Mémoire de Recherche de Master 1

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UNIVERSITÉ PARIS 8

INSTITUT D'ÉTUDES À DISTANCE (IED)

Mémoire de recherche de Master 1

PSYCHOLOGIE

Parcours Psychologie Clinique et Psychothérapies

Impact d’un atelier d’hortithérapie

dans le cadre d’un programme d’éducation thérapeutique

à destination de personnes atteintes d’obésité

Soutenu par Elisabeth Cuchet

nº d’étudiante : 12316688

Sous la direction de Léonore Robieux

2021/2022
« Dans de nombreux cas, les jardins et la
nature sont plus efficaces que n’importe
quel médicament »
Oliver Sacks (1933-2015)

« qui soigne son jardin soigne son âme »


Adage Chinois

2
Remerciements

Tout d’abord un immense merci à la psychologue du service, pour son intérêt pour ma
recherche, son support dans sa mise en place au sein du service, et les discussions passionnantes
que nous avons pu avoir ensemble.

Merci à l’hortithérapeute, pour sa gentillesse et sa flexibilité, autant avec moi qu’avec les
patients. Elle n’est pas professionnelle du soin, elle y excelle pourtant en offrant avec
bienveillance aux patients de découvrir la nature. Cette recherche n’aurait pas pu être menée
sans elle.

Je remercie également la cheffe de service, elle aussi très intéressée par mon travail, toujours
bienveillante et impliquée, qui n’a pas hésité à changer les plannings du service pour y inclure
ma recherche.

Merci à tout le service, qui m’a accueilli avec beaucoup de gentillesse et à accepter avec le
sourire mes intrusions dans l’organisation des soins.

Et aussi un immense merci aux patients, qui ont accepté de participer à cette étude.

Un grand merci surtout à ma directrice de mémoire, Eléonore Robieux, qui a consacré beaucoup
de temps à notre groupe de séminaire et a apporté à chacun des retours riches et précis tout au
long de ce travail de recherche.

Enfin, merci à mes enfants, et surtout à mon mari, qui m’ont toujours soutenue dans mes projets
professionnels et personnels les plus fous.

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Résumé

L’éducation thérapeutique (ETP) en obésité tend aujourd’hui à inclure dans la prise en charge
des patients de nouvelles approches psychothérapeutiques, afin de mieux prendre en compte la
dimension psychologique de cette pathologie.

Objectifs : Dans ce cadre, cette recherche exploratoire évalue l’impact d’un atelier
d’hortithérapie, médiation par le végétal, sur l’estime de soi et les émotions, et plus largement,
étudie si l’hortithérapie peut représenter une ressource pour s’ouvrir à soi et aux autres, et
stimuler la motivation au changement.

Méthode : cette recherche se compose de 3 volets. Une étude contrôlée pseudo randomisée
compare l’évolution de l’estime de soi, des émotions et de l’alexithymie pour un groupe de 14
patients bénéficiant d’un atelier d’hortithérapie vs un groupe contrôle de 13 patients. Pour le
groupe d’étude, l’évolution des émotions avant et après l’atelier est aussi quantifié. Enfin, une
étude qualitative thématique est menée sur 6 de ces patients à l’aide d’entretiens semi-directifs
pour éclairer les résultats quantitatifs.

Résultats : l’étude montre que l’atelier d’hortithérapie améliore l’estime de soi. On retrouve
d’autre part une amélioration des émotions après l’atelier, mais qui n’est pas significative vs le
groupe contrôle. L’étude qualitative montre que l’hortithérapie est plus généralement source de
bien-être, source d’expression, qu’elle permet aux patients de faire une pause dans le
programme d’ETP, de se relier aux autres et de se remettre en mouvement.

Conclusion : l’hortithérapie pourrait constituer une approche thérapeutique complémentaire


dans le cadre de programme d’ETP en obésité, en accompagnant les patients à se remettre en
mouvement pour prendre soin d’eux.

Mots clés : hortithérapie – obésité – éducation thérapeutique - changement

4
Summary

Today, Therapeutic patient education (TPE) in obesity tends to include new psychotherapeutic
approaches in patient care management, to better account for the psychological dimension of
the pathology.

Objectives: in this framework, this exploratory research evaluates the impact of a horticultural
therapy workshop, mediation by nature, on self-esteem and emotions, and more generally study
if horticultural therapy is a resource to open up to oneself and others and stimulate motivation
to change.

Methodology: this research includes 3 studies. A pseudo randomized controlled study


compares self-esteem, emotions, and alexithymia evolution between a group of 14 patients
attending an hortitherapy workshop and a control group of 13 patients. The evolution of
emotions pre and post workshop is also analyzed for the study group. Finally, a thematic
qualitative study is conducted on 6 of these patients based on semi directive interviews to better
understand and complement the outcomes of the quantitative study.

Results: the study shows that the horticulture therapy workshop improves self-esteem. The
workshop also improves emotions, but not significantly vs the control group. The qualitative
study shows that not only is self-esteem improved, but horticulture therapy is more generally
source of wellbeing, source of expression, and allows patients to take a break, connect to others
and induces them to move forward.

Conclusion: hortitherapy could provide a complementary therapeutic approach in the


framework of TPE in obesity, by inducing patients to move towards caring for themselves.

keywords: horticultural therapy – obesity – therapeutic patient education - change

5
Table des matières
Remerciements ........................................................................................................................... 3
Résumé ....................................................................................................................................... 4
Summary .................................................................................................................................... 5
Introduction ................................................................................................................................ 8
1 Revue de littérature ............................................................................................................. 9
1.1 Obésité ......................................................................................................................... 9
1.1.2 Dimensions sociales et biologiques de l’obésité .................................................. 9
1.1.3 Dimensions psychologiques en jeu dans l’obésité ............................................. 11
1.2 L’éducation thérapeutique dans le traitement de l’obésité ........................................ 15
1.2.1 L’éducation thérapeutique .................................................................................. 15
1.2.2 L’éducation thérapeutique en obésité ................................................................. 17
1.3 Un nouveau type de médiation thérapeutique : l’hortithérapie ................................. 20
1.3.1 Définition et bases théoriques ............................................................................ 20
1.3.2 Bénéfices de l’hortithérapie ............................................................................... 20
1.3.3 L’hortithérapie dans le cadre d’ETP en obésité ................................................. 22
1.4 Problématique et hypothèses ..................................................................................... 23
2 Méthode ............................................................................................................................ 25
2.1 Etude quantitative ...................................................................................................... 25
2.1.1 Description ......................................................................................................... 25
2.1.2 Variables ............................................................................................................. 26
2.1.3 Participants ......................................................................................................... 26
2.1.4 Matériel .............................................................................................................. 27
2.1.5 Description de l’analyse statistique .................................................................... 28
2.2 Etude qualitative ........................................................................................................ 29
2.2.1 Description ......................................................................................................... 29
2.2.2 Participants ......................................................................................................... 29
2.2.3 Matériel .............................................................................................................. 31
2.3 Procédure globale pour l’ensemble de la recherche .................................................. 33
2.3.1 Description de la procédure................................................................................ 33
2.3.2 Description de l’atelier ....................................................................................... 34
3 Résultats ............................................................................................................................ 35
3.1 Analyse quantitative .................................................................................................. 35
3.1.1 Description des données ..................................................................................... 35
3.1.2 Etude groupe jardin vs groupe contrôle ............................................................. 37

6
3.1.3 Etude longitudinale pré et post atelier ................................................................ 39
3.2 Analyse qualitative .................................................................................................... 41
3.2.1 Source de bien-être ............................................................................................. 41
3.2.2 Source d’expression ........................................................................................... 43
3.2.3 Reprendre son souffle pendant le programme d’éducation thérapeutique ......... 44
3.2.4 Se mettre en mouvement .................................................................................... 45
3.2.5 Relation aux autres ............................................................................................. 46
4 Discussion ......................................................................................................................... 47
4.1 Synthèse des résultats ................................................................................................ 47
4.2 Interprétation des résultats ......................................................................................... 48
4.2.1 Estime de soi et émotions ................................................................................... 48
4.2.2 Thèmes évoqués ................................................................................................. 48
4.2.3 Eclairage théorique des mécanismes de mise en mouvement ............................ 49
4.3 Comparaison à la littérature et perspectives .............................................................. 50
4.3.1 L’hortithérapie : une médiation à généraliser .................................................... 50
4.3.2 Vers une médiation personnalisée ...................................................................... 51
4.4 Limites méthodologiques de la recherche ................................................................. 52
5 Conclusion ........................................................................................................................ 54
6 Bibliographie..................................................................................................................... 55
7 Annexes .................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
7.1 Guide d’entretien .............................................................. Erreur ! Signet non défini.
7.2 Questionnaires .................................................................. Erreur ! Signet non défini.
7.2.1 Questionnaire de qualité de vie SF-36 ...................... Erreur ! Signet non défini.
7.2.2 Questionnaire d’anxiété dépression HAD ................. Erreur ! Signet non défini.
7.2.3 Questionnaire d’estime de soi de Rosenberg ............ Erreur ! Signet non défini.
7.2.4 Questionnaire sur les émotions PANAS ................... Erreur ! Signet non défini.
7.3 Note d’information et consentement patient .................... Erreur ! Signet non défini.
7.4 Arbre thématique .............................................................. Erreur ! Signet non défini.
7.5 Verbatims des entretiens ................................................... Erreur ! Signet non défini.
7.5.1 Exemple d’entretien Sujet S2 .................................... Erreur ! Signet non défini.

7
Introduction
L’obésité est une maladie chronique d’étiologie à la fois biologique, psychologique et sociale,
ce qui rend son traitement particulièrement complexe. La direction de la santé recommande
donc aujourd’hui une prise en charge incluant un programme d’éducation thérapeutique (ETP),
afin de permettre au patient de mieux comprendre sa maladie et de s’engager activement à
changer ses modes de vie. Pourtant, la dimension psychologique de la maladie reste souvent un
frein à la capacité de changement du patient. C’est pourquoi de nouvelles approches
thérapeutiques sont aujourd’hui explorées afin de mieux cibler cette dimension psychologique
de la maladie.

Par ailleurs, dans une société où l’urgence climatique met en lumière le rôle central de la nature
pour la vie de l’homme, on redécouvre que les bénéfices des plantes étaient déjà connus 3000
ans avant J.-C. chez les Chinois et les Sumériens. Au XIe siècle, les cloîtres sont construits
autour de jardins associant le végétal au sacrée et au soin et au XIXe siècle, les hôpitaux
s’agrémentent de grands parcs (Pringuey-Criou, 2015). Il faudra cependant attendre les années
1980 pour que soient théorisés les bénéfices de la nature sur l’homme et que naisse le terme
d’hortithérapie, médiation thérapeutique par le végétal. Depuis, des études scientifiques sont
menées pour démontrer son efficacité, de la prévention de la récidive en prison à la santé des
adolescents, de la maladie psychiatrique à l’accompagnement de la vieillesse.

Ainsi, il semble pertinent de questionner l’impact que pourrait avoir l’hortithérapie dans l’ETP
en obésité. Cette médiation peut-elle être une de ces nouvelles approches thérapeutiques
permettant de cibler spécifiquement la dimension psychologique dans le cadre d’un programme
d’ETP en obésité ?

Pour répondre à cette question, cette recherche présente d’une part la littérature scientifique sur
l’obésité et l’ETP en obésité, et d’autre part l’état de l’art sur l’hortithérapie, dans ses
applications multiples et plus spécifiquement en ETP obésité. Sur la base de la revue de
littérature, cette recherche adopte une méthodologie mixte, pour quantifier d’une part l’impact
d’un atelier d’hortithérapie sur l’estime de soi et les émotions, et d’autre part explorer plus
largement les ressources que cet atelier peut apporter aux patients à travers une étude qualitative
thématique.

8
1 Revue de littérature
1.1 Obésité
1.1.1.1 Définition et prévalence
L’obésité est considérée comme une maladie chronique évolutive par l’OMS depuis 1998, qui
la définit comme « une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque
pour la santé », et dont le critère objectif est un indice de masse corporelle (rapport du poids sur
la taille au carré) supérieur à 30. Sa prévalence ne cesse de croitre dans le monde depuis 30 ans.
Aujourd’hui, environ 1 milliard de personnes sont touchées, la plupart dans les mégalopoles
des pays en voie de développement (Froguel, 2010). Pourtant, les pays développés ne sont pas
épargnés. En France, plus de 8 millions de personnes en souffrent (Ministère des Solidarités et
de la Santé, 2019) et elle constitue un véritable enjeu de santé publique. Le gouvernement
français a donc lancé en 2001 un Plan National Nutrition Santé (PNNS), reconduit
successivement en 2006, 2011, 2019 jusqu’à 2023 (Ministère des Solidarités et de la Santé,
2019) pour faire face à cette épidémie.

Cette maladie de la nutrition est extrêmement complexe, car entremêlant des facteurs
biologiques, sociaux et psychologiques qui bien souvent se renforcent les uns les autres. Le
paragraphe suivant détaille les composantes biologiques et sociales, avant d’explorer les
dimensions psychologiques de l’obésité.

1.1.2 Dimensions sociales et biologiques de l’obésité

1.1.2.1 Dimensions sociales


L’épidémie d’obésité est d’abord civilisationnelle, entremêlant de multiples facteurs sociaux et
économiques. Nos modes de vie moderne ont réduit nos dépenses énergétiques, grâce au
chauffage et à la climatisation, aux moyens de transport, au travail de bureau, alors que notre
consommation alimentaire n’a diminué que dans une moindre mesure (Puhl & Heuer, 2010).
De plus, Poulain (2000) souligne que le faible statut socioéconomique est aussi un facteur
important dans l’épidémie d’obésité, et est à la fois cause et conséquence de celle-ci.

Cause d’abord, car la nourriture saine est plus chère que la nourriture énergétique et industrielle.
De plus, les classes sociales populaires pratiquent moins de sports de loisir que les classes
moyennes et supérieures, et sont les principalement cibles des messages marketing et
publicitaires de la nourriture industrielle (Poulain, 2000).

