sa part, proposera le document nommé « La situation du boïn dans les
langues Tenda ». Les Boïn seraient des Bassaris convertis à l‟Islam au XIXe siècle. La
chercheuse fera un exposé détaillé de leur langue à travers la phonologie, la morphonologie et
la morphologie. Et en dernière analyse, elle dira ceci (1986 : 133) :
Les dialectes bassari sont suffisamment proches les unes des autres pour qu’une
description phonologique et grammaticale soit valable pour la langue dans son
ensemble. Les particularités les plus intéressantes du boïn apparaissent surtout dans
le système consonantique et le domaine lexical, où les emprunts au peul, ce dont on
pouvait se douter, sont plus nombreux que dans les autres parlers tenda. La part de
ces emprunts reste à définir (…) surtout dans les domaines qui semblent privilégiés à
cet égard : termes de parenté, outils, animaux.
Notons que R. Santos avait également écrit en 1982 (n°12 des Annales) l‟article ainsi appelé :
« Quelques aspects de la classification nominale en wey ». Et c‟est dans le même numéro que
Pierre-Marie Sambou publia « La description du système verbal du joola ». Sept ans après,
P.M Sambou réécrira sur le joola : « Approche phonologique du joola eegimaa ». Enfin,
Abdoulaye Baldé (maître-assistant au département de linguistique générale et négro-africaine)
a écrit en 1978 (n°8 des Annales) : « Contribution à l’étude de l’impact culturel des emprunts
arabes dans les langues manding du Sénégal ».
Cela étant dit, c‟est incontestablement la langue wolof qui aura le plus bénéficié de travaux
ayant porté sur elle. Néanmoins, soulignons l‟apparition tardive en 1981 (dix ans après la
création des Annales) de la première publication portant sur le wolof. Il est le fait d‟Amadou
Diallo : « Troisième personne du singulier et essai de reconstruction des modèles de
conjugaison du wolof ». A. Diallo écrira un autre article sur le wolof de Mauritanie. A travers
ses variations « lexico-phonématiques ». Et à sa suite, beaucoup d‟auteurs se signaleront :
- Pierre-Marie Sambou (La voyelle à du wolof : incidences d’une interprétation, n°14,
1984)
- Geneviève Ndiaye Corréard (Focalisation et système verbal en wolof, n°19, 1989)
- Chérif Mbodj et Pierre-Marie Sambou, (Phonologie du wolof, n°20, 1990)
- Gabriel-Marie Guèye et Pierre-Marie Sambou (Perception et réalisation de b, d, g
français par des locuteurs wolof, n°21, 1991)
- Pierre-Marie Sambou (La réalité manifestée par la voyelle (…) en wolof : éclairage du
consonantisme, n°25, 1995)
- Amadou Diallo et Francis Gandon (Le « Yolof » de Pierre Loti : aspects lexicaux du
Roman d’un Spahi, n°27, 1997)
- Youssoupha Coulibaly (Some morphosyntactic reflexes of transitivity in wolof , n°29,
1999)
- Modou Ndiaye (La terminologie informatique en wolof : problèmes de traduction,
n°38/A, 2008)
- Dame Ndao (Le morphème –ees du wolof, n°48/A, 2018)
S‟agissant de Momar Cissé – qui a beaucoup travaillé sur le wolof – nous avons trouvé trois
de ses productions traitant de ce médium dans les Annales. Dans « Deixis et anaphore en
grammaire wolof », il affirme que (2006 : 334) que « les énoncés prennent leur sens dans une
mise en rapport avec la situation d’énonciation définie par les trois coordonnées savamment
ramassées dans cette formule de la philosophie du langage : le moi-ici-maintenant du
langage ».
En 2007, les Annales publient une autre étude signée par Momar Cissé : « Analyse
distributionnelle et approche pragmatique. Recherche sur les phénomènes d’ambiguïté et de
désambiguïsation linguistiques en wolof ». Ici, le linguiste partant de la polysémie propre à
toutes les langues a voulu vérifier si le wolof répondait aux critères de « fonctionnalité du
concept ». Et au bout de sa démonstration, il tire la conclusion suivante (2007 : 15) :
(…) la langue au sens saussurien du terme, ne préexiste pas à la parole. En effet, tout
laisse croire qu’elle n’est rien d’autre qu’une abstraction opérée à partir de la parole,
c’est-à-dire de l’usage. C’est ainsi que la désambiguïsation, en wolof en tout cas,
passe pratiquement toujours par une opération de contextualisation linguistique et/ou
situationnelle.
L‟année suivante, (n° 38/A, 2008), il réapparait avec « Approche énonciative et discursive de
la ‘’structure thématique’’ des énoncés en wolof ». La structure thématique est un concept
sémantique qui réfère à l‟encodage lexical et grammatical de l‟énoncé diffusé. Rapporté au
wolof, selon M. Cissé (2008 : 36), ce parler « grammaticalise le focus par des marques
morphologiques spécifiques de conjugaison ou d’aspect verbal, mais use de stratégies
syntaxiques et sémantico-référentielles pour thématiser ou topicaliser des constituants dans
un énoncé ».

3 – 2 Au-delà du Sénégal :
D‟autres langues africaines – non sénégalaises – ont fait l‟objet d‟études publiées par la revue
de l‟université publique dakaroise. Déjà en 1981 dans le numéro 11 des Annales, Rosine
Santos réfléchissait sur le « Verbe dans les langues africaines ». Abou Napon du Burkina
Faso lui emboitera le pas en 1996 et 1998, correspondant aux numéros 26 et 28. En effet, A.
Napon, dans un premier temps, a décrit « Un cas de conflit linguistique au Burkina Faso :
l’exemple du Nuni et du Mooré ». Ensuite, il s‟est intéressé à « La place des langues
nationales en Afrique noire francophone ». Et voici la quintessence de sa position à propos de
la situation linguistique des pays subsahariens d‟expression française (1998 : 204) :
Nous pensons que le multilinguisme est un facteur de cohésion sociale en Afrique et
non un facteur de déchirement social, car les ethnies ne sont pas foncièrement liées
aux langues. En effet, les locuteurs des autres langues utilisent les langues
véhiculaires dans les situations de communication à une grande échelle.
Les Annales ont également attiré des chercheurs ivoiriens qui ont travaillé sur les réalités
linguistiques de leur pays. C‟est ainsi qu‟Alain Laurent Abia Aboa a diagnostiqué le
« nouchi » dans son article dénommé « Le nouchi, phénomène identitaire et posture
générationnelle », (n°47/A 2017). Il est question ici d‟un sociolecte aux locuteurs juvéniles
apparu en Côte d‟Ivoire dans les 1980 ; et qui depuis lors se développe considérablement.
Aussi, au-delà du code switching qui le caractérise, il est le symbole pour les jeunes d‟un
marquage communautaire.
Par ailleurs, d‟autres chercheurs de l‟Université Félix Houphouêt-Boigny (Y. BOGNY et al.)
se sont illustrés par le biais d‟une étude sur la problématique du temps dans les langues Kwa.
En effet, après avoir dégagé le cadre théorique et conceptuel, ils ont étudié (2018 : 42) « les
propriétés morphosyntaxiques et sémantique de ‘’étchi’’, un morphème de temps non fini,
tantôt considéré comme un possessif, tantôt comme un nominaliseur (…)».

Conclusion
Au terme de cette revue d‟articles publiés dans les Annales et portant sur la linguistique, nous
croyons sincèrement que la qualité des productions est satisfaisante. Nous nous félicitons
également de la masse critique des articles et de leur caractère éclectique.
Toutefois, nous pensons que la revue de la FLSH gagnerait à avoir (enfin) une version
numérique de ses numéros passés et à venir. Cela lui donnerait une meilleure audience en
Afrique (et dans le monde) et attirerait vers elle beaucoup plus de collègues étrangers.
Par ailleurs, s‟ouvrir davantage aux doctorants et autres enseignants vacataires (détenteurs
d‟articles de qualité) serait à notre avis faire preuve de générosité intellectuelle et du même
coup préparer à temps la relève.

Références bibliographiques
Damourette Jacques et Edouard : Des mots à la pensée. Essai de grammaire de la langue
française, Paris, d‟Artey, 1911-1940, 7 volumes
Camara, Mohamed, (2017). « La majuscule ou l‟art de clarifier le texte écrit », in Annales de
la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar,
n°47/A, pp
Cissé, Momar. (2006) « Deixis et anaphore en grammaire wolof », in Annales de la Faculté
des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Cissé, Momar. (2007), « Analyse distributionnelle et approche pragmatique. Recherche sur les
phénomènes d‟ambiguïté et de désambiguïsation linguistiques en wolof ». in Annales de la
Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Cissé Momar, (n° 38/A, 2008), « Approche énonciative et discursive de la „‟structure
thématique‟‟ des énoncés en wolof ». in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences
humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Correard, Geneviève Ndiaye, 1973 « Notes sur le verbe FCA » in Annales de la Faculté des
Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Diagne, Mbacké. (2011) « Constructions ditransitives en Bayot Kugere », in Annales de la
Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Fall, Moussa. 2003 « les créations verbales » de L. S. Senghor dans Chants d‟ombre,
Ethiopiques et Elégies majeures. in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de
l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Gandon, Francis. (1997). « Système verbal et neutralisation : l‟exemple de la négation en
sérère singandum (1ère partie) » in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de
l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar, n°27
Lalande, Denis. (1975) « Quelques remarques sur l‟emploi du relatif „‟Lequel‟‟ au XVe
siècle ». in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh
Anta Diop de Dakar
Napon, Abou, (1998) « La place des langues nationales en Afrique noire francophone ». in
Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de
Dakar
Ndiaye Modou, (1991) « Eléments pour une classification des subordinatifs du français »
Ndiaye, Modou, (2000).: « Les constructions injonctives dans la Grève des bàttu de A.S.
Fall », in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta
Diop de Dakar n° 30,
Santos Rosine, « La situation du boïn dans les langues Tenda ».1986
Sarré, Le complément de nom (…) » (1981 : 137) in Annales de la Faculté des Lettres et
Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Sarré, (1999) « Syntaxe des formes en ANT en moyen français », in Annales de la Faculté des
Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Sarré, (2000), « Le déterminant zéro en emploi référentiel en français classique ». in Annales
de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Schmidt, Jean. (1973) « Les consonnes glottalisées du poular du Fouta Toro », in Annales de
la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Vincenot, Claude « La perspective, catégorie grammaticale méconnue ». in Annales de la
Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Nohou GANO

Renouvellement des enseignements/apprentissages dans les départements de linguistique et


sciences du langage et de lettres modernes : l’analyse du discours en mode
déclencheur.
L‟entrée en vigueur du système LMD et l‟influence transitive des nouvelles problématiques
langagières marquent un tournant historique dans le département de linguistique de
l‟université Cheikh Anta Diop de Dakar qui, par souci d‟adaptation, devient le département de
linguistique et sciences du langage. En 2011, après 40 ans de théorisation et
d‟expérimentation aux états unis puis en Europe, l‟analyse du discours est introduite dans le
programme de master du département,ci-dessus cité, en tant que discipline à part entière ayant
ses propres méthodes d‟analyse et ses propres concepts opératoires. Le département de lettres
modernes qui a toujours partagé la formation en master avec le département de linguistique et
sciences du langage, dans le but de préserver son autonomie et diversifier les contenus
enseignés, se projette d‟intégrer l‟analyse du discours à côté de la sémantique, de la
sociolinguistique, de l‟argumentation etc. Au même moment, le département de linguiste et
sciences du langage s‟ouvre et se renforce davantage en analyse du discours. La discipline se
trouve placée, désormais, en trait d‟union entre les deux départements. Quelle sera alors
l‟impact de cette nouvelle configuration sur le renouvellement des enseignements-
apprentissages ? L‟analyse du discours va-t-elle redynamiser les approches par le
décloisonnement, inscrit au cœur de sa démarche ? Il est évident qu‟en mettant le focus sur le
discours, une notion transversale, fuyante en même temps un espace de contrainte, l‟analyse
du discours est entrain de poser les bases d‟un cadre solide d‟appréhension du sens.
Mots clés : linguistique, sciences du langage, l‟analyse du discours, le discours,
renouvellement ses enseignements.

