Geo II
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Topologie générale
David Cimasoni
automne 2017
Table des matières
Introduction 2
I Espaces topologiques 6
I.1 Espaces topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
I.2 Applications continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
I.3 Espaces métriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
I.4 Bases et sous-bases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
I.5 Topologies produit et quotient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
I.5.1 La topologie produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
I.5.2 La topologie quotient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
I.6 Suites et limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
II Connexité et compacité 38
II.1 Espaces connexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
II.2 Sous-espaces connexes de R et connexité par arcs . . . . . . . . . . 41
II.3 Espaces compacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
II.4 Sous-espaces compacts de la droite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
II.5 Espaces séquentiellement compacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Discussion 58
1
Introduction : qu’est-ce que la topologie ?
2
INTRODUCTION 3
Voici une dernière remarque, qui bien qu’évidente, mérite d’être énoncée : la
topologie générale s’écrit et se communique dans le language de la théorie des
ensembles, et se construit à l’aide des principes de base de la logique élémentaire.
Pour cette raison, nous terminerons cette introduction avec un conseil, qui se
veut ferme mais bienveillant :
6
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 7
A○ = {x ∈ X ∣ A est un voisinage de x ∈ X} .
Remarques.
1. Par les axiomes d’une topologie, ∅ et X sont fermés, l’intersection d’une fa-
mille quelconque de fermés est fermée, et l’union de deux fermés est fermée.
Cela fournit une définition axiomatique d’un espace topologique à partir
des sous-ensembles fermés. 2
2. En déroulant la définition, on obtient facilement que pour tout A ⊂ X, A○
est l’union de tous les ouverts de X contenus dans A :
A○ = ⋃ U.
U ouvert, U ⊂A
∂A = A ∖ A○ = A ∩ (X ∖ A○ ) = A ∩ X ∖ A .
A = X ∖ (X ∖ A) = X ∖ (X ∖ A)○ = [0, 1] .
Remarques.
1. Pour tout espace topologique X, l’application identité id X ∶ X → X est
trivialement continue. De plus, si f ∶ X → Y et g∶ Y → Z sont deux applica-
tions continues (avec X, Y, Z des espaces topologiques), alors leur compo-
sition g ○ f ∶ X → Z est aussi une application continue. 3
2. La continuité d’une application f ∶ X → Y dépend bien évidemment des
topologies sur X et sur Y .
Proposition I.1. Étant donnée une application f ∶ X → Y entre deux espaces
topologiques, les trois énoncés suivants sont équivalents.
(i) L’application f est continue.
(ii) Pour tout fermé F ⊂ Y , f −1 (F ) est fermé dans X.
(iii) Pour tout x ∈ X, on a la propriété suivante : pour tout voisinage V de f (x)
dans Y , f −1 (V ) est un voisinage de x dans X.
Si une application f ∶ X → Y satisfait la propriété (iii) pour un x ∈ X donné,
on dit que f est continue en x. Ainsi, l’équivalence des points (i) et (iii) dit
que f est continue si et seulement si f est continue en x pour tout x ∈ X.
3. Cette remarque montre que les espaces topologiques et les applications continues forment
ce que l’on appelle une catégorie.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 11
Remarques.
1. La relation être homéomorphe est une relation d’équivalence sur la classe
des espaces topologiques. On aura tendance à identifier deux espaces topo-
logiques homéomorphes, dans le même sens qu’on a tendance à identifier
deux groupes isomorphes ou deux ensembles en bijection.
2. On vérifie facilement qu’une application f ∶ (X, TX ) → (Y, TY ) est un ho-
méomorphisme si et seulement si f est bijective et f définit une bijection
entre TX et TY .
3. L’ensemble Homeo(X) des homéomorphismes f ∶ X → X forme un groupe
pour la composition, qui agit sur X. Comme cela a été mentionné en intro-
duction, on peut voir la topologie comme l’étude des propriétés invariantes
par cette action.
4. On pourrait penser que toute application continue bijective est un homéo-
morphisme : c’est faux. Par exemple, pour tout ensemble X, l’applica-
tion f = id X ∶ (X, Tdisc ) → (X, Ttriv ) est continue et bijective, mais l’ap-
plication inverse f −1 = id X ∶ (X, Ttriv ) → (X, Tdisc ) n’est pas continue si X
compte plus d’un élément. (Un exemple plus géométrique suivra sous peu.)
Le moment est bien choisi pour faire un petit détour. Soient (X, TX ) un
espace topologique, et Y ⊂ X un sous-ensemble quelconque. On vérifie facilement
que l’ensemble TY de sous-ensembles de Y défini par
La notion d’ouvert est une notion relative. L’énoncé “A est ouvert” n’a
pas de sens ; il faut toujours préciser dans quel espace topologique on se
place, et dire “A est ouvert dans X”.
Comme chaque restriction f ∣Ui ∶ Ui → Y est continue, (f ∣Ui )−1 (V ) est ouvert
dans Ui . Par définition de la topologie induite, cela signifie qu’il existe Vi ou-
vert dans X avec (f ∣Ui )−1 (V ) = Ui ∩ Vi . Comme Ui et Vi sont des ouverts de X,
leur intersection est aussi un ouvert de X. Par l’équation ci-dessus, f −1 (V ) est
aussi un ouvert de X, et f est donc bien continue.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 14
Remarques.
1. Comme le troisième point de la proposition I.1, le quatrième point de la
proposition ci-dessus peut-être compris comme une formulation locale de
la continuité.
2. L’énoncé de ce dernier point est aussi valide si l’on remplace “ouvert” par
“fermé”, mais uniquement si l’ensemble I est fini !
Ce petit détour par la topologie induite était important pour la théorie géné-
rale, mais il nous permet aussi de donner des exemples non-triviaux d’homéomor-
phismes. Dans tous ces exemples, on considère les ensembles R et R2 munis de
la topologie standard, et l’on utilise le fait (non-encore démontré) que la notion
de continuité sur ces espaces est bien celle étudiée en Analyse I.
Exemples d’homéomorphismes.
1. Soit f ∶ R → R donnée par f (x) = 4x+3. C’est une application bijective, d’in-
verse g∶ R → R donnée par g(y) = (y − 3)/4. Comme vous l’avez vu en Ana-
lyse I, de telles fonctions sont continues, et f est donc un homéomorphisme
de R dans R. Il en va bien-sûr de même pour toute application f ∶ R → R
affine, i.e. de la forme f (x) = ax + b avec a ∈ R ∖ {0} et b ∈ R.
2. Soit Y = (−1, 1) muni de la topologie induite par celle sur X = R, et
soit f ∶ R → (−1, 1) l’application donnée par f (x) = 1+∣x∣
x
. Cette application
est bijective d’inverse g∶ (−1, 1) → R donnée par g(y) = 1−∣y∣
y
; ces deux appli-
cations sont continues, et f est donc un homéomorphisme. Ainsi, la droite
réelle R et l’intervalle ouvert (−1, 1) sont homéomorphes. En se basant sur
cette construction, on montre facilement que tous les intervalles ouverts
non-vides de R sont homéomorphes.
3. On vérifie que le carré et le disque, vus comme sous-espaces du plan R2 ,
sont homéomorphes.
4. Considérons finalement les sous-espaces X = [0, 1) de la droite et Y = S 1 =
{z ∈ C ∣ ∥z∥ = 1} du plan, et l’application f ∶ [0, 1) → S 1 donnée par l’expo-
nentielle f (t) = e2πit . (Géométriquement, f enroule l’intervalle [0, 1) autour
du cercle.) Cette application est la restriction de l’application f˜∶ R → R2
décrite en coordonnées réelles par f˜(t) = (cos(2πt), sin(2πt)) ; par les ré-
sultats d’Analyse I, f˜ est continue et par les points (ii) et (iii) de la
proposition I.2, f est aussi continue. D’autre part, f est clairement bi-
jective. Néanmoins, f n’est pas un homémorphisme, car l’application in-
verse g = f −1 ∶ S 1 → [0, 1) n’est pas continue. En effet, U = [0, 1/4) est un
voisinage de g(1) = f −1 (1) = 0 dans [0, 1), mais g −1 (U ) = f (U ) n’est pas un
voisinage de 1 ∈ S 1 . Par la proposition I.1, g n’est pas continue (en 1 ∈ S 1 ).
Intuitivement, g “casse” le cercle pour l’envoyer sur l’intervalle, et cette
opération n’est pas continue.