9
Conséquence aussi, car l’obésité influence les trajectoires sociales. En effet, l’obésité est une
maladie que la société n’accepte pas, à tel point que les discriminations liées au poids semblent
aussi importantes que celles liées à la couleur de peau aux USA. De l’achat d’une place de
cinéma au poids du regard esthétique, la personne obèse est dévalorisée et mise au ban de la
société (Poulain, 2000). Cette discrimination est telle que le néologisme « grossophobie » fait
son apparition dans le dictionnaire en 2019. Cette stigmatisation est liée à l’idée que les
personnes en surpoids manqueraient de volonté pour maigrir. Ainsi, il serait normal de les
considérer comme des personnes paresseuses, bêtes ou moins brillantes (Puhl & Heuer, 2010).
Poulain (Amilien, 2003) décrit en effet la stigmatisation comme reposant sur la croyance que
l’obésité reflète les qualités morales de la personne, qui aurait ainsi un faible contrôle sur elle-
même, serait peu digne de confiance, aurait une mauvaise hygiène et peu d’ambition
professionnelle.

1.1.2.2 Dimensions biologiques


Outre les aspects socio-économiques, il existe aussi des facteurs génétiques à l’obésité, avec un
risque multiplié par 5 à 8 pour les enfants de parents obèses (Froguel, 2010). Par ailleurs, les
mécanismes biologiques en jeu dans la prise alimentaire sont complexes. Ils impliquent des
mécanismes neurochimiques entre le tissu adipeux et le cerveau, des réseaux de neurones entre
différentes zones du cerveau et relèvent de deux types de mécanismes : le contrôle
homéostatique et le contrôle hédonique.

Le contrôle homéostatique est géré par un ensemble complexe de mécanismes biologiques de


régulation, qui s’efforce de maintenir la masse graisseuse autour d’une valeur de consigne : le
set-point. Malheureusement, ce set-point est bien souvent au-dessus de l’idéal de poids que
notre société projette, créant beaucoup d’insatisfaction et impactant l’image de soi.
L’organisme fait son possible pour réguler l’assimilation des aliments consommés, afin de
maintenir ce set-point à une valeur fixe. Cependant, quand l’apport énergétique est trop
important, le set-point augmente, et fonctionne comme une roue crantée : une fois qu’il a atteint
une valeur supérieure, il ne peut pas revenir en arrière. C’est ce qui explique pourquoi il est si
difficile de perdre du poids (Fantino, 2010).

Par ailleurs, ce qu’il est fondamental de comprendre, c’est que la prise alimentaire est gérée
biologiquement non seulement en fonction des réserves graisseuses, mais aussi en fonction de
la recherche du plaisir, par des mécanismes essentiellement inconscients. Le système
dopaminergique module la valeur hédonique des aliments, le système des opioïdes endogènes

10
est stimulé lors de l’ingestion de produits sucrés, et différents autres mécanismes complexes
stimulent ou inhibent respectivement la prise alimentaire (Zermati et al., 2010, p. 44) ?. Les
émotions, et dans une moindre mesure les cognitions participent aussi largement de cette
modulation (Fantino, 2010).

1.1.3 Dimensions psychologiques en jeu dans l’obésité


Les dimensions sociales et biologiques de l’obésité sont intimement liées à ses dimensions
psychologiques. Ce paragraphe décrit comment les émotions et les cognitions interagissent avec
les mécanismes biologiques du comportement alimentaire, puis investigue l’impact
psychologique de la stigmatisation sociale. Ces éclairages permettent alors de mieux
comprendre les comorbidités psychopathologiques de l’obésité.

1.1.3.1 Le rôle des émotions


Plusieurs mécanismes psychologiques lient émotions et prise alimentaire, et ces mécanismes
sont dysfonctionnels pour 57% des personnes en surpoids ou obèses. C’est ce qu’on appelle
l’alimentation émotionnelle (Péneau et al., 2013).

Lorsqu’une personne souffre, elle recherche un moyen de réduire cette souffrance. Or manger,
par les sensations physiologiques provoquées, permet de se couper de ses émotions, de ne plus
penser, et donc de ne plus ressentir cette souffrance à court terme. Si les femmes ont tendance
à manger pour réduire leurs émotions négatives, les hommes le font souvent plutôt pour
augmenter leurs émotions positives (Dubé et al., 2005). Ce type de régulation peut devenir
pathogène s’il empêche l’élaboration psychique et si cette motivation émotionnelle à la prise
alimentaire l’emporte sur les motivations physiologiques, déréglant ainsi le système hédonique.
Ce système de coping par la nourriture est par ailleurs peu opérant sur la souffrance, car
l’anesthésie émotionnelle dure en réalité peu de temps (Hahusseau, 2010).

De plus, cette stratégie d’évitement émotionnelle a deux conséquences. D’une part, elle aggrave
l’intolérance émotionnelle, amenant le sujet à éviter des émotions désagréables de plus en plus
petites, pouvant entrainer des difficultés d’expression et d’élaboration des sentiments négatifs
jusqu’à l’alexithymie (Schiltz & Brytek-Matera, 2013). Même dans les formes précliniques
d’obésité ou chez les personnes simplement en surpoids sans troubles du comportement
alimentaire, on retrouve des niveaux plus élevés d’alexithymie et de dysrégulation émotionnelle
que dans la population générale (Casagrande et al., 2020).

D’autre part, elle entraine un trouble du réconfort : celui-ci est recherché dans les aliments
affectionnés, qui deviennent chargés d’émotions négatives en raison de la culpabilité et de la
11
honte, empêchant alors le processus de rassasiement et donc l’arrêt de manger. Le réconfort
n’est alors plus possible, et le sujet est amené à manger de plus en plus sans éprouver de bien
être (Zermati & Apfeldorfer, 2010b).

Ces stratégies émotionnelles inadaptées sont malheureusement largement renforcées par les
régimes alimentaires. Dans ce cas, ce sont les cognitions qui prennent le dessus.

1.1.3.2 Le rôle des cognitions


Les cognitions jouent aussi un rôle dans le comportement alimentaire. En fonction de son
histoire personnelle, de son milieu social et culturel, l’individu associe des représentations
positives ou négatives à certains aliments, chargées respectivement d’émotions positives ou
négatives.

Les régimes alimentaires quant à eux constituent une restriction cognitive, qui se définit comme
« une intention de contrôler mentalement son comportement alimentaire dans le but de maigrir
ou de ne pas grossir » (Zermati & Apfeldorfer, 2010a). Or si l’on considère l’ensemble des
mécanismes biologiques, émotionnels et cognitifs, le comportement alimentaire normal est
déterminé par l’inconscient à 95% (Froguel, 2010). Ainsi, le sujet qui s’impose une restriction
cognitive, donc un contrôle conscient sur un comportement essentiellement régulé par des
mécanismes inconscients, dérègle son comportement alimentaire. Il se retrouve alors entrainé
dans une boucle infernale où la restriction induit la frustration, qui peut mener jusqu’à des
compulsions alimentaires, qui elles-mêmes entrainent un sentiment de culpabilité, qui va
finalement renforcer la restriction.

De plus, ne pas répondre à sa sensation de faim et associer une représentation négative aux
aliments, induit frustration, anxiété, culpabilité, dépression, honte et colère. Or comme nous
l’avons vu, ces émotions bloquent la perception des sensations de rassasiement, entrainant à
leur tour des perturbations du système de régulation énergétique et émotionnel et l’apparition
d’un comportement alimentaire émotionnel (Zermati & Apfeldorfer, 2010a).

Ainsi, les cognitions restrictives et négatives impliquées dans le comportement alimentaire


induisent elles aussi des troubles émotionnels.

1.1.3.3 L’impact de la stigmatisation


Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1.1.2.1, la stigmatisation des personnes en obésité est
extrêmement importante. Or elle entraine des conséquences délétères pour les sujets souffrant
d’obésité, car elle déclenche un cercle vicieux où la victime finit par considérer les traitements

12
discriminatoires comme normaux et intérioriser l’image qui pèse sur elle, dégradant ainsi son
image de soi (Poulain, 2000). Nombreuses sont les études qui montrent que la stigmatisation
entraîne un sentiment de honte enraciné, une mauvaise estime de soi, une mauvaise image du
corps, des difficultés relationnelles et qu’elle est un facteur de risque important pour le stress et
la dépression (Puhl & Heuer, 2010; Schiltz & Brytek-Matera, 2013). La stigmatisation peut
même fonctionner comme une prophétie auto-réalisatrice, en particulier pour les sujets jeunes
(Poulain, 2010). L’internalisation du stigma peut ainsi inciter le sujet à manger comme système
de coping face à la stigmatisation, à faire moins de sport et à se couper du contact avec son
corps, entraînant une incapacité à décoder ses messages. De plus, des mécanismes
psychobiologiques complexes semblent en jeu, où le stress et l’anxiété contribueraient
directement à la pathophysiologie de l’adiposité de l’obésité (Puhl & Heuer, 2010).

Ces différentes dimensions psychologiques, essentiellement les émotions et l’impact de la


stigmatisation, permettent d’éclairer les comorbidités, qui au-delà des troubles du
comportement alimentaire, sont nombreuses chez les patients souffrants d’obésité et sont
importantes à considérer pour une bonne prise en charge de cette pathologie.

1.1.3.4 Comorbidités psychopathologiques de l’obésité


L’obésité n’est pas en soi un trouble psychologique car elle n’est pas liée à un comportement
ou un syndrome psychologique distinct (Schiltz & Brytek-Matera, 2013), pourtant elle est
associée à plusieurs psychopathologies.

Chez nombre de patients souffrant d’obésité, on retrouve tout d’abord des troubles du
comportement alimentaire (TCA), en particulier l’hyperphagie boulimique chez 30% d’entre
eux (Carrard et al., 2005). Celle-ci se caractérise par une absorption, en une période de temps
limitée, d’une quantité de nourriture excessive avec un sentiment de perte de contrôle sur le
comportement alimentaire. Certains patients présentent également un syndrome d’alimentation
nocturne, classé au sein du DSM V dans les autres troubles de l’alimentation ou de l’ingestion
d’aliments, ainsi que des troubles n’appartenant pas au DSM V : grignotage (consommation
répétitive et sans faim de petites quantités d’aliments en dehors des repas), tachyphagie
(absorption d’aliments trop rapidement), hyperphagie prandiale (exagération des apports
caloriques au cours des repas), compulsions alimentaires ou « Craving » (impulsion soudaine
et irrésistible de consommer un aliment en dehors des repas). L’ensemble de ces troubles
participent à la prise de poids de la personne obèse, et sont souvent en lien avec d’autres troubles
ou difficultés psychologiques.

13
Mais comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, on retrouve aussi chez les
patients en obésité nombre d’autres difficultés psychologiques : dysrégulation émotionnelle,
alexithymie, émotions négatives, mauvaise estime de soi, mauvaise image de son corps,
difficultés relationnelles, honte, culpabilité, stress et anxiété. Cela permet d’expliquer pourquoi
la moitié des patients obèses souffrent de troubles psychiques, en particulier troubles anxieux,
dépressifs ou dépendance à l’alcool (Corminboeuf & Giusti, 2014). On retrouve aussi des
comorbidités avec des troubles de la personnalité obsessionnelle-compulsive, antisociale et
borderline (Léonard et al., 2005).

Par ailleurs, la nourriture, pour un certain nombre de patients est un refuge (Zermati, 2010, p14)
et peut avoir une fonction pour l’équilibre psychique, par son effet anxiolytique, voire
antidépresseur. Les TCA sévères, en particulier, sont la conséquence d’une vulnérabilité
psychique et certaines formes, dont l’hyperphagie boulimique, peuvent être considérées comme
une addiction comportementale (Ziegler et al., 2014).

La corrélation entre psychotraumatisme et TCA est à ce titre frappante, et elle est mise en
évidence dans de très nombreuses études. Felitti et Anda (2010), à travers d’importantes
recherches épidémiologiques ont montré que les expériences négatives de l’enfance
représentaient un facteur de risque majeur en particulier pour l’obésité, puisque 70% des cas
d’obésité adulte avaient vécus de telles expériences dans leur enfance. Une étude portant
spécifiquement sur les abus sexuels conclut que 20 à 50% des femmes souffrants de TCA en
ont été victimes (Vanderlinden & Vandereycken, 2000).

L’interaction entre obésité et psychopathologie est donc complexe et non univoque, et il n’est
parfois pas simple de comprendre l’étiologie originelle : obésité ou difficultés psychiques. Mais
l’important n’est pas tant de comprendre l’origine de l’obésité que de développer une approche
thérapeutique adaptée à chaque patient, et qui associe la prise en charge de sa dimension
somatique à la prise psycho-sociale. C’est un des objectifs que se fixe l’éducation thérapeutique
du patient.

14
1.2 L’éducation thérapeutique dans le traitement de l’obésité
1.2.1 L’éducation thérapeutique

1.2.1.1 Définition et intérêt de l’éducation thérapeutique


La maladie chronique est une maladie bien différente de la maladie aigüe. On n’en guéri pas et
il faut donc apprendre à vivre avec ses multiples complications, suivies par des médecins de
spécialités différentes, tout en préservant sa qualité de vie. Ainsi, le modèle du médecin sachant
et tout puissant qui permet au patient de guérir de sa maladie n’est plus valide (Crozet, 2010),
et doit être remplacé par un véritable partenariat, où le patient est le plus autonome possible
pour gérer sa maladie, et où les soignants se placent dans une posture éducative et
d’accompagnement (Grimaldi & Amoura, 2017). De cette perspective est née une nouvelle
approche, l’éducation thérapeutique (ETP), définie par l’OMS comme visant « à aider les
patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur
vie avec une maladie chronique ».

L’ETP est basé sur la notion d’empowerment, qui consiste à redonner le pouvoir au sujet, et est
aussi associée à la notion d’autodétermination, qui considère que le sujet est capable de faire
ses choix pour sa propre vie. Relevant de la psychologie de la santé, elle se base sur des modèles
intégratifs et multifactoriels tel que celui de Bruchon-Schweitzer (2014) pour comprendre les
interactions entre les différents facteurs, développer les stratégies de coping du patient et
améliorer sa qualité de vie (Robieux, 2020).