Ousseynou Thiam (UCAD)

Quels apports de Moussa Daff à la recherche sur la didactique du français et à


l’enseignement de la francophonie.
Avec des recherches originales et innovantes, les résultats des études sur le français ne se
limitent plus à questionner le statut officiel de la langue et ses rapports avec les langues
locales en milieu social. Ces résultats intéressants sur la langue française en Afrique en
général au Sénégal en particulier sont enrichis par des réflexions portées sur la didactique de
la langue et la didactisation de la francophonie. Dans ce renouvellement des savoirs Moussa
Daff a joué un rôle important, en bâtisseur de pont entre les recherches sociolinguistiques,
l‟enseignement-apprentissage du français et (de) la francophonie comme objet de savoir.
Cette contribution entend interroger ces apports à la recherche sur les problématiques de
didactique du français et d‟enseignement de la francophonie en contexte multilingue.
Comment les concepts d‟aménagement linguistique, de présence de langue, de francophonie,
d‟interculturel, de méthode contrastive, de français langue seconde… permettent de redéfinir
utilement les contenus d‟apprentissage, les artefacts didactiques et les approches
méthodologiques dans les recherches sur le français, comme discipline et outil
d‟enseignement-apprentissage. L‟approche méthodologique privilégie l‟exploitation de
documents soutenue par une interview avec le chercheur. Les résultats auxquels ce travail est
parvenu montrent le pont entre les lettres et les sciences de l‟éducation, la (de-/re-
)contextualisation de la didactique du français et l‟ouverture des lettres et sciences humaines à
l‟enseignement de l‟identité, de l‟interculturel et de la diversité.
Mots clés : Aménagement linguistique, Présence de langue, Francophonie, Interculturel,
Méthode contrastive, Didactique de français langue seconde

Khassim DIAKHATE (UCAD)


Le développement de la recherche dans la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines (FLSH) de l’Ucad en matière de la
pensée arabo-islamique : la contribution du Pr. Yves Marquet
Résumé
Le sujet de la présente communication porte sur la contribution d‟Yves Marquet au
développement de la recherche à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l‟Université
Cheikh Anta Diop de Dakar. Elle a mis l‟accent sur la formation de cet orientalise français
polyglotte et agrégé d‟Arabe qui débuta sa carrière d‟enseignant-chercheur à l‟Université
Paris-Sorbonne avant d‟être détaché à l‟Université de Dakar. Elle tente d‟expliquer les
différents rôles qu‟Yves Marquet jouait en matière de recherche, d‟enseignement et
d‟encadrement, quand il était le chef du Département d‟Arabe à la FLSH de ladite université.
Elle a soigneusement examiné les différentes activités scientifiques du Prof. Marquet, tout en
essayant d‟évaluer sa dimension et la valeur qu‟elles représentent du point de vue de sa
contribution au développement de la recherche dans la FLSH de l‟UCAD.
Mots-clés : recherche, FLSH, enseignant, pensée, Islam, Arabe, université, contribution,
orientalisme, formation.

Introduction
Le Prof. Yves Marquet a été l'un des enseignants–chercheurs précurseurs de
l'introduction de la recherche académique dans le domaine de la civilisation et de la pensée
arabo-islamique à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) de l'Université Cheikh
Anta Diop de Dakar (UCAD). Cet ancien chef du Département d'Arabe et polyglotte
passionné de langues anciennes, est un pur produit de l'école française de l'orientalisme72. Il a
fait ses études supérieures à l'Université Paris-Sorbonne et y préparait une licence ès lettres
vers 1928, tout en suivant des cours de langues anciennes à l'École Pratique des Hautes
Études de la Sorbonne et ceux d'arabe littéraire à l'École Nationale des Langues Orientales
Vivantes (ENLOV) où il obtint son diplôme d'arabe littéraire en 1933. Yves Marquet a, en
outre, étudié la langue persane, l'hébreu et le turc et il suivait, pendant ce temps, les cours de
d'éminent orientaliste Louis Massignon (m. 1962) (Alain MESSAOUDI, 2015, p. 244).
C'est en 1940 qu'Yves Marquet est nommé professeur d'arabe au Lycée Périer de
Marseille, et il s'est engagé par la suite dans la résistance et il a participé à la libération de
Paris en août 1944. Il a exercé en tant que professeur d'arabe en Algérie, de 1948 jusqu'à
1950, puis en Tunisie de 1950 à 1952. Il a regagné Paris pour préparer son agrégation d'arabe
qu'il a obtenue en 1953. Il sera nommé plus tard chargé de cours à la Sorbonne. C'est à ce
moment-là qu'il est devenu membre du comité rédactionnel de la revue Arabica qui publiait
alors les articles de plus éminents orientalistes de cette époque. Yves Marquet était maître-
assistant à la Sorbonne lorsqu'il a accepté la proposition du président sénégalais Léopold
Sédar Senghor, consistant à être recruté à la FLSH de l'Université de Dakar et à restructurer
les enseignements de son Département d‟arabe récemment crée. C'est à la FLSH où il a passé
l'essentiel de sa carrière d'enseignant-chercheur (Alain MESSAOUDI, 2015, p. 244-245 ;
Daniel DE SMET, 2007, p. 492).
La problématique de notre communication s'intéresse d'abord aux raisons pour
lesquelles Yves Marquet a été choisi par Léopold S. Senghor au lieu de brillants orientalistes
plus expérimentés qui enseignaient alors à la Sorbonne. Elle porte ensuite sur sa fonction en
tant que chef du Département d'arabe qui consistait non seulement à s'occuper de ses affaires

72
En France, la Bibliothèque royale fut le berceau de l‟orientalisme. Henry Laurens souligna, en effet, qu‟elle
devint « un véritable centre de recherches où l‟on élabore des dictionnaires, des grammaires, des notices de
manuscrits de ce que l‟on appelle alors les langues orientales : le turc, l‟arabe et le persan ». Il ajouta que
l‟orientalisme (français) du XVIIe siècle est avant tout un humanisme érudit. La littérature orientale est conçue
comme un prolongement de la littérature gréco-romaine et l‟approche en est fondamentalement « anhistorique ».
Véritables découvreurs, ces orientalistes ont eu surtout accès aux auteurs tardifs et ont accordé la priorité aux
grandes encyclopédies musulmanes qui leur donnaient une vision d‟ensemble. Un demi-siècle de travail aboutit à
la publication de la Bibliothèque orientale de Barthélemy d‟Herbelot publiée en 1697, qui servira pendant plus
de deux siècles d‟encyclopédie de l‟Islam ». Pour plus amples informations, voir LAURENS, Henry.
L‟orientalisme français : un parcours historique In : Penser l'Orient : Traditions et actualité des orientalismes
français et allemand [en ligne]. Beyrouth, Liban : Presses de l‟Ifpo, 2004 (généré le 04 janvier 2022). Disponible
sur Internet : <http://books.openedition.org/ifpo/206>.
administratives, mais aussi à enseigner, tout en participant à l'encadrement des jeunes
enseignants chercheurs, des étudiants en maîtrise, en D E A et des doctorants. Notre
problématique s'intéresse, enfin, aux travaux scientifiques d'Yves Marquet qu'il publiait dans
les Annales de la FLSH de l'Université, ainsi que dans des revues scientifiques
internationales, telles qu'Arabica, la Revue des études islamiques et le Bulletin des Études
orientales. Nous formulons donc l'hypothèse selon laquelle les séminaires du professeur Yves
Marquet, les encadrements de ses étudiants et doctorants, ainsi que ses travaux scientifiques
dont le thème majeur tournait globalement autour de différents aspects de la pensée arabo-
islamique, constituent une contribution significative au développent de la recherche à la FLSH
de l'Université de Dakar.
Pour résoudre la problématique de notre communication et vérifier adéquatement nos
hypothèses, nous utilisons deux méthodes combinées, à savoir la méthode historique
analytique qui nous permet d'observer chronologiquement les données de notre sujet, d'y
opérer une critique interne et externe afin de les interpréter et de les expliquer
scientifiquement, et la méthode descriptive analytique qui nous aide à observer et à décrire les
multiples aspects de notre sujet afin d' apporter de bonnes réponses aux questionnements de
notre problématique et d‟infirmer ou de confirmer nos hypothèses.
Le plan de notre communication est composé des éléments suivants : Les études
universitaires du Prof. Yves Marquet, ses activités en tant qu'enseignant – chercheur à la
Sorbonne et au Département d'Arabe-FLSH de l'Université de Dakar ; ses fonctions au sein
dudit département ; ses travaux scientifiques et leurs thèmes qui étaient surtout axés sur la
pensée philosophique « des frères de la pureté » ; sur la doctrine philosophico-mystique du
ši‟isme ismaïlien et sur ses convergences et ses divergences avec les réflexions qu‟Elhadj
Omar Foutiyou Tall avait menées dans ce domaine.

