2016 Oyono Diff
2016 Oyono Diff
2016 Oyono Diff
2
Résumé en français :
L’entreprise, quelle que soit sa taille, sa forme ou son importance n’est jamais à l’abri des
difficultés financières pouvant la conduire à l’ouverture d’une procédure collective. Cette situation
n’est pas sans conséquence sur les acteurs de l’entreprise, et notamment, sur les créanciers,
partenaires essentiels à l’exercice de l’activité de l’entreprise. Ainsi, pour se prémunir contre le
risque d’insolvabilité du débiteur, les créanciers peuvent tenter de bénéficier des causes légitimes de
préférences, appelées sûretés. Mais celles-ci forment un ensemble complexe au sein duquel on
retrouve des sous-groupes. Il existe, en effet, en droit français et en droit OHADA, une diversité de
sûretés aussi bien personnelles que réelles. D'une manière générale, il est aujourd'hui admis que,
dans la catégorie des sûretés réelles, celles dites "exclusives", en l’occurrence celles qui sont
fondées sur la rétention ou sur la propriété du bien objet de la garantie, parviennent à tirer à leur
épingle de jeu, en cas d’ouverture d’une procédure collective. Il en résulte une véritable protection
de ces sûretés. L’exclusivité va en effet leur permettre d’échapper aux règles découlant de
l’ouverture d’une procédure collective. Par ailleurs, les créanciers munis de sûretés réelles
exclusives vont pouvoir déroger à certaines règles traditionnelles de la discipline collective.
Cependant, la protection dont bénéficient ces sûretés ne les place pas à l’abri des exigences des
procédures collectives. Au contraire, l’effectivité de leur protection est largement subordonnée à
leur existence dans ces procédures, d’une part, et, dans une certaine mesure, à la réalisation des
objectifs du droit des procédures collectives, d’autre part. Ainsi, bien que protégées, les sûretés
réelles exclusives ne sont pas au-dessus de la procédure collective.
4
SOMMAIRE
SOMMAIRE .......................................................................................................................................................................5
REMERCIEMENTS ...........................................................................................................................................................7
INTRODUCTION.............................................................................................................................................................11
PREMIÈRE PARTIE : UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES EFFECTIVE DANS LES
PROCÉDURES COLLECTIVES ..................................................................................................................................... 41
TITRE 2/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES PAR LE MAINTIEN DES DROITS DES
CRÉANCIERS ................................................................................................................................................................102
DEUXIÈME PARTIE : UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE AUX
EXIGENCES DES PROCÉDURES COLLECTIVES....................................................................................................236
TITRE 1/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE À LEUR EXISTENCE
DANS LES PROCÉDURES COLLECTIVES ...............................................................................................................238
CHAPITRE 2/ UNE PROTECTION FAIBLEMENT SUBORDONNÉE AUX OBJECTIFS DU DROIT OHADA DES
PROCÉDURES COLLECTIVES ...................................................................................................................................454
5
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE ..............................................................................................................479
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................................................................................................486
ANNEXE ........................................................................................................................................................................517
6
REMERCIEMENTS
Enfin, un grand merci à tous mes amis qui ont toujours été là dans mes moments de
doute et de découragement.
7
LISTES DES ABRÉVIATIONS
Act. proc. coll : Actualité des procédures collectives
AJ : Actualité jurisprudentielle
AJDI : Actualité Juridique de droit immobilier
Al. : Alinéa
Art. : Article
Ass. Plen. : Assemblée Plénière de la Cour de cassation
AUDCG : Acte uniforme relatif au droit commercial général
AUDSCG : Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
AUPC : Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives d’Apurement du
Passif
AUS : Acte uniforme portant organisation des sûretés
BJE : Bulletin Joly Entreprise en difficulté
BJS : Bulletin Joly Sociétés
BODACC : Bulletin Officiel des annonces civiles et commerciales
Bull. : Bulletin
Bull. Joly : Bulletin mensuel Joly d’information des sociétés
CA : Cour d’Appel
Cah.drt. ent. : Cahier de Droit de l'Entreprise
Cass. Ch. mixte : Chambre mixte de la Cour de cassation
Cass. civ. : Chambre civile de la Cour de cassation
Cass. com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation
Cass. Soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation
CCJA : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA
CE : Conseil d’Etat
Cf. : Confer
Chron. : Chronique
Coll. : Collection
Comm. Commentaire
D. : Recueil Dalloz
D. Aff. : Dalloz Affaires
Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois
dir : sous la direction de
Doc. (AN ou Sénat) : Documentation parlementaire
8
Doctr. : Doctrine
Dr. et patr. : Revue droit et patrimoine
Ed. : Édition
EIRL : Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée
ERSUMA : École Régionale Supérieure de la Magistrature de l’OHADA
Fasc. : Fascicule
Gaz Proc. Coll. : Gazette des Procédures Collectives ou (voir pérochon)
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
Ibid. : Ibidem
IR : Information Rapide
JCl. : Juris-Classeur (civil, commercial, pénal etc.)
JCP E: Juris-Classeur périodique, édition entreprise (G, générale ; N, notariale, S, sociale)
JORF : Journal officiel de la République française
JurisData : Banque de données juridiques Editions- techniques - Gazette du Palais
L. : Loi
LEDEN : L’essentiel Droit des procédures collectives
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
LPA : Les Petites Affiches
Mél. : Mélanges
Obs. : Observations
OHADA: Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
Ohadata : Banque de données de la jurisprudence de l’OHADA
Op. cit. : opere citato
Ord. : Ordonnance
p. : Page
Pan.: Panorama
Pénant : Revue Trimestrielle de Droit Africain
PUA : Presses universitaires d'Afrique
PUF : Presses Universitaires de France
RCCM : Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
RDC : Revue droit des contrats
R.J. com. : Revue de jurisprudence commerciale
Rev. drt. banc et fin : Revue de droit bancaire et financier
Req. : Chambre des requêtes
Rev. Dr. Uniforme : Revue de Droit Uniforme
9
Rev. huissiers : Revue des huissiers de justice
Rev. Proc. Coll. : Revue des procédures collectives
Rev. soc. : Revue des sociétés
RID comp : Revue internationale de droit comparé
RJDA : Revue de Jurisprudence de Droit des Affaires
RJT : Revue Juridique Thémis
RLDA : Revue Lamy Droit des Affaires
RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. : Revue Trimestrielle de droit commercial
s. : suivant
Somm. : Sommaire
Sp : Spécial
t. : Tome
T. com. : Tribunal de Commerce
TGI : Tribunal de Grande Instance
TI : Tribunal d'Instance
TPI : Tribunal de Première Instance
V. : Voir
Vol. : Volume
10
INTRODUCTION
1. Entité juridique première du droit des affaires, l’entreprise apparaît aussi comme un pilier
économique fondamental pour tout pays. Cependant, l’entreprise reste une notion difficile à cerner,
et ce, d’autant plus que le législateur ne la définit pas.
2. Quelques définitions ont alors été proposées par la doctrine. Pour certains1, elle désigne
« un ensemble de moyens humains et matériels concourant, sous une direction économique, à la
réalisation d’un objectif économique », ou encore « un organisme se proposant essentiellement de
produire pour les marchés certains biens ou services, financièrement indépendant de tout autre
organisme »2. Pour d’autres, l’entreprise est « un centre de production de biens ou services et un
outil de travail, dont la survie est d’intérêt général et dont la protection relève aux yeux du
législateur, de l’ordre public économique social »3.
3. À l’image des êtres vivants, l’entreprise naît, vit et, souvent, finit par mourir4. En effet,
quelle que soit sa taille, sa forme ou son importance, l’entreprise n’est jamais à l’abri des difficultés
d'ordre financière pouvant mener à sa disparition.
Cette situation a conduit le législateur à se préoccuper de sa santé financière. Aussi, existe-t-il un
droit spécial dont le but est la prévention et le traitement des difficultés financières de cette entité. Il
s’agit du droit des entreprises en difficulté, au sein duquel se trouve le droit des procédures
collectives.
4. L’application du droit des procédures collectives entraîne la mise en œuvre des règles
spécifiques à tous les acteurs de la vie de l'entreprise, et notamment aux créanciers. Pour eux, la
survenance des difficultés au sein de l'entreprise pose généralement la question de leur
désintéressement. En effet, c'est lorsque le débiteur rencontre des difficultés économiques que les
créanciers ne peuvent plus recouvrer leur créance normalement. Aussi, pour se prémunir contre le
risque d’insolvabilité du débiteur, certains créanciers vont, avant la survenance des difficultés,
tenter de bénéficier de causes légitimes de préférence encore appelées sûretés.
5. Comme le concept d’entreprise, « la notion de sûreté ne se laisse pas cerner aisément »5.
Elle n’est « qu’une étiquette qui s’accommode du disparate » 6 . En effet, il n’existe aucune
définition légale de la sûreté, et certains la présentent au regard de ses caractéristiques essentielles7.
1
G. CORNU, Vocabulaire juridique, 10e éd. PUF, 2014, p. 421.
2
D. PAILLUSSEAU, « Le droit des activités économiques à l’aube du XXIe siècle », D. 2003, pp. 260 et s. sp.pp. 260
et 322 ; « La notion de groupe de sociétés et d’entreprises en droit des activités économiques », D. 2003, p. 2346 ; Th.
LAMARCHE, « La notion d’entreprise », RTD com. 2006, p. 709.
3
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, Lextenso éditions, 2014, n°1.
4
Ibid.
5
G. MARTY, P. RAYNAUD, Droit civil, les sûretés, la publicité foncière, 2e éd., par Ph. JESTAZ, Sirey, 1987, n° 1.
6
M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, 10e éd., LexisNexis, 2015, n° 2.
7
A. MARTIN-SERF, « L’interprétation extensive des sûretés réelles en droit commercial », RTD com. 1980, p. 677; D.
LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, 9e éd., LGDJ, Lextenso éditions, 2013, n° 21.
11
6. La sûreté se caractérise d’abord par une finalité précise : toute sûreté doit prémunir son
titulaire contre les conséquences de l'insolvabilité de son débiteur, en lui garantissant le
recouvrement de sa créance. Ensuite, par une technique particulière : la sûreté suppose l’affectation
d’un bien ou de plusieurs biens au paiement d’une créance. L’affectation peut concerner les biens
figurant dans le patrimoine du débiteur principal ou celui d’un tiers. Et, pour finir, par un caractère
accessoire : toute sûreté s'inscrit, en principe, dans un rapport d'accessoire avec la créance
principale dont elle garantit le paiement.Toutefois, cette approche de la notion de sûreté n’est pas
toujours suffisante, et ces critères peuvent s’avérer délicats à mettre en œuvre8.
La Cour de cassation, quant à elle, ne s’est pas encore prononcée sur la question. En attendant,
quelques définitions ont été proposées par la doctrine9.
7. Pour certains10, la sûreté se définit comme une « prérogative superposée aux prérogatives
ordinaires du créancier par le contrat, la loi, un jugement ou une démarche conservatoire, et qui a
pour finalité juridique exclusive de le protéger contre l'insolvabilité de son débiteur ». Pour
d’autres11, elle est « un mécanisme de droit civil ou de droit commercial qui s'adjoint à un rapport
d'obligation, ayant le plus souvent pour objet le paiement d'une somme d'argent et dont l’échéance
est à terme ».
Mais quelle que soit la définition qu’on lui donne, la sûreté est un avantage qui s’ajoute au droit
qu’un créancier tient normalement de son droit de gage général et dont le but est de le protéger
contre l’insolvabilité de son débiteur, en lui garantissant le recouvrement de sa créance. Peuvent
alors être considérés comme des sûretés tous les mécanismes juridiques destinés à assurer aux
créanciers le paiement de leurs créances12.
8. Cependant, les sûretés forment un ensemble complexe à l'intérieur duquel on retrouve des
sous-groupes. La principale distinction est celle qui oppose traditionnellement les sûretés
personnelles et les sûretés réelles13.
La sûreté personnelle dont le cautionnement est l'exemple par excellence, réside dans l'engagement
personnel d'une ou de plusieurs personnes à garantir, en cas de défaillance du débiteur principal, le
paiement d'une créance. Au contraire, la sûreté réelle suppose l'affectation d'un bien ou d'un
8
V. M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 2; D. LEGEAIS,
Sûretés et garanties du crédit, op. cit., n° 21.
9
V. par exemple la définition de P. CROCQ, Propriété et garantie, préf. M. GOBERT, Bibliothèque de droit privé, t.
248, LGDJ, 1995, ns° 261 et s. sp n° 282. Pour l’auteur, la notion de sûreté trouve son unité dans « la combinaison
d’une affectation et d’un droit d’agir ».
10
M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 2.
11
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, 4e éd., Sirey 2014, n° 8.
12
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 1003.
13
C’est la classification adoptée par le Livre IV du Code civil. Même si cette classification reste fondamentale, certains
auteurs ont proposé d’autres ; V. par exemple P. CROCQ, Propriété et garantie, op. cit. L’auteur propose une
classification quadripartite (ns° 308 et s.)
12
ensemble de biens meubles ou immeubles figurant dans le patrimoine du débiteur, à la garantie du
paiement d'une créance. L’affectation peut avoir un caractère préférentiel ou exclusif.
À la différence des sûretés personnelles dont le nombre reste assez limité 14 , il existe, pour les
créanciers, un large choix en matière de sûretés réelles 15. Ce constat peut aussi être fait en droit
OHADA16.
9. Plusieurs classifications sont donc possibles au sein des sûretés réelles. On peut opposer les
sûretés mobilières aux sûretés immobilières 17 , les sûretés avec dépossession aux sûretés sans
dépossession18, les sûretés spéciales aux sûretés générales ou encore les sûretés préférentielles aux
sûretés exclusives19.
10. Cette dernière classification, relativement récente 20 , a d’ailleurs été reconnue par la
jurisprudence. Dans un arrêt du 3 mai 2006, la Cour de cassation a estimé qu’« il résulte de l’article
2030 (2314 nouveau) du Code civil que la caution est déchargée, lorsque la subrogation dans un
droit exclusif ou préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement
de sa créance, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution »21. Cet état
de fait pourrait s’expliquer par le développement, au cours de ces dernières années, des institutions
plaçant le créancier dans une situation d’exclusivité22. Aussi, pour un auteur23, la distinction entre
les sûretés préférentielles et les sûretés exclusives pourrait bien constituer un autre summa divisio au
sein du droit des sûretés réelles.
11. En tout état de cause, même si cette classification n’est pas exempte de critiques24, une
étude portant sur les sûretés en général et sur les sûretés réelles en particulier ne peut, aujourd’hui,
14
Depuis l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, l’article 2287-1 du Code civil précise que les sûretés personnelles
sont le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d’intention.
15
Il résulte de la combinaison des articles 2329 et 2373 du Code civil que les sûretés réelles sont: les privilèges
mobiliers ou immobiliers, le gage mobilier ou immobilier, le nantissement de meubles incorporels, la propriété retenue
ou cédée à titre de garantie et les hypothèques.
16
S’agissant des sûretés personnelles, le droit OHADA n’en compte que deux : le cautionnement et la garantie
autonome, cf. art. 12 de l’Acte portant organisation des sûretés (AUS). Quant aux sûretés réelles, l’AUS distingue les
sûretés mobilières (le droit de rétention, la propriété retenue ou cédée à titre de garantie, le gage de meubles corporels,
le nantissement de meubles incorporels et les privilèges) et les sûretés immobilières (les hypothèques). Cf. art 50 et 190
de l’AUS.
17
C’est la classification retenue par le Code civil (art. 2329 et s) et par l’AUS (art. 50 et 190)
18
N. MARTIAL-BRAZ, « Sûretés avec et sans dépossession, une summa divisio désuète ? », Rev. drt banc. et fin.,
septembre 2014, n° 5, dossier 35.
19
J.-D PELLIER, « Réflexions sur la classification des sûretés réelles », LPA, 24 avril 2014, n° 82, p. 7 ;
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, préf. P. CROCQ, Bibliothèque de droit privé, t.
538, LGDL, Lextenso éditions, 2012, n°2.
20
V. Ph. THÉRY, Sûretés et publicité foncière, 2e éd., PUF, 1998, qui distingue les droits préférentiels et les droits
exclusives ; P. ANCEL, Droit des sûretés ,7e éd., LexisNexis, 2014. L’auteur distingue « L’affectation par octroi d’un
droit préférentiel » à « l’affectation par octroi d’un droit exclusive » ou encore L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des
sûretés, 9e éd., LGDJ, Lextenso éditions, 2015, qui distinguent « les sûretés réelles conférant un droit de préférence » et
« les sûretés réelles conférant un droit exclusif ».
21
Cass. com., 3 mai 2006, n° 04-17.283, 04-17.396, Bull. civ. IV, n° 104; D. 2006, p. 1693, note D. HOUTCIEFF.
22
L. BOUGEROL- « Sûretés préférentielles et sûretés exclusives, une autre summa divisio ? », Rev. drt. banc. et fin.,
septembre 2014, n° 5, dossier 36.
23
Ibid.
24
J.-D. PELLIER, « Réflexions sur la classification des sûretés réelles », art. préc., p. 7.
13
faire abstraction des sûretés réelles exclusives, c’est-à-dire celles qui confèrent à leur titulaire un
droit exclusif sur le bien objet de la garantie et non pas, en principe, un simple droit de préférence
sur le prix de vente du bien.
Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les ouvrages généraux relatifs au droit des sûretés 25. Par
ailleurs, même dans le cadre d’une procédure collective, les sûretés réelles exclusives bénéficient
d’un traitement particulier. Cela fait d’elles des sûretés protégées. Ainsi, les créanciers qui en sont
titulaires se trouvent dans une situation confortable. C’est donc pour toutes ces raisons que seule
cette catégorie de sûretés retiendra notre attention.
12. Dans le cadre de cette étude, il nous faut analyser, sous l’angle du droit comparé, l’état de
la protection des sûretés réelles exclusives lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure
collective. Nos propos s’intéressant aussi bien au droit français qu’au droit OHADA, il nous semble
opportun de commencer par une présentation de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA) (I), avant de retracer brièvement les évolutions législatives des deux
branches du droit que cette étude met en relief, à savoir le droit des procédures collectives (II) et le
droit des sûretés (III). De ces différentes évolutions résulte le constat d’une confrontation
permanente entre ces deux disciplines (IV).
I- Présentation de l’OHADA26
13. Animés d’une volonté de regroupement quelques années après les indépendances 27 ,
certains Etats africains, essentiellement des pays d’Afrique francophone, se sont regroupés autour
d’une idée de création d’une organisation internationale : l’Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA).
Créée le 17 octobre 1993 par un traité signé à Port-Louis (Ile Maurice) par seize (16) Etats et
révisée quinze ans plus tard par le traité du Québec (Canada) signé le 17 octobre 2008, l’OHADA
est actuellement composée de dix-sept (17) Etats membres à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, le
Cameroun, la Centrafrique, les Comores, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, la
Guinée-Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, la République démocratique du Congo, le
Sénégal, le Tchad et le Togo.
14. L’essentiel du droit de l’OHADA est regroupé dans un traité composé de plusieurs Actes
uniformes. Chacun d’eux reprend l’ensemble des textes régissant un domaine spécifique du droit.
Le traité OHADA comprend actuellement neuf Actes uniformes relatifs au droit commercial
général, au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, au droit des
25
V. par exemple, P. ANCEL, Droit des sûretés, op. cit ; L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit ; M.
BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit ; Y. PICOD, Droit des
sûretés, 2e éd., Thémis droit, PUF, 2011.
26
K. MBAYE, « L’histoire et les objectifs de l’OHADA », LPA, 13 octobre 2004, n° 205, p. 4; v. Annexe finale.
27
Dans les années 1960.
14
sûretés, au droit des sociétés coopératives, à l’arbitrage, aux procédures simplifiées de
recouvrement des créances et des voies d’exécution, aux procédures collectives d’apurement du
passif, à l’organisation et à l’harmonisation de la comptabilité des entreprises, ainsi qu’aux contrats
de transport des marchandises par route.
15. Depuis quelques années, les Etats membres ont entrepris de procéder à une révision des
Actes uniformes. Ainsi, l’Acte uniforme relatif au droit commercial général et celui portant sur le
droit des sûretés ont été révisés en 2010. L’Acte ayant trait au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique a été modifié en 2014. Et, lors de la toute dernière réforme
intervenue en septembre 2015, la révision a concerné l’Acte uniforme relatif aux procédures
collectives d’apurement du passif. Par ailleurs, il existe des avant-projets d’Actes uniformes en
étude relatifs à l’harmonisation du droit du travail, aux contrats spéciaux, aux conflits des lois, à la
circulation des actes publics, à la coentreprise ou encore à la médiation commerciale.
16. Quoi qu’il en soit, les Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat permanent en
concertation avec les gouvernements des Etats membres. Ils sont ensuite adoptés par le Conseil des
ministres après avis de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA). L’adoption des Actes
uniformes requiert l’unanimité des représentants des Etats membres présents et votants. L’adoption
n’est valable que si les deux tiers au moins des Etats membres sont représentés. Ainsi, les Actes
uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats membres, nonobstant toute
disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure. Enfin, les Actes uniformes peuvent
êtres modifiés à la demande de tout Etat membre ou du Secrétariat permanent après autorisation du
Conseil des ministres.
17. Il en résulte que, contrairement à ce qu’indique son intitulé, l’OHADA ne met pas en
place un droit harmonisé mais plutôt un droit uniforme28.
En effet, l’harmonisation s’entend comme l’opération législative consistant à mettre en accord des
dispositions d’origine différente, plus spécialement à modifier des dispositions existant afin de les
mettre en cohérence avec une réforme nouvelle, ou encore comme le rapprochement entre deux ou
plusieurs systèmes juridiques afin de réduire et de supprimer certaines contradictions29. Selon un
auteur30, « l’harmonisation est un moyen qui sert à établir les grandes lignes d’un cadre juridique
en laissant aux différentes parties prenantes à l’intégration le soin de compléter l’ossature commune
28
Un autre auteur parle de droit unifié ; Ph. ROUSSEL GALLE, « L’OHADA : l’Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires », Rev. Proc. Coll., novembre-décembre 2013, n° 6, dossier 50, p. 53
29
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 505; É. LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française en un volume,
Paris, Hachette, 2000, pp. 417-421 ; J. ISSA-SAYEGH, « Quelques aspects techniques de l’intégration juridique :
l’exemple des actes uniformes de l’OHADA », Rev. Drt. Uniforme, n° 5, 1999 : « L’aspect musical de cette définition
est plus édifiant : harmoniser consiste à faire en sorte que toutes les parties concourent à un même but ou à un même
effet mélodieux ».
30
I. KAMDEM FETZE, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les
moyens d’intégration juridique », R.J.T. 2009, n° 43, p. 605.
15
par des dispositions qui correspondent mieux à leurs valeurs, à leurs préférences ou à leur niveau de
développement ».
En revanche, l’uniformisation s’entend comme la modification législative de deux ou plusieurs pays
tendant à instaurer dans une matière juridique donnée une réglementation identique31. Elle permet
donc de donner une forme commune à un ensemble d’éléments ayant des parties identiques entre
elles32. Un auteur33 considère que l’uniformisation consiste dans le fait que « les Etats impliqués
dans une intégration se dotent d’un corps de normes uniformes et détaillées contenus dans un
instrument unique. (...) C’est ce support commun à tous les intervenants à une intégration juridique
qui fait la particularité de l’uniformisation et la distingue de l’unification ». C’est cette
configuration qu’on retrouve en droit OHADA, puisque l’entrée en vigueur des Actes uniformes ne
fait pas appel aux autorités législatives nationales, mais au Conseil des ministres en tant
qu’institution de l’OHADA, d’une part, et que ces Actes uniformes s’appliquent de manière
commune à l’ensemble des dix-sept Etats membres, d’autre part.
Ainsi, on peut, compte tenu de tous ces éléments, considérer que le droit OHADA n’est pas un droit
harmonisé mais bien un droit uniformisé34.
18. En tout état de cause, parmi les matières réglementées par le traité OHADA, on retrouve
notamment, l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif et celui sur les
sûretés. Ces deux disciplines ont connu de grandes transmutations législatives aussi bien en droit
français qu’en droit OHADA.
19. En France, le droit des procédures collectives, tel qu’il est perçu aujourd’hui, est le
résultat d’une longue évolution législative marquée par de nombreuses réformes.
Sans remonter très loin dans l’évolution35, il convient de retenir qu’il s’agissait à l’origine d’un droit
de la faillite tourné vers le désintéressement des créanciers et la sanction du débiteur fautif 36 .
Considéré comme celui qui avait failli à ses engagements, le débiteur (le failli du latin fallere)
31
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 1048.
32
É. LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française en un volume, op. cit., pp. 1450 et 1451.
33
I. KAMDEM FETZE, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les
moyens d’intégration juridique », art. préc., p. 605.
34
C. M. DICKERSON, « Le droit de l’OHADA », D. 2007, p. 560 ; H. SALEY SIDIBÉ, Le sort des créances
postérieures en droit français et en droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA), Th. Nice Sophia Antipolis, 2013, pp. 9 et 10.
35
V. C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, Lextenso éditions, 2014, ns° 2 à 66.
36
J. HILAIRE, Introduction historique au droit commercial, PUF, 1986, n° 188 ; R. SZRAMKIE-WICZ, Histoire du
droit des affaires, Montchrestien, Domat, 1998, n° 71 ; D. DESURVIRE, « Banqueroute et faillite. De l’Antiquité à la
France contemporaine », LPA, 1991, n° 104, p. 12.
16
encourait des sanctions sévères comme l’infamie 37 , la banqueroute, la mise au pilori et, dans
certains cas, la mort.
20. Après de nombreuses années d’application du droit de la faillite, les mentalités évoluent.
Avec les réformes de 1967 (la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la
liquidation des biens, la faillite et les banqueroutes et l’ordonnance n° 67-820 du 23 septembre 1967
qui créée une procédure de suspension provisoire des poursuites réservée aux grandes entreprises
n’étant pas encore en cessation des paiements et dont la disparition pourrait causer un trouble grave
à l’économie nationale ou régionale), s’opéra la distinction entre l’homme et l’entreprise 38 .
On assiste par ailleurs à la naissance du droit des entreprises en difficulté. Le législateur met
désormais l’accent non plus seulement sur le traitement des difficultés, mais également sur la
prévention de celles-ci.
21. En dépit de toutes ces innovations, les réformes de 1967 ont laissé un goût d’inachevé. Le
législateur n’est pas allé au bout de sa logique visant à favoriser les intérêts du débiteur par le
sacrifice des créanciers. Dès lors, une nouvelle réforme s’imposait. C’est ce que firent les lois de
1984 et 1985.
La loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés
des entreprises abrogea l’ordonnance du 23 septembre 1967. Elle avait pour objectif de favoriser la
détection précoce et le règlement amiable des difficultés.
La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 sur le redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises
constitue une des grandes réformes de la matière. Elle institue une procédure unique de
redressement et de liquidation judiciaire. Celle-ci poursuit trois objectifs : la sauvegarde de
l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi, et l’apurement du passif.
En se fixant comme objectif prioritaire la sauvegarde de l’entreprise, la loi de 1985 va véritablement
sceller le sort des créanciers. Désormais, le paiement des créanciers n’occupe plus que la dernière
place dans le rang des priorités du droit des entreprises en difficulté 39. Par ailleurs, l’ouverture
d’une procédure collective n’est plus considérée comme une honte ou une faute du débiteur, mais
simplement comme un acte de gestion.
22. Cependant, cette refonte du droit des entreprises en difficulté par la loi du 25 janvier
1985, n’a pas manqué d’essuyer des critiques. Il lui avait notamment été reproché d’avoir entraîné
de grands sacrifices de la part des créanciers, y compris ceux munis de sûretés réelles. Cette
situation avait suscité de vives réactions auprès des créanciers et principalement des établissements
37
L’infamie est un blâme moral et social qui entraînait l’interdiction de voter ou d’être éligible.
38
P.-M. LE CORRE, Le créancier face au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, PU d’Aix-
Marseille, 2000, n° 4.
39
C. SAINT-ALARY HOUIN, « Les créanciers face au redressement judiciaire de l’entreprise », Rev. Proc. Coll. 1991,
p. 129 ; F. MACORIG-VENIER, « La place occupée par l’apurement du passif dans la loi du 25 janvier 1985 », LPA,
1988, n° 74, p. 5; B. BERGER-PERRIN, « Que reste-t-il de la finalité traditionnelle de règlement du passif ? », Rev.
Proc. Coll., mai 2012, n° 3, dossier 16, p. 86.
17
de crédits. Ils menacèrent de restreindre leurs crédits aux entreprises, si une réforme en faveur des
créanciers titulaires de sûretés n’était pas engagée 40 . C’est donc dans cet état d’esprit qu’est
intervenue la réforme de 1994.
23. La loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés
des entreprises vient modifier les lois de 1984 et de 1985 en inscrivant, parmi ses objectifs,
l’amélioration du sort des créanciers. Le but recherché était d’encourager les établissements de
crédit à prêter aux entreprises. La loi de 1994 tente par ailleurs de réaliser un équilibre entre la
volonté de redresser les entreprises en difficulté et celle de préserver les intérêts des créanciers,
principalement ceux titulaires de sûretés réelles spéciales.
24. Au cours des années 2000, la France n’échappe pas au mouvement communautaire. Ainsi,
fut adopté le règlement européen n°1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures
d’insolvabilité. Après quinze années d’applications, le texte fût abrogé. Il existe aujourd’hui un
nouveau règlement (CE) n° 2015/848 du 25 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilités
transnationales.
25. Sur le plan national, la loi de 1994 se montra par la suite peu adaptée au nouveau contexte
économique. Les chiffres relatifs aux procédures collectives demeuraient insatisfaisants41. Ainsi, fût
adoptée la loi de sauvegarde de 2005.
26. La loi n° 2005-845 du 26 juillet 200542 dite loi de sauvegarde des entreprises, complétée
par son décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, forme désormais la trame du droit positif43. Elle
tire des enseignements des échecs passés, mais ne rompt pas avec les principes posés par les textes
de 1984 et 1985. Ainsi, le sauvetage des entreprises reste l’objectif prioritaire. Cependant, la loi met
l’accent sur la prévention des difficultés. Aussi, elle crée deux nouvelles procédures : une procédure
collective, en l’occurrence la sauvegarde dont elle porte d’ailleurs le nom et une procédure amiable,
la conciliation qui remplace le règlement amiable.
27. Si, jusqu’en 2005, les réformes du droit des entreprises en difficulté se faisaient à un
rythme que nous pouvons qualifier de raisonnable, on assiste, depuis lors, à une frénésie législative
sans doute justifiée par la crise mondiale de 200744.
40
J.-L. COURTIER, « La loi du 25 janvier 1985 en question. Le rapport C.N.P.F/ A.F.B », LPA, 25 janvier 1993, n° 11,
p.7.
41
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 20.
42
Sur la loi de sauvegarde v. Ph. ROUSSEL GALLE, Réforme du droit des entreprises en difficulté, 2e éd. Litec, 2007.
43
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., ns° 21 et s ; D. VIDAL, G.-C.GIORGNI, Droit des entreprises en
difficulté, Gualino, Lextenso éditions 2014-2015, n° 33.
44
La crise mondiale a débuté en juillet 2007 et elle s’est matérialisée par une crise de liquidité et de solvabilité tant au
niveau des banques que de l’amenuisement du crédit aux entreprises. Elle atteint son paroxysme pendant l’automne
2008 en provoquant une chute des cours des marchés boursiers et la faillite de plusieurs établissements financiers.
Ainsi, la crise ayant démarré aux Etats unis s’est, par la suite, étendue à l’Europe avant de s’internationaliser et de
toucher le monde entier.
18
C’est dans ce contexte que sont intervenues l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008
portant réforme du droit des entreprises en difficulté et son décret d’application n° 2009-160 du 12
février 2009. En plus d’améliorer la loi de sauvegarde de 2005, l’un des objectifs de la réforme était
de rendre la procédure de sauvegarde plus attractive. Plusieurs dispositions ont alors été prises en
vue d’encourager les débiteurs à solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
28. Depuis 2009, le nombre des procédures collectives n’a pas spécialement baissé. Cette
situation n’a pas laissé insensible le législateur qui a donc procédé à plusieurs retouches du droit des
entreprises en difficultés.
Dans l’ordre chronologique :
La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
(EIRL) fut adaptée aux dispositions du livre VI du Code de commerce par l’ordonnance n° 2010-
1512 du 9 décembre 2010 et son décret d’application n° 2010-1706 du 29 décembre 2010.
La loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 relative à la régularisation bancaire et financière créa la
sauvegarde financière accélérée.
L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des
entreprises et des procédures collectives45 et son décret d’application n° 2014-736 du 30 juin 2014,
vinrent une énième fois réformer le droit des entreprises en difficulté. Cette ordonnance tend à
rééquilibrer un droit jugé encore trop favorable au débiteur. La réforme de 2014 se situe dans le
prolongement de la loi de sauvegarde. Aussi, elle met l’accent sur la prévention des difficultés. Cela
se manifeste par des retouches effectuées dans la procédure de conciliation mais aussi par la
création d’une procédure de sauvegarde accélérée, une autre variante de la procédure de sauvegarde
créée en 2005.
Enfin, les toutes dernières innovations en la matière sont intervenues avec la loi n° 2015-990 du 6
août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».
Sans réformer en profondeur le droit des entreprises en difficulté, elle y apporte néanmoins
quelques modifications relatives au déroulement et aux organes des procédures collectives46.
29. Toutes ces réformes ont sans doute influencé l’évolution du droit OHADA des procédures
collectives. Mais contrairement à la France, les pays membres de l’OHADA n’ont pas connu cette
frénésie de réformes47.
45
P.-M. LE CORRE, « Premiers regards sur l'ordonnance du 12 mars 2014 réformant le droit des entreprises en
difficulté », D. 2014, p. 733 ; C. CHAMPALAUNE, « Un nouveau droit des entreprises en difficulté. Propos
introductifs », Rev. Proc. Coll., juillet-août 2014, n° 4, dossier 27, p. 44.
46
P.-M. LE CORRE, « La loi Macron et le droit des entreprises en difficulté », Gaz. Pal., 20 octobre 2015, n° 293, p.7 ;
P. ROSSI, « Dispositions de la loi Macron concernant les livres VI et VIII du Code de commerce. Obstination ou
obsession ? », Rev. Proc. Coll., septembre-octobre 2015, n° 5, étude 15, p. 11.
47
L’inflation normative est une des caractéristiques générales du système juridique français ; V. A. LAMBERT et J.-C.,
BOULARD, Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative, ministère de la réforme de l’état de la
décentralisation et de la fonction publique, ministère délégué chargé de la décentralisation, 26 mars 2013.
19
30. Avant l’adoption, le 10 avril 1998, de l’Acte uniforme organisant les procédures
collectives d’apurement du passif, dans la plupart des Etats actuellement membres de l’OHADA,
c’est la législation française, héritée de la colonisation, qui s’y appliquait. Il s’agissait pour
l’essentiel du Code de commerce de 1807, modifié par les lois du 28 mai 1839, du 4 mars 1889 et
les décrets-lois du 8 août et du 30 octobre 1935.
La législation des pays africains était donc caractérisée par son archaisme auquel il fallait ajouter la
méconnaissance des procédures collectives par la plupart des systèmes juridiques africains. Cette
situation a amené certains Etats africains à entreprendre un processus de révision plus ou moins
réussie de leur législation nationale sur les procédures collectives 48. Ces réformes étaient fortement
inspirées des lois françaises de 1967, 1984 et 1985.
31. Ainsi, le Sénégal, avec l’adoption de la loi n° 76-60 du 12 juin 1976 complétée par le
décret d’application n° 76-781 du 23 juin 1976, et le Mali, avec les articles 173 à 315 du Code de
commerce malien, ont littéralement repris les dispositions de la loi française du 13 juillet 1967.
La Centrafrique a, sur le modèle de l’ordonnance du 23 septembre 1967, institué une procédure de
suspension des poursuites et d’apurement du passif pour les entreprises d’intérêt national
connaissant des difficultés financières, mais dont la situation n’est pas irrémédiablement
compromise.
Au Gabon, les lois françaises du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985 ont été reprises pour créer les
lois n° 7-86 et 8-86 du 4 août 1986.
Le Cameroun, le Benin et la Guinée ont également intégré des dispositions des lois françaises de
1967 à 1985 dans leurs législations nationales.
Au Burkina Faso, une ordonnance n° 91-043 du 17 juillet 1991 a créé une nouvelle procédure de
redressement judiciaire qui est venue se superposer aux procédures déjà existantes. Cette procédure
reprend l’essentiel des dispositions de l’ordonnance française du 23 septembre 196749.
Seule la loi nigérienne n° 97-40 du 19 décembre 1997 instituant le livre IV du Code de commerce
avait repris les dispositions du projet de l’Acte uniforme organisant les procédures collectives
d’apurement du passif.
32. À la suite de ces réformes, l’OHADA réalise la nécessité d’uniformiser le droit des
procédures collectives dans le but de réaliser certains de ses objectifs, à savoir la suppression de
l’insécurité tant juridique que judiciaire et le développement des investissements dans la zone
48
Ce vent de réformes peut être exprimé par l’affirmation selon laquelle : « Il vient (…) toujours un moment où, si bien
conçus, si bien rédigés qu’ils soient, (les textes) cessent de répondre aux besoins et doivent disparaître. Ce sont des
solutions provisoires, soumises (…) à la loi universelle du changement », H. LEVY BRUHL, Rapport aux travaux du 4e
colloque des facultés de droit et sciences économiques, Droit-Economie-Sociologie, annales de la faculté de droit et
sciences économiques de Toulouse, Paris, D. 1959, p. 80.
49
Sur l’ensemble de cette question; J. ISSA- SAYEGH, « Présentation du projet d’Acte uniforme de l’OHADA sur les
procédures collectives d’apurement du passif », Pénant, 1998, numéro spécial OHADA, mai-août, n° 827, p. 217.
20
constituée par ses Etats membres. C’est ainsi que l’Acte uniforme organisant les procédures
collectives d’apurement du passif (AUPC) a été adopté le 10 avril 1998, à Libreville, au Gabon.
33. Entré en vigueur le 1er janvier 1999, l’AUPC s’est largement inspiré de la loi française de
1967 50 . Il reprend les principaux objectifs du droit des entreprises en difficulté, c’est-à-dire le
paiement des créanciers – qui est l’objectif prioritaire 51 –, la sauvegarde des entreprises et la
sanction du débiteur. Il s’applique aux personnes physiques ayant la qualité de commerçant et aux
personnes morales de droit privé. Quant aux procédures, l’AUPC organise deux procédures
collectives curatives : d’une part, le redressement judiciaire et la liquidation des biens qui s’ouvrent
lorsque le débiteur est en cessation des paiements et, d’autre part, une procédure de règlement
préventif destinée à éviter la cessation des paiements et à permettre le redressement de l’entreprise.
En outre, l’AUPC s’intéresse aux procédures collectives internationales.
34. Après plusieurs années d’application, l’AUPC révéla ses insuffisances 52. Inspiré d’une loi
de 1967, le texte n’était plus adapté aux réalités économiques et juridiques des pays membres de
l’OHADA. Un auteur émit ainsi le souhait d’une réforme en profondeur de l’AUPC53.
35. Après quelques années de réflexion et d’élaboration d’un nouveau droit, l’AUPC adopté le
10 septembre 2015 à Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, abroge l’AUPC de 1998.
Entré en vigueur le 24 décembre 2015, le nouvel AUPC réaffirme les objectifs du droit des
entreprises en difficulté. Cependant, il accorde plus d’importance à l’objectif de sauvegarde 54 jadis
supplanté par l’apurement du passif. Ainsi, il accentue les mesures de prévention des difficultés en
créant la procédure de conciliation et en améliorant le règlement préventif. On assiste par ailleurs à
la naissance du privilège de l’argent frais dont le but est d’encourager les créanciers à s’investir
pour le sauvetage de l’entreprise.
Le nouvel AUPC créé également des procédures collectives simplifiées pour les petites entreprises.
Enfin, le législateur communautaire africain étend, comme en droit français, l’application des
50
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, L'Harmattan, 2012, ns° 14-
15; J. ISSA-SAYEGH, « Présentation du projet d’Acte uniforme de l’OHADA sur les procédures collectives
d’apurement du passif », art. préc.
51
L’article 1er de l’ancien AUPC disposait que « Le présent Acte uniforme a pour objet :
- d'organiser les procédures collectives de règlement préventif, de redressement judiciaire et de liquidation des biens du
débiteur en vue de l'apurement collectif de son passif ;
- de définir les sanctions patrimoniales, professionnelles et pénales relatives à la défaillance du débiteur et des dirigeants
de l'entreprise débitrice ».
52
Notamment : absence d’une procédure préventive de conciliation, lourdeur et inadaptation des procédures pour les
micro-entrepreneurs, durée trop longue des procédures, absence de réglementation pour les mandataires judiciaires.
53
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., ns° 437 et s. Dans la
seconde partie de sa thèse, l’auteur propose des idées pour une réforeme de l’AUPC.
54
C’est ce qui ressort de l’article 1, al. 1er de l’AUPC qui stipule que : « Le présent Acte uniforme a pour objet :
d’organiser les procédures préventives de conciliation et de règlement préventif ainsi que les procédures curatives de
redressement judiciaire et de liquidation des biens afin de préserver les activités économiques et les niveaux d’emplois
des entreprises, de redresser rapidement les entreprises viables et de liquider les entreprises non viables, (…) et d’établir
un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties ». L’apurement du passif occupe désormais la
dernière place dans le rang des priorités ; V. aussi le dossier spécial consacré au nouvel AUPC dans la revue Dr. et
patr., décembre 2015, n° 253.
21
procédures collectives à toute personne exerçant une activité professionnelle indépendante, civile,
commerciale, artisanale ou agricole.
36. Il ressort de ce rappel de l’évolution législative qu’à l’image du droit français des
procédures collectives dont la priorité est, depuis la loi du 25 janvier 1985, clairement donnée au
sauvetage des entreprises, le droit OHADA tend désormais aussi vers cette finalité. En effet, si sous
l’empire de l’ancien AUPC, l’objectif prioritaire était l’apurement du passif, solution qui pouvait
s’expliquer compte tenu du fait que le texte de 1998 était inspiré de la loi de 1967 qui oscillait entre
le sauvetage de l’entreprise et le désintéressement des créanciers, tout change avec l’adoption du
nouvel AUPC. Dans le but de favoriser la sauvegarde des entreprises, le législateur communautaire
met l’accent sur la prévention des difficultés de l’entreprise (création d’une procédure de
conciliation et refonte du règlement préventif), sans pour autant instituer une procédure de
sauvegarde comme en droit français.
Or, les priorités du droit des procédures collectives ont nécessairement des conséquences sur
l’évolution du droit des sûretés.
37. Avec l’avènement du Code civil de 1804, la France se dote d’un droit des sûretés
largement inspiré du droit romain. Depuis l’élaboration de ce Code, plusieurs textes sont intervenus
en vue d’améliorer la matière55. Toutefois, après quasiment plus de deux siècles d’application, le
droit des sûretés tel qu’il était issu du Code civil devait être réformé.
38. Dans un premier temps, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 dite « loi Dutreil » opéra une
réforme du cautionnement. Le législateur introduit dans le Code de consommation plusieurs
dispositions relatives au cautionnement. Elles constituent ce qu’un auteur56 qualifie de second droit
commun du cautionnement. Puis vint l’ordonnance n° 2005-171 du 24 février 2005 sur les garanties
financières transposant la directive du 6 juin 2005. Ensuite, la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005
dite « loi Breton » pour la confiance et la modernisation de l’économie habilita le Gouvernement à
réformer par voie d’ordonnance une partie du droit des sûretés57.
C’est ainsi que fut réalisée la grande réforme du droit des sûretés par l’ordonnance n° 2006-346 du
23 mars 2006, ratifiée par la loi n° 2007-212 du 20 février 2007. En plus de nombreuses
55
V. par exemple ; L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit., ns° 9 et s ; M. BOURASSIN, V. BREMOND,
M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., ns° 20 et s.
56
D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., n° 16.
57
À l’initiative du ministère de la Justice et de la Direction des affaires civiles, le groupe de travail présidé par M.
GRIMALDI a commencé à élaborer un projet de réforme en juillet 2003. En 2004, lors des commémorations du
bicentenaire du Code civil, le Chef de l’Etat annonça la réécriture du droit des sûretés dans les cinq années à venir.
22
modifications58, la réforme a le mérite d’avoir codifié et regroupé le droit des sûretés au sein du
nouveau livre IV du Code civil.
39. Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, le droit des sûretés réelles a connu d’autres
évolutions. D’abord, la loi du 19 février 2007 qui, en consacrant la fiducie en droit français, l’a
insérée dans le Code civil 59 . Puis, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 sur la modernisation de
l’économie (LME) qui créa un droit de rétention au profit des créanciers gagistes sans dépossession
et étendit le domaine de la fiducie, en même temps qu’elle précisa son régime. Il eut ensuite
l’ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 qui a introduit des dispositions spécifiques à la
fiducie-sûreté. Enfin, la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit
et d’allègement des procédures, a encore affiné le régime de cette sûreté60.
40. Le droit des sûretés de l’OHADA a connu beaucoup moins de réformes.
Au lendemain des indépendances, le droit des sûretés des pays de la zone franc, aujourd’hui
membres de l’OHADA, était régi par le Code civil de 1804 (articles 2011 à 2203) et par le Code de
commerce de 1807 (pour le gage commercial), ainsi que d’autres textes spéciaux également hérités
de la période coloniale. C’était le cas des nantissements de fond de commerce, du warrant, ou
encore des sûretés immobilières (hypothèques, privilèges immobiliers spéciaux, antichrèse),
lesquels étaient régis par le décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété foncière
en Afrique occidentale française.