Les autorités de santé considèrent l’ETP comme faisant partie intégrante du parcours de soin
des patients porteurs de maladies chroniques et la structurent selon 4 étapes, impliquant une
équipe soignante multidisciplinaire (HAS, 2007). La première étape est le diagnostic éducatif
ou « bilan éducatif partagé » (Sandrin-Berthon, 2010), qui vise à identifier avec le patient ses
ressources, ses difficultés, ses besoins et ses connaissances. Cette évaluation est réalisée au
cours d’un entretien couvrant les dimensions socioculturelles, cognitive, psychologique,
expérientielle et motivationnelle. Grâce à ces informations, la seconde étape est la définition
par le patient et les soignants d’un programme personnalisé, avec des priorités d’apprentissage.
L’étape suivante est la mise en place effective des séances d’ETP, de façon collective ou
individuelle, pour que le patient développe des compétences et acquière des ressources pour
vivre avec sa maladie. La dernière étape est l’évaluation de l’évolution du patient, les
changements qu’il a pu mettre en place et les connaissances et compétences qu’il a pu
développer (Untas et al., 2020).

15
L’efficacité de la démarche de l’ETP a été démontrée dans de nombreuses études, et une méta-
analyse sur 598 études et 8 pathologies différentes montre une amélioration des patients dans
64% des études, aucun effet dans 30% et une dégradation dans 6% des études. Les plus efficaces
sont celles qui sont décrites de façon très précise et sont réellement pluridisciplinaires (Lagger
et al., 2010).

Les deux types de compétences que l’ETP doit permettre au patient de développer sont les
compétences d’auto-soin pour gérer sa maladie, d’ordre plutôt biomédical, et les compétences
d’adaptation, afin d’apprendre à vivre avec sa maladie. C’est en particulier dans
l’accompagnement de ces secondes compétences que le psychologue a un rôle important à
jouer.

1.2.1.2 Rôle du psychologue en éducation thérapeutique


Le rôle du psychologue auprès du patient au sein du programme d’ETP est double. Il lui apporte
un accompagnement psychosocial face à sa maladie et l’aide à développer ses compétences
d’adaptation (Robieux, 2020).

Le programme de développement des compétences d’adaptation est élaboré par des infirmières,
mais le psychologue y joue un rôle important. Il aide à sa construction et y participe à la fois
par des entretiens individuels avec les patients pour le bilan éducatif partagé et sous forme
d’ateliers groupaux. Enfin, son rôle est aussi d’évaluer le programme d’ETP sur sa dimension
psychosociale (Untas et al., 2020).

Le psychologue apporte aussi un accompagnement psychosocial au patient. Par une approche


centrée sur la personne, il lui permet l’élaboration psychique et l’expression de ses ressentis, et
il repère, soutient et renforce ses compétences, sans que cela ne se substitue à du soutien
psychologique (Untas et al., 2016, 2020). Le psychologue, dans une démarche intégrative, peut
renforcer son action par l’inclusion de différentes psychothérapies dans les programmes
d’ETP : Des approches structurées comme les TCC ou la mindfulness ; introspectives comme
l’approche expérientielle et centrée sur la personne ; imaginatives comme l’hypnothérapie ; ou
familiales et groupales comme les thérapies multifamiliales (Untas et al., 2016).

Enfin, le psychologue doit être associé à une réflexion éthique et déontologique sur les pratiques
et les finalités du programme d’ETP, car l’équipe éducative du programme n’a pas toujours
conscience du contexte idéologique de référence qu’elle utilise (Fonte et al., 2017).

16
1.2.1.3 Limites en éducation thérapeutique
Le rôle du psychologue est donc particulièrement important en ETP sur cette dimension de
développement psychosocial. Pourtant, tous les programmes d’ETP n’intègrent pas
systématiquement un psychologue (Untas et al., 2020), alors même que les équipes médicales
sont bien mieux formées pour travailler sur les compétences d’auto-soin que sur les
compétences psychosociales. Dès lors, celles-ci sont définies de façon floue et constituent un
« fourre-tout » (Fonte et al., 2017).

De plus, la maladie chronique est souvent accompagnée de détresse psychologique. Or il est


indispensable de la détecter, de l’explorer, de la soulager et de la prendre en compte dans la
définition des objectifs personnalisés du patient. En effet, elle a un impact important sur la
motivation et les ressources du patient, et constitue une limite à la capacité du patient au
changement (Untas et al., 2020).

1.2.2 L’éducation thérapeutique en obésité

1.2.2.1 Spécificité de l’ETP en obésité


l’ETP en obésité est encore récente mais elle est considérée comme « la pierre angulaire de la
prise en charge de l’obésité » par la Direction Générale de la Santé dans son rapport de 2014.
Elle constitue à ce titre une des 7 mesures phares de la feuille de route 2019-2022 du « plan
obésité » du gouvernement français (Ministère des Solidarités et de la Santé, 2019). Cette feuille
de route est basée sur la notion de « modification thérapeutique des modes de vie » (MTMV),
qui a pour but de « changer durablement le mode de vie à différents niveaux […] en tenant
compte des situations individuelles » (Ziegler et al., 2014). Ces modifications s’articulent
autour de 3 piliers : l’alimentation, l’activité physique et la dimension psychologique.

Au regard des difficultés psychologiques spécifiques des personnes en obésité, détaillées au


paragraphe 1.1.3, le groupe d’experts sollicité par la direction générale de la santé (Ziegler et
al., 2014) préconise de mettre en œuvre les programmes d’ETP en obésité autour de 5
dimensions particulièrement importantes pour la prise en charge de ces patients : Une approche
pédagogique dont le but est d’améliorer sa connaissance de soi et développer ses capacités
d’adaptation ; Une relation soignant-soigné basée sur un modèle humaniste et non paternaliste
qui stigmatise ; Une analyse fonctionnelle des comportements, mettant en exergue le rôle
majeur des émotions ; Une relation d'aide qui soutient le patient à développer son amour de soi ;
Et enfin une médecine centrée sur la personne, dont le but n’est pas de faire maigrir mais bien
de soigner la personne, car ses difficultés ne prennent pas toutes leurs origines dans l’obésité

17
bien au contraire. On le voit, le groupe d’experts met largement en exergue la dimension
psychologique dans la prise en charge de l’obésité en ETP.

Ainsi, lors du bilan éducatif partagé, le patient doit pouvoir exprimer sa souffrance, ses attentes
et explorer ses limites et ses ressources. Ses croyances et ses représentations doivent aussi être
explorées, afin de travailler sur le versant éducatif à les déconstruire. Au cours du programme
d’ETP, le travail est focalisé sur la perte de poids, en gérant la contradiction entre des attentes
souvent irréaliste du patient et la réalité médicale. L’idée est que cette perte de poids renforce
l’estime de soi, tout en travaillant sur la dimension émotionnelle de l’alimentation. Ensuite, lors
de la phase de stabilisation du poids qui est souvent l’étape la plus difficile, les dimensions
psychologiques sont centrales : estime de soi, satisfaction corporelle, … C’est pourquoi, pour
les patients présentant des TCA sévères, cette phase peut être particulièrement complexe et
nécessite souvent une prise en charge psychologique individuelle indépendante de l’obésité
(Ziegler et al., 2014).

1.2.2.2 Limites actuelles de l’ETP dans la prise en charge de l’obésité et nouvelles perspectives
Dans le paragraphe 1.2.1.3, nous avons vu que les limites de l’ETP sont liées au manque de
prise en compte de la dimension psychosociale et en particulier psychologique au sein des
programmes. Or l’obésité est une maladie chronique dans laquelle ce déterminant est majeur,
comme largement discuté au paragraphe 1.1.3.

La revue de littérature sur l’efficacité de l’ETP en obésité est très limitée. La méta-analyse de
Lagger (2010), si elle reporte de bons résultats pour l’ETP en général, souligne qu’il y a peu
d’études vs groupe contrôle dans le cas de l’obésité, que l’évaluation porte sur des durées
courtes (3 à 12 mois) et surtout qu’elle ne s’intéresse qu’à l’évolution du poids en dehors de
tout autre paramètre. Maria Grazia (2012) souligne dans une analyse de la littérature de 2005 à
2010 que l’ETP en obésité est particulièrement efficace sur la nutrition et l’activité physique,
et ceci, plutôt à court terme. Cependant, les résultats sont plus contrastés sur l’amélioration des
dimensions psychologiques : 6 études montrent des changements positifs, notamment sur
l’efficacité personnelle, 3 études ne démontrent pas de bénéfice.

La littérature met en avant deux explications possibles à ces résultats limités sur l’amélioration
psychologique des patients. La première serait liée au contenu des programmes d’ETP, qui
d’une certaine façon conduisent à des injonctions paradoxales. En effet, ils tendent à
promouvoir l’acceptation (de son corps, de ses émotions) tout en alliant une forte demande de
contrôle (peser ce qu’on mange, se fixer des objectifs, …). Or comme le souligne Julien Sweerts

18
(2019), ces objectifs de contrôle et d’acceptation sont incompatibles. D’autre part, les
programmes d’ETP en obésité incluent une large part d’éducation sur la maladie, l’alimentation,
le sport, et même sur les dimensions psychologiques de la pathologie. Cependant, Grazia et al.
(2012) souligne qu’il faudrait renforcer la prise en charge psychologique dans ces programmes,
au-delà de la simple éducation.

C’est pourquoi différentes équipes explorent l’inclusion de nouvelles pratiques dans les
programmes d’ETP en obésité. Golay (2020) propose une 3ème génération d’ETP, qui se
concentre sur les ressources du patient pour améliorer son estime de soi, consolider ses valeurs
et donner du sens à sa vie, en travaillant notamment avec de nouvelles approches thérapeutiques
innovantes se focalisant sur les dimensions psychologiques de l’obésité. La pleine conscience
commence par ailleurs à être intégrée à certains programmes d’ETP en obésité. Elle invite le
sujet à accueillir sans jugement ses pensées, ses émotions, mais aussi ses sensations physiques
et ses perceptions. Cela permet à la fois de réduire la réactivité émotionnelle et donc l’évitement
émotionnel, et de mieux ressentir la faim et la satiété par une meilleure connexion à ses sens
(Julien Sweerts et al., 2019).

Les médiations thérapeutiques pourraient potentiellement contribuer à améliorer les


programmes d’ETP en obésité. Une étude pilote randomisée de Allet (2017) sur des séances de
médiation par la danse sur 66 patients ne montre en effet pas de bénéfice direct des séances sur
le niveau d’activité physique ou sur le poids, mais montre en revanche une amélioration de la
qualité de vie et de l’estime de soi. De même, l’intégration d’art thérapie (Sudres et al., 2013)
dans un programme d’ETP obésité montre des bénéfices sur des indices de créativité. Enfin,
l’équipe genevoise de Golay, très en pointe dans la recherche sur l’ETP, a développé un
programme incluant une nouvelle forme de médiation thérapeutique, l’hortithérapie, combinée
ou non à de l’art thérapie, qui semble pertinente (Jullion et al., 2012; Sittarame, 2021). Ce
nouveau type de médiation thérapeutique, encore très peu utilisé en France, semble donc
intéressant à explorer.

19
1.3 Un nouveau type de médiation thérapeutique : l’hortithérapie
1.3.1 Définition et bases théoriques
Selon l’American Horticultural Therapy Association : « l’hortithérapie consiste à utiliser les
plantes et le végétal comme médiation thérapeutique sous la direction d’un professionnel formé
à cette pratique pour atteindre des objectifs précis adaptés aux besoins du participant ». Cette
pratique s’est largement développée, notamment aux USA, en Angleterre, au Japon et en Suède,
où des cursus universitaires ont été créés pour former à cette pratique. En France, l’hortithérapie
est encore peu connue, mais elle se développe, notamment avec la création en 2021 d’un
diplôme universitaire à l’université Jean Monnet de Saint-Etienne.

Les bienfaits de la nature sur l’homme sont connus depuis l’Antiquité, mais ce n’est que dans
les années 1980 que ces bienfaits ont commencé à être théorisés. G Orians (1986), avec sa
théorie de la Savane, et E.O Wilson (1984), avec le concept de biophilie, se basent tous deux
sur la théorie évolutionniste, et conçoivent l’apaisement et la connexion ressentie par l’homme
au contact de la nature comme un ancrage archaïque, génétique, à ce qui a permis sa survie
depuis des millénaires. Ulrich (1984) de son coté, développe la théorie psycho-physiologique
de la réduction du stress. Celle-ci suggère que les stimuli naturels génèreraient une réponse du
système nerveux parasympathique, entrainant un sentiment de relaxation et de bien-être, et
modifiant l’humeur. Ulrich a mené une étude pionnière, randomisée, sur 46 patients après une
intervention chirurgicale, et a montré que ceux qui avaient une vue sur la nature depuis leur
fenêtre restaient moins longtemps à l’hôpital, prenaient moins d’analgésique, et étaient de
meilleur humeur (Ulrich, 1984). Kaplan (1995) explique les bienfaits du jardinage par sa théorie
de la restauration de l’attention, qui considère deux types d’attention : l’attention directe utile
pour traiter l’information mais qui demande un effort et génère de la fatigue ; et la fascination,
que l’on peut expérimenter au contact d’éléments naturels, qui permet de récupérer de la fatigue
de l’attention directe et ainsi la restaurer. Selon une approche plus phénoménologique, la nature,
par la stimulation des sens, permettrait à l’homme de faire l’expérience de sa présence au
monde. Enfin, l’hypothèse de la phyto-résonnance, « message physique adressé par les plantes
à l’être humain », induirait des processus de restauration par l’intermédiaire de stratégies
d’adaptation et de résolution de problèmes (Pringuey-Criou, 2015).