1.-Un orientaliste enseignant-chercheur à la FLSH


Yves Marquet a été nommé à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines sur la
proposition du président Senghor dont l‟initiative était probablement motivée par le fait que le
jeune enseignant était poète comme lui et il publia déjà des poèmes en français dans le revue
littéraire française Les Cahiers du Sud et par le fait qu‟il maîtrisait plusieurs langues
anciennes (Alain MESSAOUDI, 2015, p. 244-245). Yves MARQUET commença sa carrière
d‟enseignant-chercheur comme maître-assistant ; il s‟occupa, dès sa nomination, des affaires
du Département d‟Arabe naissant, il enseignait, dirigeait des mémoires de maîtrise et il
préparait également sa thèse d‟État intitulée « La philosophie des Iḫwān al-Ṣafā’» qu‟il
soutint le 12 juin 1971, à l‟Université Paris-Sorbonne (Paris IV). Le succès de sa thèse
consacrée à l‟étude de la pensée philosophique islamo-néoplatonicien lui valut la
reconnaissance et l‟estime d‟éminents spécialistes en la matière. Le comité rédactionnel de la
très célèbre Encyclopédie de l’Islam lui demanda d‟écrire un article sur la philosophie de
« Iḫwān al-Ṣafā’ » (les frères de la pureté) qu‟il publia en 1971, dans la 2ème édition de
l‟Encyclopédie. Il écrivit un autre article sur la même thématique pour L‟Encyclopédie
Universalis qui le publia dans la même année : 1971. (in Annales de la FLSH-Université de
Dakar, PUF, n°2-1972, p. 277). Auréolé de son succès scientifique international, le jeune
maître-assistant fut nommé, au 1er octobre 1971, Maître de conférences au Département
d‟Arabe de la FLHS de l‟Université de Dakar, dont le personnel enseignant était alors
composé essentiellement de lecteurs. Il devint Maître de conférences à partir du 1er octobre
1971. (in Annales de la FLSH-Université de Dakar, PUF, n° 2-1972, p. 292).

2.-Les mémoires et thèses dirigés par Yves MARQUET


De 1972 à 1979, Yves MARQUET, qui devint professeur titulaire en 1975, jouait
pleinement son rôle de chef du Département d‟Arabe de l‟Université Cheikh Anta Diop de
Dakar où il dirigeait plusieurs Mémoires thèses relatifs aux différents sujets. Nous en
mentionnons à titre d‟exemple, la thèse de Maurice PUECH dont le sujet portait sur la
Tidjaniyya, intitulé « De Ali Harazim à Elhadj Omar ». Cette thèse étudiait donc les
différentes dimensions de la pensée spirituelle de la Tidjaniyya, à travers les écrits de ses deux
éminents oulémas : Ali Harazim à Elhadj OmarTall. Il encadra aussi le Mémoire de Maîtrise
de Mohamed BEL KHAYAT dont le titre est : « Les sectes haysanites dans l‟hérésiographie
et dans l‟histoire » et il encadra sa thèse intitulée « Allal Al Fassi » ; la thèse d‟Abdourahmane
Wane dont le sujet est : « Histoire des « Koliabé » d‟après Zuhur al Basatine de Cheikh
Moussa Camara » et celle de Alioune BA, intitulée « Le Diwan d‟al-Mu‟ayyad : introduction,
traduction, commentaire » (Yves Marquet, in Annales de la FLSH, n°8, 1988, p. 326). Il
convient de souligner qu‟Yves Marquet codirigea avec Marcel CHIAPPORE, du Département
de Lettres Classiques, le Mémoire de Maîtrise d‟Oumar Sankaré, intitulé « La Métaphore dans
les Arcanes de la Rhétorique d‟Al Jurjānī. Traduction du texte arabe et étude comparative de
la métaphore chez les anciens grecs et chez ce rhéteur arabe ». Oumar Sankaré deviendra
ultérieurement le chef du Département des Lettres classiques et l‟un des plus brillants
enseignants-chercheurs de la FLSH de l‟Université Cheikh Anta Diop. Mémoire en ligne dans
la bibliothèque numérique de l‟UCAD :
(http://bibnum.ucad.sn/viewer.php?c=mmoires&d=ldes%5f292).

3.-Les activités scientifiques d’Yves MARQUET


En ce qui concerne sa carrière scientifique, Prof. Pierre LORY affirma qu‟Yves
Marquet l‟avait consacrée pour une large part à l‟étude de la pensée philosophique des
« Iḫwān Aṣ-Ṣafā’ ». Le dernier ouvrage qu‟il publia, peu de temps avant sa disparition en
2006, est une « recherche systématique des traces de la pensée pythagoricienne dans les
fameuses Épîtres des frères de la pureté, qui se présentent comme un tout structuré de 52
épîtres ». Il s‟agit d‟un regroupement de textes écrits par plusieurs auteurs d‟époques
différentes, arrangés et classés sous le titre Épîtres des frères de la pureté (Iḫwān Aṣ-Ṣafā’)-
Pierre LORY- (Pierre LORY, in https://www.ifao.egnet.net/bcai/23/9/).
Yves Marquet était membre de la Société Asiatique, une société savante de renommé
mondiale. Son collègue et membre de ladite société savante, Prof. Daniel DE SMET,
témoigna que M. Marquet assistait avec assiduité aux réunions mensuelles de la Société
Asiatique. Il l‟a décrit comme « un homme humble et discret, d‟une très rare amabilité ». Il
ajouta que « Yves Marquet était un chercheur infatigable qui voua sa vie scientifique à sa
grande passion : Les Épîtres des Frères Sincères (Rasā‟il Iḫwān Aṣ-Ṣafā). Daniel DE SMET
indiqua que Les Epîtres des frères de la pureté auraient été écrites par plusieurs auteurs,
membres d‟une confrérie secrète d‟obédience ši‟ite ismaélienne, au cours du 9e siècle, donc
avant l‟avènement de l‟État shi‟ite ismaélite fâtimide qui régnait en Égypte. D‟après Daniel
DE SMET, les auteurs en question masquaient leur identité sous le pseudonyme de « Frères
de Sincère » ou « Frères de la Pureté » (Iḫwān Aṣ-Ṣafā’) et ils avaient élaboré une doctrine
profondément imprégnée par le « syncrétisme hellénistique », un amalgame d‟éléments
pythagoriciens, hermétistes et néoplatoniciens (Daniel DE SMET, 2007, pp. 492-493)

4.- Les thèmes de ses articles publiés dans les Annale de la FLSH
4.1.-La hiérarchie mystique ši’ite et ses dimensions
Yves Marquet publia une série d‟articles dans les Annales de la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines de l’Université de Dakar. Le premier article qu‟il y publia s‟intitule « À
propos des origines de la hiérarchie mystique en Islam ». Il expliqua au début de son article la
hiérarchisation philosophico-mystique de la confrérie ši‟ites ismaélite. Il souligna que le pôle
(quṭb ou ġawṯ), qui est le plus haut placé dans la hiérarchie, est suivi par deux Imāms ; il y a
ensuite 4 ou 5 awṭād (ou „umûd), ces derniers sont suivis par les 7 ‟umanā‟(ou afrād) ; il y a
ensuite les abdāl dont le nombre est 40, suivis par les nujabā‟ dont le nombre est 70, ces
derniers sont suivis par les nuqabā‟, dont le nombre est 300, ces derniers sont suivis par les
„aṣā‟ib dont le nombre est 500 ; il y a enfin les ḥukama‟ dont le nombre est indéfini ainsi que
ar-rajābiyyûn. Cette hiérarchie compte donc dix échelons. Elle est parfois raccourcie comme
suit : 4 awtād ; 5 ‟umanā‟ ; 40 abdāl, 300 nuqabā‟ (Yves Marquet, 1973, p. 119).

4.1.2.-La dimension émanatiste et sa fonction


Yves Marquet indiqua que les mêmes grades se trouvent chez les différents courants
ši‟ites. Ils constituent selon lui « les échelons (marches) par lesquels, ici-bas, l‟influx
d‟origine divine descend sur l‟humanité et les âmes incarnées ». Et Yves Marquet d‟ajouter
que « cela ne saurait exister que dans une doctrine émanatiste ». Il soutint que les Ši„ites, les
flāsifa (philosophes) et les mystiques sont émanatistes, il pensa que c‟est à partir de IXe siècle
de l‟ère chrétienne que tous les ši‟ites deviennent émanatistes. Il crut cependant que
l‟émanatisme existe exceptionnellement chez les sunnites. Il précisa qu‟Ibn „Arabī, qui est
décédé en 1240 de l‟ère chrétienne, adopta « un émanatisme très analogue à celui des Ši„ites,
notamment des ismaïliens ». Yves Marquet affirma que les émanatistes musulmans soutinrent
unanimement que Dieu, qui est unité absolue, existence pure, inimaginable, a créé l‟univers
par une série d‟intermédiaires issus l‟un de l‟autres. Il établit un rapprochement entre le point
de vue des Iḫwān Aṣ-Ṣafā’ et celui de Plotin. Il retrace leur doctrine en la matière comme
suit : « De Dieu est émané 1-l‟intellect universel (appelé aussi Intellect actif), avec les
archétypes ; de celui-ci est émanée 2-l‟Âme universelle ; de celle-ci 3-la Matière première. Il
précisa que quand l‟intellect a achevé l‟éducation de l‟Âme à l‟aide des archétypes, celle-ci,
après avoir conféré à la matière première les trois dimensions mentionnées, fut fragmentée en
innombrables facultés qui lui donnèrent, les unes après les autres, ses autres formes : la
descente de ses facultés a ainsi créé les 9 sphères célestes, puis les 4 éléments. Ensuite ses
facultés (ou âmes) remontent, créant minéraux, puis végétaux, puis animaux et enfin
l‟homme, qui est à la charnière des deux mondes, la porte entre l‟enfer et le paradis ; à lui il
incombe d‟être ou damné ou sauvé, mais aussi, dans ce cas, de participer au salut général.
Pour accéder à une telle personnalité, il lui faut franchir différents échelons dans la hiérarchie
des influx, c‟est-à-dire différents niveaux de la raison.
Yves Marquet souligna aussi que l‟Intellect universel est considéré par les Iḫwān Aṣ-
Ṣafā’ comme le seul qui éclaire exclusivement l‟Âme universelle qui, fragmentée en facultés,
manipule l‟univers. L‟homme et les êtres du bas-monde ne peuvent remonter, selon Iḫwān Aṣ-
Ṣafā’, que grâce à l‟aide et au soutien de l‟influx d‟origine divine passant par ces
intermédiaires. D‟après eux, cet influx passe ici-bas par différents échelons d‟intermédiaires,
hiérarchisés selon leur réceptivité à l‟influx, donc selon la pureté et le niveau de leur raison.
Yves Marquet expliqua que dans le système de pensée de Iḫwān Aṣ-Ṣafā’, l‟Âme universelle
gouverne le bas-monde à l‟aide des asters qu‟elle utilise comme instrument, conformément à
la volonté divine, régissant tous les êtres corporels, entre autres le corps de l‟homme. Il
précisa que ce sont donc les asters qui conditionnent la raison humaine, qui est prisonnière du
corps. Il donna une description relative au cycle d‟évolution de l‟âme végétative qui peut
habiter le corps au moment où elle est conçue et dans un état embryonnaire, mais elle ne peut
pas avoir sa faculté animale qu‟à partir de 4 mois de conception et elle ne peut avoir
également sa faculté parlante qu‟à l‟âge de 4 ans. La mainmise que les astres exercent sur la
raison et son évolution consiste, d‟après Iḫwān Aṣ-Ṣafā’, à ce qu‟il y a pour chaque échelon
de la hiérarchie des raisons, un âge théorique avant lequel cet échelon ne saurait être franchi
(Yves Marquet, in Annales de la FLSH, pp. 119-120).