À l’exception du Sénégal et du Mali qui avaient procédé à des réformes de leur droit des sûretés,
dans les autres Etats africains, cette matière est quasiment demeurée inchangée jusqu’à l’adoption
de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS), le 17 avril 199761.
41. Entré en vigueur le 1er janvier 1998, l’AUS abroge toutes les anciennes dispositions
nationales relatives au droit des sûretés. Il permet aux Etats membres de l’OHADA de se doter d’un
droit des sûretés moderne. Il crée, en effet, de nouvelles sûretés personnelles62 et réelles63 nées de la
58
S. PIEDELIÈVRE, « Premier aperçu de l’ordonnance du 23 mars 2006 », Défrénois, 2006, art. 38393 ; S. PRIGENT,
« La réforme du droit des sûretés : une avancée sur la voie de la modernisation », ADJI, 2006, n° 5, p. 346.
59
A. CERLES, « La fiducie, nouvelle reines des sûretés », JCP E, 2006, 2054, n° 19; F. BARRIÈRE, « La loi instituant
la fiducie : entre équilibre et incohérence », JCP E, 2007, 2053, n° 27; Ph. DUPICHOT, « Opération fiducie sur le sol
français », JCP G, 2007. I. 121; Ch. LARROUMET, « La loi du 19 février 2007 sur la fiducie. Propos critiques », D.
2007, p. 1350.
60
B. MALLET-BRICOUT, « Quelle efficacité pour la nouvelle fiducie-sûreté ? », Dr. et patr., octobre 2009, n° 185,
p. 79 ; J.-J. ANSAULT, « La fiducie-sûreté ressuscitée », Journal des sociétés, mai 2009, n° 65, p. 18 ; « Fiducie-sûreté
et sûretés réelles: que choisir ? », Dr. et patr., mai 2010, n° 192, p. 52.
61
J. ISSA-SAYEGH, « Organisations des sûretés », Cahiers juridiques et fiscaux, CFCE, 1998, n°2, p. 351 ; «
Présentation des projets d’Actes uniformes de l’OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d’exécution, du droit des sûretés et des procédures collectives d’apurement du passif », Pénant, mai-août 1998, n°
827, p. 204 ; « Présentation des dispositions sur le droit des sûretés », Ohadata.com/ Ohadata D-06-09 ; « Présentation
générale de l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sûretés », Revue de droit uniforme, Unidroit, Rome, 2003, ns 1-2, p.
369 ; M. GRIMALDI, « L'acte uniforme portant organisation des sûretés, in L'organisation pour l'harmonisation en
Afrique du droit des affaires (OHADA) », LPA, numéro spécial, 13 octobre 2004, n° 205, p. 30.
62
L’AUS consacre la lettre de garantie (art. 28 à 38 de l’ancien AUS)
23
pratique du commerce international ou influencées par le droit français. Par ailleurs, il prévoit des
dispositions relatives à la distribution des deniers et au classement des créanciers.
Après une dizaine d’années d’application, l’AUS ne répondait plus aux exigences tant en matière de
crédit que d’efficacité des garanties. Ainsi, après qu’un diagnostic fut établi, l’AUS restait, pour de
nombreux juristes, largement perfectible64.
Appuyés par la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds, un groupe d’experts (français et
africains) entreprit alors des travaux de révision de l’AUS 65 . L’aboutissement donna lieu à
l’adoption du nouvel AUS le 15 décembre 2010, à Lomé (Togo)66.
42. Depuis le 16 mai 2011, date d’entrée en vigueur du nouvel AUS, les Etats membres de
l’OHADA se sont dotés d’un nouveau droit des sûretés67.
Parmi les innovations, on note la consécration de la propriété-sûreté. En effet, la cession de créance
à titre de garantie et le transfert fiduciaire de somme d’argent font leur entrée dans l’AUS. De
même, la réserve de propriété, autrefois régie par d’autres textes 68 , voit l’essentiel de sa
réglementation centralisée au sein du nouvel AUS. Le législateur introduit également le
nantissement de comptes de titres financiers dont la réglementation est calquée sur le droit français.
Autre innovation, l’introduction de l’agent des sûretés qui se voit doté d’un régime juridique précis.
Par ailleurs, le nouvel AUS apporte des modifications relatives aux sûretés qui existaient déjà dans
l’ancien AUS. Sans toutes les citer, nous retiendrons que le législateur communautaire africain
restaure l’efficacité du droit de rétention. Avec ces modifications, le législateur procède donc à la
consécration des sûretés fondées sur une situation d’exclusivité69.
43. En définitive, le droit des sûretés et celui des procédures collectives sont des matières en
perpétuelles mouvements, surtout en droit français. Toutefois, malgré leurs différentes évolutions,
ces deux disciplines se livrent à une confrontation permanente.
IV- Confrontation entre le droit des procédures collectives et le droit des sûretés
44. L’évolution législative du droit des procédures collectives et du droit des sûretés révèle
qu’à mesure que le législateur cherche à sacrifier, au nom du sauvetage de l’entreprise, les intérêts
63
L’AUS consacre deux nouvelles sûretés réelles avec dépossession: le droit de rétention (art. 41 à 43) et le gage de
créances (art. 50), et deux nouvelles sûretés réelles sans dépossession : le nantissement des actions et parts sociales (art.
64 à 68) et le nantissement de stocks (art. 100 à 105).
64
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
Editions Lamy, 2012, n° 4.
65
P. CROCQ, « Les grandes orientations de la réforme de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés », Dr. et
part., novembre 2010, n° 197, p. 52
66
A. BOCCOVI, O. BUSTIN, « Rapport général sur l’Acte uniforme révisé OHADA portant sur l’organisation des
sûretés », LPA, 25 septembre 2015, n° 192, p. 23.
67
P. CROCQ, « Le nouvel Acte Uniforme portant organisation des sûretés », D. 2011, p. 432
68
Cf. art. 284 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG) et art. 103 de l’AUPC.
69
P. CROCQ, « Les sûretés fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de réforme de l'Acte uniforme portant
organisation des sûretés », Dr. et patr., novembre 2010, n° 197, p. 78.
24
des créanciers et à protéger les débiteurs, se créent parallèlement des lois et des mécanismes
permettant aux créanciers de résister efficacement à l’ouverture d’une procédure collective.
Ainsi, dès lors que la loi 13 juillet 1967 commença à imposer des sacrifices aux créanciers, même
ceux titulaires de sûretés réelles70, et que la jurisprudence les soumit à la règle de la suspension des
poursuites individuelles 71 , le législateur admit, quelques années plus tard, l’efficacité des
mécanismes fondés sur la propriété. C’est ainsi que la loi n° 335 du 12 mai 1980 dite « loi
Dubanchet » reconnue l’opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas d’ouverture d’une
procédure collective 72 . De même, avec la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 dite « loi Dailly », le
législateur consacra la validité des cessions ou des nantissements de créances professionnelles 73.
Ce constat est plus flagrant dans les années qui suivent.
Après le laminage par la loi du 25 janvier 1985 74 des sûretés réelles dans la procédure de
redressement judiciaire75, le législateur de 1994 a dû, sous la menace des banquiers, revoir le statut
des créanciers munis de telles sûretés76. Certains ont alors considéré qu’il s’agissait du printemps
des sûretés réelles77. Cependant, la réforme de 1994 a vite montré ses limites, dans la mesure où
seuls les titulaires d’un droit de rétention parvenaient à tirer leur épingle du jeu. En effet, les
hypothèques et les gages sans dépossession « restent inanimés, meurtris sur le champ de bataille des
procédures collectives »78.
Par la suite, la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 avait institué une nouvelle procédure collective
en faveur des débiteurs : la procédure de sauvegarde. Elle permet à un débiteur qui n’est pas en
cessation des paiements de se placer sous le contrôle judiciaire et de bénéficier des avantages de la
procédure collective, notamment la soumission des créanciers à la discipline collective. Quelques
mois plus tard, l’ordonnance du 23 mars 2006 avait profondément réformé le droit des sûretés
70
Les créanciers doivent consentir à des remises de dettes, ou encore, octroyer des délais de paiement au débiteur.
71
Cass. com., 24 janvier 1973, n° 71-14.19, Bull. civ. IV. n° 42; D. 1973, p. 255, note F. DERRIDA ; Cass. com., 8
novembre 1973, n° 72-12.407, Bull. civ. IV. n° 318 ; D. 1974, p. 54, note A. HONORAT et obs. F. DERRIDA; Cass.
com., 27 juin 1977, n° 76-10.406, Bull. Civ. IV. n° 186 ; D. 1977, IR, p. 457, obs. A. HONORAT. Il résulte de ces
arrêts que tant que les créanciers titulaires de sûretés specials n’avaient pas produit leurs créances, et que celles-ci
n’avaient pas été admises, ils ne pouvaient engager des poursuites contre le débiteur.
72
E. DU PONTAVICE, « Intérêts et limites de la clause de réserve de propriété depuis la loi du 12 mai », Banque 1980,
p. 1221 ; J. GHESTIN et C. JAMIN, « La protection du vendeur sous réserve de propriété et la survie de l'entreprise »,
Rev. Proc. Coll., 1989, pp. 291.
73
M. VASSEUR, « L’application de la loi Dailly », D. 1982, Chron. p. 273.
74
D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., n° 14; En plus d’être soumis aux règles traditionnelles de la
discipline collective (suspension des poursuites individuelles, déclaration des créances), les créanciers titulaires de
sûretés réelles subissent des restrictions qui leur sont propres, comme l’interdiction des inscriptions (art. 57 de la loi du
25 janvier 1985 ou des altérations relatives au droit de suite et au droit de poursuite (art. 34 et 78 de la loi du 25 janvier
1985); Sur cette question v. aussi I. ADJAGBA, Le déclin des sûretés réelles spéciales dans les procédures collectives
de redressement des entreprises, Th. Paris II, 1988.
75
Les droits des créanciers munis de sûretés réelles étaient préservés en cas de liquidation judiciaire.
76
Sur l’ensemble de la question v. G. AMIGUES, Les sûretés réelles spéciales dans les procédures collectives après la
loi du 10 juin 1994, Th. Aix- Marseille, 1997.
77
M. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, « Le printemps des sûretés réelles ? », D. 1994, Chron., p. 243.
78
B. MONASSIER, F. MICHEL, « Les sûretés ne sont plus sûres… », Dr. et part., avril 2001, n° 92, p. 52.
25
réelles, notamment par la consécration de la clause de réserve de propriété en tant que sûreté et la
création, dans le Code civil, d’un article spécifique au droit de rétention.
Aussi, en 2008, alors qu’avec la LME du 04 août, le législateur étendit le champ de la fiducie et
créa un droit de rétention fictif au profit des créanciers gagistes sans dépossession, l’ordonnance du
18 décembre de la même année intervint en réglementant les effets de ces sûretés dans le cadre
d’une procédure collective.
Quant à la réforme réalisée par l’ordonnance du 12 mars 2014, bien qu’elle ne modifie pas
spécialement le droit des sûretés, elle se place dans le sillage de la loi de sauvegarde du 26 juillet
2005 et de l’ordonnance du 18 décembre 2008. Cette ordonnance met l’accent sur la prévention et
vise notamment à rendre plus attractif le privilège de conciliation. Elle crée aussi une nouvelle
procédure : la sauvegarde accélérée.
45. En droit OHADA, cette confrontation, bien que présente, se remarque moins. D’abord,
contrairement au législateur français, le législateur communautaire africain ne se caractérise pas par
une ardeur à légiférer. Ensuite, l’objectif prioritaire du droit des procédures collectives est resté,
pendant longtemps, l’apurement du passif. Cela n’a toutefois pas empêché le législateur de 2010,
réformant le droit des sûretés, de consacrer les propriétés-sûretés dans l’AUS et de renforcer
l’efficacité du droit de rétention.
46. En tout état de cause, depuis plusieurs décennies, on assiste, surtout en France, à une
confrontation permanente entre le droit des procédures collectives et le droit des sûretés 79 . La
doctrine ne manque d’ailleurs pas d’imagination pour qualifier les rapports qui existent entre ces
deux branches du droit. Selon le professeur AYNÈS 80 , « le développement des procédures
d’insolvabilité, souvent dirigé contre les créanciers, anime l’éternel combat du glaive et de la
cuirasse ». Quant au professeur PÉTEL81, il affirme que « la confrontation du droit des procédures
collectives au droit des sûretés tient de la rivalité millénaire du glaive et du bouclier ».
47. La confrontation de ces deux disciplines naît des objectifs divergents qu’elles poursuivent.
Alors que le droit des procédures collectives a pour finalité première le maintien des intérêts du
débiteur par la poursuite de son activité, le droit des sûretés vise, en revanche, à protéger les
créanciers contre le risque d'insolvabilité du débiteur. C’est donc lorsque le débiteur est confronté à
des difficultés financières que le créancier se trouve en situation de ne plus pouvoir recouvrer sa
79
P. GERBAULT, « Droit des sûretés et droit de l’entreprise : influences croisées », RJ com., 2002, p. 150 ; F.-X.
LUCAS, « L'efficacité des sûretés réelles et les difficultés des entreprises », Rev. Proc. Coll., novembre-décembre 2009,
n° 6, dossier 17, p. 60 ; Ph. ROUSSEL GALLE, F. PÉROCHON, « Sûretés et droit des procédures collectives, le couple
infernal », Rev. Proc. Coll., janvier 2016, n° 1, dossier 12, p. 65.
80
L. AYNÈS, « Un droit en pleine évolution » in Droit des sûretés : analyse d’un renouveau, Dr. et patr., juillet 2002,
n° 106, p. 44.
81
Ph. PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. - Commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du
18 décembre 2008 » JCP E, 2009, 1049, n° 31
26
créance normalement. La procédure collective réalisant ainsi la situation d’insolvabilité du débiteur,
c’est à travers celle-ci que l’efficacité des sûretés se mesure véritablement.
48. Il convient de noter que l’article 2287 du Code civil prévoit que les dispositions du livre
IV (relatif au droit des sûretés) ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas
d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Toutefois,
malgré les dispositions de ce texte, qui font du droit des sûretés un droit subsidiaire par rapport au
droit des procédures collectives, en pratique, les créanciers cherchent toujours à se protéger du
mieux possible contre les effets de l’ouverture d’une procédure collective. Cela passe notamment
par la recherche de garanties efficaces.
49. Ainsi, on assiste, depuis quelques années, aussi bien en droit français qu’en droit
OHADA, à une sorte de retour dans le passé par la renaissance des mécanismes reposant sur la
propriété ou la détention jadis considérés comme frustes ou archaïques. Naît alors un nouveau
concept : l’exclusivité.
Une partie de la doctrine a d’ailleurs considéré que « la quête de la sûreté ultime, celle qui te
donnera paix et tranquillité, touche peut-être à sa fin. La propriété renaît de ses cendres, pour t’offrir
ce que tu as tant cherché pendant des années : l’exclusivité, le Saint Graal des sûretés fera de toi un
créancier hors pair car hors concours »82. En effet, il apparaît de nos jours que dans la catégorie des
sûretés réelles, ce sont celles qui positionnent le créancier dans une situation d’exclusivité qui lui
garantissent une meilleure protection en cas d’ouverture d’une procédure collective 83. Compte tenu
de l’absence de concours, l’exclusivité place le créancier dans une situation relativement enviable
puisqu’elle lui assure une plus grande sécurité de paiement.
50. Que faut-il donc entendre par sûreté réelle exclusive ?
La notion de sûreté réelle ayant été définie plus haut, il nous faut ici définir celle d’exclusivité.
L’exclusivité vient du mot latin ex-cludere, qui signifie ne pas laisser entrer, faire sortir ou
chasser84. L’exclusivité peut se définir comme le droit que l’on a ou qu’on acquiert d’exploiter une
production artistique, littéraire ou autre, à l’exclusion de tout autre personne 85. Ainsi, comme le
précise le professeur CROCQ86, « le caractère exclusif d’un droit ne signifie pas que seul le titulaire
du droit peut exercer celui-ci (…) mais que le titulaire du droit est le seul à jouir de toutes les
prérogatives reconnues par la loi sur l’objet du droit ».
82
B. MONASSIER, F. MICHEL, « Les sûretés ne sont plus sûres… », art. préc., p. 52.
83
S. ZÉPI, Le sort des créanciers titulaires de garanties réelles dans le droit des procédures collectives, Th. Nice
Sophia Antipolis, 2004, pp. 24 et s.
84
Dictionnaire latin-français GAFFIOT, voir « excludo, si, sum, ere ».
85
https://fr.wiktionary.org/wiki/exclusivité
86
P. CROCQ, Propriété et garantie, op. cit., n° 303.
27
D’une manière générale, la notion d’exclusivité sous-entend celle de l’exclusion. Dans le cadre du
droit des sûretés, il est admis que ce qui est exclu c’est le concours avec les autres créanciers 87.
L’exclusivité place donc le créancier à l’abri de tout concours88. Ainsi, l’exclusivité s’entend par
opposition au droit de préférence.
L’articulation de nombreux ouvrages sur le droit des sûretés le démontre d’ailleurs 89 . C’est
également la conception retenue par madame BOUGEROL dans sa thèse consacrée aux situations
d’exclusivité90 . De même, le professeur ANCEL 91 distingue, lorsqu’il évoque le développement
dans le domaine des sûretés réelles, le droit d’exclusivité des droits de préférentiels 92. On peut
également citer un arrêt du 15 octobre 2013 rendue par la chambre civile de la Cour de cassation.
La Haute juridiction a considéré que « si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté
réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions »93. Avec
cet arrêt, la haute Cour admet clairement qu’une sûreté réelle puisse ne pas conférer de droit de
préférence au créancier bénéficiaire.
51. Ainsi, les sûretés réelles exclusives sont, à notre sens, celles qui confèrent à leur titulaire
un droit exclusif sur le bien objet de la garantie et qui le placent, en principe, à l’abri de tout
concours. Quelles sont donc ces sûretés réelles qui donnent au créancier un droit exclusif et non un
droit de préférence ?
Une bonne partie de la doctrine94 considère que l’exclusivité repose à la fois sur la propriété et sur
la détention95. En effet, s’il est vrai que le droit de propriété permet au créancier de jouir à lui tout
87
Ibid, ns° 300 à 307; J.-D PELLIER, « Réflexions sur la classification des sûretés réelles », art. préc., pp 8 et 9.
88
Sur une étude détaillée, v. L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit., ns° 38 et
s.
89
V. M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit. Ces auteurs
distinguent « les sûretés hors concours » et « les sûretés par préférence dans le concours »; P. ANCEL, Droit des
sûretés, op. cit ; L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit ; Y. PICOD, Droit des sûretés, op. cit ; Ph. THÉRY,
Sûretés et publicité foncière, op. cit.
90
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit ; v. aussi, « Sûretés préférentielles et
sûretés exclusives, une autre summa divisio ? », op. cit.
91
P. ANCEL, « Nouvelles sûretés pour créanciers échaudés », JCP E, 1989, Cah. drt. entp., suppl. n° 5, p. 4.
92
V. aussi, C. GINESTET, « La qualification de sûretés (seconde partie) », Défrénois, 28 février 1999, n° 4, p. 203.
93
Cass. civ. 1ere, 15 octobre 2013, n° 12-14.944, 13-10.463, Bull. Civ. IV. n° 153 ; D. 2014, p. 187, note L. SAENKO ;
JCP E, 2013, 1679, n° 17, obs. Ph. DELEBECQUE.
94
J.-D. PELLIER, « Réflexions sur la classification des sûretés réelles », art. préc, pp 8-9; Y. PICOD, Droit des sûretés,
op. cit. Pour l’auteur, les garanties plaçant le créancier dans une situation d’exclusivité tiennent d’une part, à «
l’utilisation de la rétention à des fins de garantie » et d’autre part, à « l’utilisation du droit de propriété à des fins de
garantie » (n° 370 et s.); F. MACORIG-VENIER, « L'exclusivité », LPA, 11 février 2011, n°30, p. 59. Pour l’auteur, «
l’exclusivité peut résulter non seulement de la propriété mais également de la rétention ». Cependant, l’auteur affirme
que l’exclusivité est la caractéristique de la propriété-sûreté ; L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties
de paiement, op. cit. L’auteur qui étudie en profondeur les situations d’exclusivité oppose « l’exclusivité sur un bien du
débiteur » (droits de rétention) à « l’exclusivité sur un bien hors du patrimoine du débiteur » (reposant sur la propriété).
Par ailleurs, l’auteur démontre que l’éviction de tout concours ne signifie pas l’éviction de tout conflit ( ns° 436 et s.); .
BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir. de P.
CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA, op.
cit., ns° 185 et s. Ces auteurs distinguent « l’exclusivité négative » (le droit de rétention) et « l’exclusivité positive » (les
propriétés-sûretés).
95
V. la position particulière de P. ANCEL, « Droit des sûretés », op. cit. L’auteur fait entrer dans la catégorie des droits
exclusifs non seulement les propriétés-sûretés qu’il qualifie de « droits exclusifs d’origine conventionnelle » mais aussi
28
seul des prérogatives attachées au bien et le place de ce fait hors concours, il est tout aussi vrai que
la rétention permet au créancier d’être exclu du concours avec d’autres créanciers. Par ailleurs, le
droit de rétention ne confère pas à son bénéficiaire, contrairement aux sûretés réelles traditionnelles,
un droit de préférence.
Il convient de préciser qu’en plus des mécanismes reconnus comme de véritables sûretés, il existe
d’autres institutions qui confèrent au créancier une situation d’exclusivité. On y trouve notamment
la compensation, les actions directes ou encore le crédit-bail. Cette liste n’est pas exhaustive96.
52. Cependant, conformément à l’intitulé de cette étude, seuls seront retenus les mécanismes
d’exclusivité reconnus comme des sûretés soit par le législateur français, soit par le législateur
communautaire africain. Seront donc analysés les propriétés-sûretés et le droit de rétention.
Dans les propriétés-sûretés, il y a, d’une part, la propriété retenue à tire de garantie (la réserve de
propriété) et, d’autre part, la propriété cédée à titre de garantie (la fiducie ou aliénation fiduciaire).
À ce stade, quelques précisions sont nécessaires.
53. S’agissant de la propriété cédée à titre de garantie, seule sera ici étudiée la fiducie-sûreté
régie par le Code civil97. En revanche, seront exclues les autres fiducies dont la cession de créances
professionnelles dite cession Dailly98.
Ce choix s’explique par plusieurs raisons.
En droit français, comme d’autres mécanismes tels que les différents transferts d’instruments
financiers 99 ou pour certains le gage-espèces 100 , on range généralement la cession de créances
professionnelles dans la catégorie des fiducies101. Il s’agit en effet d’un transfert de propriété à titre
de garantie 102 , donc une forme de fiducie parmi tant d’autres 103 . Pour cette raison, nous ne
retiendrons que la fiducie régie par les articles 2011 et suivants du Code civil qui constitue la
d’autres mécanismes telle que la compensation et les actions directes, qu’il qualifie de « droits exclusifs d’origine légale
» (ns° 462 et s.). Toutefois, sans faire entrer le droit de rétention dans cette catégorie, l’auteur ne manque pas de
souligner que le droit de rétention peut aussi conférer à son titulaire une situation d’exclusivité (n° 463).
96
Sur l’ensemble de la question v. L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit
97
Cf. art. 2011 à 2030 pour le droit commun de la fiducie.
98
Elle est régie par les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier.
99
On citera par exemple les opérations de pension (art. L. 211-17 du Code monétaire et financier) ou encore les contrats
de garantie financière (art. L. 221-38 du même code).
100
La nature juridique du gage-espèces est discutée en doctrine ; V. ANCEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 500 ;
L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit., n° 505 ; D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., n°457.
Pour certains auteurs, il s’agit d’un gage tandis que d’autres y voient un transfert de propriété.
101
V. S. PIÉDELIÈVRE, Droit des sûretés, 2e éd., Ellipses, 2015, ns° 340-341 ; P. ANCEL, Droit des sûretés, op. cit.,
ns° 496 et s ; M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., ns° 1263
et s; D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., ns° 750 et s; M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S.
CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 595 ; L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et
garanties de paiement, op. cit., ns° 257 et s.
102
Art. L. 313-24 du Code monétaire et financier
103
Certains auteurs les qualifient de « fiducies-sûretés innomées » (V. M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N.
JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1262) ou encore de « fidusices-sûretés inavouées » (V. M.
CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 595).
29
fiducie de droit commun104. Par ailleurs, d’un point de vue pratique, la cession Dailly est d’une
efficacité redoutable105, notamment en cas d’ouverture d’une procédure collective. Dès lors que la
notification a été faite, c’est le respect en toutes situations des droits du cessionnaire. Or, la fiducie
du Code civil apparaît comme une sorte de compromis. Bien qu’efficace, ses effets sont quelques
fois limités en cas d’ouverture d’une procédure collective.
En droit OHADA, la situation est différente.
Le législateur a effectivement consacré la cession de créance comme une véritable sûreté. En effet,
dans le troisième chapitre de l’AUS relatif à la propriété retenue ou cédée à titre de garantie, la
seconde section qui traite de la propriété cédée à titre de garantie aborde, dans une première sous-
section, la cession de créance à titre de garantie et, dans une seconde sous section, le transfert
fiduciaire de somme d’argent. Ainsi, curieusement, à la différence du droit français, la cession de
créance semble être considérée comme une sûreté distincte de l’aliénation fiduciaire. Cette situation
pourrait s’expliquer par le fait qu’en droit OHADA, le transfert fiduciaire n’est prévu que pour des
sommes d’argent.
Quoi qu’il en soit, la cession de créance est une sûreté à part entière et non une forme de fiducie.
Pour cette raison, elle aurait dû rentrer dans notre champ d’étude. Cependant, bien que consacrée
par l’AUS106, il n’existe à ce jour aucun article spécifique à la cession de créance dans l’AUPC,
pourtant récemment révisé. Tous ces éléments nous amènent donc à exclure la cession de créance
du champ de cette étude, sauf à y faire parfois référence.
54. Quant au droit de rétention, s’il est vrai qu’en France, ni le législateur, ni la
jurisprudence107 ne le reconnaît comme une sûreté, son importance dans le droit des sûretés ne fait
aucun doute. Sa réglementation au sein du livre IV du Code civil consacré aux sûretés n’est
certainement pas anodine. Par ailleurs, l’importance du droit de rétention est également reconnue
par la doctrine civiliste. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les ouvrages généraux sur le
droit des sûretés108 dont aucun ne fait l’économie de l’étude du droit de rétention. Enfin, comme
nous le verrons, le droit de rétention se révèle, sous quelques réserves, d’une réelle efficacité en cas
d’ouverture d’une procédure collective.
104
Ibid, n° 1277; L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit, n° 261.
105
F. MACORIG-VENIER, « L'exclusivité », art. préc., p.59.
106
La cession de créance est régie par les articles 80 à 86 de l’AUS.
107
Cass. com., 20 mai 1997, n° 99-11.915, Bull.civ. IV. n° 141 ; RTD civ. 1997, p. 707, obs. P. CROCQ ; D. 1998, p.
102, note S. PIÉDELIÈVRE.
108
Quelques ouvrages : D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., ns° 702 et s; M. CABRILLAC, Ch.
MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., ns° 620 et s ; S. PIÉDELIÈVRE, Droit des sûretés,
op. cit., ns° 315 et s; P. ANCEL, Droit des sûretés, op. cit., ns° 208 et s ; M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N.
JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., ns° 1346 et s; L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit.,
ns° 430 et s.
30
En revanche, en droit OHADA, le droit de rétention est reconnu comme une sûreté109. Sur ce point,
on peut considérer que le législateur OHADA a une longueur d’avance sur le législateur français.
En effet, depuis l’adoption du premier AUS le 17 avril 1997, le droit de rétention a été reconnu
comme sûreté en droit OHADA. L’article 39 de l’ancien AUS précisait que « Les sûretés mobilières
comprennent : le droit de rétention, le gage, les nantissements sans dépossession et les privilèges ».
Cependant, son caractère exclusif n’était pas véritablement affirmé puisque, comme le gage, il
conférait à son bénéficiaire un droit de préférence et de suite110. Avec l’adoption du nouvel AUS le
15 décembre 2010, le législateur communautaire africain s’est ravisé. Désormais, le droit de
rétention, en plus d’être reconnu comme une sûreté, repose uniquement sur la détention du bien111.
En conséquence, au-delà des discussions portant sur sa place au sein du droit des sûretés112, le droit
de rétention ne peut être exclu du champ de cette étude.
55. Ces quelques précisions données, il nous faut à présent définir les sûretés retenues, à
savoir la réserve de propriété, la fiducie-sûreté et le droit de rétention.
Il convient de rappeler que la propriété n’a pas toujours été reconnue comme une sûreté113. En effet,
pendant longtemps, le législateur et même la doctrine ont refusé de considérer la propriété, en
l’occurrence le droit réel le plus complet qu’un créancier puisse avoir sur un bien, comme une
114
simple sûreté, un droit réel accessoire . Cependant, avec l’affaiblissement des sûretés
traditionnelles dans le cadre d’une procédure collective notamment, la pratique développa des
mécanismes de garanties fondées sur la propriété. Ainsi, le législateur précédé de la jurisprudence115
a fini par reconnaître la propriété-sûreté.
Dans un premier temps, l’ordonnance du 23 mars 2006, réformant le droit des sûretés, consacra la
propriété retenue à titre de garantie (la réserve de propriété), dans un second temps, le législateur
paracheva ensuite ce travail avec la loi du 19 février 2007, puis l’ordonnance du 30 janvier 2009 en
consacrant la propriété cédée à titre de garantie (la fiducie-sûreté).
109
J. ISSA- SAYEGH, « Le droit de rétention en droit sénégalais », Penant, octobre - décembre 1992, n° 810, p. 261 ;
A. AKRAWATI WHAMSIDINE, « Le droit de rétention en droit uniforme (OHADA) », Penant, juillet- septembre
2003, n° 844, p. 279 ; J.-C. JAMES, « Le droit de rétention en droit uniforme africain », Revue Afrique juridique et
politique, La revue du CERDIP, volume 1, juillet-décembre 2002, n°2, p. 3 ; J.-C. OTOUMOU, « Le droit de rétention
en droit OHADA », Penant, janvier- mars 2002, n° 838, p. 75 ; Z. ZERBO, « Le droit de rétention dans l'acte uniforme
portant organisation des sûretés de l'OHADA : étude comparative », Penant, mai- août 2001, n° 836, p. 125.
110
Art. 43 de l’ancien AUS.
111
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
op. cit., ns° 188 et s.
112
Ibid, ns° 186 et 187; D. LEGEAIS, « Quel avenir pour le droit de rétention », Rev. drt. banc et fin., septembre 2014,
n° 5, dossier 42. L’auteur propose une suppression du droit de rétention.
113
C. WITZ, La fiducie en droit privé français, préf. D. SCHMIDT, Economica, 1981, ns° 148 et s ; Ch. MOULY, «
Procédures collectives : assainir le régime des sûretés », in Études R. ROBLOT, LGDJ, 1984, p. 529; P. CROCQ,
Propriété et garantie, op. cit, ns° 71 et s.
114
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1229 ;
L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit., n° 751 ; D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., ns°
721 et s.
115
Sur la réserve de propriété ; Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20.811, Inédit ; RTD civ. 1996, p. 441, obs. P. CROCQ.
31
* La réserve de propriété
116
Pour certains, la clause de réserve de propriété ne pouvait être considérée comme une simple sûreté en raison de la
prééminence du droit de propriété ; V. J. GHESTIN, « Réflexions d'un civiliste sur la clause de réserve de propriété »,
D. 1981, Chron p. 1; B. SOINNE, « La transmission de la clause de réserve de propriété », Gaz. Pal., 1985, 1, Doct. p.
287; A. GHOZI, « Nature juridique et transmissibilité de la réserve de propriété », D. 1986, Chron. p. 317. D'autres, en
revanche, y voyaient une véritable sûreté ; V. CHAPUT, « Les clauses de réserve de propriété », JCP 1981, I, 3017, n°
20; M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, 3e éd, Litec 1995, ns° 532 et 533
(ancienne édition). En droit OHADA, bien avant la réforme de l'AUS intervenue en 2010, la doctrine considérait déjà la
réserve de propriété comme une sûreté ; M. K. BROU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de
propriété dans les procédures collectives : l'apport du traité OHADA », Pénant, septembre- décembre 2001, n° 837, p.
308 ; D.C. SOSSA, « Contribution à l'étude de la nature juridique de la clause de réserve de propriété », Revue
béninoise des sciences juridiques et administratives, 2006, n° 16, p.3.
117
La jurisprudence a admis que le benefice de la réserve de propriété pouvait être transmis au tiers subrogé : Cass.
com., 15 mars 1988, n° 86-13.687, Bull. civ. IV, n° 106 ; D. 1988, p. 330, note F. PÉROCHON; Rev. Proc. Coll., 1988,
p. 103, obs. F. DEKEUWER; Cass. com., 5 octobre 1993, n° 91-14.194, Bull. civ. IV, n° 314.
118
Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20.811, arrêt préc ; Cass. com., 23 janvier 2001, n° 97-21.660, Bull. civ. IV, n° 23 ;
JCP G, 2001, I, 321, n° 13, obs. M. CABRILLAC ; RTD civ. 2001, p. 229, obs. P. CROCQ.
119
E. DU PONTAVICE, « Intérêts et limites de la clause de de réserve de propriété depuis la loi du 12 mai », art. préc ;
M. PEDAMON, « La réserve de propriété en droit allemand et en droit français », RJ com. 1982, p.62 ; F.
PÉROCHON, La réserve de propriété dans la vente de meubles corporels, préf. F. DERRIDA, avant-propos J-M.
MOUSSERON, Bibl.dr.entr., t. 21, Litec, 1988; M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures
collectives au droit des biens, préf. Ph. THÉRY, Doctorat et Notariat, t.24, Défrénois, 2007.
120
La clause de réserve de propriété peut aussi être insérée dans le contrat d’entreprise ; Cass. com., 29 mai 2001, n° 98-
21.126, Inédit, RTD civ. 2001, p. 930, obs. P. CROCQ.
32
* La fiducie-sûreté
57. La fiducie-sûreté121 est la plus vieille des sûretés réelles. Elle avait déjà existé à l’époque
de l’Empire romain sous le nom de fiducia cum creditore. Sa récente introduction en droit français
s’est faite de manière progressive122.
L’article 2011 du Code civil définit la fiducie comme « L’opération par laquelle un ou plusieurs
constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés ou un ensemble de biens, de droits ou
de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur
patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou de plusieurs bénéficiaires ».
La fiducie est donc une opération tripartite complexe. Il faut un constituant, un fiduciaire et un
bénéficiaire. Dans certaines situations, le fiduciaire peut également être le bénéficiaire. La fiducie
suppose la création d’un patrimoine d’affectation123.
Elle peut être conclue à des fins de gestion ou à des fins de garantie. Dans ce dernier cas, la
propriété des biens est temporairement transférée au fiduciaire afin de garantir le paiement d’une ou
de plusieurs créances. C’est donc cette forme de fiducie (fiducie-sûreté) qui retiendra notre
attention. C’est d’ailleurs le régime de cette fiducie qui a été précisé par les dernières réformes en la
matière (l’ordonnance du 30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009).
La fiducie-sûreté a un champ d’application très large. Elle peut porter sur des biens mobiliers
(articles 2372-1 à 2372-5 du Code civil) ou immobiliers (articles 2488-1 à 2488-5 du Code civil).
Elle peut par ailleurs être stipulée rechargeable (articles 2372-5 et 2488-5 du Code civil).
58. En droit OHADA, la fiducie a été consacrée par l’AUS adopté le 15 décembre 2010. Elle
est régie par les articles 87 à 91. Contrairement au droit français, elle ne concerne que les sommes
d’argent. L’article 87 de l’AUS précise que « Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent est la
convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de l’exécution d’une obligation.
Ces fonds doivent être inscrits sur un compte bloqué, ouvert au nom du créancier de cette
obligation, dans les livres d’un établissement de crédit habilité à les recevoir ». Par ailleurs, à la
différence du droit français, le transfert fiduciaire d’une somme d’argent ne suppose pas la création
d’un patrimoine fiduciaire. Les fonds sont simplement transférés dans un compte ouvert au nom du
créancier bénéficiaire.
121
C. WITZ, La fiducie en droit privé français, op. cit; S. FARHI, La fiducie-sûreté et le droit des entreprises en
difficulté, Th. Nice, 2013.
122
V. l’évolution du droit des sûretés (ns° 37 et s.)
123
Le législateur français a suivi le modèle du trust anglais.
33
* Le droit de rétention
124
Certains analysèrent le droit de rétention comme un droit personnel (N. CATALA-FRANJOU, « De la nature
juridique du droit de rétention », RTD civ. 1967, pp. 10 et s. sp. p. 13; Pour d'autres, il s'agissait d'un droit réel (R.
RODIERE, note sous Cass. 1ere civ., 22 mai 1962, D. 1965, p. 28; J. MESTRE, E. PUTMAN et M. BILLAU, Traité de
droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, Droit commun des sûretés réelles, LGDJ, 1996, n° 56); D'autres encore,
avait préféré une solution médiane de "droit réel inachevé" (H. L. J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil,
Tome III, Sûretés, publicité foncière, vol. 1, 7e ed., par Y. PICOD, Montchrestien, 1999, n° 129); Enfin, d’autres
estimaient qu'il n'était ni un droit réel, ni un droit personnel, mais un simple "pouvoir de fait" (V. J.-F. DURAND, Le
droit de rétention, Th. Paris II, 1979 ; P. SALVAGE, La rétention, Th. Grenoble, 1968) ; V. aussi F. DERRIDA, « La
dématérialisation du droit de retention », in Mél. P. Voirin, LGDJ, 1967, p. 178 ; A. AYNÈS, Le droit de rétention,
Unité ou pluralité, préf. Ch. LARROUMET, Economica, 2005; K. LUCIANO, « Analyse juridique du droit de rétention
», Rev. Proc. Coll., juillet 2012, n°4, étude 29, p. 38 ; Quant à la jurisprudence elle a jugé que « le droit de rétention
n’est pas une sûreté et n’est pas assimilable au gage » (Cass. com., 20 mai 1997, n° 99-11.915, arrêt préc.). Plus
récemment, la Cour a analysé le droit de rétention comme un droit réel sur la chose retenue (Cass. com., 3 mai 2006, n°
04-15.262, Bull. civ. IV, n° 106; Cass. civ. 1ere, 24 septembre 2009, n° 08-10.152, Bull. civ. I. n° 178).
125
N. CATALA-FRANJOU, « De la nature juridique du droit de rétention », art. préc., p. 13. L’auteur affirma que le
droit de rétention « se résume en la faculté pour le créancier-débiteur, d'assigner unilatéralement un terme à son
obligation de délivrance ». De la sorte, le droit de rétention était perçu comme une simple modalité d'exécution de
l'obligation de délivrance pesant sur le détenteur ; J.-F. DURAND, Le droit de rétention, op. cit., p. 1146. Monsieur
DURAND considérait que le droit de rétention était un simple pouvoir de fait qui résulte de la détention du bien par le
créancier; A. AYNÈS, Le droit de rétention, Unité ou pluralité, op. cit., n° 2. L’auteur définit le droit de rétention
comme la faculté reconnue à un créancier de retenir un bien de son débiteur pour faire pression sur celui-ci.
126
V. par exemple les articles 1612, 1653, 1749, 1948, 2277, al. 1 er du Code civil.
127
A. AYNÈS, « La consécration légale des droits de rétention », D. 2006, p.1301
128
Il peut s’agir d’un contrat ou d’un quasi-contrat.
34
objective)129 ou juridique (ou encore intellectuelle ou subjective) 130 entre leur créance et le bien
retenu. En revanche, la jurisprudence avait limité la portée de la connexité conventionnelle 131 .
Quant à la doctrine, le professeur AYNÈS 132 avait soutenu que la nature juridique du droit de
rétention variait selon qu'il repose sur un lien de connexité juridique, matérielle ou conventionnelle.
Il s'agirait d'une exception d'inexécution en cas de connexité juridique, d'un diminutif du gage en
cas de connexité conventionnelle et d'un privilège naturel en cas de connexité matérielle.
61. Le droit de rétention peut porter sur des meubles corporels133 ou incorporels134 ou encore
sur des immeubles135. Par ailleurs, il peut être autonome ou attaché à une sûreté.
Lorsque le droit de rétention est autonome, il existe indépendamment de toute autre sûreté et
suppose l’établissement d’un lien de connexité entre la créance et la détention. Ce droit de rétention
est réglementé par les trois premiers alinéas de l’article 2286 du Code civil. Dans ces situations, le
droit de rétention est toujours réel ou effectif, car il emporte nécessairement dépossession du
débiteur.
Au contraire, lorsque le droit de rétention est attaché à une sûreté, tel que le gage ou le
nantissement, l’exigence de connexité est écartée. Dans ce cas, le droit de rétention peut être réel (le
droit de rétention attaché au gage avec dépossession) ou fictif (le droit de rétention attaché au gage
sans dépossession136 ou au nantissement137. Depuis la LME, il existe aussi un droit de rétention
fictif reconnu à tous les gages sans dépossession. Il résulte des dispostions de l’article 2286,4° du
Code civil.
129
Cass. civ., 1ere, 22 mai 1962, Bull. civ. I, n° 258 ; D. 1965, p. 58, note R. RODIÈRE. La Cour de cassation avait jugé
que « le droit de retention peut être exercé dans tous les cas où la créance est née à l’occasion de la chose retenue, il
existe entre cette créance et cette chose un lien de connexité matérielle ».
130
C’est au milieu du XXe siècle que la jurisprudence rendit les premières décisions ayant reconnu l’existence d’un
droit de rétention fondé sur la connexité juridique. Une des affaires concernent l’hypothèse dans laquelle des salariées
travaillant à domicile avaient été autorisés, afin de contraindre leur employeur à payer leur salaire, à retenir les
machines leur permettant d’exécuter leur tâche (Cass. Soc. 9 janvier 1958, Bull. civ. IV, n° 56). Une autre affaire
concerne des professionnels, notamment des officiers ministériels et des comptables qui retenaient des dossiers des
clients qui n’avaient pas acquitté les honoraires qui leur étaient dus. (Cass. civ., 1ere , 17 juin 1969, Bull. civ. IV, n°
233; JCP, 1970. II. 16162, note N. CATALA.)
131
La constitution d’un droit de rétention conventionnel paraissait possible lorsque ce n’était pas la chose mise en cause
qui était remise au créancier mais des documents permettant son utilization. C’est par exemple le cas lorsqu’un vendeur
à crédit d’un véhicule automobile ou un prêteur qui finance l’acquisition du véhicule automobile se fait remettre par
l’acheteur ou l’emprunteur les documents administratifs relatifs au véhicule. Le vendeur ou le prêteur pourra retenir les
documents tant que le crédit n’est pas remboursé. (Cass. com., 31 mai 1994, n° 92-16.505-91-20.677, Bull. civ. IV, ns°
195-196)
132
A. AYNÈS, Le droit de rétention, Unité ou pluralité, op. cit. ns° 190 et s.
133
Ils sont les supports traditionnels du droit de rétention.
134
Le nantissement de compte-titres (art. L. 211-20, IV, du Code monétaire et financier).
135
Le gage immobilier (art. 2387-2391 du Code civil) ; La jurisprudence a jugé que l’assiette du droit de rétention
concerne tant l’immeuble que ses fruits (Cass. com, 6 octobre 2009, n°08-19.458, Inédit ; JCP G, 2009, 492, n° 12, obs.
Ph. DELEBECQUE).
136
Gage sur véhicules automobiles (art. 2352 du Code civil), ou encore le warrant agricole
137
Sur le nantissement de compte-titres v. p. 398 ; ou dans une certaine mesure le nantissement de créance (art. 2363 du
Code civil) ; V. L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit., n° 444 ; Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-13.388,
Bull. Civ. IV, n° 94; RTD civ. 2010, p. 196, obs. P. CROCQ.
35
Indépendamment des cas spécifiques138, bénéficient donc du droit de rétention, les créanciers dont
cette prérogative résulte des dispositions de l’article 2286 du Code civil, les créanciers gagistes et
certains créanciers nantis.
62. La situation est quelque peu différente en droit OHADA.
D’abord, le législateur communautaire africain fait du droit de rétention une sûreté mobilière, ce qui
laisse penser que le droit de rétention ne peut porter sur des immeubles 139. Ensuite, il n’existe pas,
en droit OHADA, à la grande différence du droit français, un droit de rétention fictif attaché au
gage sans dépossession. Cette solution résulte de l’interprétation des dispositions de l’article 107 de
l’AUS qui règle les conflits entre les créanciers gagistes. L’alinéa 2 du texte précise que
« Lorsqu’un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage avec
dépossession, le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier
gagiste postérieur lorsqu’il a été régulièrement été publié et nonobstant le droit de rétention de ce
dernier ». Et l’alinéa 3 ajoute que « Lorsqu’un bien donné en gage avec dépossession fait
ultérieurement l’objet d’un gage sans dépossession, le droit de rétention du créancier gagiste
antérieur est opposable au créancier postérieur qui ne pourra prétendre exercer ses droits sur le
bien, tant que le créancier antérieur n’aura pas été entièrement payé ».
Il en résulte que lorsqu’il est question d’un gage avec dépossession, le créancier tire avantage d’un
droit de rétention, mais aussi d’un droit de préférence. Or, il bénéficie seulement d’un droit de
préférence lorsqu’il s’agit d’un gage sans dépossession.
En revanche, comme en droit français, le droit de rétention peut être autonome lorsqu’il repose sur
un lien de connexité140. Il peut être attaché au gage avec dépossession141. Enfin, le créancier nanti
sur des comptes de titres financiers bénéficie également d’un droit de rétention142.
63. En somme, ce sont donc ces trois sûretés (le droit de rétention, la fiducie-sûreté et la
clause de réserve de propriété) qui seront confrontées à l’épreuve des procédures collectives.
