Auteur Français Du 19e Siècle - Apollinaire

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Université de Liège

Faculté de Philosophie et Lettres


Département de Langues et Littératures romanes

Qu’est-ce qu’un texte poétique ?


Introduction théorique

Cours d’Explication d’auteurs français des XIXe et XXe siècles

Jean-Pierre BERTRAND
Laurent DEMOULIN

Année académique 2018-2019


Le texte me tend un miroir magique où j’aperçois non pas mon image
(interdite de conscience), mais la sienne telle que je l’habite en
sachant que beaucoup d’autres y logent aussi.

BELLEMIN-NOËL Jean, La Psychanalyse du texte littéraire, Paris,


Nathan, 1996, p. 76.

Très souvent, j’ai affirmé que rien ne pouvait être fait de bon, en
matière d’écriture, comme aussi bien en matière de peinture ou de
musique, enfin en tout autre art de ce genre, si la sensibilité au mode
d’expression choisi (en l’espèce, pour les écrivains, la langue, les
mots) n’était pas au moins égale à la sensibilité au monde.

PONGE Francis, Entretiens avec Philippe Sollers, Paris,


Gallimard/Seuil, collection « Points », 1970, p. 43.

Avertissement

Les notes qui suivent ont pour objectif de fixer les notions fondamentales de
l’explication de texte, et plus spécialement l’explication du texte poétique
moderne. Elles constituent un bagage théorique de base qui devrait servir à
forger le discours du commentateur de textes ; méthodologiquement, elles
sont conçues en sorte de fournir une série d’entrées analytiques qui
permettront de construire l’explication, à tout le moins de questionner le
texte. On pourra les compléter par d’autres aperçus, notamment au moyen
du Dictionnaire du Littéraire de Paul ARON, Denis SAINT-JACQUES et Alain
VIALA (PUF, 2002), mais aussi d’autres ouvrages critiques sur la poésie
moderne et, plus généralement, sur la poétique (cf. bibliographie pp. 41-
43).
Introduction : la notion de texte

Texte : en sémiotique littéraire, le texte est défini comme « l’englobant


formel des phénomènes linguistiques » (Roland Barthes), c’est-à-dire que le
texte se définit comme un système sémiotique à la fois clos et autonome,
constitué par tous les éléments proprement linguistiques des phrases qui le
composent, aux niveaux phonologique, lexical, syntaxique, sémantique et
rhétorique.
NB : le mot texte vient du latin textus qui signifie « tissu, enlacement »,
spécialement « enchaînement d’un récit ». Le mot a désigné par la suite le
libellé authentique de la parole divine (de l’Évangile), en opposition à la
glose, au commentaire, au discours.

Texte littéraire : le texte littéraire est un type de texte historiquement


marqué par un code qui définit son statut, son genre et sa légitimité. Un
roman n’est pas une tragédie, un sonnet n’a rien à voir avec une fable et, à
l’intérieur de chaque genre, l’histoire opère des distinctions qui vont jusqu’à
reconnaître le style d’un mouvement, d’une école, d’un auteur, voire d’une
œuvre. La littérarité d’un texte est redevable des particularités historiques de
son écriture.

Texte poétique : le texte poétique est un texte littéraire particulièrement


codé dans sa forme et sa structure. Il met prioritairement en œuvre ce que
Roman Jakobson appelle la « fonction poétique » (ou « esthétique »), celle
qui, dans la communication, a pour effet de rendre le message attentif à lui-
même. Le langage poétique est « opaque » là où les autres genres sont
davantage « transparents », ce qui signifie que le référent qu’il désigne est,
d’une part, moins apparent et, d’autre part, transformé par un travail sur la
langue. La poésie moderne est avant tout, selon l’expression des
dictionnaires, un « art du langage ».

On considérera ici surtout le texte poétique, particulièrement intéressant


dans la mesure où, aux caractéristiques du texte en général et du texte
littéraire, il ajoute ses caractéristiques propres, ce qui fait de lui, en quelque
sorte, un texte au cube et un texte littéraire au carré. Plus précisément

3
encore, c’est la poésie moderne qui sera ici exploitée, poésie qui use sans
doute plus que tout autre de la fonction poétique définie par Jakobson.

Pour rappel, voici le schéma de la communication de Roman Jakobson :

Contexte
Fonction référentielle

Destinateur è Message è destinataire


fonction expressive fonction poétique fonction conative

canal
fonction phatique

code
fonction métalinguistique

Un texte poétique peut être abordé de multiple façons. Pour des raisons
d’ordre méthodologique, nous nous appuierons sur deux grandes approches,
qui correspondent à une distinction théorique primordiale : le couple
énoncé/énonciation. L’énonciation est l’engendrement d’un texte par le
sujet parlant. Elle représente « l’impact du sujet dans un texte ». Cet impact
est parfois (mais pas nécessairement) perceptible à travers trois points de
repères : le « je », l’« ici » et le « maintenant ». Quant à l’énoncé, il
constitue le produit de l’acte d’énonciation dont le sujet parlant assume la
responsabilité. Nous envisagerons d’abord ici le texte poétique moderne
comme énoncé, point de vue qui sera le plus fécond pour le commentaire, et
nous envisagerons ensuite le texte comme énonciation, ce qui nous
permettra de compléter notre approche théorique et méthodologique.

4
Le texte poétique comme énoncé

Préalables

Le texte vu comme énoncé implique qu’il est orienté comme le signe, lequel
est composé, d’un côté, du signifiant, à savoir la matérialité des lettres, des
sons, des mots et leur enchaînement dans la phrase et, de l’autre, du signifié,
à savoir les unités sémantiques qui, dans la sémiologie classique, ont pour
fonction d’arrêter le sens, de le fermer de manière univoque et définitive.

Cette distinction doit cependant être corrigée lorsqu’elle s’applique à la


poésie, et ce, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, le signifiant
et le signifié cessent, en poésie, de s’opposer fonctionnellement puisque
l’enveloppe matérielle fait souvent également sens. Deuxièmement, le
signifié du poème est tout sauf fermé et univoque : il s’ouvre au contraire à
l’équivoque, à l’indétermination, à la polysémie. En effet, la poésie
moderne, depuis Charles Baudelaire, a fait éclater la conception du texte-
signe classique qui était liée à une métaphysique de « La » vérité. Cette
conception a prévalu dans l’approche philologique du texte, le but du
philologue étant de restituer l’authenticité d’un texte dans son exactitude
littérale et sémantique. Mais, depuis une trentaine d’années, linguistes,
sémiologues et théoriciens du texte ont remis en question cette
métaphysique du sens unique.

5
1. Une structure formelle

Au plan formel, pour qu’il y ait poème, plusieurs conditions doivent être
réunies. Le texte poétique doit en effet réunir les cinq éléments suivants :

1°. La forme constitue un cadre fixe ou non (ex. un sonnet).

2°. Cette forme est réglée par un rythme particulier, soit qu’il résulte du
retour régulier, au sein du poème et de chaque vers, de séquences ayant un
nombre égal de syllabes, soit que le rythme se confonde, comme l’ont voulu
les vers-libristes de la fin du XIXe siècle tels Arthur Rimbaud ou Jules
Laforgue, avec le souffle poétique, lequel ne serait régulé par aucune
contrainte arithmétique. Aujourd’hui, on considère que le rythme organise
le sens et qu’il ajoute aux mots de la poésie un signifiant plus ou moins
connotatif. Dans Le Dictionnaire du Littéraire, on peut lire à l’entrée
« rythme » : « Dans son acception courante, “rythme” désigne le retour, à
intervalles plus ou moins régulier, d’un phénomène […]. En littérature, il
désigne l’organisation accentuelle et prosodique dans la phrase. […] il est la
dynamique des textes, dont il organise la signifiance par l’accentuation des
phrases — et non des mots — et la construction de séries prosodiques. »
(p. 536-537)

3°. Le rythme d’un poème est produit par l’organisation du texte en vers
(dont l’étymon latin est versus « le sillon toujours égal du laboureur », du
verbe vertere « tourner, faire retour »). Sur la page imprimée, le vers,
métrique ou non, se définit par l’espace typographique qu’il occupe. Alors
que la prose occupe tout l’espace de manière cursive, le vers s’arrête avant
la fin de la ligne typographique. En français, on dénomme les vers selon
leur longueur métrique, en observant certaines règles, comme la distribution
du « e » muet (les vers les plus fréquents sont l’alexandrin, le décasyllabe et
l’octosyllabe). La longueur du vers implique un rythme particulier, une
accentuation métrique (ex. la césure à l’hémistiche, le trimètre romantique).

4°. Facultativement, un poème peut être formé de rimes qui sont, « la


répétition, à la fin de deux vers au moins, d’un phonème ou davantage » (Le
Dictionnaire du littéraire, article « vers ; versification »), ce ou ces
phonèmes comprenant, au minimum, la dernière voyelle accentuée et tout ce
6
qui la suit. Par exemple, « mur » et « pur » riment tandis que « butte » et
« bulle » sont des assonances. Soulignons l’expression « voyelle
accentuée », qui exclut bien entendu le « e » atone (« e muet ») : celui-ci est
pris en compte dans la versification classique quand il s’agit de compter les
syllabes, mais il ne peut constituer la rime : « porte » et « vache » ne riment
pas.

Traditionnellement, les rimes sont classées selon trois niveaux de richesse :


• rime pauvre qui repose seulement sur l’homophonie d’une voyelle :
« bu » et « vu » ;
• rime suffisante qui contient, en plus de la voyelle nécessaire, une
consonne homophone avant ou après celle-ci : « bu » et « barbu » ou
« mur » et « pur »,
• rime riche qui comporte deux voyelles homophones ou deux consonnes
homophones avant la voyelle, après la voyelle ou encadrant la voyelle :
« tué/rué » ; « cru/recru » « morte/porte » ou « prune/brune ».