1.3.2 Bénéfices de l’hortithérapie


Des centaines d’études quantitatives ont été menées, à la fois pour évaluer l’impact de
l’exposition au milieu naturel et la pratique de l’hortithérapie. L’utilisation de l’hortithérapie a
été évaluée comme médiation thérapeutique pour les personnes âgés (Nicholas et al., 2019) et
20
pour un grand nombre de psychopathologie (Pringuey-Criou, 2015) : la démence (Zhao et al.,
2020) et la maladie d’Alzheimer (Jonveaux et al., 2013), la schizophrénie (Lu et al., 2021), le
stress post traumatique (Mottershead & Ghisoni, 2021), la dépression (Währborg et al., 2014),
ainsi que pour les patients en soins palliatifs (Masel et al., 2018).

Les études, outre des bénéfices sur les fonctions cognitives (Tu & Chiu, 2020), l’anxiété
(Gonzalez et al., 2010; Kamioka et al., 2014) et le stress (Adevi & Mårtensson, 2013) montrent
aussi des bénéfices sur l’humeur (38), l’estime de soi et la qualité de vie (Wang et al., 2022),
ce qui pourrait en faire une approche particulièrement intéressante dans la prise en charge de
l’obésité.

Mais comment comprendre ce que vivent les patients au contact de la nature, qui fait qu’elle
est thérapeutique ? Quelques études qualitatives ont été publiées et permettent d’identifier
certains thèmes. Dans une étude basée sur une analyse thématique d’entretiens avec des patients
internés en psychiatrie, qui suivent tout au long de l’année des ateliers d’hortithérapie, Pommier
(2018) identifie 4 thèmes majeurs : la restauration, avec un bénéfice perçu sur les symptômes ;
la relation à l’autre, facilitée par la médiation végétale ; l’action, basée sur le sentiment de
pouvoir agir ; et la réalité, les patients évoquant le sentiment de reprendre pied avec la
réalité. Carslon (2020) a mené une étude sur la même population de patients mais cette fois
basée sur la théorisation ancrée. Il théorise que le sentiment d’autonomie du patient vient du
mouvement et de la connexion à son corps ; la connexion aux autres et à l’environnement est le
support à l’évocation et permet un ancrage de sens dans le temps ; enfin le fait de prendre soin
amène la motivation. Blake (2016), dans une étude quantitative et qualitative sur des patients
déments, là encore basée sur des ateliers tout au long d’une année, conclut que l’amélioration
de l’estime de soi viendrait du fait que ces patients réalisent leur capacité à faire quelque chose
par eux même. Par ailleurs, l’engagement dans une activité collective leur permettrait de
développer leurs capacités sociales. Enfin, l’amélioration de la santé émotionnelle, la réduction
de l’anxiété, de l’agitation et de la dépression seraient liées au fait que ces patients internés
aient l’opportunité d’être en extérieur grâce aux ateliers. Il est finalement intéressant de
mentionner l’étude de Masel (2018) sur des patients en soins palliatifs, car elle n’est basée que
sur la réalisation de 1 à 3 ateliers par les patients, contrairement aux autres études menés sur
des ateliers sur des temps longs. Il identifie deux thèmes supplémentaires, que sont la variation
de la routine clinique et l’apport de la créativité. Ces différentes études montrent que les
ressources apportées par l’hortithérapie peuvent être différentes en fonction de la pathologie
des patients et du format des ateliers.

21
1.3.3 L’hortithérapie dans le cadre d’ETP en obésité
L’équipe du professeur Alain Golay, au sein des hôpitaux universitaires de Genève, est
pionnière dans l’intégration et l’évaluation de l’hortithérapie dans le cadre d’ETP en obésité.
En 2012, elle montre sur la base d’une étude randomisée sur 32 patients que l’intégration
d’ateliers d’hortithérapie permet une réduction du poids significativement plus important que
dans le groupe contrôle. Par ailleurs, les patients mettent l’accent sur le plaisir reçu et le bien-
être, sur le partage et la convivialité, et surtout sur une plus grande motivation à prendre soin
d’eux-mêmes (Jullion et al., 2012).

Dans une seconde étude publiée en 2021 (Sittarame, 2021), la même équipe a évaluée l’impact
d’un programme d’ETP incluant hortithérapie et art-thérapie, à travers une étude qualitative
portant sur 12 patients suivant 12 séances d’hortithérapie au cours d’une année. L’étude montre
que l’atelier d’hortithérapie mobilise profondément l’intériorité des patients, ce qui contribue à
améliorer leur estime de soi et leur qualité de vie. Les verbatims, recueillis au cours d’un focus
group ont été regroupés dans 7 catégories prédéterminées : la nature est une ressource ; le jardin
éveille les sens et permet d’aller à la rencontre de son corps ; le jardin est un médiateur qui
permet d’entrer en contact avec soi-même ; le jardin est une source de métaphores qui
permettent de s'exprimer ; la pertinence d’une approche différente. Si cette étude est
intéressante, on peut regretter que les catégories soient prédéterminées, laissant ainsi peu de
place à l’émergence de nouveaux thèmes.

La littérature sur l’hortithérapie en ETP obésité est ainsi extrêmement réduite, et la


compréhension des mécanismes de changement, d’ouverture à soi et aux autres qu’elle peut
induire, reste encore incomplète actuellement. D’autre part, le format de 12 ateliers sur une
année semble peu réplicable au sein des institutions offrant de l’ETP en obésité en France, en
raison du coût de mise en place et de la nécessité de disposer d’un jardin.

22
1.4 Problématique et hypothèses
L’obésité est un problème de santé publique, et les injonctions médicales ne suffisent pas à
combattre cette épidémie. L’éducation thérapeutique, en replaçant le patient au centre de sa
prise en charge pour lui redonner le pouvoir d’agir est donc au cœur de la politique de santé
publique dans la lutte contre l’obésité. Pourtant, pour que le patient puisse réellement agir, il a
d’abord besoin de se retrouver, de se reconnecter à lui-même et de s’accepter. Ainsi, les
programmes d’ETP en obésité pourraient sans doute être améliorés en faisant une plus grande
place à la prise en charge de la dimension psychologique de l’obésité, en particulier en
travaillant sur l’amélioration de l’estime de soi et les émotions.

C’est pourquoi de nouvelles approches thérapeutiques voient le jour. L’hortithérapie, basée sur
la médiation par le végétal, est l’une d’entre elles. Déjà utilisée pour de nombreuses autres
pathologies, elle a pu montrer son intérêt thérapeutique. Pourtant, la multiplicité des théories
qui la sous-tendent et la variété de ses applications la rendent polymorphe et il est difficile
d’anticiper ses apports dans un nouveau champ thérapeutique comme l’ETP en obésité, où elle
est très encore très peu utilisée. Cette médiation thérapeutique peut-elle avoir un impact
psychologique positif pour ces patients ?

L’objectif de cette recherche est donc d’explorer l’impact d’un atelier d’hortithérapie au sein
d’un programme d’ETP obésité. En particulier, permet-il d’améliorer l’estime de soi et les
émotions des patients ? De façon plus large, représente-il une ressource pour s’ouvrir à soi et
aux autres, et stimuler la motivation au changement ?

Pour répondre à cet objectif, les hypothèses suivantes seront explorées dans ce travail.

Hypothèse théorique : l’hortithérapie contribue à l’amélioration de l’estime de soi et des


émotions.

Hypothèses opérationnelles

Hypothèse A : l’estime de soi augmente de façon plus importante pour les patients bénéficiant
de l’atelier d’hortithérapie que pour les patients n’en bénéficiant pas.

Hypothèse B : le score émotionnel (émotions positives moins émotions négatives) augmente


de façon plus importante pour les patients bénéficiant de l’atelier d’hortithérapie que pour les
patients n’en bénéficiant pas.

23
Hypothèse C : l’alexithymie diminue de façon plus importante pour les patients bénéficiant de
l’atelier d’hortithérapie que pour les patients n’en bénéficiant pas.

Hypothèse D : le score émotionnel (émotions positives moins émotions négatives) post-atelier


d’hortithérapie est supérieur à celui pré-atelier.

L’objectif de l’analyse thématique du vécu des patients pendant l’atelier d’hortithérapie est
d’explorer s’il peut représenter une ressource pour s’ouvrir à soi et aux autres, et stimuler la
motivation au changement.

24
2 Méthode
L’impact de l’hortithérapie en ETP obésité étant encore très peu exploré, cette recherche a
adopté un design mixte, associant une méthodologie quantitative et qualitative, afin de
s’appuyer à la fois sur le modèle positiviste et constructiviste (Bioy et al., 2021). En effet, à
partir des connaissances de la bibliographie, il était pertinent de quantifier l’évolution de deux
dimensions centrales en obésité : l’estime de soi et les émotions. Cependant, face au peu de
connaissances sur les mécanismes en jeu en hortithérapie et leur apport en obésité, la démarche
plus exploratoire de l’étude qualitative avait pour but de comprendre comment les sujets
vivaient l’atelier, afin de repérer et documenter en quoi l’hortithérapie pouvait être une
ressource pour s’ouvrir à soi et aux autres, et stimuler la motivation au changement. Cette étude
qualitative a consisté en une analyse thématique permettant d’explorer les thèmes évoqués par
les patients. L’analyse thématique a toute sa place dans les études qualitatives en psychologie,
et est particulièrement adaptée à la recherche appliquée dans les domaines de la santé (Braun
& Clarke, 2014). En outre, le choix d’une analyse thématique permettait de discuter les résultats
de cette étude à la lumière des études thématiques précédentes sur l’hortithérapie.

La méthode mixte utilisée dans cette recherche correspond à un dispositif « simultané


Quantitatif + Qualitatif » selon la typologie de Plano Clark et Ivankova (Schweizer et al., 2020).

2.1 Etude quantitative


2.1.1 Description
Nous avons eu la chance, dans le cadre de cette étude, de pouvoir bénéficier d’une configuration
très particulière du programme d’éducation thérapeutique au sein de l’institution où a été menée
la recherche. En effet, pour des raisons logistiques, seul un groupe de patients sur deux pouvait
bénéficier de l’atelier d’hortithérapie.

Ainsi, le design de cette partie de la recherche empirique est une étude quantitative contrôlée
pseudo-randomisée, qui a permis d’évaluer l’évolution des dimensions suivantes: l’estime de
soi, l’alexithymie et les émotions positives et négatives, pour la cohorte de patients bénéficiant
de l’atelier d’hortithérapie (« cohorte jardin ») versus la cohorte de patients ne bénéficiant pas
de cet atelier (« cohorte contrôle »), entre le jour suivant leur entrée dans le programme d’ETP
(T1), et suite à l’atelier (ou l’absence d’atelier) d’hortithérapie (T3).

Enfin, une étude longitudinale a aussi été menée sur les sujets de la cohorte jardin, permettant
d’évaluer l’évolution des émotions positives et négatives entre le début et la fin de l’atelier.

25
2.1.2 Variables

2.1.2.1 Variables dépendantes


Les variables dépendantes ont été mesurées à différents temps :

• T1 : 2ème jour dans le programme d’ETP, date d’entrée dans l’étude


• T2 : 7ème Jour de l’atelier d’hortithérapie, avant l’atelier
• T3 : 7ème Jour de l’atelier d’hortithérapie, après l’atelier

Les variables dépendantes sont les suivantes :

• Estime de soi (mesurée à T1 et T3)


• Alexithymie (mesurée à T1 et T3)
• Emotions positives et négatives (mesurée à T1, T2 et T3)

2.1.2.2 Variable indépendante


La variable indépendante est la participation ou non à l’atelier. C’est une variable inter-sujets
provoquée à 2 modalités.

2.1.3 Participants
Les participants ont été recrutés au sein du programme d’éducation thérapeutique obésité d’une
institution. L’objectif était de recruter 30 patients pour l’étude quantitative (15 par cohorte).

La recherche a été présentée à tous les patients des groupes d’éducation thérapeutique. Si les
patients remplissaient les critères d’inclusion et souhaitaient participer à l’étude, une note
d’information et un formulaire de consentement leur étaient remis (Voir Annexe Erreur !
Source du renvoi introuvable.).

2.1.3.1 Critères d’inclusion


• Être hospitalisé dans le programme d’éducation thérapeutique en obésité
• Donner son consentement éclairé

2.1.3.2 Critères d’exclusion


• Ne pas être en capacité de comprendre, lire et écrire la langue française

2.1.3.3 Facteurs à contrôler


• Sexe, Age
• Qualité de vie
• Anxiété et Dépression

26
2.1.3.4 Description des patients recrutés
17 participants ont été recrutés dans la cohorte jardin. Un participant a quitté le programme
après quelques jours et deux n’ont pas remplis les questionnaires finaux, ce qui a amené à 14
participants dans la cohorte jardin. 14 patients ont été recrutés dans la cohorte contrôle, 1 n’a
pas rempli tous les questionnaires, soient 13 participants pour la cohorte contrôle. Sur le total
de 27 patients inclus dans l’étude, il y avait 21 femmes et 6 hommes, avec une moyenne d’âge
de 52 ans (SD = 13).

2.1.4 Matériel
Afin de contrôler la qualité de vie des participants, le questionnaire SF36 a été soumis à tous
les participants. La SF36 est un auto-questionnaire, qui mesure à la fois la santé physique et
psychologique sur huit domaines différents, ce qui la rend particulièrement pertinente pour cette
étude. Elle présente en outre de bonnes qualités psychométriques (Ware, 1992).

L’autre facteur à contrôler était l’anxiété dépression, qui a été évaluée grâce à l’auto-
questionnaire HAD (Hospital Anxiety and Depression Scale). Cet auto-questionnaire cote
l’anxiété et la dépression sur 7 items chacun. Cette échelle permet une évaluation rapide et
fiable de ces 2 dimensions, et sa construction permet d’éliminer l’influence des symptômes
somatiques qui pourraient influencer l’évaluation de l’anxiété et de la dépression (Zigmond,
1983), ce qui représente un critère important dans le cas de notre étude.

L’estime de soi a été évaluée grâce à l’auto-questionnaire SEI (Rosenberg, 1965). C’est le
questionnaire le plus utilisé pour évaluer l’estime de soi, car il permet en 10 questions d’évaluer
rapidement la vision que les sujets ont d’eux-mêmes et leur satisfaction.