Toutefois, seules seront retenues les procédures ayant véritablement un caractère collectif 143 . Il
s’agit des procédures préventives ou curatives judiciaires qui se caractérisent par le traitement
138
Bénéficient par exemple d’un droit de rétention: le vendeur de meubles impayés (art. 1612 du Code civil et art.
L. 624-14 du Code de commerce) ou encore le dépositaire (art. 1948 du Code civil).
139
Il n’existe pas non plus de gage immobilier en droit OHADA.
140
Art. 67 à 70 de l’AUS
141
Art. 99 et 107 de l’AUS
142
Art. 151 de l’AUS.
143
J.-L. VALLENS, « La sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective? », RTD com., 2011, p. 644.
L’auteur souligne que la procédure collective « implique tous les créanciers d’un débiteur défaillant et les soumet à une
même loi, l’arrêt des poursuites individuelles, l’obligation de faire valoir leur droit par le filtre de la procédure de
vérification des créances, la désignation du mandataire de justice pour des missions plus ou moins étendues qui
couvrent au minimum un contrôle de la gestion, un pouvoir d’arbitrage sur les contrats en cours et le cas échéant la
réalisation ordonnée des actifs »; F.-X. LUCAS, « Caractère collectif de la procédure et sauvegarde financière accélérée
», Rev. Proc. Coll., mai-juin 2012, n° 3, dossier 18, p. 93. Pour l’auteur, la procédure collective est « traditionnellement
totale et globale, au sens où elle appréhende l’ensemble des biens du débiteur et où elle contraint l’ensemble des
créanciers ». L’auteur met également l’accent sur la soumission des créanciers à une discipline collective ; D. TRICOT,
36
collectif et égalitaire des créanciers chirographaires. C’est, en effet, dans le cadre de ces procédures
régies par le principe d’égalité et soumettant les créanciers à une discipline collective, que l’on peut
véritablement mesurer la protection dont bénéficie une sûreté par rapport à une autre. On peut
réellement apprécier si, compte tenu de la sûreté dont il est titulaire, un créancier bénéficie d’un
traitement différent de celui des autres créanciers.
64. De ce fait, ne rentrent pas dans le cadre de cette étude les procédures préventives amiables
de règlement des difficultés des entreprises prévues par les législateurs français et africain. Il s’agit
des procédures d’alerte, du mandat ad hoc, de la procédure de conciliation 144 ou encore du
règlement amiable agricole. En règle générale, ces procédures amiables ou contractuelles n’ont pas
un effet contraignant sur les créanciers et ne se caractérisent pas par la soumission de ces derniers à
une discipline collective.
65. La protection des sûretés réelles exclusives sera donc analysée dans le cadre des
procédures collectives reconnues aussi bien en droit français qu’en droit OHADA. Elles sont au
nombre de quatre. D’une part, la sauvegarde et le règlement préventif qui sont des procédures
préventives de la cessation des paiements et, d’autre part, le redressement et la liquidation judiciaire
qui requièrent la cessation des paiements.
66. La sauvegarde, procédure spécifique au droit français, s’ouvre sur demande du débiteur
qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de
surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre
la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif145.
Il existe des variantes de la procédure de sauvegarde, à savoir la sauvegarde financière accélérée
(SFA) dont le caractère collectif est discuté en doctrine 146 et la sauvegarde accélérée créée par
l’ordonnance du 12 mars 2014.
67. Le règlement préventif, procédure du droit OHADA, est, comme son titre l’indique, une
procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des paiements de l’entreprise débitrice
et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat préventif147.
« Que reste-t-il des principes traditionnels des procédures collectives face au morcellement du traitement de la
défaillance ? », Rev. Proc. Coll., mai-juin 2012, n° 3, dossier 21, p. 102. L’auteur propose trois critères cumulatifs pour
caractériser les procédures collectives : l’entreprise, la procédure doit être judiciaire, et enfin le caractère collectif.
144
La doctrine admet de manière quasi-unanime que la conciliation n’est pas une procédure collective. Mais le
professeur D. TRICOT, considère que rien ne semble s’opposer à faire entrer la conciliation parmi les procédures
collectives du droit français (« Que reste-t-il des principes traditionnels des procédures collectives face au morcellement
du traitement de la défaillance », art. préc).
145
Art. L. 620-1 du Code de commerce.
146
J.-L. VALLENS, « La sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective? », art. préc., p. 644. Pour
l’auteur la SFA n’est pas une procédure collective ; elle n’est ni une sauvegarde, ni une conciliation; F.-X. LUCAS, «
Caractère collectif de la procédure et sauvegarde financière accélérée », art. préc., p. 93.L’auteur considère la SFA
comme une véritable procédure collective ; Dans le même sens ; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n°
1071 ; Pour d’autres la SFA est une procédure hybride, semi-collective ( C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des
entreprises en difficulté, op. cit., n° 956 ; ou encore partiellement collective ( Ph. PÉTEL, « Entreprises en difficulté :
encore une réforme ! », JCP E, 2014 , 1223, n° 11).
37
Comme la sauvegarde française, le règlement préventif s’ouvre sur demande du débiteur qui, sans
être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés financières ou économiques
sérieuses148.
68. Le redressement judiciaire est une procédure collective commune au droit français et au
droit OHADA. L’article L. 631-1 du Code de commerce précise que le redressement judiciaire
s’ouvre à tout débiteur qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif
disponible, est en cassation des paiements. Cette procédure est destinée à permettre la poursuite de
l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
En droit OHADA, le redressement judiciaire est vu comme une procédure collective destinée au
sauvetage de l’entreprise débitrice en cessation des paiements, mais dont la situation n’est pas
irrémédiablement compromise, et à l’apurement de son passif au moyen d’un concordat de
redressement149.
69. Enfin, la procédure de liquidation, comme le redressement judiciaire, existe en droit
français (liquidation judiciaire) et en droit OHADA (liquidation des biens).
En droit français, la liquidation judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et
dont le redressement est manifestement impossible. Elle est destinée à mettre fin à l’activité de
l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits
et de ses biens150.
En doit OHADA, la liquidation des biens est une procédure collective destinée à la réalisation de
l’actif de l’entreprise débitrice en cessation des paiements dont la situation est irrémédiablement
compromise pour apurer son passif151.
70. Le législateur OHADA a récemment institué des procédures collectives simplifiées
(règlement préventif simplifié 152 , redressement judiciaire simplifié 153 et liquidation des biens
simplifiée154) destinées aux petites entreprises155. En revanche, le législateur français n’a institué
qu’une procédure de liquidation simplifiée156.
71. En définitive, cette thèse consacrée à la protection des sûretés réelles exclusives dans les
procédures collectives se propose de répondre à plusieurs interrogations.
147
Art. 2, al. 2 de l’AUPC.
148
Art. 6 de l’AUPC.
149
Art. 2, al. 3 de l’AUPC.
150
Art. L. 640-1 du Code de commerce.
151
Art. 2, al. 4 de l’AUPC.
152
Art. 24 de l’AUPC.
153
Art. 145 de l’AUPC.
154
Art. 179 de l’AUPC.
155
L’article 1-3 de l’AUPC définit la petite entreprise comme : « toute entreprise individuelle, société ou autre personne
morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20), et dont le chiffre d’affaires
n’excède pas cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, hors taxes, au cours des douze (12) mois précédant la
saisine de la juridiction compétente conformément au présent Acte uniforme ».
156
Art. L. 644-1 du Code de commerce.
38
Quel est l’état de la protection des sûretés réelles exclusives dans les procédures collectives ? Est-
elle absolue ou limitée ? Les sûretés réelles exclusives sont-elles en mesure de conférer à leur
titulaire, dans le cadre d’une procédure collective, la protection tant recherchée ? Autrement dit,
l’exclusivité attachée à ces sûretés remplit-elle, au regard des législations française et africaine, la
fonction de protection des intérêts des créanciers au moment où le besoin de sécurité se fait le plus
sentir, lorsque la défaillance du débiteur est constatée dans le cadre d’une procédure collective ?
Enfin, si les sûretés réelles exclusives sont plus ou moins efficacement protégées nonobstant
l’ouverture d’une procédure collective, il convient de s’interroger sur l’impact de cette protection au
regard des objectifs du droit des procédures collectives.
72. Ces questions ont un intérêt pratique non négligeable. En effet, depuis le laminage des
sûretés réelles classiques par la loi du 25 janvier 1985, la pratique est marquée par une sorte de
retour dans le passé par l’utilisation de la propriété et de la détention à des fins de garanties. Ainsi,
l’étude menée dans le cadre de cette recherche permettra aux praticiens, notamment aux
établissements de crédit de connaître, dans le cadre d’une procédure collective, les tenants et les
aboutissants de la constitution de sûretés fondées sur des situations d’exclusivité. Par ailleurs, un
sujet sur les procédures collectives a encore tout son intérêt aujourd’hui, vu le nombre élevé des
procédures collectives ouvertes en France notamment157.
D’un point de vue théorique, s’il est vrai que plusieurs études ayant trait soit au sort des sûretés
réelles dans les procédures collectives158, soit aux situations d’exclusivité de manière générale159,
ont déjà été menées, il n’est pas moins vrai que cette thèse a la particularité de s’intéresser à la
quasi-totalité des sûretés réelles exclusives et de les confronter au droit complexe des procédures
collectives. À cela s’ajoute l’aspect comparatif de cette recherche qui permet d’analyser des
systèmes juridiques à la fois différents et similaires puisque l’un inspire l’autre.
73. Nous verrons donc qu’aussi bien en droit français qu’en droit OHADA, les sûretés réelles
exclusives sont, de part leur nature, des mécanismes qui permettent à leur titulaire d’échapper en
157
Depuis 2009, en moyen il y a 60000 procédures collectives ouvertes par an. En 2009, 61595 procédures collectives
dont 1420 sauvegardes ; en 2010, 58195 procédures collectives dont 1312 sauvegardes ; en 2011, 58195 procédures
collectives dont 1419 sauvegardes ; en 2012, 59780 procédures collectives dont 1498 sauvegardes ; en 2013, 61468
procédures collectives, dont 1654 sauvegardes ; en 2014, 62586 procédures collectives dont 60966 ouvertures de
redressements ou liquidations judiciaires et 1620 sauvegardes ; en 2015, 63081 procédures collectives dont 18370
redressements judiciaire, 43178 liquidations judiciaries et 1533 procédures de sauvegardes; au 1 er trismestre de 2016,
16309 procédures collectives dont 4727 redressements judiciaires, 11232 liquidations judiciaires et 350 sauvegardes; au
2e trimestre de 2016, 14026 procédures collectives dont, 328 procédures de sauvegardes, et 13698 procédures de
redressements et liquidations judiciaries. (Sources, Annuaire statistique de la Justice, Altarès et AGS).
158
V. par exemple : I. ADJAGBA, Le déclin des sûretés réelles spéciales dans les procédures collectives de
redressement des entreprises, op. cit ; F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et
la liquidation judiciaire des entreprises, Th. Toulouse, 1992; G. AMIGUES, Les sûretés réelles spéciales dans les
procédures collectives après la loi du 10 juin 1994, op. cit ; S. ZÉPI, Le sort des créanciers titulaires de garanties
réelles dans le droit des procédures collectives, op. cit ; S. FARHI, La fiducie-sûreté et le droit des entreprises en
difficulté, op. cit.
159
P. CROCQ, Propriété et garantie, op. cit ; P. GOURDON, L'exclusivité, préf. P. LE CANNU, Bibl. dr. privé, t. 455,
L.G.D.J, 2006 ; L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit.
39
partie aux règles de la discipline collective. De ce fait, l’exclusivité assure une véritable protection à
ces sûretés. Cependant, cette protection n’est pas automatique. Elle dépend largement des exigences
des procédures collectives, l’ouverture de la procédure pouvant même remettre en cause l’existence
de ces sûretés. Ainsi, bien qu’effective, la protection des sûretés réelles exclusives dans les
procédures collectives n’est pas sans entrave.
74. Dans une première partie, nous analyserons l’effectivité de la protection des sûretés réelles
exclusives dans les procédures collectives. Et, dans la seconde partie, nous verrons que cette
protection est tout de même subordonnée aux exigences de la procédure collective. Bien que
protégées, les sûretés réelles exclusives, et partant, les créanciers qui en sont munis, ne sont donc
pas au-dessus de la procédure collective.
40
PREMIÈRE PARTIE : UNE PROTECTION DES
SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES
EFFECTIVE DANS LES PROCÉDURES
COLLECTIVES
75. L’ouverture d’une procédure collective à l’égard d’un débiteur entraîne la mise en œuvre
des règles spéciales que l’on qualifie généralement de discipline collective. Celle-ci marque le
caractère collectif et égalitaire de la procédure collective notamment en ce qui concerne le
traitement des créanciers chirographaires.
Les règles de la discipline collective sont de plusieurs ordres. Elles visent, pour certaines, à
restreindre les droits des créanciers. C’est le cas de l’arrêt des poursuites individuelles et son
corollaire l’interdiction des paiements des créances.
Fondées sur la volonté législative d’imposer des sacrifices aux créanciers et les soumettre à une
discipline collective, ces règles traditionnelles du droit des procédures collectives favorisent,
aujourd’hui, soit le sauvetage de l’entreprise lorsque cela est encore possible, soit la réalisation des
opérations de liquidation. Quoi qu’il en soit, ces deux règles sont de portée générale puisqu’elles
s’appliquent à la plupart des créanciers.
76. Toutefois, en dehors des règles ci-dessus indiquées, l’ouverture d’une procédure collective peut
également être à l’origine de la mise en application des règles qui s’appliquent spécifiquement à une
catégorie de créanciers, en l’occurrence à ceux munis des sûretés réelles. C’est le cas lorsque, pour
favoriser la poursuite de l’activité, une cession de biens est envisagée ou encore une substitution de
garantie est imposée aux créanciers. Dans cette situation, l’ouverture d’une procédure collective est
susceptible de porter atteinte à l’assiette des sûretés données en garantie des créances.
En somme, à l’égard des sûretés réelles, l’ouverture d’une procédure collective peut avoir des effets
néfastes. Elle peut, d’une part, porter atteinte à l’assiette des sûretés et, d’autre part, limiter les
droits des créanciers qui en sont munis.
77. Pour autant, la situation est bien différente pour les sûretés réelles exclusives. Ainsi, dans
cette première partie consacrée à l’effectivité de la protection des suretés réelles dans les procédures
collectives, il s’agit de voir comment ces suretés là vont échapper aux règles de la discipline
collective et de quelle manière va se manifester leur protection.
41
Nous verrons que cette protection se manifeste dans deux séries de règles. L’exclusivité permet non
seulement de préserver l’assiette des sûretés (titre 1), mais également le maintien de certains droits
des créanciers (titre 2).
42
TITRE 1/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES PAR LA PRÉSERVATION
DE LEUR ASSIETTE
78. La procédure collective menace, à plusieurs égards, le maintien de l’assiette des sûretés
réelles dans leur état d’origine.
L’ouverture d'une procédure collective peut favoriser la réduction de l’étendue de l’assiette des
sûretés réelles. Cette situation se vérifie dans l'hypothèse où une cession partielle ou totale d’actifs
est envisagée. Dans ce cas, la mise en œuvre de la règle de l’affectation d’une quote-part du prix de
cession peut réduire l’étendue de l’assiette des sûretés à une simple quote-part du prix de cession
bien souvent inférieure à la valeur du bien. Or, les suretés réelles exclusives n’étant pas visées par
cette règle, leur assiette se trouve préserver contre toute possibilité de réduction. (Chapitre 1).
L’ouverture d’une procédure collective peut, aussi être à l’origine du changement de l’identité de
l’assiette des sûretés. C’est le cas lorsque, pour assurer une trésorerie à l’entreprise, une substitution
de garantie est imposée aux créanciers. Les sûretés réelles exclusives étant exclues du domaine de la
substitution de garantie, elles ne peuvent donc subir une quelconque modification de leur assiette. Il
en résulte une préservation de l’identité de l’assiette de ces sûretés. (Chapitre 2).
43
CHAPITRE 1/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES PAR LA PRÉSERVATION DE
L’ÉTENDUE DE LEUR ASSIETTE
79. Une sûreté réelle repose sur un bien déterminé qui peut être un meuble (corporel ou
incorporel) ou un immeuble. Ce bien constitue l'assiette sur laquelle s'exercent les prérogatives
conférées par la sûreté à son bénéficiaire. Lorsque l'on veut préserver ces prérogatives, le maintien
de l'assiette dans l'état où elle a été consentie est très important, puisque c'est elle qui va déterminer
l'étendue des droits du bénéficiaire de la sûreté.
80. L'ouverture d'une procédure collective peut cependant réduire l’étendue de l'assiette des
sûretés. C'est notamment le cas lorsque la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession
est mise en œuvre. En effet, l'article L. 642-12, alinéa 1er, du Code de commerce dispose que «
Lorsque la cession porte sur des biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement
ou d'une hypothèque, une quote-part du prix est affectée par le tribunal à chacun de ces biens pour
la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence ».
Créée par la loi du 25 janvier 1985160, la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession
avait pour objectif d'assurer la protection des créanciers titulaires de sûretés spéciales, afin de
parvenir à une individualisation des droits de préférence de chacun d’eux161. Le législateur avait
donc prévu une mesure qui permettrait d'assurer la protection des droits des créanciers munis de
sûretés réelles dans l'hypothèse d'une cession.
81. Mais, en pratique, plutôt que d'assurer la protection des créanciers, la règle de l'affectation
d'une quote-part du prix de cession, en envisageant la possibilité de céder des biens pourtant grevés
de sûretés, s’inscrit dans la logique du législateur de 1985. Ce dernier, en faisant du redressement de
l'entreprise l'objectif prioritaire du droit des procédures collectives, avait largement sacrifié les
intérêts des créanciers, y compris ceux munis de sûretés réelles.
Dans le même sens, une partie de la doctrine162 a considéré que la réduction de l'assiette des sûretés
réelles spéciales, sans dépossession à une quote-part, est fondée sur la volonté d'assurer le
redressement de l'entreprise et d'améliorer le paiement du passif chirographaire. Ainsi, la règle de
l'affectation d'une quote-part du prix de cession expose les créanciers au risque d'une réduction de
l'assiette de leur sûreté. Les dispositions de l'article L. 642-12, alinéa 1er, précité traduisent en effet
l'éventualité d'une réduction de l’étendue de l'assiette des sûretés réelles, puisque les droits des
160
Art. 73 de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985.
161
P.- M. LE CORRE, « Le créancier titulaire d'une sûreté spéciale victime de l'absence d'affectation d'une quote-part
du prix de cession », Gaz. Pal., 08 janvier 2011, n° 8, p. 13.
162
F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises, op. cit., p. 167.
44
créanciers vont désormais s'exercer sur une quote-part du prix de cession et non plus sur l'intégralité
de la valeur du bien affecté en garantie163.
82. En réalité, ce n'est pas tant l'affectation d'une quote-part qui pose problème, mais plutôt la
modicité du prix de cession. En effet, le prix global de cession est bien souvent inférieur à la valeur
vénale des actifs cédés pris séparément. Cette situation a pour conséquence la spoliation des
créanciers 164 . La réduction de l'assiette des sûretés proviendrait donc de la faiblesse du prix de
cession et non du mécanisme de l'affectation d'une quote-part.
83. Quoi qu'il en soit, en droit français, la règle de l’affectation d'une quote-part du prix
intervient dans l'hypothèse d'une cession des biens grevés. Il peut s'agir d'une cession partielle
d'actif ou d'une cession globale de l'entreprise. La cession peut être décidée dans le cadre d'un plan
de sauvegarde, d'un plan de redressement ou d'une liquidation judiciaire. Dans tous les cas, si la
cession est prononcée en dehors de la liquidation judiciaire, il sera fait application des dispositions
de l'article L. 642-12 précité. En sauvegarde et en redressement judiciaire, l'application desdites
dispositions se fait, chacun en ce qui le concerne, selon les renvois opérés par les articles L. 626-1,
alinéa 2, et L. 631-22, alinéa 1er, du Code de commerce.
84. Le droit OHADA n'est pas en reste.
Deux dispositions abordent de façon sommaire la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de
cession. Comme en droit français, elle intervient dans l'hypothèse d'une cession partielle ou totale
d’actifs. En redressement judiciaire, la cession peut être partielle ou totale. Dans ce cas, l'article
131, alinéa 4, de l'Acte uniforme relatif aux procédures collectives d'apurement du passif (AUPC)
dispose que « Lorsque la cession partielle d'actif ou d'entreprise ou d'établissement est envisagée
dans le concordat de redressement, le syndic doit établir un état descriptif des biens meubles et
immeubles dont la cession est envisagée, la liste des emplois qui y sont éventuellement attachés, les
sûretés réelles dont ils sont affectés et la quote-part de chaque bien dans le prix de cession ». En
revanche, la cession globale d'actif n'est possible qu'en liquidation des biens. L'article 162 de
l'AUPC précise à cet égard que « Le juge-commissaire ordonne la cession en affectant une quote-
part du prix de cession à chacun des bien cédés pour la répartition du prix et l'exercice des droits
de préférence ».
85. En tout état de cause, qu'il s'agisse du droit français ou du droit OHADA, l'analyse des
textes consacrant la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession fait ressortir que celle-
ci ne s'applique pas aux sûretés réelles exclusives. En effet, contrairement aux sûretés réelles
classiques ou préférentielles, les premières citées échappent au domaine d'application de la règle.
En conséquence, elles demeurent à l'abri de toute réduction.
163
P.- M. LE CORRE, « Le créancier titulaire d'une sûreté spéciale victime de l'absence d'affectation d'une quote-part
du prix de cession », art. préc., p. 14.
164
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1280.
45
86. Aussi, dans le cadre de cette étude, il ne s'agit pas d'étudier le régime de la règle de
l'affection d'une quote-part, en revanche, il est question d’analyser le sort des sûretés réelles
exclusives par rapport à cette règle. Pour cela, il nous faut déterminer les fondements de la
préservation de l’étendue de l’assiette de ces sûretés (section 1), avant d’examiner les conséquences
de cette situation sur les créanciers bénéficiaires (section 2).
87. Selon les dispositions des articles L. 642-12, alinéa 1er, du Code de commerce, 131 alinéa
4, et 162 alinéa 1er, de l'AUPC, seules les sûretés réelles préférentielles sont visées par la règle de
l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Les sûretés réelles exclusives en sont, en revanche,
exclues. Il nous faut donc ici déterminer les fondements de l'exclusion des sûretés réelles exclusives
du domaine de la règle de l'affection d'une quote-part du prix de cession.
Qu'est-ce qui permet de justifier la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés réelles
exclusives en cas de cession ?
88. Si, en droit français, la préservation de l’assiette des sûretés réelles exclusives repose sur
des fondements bien déterminés (paragraphe 1), on ne saurait en dire autant en droit OHADA
(paragraphe 2). Ainsi, l’étude de chaque législation donnera lieu à un paragraphe spécifique.
90. La question qui se pose ici est celle de la détermination des éléments permettant aux
sûretés réelles exclusives d'échapper à la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession.
Nous verrons que cette situation résulte, d'une part, de l'exclusion de ces sûretés du domaine de la
règle (1) et, d'autre part, de la finalité même de cette règle (2).
93. L'article L. 642-12, alinéa 1er, indique que la quote-part du prix de cession est affectée par
le tribunal pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence. La fixation d'une quote-
part du prix de cession est donc directement liée à l'exercice des droits de préférence 165 . Cette
mesure permet aux créanciers inscrits sur les biens grevés et compris dans la cession de ne pas
perdre leurs droits. C'est uniquement dans la limite de la quote-part affectée que les créanciers
exerceront ensuite les droits préférentiels. C'est également sur cette quote-part qu'ils devront
solliciter et obtenir le paiement de leur créance.
94. En revanche, en présence de sûretés réelles exclusives, ce raisonnement n'est pas
transposable.
S'agissant du droit de rétention, un auteur166 a considéré que si les dispositions de l'ancien article
L. 621-96, alinéa 1er, du Code de commerce (devenu article L. 642-12, alinéa 1er), ont été jugées
inapplicables au créancier rétenteur, c'est que sa rétention ne lui confère aucun droit de préférence
sur la valeur du bien retenu et que l'ouverture d'une procédure n’est pas efficace à lui en donner un.
Cette démonstration pourrait également s'appliquer aux sûretés-propriétés, puisqu'elles aussi ne
confèrent pas à leur bénéficiaire un droit de préférence.
165
A. AYNÈS, Le droit de rétention : Unité ou pluralité, op. cit., n° 375 ; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op.
cit., n° 1286.
166
A. AYNÈS, Le droit de rétention : Unité ou pluralité, op. cit., n° 375.
47
En effet, à la différence des sûretés réelles préférentielles, les sûretés réelles exclusives confèrent à
leurs bénéficiaires, non pas un droit de préférence, mais plutôt un droit exclusif. Celui-ci repose sur
la propriété ou la rétention du bien objet de la garantie. Aussi, les créanciers titulaires de sûretés
réelles exclusives ne viennent pas en concours avec les autres créanciers. Par principe, ils échappent
à tout classement et reçoivent un paiement exclusif indépendamment des règles prévues pour la
répartition du prix. Soumettre les créanciers munis de sûretés réelles exclusives à la règle de
l'affection de la quote-part du prix de cession reviendrait à dénier la nature des droits conférés par
ces sûretés. Ainsi, l'article L. 642-12, alinéa 1er, ne peut, en imposant le jeu du droit de préférence,
s'appliquer aux sûretés ne conférant pas un tel droit167.
95. En définitive, la finalité de la règle de l'affectation de la quote-part du prix de cession
permet, comme son domaine, de justifier la préservation de l’étendue de l'assiette des sûretés réelles
exclusives.
Nous venons ainsi d'analyser les fondements communs à toutes les sûretés réelles exclusives.
Examinons à présent les fondements spécifiques à chacune d’elles.
96. Nous verrons d'abord ce qu’il en est du droit de rétention (1) puis nous analyserons le cas
des propriétés-sûretés (2).
97. Le législateur ne fait aucune mention du droit de rétention lorsqu'il énumère les sûretés
visées par la règle de l'affectation d’une quote-part du prix de cession. En conséquence, en cas
d'adoption d'un plan de cession, le droit de rétention ne court pas le risque d’une réduction de son
assiette. La question est donc de savoir pourquoi le droit de rétention échappe à cette règle ?
La réponse à cette interrogation nous amène à déterminer les fondements de la préservation de
l’étendue de l’assiette du droit de rétention.
98. L'admission du gage dans le champ d'application de la règle de l'affectation d'une quote-
part vient toutefois jeter le trouble quant à la cohérence des textes. En effet, le droit de rétention
dont peuvent se prévaloir les créanciers gagistes devrait entraîner leur exclusion du domaine de la
règle de l'affectation d’une quote-part du prix de cession. Ainsi, après avoir déterminé les
fondements relatifs au droit de rétention (a), il conviendra de s'intéresser à la problématique
soulevée par le gage (b).
167
F.-J. CRÉDOT, « La supériorité irréductible du droit de rétention », LPA, 28 juillet 1997, n° 90, pp. 24 et s. sp. p. 30,
à propos du droit de rétention.
48
a- Les fondements relatifs au droit de rétention
99. Amorcée par la jurisprudence (a-1), la solution qui consiste à exclure le droit de rétention
du domaine de la règle de l'affectation d’une quote-part du prix de cession a ensuite été consacrée
par le législateur (a-2).
100. Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, il n'existait aucune disposition permettant de
protéger le créancier rétenteur lorsqu'une cession était décidée. Cependant, une bonne partie de la
doctrine 168 considérait déjà que les dispositions de l'article 93 de la loi susmentionnée étaient
inapplicables en présence d'un droit de rétention. En revanche, une juridiction du fond 169 avait
rendu une décision contraire à cette solution, motifs pris d'une absence de disposition légale
préservant le droit du rétenteur, d'une part, et de la nécessité du sauvetage de l'entreprise, d'autre
part.
101. Le vide juridique a finalement été comblé par la jurisprudence.
Il se posait en effet la question de l'efficacité du droit de rétention dans l'hypothèse d'une cession.
Fallait-il interpréter le silence du législateur comme la possibilité d'éteindre le droit de rétention
autrement que par le complet paiement du rétenteur ?
Après que de nombreuses solutions furent énoncées par les juges du fond, c'est finalement la
Chambre commerciale de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 20 mai 1997 170, trancha le
débat. Ainsi, avant d'analyser la décision rendue par la Haute juridiction, il convient d’abord de
retracer l'évolution jurisprudentielle sur cette question.
102. Le problème s'était d'abord posé au cours d'une affaire ayant donné lieu à une décision
du 27 mai 1988 du tribunal de commerce de Lille171. Pour motiver celle-ci, les juges ont commencé
par affirmer que le droit de rétention ne pouvait être purement et simplement écarté par le prononcé
d'un plan de cession. Poursuivant leur démonstration, ils précisèrent que le complet paiement du
rétenteur n'était pas nécessaire. Pour finir, les magistrats lillois avaient conclu que les créanciers
168
M. CABRILLAC et Ch. MOULY, Droit des sûretés, 4e éd., 1997, n° 564 ; S. PIÉDELIÈVRE, Droit des sûretés, 1er
éd., n° 225 (anciennes éditions) ; B. SOINNE, Traité des procédures collectives, 2e éd., Litec, 1995, n° 1750 ; D.
MARTIN, « De la survie du gage à la cession d'entreprise », RJ. com. 1987, p.81 ; « De la rétention d'actif en cas de
cession de l'entreprise », Gaz. Pal. 27-28 janvier 1988, 1. Doct. p. 67 ; F.-J. CRÉDOT, « La cession d'entreprises et le
droit de rétention », LPA, 8 juin 1987, n° 68, p.12 ; F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le
redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, op. cit., pp. 164 et s.
169
T. com., Le Mans, 7 octobre 1986, Gaz. Pal. 1987, 1, p. 259, obs. J.-L. VIRFOLET.
170
Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-12.925, Bull. civ. IV, n°151; Rapport Ph. REMERY, Rj com. 1997, p. 308, obs. C.
SAINT-ALARY HOUIN ; D. Aff. 1997, p. 763 ; D. 1997, somm. p. 312, obs. A. HONORAT; RTD com. 1998, p. 205,
obs. A. MARTIN-SERF; LPA, 28 juillet 1997, n° 90, p. 24, note F.-J. CRÉDOT ; D. 1998, p. 102, obs. S.
PIÉDELIÈVRE ; RTD civ. 1997, p. 708, obs. P. CROCQ ; P.-M. LE CORRE, « Le gage avec droit de rétention face au
plan de cession ( rien ne sert de concourir, il faut à point retenir) », LPA, 22 octobre 1997, n° 127, p. 5; M. CARILLAC
et M.-J. CAMPANA, « Droit de rétention et procédures collectives: la disparitions des dernières ambigüités », JCP E,
1998, 1083.
171
Trib.com. Lille 27 mai 1988, Rev. Proc. Coll. 1989, p. 179, obs. B. SOINNE.
49
rétenteurs bénéficiaient, à l'image des créanciers titulaires de sûretés réelles assorties d'un droit de
préférence, d'une quote-part du prix de cession et que c'est uniquement sur cette quote-part du prix
qu'ils devaient exercer leur droit de rétention.
Pour parvenir à ce raisonnement, les juges du fond s'étaient appuyés sur la combinaison de deux
textes, à savoir les anciens articles L. 621-96, alinéa 1er et L. 622-21, alinéa 4, du Code de
commerce. En effet, alors le premier texte, prévoyait qu'en cas de cession de biens grevés d'un
privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, une quote-part du prix de cession serait
affectée à chacun de ces biens pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence. Le
second texte, propre à la liquidation judiciaire, précisait qu'en cas de vente d'un bien grevé d'un
droit de rétention, il y aurait report du droit de rétention sur le prix de vente, et cela, en vertu du
mécanisme de la subrogation réelle.
La solution retenue par les juges de Lille n'était pas le complet paiement du rétenteur, mais plutôt
l'affectation d'une quote-part sur laquelle le rétenteur exercerait son droit de rétention. Ainsi, le
créancier qui avait pourtant la possibilité d’opposer son droit de rétention au cessionnaire ne
pouvait, en revanche, prétendre au complet paiement de sa créance. Comme les créanciers titulaires
de sûretés réelles classiques, il devait se contenter d'exercer son droit sur une quote-part du prix de
cession.
Bien que jugée contradictoire par une partie de la doctrine172, cette solution a été reprise, d'abord
par les juges de la cour d'appel de Nancy, dans un arrêt du 12 janvier 1995173, puis par ceux de la
cour d'appel de Grenoble, dans un arrêt rendu le 30 mai de la même année174. C'est donc cette
solution qui a prévalu jusqu'à l'arrêt du 20 mai 1997 de la Chambre commerciale de la Cour de
cassation.
103. En cassant l'arrêt de la cour d'appel de Nancy 175 , la haute Juridiction avait pris une
décision largement favorable aux créanciers rétenteurs. En effet, la Cour de cassation affirma que «
172
S. ZÉPI, Le sort des créanciers titulaires de garanties réelles dans le droit des procédures collectives, op. cit., p.
523; J.-F CRÉDOT, note sous Cass.com., 20 mai 1997, arrêt préc ; LPA, 28 juillet 1997, n° 90, p. 24.
173
CA Nancy, 12 janvier 1995, Rev. Proc. Coll. 1996, p. 107, obs. B. SOINNE
174
CA Grenoble, 30 mai 1995, Chambre des urgences, cité par P.-M. LE CORRE in, « Le gage avec droit de rétention
face au plan de cession (rien ne sert de concourir, il faut à point retenir) », art. préc., p.7
175
Dans un arrêt du 12 janvier 1995, la Cour d'appel de Nancy confirma la décision des premiers juges. Elle avait
considéré que, le fait pour les créanciers gagistes rétenteurs d'opposer leur droit de rétention au repreneur était
"contraire, tant à la lettre qu'à l'esprit de la loi du 25 janvier 1985 et notamment à ses dispositions concernant la cession
de l'entreprise".
La contradiction à la lettre découlait des dispositions de l'article 93, alinéa 1 de la loi du 25 janvier 1985 (ancien article,
L. 621-96, al. 1er du Code de commerce) qui vise les biens grevés d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une
hypothèque. La Cour releva que le nantissement étant le gage d'une chose mobilière, les termes généraux de la loi ne
distinguaient pas qu'il s'agisse du gage avec ou sans dépossession.
La contradiction à l'esprit de la loi quant à elle, résultait de l'objectif de la cession qui est "d'assurer le maintien d'une
activité économique, de tout ou parie des emplois qui y sont attachés, et enfin d'apurer le passif dans la mesure du
possible". La cour d'appel de Nancy, en confirmant le jugement du Tribunal avait conclu que "le droit de rétention du
pool bancaire n'avait pas disparu, mais avait été transféré sur la quote-part du prix de cession telle que fixée par le
Tribunal et non sur la totalité de la valeur du gage".
50
la cession d'entreprise, par suite de l'adoption d'un plan de redressement, ne peut porter atteinte au
droit de rétention issu d'un gage avec dépossession qu'un créancier a régulièrement acquis sur des
éléments compris dans l'actif cédé ; qu'en l'absence de dispositions légales en ce sens, le créancier
rétenteur ne peut être contraint de se dessaisir du bien qu'il retient légitimement que par le
paiement du montant de la créance qu'il a déclaré, et non par celui d'une quote-part du prix de
cession qui serait affectée à ce bien pour l'exercice du droit de préférence ».
Par cette décision, la haute Cour avait clairement exclu le droit de rétention du champ d'application
de la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Désormais, le rétenteur ne peut plus
être contraint de se contenter d'une simple quote-part du prix. Il ne peut donc subir une réduction de
l'assiette de sa sûreté. Ainsi, le droit de rétention ne peut être mis en échec autrement que par le
complet paiement de la créance du rétenteur. Cet arrêt consacre la supériorité du droit de
rétention176, même dans l'hypothèse d'un plan de cession.
104. Bien que la solution jurisprudentielle ne visât expressément que le droit de rétention issu
d'un gage avec dépossession, rien ne s'oppose à l'extension de son application à tous les créanciers
rétenteurs, à savoir le titulaire d'un droit de rétention autonome ou encore le titulaire d'un droit de
rétention fictif177, en l’occurrence le gagiste sans dépossession. Quoi qu'il en soit, la solution posée
par la jurisprudence est aujourd'hui consacrée par le législateur.
a- 2) Le fondement législatif
176
F.- J. CRÉDOT, « La supériorité irréductible du droit de rétention », art. préc., pp. 24 et s.
177
Cass. com., 15 octobre 1991, n° 90-107.84, Bull. civ. IV, n° 288; RTD com, 1992, p. 464, obs A. MARTIN-SERF;
JCP E, 1992. I. 138, n° 25, obs. M. CABRILLAC : « La cour d'appel a décider à bon droit que la banque, titulaire d'un
droit de rétention fictif sur le véhicule litigieux, était fondée à suspendre la mainlevée du gage à l'attribution à son profit
du produit de la vente effectuée par le liquidateur, peu important l'existence de créances super privilégiées de salaires
qui ne pouvaient faire échec au report du droit de rétention sur le prix ».
178
P.-M. LE CORRE, « L'invincibilité du droit de rétention dans les procédures collectives de paiement », D. 2001,
Chron. pp. 2815 et s. sp. p. 2816. L'auteur affirme qu' « il n'est pas interdit au tribunal d'intégrer dans le plan de cession
un bien grevé d'un droit de rétention. Mais ce dernier n'aura pas disparu. Il en résulte que le repreneur sera tenu propter
rem, au paiement de l'intégralité de la créance du rétenteur ».
51
106. Faute de précision législative, on peut considérer que ce texte s'applique à tous les droits
de rétention, et ce, qu'ils soient réels ou fictifs. Le caractère fictif du droit de rétention ne saurait ici
poser de problème. En effet, l'inopposabilité prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 622-7du Code de
commerce sur le droit de rétention fictif conféré par l'article 2286-4° du Code civil, est inapplicable
dans l'hypothèse d'une cession. Ainsi, même si le bien retenu reste entre les mains du débiteur, le
créancier devrait pouvoir opposer son droit de rétention au repreneur. Le titulaire d'un droit de
rétention fictif devrait, dès lors que son droit est opposable, pouvoir bénéficier des mêmes
prérogatives que le titulaire d'un droit de rétention réel.
Dans le même sens, un auteur a considéré que « retenir et céder ne vaut »179. L'auteur précise qu'il
est impossible, sauf accord des créanciers rétenteurs, d'intégrer dans un plan de cession un bien
grevé d'un droit de rétention réel, attribut ou non d'un gage. Il démontre que si le bien grevé d'un
droit de rétention est intégré dans les actifs cédés, le créancier rétenteur pourra se prévaloir de son
droit à l'encontre du cessionnaire. Ainsi, « en présence d'un droit de rétention réel, le cessionnaire
ne pourra obtenir délivrance du bien qu'en payant le créancier rétenteur et, face à un droit de
rétention fictif, attribut d'un gage tel que celui du créancier gagiste sur véhicule automobile, le droit
de suite à l'encontre du repreneur obligera ce dernier à payer le solde de la créance ou à délaisser le
bien »180.
107. Dans tous les cas, l'existence d'un droit de rétention fait obstacle à la mise en œuvre du
mécanisme d'affectation d'une quote-part du prix de cession. Le créancier rétenteur ne court donc
pas le risque d'une réduction de l’étendue de l'assiette de sa sûreté. Cette conclusion amène à
s'interroger sur le sort du gage qui, bien qu'assorti d'un droit de rétention, est pourtant expressément
cité par l'article L. 642-12, alinéa 1er.
108. Comme l'hypothèque et le nantissement, le gage fait partie des sûretés citées par l'article
L. 642-12, alinéa 1er. Pour tenir compte des modifications opérées par l'ordonnance du 23 mars
2006181 sur le droit des sûretés, le législateur a, dans celle du 18 décembre 2008 réformant le droit
des procédures collectives, procédé à l'ajout du gage dans la liste des sûretés visées par l'affectation
d'une quote-part du prix de cession.
179
P.-M. LE CORRE, « Le gage avec droit de rétention face au plan de cession (rien ne sert de concourir, il faut à point
retenir) », art. préc., pp. 6 et s.
180
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, 8e éd., 2015/2016, Dalloz 2014, n°
582.32.
181
Avec l'ordonnance du 23 mars 2006, le législateur est venu préciser les termes de gage (article 2333 du Code civil.)
et de nantissement (article 2355 du Code civil). Désormais le gage désigne la sûreté constituée sur un bien du débiteur
portant sur meuble corporel, tandis que le nantissement est la sûreté portant sur un bien meuble incorporel.
52
109. Cependant, cette récente addition du gage dans le champ d'application de l'article L. 642-
12, alinéa 1er, n'est qu’apparente puisque cette sûreté y était déjà sous le nom de nantissement. En
effet, l'article 55 de l'ordonnance du 23 mars 2006 précise que « Dans toutes les dispositions
législatives et réglementaires en vigueur, la référence au gage et au créancier gagiste s’entend de
la référence au nantissement et au créancier nanti lorsque la sûreté a pour objet un bien meuble
incorporel. Réciproquement, la référence au nantissement et au créancier nanti s’entend de la
référence au gage et au créancier gagiste lorsque la sûreté a pour objet un bien meuble corporel ».
L'analyse des dispositions de ce texte permet de comprendre qu'après l'entrée en vigueur de
l'ordonnance de 2006, il fallait considérer qu’à partir du moment où un texte s'appliquait au
nantissement, il devait également s'appliquer au gage, à condition que la sûreté porte sur un bien
meuble corporel. De même, dès lors qu'un texte concernait le gage, il devait également concerner le
nantissement lorsque que la sûreté se rapportait à un bien meuble incorporel.
S’agissant de l'article L. 642-12, alinéa 1er, qui ne citait expressément que le nantissement, son
domaine d'application devait donc s'étendre au gage, quand la sûreté portait sur un bien meuble
corporel. En conséquence, comme le nantissement, le gage était implicitement visé par la règle de
l'affectation d’une quote-part du prix de cession. Le créancier gagiste est donc, par principe,
concerné par la possibilité d'une réduction de l'assiette de sa sûreté. Dans l'hypothèse d'une cession
portant sur des biens gagés, le tribunal est tenu d'affecter au créancier gagiste une quote-part du prix
de cession pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence.
110. Cependant, cette solution théorique est bien différente de la situation qui devrait se
dégager en pratique. En effet, depuis la loi du 04 août 2008 sur la modernisation de l'économie, tous
les gages sont désormais assortis d'un droit de rétention. En modifiant l'article 2286 du Code civil
par l'ajout d'un quatrième alinéa, le législateur a conféré un droit de rétention fictif à tous les
créanciers gagistes sans dépossession. Désormais, le gage est assorti d'un droit de rétention réel ou à
tout le moins fictif, et ce, qu’il soit avec ou sans dépossession.
111. La modification opérée par la LME fait toutefois apparaître une contradiction entre deux
textes. Il s'agit des alinéas 1er et 5 de l’article L. 642-12 du Code de commerce. Alors que le premier
texte cite le gage parmi les sûretés visées par la règle de l'affectation d'une quote-part, le second
soustrait le droit de rétention des règles prévues par l'article L. 642-12. Or, les créanciers gagistes
bénéficient tous, dorénavant, d'un droit de rétention réel ou fictif. Ainsi, contrairement à ce qui
résulte des dispositions de l'article L. 642-12, alinéa 1er, les créanciers gagistes devraient, compte
tenu du droit de rétention conféré par leur gage, être exclus du domaine de la règle de l'affectation
d'une quote-part du prix de cession.
L'article L. 642-12, alinéa 5, ne faisant aucune distinction entre les droits de rétention, on peut
considérer que tout créancier bénéficiaire d'un droit de rétention peut s'en prévaloir. Le texte devrait
53
donc également pouvoir s'appliquer à l'antichrèse devenue le gage immobilier puisque, selon les
dispositions de l'article 2391 du Code civil, le gage immobilier est doté d'un droit de rétention
effectif sur l'immeuble.
112. Toutefois, il a été soutenu qu'il n'existait, en fait, aucune contradiction entre ces deux
textes. En insérant un alinéa 5 à l'article L. 642-12, le législateur a simplement repris l'analyse
jurisprudentielle qui consistait à exclure le droit de rétention du domaine de l'affectation d'une
quote-part, dans la mesure où celui-ci ne peut s'éteindre que par le complet paiement du créancier
rétenteur, et non par l'affectation au profit de ce dernier d'une simple quote-part du prix de cession.
Par ailleurs, en visant le gage à l'alinéa 1er du même article, il s'agissait pour le législateur de mettre
le texte en conformité avec la nouvelle terminologie issue de l'ordonnance du 23 mars 2006 qui, en
réformant le droit des sûretés, utilise désormais le concept de gage, indépendamment de l'existence
d'un droit de rétention, pour viser la sûreté réelle portant sur des biens meubles corporels, alors que
le nantissement est la sûreté réelle ayant pour objet les biens meubles incorporels. La modification
étant simplement d'ordre formel, il n'existe donc aucune contradiction sur le fond entre les deux
textes182.
113. Cette analyse aurait pu être d'actualité si la loi sur la modernisation de l'économie
n'avait pas conféré un droit de rétention fictif aux créanciers gagistes sans dépossession. En l'état
actuel du droit, tous les créanciers gagistes bénéficient d'un droit de rétention. Cette situation, qui
favorise la contradiction entre les textes susvisés, amène à formuler le souhait d'une modification
législative183. Le gage étant toujours assorti d'un droit de rétention, il devrait être supprimé des
dispositions de l'article L. 642-12, alinéa 1er. La loi gagnerait ainsi en clarté. Le législateur a
d'ailleurs manqué l'occasion de procéder à cette modification avec l'ordonnance du 12 mars 2014
réformant le droit des entreprises en difficulté.
114. Pour finir, il convient de noter que le titulaire d'un gage a, en tant que créancier gagiste et
rétenteur, la possibilité de choisir d'être considéré soit simplement comme un gagiste, soit comme
un rétenteur. Il peut, s'il le souhaite, accepter que le bien gagé soit intégré dans un plan de cession.