Les règles de la versification définissent également trois ordonnancements


de base (rimes plates : AABB, croisées : ABAB, embrassées : ABBA). Enfin,
elles demandent l’alternance des rimes féminines (terminées par un « e »
atone : « tête/fête ») et des rimes masculines (terminées par une autre lettre
que « e » atone : « fleur/peur »). Cette dernière règle était cependant tombée
en désuétude bien avant l’apparition du vers libre.

5°. Enfin, le poème est constitué de groupes de vers, les strophes,


l’équivalent du paragraphe en prose. La strophe est caractérisée par le
nombre de vers, par le type de mètre utilisé et par la disposition des rimes.
Pour qu’il y ait strophe, il faut que le schéma des rimes soit complet ; il peut
y avoir soit répétition de strophes identiques, soit alternance de strophes
différentes. Les strophes portent un nom lorsqu’elles sont fixes (distique : 2
vers, tercet : 3 vers, quatrain, quintil, sixain, septain, huitain, neuvain,
dizain, onzain, douzain). En poésie contemporaine, la strophe correspond à
tout groupe de vers isolé par deux blancs, quels que soient le nombre et la
nature des vers.
Remarque : Pour compléter ces informations et ces remarques, il est
conseillé de consulter notamment Le Dictionnaire du Littéraire déjà cité aux
articles « arts poétiques », « forme », « formes fixes », « poème en prose »,
7
« poésie », « poésie pure », « poète », « poète maudit », « poétique »,
« polysémie », « prose », « rythme », « sonnet », « texte » et « vers,
versification ».

Insistons sur la nécessité d’intégrer ce bagage technique à l’explication, tout


en soulignant qu’il n’est d’aucun intérêt de décrire la forme pour elle-même.
En effet, notre objectif est toujours de chercher ce qui, dans la forme, fait
sens, soit que la forme appuie le sens en le structurant de façon inédite, soit
que la forme fait sens en elle-même, ce qui est plus rare.

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2. Une structure sémantique

Il convient d’abolir la vieille dichotomie opposant le « fond » à la « forme »


au profit de la distinction du « contenu » et de l’« expression » (ou du
« contenu » et de la « forme »). Ce changement de terminologie a plusieurs
raisons d’être.

D’abord, la dichotomie fond/forme repose sur la croyance en la supériorité


du contenu par rapport à l’expression : le fond serait l’élément sérieux et
essentiel qu’il conviendrait de retrouver sous les habits ornementaux de la
forme. Cette conception est indéfendable pour l’analyse de la poésie
moderne, car celle-ci a tendance, au contraire, à se soucier plus de
l’expression que du contenu.

Ensuite, la dichotomie fond/forme postule une séparation absolue des deux


pôles, la forme étant considérée comme un pur ornement gratuit, une
manière esthétique de s’exprimer n’ayant aucune influence sur le fond. Or,
depuis Saussure, la linguistique nous a appris que les deux pôles sont aussi
indissociables que le recto et le verso d’une feuille : qui touche à la forme
modifie nécessairement le contenu. Les idées n’existent tout simplement pas
indépendamment des mots qui les expriment. C’est déjà ce que notait
Gustave Flaubert, s’adressant à Louise Colet dans une lettre datée du 18
septembre 1846 : « Pour moi, tant qu’on ne m’aura pas, d’une phrase
donnée, séparé la forme du fond, je soutiendrai là que ce sont deux mots
vides de sens. Il n’y a pas de belles pensées sans belles formes, et
réciproquement. »

En prolongeant la pensée de Flaubert, on peut considérer que la distinction


de l’expression et du contenu est tout autant une vue de l’esprit que la
dichotomie fond/forme : elle ne correspond pas non plus à une réalité
tangible. Mais, même si elle est abstraite, cette distinction est nécessaire
pour réfléchir à la langue, à la littérature et à la poésie. On considérera
simplement que l’expression et le contenu sont intimement liés. Il est à
noter que, selon certains poètes, la poésie peut être définie précisément
comme une tentative d’établir une équivalence entre le signifiant et le
signifié. Stéphane Mallarmé appelle cela la « retrempe alternée en le sens et
la sonorité ». Cette définition ne fait pas l’unanimité, mais plusieurs poètes
9
ont cherché à l’appliquer, en quelque sorte, comme Guillaume Apollinaire
(avec ses calligrammes) ou comme Francis Ponge (de façon moins visible),
qui ont tous deux essayé de reproduire dans la forme de leur texte l’objet
décrit.

D’autres systématisations ont vu le jour au cours de l’histoire, tels des


traités d’harmonie imitative, d’instrumentation verbale. Il faut, à cet égard,
se prémunir contre le danger du « cratylisme » gratuit qui établit des
correspondances entre les sons et des significations de manière arrêtée. Les
effets de sens sont toujours de l’ordre de la connotation et non de la
dénotation.

Enfin, la poésie est, avant tout, un langage figuré, d’où l’importance de la


rhétorique et des transformations au niveau du sens et de la logique (cf.
point 3.)

Par ailleurs, posons-nous la question de savoir ce qu’est un poème au plan


de son dispositif sémantique. Puisque le poème est versus, retour sur soi, il
implique une attention particulière dans son mode de désignation du sens. Il
ne se donne pas, comme en prose, pour désignation univoque et définitive
de ce qu’il nomme, mais, au contraire, installe, dans son économie, du
surplus de sens ou encore du brouillage sémantique.

Il est donc nécessaire d’avoir à l’esprit que, comme nous l’avons signalé
plus haut, le poème se trouve volontiers du côté de la connotation et du
figural et non de la dénotation et du littéral. En linguistique, la connotation
se définit par tout ce qui, dans la signification, ne relève pas de la dénotation
(c’est-à-dire le sens reçu des mots tel qu’on le trouve, par exemple, dans un
dictionnaire). Pour l’exprimer de manière positive, il s’agit donc de tous les
éléments qui s’ajoutent au sens des mots à savoir, en quelque sorte, leur
valeur expressive, leur structure formelle mais, surtout, leur puissance
symbolique et imaginaire. Les connotations donnent essentiellement deux
types d’informations : des informations stylistiques, qui signalent
l’appartenance d’un message à telle ou telle sous-langue (telles des variantes
régionales, historiques, des niveaux de langue, etc.) et des informations
énonciatives qui concernent le locuteur ou l’énonciateur, son affectivité, son
appartenance sociale, etc. Ainsi, la connotation est un concept fondamental,
10
au carrefour du poétique, du rhétorique, du symbolique, du mythique, du
sociologique, de l’idéologique. Par exemple, « papa » et « père » ont le
même sens dénotatif, mais ne sont pas porteurs des mêmes connotations.

Notons aussi que le poème est signifiance, à savoir que le texte poétique,
puisqu’il n’a pas de sens définitif et canonique, est un espace polysémique.
Il est conçu non pas comme un produit, mais comme une production ; il
n’existe pas une et une seule signification, mais un dispositif de signifiance.
La signifiance est donc un procès par lequel et à travers lequel le sujet
(lecteur ou écrivain) explore la manière dont la langue le travaille. Ainsi, la
signifiance constitue le point d’implication le plus intense du texte de la part
du sujet écrivant ou lisant.

En outre, la signifiance d’un poème est toujours la résultante, non seulement


du travail, mais aussi de l’organisation même de la forme-sens. Parmi les
concepts les plus efficaces pour dégager la pluralité sémantique du texte,
nous retiendrons, d’abord, l’isotopie qui, d’après Greimas, est l’« ensemble
redondant de catégories […] qui rend possible la lecture du récit ». Quand
on recherche les réseaux isotopiques d’un texte, on relève les traits
(phoniques, sémantiques, syntaxiques, logiques) qui structurent la
production de sens. Généralement, tout texte procède de plusieurs isotopies
croisées. On s’attachera particulièrement à étudier les isotopies sémantiques.

N.B. : Il ne faut pas confondre la notion d’isotopie sémantique avec celle de


champ lexical. L’isotopie concerne les connotations et le champ lexical les
dénotations. Par exemple, dans la phrase :
« L’aube allume la source » : les trois termes appartiennent à trois champs
lexicaux distincts (aube : moment de la journée/ allume : feu / source : eau),
mais une isotopie du commencement ou de la naissance les traverse (aube :
début de la journée/ allume : faire naître le feu/ source : naissance du cours
d’eau)

11
3. Un dispositif rhétorique

(Voir GROUPE µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1970 ; rééd.


« Points ».)

La rhétorique est la discipline qui étudie les différents écarts de langage et


les classe en autant de figures de style. Ces figures jouent soit sur
l’expression, soit sur le contenu. Par ailleurs, leur territoire d’action est plus
ou moins important : on peut également les classer en deux groupes selon
qu’elles touchent le mot (ou une partie du mot) ou qu’elles altèrent la phrase
entière (ou plusieurs phrases). Ces deux premiers classements s’appliquent
en même temps à toutes les figures, de sorte que nous pouvons distinguer
quatre grandes familles selon le tableau à double entrée suivant :

Expression Contenu

Mots (et parties de mot) Métaplasmes Métasémèmes


Phrases (et ensemble de phrases) Métataxes Métalogismes

Nous allons passer en revues les figures de ces quatre grandes familles en
nous inspirant du « Tableau général des métaboles ou figures de
rhétoriques » du Groupe µ1. Ajoutons cependant encore que les opérations
rhétoriques consistent en quatre types de transformation des unités de
signification : suppression, adjonction, suppression-adjonction, permutation.

1. MÉTAPLASMES

= ensemble de figures qui altèrent la continuité phonique (ou graphique > on


parle alors de métagraphes) du message, aux niveaux infralinguistique,
élémentaire ou complexe de l’énoncé.