5.-Les échelons de la hiérarchie mystique


1. Cet échelon est celui des gens communs dont l‟âge mental est celui d‟un enfant de 4 à 15.
Leur âme parlante est vierge, ils sont doués de raison en puissance seulement, d‟autant plus
qu‟ils sont faibles d‟esprit et ils ne peuvent faire l‟objet d‟une quelconque expérience
mystique.
2. Cet échelon est considéré comme le 1er échelon de la hiérarchie mystique, il est celui de la
raison instinctive qui peut être atteint dès 15 ans, grâce à la faculté raisonnante favorisée par
la régence antérieure de Mercure ; un peu plus tard, viendront l‟appétit de plaisir grâce à
vénus, puis les qualités de chef de famille grâce au soleil. Cet échelon des 4000 est appelé
aussi échelon des « artisans » parce que c‟est l‟époque de la vie où l‟on comprend le monde
extérieur sensible et la maîtrise en fonction de l‟action à y mener ; cela grâce, aussi, à
l‟apprentissage des mathématiques pratiques.
3. Cet échelon est considéré comme le 2e échelon de la hiérarchie mystique, il est celui de 400
qui correspond au niveau de la raison acquise (al-‘aql al-muktasab) que l‟on n‟atteint pas
avant 30 ans ; c‟est l‟échelon où, après étude des mathématiques, outil qui vous permettra de
commencer à philosopher par vous-mêmes et à manier les abstractions pures. L‟échelon des
400, qui est celui de libre-arbitre, est appelé aussi celui des « sages » et « chefs » ; des
« chefs » parce que, grâce à Mars, qui régit l‟homme de 31 à 38 ans, on acquiert des qualités
d‟administrateur et de chef d‟armée.
4. Cet échelon est celui des 40, on ne peut l‟atteindre avant 40 ans. Il s‟agit de l‟échelon de
ceux qui, maîtrisant la philosophie et ayant une vision globale et synthétique des réalités,
peuvent bénéficier de l‟inspiration et même de la révélation sous ses formes les moins hautes.
C‟est aussi l‟échelon du successeur désigné de l’imam, et des compagnons de ce successeur,
qui savent gouverner le monde temporel grâce à l‟apparition en eux de la « faculté royale ».
5. Cet échelon est celui des 4 abdāl, il peut survenir à 50 ans, grâce à l‟apparition de la
« faculté législatrice ». Il est donc celui du législateur (bénéficiaire de la révélation
scripturaire) où l‟imam régnant, mais également de ses quatre collaborateurs directs. C‟est
aussi l‟âge du renoncement et de la plus grande piété, grâce à la récente de Jupiter qui s‟est
exercée sur l‟homme de 38 à50 ans (Yves Marquet, in Annales de la FLSH, pp. 20-122)
Yves Marquet expliqua que le renoncement total apparaîtra, en même temps que la
« la faculté ascensionnelle », vers 60 ans, avec le refroidissement des fonctions physiques,
sous l‟influence de Saturne qui s‟est exercée sur l‟homme de 50 à 61 ans. Il souligna que les
âmes végétatives et animales sont totalement déterminées par le tempérament du corps et par
les astres. L‟homme fait l‟apprentissage de la liberté, selon les Iḫwān Aṣ-Ṣafā’, avec
l‟apparition de la raison, qui favorise le renoncement. Mais la vraie liberté, qui s‟accompagne
d‟une lourde responsabilité, n‟intervient qu‟au niveau de la raison acquise, dotée de la
démonstration, donc au niveau des 400. Yves Marquet compara ensuite entre la hiérarchie
établie par le célèbre philosophe musulman Al-Farābī, mort en 950 ap. J.-C., et celle des
Iḫwān Aṣ-Ṣafā’ en soulignant les multiples similitudes qui existent entre elles. Il s‟attacha, par
la suite, à démontrer que la hiérarchie des Iḫwān Aṣ-Ṣafā’ a trouvé son modèle dans la
République de Platon et il illustra ses propos par les exemples suivants :
1. L‟échelon du législateur et des 4 abdāl est chez Platon le « sage », chef de la cité, « qui
voit le Bien (Dieu) en soi ».
2. L‟échelon du successeur et des 40 appelés « rois », et bons sages », correspond au
gouvernement « royal » et « aristocratique ».
3. L‟échelon des 400 correspond à « l‟homme timocratique » qui a le sens de l‟honneur.
4. L‟échelon de 4.000 ou « artisans » est chez Platon l‟homme oligarchique.
5. Les gens du commun correspondent à la fois à l‟homme démocratique (dominé par son âme
animale) et à l‟homme tyrannique (dominé par son âme végétative (Yves Marquet, in Annales
de la FLSH, p. 122-125).

6.-Analogie entre la doctrine ši’ite et la pensée omarienne


Yves MARQUT a analysé le style qu‟Al-ḥağğ „Umar (Elhadj Omar Foutiyou Tall,
décédé en 1864) a utilisé, dans son ouvrage intitulé Kitāb Ar-rimāḥ, en soulignant qu‟il se
référait à plusieurs auteurs appartenant aux obédiences diverses. Il ajouta que ses explications
furent centrées en général sur la Tiğāniyya mais elles portent également sur la doctrine
commune de toutes les confréries soufies. Et Yves Marquet d‟ajouter que des similitudes
frappantes existent entre les réflexions d‟Al-ḥağğ „Umar et la doctrine Si‟ite d‟une manière
générale et celle du courant si‟ite ismaïlien particulièrement. C‟est cette supposé
correspondance d‟idées entre les réflexions de Al-ḥağğ ‘Umar et la doctrine si‟ite qui poussa
M. Marquet à opérer une confrontation entre les deux opinions.

6.1.-La hiérarchie des saints


Yves Marquet analysa minutieusement le chapitre XXXVI qu‟Al-ḥağğ ‘Umar
consacra à l‟étude du sujet for intéressant relatif au sceau des saints, dans son ouvrage Kitāb
Ar-rimāḥ ; il indiqua, dès le début, qu‟on « trouve chez les mystiques, depuis au moins Ibn
„Arabī, quelque chose de très analogue à la « descente et à la remontée des âmes telles que les
conçoivent les Ismaïliens ». Yves Marquet précisa que, dans ce contexte, il y a une
hiérarchisation des Prophètes et des Saints qui occupe une place importante et joue un rôle
bien défini dans l’histoire de la création et du monde. Cette histoire est, en effet, jalonnée
par des grands faits axés sur la création de la lumière muḥammadienne, de la mission de
Muḥammad sceau des prophètes et de l‟apparition du sceau des saints. Yves Marquet
expliqua la vue d‟ensemble qu‟Al-ḥağğ ‘Umar donna du processus de la création comme
suit :
1. À l‟échelon de l‟intellect premier (c‟est-à-dire Intellect universel) « al-‘aql al-awwal » en
arabe, créa la lumière muḥammadienne et, dans cette lumière, réunit en tous les esprits des
prophètes et des saints. Ibn „Arabī (m. 1240) l‟appelle aussi la niche du sceau des prophètes,
en faisant allusion au fameux verset de la niche des lumières (Sourate 24/An-nûr/Verset 35),
dont l‟importance est primordiale à la fois pour les Ši„ites et pour les mystiques. D‟après Al-
ḥağğ „Umar, le fondement de cette assertion est la tradition suivante : « La première chose
que Dieu créa fut ma lumière ».
2. La deuxième étape consiste en une démarcation des esprits qui deviennent des substances
distinguées et hiérarchisés, à l‟échelon de la « tablette bien gardée », c‟est-à-dire de l‟Âme
Universelle (fil-lawḥ al-maḥfûẓ allaḏī huwa an-nafs al-kulliyya); ils se distinguent par leur
extérieur lumineux (wa tamayyazat bi zāhirihā annûriyya). Dieu leur envoie alors une
première fois « la réalité muḥammadienne spirituelle et lumineuse » (al-ḥaqīqa al-
muḥamadiyya ar-rûḥiyya an-nûriyya).
3. C‟est celle de l‟existence des formes naturelles supérieures qui existent à partir du trône et
du siège divin » (fa lamā wujidat aṣ-ṣuwar aṭ-ṭabī‘iyya al-‘ulwiyya min al-‘arš wal-kursiyyi),
et c‟est aussi à l‟issue de l‟existence des formes de manifestation de leurs esprits. C‟est à ce
moment-là que Dieu leur apporte une deuxième fois la lumière muḥammadienne. Les esprits
prédisposés à croire à cette « unité collective et parfaite » (que constitue la lumière
muḥammadienne), crurent à la mission du prophète Muḥammad.
4. Les formes naturelles composées des quatre éléments sont constituées comme suit : la foi
apparaît alors dans les plus parfaites des âmes humaines et les hommes croient en
Muḥammad. Bien qu‟il ait été le dernier prophète à exister corporellement, Muḥammad
existait donc dans sa réalité depuis la création de la lumière muḥammadienne : il était déjà
prophète en acte et informé de sa mission prophétique. Quant aux autres prophètes, y compris
Adam (le principal d‟entre eux en tant que le premier dans le temps), ils étaient eux aussi
prophètes dans la connaissance prééternelle de Dieu, mais ils ne furent prophètes en acte et
informés de leur mission que lorsqu‟ils furent envoyés, c‟est-à-dire, non seulement quand ils
existèrent corporellement, mais « quand ils eurent acquis au complet les conditions de la
prophétie ». Tous ils ont reçu la prophétie de la « niche du sceau des prophètes », c‟est-à-dire
de la lumière muḥammadienne. Cela est appuyé par la tradition : « J‟étais déjà prophète alors
qu‟Adam était encore entre l‟eau et l‟argile ». De même que le sceau des saints était un saint
en acte, informé de sa sainteté, alors Adam était encore entre l‟eau et l‟argile. Tandis que les
autres saints ne le sont en acte qu‟après avoir rempli toutes les conditions de la sainteté. Dieu
a donné, d‟après Al-ḥağğ ‘Umar, le privilège de la sainteté après avoir donnée celui de la
prophétie et la mission : dès la prééternité, Dieu a choisi après le sceau des prophètes et aussi
les membres de sa confrérie purement simplement, et sans raison d‟ordre temporel, le sceau
des saints (Yves Marquet, 1968, pp. 1-7 ; Al-ḥağğ ‘Umar, 1900, p. 1-14).