Dans ce cas, il renonce à son droit de rétention. Il lui sera donc affecté une quote-part du prix de
cession pour l'exercice du droit de préférence et le paiement de sa créance. Mais, en réalité, cette
option ne présente aucun intérêt pour le créancier gagiste qui perd ainsi tous les avantages liés à son
statut de créancier rétenteur.
115. L'analyse faite sur le gage pourrait également être effectuée pour le nantissement. Dans
certaines circonstances, le nantissement est assorti d'un droit de rétention. C'est notamment le cas du
182
P.-M. LE CORRE, « Le créancier titulaire d'une sûreté spéciale victime de l'absence d'affectation d'une quote-part du
prix de cession », art. préc., p. 14.
183
O. BUISINE, « L'opposabilité du droit de rétention « fictif » dans le cadre du plan de cession », Rev. Proc. Coll.
novembre-décembre 2011, n° 6, étude 31.
54
nantissement de compte-titres184. Cependant, à la grande différence du gage, tous les créanciers
nantis ne bénéficient pas d'un droit de rétention.
116. Par ailleurs, la question qui avait longtemps divisé la doctrine ne se pose plus
aujourd'hui. L'article 79 de la loi du 4 août 2008 sur la modernisation de l'économie a, en insérant
un quatrième alinéa à l'article 2286 du Code civil, reconnu un droit de rétention fictif à tous les
créanciers gagistes sans dépossession. Or, selon les dispositions de l'article 2355, alinéa 5 du même
Code, le nantissement des meubles incorporels autres que celui portant sur des créances est soumis,
à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels. On pouvait
donc légitimement s'interroger sur le bénéfice du droit de rétention fictif conféré par l’article 2286,
4° du Code civil aux créanciers nantis.
Cette question avait suscité de vives querelles doctrinales 185. Mais, dans un arrêt du 26 novembre
2013186, la jurisprudence a finalement mis un terme à ce débat. La Cour de cassation, pour rejeter le
pourvoi dont elle avait été saisie, motive son arrêt comme il suit : « Mais attendu qu'ayant énoncé
que l'article 2286, 4° du Code civil issu de la loi du 4 août 2008 n'est applicable qu'aux biens
corporels, ce qui exclut les nantissements, et retenu que c'est à tort que la CRCAM invoque l'article
2355, alinéa 5, du Code civil qui dispose que le nantissement est soumis à défaut de dispositions
spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels, dans la mesure où
les nantissements de fonds de commerce sont régis par des textes spéciaux, notamment l'article
L. 142-1 du Code de commerce, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les
conclusions de la CRCAM, a retenu que le nantissement sur un fonds de commerce ne conférait pas
à son titulaire un droit de rétention ; que le moyen n'est pas fondé ».
La haute Cour réserve donc le bénéfice du droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du
Code civil aux seuls biens corporels. Pour cette raison, les créanciers nantis ne peuvent s'en
prévaloir, même si dans les faits, il était question du nantissement sur fonds de commerce. La
solution jurisprudentielle devrait donc pouvoir s'appliquer à tous les nantissements, étant donné
qu’il s'agit d'une sûreté mobilière portant sur des biens incorporels.
Ainsi, contrairement au gage, seul le créancier nanti sur des compte-titres bénéficie d'un droit de
rétention. En conséquence, nous n'étudierons pas la question relative à la réduction de l'assiette du
nantissement.
117. En définitive, il est admis que l'existence d'un droit de rétention est incompatible avec la
mise en œuvre du mécanisme de l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Cette situation est
le fruit d'un travail jurisprudentiel qui a ensuite été consacré par le législateur.
184
Cf. L'article L. 211-20, III du Code monétaire et financier. Ce texte reconnaît au créancier nanti un droit de rétention.
185
Cf. ns° 1000 à 1003.
186
Cass. com., 26 novembre 2013, n° 12-27.390, Inédit ; BJE, mai 2014, p. 156, note F. MACORIG-VENIER ; Gaz.
Pal. 20 mars 2014, p. 22, note M.-P. DUMONT-LEFRAND.
55
Qu’en est-il des propriétés-sûretés ?
118. Tout comme le droit de rétention, les propriétés-sûretés ne sont pas visées par l'article L.
642-12, alinéa 1er. Elles sont donc exclues du domaine de la règle de l'affectation d'une quote-part
du prix de cession.
Qu'est-ce qui justifie alors cette situation ? Il faut ici rechercher si, en dehors des fondements
communs à toutes les sûretés, il existe des fondements spécifiques à l'absence de réduction de
l'assiette des propriétés-sûretés.
119. La préservation de l’étendue de l’assiette des propriétés-sûretés résulte d'abord et surtout
de la nature même du droit que celles-ci confèrent à leurs bénéficiaires. La clause de réserve de
propriété et la fiducie-sûreté reposent sur un droit de propriété187. Les créanciers munis de telles
sûretés sont propriétaires des biens grevés. Cette situation résulte soit d'un transfert temporaire de la
propriété des biens (le fiduciaire), soit de la conservation de la propriété du bien par le biais d'une
clause, et ce, jusqu'à l'exécution complète par le débiteur de l'obligation qui constitue la contrepartie
du contrat (le réservataire). Le débiteur n'étant plus ou pas encore le propriétaire des biens grevés, il
ne devrait pas, au risque de commettre un abus de droit, procéder à la cession de ces biens.
À ce fondement commun, s'ajoutent des fondements jurisprudentiels spécifiques à la réserve de
propriété (a) et, dans une moindre mesure, à la fiducie-sûreté (b).
120. Bien que la jurisprudence ne se soit pas prononcée directement sur l'exclusion de la
clause de réserve de propriété de la règle de l'affection d'une quote-part du prix de cession, certains
arrêts permettent toutefois d'en arriver à cette conclusion.
Le premier arrêt est celui du 9 juin 1992 188 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de
cassation. En l'espèce, des tôles vendues sous clause de réserve de propriété avaient été incluses
dans un plan de cession, après que le vendeur ait exercé la revendication dans le délai légal. Ce
dernier exigea alors que sa créance relative au prix des marchandises vendues avec clause de
réserve de propriété bénéficie des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985. Après
qu'il fut, par un arrêt du 20 mars 1990 189, débouté par la cour d’appel d’Aix, le vendeur s'était
pourvu en cassation contre cette décision. La Cour de cassation avait cassé l'arrêt à elle déféré après
avoir relevé que les marchandises litigieuses existaient en nature au jour de l'ouverture de la
187
C. HOUIN-BRESSAND, « Fiducie-sûreté, clause de réserve de propriété, crédit-bail : quelle protection pour le
banquier propriétaire ? », Rev. drt. banc. et fin., mars-avril 2010, n° 2, dossier 12, p. 95.
188
Cass.com., 9 juin 1992, n° 90-16.804, Bull. civ. IV, n° 230; JCP E, 1992, I. 195, n° 10, obs. M. CABRILLAC ; D.
1993, p. 6, obs. F. DERRIDA ; RTD com. 1994, p. 126, obs. A. MARTIN-SERF.
189
CA d'Aix, 20 mars 1990, D. 1991, p. 42, obs. F. PÉROCHON.
56
procédure collective, mais qu'elles avaient, après la revendication du vendeur exercée dans le délai
requis, été incluses dans le plan de cession des actifs de l'entreprise arrêté par le tribunal, de sorte
que l'administrateur ne pouvait, en exécution de ce plan, procéder à leur cession sans en payer la
valeur. La Haute juridiction avait donc accordé le bénéfice de l'article 40 à la créance relative au
prix des marchandises.
La jurisprudence s'est encore prononcée dans le même sens dans un arrêt du 8 juin 1993190. La Cour
de cassation approuva ainsi la décision d'une cour d'appel qui, après avoir constaté que les matériels
litigieux existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective, avait retenu que la
créance éventuelle du créancier en paiement du prix de vente de ces matériels avait pour cause sa
disparition postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, d'une part, et que les
commissaires à l'exécution du plan ne pouvaient, fût-ce en vertu de ce plan, procéder à la cession
des matériels de ce magasin sans en payer la valeur, d'autre part. La Haute juridiction a donc conclu
que c'est à bon droit que la cour d'appel avait, après avoir ordonné la restitution des marchandises
vendues sous clause de réserve de propriété, décidé qu'à défaut de restitution, les commissaires à
l'exécution du plan seraient débiteurs de leur valeur au titre des sommes visées par l'article 40,
alinéa 2.5°, de la loi du 25 janvier 1985.
121. Dans chacun de ces arrêts, il n'était pas question de l'affectation d'une quote-part du prix
de cession au créancier réservataire. Il s’agissait, pour la Cour de cassation, de se prononcer sur le
sort des biens vendus sous réserve de propriété en cas d'inclusion dans un plan de cession. À deux
reprises, la Haute juridiction affirme que, dès lors que le vendeur a exercé la revendication dans les
délais, les marchandises vendues avec clause de réserve de propriété et existant en nature au jour de
l'ouverture de la procédure collective et incluses dans un plan de cession, doivent bénéficier des
dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985.
Comme l'a fait remarquer un auteur191, cette solution « n'est que la transposition pure et simple de la
solution antérieure en vertu de laquelle le vendeur était créancier de la masse192 et qui était fondée,
selon les arrêts, sur le droit acquis du vendeur au bénéfice de la revendication, sur la décision, au
moins implicite, de continuation du contrat par le syndic, sur la gestion d'affaires opérée par le
syndic en percevant le prix, sur la faute ou encore sur l'enrichissement sans cause de la masse au
détriment du vendeur ».
122. Dans tous les cas, ces arrêts peuvent constituer un fondement à la préservation de
l’étendue de l'assiette de la réserve de propriété. En effet, contrairement aux créanciers munis de
sûretés réelles préférentielles qui, conformément aux dispositions de l'article L. 642-12, alinéa 1er,
190
Cass. com., 8 juin 1993, n° 90-21.928, Bull. civ. IV, n° 234; D. 1993, p. 296, obs. F. PÉROCHON.
191
F. PÉROCHON, obs .sous Cass. com., 9 juin 1992, n° 90-16.804 et 8 juin 1993, n° 90-21.928, arrêt préc; D. 1993,
p. 296.
192
Cass. com., 26 mars 1985, n° 84-103.4, Bull. civ. IV. n° 109 ; JCP E, 1985. I. 14551; Cass. com., 7 juin 1988, n° 86-
184.01, Bull. civ. IV. n° 193.
57
se voient affecter une quote-part du prix de cession, le créancier réservataire est placé sous un
régime différent. D’après la solution jurisprudentielle, le créancier réservataire va, en cas de cession
des marchandises vendues avec clause de réserve de propriété, bénéficier d'une créance postérieure
privilégiée. Il échappe ainsi à la possibilité d'une réduction de l'assiette de sa sûreté.
Que penser de la fiducie-sûreté ?
193
CA Paris, 4 nov. 2010, jurisData n°2010-025412, Rev. drt. Banc et fin., juillet 2011, n° 4, comm. A. CERLES
194
F. MACORIG-VENIER, « Les biens fiduciaires (bien distrais des procédures) », Rev. Proc. Coll., janvier-février
2011, n°1, dossier 10, p. 89.
58
Paragraphe 2/ Les fondements de la préservation de l’étendue de
l’assiette des sûretés en droit OHADA
125. L'AUPC comprend deux dispositions dans lesquelles on pourrait voir une référence à la
règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Il s'agit des articles 131, alinéa 4, et 162,
alinéa 1er. Chaque article a un contexte d'application spécifique. Le premier est relatif à la cession
partielle ou totale prévue dans le cadre d'un concordat de redressement, tandis que le second
s'applique dans l'hypothèse d'une cession globale ordonnée dans le cadre d'une liquidation des
biens.
Dans la procédure de redressement judiciaire, la mise en œuvre de la règle de l'affectation d'une
quote-part du prix de cession est difficilement envisageable en raison du contenu de l'article 131,
alinéa 4. La situation est différente en liquidation des biens. Sous quelques réserves, l'alinéa 1er de
l'article 162 rappelle la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession telle qu'elle existe
en droit français.
126. L’'article 131, alinéa 4, de l'AUPC dispose que « Lorsque la cession totale ou partielle
d'actif ou d'entreprise ou d'établissement est envisagée dans le concordat de redressement
judiciaire, le syndic doit établir un état descriptif des biens meubles et immeubles dont la cession
est envisagée, la liste des emplois qui y sont éventuellement attachés, les sûretés réelles dont ils sont
affectés et la quote-part de chaque bien dans le prix de cession ».
Au premier abord, la lecture de ce texte permet de remarquer que, contrairement à son homologue
français qui procède à une énumération des différentes sûretés réelles visées par l'affectation d'une
quote-part, le législateur africain se contente de les englober sous le terme générique de sûretés
réelles. Cette généralité peut créer le doute quant à l'exclusion des sûretés réelles exclusives du
domaine de la règle.
Doit-on alors considérer que toutes les sûretés réelles reconnues par le législateur OHADA sont
visées par l'affectation d'une quote-part du prix de cession ? Où faudrait-il en choisir certaines ? Si
tel est le cas, quel serait alors le critère de choix ?
En l'absence de précision législative, il faudrait considérer que toutes les sûretés réelles sont
concernées par la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Ne pouvant distinguer là
où la loi ne distingue pas, il serait maladroit d'inclure certaines sûretés et d'en exclure d'autres. En
conséquence, l'affectation d'une quote-part s'appliquerait à toutes les sûretés réelles reconnues en
droit OHADA.
Conformément aux dispositions des articles 50 et 190 et suivants de l'AUS, il s'agirait du droit de
rétention, des gages, des nantissements, de la propriété retenue ou cédée à titre de garantie et des
hypothèques. Ainsi, même les sûretés réelles exclusives seraient visées par la règle de l'affectation
59
d'une quote-part du prix de cession. Cette règle aurait donc, en droit OHADA, un champ
d'application plus large qu'en droit français.
127. Cependant, l'analyse des dispositions de l'article 131, alinéa 4, nous amène à voir que ce
texte ne fait pas réellement référence à la règle de l'affectation d'une quote-part, du moins telle
qu'elle existe en droit français. Il s'agirait plutôt de l'obligation faite au syndic de procéder à
l'inventaire des biens compris dans la cession et éventuellement à la détermination du prix de
cession. Il semblerait que la détermination de la quote-part du prix de chaque bien est antérieure à la
détermination du prix de cession. De cette manière, la quote-part de chacun des biens n'est pas
déterminée en fonction du prix global de la cession. En revanche, c'est le prix global de la cession
qui serait déterminé en fonction de toutes les quotes-parts des biens dont la cession est envisagée.
Le prix de cession serait donc constitué par la somme de toutes les quotes-parts des actifs à céder.
En effet, il résulte de l'article 131, alinéa 4, de l'AUPC que le syndic procède à la détermination de
la quote-part des biens dont la cession est envisagée. Autrement dit, le syndic détermine d'abord les
quotes-parts de chacun des biens dont la cession est envisagée, puis il fixe un prix de cession par
rapport à toutes les quotes-parts. Or, en comparaison avec le droit français (article L. 642-12 alinéa
1er), le tribunal doit d'abord fixer le prix de la cession, et ensuite procéder à la ventilation de ce prix
en y affectant une quote-part à chaque bien grevé compris dans la cession. A priori, il n'y aurait
donc pas, en droit OHADA, réduction de l'assiette des sûretés réelles dans l'hypothèse d'une cession
intervenant dans le concordat de redressement.
128. Cette analyse est confortée par les dispositions de l'article 132, alinéa 2, de l’AUPC qui
soumettent l'homologation de la cession à la condition du nécessaire désintéressement des
créanciers munis de sûretés réelles. En effet, le législateur africain a pensé à préserver les intérêts
des créanciers titulaires de sûretés réelles, dans la mesure où la juridiction compétente ne peut
homologuer la cession que si le prix est suffisant pour désintéresser les créanciers munis de sûretés
réelles spéciales sur les biens cédés, sauf renonciation par eux à cette condition.
Ainsi, bien que le législateur africain fasse également référence à la notion de quote-part, celle-ci
renvoie à une réalité différente de celle du droit français. La quote-part en droit OHADA semblerait
plutôt correspondre à la valeur réelle ou au moins marchande des biens cédés, et non pas à un prix
modique déterminé en fonction d'un prix global de cession. Par conséquent, les sûretés réelles
grevant les biens cédés ne subissent aucune réduction de leur assiette au regard du principe
d'affectation.
Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article 133 de l'AUPC dispose que « Lorsque l'ensemble cédé comporte
des biens grevés d'une sûreté réelle spéciale, la cession n'emporte purge de cette sûreté que si le
prix est intégralement payé et le créancier garanti par cette sûreté désintéressé ». Il résulte de ces
dispositions que les créanciers titulaires de sûretés sur les biens cédés n'ont pas à s'inquiéter de leur
60
paiement, nonobstant la cession qui est envisagée car, en principe, celle-ci ne peut être ordonnée si
le doute subsiste quant à leur paiement.
129. En revanche, la situation est bien différente avec l'article 162 de l'AUPC. L'alinéa 1er de
ce texte précise que « Le juge-commissaire ordonne la cession en affectant une quote-part du prix
de cession à chacun des biens cédés pour la répartition du prix et l'exercice des droits de
préférence ». En dépit d'une rédaction maladroite, les dispositions de cet article se rapprochent de
celles de l'article L. 642-12, alinéa 1er, qui prévoient l'affectation d'une quote-part du prix de cession
à chacun des biens grevés de sûretés réelles.
À la différence du droit français, la réduction de l'assiette des sûretés réelles n'est possible, en droit
OHADA, que dans l'hypothèse d'une cession globale d'actif intervenue dans la procédure de
liquidation des biens. C'est donc sur la base de l'article 162 précité que nous tenterons de déterminer
les fondements de la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés réelles exclusives en droit
OHADA. Comme en droit français, nous analyserons les fondements communs à toutes les sûretés
réelles exclusives (A) puis nous verrons les fondements spécifiques à chacune d’elles (B).
130. Selon les dispositions de l'article 162, alinéa 1er, de l'AUPC, le juge-commissaire qui
ordonne la cession est tenu d'affecter une quote-part du prix de cession à chacun des biens cédés
pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence. Contrairement à son homologue
français, le législateur communautaire africain ne cite pas clairement les sûretés réelles visées par
l'affectation d'une quote-part. Ainsi, une simple lecture des dispositions de l'article 162 ne permet
pas d'exclure les sûretés réelles exclusives du domaine d'application de la règle de l'affectation d'une
quote-part du prix de cession. Il est donc difficile de considérer que le domaine de la règle de
l'affectation d'une quote-part du prix de cession constitue, comme en droit français, un fondement à
l'absence de réduction de l'assiette des sûretés réelles exclusives.
131. Pour y arriver, il faut déterminer la finalité de la règle. En effet, il résulte des dispositions
de l'alinéa 1er de l'article 162 que l'affectation d'une quote-part du prix de cession est faite pour la
répartition du prix et l'exercice des droits de préférence. À l’instar du droit français, l'affectation de
la quote-part va permettre aux créanciers d'exercer leurs droits préférentiels. Or, pour exercer un
droit de préférence, encore faudrait-il être titulaire d'une sûreté assortie d'une telle prérogative. En
conséquence, seules les sûretés réelles préférentielles sont logiquement visées par la règle de
l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Il s'agit donc des gages de meubles corporels, des
nantissements de meubles incorporels, des privilèges et des hypothèques. En revanche, toutes les
nouvelles sûretés consacrées par le législateur, notamment la réserve de propriété, la cession de
créances à titre de garantie et le transfert fiduciaire d'une somme d'argent, sont exclues du domaine
61
de la règle puisqu'elles ne sont pas assorties d'un droit de préférence. Plus qu'un simple droit de
préférence, le législateur africain a, comme son homologue français, reconnu aux créanciers
titulaires de ces sûretés un droit de propriété195 qui devrait leur permettre d'échapper à la règle de
l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Il en est de même pour le droit de rétention qui
repose sur la rétention du bien non sur un droit de préférence.
Ainsi, comme en droit français, on peut considérer que la finalité de la règle de l'affectation d’une
quote-part du prix de cession est un fondement commun à la préservation de l’étendue de l'assiette
des sûretés réelles exclusives.
Il convient à présent de déterminer les fondements spécifiques à chacune des sûretés réelles
exclusives ?
132. Par analogie au droit français, nous analyserons d’abord les fondements spécifiques au
droit de rétention (1) puis nous verrons ce qu’il en est des propriétés-sûretés (2).
133. Il n'existe en droit OHADA aucun autre fondement législatif ou jurisprudentiel qui
justifie l'exclusion du droit de rétention du domaine d'application de la règle de l'affectation d'une
quote-part du prix. Seule la finalité de cette règle permet d'exclure toutes les sûretés réelles non
assorties d'un droit de préférence, parmi lesquelles on retrouve désormais le droit de rétention.
Avant le 16 mai 2011, date d'entrée en vigueur du nouvel AUS, la question de la soumission du
droit de rétention aux dispositions de l'article 162 de l'AUPC aurait pu se poser. Aujourd’hui, la
situation a bien changé.
134. En effet, sous l'empire de l'ancien AUS, le droit de rétention, bien que reposant sur la
rétention du bien, pouvait dans certains cas être assorti d'un droit de préférence. Cette situation
résultait de l'assimilation du droit de rétention au gage.
En analysant les dispositions de l'ancien AUS, nous voyons que le législateur, après avoir présenté
le droit de rétention comme la faculté pour un créancier de détenir légitimement un bien de son
débiteur jusqu'au complet paiement de sa créance (ancien article 41 de l'AUS), prévoyait par la suite
une disposition quelque peu contradictoire. L'ancien article 43 de l'AUS précisait en effet que « Si le
créancier ne reçoit ni paiement, ni sûreté, il peut, après signification faite au débiteur et au
propriétaire de la chose, exercer ses droits de suite et de préférence comme en matière de gage ». Il
en résulte que le créancier rétenteur qui avait conservé le bien pendant un certain temps sans être
payé, pouvait décider de s'en dessaisir volontairement sans pour autant perdre tous ses avantages.
Après avoir fait signifier la vente au débiteur et au propriétaire, il pouvait faire procéder à la vente
195
V. articles 72, 79, 87, de l'AUS
62
du bien retenu puis exercer son droit de préférence sur le prix de l’opération. De la même manière,
pensons-nous, il était possible de céder des biens retenus sans que le rétenteur puisse opposer son
droit de rétention au repreneur. Compte tenu du droit de préférence dont il pouvait se prévaloir, les
dispositions de l'article 162 de l'AUPC devaient pouvoir s'appliquer puisque l'affectation d'une
quote-part du prix de cession est directement liée à l'exercice des droits préférentiels.
En accordant ainsi au créancier rétenteur le bénéfice de tous les attributs du gage, le législateur
communautaire africain avait profondément dénaturé la nature exclusive du droit de rétention196.
Bien plus qu'un droit de suite ou de préférence, le droit de rétention devrait conférer à son titulaire
le droit exclusif de retenir la chose jusqu'au complet paiement de la créance, sans qu’il ait à subir le
paiement préférentiel. Avant la réforme de l’AUS, le législateur OHADA avait donc choisi de
mettre en avant le droit de préférence du rétenteur au détriment de son droit de rétention.
Contrairement au droit français, le rétenteur africain ne pouvant véritablement opposer son droit de
rétention dans l'hypothèse d'une cession, il était susceptible, en conséquence, de tomber sous le
coup de la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession.
135. Cependant, depuis la réforme du droit des sûretés, cette question est désormais réglée.
D’après les dispositions de l'article 67 du nouvel AUS, le créancier rétenteur ne bénéficie plus des
droits de suite et de préférence. Seul le pouvoir de retenir le bien constitue désormais la force du
droit de rétention. N'étant plus assorti d'un droit de préférence, le créancier rétenteur devrait, comme
en droit français, échapper aux dispositions de l'article 162. À l'égard du rétenteur, la règle de
l'affectation d'une quote-part du prix de cession serait donc inapplicable.
136. Il convient de noter qu'à la différence du droit français, tous les gages ne sont pas assortis
d'un droit de rétention. En effet, en droit OHADA, il n'existe pas de droit de rétention fictif comme
celui conféré par l'article 2286, 4° du Code civil à tous les gagistes sans dépossession197. Ainsi, le
gage peut légitimement être cité parmi les sûretés visées par la règle de l'affectation d'une quote-part
du prix de cession.
Après ces précisions sur le droit de rétention, il sied à présent de voir le cas des propriétés-sûretés.
137. De même que pour le droit de rétention, il n'existe en droit OHADA aucune solution
jurisprudentielle qui fonde la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés fondées sur la
propriété, dans l’hypothèse d’une cession globale. À l’instar du droit français, le droit de propriété
qui accompagne ces sûretés permet de justifier leur exclusion du domaine de la règle de l'affectation
196
L. BLACK YONDO, M.BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.-J.LAISNEY, A.MARCEAU-COTTE, sous la
direction de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de
l'OHADA, op. cit., n° 200.
197
Cf. n°62.
63
d'une quote-part du prix de cession. Ainsi, le raisonnement effectué en droit français devrait pouvoir
s'appliquer en droit OHADA.
138. Nous retiendrons qu'en droit français, la préservation de l’étendue de l'assiette des
sûretés réelles exclusives repose sur des fondements bien déterminés, tandis qu'en droit OHADA,
en dehors de la finalité même de la règle de l'affectation d'une quote-part, on peine à trouver
d'autres fondements à cette situation. Nous exprimons ainsi notre déception au sujet de la réforme
de l'AUPC intervenue en septembre dernier (2015). Nous avions pensé que le législateur
communautaire africain aurait saisi cette opportunité pour préciser, au minimum, le domaine de la
règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession, à défaut de se démarquer du législateur
français.
Quoi qu'il en soit, l'exclusion des sûretés réelles exclusives du domaine de la règle de l'affection
d'une quote-part du prix de cession permet aux créanciers bénéficiaires de se soustraire aux
conséquences liées à la mise en œuvre de cette règle.
Il convient ainsi d'analyser les effets d’une telle situation.
139. La règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession produit des effets à l'égard
des sûretés visées par les dispositions de l'article L. 642-12, alinéa 1er. Ces effets sont inversement
inapplicables aux sûretés réelles exclusives. N'étant pas concernées par l'affectation d'une quote-part
du prix de cession, les sûretés réelles exclusives échappent à toute possibilité de réduction de leur
assiette (paragraphe 1). Par ailleurs, il peut arriver que les biens grevés de telles sûretés fassent
l'objet d'une cession. Dans cette situation, les créanciers vont pouvoir bénéficier d'un régime
dérogatoire favorable (paragraphe 2).
64
A- La situation en droit français
141. Dans sa thèse, le Professeur MACORIG-VENIER 198 avait démontré que l'institution
d'une quote-part heurte le principe d'indivisibilité des sûretés réelles. L'indivisibilité signifie que le
bien grevé est affecté dans son intégralité au paiement de la créance garantie, même si celle-ci est
inférieure à la valeur totale du bien. En conséquence, l'exercice du droit de préférence se fait sur
l'intégralité du prix de vente. Or, la fixation de la quote-part amène les créanciers à exercer leur
droit de préférence, non plus sur la totalité de la valeur du bien affecté en garantie, mais sur une
simple quote-part du prix, c'est-à-dire sur une partie du prix du bien lui-même lorsqu'il est vendu
seul ou de l'ensemble cédé dans les autres cas. De cette manière, l'affectation d'une quote-part du
prix de cession porte atteinte à l'indivisibilité de la sûreté, puisque seule une partie de la valeur du
bien grevé répond de la dette garantie. Par conséquent, l'affectation d'une quote-part entraîne la
réduction de l'assiette des sûretés réelles199.
142. À ce raisonnement, on pourrait opposer l'idée selon laquelle tout dépend du prix global
de cession. Si le prix de cession est faible, il est certain que les quotes-parts affectées aux créanciers
seraient tout aussi réduites, voire insignifiantes 200 . En revanche, si le prix de cession est
suffisamment élevé201, les quotes-parts ne seraient pas réduites. Elles pourraient alors correspondre
à la valeur même du bien cédé. Ainsi, l'assiette des sûretés réelles ne serait pas réduite par le biais
de l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Ce n'est donc pas l'institution de la quote-part
qui pose véritablement problème, mais la détermination du prix de cession, d'une part, et la
ventilation de ce prix, d'autre part.
143. S'agissant de la détermination du prix de cession, même si les dispositions de l'article
L. 642-12, alinéa 1er, ne le précisent pas, on comprend que l'affectation d'une quote-part à chacun
des biens grevés fait suite à la détermination du prix de cession. La fixation d'un prix global de la
cession doit précéder l'affectation d'une quote-part de ce prix à chacun des biens grevés compris
dans la cession. Si le tribunal ne fixe pas directement le prix de cession, il lui revient d'apprécier
souverainement les offres de cession qui lui sont proposées. Il devra alors choisir l'offre qui lui
paraît la plus sérieuse, par exemple, opter pour l'offre qui réunit des propositions intéressantes, non
seulement en ce qui concerne le paiement des créanciers202, mais aussi pour ce qui est du nombre
des emplois à sauver. Une fois que le prix de cession est fixé, le tribunal procède à sa ventilation si
la cession comprend des biens grevés de sûretés réelles préférentielles.
198
F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises, op. cit., pp. 167 à 169.
199
Dans le même sens, P.-M. LE CORRE, « Le créancier titulaire d'une sûreté spéciale victime de l'absence
d'affectation d'une quote-part du prix de cession », art. préc., pp. 32-33.
200
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1286.
201
Même si cette hypothèse risque d’être rare en pratique.
202
CA Aix-en-Provence, 30 octobre 1997, D. 1999, somm. , p. 2, obs. F. DERRIDA.
65
144. Avant la réforme du 12 mars 2014, le risque provenait de l'arbitraire dont le tribunal
pouvait faire preuve, étant donné que la loi ne prévoyait aucun critère pour la ventilation du prix de
cession. La détermination de la quote-part était laissée à l'appréciation souveraine des juges qui
agissaient alors au cas par cas, en fonction des éléments en cause.
L'absence de critères légaux pour la ventilation du prix de cession exposait également les créanciers
à la spoliation de leurs droits, étant donné que le prix de cession était généralement inférieur à la
valeur vénale des actifs cédés203. Cette infériorité pouvait déteindre sur la quote-part affectée aux
créanciers. Ainsi, la quote-part affectée aux créanciers était souvent réduite et même dérisoire204.
À partir de ce moment, se posait alors la question des voies de recours ouvertes au créancier lésé
dans ses droits.
145. Selon les dispositions de l'article L. 661-6, III à V du Code de commerce, les créanciers
ne peuvent former appel contre les jugements arrêtant ou modifiant un plan de cession. Il en est de
même pour le jugement statuant sur la résolution du plan de cession. Aussi, dans un arrêt du 3 mars
1992205, la Cour de cassation avait affirmé qu'un créancier ne peut interjeter appel d'un jugement
statuant en matière de plan de cession de l'entreprise. Cette décision a ensuite été réaffirmée dans un
arrêt du 15 décembre 2009206. La haute Cour rappela que l'appel-nullité ne peut être formé que par
une partie au procès. Or, le créancier qui prétend à une quote-part du prix de cession, n'est pas une
partie au jugement arrêtant le plan de cession. En conséquence, il ne peut former appel.
Compte tenu de cette situation, il fallait déterminer le moyen dont dispose le créancier lésé pour se
faire entendre.
146. La doctrine207 considère que la voie de recours ouverte au créancier pour contester les
décisions relatives à l'affectation de la quote-part du prix de cession est la tierce-opposition nullité.
Elle doit être formée dans un délai de dix jours à compter de l'avis d'insertion au BODDAC du
jugement arrêtant le plan de cession.
Cependant, l'ordonnance du 12 mars 2014 réformant le droit des entreprises en difficulté a procédé
à une modification de l'article L. 642-12, alinéa 1er. Le texte précise que la quote-part du prix de
cession affectée à chacun des biens cédés pour la répartition du prix et l'exercice du droit de
203
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Rapport de synthèse », LPA, 20 septembre 2000, n° 188, pp. 40 et s., sp. p. 42.
204
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, 9e éd., L.G.D.J, Lextenso éditions, 2012, n° 1208; Pour l'auteur, « il en
résulte dans les faits le quasi-anéantissement de ces sûretés, réduites à l'exercice d'un médiocre droit de préférence sur
une quote-part plus ou moins arbitraire d'un prix de cession souvent très faible ».
205
Cass. com., 3 mars 1992, n° 89-15. 336, Bull. civ. IV, n° 100 ; RJDA, juin 1992, p. 510, n° 642; Rev. Proc. Coll.,
1992, p. 412, obs. B. SOINNE ; Rev. Proc. Coll., 1993, p. 522, obs. B. SOINNE.
206
Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-21. 553, Bull. civ. IV, n° 167; D. 2010, AJ. p. 11, note A. LIÉNHARD ; D.
2010, pan. comm. p. 1827, note P.-M. LE CORRE ; Rev. Proc. Coll. 2010/2, p. 58, note F. PÉROCHON.
207
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op.cit, n° 582.34; F. PÉROCHON,
Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1286, infra 519. Ces auteurs considèrent que la tierce-opposition réformation étant,
conformément aux dispositions de l'article L. 661-7 du Code de commerce, fermée au créancier, la seule issue qui lui
reste est la tierce-opposition nullité, notamment en cas d’excès de pouvoir. C'est également la tierce-opposition nullité
que le créancier pourrait former si le tribunal oublie de lui affecter une quote-part du prix de cession pour l'exercice de
son droit de préférence.
66
préférence, correspond au rapport entre la valeur de ce bien et la valeur totale des actifs. Elle est
déterminée au vu de l'inventaire et de la prisée des actifs.
Cette modification pourrait bien mettre fin à la spoliation des créanciers ou, du moins, à l'arbitraire
du tribunal. En effet, la ventilation du prix de cession n'est plus laissée à l'appréciation souveraine
des juges. Il existe désormais des critères pour la détermination de la quote-part. Le tribunal devra
fixer les fractions du prix de cession en tenant compte des valeurs respectives des biens grevés de
sûretés 208 . La situation des créanciers visés par l'article L. 642-12, alinéa 1er, pourrait donc
s'améliorer puisque la ventilation du prix de cession est désormais encadrée.
Le Professeur LE CORRE 209 considère que cette modification pourrait également avoir des
conséquences sur la recevabilité des voies de recours. Selon lui, puisqu'il existe des critères pour la
ventilation du prix de cession, la fixation des quotes-parts arbitraires totalement déconnectées des
exigences légales devrait ouvrir au créancier le recours nullité pour excès de pouvoir.
147. Quoi qu'il en soit, la modification opérée par l'ordonnance du 12 mars 2014 n'a aucune
incidence sur l’assiette des sûretés réelles exclusives. N'étant pas visées par la règle de l'affectation
d'une quote-part du prix de cession, elles échappent aux conséquences engendrées par sa mise en
œuvre. Ainsi, l'absence d'affectation d'une quote-part permet aux sûretés réelles exclusives d’être à
l’abri de toute réduction de leur assiette. Les créanciers vont pouvoir continuer d'exercer leurs droits
sur l'intégralité du bien affecté en garantie, et non sur une simple quote-part du prix de cession
affecté à ce bien. L’exclusivité assure ainsi l’intangibilité de l’assiette des sûretés, celle-ci ne
pouvant être réduite à une quote-part bien souvent inférieure à la valeur du bien grevé. Ainsi en
présence des sûretés réelles exclusives, le principe de l'indivisibilité des sûretés est strictement
respecté.
En définitive, l'exclusion des sûretés réelles exclusives du domaine de la règle de l'affectation d'une
quote-part assure leur protection contre toute réduction éventuelle de l’étendue de leur assiette.
Cette solution admise en droit français est-elle applicable en droit OHADA ?
148. Conformément aux dispositions de l'article 162, alinéa 1er, de l'AUPC, « Le juge
commissaire ordonne la cession en affectant une quote-part du prix de cession à chacun des biens
cédés ». Cet article suppose que le prix de cession a déjà été fixé avant que le juge-commissaire ne
procède à sa ventilation. Il ne pourrait en être autrement puisque pour ordonner la cession, encore
faudrait-il qu'une offre ait été acceptée. Or, une offre ne peut être acceptée si le prix de cession n’est
208
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op.cit, n° 582.33; « Lecteurs choyés
de la Gazette... », Gaz. Pal., 08 avril 2014, n° 98, p.5; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., ns° 1280 et
1286.
209
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op.cit, n° 582.34.
67
pas au préalable fixé. Ainsi, comme en droit français, la mise en œuvre du mécanisme d'affectation
d'une quote-part suppose la détermination du prix de cession, et cela, préalablement à sa ventilation.
149. À l'image de la législation française antérieure à l'ordonnance de mars 2014, le
législateur communautaire africain n'a pas prévu de critères pour la détermination de la quote-part
du prix de cession. Dans ce cas, les mêmes difficultés, et notamment celles liées à la spoliation des
créanciers et l’exercice des voies de recours qui leur sont ouvertes, sont susceptibles de se poser.
En effet, le prix de cession étant généralement un prix global, il est possible que la quote-part
affectée aux créanciers soit inférieure à la valeur du bien, d'autant plus que le législateur OHADA
n'a pas, comme pour la cession intervenant dans le cadre d'un concordat de redressement, soumis
l'homologation de la cession globale à la condition du total désintéressement des créanciers munis
sûretés réelles sur les actifs cédés. Les créanciers seront, pour cette raison, limités à exercer leur
droit de préférence sur une simple quote-part du prix de cession et non plus sur l'intégralité de la
valeur du bien donné en garantie210.
En tout état de cause, si le prix de cession globale est faible, il peut en résulter une réduction de
l’assiette des sûretés grevant les biens cédés. Ne pouvant contrôler le montant de la quote-part qui
leur sera affectée, les créanciers sont exposés au risque de spoliation dans la mesure où c'est cette
quote-part qui va déterminer l'étendue de leurs droits. L'absence de solutions africaines nous amène
à considérer que les solutions avancées en droit français devraient pouvoir s'appliquer en droit
OHADA. Ainsi, s'agissant des voies de recours, seule la tierce-opposition nullité serait ouverte aux
créanciers pour contester toute décision relative à l'affectation d'une quote-part du prix de cession.
150. Les sûretés réelles exclusives n'étant pas visées par l'affectation d'une quote-part du prix
de cession, comme en droit français, elles sont à l’abri de toute réduction de leur assiette à une
simple quote-part du prix de cession.
En somme, les législations française et africaine, en écartant les sûretés réelles exclusives du
domaine de la règle de l'affectation d'une quote-part, garantissent, dans l’hypothèse d’un plan de
cession, leur protection par la préservation de l’étendue de leur assiette. En effet, ces sûretés ne
courent pas le risque d’une réduction de leur assiette pouvant résulter de la mise en œuvre de la
règle de l’affectation d’une quote-part du prix de cession.
151. Par ailleurs, compte tenu de la nature des droits que les sûretés réelles exclusives
confèrent à leurs bénéficiaires, les biens grevés ne peuvent, par principe, faire l'objet d'une cession.
Cependant, pour favoriser la poursuite de l’activité, il peut arriver que les biens fassent l’objet d’une
cession. Dans ce cas, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives vont pouvoir bénéficier d'un
régime dérogatoire favorable.
210
V. l'analyse faite en droit français.
68
Paragraphe 2/ Le traitement de faveur des créanciers munis de
sûretés réelles exclusives en cas de cession
152. Quel sort faut-il réserver aux créanciers munis de sûretés réelles exclusives dans
l'hypothèse d'une cession de biens grevés ? Nous avons vu que les sûretés réelles exclusives
échappaient à la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Ainsi, lorsqu'elle est
prévue, la cession d'un bien grevé ou son insertion dans un plan de cession ne conduira pas à la
mise en œuvre du mécanisme d'affectation, mais à l'application d'un régime dérogatoire favorable.
Alors que cette solution est clairement consacrée en droit français (A), en droit OHADA, il est
difficile d'en dire autant puisque ni le législateur communautaire, ni la jurisprudence ne s'est
prononcé sur la question (B).
153. Lorsqu'une cession est envisagée, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives
bénéficient, en principe, d'un traitement dérogatoire favorable. Cette affirmation est valable aussi
bien pour le créancier rétenteur (1) que pour les créanciers titulaires de propriétés-sûretés (2).
154. Comme nous l'avons vu, l'existence d'un droit de rétention fait échec à la mise en œuvre
du mécanisme d'affectation d’une quote-part du prix de cession211. Seul le paiement de la créance
permet de faire obstacle à l'exercice du droit de rétention212. La cession des biens retenus ou gagés
n'est donc possible que si le repreneur procède préalablement au paiement du créancier. Dans le cas
contraire, l'opposabilité du droit de rétention permet au créancier de refuser la restitution des biens
détenus tant qu'il n'est pas complètement désintéressé213. Ainsi, retenir et céder ne vaut214.
155. L'opposabilité du droit de rétention au cessionnaire est valable pour tous les droits de
rétention réels ou fictifs, et même pour le droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du
Code civil. En effet, selon les dispositions de l'article L. 622-7-I du Code de commerce, ce droit de
rétention est inopposable pendant la période d'observation et pendant la durée de l'exécution du
plan. En revanche, il est opposable dans l'hypothèse d'une cession.
211
Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-12.925, arrêt préc.
212
F.-J. CRÉDOT, « La supériorité irréductible du droit de rétention », art. préc., pp. 25-26.
213
C. POURQUIER, « Faculté de rétention et procédures collectives », D. Aff. 1998, p. 936.
214
P.-M. LE CORRE, « Le gage avec droit de rétention face au plan de cession (rien ne sert de concourir, il faut à point
retenir) », art. préc., pp. 6 et s.
69
Le créancier gagiste qui tient son droit de rétention de l'article 2286, 4° du Code civil devrait donc
pouvoir opposer son droit au cessionnaire215. L'opposabilité de ce droit de rétention devrait aussi,
pensons-nous, lui faire bénéficier des prérogatives conférées par le droit de rétention, en
l'occurrence le retrait contre paiement ou encore le report du droit de rétention sur le prix de
vente216.
156. Tout bien considéré, dans l'hypothèse d'une cession, le droit de rétention est opposable
au repreneur. Cette situation permet au rétenteur de se soustraire à l'affectation d'une quote-part du
prix de cession, d'une part, et d'obtenir le paiement intégral de sa créance préalablement à la cession
des biens retenus, d’autre part.
Mais alors, qu’en est-il des créanciers munis de propriétés-sûretés ?
157. Par principe, le débiteur ne peut céder des biens dont il n’est pas propriétaire. Cependant,
comme pour les biens retenus, il peut arriver que les actifs fiduciaires ou les biens vendus avec
clause de réserve de propriété soient inclus dans un plan de cession. Quel traitement faut-il alors
réserver aux créanciers-propriétaires ? Nous analyserons d'abord la situation du créancier
réservataire (a) puis celle du bénéficiaire de la fiducie-sûreté (b).
158. Jusqu'à l'exécution complète de son obligation, le débiteur n'est pas le propriétaire des
biens faisant l'objet d'une clause de réserve de propriété. Ceux-ci n'entrent donc pas dans son
patrimoine. En théorie, le débiteur ne peut procéder à la cession de ces biens.
Cependant, il peut arriver que des biens vendus avec une clause de réserve de propriété fassent
l'objet d'une cession. Dans cette situation, le créancier réservataire ne reçoit pas une quote-part du
prix de cession pour l'exercice de son droit de propriété. Il bénéficie plutôt d'un régime dérogatoire
favorable. En effet, il a été jugé que si des biens vendus avec clause de réserve de propriété sont
incorporés dans un plan de cession, le vendeur réservataire pourra se prévaloir de son droit de
propriété sur le prix de la cession, en faisant valoir une créance postérieure privilégiée au sens de
l'ancien article 40 de la loi du 25 janvier 1985217. Aujourd'hui, il faudrait considérer que le créancier
bénéficie d'une créance postérieure éligible au traitement préférentiel, au sens de l'article L. 622-17
du Code de commerce. Dans tous les cas, le créancier réservataire tire avantage, sur le prix de
215
O. BUISINE, « L'opposabilité du droit de rétention « fictif » dans le cadre du plan de cession », art. préc., ns° 6 à 9.
216
Cf. ns° 410 et s.
217
Cass. com., 9 juin 1992, n° 90-16.804, arrêt préc; JCP E, 1992, I. 195, n°10, obs. M. CABRILLAC; RTD com. 1994,
p. 126, obs. A. MARTIN-SERF ; B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n° 910.
70
cession des marchandises, d'une créance postérieure privilégiée et payée par priorité aux autres
créances.
159. Le professeur PÉROCHON218 avait considéré que cette solution n'était pas une réelle victoire
pour le réservataire étant donné que c'est le minimum auquel il pouvait prétendre. Cette solution
place toute de même l’intéressé dans une position enviable par rapport aux créanciers qui se voient
affecter une quote-part souvent dérisoire du prix de cession.
Par ailleurs, dans un arrêt plus récent 219 , la Cour de cassation a estimé que l'administrateur a
l'obligation d'affecter les fonds provenant de la revente des biens vendus sous clause de réserve de
propriété au règlement de la créance du vendeur dès l'issue de la revendication. De cette manière,
plus qu’une créance éligible au traitement préférentiel, le réservataire bénéficie d’un paiement
exclusif sur les sommes provenant de la revente du bien. Cette solution pourrait également s’a
ppliquer dans l’hypothèse d’une cession puisqu’elle est aussi un mode de réalisation.
160. En somme, dans l'hypothèse d'une cession de marchandises faisant l'objet d'une clause de
réserve de propriété, le créancier réservataire bénéficie d'un régime dérogatoire assez favorable, car
il échappe à l'éventualité d'une réduction de l'assiette de sa sûreté.
Qu'en est-il du bénéficiaire de la fiducie-sûreté ?