1
GROUPE µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1970 ; rééd. « Points », p. 49. Nous
avons toutefois sélectionné les figures, ne conservant que celles qui trouvent une forte
occurrence dans la poésie moderne. Les informations contenues dans ce chapitre peuvent
être complétées par les articles « figure », « figures de pensée », « paradoxe » et
« rhétorique » du Dictionnaire du Littéraire, op. cit.
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— suppression
• aphérèse : retranchement d’une syllabe au début d’un mot.
« cisson » pour « saucisson »
• apocope : retranchement d’une syllabe à la fin d’un mot.
« sauci » pour « saucisson »
• syncope : retranchement d’une syllabe à l’intérieur d’un mot.
« sausson » pour « saucisson »
• synérèse : dans la versification régulière, quand deux voyelles sont
en contact, le fait de devoir compter une syllabe quand spontanément
on en compterait deux.
nua-ge (2 syll.) pour nu-a-ge (3 syll.) (Queneau)
• déléation : marquée typographiquement par des … ou un silence.
incipit de Le Petit de Bataille : « … fête à laquelle je m’invite seul »
La P… respectueuse (titre d’un roman de Jean-Paul Sartre)

— adjonction
• prosthèse : addition d’une syllabe au début d’un mot.
Ma robe ! Ma brobe ! Ma crobe ! Ma frobe ! (Ducharme)
• diérèse : dans la versification régulière, quand deux voyelles sont
en contact, le fait de devoir compter deux syllabes quand
spontanément on en compterait une.
di-eu (2 syll) pour dieu (1 syll) ; Lou-i-si-ane (en 4 syll.)
• épenthèse : addition d’une lettre ou d’une syllabe à l’intérieur
d’un mot.
merdre, mirlitaire
• mot-valise : amalgame de deux mots sur la base d’une
homophonie partielle.
évoluption = évolution + volupté
Thénardier dans Les Misérables est un « filousophe » (Hugo) = filou + philosophe
donner l’alcoolade (Queneau) = alcool+ accolade
Nobodaddy (pour Dieu) (Blake) = nobody + daddy
• suffixation/préfixation :
métabaron, réassoiffé, bedondaine…
• redoublement : longlong
• insistance : madaaaaaaame
• paronomase : rapprochement de mots proches phonétiquement et
sémantiquement distincts.
Lingères légères (Éluard)
• allitération : répétition d’une consonne
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Cerise cuve de candeur
Digitale cristal soyeux
Bergamote berceau de miel
Pensée immense aux yeux de paon (Éluard)
• + rime, assonance (voir définition supra)

– suppression-adjonction
• calembour : jeu de mots fondé sur des ressemblances de sons et
des différences de sens.
Os de chatte, corps de lierre [cordelière], chef-d’œuvre vain
(Laforgue)
• archaïsme : mot ou construction ancienne qui n’a plus cours ou
imitation de l’ancienne langue.
Va, Globe au studieux pourchas (Laforgue)
• néologie : création de termes nouveaux, par dérivation, imitation,
invention ou amalgame.
Voici sur le tard du jour que le ciel se duvette, se plumette,
s’édredonne, il se pompadourise, se douillette, se matelasse, se
capitonne de soie grise. (Ponge)
• forgerie : = néologisme total.
Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;
Il le pratèle et le libucque et lui baruffle les ouillais… (Michaux)

– permutation
• anagramme : permutation des lettres d’un mot.
Alcofribas Nasier (pour François Rabelais)
Le temps est un aigle agile (Desnos)
• contrepet (ou contrepèterie) : permutation de deux phonèmes (ou
plus) d’un énoncé.
Martyr, c’est pourrir un peu (Prévert)
Le boème de Panville intitulé : Ma Lère (Ducharme)
• palindrome : lecture de gauche à droite et de droite à gauche d’un
même énoncé.
l’âme des uns iamais n’use de mal
élu par cette crapule
Léon, émir cornu d’un roc, rime Noël (Cros)
Ce reptile lit Perec

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2. MÉTATAXES

= figures qui altèrent la syntaxe aux niveaux élémentaire ou complexe de


l’énoncé. Les altérations portent essentiellement sur 1° l’intégrité de la
phrase et des syntagmes ; 2° la position de certains syntagmes dans la
phrase.
Exemple :
l’homme 1, furieux 2 , renverse 3 la chaise 4 = norme
furieux 2 , l’homme 1 renverse 3 la chaise 4 = permutation simple du syntagme 1 et 2
l’homme 1 renverse 3, furieux 2 , la chaise 4 = permutation complexe
l’homme 1 renverse 3 la chaise 4 , furieux 2 = permutation complexe

— suppression
• ellipse : suppression de mots nécessaires à la construction
syntaxique, mais dispensables du point de vue du sens.
L’ai reconnue tout de suite, les yeux de son père. (double ellipse sujet)

Il existe de nombreuses formes d’ellipses, en voici quatre :


• crase : contraction de deux substantifs ou d’un substantif et
de son adjectif.
L’amour patrie (pour l’amour de la patrie)
• zeugme : figure qui consiste à réunir plusieurs syntagmes
au moyen d’un élément en commun qui n’est pas répété.
Vêtu de probité candide et de lin blanc (Hugo)
Déjà vibraient les rires, déjà les impatiences (Queneau)
Je me méfie de ma conscience et de ton père. (Gainsbourg)
• asyndète : suppression des conjonctions de coordination.
La pluie, le vent, le trèfle, les feuilles sont devenus des éléments de
ma vie (A. Hébert)
Dans mon silence j’ensevelis
un rire un soleil éclatant (Tardieu)
• parataxe : disposition côte à côte de phrases sans marque
de dépendance.
Odeur du temps brin de bruyère (Apollinaire)

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— adjonction
• parenthèse : insertion d’un syntagme ou d’une phrase dans une
autre qu’il interrompt.
• concaténation : enchaînement-reprise d’un mot dans une autre
phrase.
Tout renaissait pour s’embellir ; tout s’embellissait pour plaire (Littré)
L’être vulgaire ne se connaît lui-même qu’à travers le jugement
d’autrui, c’est autrui qui lui donne son nom, ce nom sous lequel il vit
et meurt comme un navire sous un pavillon étranger (Bernanos)
• explétion : emploi apparemment inutile de mots explétifs.
Ce que je respire, moi, c’est la jalouse et nostalgique admiration des
êtres et des choses heureux (Laforgue)
• reprise : répétition non d’un mot mais de son environnement
syntaxique.
Un ruisseau sans talus
Un enfant sans amis (Char)
La femme et son poisson
La vierge et son grillon le lustre et son écume
La bouche et sa couleur la voix et sa couronne (Éluard)
• polysyndète : répétition des marques de la coordination.
[présences qui] interfèrent et bougonnent et objectent et moquent et
désapprouvent et raillent (etc.) (Michaux)

— suppression-adjonction
• syllepse : manquement aux règles d’accord (de genre, de nombre,
de personne ou de temps) ; accord selon le sens et non selon la syntaxe.
L’été et notre vie étions d’un seul tenant (Char)
L’homme ordinaire au nombre desquels je me range. (J. Grenier)
• anacoluthe : rupture de construction syntaxique.
Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S’éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix (Chénier)
Bâtie sans beaucoup de façons, l’herbe, le temps, l’oubli l’ont rendue
extérieurement presque informe (Ponge)
• transfert de classe (ou métaphore syntaxique) : remplacement
d’un syntagme par un autre de nature différente (un nom par un adjectif, un
verbe par un substantif, etc.).
Ah ! c’est encore ce gémir d’abandonner le sommeil ! (Aragon)
Tout Hamlet que nous sommes (Laforgue)
Du calme et des fleurs. Peu t’importe de connaître
Ce que tu fus, dans l’à-jamais, avant de naître ? (Laforgue)
On nous Claudia Schiffer. On nous Paul-Lou Sulitzer (Souchon)
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• chiasme : inversion des syntagmes de deux groupes de mots
syntaxiquement identiques
Je jouais avec Juliette et avec lui ; avec Alissa, je causais. (Gide)
Ah que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit. (Baudelaire)

— permutation
• tmèse : division des parties d’un mot composé, par insertion d’un
ou de plusieurs autres mots
Quelle et si fine et si mortelle
Que soit ta pointe, blonde abeille (Valéry)
Porte-moi, porte doucement moi (Valéry)
• hyperbate : projection en dehors du cadre normal de la phrase de
l’un de ses constituants fixes
Les armes du matin sont belles, et la mer (Saint-John Perse)
Il était beau, hein, Narcisse ? et distingué ! (Laforgue)
Sur ces entrefaites, une vieille otite, qui dormait depuis trois ans, se
réveilla et sa menue perforation dans le fond de mon oreille (Michaux)
• inversion : renversement complet de l’ordre à l’intérieur d’une
fraction de phrase ou même d’une phrase entière
Quinze enfants il a eus (Joyce)
Tandis que la Princesse causait avec moi, faisaient précisément leur
entrée le duc et la duchesse de Guermantes (Proust)
Victorieusement fui le suicide beau (Mallarmé)

3. MÉTASÉMÈMES

= ensemble des figures portant sur le sens des mots (alors que les
métaplasmes portaient sur la forme des mots et que les métalogismes
porteront sur le sens des phrases, voire sur la logique des contenus). La
plupart des métasémèmes reposent sur une seule opération : la suppression-
adjonction. Il s’agit en effet essentiellement de figures qui remplacent un
mot par un autre, ou plus exactement, les sens d’un mot par un autre.
• Synecdoque : figure qui consiste à remplacer un mot par un autre
en vertu d’un rapport d’inclusion et d’appartenance : le tout pour la partie, la
partie pour le tout, l’espèce pour le genre, le genre pour l’espèce. Cela
donne lieu à quatre possibilités de synecdoques. Soit, dans le schéma ci-
dessous, si l’on veut remplacer le mot « homme » :