Cela donne donc un nouvel exemple, plus géométrique, du fait qu’une ap-
plication continue bijective n’est pas forcément un homéomorphisme.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 15
Remarques et terminologie.
1. Formellement, un espace métrique est donc la donnée d’une paire (X, d),
mais on le note souvent X lorsqu’il n’y a pas de confusion possible.
2. Si Y est un sous-ensemble de X, une métrique d sur X définit automati-
quement une métrique sur Y : on parle de la métrique induite.
3. Étant donnés un élément x d’un espace métrique (X, d) et un nombre
réel r > 0, on appelle la boule (ouverte) de rayon r centrée en x
l’ensemble
Bd (x, r) ∶= {y ∈ X ∣ d(x, y) < r} .
Lorsqu’il n’y a pas de confusion possible, on dénotera simplement cette
boule par B(x, r).
Les trois axiomes d’une métrique formalisent les propriétés évidentes de la dis-
tance euclidienne dans le plan ou l’espace. Il est important de se rendre compte
que cette définition recouvre néanmoins des objets extrêmements variés, qui ap-
paraissent dans de nombreux domaines des mathématiques. En voici quelques
premiers exemples ; nous en verrons d’autres plus tard.
p=∞
p=2
p=1
x r
Notons enfin que toutes ces métriques coïncident (avec celle de l’exemple 1
ci-dessus) lorsque n = 1.
Les boules correspondantes sont illustrées en figure I.1 dans le cas de di-
mension n = 2.
3. On peut munir un ensemble non-vide X quelconque de la métrique dis-
crète définie par
⎧
⎪
⎪0 si x = y ;
d(x, y) = ⎨
⎪
⎪
⎩1 sinon.
La boule correspondante B(x, r) est réduite à {x} si r ≤ 1, et couvre X
tout entier si r > 1.
La raison pour laquelle les espaces métriques sont abordés dans un cours de
topologie générale a déjà été évoquée en introduction : une métrique d sur un
ensemble X induit une topologie Td sur X via
Remarques.
1. Vérifions pour commencer que les boules ouvertes portent bien leur nom,
c’est-à-dire qu’elles sont des éléments de la topologie Td . Fixons donc x ∈ X
et r > 0 ; pour montrer que la boule B(x, r) est ouverte, il s’agit de trouver
pour tout y ∈ B(x, r) un ε > 0 avec B(y, ε) ⊂ B(x, r). Posons ε = r −
d(x, y), qui est positif puisque y est un élément de B(x, r). Par l’inégalité
du triangle, tout z ∈ B(y, ε) satisfait
et est donc élément de B(x, r). Cela démontre l’inclusion voulue. On voit
donc que le fait que les boules sont des ouverts est une conséquence de
l’inégalité du triangle.
2. Puisque les boules sont ouvertes, on vérifie immédiatement le fait suivant :
un sous-ensemble V ⊂ X est un voisinage de x ∈ X si et seulement s’il
existe ε > 0 tel que B(x, ε) ⊂ V .
pour tous x, y ∈ X. On vérifie facilement qu’il s’agit bien d’une relation d’équi-
valence.
Vérifions à présent que Td′ est plus fine que Td . Soit U un élément quelconque
de Td . Cela signifie que tout x ∈ U admet un r > 0 tel que Bd (x, r) ⊂ U . Par la
première inclusion ci-dessus, on obtient Bd′ (x, cr) ⊂ Bd (x, r) ⊂ U . Ainsi, x ∈ U
admet le réel positif r′ = cr tel que Bd′ (x, r′ ) ⊂ U , et U est donc élément de Td′ .
Cela démontre l’inclusion Td ⊂ Td′ . De la même manière, la seconde inclusion
ci-dessus permet de montrer que Td est plus fine que Td′ . Ces deux topologies
sont donc égales.
Remarques.
1. Attention, il n’y a pas de réciproque à la proposition ci-dessus : des mé-
triques non-équivalentes peuvent induire la même topologie. Par exemple,
considérons un espace métrique quelconque (X, d), et soit d∶ X × X → [0, 1)
définie par
d(x, y)
d(x, y) =
1 + d(x, y)
pour x, y ∈ X. On démontre que d est bien une métrique, qui induit la
même topologie que d. En revanche, ces métriques ne sont en général par
équivalentes. En effet, si tel était le cas, on aurait une constante c > 0 telle
que
d(x, y) ≤ c d(x, y) < c pour tous x, y ∈ X ,
puisque d(x, y) < 1 pour tous x, y ∈ Rn . En d’autres termes, (X, d) serait
alors un espace métrique borné, ce qui n’est évidemment pas toujours le
cas. L’exemple le plus naturel est la droite réelle X = R munie de la mé-
trique standard d(x, y) = ∣x − y∣. Nous venons donc de démontrer que la
∣x−y∣
formule d(x, y) = 1+∣x−y∣ définit une métrique sur R qui n’est pas équiva-
lente à la métrique standard, mais qui induit néanmoins la même topologie
(standard).
2. En présence d’un espace métrique, il est important de bien distinguer les
notions de nature métrique (i.e. dépendant de la métrique choisie) des no-
tions de nature topologique (i.e. ne dépendant que de la topologie induite).
Par exemple, comme on l’a vu ci-dessus, un espace métrique (X, d) est dit
borné s’il existe une constante c > 0 telle que d(x, y) < c pour tous x, y ∈ X.
Il s’agit d’une notion métrique : en reprenant les notations de l’exemple ci-
dessus, l’espace métrique (R, d) n’est pas borné, tandis que (R, d) est borné,
alors même que Td et Td coïncident. En revanche, les notions d’ouvert, de
fermé, de voisinage, d’intérieur, d’adhérence, de continuité, sont des notions
topologiques. Nous en verrons d’autres.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 19
Il est temps de démontrer le résultat annoncé plusieurs fois déjà : dans le cas
d’un espace métrique, la notion de continuité vue dans ce cours coïncide avec
celle vue en Analyse I.
Proposition I.4. Soient (X, dX ) et (Y, dY ) deux espaces métriques. Une ap-
plication f ∶ X → Y est continue en x ∈ X (respectivement aux topologies TdX
et TdY ) si et seulement si pour tout ε > 0, il existe δ > 0 tel que pour tout x′ ∈ X
avec dX (x, x′ ) < δ, on a dY (f (x), f (x′ )) < ε.
Corollaire I.5. Une application f ∶ X → Y entre deux espaces métriques est conti-
nue si et seulement si pour tout x ∈ X et tout ε > 0, il existe δ > 0 tel que si x′ ∈ X
satisfait dX (x, x′ ) < δ, alors on a dY (f (x), f (x′ )) < ε.
Terminons ce chapitre sur les espaces métriques par une rapide discussion de
la notion de métrisabilité.
Définition. Un espace topologique (X, T ) est dit métrisable s’il existe une
métrique d sur X telle que T = Td .
Comme vous le verrez (dans ce cours et dans plusieurs autres), beaucoup d’es-
paces topologiques importants en mathématiques sont métrisables, mais certains
ne le sont pas. La métrisabilité est une propriété souhaitable, puisque l’existence
d’une métrique fournit un outil puissant pour démontrer des résultats sur l’espace
en question. Si on avait eu le temps, on aurait vu au Chapitre III un théorème
qui donne des conditions suffisantes sur un espace topologique pour qu’il soit
métrisable. Dans le cadre du présent chapitre, on se limitera à quelques exemples
élémentaires.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 20
Remarques et terminologie.
1. Trivialement, toute base est une sous-base.
2. Si B est une base pour une topologie, alors cette topologie est entièrement
déterminée B, puisque les éléments de T sont donnés par les unions d’élé-
ments de B. De même, une topologie est entièrement déterminée par une
sous-base S, puisque ses éléments sont les unions (quelconques) d’inter-
sections finies d’éléments de S. On parle habituellement de la topologie
engendrée par B (ou par S), et on la note TB (ou TS ).
5. À la demande générale, nous n’utiliserons pas la notation S pour une base, notation
gracieuse à souhait mais trop proche du majesteux T .
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 21
B = {B(x, r) ∣ x ∈ X, r > 0}
de toutes les boules ouvertes est une base pour la topologie Td sur X.
En effet, si U est un élément de Td cela signifie que pour tout x ∈ U , il
existe r(x) > 0 avec B(x, r(x)) ⊂ U . Cela implique l’égalité
U = ⋃ B(x, r(x)) ,
x∈U
Remarques.