L’échelle PANAS (Positive and Negative Affectivity Scale) (Watson et al., 1988) permet
d’évaluer l’affectivité, en distinguant l’affectivité positive et négative, à travers un auto-
questionnaire composé de 10 items pour chacune des composantes. C’est un des instruments
les plus utilisé pour mesure l’affectivité, qui s’avère être économique et fidèle (Lourel, 2006).

Enfin, l’alexithymie est mesurée à l’aide de l’auto-questionnaire TAS-20 (Toronto Alexithymia


Scale), qui évalue 3 dimensions de l’alexithymie : la difficulté à identifier ses états émotionnels,
la difficulté à décrire ses états émotionnels à autrui et la pensée opératoire. C’est l’échelle la
plus utilisée dans la recherche sur l’alexithymie (Bagby et al., 1994).

27
2.1.5 Description de l’analyse statistique
Les scores de SEI, TAS et PANAS ont dans un premier temps été décrits et comparés entre
groupe contrôle et groupe jardin, aux temps T1, T3 (et T2 pour le PANAS).

L’étude pseudo-randomisée groupe jardin vs groupe contrôle a comparé entre ces 2 groupes la
variation de la SEI, TAS et PANAS entre T1 et T3.

Enfin, l’étude longitudinale pré post atelier a comparé le score aux PANAS aux temps T2 et
T3.

Les données ont été traitées avec le logiciel XLSTAT 2022.1.1.1254. Pour chacune des
variables, le test de Shapiro-Wilk a été utilisé pour vérifier la normalité de la distribution. Pour
l’étude pseudo-randomisée dans laquelle les données n’étaient pas appariées, dans le cas où la
normalité était confirmée, le T-test de Student a été utilisé. Dans le cas contraire, la p-value a
été calculée en utilisant le test de Mann et Whitney. Pour l’étude longitudinale dans laquelle les
données étaient appariées, le test T de Student apparié a été utilisé dans le cas où les
distributions étaient normales. Dans le cas contraire, le test de Wilcoxon a été utilisé.

28
2.2 Etude qualitative
2.2.1 Description
L’étude qualitative est basée sur une analyse thématique, réalisée en continue selon la
méthodologie décrite par Paillé & Mucchielli (2016, p. 235-318) pour assurer une bonne
validité. Elle a été réalisée à partir d’entretiens semi-directifs menés après l’atelier
d’hortithérapie, successivement sur plusieurs patients.

Les unités de significations ont été repérées et annotées sous forme de proto-thématisation. Les
thèmes ont été écrits au fur et à mesure de l’analyse des verbatims en construisant en parallèle
l’arbre thématique, et en fusionnant, regroupant et hiérarchisant les thèmes en fonction de leur
présence chez les différents sujets. Les patients ont été inclus jusqu’à obtenir la saturation des
données.

2.2.2 Participants
Parmi les participants recrutés pour l’étude quantitative au sein du programme d’éducation
thérapeutique obésité, ceux pour lesquels il était possible d’insérer un entretien dans leur
planning ont été inclus dans l’étude qualitative thématique, jusqu’à saturation des données.

Les critères d’inclusion et d’exclusion des participants sont donc identiques à ceux de l’étude
quantitative.

2.2.2.1 Facteurs à contrôler


• Sexe, Age, situation familiale, situation professionnelle
• Difficultés ou troubles psychologiques, passés et présents
• Evènements de vie majeurs
• Type d’alimentation (i.e. alimentation émotionnelle ou non)
• Qualité de vie
• Anxiété et Dépression
• Contenu de l’atelier d’hortithérapie

2.2.2.2 Description des patients recrutés


6 participants de la cohorte jardin ont participé aux entretiens. Le Tableau 1 et les Figure 1 et
Figure 2 décrivent les données recueillies pour chaque patient.

29
S1 S2 S3 S4 S5 S6
Sexe F H F F F F
Age 61 57 52 72 64 50
divorcée, 1fille
situation divorcée, 1 fille divorcée, 1
célibataire célibataire et 3 petits en concubinage
familiale majeure fille majeure
enfants
en invalidité, a
situation éducatrice de ouvrier en salariée, aide-soignante comptable été aide-
professionnelle jeunes enfants ESAT acheteuse retraitée retraitée soignante
pendant 20 ans
dépression
bipolarité et
victime de
schizophrénie TS à 15 ans, schizophrénie
violence
depuis l'âge de burn out angoisses
psychotraumatiq
troubles ou 28 ans, état dépression professionnel hallucinatoires
ues dans
difficultés stabilisé sous très émotive quand elle était dépression 2 dépressions
l’enfance,
psychologiques traitement. jeune réactionnelle sévères, état
plusieurs
addiction suite à la stabilisé sous
hospitalisations
aujourd'hui retraite traitement
psychiatriques
sevrée
au long court
type
d'alimentation émotionnelle émotionnelle émotionnelle émotionnelle normale émotionnelle
(auto-rapportée)

triplée, violence victime de


Evènements de SDF pendant 2
dans l'enfance, harcèlement au
vie majeurs ans
abandon travail

réalisation jardin jardin jardin


orchidée orchidée pot coloré
d'hortithérapie miniature miniature miniature
Tableau 1: description des patients inclus dans l'étude qualitative

SF36 - score physique SF36 - score mental


400 400
GH santé MH santé
350 générale 350 mentale

300 300
BP douleur RE limitation
250 250 émotionnelle
physique
200 200

150 RP limitation 150 SF


physique Fonctionnemen
100 100 t social
50 PF 50 VT vitalité
0 fonctionnement 0
physique S1 S2 S3 S4 S5 S6
S1 S2 S3 S4 S5 S6

Figure 1: Qualité de vie

30
HAD Trouble > 14
20

15

10 HAD dépression
HAD anxiété
5

0
S1 S2 S3 S4 S5 S6

Figure 2: Echelle d'anxiété dépression

2.2.3 Matériel
Un guide d’entretien a été développé pour cette étude. L’objectif de ce guide était de ne pas
orienter les réponses des participants quant à l’influence positive ou négative que pouvait avoir
eu sur eux l’atelier d’hortithérapie. Ainsi, il convenait de proscrire des questions du type : quel
bénéfice ? quel avantage ? etc. Ce guide explore donc les aspects cognitifs, conatifs et affectifs
du vécu des participants à travers des questions neutres : qu’avez-vous ressenti ? qu’avez-vous
pensé ? il permet ainsi de supporter une démarche de repérage et de documentation des thèmes
sans influencer les patients.

La première question permet un rappel à la mémoire des différentes parties de l’atelier.


« Qu’avez-vous fait dans l’atelier au jardin, de quoi vous souvenez vous ? »
Sont ensuite explorés les aspects cognitifs, conatifs et affectifs :
« J’aimerais que vous me parliez de la partie XX de l’atelier, Qu’en avez-vous pensé ? Qu’avez-
vous pensé de vous ? qu’avez-vous pensé de ce que vous avez réalisé ? »
« comment ça s’est passé pour vous ? Qu’avez-vous ressenti ? »
« Ressentez-vous cette émotion/sensation dans d’autres contextes ? »
Le rapport au corps, dimension importante pour les patients en obésité, est ensuite abordé :
« Qu’avez-vous ressenti par rapport à votre corps pendant cet atelier ? »
L’exploration du rapport aux autres est ensuite proposée :
« comment ça s’est passé avec les autres personnes de l’atelier ? comment avez-vous vécu le
fait d’être à plusieurs pendant cet atelier »
Enfin, les apports spécifiquement liés à l’hospitalisation et à l’obésité sont abordés.
« In fine, que vous a apporté cet atelier au cours de votre hospitalisation ? »
« Que vous a-t-il apporté par rapport à votre démarche ici en nutrition ? »

31
« Allez-vous poursuivre des activités en lien avec la nature ? »
Le guide d’entretien, incluant les relances éventuelles, est inclus en Annexe Erreur ! Source
du renvoi introuvable..
Les entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone puis retranscrits. Ils sont inclus en
Annexe Erreur ! Source du renvoi introuvable..

32
2.3 Procédure globale pour l’ensemble de la recherche
2.3.1 Description de la procédure
Les patients ont été recrutés au sein d’un hôpital proposant un programme d’ETP, qui débute
par une hospitalisation de deux semaines. La recherche leur a été présentée au deuxième jour
de leur hospitalisation (T1) lors d’une réunion. Après avoir consenti à l’étude, ils ont rempli les
questionnaires HAD, SF36, SEI, TAS et PANAS. De plus, si des éléments particulièrement
saillants de leur vie ou de leurs troubles psychiatriques étaient reportés dans leur dossier médical
et pouvaient impacter l’étude, ils ont été répertoriés dans l’étude.

Au 7ème jour du programme, Les participants de la cohorte jardin ont rempli un questionnaire
PANAS dans leur chambre, juste avant de se rendre à l’atelier (T2). A l’issue de l’atelier (T3),
alors qu’ils étaient encore dans la salle de réunion, ils ont à nouveau rempli le questionnaire
PANAS, ainsi que le SEI et le TAS. Les participants de la cohorte contrôle ont eux rempli au
même temps T3 uniquement les questionnaires SEI et TAS, dans leur chambre puisqu’ils
n’avaient pas d’atelier à ce moment-là. Les réponses aux questionnaires ont été retranscrits de
façon anonyme dans un tableur excel afin de permettre leur analyse.

Les participants inclus dans l’étude qualitative ont participé aux entretiens dans l’après-midi
qui a suivi l’atelier. L’emploi du temps des patients étant très chargé, il a fallu s’adapter pour
ne pas perturber les soins prévus, tout en s’assurant de positionner l’entretien avant tout autre
atelier du programme d’ETP, afin de mener cette étude de façon rigoureuse sans introduire de
biais. Les entretiens se sont déroulés dans la chambre des participants. Ils ont été enregistrés à
l’aide d’un dictaphone et retranscrits intégralement. La retranscription des verbatims est inclus
en Annexe Erreur ! Source du renvoi introuvable..

33
L’ensemble de la procédure est schématisée ci-dessous :

2.3.2 Description de l’atelier


Les ateliers sont conçus par l’hortithérapeute de l’institution et en hiver, période de l’étude, ils
se déroulent en intérieur, dans une salle de réunion. Après l’accueil des participants, l’atelier se
déroule en 3 phases. Une première phase où l’hortithérapeute présente les végétaux utilisés
pendant l’atelier : origine géographique, spécificités, entretien. Une seconde phase de
réalisation, qui est différente à chaque atelier en fonction de la saison et des disponibilités des
végétaux. Ainsi, dans la cohorte jardin, 5 participants ont rempoté une orchidée, 6 ont créé un
jardin miniature et 5 ont réalisé une création composée à la fois de végétaux et de minéraux.
Enfin, l’atelier se termine par un jeu où chaque participant reçoit une plante aromatique cachée
dans un sachet, et présente au groupe ce que l’odeur lui évoque.

34
3 Résultats
3.1 Analyse quantitative
3.1.1 Description des données
Le Tableau 2 décrit les caractéristiques des 2 groupes, permettant de s’assurer qu’il n’y a pas
de différence statistiquement significative entre les 2 groupes concernant l’âge, les scores
physique et mental de la qualité de vie, ainsi que les scores d’anxiété et de dépression. Il est
cependant à noter que le nombre d’hommes est 2 fois plus important dans le groupe jardin que
dans le groupe contrôle.

groupe contrôle groupe jardin p-value


nombre de patients 13 14
Hommes 2 (15%) 4 (29%)
Femmes 11 (85%) 10 (71%)
Age - moyenne (écart-type) 49 (13) 54 (13) NS
Qualité de vie - SF36 42 (21) 42 (19) NS
score physique
Qualité de vie - SF36 46 (22) 45 (20) NS
score mental
Echelle anxiété -HAD 8,77 (4,17) 8,50 (3,35) NS
Echelle dépression -HAD 6,31 (4,02) 7,71 (3,41) NS
NS : non significatif ; les résultats sont présentés sous forme : Moyenne (Ecart-Type) ou Moyenne (%)

Tableau 2: Statistiques descriptives des groupes hortithérapie et contrôle

Le Tableau 3 rapporte les moyennes et écarts types pour les résultats aux échelles d’estime de
soi, alexithymie et émotions positives et négatives aux temps T1 et T3, pour les groupes jardin
et contrôle.

groupe contrôle groupe jardin p-value


estime de soi T1 29,00 (3,79) 27,57 (6,96) NS
estime de soi T3 29,61 (4,77) 30,71 (6,34) NS
alexithymie T1 56,08 (12,07) 56,14 (12,00) NS
alexithymie T3 54,23 (11,97) 51,07 (12,50) NS
émotions positives T1 26,92 (8,03) 23,79 (4,32) NS
émotions positives T3 28,46 (6,41) 29,00 (8,27) NS
émotions négatives T1 21,46 (6,48) 21,29 (5,98) NS
émotions négatives T3 16,00 (3,19) 14,43 (3,13) NS
émotions totales T1 5,46 (12,46) 2,50 (7,58) NS
émotions totales T3 12,46 (8,48) 14,57 (10,37) NS
Tableau 3: statistiques descriptives pour les différentes variables dépendantes

35
Pour plus de lisibilité, les différentes échelles sont représentées sous forme de boîte à
moustache.

On observe que la variance de l’estime de soi est plus importante pour les sujets de la cohorte
jardin que pour le groupe contrôle en T1, certains patients ayant en outre des valeurs beaucoup
plus basses dans le groupe jardin (Figure 3). Cependant, il n’y a pas de différence
statistiquement significative sur l’estime de soi entre les 2 groupes à T1 et à T3 (Tableau 3).

Figure 3: boîte à moustaches de l'estime de soi pour les 2 groupes, aux temps T1 et T3

Concernant l’alexithymie, les données sont plus homogènes entre les 2 groupes, même si on
retrouve des valeurs plus basses dans le groupe jardin que dans le groupe contrôle en T1 (Figure
4). Il n’y a pas de différence statistiquement significative sur le niveau d’alexithymie entre les
2 groupes à T1 et T3 (Tableau 3).