17
Type Σ
(espèce/genre : ou… ou)

« mortel »

Type Π ⇑
(partie/tout : et… et) ⇑
« famille » ⇐ ⇐ « homme »→ → « bras »



« Grec »

⇑⇐ : synecdoque généralisante : remplace le – par le +


↓→ : synecdoque particularisante : remplace le + par le –

Synecdoque de type Σ : remplace le genre pour l’espèce ou l’inverse (les


éléments constituant l’unité supérieure sont unis par la conjonction « ou » :
un mortel, c’est un homme ou un chien, ou… ; un homme, c’est un Grec ou
un Belge, ou…)
Synecdoque de type Π : remplace le tout par la partie ou l’inverse (les
éléments constituant l’unité supérieure sont unis par la conjonction « et » :
une famille, c’est un père et une mère et… ; un homme, c’est deux bras et
une tête et… )

Il est clair que ces synecdoques n’ont pas toutes la même valeur. Dans notre
exemple, la synecdoque particularisante de type Σ n’est pas une figure :
« Le Grec » pour « Ulysse ». Par contre, la généralisante de type Π est
choquante (« famille » pour désigner « un homme »). Elle constitue un écart
par rapport à la norme et donc une figure. Nous ne considérons que les
synecdoques-figures, les seules qui produisent un effet de sens.

18
Exemples de synecdoques :
Des radis l’attendaient, et le chat qui miaula espérant des sardines, et Amélie qui
craignait une combustion trop accentuée du fricot. Le maître de maison grignote
les végétaux, caresse l’animal et répond à l’être humain […]. (Queneau)
(trois synecdoques généralisantes de type Σ : « végétaux » pour « radis »,
« animal » pour « chat » et « être humain » pour « Amélie ».)
Au poste, d’autres moustaches m’ont dit […] (Trenet)
(« moustaches » pour « policiers »)
Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumière. (Baudelaire)

• Antonomase : forme de synecdoque particularisante, qui consiste à


remplacer un nom commun par un nom propre
Un « Saint-Just » pour un « homme intègre »

• Métonymie : figure qui remplace un mot par un autre en vertu de


leur contiguïté spatiale, temporelle ou causale (contenant/contenu ;
effet/cause ; lieu/chose ; physique/moral…)
Tu rendras à ma tombe / Ce que j’ai fait pour ton berceau. (Hugo)
(« tombe » : « moi quand je serai mort » ; « berceau » : « toi quand tu étais un nourrisson »)
Je l’ai vu cette nuit, ce malheureux Sévère, / La vengeance à la main, l’œil ardent
de colère. (Corneille)
(« la vengeance » : « l’épée »)
Ma jeunesse avait espéré d’autres triomphes. (Gautier)
Chez le marchand de fleurs, j’achète l’automne à brassée. (Beauvoir)
(« l’automne » : « fleurs »)

Différence entre la synecdoque et la métonymie : certains linguistes


considèrent la synecdoque comme une variété de métonymie et dans les
dictionnaires les définitions des deux termes se recouvrent volontiers.
Pourtant, il y a une différence très nette : la synecdoque remplace un
élément d’un ensemble par l’ensemble lui-même (ou l’inverse). La
métonymie fait permuter deux mots faisant partie du même ensemble.

Schéma : Métonymie : Synecdoque :

•↔• •

19
• Hypallage : figure qui consiste à lier syntaxiquement un mot A à
un mot B alors qu’il se rattache sémantiquement à un troisième mot C, B et
C étant liés par un lien synecdochique, ou plus fréquemment, par contiguïté
métonymique.
Déchirer la nuit gluante des racines (Laforgue)
[ce sont les racines (C) qui sont gluantes (A) et non la nuit (B)]
La présentation d’un fromage morose par la servante revenue (Queneau)
[c’est la présentation qui est morose]
L’hypallage est une figure hybride, qui mêle les niveaux syntaxique
et sémantique et qui aurait pu par conséquent être rangée dans les métataxes
non loin de la syllepse. Néanmoins, elle trouve sa place dans les
métasémèmes car elle est proche de la métonymie et de la synecdoque.

• Comparaison : rapprochement de termes ou de notions en vertu


d’une analogie (c’est-à-dire d’une ressemblance) et au moyen de liens plus
ou moins explicites.
Toutes les comparaisons ne sont pas des figures de style. Car, comme nous
l’avons souligné plus haut, une figure se définit comme « un écart de
langage » : elle provoque en effet un écart par rapport à la norme. Des
expressions telles que « il est fort comme son père », « il est nu comme un
ver » sont des comparaisons sans être des figures de rhétorique2.
Néanmoins, la comparaison acquiert le statut de figure lorsqu’elle provoque
un écart grâce à son originalité ou quand certains de ses éléments ont été
supprimés. Si on lui ôte une à une ses composantes, la comparaison se
charge de connotations et de mystère et, comme la chenille devient papillon,
elle se métamorphose en métaphore.

2
« Il est fort comme son père » est une figure si le père en question est un freluquet. Mais
alors, il ne s’agit pas d’un métasémème, mais d’un métalogisme, et plus précisément
d’ironie (voir plus bas).
20
Schéma : de la comparaison motivée à la métaphore in absentia

1 « Ses joues sont fraîches comme Comparaison motivée


des roses » comparé (ou thème) : joues
comparant (ou phore) : roses
copule : « comme »
point de comparaison : fraîches
2 « Ses joues sont comme des roses » Comparaison non motivée (il
revient au lecteur de trouver le point de
comparaison, c’est-à-dire l’intersection
sémique entre le comparant et le
comparé)
3 « Ses joues sont des roses » Comparaison par identification :
comparaison non motivée dont la copule
est un verbe être d’équivalence3
4 « Ses joues, sœurs des roses, […] » Comparaison par appariement :
comparaison non motivée dont la copule
(« sœur ») est une métaphore de
« comme »
5 « Ses joues, ces deux roses, […] » Apposition avec démonstratif
6 « Ses joues, deux roses, […] » Apposition : simplement juxtaposés,
comparé et comparant deviennent
presque équivalents

7 « Les roses de ses joues » Métaphores in praesentia :


« Ses joues de rose » comparé et comparant sont toujours
présents, mais le lien les unissant
provoque une indétermination
8 « Sur son visage, deux roses de Métaphore in absentia corrigée :
chair, […] » cette fois le comparé a disparu. Mais un
complément aide à la résolution de la
figure et en réduit la polysémie
9 « Sur son visage, deux roses […] » Métaphore in absentia : plus rien
dans la figure n’indique l’intersection
sémique entre le comparant et le
comparé disparu. Seul le contexte nous
permet de voir qu’il ne s’agit pas d’un
jardin
1 à 6 : variantes de la comparaison. 7 à 9 : métaphores

3
Le « est » d’équivalence se distingue du « est » de détermination (« la rose est rouge »).
21
Avant d’en venir à la métaphore, il faut distinguer deux types extrêmes de
comparaison :
La comparaison classique, qui cherche à éclairer ou à illustrer le sens du
comparé :
[…] la jeune fille / Vive et preste comme un oiseau (Nerval)
La comparaison baroque ou surréaliste qui se plaît à obscurcir (ou à élargir)
le sens :
La terre est bleue comme une orange (Éluard)
[Mervin est beau] comme la rencontre fortuite sur une table de
dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie (Lautréamont)

Ces comparaisons sont motivées (n°1), mais il ne fait pas de doute qu’il
s’agit de figures. Leur particularité tient dans le fait que le phore et le thème
n’ont pas de sèmes communs (ou si peu). Dans la pratique, les comparaisons
présentent tous les degrés d’originalité entre ces deux extrêmes.
Autre exemple de comparaison :
Elle était résignée de cette résignation qui ressemble à l’indifférence
comme la mort ressemble au sommeil. (Hugo)

• Métaphore :
Il est clair que le mouvement allant de 1 à 9 dans le schéma va vers toujours
plus de polysémie, de connotations, vers un message moins explicite, mais
plus riche, plus figuré et plus éloigné de la norme. Ajoutons que l’on passe
d’un lien clairement défini entre les mots (dans la comparaison, le phore
détermine le thème) à une relation d’équivalence basée sur un lien toujours
plus flou. Thème et phore sont presque sur le même pied dans l’apposition
et le sont dans la métaphore in praesentia qui peut inverser leurs places
grammaticales (Les roses de ses joues/Ses joues de roses). Cette
équivalence des termes débouche logiquement sur la métaphore in absentia
que l’on peut définir comme le remplacement d’un mot par un autre en
vertu d’une comparaison (« joues » par « roses ») ou comme le
remplacement du sens dénotatif d’un mot par celui d’un autre en vertu d’une
comparaison (« roses » ayant le sens de « joues »). Tout en changeant de
sens dénotatif, le mot remplaçant garde ses connotations propres (beauté,
fraîcheur, fragilité…). Notons qu’il n’est pas toujours possible de réduire
une métaphore in absentia, c’est-à-dire de retrouver le comparé derrière le
comparant.