1. Soit S ⊂ P(X) avec X = ⋃U ∈S U . Alors, la topologie TS engendrée par S est
l’intersection de toutes les topologies sur X qui contiennent S. En d’autres
termes, TS est la topologie la moins fine qui contient S.
2. Les sous-bases peuvent également s’avérer utiles pour montrer qu’une ap-
plication est continue. En effet, on vérifie facilement que f ∶ X → Y est
continue pour une topologie T = TS sur Y si et seulement si f −1 (U ) ⊂ X
est ouvert pour tout U ∈ S.
3. De même, les bases sont utiles pour montrer qu’une application f ∶ X → Y
est ouverte, c’est-à-dire, que f envoie tout ouvert de X sur un ouvert de Y .
En effet, c’est le cas si et seulement si f (B) ⊂ Y est ouvert pour tout
élément B d’une base B pour la topologie sur X.
4. Finalement, les bases sont utiles pour comparer les topologies : si B et B ′
sont deux bases sur un ensemble X, alors TB′ est plus fine que TB si et
seulement si pour tout x ∈ X et tout B ∈ B qui contient x, il existe B ′ ∈ B ′
tel que x ∈ B ′ ⊂ B. 6
X1 × X2 = {x = (x1 , x2 ) ∣ x1 ∈ X1 , x2 ∈ X2 } .
De manière plus précise, on peut voir ce produit comme l’ensemble des applica-
tions x∶ {1, 2} → X1 ∪ X2 avec x(i) =∶ xi ∈ Xi pour tout i ∈ {1, 2}. Notons que
pour tout i ∈ {1, 2}, ce produit admet une projection naturelle πi ∶ X1 × X2 → Xi
qui envoie l’élément x sur sa ième coordonnée xi .
Plus généralement, le produit d’une famille d’ensembles {Xi }i∈I indexée par
un ensemble I quelconque est l’ensemble
C’est une conséquence fâcheuse car cette application f est très naturelle : en
certaines circonstances, la topologie des boîtes a trop d’ouverts ! Ce phénomène
est une des raisons qui pousse à préférer une seconde topologie, que nous allons
maintenant présenter. (Nous verrons d’autres raisons au chapitre suivant.)
Soit donc {Xi }i∈I une famille d’espaces topologiques. Considérons le sous-
ensemble S ⊂ P(∏i∈I Xi ) défini par
Par définition, les ouverts de la topologie produit sont donc les unions d’éléments
de la base B ci-dessus.
Remarques.
1. Si l’ensemble I d’indices est fini, alors B et B ′ sont égales ; dans ce cas, la
topologie des boîtes et la topologie produit coïncident. Mais en général, la
topologie produit est moins fine que la topologie des boîtes.
2. La sous-base S est exactement formée des sous-ensembles de ∏i∈I Xi qui
doivent être ouverts pour que les projections πj soient continues. Ainsi, par
la remarque 1 de la section précédente, la topologie produit est la topologie
la moins fine telle que toutes les projections soient continues.
3. Comme on le voit facilement, pour tout ensemble X et toute famille d’ap-
plications {fi ∶ X → Xi }i∈I , il existe une unique application f ∶ X → ∏i∈I Xi
telle que πi ○f = fi pour tout i ∈ I. 7 En fait, si X est un espace topologique,
alors l’application f est continue pour la topologie produit si et seulement
si toutes les applications fi sont continues. 8
En effet, si f est continue, alors fi = πi ○ f est continue puisque la projec-
tion πi est continue pour tout i ∈ I. Réciproquement, si l’on suppose que
chaque fi est continue, alors pour un élément quelconque U = πi−1 (Ui ) de S,
alors
f −1 (U ) = f −1 (πi−1 (Ui )) = (πi ○ f )−1 = fi−1 (Ui ) ⊂ X
est un ouvert de X puisque Ui ⊂ Xi est ouvert et fi continue. Par la re-
marque 2 de la section précédente, cela suffit à montrer que f est continue
pour la topologie produit TS .
π∶ X → X/∼
on définit une topologie sur X/∼ appelée la topologie quotient. L’espace topo-
logique ainsi obtenu est appelé l’espace quotient.
Remarques.
1. On vérifie facilement qu’il s’agit d’une topologie, la plus fine sur l’ensemble
quotient telle que π soit continue.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 28
Exactement comme ci-dessus, il nous suffit de vérifier que g est une ap-
plication ouverte. Soit donc U ⊂ [0, 1]/{0, 1} tel que π −1 (U ) ⊂ [0, 1] est
ouvert ; il s’agit de montrer que g(U ) = f (π −1 (U )) ⊂ S 1 est ouvert. 9
Fixons donc z ∈ f (π −1 (U )) ⊂ S 1 , d’où t ∈ π −1 (U ) ⊂ [0, 1] tel que z =
f (t) = e2πit . Dans le cas t ≠ 0, 1, il existe ε > 0 tel que (t − ε, t + ε) ⊂
π −1 (U ) ∩ (0, 1) puisque π −1 (U ) et (0, 1) sont ouverts dans [0, 1]. On a
alors f ((t − ε, t + ε)) = S 1 ∩ `−1 ((t − ε, t + ε)), où ` = 2π
1
log∶ C ∖ [0, ∞) → (0, 1)
et log∶ C ∖ [0, ∞) → (0, 2π) est une détermination (continue) du logarithme.
Ainsi, ` est continue et f ((t − ε, t + ε)) ⊂ S 1 est ouvert. Comme on a les
inclusions z = f (t) ∈ f (t − ε, t + ε) ⊂ f (π −1 (U )), cela montre que f (π −1 (U ))
est bien un voisinage de z. Dans le cas t = 0 ou t = 1, π −1 (U ) contient
nécessairement les deux points {0, 1}, et comme c’est un ouvert de [0, 1], il
contient [0, ε) ∪ (1 − ε, 1] pour un certain ε > 0. Comme ci-dessus, on vérifie
que f ([0, ε) ∪ (1 − ε, 1]) est un ouvert de S 1 (on peut utiliser une détermi-
nation du logarithme sur C ∖ (−∞, 0]), ce qui implique que f (π −1 (U )) est
bien un voisinage de z = 1 ∈ S 1 . Ainsi, f (π −1 (U )) est voisinage de chacun
de ses points ; c’est donc un ouvert, ce qui termine la démonstration.
3. Plus généralement, si X est le disque unité Dn = {x ∈ Rn ∣ ∥x∥ ≤ 1} et A est
son bord, c’est-à-dire la sphère unité ∂Dn = S n−1 = {x ∈ Rn ∣ ∥x∥ = 1}, alors
l’espace quotient Dn /∂Dn est homéomorphe à la sphère S n . (Le cas n = 1
correspond à l’exemple ci-dessus.) On le montrera au chapitre 2.
4. Soit X = [0, 1] × [0, 1] muni de la relation d’équivalence suivante : (x, y) ∼
(x′ , y ′ ) si (x, y) = (x′ , y ′ ), x = x′ et {y, y ′ } = {0, 1} ou {x, x′ } = {0, 1}
et y = y ′ . Cet espace n’est autre que le tore S 1 × S 1 . Ainsi, le tore est obtenu
en recollant deux à deux les bords opposés d’un carré.
Pour le voir, considérons l’application
Comme on le voit sur les exemples ci-dessus, il est souvent facile de trouver
une bijection continue de la forme X/∼→ Y , mais il est plus difficile de montrer
que cette application est un homémorphisme. Pour cette raison, il est très utile
de trouver une classe d’espaces sur lesquels toute application continue bijective
9. Notons que f n’est pas ouverte, puisque f ([0, 1/2)) n’est pas un voisinage de f (0) = 1 ∈
S 1 : on l’a vu en exemple 4 de la section I.2. On va vérifier qu’elle envoie néanmoins bien les
ouverts de la forme π −1 (U ) ⊂ [0, 1] sur des ouverts de S 1 .
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 30
est un homéomorphisme. Une telle classe est donnée par les espaces compacts qui
seront étudiés au chapitre 2.
N = {1, 2, 3, . . .} → X, n ↦ xn
Exemples de convergence.
1. Soit (X, d) un espace métrique. Tentons de comprendre la convergence des
suites dans l’espace topologique (X, Td ). Comme on l’a vu, l’ensemble Bx =
{Bd (x, ε) ∣ ε > 0} des boules centrées en x ∈ X forme une base de voisinages
de x ∈ X. Ainsi, par la première remarque ci-dessus, une suite (xn ) converge
vers x ∈ X si et seulement si pour tout ε > 0, il existe un entier N tel
que n ≥ N ⇒ xn ∈ Bd (x, ε). En d’autres termes,
S = {πi−1 (U ) ∣ i ∈ I, U ⊂ X ouvert} .