Figure 4 : boîte à moustaches de l'alexithymie pour les 2 groupes, aux temps T1 et T3

36
Concernant les émotions (émotions positives moins émotions négatives), les données sont
homogènes entre les 2 groupes, mais les émotions sont plus négatives pour les sujets du groupe
jardin que du groupe contrôle en T1 (Figure 5). Cependant, cette différence n’est pas
statistiquement significative, ni en T1 ni en T3 (Tableau 3). Par ailleurs, on visualise bien
l’amélioration des émotions entre T1 et T3 pour le groupe contrôle, et entre T1, T2 et T3 pour
le groupe jardin.

Figure 5:boîte à moustaches des émotions pour les 2 groupes, aux temps T1 et T3, et T2 pour le groupe jardin

3.1.2 Etude groupe jardin vs groupe contrôle


le Tableau 4 présente la variation des scores aux échelles d’estime de soi, d’alexithymie et
d’émotions entre T1 et T3, et permet de comparer ces variations entre les groupes contrôle et
jardin.

contrôle jardin delta p-value


variation d'estime de soi entre T1 et T3 0,61 (2,69) 3,14 (2,74) 2,53 0,023
variation alexithymie entre T1 et T3 -1,85 (9,10) -5,07 (8,68) 3,22 NS
variation émotions positives entre T1 et T3 1,54 (5,74) 5,21 (9,24) 3,68 NS
variation émotions négatives entre T1 et T3 -5,46 (5,68) -6,86 (7,27) 1,40 NS
variation émotions totales entre T1 et T3 7,00 (9,08) 12,07 (13,84) 5,07 NS
Tableau 4: comparaison des variations entre les groupes contrôle et jardin à T1 et T3

37
L’estime de soi augmente entre T1 et T3 pour le groupe contrôle (M = 0,61 ; SD = 2,61) et le
groupe jardin (M=3,14 ; SD = 2,74), mais de façon significativement plus importante dans le
groupe jardin (t(25) = -2,41 ; p<0,005).

Il est cependant à noter dans le groupe jardin un sujet outlier ayant une augmentation de 10
points de l’estime de soi (Figure 6).

Figure 6: boîte à moustache de la variation d’estime de soi pour les 2 groupes entre T1 et T3

L’alexithymie diminue entre T1 et T3 pour le groupe contrôle (M = -1,85 ; SD = 9,10) et le


groupe jardin (M = -5,07 ; SD = 8,68), mais la différence entre les 2 groupes n’est pas
significative (P>0,005). De même, on observe un outlier dans le groupe jardin (qui est un sujet
différent de l’outlier sur l’estime de soi) avec une diminution de 25 points de l’alexithymie
(Figure 7).

Figure 7 : boîte à moustache de la variation de l'alexithymie pour les 2 groupes entre T1 et T3

38
Les émotions négatives diminuent entre T1 et T3 pour le groupe contrôle (M = -5,46 ; SD =
5,68) et le groupe jardin (M = -6,86 ; SD =7,27), et les émotions positives augmentent, pour le
groupe contrôle (M = 1,54 ; SD = 5,74) et le groupe jardin (M = 5,21 ; SD = 9,24). Le total des
émotions augmente donc aussi pour les 2 groupes, respectivement (M=7,00 ; SD = 9,08) et (M
= 12,07 ; SD = 13,84). Cependant, aucune de ces variations n’est statistiquement significative
entre le groupe jardin et le groupe contrôle (p>0,005). On note un écart type plus important
dans le groupe jardin, pour l’ensemble des variations des émotions (Figure 8).

Figure 8: boîte à moustache de la variation des émotions (positive - négatives) pour les 2 groupes entre T1 et T3

3.1.3 Etude longitudinale pré et post atelier


Les émotions positives augmentent entre le temps T2 pré atelier (M = 26 ; SD =5,32) et le temps
T3 post atelier (M = 29 ; SD = 8,27). Les émotions négatives diminuent entre T2 (M =16,64 ;
SD = 5,02) et T3 (M = 14,43 ; SD = 3,13). Ces différences ne sont cependant pas significatives
(p>0,005). La totalité des émotions (émotions positives moins émotions négatives) augmente
entre T2 (M =9,35 ; SD = 7,79) et T3 (M = 14,57 ; SD = 10,37) de façon statistiquement
significative (t(13) = -2,23 ; p<0,005). La Figure 9 représente les boîtes à moustaches pour les
émotions totales pré et post atelier. On note que l’écart type est plus important après l’atelier.

T2 T3 delta p-value
Emotions positives groupe jardin entre T2 et T3 26 (5,32) 29 (8,27) 3,25 NS
Emotions négatives groupe jardin entre T2 et T3 16,64 (5,02) 14,43 (3,13) -2,21 NS
Emotions totales groupe jardin entre T2 et T3 9,35 (7,79) 14,57 (10,37) 5,21 0,044
Tableau 5: comparaison des émotions avant et après l'atelier

39
Figure 9: boîte à moustache des émotions à T2 et T3 pour le groupe jardin

40
3.2 Analyse qualitative
L’analyse thématique a très vite fait apparaitre la dimension de bien-être, les autres thèmes
apparaissant au fur et à mesure des verbatims.

Cette analyse a permis de dégager 5 thèmes majeurs des entretiens de recherche : l’hortithérapie
comme source de bien-être ; comme source d’expression ; l’hortithérapie comme complément
dans le programme d’éducation thérapeutique ; comme initiateur de la mise en mouvement du
sujet ; et finalement, l’hortithérapie comme support de la relation aux autres. L’arbre
thématique complet est représenté en Annexe Erreur ! Source du renvoi introuvable..

3.2.1 Source de bien-être


Les 6 sujets ont évoqué le bien-être à travers ses dimensions cognitive, émotionnelle, et
sensorielle dans une moindre mesure (4 sujets). Ce bien-être était relié spécifiquement aux
caractéristiques de l’atelier pour 5 sujets.

Il est notable que les dimensions de bien-être ont été essentiellement exprimées par les sujets
en termes de mouvement. La dimension cognitive, en particulier, s’exprime chez tous les sujets
par un bénéfice quant à la sortie d’un état précédent négatif. Les sujets expriment pour 4 d’entre
eux la sortie de l’ennui :« C’est 2 heures qui sont passées vite, il n’y avait pas d’ennui » (S6).
Ils expriment aussi la sortie des ruminations et pensées négatives :« c'est un peu oublier son
quotidien, ses préoccupations quotidiennes, c'est essayer de se détourner l'attention vers des
choses qui sont un peu plus légères » (S3). L’atelier leur a permis de ne plus penser, et en
particulier de ne plus penser à leur corps obèse : « J'ai pas pensé au poids, ni à la société, ni
comment je vais vivre, comment je vais sortir » (S2). Pour la moitié des patients (3), le fait qu’il
n’y ait pas d’attendu est aussi un apport de cet atelier : « Oui vraiment …pas de contrainte, pas
d’attendu, pas de résultats, pas de performance enfin… pas de connaissance particulière, juste
vivre le moment présent, faire au gré de son envie, de ce qu'on a envie de faire, que c'est un
début de lâcher prise » (S3).

On retrouve dans une moindre mesure chez 4 sujets l’expression de mouvement cognitifs
positifs : se recentrer sur soi, réfléchir, se concentrer et prendre le temps : « ça permet de
s'écouter un peu, de prendre un peu de recul » (S3).

La dimension émotionnelle a été décrite par tous les sujets comme un ressenti de bien-être.
Tous les patients ont exprimé la notion de plaisir à faire cet atelier « j’ai pris mon pied en
parlant simplement quoi, le kiff » (S1). Ils ont aussi exprimé leur sensation de bien-être,
notamment le calme pour 3 sujets : « moi je me suis sentie très calme » (S5) et le bonheur
41
ressenti pour 2 sujets : « comme s’il y avait plein de soleil dans la pièce » (S1). Là encore, on
retrouve une dynamique de mouvement, avec d’une part la sortie du stress du monde extérieur
pour 4 sujets : « ce retour, sur se poser comme ça un peu… moi c'est ce que je retrouve un peu
ici en étant coupé du monde du travail. Parce que j'ai eu un parcours ces 2 dernières années
qui était un peu difficile. Donc le monde du travail me crée énormément de stress » (S3), et le
fait de pouvoir oublier les débordements et les émotions négatives pendant l’atelier pour 2
sujets : « Là, il n’y avait pas de stress, pas de …. Je ne me suis pas sentie partir dans un truc
où ça m’excitait négativement. Pas de colère, rien de ce type-là. Même les réflexions d’à côté
qui peuvent être soulantes parfois elles sont passées comme une lettre à la poste » (S1).
L’atelier déclenche un mouvement vers des ressentis émotionnels positifs, décrit comme de
l’apaisement « ça m'a vraiment apaisé, c’est une verveine quoi ! » (S1) ou de la relaxation
respectivement pour 3 sujets : « ça m’a beaucoup plu, ça m’a détendu » (S4).

La dimension sensorielle est exprimée par 4 sujets sur les 6, là encore avec un ressenti positif
pour 3 sujets : « Moi cet après-midi, tout m’a parlé quoi, le toucher, l'odeur, le regard, les
petites choses qu'on peut dire. Tout m’a bien plus aujourd'hui. C’était un jour …. un des
meilleurs que j'ai passé depuis que je suis là » (S1). On retrouve chez 2 sujets le fait de ne plus
ressentir les symptômes.

Enfin, les sujets expriment leur ressenti de bien-être au contact de quelque chose de beau et
coloré « Parce que je la trouve jolie [la plante]. Je trouve que c'est apaisant en fait, les couleurs
» (S6). D’autre part, la condition de leur bien-être est lié à la facilité de l’activité, à laquelle
s’ajoute l’accompagnement de l’hortithérapeute, qui est décrite comme à l’écoute et
bienveillante : « J’avais une petite appréhension avant de venir, en me disant « à oui je vais
pas être très bien ; est ce que je vais réussir à faire l’atelier… et j’ai réussi en fait ! […] avec
la participation de vous, de Anne [l’hortithérapeute] » (S6). Il est intéressant de noter qu’il
n’est pas nécessaire que les patients s’intéressent au jardinage pour ressentir du bien-être. En
effet, 2 patients ont exprimé le fait qu’ils ont apprécié cet atelier, malgré le fait que le végétal
ne soit pas pour eux une activité intéressante : « J'étais content. j’étais heureux, j'étais dedans,
voilà, j’étais heureux. Même si la plante c’est pas mon délire. Comme je vous ai dit je préfère
les animaux » (S2).

42
3.2.2 Source d’expression
L’atelier a été pour tous les patients l’opportunité de s’exprimer d’une façon ou d’une autre.

Cinq d’entre eux ont évoqués des thèmes autour de l’ouverture. Ils ont créé, se sont senti libres
et sans contrainte : « …et puis libre, totalement libre de faire ce que je voulais au niveau de la
composition » (S5) et ont pu s’évader : « J’aime bien les fleurs, donc c’est un moment pour moi
de m’évader, de créer » (S6).

L’atelier a aussi été source d’évocation. Il a permis l’expression d’évocations positives de la


vie d’avant pour 3 sujets et de l’enfance pour 2 sujets : « Mais c'est bien une plante aussi, c'est
bien une plante. Par exemple, comment on appelle ça ? des géraniums, des roses, des
marguerites. Ils s'occupaient, mon père et ma mère, du jardin. En Espagne, quand ils avaient
une maison. On avait une maison là-bas » (S2). Pour 2 sujets, l’atelier rappelle à la mémoire
des évènements négatifs, mais en mentionnant que dans l’atelier, c’est différent : « quand j'ai
vu qu'il y avait l'atelier jardin [...] je ne sais pas si c’est lié à l’enfance, mais j’ai tout de suite
vu au jardin : gratter la terre, le contact avec les vers de terre, tout ça c'est un truc qui me
plaisait pas du tout [...] A la campagne on avait des bourreaux entre guillemets, qui nous faisait
faire le jardin [...]. Donc c’est un truc, j’étais un peu réfractaire, mais là, comme c’est un choix
que je fais, moi [...] j'ai acquis de toucher la terre, mais il n’y a pas de vers de terre dans le
bac, c’est pour ça que c’est plus facile » (S1).

Il est particulièrement intéressant de noter pour (S3) que l’évocation du passé lui permet de
glisser, au fil de son discours, vers une projection positive dans le futur. Elle se remémore,
nostalgique, des voyages qu’elle ne fait plus, pour finalement et de façon assez surprenante,
dire qu’elle repartira : « personnellement dès que j'ai pu sentir cette plante, ça m'a vraiment
rappelé des souvenirs de voyage […] Et c'est vrai que ça m'a complètement replongé dans ces
périodes de voyage, de préparation ou sur place. Donc pour moi ça m'a fait partir un peu quand
même […] c’est de la nostalgie […] parce que je ne pars plus. Donc c'est quelque chose qui
me manque […]. Je ne dirais pas que c'est réconfortant, mais quelque part, c'est se dire que
c'est des sensations qu'on a éprouvé et qu'on ré-éprouvera un jour parce qu'un jour, on
repartira. Et quelque part, je repartirai, donc voilà, c'est un bon souvenir ». C’est donc
l’évocation du passé qui lui offre l’opportunité de se mettre en mouvement, de se projeter.

Pour les patients souffrant de troubles psychiatriques lourds (3 patients) tels que schizophrénie
(S2 et S6) et psychotrauma (S1), la dimension métaphorique de l’hortithérapie a été très
prégnante dans leurs verbatims. Pour eux, c’est l’aspect vivant de la plante qui est au centre de

43
leur discours : « c’est une vie en fait la plante, elle pousse, il faut s’en occuper, il faut en prendre
soi » (S6). Les métaphores portaient sur la relation, la vie, soi et le prendre soin : « Ben moi,
j'ai trouvé que j'ai bien bossé. J'étais content de moi, la plante était belle, elle a changé de …
c'est comme si elle avait changé de tenue, elle s'était lavée, rasée, douchée, elle est propre, elle
est bien jolie, elle est bien posée, elle a un nom, elle a un endroit où vivre… donc elle est bien.
Ça c'est rassurant, j'ai rassuré la plante. Tu seras pas perdu, tu seras pas …voilà, tu seras
quelqu'un. » (S2). On retrouve dans cette métaphore la vie aujourd’hui stabilisée de ce patient
après un parcours chaotique, dont les troubles psychiatriques envahissants l’on conduits à vivre
deux ans à la rue. Comme la plante dont il s’est occupé, il est aujourd’hui quelqu’un.