22
Exemples de métaphores in praesentia :
La ménagerie infâme de nos vices (Baudelaire)
(comparé : vices/ comparant : ménagerie infâme)
Ma femme aux épaules de champagne (Breton)
(comparé : épaules/ comparant : champagne)

Remarque : il est parfois impossible de déterminer le comparé et le


comparant, comme dans ces deux métaphores in praesentia croisées :
Flamme d’eau guide-moi jusqu’à la mer de feu (Breton)

Métaphores in absentia corrigée :


Les étincelles de ton rire dorent le fond de ma vie (Apollinaire)
(comparé absent : éclats/ comparant : étincelles/ « de ton rire » réduit
l’ambiguïté)
Mamelle de cristal (Saint-Pol Roux) (pour « carafe »)

Métaphores in absentia :
Or moi, perdu sous les cheveux des anses (Rimbaud)
(comparé absent : algues qui recouvrent le bateau/ comparant : les
cheveux des anses)
Et je ferai de ta paupière,
Pour abreuver mon Saharah,
Jaillir les eaux de la souffrance. (Baudelaire)
(« Saharah » est une métaphore mais quel en est le comparé ? À
l’analyse d’avancer les hypothèses ! « abreuver » est une autre
métaphore : le procédé métaphorique n’est pas réservé aux
substantifs…)
Remarques :
1) Lorsque, comme dans ce dernier exemple, la métaphore déborde le cadre
du mot pour s’étendre à la phrase ou à un ensemble plus long, on parle de
métaphore filée. Ce procédé, cher aux Romantiques, établit un réseau
sémantique cohérent.
Le livre de la vie est le livre suprême
Qu’on ne peut ni fermer, ni rouvrir à son choix ;
Le passage attachant ne s’y lit pas deux fois,
Mais le feuillet fatal se tourne de lui-même ;
On voudrait revenir à la page où l’on aime
Et la page où l’on meurt est déjà sous nos doigts. (Lamartine)
2) L’expression « les eaux de la souffrance » ne constitue pas une
métaphore in praesentia. Les mots « souffrance » et « eau » ne sont

23
nullement comparés. Mais l’ensemble de l’expression vaut pour une
définition de « larmes » : c’est une périphrase.

Périphrase : remplacer un mot par l’une de ses définitions. Cette figure


classique est peu utilisée par les modernes, mais Baudelaire y a parfois
recours.
Et je ferai de ta paupière […]
Jaillir les eaux de la souffrances (Baudelaire)
(il ne s’agit pas d’une métaphore in praesentia : les « eaux » ne sont pas
comparées à la « souffrance », mais d’une définition des larmes, donc
d’une périphrase).
Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire (Baudelaire)
Ce père nourricier, ennemi des chloroses (Baudelaire)
(Il s’agit du soleil : « père nourricier » est une métaphore, « ennemi des
chloroses » (c’est-à-dire de la pâleur de la peau) est une périphrase).

• oxymore : figure qui consiste à accoler des termes apparemment


contradictoires dans un même syntagme.
et l’on fuit cette vertu galeuse (Victor Hugo)
Le soleil noir de la mélancolie (Nerval)

Remarques :
1° si les oxymores de pure facture sémantique sont relativement rares, des
rapprochements oxymoriques sont fréquents, notamment en poésie
(romantique).
2° l’oxymore est proche du paradoxe ou de l’antiphrase (métalogismes)
mais ne doit pas se confondre avec eux car il altère des marques
sémantiques et non des relations logiques.

Attention : les procédés qui sont à l’œuvre dans les métasémèmes ne


limitent pas leur action à la poésie et aux figures de style : ce sont eux aussi
qui font évoluer la langue. Un mot change de sens dans le temps par le biais
de métaphores, de métonymies ou de synecdoques. Au départ, il s’agit de
figures, mais dès que le nouveau sens entre dans l’usage courant, ces
transformations ne constituent plus un écart. La figure est lexicalisée. On
parle de catachrèse.

Nous ne tiendrons évidemment compte ici que des figures toujours actives.

24
Ainsi, quand on dit « boire un verre » pour « boire le contenu d’un verre »,
le phénomène à l’œuvre est bien celui de la métonymie, mais il ne s’agit pas
d’une métonymie : c’est la façon normale de s’exprimer. De même, dire
« cœur » pour signifier « sentiment » n’est plus vraiment une métaphore.
Dans certains cas, la figure est tellement lexicalisée que le sens premier a
disparu. Ainsi, « tête » a d’abord signifié « pot » et n’a obtenu son sens
actuel que par le biais d’une métaphore tombée en désuétude.
Le mot « bureau » a d’abord désigné « une étoffe de bure ». Par métonymie,
il a désigné ensuite le meuble sur lequel on posait cette étoffe. Puis, par une
seconde métonymie, la pièce dans laquelle se trouve ce meuble et, suivant
une troisième métonymie, le bâtiment contenant la pièce (bureau de poste).
Il ne s’agit pas de figures. Par contre, quand Rimbaud écrit : « Les gros
bureaux bouffis traînent leurs grosses dames. », « bureaux » est bel et bien
une métonymie qui désigne les fonctionnaires.

4. MÉTALOGISMES

= ensemble de figures qui jouent sur le contenu de l’ensemble de la phrase


(et non d’un ou deux mots). Le métalogisme se réfère nécessairement à un
donné extralinguistique ; il exige la connaissance du référent pour que
puisse se mesurer le degré d’altération de la représentation dont il est
l’objet.

• litote : atténuation de la vigueur d’un énoncé afin de lui donner


plus de force ; dire moins pour dire plus.
Va, je ne te hais point (Corneille)
Ce détail est un peu gênant
[…] je suis plutôt content d’être moins expansif (Ponge)

• euphémisme : figure d’atténuation de l’expression d’un fait ou


d’une réalité jugée grossière, brutale ou trop chargée d’affect.
Il a choisi de ne pas demeurer plus longtemps parmi nous (pour « il est mort »)

• hyperbole : procédure d’exagération de la vraisemblance d’un


énoncé.
[…] d’énormes, de gigantesques flamboyants monuments gothiques
fusants, exaspérés, énergumènes à accélération (Michaux)

25
• antithèse : opposition entre deux idées dont l’une met l’autre en
relief.
Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme / Ouvre le firmament
(Hugo)
Le Canada est le paradis de l’homme d’affaires, c’est l’enfer de l’homme
de lettres (J. Fournier)
L’un de ces hommes la tirait du côté de l’ombre, l’autre la ramenait vers
la lumière […] l’un parlait comme son démon, l’autre parlait comme son
bon ange. (V. Hugo)

• paradoxe : affirmation qui heurte les idées courantes ou qui


associe des termes contradictoires (nombreuses formes de paradoxes)
Il n’existe que deux genres de poésie ; il n’en est qu’une. (Lautréamont)
C’est assez vague pour être clair, n’est-ce pas ? (Vian)
Même si c’est vrai, c’est faux (Michaux)
• ironie : figure qui consiste à dire le contraire de ce qu’on pense ou
de ce qu’on veut faire penser. N’est décodable qu’en contexte. Quand
l’ironie se limite à une expression, on parle d’antiphrase.
Ils furent rois toute une matinée […] (Rimbaud)
Je ne veux plus que ce bras durci traîne une chère image. (Rimbaud)
Littérature (1918-1924, 1re revue surréaliste)

26
Le texte poétique comme énonciation

(Ce chapitre peut être complété par la lecture des articles « énonciation,
énoncé » et « lecteur, lecture » du Dictionnaire du Littéraire, op. cit.)

1. Une prise de parole

La question qui sous-tend l’approche énonciative d’un texte est la suivante :


qui parle à qui, où, quand, comment, avec quels effets ? Théoriquement,
n’importe quel texte (poétique) est de nature à être interrogé de la sorte.
Néanmoins, étant donné que le texte littéraire est une « énonciation
énoncée », ce n’est qu’à travers les traces de l’acte de parole dont il est le
lieu que peuvent se reconstruire les circonstances de son énonciation.

On partira de l’idée que le texte poétique est prise de parole du sujet sur et
dans le monde. Par ailleurs, il instaure un rapport d’interlocution avec le
lecteur-interprète en plaçant celui-ci en position d’écoute active, voire de
co-auteur.

Ce qui permet au poème d’actualiser un champ d’écoute, c’est


prioritairement le statut du Je. Ce Je lyrique, comme on l’appelait autrefois,
ne doit pas être compris comme une instance autobiographique (sauf
indication contraire) : « Je est un autre », écrivait Rimbaud ; il est une case
vide que le lecteur investit notamment pour revivre l’expérience poétique
qui lui est donnée à lire.

On présentera, pour commencer, quelques instruments utiles à l’analyse


énonciative (ou discursive ou encore pragmatique) du texte (poétique), après
quoi nous élargirons la problématique à deux notions primordiales en
matière de poésie, la voix et le ton.

Concepts fondamentaux de la théorie de l’énonciation

Rappel de la définition :
Énonciation = acte individuel d’utilisation de la langue
Énoncé = objet linguistique résultant de cet acte

27
La théorie de l’énonciation étudie la conversion de la langue (=système) en
discours (= actualisation du système) ; elle étudie de quelle manière l’acte
d’énonciation permet de référer, comment l’individuel s’inscrit dans les
structures de la langue.

Concepts opératoires

• énoncé-type vs énoncé-occurrence
— Les mammifères allaitent leurs petits = pas de marques énonciatives. L’énoncé-
type=énoncé-occurrence. Cet énoncé peut être envisagé indépendamment
des diverses énonciateurs qui peuvent le prendre en charge.
— Paul est ici = énoncé-occurrence, qui ne prend sens qu’à partir d’une
situation d’énonciation : le présent + l’adverbe « ici » réfèrent à un
énonciateur, à un moment et un lieu de parole.

• embrayeurs (ou déictiques)


Les marques qui, dans un énoncé-occurrence, réfèrent à la situation
d’énonciation sont appelées embrayeurs : elles portent la trace de celui qui
parle et de la situation d’où il parle (= Je+ici+maintenant).