Nous allons vérifier que là encore, comme dans un espace discret, les seules
suites convergentes sont les suites stationnaires.
Soit donc (xn ) une suite qui converge vers x ∈ X, et U ∶= (X∖{xn }n∈N )∪{x}.
Par définition de Tc , U est un ouvert de X qui contient x. Ainsi, il existe
un entier N tel que xn ∈ U pour tout n ≥ N . Par construction de U , cela
implique que xn = x pour tout n ≥ N .
5. Soit X un ensemble muni de la topologie triviale. Une suite (xn ) converge
vers x ∈ X si et seulement s’il existe N tel que n ≥ N ⇒ xn ∈ X. Ainsi,
toutes les suites convergent vers tous les points !
Ce dernier exemple montre qu’en fait, tout espace métrisable est séparé. Ainsi,
si un espace n’est pas séparé, il n’est pas métrisable. Cela donne une nouvelle
preuve (en fait, la même) qu’un ensemble muni de la topologie triviale n’est
jamais métrisable sauf s’il compte moins de deux éléments. Cela montre égale-
ment que pour X infini (resp. X non-dénombrable), l’espace topologique (X, Tf )
(resp. (X, Tc )) n’est pas métrisable.
Voyons à présent comment la propriété topologique “être séparé” se comporte
relativement aux diverses opérations sur les espaces. Ces résultats sont très faciles
à vérifier, les preuves sont donc en exercice.
Remarques.
1. Si Y est un sous-espace d’un espace séparé X, alors Y est aussi séparé.
2. Si {Xi }i∈I est une famille d’espaces séparés, alors ∏i∈I Xi est aussi séparé.
3. Si X est un espace séparé muni d’une relation d’équivalence, alors l’espace
quotient X/∼ n’est en général pas séparé.
À ce stade, il est naturel de se demander si nous n’avons pas exigé une condi-
tion trop forte pour l’unicité de la limite. En d’autres termes :
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 33
Un premier élément de réponse est : pas toujours ! En effet, nous avons déjà
vu qu’un espace (X, Tc ) avec X non-dénombrable n’est pas séparé, malgré le
fait que les seules suites convergentes sont stationnaires, et donc, admettent une
limite unique. Nous allons donner une réponse plus complète très prochainement.
l’ensemble des limites de suites dans A. Comme toutes les suites stationnaires
sont convergentes, on a l’inclusion A ⊂ A′ .
On dit que A est séquentiellement fermé dans X si A′ = A. En d’autres
termes, A est séquentiellement fermé dans X si toute limite d’une suite dans A
est dans A.
Question 2. Dans quel espace topologique a-t-on que tout sous-ensemble séquen-
tiellement fermé est fermé ?
Nous allons donner une réponse satisfaisante à cette question, mais en at-
tendant, bornons-nous à montrer que ce n’est pas toujours le cas. Pour ce faire,
considérons à nouveau l’exemple d’un ensemble X non-dénombrable muni de la
topologie codénombrable Tc . Comme on l’a vu en exemple 1 ci-dessus, tout sous-
ensemble A de X est séquentiellement fermé dans X. En revanche, comme X est
non-dénombrable, il existe des sous-ensembles non-fermés dans X, comme par
exemple A = X ∖ {x}.
Avant de revenir à cette question, nous allons discuter une dernière notion
liée aux suites convergentes, que voici. Soient X et Y deux espaces topologiques.
On dit qu’une application f ∶ X → Y est séquentiellement continue en x ∈ X
si, pour toute suite (xn ) dans X avec xn → x ∈ X, on a f (xn ) → f (x) ∈ Y .
Proposition I.10. Si f ∶ X → Y est continue en x ∈ X, alors f est séquentielle-
ment continue en x ∈ X.
Démonstration. Soit donc f ∶ X → Y est continue en x ∈ X, et soit (xn ) une suite
dans X avec xn → x ∈ X ; il s’agit de vérifier que f (xn ) → f (x) ∈ Y . Pour ce faire,
fixons un ouvert V de Y avec f (x) ∈ V . Comme f est continue en x ∈ X et V est
un voisinage de f (x) ∈ Y , f −1 (V ) est un voisinage de x ∈ X ; il existe donc un
ouvert U de X avec x ∈ U ⊂ f −1 (V ). Comme (xn ) converge vers x ∈ X, il existe N
tel que n ≥ N ⇒ xn ∈ U . Pour ce même N , on a donc n ≥ N ⇒ f (xn ) ∈ f (U ) ⊂ V .
Cela démontre que f (xn ) converge vers f (x) ∈ Y et termine la preuve.
Question 3. Dans quel espace topologique a-t-on que toute fonction séquentielle-
ment continue en un point est continue en ce point ?
Notons que cette notion est évidemment une notion topologique, c’est-à-dire,
invariante par homéomorphisme.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 35
Bx = {B(x, 1/n) ∣ n ≥ 1}
est une base de voisinages de x ∈ X. Cela démontre en fait que tout espace
métrisable est à base dénombrable de voisinages.
2. Un ensemble X non-dénombrable muni de la topologie cofinie Tf n’est pas
à base dénombrable de voisinages (et n’est donc pas métrisable). C’est sans
doute l’exemple le plus simple de tel espace topologique, preuve que la plu-
part des espaces qu’on “rencontre ” sont à base dénombrable de voisinages.
Pour démontrer ce fait, supposons par l’absurde que Bx = {Bn }n≥1 est une
base dénombrable de voisinages (ouverts) de x ∈ X. Par définition de Tf ,
cela signifie que X ∖ Bn est fini pour tout n ≥ 1, ce qui implique que A =
⋃n≥1 (X ∖ Bn ) est dénombrable. Comme X ne l’est pas, il existe y ∉ A, i.e.
y ∈ X ∖ A = X ∖ ⋃ (X ∖ Bn ) = ⋂ Bn ,
n≥1 n≥1
Remarques.
1. Comme tout espace métrique X est à base dénombrable de voisinages, cela
implique que dans un tel espace, les notions de fermé et de séquentiellement
fermé sont équivalentes, de même que celles de continuité et de continuité
séquentielle. Ainsi, nous généralisons les résultats vus en Analyse I dans le
cas particulier de X = Rn .
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 36
Preuve du théorème I.11. Une des implications du premier point est toujours va-
lide par la proposition I.8. Pour montrer l’autre implication, supposons X non
séparé, et tentons de construire une suite avec deux limites distinctes. Comme X
n’est pas séparé, il existe x ≠ y ∈ X tels que pour tous ouverts U, V de X avec x ∈ U
et y ∈ V , l’intersection U ∩ V est non-vide. Soit {Bn (x)}n (resp. {Bn (y)}n ) une
base décroissante de voisinages ouverts de x ∈ X (resp. de y ∈ X), qui existe par le
lemme I.12. Pour tout n ≥ 1, choisissons un élément xn dans Bn (x) ∩ Bn (y), qui
est non-vide par hypothèse. Cela donne une suite (xn ) qui converge vers x ∈ X
et vers y ∈ X par le lemme I.12, ce qui termine la preuve du premier point.
Passons au second point. Une des implications est toujours valide par la
proposition I.9. Pour vérifier l’autre implication, il nous suffit de montrer que
pour tout sous-ensemble A de X, on a l’inclusion A ⊂ A′ . En effet, on aura
alors A ⊂ A ⊂ A′ , ce qui implique A = A′ ⇒ A = A. Soit donc x ∈ A, ce qui équi-
vaut à dire que tout ouvert de X contenant x intersecte A. Par le lemme I.12, il
existe une base {Bn } décroissante de voisinages ouverts de x ∈ X. Comme Bn est
un ouvert de X contenant x, il intersecte A, et l’on peut donc choisir xn ∈ Bn ∩A.
Cela forme une suite (xn ) d’éléments de A qui converge vers x par le lemme I.12.
CHAPITRE I. ESPACES TOPOLOGIQUES 37
Ainsi, x est bien limite d’une suite dans A, et donc un élément de A′ , ce qui
démontre le deuxième point.
Passons enfin au troisième point. Une des implications est toujours vraie par la
proposition I.10. La réciproque utilise les mêmes techniques que les deux preuves
ci-dessus, et est donc laissée en exercices.
Chapitre II: Connexité et compacité
Remarques.