Prendre soin du vivant, c’est donc prendre soin de soi et des autres. Bien sûr, l’animal est plus
près de l’homme, et permet une relation plus proche : « un chien quand vous lui parlez, il fait
comme ça, il vous regarde il essaie de vous comprendre. Une plante, vous lui parlez ça bouge
pas » (S2). Mais l’animal nécessite plus de soins et un certain niveau de responsabilité pas
toujours possible pour ces patients fragiles qui peinent déjà à se prendre en charge. Ainsi,
s’occuper d’une plante est pour eux accessible, met en exergue leur capacité à être responsables,
et pourrait ainsi les amener à se sentir capable d’être plus en responsabilité de leur propre vie :
« [la plante] C'est comme si c'était un enfant, disons, c'est une image, c'est un enfant on lui
change les couches, on s'occupe de lui, on le sort de l’eau, l’habiller, le laver, c'est tout petit,
ils savent pas faire encore » (S2). La métaphore est donc une ressource importante, qui est
utilisée plus spécifiquement par certains patients, et pas du tout par d’autres.

A l’inverse, tous les sujets ne se saisissent pas de cette puissance d’évocation et de métaphore
qu’offre cet atelier d’hortithérapie. (S5) est une ex-comptable, très rationnelle et alexithymique,
dont l’alimentation n’est pas émotionnelle, mais au contraire liée à des restrictions cognitives.
Si elle évoque l’opportunité créatrice de l’atelier, elle n’est pas sur le registre de l’imaginaire,
mais reste ancrée dans le pragmatisme. Pour elle, l’activité d’hortithérapie est « une piste à
explorer en cas de dérapage, ou de fringale, de craquages », utilisant donc l’hortithérapie
comme stratégie de coping face aux TCA.

3.2.3 Reprendre son souffle pendant le programme d’éducation thérapeutique


Pour tous les patients, les 15 jours d’ETP sont particulièrement denses, aussi bien cognitivement
qu’au niveau de l’activité sportive. Ainsi, l’atelier est décrit comme offrant une pause dans le
programme. Quatre des sujets expriment le fait qu’on parle beaucoup d’obésité et qu’ils ont
besoin d’oublier quelques instants cet élément central du programme qui empoisonne leur vie :

44
« je pense qu'on a moins de complexes parce qu’il n’y a pas que le regard sur l’obésité [durant
l’atelier]. Là moi, au début, j'entendais “obésité, oui moi je mange trop, moi voilà“ et ça c'est
un truc qui finit par me perturber quand on rentre ici [à l’hôpital]. On a un objectif positif, et
du coup il perturbe » (S1). Les sujets évoquent l’atelier comme un moyen de décompresser,
quand on leur demande de beaucoup se concentrer, et comme une activité permettant d’être
dans le registre de l’imagination plutôt que dans des sollicitations physiques ou cognitives pour
3 sujets : « C’est ce que je veux dire, de la détente. Parce que tout ce qu’on a fait jusqu’à
présent, c’est physique. On a fait du sport, et puis… un peu, bien sûr un peu à réfléchir. Alors
que là, on s’est laissé un peu aller à l’imagination » (S4). De même, 2 patients ont exprimé le
fait de se détendre par rapport aux activités sportives difficiles et 2 autres de sortir de la rigidité
du cadre du programme : « on fait de l’APA [activité physique adaptée], c’est plus intense, il y
a des règles […] il y a beaucoup d’information, donc sur le coup, il y a des moments où je vais
un peu lâcher […] là c’était bien parce que c’était …il n’y avait pas à réfléchir dans une grande
réflexion » (S6).

3.2.4 Se mettre en mouvement


Les sujets ont exprimé des thèmes en lien avec la remise en mouvement après l’atelier. Ils ont
exprimé l’envie de s’occuper de soi pour 5 d’entre eux : « Le fait de prendre soin et de parler
à la plante c'est comme si je m'étais parlé à moi, je prends soin de moi, et je veux raviver la
flamme que j'avais en moi qui avait diminué. Et là c'est refaire surgir la vie, la flamme, la
douceur » (S1).

ils ont aussi changé leur regard sur eux-mêmes. Ils se sentent fiers et ont réalisé qu’ils étaient
capables de faire des choses (3/6) : « J’avais une petite appréhension avant de venir, en me
disant : « Ah oui je vais pas être très bien ; est ce que je vais réussir à faire l’atelier… et j’ai
réussi en fait ! » (S6).

Enfin, ils ont aussi réalisé qu’ils pouvaient prendre du plaisir à faire des choses : « Moi j’ai un
jardin qui est un foutoir et là, ça m’a beaucoup plus, je crois que je veux m’y mettre. Parce que
j’ai vu que c’était pas si éprouvant que ça. Et puis ça m’a détendu » (S4).

Ils mettent aussi en avant la notion d’apprentissage, et indiquent pour la moitié d’entre eux
qu’ils ont pour objectif de refaire l’activité chez eux.

45
3.2.5 Relation aux autres
Le dernier thème est celui de la relation aux autres. Chacun semble vivre pendant l’atelier un
lien à l’autre et à soi avec différents niveaux d’intensité.

5 sujets évoquent le partage dans le groupe. (S2), lui, plus en difficulté de communication en
raison de ses troubles, ne le mentionne pas. Cependant, à l’évocation de l’atelier il dit qu’il
ressent : « de la gentillesse, de l'amour, du bien-être, compassion… tout ça » (S2). La
dimension relationnelle reste ainsi malgré tout présente pour lui dans l’atelier, à travers la
métaphore de sa relation à la plante. Pour (S6), elle aussi en difficulté de communication en
raison de ses troubles, la réussite de l’atelier est au contraire pour elle l’occasion de s’ouvrir
aux autres : « contente de pouvoir partager aussi avec les autres, la création qu'on a faite,
chacun et chacune […] » (S6).

Le partage est essentiellement basé sur le fait que les sujets se sentent unis par la même
problématique : « quelque part on est tous égaux, on est sur un pied d'égalité, on oublie un peu
nos problèmes » (S3). Par ailleurs, l’atelier est convivial, et le type même d’activité facilite la
relation : « C’est là que j’ai pris conscience que l’écoute de l’autre peut être importante. Et je
pense qu’à travers ce type d’activité et bien on peut plus le maitriser tout en faisant cette activité
que quand on est là dans un groupe à parler » (S3).

Enfin, il est notable que la moitié des patients mentionnent le fait que l’atelier leur permet d’être
avec les autres, mais que leur attention est portée sur eux ; l’atelier est là pour leur apporter
quelque chose à eux individuellement : « Faire cet atelier avec les autres et penser à soi » (S6).

46
4 Discussion
4.1 Synthèse des résultats
Cette recherche avait pour but d’évaluer l’impact d’un atelier d’hortithérapie dans le cadre d’un
programme d’éducation thérapeutique à destination de personnes atteintes d’obésité. Elle s’est
basée sur une méthodologie mixte, mettant en œuvre trois approches méthodologiques. Une
étude quantitative pseudo randomisée sur 27 patients, permettant de comparer l’impact d’un
atelier d’hortithérapie sur l’estime de soi, les émotions et le niveau d’alexithymie de patients
ayant bénéficié d’un atelier d’hortithérapie versus groupe contrôle. Une étude quantitative
longitudinale pré et post atelier d’hortithérapie pour étudier l’impact immédiat de l’atelier sur
les émotions. Et enfin, une étude qualitative thématique à partir du discours de 6 patients, afin
d’analyser les thèmes évoqués quant à l’impact de l’atelier thérapeutique.

L’étude quantitative pseudo randomisée tend à montrer que l’atelier d’hortithérapie au sein du
programme d’éducation thérapeutique en obésité permet de majorer l’amélioration de l’estime
de soi. On ne retrouve pas de majoration de l’amélioration pour les émotions ressenties ni pour
le niveau d’alexithymie dans la comparaison au groupe contrôle. Cependant, les émotions
ressenties par les patients, mesurées immédiatement avant et après l’activité, sont modifiées
positivement par l’atelier d’hortithérapie. Cette étude reste exploratoire en raison du faible
nombre de patients, de la présence d’outliers et d’un écart type plus important dans les émotions
post atelier vs pre atelier, tendant à montrer que l’impact de l’atelier sur les émotions peut être
varié suivant les sujets.

L’étude qualitative permet ainsi d’éclairer et d’élargir ces résultats. Elle confirme l’amélioration
des émotions mais l’englobe dans une amélioration du bien-être plus globale, en particulier sur
sa dimension cognitive, avec notamment un détachement des cognitions négatives. La
simplicité de l’activité, l’accompagnement bienveillant, l’absence de résultats attendus
participent aussi de ce ressenti positif. Les patients expriment de la fierté et réalisent qu’ils sont
capables de créer quelque chose en se faisant plaisir, dimensions qui expliquent sans doute
l’impact sur l’estime de soi observé dans l’étude quantitative.

L’atelier d’hortithérapie est très différent des autres ateliers du programme, qui sont bien plus
exigeants cognitivement et physiquement ; il permet ainsi aux patients de faire une pause pour
se ressourcer. Par ailleurs, il offre l’opportunité aux patients de se retrouver ensemble dans une
activité conviviale, tout en se recentrant sur eux. Enfin, l’atelier d’hortithérapie est aussi source
d’expression, permettant notamment à certains patients d’exploiter les ressources d’évocation

47
et les ressources métaphoriques du végétal pour parler de leur vie, d’eux-mêmes, et pour
prendre soin d’eux. L’atelier offre ainsi l’opportunité aux patients de se remettre en mouvement,
en changeant leur regard sur eux et en leur redonnant envie de prendre soin d’eux même.

4.2 Interprétation des résultats


4.2.1 Estime de soi et émotions
L’étude quantitative pseudo randomisée tend à montrer un impact de l’atelier d’hortithérapie
sur l’estime de soi des patients. Ce bénéfice de l’hortithérapie sur l’estime de soi des personnes
en obésité complète les résultats similaires retrouvés dans le cas de nombreuses autres
pathologies (dépression, démence, schizophrénie, handicap intellectuel, maladies chroniques)
dans la méta-analyses de Soga (2017). Ce résultat exploratoire, même s’il reste à confirmer, est
particulièrement intéressant, car la mauvaise estime de soi est centrale dans l’obésité et son
amélioration est un des objectifs des programmes d’ETP en obésité (Ziegler et al., 2014).

L’étude vs groupe contrôle ne montre pas d’impact significatif de l’hortithérapie sur les
émotions ressenties, contrairement à l’étude longitudinale pré et post atelier. Cette différence
de résultat pourrait s’expliquer par le fait que le design longitudinal permet une mesure plus
sensible, puisque chaque sujet est comparé à lui-même, éliminant ainsi la variabilité inter-sujets.
Cependant, il est aussi à noter que les 2 études ne portent pas sur la même temporalité de la
variation émotionnelle. L’étude pré post-atelier mesure une variation émotionnelle sur une
période de 2h (avant et après l’atelier), et rien ne permet de dire que cette modification
émotionnelle est durable dans le temps ; cela pourrait expliquer que la variation des émotions
ressenties n’est pas retrouvée dans l’étude vs groupe contrôle qui porte sur une période de 7
jours. Il semble donc que l’atelier d’hortithérapie pourrait légèrement améliorer les émotions,
mais peut-être de façon ponctuelle.

L’amélioration de l’estime de soi et la possible modification de l’activation émotionnelle sont


intéressantes, car elles sont identifiées dans la littérature comme deux des facteurs communs
d’efficacité des psychothérapies (Untas et al., 2016).

4.2.2 Thèmes évoqués


Les thèmes émergeants de l’analyse thématique se retrouvent sous différentes formes dans les
études qualitatives de la littérature sur l’hortithérapie, les principales différences étant abordées
dans le paragraphe suivant. Ces thèmes indiquent que l’hortithérapie permet de mettre en œuvre

48
des ressources particulièrement pertinentes dans un programme d’ETP en obésité. Le ressenti
de bien-être, à la fois émotionnel et cognitif, avec un mouvement important de réduction des
cognitions négatives peut permettre de réduire la composante dysfonctionnelle du contrôle
hédonique de l’alimentation (Fantino, 2010). L’hortithérapie, en tant que source d’expression,
offre une autre modalité que l’alimentation pour exprimer sa souffrance et ses besoins
(Hahusseau, 2010). La relation aux autres peut être un support au travail sur les difficultés
relationnelles des personnes en obésité (Corminboeuf & Giusti, 2014). Enfin, la remise en
mouvement est la première étape pour que le patient puisse s’adapter et modifier ses
comportements dans un programme d’ETP en obésité (Ziegler et al., 2014), parcours difficile
dans lequel la respiration offerte par l’atelier d’hortithérapie est bienvenue.

4.2.3 Eclairage théorique des mécanismes de mise en mouvement


La partie qualitative de l’étude a fait émerger un certain nombre de thèmes et les a mis en lien,
permettant ainsi de mieux comprendre ce qui se joue pour les patients dans ces ateliers
d’hortithérapie et d’éclairer les résultats par des théories explicatives.

Le lien que l’on retrouve entre la « capacité à faire » et la « remise en mouvement », déjà
identifié par Blake (2016) dans une étude sur des patients souffrants de démence, peut être
expliquée par les écrits de Bourque (2010). Pour elle, les patients se sentent souvent empêchés
par leur obésité. Le fait qu’ils réalisent qu’ils sont en capacité de faire quelque chose leur permet
de modifier leur système de croyance et de décorréler les associations négatives entre le poids
et leurs capacités, de ressentir de la fierté, et de changer ainsi leur regard sur eux-mêmes. Ce
serait donc la simplicité de l’activité qui permettrait aux patients de se remettre en mouvement.