Il existe trois grandes classes d’embrayeurs :


1° les embrayeurs personnels : qui réfèrent à l’énonciateur et/ou à
l’allocutaire
> Je/tu + nous/vous + adjectifs possessifs correspondants
— Mon chat est sur le paillasson.
2° les embrayeurs spatio-temporels qui réfèrent à l’espace et au
temps de l’acte d’énonciation
> adverbes de lieu + adverbes de temps + système des temps (du discours,
articulés autour du présent, du passé et du futur)
— Hier, il est venu ici.
3° les déictiques démonstratifs, qui réfèrent par ostentation à la
situation d’énonciation (appelée aussi déixis)
— Cet arbre doit être abattu
[contre-exemple :— J’ai lu Candide : ce roman est formidable. (Le « ce » n’est pas un
déictique, mais un anaphorique.)]

28
• modalisateurs
Les modalisateurs ont pour effet de marquer l’attitude affective, évaluative,
argumentative ou logique de l’énonciateur à l’égard de ce qu’il dit.
— Julie porte une jolie robe rouge (modalisateur affectivo-évaluatif).
— Il a très bien fait son cours (idem)
— Tiens, Charlotte cueille des fleurs ! (modalisateur affectif)
— Donc, vous prendrez bien un verre. (modalisateur argumentatif)
— Jean viendra peut-être (modalisateur logique : catégories du possible, du nécessaire,
etc.)

• acte de langage et performativité


Le langage n’est pas seulement discours sur le monde, n’a pas pour unique
fonction de transmettre du contenu : il permet aussi d’agir par le seul fait de
prendre la parole : soit les mots orientent une action chez le destinataire, soit
ils engagent et assument un acte par la parole.

On dit que les énoncés sont affectés d’une force illocutoire lorsqu’ils
exercent une pression sur le destinataire, quel que soit le procédé
(syntaxique, lexical, mais aussi simplement intonatif) :
— Je te jure qu’il pleut.

Les verbes performatifs sont ceux dont l’énonciation revient à réaliser


l’action qu’ils expriment :
— Je déclare la séance ouverte.
— Je te baptise.
— Je m’excuse. Je suis désolé. Je me repens.

NB. Austin, le théoricien des actes du langage (Quand dire, c’est faire, trad.
1970) distingue parmi les verbes performatifs :
les verdictifs : acquitter, condamner, décréter, diagnostiquer, etc.
les exercitifs : ordonner, commander, revendiquer, pardonner,
nommer, etc.
les promissifs : promettre, contracter, avoir l’intention, projeter,
consentir, adopter, etc.
les comportatifs : remercier, s’excuser, compatir, complimenter, se
dire offensé, souhaiter, boire à la santé de, etc.
les expositifs : affirmer, nier, noter, identifier, remarquer, répondre,
répliquer, jurer, concéder, etc.

29
• inférence : sous-entendu et présupposé
Il arrive que les énonciations véhiculent des informations implicites au-delà
de la littéralité de l’énoncé. On appelle inférence toute proposition implicite
que l’on peut extraire d’un énoncé et déduire de son contenu littéral. Les
deux types d’inférences les plus communs sont les sous-entendus et les
présupposés.
La classe des sous-entendus englobe toutes les informations qui sont
susceptibles d’être véhiculées par un énoncé donné, mais dont
l’actualisation reste tributaire du contexte énonciatif4.
« Q - Paul est-il gentil avec Jean ?
R - Jean n’est pas encore à l’hôpital. »
Sous-entendu : « Paul est une brute ».
« Il est huit heures. »
Sous-entendu : « dépêche-toi » ou « prends ton temps », selon les
circonstances.

Sont présupposées les informations qui, sans être ouvertement posées, sont
automatiquement entraînées par la formulation de l’énoncé, quelle que soit
la spécificité du cadre énonciatif. Contrairement aux sous-entendus, les
présupposés ne sont pas liés au contexte.
« Paul a acheté une Jaguar ».
Présupposé : « il est riche »…

Les présupposés et les sous-entendus nous intéressent particulièrement dans


la mesure où ils mobilisent l’énonciateur et le lecteur de tout texte, mais
parfois aussi les interlocuteurs des textes dialogués (ce qui peut se
rencontrer en poésie, cf. « Colloque sentimental » de Verlaine (p. 66) ou
« L’Étranger » de Baudelaire (p. 60). Par ailleurs, si tous les messages
véhiculent naturellement nombre de présupposés, il est possible de jouer
avec ceux-ci, de les employer de façon rhétorique (c’est-à-dire en
provoquant un écart par rapport à la norme), par exemple en glissant dans
les présupposés des informations qui mériteraient d’être posées, comme
dans cette boutade :
Il avait les mains sales, sales : on aurait dit des pieds ! (Coluche)

4
Voir C. KERBRAT-ORECCHIONI, L’Implicite, Paris, A. Colin, 1986, p. 39.
30
Discours vs Histoire (ou Récit)

Lorsqu’on étudie du point de vue de la théorie de l’énonciation un texte


littéraire, il faut bien se mettre en tête que le dispositif énonciatif de la
littérature a ses propres règles.

Benveniste a proposé une distinction fondamentale pour rendre compte de la


spécificité de la linguistique de la parole :
— appartiennent au DISCOURS les énoncés oraux ou écrits référés
à l’instance d’énonciation, c’est-à-dire comportant des embrayeurs et des
indices modalisateurs ;
— appartiennent au RÉCIT ou à l’Histoire les énoncés qui ne
contiennent aucune référence à l’instance d’énonciation, et sont donc
dépourvus d’embrayeurs.

Cette bipartition est fondamentale pour trois raisons au moins :

1° elle conduit à bien distinguer la logique du sens au plan de


l’énoncé (récit) et au plan de l’énonciation (discours) > la valeur des temps,
par exemple, n’est pas la même à chacun de ces deux plans.
2° alors que dans le discours le Je s’assume comme énonciateur,
dans le récit, l’énonciateur est indéterminé, pré-supposé.
3° le texte littéraire est soit du côté du discours (i.e. poésie lyrique),
soit du côté de l’histoire (roman réaliste), mais le sujet de parole, présent ou
non dans le texte, ne doit pas se confondre avec le sujet auteur. De là
l’importance de la notion de Narrateur (et de ses correspondants) pour les
genres narratifs, de Locuteur (et correspondants) pour le genre poétique, de
Personnage pour le théâtre (où il ne faut pas confondre le niveau intra et
extra-scénique). En fait, la communication littéraire met en scène des
situations de parole tout en étant elle-même un objet de communication.

31
2. Une voix, un ton

On considérera ici le texte poétique dans la trajectoire de sa parole (telle


qu’elle s’actualise à la lecture) en posant qu’à l’origine une voix nous parle
et que cette voix se laisse entendre sur un certain ton. Voix et ton sont donc
des propriétés (difficilement qualifiables) qui se surimpriment au message
poétique, des deux côtés de la production (poète et lecteur).

La voix d’un texte se définit comme l’empreinte singulière de son


énonciateur-locuteur, empreinte qui prend forme et sens au départ de
quelques marques de l’énonciation mais qui font aussi intervenir les autres
plans du langage. Ainsi se murmure une voix qui n’est pas tout à fait celle
de l’auteur-source, ni celle du lecteur : la voix est dans l’entre-deux: elle
instaure un champ d’écoute qui, par exemple, permet de distinguer
Baudelaire de Mallarmé ou de Rimbaud.

Par hypothèse, on peut déterminer deux courants poétiques majeurs : le


premier qui puise ses ressources et ses effets du côté d’une oralité affichée
et déployée — c’est la filiation Verlaine, Laforgue, Corbière, Apollinaire,
Michaux ; le second, à l’inverse, efface les marques de l’oralité au profit
d’une voix plus intérieure, probablement plus cérébrale ou quelquefois plus
rationnelle — c’est la filiation Baudelaire, Mallarmé, Ponge, Follain et
quelques autres. Encore faut-il se méfier de ces généralisations
schématiques qui n’ont qu’une pure valeur indicative.

Le ton, lui, doit être conçu comme un effet de texte produit sur le lecteur, et
qui porte sur la qualité affective de la parole telle qu’elle est reçue et
évaluée par celui-ci. On connaît l’expression « ne me parlez pas sur ce
ton ! » : elle signifie qu’au-delà des mots (de leur forme et de leur sens), un
impact affectif s’est ajouté à la transmission du message.

En poésie, le ton (qui est un trait de poéticité de tout premier plan) circule
entre les mots, les motifs et l’émotif. Cela signifie qu’on cherchera à
dégager la manière dont un texte nous parle de telle ou telle chose, en
qualifiant le ton à l’aide des adjectifs habituels : suppliant, détaché, sec,
serein, agressif, aimable, grave, agressif, etc.

32
Quelques remarques cependant :

1° le ton ne doit pas se confondre avec le sens (l’atmosphère ou l’ambiance)


du poème — Laforgue peut parler de la maladie sur un ton moqueur ;
2° il convient de ne pas localiser le ton dans le poème, mais de dégager les
modulations d’ensemble. Le texte poétique procède rarement d’une tonalité
univoque : le grave et le léger sont en continuelle concurrence — voir par
exemple l’ironie qui se dégage de « Brise Marine » de Mallarmé ; « Vie des
campagnes » de Follain est de dominante paisible, mais teinté d’agressivité
contenue ;
3° enfin, il convient de faire état de sa propre expérience de lecture
(d’écoute) sans tomber dans un subjectivisme étriqué, et en faisant la part de
ce qui revient à la voix.

Ton et voix sont deux qualités particulièrement sensibles du texte poétique :


ils sont le lieu d’une bonne part des rapports de communication entre un
poète et son lecteur (et responsables, entre autres, de nos jugements). Lieux
privilégiés d’inscription du sujet (auteur et lecteur), la voix et le ton sont
dépositaires de la signature du texte.