1. Comme cette définition est formulée uniquement en termes d’ouverts, il
s’agit d’une notion topologique : en d’autres termes, si X et Y sont deux
espaces homémorphes, alors X est connexe si et seulement si Y l’est.
2. L’intuition à avoir est la suivante : un espace est connexe s’il est “d’un seul
morceau”. En effet, la définition peut se formuler comme suit : si on a une
décomposition de X en deux morceaux ouverts, alors un des morceaux est
vide.
3. Il existe plusieurs manières équivalentes de formuler cette définition. En
voici une autre, souvent très pratique : un espace topologique X est connexe
si et seulement si les seuls sous-ensembles ouverts et fermés de X sont ∅
et X.
4. Quand on dit qu’un sous-espace Y ⊂ X est connexe, c’est toujours pour
la topologie induite par celle de X. Cela peut se traduire comme suit :
38
CHAPITRE II. CONNEXITÉ ET COMPACITÉ 39
Comme d’habitude, nous allons commencer par illuster cette définition avec
quelques exemples faciles.
Commençons donc par montrer que les intervalles de la droite réelle sont
connexes. Comme vous allez le voir, cette démonstration est assez subtile et d’un
type nouveau dans ce cours, puisqu’elle utilise de manière essentielle la relation
d’ordre sur R.
Démonstration. Supposons par l’absurde qu’il existe a < b dans R tels que l’in-
tervalle (a, b) ne soit pas connexe. Par définition, cela signifie qu’il existe deux
ouverts U1 , V1 ⊂ R tels que U = U1 ∩ (a, b) et V = V1 ∩ (a, b) sont non-vides, dis-
joints, et recouvrent (a, b). Comme ces sous-ensembles sont non-vides, on peut
choisir u ∈ U et v ∈ V ; comme U et V sont disjoints, u et v sont distincts, et l’on
peut donc supposer u < v sans restreindre la généralité. Considérons à présent le
sous-ensemble S ⊂ (a, b) défini par
S = {s ∈ (a, b) ∣ [u, s] ⊂ U } .
Notons que cet ensemble S est borné, puisqu’il est inclu dans (a, b), et non-vide,
puisqu’il contient u. Ainsi, il admet un supremum s0 = sup S. Par définition, cela
signifie que s0 est un majorant de S (i.e. s ≤ s0 pour tout s ∈ S), et s0 est le plus
petit des majorants de S (i.e. si s ≤ s′ pour tout s ∈ S, alors s0 ≤ s′ ).
Nous affirmons maintenant que tout x ∈ V avec u < x est un majorant de S.
En effet, si tel n’est pas le cas, il existe s ∈ S avec x < s ; on aurait donc x ∈
(u, s) ⊂ [u, s] ⊂ U , ce qui est impossible puisque U et V sont disjoints. Nous
utiliserons cette affirmation plusieurs fois dans la suite de la preuve.
On a les inégalités a < u puisque u ∈ (a, b), u ≤ s0 puisque s0 est un majorant
de S qui contient u, s0 ≤ v puisque s0 est le plus petit majorant de S et v est un
tel majorant (par l’affirmation ci-dessus), et v < b puisque v ∈ (a, b). En résumé
a < u ≤ s0 ≤ v < b ,
Supposons enfin que s0 ∈ V . Comme V est ouvert, il existe ε > 0 tel que (s0 −
ε, s0 + ε) ⊂ V et u < s0 − ε. Par l’affirmation ci-dessus, s0 − ε/2 est un majorant
de S, ce qui est impossible puisque s0 est le plus petit de ces majorants.
Corollaire II.6. La droite réelle R est connexe, de même que tous les inter-
valles (a, b), [a, b), (a, b], [a, b], (−∞, a), (−∞, a], (a, ∞) et [a, ∞).
Démonstration. Comme on l’a vu, tous les intervalles ouverts de R sont homéo-
morphes. Puisque (a, b) est connexe par le théorème II.5, il en va donc de même
pour les autres, i.e. R, (−∞, a), et (a, ∞). Pour les intervalles restants, on uti-
lise la proposition II.2 : par exemple, B = [a, b) est connexe puisque A ⊂ B ⊂ A
avec A = (a, b) connexe. On procède de même pour les autres.
Démonstration. Supposons par l’absurde qu’il existe f (a) < r < f (b) sans au-
cun c ∈ X avec f (c) = r. En d’autres termes, on suppose r ∉ f (X). Considérons
les ouverts U = f (X) ∩ (−∞, r) et V = f (X) ∩ (r, ∞) de f (X). Par hypothèse, U
contient f (a) et V contient f (b) ; ils sont donc non-vides. Ils sont clairement dis-
joints, et puisque r ∉ f (X), ils recouvrent f (X). Ainsi, f (X) n’est pas connexe,
ce qui implique que X n’est pas connexe par le théorème II.3. Une contradic-
tion.
Notons que cet énoncé aurait pu être donné et démontré à la section précé-
dente. En revanche, c’est uniquement grâce au théorème II.5 que nous pouvons
affirmer que cet énoncé est bel et bien une généralisation du théorème des valeurs
intermédiaires vu en Analyse I, qui correspond au cas X = R. C’est la raison pour
laquelle nous ne le donnons que maintenant.
Remarques.
1. Notons que la connexité par arcs est une notion topologique : si X et Y sont
deux espaces homéomorphes, alors X est connexe par arcs si et seulement
si Y l’est.
2. Plusieurs propriétés générales de la connexité par arcs sont en exercices.
CHAPITRE II. CONNEXITÉ ET COMPACITÉ 43
Proposition II.8. Si un espace est connexe par arcs, alors il est connexe.
Démonstration. Supposons par l’absurde que X est connexe par arcs mais pas
connexe. Il existe donc U, V ⊂ X ouverts non-vides disjoints qui recouvrent X.
Comme ces sous-ensembles ne sont pas vides, on peut choisir x ∈ U et y ∈ V , et
comme X est connexe par arcs, il existe un chemin f ∶ [a, b] → X de x à y. On
a alors que U ′ = f −1 (U ) et V ′ = f −1 (V ) sont deux ouverts de [a, b], non-vides
puisque a ∈ U ′ et b ∈ V ′ , avec U ′ ∩ V ′ = f −1 (U ∩ V ) = f −1 (∅) = ∅ et U ′ ∪ V ′ =
f −1 (U ∪ V ) = f −1 (X) = [a, b]. Cela signifie que [a, b] n’est pas connexe, ce qui
contredit le corollaire II.6.
(on l’a vu ci-dessus), le théorème II.3 implique que g(S 1 ) = {−1, 1} est aussi
connexe. Ce n’est pas le cas, car {−1, 1} est un espace discret. 4
3. Toute application continue f ∶ [0, 1] → [0, 1] admet un point fixe.
Sinon, on peut considérer l’application continue g∶ [0, 1] → {−1, 1} définie
f (x)−x
par g(x) = ∣f (x)−x∣ . Comme g(0) = 1 et g(1) = −1, g est surjective. On
conclut comme ci-dessus. 5
Remarques.
1. La réciproque de la proposition II.8 n’est pas vraie : il existe des espaces
connexes qui ne sont pas connexes par arcs. En voici un exemple, illustré
en Figure II.1.
Soit f ∶ (0, 1) → R2 l’application donnée par f (t) = (t, sin(1/t)). C’est une
application continue, puisque chacune de ses coordonnées est une fonction
continue de (0, 1) dans R. Comme l’intervalle (0, 1) est connexe par le
théorème II.5, son image A = f ((0, 1)) ⊂ R2 est aussi connexe par le théo-
rème II.3. Notons que A n’est autre que le graphe de la fonction t ↦ sin(1/t).
Soit à présent l’espace X = A∪{(0, 0)}. Notons que le point ajouté est limite
d’une suite dans A ; ainsi, il est élément de A′ ⊂ A. On a donc les inclu-
sions A ⊂ X ⊂ A, ce qui implique que X est toujours connexe par la proposi-
tion II.2. En revanche, X n’est pas connexe par arcs, car il n’est pas possible
de relier l’origine x = (0, 0) à un point de A, par exemple y = (1, sin(1)),
par un chemin continu dans X. La raison en est que la fonction t ↦ sin(1/t)
ne s’étend pas en une fonction continue en l’origine, comme vous l’avez vu
en Analyse I.
Figure II.1 – Un exemple d’espace connexe mais pas connexe par arcs.
La preuve ci-dessus repose sur une idée très simple mais extrêmement utile,
que l’on peut résumer comme suit.