161. Le contrat de fiducie repose sur le transfert des actifs fiduciaires dans un patrimoine
fiduciaire. Les biens sortent de leur patrimoine d'origine pour intégrer un nouveau patrimoine. Cette
opération juridique a des conséquences sur le constituant puisque ce dernier n'a plus la main mise
sur les actifs fiduciaires. Les biens ne lui appartenant plus ; ils échappent, par principe, à la
procédure collective de ce dernier. Logiquement, ces actifs ne peuvent plus être appréhendés pour
les besoins de la procédure. Cette solution devrait être valable même si les biens font l'objet d'une
convention de mise à disposition, en vertu de laquelle le débiteur conserve l'usage et la jouissance
des biens transférés dans un patrimoine fiduciaire. En effet, peu important qu'il en conserve ou non
la possession, le constituant n'est plus le propriétaire des actifs fiduciaires. Il ne peut donc, en
principe, les inclure dans un plan de cession 220 . Ainsi, faute d'appartenir au débiteur, les actifs
fiduciaires ne sauraient être appréhendés dans le périmètre d'un plan de cession.
Comme l'a souligné un auteur 221 , l'efficacité de la fiducie face au plan de cession place le
bénéficiaire dans une situation d'exclusivité éminemment sécurisante, car il se trouve à l'abri de tout
218
F. PÉROCHON, obs. sous Cass. com., 9 juin 1992, n° 90-16.804, arrêt préc., D. 1993, p. 296.
219
Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-18.638, Bull. civ. IV, n° 5; D. 2000, p. 56; JCP E, 2000, 298, n° 8, obs. M.
CABRILLAC.
220
CA Paris, 4 novembre 2010; JurisData, n° 2010-025412; JCP G, 2011, 71, n°4, comm. M. RUIZ; Rev. Proc. Coll.
mars 2011/2, p.54, note J.-J. FRAIMOUT.
221
K. LUCIANO, « Fiducie-sûreté et plan de cession », Rev. Proc. Coll. mars 2011, n°2, étude 9, p. 21.
71
concours avec d'autres créanciers sur les actifs en cause, et le prémunit par principe contre une
opération de restructuration attentatoire à ses intérêts.
162. Par ailleurs, l'article L. 642-7, alinéa 5, du Code de commerce exclut la possibilité
d'intégrer une convention de mise à disposition dans un plan de cession, sauf accord des
bénéficiaires du contrat de fiducie. Tout comme les actifs fiduciaires, la convention de mise à
disposition ne peut être judiciairement cédée, quand bien même elle serait nécessaire à la poursuite
de l'activité.
163. Finalement, à l’instar du créancier rétenteur, les créanciers bénéficiaires de propriétés-
sûretés échappent à la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession. Ils bénéficient
également d'un régime dérogatoire qui leur permet d'obtenir un paiement prioritaire de leur créance.
Si le bénéfice d’un traitement de faveur au profit des créanciers munis de sûretés réelles exclusives
est admis en doit français, qu'en est-il en droit OHADA ?
72
garantie fait l'objet d'une cession, les créanciers munis de ces sûretés devraient bénéficier d'un
régime dérogatoire favorable.
Conclusion du chapitre
73
CHAPITRE 2/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES PAR LA PRÉSERVATION DE
L’IDENTITÉ DE LEUR ASSIETTE
167. L’identité de l’assiette des sûretés est touchée lorsqu’il est fait application de la règle de
substitution de garantie. Inspirée par l'article 522 du Code de procédure civile, elle a été adaptée en
droit français au contexte des entreprises en difficulté, par la loi du 25 janvier 1985 dans ses articles
34 et 78. Aujourd'hui, cette mesure est régie par les alinéas 3 des articles L. 622-8 et L. 626-22 du
Code de commerce. Elle permet au débiteur de proposer aux créanciers titulaires de sûretés réelles
la substitution des garanties qu'ils détiennent par d’autres garanties équivalentes ou présentant des
avantages similaires.
168. Comme l'affectation d'une quote-part du prix de cession, la substitution de garantie a été
instituée en vue de favoriser le redressement de l'entreprise 222 au détriment des intérêts des
créanciers. En période d’observation, les fonds provenant de la vente de biens grevés de sûretés
réelles, en principe indisponibles, peuvent être rendus disponibles en contrepartie d’une substitution
de garantie. Dans l’hypothèse d’un plan de continuation, la substitution de garantie va permettre de
contourner l’affectation de ces fonds au désintéressement des créanciers inscrits. Dans tous les cas,
la substitution de garantie permet à l’entreprise de se procurer une trésorerie qui peut, en tout état de
cause, favoriser la poursuite de son activité223.
L'objectif de redressement justifie également le caractère autoritaire de la substitution de garantie.
En effet, il résulte des dispositions des articles L. 622-8, alinéa 3, et L. 626-22, alinéa 3, du Code de
commerce que le juge compétent (juge-commissaire ou tribunal) peut imposer la substitution de
garantie au créancier réfractaire.
169. Quoi qu’il en soit, la substitution de garantie est une exception à la consignation du prix
de vente des biens grevés de sûretés réelles (en période d’observation), et au paiement des
créanciers inscrits (après adoption d’un plan de continuation). Aussi, son domaine d’application
s’entend comme étant le prolongement des alinéas 1er des articles L. 622-8 et L. 626-22 précités.
La substitution de garantie n’est donc possible qu’en cas de vente de bien grevé d’un privilège, d’un
gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque. Par ailleurs, dans la mesure où le législateur ne l'a
pas prévue dans l'hypothèse d'un plan de cession ou dans la procédure de liquidation judiciaire, la
substitution de garantie n’est envisageable qu'en période d'observation ou au cours de l’exécution
d'un plan de sauvegarde ou de redressement.
222
F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises, op. cit., pp. 237 et s.
223
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n° 1324.
74
170. S’agissant de son mécanisme, la substitution de garantie peut revêtir deux formes.
Il peut s'agir d'un changement de sûretés ; c'est le cas lorsqu'un gage est remplacé par un
nantissement ou qu'une hypothèque est substituée par un cautionnement bancaire. Il peut s’agir
aussi d’un simple changement du bien objet de la sûreté224, et ce, sans qu'il y ait changement de la
nature même de la sûreté. Le bien est alors remplacé par un bien totalement différent ou un autre
bien de même nature. C’est le cas lorsqu’un immeuble est remplacé par un autre immeuble, c’est
également le cas lorsque les biens en cause sont des biens fongibles. En tout état de cause, qu’il
s’agisse d’un changement de la sûreté ou du bien, la substitution de garantie implique
nécessairement un changement de l’identité de l’assiette de la sûreté.
171. À ce stade, il convient de relever que si en droit français la substitution de garantie est
clairement réglementée, la situation diffère considérablement en droit OHADA.
Sous l'empire de l'ancien AUS, il existait des traces d'une règle de substitution de garantie 225. En
effet, le dernier alinéa de l’article 42 de cet Acte Uniforme prévoyait que « Le créancier doit
renoncer au droit de rétention si le débiteur lui fournit une sûreté réelle équivalente ». L'ordre de
renonciation donné au créancier et la contrainte imposée au débiteur de lui procurer une sûreté
réelle équivalente faisaient nécessairement penser à la substitution de garantie telle qu’elle est régie
en droit français. Cependant, contrairement à son homologue français, le législateur OHADA était
resté assez silencieux sur cette question. Il ne donnait aucune précision sur la procédure de
substitution ou sur les moyens de l’imposer au créancier qui s’y refusait 226 . Par ailleurs, le
législateur avait réduit la portée de la substitution de garantie en la limitant au droit de rétention et
éventuellement au gage227.
172. Avec la réforme du droit des sûretés intervenue le 15 décembre 2010, le législateur
communautaire africain a opté pour la solution radicale qui consiste en la suppression de la
substitution de garantie. Les articles relatifs au droit de rétention ne font donc plus référence à une
éventuelle substitution de garantie228.
Cette solution se comprend aisément puisque le droit de rétention n’est plus assimilé au gage.
Désormais, qu'il s'agisse du droit commun des sûretés ou du droit des entreprises en difficulté, il
n'existe plus des traces d’un mécanisme de substitution de garantie en droit OHADA. Sur ce point,
224
V. P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du
25 janvier 1985) », D. Aff. 1998, p. 1246.
225
Sur la question v. ; J. ISSA- SAYEGH, « Le droit de rétention en droit sénégalais », art. préc., pp. 261 et s. sp. pp.
271 et s ; F. ANOUKAHA, A. CISSE- NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. YANKHOBA NDIAYE, M. SAMB,
OHADA Sûretés, Collection Droit Uniforme Africain, Juriscope, Bruylant, Bruxelles 2002, ns° 186 et s ; J.-C.
OTOUMOU, « Le droit de rétention en droit OHADA », art. préc., pp. 81 et s ; A. AKRAWATI WHAMSIDINE, « Le
droit de rétention en droit uniforme (OHADA) », art. préc., pp. 279 et s. sp. pp. 320 et s.
226
J. ISSA- SAYEGH, « Le droit de rétention en droit sénégalais », art. préc., p. 274 ; A. AKRAWATI
WHAMSIDINE, « Le droit de rétention en droit uniforme (OHADA) », art. préc., p. 324.
227
Art. 43 de l'ancien AUS.
228
Art. 67 à 70 de l’AUS.
75
le législateur communautaire africain a su se détacher du droit français. De ce fait, les
développements suivants ne porteront que sur l'analyse de la substitution de garantie en droit
français.
173. Cependant, en tenant compte de l'objet de notre étude, il ne s'agit pas de traiter de la
substitution de garantie à travers le prisme des créanciers titulaires de sûretés réelles préférentielles
pour lesquels la règle a été instituée. Il est plutôt question d’examiner la protection dont les sûretés
réelles exclusives vont pouvoir bénéficier au regard de cette règle. En effet, il ressort des articles
L. 622-8 et L. 622-26 que ces sûretés ne sont pas visées par la substitution de garantie. Il en résulte
une préservation de l’identité de leur assiette dont il faudrait préciser les fondements.
Toutefois, la détermination des fondements de la préservation de l’identité de l’assiette des sûretés
réelles exclusives revient en réalité à s’interroger sur leur exclusion du domaine de la substitution
de garantie. Ainsi, il convient d’analyser les fondements de cette situation (section 1) avant d’en
préciser les effets (section 2).
174. Il résulte des dispositions de l’article L. 622-8, alinéa 3, que « Le débiteur peut proposer
aux créanciers, la substitution aux garanties qu’ils détiennent des garanties équivalentes ».
Lorsque l’on se réfère à la formulation de cet article, on pourrait penser que la substitution de
garantie s'applique à l'ensemble des sûretés aussi bien réelles que personnelles. En effet, le texte fait
référence aux "garanties". Or, si toutes les garanties ne sont pas des sûretés, toute sûreté a
nécessairement une vocation de garantie. De cette manière, toutes les sûretés, y compris celles qui
placent leur titulaire dans une situation d’exclusivité, seraient visées par la substitution de garantie.
Mais l’articulation de l’article L. 622-8 permet de comprendre que la règle de la substitution de
garantie prévue par l’alinéa 3 n’est qu’une exception à la règle de la consignation du prix de vente
prévue par l’alinéa 1er du même article. Aussi, l’alinéa 3 de l’article L. 622-8 ne peut être lu qu’en
considération de l’alinéa 1er du même texte229. La substitution de garantie n’est donc possible qu’en
cas de vente d’un bien grevé d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement ou d’une
hypothèque.
229
La doctrine est unanime sur la question ; D. MARTIN, « L'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 est-il
applicable au gage ? », D. 1986, Chron. p. 325 ; « Le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises », Banque
éd., 1986, p. 23, n° 49 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 586 ; P.-M. LE
CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 484.11 ; M. BOURASSIN, V.
BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 2429 ; F. MACORIG-VENIER, Les
sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, op. cit., pp. 228 et s.
76
Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à l’article L. 626-22, alinéa 3, qui dispose que « Si un
bien est grevé d’un privilège, d’un gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque, une autre
garantie peut lui être substituée en cas de besoin, si elle présente des avantages équivalents ».
Comme la consignation du prix, la substitution de garantie ne vise que les sûretés réelles
préférentielles, qu’elles soient d’origine légale ou conventionnelle.
175. S’agissant des sûretés réelles exclusives, dans la mesure où elles ne sont pas visées par
les dispositions des articles L. 622-8 et L. 626-22, elles échappent, par principe, à la substitution de
garantie. Pour autant, rien n’interdit au débiteur de proposer aux créanciers munis de telles sûretés
la substitution aux garanties qu’ils détiennent de garanties équivalentes. Ils peuvent alors accepter
ou refuser cette proposition.
À la différence des sûretés réelles préférentielles, la nature des droits conférés par les sûretés réelles
exclusives permet aux créanciers bénéficiaires d’éviter la substitution judiciaire de garantie. En
effet, ils ne sont pas soumis aux injonctions du juge (juge-commissaire ou tribunal) ordonnant la
substitution de garantie. En conséquence, seule une substitution conventionnelle de garantie est
envisageable pour les créanciers bénéficiaires de sûretés réelles exclusives.
176. Il se pose donc la question de la détermination des fondements de l'exclusion des sûretés
réelles exclusives du domaine de la substitution de garantie. Nous remarquerons qu’il existe une
différence de traitement entre le droit de rétention et les propriétés-sûretés. En effet, alors que
l'exclusion du droit de rétention s'est faite de manière progressive (paragraphe 1), on ne saurait en
dire autant de l'exclusion des propriétés-sûretés qui demeure constante (paragraphe 2).
179. Alors même que le législateur de 1985 n'avait pas cité le droit de rétention au titre des
garanties substituables, son exclusion législative ne semblait pas convaincre l'opinion. En effet, au
lendemain de l'adoption de la loi du 25 janvier 1985, les articles 33, alinéa 3, et 34 de ladite loi
jetèrent vite le trouble sur leur compatibilité. Cette ambiguïté a conduit la doctrine à s'interroger sur
la portée réelle de chacun de ces textes.
180. Le professeur MARTIN 230 tente, dans une analyse rigoureuse, de préciser le champ
d'application qui pourrait être celui de chacun des textes en concours, mais aussi de démontrer
pourquoi le gage devrait nécessairement être soustrait aux dispositions de l'article 34, et notamment
à la substitution de garantie.
Tout au long de son analyse, il défend l'idée d'une indépendance réciproque entre les textes. Il pose
comme postulat le fait que le législateur ait créé un texte spécial régissant le sort des créanciers
gagistes et rétenteurs, alors même qu'un texte plus général avait été prévu pour l'ensemble des
garanties. Ainsi, l'article 33, alinéa 3, devait, en raison de son caractère spécial, s'appliquer au
détriment de l'article 34. C'est dans ce sens que l'auteur affirme que « si les choses spéciales
dérogent aux choses générales, il est bien dans la vocation du gage de n'être point assujetti à
l'éventualité de son remplacement forcé par une autre et quelconque garantie »231. Aussi, lorsqu'il
est question du gage ou du droit de rétention, seule la technique du retrait contre paiement trouve
matière à s'appliquer. Elle constitue la seule voie de dégrèvement du bien gagé ou retenu. En
conséquence, la substitution de garantie ne saurait s’appliquer en dépit de son caractère autoritaire.
Poursuivant sa démonstration, le professeur MARTIN met ensuite en avant le caractère global de
l'article 33, alinéa 3, pour justifier son indépendance à l'article 34. Il précise qu’« outre son caractère
de texte spécial, l’article 33, alinéa 3, doit aussi son indépendance vis-à-vis du texte concurrent à sa
globalité téléologique » 232 . La généralité résulterait du fait que le premier texte n'autorise le
paiement du créancier gagiste ou rétenteur que lorsque ce dernier retient un bien nécessaire à la
230
D. MARTIN, « L'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 est-il applicable au gage ? », art. préc., p. 325
231
Ibid.
232
Ibid., p. 326.
78
poursuite de l'activité du débiteur. En ce sens, l'auteur explique que cette idée de « poursuite
d'activité constitue un déni à toute velléité d'assujettissement cumulatif du gage à l'article 34. Car la
substitution de garantie prévue par l'article 34 est conçue comme un préalable à l'aliénation du bien
grevé de sûreté réelle spéciale, et donc ordonnée à l'objectif de sa vente. Or l'article 33, alinéa 3,
intègre déjà précisément, par sa référence à la continuation de l'activité, l'hypothèse d'une réalisation
souhaitable de la chose retenue ou gagée ». De la sorte, « il est peu probable que le législateur ait
entendu soumettre cette chose, dans la même éventualité de sa vente, à deux textes différents aux
dispositions incompatibles »233.
Puis, il s'intéresse particulièrement au droit de rétention qui découle de la notion de « chose
légitimement retenue » employée par le législateur. L’auteur va à juste titre penser que le créancier
gagiste et le créancier rétenteur doivent bénéficier d'un traitement analogique, en l'occurrence le
retrait de la chose gagée ou retenue contre le paiement du créancier. Par conséquent, ces créanciers
ne peuvent être assujettis aux dispositions de l'article 34. L'auteur précise à cet effet que «
l'intention incluse dans ce texte est-elle bien d'isoler le gage avec dessaisissement et rétention des
autres sûretés réelles spéciales, pour le soustraire aux dispositions de l'article 34, et notamment à la
faculté de substitution des garanties »234.
Pour finir, il démontre l'indépendance des textes concurrents en s'appuyant sur la différence de leur
champ d'application. Il affirme en effet que « l'usage successif des mots gage puis nantissement
dans les articles 33, alinéa 3, et 34, n'est pas une coquetterie de plume, ni un effet du hasard, ni le
produit d'une inadvertance, il traduit une volonté d'alignement du nantissement, mais non du gage,
sur les autres sûretés réelles spéciales sans déplacement »235. En somme, les articles 33, alinéa 3, et
34 ayant des domaines distincts, l'auteur conclut à juste titre que le droit de rétention échappant aux
dispositions de l'article 34, il doit naturellement être exclu du domaine de la substitution de garantie.
Cette idée se confirme lorsqu'il précise que « l'article 33, alinéa 3, ne s'accommode d'aucune rivalité
textuelle, le droit de rétention suffit, par son exclusivité, à lui épargner toute concurrence, fût-ce de
l'article 34 »236.
181. Dans le même sens, le professeur MACORIG-VENIER 237 a soutenu que les sûretés
réelles grevant les biens dont la réalisation est susceptible de donner lieu à la substitution sont les
sûretés sans dépossession, à l’exclusion des sûretés reposant sur la propriété ou la rétention.
Les sûretés réelles sans dépossession sont donc la cible exclusive de la substitution de garantie238.
En s'intéressant particulièrement au droit de rétention, l’auteur évoque, sur la base du régime de
233
Ibid.
234
Ibid.
235
Ibid.
236
Ibid., p. 327.
237
F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises, op. cit., p. 229.
238
Ibid., pp. 232 et s.
79
faveur institué par l'article 33, alinéa 3, à l'égard du créancier rétenteur gagiste ou non, la thèse
d'une « inapplicabilité de la substitution de la garantie au gage avec dépossession »239. Or, le gage
avec dépossession étant nécessairement assorti d'un droit de rétention, on peut considérer que
l’auteur défend donc l’idée d’une soustraction du droit de rétention de la substitution de garantie.
182. Toujours en faveur d’une exclusion du droit de rétention, le professeur LE CORRE, en
analysant un arrêt rendu le 1er décembre 1997240 par la cour d'appel de Toulouse, affirma que «
retenir et substituer ne vaut »241.
En l'espèce, la société Majeste, spécialisée dans les produits gastronomiques du Sud-ouest, avait,
par actes sous seing privé, constitué deux contrats de gages sur stocks portant sur des marchandises
diverses. Dans le premier acte du 20 mars 1997, elle avait conclu un gage avec un pool bancaire
composé de six banques dont le chef de file était le Crédit agricole ; et, dans le second acte du 2
avril 1997, le gage avait été consenti à titre personnel avec le Crédit agricole uniquement. Dans les
deux cas, les parties avaient eu recours à une société d'entiercement pour assurer la dépossession, en
l’occurrence la société Auxiga. Les deux actes de gage prévoyaient qu'avec l'accord du créancier
gagiste agissant soit comme chef de file (dans le premier acte), soit à titre personnel (dans le second
acte), le constituant du gage pouvait être autorisé à retirer des marchandises gagées moyennant la
substitution simultanée aux marchandises retirées, de marchandises d'un montant équivalent en
valeur déclarée.
Placée en redressement judiciaire le 22 avril 1997, la société Majeste sollicita du créancier gagiste
(Crédit agricole), par l'intermédiaire de son administrateur, l'autorisation d'une substitution des
marchandises en exécution des deux contrats de gage. Confrontés au refus du créancier gagiste qui
agissait tant en son nom propre qu'à celui de l'ensemble des établissements bancaires membres du
pool, la société Majeste et les représentants de la procédure collective assignèrent le Crédit Agricole
devant le juge-commissaire afin qu'il ordonne la substitution de la sûreté.
Par une ordonnance rendue le 29 avril 1997, le juge-commissaire ordonna la substitution.
Mécontent, le créancier gagiste interjeta appel de la décision. Il revenait alors aux juges d’appel
toulousains de se prononcer sur la question de savoir si la substitution de garantie pouvait être
imposée au créancier gagiste-(rétenteur). Par une décision clairement motivée, ceux-ci firent droit à
la requête du créancier gagiste en déboutant la société Majeste et ses représentants de leur demande
de substitution du gage.
183. Dans son analyse, le professeur LE CORRE commence par distinguer la substitution de
l'assiette de la substitution de la sûreté. Il précise que la clause insérée dans les actes de gage
239
Ibid., p. 232-231.
240
CA Toulouse, 1er décembre 1997, D. Aff. 1998, p. 1246, obs. P.-M. LE CORRE.
241
P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25
janvier 1985) », art. préc., pp. 1246 et s ; « L’invincibilité du droit de rétention dans les procédures collectives de
paiement », art. préc., p. 2816.
80
prévoyait, sous réserve de l'accord du créancier gagiste, non pas une substitution de la sûreté, mais
une substitution de l'assiette de la sûreté. Par conséquent, la requête formulée par l'administrateur
devant le juge-commissaire et tendant à obtenir une substitution de sûreté ne devait en réalité pas
prospérer, en raison de sa non-conformité à ladite clause. Pour respecter celle-ci, l'administrateur
devait solliciter une substitution de l'assiette. Là encore, l'auteur est sceptique. Il pense que cette
demande n'aurait pas pu aboutir, car la faculté de substitution était subordonnée à l'accord du
créancier gagiste. Or, en l’espèce, le créancier n’avait pas donné son accord. Aussi, pour contourner
la difficulté, l'administrateur préféra solliciter du juge-commissaire une substitution de sûreté242.
Cette précision apportée, l'auteur se penche ensuite sur les motifs de l'arrêt rendu par les juges
toulousains. Comme ces derniers, il se prononce en faveur de l'exclusion du droit de rétention de la
substitution de garantie. Pour soutenir sa thèse, l’auteur commence par un raisonnement
contradictoire. Dans un premier temps, il démontre que l'article 34, alinéa 3243, vu qu’il emploie le
terme générique de garanties dont les sûretés ne constituent qu'une sous-catégorie, devait, du fait de
sa généralité, s'appliquer à toutes les sûretés, qu'elles soient ou non assorties d'un droit de rétention,
dans la mesure où aucune disposition législative ne prévoyait expressément leur exclusion du
domaine de la substitution. Aussi, en se fondant sur le caractère général des dispositions de l'article
34, alinéa 2, l'auteur affirme qu' « il semblerait donc difficile d'exclure du domaine de la
substitution de garanties les gages avec droit de rétention »244. Mais en analysant l'article 33, alinéa
3, qui envisage le retrait du gage ou de la chose légitimement retenue contre paiement, l'auteur
aboutit très rapidement à la conclusion d'une incompatibilité entre les textes mis en cause.
Comme le professeur MARTIN245, le professeur LE CORRE fait du caractère spécial de l'article 33,
alinéa 3, le fondement textuel de l'exclusion du droit de rétention du domaine de la substitution. En
application de la règle specialia generalibus derogant, il affirme que « si une disposition spéciale
envisage, en période d'observation, la situation du gage avec droit de rétention, il y a lieu de
considérer qu'elle doit faire échec à d'autres dispositions plus générales » 246 . Poursuivant son
analyse, l'auteur va justifier l'exclusion du droit de rétention de la substitution de garantie par
l'indépendance des domaines d'application respectifs des articles 33, alinéa 3 et 34, alinéa 2. Pour ce
faire, il s'est posé la question de savoir si les articles concurrents pouvaient, chacun, être considérés
comme une exception pour l'autre article. Ayant répondu par la négative, en raison du caractère
exceptionnel de l’alinéa 3 de l’article 33 et de l’alinéa 2 de l’article 34, l'auteur conclut qu' « aucun
242
P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25
janvier 1985) », art. préc., pp. 1246 et 1247.
243
L’article 34 de la loi du 25 janvier ne comporte pas un troisième alinéa, aussi, nous dirons alinéa 2.
244
P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25
janvier 1985) », art. préc., p. 1247.
245
D. MARTIN, « L'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 est-il applicable au gage ? », art. préc., p. 325.
246
P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25
janvier 1985) », art. préc., p. 1247.
81
lien d'allégeance ne peut être trouvé entre ces deux textes d'exception qui intéressent des problèmes
distincts »247.
Sur le terrain de la logique juridique, l'auteur démontre que le retrait contre paiement étant la seule
voie de dégrèvement du droit de rétention, il n'est pas possible d'imposer au rétenteur une
substitution de garantie, car celle-ci n'entraîne pas le paiement direct du créancier. Il affirme que «
c'est la force du droit de rétention qui fait obstacle à la technique de la substitution de la sûreté »248.
Pour finir, il considère que l'exclusion du droit de rétention de la substitution de la garantie est
acquise en présence d’un droit de rétention aussi bien réel que fictif. Aussi, il ajoute que « lorsque le
législateur accorde à un créancier un droit de rétention fictif, il place ce dernier dans la même
situation que celle qui serait la sienne en présence d'un droit de rétention réel. C'est la raison pour
laquelle, sauf disposition contraire d'un texte, il n’y a pas lieu de distinguer entre droit de rétention
réel et droit de rétention fictif »249.
En somme, seul le paiement du créancier permet de faire obstacle à l’exercice du droit de rétention.
Or, la substitution de garantie ne vaut pas paiement du créancier rétenteur. Le droit de rétention est
donc exclu de la substitution de garantie.
184. Cependant, l'exclusion du droit de rétention de la substitution de la garantie n'avait pas
fait l'unanimité. Une partie de la doctrine s'était, en effet, prononcée en sens inverse.
Certains 250 qui se fondaient sur l'argument terminologique et la nécessité d'un redressement de
l'entreprise, avaient préconisé l'application de la substitution de la garantie tant au gage avec
dépossession qu'au gage sans dépossession. Un autre auteur251 qui a contesté l'analyse faite par le
professeur MARTIN 252 et s’est appuyé sur la possibilité qu'offre le législateur d'aliéner un bien
légitimement retenu en liquidation judiciaire, est parvenu à conclure qu'il était possible d'inclure le
gage avec dépossession dans la liste des sûretés substituables.
En visant le gage avec dépossession qui, sous l’empire des législations antérieures, était déjà assorti
d'un droit de rétention, les partisans de cette thèse concevaient donc la possibilité d’une substitution
de garantie en présence d’un droit de rétention réel. Le droit de rétention n'ayant aucune existence
autonome, il devait, en vertu de la règle l'accessoire suit le principal, subir le même sort que le gage
dont il dépendait. Ainsi, pour ces auteurs, le droit de rétention pouvait, dans certains cas, tomber
sous le coup des dispositions de l’article 34.
247
Ibid., p. 1248.
248
Ibid.
249
Ibid., p. 1249
250
Ph. DELEBECQUE, « Les sûretés dans les nouvelles procédures collectives », JCP 1986, I, 185 ; P.-M. LE CORRE,
« Les créanciers gagistes face au redressement judiciaire et la règle du concours », Rev. Proc. Coll. 1990/1, p. 21.
251
D. POHÉ, « La substitution judiciaire de garanties dans la loi du 25 janvier 1985 », Rev. Proc. Coll. 1992/3, pp. 245
et s. sp. pp. 253-254.
252
D. MARTIN, « L'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 est-il applicable au gage ? », art. préc., pp. 325 et s.
82
185. Nous ne partageons pas tout à fait cette position.
D’abord, s’agissant de l’argument terminologique, il est vrai que les articles 34 et 78 de la loi du 25
janvier 1985 employaient le terme de nantissement qui, sous l’empire des législations antérieures à
l’ordonnance du 23 mars 2006, désignait à la fois le gage lorsqu’il portait sur des choses mobilières
et l’antichrèse lorsqu’il avait pour objet des choses immobilières. Mais, comme l’a très justement
souligné le professeur MARTIN253, sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, le nantissement
désignait en réalité un gage sans dépossession et a priori, pensons-nous, dépourvu d’un droit de
rétention.
Dans le même sens, le professeur LE CORRE 254 affirme que « les législations modernes,
lorsqu'elles employaient les termes "nantissement" et "gage" distinguaient soigneusement les
premiers des seconds, en n'utilisant le vocable "nantissement" que dans les seules hypothèses où la
sûreté était dépourvue du droit de rétention. Il en était ainsi, par exemple pour le nantissement sur
fonds de commerce. En revanche, lorsque le législateur évoquait une sûreté mobilière assortie d'un
droit de rétention, il parlait de "gage". Ainsi en était du gage sur véhicule automobile ». Il en résulte
que le législateur de l'époque utilisait le terme de nantissement lorsque la sûreté n’était pas assortie
d’un droit de rétention. En revanche, il faisait référence au gage lorsque la sûreté conférait à son
titulaire un droit de rétention. En visant donc le nantissement à l’article 34, le législateur n’entendait
désigner que les sûretés mobilières dépourvues d’un droit de rétention.
S’agissant ensuite de l’argument fondé sur le redressement de l’entreprise, l’article 33, alinéa 3, qui
envisageait l’hypothèse d’un retrait contre paiement permettait justement de libérer les biens utiles à
la poursuite de l’activité. De cette manière, le législateur avait anticipé sur le risque de paralysie du
redressement pouvant résulter de la rétention d’un bien utile.
Enfin, même si le législateur envisageait la possibilité d'aliéner un bien légitimement retenu en
liquidation judiciaire, les droits du créancier rétenteur étaient néanmoins préservés. En effet,
conformément à l’article 159, alinéa 4 de la loi du 25 janvier, dans l’hypothèse d’une vente du bien
retenu, le droit de rétention se reporte sur le prix de vente. Ainsi, le créancier rétenteur ne pouvait
subir la substitution de garantie puisque seul le paiement de la créance permet de faire échec à
l’exercice du droit de rétention.
186. Nous sommes plutôt d’avis avec la doctrine majoritaire 255 . Nous optons pour
l'incompatibilité des articles L. 622-7-II, alinéa 2 (ancien article 33, alinéa 3) et L. 622-8, alinéa 3
253
D. MARTIN, « L'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 est-il applicable au gage ? », art. préc., p. 326.
254
P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n°482.11.
255
D. MARTIN, « L'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 est-il applicable au gage ? », art. préc., pp.325 et s;
A KORNMANN, « La substitution de garantie et la loi du 25 janvier 1985 ( À propos de quelques éléments omis) »,
JCP N, 1988, I, 726, p. 584 ; F. DERRIDA, P. GODÉ, J.P SORTAIS, Redressement et liquidation judiciaires des
entreprises, 3e éd., Dalloz, 1991, n° 539; F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement
et la liquidation judiciaire des entreprises, op. cit., p. 228 et s ; M.-H. MONSÉRIÉ, Les contrats dans le redressement
et la liquidation judiciaires des entreprises, préf. C. SAINT-ALARY-HOUIN, Litec 1994, Bibl. de droit de l’entreprise,
83
(ancien article 34, alinéa 2). Mais encore, nous soutenons l'idée d'une application exclusive de
l'article L. 622-7-II, alinéa 2, lorsqu'il est question du créancier rétenteur, peu important que le droit
de rétention soit autonome ou qu’il résulte d’un gage. En effet, comment comprendre que le
législateur de 1985, dont l'objectif premier était clairement de favoriser le redressement de
l'entreprise au détriment du paiement des créanciers, ait malgré tout créé un texte spécial fortement
favorable au créancier rétenteur ? En agissant de la sorte, le législateur a simplement voulu
soustraire le rétenteur aux dispositions de l'article 34, mais aussi à toutes autres techniques
susceptibles de porter atteinte au droit de rétention. En conséquence, seul le paiement du créancier
rétenteur demeure le moyen de mettre efficacement en échec le droit de rétention. En décider
autrement reviendrait à remettre en cause l'efficacité du droit de rétention, mais aussi à violer les
dispositions législatives256.
Quoi qu’il en soit, le contraire ne saurait être admis aujourd’hui. En effet, la jurisprudence a
finalement consacré l’exclusion du droit de rétention de la substitution de garantie.
vol. 33, n° 472 ; B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n°1324; P.-M. LE CORRE, « Retenir et
substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985) », art. préc., p. 1246 ;
C. POURQUIER, « Faculté de rétention et procédures collectives », art. préc., p. 936 ; A. LIÉNHARD « Le créancier
rétenteur ne peut se voir imposer une substitution judiciaire de garantie », D. 2000, p. 361; S. PIÉDELIÈVRE, «
Domaine et efficacité du droit de rétention en cas de procédure collective », D. 2001, p. 465; H. NARAYAN-
FOURMET, « Le droit de rétention dans le gage: l'arme absolu du créancier », LPA, 8 juin 2001, n° 114, p. 20.
256
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 484.12
257
Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-11.803, Bull.civ. IV, n°136; D. 2000, AJ, p. 361, obs. A. LIÉNHARD ; D. 2001,
p.465, note S. PIÉDELIÈVRE; LPA, 8 juin 2001, n° 114, p. 20, note H. NARAYAN- FOURMET; RTD com. 2000, p.
1009, note A. MARTIN-SERF ; JCP G, 2001, I, 298, n° 13, obs. M. CABRILLAC.
258
CA Toulouse, 1er décembre 1997, arrêt préc., D. Aff. 1998, p. 1250, obs. P.- M. LE CORRE.
84
alinéa 3) et d'autre part, d'obtenir, du liquidateur, un règlement spontané (article 159, alinéa 1 er.)
ou encore une attribution judiciaire du bien gagé (article 159, alinéa 3) ». Ensuite, elle considéra
que « le droit du créancier gagiste à ne délivrer la chose que contre paiement, consacré par
l'article 33, alinéa 3 de la loi susvisée, ne peut être compris comme trouvant sa limite dans le
pouvoir du juge-commissaire d'imposer une substitution de gage. En effet, raisonner ainsi
reviendrait à enlever toute portée à l'article 33, alinéa 3 et à considérer que les dispositions des
articles 33 et 34 sont simplement alternatives alors pourtant que le législateur ayant pris le soin de
prévoir des dispositions distinctes, et surtout d'utiliser une sémantique différente puisque l'article
33 vise expressément le gage et la chose légitimement retenue, tandis qu'il mentionne dans l'article
34 le bien grevé d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque ». Ainsi, la cour
d’appel conclut à la recevabilité et au bien fondé l’appel des créanciers gagistes. Elle avait donc
débouté le débiteur et l’administrateur de leur demande de substitution de gage. Par cette décision,
les juges toulousains avaient écarté la possibilité d’une substitution de garantie en présence d’un
droit de rétention.
188. Faisant grief aux juges d’appel d’avoir statué ainsi, la société Majeste, la débitrice, dont
la situation est passée du redressement à la liquidation judiciaire, a, par l’intermédiaire du
liquidateur, formé un pourvoi en cassation contre leur décision.
Devant la Cour de cassation, le liquidateur judiciaire a mis en exergue l'esprit de la loi du 25 janvier
1985 dont la finalité première était d'assurer le redressement de l'entreprise. À cet égard, il arguait
que si l'article 33 de ladite loi interdisait de payer toute créance née antérieurement au jugement
d'ouverture, les dispositions de son troisième alinéa permettaient le retrait du bien gagé contre
paiement du créancier, non pas pour extraire le bien gagé du patrimoine du débiteur pour la
satisfaction d'un créancier qui serait supérieur aux autres, mais pour remettre le bien gagé au
débiteur, afin de lui permettre de poursuivre l'activité de l'entreprise.
Le liquidateur judiciaire poursuivait en soutenant que c'est dans le même but que l'article 34 permet
de proposer aux créanciers la substitution aux garanties qu'ils détiennent de garanties équivalentes.
Selon lui, les dispositions des articles 33 et 34 n'ont pas pour finalité de protéger les créanciers
gagistes, mais elles permettent au débiteur de poursuivre l’activité de l’entreprise. Ainsi, l'article 33,
alinéa 3, ne saurait exclure l'application de l'article 34, alinéa 2. Il affirmait alors que la cour
d'appel, en rejetant la demande en substitution, a méconnu la finalité de la loi du 25 janvier 1985 et
violé, par fausse interprétation, ses articles 33 et 34.
De cette argumentation, il ressort que le liquidateur judiciaire défend l'idée d'un domaine partagé
entre les articles 33 et 34. Ainsi, il serait possible pour les organes de la procédure d'appliquer l'un
ou l'autre des textes au créancier rétenteur ; la finalité recherchée étant d'assurer la continuité de
l'entreprise et non la supériorité de ce dernier sur les autres créanciers du débiteur.
85
189. Bien qu’attrayant, le pourvoi fut rejeté. La Cour de cassation avait plutôt décidé que
« le droit de rétention issu du gage avec dépossession qu'un créancier a régulièrement acquis,
confère à son titulaire le droit de refuser la restitution de la chose légitimement retenue jusqu'au
complet paiement de sa créance, alors même que le contrat de gage prévoit une faculté de
substitution avec l'accord du créancier. Justifie alors sa solution, la Cour d'appel qui retient que le
droit de rétention ne peut être limité par le pouvoir conféré au juge-commissaire par l'article 34,
alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985, d'imposer au rétenteur une substitution de garantie »259.
Cet arrêt de principe consacre clairement l'exclusion du droit de rétention du domaine de la
substitution de garantie. Désormais, la règle est nettement posée. Les organes de la procédure
collective ne peuvent arguer des dispositions de l'article 34 pour réclamer au juge-commissaire qu'il
prononce une substitution de garantie au détriment du créancier rétenteur. En écartant la substitution
de garantie en présence d’un droit de rétention, la Haute juridiction n'interdit pas au représentant du
débiteur de récupérer le bien retenu s’il se révèle utile à la poursuite de l’activité. Seulement, elle
l'oblige à payer préalablement le rétenteur s'il veut récupérer le bien.
190. La doctrine 260 a tenté de rechercher des justifications à la solution de la haute Cour.
Qu’est-ce qui permet de justifier l’inapplication de l’article 34, alinéa 2, en présence d’un droit de
rétention ?
A d’abord été avancée l’explication la plus simple permettant de considérer que la Cour de
cassation a fait application d’une solution qu’elle avait elle-même rendu quelques années
auparavant, à savoir que le droit de rétention n’est pas une sûreté261. Cet argument ne peut être
retenu car s’il est vrai que le droit de rétention n’est pas une sûreté, il est tout aussi vrai que l’article
34, alinéa 2, vise la substitution de garanties et non celles de sûretés. Mais si le droit de rétention
n’est pas une sûreté, sa nature de garantie ne peut être contestée. La nature juridique du droit de
rétention ne fournit donc pas d’explication à la décision de la Haute juridiction.
Un auteur262 a considéré que la décision de la Cour de cassation se justifie au regard des arguments
fondés sur la lettre des textes et sur l’esprit de la loi du 25 janvier 1985. Quant au professeur
PIÉDELIÈVRE263 qui a préféré cerner les raisons de la prééminence du droit de rétention en cas
d’ouverture d’une procédure collective, il estime que « le rétenteur est en position de force tant qu’il
ne demande pas le paiement de sa créance et qu’il reste dans une attitude passive et négative ».
259
Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-11.803, arrêt préc.
260
S. PIÉDELIÈVRE, « Domaine et efficacité du droit de rétention en cas de procédure collective », art. préc., pp. 467
et s ; H. NARAYAN-FOURMET, « Le droit de rétention dans le gage: l'arme absolu du créancier », art. préc., p. 27.
261
Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-11.915, Bull. civ. IV, n° 141 ; D. Aff. 1997, p. 763 ; JCP G, 1997, IV, 1464 ; RD
bancaire et de la bourse 1997, p. 173, obs. M. CABRILLAC ; RTD civ. 1997, p. 707, obs. P. CROCQ ; RTD com.
1998, p. 202, obs. A. MARTIN-SERF ; D. 1998, p. 102, obs. S. PIÉDELIÈVRE; JCP G, 1998, I, 103, n° 23, obs. Ph.
DELEBECQUE.
262
H. NARAYAN-FOURMET, « Le droit de rétention dans le gage: l'arme absolu du créancier », art. préc., p. 27.
263
S. PIÉDELIÈVRE, « Domaine et efficacité du droit de rétention en cas de procédure collective », art. préc., pp. 467
et s.
86
Aussi, il affirme que « le droit des procédures collectives empêche le jeu normal des sûretés réelles
par voie d’action, mais qu’il ne l’interdit pas par voie d’exception ».
Dans tous les cas, la Cour de cassation a le mérite d'avoir clairement affirmé l'exclusion du droit de
rétention du domaine de la substitution de garantie. Mais pour donner une portée générale à la
solution jurisprudentielle, il y a lieu de l’élargir. Cet élargissement se fait à deux niveaux.
190. D'abord, concernant la phase de la procédure collective, même si dans les faits de l'arrêt
analysé, il était question de faire application de la substitution de la garantie en période
d'observation, il est admis que l'exclusion décidée par la Haute juridiction doit, par analogie,
s'appliquer en cas de plan de continuation. En effet, l'article 78, alinéa 3, de la loi du 25 janvier
1985 (article L. 626-22, alinéa 3), comme l'article 34, alinéa 2, (article L. 622-8, alinéa 2), envisage
l’hypothèse d’une substitution de garantie pouvant être ordonnée cette fois par le tribunal et non par
le juge-commissaire. Rien ne saurait donc justifier que le créancier rétenteur ne puisse échapper à la
substitution de garantie lorsque celle-ci est décidée dans le cadre d'un plan de continuation. Un
auteur264 avait à juste titre affirmé que « tant en période d'observation que lors du jugement d'arrêté
du plan, il n'est pas possible à la juridiction d'imposer la restitution des biens légitimement retenus
ou bénéficiant d'un gage avec dépossession réelle sans qu'il y ait un règlement de la somme due ou
accord avec le créancier concerné ».
191. Ensuite, l'extension de la solution jurisprudentielle doit concerner le domaine
d'application. La Cour de cassation visait expressément « le droit de rétention issu d'un gage avec
dépossession ». Cette précision amène à s’interroger sur l’exclusion du droit de rétention sous
toutes ses formes. La question se pose de savoir si la solution jurisprudentielle devait s’appliquer au
seul droit de rétention issu d’un gage avec dépossession ou si elle pouvait également s’appliquer
aux autres formes du droit de rétention. Pour y répondre, il convient de faire une distinction entre le
droit de rétention effectif ou réel et le droit de rétention fictif.
192. S’agissant du droit de rétention effectif (avec dépossession), la doctrine et la
265
jurisprudence s'accordent sur son exclusion du domaine de la substitution de garantie. Sont
exclus non seulement le droit de rétention autonome, mais aussi, comme en l'espèce, le droit de
rétention attaché à une sûreté, sous réserve, dans ce dernier cas, de respecter le régime juridique de
la sûreté. Ce qui justifie ici la mise à l'écart du droit de rétention, c'est la possession du bien, sa
détention matérielle par le créancier lui-même ou par un tiers.
264
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n° 841.
265
S. PIÉDELIÈVRE, note sous Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-11.803, Bull.civ. IV, n° 126 et Cass. com., 11 juillet
2000, n° 97-12.374, Bull. civ. IV, n° 142; « Domaine et efficacité du droit de rétention en cas de procédure collective »,
art. préc., p. 465; V. aussi; Cass. com., 8 juin 1999, n° 97-12.233 ; JCP G, 2000, I, 209, n° 18, obs. Ph. DELEBECQUE
; RTD com. 1999, p. 968, obs. A. MARTIN-SERF; RTD com. 2000, p. 167, obs. B. BOULOC ; adde, F. PÉROCHON,
« Le droit de rétention, accessoire de la créance », in. Mél. M. CABRILLAC, Dalloz-Litec, 1999, p. 379 ; D. 2000,
somm. p. 297, obs. B. MERCADAL.
87
193. En revanche, la doctrine a été divisée au sujet du droit de rétention fictif.
Certains266, en se fondant sur la lettre de l'article 33, alinéa 3, qui visait une « chose gagée » ou «
légitimement retenue », avaient considéré qu’il n’était nullement question d'une rétention fictive. En
conséquence, le créancier titulaire d'un droit de rétention fictif pouvait être soumis aux dispositions
de l'article 34267. Ainsi, un auteur 268 affirma qu’il était possible de soutenir que l'article 33, alinéa 3,
ne vise que le gage avec dépossession effective, le gage avec dépossession fictive étant exclu du
champ d'application de l'article 33, alinéa 3. Le créancier titulaire d'un droit de rétention fictif ne
pouvant se prévaloir du retrait contre paiement, il ne saurait échapper à la substitution de garantie.
D'autres, au contraire, voient au-delà de l'argument textuel. Ils considèrent que la substitution de
garantie ne peut s’appliquer en présence d’un droit de rétention effectif ou fictif269, dans la mesure
où le caractère fictif du droit de rétention ne modifie pas les prérogatives conférées aux créanciers
rétenteurs270. La seule faiblesse du droit de rétention fictif résulte du fait que dans le conflit qui
oppose le créancier rétenteur effectif au créancier rétenteur fictif, c'est le premier qui l'emporte,
puisque la réalité surpasse la fiction271. En dehors de ce conflit, le rétenteur fictif prime tous les
autres créanciers. Dès lors, une différence de traitement entre le droit de rétention fictif et le droit de
rétention effectif ne se justifie pas272.