6.2.-La dynamique et les conditions de la sainteté


En ce qui concerne les conditions de la sainteté, Al-ḥağğ ‘Umar expliqua que « Dieu a
300 traits de caractères dont chacun mène au Paradis. Seul parmi les prophètes, Muḥammad
les a eu tous. Quant aux pôles qui l‟ont suivi, même le grand ḥuğğa Ibn „Arabī, ils ne
connaissent que l‟extérieur de ces vertus ; ils sont appelés les muḥammadiens. Yves Marquet
pensa que la question n‟apparaît pourtant pas absolument claire chez Al-ḥağğ ‘Umar qui
rapporta le propos d‟„Ali Ḥarāzim, auteur de Ğawāhir al-Ma‘ānī, ayant interrogé le Cheikh
al-Tiğānī sur la réalité de la sainteté, celui-ci a répondu, en se référant à Ibn „Arabī, « que le
terme de sainteté particulière s‟applique à celui qui a les 300 vertus de Dieu à la perfection :
ces 300 vertus sont particulières, jusqu‟au sceau des saints ». Mais Cheikh al-Tiğānī a ajouté
paradoxalement, en faisant peut-être allusion à lui-même, que ce « privilège » particulier
n‟implique pas qu‟ils soient supérieurs aux autres de toute manière : l‟un qui n‟a pas toutes les
vertus peut avoir un rang plus élevé que les autres. Mais Cheikh al-Tiğānī est un peu plus
explicite lorsqu‟il explique que le sceau des saints « est celui qui a eu, réunies en lui, toutes
les perfections divines qu‟ont les autres saints » (Yves Marquet, 1968, pp. 7-8).
Après une longue analyse relative aux différents points de vue des oulémas abordés
par Al-ḥağğ ‘Umar sur la question, Yves Marquet mit l‟accent à nouveau sur l‟opinion de Al-
ḥağğ ‘Umar consistant à dire que : « le garde de sceau des saints est le sceau des grades (ḫatm
al-maqāmāt) ; il surpasse tous les grades de la sainteté et n‟a au-dessus de lui que les grades
des prophètes ». C‟est qu‟en effet les flux qui émanent de la « réalité muḥammadienne »,
c‟est-à-dire de l‟essence de Muḥammad, se répandent sur les essences des prophètes et ceux-
ci à leur tour les répandent sur le sceau des saints ; mais celui-ci reçoit en outre un influx
particulier de l‟essence de Muḥammad, directement et sans qu‟il passe par les autres
prophètes. Tous les influx prophétiques d‟abord émanés de la lumière muḥammadienne
convergent donc vers lui, et c‟est lui seul qui les dispensera aux saints (comme la lumière les
a dispensés aux prophètes). Et Al-ḥağğ ‘Umar d‟ajouter que, selon plusieurs auteurs,
notamment Cheikh al-Tiğānī, le sceau répand ses influx en priorité sur les membres de sa
confrérie, puis sur les cheikhs des autres confréries. De ce fait, la hiérarchie de la sainteté peut
être schématisée comme suit :
Muḥammad ↔ les autres prophètes ↔ les sceaux des saints ↔ les adeptes de sa confrérie ↔
les adeptes des autres confréries. Il souligna que Cheikh al-Tiğānī, ainsi que plusieurs auteurs,
et contrairement à d‟autres, place les compagnons de Muḥammad, même ceux qui n‟ont pas
reçu l‟ouverture mystique, juste au-dessus du sceau des saints, de même que les compagnons
de ce dernier (les membres de sa confrérie) sont au-dessus des autres confréries. Yves
Marquet précisa les échelons de prophètes et de saints constituent les différentes étapes dans
la descente de l‟influx ; ces étapes sont appelées « présences » (al-ḥaḍarāt). Il y a donc sept
présences issues de l‟émanation (mustafīda) qu‟Al-ḥağğ ‘Umar expos ci-après :
1. Présence de la réalité muḥammadienne (appelée dans les Ğawāhir « l‟un des mystères de
Dieu »). Seul Muḥammad a le privilège d‟y avoir goûté ;
2. Présence de la réalité muḥammadienne. Toutes les sciences des anges, prophètes et saints
proviennent de son influx (fayḍ) ;
3. Présence qui rassemble celles de tous les autres prophètes (ils reçoivent ce qui émane de la
réalité muḥammadienne ;
4. Présence du sceau des saints (il reçoit tout ce qui émane des essences des prophètes, mais
reçoit, en outre, comme ceux-ci, directement de l‟essence de Muḥammad ;
5 Présence des membres de sa confrérie (supérieure même à celle de grands pôles) ;
6 ¨Présence qui rassemble celles des autres saints (qui puisent tout de la présence du seau
suprême). Selon les Ğawāhir al-Ma„ānī, Cheikh al-Tiğānī aurait dit : « tout cheikh a une
présence à laquelle aucun autre ne participe avec lui ».
7 Présence des membres de leurs confréries.
Ces sept présences peuvent être symbolisées par sept cercles concentriques (représentés
graphiquement, CH. 26/P. 21). Le 1er cercle ou cercle extérieur, étant celui de la réalité
muḥammadienne. Le 2e, celui de réalité muḥammadienne, a deux portes : une en haut par où
l‟influx de Muḥammad se répand sur les prophètes : une autre à droite par où le sceau des
saints reçoit l‟influx qui lui est destiné en propre, sans l‟intermédiaire (barzaqiyya) de
personne entre Muḥammad et lui. Le 3e cercle, est celui des présences des prophètes, a une
porte en haut par où l‟influx se répand sur la présence des sceau. Le 4e, celui de la présence du
sceau, a une porte à droite, par où passe l‟influx qui se répand sur les gens de sa confrérie, et
une porte à gauche par où passe l‟influx destiné à la présence des cheikhs. (Yves Marquet,
1968, pp. 8-10 ; Al-ḥağğ ‘Umar, 1900, p. 14-16).
7.-Points de convergence doctrinale entre la Tiğāniyya et le Ši’isme
Yves Marquet crut trouver des ressemblances impressionnantes entre les
éclaircissements d‟Al-ḥağğ ‘Umar et les éléments de la doctrine ši‟ite en général, et
ismaïlienne en particulier. Yves Marquet pensa que la doctrine d‟Ibn „Arabī, qui constitue la
source principale d‟Al-ḥağğ ‘Umar sur cette question, adopte la conception plotinienne selon
laquelle les Iḫwān Aṣ-Ṣafā se font de la création. Il ajouta que cette conception consiste à dire
que « Dieu crée le monde par l‟intermédiaire de l‟Intellect et de l‟Âme universel ». Il indiqua
qu‟au niveau de l‟Intellect sont réunis en Un, dans la lumière muḥammadienne, tous les
esprits des prophètes et des saints qui, par contre, se hiérarchisent au niveau de l‟Âme
universelle, appelée, comme chez les Iḫwān Aṣ-Ṣafā, la « Tablette bien gardée ». Il affirma
ensuite que « la conception que se fait Ibn „Arabī de la supériorité de Muḥammad sur tous les
prophètes, et de ses raisons, paraît aussi très analogue à celle des Iḫwān Aṣ-Ṣafā. Yves
Marquet crut que « les considérations sur le problème des 300 traits de caractère que se
partagent les saints semblent dériver de celles dont nous trouvons l‟expression dans les Iḫwān
Aṣ-Ṣafā sur les 46 vertus de l‟homme parfait (bien qu‟il soit question chez les mystiques aussi
des 46 vertus nécessaires au prophète). Le Pôle (quṭb) qui est le grand saint de son temps pour
les mystiques, et l‟Imām de l‟époque pour les ismaïliens. Les adeptes des confréries sont
appelés awliyā’ Allāh, comme les adeptes de la cité spirituelle ismaïlienne ; et aussi, le cas
échéant, ṣiddīqīn ou même iḫwān (Yves Marquet, 1968, p. 15).

8.-Les concordances de la hiérarchie des sept présences


En ce qui concerne la hiérarchie des sept présents par où descend l‟influx, Yves
Marquet souligna qu‟elle ne saurait concorder avec une hiérarchie ismaïlienne. Il pensa
toutefois que les sept cercles, qui chez Al-ḥağğ ‘Umar, symbolisent les sept présences
semblent être un écho lointain des sept sphères des planètes (les sept sphères célestes sont
représentées graphiquement chez les Iḫwān Aṣ-ṣafā’. Il ajouta qu‟Al-ḥağğ ‘Umar remarque
que le cercle du sceau des saints est au milieu des autres cercles et qu‟il y a trois au-dessus et
trois au-dessous. Yves Marquet soutint que, de façon très analogue, Iḫwān Aṣ-ṣafā’ font
remarquer que la sphère du soleil est au milieu de la voûte céleste (trois sphères au-dessus et
trois sphères au-dessous), ce qui symbolise l‟importance, dans la création, du rôle de cet astre,
archétypes de la royauté, dont il (l‟astre) a à s‟occuper. Yves Marquet met l‟accent sur le fait
que ces cercles sont représentés, chez Al-ḥağğ ‘Umar, par un graphique sont similaire à ceux
qui sont dans la Ar-Risāla ğāmi‘a, un graphique comportant cinq cercles concentriques,
seulement, il est vrai ; ces cercles sont coupés en tranche où sont représentés les hiérarchies
des êtres corporels bons et mauvais. Le partage du temps en cycle de la « sainteté générale »
et cycle de la « sainteté particulière », le prophète Muḥammad étant à la charnière, est tout à
fait parallèle à ce que l‟on trouve chez les Ši„ites, duodécimains aussi bien qu‟ismaïliens :
cycle des prophètes, cycle des imām. Yves Marquet ajouta que la figure du sceau des saints
évoque celle du qā‟im de la résurrection chez les Ismaïliens, et plus encore, du mahdī attendu
chez les Duodécimains (Yves Marquet, 1968, pp. 15-19).