Pour voir que les éléments d’un ensemble X satisfont une certaine pro-
priété P , il suffit de munir X d’une topologie qui en fait un espace
connexe, et de vérifier que le sous-ensemble
U = {x ∈ X ∣ x vérifie la propriété P } ⊂ X
Remarques.
1. La compacité est clairement une notion topologique : si X et Y sont deux
espaces homéomorphes, alors X est compact si et seulement si Y l’est.
2. Cette définition a beau être courte, elle n’en est pas moins la plus difficile
à intégrer de ce cours ! Écrivons-la à nouveau :Un espace X est compact
si pour toute famille U = {Ui }i∈I avec Ui ⊂ X ouvert pour tout i ∈ I
et ⋃i∈I Ui = X, il existe i1 , . . . , im ∈ I tels que Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim = X.
3. Il n’est pas inutile d’écrire également en toutes lettres la signification de la
non-compacité d’un espace. Un espace X n’est pas compact s’il existe un
recouvrement ouvert de X qui n’admet pas de sous-recouvrement fini. En
d’autres termes : Un espace X n’est pas compact s’il existe une famille U =
{Ui }i∈I avec Ui ⊂ X ouvert pour tout i ∈ I et ⋃i∈I Ui = X, telle que pour
tout i1 , . . . , im ∈ I on a Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim ≠ X.
4. La compacité d’un sous-espace Y ⊂ X (pour la topologie induite) peut
s’écrire comme suit : Un sous-espace Y ⊂ X est compact si pour toute
famille U = {Ui }i∈I avec Ui ⊂ X ouvert pour tout i ∈ I et Y ⊂ ⋃i∈I Ui , il
existe i1 , . . . , im ∈ I tels que Y ⊂ Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim .
Le résultat suivant est facile, mais d’une grande importance, d’où son statut
de théorème.
Théorème II.11. Si f ∶ X → Y est une application continue avec X compact,
alors f (X) est compact.
Démonstration. Soit donc U = {Ui }i∈I un recouvrement ouvert de f (X) ⊂ Y ,
i.e. une famille d’ouverts Ui ⊂ Y tels que f (X) ⊂ ⋃i∈I Ui . Comme f est conti-
nue, f −1 (Ui ) ⊂ X est ouvert pour tout i ∈ I. De plus, on a les égalités ensemblistes
X = f −1 (f (X)) = f −1 (⋃ Ui ) = ⋃ f −1 (Ui ) .
i∈I i∈I
CHAPITRE II. CONNEXITÉ ET COMPACITÉ 48
Ainsi, {f −1 (Ui )}i∈I est un recouvrement ouvert de X qui est compact : il existe
donc i1 , . . . , im ∈ I tels que X = f −1 (Ui1 ) ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ f −1 (Uim ) = f −1 (Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim ).
On a donc l’inclusion f (X) ⊂ Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim , ce qui signifie qu’on a trouvé un
sous-recouvrement fini de U .
Remarques.
1. En section I.2, on avait vu deux exemples d’applications continues qui ne
sont pas des homéomorphismes ; nous allons maintenant voir que chacun de
ces exemples satisfait à une des deux conditions du corollaire II.12, mais pas
à l’autre. Le premier exemple était id X ∶ (X, Tdisc ) → (X, Ttriv ). Si X est
fini, alors (X, Tdisc ) est compact. Le problème est que l’espace (X, Ttriv )
n’est jamais séparé si X compte au moins deux éléments. Le second exemple
était l’application exponentielle f ∶ [0, 1) → S 1 . Cette fois, S 1 est bien séparé,
mais [0, 1) n’est pas compact, comme on l’a vu.
2. Le corollaire II.12 est extrêmement utile. Rappelons-nous par exemple les
difficultés rencontrées en sous-section I.5.2 pour vérifier que l’application
continue bijective [0, 1]/{0, 1} → S 1 induite par l’exponentielle est un ho-
méomorphisme ! Cela sera une conséquence immédiate du corollaire II.12,
une fois que l’on aura démontré que [0, 1] est compact.
3. D’une manière plus générale, la discussion en sous-section I.5.2 et le co-
rollaire II.12 impliquent directement l’énoncé suivant : Soit f ∶ X → Y une
application continue avec X compact et Y séparé. Alors, f induit un homéo-
morphisme entre l’espace quotient X/∼ et f (X), où la relation d’équivalence
sur X est définie par x ∼ x′ si et seulement si f (x) = f (x′ ).
Cet ensemble C est clairement borné, puisqu’il est inclu dans [a, b]. Vérifions à
présent qu’il est non-vide. Comme a ∈ [a, b] ⊂ ⋃i∈I Ui , il existe j ∈ I tel que a ∈ Uj .
Puisque Uj ⊂ R est ouvert, il existe ε > 0 tel que (a−ε, a+ε) ⊂ Uj . Ainsi, [a, a+ε/2]
admet le sous-recouvrement fini {Uj } de U . Cela signifie que a + ε/2 est un
élément de C, qui n’est donc pas vide. Comme C est borné et non-vide, il admet
un supremum c ∶= sup C.
Dans un premier temps, montrons que c appartient à C. On a clairement
les inégalités a < c (puisque c majore les éléments de C, qui sont strictement
plus grands que a) et c ≤ b (puisque b est un majorant de C, et c est le plus
petit tel majorant). Ainsi, on a bien c ∈ (a, b] ; il reste à voir que [a, c] admet
un sous-recouvrement fini de U . Comme c ∈ (a, b] ⊂ ⋃i∈I Ui , il existe k ∈ I tel
que c ∈ Uk . Puisque Uk ⊂ R est ouvert et a < c, il existe ε > 0 tel que a <
c − ε et (c − ε, c + ε) ⊂ Uk . Il existe d ∈ (c − ε, c] avec d ∈ C ; sinon, c − ε serait
un majorant de C plus petit que c. Ainsi, [a, d] admet un sous-recouvrement
fini de U : il existe donc i1 , . . . , im ∈ I tels que [a, d] ⊂ Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim . Cela
implique [a, c] = [a, d] ∪ (c − ε, c] ⊂ Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim ∪ Uk . On a montré que [a, c]
admet un sous-recouvrement fini de U , d’où c ∈ C.
Dans un second temps, montrons l’égalité c = b. Supposons par l’absurde
que c < b. Comme ci-dessus, il existe ` ∈ I et ε > 0 avec [c, c + ε/2] ⊂ U` et c + ε < b.
On a alors l’inclusion [a, c + ε/2] = [a, c] ∪ [c, c + ε/2] ⊂ Ui1 ∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪ Uim ∪ Uk ∪ U` ,
d’où c + ε/2 ∈ C. C’est impossible, puisque c est un majorant de C.
On a donc montré que b = c ∈ C. Par définition de C, cela signifie que [a, b]
admet un sous-recouvrement fini de U . L’intervalle [a, b] est donc compact.
Remarques.
1. Plus généralement, si (X, d) est un espace métrique et A ⊂ X est compact,
alors A est fermé dans (X, Td ) et borné pour la distance d : la preuve
ci-dessus s’étend verbatim.
2. Cet énoncé est aussi valable pour toute métrique d sur Rn équivalente à la
métrique euclidienne : dans ce cas, A est borné pour d si et seulement A est
borné pour la métrique euclidienne. Par exemple, l’énoncé demeure vrai si
l’on remplace la métrique euclidienne par dp pour n’importe quel p ∈ [1, ∞].
3. En revanche, la réciproque est fausse en général, et ce même sur l’espace
topologique Rn ! Par exemple, la métrique d2 = 1+d
d2
2
est bornée et induit la
topologie standard sur R , on l’a vu. Ainsi, A = R est fermé dans Rn , et
n n
Nous allons maintenant nous concentrer sur les espaces métriques compacts.
Commençons par un peu de terminologie.
Soit (X, d) un espace métrique, et soit A ⊂ X non-vide. Pour x ∈ X, la
distance de x à A est définie par
d(x, A) = inf{d(x, a) ∣ a ∈ A} .
Lemme II.18. Soit U un recouvrement ouvert d’un espace métrique (X, d).
Si X est compact, alors il existe un δ > 0 tel que tout sous-ensemble de X de
diamètre inférieur à δ est contenu dans l’un des ouverts de U .
Avant d’en donner la preuve, notons que résultat est faux en général si l’es-
pace métrique (X, d) n’est pas compact. En effet, considérons par exemple la
famille U = {( n+2
1
, n1 ) ∣ n = 1, 2, . . .} d’ouverts de l’espace (0, 1) muni de la mé-
trique standard. Cette famille forme clairement un recouvrement ouvert de (0, 1) ;
néanmoins, pour tout δ > 0, le sous-ensemble B = (0, δ/2) est de diamètre δ/2 < δ
mais n’est contenu dans aucun ouvert de U .
