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https://www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2022-2-page-6.htm
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Introduction
Par Hervé LE TREUT
IPSL
Et Michel PASCAL
Conseil général de l’économie
C e numéro consacré à l’adaptation au changement climatique s’inscrit dans un contexte très favorable, quelques
semaines à peine après la sortie du rapport du groupe 2 du GIEC, précisément intitulé « Impacts, adaptation et
vulnérabilité ».
Il s’inscrit aussi dans un cadre plus large, marqué par une série de rapports dont beaucoup sont issus du GIEC,
et ont systématiquement porté le message d’une évolution rapide et négative de notre environnement climatique.
Les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas cessé d’augmenter et créent désormais une situation partiellement
irrémédiable.
Cette situation, aux conséquences multiples, a rendu nécessaire de considérer différemment la gestion et la protec-
tion de nos territoires, qui ont fortement évolué depuis le précédent dossier des Annales des Mines consacré à cette
problématique, lequel date de 2004.
La compréhension de ces changements se décrit au travers d’une large variété de questionnements. Comment
se dessine aujourd’hui le suivi d’un climat en pleine évolution, et dans quel contexte (lequel est souvent interdisci-
plinaire) ? Comment conduire de front des actions d’atténuation, c’est-à-dire de réduction des émissions de gaz à
effet de serre, et les actions d’adaptation qui y sont associées, en France et dans le monde ? Comment en gérer
les conséquences ? Quelles initiatives sont prises dans les territoires pour organiser cette adaptation et anticiper
l’avenir ? C’est à toutes ces interrogations que s’attache à répondre ce numéro.
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Nous remercions chaleureusement la vingtaine de rédacteurs qui ont bien voulu, à travers leurs articles, éclairer le
lecteur sur de nombreux aspects liés à l’adaptation au réchauffement climatique.
La connaissance progresse très vite…, les changements aussi.
Le GIEC est aujourd’hui formel : c’est bien l’homme qui est désormais le premier responsable des émissions de gaz
à effet de serre, des émissions en augmentation très forte et qui conduisent au réchauffement climatique que nous
connaissons aujourd’hui. Le GIEC est tout aussi formel sur les conséquences, qui sont importantes, mais aussi très
différenciées selon les paramètres ou les temporalités auxquels on s’intéresse. La gestion des territoires exige de
disposer d’une connaissance à des petites échelles d’espace et de temps. Mais il est aussi impossible d’ignorer des
processus qui engageront le futur pour des milliers d’années, et probablement plus.
Nous disposons aujourd’hui d’informations et d’instruments qui permettent de mieux appréhender la variété des
phénomènes extrêmes liés au changement climatique, et leurs conséquences qui sont et seront différentes selon
que l’on se situe en Europe, en Afrique, en Asie ou au pôle Nord. Ces situations témoignent de changements indé-
niables et importants. Elles rendent aussi de plus en plus difficile la différenciation des besoins d’atténuation – à
l’origine des premières manifestations du changement climatique – des besoins d’adaptation ‒ qui jouent un rôle
croissant, même s’ils apparaissent encore trop souvent comme un peu secondaires.
La partie la plus septentrionale de l’hémisphère Nord a toujours servi de vigie, annonçant les changements les plus
importants. Elle va connaître, selon toute probabilité, une élévation des températures de 4 à 6°C au cours des pro-
chaines décennies, soit une augmentation deux fois supérieure à la moyenne mondiale. Ce sont des chiffres très
inquiétants, dont l’importance a déjà été étudiée depuis longtemps. Ils témoignent aujourd’hui de situations qui ne
sont plus directement gérables, parce qu’elles ne permettent pas de retour en arrière. La disparition progressive,
pendant l’été, de la calotte glaciaire arctique supprime l’effet d’albédo, et conduit donc à une augmentation de l’ab-
sorption des rayons solaires et, concomitamment, au réchauffement. Elle se présente ainsi comme un phénomène
cumulatif qui n’offre qu’une seule échappatoire : le recours à l’adaptation.
Ce recours comme unique solution se retrouve dans une multitude de cas. La fonte des sols gelés de Sibérie s’accom-
pagnant de la possible libération d’importantes quantité de méthane, les déserts qui s’étendent, l’évolution climatique
dans les régions du sud et du nord de la Méditerranée, les périodes de forte chaleur comme celles de 2003, l’attribution
des événements extrêmes (cyclones, tempêtes, inondations) aux actions humaines..., tous constituent autant d’évé-
nements extrêmes qui s’accroissent du fait du réchauffement climatique. Alors que ces phénomènes sont par nature
assez imprévisibles pris isolément, le GIEC et les différents laboratoires qui scrutent les évolutions en cours ont pu
montrer qu’il existe effectivement une croissance généralisée de ces phénomènes ayant des conséquences humaines
et financières majeures – et appellent là aussi à une gestion nouvelle de ces problématiques.
La première partie de ce numéro de Responsabilité & Environnement est ainsi consacrée à cette mise au point des
connaissances, qui demande de développer des outils pour prévoir, pour anticiper.