9.-Les similitudes entre l’imām et le saint


Yves Marquet soutint que les mystiques ont transposé la conception ši„ite de l‟imām
en l‟appliquant au saint. Il pensa que, non seulement le cheikh, être divin (rabbānī), est
souvent appelé imām, mais il est calife de Dieu sur sa terre et calife du prophète ; il semble,
qu‟aux yeux des mystiques, les saints soient les véritables califes après les quatre califes
biens-guidés. Les grands saints continuent donc la lignée des prophètes et, en particulier, ceux
avec lesquels Dieu a établi un pacte (Coran, XXXIII, 7) et qui sont pour les Ismaïliens les six
grands prophètes (Adam et les cinq législateurs : Noé, Abraham, Moïse, Jésus et
Muḥammad). Le saint est donc l‟héritier du prophète, où même le pôle est l‟héritier parfait. Il
est le ḥuğğa. Il est l‟intermédiaire entre les prophètes et les créatures, donc, entre Dieu et les
créatures (Yves MARQUET, 1968, p. 19).
Conclusion
Yves Marquet, jeune maître-assistant à l‟Université Paris-Sorbonne fut recruté à la
Faculté des Lettres et Sciences de l‟Université de Dakar, dans le but de réorganiser les
enseignements et la recherche de son Département d‟Arabe qui venait d‟être créé. Il s‟attela,
dès sa prise de fonction, à ses tâches d‟enseignant et d‟encadreur en même temps qu‟il
s‟occupait à l‟élaboration de sa thèse d‟État, portant sur la pensée philosophique de « Iḫwān
Aṣ-ṣafā’ » (Les frères de la pureté). Tout porte à croire qu‟Yves Marquet était profondément
motivé aussi bien pour l‟enseignement que pour la recherche ; car il parvint, dès 1971, à
soutenir sa thèse d‟État avec succès, à publier ses travaux scientifiques dans des revues et
encyclopédies de renommée internationale. C‟est dans la même période qu‟il accéda au grade
de maître de conférences et intensifia ses activités d‟enseignement et d‟encadrement au
Département d‟Arabe qui devint alors un Département très dynamique, accueillant des
étudiants de nationalités différentes. Les archives de la FLSH de l‟Université de Dakar que
nous avons consultées attestent qu‟Yves Marquet, qui devint professeur titulaire en 1975,
dirigeait plusieurs mémoires de maîtrise et thèses de Doctorat, dont les thématiques étaient
variées mais elles dénotent que ces travaux scientifiques contribuaient grandement à la
diffusion et à la valorisation de la pensée et la culture arabo-islamique d‟une manière générale
et de l‟apport des lettrés sénégalais et africains en la matière, particulièrement.
Nous avons constaté qu‟Yves Marquet avait une passion pour la pensée des « Iḫwān
Aṣ-ṣafā’ » dont il devenait le plus éminent spécialiste de son temps. Les travaux
épistémologiques qu‟il consacra à ce sujet, qui faisaient l‟objet de publications dans les
Annales de la FLSH de l’Université de Dakar et dans d‟autres revues scientifiques
internationales, ont permis de comprendre non seulement leurs origines, leurs doctrines, leurs
influences et leurs impacts, mais aussi leurs analogies avec d‟autres systèmes de pensée. C‟est
dans ce contexte qu‟Yves Marquet effectua une démarche d‟analyses comparatives portant sur
la pensée des Frères de la pureté et sur celle d‟Al-ḥağğ ‘Umar (El hadji Omar TALL)
consistant à examiner attentivement les points de convergence et de divergence qui existent
entre leurs doctrines philosophiques et mystiques sur la création, sur la hiérarchie des
prophètes et des saints, ainsi que sur le rôle central que la lumière muḥammadienne joue dans
ce domaine. Nous pensons que la contribution d‟Yves Marquet au rayonnement de la
recherche et de l‟enseignement arabo-islamique à la FLSH de l‟Université de Dakar a été très
significative et elle mérite d‟être saluée et appréciée à sa juste valeur.

Bibliographie sommaire
Livres en français :
MARQUET Yves, La philosophie des Iḫwān al-Ṣafā’», thèse d‟Etat soutenue le 12 juin
1971, à l‟Université Paris-Sorbonne (Paris IV).
 propos de la hiérarchie mystique en Islam, in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines, Université de Dakar, Presses Universitaires de France, n°3-D. L. 295- 1973, pp.
119-125.
Al-HAKIM AT-TIRMIDI et le Néoplatonisme en Islam (première partie), in Annales de la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Dakar, Presse Universitaire de
France, n°6-D. L. 457- 1976, pp. 261-306.
Al-HAKIM AT-TIRMIDI et le Néoplatonisme en Islam (suite), in Annales de la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines, Université de Dakar, Presse Universitaire de France, n°7-D.
L.506- 1977, pp. 149-181-306.
Des Iḫwān Aṣ-ṣafā’ à Al-ḤAĞĞ ‘Umar (B. SA„ĪD TALL, in ARABICA, revue d‟études
arabes-CNRS- TOME XV année 1968, Paris.
DE SMET Daniel, Yves MARQUET, LES IḪWAN AL-ṢAFA ET LE PYTHAGORISME, in
Journal Asiatique, 2007, N° 295.5, Vol. 295. ISSN. 2, Paris, pp. 492. Site web :
https://af.booksc.eu/book/65351948/c38cd0
Messaoudi Alain, Les arabisants et la France coloniale. Savants, conseillers, médiateurs,
(1780-1930), ENS Éditions, Lyon 2015.
Lory Pierre, (Ephe – Paris), (2007) Marquet Yves: Les « Frères de la pureté », pythagoriciens
de l‟Islam – La marque du pythagorisme dans la rédaction des Epîtres des Iḫwān al-Ṣafā’.
Site web : https://www.ifao.egnet.net/bcai/23/9/

Livre en Arabe :
Tall Al-ḥağğ ‘Umar, Kitāb Ar-rimāḥ,al-Maṭba„a al-Maḥmûdiyya, ṭ.1, juz‟-2, al-Qāhira, 1900.

Ibrahima SYLLA (UCAD)


Le numérique au Département de Géographie de l’UCAD : diagnostic d’une compétence
en cours de négociation
L‟époque où la discipline « géographie » se montrait pusillanime et troublée face à
l‟émergence des technologies de l‟information et de la communication (TIC) semble bien
révolue. En effet, dans les années 1980, tandis que naissaient au sein des sciences humaines et
sociales des interdisciplinarités autour des TIC, la géographie avait fait comme si elle n‟est
pas concernée. De nos jours, la prise de conscience et le positionnement paraissent tellement
avancés que la relation entre la géographie et les technologies numériques dépasse le seul
cadre de l‟instrumentalisation des outils d‟analyse spatiale comme le système d‟information
géographique (SIG). Tout au contraire, la perspective ouverte permet désormais de placer le
numérique à la fois comme domaine de compétences (la géomatique en l‟occurrence) et
comme objet de recherche articulé autour du questionnement global de la géographie
(territoire, société, intelligence artificielle, transition numérique entre autres). Face à ces
évolutions remarquables, le Département de Géographie de l‟UCAD n‟est pas resté
insensible. Toutefois, au-delà de son engagement affirmé depuis les années 1980, il convient
de s‟interroger sur les modalités actualisées de l‟intégration du numérique au Département de
Géographie, en l‟occurrence dans ses articulations avec la vision globale de la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar face au défi du
numérique et de l‟employabilité de ses diplômés. C‟est exactement à cet objectif que s‟attèle
cette communication construite sur la base d‟une méthodologie articulée autour de deux axes
complémentaires. Le premier axe consiste à réaliser des enquêtes et des interviews avec
l‟administration de la Faculté et du Département de Géographie, ainsi qu‟avec le personnel
enseignant et les étudiants de ce Département. L‟objectif est de comprendre les fondamentaux
de l‟appropriation et les objectifs consacrés aux technologies numériques. Quant au second
axe de la méthodologie, il porte sur l‟exploitation des matériaux documentaires disponibles
ainsi que des produits issus des entretiens avec les acteurs ciblés par cette recherche.
Mots-clés : Géographie, TIC, SIG, Monde numérique, Département de Géographie de
l‟UCAD

El Hadji Omar THIAM (UCAD), Djibril MBAYE (UCAD), Adama MBENGUE


(UCAD)
L’enseignement de l’espagnol, de l’italien et du portugais à la FLSH de l’UCAD. Enjeux
scientifiques, culturels, politiques et diplomatiques.
Le département d‟Etudes Ibéro-américaines a été créé en 1957. L‟espagnol y était la langue
dominante, l‟italien et le portugais des langues optionnelles. En 1972, on assista dans ce
département à la création de deux sections autonomes : la section d‟espagnol et la section de
portugais. En 1985, l‟italien devint la troisième section du département et la même année
l‟appellation de Langues Romanes fut donnée au département.
Dans cette étude, nous nous proposons de revisiter l‟histoire du département afin de pouvoir
cerner son évolution. Dans quels contextes ces langues ont été introduites dans
l‟enseignement supérieur ? Quels étaient les enjeux culturels, politiques et diplomatiques
d‟hier qui justifiaient son introduction ? Aujourd‟hui, nous constatons la montée des matières
dites « scientifiques » au détriment des langues. Quels sont les nouveaux enjeux qui militent
en faveur du renforcement de ces trois langues ? Où en est la production scientifique des
enseignants et des étudiants ?
Des éléments de réponse basés sur des archives et des témoignages seront apportés à ces
interrogations.
Mots-clés : Espagnol, Italien, Portugais, Evolution, Enjeux, Recherche Scientifiques,
Culturels, Politiques, Diplomatiques

PANEL V
SANZA LOMANDE Edgard ( ISSSD, UNILIC) [email protected])

Impact de la recherche scientifique aux besoins socio-économiques


L‟action pour sauvegarder les acquis de la société se trouve dans l‟effort d‟une recherche
passionnante des écrits des auteurs (chercheurs) qui apportent une vision pour le changement
de la société.
Plusieurs sociétés prélogiques ont eu des retards dans la course de l‟émergence sur plusieurs
aspects de la vie en négligeant systématiquement la donne de la recherche scientifique qui
figure un des piliers de développement de nos valeurs Africaines face aux problèmes les plus
récurrents de nos sociétés .
L‟avènement malheureux de la COVID 19 qui a frappé de plein fouet notre continent ne
saurait avoir des effets moins graves que grâce à l‟ingéniosité du corps scientifique que nous
détenons.

Beaucoup d‟arbres implantés dans nos forêts contiennent des secrets scientifiques qui doivent
être déniché par nos chercheurs pour apporter des solutions aux problèmes de la société : il y a
lieu avec des investigations sérieuses que nous ayons notre propre médicament contre la
COVID 19

Car l‟Afrique contient des intelligences dans le passé comme CHEIKH ANTADIOP, qui
ont pu mettre les sciences et la recherche scientifique une des bases pour prouver le réel sur ce
qui se passe dans nos sociétés.

Grâce à l‟autonomisation de nos propres laboratoires de recherche, l‟Afrique ferait un pas


géant pour la résolution de certains problèmes socio-économiques.

Les scientifiques Africaines ont un défi à relever pour mettre fin à la famille dans les zones
subsahariennes où le taux a atteint le paroxysme ; ceci est un devoir sacré pour ces chercheurs
de pousser leurs réflexions afin de mettre à profit la terre nourricière Africaine, riche à
l‟agriculture à grande échelle par le biais des Agronomes, substrat de l‟agriculture rurale dans
le continent.

L‟impact de la recherche scientifique est créateur de plusieurs opportunités : combat de la


pauvreté, inventions des médicaments contre les maladies contagieuses, créations des
paradigmes socio-économiques pour la création des emplois,…

D‟où la raison d‟une budgétisation spéciale dans le secteur de la recherche scientifique


s‟avère cruciale.