1 m
f (x) = ∑ d(x, Aj ) .
m j=1
1 m
δ ≤ f (x0 ) = ∑ d(x0 , Aj ) ≤ max {d(x0 , Aj )} =∶ d(x0 , Aj0 ) .
m j=1 j=1,...,m
Remarques.
1. Cette notion est la généralisation naturelle aux espaces métriques de la
notion vue en Analyse I dans le cas X = Y = R. Il ne s’agit pas d’une notion
topologique, mais d’une notion métrique, qui dépend des métriques dX
et dY choisies. Par ailleurs, il n’y a pas de notion analogue pour des espaces
topologiques quelconques (non-métriques).
2. Il est important de bien noter la différence entre la continuité de f et sa
continuité uniforme. Dans le premier cas, on a
∀x ∈ X, ∀ε > 0, ∃δ > 0 tel que ∀x′ ∈ X, dX (x, x′ ) < δ ⇒ dY (f (x), f (x′ )) < ε ,
∀ε > 0, ∃δ > 0 tel que ∀x, x′ ∈ X, dX (x, x′ ) < δ ⇒ dY (f (x), f (x′ )) < ε .
CHAPITRE II. CONNEXITÉ ET COMPACITÉ 54
Question. Pour quelle classe d’espaces a-t-on que X est compact si et seulement
si X est séquentiellement compact ?
Un élément de réponse est qu’en général, aucune des implications n’est vraie !
Voici des exemples.
Exemples.
1. L’espace [0, 1][0,1] est compact par le théorème de Tychonoff, puisque c’est
un produit d’espaces compacts. En revanche, on peut montrer que cet es-
pace n’est pas séquentiellement compact.
2. La longue droite est l’espace obtenu en mettant bout à bout un nombre
non-dénombrable de copies de l’intervalle semi-ouvert [0, 1). Il s’agit d’un
espace séquentiellement compact, mais pas compact. La démonstration de
ce fait demande un mimimum de connaissances des ordinaux ; nous n’en
verrons donc pas les détails ici.
Remarques.
1. Ce théorème montre en particulier que si X est un espace métrisable,
alors X est compact si et seulement s’il est séquentiellement compact. En
particulier, un sous-espace de Rn est séquentiellement compact si et seule-
ment s’il est fermé et borné pour la métrique euclidienne.
CHAPITRE II. CONNEXITÉ ET COMPACITÉ 56
de cette suite, on peut donc supposer que pour tout n ≥ 1, xn est dans la seconde
classe ; en d’autres termes, on a 0 < r(xn ) < 1 tel que B(xn , r(xn )) ⊂ Ui(xn )
mais B(xn , 2r(xn )) n’est contenue dans aucun Ui . Comme xm ∉ Ui(xn ) pour
tout m > n, on a donc d(xm , xn ) ≥ r(xn ), ce qui implique que B(xn , 2d(xm , xn ))
n’est contenue dans aucun Ui .
Comme {Ui }i∈I est un recouvrement ouvert de X qui contient la limite x
de (xn ), il existe i ∈ I et r > 0 tels que B(x, r) ⊂ Ui . Comme xn → x, il
existe N tel que n ≥ N ⇒ d(xn , x) < r/5. Alors, pour tous n, m ≥ N , on a
l’inclusion B(xn , 2d(xm , xn )) ⊂ Ui , ce qui contredit l’énoncé ci-dessus. En effet,
pour y ∈ B(xn , 2d(xm , xn )), on a
d’où d(x, y) ≤ d(x, xn ) + d(xn , y) < r/5 + 4r/5 = r, i.e. y ∈ B(x, r) ⊂ Ui . Cela
démontre l’inclusion de B(xn , 2d(xm , xn )) dans Ui , et termine la démonstration.
Discussion
À ce stade, nous avons à peu près couvert ce que tout cours d’introduction
à la topologie générale digne de ce nom doit couvrir. Pour les quelques semaines
qui restent, les possibilités les plus naturelles sont les suivantes.
1. Une étude des questions de métrisabilité d’espaces topologiques au moyen
des axiomes de séparation et de dénombrabilité. C’est la suite logique dans
la ligne de la topologie générale.
2. Une étude spécifique des espaces de fonctions. C’est le début de ce qu’on
appelle l’analyse fonctionnelle.
3. Bifurquer vers la construction d’invariants algébriques associés aux espaces
topologiques. C’est le sujet de la topologie algébrique.
4. Donner la classification des surfaces, qui constitue le premier chapitre de
la topologie géométrique.
Pour être traitée convenablement, une introduction à un de ces chapitres
nécessiterait au moins un mois. Comme nous n’avons pas autant de temps à
disposition, il s’agit de faire un choix, qui dépend des buts à atteindre.
La première option s’inscrirait naturellement dans notre cours : nous avons
déjà vu un axiome de séparation (être un espace séparé) et un axiome de dé-
nombrabilité (être un espace à base dénombrable de voisinages), et nous avons
montré que si un espace est métrisable, alors il satisfait ces deux propriétés. Il
s’agit ensuite de renforcer ces axiomes pour obtenir des conditions suffisantes
pour qu’un espace soit métrisable (théorème de métrisabilité d’Urysohn), puis
de raffiner ces conditions pour obtenir des conditions nécessaires et suffisantes
(théorème de métrisabilité de Smirnov ). Pour des raisons de manque de temps
et d’utilité incertaine de ces résultats dans la suite de vos études, nous n’allons
pas traiter de ces questions. Pour les personnes intéressées, les chapitres 4 et 6
de Munkres traitent de ce sujet de manière très complète.
Le choix de la seconde option se défend lui aussi. Nous avons déjà vu deux
topologies sur l’ensemble Y X des applications X → Y : la topologie produit,
qui comme on l’a vu, correspond à la topologie de la convergence simple, et la
topologie des boîtes. Le problème est que pour ces topologies, l’espace Y X est
rarement métrisable, même si Y l’est. Pour cette raison, entre autres, il est utile
de considérer d’autres topologies sur cet espace, comme la topologie uniforme
si Y est un espace métrique, et la topologie compact-ouverte si X et Y sont des
espaces topologiques. Dans le même ordre d’idées, il est intéressant d’étudier les
58
DISCUSSION 59
suites de Cauchy dans les espaces métriques. Cela mène naturellement à la notion
de complétion d’un espace métrique, qui généralise la construction des nombres
réels à partir des nombres rationnels. Comme ces questions seront traitées, au
moins en partie, en Analyse III, nous n’allons pas les étudier dans ce cours, mais
renvoyer les lecteurs intéressés au chapitre 7 de Munkres.
Une introduction à la topologie algébrique serait tout à fait possible à ce stade,
mais c’est l’objet du premier semestre du cours d’Algèbre et Géométrie III, où
sont expliquées les notions de groupe fondamental et de revêtement. Des cours
avancés sont aussi régulièrement donnés dans notre section sur les théories de
l’homologie, de la cohomologie et de l’homotopie, qui forment l’essentiel de la to-
pologie algébrique. Pour ces raisons, il serait prématuré de traiter de ces questions
dans un cours de deuxième année.
Notre choix portera donc sur la dernière option, celle de la classification des
surfaces. La raison prinicipale est que ce résultat sera utilisé au second semestre,
en particulier dans le cadre du théorème de Gauß-Bonnet. Il faut aussi préciser
que ce chapitre supplémentaire jettera les bases de la topologie géométrique, un
type de topologie beaucoup plus visuelle et intuitive que la topologie générale,
qui est utile à la compréhension de bien des cours avancés : surfaces de Riemann,
théorie des noeuds, topologie différentielle,...
Chapitre III: Classification des surfaces
Remarques.
1. Les conditions de séparation et de dénombrabilité sont de nature technique,
afin d’éviter certains espaces pathologiques. Par exemple, la droite à deux
origines est définie comme le quotient X = R × {0, 1}/∼ avec (x, 0) ∼ (x, 1)
pour tout x ∈ R ∖ {0} ; cet espace satisfait les axiomes d’une courbe, sauf
60
CHAPITRE III. CLASSIFICATION DES SURFACES 61
Exemples de variétés.
1. Tout ouvert de Rm est une variété de dimension m. En particulier, R est
une courbe et R2 est une surface (connexes, non-compactes).