Les investissements publics comme privés doivent aujourd’hui prendre en compte la situation qui existera dans un
horizon humain de vingt à trente ans. Et cela est un fait nouveau. L’exemple le plus simple est l’opportunité de l’in-
vestissement dans une station de ski. La question de l’enneigement n’est aujourd’hui pas encore partout cruciale,
mais elle se posera partout dans vingt ou trente ans. Il faut donc l’examiner dès maintenant au regard des durées
d’amortissement des investissements. Les exemples sont nombreux où l’on perçoit les difficultés des acteurs à
réfléchir en adoptant cette nouvelle approche. Sur ce point, on pourra découvrir un outil intéressant développé par
Météo-France pour aider ces acteurs dans leurs prises de décisions, un outil qui permet, dans une région donnée,
en cliquant sur une carte, de prévoir quel en sera le climat à des horizons prédéterminés. Cet outil, tout nouveau et
très simple, pourrait ainsi grandement faciliter le travail des décideurs, des élus certes, mais aussi de tous ceux qui
doivent prévoir l’aménagement du territoire, la réalisation d’investissements. Les effets du réchauffement sont déjà
visibles.
Une large partie de ce numéro est consacrée à ce qui est plutôt une nouveauté en France. Le réchauffement n’est
pas quelque chose de lointain, ni quelque chose d’hypothétique ou quelque chose qui ne concernerait que les géné-
rations futures. C’est une réalité des plus actuelles.
Ainsi, le lecteur pourra découvrir les effets du réchauffement dans les territoires : territoires littoraux, de montagne.
Mais aussi sur les ressources et les activités : ressource en eau, production d’énergie, activités en zone de mon-
tagne, agriculture. Nous disposerons aussi dans ce numéro d’un état des lieux des effets sur le vivant : la santé
humaine (impacts des canicules), la biodiversité (par exemple, la remontée en latitude d’espèces invasives comme
la chenille processionnaire ou le moustique tigre).
Le réchauffement climatique, c’est aussi un coût ! Un article d’un représentant de la Caisse centrale de réassurance
nous en fournit le détail. Nous pouvons également penser au fameux rapport Stern, qui a été vice-président de la
Banque mondiale et a évalué, en 2006, le coût du réchauffement, dans le meilleur des cas, à un peu plus de 1 %
du PIB mondial…, à condition de consacrer 1 % de ce même PIB pour contenir l’augmentation des émissions. Dit
autrement, si l’humanité consacre moins de 1 % du PIB aux mesures d’atténuation, le coût à supporter sera bien
supérieur, pouvant même aller jusqu’à 14 % selon certaines hypothèses. En clair : le coût de la réduction des émis-
sions est inférieur au coût des dommages.
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De nombreuses actions sont en cours et portent déjà leurs fruits, avec pour optique de changer le regard que nous
portons sur le changement climatique.
La troisième partie de ce numéro est la plus fournie. Cela veut dire que de nombreux acteurs sont désormais orien-
tés vers la mise en place de solutions. Il ne s’agit pas, et il est bon de le répéter, de baisser la garde au regard de
la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre ; il faut en outre prendre en compte les nécessités de
nous préparer à des changements climatiques qui ne sont pas maîtrisés au niveau mondial, donc au niveau national
et au niveau local. Il faut donc mener de front atténuation et adaptation.
Cette situation est difficile à gérer ; elle est nouvelle parce qu’elle a sans doute été trop longtemps oubliée (ou
plutôt ignorée). Les investissements que nous faisons aujourd’hui ne porteront leurs fruits que demain et, pendant
ce temps, le climat aura changé et continuera de changer. Nous n’avons donc pas le choix : l’adaptation doit être
rapide, et elle doit aussi anticiper le futur. La recherche climatique menée dans ce contexte ouvre de nouvelles
fenêtres sur un futur proche : les émissions de gaz à effet de serre des vingt dernières années dictent le climat des
vingt prochaines années. La situation est plus difficile à appréhender quand on se projette à plus long terme. Quand
on prévoit un investissement qui va durer cent ans, il est nécessaire d’imaginer la situation à cette échéance. Quand
on protège une ville contre les crues d’un cours d’eau, quand on veut reconstruire après une inondation catastro-
phique…, il ne faut pas faire « comme avant », il ne faut pas se baser sur les plus hautes eaux constatées dans le
passé, mais prévoir ce que seront ces plus hautes eaux dans l’avenir.
On verra qu’une large place est laissée à la planification : aux plans européens et aux plans nationaux d’adaptation au
changement climatique. Le lecteur pourra aussi se rendre compte dans quelle mesure ces plans sont mis en œuvre.
Mais la complexité de l’adaptation tient à beaucoup d’autres critères et enjeux. Le monde des régions, des villes,
des agglomérations est habité par des citoyens, des travailleurs, des entreprises, et c’est à ce niveau que naissent
beaucoup d’initiatives. Ces territoires nous montrent le chemin. La question de l’agriculture est elle aussi bien
évidemment centrale : assurer l’alimentation des populations passe par une agriculture performante ; celle-ci doit
s’adapter à des conditions multiples, en recherchant des pratiques culturales plus économes en intrants de toutes
natures, des produits moins gourmands en eau, et en étant attentive aux enjeux sanitaires...
Développer l’adaptation, c’est au bout du compte essayer de reconstruire le monde d’aujourd’hui, celui où nous
vivons, pour le rendre compatible avec des lendemains proches. Nous espérons à travers ce numéro y avoir apporté
une contribution utile.