Mots clés : impact-recherche scientifique-problèmes socio-économiques-inventions-


scientifiques

ONDUA Hervé

Le système LMD et la question de la recherche scientifique dans les Universités d’Afrique


Une vaste réforme des programmes de l‟éducation veut désormais réaliser une « école
nouvelle » portée par « la nécessité de l‟insertion socio-professionnelle ». Celle-ci se fait à
travers « l‟approche par les compétences avec une entrée par les situations de vie ».
L‟approche par les compétences s‟est progressivement insérée dans le secondaire. Elle est
introduite dans le supérieur, car le passage au LMD se fait sous sa houlette, pour permettre un
socle commun de compétences utiles à la mobilité des étudiants. Le but y est d‟« actualiser et
d‟harmoniser […] les programmes de formation, pour les arrimer aux compétences définies
par les milieux socio-professionnels ». L‟approche par les compétences vise donc
« l‟employabilité qui représente la capacité d‟un diplômé à trouver un travail après ses études,
dans son domaine d‟apprentissage. L‟employabilité est d‟autant meilleure que le chercheur
d‟emploi est plus court et que le taux de chômage des diplômés d‟une filière académique est
faible »73. Cette approche se donne dans le discours de l‟institution comme « un nouveau
paradigme »74. Imbu de ce nouveau testament pédagogique qui fait de l‟apprenant le maître du
savoir qu‟il construit lui-même, notamment avec des outils numériques qu‟offrent Internet, les
ayatollahs de la nouvelle religion de l‟apprenance brûleront probablement via toute hérétique
pour interdire tout débat. Partant de cette logique l‟on peut s‟interroger : Quels sont les
impacts de la réforme LMD sur la qualité des productions scientifiques à la faculté 75? Le
système LMD et l‟employabilité qu‟elle accompagne n‟est -elle pas une arme efficace pour
insérer les Universités africaines dans le registre impérial du capitalisme ?

Astou FALL (UCAD)

Les enseignantes-chercheures face aux défis de la recherche scientifique dans la Faculté


des Lettres de l’UCAD. : le cas du département d’anglais
Cette communication va s‟intéresser à la carrière des enseignantes chercheures du
département d‟anglais de la Faculté des Lettres et sciences humaines de l‟UCAD. En effet, la
présence masculine dans les instances de décision à l‟UCAD est plus que manifeste, même si
cette dernière est un milieu hiérarchisé où il faut avoir des grades élevés pour occuper les
postes de responsabilité. Cette disparité au niveau des postes de décision à l‟UCAD est
également remarquable dans le département d‟anglais. Non seulement les femmes y sont
faiblement représentées, mais elles peinent également à accéder au grade le plus élevé (Une
seule professeure titulaire depuis sa création), ou aux postes de responsabilité (une seule
cheffe de département), lequel accès reste conditionné par l‟évolution de leur carrière.
Nous essayerons de démontrer qu‟au-delà des considérations d‟ordre générique, culturel et
environnemental qui font obstacle à l‟évolution de la carrière des femmes, elles font face à
d‟autres réalités d‟ordre organisationnel : le système de gestion national et même international
des carrières des universitaires. Dans une analyse prospective, nous proposons une réflexion
sur leur degré d‟implication dans les affaires pédagogiques et scientifiques et dans les
instances décisionnelles du département en particulier et de la Faculté en général. Leur
nombre, autant qu‟elles sont, depuis la création du département, ainsi que leur rythme de
progression dans leurs carrières et leurs spécialités respectives feront l‟objet de notre analyse.
Il sera également question de prendre profit des leçons tirées de l‟expérience des daronnes de
ce département afin de mieux préparer la jeune génération à cerner les enjeux réels d‟une
bonne gestion de leurs carrières.

73 Guide du facilitateur, lors des « travaux préparatoires des assises sectorieles sur la reviion des
programmes des établissements technologiques et proffesssionels » Kribi, 18-19 fevrier 2015, p1-3
74 Ibid, p.2/2
Mots clés : carrière, femme, égalité, genre, culture, évolution, obstacle, discrimination,
promotion.

Mouhamadou Lamine Gaye

Université et Handicap : le défi de l’éducation inclusive.


L‟éducation inclusive est l‟accès des enfants en situation de handicap dans le système éducatif
ordinaire. D‟ailleurs, le terme « confinement » très en vogue dans cette période de Covid -19,
renvoie étymologiquement à la mise à l‟écart des personnes handicapées dans des
établissements spécialisés- cette pratique relève de l‟approche médicale du handicap, dans ce
registre le handicap, est une pathologie.
En revanche, l‟approche sociale du handicap se focalise sur les interactions avec
l‟environnement. Autrement dit, l‟environnement peut –être, un obstacle dans la réalisation
d‟un besoin ou d‟une tâche. Par exemple s‟il n‟y a pas dans l‟amphithéâtre une rampe ou un
escalier qui permettent à l‟étudiant handicapé moteur, d‟exercer sa mobilité. L‟on est
conséquemment devant une situation de handicap. Aussi, la même situation est applicable à
l‟étudiant non voyant. S‟il n‟est pas accompagné d‟un enseignant inclusionniste ou d‟un
auxiliaire de vie scolaire qui peuvent transcrire ses écrits du braille au noir. C‟est-à-dire du
braille vers la langue d‟enseignement. Ainsi, la situation de handicap qui n‟est pas compensée
génère la discrimination liée au handicap. C‟est la thèse des auteurs comme Goffman(1975),
Gardou(2005) et Fougeyrollas(2010).

Par conséquent, l‟éducation inclusive, est l‟aboutissement d‟un processus dans la prise en
charge du handicap. C‟est une nouvelle orientation pédagogique internationale, qui est mise
en oeuvre depuis les années 2000.Au Sénégal, la pratique inclusive dans le milieu scolaire est
embryonnaire. À l‟université, elle demeure un défi. L‟on se rappelle la grève des bacheliers
non-voyants de l‟Institut national d‟éducation et de formation des jeunes
aveugles(INEFJA).Ils réclamaient leur accès à l‟université. Dans une conférence de presse, le
recteur déclare que l‟université ne peut pas accueillir ces élèves handicapés. Aujourd‟hui, il y
a une évolution. Il s‟agit plutôt d‟une intégration. Car l‟inclusion exige que le système
universitaire s‟adapte au handicap.

Aliou SENE

Analyse des enjeux et des défis liés aux effectifs pléthoriques de la Faculté des Lettres et
Sciences humaines de l’UCAD
La Faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université Cheikh Anta Diop de Dakar est
confronté à de nombreuses difficultés. Et malgré les efforts d‟investissements du
gouvernement pour optimiser les performances de l‟UCAD, depuis quelques années, de
nombreuses difficultés sont apparues, notamment la surcharge des effectifs d‟étudiants,
amphithéâtres bondés, l‟insuffisance de locaux pédagogiques, et manque d‟enseignants. En
effet, les effectifs d‟étudiants à la Faculté des Lettres et Sciences humaines n‟étaient que de
96 étudiants durant l'année 1957-1958, (4 150 étudiants en 1987-1988, soit trente ans après),
ils connaissent des augmentations spectaculaires à la fin des années 90 pour dépasser le cap
des vingt mille étudiants. Aujourd‟hui, elle est la faculté la plus surpeuplée de l'Université, le
nombre d'étudiants a été multiplié environ par cent. Et face à la crise actuelle de COVID 19,
les sureffectifs dans cette faculté rendent impossibles le respect de la distanciation physique ;
mais laisser des étudiants collés les uns aux autres dans des amphis présente un risque majeur.
Dès lors, de nombreuses questions se posent. Dans cette optique, on peut se demander si
l‟infrastructure d‟accueil est-elle en phase avec les effectifs d‟étudiants ? Ces derniers
disposent-ils d‟un encadrement suffisant et plus rapproché ? La crise de la Covid-19 devrait-
elle permettre aux enseignants de repenser leur pratique pédagogique et de s‟approprier de
nouveaux outils, pour permettre aux étudiants de profiter d‟un enseignement continu ?

Le présent article s‟inscrit dans une perspective historique pour mener une réflexion
pédagogique sur les enjeux et les défis liés aux sureffectifs de la FLSH. Il s‟appuie sur des
enquêtes, et du rapport final de la Commission ad hoc sur la réforme de l‟Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, afin de montrer la nécessité de repenser davantage cette faculté, pour
fournir aux apprenants les atouts et les aptitudes intellectuelles et professionnelles nécessaires
à leur vie active.

Mots-clés : sureffectifs, enjeux et défis, repensé, encadrement, étudiants, enseignement.

YEHOUN Olivier Wétuan

La réponse de la recherche à la question de l’employabilité des jeunes en Afrique.


L‟Afrique est un continent jeune. Cela fait référence à la jeunesse de sa population. Le
développement harmonieux et durable des Etats implique et exige, la participation efficiente
de toutes les couches sociales, notamment les jeunes qui constituent la force et l‟avenir de
toute Nation. Un des atouts des pays africains dans leur processus de développement est sans
conteste l‟importance démographique de la population jeune dans la plupart des pays pour peu
que les dispositions nécessaires soient prises pour valoriser cette importante main d‟œuvre
(DARANKOUM. C 2014). L‟avenir du continent Africain qui ne peut exister sans les jeunes
est très souvent mis en doute au regard des conditions de vie difficiles des jeunes ainsi que du
système éducatif qui n‟est pas toujours en adéquation avec le marché de l‟emploi pour les
jeunes diplômés surtout ceux des universités. Face à cette situation il est important d‟y trouver
des solutions. En faisant le choix de traiter de notre thème, nous avons voulu répondre à une
question essentielle : Que peut apporter la recherche comme réponse à la lutte contre le
chômage des jeunes qui sortent des universités Africaines ? Pour traiter ce sujet, nous
travaillerons à partir d‟un certain nombre de sources que sont : les sources écrites, numériques
et audio-visuelles.
L‟objectif est de comprendre pourquoi malgré la jeunesse de la population Africaine ainsi
que l‟existence de nombreuses universités, les jeunes demeurent encore pour la plupart
frappés par le chômage et comment la recherche peut-elle être une solution à ce problème.
Cette communication permettra d‟abord de passer en revue la situation des jeunes Africains,
ensuite les offres classiques de formation existantes et enfin les reformes nécessaires pour un
secteur de recherche pourvoyeur d‟emploi pour les jeunes diplômés.