2. Le cercle S 1 = {z ∈ C ∣ ∥z∥ = 1} est une courbe (connexe, compacte). En
effet, S 1 est un sous-espace de l’espace métrique R2 , il est donc métrisable.
Par ailleurs, l’application exponentielle exp∶ R → S 1 fournit un homéomor-
phisme local ; cela découle des arguments donnés en exemple 2, page 28.
Avant de continuer cette liste d’exemples, nous sommes déjà en mesure d’énon-
cer le théorème de classification des courbes, qui n’est pas très difficile, mais dont
nous ne donnerons pas la preuve.
Théorème III.1 (Classification des courbes). Toute courbe connexe est homéo-
morphe à la droite réelle R ou au cercle S 1 .
Notons que ces deux espaces ne sont pas homéomorphes, puisque S 1 est com-
pact et R ne l’est pas. Ainsi, il existe à homéomorphisme près exactement deux
courbes connexes : la droite et le cercle. Cela permet de classifier toutes les
courbes (pas forcément connexes), en appliquant le résultat ci-dessus à chaque
composante connexe.
1. En fait pas toujours, puisque Michel Kervaire – un ancien membre de cette section –
a montré en 1960 que certaines variétés topologiques (de dimension 10) n’admettent pas de
structure différentiable. Depuis, on a construit des exemples de telles variétés en toutes dimen-
sions m ≥ 4.
CHAPITRE III. CLASSIFICATION DES SURFACES 62
Figure III.3 – Construction du tore en recollant les bords opposés d’un carré.
= a a−1
b
−1
2. Le carré muni du mot abab décrit la bouteille de Klein : c’est exactement
l’exemple 7 ci-dessus.
3. L’espace obtenu via le carré muni du mot aa−1 bb−1 est simplement la
sphère S 2 . (Imaginer une empanada.)
4. L’espace obtenu via le carré muni du mot abab est homéomorphe au quo-
tient D2 /∼, où chaque point x ∈ ∂D2 est identifié à son antipode −x. Comme
vous le verrez en exercice, il s’agit de l’espace projectif réel de dimension 2,
aussi appelé plan projectif et noté RP 2 .
5. Considérons à présent un octogone muni du mot a1 b1 a−1 −1 −1 −1
1 b1 a2 b2 a2 b2 . Il
est possible mais relativement difficile de comprendre quelle est la surface
correspondante en tentant directement de recoller ces côtés par paires. Une
meilleure idée est de commencer par découper cet octogone en deux ; on
obtient alors deux pentagones avec mots a1 b1 a−1 −1 −1 −1 −1
1 b1 c et c a2 b2 a2 b2 , qui
doivent encore être recollés le long de leur côté marqué par la lettre c. En
effectuant les recollements dans chacun de ces pentagones, on obtient deux
CHAPITRE III. CLASSIFICATION DES SURFACES 65
tores avec une composante de bord, qui doivent être recollés le long de leur
bord. La surface ainsi obtenue est appelée le tore à 2 trous. Elle est illustrée
en figure III.4.
6. Cette construction peut être généralisée de la façon suivante : pour tout
entier g ≥ 1, le 4g-gone muni du mot a1 b1 a−1 −1 −1 −1
1 b1 ⋯ag bg ag bg donne une sur-
face connexe compacte appelée le tore à g trous ou la surface orientable
de genre g, notée Σg . (Par convention, la sphère S 2 est la surface orien-
table de genre 0. Notez que Σ1 = T par l’exemple 1.) Par le même argument
que dans le cas g = 2 décrit en exemple 5, la surface de genre g s’obtient
en recollant une surface de genre g − 1 et un tore le long d’une composante
de bord : on parle de la somme connexe de Σg−1 et T, notée Σg = Σg−1 #T.
L’exemple de Σ3 est illustré en figure III.4.
7. Considérons la carré muni du mot aabb. En découpant ce carré le long d’une
diagonale, on comprend que l’espace quotient correspondant est la somme
connexe de deux copies du plan projectif RP 2 . On verra en exercice que
cette surface n’est autre que la bouteille de Klein.
8. Cette construction peut être généralisée de la façon suivante : pour tout
entier h ≥ 2, considérons le 2h-gone muni du mot a1 a1 ⋯ah ah . L’espace
correspondant est une surface connexe compacte, la somme connexe de h
copies de RP 2 , qu’on appelle la surface non-orientable de genre h,
notée Nh . (Par convention, le plan projectif est la surface non-orientable
de genre 1. Notez que par l’exemple 7, N2 n’est autre que la bouteille de
Klein.)
Exemples de triangulations.
1. Une triangulation du disque D2 peut être obtenue avec un unique tri-
angle A = D2 , en choisissant pour h∶ T → D2 n’importe quel homéomor-
phisme entre le disque et le triangle T .
2. La surface d’un tétraèdre définit une triangulation de la sphère S 2 avec 4
triangles. Elle est illustrée en figure III.5. La surface d’un icosaèdre en
définit une autre, avec 20 triangles.
Voici le résultat principal de cette section.
Démonstration. Soit donc X une surface compacte. Par le théorème III.3, X ad-
met une triangulation, d’où des homéomorphismes hi ∶ Ti → Ai ⊂ X. En supposant
h
les triangles Ti disjoints, cela définit une application E ∶= T1 ⊔ ⋅ ⋅ ⋅ ⊔ Tn → X, appli-
cation surjective puisque les triangles Ai recouvrent X. Comme E est compact
et X séparé, h induit un homéomorphisme E/∼ → X, où x ∼ x′ si h(x) = h(x′ )
(voir remarque 3, page 48). Il reste à vérifier que cette relation d’équivalence
correspond précisément à recoller les côtés deux à deux.
Par définition d’une triangulation, on peut en effet recoller les côtés des tri-
angles deux par deux. Par ailleurs, rien ne nous empêche de recoller les côtés
de plus de deux triangles ensemble, ou d’avoir un côté d’un triangle recollé à
aucun autre côté. Nous pourrions aussi avoir des triangles recollés le long d’un
sommet, mais recollés le long d’aucun des côtés adjacents. Ces trois situations
sont illustrées ci-dessous.
Dans ces trois cas, on peut démontrer que les points marqués en gras sur la
figure ci-dessus n’admettent pas de voisinage homéomorphe à un ouvert de R2 .
(Le dernier cas se démontre facilement à l’aide de la connexité, mais les deux
premiers cas requièrent des outils dont nous ne disposons pas dans ce cours.)
Ainsi, les espaces obtenus de sont pas des surfaces. Comme nous avions supposé
que X est une surface, la seule possibilité de recollement est celle décrite dans
l’énoncé. Cela termine la démonstration.
Démonstration. Soit donc X une surface compacte connexe. Par le corollaire III.4,
l’espace X est obtenu en recollant deux à deux les côtés d’une collection de tri-
angles. Considérons donc ces triangles, et recollons les côtés deux à deux pour
construire X, mais en ne recollant que les paires de côtés qui appartiennent à
des composantes connexes différentes. Une fois que toutes les identifications de
ce type ont été faites, nous nous retrouvons avec un certain nombre de polygones
(disons, m), et avec toutes les identifications restantes entre des paires de côtés
qui appartiennent au même polygone. Notons que l’espace quotient X aura m
composantes connexes. Comme on a supposé X connexe, on a en fait m = 1,
CHAPITRE III. CLASSIFICATION DES SURFACES 68
d’où le résultat : X est obtenu en identifiant deux à deux les côtés d’un unique
polygone.
Cela donne une preuve combinatoire du fait que ces deux mots présentent la
même surface, un résultat déjà vu en exercices.
Nous ne donnerons pas cette preuve non plus, mais il est à noter que cet
énoncé et sa démonstration sont de nature purement combinatoire.
Preuve du théorème III.3. Soit donc X une surface compacte connexe. Par le
corollaire III.5, X est homéomomorphe à l’espace quotient obtenu en identifiant
deux à deux les côtés d’un polygone ; en d’autres termes, X est donné par un
polygone marqué. Par la proposition III.6, ce dernier est équivalent à un des mots
S 2 , RP 2 , Nh (h ≥ 2), Σg (g ≥ 1) .
ensuite que si X est une surface donnée par un mot w en les lettres a, b, c, . . .
(de telle manière que tous les sommets du polygône marqué correspondant sont
identifiés en un point), alors le groupe fondamental de X admet la présentation
par générateurs et relations
π1 (X) = ⟨a, b, c, . . . ∣ w⟩ .