Dans le même sens, un auteur 273 considère que l'existence du droit de rétention fait échec à la
possibilité d'une substitution de garantie, peu important qu'il s'agisse d'un droit de rétention réel ou
d'un droit de rétention fictif.
Nous rejoignons la solution qui consiste à faire échec à la substitution de garantie même en
présence d’un droit de rétention fictif, pour autant qu’il soit opposable. En effet, en tant
qu’exception à la règle de la consignation du prix correspondant aux créances garanties, la
substitution de garantie n’est possible qu’en cas de vente de biens grevés. Or, seul le paiement du
créancier permet de faire obstacle à l’exercice du droit de rétention. Ainsi, quelle que soit la nature
réelle ou fictive de la rétention, les biens retenus ne peuvent être vendus sans que le créancier ne
soit préalablement désintéressé274.
194. Cependant, si sous l'empire des législations antérieures à 2008, l'exclusion du droit de
rétention fictif ne posait pas de difficultés majeures, sous réserve de l'argument textuel soutenu par
266
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Instruments de paiement et de crédit. Entreprises en difficulté, (5e éd., Dalloz, n°
640; C. SAINT-ALARY HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 3e éd., Montchrestien, n°744. (Anciennes éditions)
267
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., ns° 1307 et 2464.
268
H. NARAYAN-FOURMET « Le droit de rétention dans le gage: l'arme absolu du créancier », art. préc., p. 27.
269
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1027.
270
S. PIÉDELIÈVRE, « Domaine et efficacité du droit de rétention en cas de procédure collective », art. préc., p. 467.
271
S. ZÉPI, Le sort des créanciers titulaires de garanties réelles dans le droit des procédures collectives, op. cit., p. 519.
272
H. NARAYAN-FOURMET « Le droit de rétention dans le gage: l'arme absolu du créancier », art. préc., p. 28.
273
P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25
janvier 1985) », art. préc., p. 1249.
274
Sur la vente d’un bien retenu ; Cass. Com., 22 juin 1999, n° 96-18.006, Inédit.
88
quelques-uns, aujourd’hui, au-delà des querelles doctrinales, cette question est désormais une
source de confusion en raison des nouvelles législations.
195. D'abord, il convient de préciser que le terme « partiellement » que nous utilisons résulte
du fait que seule l'exclusion du droit de rétention fictif est perturbée par les nouvelles législations.
En effet, la loi sur la modernisation de l’économie du 4 août 2008 et l’ordonnance du 18 décembre
2008 réformant le droit des entreprises en difficulté n'ont pas égratigné le droit de rétention effectif ;
de ce fait, l’exclusion de ce dernier de la substitution de garantie ne fait aucun doute. Il en va
différemment pour le droit de rétention fictif.
196. L'article 79 de la loi sur la modernisation de l'économie du 4 août 2008, en modifiant
l'article 2286 du Code civil, a ajouté un 4ème alinéa qui confère à tous les créanciers gagistes sans
dépossession un droit de rétention fictif. De cette manière, il existe désormais deux catégories de
créanciers gagistes sans dépossession titulaires d'un droit de rétention fictif. D’une part, ceux dont
le bénéfice du droit de rétention ne résulte pas des dispositions de l'article 2286, 4° du Code civil,
mais d'une législation spéciale 275 ; c’est notamment le cas du créancier gagiste sur véhicule
automobile 276 , et, d’autre part, ceux qui détiennent leur droit de rétention fictif du fait des
dispositions de l'article 2286, 4° du Code civil ; il s'agit particulièrement du créancier gagiste sur
matériel et outillage, du créancier gagiste sur stocks et, pour certains, du titulaire d’un warrant
agricole277.
197. Pour limiter les effets du droit de rétention dont bénéficie désormais cette dernière
catégorie de créanciers, l’ordonnance du 18 décembre 2008 a modifié l’article L. 622-7-I du Code
de commerce. Aussi, l’alinéa 2 de l’article précise que « Le jugement ouvrant la procédure emporte
de plein droit inopposabilité du droit de rétention conféré par le 4° de l'article 2286 du Code civil
pendant la période d'observation et l'exécution du plan ». La limitation des effets du droit de
rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil amène à s’interroger sur son exclusion de
la substitution de garantie.
198. Comme nous l'avons vu, la substitution de la garantie peut intervenir aussi bien en
période d'observation qu’en cas d’adoption d’un plan de continuation. Or, selon les dispositions de
275
V. Rapport au Président de la République sur l'ordonnance n°2008-1345 du 18 déc. 2008: Journal officiel 19
décembre 2008, Titre I, chapitre II-3, ss article.
276
Depuis le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles, un droit de
rétention fictif est attaché au reçu de la déclaration du gage sur le registre spécialement ouvert à la préfecture à cet effet
(article 2, alinéa 3 du décret de 1953).
277
E. LE CORRE-BROLY, « La situation du porteur d'un warrant agricole après l'ordonnance du 23 mars 2006 et la
LME », JCP E, 2013, 1446 ; P-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n°
482.11 ; Les auteurs considèrent que le titulaire d’un warrant agricole bénéficie du droit de rétention de l’article 2286,
4° du Code civil puisqu’aucun texte spécial ne fonde son droit de rétention fictif.
89
l’article L. 622-7, alinéa 2, le droit de rétention résultant 4° de l'article 2286 du Code civil est
justement déclaré inopposable en période d'observation et pendant l'exécution du plan.
Les créanciers gagistes sans dépossession ne pouvant se prévaloir de leur droit de rétention fictif, ils
ne peuvent bénéficier du retrait contre paiement. Il devient donc possible de considérer qu’ils
peuvent être soumis à la substitution de garantie. Ainsi, en l'absence d'accord entre les parties, la
substitution peut leur être imposée par le juge-commissaire (en période d'observation) ou par le
tribunal (en plan de continuation)278. En revanche, en cas de résolution du plan, l'inopposabilité
prend fin et le droit de rétention fictif devient opposable. Il en sera de même si un plan de cession
est arrêté.
Si les créanciers gagistes sans dépossession qui détiennent leur droit de rétention fictif du 4° de
l'article 2286 du Code civil, peuvent se voir imposer une substitution de garantie, tel ne sera pas le
cas des créanciers gagistes sans dépossession dont le droit de rétention, bien que fictif, résulte des
lois spéciales. En effet, leur droit de rétention n'étant pas déclaré inopposable, ces derniers peuvent,
quelle que soit l'étape de la procédure collective, subordonner la restitution du bien au paiement de
la créance.
199. Il convient de préciser que les solutions ci-dessus énoncées s'appliquent en période
d'observation de la procédure de sauvegarde, mais aussi de redressement judiciaire du fait de
l'application de l'article L. 622-7, en redressement judicaire. Il en ira de même en cas d'adoption
d'un plan de sauvegarde ou de redressement.
200. En somme, il est désormais acquis que le droit de rétention échappe au domaine de la
substitution de garantie. L’exclusion progressive du droit de rétention a permis de lever le doute sur
l'ambiguïté qui existait entre les champs d'application respectifs des anciens articles 33 alinéa 3 et
34 alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985. Il est donc admis qu'en ce qui concerne le droit de
rétention279, seule la technique du retrait contre paiement trouve matière à s'appliquer280. En effet, le
paiement du rétenteur demeure la seule voie de dégrèvement du bien retenu, peu important que la
rétention soit réelle ou fictive, et ce, sous réserve du droit de rétention conféré par le 4° de l'article
2286 du Code civil dont les effets sont limités pendant certaines phases.
Les fondements de l’exclusion du droit de rétention de la substitution étant analysés, il convient à
présent de voir ce qu'il en est des propriétés-sûretés.
278
P.-M. LE CORRE, « La mesure de l’efficacité des gages sans dépossession dans les procédures collectives.
L’inopposabilité du droit de rétention conféré par l’article 2286-4° du Code civil aux créanciers gagistes sans
dépossession », JCP E, 2009, 1204 ; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1027.
279
Sous réserve de son opposabilité.
280
Sur la mise en œuvre du mécanisme, v. ns° 410 et s.
90
Paragraphe 2/ L’exclusion constante des propriété-sûretés
201. L’exclusion des propriétés-sûretés du domaine de la substitution de garantie ne fait
aucun doute. En effet, depuis la création du mécanisme de substitution par l'article 34 de la loi du
25 janvier 1985, ni la fiducie-sûreté, ni la clause de réserve de propriété, n'ont jamais expressément
été citées dans la liste des sûretés pouvant faire l'objet d'une substitution de garantie.
202. Une justification à cette exclusion aurait pu être trouvée dans le fait que ces sûretés
n’étaient pas considérées comme telles sous l’empire des législations antérieures, en l’occurrence
l’ordonnance du 23 mars 2006 pour la clause de réserve de propriété et la loi du 19 février 2007
pour la fiducie-sûreté. Leur consécration au rang de sûreté n’ayant été faite que plusieurs années
après la loi de 1985. Sur ce fondement, il était donc possible d’exclure la fiducie-sûreté et la clause
de réserve de propriété de la règle de la substitution de garantie.
Cependant, cet argument trouve rapidement des limites. En effet, lorsqu’on se réfère à la rédaction
de l'article 34 de la loi du 25 janvier 1985, il est fait mention du terme « garanties » et non de celui
de sûreté. Or, si la fiducie et la clause de réserve de propriété n’étaient pas encore considérées
comme de véritables sûretés, leur fonction de garantie était, en revanche, indéniable. Sur cette base,
les propriétés-sûretés auraient pu être soumises aux dispositions de l'article 34, à savoir la
substitution de garantie. Mais cette solution n’a pas été retenue.
L'énumération faite par le législateur à l'alinéa 1er de l'article 34, permet de réaliser que ce dernier
n'a pas eu l'intention de soumettre les propriétés-sûretés à la substitution de garantie. Or, l'article
L. 622-8 du Code de commerce n’a fait que reprendre les dispositions l’article 34 de la loi de 25
janvier 1985. Le constat d'une exclusion législative permanente s'impose donc.
203. Mais, comme pour le droit de rétention, rien n’interdit au débiteur de proposer au
créancier bénéficiaire d’une propriété-sûreté la substitution aux garanties qu’ils détiennent des
garanties équivalentes. La particularité ici résulte du fait que les biens grevés n’étant plus dans le
patrimoine du débiteur, ils ne peuvent, par principe, être vendus par les organes des procédures. En
conséquence, les créanciers bénéficiaires ne peuvent se voir imposer une substitution judiciaire de
garantie (A). Par ailleurs, une justification législative plus récente peut être avancée pour exclure la
fiducie-sûreté du domaine de la substitution de garantie (B).
204. Comme nous l’avons démontré dans le chapitre précédent, la réserve de propriété et la
fiducie-sûreté reposent sur un droit de propriété. C’est ce droit qui place les bénéficiaires de telles
sûretés dans une situation enviable, puisque les biens grevés ne font plus partie du patrimoine du
débiteur. Ils n’entrent donc plus dans le gage commun des créanciers. Ainsi, ces biens ne peuvent, a
priori, être utilisés pour les besoins de la procédure collective.
91
L’exclusion des propriétés-sûretés du domaine de la substitution de garantie résulte essentiellement
du droit de propriété assortissant ces sûretés. De ce fait, les solutions avancées pour justifier
l’exclusion des propriétés-sûretés de la règle de l’affectation d’une quote-part du prix de cession281,
pourraient également s’appliquer à la substitution de garantie.
Assurément, l’argument technique demeure le même : l’exclusion des biens grevés de l’actif de la
procédure. Pour cette raison, il n’y a pas lieu de s’étendre d’avantage sur ce fondement.
Toutefois, en ce qui concerne la fiducie-sûreté, une autre justification législative peut être avancée
pour son exclusion du domaine de la substitution de garantie ; à savoir le retour contre paiement.
205. Comme nous l'avons vu, la technique du retrait contre paiement constitue le fondement
de l'exclusion du droit de rétention du domaine de la substitution de garantie. Le fait pour le
législateur de créer un texte spécial instituant un régime favorable au profit du rétenteur conduit à
affirmer que, à l’exception du créancier dont le droit de rétention résulte de l'article 2286, 4° du
Code civil, le créancier rétenteur ne peut être soumis à une quelconque autre technique permettant
de réaliser le bien sur lequel s'exerce son droit. Le seul moyen de mettre efficacement en échec le
droit de rétention demeure le paiement de la créance du rétenteur.
206. Cependant, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008, cette prérogative ne profite plus
au seul créancier rétenteur. Le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté peut également s’en prévaloir.
L’article L. 622-7-II, alinéa 2, du Code de commerce indique que le juge-commissaire peut
autoriser le paiement des créances antérieures au jugement pour obtenir le retour des biens et droits
transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire. Il est donc possible d'obtenir le retour
des actifs fiduciaires contre le paiement de la créance du bénéficiaire de la fiducie qui peut, dans
certains cas, être le fiduciaire. Comme le retrait contre paiement, le retour des actifs fiduciaires dans
le patrimoine du débiteur doit être justifié par la poursuite de l'activité. Il s’agit donc avant tout
d’une mesure qui vise à favoriser le sauvetage de l’entreprise.
Avec cette innovation, le législateur fait du bénéficiaire de la fiducie-sûreté un créancier favorisé
puisque le fiduciaire, agissant pour son compte, peut se prévaloir du retour contre paiement pour
obtenir le paiement de la créance282.
281
V. le chapitre 1.
282
Sur la mise en œuvre du mécanisme, v.ns° 521 et s.
92
207. Reste alors à savoir comment cette mesure peut-elle constituer un fondement à
l'exclusion de la fiducie-sûreté ?
Le raisonnement se fera ici par analogie avec le droit de rétention. L’argument le plus avancé par
les auteurs283, pour exclure le droit de rétention de la substitution de garantie, fut le caractère spécial
de l'article 33, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 qui instituait un régime dérogatoire favorable au
créancier rétenteur. Il a ainsi été démontré que les règles spéciales dérogeant aux règles générales,
l'article 33, alinéa 3, devait, du fait de son caractère spécial, déroger à l'article 34, alinéa 2, qui
présentait, quant à lui, un caractère plus général.
Les articles L. 622-7-II, alinéa 2, et L. 622-8, alinéa 3, ayant repris quasiment à l'identique les
dispositions des articles 33, alinéa 3, et 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, une transposition
du raisonnement consistant à favoriser l'application d'un texte spécial reviendrait à faire primer
l'article L. 622-7-II, alinéa 2, sur l'article L. 622-8, alinéa 3. En conséquence, le retour des actifs
fiduciaires contre le paiement du bénéficiaire de la fiducie-sûreté doit l'emporter sur la substitution
de garantie. En effet, comme le retour des actifs fiduciaires, la substitution de garantie n’est qu’un
moyen au service du sauvetage de l’entreprise. Il permet au débiteur d’être immédiatement en
possession du prix de vente des biens grevés, éventuellement dans le but d’acquérir du matériel
nécessaire à la poursuite de l’activité. Ainsi, entre ces deux techniques, celle permettant le paiement
direct du créancier doit l'emporter dans la mesure où elle découle d'une disposition spéciale. La
spécialité résultant dans le fait que l'article L. 622-7-II, alinéa 2, s’applique uniquement au
bénéficiaire de la fiducie-sûreté, alors que l'article L. 622-8, alinéa 3, vise les garanties d'une
manière générale.
Après tout, si on raisonne par analogie avec le droit de rétention, la fiducie-sûreté devrait, sur le
fondement du caractère spécial de l'article L. 622-7-II, alinéa 2, échapper à la substitution de
garantie.
208. Par ailleurs, se pose la question de la portée de ce fondement. Le retour contre paiement
peut-il constituer un fondement à l’exclusion de la fiducie-sûreté, peu important qu’elle soit avec ou
sans dépossession ?
A priori, le retour contre paiement est surtout envisageable dans l’hypothèse d’une fiducie-sûreté
avec dépossession, puisqu’il permet au débiteur d’obtenir le retour des actifs fiduciaires dans son
patrimoine. En conséquence, le mécanisme du retour contre paiement devrait pouvoir justifier
l’exclusion de la fiducie-sûreté avec dépossession du domaine de la substitution de garantie.
Mais alors, qu’en est-il de la fiducie-sûreté sans dépossession ?
283
D. MARTIN, « L'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 est-il applicable au gage ? », art. préc., pp. 325 et s
; P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut ( la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25
janvier 1985) », art. préc., pp. 1246 et s.
93
La fiducie-sûreté sans dépossession permet au débiteur de conserver en sa possession des actifs
fiduciaires au moyen d’une convention de mise à disposition. Il est admis que les biens détenus par
le débiteur sont certainement nécessaires à la poursuite de l’activité. Dans cette hypothèse, le retour
contre paiement, s’il est possible, permet au débiteur, non pas simplement d’utiliser les biens, mais
de les vendre. De cette manière, comme pour la fiducie-sûreté avec dépossession, le texte spécial
devrait pouvoir l’emporter sur le texte général.
Ainsi, le retour contre paiement pourrait également justifier l’exclusion de la fiducie-sûreté sans
dépossession du domaine de la substitution de garantie.
209. En définitive, il ressort de cette analyse que les sûretés réelles exclusives échappent au
domaine de la substitution de garantie. Toutefois, les fondements évoqués pour leur exclusion
diffèrent selon la nature du droit conféré par la sûreté. Alors que l'exclusion du droit de rétention se
fonde essentiellement sur la force de l’inertie, de sorte que seul le paiement du créancier puisse faire
échec à l’exercice du droit de rétention, l'exclusion des propriétés-sûretés est, en revanche, fondée
sur le droit de propriété que ces sûretés confèrent à leur bénéficiaire. Cependant, s’il est certain que
les sûretés réelles exclusives ne peuvent faire l'objet d'une substitution judiciaire de garantie, rien ne
s'oppose, en revanche, à ce qu'elles soient proposées comme garanties de remplacement. Mais le
risque ici est d'accorder au créancier une garantie supérieure ou procurant plus d’avantages que la
garantie initiale.
Quoi qu’il en soit, l’exclusion des sûretés réelles exclusives du domaine de la substitution de
garantie produit nécessairement des effets bénéfiques sur elles.
210. Aux termes des articles L. 622-8, alinéa 3, et L. 626-22, alinéa 3, la substitution de
garantie peut être ordonnée par le juge-commissaire ou le tribunal. Il s’agit donc d’une mesure
judiciaire autoritaire. Pour éviter l’arbitraire des juges, le législateur a bien encadré la mise en
œuvre du mécanisme de substitution.
Cet encadrement se manifeste à plusieurs niveaux de la procédure. Pour autant, la substitution de
garantie porte atteinte à la sûreté et donc nécessairement aux droits des créanciers. D’une part, la
substitution de garantie entraîne l’anéantissement de la garantie initiale. Cette situation qui a des
conséquences sur l’assiette des sûretés peut également réduire les droits des créanciers, surtout
lorsque l’équivalence des garanties n’est pas respectée. D’autre part, compte tenu du caractère
autoritaire du mécanisme, la substitution de garantie s’impose aux créanciers, sous réserve de
l’exercice des voies de recours.
94
211. Les sûretés réelles exclusives n’entrant pas dans le domaine de la substitution de
garantie, elles vont échapper aux effets liés à la mise en œuvre de cette règle (paragraphe 1).
Toutefois, il nous semble également intéressant d’analyser la situation des créanciers bénéficiaires
de ces sûretés au regard de l’autorité du mécanisme de substitution (paragraphe 2).
213. L’article R. 622-8 du Code de commerce précise, in fine, que « la radiation ne peut
intervenir qu’après constitution de la garantie substituée ». Il en résulte que la procédure de
substitution entraîne la radiation de la garantie initiale. Cette radiation emporte nécessairement
anéantissement total de l'ancienne sûreté. Celle-ci disparaitre au profit d'une nouvelle sûreté dite
équivalente.
La mise en œuvre d'une substitution de garantie va, en outre, entraîner une dénaturation des droits
du créancier. Cette dénaturation résulte soit du changement de l'assiette de la garantie, soit du
changement de la nature même de la sûreté.
S'agissant du changement de l'assiette de la sûreté, il en sera ainsi lorsqu’un gage est remplacé par
un autre gage ou qu’un immeuble est remplacé par un autre immeuble. La dénaturation est encore
plus forte lorsque la substitution entraîne, en plus du changement de l’assiette, un changement de la
nature même de la sûreté. Ce sera le cas lorsque la sûreté mobilière, constituant la garantie initiale,
sera remplacée par une sûreté immobilière. C’est par exemple lorsqu’une hypothèque est donnée en
remplacement d’un gage ou d’un nantissement. Plus dénaturés encore seront les droits du créancier
dont la sûreté réelle aura été remplacée par une sûreté personnelle. Ce dernier devra alors faire face
à un changement radical de la forme de sa sûreté. Ces différentes dénaturations constituent,
chacune, une atteinte aux droits du créancier. Face à tous ces bouleversements, le créancier devra,
chaque fois, se réapproprier la nouvelle sûreté et les droits qui y sont attachés.
214. Ces atteintes aux droits du créancier devraient, en théorie, se compenser par
l'équivalence exigée pour le prononcé d'une substitution de garanties284. En effet, si l'équivalence
parvient à être rigoureusement respectée, l'atteinte portée aux droits du créancier sera tellement
284
Sur la question, v. F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation
judiciaire des entreprises, op. cit., pp. 243 à 246.
95
infime qu'on en viendrait à négliger les conséquences. L'anéantissement de la sûreté initiale et la
dénaturation des droits du créancier seraient vite compensés par une garantie parfaitement
équivalente.
Mais, en pratique, la situation risque d’être différente puisque, l'équivalence absolue des garanties
sera difficilement envisageable. Le créancier n'a donc pas l'assurance de retrouver l'intégralité de
ses droits dans la nouvelle sûreté.
Heureusement, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives en sont épargnés. L'exclusion de
ces sûretés du domaine de la substitution de garantie assure en effet le maintien de leur assiette.
215. Les sûretés réelles exclusives n’étant visées par la substitution de garantie, elles ne
peuvent être remplacées par une autre garantie équivalente. Il en résulte, une préservation de
l’assiette de ces sûretés dans leur état initial. Elles échappent en effet au changement de l’identité de
leur assiette. En conséquence, ces sûretés ne peuvent être anéanties au profit d’une autre sûreté,
même équivalente. Elles sont donc à l’abri de toute dénaturation de leur assiette.
216. En définitive, on peut affirmer que l’exclusivité permet aux sûretés d’être protégées
contre les effets néfastes de la substitution de garantie. L’exclusion des sûretés réelles exclusives du
domaine de la substitution permet ainsi aux créanciers bénéficiaires de ne pas subir le changement
forcé de l’assiette de leur sûreté. Peut-on en dire autant au regard de l’autorité du mécanisme de
substitution ?
218. L'initiative de la substitution diffère selon la procédure collective dont le débiteur fait
l'objet. En sauvegarde, la demande est laissée à la seule initiative du débiteur ; tandis qu'en
redressement judiciaire, l'initiative dépendra de la présence ou non d'un administrateur judiciaire.
En l'absence d'administrateur, la demande émanera du seul débiteur.
En présence d’un administrateur, celle-ci varie en fonction de l'étendue des missions qui lui sont
confiées. Si l'administrateur a une mission d'assistance, la demande proviendra concurremment de
lui et du débiteur. En revanche, elle n'émanera que de l'administrateur, si celui-ci a reçu une mission
96
de représentation 285 . Dans tous les cas, le créancier n’a pas l'initiative de la substitution. Cette
solution est logique dans la mesure où, compte tenu de l’incertitude de l'équivalence promise286, le
créancier n'a pas d’intérêt à solliciter une substitution de garanties.
219. Dès lors que la substitution de garantie a été proposée au créancier, deux possibilités
s'offrent à lui : accepter ou refuser la proposition. En cas de refus, le débiteur ou l’administrateur
peut saisir l’autorité compétente. La substitution prend alors une nature judiciaire. En effet, les
alinéas 3 des articles L. 622-8 et L. 626-22 prévoient que le juge-commissaire (en période
d'observation) ou le tribunal (en plan de continuation) peut, en l'absence d'accord, ordonner la
substitution de garantie.
Il en résulte que les parties ont d’abord la possibilité de s’entendre. Dans ce cas, la substitution est
conventionnelle. Mais, en réalité, on perçoit mal l’intérêt du créancier à accepter une garantie de
substitution dont l’équivalence avec sa garantie initiale est peu certaine. Ainsi, la substitution est,
pensons-nous, le plus souvent judiciaire. Or, c’est cette nature judiciaire qui révèle le caractère
autoritaire du mécanisme.
220. Cependant, pour éviter l’arbitraire pouvant résulter de l’autorité de la substitution, le
législateur a véritablement encadré la procédure de substitution.
Aussi, le juge-commissaire ou le tribunal, saisi par voie de requête en vue d'ordonner une
substitution de garantie, est tenu de respecter le principe du contradictoire. L'autorité compétente ne
statue qu'après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire
mais aussi le créancier 287 . Ce dernier, personnellement invité à prendre part à l'audience de
substitution, dispose d’un moyen de se faire entendre, de défendre ses droits. La décision de
substitution ne s'impose donc pas au créancier de manière totalement unilatérale ; l'occasion lui
étant donnée d'assurer sa défense et, pourquoi pas, de dissuader l’autorité compétente d'ordonner la
substitution de garantie.
Par ailleurs, le juge qui statue sur la substitution a l’obligation de motiver sa décision. Il a été
soutenu que l'autorité saisie pour ordonner la substitution doit, pour motiver sa décision, se référer
aux grandes lignes de la loi 1985 288 . Le redressement de l’entreprise est donc le motif sur le
fondement duquel le juge-commissaire ou le tribunal statue. Cependant, les alinéas 3 des articles L.
622-8 et L. 626-22 ne subordonnent pas la décision du juge à l’établissement d’une nécessité
285
Art. L. 631-14, al. 3 du Code de commerce
286
V. aussi D. POHÉ, « La substitution judiciaire de garanties dans la loi du 25 janvier 1985 », op.cit., p. 267; M.-J.
CAMPANA, « La situation des créanciers garantis », in Les innovations de la loi sur le redressement judiciaire, t.2,
SIREY 1987, pp. 27et s. sp. p. 34.
287
Art. R. 622-8, al. 1er du Code de commerce.
288
D. POHÉ, « La substitution judiciaire de garanties dans la loi du 25 janvier 1985 », art. préc., p. 266.
97
impérieuse du redressement289. L’article L. 626-22, alinéa 3, se contente de préciser que le tribunal
ordonne la substitution de garantie en cas de besoin.
Dans tous les cas, la substitution ne devrait être ordonnée que lorsqu’elle est susceptible de
favoriser le sauvetage de l'entreprise en difficulté. À défaut, il n'y aurait aucun intérêt à mettre en
place une mesure qui porte atteinte aux droits des créanciers. En effet, si l’on peut admettre le
sacrifice de ces derniers, ce doit être pour permettre le sauvetage de l'entreprise.
221. Toujours est-il que, en l’absence de convocation du créancier, la décision de substitution
est atteinte d'un vice de procédure. Elle est alors susceptible de recours pour défaut de respect du
contradictoire290. Quelles sont donc les voies de recours contre la décision de substitution ?
Il y a lieu de distinguer selon que la décision est rendue par le juge-commissaire ou le tribunal.
S’agissant des ordonnances du juge-commissaire, l’article L. 622-8, alinéa 3, précise, in fine, que le
recours est porté devant la cour d’appel. Ainsi, pour contester toute décision relative à l’ordonnance
de substitution de garantie, le créancier doit faire appel291.
Il convient de remarquer que l'appel ouvert au créancier constitue ici une voie de recours
exceptionnelle. En effet, en règle générale, les ordonnances du juge-commissaire sont susceptibles
d'opposition devant le tribunal. Or, les ordonnances rendues en matière de substitution de garanties
constituent une des exceptions à ce principe. Le créancier, en contestation de l'ordonnance du juge-
commissaire, va sauter l'étape du tribunal pour aller directement devant la cour d'appel. Cette
mesure vise à assurer la célérité de la procédure collective292, mais elle limite également les recours
du créancier.
Quant aux jugements du tribunal, contrairement à ce qui a été soutenu par certains auteurs 293 qui ont
estimé que les créanciers ne disposent d'aucune voie de recours contre la décision du tribunal, les
dispositions de l’article R. 661-1 du Code de commerce qui visent les articles L. 622-8 et L. 626-22
du même Code relatifs à la substitution, permettent de penser que la décision de substitution rendue
par le tribunal, tout comme l’ordonnance du juge-commissaire, peut être contestée devant la cour
d’appel294. L’appel est donc la seule voie de recours ouverte au créancier qui s’estime lésé par la
décision de substitution.
289
F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises, op. cit., p. 238.
290
P.-M. LE CORRE, « Retenir et substituer ne vaut (la substitution de garantie de l'article 34, alinéa 3, de la loi du 25
janvier 1985) », art. préc., p. 1249.
291
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n°484.31; D. POHÉ, « La
substitution judiciaire de garanties dans la loi du 25 janvier 1985 », art. préc., p. 268 ; F. DERRIDA, P. GODE, J.-P.
SORTAIS, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, op.cit., n° 420.
292
D. POHÉ, « La substitution judiciaire de garanties dans la loi du 25 janvier 1985 », art. préc., p. 268.
293
F. DERRIDA, P. GODE, J.-P. SORTAIS, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, op.cit., ns°420 et
s.
294
V. aussi ; D. POHÉ, « La substitution judiciaire de garanties dans la loi du 25 janvier 1985 », art. préc., p. 269 ;
F. MACORIG-VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises, op. cit., p. 241.
98
Le délai pour faire appel est de dix jours, à compter de la notification de la décision au créancier.
222. L’exécution de la décision de substitution est, en principe, impossible tant qu’elle n’est
pas passée en force de chose jugée, c’est-à-dire que les voies de recours ne sont pas encore
épuisées. Cette règle déroge au principe selon lequel les jugements et ordonnances rendus en
matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement et de liquidation
judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire 295 . Ainsi, le législateur ne rend pas
exécutoires de plein droit à titre provisoire les décisions rendues en matière de substitution de
garantie (ordonnances du juge-commissaire et jugements du tribunal). Cette solution résulte des
dispositions de l’article R. 661-1, alinéa 2, du Code de commerce qui visent les jugements et
ordonnances rendus en application des articles L. 622-8 et L. 626-22.
En outre, l’article R. 622-8, alinéa 2, du Code de commerce précise que la charge des frais de
radiation et d’inscription des sûretés incombe au débiteur.
223. En définitive, sans limiter son autorité, le législateur a néanmoins bien encadré la
procédure de substitution de garantie. Cette situation permet de protéger le créancier contre
l’arbitraire. Cependant, en dépit de cet encadrement, il n’en demeure pas moins que la substitution
de garantie est attentatoire aux droits du créancier. Au nom du sauvetage de l’entreprise, le
créancier se voit, contre son gré, imposer une garantie nouvelle en remplacement de sa garantie
initiale. Le juge-commissaire ou le tribunal peut effectivement passer outre l’opposition du
créancier et ordonner la substitution de garantie.
Lorsque la sûreté repose sur un accord de volonté, la substitution de garantie va entraver la liberté
contractuelle du créancier. En effet, l'accord initialement conclu entre les parties va subir une
atteinte dans la mesure où il est supplanté par une décision judiciaire. La faculté du juge-
commissaire ou du tribunal d'ordonner la substitution va donc annihiler l’accord initial du
créancier 296 . L'autorité de la substitution vient ainsi remettre en cause un principe essentiel qui
gouverne le droit des contrats : le principe de la liberté contractuelle.
Par ailleurs, la substitution de garantie est également possible lorsque la sûreté est d’origine légale.
Dans cette hypothèse, même s’il n’y a pas atteinte à la liberté contractuelle, la substitution porte tout
de même atteinte aux droits des créanciers puisqu’elle s’impose à eux.
224. Dans tous les cas, que la sûreté soit conventionnelle ou légale, la substitution de garantie
met en péril, du fait de son caractère autoritaire, les droits des créanciers. Elle immole ainsi une
partie des droits des créanciers sur l'autel de l'intérêt collectif 297 . L’autorité de substitution de
garantie démontre en effet comment le droit des procédures collectives peut primer sur d’autres
295
Art. R. 661-1, al. 1er du Code de commerce.
296
S. ZÉPI, Le sort des créanciers titulaires de garanties réelles dans le droit des procédures collectives, op. cit., p.
204.
297
D. MARTIN, « La sécurité contractuelle à l'épreuve du redressement judiciaire », art. préc., p. 180.
99
branches du droit (droit des contrats et droit des sûretés), mais aussi constituer une violation aux
droits des créanciers.
La situation est cependant différente pour les créanciers munis de sûretés réelles exclusives, étant
donné qu’ils échappent à l’autorité de la substitution de garantie.
225. Les sûretés réelles exclusives étant exclues du domaine de la substitution de garantie,
cette mesure ne peut porter atteinte aux droits des créanciers bénéficiaires. En aucun cas, leur liberté
contractuelle ne sera, par le biais d’une substitution de garantie, égratignée au nom du sauvetage de
l'entreprise. Par ailleurs, compte tenu des prérogatives conférées par leurs sûretés, ces créanciers ne
sont pas soumis aux injonctions du juge-commissaire ou du tribunal ordonnant la substitution de
garantie. L’autorité de la substitution n’a donc aucune incidence sur les créanciers munis de sûretés
réelles exclusives. On peut alors considérer que l’autorité de la substitution trouve sa limite en
présence des créanciers munis de sûretés réelles exclusives.
226. S’agissant du droit de rétention, cette situation résulte de la décision rendue par la Cour
de cassation dans l’arrêt précédemment évoqué du 4 juillet 2000298. En effet, la Haute juridiction
avait jugé que « le droit de rétention issu du gage avec dépossession qu'un créancier a
régulièrement acquis, confère à son titulaire le droit de refuser la restitution de la chose
légitimement retenue jusqu'au complet paiement de sa créance, alors même que le contrat de gage
prévoit une faculté de substitution avec l'accord du créancier ». Ainsi, « justifie alors sa solution, la
cour d'appel qui retient que le droit de rétention ne peut être limité par le pouvoir conféré au juge-
commissaire par l'article 34, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, d'imposer au rétenteur une
substitution de garantie ». Il en résulte que le créancier rétenteur ne peut être contraint de libérer le
bien retenu tant qu’il n’est pas complètement désintéressé. Aussi, la rétention du bien permet au
rétenteur de s’opposer à la décision judiciaire de substitution de garantie. En conséquence,
l’exercice du droit de rétention n’est pas limité par la décision judiciaire de substitution de garantie.
Bien au contraire, l’autorité du mécanisme de substitution est mise en échec en présence d’un droit
de rétention.
Cependant, compte tenu de l’inopposabilité prévue par l’article L. 622-7-II, alinéa 2, du Code
de commerce, cette solution ne s’applique pas en présence d’un droit de rétention fictif conféré par
l’article 2286, 4° du Code civil.
227. Quant aux propriétés-sûretés, la possibilité de résister à la décision judiciaire de
substitution de garantie résulte du fait que le débiteur n’est pas propriétaire des biens grevés. Ceux-
298
Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-11.803, arrêt préc.
100
ci ne peuvent donc être considérés comme des actifs de la procédure. Ainsi, comme pour le
rétenteur, la décision de substitution judiciaire de garantie ne peut s’imposer au créancier
réservataire ou au bénéficiaire d’une fiducie-sûreté.
228. En définitive, les sûretés réelles exclusives n'entrant pas dans la sphère des garanties
substituables, c'est naturellement que leurs bénéficiaires vont échapper à l’autorité de la substitution
de garantie. Titulaires de prérogatives telles que la rétention ou la propriété du bien, ce n'est que
conventionnellement qu'une substitution de garanties peut leur être appliquée. Or, au regard de
l’incertitude de la notion d’équivalence, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives n’ont en
réalité aucun intérêt à accepter une substitution de garantie.
De cette analyse, il en ressort que l’exclusion des sûretés réelles exclusives du domaine de la
substitution de garantie assure leur protection au regard des effets de ce mécanisme. Les sûretés
réelles exclusives vont être maintenues dans leur état initial, ce qui assure la préservation de
l’identité de leur assiette. Par ailleurs, les créanciers bénéficiaires vont pouvoir échapper à l'autorité
de la substitution.
Conclusion du chapitre
Conclusion du titre 1
230. L’analyse des deux premiers chapitres de cette étude montre que l’assiette des sûretés
réelles exclusives est protégée contre les risques d’altération découlant de l’ouverture d’une
procédure collective. En effet, n’étant visées ni par l’affectation d’une quote-part du prix de cession,
ni par la substitution de garantie, les sûretés réelles exclusives sont conservées dans leur état
d’origine. L’ouverture d’une procédure collective ne dénature donc pas l’assiette des sûretés réelles
exclusives. Il s’agit là d’une partie des avantages procédant de l’exclusivité.
Mais la protection des sûretés réelles exclusives dans les procédures collectives ne se limite pas à la
préservation de le leur assiette. Elle se manifeste également par le maintien des droits des créanciers
munis de telles sûretés.
101
TITRE 2/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES PAR LE MAINTIEN DES
DROITS DES CRÉANCIERS
231. En plus des dispositions spécifiques à l’assiette des sûretés, l’ouverture d’une procédure
collective conduit à l’application des règles de portée générale. Certaines d’entre elles tendent à
restreindre les droits des créanciers. Il s’agit, d’une part, de l’arrêt des poursuites individuelles qui
neutralise le droit de poursuite des créanciers et, d’autre part, de l’interdiction des paiements des
créances qui limite leur droit au paiement. Ces mesures traditionnelles de la discipline collective
sont des piliers fondamentaux de la matière. Elles s’appliquent aux créanciers, indépendamment de
du statut chirographaire ou titulaire de sûretés.
232. Ces règles se trouvent toutefois limitées en présence de certains créanciers, et notamment
ceux munis de sûretés réelles exclusives. En effet, le législateur français et, dans une moindre
mesure, le législateur communautaire africain permettent aux créanciers munis de sûretés réelles
exclusives d’y échapper. Ainsi, l’ouverture d’une procédure collective ne neutralise pas les
prérogatives conférées par ces sûretés. Les créanciers peuvent donc continuer d’exercer une partie
de leurs droits (chapitre 1). Par ailleurs, l’exclusivité protège les créanciers contre les restrictions du
droit au paiement. De ce fait, ils vont, dans certaines circonstances, pouvoir obtenir le paiement
individuel de leurs créances, en dépit de l’interdiction de paiement de créances qui touche le
débiteur (chapitre 2).
102
CHAPITRE 1/ LA PROTECTION DU DROIT DE
POURSUITE DES CRÉANCIERS MUNIS DE SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES
233. Fondée sur la volonté législative de soumettre l'ensemble des créanciers à une discipline
collective 299 , notamment lorsque le débiteur fait face à des difficultés, l'arrêt des poursuites
individuelles est une règle traditionnelle des procédures collectives 300 . Elle vise à assurer un
traitement égalitaire des créanciers 301 et évite que leur paiement soit le prix de la course 302 .
La règle de l'arrêt des poursuites individuelles est admise en droit français mais aussi en droit
OHADA.
234. En droit français, elle a été instituée par l’article 35 de la loi du 13 juillet 1967.
Au départ, elle ne s’appliquait qu’aux seuls créanciers antérieurs chirographaires. Puis, la
jurisprudence procéda à un élargissement de la règle aux créanciers antérieurs munis de sûretés
réelles 303 . Aujourd'hui, la règle est posée par les articles L. 622-21 à L. 622-23 du Code de
commerce. L’article L. 622-21 précise que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute
action en justice de la part de tous créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article
L. 622-17 et tendant à la condamnation par le débiteur du paiement d'une somme d'argent, et à la
résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. Il arrête également toute
procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles, ainsi
que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement
d'ouverture. L’arrêt des poursuites individuelles a donc, en droit français, un domaine d’application
assez large. Par ailleurs, la jurisprudence a jugé qu’il s’agissait d’une règle d'ordre public interne et
international304.
235. En droit OHADA, la règle est prévue par deux articles.
D’une part, l’article 9 de l’AUPC, applicable au règlement préventif, qui interdit ou suspend les
demandes tendant à obtenir le paiement des créances antérieures à la décision d’ouverture du
règlement préventif, de même qu’il prohibe l’exercice des voies d'exécution judiciaires et extra
299
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n° 1039.
300
Ph. ROUSSEL GALLE, « Les retouches apportées aux règles de l'interdiction des poursuites individuelles et de
l'arrêt des voies d'exécution », Gaz. Pal. du 8 au 10 mars 2009, Doctr. p. 806.
301
F. PÉROCHON, Enterprises en difficulté, op. cit., n° 624.
302
M. CABRILLAC, « L’égalité entre les créanciers », in Mél. in A. BRETON et F. DERRIDA, Dalloz, 1991, p. 31 ; Y.
VIALA, Le Principe de l'égalité des créanciers dans les procédures collectives, Th. Toulouse I, 2001.
303
Cass. com., 8 novembre 1973, n° 72-12.407, Bull.civ. N. n° 318; D. 1974, 53, note A. HONORAT, obs. complém.
DERRIDA; JCP 1975, II, 18006, note A. TOUBIANA.
304
Cass. civ. 1re, 6 mai 2009, n° 08-10.281, Bull. civ. I, n° 86, D. 2009, p. 1422, note X. DELPECH. La Cour a ensuite
précisé que le caractère d’ordre public de cette fin de non-recevoir imposait au juge de la relever d’office (Cass. com.,
12 janvier 2010, n° 08-19.645, Inédit ; D. 2010, AJ. p. 263, obs. A. LIÉNHARD).
103
judiciaires, ainsi que la prise des mesures conservatoires. La règle concerne toutes les créances :
créances chirographaires et celles garanties par un privilège général, un privilège mobilier spécial,
un gage, un nantissement ou une hypothèque, à l'exception des créances de salaires et d’aliments.
En revanche, elle ne s’applique pas aux actions tendant à la reconnaissance des droits ou des
créances contestées, ni aux actions cambiaires dirigées contre les signataires d'effets de commerce
autres que le bénéficiaire de la suspension des poursuites individuelles.
D’autre part, l’article 75 de l’AUPC, applicable au redressement judiciaire et à la liquidation des
biens, qui vise les actions en justice qui intéressent tous les créanciers composant la masse et qui
tendent à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ; de même que celles
dont le but est la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme. Le texte proscrit
également la mise en œuvre des procédures d’exécution, ainsi que les procédures de distribution
n’ayant pas produit un effet attributif avant la décision d’ouverture.
236. À la lecture de ces différents textes, quelques points méritent d'être soulignés.
D’abord, la règle s'applique à l'ensemble des procédures collectives. En droit français, bien qu'elle
soit posée pour la procédure de sauvegarde classique, elle concerne également la sauvegarde
accélérée 305 , la sauvegarde financière 306 , la procédure de redressement judiciaire sur renvoi de
l'article L. 631-14 du Code de commerce, et la liquidation judiciaire sur renvoi de l'article L. 641-3,
alinéa 1er, du même Code. Il en est de même en droit OHADA. La règle vise le règlement
préventif 307 (article 9 de l’AUPC), le redressement judiciaire 308 et à la liquidation des biens 309
(article 75 de l’AUPC).
Ensuite, contrairement à ce que pourrait laisser penser les articles ci-dessus cités, l'arrêt des
poursuites individuelles ne bénéficie pas qu'au débiteur. En droit français, il peut, dans certaines
situations, profiter aux tiers, notamment aux coobligés et garants personnes physiques du
débiteur310. Il en est également ainsi en droit OHADA. Avec la réforme de l’AUPC, le législateur a
en effet procédé à une modification allant dans ce sens311.
305
Sur renvoi de l’article L. 628-1, al. 1er du Code de commerce qui rend applicable à la sauvegarde accélérée les
dispositions de la sauvegarde.
306
Dans cette procédure, la règle ne concerne que les seuls créanciers financiers (art. L. 628-9 du Code de commerce).
307
Mais aussi au règlement préventif simplifié en vertu du renvoi opéré par l’article 24 de l’AUPC.
308
Mais aussi au redressement judiciaire simplifié en vertu du renvoi opéré par l’article 145 de l’AUPC.
309
Mais aussi à la liquidation simplifiée en vertu du renvoi opéré par l’article 179 de l’AUPC.
310
C’est le cas pendant la période d’observation de la procédure de sauvegarde (art. L. 622-28, al. 2 du Code de
commerce, mais aussi du redressement judiciaire (art. L. 631-14 du même Code) ; Cass. com., 27 février 2007, n° 05-
20.522, Bull. civ. IV, n° 68; D. 2007, p. 947, obs. A. LIÉNHARD; JCP E, 2007, 2119, n° 11, obs. M. CABRILLAC;
Sur la question v., F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., ns°640 et s ; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action,
Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., ns° 713.21 et s.
311
En plus du débiteur, la règle profitera désormais aux cautions et coobligés, cf. art. 9, al. 4 et 75-1 de l’AUPC.
104
Enfin – et c'est le point qui nous intéresse le plus – l'arrêt des poursuites individuelles a souvent un
caractère général. En droit français, il s’applique, par principe312, à tous les créanciers antérieurs et
postérieurs non éligibles au traitement préférentiel, sans distinction de leur situation chirographaire
ou privilégiée. Sur cette base, on pourrait considérer que la règle de l’arrêt des poursuites s’applique
également aux créanciers munis de sûretés réelles exclusives dont la créance ne respecte pas les
conditions de l’article L. 622-17-I du Code de commerce. Mais, fort heureusement pour eux, la
réalité est tout autre. En effet, aussi bien en droit français qu'en droit OHADA, il n'est nullement fait
mention des sûretés réelles exclusives dans les textes qui déterminent le domaine d'application de la
règle. Par ailleurs et surtout, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives bénéficient de moyen
leur permettant d’échapper à l'arrêt des poursuites individuelles.