Mots clefs : Recherche-Jeune-Africains-Chômage-Employabilité

Yankhouba SEYDI

Covid-19, the Threat that Became an Opportunity for Digital Learning in Public Higher
Education in Africa, Case in Point : Senegal
In Africa, the education sector, especially Higher Education has been hit hard by the impact of
Covid-19. This can essentially be explained by the overpopulation and infrastructure shortage
at all levels of higher learning system and in almost everywhere. In such a context where both
physical and social distancing measures are ineffective and impossible for people born and
raised in values of social life, the only decision to take seems to be a forced break until the
situation returns to normalcy no matter how high the risk of drop-outs and unlearning was. In
Senegal, universities closed and students were sent back home upon a presidential decision of
March 16, 2020. Yet, seven years earlier, the new political authorities of Senegal launched an
ambitious reform through a national consultation on the future of Higher Education known as
(CNAES)76. One of the 78 recomendadations was about more introduction of IT in the
teaching strategies. Most of the recommendations were all put away. But when the Covid-19
pandemic hit, the first measures were to do bimodal education with more distance teaching,
exactly as it was recommended seven years ago. Embryo platforms of the different colleges
and schools of universities have now received the attention, investments and care they‟ve
never had to make e-learning the new reality of Senegalese universities despite the numerous
challenges.
This paper examines the ways in which Covid-19, despite being a big threat, has been the
click towards the implementation of some important reforms in the higher education teaching
system in Senegal, specifically digital learning.

Ibra SENE

L’Université sénégalaise face aux défis de la qualité, de l’excellence, et de la pertinence:


Étude de Cas de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université Cheikh Anta
Diop de Dakar
Les différentes conversations sur la réforme de l‟enseignement supérieur ont montré que nos
universités regorgent d‟un important potential. L'enseignement, la recherche, et le service à la
76
Concertation Nationale sur l‟Avenir de l‟Enseignement Supérieur
communauté constituent le tryptique essentiel de la mission assignée à l‟université. Vue sous
cet angle, les formations qu‟assure la Faculté des Lettres et Sciences Humaines peuvent offrir
aux étudiants une bonne compréhension des fondements et trajectoires historiques de
communautés diverses aux plans local, national, africain, et mondial. Conséquemment, cette
formation peut aider les étudiants à développer des capacités d‟imagination, d'interprétation,
de discernement, d‟anticipation, et un sens critique solide. Ce sont là des compétences utiles
et transferables dans la vie professionnelle et/ou la vie citoyenne de tout diplômé. A l‟échelle
de l‟UCAD, la Faculté des Lettres peut faire bénéficier les autres facultés, écoles, et instituts
de cet important potentiel. En effet, l‟agilité intellectuelle que procurent les arts et les
humanités est cruciale dans la formation de nos ingénieurs, médecins, et autres professionnels.
Ma communication se focalise spécifiquement sur le rôle que la Faculté des Lettres pourrait
jouer dans le renouveau de l‟enseignement supérieur. D‟abord, j‟analyse l‟apport critique
potentiel de la Faculté à la formation des étudiants de toute l‟UCAD. A cet effet, j‟utilise le
cadre propice de la mise en place du système LMD, en m‟inspirant de théories, modèles, et
principes de l‟organisation des universités utilisés ailleurs. J‟aborde tous ces aspects sous
l‟angle de l‟ouverture de nos universités au monde socio-économique, qui est un des gages les
plus sûrs d‟un enseignement supérieur pertinent, d‟excellence, et de qualité. Bien que nous
puissions apprendre des autres, il est absolument nécessaire que nous osions repenser nos
universités à la lumières de nos propres besoins de développement endogène, en leur dotant
du cadre et des ressources humaines et matérielles nécessaires pour accomplir
convenablement leur mission sacrée de service public.

PANEL VI
Mamadou Yéro BALDÉ (UCAD)
Coopération scientifique et mobilité académique. Les échanges entre la Faculté des Lettres
et Sciences Humaines (F.L.S.H.) de Dakar et les établissements français d’enseignement
supérieur (années 1970-1980)
Dans les années 1970, la recherche s‟internationalise. Elle se structure dans de grands
ensembles régionaux et internationaux. Elle obéit à des impératifs politiques, socio-culturels
et stratégiques. Elle devient synonyme de puissance, de progrès et d‟indépendance. Dès lors,
la France accentua sa présence, par le biais de la science, dans son précarré ouest-africain,
dont le Sénégal était longtemps l‟un des symboles politiques. Zone, du reste, sous la menace
du communisme, dans un contexte de guerre froide. Pour leur part, les autorités sénégalaises -
engagées depuis l‟indépendance dans une politique de développement nationale et aspirant à
bâtir la nation par les hommes – œuvrèrent, pour un brain-drain temporaire, consenti,
autorisé et encouragé de ses élites. À travers la F.L.S.H., un véritable « tronçon migratoire
scientifique » allait, dès lors, se constituer entre les départements d‟Histoire et de Géographie
et des établissements d‟universités françaises comme Strasbourg, Perpignan, Paris IV-
Sorbonne, Paris VII et Aix Marseille I.
Cette communication analyse ainsi les enjeux du partenariat scientifique entre Dakar et
77
Paris , à travers les échanges entre la F.L.S.H. et certains établissements d‟enseignement
supérieur français, des années 1970, âge d‟or de ce partenariat, aux années 1980, période de
son « déclin ». Au-delà, elle s‟intéresse aux textes régissant ce partenariat, à ses mécanismes,
à ses aspects et à son bilan.

Moussa SAMBA (UCAD)

Un siècle d’édition scientifique à l’UCAD : Quels Bilan et perspectives à la FLSH ?


La création de l‟Université de Dakar, le 24 février 1957, est, sans aucun doute, un moment
fort de l‟histoire du Sénégal. Depuis cette date, d‟éminentes personnalités y ont été formées et
l‟Institution a évolué ouvrant ainsi, progressivement, ses portes à la recherche scientifique et à
la publication. Le service éditorial, plus connu sous l‟appellation des Presses Universitaires de
Dakar (PUD), a été créé 32 ans plus tard, en 1989, dans le but de répondre à ces nouvelles
exigences. Mais les Ecoles, Instituts et Facultés de l‟UCAD n‟ont pas attendu cet arrêté
rectoral pour valoriser et publier les résultats de la recherche. Aussi bien dans les instituts
comme l‟IFAN que dans les facultés comme la FLSH des revues ou périodiques y ont vu le
jour afin de permettre à l‟édition scientifique de s‟épanouir en tant que véritable levier de la
recherche. Quel a été l‟héritage de la FLSH dans ce domaine après un siècle de présence de
l‟édition scientifique depuis la création de l‟école de médecine de l‟AOF à Dakar en 1918 ?
Quel bilan devons-nous faire de l‟édition scientifique à la FLSH ? Quelles sont les
perspectives envisagées à l‟aune du numérique ? Précisément, il s‟agira d‟analyser les
nouveaux défis auxquels l‟édition est confrontée. Comment exploiter toutes les opportunités
offertes par les technologies de l‟information et de la communication (TIC) dans le but de
valoriser la production scientifique à la FLSH ?

Inoussou DIANDIA (UJK)

77 Dakar et Paris sont à comprendre, ici, comme les Républiques sénégalaise et française.
La contribution de la FLASH de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar à la formation
des élites burkinabè
Le Burkina Faso, à l‟instar des autres pays francophone de l‟Afrique de l‟Ouest,
l‟enseignement supérieur a connu un essor à par des années 1970. Ce faisant, au lendemain de
colonisation, le Sénégal était le seul pays en Afrique de l‟Ouest pouvant accueillir les
étudiants de Burkina Faso. C‟est ainsi que certains étudiants burkinabé après l‟obtention de
leur baccalauréat ont été envoyés à l‟Université de Dakar. Dans ladite université, ces étudiants
recevaient des formations dans plusieurs disciplines à savoir en médecine, histoire, droit,
lettres, etc. De ce fait, la faculté des Lettres et Sciences humaines de l‟Université de Dakar a
accueilli des milliers d‟étudiants burkinabé. Ainsi, avant la création de l‟Université de
Ouagadougou en 1974, l‟Université de Dakar était l‟une des destinations des étudiants du
Burkina Faso. C‟est fort de ce constat que s‟inscrit la présente communication. Cette
communication pose la problématique la contribution de la faculté des Lettres et Sciences
humaines de l‟Université de Dakar à la formation des élites burkinabé de 1960 à 1987. En
d‟autres termes, quelles sont les élites du Burkina Faso formées par la faculté des Lettres et
Sciences humaines de l‟Université de Dakar ? Pour répondre à cette question, nous nous
sommes penchés sur les enquêtes de terrain d‟une part et d‟autre part sur la revue de
littérature traitant les questions de la formation des étudiants du Burkina Faso par l‟Université
Cheikh Anta DIOP.
Mots clés : Elite- Université de Cheikh Anta DIOP- FLASH- Université de Ouagadougou-
sciences humaines

Missa MILLOGO (UNBBD)

Syndicalisme et politique à la FLSH de l’Université de Dakar : conversion d’Adama A.


Touré au communisme et son impact sur la vie politique au Burkina Faso ( 1959 à 1987)
La FLSH de l‟Université de Dakar, créée officiellement en 1959, est héritière du Comité
d‟études historiques et scientifiques de l‟AOF créé en 1915. Elle a façonné sur le plan
scientifique, politique et syndical les élites oeust-africaines notamment voltaïques devenus
burkinabè. De nombreuses élites burkinabè ont été formées dans cette faculté. Parmi elles,
figure en bonne place Adama A. Touré, né en 1936. Il fit des études d‟histoire de géographie,
de 1959 à 1967, couronnées par le Diplôme d‟études supérieures (DES).
A l‟époque, la vie politique à l‟université de Dakar, et par ricochet la faculté, est
bouillonnante. Il est approché par les militants du PAI (Partie Africain de l‟Indépendance), un
“parti communiste”, plus ou moins influent sur le syndicat étudiant et ne tarde pas à rejoindre
les rangs de ce parti. De retour en Haute Volta, en 1967, il deviendra un militant de premier
plan de la section voltaïque jusqu‟à devenir son secrétaire général en 1975.

La présence communication traite de l‟impact de la faculté sur la vie politique ouest à travers
le militantisme d‟un de ses produits. Elle aborde le brouillement politique et syndical à la
faculté pendant l‟indépendance, la place et le rôle d‟Adama Touré dans l‟introduction du
communisme en Haute-Volta, la « gauchisation » du mouvement étudiant et des jeunes
officiers, la préparation et l‟arrivée au pouvoir en 1982, sa conquête en 1983, sa gestion en
1984 et la prison de 1984 à 1987.

Mamadou DIA
DAFF, le malien
Premier docteur formé par le Pr Moussa DAFF, nous avons entretenu des relations ayant
abouti à la formation d‟auteurs docteurs et à des missions d‟enseignement à l‟université de
Bamako pour le professeur. Au cours de ses multiples missions à Bamako, le Pr DAFF a
laissé l‟image d‟un excellent enseignant, d‟un scientifique accompli, d‟un homme respectueux
des valeurs traditionnelles… Nous ferons un témoignage dans ce sens

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