3. Une vision du monde

Le texte littéraire en général, le texte poétique en particulier ne doit pas être


abordé comme un simple témoignage ou un document qui refléterait la
réalité. Bien au contraire, il est lui-même le lieu où s’élabore et se recrée un
univers particulier, relativement autonome.
Traditionnellement, on sait que le poète se conçoit comme une sorte de
démiurge qui a le pouvoir, à travers les mots, de construire le monde. Trois
types de visions du monde peuvent être mises en place. La figuration
participe d’une réappropriation poétique au degré zéro : le monde surgit
dans le poème ; l’enjeu est alors d’en scruter les significations secrètes.
Ponge et Follain — pour ne citer que deux exemples de l’anthologie —
élaborent une poétique du quotidien en ce sens. La défiguration ou la
transfiguration sont deux autres stratégies possibles que l’on retrouve au
cœur de la poésie d’un Rimbaud ou d’un Michaux : le monde de

33
l’expérience ne s’y reconnaît qu’allusivement, faisant place à un univers
totalement singulier qui défie nos représentations.

En conséquence, le poème doit se comprendre (et s’expliquer) en tant


qu’unité de sens qu’il convient toujours d’explorer de manière interne, en
n’oubliant pas que le réel qui se donne à lire dans le poème est un réel
langagier, porteur d’un imaginaire propre plus ou moins connecté au monde.
Ce qui implique que la vision du monde d’un poème est toujours solidaire
de sa tonalité.

Pour illustrer cette notion, il n’est pas inutile de se rapporter à la fameuse


lettre du voyant que Rimbaud a adressée à P. Demeny le 15 mai 1871 — il y
définit une poétique qui allie vision (illumination) et langage :

Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.


Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.
Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui
tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de
toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand
criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant ! — Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il
a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il
finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son
bondissement par les choses inouïes et innommables : viendront d’autres horribles
travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé !
[…]
Je reprends :
Donc le poète est vraiment voleur de feu.
Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses
inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme ; si c’est informe, il
donne de l’informe. Trouver une langue ;
— Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra ! […] Cette
langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée
accrochant la pensée et tirant.
(in Œuvres complètes, « Bibliothèque de la Pléiade », 1972, pp. 251-252).

En conclusion, vision du monde et création langagière ont partie liée dans le


travail poétique ; toute la modernité est là : le poète invente des mondes, le
poète invente des langages.

34
4. Un objet d’interprétation : méthodologie de l’explication

S’il importe de faire figurer dans cette section (« Le texte comme


énonciation ») les quelques notes de méthodologie qui suivent, c’est pour
souligner que la démarche explicative s’ancre dans un rapport dialogique
avec le texte — et que par conséquent l’interprète s’implique activement en
tant qu’interlocuteur (voire en tant que co-auteur) de ce qui lui est donné à
lire et à commenter. On méditera en ce sens l’avant-propos qu’André Gide
inséra dans Paludes :

Avant d’expliquer aux autres mon livre, j’attends que d’autres me l’expliquent. Vouloir
l’expliquer d’abord c’est en restreindre aussitôt le sens ; car si nous savons ce que nous
voulions dire, nous ne savons pas si nous ne disions que cela. — On dit toujours plus que
CELA. — Et ce qui surtout m’y intéresse, c’est ce que j’y ai mis sans le savoir, — cette
part d’inconscient, que je voudrais appeler la part de Dieu. Un livre est toujours une
collaboration, et tant plus le livre vaut-il, que plus la part du scribe y est petite, que plus
l’accueil de Dieu sera grand. — Attendons de partout la révélation des choses ; du public, la
révélation de nos œuvres.
(Romans, « Bibliothèque de la Pléiade », 1958, p. 89)

Les remarques ci-après n’ont qu’une valeur indicative ; elles seront souvent
explicitées au cours des exercices et travaux pratiques.

Attitudes de lecture

• Le sens pluriel, la polysémie : le texte est parcouru de plusieurs sens qu’il


s’agit d’éveiller sinon de construire ; le travail de l’interprète ne se fait
cependant pas librement : il s’élabore dans un équilibre entre les contraintes
du texte et la liberté de commentaire.

• Le texte, avant tout : ne pas se placer dans l’explication du point de vue de


l’auteur, comme s’il s’agissait de restituer ce qu’il a « voulu dire ou
montrer » ; c’est le texte qui est l’objet du commentaire.

• Rappel : les pages qui précèdent ont pour finalité de proposer des entrées
dans l’explication d’un texte. Il s’agit de choisir celles qui conviennent le
mieux au texte étudié. Avant de s’engager dans l’analyse, il est utile de se
35
rappeler les grandes articulations théoriques du texte : en tant qu’énoncé
(= forme + sens + rhétorique), en tant qu’énonciation (= voix + ton + vision
du monde).

Méthode de travail

• Lire, écrire : ne pas disjoindre les deux étapes, en croyant naïvement que
la rédaction constitue la simple mise en mot de ce qu’on a à dire d’un texte.
Il convient de lire et d’écrire parallèlement ; le travail d’explication exige un
investissement dans l’écriture.

• Lire, relire : autant de fois que nécessaire. Il n’y a pas de première ou de


nième lecture. La méthode consiste — ainsi que l’ont indiqué quelques
stylisticiens, dont L. Spitzer — à faire jaillir une intuition qui trouvera ses
marques au cœur même du poème. Répéter l’opération jusqu’à ce que des
réseaux se dégagent.

• Lire, analyser : décrire, observer, décomposer, mettre en relation… toutes


ces opérations sont indispensables. Mais ne pas confondre cette étape avec
le travail explicatif qui consiste à donner du sens à l’observation.

• Hypothèses de lecture : donner du sens à ce qu’on observe ne peut se faire


qu’à la condition d’avancer une ou plusieurs (mais pas trop) hypothèses de
lecture. Une hypothèse de lecture est une proposition interprétative dont on
démontre la cohérence au sein même du texte étudié. Comme on le dit en
science, une hypothèse est une proposition relative à l’explication de
phénomènes, provisoirement admise avant d’être soumise au contrôle de
l’expérience. Définir une hypothèse de lecture, c’est problématiser un texte
— étape nécessaire à la véritable explication.

• Lire, expliquer, commenter : c’est proposer, soit à l’écrit, soit oralement,


une version arrêtée mais ouverte (donc nécessairement provisoire) de
l’explication. Les qualités de celle-ci sont l’autonomie et la
communication : produire un commentaire construit et adapté au
destinataire (idéalement, on devrait pouvoir lire un commentaire sans avoir
le texte commenté sous les yeux).

36
Procédure

L’explication de texte comporte plusieurs niveaux, qu’il convient de ne pas


confondre. Il est possible en effet de distinguer deux grandes étapes, l’une
d’entre elles se divisant en plusieurs sous-étapes :

1) l’argument
2) l’analyse

1) L’argument consiste à saisir le sens du texte, à s’assurer que l’on a bien


compris ce qu’il signifie jusque dans ses moindres détails. Il s’agit de
repérer le thème du texte, de dégager les questions qui sont posées à son
sujet et de cerner le sens de certains mots précis qui pourraient porter à
confusion. Il faut donc commencer par rédiger une paraphrase rapide et
complète du sens premier, celui qui s’offre comme évident (même si c’est
rarement le cas). On part du principe que tout texte peut se réduire à une
proposition minimale de base qui en définit ou bien l’anecdote ou bien la
facture.
Cette étape est primordiale : une bonne compréhension est évidemment
nécessaire pour réaliser un bon commentaire. Mais elle n’est pas très
intéressante en soi et il ne s’agit pas, lors des travaux, de s’y attarder. Elle
fait partie des prérequis demandés à l’analyste : elle est nécessaire, mais pas
suffisante.

2) L’analyse est l’étape primordiale, qui se divise en plusieurs sous-


niveaux :

2.1. Repérage des données matérielles du poème : type de vocabulaire


utilisé, connotation des mots employés, structure des phrases, figures de
rhétorique, isotopies, rythme, rimes, répétition de mots... C’est ici qu’il faut
faire preuve de discernement pour repérer ce qui mérite un commentaire : la
structure de la phrase n’est pas toujours intéressante à souligner, certains
textes ne sont pas rhétoriques, d’autres ne contiennent aucune isotopie
intéressante...
2.2. Analyse des effets provoqués par les éléments matériels relevés. Pour
chacune des données repérées en 3.1, il convient de se poser la question :
« quels effets cela produit-il ? » C’est à ce niveau et seulement à celui-ci que
37
joue la notion de polysémie : celle-ci ne signifie pas qu’un texte peut
vouloir tout dire et n’importe quoi, mais que certaines figures peuvent avoir
plusieurs effets de sens, que certains mots peuvent avoir plusieurs
significations en même temps, que la structure de la phrase contredit le sens
des mots, etc.
2.3. Une fois l’effet analysé, il convient de le mettre en rapport avec ce qui a
déjà été relevé par ailleurs en amont. Les contradictions ou la cohérence du
poème sont ainsi mises en lumière. C’est ici que l’analyse quitte la stricte
linéarité du texte pour circuler librement, la fin du poème éclairant parfois
son commencement. C’est ici aussi que l’on parle du sens du poème, que
l’on met en relation son sens dénotatif et ce qu’a relevé l’analyse, que l’on
lie l’argument et l’analyse.

Attention: si ces recommandations méthodologiques sont de nature à vous


aider et à vous guider dans la préparation de votre travail, le commentaire
final écrit ne doit pas se ressentir brutalement des distinctions établies ci-
dessus. Il doit être fluide et non saccadé. Ceci ne doit donc pas servir de
recette pour nous resservir un plat immuable, mais de lampe de poche pour
vous éclairer lors de votre pérégrination dans le texte.