237. S'agissant du créancier rétenteur, bien que n'étant pas expressément visé par la règle, il
aurait pu y être soumis en raison de son statut de créancier non-méritant. En effet, le rétenteur ne
rentre pas dans la catégorie des créanciers privilégiés tel que prévu par l'article L. 622-17.
Cependant, la règle ne visant que les actions en justice ou les procédures d'exécution, le droit de
rétention n'en est pas affecté puisqu'il ne s'agit ni d'une action en justice, ni d'une procédure
d'exécution. C'est la faculté qui permet à un créancier de retenir un bien de son débiteur jusqu'au
complet paiement de sa créance. Le droit de rétention se trouve ainsi protégé contre l’arrêt des
poursuites individuelles.
238. Quant aux créanciers propriétaires, ils bénéficient, pour certains, d'une action qui
échappe à l'arrêt des poursuites individuelles. Il s’agit de l’action en revendication. Elle n’a pas pour
objet de condamner le débiteur au paiement d'une somme d'argent. Elle vise, en revanche, à faire
connaître le droit de propriété d’un créancier aux organes de la procédure. L’action en revendication
n’entrant pas le domaine de l’arrêt des poursuites individuelles, elle se trouve alors protégée contre
cette règle.
239. Si, aujourd’hui, cette analyse est valable dans les deux législations française et africaine,
il y a encore quelques mois, la situation était confuse en droit OHADA. En effet, avant la réforme
de l’AUPC, des incertitudes demeuraient quant à l'exclusion des actions en revendication du
domaine de la suspension et de l'interdiction des poursuites individuelles. L’ancien article 75 de
l’AUPC visait notamment « les poursuites individuelles tendant à faire reconnaître des droits ».
Or, l'action en revendication est précisément celle qui tend à faire reconnaitre le droit de propriété
d'un créancier. On pouvait donc penser que les actions en revendication étaient interdites au cours
des procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens. Et, selon l'alinéa 4 de l'article
précité, elles ne pouvaient être exercées ou reprises qu'après la production des créances.
312
Sauf dans l’hypothèse d’une sauvegarde accélérée ou d’une sauvegarde financière accélérée, puisque ces procédures
ne s’appliquent qu’à certains créanciers du débiteur.
105
240. Quoi qu’il en soit, la réforme de l’AUPC a mis un terme à cette situation. L’article 75 ne
cite plus les actions tendant à faire reconnaitre un droit parmi les actions visées par la règle de la
suspension et de l’interdiction des poursuites individuelles. Celui qui entend faire connaître son
droit de propriété à la masse peut donc revendiquer en dépit de l’ouverture d’une procédure
collective.
Compte tenu de ce qui précède, nous verrons la protection du droit de rétention (section 1) puis
celle du droit à la revendication (section 2) contre l’arrêt des poursuites individuelles.
241. Après quelques dispositions éparpillées dans le Code civil 313 , c'est finalement
l'ordonnance du 23 mars 2006, réformant le droit des sûretés, qui consacre une disposition
spécifique au droit de rétention : l'article 2286 du Code civil. Ce texte institue deux formes de droit
de rétention. D’abord, un droit de rétention réel ou effectif qui suppose l'existence d'un lien de
connexité entre la chose retenue et la créance 314 , et qui permet au créancier de retenir
matériellement le bien jusqu’au paiement de sa créance315. Ensuite, un droit de rétention fictif en
vertu duquel le créancier n'a pas en sa possession le bien objet de la garantie.
242. Ces deux formes de rétention vont réagir différemment en cas d’ouverture d'une
procédure collective. Alors que la rétention effective permet, dans le meilleur des cas, à son
bénéficiaire d'échapper aux effets de la procédure, la rétention fictive, en revanche, ne confère pas
les mêmes avantages à son titulaire.
Cette différence va également se ressentir lors de la mise en œuvre de la règle de l'interdiction et de
la suspension des poursuites individuelles. Le caractère effectif du droit de rétention constitue, en
effet, un excellent moyen pour échapper à la règle. En revanche, cette affirmation est peu probable
pour le droit de rétention fictif qui, faute de rétention matérielle du bien, ne place pas le créancier à
l’abri de l’arrêt des poursuites individuelles.
243. En droit OHADA, la situation est différente. S’il est vrai qu’un droit de rétention fictif
est reconnu au créancier nanti sur des comptes de titres financiers 316, il est tout aussi vrai que le
législateur communautaire africain, à la différence de son homologue français, n’a pas reconnu de
droit de rétention aux gagistes sans dépossession317. Le droit de rétention fictif, au sens de l’article
313
Par exemple l’article 1948 du Code civil qui institue un droit de rétention au profit du dépositaire.
314
A. AYNÈS, « La consécration légale des droits de rétention », D. 2006, p.1301
315
Un droit de rétention effectif est également attaché à l’existence d’un gage avec dépossession.
316
Art. 151 de l’AUS.
317
Art. 107 de l’AUS. Il en résulte que le gage sans dépossession de droit commun ne confère pas un droit de rétention
au créancier.
106
2286, 4° du Code civil, demeure donc une spécificité du droit français. Par conséquent, les
développements consacrés au droit de rétention fictif n’intéresseront que la législation française,
tandis que les analyses relatives au droit de rétention effectif porteront sur les deux législations
française et africaine.
244. Ainsi, dans un premier temps, nous verrons la protection efficace du droit de rétention
effectif contre l’arrêt des poursuites individuelles (paragraphe 1) avant de voir, dans un second
temps, la protection incertaine du droit de rétention fictif (paragraphe 2).
246. L'article L. 622-21 précité dispose que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit à
tous créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du Code de
commerce, d’entreprendre, contre le débiteur, des actions en justice qui tendent au paiement d'une
somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. Sont
également arrêtées ou interdites, toutes les procédures d'exécution intentées par ces créanciers tant
sur les meubles que sur les immeubles, ainsi que toutes les procédures de distribution qui n'ont pas
produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
Sur le fondement de ce texte, il est possible de penser que seuls les créanciers dont la créance est
mentionnée à l'article L. 622-17-I échappent à l'arrêt des poursuites individuelles. Il s'agit des
créanciers titulaires de créances postérieures éligibles au traitement préférentiel. Les autres, en
318
N. CATALA-FRANJOU, « De la nature juridique du droit de rétention », art. préc., p. 10 ; F. DERRIDA, « La
dématérialisation du droit de rétention », art. préc., p. 178 ; A. AYNÈS, Le droit de rétention, Unité ou pluralité, op. cit.
107
l'occurrence les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs non privilégiés, vont être soumis à
l'arrêt des poursuites individuelles. Ainsi, dès le jugement d'ouverture de la procédure, les actions en
justice visant à obtenir le paiement d'une somme d'argent ne pourront plus être entreprises par les
créanciers non privilégiés. Il en sera de même pour les procédures d'exécution.
247. Vu sous cet angle, le créancier rétenteur qui se prévaut d'une créance antérieure ou
postérieure non privilégiée n'échappe pas à l'arrêt des poursuites individuelles. Qu’il soit rétenteur
autonome ou titulaire de sûreté préférentielle, il ne peut plus, à partir jugement d'ouverture,
poursuivre le débiteur pour obtenir le paiement d'une somme d'argent. Cependant, eu égard aux
prérogatives conférées par le droit de rétention, le créancier rétenteur ne peut engager des poursuites
individuelles contre le débiteur ; bien plus, il n'a en réalité aucun intérêt à le faire. L'effectivité du
droit de rétention peut, lorsque le bien retenu est utile à la poursuite de l’activité, lui permettre
d'obtenir satisfaction, sans qu'il n'engage des poursuites contre le débiteur.
Reste donc à voir comment se manifeste la protection du droit de rétention contre l’arrêt des
poursuites individuelles.
248. Aux termes des dispositions de l’article L. 622-21 précité, sont suspendues ou
interrompues, les actions en justice et les procédures d'exécutions ayant pour objectif de contraindre
le débiteur à payer une somme d'argent. Or, le droit de rétention n'est pas une action en justice. Il
n'est pas d'avantage une voie d'exécution. C'est le droit dont dispose le créancier pour opposer la
rétention du bien au débiteur, et cela, jusqu'au paiement complet de sa créance. De la sorte, le
débiteur ne peut récupérer le bien tant qu'il n'a pas exécuté son obligation à l'égard du titulaire d’un
droit de rétention. Ainsi, quand bien même l'arrêt des poursuites individuelles s'impose à tous, elle
n’aura aucun effet sur le droit de rétention. Faute d'action, l'exercice du droit de rétention n'est pas
paralysé par l'effet du jugement d'ouverture. Contre l’arrêt des poursuites individuelles, la
protection du droit de rétention est donc certaine. Il convient toutefois de distinguer le droit de
rétention autonome du droit de rétention attaché à l’existence d’un gage.
249. S’agissant du droit de rétention autonome, n’étant pas assorti d’un droit d’action, il ne
permet pas à son titulaire d’engager des poursuites individuelles. Ce dernier ne peut donc pas
solliciter la réalisation du bien retenu. L’absence d’un droit de préférence le contraint, de toute
évidence, à demeurer dans une situation passive. Le droit de rétention étant une arme purement
défensive, sa force réside dans l'attitude passive du créancier. En outre, l'effet de garantie du droit
de rétention se produira indépendamment de toute voie d'exécution puisqu'il n'a qu'un effet
coercitif319.
250. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un droit de rétention attaché au gage, l'arrêt des poursuites
individuelles aura des conséquences sur le gagiste-rétenteur. En effet, le droit de rétention n’est
319
A. AYNÈS, Le droit de rétention, Unité ou pluralité, op. cit., n° 370.
108
qu’une prérogative en plus du gage. Avant d’être un rétenteur, il est d’abord un créancier gagiste.
De la sorte, il devrait pouvoir engager des poursuites individuelles contre le débiteur. Il peut donc
solliciter la réalisation du bien gagé et faire jouer son droit de préférence sur le prix de vente. Or,
étant visé par l’arrêt des poursuites individuelles, ses prérogatives de créancier gagiste se trouvent
neutralisées. Ainsi, dès le jugement d’ouverture, il ne peut plus poursuivre le débiteur en paiement.
Pour contourner l’arrêt des poursuites individuelles, le gagiste-rétenteur est contraint de se prévaloir
uniquement de son droit de rétention et d’adopter une attitude passive.
251. Dans tous les cas, même si le rétenteur est, en théorie, visé par l'arrêt des poursuites
individuelles, en pratique, il va pouvoir y échapper. En effet, la nature particulière du droit de
rétention impose d'adopter une position passive et de se contenter de la force d'inertie de la
rétention. Aussi, l’exercice du droit de rétention n’est pas affecté nonobstant l’arrêt des poursuites
individuelles.
Dans le même sens, il avait été soutenu que si, en réalité, le jugement d'ouverture ne fait rien perdre
de ses prérogatives au créancier rétenteur, c'est qu'à la différence des créanciers munis de sûretés, il
n’est investi d'aucun droit qui, en l'état actuel de la législation, soit susceptible d'être atteint par les
principes régissant les procédures collectives et, en particulier, par la règle de l'interdiction des
poursuites individuelles et des voies d'exécution320.
252. La jurisprudence a également rendu quelques arrêts en faveur du maintien du droit de
rétention.
Ce fut d'abord le cas dans un arrêt du 27 février 1997 de la cour d’appel de Versailles321. Les juges
du fond avaient reconnu à un expert-comptable la possibilité d'exercer son droit de rétention face à
la procédure collective de l'un de ses clients. Dans cette décision, la cour d’appel avait dérogé aux
dispositions de l'alinéa 2 de l'article D.46 de la loi du 25 janvier 1985. Ce texte précisait que dès le
jugement d'ouverture, tout tiers détenteur est tenu de remettre à l'administrateur ou, à défaut, au
représentant des créanciers, à la demande de celui-ci, les documents et livres comptables en vue de
leur examen.
Bien que la règle de l'arrêt des poursuites individuelles ne soit pas traitée de manière spécifique
dans ce cas d'espèce, l'intérêt de l’arrêt réside dans le fait qu'il démontre l'efficacité du droit de
rétention dans la procédure collective. Ainsi, l'ouverture de la procédure et, partant, la mise en
œuvre de l'interdiction d'engager des poursuites individuelles, n'auront aucun effet sur le créancier
rétenteur.
320
P.-M. LE CORRE, « L'invincibilité du droit de rétention dans les procédures collectives de paiement », art. préc., p.
2816 ; P. LE MAIGAT, « L'efficacité du droit de rétention du créancier gagiste dans les procédures collectives », LPA,
1999, n° 242, p. 10.
321
CA Versailles, 27 février 1997, Rev. Proc. Coll. 1998/7, p.165, obs. B. SOINNE.
109
Ce fut ensuite le cas dans un arrêt rendu le 3 novembre 1999 par la cour d'appel de Toulouse322.
En l'espèce, les juges du fond avaient à connaître du droit de rétention d'un commissaire de
transport sur des marchandises remises avant et après l'ouverture d'une procédure de redressement
judiciaire. Dans leur décision, les juges toulousains avaient reconnu ce droit au commissaire sur
l’ensemble des marchandises, mais uniquement pour les créances antérieures au jugement
d’ouverture et non pas aux créances postérieures non encore exigibles. La cour d’appel de Toulouse
avait considéré que le droit de rétention ne pouvant s'analyser ni comme une action, ni comme un
voie d'exécution, le commissaire de transport devait continuer d'exercer son droit de rétention, à
condition que la créance fût exigible. Les juges du fond avaient donc soumis l'exercice du droit de
rétention à la seule exigibilité de la créance323.
253. En définitive, même si en application des dispositions de l’article L. 622-21, le créancier
rétenteur français non privilégié, est visé par l'arrêt des poursuites individuelles. En réalité, il va y
échapper puisque le droit de rétention effectif ne se trouve à aucun moment paralysé du fait de
l'interdiction d'engager des poursuites individuelles.
De cette situation résulte une protection efficace du droit de rétention effectif contre l’arrêt des
poursuites individuelles. Il se pose, dans cette perspective, la question du sort du droit de rétention
au regard de l'arrêt des poursuites individuelles en droit OHADA.
254. D’après les dispositions des articles 9 et 75 de l'AUPC, sont visées par la suspension et
l'interdiction des poursuites individuelles, les demandes tendant à obtenir le paiement des créances
antérieures, les procédures d'exécution, les mesures conservatoires et les procédures de distribution
n’ayant pas produit d’effet à la date de la décision d’ouverture.
Cependant, s’agissant des créanciers concernés, l’article 75 de l’AUPC adopte une formule large
qui vise de manière générale tous les créanciers composant la masse. À l’inverse, l’article 9 procède
à une énumération des créances visées. Il en résulte que dans le règlement préventif, la règle
s’applique à toutes les créances chirographaires et à celles garanties par un privilège général, un
privilège mobilier spécial, un gage, un nantissement ou une hypothèque, à l’exception des créances
de salaires et d’aliments.
255. L’analyse de ces deux articles pourrait amener à penser que lorsqu’il fait partie de la
masse, le créancier rétenteur serait visé par l’interdiction législative dans les procédures de
redressement judiciaire et de liquidation des biens. Par contre, il y échapperait dans le règlement
préventif puisqu’il n’est pas expressément cité par l’article 9.
322
CA Toulouse, 3 novembre 1999, Rev. Proc. Coll. 2001/4, p. 248, obs. F. MACORIG-VENIER.
323
Cette solution a été réaffirmée par la jurisprudence, v. Cass. com., 8 juillet 1997, n° 95-14.518, Bull. civ. IV, n° 221;
D. 1998, somm., p.100, obs. S. PIÉDELIÈVRE.
110
Cette approche nous semble néanmoins discutable.
D’une part, il nous est difficile d’expliquer cette soudaine différence de traitement. En effet, les
anciens articles 9 et 75 de l’AUPC 324 s’appliquaient indifféremment à tous les créanciers :
créanciers chirographaires et ceux munis de privilèges généraux ou de sûretés réelles spéciales tels
qu’un privilège mobilier spécial, un gage, un nantissement ou une hypothèque, à l'exception des
créanciers de salaires.
Ainsi, le créancier rétenteur n’était pas visé par l’arrêt des poursuites individuelles, peu important
que le débiteur fasse l’objet d’un règlement préventif, d’un redressement judiciaire ou d’une
liquidation des biens. D’autre part, comme en droit français, le droit de rétention n’étant ni une voie
d’exécution, ni une demande en paiement, le créancier rétenteur devrait échapper à l’arrêt des
poursuites individuelles. Mais, la transposition de cette solution en droit OHADA nécessite tout de
même quelques précisions.
256. Bien que la rédaction des articles 9 et 75 de l’AUPC ne soit pas identique (rédaction
issue de la réforme de septembre 2015), cette différence ne devrait en réalité avoir aucun impact sur
le droit de rétention. En effet, compte tenu de sa nature325 mais aussi des prérogatives qu'il confère à
son bénéficiaire, le droit de rétention devrait être protégé contre l’arrêt des poursuites individuelles.
À l’instar du droit français, l’ouverture d’une procédure collective, quelle qu’elle soit, ne saurait
empêcher l’exercice de ce droit. Le créancier qui se contente de retenir le bien devrait ainsi éviter
l’interdiction législative et pourra même, dans certaines circonstances, obtenir satisfaction
personnelle, nonobstant l’ouverture d’une procédure collective.
257. Toutefois, la confusion naît du fait que, comme l’avait à juste titre fait remarquer un
auteur326, avant la réforme – et la situation n’a pas beaucoup changé après la réforme – l'AUPC,
dans son intégralité, ne fait aucune référence au droit de rétention. Aussi, peut-on se poser la
question suivante : l'absence du droit de rétention dans l'AUPC doit-elle s'analyser comme une
exclusion totale de ce droit face aux effets de la procédure collective ? Ou doit-on voir en cela les
conséquences de son ancienne assimilation au gage ?
En se référant aux dispositions de l'ancien AUS (articles 40 à 43), l'absence du droit de rétention
dans l'AUPC s'explique par son assimilation au gage dans sa phase de réalisation327.
Cependant, si le droit de rétention a pendant longtemps été assimilé au gage, tel n'est plus le cas
depuis la réforme de l'AUS intervenue en décembre 2010. Celle-ci ayant considérablement
revalorisé le droit de rétention qui s'entend désormais comme la seule faculté donnée à un créancier
de retenir un bien de son débiteur jusqu'au complet paiement de ce qui lui est dû, sans aucun droit
324
Avant la réforme de l’AUPC intervenue en septembre 2015.
325
Le droit de rétention n'est ni une demande en paiement, ni une voie d'exécution.
326
G. JIOGUE, « Le droit de rétention conventionnel, Étude de droit français et de droit OHADA », Revue de la
Recherche Juridique Droit Prospectif, 2007-4, n° 38, p. 1791.
327
Art. 43 de l'ancien AUS.
111
de préférence ni droit de suite ( article 67). Comme en droit français, les effets du droit de rétention
ne sont plus alignés sur ceux du gage.
258. Ainsi, au regard de l’arrêt des poursuites individuelles, la protection ou non du droit de
rétention, va dépendre de l’assimilation ou non au gage. Il est donc permis de penser qu'à l'image du
créancier gagiste, le créancier rétenteur était soumis à l'arrêt des poursuites individuelles avant la
réforme de l'AUS. En conséquence le droit de rétention n’était pas véritablement protégé contre
l’arrêt des poursuites individuelles (1). Le nouvel AUS ayant toutefois restauré la nature du droit de
rétention, comme en droit français, il devrait désormais être protégé contre l’arrêt des poursuites
individuelles (2). C’est pourquoi, nous analyserons le sort du droit de rétention face l'arrêt des
poursuites individuelles avant et après la réforme de l'AUS.
259. Alors même que le droit de rétention s'entendait déjà comme la faculté reconnue à un
créancier de retenir légitimement un bien de son débiteur jusqu'au complet paiement de ce qui lui
est dû (article 41 de l'ancien AUS), le législateur communautaire africain avait, en plus de cette
prérogative traditionnelle, fait le choix de conférer un droit de préférence et de suite au créancier
rétenteur. En effet, conformément aux dispositions de l’article 43 de l'ancien AUS, le créancier qui
n'avait reçu ni paiement, ni sûreté, pouvait, après signification faite au débiteur et au propriétaire de
la chose, exercer ses droits de suite et de préférence comme en matière de gage.
Le créancier rétenteur avait donc le choix entre adopter une position purement passive ou mettre en
œuvre son droit d'agir. Il pouvait ainsi décider de se comporter comme un véritable rétenteur. Dans
cette hypothèse, il devait se contenter de retenir le bien jusqu'à ce qu'il soit totalement désintéressé.
En revanche, lorsqu'il estimait que cette attitude passive ne lui convenait pas, il pouvait mettre en
avant ses prérogatives de créancier gagiste. Dans ce dernier cas, les effets du droit de rétention
étaient alors calqués sur ceux du gage. Pour jouir de son droit de préférence, le rétenteur avait tout
intérêt à demander la réalisation forcée du bien.
L'exercice de son droit de préférence était cependant subordonné à la réunion de quelques
conditions. Le rétenteur ne devait avoir reçu aucun paiement, ni de sûreté réelle équivalente. Il
devait, en outre, signifier son droit au débiteur et au propriétaire de la chose. Ainsi, comme le
créancier gagiste, le rétenteur pouvait engager des mesures d'exécution forcée en vue de faire jouer
son droit de préférence sur le prix de la réalisation.
260. En tout état de cause, la reconnaissance des droits de préférence et de suite au profit du
créancier rétenteur justifiait l'assimilation du droit de rétention au gage. Cette assimilation
permettait de considérer que le créancier rétenteur devait subir les mêmes restrictions que celles
imposées au créancier gagiste, notamment en cas d'ouverture d'une procédure collective. Aussi, en
112
application des anciens articles 9 et 75 de l'AUPC, les créanciers antérieurs dont les créances étaient
garanties par une sûreté réelle spéciale telle que le gage, étaient soumis à la règle de la suspension
ou de l'interdiction des poursuites individuelles.
Cette règle traditionnelle du droit des entreprises en difficulté visait notamment à empêcher la mise
en œuvre des mesures d'exécution forcée contre le débiteur. Or, le droit de préférence reconnu au
rétenteur 328 pouvait l'inciter à demander la réalisation forcée du bien, lorsqu'il ne voulait pas
demeurer dans une attitude passive. Dans cette hypothèse, les effets du droit de rétention
s'alignaient alors parfaitement sur ceux du gage. Il n'était donc pas équitable de soumettre le
créancier gagiste à l'arrêt des poursuites individuelles, tout en épargnant le créancier rétenteur, alors
même que les deux sûretés produisaient des effets identiques. En dépit du silence législatif, il était
permis de penser que le rétenteur, comme le créancier gagiste, ne pouvait plus engager des mesures
d'exécution forcée dès la décision d'ouverture.
La soumission du rétenteur à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles était donc envisageable
aussi bien dans le règlement préventif que dans les procédures de redressement judiciaire et de
liquidation des biens.
Ainsi, le législateur OHADA avait, sans le vouloir, en conférant un droit de préférence au créancier
rétenteur, considérablement réduit les effets de sa sûreté. Du fait de l’interdiction législative, il ne
pouvait donc plus solliciter la réalisation forcée du bien retenu dès l’ouverture d’une procédure
collective.
261. Cependant, le créancier rétenteur ne perdait pas sa sûreté, à moins d'y renoncer
expressément 329 . Il conservait la détention matérielle du bien. Cette détention constituait
véritablement la force du droit de rétention. Ainsi, pour garantir la protection du droit de rétention
contre l’arrêt des poursuites individuelles, le créancier devait se contenter de retenir le bien. Il
devait alors renoncer à ses prérogatives de créancier gagiste, et notamment à son droit d’agir et
privilégier sa position de rétenteur. Par ailleurs, il a été soutenu que lorsque que la rétention
s'exerçait sur des biens n'ayant aucune valeur monétaire tels que les documents, le créancier n'avait
pas d'autre choix ; il devait se contenter de retenir le bien. Il fallait alors espérer que la rétention des
documents soit suffisamment pénalisante pour contraindre le débiteur à payer le créancier330.
262. Toutefois, même lorsque le créancier se contentait de retenir le bien, la protection du
droit de rétention n’en était pas pour autant garantie. On pouvait craindre qu'il lui soit imposé une
substitution de garantie en application de l’article 42 de l'ancien AUS. Le risque ici était que le
rétenteur reçoive une garantie de remplacement moins avantageuse que son droit de rétention initial.
328
Art. 43 de l'ancien AUS.
329
Art. 121 de l'AUPC.
330
Z. ZERBO, « Le droit de rétention dans l'acte uniforme portant organisation des sûretés de l'OHADA : étude
comparative », art. préc., n° 836, p. 129.
113
En effet, il n'était pas aisé de trouver une garantie qui confère à la fois un droit de préférence, un
droit de suite et un droit de retenir la chose331, à moins qu'il ne s'agisse du gage avec dépossession.
263. En définitive, l'assimilation du droit de rétention au gage aboutissait, en pratique, à une
profonde dénaturation de ce droit, entraînant ainsi des conséquences fâcheuses. Le droit de rétention
ne pouvait donc efficacement être protégé contre l'arrêt des poursuites individuelles. L'AUS ayant
été réformé, le droit de rétention a retrouvé son efficacité traditionnelle. Il est désormais possible de
penser qu'à l’instar du droit français, la protection du droit de rétention est efficace en droit
OHADA.
331
J.-C. OTOUMOU, « Le droit de rétention en droit OHADA », art. préc., pp. 87 à 90.
114
Paragraphe 2/ La protection incertaine du droit de rétention fictif
en droit français
267. Le droit de rétention fictif permet au créancier de retenir le bien sans en avoir la
détention. Il s’analyse comme une simple fiction légale dans la mesure où le créancier retient
fictivement un bien sur lequel il n’a aucune emprise matérielle. Contrairement au droit de rétention
effectif, le droit de rétention fictif existe sans aucun lien de connexité entre la créance garantie et la
chose retenue. De plus, le droit de rétention fictif n'a aucune existence autonome. Il est
nécessairement attaché à une sûreté, le plus souvent un gage sans dépossession332.
268. Depuis la modification opérée par la LME333, on distingue désormais deux catégories de
droit de rétention fictif. D'une part, ceux qui résultent à l’origine de lois spéciales ; c’est notamment
le cas du droit de rétention attaché au gage sur véhicule automobile 334 . D'autre part, celui qui
provient des dispositions de l'article 2286, 4° du Code civil. C'est par exemple le cas du droit de
rétention attaché au gage sur matériel et outillage, au gage sur stocks sans dépossession 335 et,
éventuellement, au warrant agricole336.
269. Cependant, en réponse à la modification opérée par LME, l'ordonnance du 18 décembre
2008 a déclaré inopposable le droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil
pendant les périodes d'observation et d'exécution des plans de continuation. En revanche, aucune
disposition propre à la liquidation judiciaire ne prévoit une inopposabilité de ce droit. On peut en
déduire que le droit de rétention fictif est tout à fait opposable dans la procédure de liquidation
judiciaire.
270. Au vu de ce qui précède, deux questions se posent. La première tient à la nature fictive
du droit de rétention. La fictivité du droit de rétention est-elle un obstacle à son protection contre
l’arrêt des poursuites individuelles (A) ? Quant à la seconde, elle résulte des conséquences de
l’inopposabilité de ce droit rétention relativement à l’arrêt des poursuites individuelles.
L’inopposabilité du droit de rétention fictif empêche-t-elle sa protection (B) ?
332
Certains nantissements s’accompagnent d’un droit de rétention, notamment le nantissement de compte-titres (article
L. 211-20. III du Code monétaire et financier).
333
Loi sur la modernisation de l’économie.
334
Depuis le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953, relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles, un droit de
rétention fictif est attaché au reçu de la déclaration du gage sur le registre spécialement ouvert à la préfecture à cet effet
(article 2, al. 3 du décret de 1953). Par ailleurs, l’article 2352 du Code civil dispose que « par la délivrance du reçu de la
déclaration, le créancier gagiste sera réputé avoir conservé le bien remis en gage en sa possession ».
335
E. LE CORRE-BROLY, « Le gage sur stocks et le Code de commerce : un mariage forcé ? », art. préc.
336
E. LE CORRE-BROLY, « La situation du porteur d'un warrant agricole après l'ordonnance du 23 mars 2006 et la
LME », art. préc.
115
A- La fictivité droit de rétention et l’arrêt des poursuites individuelles
273. Selon les dispositions de l'article L. 622-7- I, alinéa 2, du Code de commerce, le droit de
rétention conféré par l'article 2286, 4° du Code civil est inopposable en période d'observation et
durant toute la durée de l'exécution du plan de sauvegarde. Cette disposition est applicable par
renvoi en redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-14, alinéa 1er. L’inopposabilité
neutralise les effets du droit de rétention fictif. Pendant toute la durée de l’inopposabilité, les
organes de la procédure sont fondés à ignorer le droit du créancier. En pratique, tout se passera
337
Sur le bénéfice du retrait contre paiement pour les titulaires d’un droit de rétention fictif ; v. ns° 418 et s.
116
comme si le créancier n’était pas un rétenteur. Il ne peut donc opposer au débiteur ou à
l’administrateur judiciaire les prérogatives traditionnellement reconnues au droit de rétention, en
l’occurrence la rétention du bien.
En raisonnant par analogie au droit de rétention effectif, on pourrait conclure que l’inopposabilité
du droit de rétention fictif, en neutralisant les prérogatives attachées à ce droit, constitue un obstacle
à la protection du droit de rétention contre l’arrêt des poursuites individuelles.
274. Cependant, en présence d’un droit de rétention fictif, la logique est tout autre. Le droit de
rétention fictif ne confère pas au créancier la faculté de retenir matériellement le bien jusqu’au
complet paiement de sa créance. Que le droit de rétention fictif soit inopposable ou pas, le créancier
ne retient pas le bien. Or, c’est la rétention, pensons-nous, qui permet de soustraire le créancier de
l’arrêt des poursuites individuelles et qui, de ce fait, garantie la protection du droit de rétention.
Nous émettons donc quelques réserves sur l’efficacité de la protection du droit de rétention fictif
contre l’arrêt des poursuites individuelles. Plus que l’inopposabilité du droit de rétention, c’est son
caractère fictif qui pose ici problème.
275. Pourtant, il convient de noter que l’inopposabilité du droit de rétention fictif a quand
même des effets néfastes au regard de la règle de la suspension et de l'interdiction des poursuites
individuelles. En neutralisant les effets du droit de rétention, l’inopposabilité permet de considérer
le créancier comme un simple gagiste-non rétenteur. En conséquence, pendant toute la période
d’observation et celle d’exécution du plan, le créancier va subir l’arrêt des poursuites individuelles.
Ne pouvant plus solliciter la réalisation forcée du bien, son droit de préférence se trouve aussi
quelque peu neutralisé.
Ainsi, durant toute la période où le sauvetage de l'entreprise est envisageable, le droit de rétention
du gagiste sans dépossession demeure inopposable. De plus, le créancier ne peut faire jouer les
prérogatives découlant de son statut de gagiste. À l’égard du créancier dont le droit de rétention
fictif provient des dispositions de l’article 2286, 4° du Code civil, la règle de l'arrêt des poursuites
individuelles s'impose donc dans les deux sens : aussi bien en tant que rétenteur, que gagiste sans
dépossession.
276. Cependant, cette différence entre les bénéficiaires d’un droit de rétention fictif nous
semble purement théorique. En pratique, la différence pourrait bien ne pas se ressentir. En effet,
même lorsque le droit de rétention est opposable, le caractère fictif qui suppose l’absence de
rétention matérielle du bien, empêche véritablement au créancier d’échapper à l’arrêt des poursuites
individuelles. Pour cette raison, il ne nous semble pas opportun d’analyser les effets d’un droit de
rétention fictif opposable eu égard à l’arrêt des poursuites individuelles. L’absence de rétention du
bien par le créancier fonde véritablement la faiblesse du droit de rétention fictif par rapport à la
règle de l’arrêt des poursuites individuelles.
117
277. Notons que le législateur permet à certains créanciers de recouvrer leur droit de poursuite
individuelle au cours de la liquidation judiciaire. Aux termes des dispositions de l'article L. 643-2,
alinéa 1er, « Les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une
hypothèque (...) peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore
admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation
des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la
liquidation judiciaire ». La reprise des poursuites est donc subordonnée à une double condition : la
déclaration de la créance, d'une part, et l'absence d'initiative du liquidateur quant à la réalisation des
biens, d'autre part.
La loi ne précise pas quels sont les gagistes visés par la mesure. Il y a donc lieu de considérer
qu'elle s'applique à tous les créanciers gagistes avec ou sans dépossession.
Cette mesure peut se révéler d'une importance non négligeable pour le gagiste-rétenteur, puisqu’elle
lui permet de sortir de l'inertie dans laquelle il serait contraint de demeurer s’il n’était qu’un
créancier rétenteur. En effet, comme gagiste, il peut solliciter la réalisation forcée du bien afin de
mettre en œuvre son droit de préférence et bénéficier ainsi d'un paiement prioritaire sur le prix de la
réalisation. En contrepartie, il perd le bénéficie du droit de rétention et doit se soumettre à la loi du
concours. À notre avis, cette situation n'interviendra que dans des cas d'extrême attente de la part du
créancier car il s'agit tout de même de renoncer au droit de rétention et, donc, au statut de créancier
exclusif.
À l’opposé, cette mesure ne bénéficie pas au titulaire d’un droit de rétention autonome. De surcroit,
elle ne présente aucun intérêt pour lui. Ne bénéficiant pas d'un droit de préférence, il ne peut
solliciter la réalisation forcée du bien. À défaut, non seulement il outrepasse ses prérogatives, mais
en plus, cette situation s’analyse comme un dessaisissement volontaire, avec pour conséquence la
perte du droit de rétention.
278. En définitive, la prérogative attachée au droit de rétention effectif, en l’occurrence la
rétention du bien, permet à ce droit d’être efficacement protégé contre l’arrêt des poursuites
individuelles. Inversement, n’étant pas assorti de la rétention effective du bien, le droit de rétention
fictif semble ne présenter aucun intérêt au regard de l’arrêt des poursuites individuelles. Il s’ensuit
donc une protection incertaine pour le droit de rétention fictif. Ainsi, seule la protection du droit de
rétention effectif reste certaine et efficace. Sur cette question, le retard du droit OHADA envers le
droit français n’est pas de nature à pénaliser le rétenteur africain.
279. Toutefois, l’exercice du droit de rétention n’est pas la seule manifestation de la
protection du droit de poursuite des créanciers munis de sûretés réelles exclusives. Il existe un autre
moyen réservé, cette fois, aux créanciers propriétaires qui démontre aussi cette protection : c’est
l’exercice de l’action en revendication.
118
Section 2/ La protection de la revendication contre l’arrêt des
poursuites individuelles
280. L'arrêt des poursuites individuelles vise à paralyser le droit d'agir des créanciers
antérieurs et postérieurs non éligibles au traitement préférentiel. Il résulte des dispositions de
l'article L. 622-21 que la règle s'applique aux actions en justice tendant au paiement d'une somme
d'argent, à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement ou aux mesures d'exécution forcée.
Ainsi, dès le jugement d'ouverture, les créanciers non éligibles au traitement préférentiel ne peuvent
plus agir en paiement contre le débiteur. En revanche, la règle est sans conséquence pour les autres
actions, et notamment les actions en revendication338. Celles-ci s’entendent comme les actions dont
l’objet est de rendre le droit de propriété opposable à la procédure collective.
Dès lors que la revendication est admise, celui qui entend faire connaître son droit de propriété aux
organes de la procédure doit, en lieu et place d'une action en paiement ou d'une mesure d'exécution,
agir en revendication contre le débiteur. Par ailleurs, la revendication permet de soustraire le bien
revendiqué aux effets de la procédure collective. Ce bien ne devrait donc pas être considéré comme
faisant partie de l’actif du débiteur, gage commun des créanciers.
281. Contrairement à l’exercice du droit de rétention, la revendication n’entraîne pas
l’inactivité du créancier ; bien au contraire, il doit agir. C’est en effet l’exercice d’une action qui
constitue ici le socle de la protection de la revendication contre l’arrêt des poursuites individuelles.
La revendication est possible en dépit de l’interdiction d’engager des poursuites individuelles contre
le débiteur. Cette situation assure ainsi le maintien du droit des créanciers. Reste toutefois à
déterminer les bénéficiaires d’une action en revendication. Ceux-ci diffèrent selon que l'on se situe
en droit français ou en droit OHADA.
282. En droit français, il existe plusieurs hypothèses de revendication 339 . L’action en
revendication n'est pas reconnue aux seuls bénéficiaires d'une clause de réserve de propriété. Pour
renforcer l'efficacité des propriétés-sûretés, le législateur a choisi de reconnaître un droit de
revendication à tous les propriétaires. Ainsi, la revendication est admise aussi bien pour le
propriétaire initial, dont la chose se trouve entre les mains du débiteur (le vendeur réservataire), que
pour celui qui s'est vu temporairement attribuer la propriété d'un bien (le fiduciaire)). Elle est
également admise pour le crédit-bailleur. Cependant, cette dernière catégorie de propriétaire ne sera
pas analysée dans le cadre de cette étude consacrée aux sûretés réelles exclusives340.
338
P. ALIX, « Les poursuites individuelles non suspendues par l’ouverture d’une procédure collective de redressement
judiciaire», Gaz. Pal. 25 avril 1996, Doctr., pp. 412 et s. sp. p. 416.
339
Art. L. 624-12 à L. 624-19 du Code de commerce.
340
Cf. introduction. ns° 50-51.
119
283. S'agissant de la revendication du vendeur réservataire, elle découle des dispositions de
l'article L. 624-16, alinéa 2, du Code de commerce qui précisent que les biens vendus avec une
clause de réserve de propriété peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de
l'ouverture de la procédure.
L’action en revendication doit être exercée par celui qui est propriétaire au jour du jugement
d’ouverture341. Il peut s’agir du vendeur de meubles lui-même ou de la personne subrogée dans ses
droits. Ainsi, peut revendiquer, l’établissement de crédit ayant financé l’opération avec réserve de
propriété et qui a ensuite acquis le bénéfice de la propriété réservée. Il en est de même pour le
porteur d’une lettre de change, dans l’hypothèse où une créance du prix de vente a été mobilisée par
l’émission de cet effet de commerce. Il acquiert de cette manière la créance et ses accessoires342. La
revendication est donc ouverte à tout propriétaire qui veut faire reconnaître son droit de propriété,
quel que soit la cause ou le titre juridique fondant sa propriété343.
284. Même si l’article L. 624-16, alinéa 2, précité vise expressément la vente, la jurisprudence
admet également la revendication lorsque la réserve de propriété intervient dans le cadre d’un
contrat autre que la vente, notamment le contrat d’entreprise344. Dans un arrêt du 2 mars 1999345, la
Cour de cassation avait déjà décidé, à propos d’un contrat d’entreprise, que « La revendication des
biens meubles qui n’appartiennent pas au débiteur ne peut s’exercer, à l’égard de la procédure
collective, que dans les conditions fixées par les articles 115 et suivants de la loi du 25 janvier 1985
». Ainsi, dès l’instant où le créancier s’est réservé la propriété d’un bien par le biais d’une clause, il
doit revendiquer dans les conditions prévues par la loi346.
La vente étant cependant le contrat le plus usuel en matière de clause de réserve de propriété, les
développements suivants feront surtout état de la revendication du vendeur réservataire.
285. Dans le cadre de la fiducie-sûreté, l’article L. 624-16, alinéa 1er, du Code de commerce
dispose que peuvent être revendiqués, à conditions qu’ils se retrouvent en nature, les biens meubles
transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l’usage ou la jouissance en qualité
de constituant. Logiquement, le droit de revendiquer n'appartient pas au bénéficiaire de la fiducie
mais au fiduciaire. En effet, c’est dans le patrimoine fiduciaire que les actifs sont transférés. En tant
que propriétaire, au moins à titre temporaire, il revient donc au fiduciaire, qui peut être ou non le
créancier bénéficiaire, d’exercer l'action en revendication, sauf si un mandat a été conféré au
341
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1607.
342
Cass. com., 11 juillet 1988, n° 87-10.834, Bull. civ. IV, n° 241; RTD com. 1988, p. 656, obs. M. CABRILLAC et B.
TEYSSIE.
343
À propos du prêt à usage ; Cass. com., 28 janvier 1997, n° 94-14.345, Inédit ; D. Aff. 1997, p. 347 ; D. 2000, somm.
p. 66, obs. F. PÉROCHON et D. MAINGUY.
344
Les biens remis en exécution d’un contrat d’entreprise peuvent faire l’objet d’une réserve de propriété ; V. Cass.
com., 19 novembre 2003, n° 01-10.137, Bull. civ. IV, n° 174 ; JCP E, 2004, 783, n° 11, obs. M. CABRILLAC ; D.
2003, p. 3049, obs. A. LIÉNHARD ; D. 2004, comm. p. 801, note A. LUCAS et F.-X. LUCAS.
345
Cass. com., 2 mars 1999, n° 95-18.643, Bull. civ. IV, n° 50.
346
V. aussi, F. PÉROCHON, obs. sous CA Caen, 16 mars 1995, D. 1996, somm. p. 220.
120
bénéficiaire. Dans tous les cas, le revendiquant doit prouver par tous moyens qu’il est bien le
propriétaire du bien revendiqué.
286. Le droit OHADA n’est pas en reste. Il existe également plusieurs hypothèses de
revendications 347 . Au nombre des revendiquants, on retrouve le créancier réservataire. En effet,
l’alinéa 3 de l’article 103 de l’AUPC précise que « Peuvent être également revendiqués, les
marchandises et les objets mobiliers faisant l’objet d’une clause de réserve de propriété ». Il faut
ici remarquer que, contrairement à la rédaction de l’ancien texte 348 , le législateur ne vise plus
spécifiquement les marchandises et les objets vendus sous réserve de propriété. La revendication
n’est donc plus admise au seul vendeur réservataire, mais à toute personne qui s’est réservée la
propriété d’un bien mobilier par l’effet d’une clause de réserve de propriété.
287. Avant la réforme, en se fondant sur l’obligation de production qui pesait sur les
revendiquants et qui avait pour conséquence l’alignement de la procédure des revendications sur
celle des vérifications et admissions des créances, un auteur349 avait considéré que, contrairement au
droit français où la revendication incombe au propriétaire du bien revendiqué, l’action en
revendication relevait, en droit OHADA, de l’autorité judiciaire. Il déduit cette solution des
dispositions des articles 87 et 89 de l’ancien AUPC. Le premier texte précisait que « Le greffier
avertit immédiatement les créanciers et les revendiquants du dépôt de l'état des créances par une
insertion dans un ou plusieurs journaux d'annonces légales, et par une insertion au Journal officiel
contenant l’indication du numéro du journal d'annonces légales dans lequel a été faite la première
insertion ». Et le second texte prévoyait que « Les revendications et les créances contestées ou
admises provisoirement sont renvoyées à la juridiction compétente en matière de procédures
collectives, par les soins du greffier, à la première audience, pour être jugées sur rapport du Juge-
commissaire, si la matière est de la compétence de cette juridiction ». À notre avis, cette solution ne
saurait être d’actualité après la réforme. Les revendiquants ne sont plus soumis à la production des
créances. L’action en revendication devrait être exercée, comme en droit français, par le propriétaire
ou celui qui lui est subrogé dans ses droits.
288. Cependant, à la différence du droit français, le législateur communautaire africain
n’envisage pas la possibilité pour le fiduciaire ou le bénéficiaire d’un transfert fiduciaire de
revendiquer. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que le transfert fiduciaire n’est prévu que
pour des sommes d’argent qui, au demeurant, ne sont pas tenues par le débiteur constituant. Ces
fonds sont inscrits sur un compte bloqué et ouvert au nom du créancier de l’obligation, dans les
347
Art. 102 à 106 de l'AUPC.
348
L’article 103, al. 2 de l'ancien AUPC précisait que « Peuvent être revendiqués les marchandises et les objets
mobiliers, s'ils se retrouvent en nature, vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement
intégral du prix ».
349
J.-R. GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 195.
121
livres d’un établissement de crédit habilité à les recevoir350. Les sommes d’argent faisant l’objet
d’un transfert fiduciaire n’étant pas détenues par le débiteur ou un tiers agissant pour son compte,
elles n’ont pas vocation à créer une apparence de solvabilité de nature à tromper les tiers. Le
bénéficiaire peut donc se passer de la revendication.
Il devrait, pour cela, être soumis à l’arrêt des poursuites individuelles. Mais, en pratique, cette règle
n’aura aucun effet sur le bénéficiaire d’un transfert fiduciaire car, d’une part, il est déjà propriétaire
des sommes transférées et, d’une part, ces fonds sont tenus à l’abri dans un compte bloqué.
289. Par ailleurs, tout comme l’action en revendication, l’action en restitution est exclue de la
règle de l'interdiction et de la suspension des poursuites individuelles. Il s'agit donc d'une seconde
arme permettant aux propriétaires d'échapper à l’interdiction législative. Cependant, à la différence
de l'action en revendication, l’action en restitution ne bénéficie qu'aux propriétaires dont les contrats
ont fait l'objet d'une publicité 351 . En outre, le Code de commerce précise que la demande en
revendication emporte demande en restitution352. Ainsi, lorsque le contrat n'a pas été publié, l'action
en revendication précèdera l'action en restitution. C'est cette dernière qui permet aux propriétaires
d'entrer en possession du bien. Cette mise en possession du créancier peut ainsi s'analyser comme
un paiement indirect. Pour cette raison, nous analyserons le régime de l'action en restitution dans le
chapitre suivant consacré au paiement des créanciers munis de sûretés réelles exclusives.