Par ailleurs, l’évocation de la sortie des cognitions négatives, de la simplicité de l’activité et de


l’opportunité de réfléchir et de se concentrer peut être mis en lien avec la théorie de la
restauration de l’attention (Kaplan, 1995), utilisée dans nombre d’études sur l’hortithérapie.
Cette théorie postule que se changer les idées, dans une fascination sans effort, dans une
immersion, permet de restaurer l’attention et de regagner ainsi un certain focus sur le contrôle
émotionnel. C’est ce qui permettrait aux patients de se remettre en mouvement (Christie et al.,
2016).

Enfin, le thème du bien-être et ses liens avec les autres thèmes de l’étude peut être sous tendu
par la théorie du « flow » (Csikszentmihalyi, 2002), expérience optimale correspondant à l’état
subjectif de bien-être. Ce serait à la fois la simplicité et l’accessibilité de l’activité,
l’accompagnement bienveillant de l’hortithérapeute qui donne du feedback, et le fait que les

49
patients se concentrent sur l’activité et s’oublient, qui permettrait d’expliquer les bienfaits de
l’activité selon cette théorie. Cette expérience du « flow » génère en effet un mouvement
global, permettant de déplacer ou effacer les pensées et sentiments négatifs par des sentiments
positifs de satisfaction, de sa propre valeur et de sa motivation intrinsèque.

4.3 Comparaison à la littérature et perspectives


4.3.1 L’hortithérapie : une médiation à généraliser
L’hortithérapie est une pratique dont le cadre n’est pas spécifié en termes de nombre de séances,
de lieu (qui peut être en extérieur, dans une serre ou en intérieur), ou d’activités (qui peut aller
de travailler la terre à créer du land art). Elle est donc mise en œuvre à travers une multiplicité
de cadres, qui rend complexe les comparaisons entre les études mais permet aussi de
comprendre l’impact des spécificités de chaque cadre.

Dans l’étude présentée ici, l’atelier d’hortithérapie était constitué d’une séance réalisée dans
une salle de réunion, les ateliers ayant eu lieu en hiver. Ainsi, si les thèmes émergeants de
l’analyse thématique se retrouvent sous différentes formes dans les études qualitatives de la
littérature sur l’hortithérapie, certaines différences sont notables. Ainsi, comparativement à
d’autres recherches menées en extérieur, on retrouve une moindre importance du thème du
corps, malgré une question spécifique du guide d’entretien sur ce point. Il semble effectivement
normal que le corps soit plus sollicité quand les patients plantent des végétaux et retournent la
terre en travaillant au potager (Sittarame, 2021), qu’assis en salle de réunion. Le lien à l’autre
est bien retrouvé comme un thème majeur dans cette étude. Cependant, il n’est pas décrit
comme une interaction sociale majeure dans les verbatims contrairement à d’autres études,
puisque l’atelier consiste ici pour chaque sujet à produire sa propre réalisation végétale, quand
des ateliers extérieurs de jardinage nécessitent un travail collaboratif (Carlson et al., 2020).
Enfin, la stimulation des sens est aussi moins importante dans cette étude, le chant des oiseaux,
les odeurs du jardin n’étant pas présents dans une salle fermée, alors qu’ils apparaissent dans
les verbatims des patients en obésité à qui un atelier d’hortithérapie extérieur est proposé
(Sittarame, 2021). A l’inverse, la beauté du végétal comme source de bien-être est un sous-
thème de cette étude, alors qu’elle n’est pas retrouvée dans les études basées sur des ateliers
d’hortithérapie au potager. En effet, les ateliers de cette étude incluaient une part de créativité
avec l’utilisation de fleurs ou d’éléments minéraux, dont la dimension esthétique est plus
importante que celle des légumes du potager.

50
Ainsi, un atelier d’hortithérapie en intérieur, s’il ne permet pas de disposer de toutes les
ressources qu’offre la nature, donne en revanche accès à d’autres leviers, comme la créativité
et la beauté, générateurs de bien-être. Il présente par ailleurs l’immense avantage de pouvoir
être implémenté dans n’importe quelle institution, même celles ne disposant pas d’espace
extérieur.

Cette étude ouvre donc une perspective particulièrement intéressante et originale, consistant à
organiser des séances d’hortithérapie en ETP obésité en salle de réunion, permettant ainsi
d’intégrer à moindre coût cette nouvelle médiation dans tous les programmes d’ETP obésité.

4.3.2 Vers une médiation personnalisée


Le design de l’étude qualitative a associé au relevé des verbatims des sujets des données sur
leurs troubles psychologiques, leurs éléments de vie majeurs ou leur type d’alimentation. Pour
les patients souffrants de troubles psychiatriques lourds, l’étude a montré que la puissance
métaphorique de l’hortithérapie est centrale. Pour une patiente très rationnelle et alexithymique,
l’activité d’hortithérapie offre au contraire une stratégie de coping centrée sur les émotions de
type évitement-fuite. Enfin, pour une autre patiente ayant vécu un burn-out professionnel, c’est
l’absence de stress et d’enjeu de l’activité d’hortithérapie qui est la ressource principale offerte
par l’atelier. La méthodologie de cette étude thématique n’avait pas pour objectif de relever des
éléments singuliers, mais elle ouvre cependant sur de nouvelles perspectives qui seraient à
explorer, où les patients en obésité pourraient puiser dans l’atelier des ressources différentes et
variées en fonction de leur singularité.

Cette perspective plus individuelle dans l’analyse de l’impact de l’atelier soulève aussi la
problématique de l’identification des risques, spécifiques à chaque patient, de cette pratique de
l’hortithérapie. Par exemple, alors que pour beaucoup de personnes le jardinage évoque des
souvenirs d’enfance positifs, l’atelier à fait remonter à la mémoire d’une participante des
souvenirs d’enfance douloureux lié à un travail forcé au jardin. De même, pour une patiente
particulièrement fragile psychiquement, le simple choix de la couleur des petits cailloux pour
décorer la plante a été difficile et a dû être accompagné par l’hortithérapeute. A travers ces deux
exemples, on perçoit que si l’atelier d’hortithérapie offre des ressources très variées en fonction
des patients, les difficultés qu’il peut engendrer sont tout aussi spécifiques à chaque patient.

C’est pourquoi, dans sa définition de l’hortithérapie, l’American Horticultural Therapy


Association spécifie qu’elle a pour but d’ « atteindre des objectifs précis adaptés aux besoins
du participant ». Certains services de psychiatrie précurseurs vont jusqu’à proposer aux patients

51
institutionnalisés des ateliers d’hortithérapie prescrits par le psychiatre, pour cibler des
symptômes spécifiques à chaque patient à travers des activités horticoles dédiées (Pommier et
al., 2018). Cette approche suit les recommandations d’Untas et al. (2016), qui préconise
d’adapter les approches psychothérapeutiques dans les maladies chroniques en fonction des
traits de personnalité des patients : TCC pour des personnes instables émotionnellement,
interventions plus introspectives pour les personnes extraverties, …. L’intérêt de l’hortithérapie
est donc sa dimension polymorphe, offrant des ressources thérapeutiques variées qui peuvent
être activées par les patients en fonction de leur sensibilité. Cependant, cela implique aussi que
les ateliers soient coanimés par l’hortithérapeute et un soignant, le rôle de ce dernier étant de
rester vigilant à ce que chaque patient ait une activité adaptée à ses besoins, afin qu’il tire tout
le bénéfice de l’activité et qu’il ne soit pas mis en difficulté.

Cette perspective plus singulière de la recherche sur l’hortithérapie, esquissée ici car relevée au
détour de l’analyse thématique, laisse entrevoir toute la valeur que pourrait avoir une recherche
basée sur une analyse interprétative phénoménologique (IPA) quant à l’apport de l’hortithérapie
pour les patients en ETP obésité. Parce que l’hortithérapie est polymorphe et que chaque patient
semble pouvoir y puiser des ressources singulières, elle peut constituer une médiation pertinente
pour une clinique fondée sur les valeurs, telle que décrite par Fulford (2018).

4.4 Limites méthodologiques de la recherche


L’échantillon utilisé pour l’étude quantitative pseudo randomisée est de 27 patients, ce qui
représente une taille faible de moins de 15 patients par groupe. Par ailleurs, dans l’analyse des
résultats, on retrouve des outliers qui, s’ils ont été conservés dans l’échantillon pour rester fidèle
à la collecte de données, peuvent influencer les résultats.

Par ailleurs, l’échantillonnage de l’étude vs groupe contrôle ne peut pas être considéré comme
strictement randomisé. En effet, les patients ne sont pas répartis aléatoirement dans les deux
groupes, mais correspondent à des groupes de patients qui suivent le programme
d’hospitalisation ensemble. Ainsi, d’un groupe à l’autre, les soignants qui présentent les ateliers
thérapeutiques peuvent changer, les dynamiques au sein des groupes de patients peuvent être
très différentes, et de multiples autres variables qui pourraient influencer l’estime de soi et les
émotions des patients peuvent aussi varier d’un groupe à l’autre. Face à ces limites
méthodologiques, les résultats de l’étude quantitative sont exploratoires et doivent être
confirmés par d’autres études pour prétendre à leur généralisation.

52
Le fait que cette étude ait été menée en parallèle d’un stage clinique a très probablement pu
induire un biais de désirabilité chez les patients, sujets de l’étude. En effet, le chercheur ayant
aussi eu des interactions cliniques avec les patients, ceux-ci ont sans doute montré plus d’intérêt
pour l’atelier qu’ils ne l’auraient fait s’ils ne connaissaient pas le chercheur.

Enfin, dans cette étude, l’atelier d’hortithérapie était constitué d’une unique séance, alors qu’il
s’agit plus souvent d’une activité proposée sur plusieurs mois. La métaphore du temps long de
la maladie à travers la vie de la plante du semi à la récolte ; celle de la résilience, par les semis
spontanés qui réapparaissent chaque année, ne sont effectivement pas apparues dans les thèmes
de cette étude, alors qu’elles sont mentionnées dans d’autres études (Annerstedt & Währborg,
2011). Mais surtout, on peut questionner l’impact à long terme d’un unique atelier. Comme
l’écrit Stuart-Smith (2021) : « “la joie d’être la cause créatrice“ est intense, mais passagère.
Elle peut mettre en jeu des émotions fortes et être très motivante, mais le jardinage produit
d’autres effets, qui sont plus lents ». Dans la méta-analyse de Soga et al. (2017), 12 études
comprenaient des ateliers sur plusieurs semaines et ont montrés des bénéfices à 3 mois de
follow-up ; 3 études portaient sur des ateliers ponctuels, et ont aussi montrées des réductions
des symptômes, sans toutefois évaluer les bénéfices à long terme. Enfin, dans son étude en soins
palliatifs, Masel et al. (2018) montrent des bénéfices immédiats, même après un seul atelier.

Le design de cette étude ne permet donc pas de répondre à la question de la pérennité des
bénéfices de l’atelier d’hortithérapie. Les résultats montrent des impacts positifs, qui pourraient
participer à la motivation du patient dans cette phase initiale du programme d’ETP. Cependant,
le parcours de soin du patient obèse est souvent semé d’embuches et de rechutes, et il semble
raisonnable de penser que, comme pour les autres activités des programmes d’ETP, cet atelier
pourrait être proposé plusieurs fois au long du programme, et ses bénéfices évalués sur le long
terme.

53
5 Conclusion
L’obésité est une maladie chronique dont la prévalence est telle qu’elle est considérée comme
un véritable enjeu de santé publique. Pour y faire face, les autorités de santé supportent le
développement de programmes d’éducation thérapeutique (ETP), approche intégrée au
parcours de soin, qui permet de replacer le patient au centre de sa prise en charge et de lui
redonner le pouvoir d’agir. Pourtant, l’obésité est une maladie chronique dans laquelle la
dimension psychologique représente souvent pour le patient un frein au changement. Ainsi, les
programmes d’ETP en obésité pourraient sans doute être améliorés en faisant une plus grande
place à la prise en charge de la dimension psychologique de l’obésité, en y intégrant de
nouvelles approches psychothérapeutiques.

L’hortithérapie est une nouvelle forme de médiation par le végétal déjà utilisée dans le cadre
d’autres pathologies. Cette étude avait donc pour objectif de comprendre l’impact de cette
médiation thérapeutique pour les patients en ETP obésité.

Alors que les recherches sur l’ETP et l’hortithérapie sont souvent basées sur le modèle
biomédical de l’evidence based medecine, cette recherche exploratoire s’est appuyée sur une
méthodologie mixte. Elle a montré, dans une étude pseudo randomisée vs groupe contrôle une
amélioration de l’estime de soi. De plus, une amélioration des émotions au cours de l’atelier a
pu être mise en évidence. Par ailleurs, l’étude qualitative thématique a permis d’éclairer les
résultats quantitatifs et de comprendre certains des mécanismes en jeu dans cette médiation.
Celle-ci met en lumière l’hortithérapie comme source de bien-être et d’expression ; elle permet
aux patients de mieux vivre l’ensemble du programme d’ETP en leur offrant une respiration ;
enfin, elle permet aux patients de se relier aux autres, de changer leur regard sur eux-mêmes et
de se remettre en mouvement.

Même si les résultats de cette étude exploratoire restent à confirmer par d’autres travaux de
recherche, ils montrent que l’hortithérapie apporte des bénéfices même lorsqu’elle est pratiquée
en intérieur, ouvrant ainsi à tous les programme d’ETP obésité la possibilité d’intégrer cette
médiation, y compris au sein d’institutions ne bénéficiant pas d’un espace extérieur.

Enfin, la dimension polymorphe de cette médiation ouvre des perspectives intéressantes qui
restent à explorer, en particulier à travers des recherches qualitatives basées sur l’analyse
phénoménologique interprétative.

54
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