Quelques pièges à éviter.

Ils sont nombreux, car il est possible de se tromper à chaque étape, de se


méprendre sur le sens du texte, de confondre des figures, de mal juger des
effets, de confondre les étapes entre elles, de sauter l’une ou l’autre
marche… Voici un inventaire (non exhaustif) des écueils à éviter. Par souci
pédagogique, nous avons donné un nom à chacun d’entre eux.

Il ne faut pas :
• développer l’argument au détriment de l’analyse, répéter
indéfiniment le sens du texte en d’autres mots. C’est la paraphrase.
L’argument sert à s’en débarrasser rapidement une fois pour toutes.
• se précipiter directement dans l’analyse des effets (3.2.) en faisant fi
du relevé des données matérielles (3.1). L’apprenti commentateur a ressenti
un effet du poème mais ne cerne pas son origine. Il s’enferme dans des

38
impressions, des jugements, sans dépasser le stade de l’intuition. C’est
l’impressionnisme.
• se lancer ex nihilo dans l’interprétation du texte sans l’avoir analysé.
Parler à partir du texte au lieu de parler du texte. C’est la moralisation.
• confondre le ton et l’analyse : laisser s’épancher sa subjectivité sans
fin. Le commentateur s’enferme dans un dialogue de soi à soi, sans souci de
communication (ce qui se traduit par « j’ai voulu dire que… »). C’est le
personnalisme.
• commenter de manière naïvement exhaustive chaque mot (ou chaque
vers) du texte. C’est le linéarisme. Conseil : si vous n’avez rien à dire d’un
fait de texte, n’en dites rien.
• diluer l’explication dans des propos accessoires. C’est le délayage.
• expliquer par la référence à l’histoire ou à la biographie sans tenir
compte du texte. C’est l’historicisme.
• chercher à reproduire le point de vue de l’auteur, à décrire ce qu’il a
voulu dire ou faire. C’est l’auctorisme.
• raconter le texte, le romancer, le scénariser y compris (et surtout)
lorsqu’il est dans l’allusion. Considérer le poème comme un roman. C’est le
narrativisme.
• ne rendre compte que d’un aspect de la pluralité du sens, en le
considérant comme essentiel. C’est le réductionnisme.
• confondre l’effet d’une figure avec le sens des mots qu’elle touche.
C’est le sémantisme.
• confondre effet de sens et effet sur le lecteur : c’est le journalisme.
Notre but est de circonscrire l’effet produit par un procédé formel sur la
signification générale du texte, et non de décrire des sensations de lecture.
• traduire naïvement des sons en sens (le « r » qui exprimerait de la
dureté ou de la douceur…). C’est le cratylisme.
• se contenter, quand il s’agit de dégager l’effet d’un fait de texte,
d’invoquer sa « mise en évidence » : c’est la hiérarchisation. Par définition,
dans un poème, chaque mot est important et, donc, chaque mot est « mis en
évidence ».
• se baser prioritairement sur les impressions de première lecture,
comme si celles-ci, dans leur pureté originaire, recelaient la vérité du
poème : c’est l’illusion de la première lecture. Oubliez vos impressions
initiales : plus on relit un texte, mieux on le comprend et mieux on
l’apprécie. C’est la dernière lecture qui nous intéresse et non la première.
39
40
Appoint bibliographique
• Objectif :

S’approprier un langage pour l’explication et le commentaire de texte et se


construire une culture poétique.

• Sélection d’ouvrages :

Usuels

- P. ARON, D. SAINT-JACQUES et A. VIALA dir., Le Dictionnaire du


Littéraire, PUF, 2002. Lecture conseillée des articles suivants : « arts
poétiques », « énonciation, énoncé », « figure », « figures de pensée »,
« forme », « formes fixes », « lecteur, lecture », « paradoxe », « poème en
prose », « poésie », « poésie pure », « poète », « poète maudit »,
« poétique », « polysémie », « prose », « rhétorique », « rythme »,
« sonnet », « texte » et « vers, versification ».
- D. BERGEZ, Vocabulaire de l’analyse littéraire, Paris, Dunod, 1994.
- Genres et notions littéraires, Encyclopédie Universalis, 1997.
- GROUPE µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1970 ; rééd. « Points ».
- Ph. HAMON et D. ROGER-VASSELIN, Le Robert des grands écrivains de
langue française, Paris, Dictionnaire Le Robert, 2000.
- M. JARRETY dir., Dictionnaire de poésie. De Baudelaire à nos jours, Paris,
PUF, 2000.
- M. JARRETY dir., Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de Poche,
2001.
- A. VAILLANT, La Poésie, Paris, Nathan, « 128 », 1992.

Généraux (sur l’analyse littéraire)

- R. BARTHES, S/Z, Paris, Seuil, 1970 (rééd. « Points »).


- T. TODOROV, Poétique, Paris, Seuil, 1968 (rééd. « Points »).
- T. TODOROV, La notion de littérature, Paris, Seuil, 1987 (rééd. « Points »).

41
Sur la poésie

• BAETENS Jan, Pour en finir avec la poésie dite minimaliste,


Paris/Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014.
• BERTRAND Jean-Pierre et DURAND Pascal, La Modernité
romantique. De Lamartine à Nerval, Paris/Bruxelles, Les Impressions
nouvelles, 2006.
• BERTRAND Jean-Pierre et DURAND Pascal, Les Poètes de la
modernité. De Baudelaire à Apollinaire, Paris, Seuil, collection « Points
essais », 2006.
• CHARPENTREAU Jacques, Dictionnaire de la poésie française, Paris,
Fayard, 2006.
• COHEN Jean, Structure du langage poétique, Paris, Flammarion,
collection « Champs », 1966.
• ESPITALLIER Jean-Michel, Caisse à outils. Un panorama de la
poésie française d’aujourd’hui, Paris, Pockett, 2006.
• GLEIZE Jean-Marie, Poésie et Figuration, Paris, Seuil, 1983.
• GLEIZE Jean-Marie, Sorties, s. l., Questions théoriques, collection
« Forbidden Beach », 2009.
• GROUPE µ, Rhétorique de la poésie, Paris, Seuil, 1977 (rééd.
« Points »).
• JACKSON John E., La Poésie et son autre, Paris, Corti, 1998.
• MAXENCE Jean-Luc, Au tournant du siècle. Regard critique sur la
poésie française contemporaine, Paris, Seghers, 2014.
• PEUREUX Guillaume, La Fabrique du vers, Paris, Seuil, coll.
Poétique, 2009.
• RICHARD Jean-Pierre, Onze études sur la poésie moderne, Paris,
Seuil, 1964 (rééd. « Points »).

Articles plus pointus dans des revues spécialisées

- Poétique (Paris, Seuil) : voir tables annuelles et index.


- Littérature (Paris, Larousse) : voir tables annuelles et index.
- Romantisme : voir tables annuelles et index.

42
Petite bibliothèque de poésie
Une sélection de grands classiques de la modernité poétique, pour la plupart
disponibles en collections de poche : « Poésie/Gallimard », « GF
Flammarion », « Le Livre de Poche classique »…
• Alphonse de LAMARTINE, Méditations poétiques, 1820.
• Alfred de MUSSET, Poésies nouvelles, 1840.
• Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal, 1857.
• LAUTREAMONT, Les Chants de Maldoror, 1868-1869.
• Tristan CORBIERE, Les Amours jaunes, 1873.
• Paul VERLAINE, Romances sans paroles, 1874.
• Jules LAFORGUE, Les Complaintes, 1885.
• Arthur RIMBAUD, Illuminations, 1886.
• Stéphane MALLARME, Poésies, 1898.
• Guillaume APOLLINAIRE, Alcools, 1913.
• André BRETON/Philippe SOUPAULT, Les Champs magnétiques, 1919.
• Henri MICHAUX, Plume, 1938.
• Francis PONGE, Le Parti pris des choses, 1942.
Etc..

À compléter par des anthologies, comme par exemple :


• Martine BERCOT, Michel COLLOT et Catriona SETH, Anthologie de la
poésie française, XVIIIe siècle, XIXe siècle et XXe siècle, Paris,
Gallimard, « La Pléiade », 2000.
• Michel DECAUDIN et Jean-Baptiste PARA, Anthologie de la poésie
française du XXe siècle, Paris, Gallimard, « Poésie », 2 volumes, 2000.
• Michel DECAUDIN et Bernard LEUILLIOT, Anthologie de la poésie
française du XIXe siècle, Paris, Gallimard, « Poésie », 2 volumes, 1988-
1992.
• Bernard DELVAILLE, Mille et cent ans de poésie française. De la
Séquence de Sainte-Eulalie à Jean Genet, Paris, Lafont, « Bouquins »,
1991.
• Jean-Michel ESPITALLIER, Pièces détachées. Une anthologie de la
poésie française d’aujourd’hui, Paris, Pockett, 2000.
• Jacques ROUBAUD, 128 poèmes composés en langue française. De
Guillaume Apollinaire à 1968, Paris, Gallimard, 1995.
43
Table des matières

Avertissement ............................................................................................................... 2
Introduction : la notion de texte .................................................................................... 3
Le texte poétique comme énoncé ....................................................................... 5
Préalables ...................................................................................................................... 5
1. Une structure formelle .............................................................................................. 6
2. Une structure sémantique ......................................................................................... 9
3. Un dispositif rhétorique .......................................................................................... 12
Le texte poétique comme énonciation ............................................................. 27
1. Une prise de parole ................................................................................................. 27
2. Une voix, un ton ..................................................................................................... 32
3. Une vision du monde .............................................................................................. 33
4. Un objet d’interprétation : méthodologie de l’explication ..................................... 35
Appoint bibliographique ............................................................................................. 41
Table des matières ...................................................................................................... 44

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