290. En définitive, si les législateurs français et africain sont unanimes sur la revendication du
créancier réservataire (paragraphe 1), le législateur français se démarque à nouveau puisqu’il admet
également la revendication du fiduciaire (paragraphe 2).
292. Pour commencer, il convient de préciser que la revendication est possible dans les trois
procédures collectives que sont la sauvegarde 353 , le redressement judiciaire 354 et la liquidation
judiciaire 355 . Depuis l’ordonnance du 12 mars 2014, le doute existe quant à la possibilité de
350
Art. 87, al. 2 de l’AUS.
351
Art. L. 624-10 du Code de commerce et 101-3, al. 1er de l’AUPC.
352
Art. R. 624-13, al. 4 du Code de commerce.
353
Art. L. 624-9 et s ; R. 624-13 et s. du Code de commerce.
354
Art. L. 631-18; art. R. 631-31 du Code de commerce.
355
Art. L. 641-14; art. R. 641-31 du Code de commerce.
122
revendiquer au cours de la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée. En effet, il résulte des
dispositions de l’article L. 628-1, alinéa 1er, du Code de commerce que les règles relatives aux
revendications ne sont pas applicables dans cette dernière procédure. Ainsi, on pourrait considérer
que les bénéficiaires du droit de revendiquer ne disposent d’aucun moyen pour échapper à l’arrêt
des poursuites individuelles. Cependant, comme l’a justement relevé un auteur356, en application de
l’article L. 628-6 du Code de commerce, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée ne
produit d’effet qu’à l’égard des créanciers mentionnés à l’article L. 622-24 du Code de commerce et
soumis à l’obligation de déclaration prévue par ce texte. Or, si l’on admet que le créancier
réservataire n’est pas soumis à l’obligation de déclaration357, on pourrait également admettre qu’il
ne soit pas soumis à la procédure de sauvegarde accélérée et, donc, qu’il peut revendiquer sur le
fondement du droit commun et non pas en application des règles de la revendication qui sont
exclues dans cette procédure.
293. Quoi qu’il en soit, n’étant pas concernée par l’arrêt des poursuites individuelles, la
revendication, lorsqu’elle est admise, reste une arme redoutable pour le créancier réservataire. Son
efficacité (2) est cependant soumise à des conditions (1) d'exercice rigoureuses qu’il convient au
préalable de déterminer.
Les conditions de la revendication tiennent, d’une part, à son objet (a) et, d’autre part, à sa
procédure (b).
294. Sous l'empire des législations antérieures, la revendication portait uniquement sur les
"marchandises". Cette notion qui réduisait quelque peu le champ d'application des revendications a
été, dans la loi du 10 juin 1994, remplacée par la notion de "biens". La revendication va donc
s'appliquer à l'ensemble des biens meubles, peu important qu'ils soient corporels ou incorporels358.
Les textes du Code de commerce359 ne visant que la revendication des meubles, les propriétaires
d’immeubles sont donc dispensés d'avoir à exercer une action en revendication 360. Ainsi, celui qui
s'est réservé la propriété d'un immeuble est soumis à l'arrêt des poursuites individuelles, même
lorsque le contrat dans lequel la clause est insérée fait l'objet d'une publicité.
356
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.09 in fine.
357
Cf. ns° 760 et s.
358
Revendication d'un fond de commerce ; Cass. com., 21 novembre 1995, n° 93-20.531, Bull.civ. IV, n° 266 ; D. 1996,
p. 211, note C. REGNAUT-MOUTIER ; D. 1996, somm. p. 214, obs. F. PÉROCHON ; Cass. com., 29 février 2000, n°
97-14.575, Inédit ; Revendication de brevet d'invention ; Cass. com., 22 octobre 1996, n° 94-17.768, Bull. civ. IV, n°
252; Rev. Proc. Coll. 1997, p. 321, obs. B. SOINNE.
359
Art. L. 624-9 et s.
360
Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-12.667, Bull. civ. IV, n° 8 ; JCP E, 1996, I, 3935, n° 19, obs. M. CABRILLAC.
123
Toutefois, la propriété des immeubles n’est pas souvent menacée par l’ouverture d’une procédure
collective, puisqu’en règle générale le transfert de propriété des immeubles s'accompagne d'une
publicité. Les immeubles ne peuvent donc être considérés comme donnant une solvabilité apparente
au débiteur. L'ouverture d'une procédure collective à l'égard du détenteur précaire d'un immeuble
n'a pas d'incidence sur la reconnaissance du droit de propriété de cet immeuble.
Quoi qu’il en soit, la revendication porte sur des biens meubles se trouvant entre les mains du
débiteur (a-1) ou sur la créance du prix subrogée au bien (a-2)
a-1) La revendication des biens meubles se trouvant entre les mains du débiteur
295. Il résulte des dispositions de l'article L. 624-16 du Code de commerce que les biens
meubles existant en nature peuvent être revendiqués au moment de l'ouverture de la procédure.
Cette condition suppose d'abord l'identification du bien. Le revendiquant doit se prévaloir d’un droit
de propriété sur une chose identifiée dans le patrimoine du débiteur. Il doit prouver que les biens
revendiqués sont les biens livrés par lui au débiteur ou à un tiers agissant pour son compte361. Après
l’identification, le revendiquant doit rapporter la preuve de l'existence du bien en nature dans le
patrimoine du débiteur, peu important qu'il détienne lui-même le bien ou qu'il soit détenu par un
tiers agissant pour son compte362.
La condition d'existence du bien en nature s'apprécie au jour de l'ouverture de la procédure 363 et non
au jour de l'exercice de l'action en revendication. L'autorité de la chose jugée attachée à la décision
irrévocable de la demande en revendication et en restitution, empêche la remise en cause de
l'existence en nature du bien revendiqué au jour du prononcé du jugement d'ouverture de la
procédure364.
296. En pratique, la tâche qui incombe au revendiquant de rapporter la preuve de l'existence
du bien en nature, au jour du jugement d'ouverture, devrait être facilitée en raison de l'établissement
obligatoire365 d'un inventaire dès le début de la procédure366.
Que se passe-t-il à défaut d'inventaire ?
361
Cas. com., 23 octobre. 1990, n° 89-13.486, Bull. civ. IV, n° 246 ; D. 1990, IR p. 277; Cass.com., 11 juillet 2006, n°
05-13.103, Bull. civ. IV, n° 199.
362
Cass. com., 3 décembre 1996, n° 94-21.227; Bull. civ. IV, n° 301; JCP, E, 1997, I, 651, n° 16, obs. M.
CABRILLAC; RD bancaire, 1997, p. 37, obs. M.-J. CAMPANA et J.-M. CALENDINI; Cass. com., 10 mai 2012, n°
11-17.626, Bull. civ. IV, n° 95; D. 2012. AJ. p.1326, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E, 2012. 1508, n° 6, obs. Ph. PÉTEL.
363
Cass. com., 15 décembre 1992, n° 90-19.980; Bull. civ. IV, n° 412; Cass. com., 10 janvier 2006, n° 04-18.437,
Inédit; Cass. com., 10 janvier 2006, n° 04-18.438, Inédit.
364
Cass. com., 26 janvier 2010, n° 09-63.357, Inédit ; Gaz. Pal. 16-17 avril 2010, ns° 106 et 107, p. 43, note F.
PÉROCHON.
365
Art. L. 622-6, al. 1er du Code de commerce. Dans la procédure de sauvegarde accélérée, le débiteur peut, sur
demande au tribunal, être dispensé d’inventaire (art. L. 628-3, al. 2).
366
Si le débiteur ne l’établit pas lui-même et qui en fait la demande, l’inventaire est réalisé par un organe désigné par le
tribunal ; il peut s’agir d’un commissaire-priseur, d’un huissier, d’un notaire, ou d’un courtier en marchandises
assermenté (art. L. 621-4, L. 631-9 et L. 641-1, al. 4 du Code de commerce) Sous l’empire des législations antérieures,
l’inventaire était réalisé par l’administrateur, le liquidateur ou le représentant des créanciers.
124
L'article L. 622-6 de Code de commerce précise in fine que l'absence d'inventaire ne fait pas
obstacle à l'exercice des actions en revendication et restitution. Une cour d'appel367 a estimé que
cette formule ne signifiait rien d'autre que l'obligation pour le demandeur à l'action de rapporter la
preuve de l'existence du bien en nature au jour du jugement d'ouverture. Une solution similaire a été
posée en présence d'un inventaire imprécis368. Par ailleurs, la Cour de cassation avait, dans le cadre
d'une liquidation judiciaire, jugé que le défaut d'inventaire entraîne un renversement de la charge de
la preuve. De la sorte, il appartient au liquidateur et non plus au revendiquant de rapporter la preuve
de l'inexistence du bien en nature au jour du prononcé de la liquidation judiciaire 369. Cette preuve
peut ainsi résulter du constat fait par un huissier, même un an après l'ouverture de la procédure,
complété par le jugement concordant d'autorisation de cession du fonds avant l'ouverture de la
procédure collective370.
En tout état de cause, la condition d'existence en nature du bien revendiqué au jour du jugement
d'ouverture est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond371.
297. L'existence du bien en nature devrait également supposer que le vendeur ne puisse
revendiquer que les biens existant dans leur état initial, c'est-à-dire tels qu’ils ont été remis à
l'acheteur. Cette condition conduirait ainsi à exclure toute revendication d'un bien transformé ou
incorporé. Mais, pour ne pas réduire l'assiette des revendications, le législateur et la jurisprudence
autorisent, sous certaines conditions, la revendication des biens transformés (a-1-a) et incorporés (a-
1-b).
298. Par principe, la transformation du bien devrait faire obstacle à sa revendication puisque
le bien n'existe plus dans sa nature initiale. Cependant, la jurisprudence envisage la possibilité de
revendiquer des biens transformés mais elle reste néanmoins assez libérale dans son appréciation. Il
est donc admis que toutes les transformations ne font pas obstacle à la revendication.
Pour être revendiqué, le bien ne doit avoir subi aucune transformation matérielle ou juridique
susceptible d'entraîner une perte de sa nature. Ainsi, ne peuvent être revendiqués, les biens dont les
caractères et les propriétés ont été modifiés 372 et ceux dont la transformation résulte d'un
367
CA Toulouse, 2e ch., sect. 2, 8 janvier 2008, RG n° 06/05022.
368
CA Paris, 3e ch. B, 19 septembre 2003, RG, n° 2002/14281.
369
Cass. com., 1er décembre 2009, n° 08-13.187, Bull. civ. IV, n°156 ; D. 2010, AJ, p. 12, obs. A. LIÉNHARD ; JCP
E, 2010, 1296, n° 12, obs. M. CABRILLAC ; Gaz. Pal. 17 avril 2010, ns°106 et 107, p. 42, note F. PÉROCHON ; RTD
com. 2010, p. 424, obs. A. MARTIN-SERF ; RTD civ. 2010, p. 361, obs. P. CROCQ.
370
CA Toulouse, 8 novembre 2011, RG n° 11/459, BJE, 2012, p. 93, note M. LAROCHE.
371
Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-13.103, Bull. civ. IV, n° 181; D. 2006. AJ, p. 2462, obs. A. LIÉNHARD; RTD
com. 2007, pp. 452 et 453, obs. A. MARTIN-SERF ; JCP E, 2007, 1004, n° 13, obs. M. CABRILLAC.
372
CA Versailles, 7 juin 1990, D. 1991. somm. p. 46, obs. F. PÉROCHON; CA Angers, 12 novembre 1986, Rev. Proc.
Coll. 1987, p. 69 : revendication des bois tronçonnés et étuvés parce qu'il n'y a pas eu création d'un nouveau produit.
125
assemblage avec d'autres produits 373 . Il en sera de même en cas de transformation de peau en
vêtement ou de laine en chandails374. Si le maintien du bien dans son état initial n'est pas requis, sa
transformation ne doit pas entrainer la perte de sa substance ou même de sa spécificité.
299. L'appréciation du degré de transformation relève encore ici du pouvoir souverain des
juges du fond. Il a par exemple été jugé que le viticulteur qui a livré du raisin à la coopérative le
retrouvait en nature sous forme de vin, de cette manière « l'incorporation des moûts les uns aux
autres et le processus d'évolution et de vinification des récoltes apportées n'avaient pas transformé
leur substance » 375 . De cette solution, il est possible de rapprocher celle de l'admission de la
revendication des champignons alors que l'acheteur n'avait reçu que le mycélium au moment de la
livraison376.
En somme, si les modifications ne conduisent pas à une transformation de la nature des biens, la
revendication doit être admise. Toutefois, la Cour de cassation estime, à juste titre d'ailleurs, que
lorsque la revendication aboutit alors même que le bien a subi une transformation, le vendeur doit
indemniser l'acheteur pour les modifications effectuées377.
Qu'en est-il lorsque les biens ont été incorporés ?
300. En cas d'incorporation d'un bien mobilier à un autre bien, la revendication n'est possible,
en principe, que lorsque la séparation de ces biens peut s’effectuer sans qu'ils en subissent un
dommage378. Ainsi, a été admise la revendication du moteur d'un navire démontable379, ou encore
de pneumatiques montés sur un véhicule automobile, sous réserve que ces véhicules n'aient pas eux-
mêmes été vendus à un tiers380. Pour que la revendication soit admise, l'opération de démontage ne
doit occasionner aucun dommage au bien revendiqué et au bien dans lequel il est incorporé. En
revanche, si le meuble incorporé dans un autre bien (mobilier ou immobilier) ne peut être détaché
sans détérioration, la revendication devient impossible. A par exemple été rejetée la revendication
des pierres précieuses du fait de leur sertissage dans les bijoux, lequel rendait impossible leur
373
Cass. com., 6 juillet 1993, n° 90-21.711 ; Bull. civ. IV. n° 286 ; RJDA 1994/2, n° 216: matériels destinés à une
chaîne de montage de voitures ; T. Com. Paris, 1er janvier 1981, Rev. Jurisp. Com. 1981, p. 378.
374
CA Toulouse, 27 novembre 1984, D. 1985. IR, p. 185.
375
Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-13.103 ; Bull. civ. IV. n° 181 ; Act. Proc. Coll. 2006/16, n° 198, obs.
F. PÉROCHON; JCP E, 2007, 1004, n° 13, obs. M. CABRILLAC; RTD com. 2007, pp. 452-453, obs. A. MARTIN-
SERF.
376
CA Orléans, ch. com. éco. et fin. , 25 octobre 2007, RG n° 07/00593; RJDA, 2008/1, n° 68.
377
Cass. com., 17 mai 1988, n° 86-19.546, Bull. civ. IV, n° 166 ; Cass. com., 6 mars 1990, n° 88-14.267, Bull. civ. IV,
n° 73; D. 1991. somm. p. 46, obs. F. PÉROCHON.
378
Art. L. 624-16, al. 3 du Code de commerce et art. 2370 du Code civil ; CA Versailles, 24 juin 1999, RJDA 1999/10,
n° 1110.
379
Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069, Bull. civ. IV, n° 70.
380
Cass. com., 18 juillet 1989, n° 88-13.395 ; Bull. civ. IV, n° 228 ; D. 1991, somm. p.45, obs. F. PÉROCHON
126
restitution sans endommager les bijoux381. L'appréciation se fait ici en fonction du critère matériel
du démontage.
301. Dans certaines situations, la jurisprudence va au delà-du critère légal. C’est le cas lorsque
le bien revendiqué est, du fait de son incorporation à un autre bien, devenu un élément constitutif
d’un ensemble nouveau. Dans un arrêt du 19 juin 2012382, la Cour de cassation retient que « attendu
qu'après avoir relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments du
débat, que la mise en place des matériels livrés ne pouvait être réduite à une simple activité
d'installation de composants juxtaposés aisément détachables mais devait être regardée comme
constituant une opération d'intégration d'éléments constitutifs interconnectés entre eux et
indissociables ayant eu pour conséquence la création d'un ensemble nouveau, la cour d'appel a pu
en déduire que les biens revendiqués ne se retrouvaient pas en nature dans le patrimoine de la
débitrice au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ». Ainsi, même lorsque le
démontage s’effectue sans dommage, la revendication peut être refusée au motif que le bien
revendiqué n’existe plus en nature puisqu’il forme, avec les autres biens, un tout indissociable383.
L’appréciation de l’existence en nature d’un bien incorporé ne se fait donc pas uniquement en
fonction du critère matériel du démontage.
302. En tout état de cause, le dommage n'étant pas un critère économique, la revendication
peut être admise alors même que la reprise du bien entraîne un dommage économique 384 ou
fonctionnel385 au bien dans lequel l'incorporation avait eu lieu. La détermination de l'existence ou
non d'un dommage est là encore laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. Cette liberté
dont disposent les juges est à l'origine d'une jurisprudence abondante avec des solutions parfois
différentes pour des situations a priori similaires386.
303. Le législateur autorise la revendication des biens fongibles, c’est le cas lorsque des biens
de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute autre
381
Cass. com., 20 octobre 2009, n° 08-20.381, Inédit ; Gaz. Pal. 8-10 janvier 2010, ns° 8 et 9, p. 44, note E. LE
CORRE-BROLY; RTD com. 2010, p. 425, obs. A. MARTIN-SERF.
382
Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-18.907, Inédit ; Gaz. Pal. éd. sp., 13 octobre 2012, n° 286, p. 30, note F.
PÉROCHON ; RTD com. 2013, p. 145, obs. A. MARTIN-SERF.
383
V. sur la revendication des commandes numériques : Cass. com., 24 mars 2004, n° 10-10.280 ; Inédit; RLDA, mars
2005, p. 105, n° 37, obs. F. PÉROCHON ; Cass. com., 4 janvier 2005, n° 20-10.538 ; Inédit ; LPA, février 2006, p. 7.
384
Cass. com., 28 octobre 2008, n° 07-16.899 ; Inédit; Gaz. Proc. Coll. 2009/1, p. 52, note F. PÉROCHON.
385
CA Paris, 20 novembre 2008, RG n° 08/03836 ; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1611.
386
V. P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.33.
127
personne les détenant pour son compte387. Sont considérés comme fongibles, des biens qui sont
mesurés par leur qualité et quantité et susceptibles d'être remplacés par d'autres388.
Un des premiers auteurs à s'être intéressé à la question avait défini la fongibilité comme « le rapport
d'équivalence existant entre deux ou plusieurs choses capables de remplir la même fonctionnalité
libératoire »389. De cette manière, des biens fongibles étaient parfaitement substituables, produisant
chacun un pouvoir libératoire à l'égard du créancier. Plus récemment, la fongibilité a été définie
comme « l'aptitude des biens spécifiquement et qualitativement identiques à se substituer entre eux
» 390 . Un autre auteur 391 considère par ailleurs comme fongibles, les biens « objectivement et
subjectivement interchangeables ». Dans le même sens, un auteur soutient que la fongibilité est une
notion de droit qui se caractérise par l'interchangeabilité des biens. Elle s’oppose au corps certains
qui ne peuvent se substituer les uns aux autres392.
Si la doctrine est relativement unanime sur la définition de la fongibilité, il n'en est pas de même
pour la jurisprudence. La question divise encore les juges du fond. Une cour d'appel a considéré
comme fongibles, des produits de même espèce et de même qualité que ceux qui avaient été livrés à
l'acheteur393. Tandis qu'une autre refuse de considérer comme fongibles des appareils électroniques
qui pouvaient être identifiés grâce à un numéro de série unique394. Une troisième cour d'appel a par
ailleurs jugé fongibles des biens non seulement « interchangeables, identiques les uns aux autres »,
mais aussi des biens nécessairement « non individualisés »395.
304. Tout bien considéré, la jurisprudence ne définit pas la fongibilité. Bien plus, les
controverses jurisprudentielles sont de nature à entretenir la confusion dans la perception de cette
notion. En effet, au-delà de la définition de celle-ci, il se pose également la question de la fongibilité
des biens individualisés. Autrement dit, l’identification d’un bien fait-elle obstacle à son caractère
fongible ? Un bien individualisé peut-il être considéré comme fongible ?
Là encore, la doctrine se démarque positivement. Elle considère que l'identification d'un bien ne
remet pas en cause sa fongibilité. Des biens sont considérés comme fongibles dès l'instant qu'ils
sont identiques et interchangeables, peu important qu'ils soient identifiables ou non396. Une partie de
387
Art. L. 624-16, al. 3 du Code de commerce et art. 2369 du Code civil, rédaction issue de l'ordonnance du 23 mars
2006.
388
CABRILLAC (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec 2002, p. 66
389
H. HUMBERT, Essai sur la fongibilité et la consomptibilité des meubles, Th. Paris, 1940. pp. 18-19.
390
P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle, Étude sur la qualification juridique des biens, préf. Ph.
DELEBECQUE, LGDJ, Coll. A. Tunc, t. 4, 2004, n° 139.
391
F. PÉROCHON, « Les propriétaires sont-ils heureux ? », RLDA, mars 2005, n° 80, p. 105, sp. p. 112.
392
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 888 ; V. F. PÉROCHON, « Les
propriétaires sont-ils heureux ? », art. préc., p. 112.
393
CA Paris, 3e ch. A. 23 octobre 2007, RG n° 06/21634.
394
CA Paris, pôle 5, 9e ch. 6 mai 2010, RG n ° 09/005242.
395
CA Paris, 12 mai 2000, D. 2000, AJ. p. 329, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E, 2001, 221, n° 13. obs. Ph. PÉTEL.
396
F. PÉROCHON, « Les propriétaires sont-ils heureux ? », art. préc., p. 112 ; Entreprises en difficulté, op. cit., n°
1619 ;
128
la doctrine397 a en effet affirmé que l'individualisation d'une chose ne constituait pas un obstacle
dirimant à la fongibilité. Ce n'est pas parce qu'une chose porte des numéros ou des marques qu'elle
cesse d'être fongible.
Cependant, en jurisprudence, la réponse n’est pas aussi simple. Il existe en effet quelques
confusions quant à la fongibilité de certains biens. C’est notamment le cas des médicaments et des
produits pharmaceutiques.
Dès les premières applications de la solution législative autorisant la revendication des choses
fongibles, la fongibilité des produits pharmaceutiques et des médicaments a très vite divisé les juges
du fond 398 . Certaines cours d’appel considèrent, en effet, que l'identification des médicaments
empêche leur interchangeabilité ; en conséquence, les médicaments ne peuvent être considérés
comme des biens fongibles. C'est dans ce sens que la cour d'appel de Paris a jugé que les
médicaments ne sont pas fongibles car « ils sont conditionnés sous emballage portant une ou
plusieurs indications (date de fabrication, un numéro de lot, une date limite de vente) permettant de
les individualiser » 399 . D'autres, en revanche, estiment que le fait de pouvoir identifier les
médicaments ne fait pas obstacle à leur fongibilité. La cour d'appel de Lyon a en effet affirmé qu'«
un médicament est fongible par rapport à un autre de la même espèce indépendamment du
conditionnement qui lui est propre, dès lors que, par sa nature, il possède la même composition, et
partant les mêmes propriétés thérapeutiques »400. Dans le même sens, la cour d'appel de Paris a
jugé que « les médicaments et produits pharmaceutiques sont fongibles dès lors qu'ils sont
interchangeables en raison de l'identité de leur marque de fabrique, de leur conditionnement et
contenance ainsi que de leurs formules et propriétés »401.
De ces développements, il ressort que l'admission du caractère fongible des médicaments divise
énormément la jurisprudence et même qu’à l'intérieur d'une même cour d'appel, des divergences
apparaissent entre les sections.
397
A. LAUDE, « La fongibilité », RTD com. 1995, p. 307.
398
La cour d'appel de Paris a eu l'occasion de se prononcer sur la question dans deux arrêts, l'un du 3 avril 1998, ( CA
Paris, 3 avril 1998, D. Aff., 1998, p. 845, obs. A. LIÉNHARD ; RTD civ. 1998, p. 709, obs. P. CROCQ) , l'autre du 26
juin 1998 (CA Paris, 26 juin 1998, D. Aff., 1999, p.1401, obs. A. LIENHARD) relatifs eux aussi aux médicaments et
produits pharmaceutiques vendus sous réserve de propriété. Dans la première affaire, le caractère fongible des biens
revendiqués n'était pas contesté, mais le liquidateur, pour s'opposer à la revendication, soutenait que la rapidité de
rotation des stocks d'une officine de pharmacie excluait l'identité entre les marchandises retrouvées en nature et celles
vendues. Rejetant ce motif, la cour avait autorisé la revendication des marchandises retrouvées en nature chez le
débiteur au jour du jugement d'ouverture, en l'occurrence celles mises en évidence par le rapprochement les factures de
produits revendiqués et l'inventaire au jour du jugement. Dans la seconde affaire, le caractère fongible des produits
pharmaceutiques était contesté par l'administrateur et le représentant des créanciers. Ils estimaient que les produits
étaient individualisés par les laboratoires qui les fabriquent et qui apposent une date de fabrication, un numéro de lot et
une date limite de consommation. Cet argument fut rejeté par les juges du fond. Ces derniers avaient en revanche
considéré que les médicaments et produits pharmaceutiques sont des biens fongibles dès qu'ils sont de la même espèce
et de la même qualité que ceux revendiqués, étant interchangeables en tant que produis de même nom et de même
origine de fabrication. Le fournisseur de médicaments avait donc été admis dans la revendication.
399
CA Paris, 3e ch. Com, 12 mai 2000, D. 2000, AJ. p. 329, obs. A. LIÉNHARD.
400
CA Lyon, 3e ch., 5 novembre 1999, JCP E, 2001, 221, n° 13, obs. Ph. PÉTEL.
401
CA paris, 3e ch. A, 22 mars 2005, Gaz. Proc. Coll. 2005/2, p. 46, obs. E. LE CORRE- BROLY.
129
305. En outre, on peut s’interroger sur la revendication des sommes d’argent.
De prime abord, on pourrait penser que le problème ici est celui de la fongibilité des sommes
d’argent, mais il n’en est rien. Un auteur 402 considère que les biens identiques restent fongibles
même s'ils sont identifiés par des numéros individuels du moment que les parties les tiennent pour
interchangeables et font abstraction de leur individualité dans leurs échanges. Il affirme par la suite
que les billets de banque en constituent le meilleur exemple, puisqu'ils sont identiques et considérés
comme parfaitement fongibles, quoiqu’identifiables403.
306. Le problème qui se pose n’est donc pas celui de la fongibilité des sommes d’argent, mais
celui de leur revendication. Les sommes d’argent peuvent-elles être revendiquées ? Là encore, il
existe des divergences jurisprudentielles. Dans certains arrêts, les juges admettent la possibilité de
revendiquer des sommes identifiées404. Dans d'autres, en revanche, ils en excluent la perspective
puisque les sommes d’argent ne confèrent pas à leur titulaire un droit de propriété, mais seulement
un droit de créance donnant lieu à une déclaration au passif405. Ainsi, dans un arrêt du 4 février
2003406, la Cour de cassation a décidé qu'« une demande de restitution de fonds ne peut être formée
par voie de revendication, la seule voie ouverte au créancier d'une somme d'argent étant de
déclarer sa créance à la procédure collective de son débiteur ». Une action en revendication avait
également été rejetée au motif que la société qui détenait les fonds litigieux n'en était pas le
propriétaire, mais un créancier de sommes d'argent407. En l’état actuel du droit, il demeure donc
difficile de se prononcer sur la possibilité de revendiquer des sommes d’argent408.
307. Finalement, la notion de fongibilité, d’une part, et l'admission du caractère fongible des
certains biens, d’autre part, suscitent encore bien des débats au sein de la jurisprudence. Ces
divergences jurisprudentielles résultent de la démission de la Cour de cassation qui refuse de définir
la notion de fongibilité et s’en remet à l’appréciation des juges du fond, en considérant qu’il s’agit-
là d’une question de fait. Dans un arrêt rendu le 15 février 2000409, par sa Chambre commerciale, la
Haute juridiction a estimé que l'appréciation de la fongibilité relevait du pouvoir souverain des
juges du fond.
402
F. PÉROCHON, « Les propriétaires sont-ils heureux ? », art. préc., p. 112.
403
En ce sens P.-G. MARLY, Fongibilité et volonté individuelle, Étude sur la qualification juridique des biens, op. cit.,
contra, CA Paris, 6 mai 2010 ; Rev. Proc. Coll. 2010, p. 175, note Ph. ROUSSEL GALLE.
404
CA Paris, 14 octobre 1997, D. 2000, somm. p. 70, obs. F. PÉROCHON et F. MAINGUY; Cass. com., 25 mars 1997,
n° 94-18.337, Bull.civ. IV, n° 84 ; JCP E, II, 991, note Ph. PÉTEL.
405
Cass. com., 4 mars 1997, n° 94-13.170, Bull. civ. IV, n° 64.
406
Cass. com., 4 février 2003, n° 00-13.356, Inédit ; RTD com. 2003, p. 570, obs. A. MARTIN-SERF.
407
Cass. com., 10 mai 2000, n° 97-16.726, Bull.civ. IV, n° 98; D. 2000, p. 278, obs. A. LIÉNHARD; JCP E, 2001, 521,
obs. L. COURTOT ; Cass. com., 9 janvier 2001, n° 97-22.083, Inédit.
408
V. M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, préf. Ph.
THERY, Doctorat et Notariat, t. 24, Défrénois, 2007, ns° 350 et s.
409
Cass. com., 15 février 2000, n° 97-11.670, Bull. civ. IV, n° 30 ; D. 2000, AJ. p. 127, obs. A LIÉNHARD; RTD com.
2000, p. 180, obs. A. MARTIN- SERF.
130
En l'espèce, une société avait formé un pourvoi contre un arrêt d’une cour d'appel (Colmar, 26
novembre 1996) qui avait décidé que les objets fabriqués en série se déterminant par leur nombre et
qui sont interchangeables, n'étaient pas des biens fongibles. Saisie de l'affaire, la Cour de cassation
avait rejeté le pourvoi au motif que « c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour
d'appel a retenu que les marchandises revendiquées n'avaient pas le caractère de biens fongibles ».
Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 8 juillet 2003410, dans une affaire où les juges du
fond avaient encore eu à se prononcer sur le caractère fongible des biens, indépendamment de leur
individualisation.
308. Le refus de la Cour de cassation de donner une définition à la notion de fongibilité a
suscité quelques réactions doctrinales.
Ainsi, le professeur PÉROCHON411 s’est indigné contre la position de la haute Cour qui voit dans
la détermination du caractère fongible d'un bien une simple question de fait et non pas une question
de droit. Au contraire, le professeur CABRILLAC 412 considère la solution de la haute Cour comme
« normale » dans la mesure où la fongibilité procède d’un fait naturel qui peut éventuellement être
neutralisé par la volonté individuelle, en isolant une unité du bien concerné et en l'affectant d'un
signe distinctif tel qu'un numéro.
Pourtant, même en l'absence d'une définition jurisprudentielle, la solution pourrait être trouvée si
toutes les cours d'appel se contentaient d'appliquer à la lettre les dispositions de l'article L. 624-16,
alinéa 3, du Code de commerce qui prévoient la revendication des biens fongibles de « même nature
et de même qualité », peu important qu'ils soient identifiables ou non. En effet, une application
stricte des dispositions de l'article précité mettrait un terme à toute controverse puisque le caractère
fongible des biens réside dans leur interchangeabilité et non dans leur individualisation ou
identification.
Ces quelques précisons apportées, il convient à présent de s’interroger sur la nature juridique de la
revendication des choses fongibles.
410
Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-19.685, Inédit; Sur l'appréciation souveraine des juges du fond voir aussi Cass.
com., 15 mars 2005, n° 03-20.332, Inédit ; D. 2005, AJ. p. 1083, obs A. LIÉNHARD; JCP E, 2005, 1274, n° 15, obs.
M. CABRILLAC.
411
F. PÉROCHON, « Les propriétaires sont-ils heureux ? », art. préc., p. 111.
412
M. CABRILLAC, obs. sur Cass. com., 5 mars 2002, n° 98-15.585, Bull. ci. IV. n° 48 ; JCP E, 2002, 1380, n° 12.
131
l'exigence d'identification des biens. Pour revendiquer, le vendeur devait prouver que les biens dont
il réclame la propriété sont bien ceux qui ont été livrés à l'acheteur.
C'est la loi du 10 juin 1994 qui a mis un terme à cette restriction pour les biens fongibles. Ainsi,
l'exigence d'identification qui était indispensable dans tous les cas ne demeure que pour les corps
certains. Désormais, la revendication n'est plus soumise à l'exigence d'identification. Il n'est plus
nécessaire que les biens revendiqués soient ceux qui ont été vendus. Il suffit qu'on puisse trouver
entre les mains du débiteur ou d'un tiers agissant pour son compte des biens de même nature et de
même qualité. Par ailleurs, fongibilité et identification ne s’opposent plus tout à fait. Un bien peut
être considéré comme fongible alors même qu’il est parfaitement identifiable413.
La première application du texte issu de la réforme du 10 juin 1994 a été faite dans un arrêt de la
cour d'appel de Rouen rendu le 4 avril 1996414. Les juges avaient, en l’espèce, déclaré recevable
l'action en revendication des produits pharmaceutiques interchangeables en raison de leur identité,
nature, origine, conditionnement et marque, alors que le vendeur revendiquant n'était pas le seul
fournisseur de la pharmacie en redressement judiciaire, mais que l'autre fournisseur avait été réglé
et ne revendiquait aucune marchandise.
Ce bref rappel sur l’évolution de l’admission de la revendication des choses fongibles effectué, il
reste maintenant à déterminer la nature juridique de cette forme de revendication.
310. Déterminer la nature juridique de la revendication des choses fongibles revient à
s’interroger sur sa justification. Qu’est ce qui permet de revendiquer des biens fongibles, alors
qu’ils peuvent ne pas être identifiables comme l’exige le droit commun de la revendication ? Faut-il
y voir une action en revendication classique ayant pour fondement la propriété présumée du
revendiquant sur les biens réclamés ? Ou faut-il y voir une toute autre action qui autoriserait le
vendeur à revendiquer sans qu'il ait à se préoccuper de l'identité des marchandises détenues par
l'acheteur ? Ce dilemme a donné lieu à des controverses tant doctrinales que jurisprudentielles.
311. Selon le professeur PÉROCHON415, la règle édictée par l'article L. 624-16, alinéa 3, du
Code de commerce416 ne s'analyse comme une action en revendication que si on estime que celui
qui revendique les biens en est le propriétaire, nonobstant le défaut d'identification. En effet, l'action
en revendication étant celle par laquelle le propriétaire tend à faire reconnaître son droit de propriété
sur une chose417, l'emploi du terme revendication est donc conditionné par la qualité de propriétaire
du revendiquant. L'admission de l'action en revendication résulterait ainsi d'une présomption de
propriété du vendeur revendiquant. Présumé propriétaire des biens détenus par l'acheteur, le
413
C’est le cas pour les sommes d’argent.
414
CA Rouen, 4 avril 1996, RJDA, 1996, n° 1543.
415
F. PÉROCHON, « La revendication des choses fongibles par le vendeur », LPA, 14 septembre 1994, n° 110, pp. 82
et s.
416
Art. 121, al. 3, in fine de la loi du 25 janvier, rédaction issue de la loi du 10 juin 1994.
417
Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-19.100, Bull. civ. IV. n° 36; D. 1993, p. 19, note F. DERRIDA; Cass. com., 8
mars 1994, n° 92-14.394; Bull. civ. IV. n° 394; D. 1994, I. R. p. 79.
132
vendeur peut, à défaut de paiement, les revendiquer. Toutefois, la revendication ne sera possible que
si les biens revendiqués sont exactement semblables à ceux qui avaient été livrés. Ainsi, même si le
vendeur n'a pas à démontrer que les biens revendiqués sont ceux qu’il a livrés, il doit néanmoins
prouver qu'il a livré au débiteur des biens de même espèce et de même qualité 418. Le revendiquant
bénéficie cependant d'une présomption simple ; celle dont la preuve contraire peut être rapportée
par tous moyens. Il revient donc au débiteur ou à son mandataire, s’il conteste la qualité du
revendiquant, de prouver que celui-ci n'est pas le véritable propriétaire des biens.
312. Cette approche, perçue comme celle qui déroge le moins possible au droit commun de la
revendication, a le mérite de la simplicité dans la mesure où elle repose sur le droit de propriété du
vendeur. Considéré comme un propriétaire ordinaire, le revendiquant doit bénéficier de toutes les
autres prérogatives reconnues aux titulaires d'une clause de réserve de propriété, notamment le
paiement préférentiel et la revendication du prix entre les mains du sous-acquéreur419. En revanche,
si le débiteur ou le mandataire parvient à prouver qu'il n'est pas le propriétaire des biens, il perd le
bénéfice de la réserve de propriété et devient un simple créancier du prix. Il ne peut donc rien
revendiquer.
313. Par ailleurs, l’auteur voit dans les dispositions de l’ancien article 121, alinéa 3420, une
prérogative exceptionnelle et subsidiaire qu’il qualifie de « néo-revendication »421. Il s'agit d'une
action en revendication ouverte, non pas au propriétaire actuel, mais plutôt au vendeur initialement
propriétaire, devenu simple créancier éventuel des choses de genre et qui retrouve, à l'ouverture de
la procédure collective, la qualité de propriétaire. Le vendeur redevenu propriétaire exerce son droit
sur des biens nouveaux et non pas sur ceux qu'il avait livrés à l'acheteur. Le succès de cette action
est soumis à une double condition : d'une part, l'existence des biens semblables parfaitement
identiques entre les mains de l'acheteur et, d'autre part, l'ouverture d'une procédure collective à
l'égard de l'acheteur. La « néo-revendication » ne peut donc s'exercer à l'encontre d'un débiteur in
bonis, pas plus qu'elle ne peut s'exercer sur des biens semblables et identifiés. En effet,
l'identification n'est pas requise puisqu'elle permettrait au fournisseur de se prévaloir d'un droit de
propriété bien avant le jugement d'ouverture. Or, cette situation est contraire à la logique de la «
néo-revendication ». En outre, l’auteur affirme qu'il s'agit d'une prérogative subsidiaire par rapport à
l'action en revendication classique à laquelle elle ne peut faire obstacle.
314. En s'interrogeant sur la possibilité pour le néo-revendiquant de bénéficier des
dispositions relatives à la revendication du prix de revente, en cas de vente des biens semblables,
avant le jugement d'ouverture, l'auteur est parvenu à une réponse négative. Il estime que,
418
CA Paris, 3 e ch. A, 23 octobre 2007, RG, n° 06/21634.
419
F. PÉROCHON, « La revendication des choses fongibles par le vendeur », art. préc., p. 83.
420
La loi du 25 janvier, rédaction issue de la loi du 10 juin 1994
421
F. PÉROCHON, « La revendication des choses fongibles par le vendeur », art. préc., p. 84.
133
contrairement à la revendication du prix de revente qui se fonde sur le jeu de la subrogation
réelle422, il n'y a pas, dans l'hypothèse de la néo-revendication, une possibilité de subrogation. En
effet, le vendeur n'étant pas propriétaire des biens au moment de la revente, il ne saurait avoir
substitution de la créance du prix de revente aux biens semblables détenus par l'acheteur. En
conséquence, le néo-revendiquant n'a aucun droit sur le prix de revente423.
315. Tout compte fait, si la nature juridique de la revendication des choses fongibles reste
incertaine, l'auteur y voit néanmoins un cas d'attribution légale non-rétroactive de la propriété des
biens semblables, et qui s'opère du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective. Ainsi, le
vendeur qui a retrouvé sa qualité de propriétaire peut, en toute légitimité, revendiquer les biens
semblables détenus par le débiteur-acheteur.
Dans le même sens, le professeur CROCQ 424 estime que le droit reconnu au bénéficiaire de la
clause de réserve de propriété s'analyse comme un privilège de premier rang, qui lui est octroyé sur
des biens de même nature et de même qualité détenus par le débiteur. Cela explique que ces biens
fassent ensuite l'objet d'une attribution légale à son profit. Cette situation rappelle l'attribution
judiciaire du gage et, aujourd'hui, de l'immeuble hypothéqué.
Cette interprétation des dispositions de l'article L. 624-16, alinéa 3, permet sans doute de répondre
au souhait formulé par le législateur qui était d'élargir le champ des revendications, y compris
renforcer l'efficacité de la clause de réserve de propriété des vendeurs de choses de genre, lesquels
étaient souvent déboutés de leur demande en raison de l'exigence d'identification qui pesait sur tous
les revendiquants.
316. Dans un tout autre sens, le professeur REVET425 voit dans la règle posée par l'article
L. 624-16, alinéa 3, la révélation d'une réalité qui masquerait la conception classique du droit des
biens. Selon lui, la fongibilité impliquerait des modalités d'appropriation spécifiques. Ainsi,
appliqué à des choses fongibles remises à titre précaire, le droit de propriété s'exercerait
naturellement « sur un ensemble apte à accueillir, en telle quantité, n'importe quel exemplaire des
choses de telle espèce et de telle qualité », sur une universalité en somme. Il faut donc considérer
que le revendiquant reste toujours titulaire de son droit de propriété, mais que ce dernier s'exerce, en
raison du caractère fongible des biens, selon des modalités particulières. Il s'agirait donc d'un droit
de propriété flottant.
422
Cass. com., 15 janvier 1991, n° 89-12.884, Bull. civ. IV. n° 31; JCP E, 1991,I, 102, n° 11, obs. M. CABRILLAC et
Ph. PÉTEL; RTD com.1991, p. 639, obs. B. BOULOC ; D. 1993, somm. p. 297, obs. F. PÉROCHON.
423
F. PÉROCHON, « La revendication des choses fongibles par le vendeur », art. préc., p. 85.
424
P. CROCQ, RTD. civ. 2002, p. 339 ; obs. sous Cass. Com., 5 mars 2002, n° 98-17.585, Bull. civ. IV, n° 48; D. 2002,
AJ .p, 1139, obs. A. LIÉNHARD; JCP E, 2002, 1380, n° 12, obs. M. CABRILLAC.
425
Th. REVET, RTD civ. 2002, p. 327, obs. sous Cass. com., 5 mars 2002, n° 98-17.585, arrêt préc.
134
De même, sans se fonder sur la présomption de propriété du revendiquant, madame LAROCHE426
voit dans les dispositions du Code de commerce une « vraie » revendication mettant en avant le
droit de propriété tel qu'il s'exerce sur des biens fongibles, peu important l'individualité des biens
auxquels il s'applique. La revendication peut ainsi subsister malgré le remplacement de ces biens
par d’autres. De cette manière, seules comptent les quantités livrées par chacun, l'identification des
biens n'ayant aucune incidence, notamment en cas de conflit entre les revendiquants.
317. Cependant, l’analyse du professeur REVET a été critiquée par le professeur PÉTEL427.
L’auteur considère que cette vision des choses ne correspond pas à l'état actuel du droit positif.
Sinon, qu'est-ce qui justifierait le refus constant de la jurisprudence d'admettre la revendication
d'une somme d'argent non individualisée, alors que le revendiquant n'a jamais perdu son droit de
propriété, puisqu'il persiste selon des modalités particulières lorsqu'il est question des choses
fongibles remises à titre précaire. En outre, l'auteur s'appuie, sur le terrain du droit commun, sur le
régime (tel qu'il résulte de l'ordonnance du 23 mars 2006) du gage avec dépossession portant sur
des choses fongibles 428 , pour réfuter l'idée d'une propriété flottante sur des biens fongibles.
Pour finir, il rejoint l'idée d'une attribution légale exceptionnelle des biens au revendiquant, laquelle
est fondée sur la technique des sûretés et non sur la manifestation de l'exercice normal d'un droit de
propriété sur des choses fongibles remises à titre précaire.
318. Quant à la jurisprudence, elle s'est prononcée sur la question dans d'un arrêt de principe
rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 5 mars 2002 429. Elle y voit une
véritable « règle de fond attribuant au revendiquant la propriété des biens fongibles qui se trouvent
entre les mains de l'acheteur dès lors que ceux-ci sont de même espèce et de même qualité que ceux
qu'il a livrés ». Par cet arrêt, la Haute juridiction rejette, au sujet de la revendication des biens
fongibles, toute condition autre que celle énoncée par la loi, en l'occurrence l'existence entre les
mains de l'acheteur de biens de même espèce et de même qualité que ceux livrés par le vendeur
revendiquant. En voyant dans les dispositions de l'article L. 624-16, alinéa 3, une attribution en
propriété au revendiquant, la jurisprudence rejoint ainsi une des solutions qui avait été proposée
quelques années auparavant par une partie de la doctrine430.
La haute Cour autorise alors que les marchandises revendiquées soient d'autres que ceux-là même
qui ont été vendues avec une clause de réserve de propriété. De cette manière, la jurisprudence se
426
M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, op. cit., ns° 344
et s.
427
Ph. PÉTEL « Retour sur la revendication des choses fongibles », in Mél. D. Tricot, Dalloz-LexisNexis, 2011, pp. 571
et s. sp. p. 574.
428
Art. 2341 et s du Code civil.
429
Cass. com., 5 mars 2002, n° 98-17.585, arrêt préc; JCP E, 2002, 1380, n° 12, obs. M. CABRILLAC ; RTD civ. 2002,
p. 339, obs. P. CROCQ; Th. REVET, RTD civ. 2002, p. 327 ; D. 2002, AJ.p, 1139, obs. A. LIÉNHARD ; V. aussi Cass.
com., 13 novembre 2002, n° 00-10.284 ; Inédit ; JCP E 2003, p. 667, note F. FORGUES.
430
F. PÉROCHON, « La revendication des choses fongibles par le vendeur », art. préc., p. 84 et s.
135
range également à l'opinion qui situe le critère de la fongibilité dans l'interchangeabilité ou la
substituabilité des biens, qualité par conséquent nullement exclusive de l'individualisation possible
des biens en cause 431 . Ainsi, pour un auteur 432 , cet arrêt vient lever les incertitudes pesant sur
l'efficacité des clauses de réserve de propriété grevant les biens fongibles, et particulièrement des
médicaments dont l'importance des enjeux économiques n'est pas négligeable433.
319. En revenant sur la question, après que la jurisprudence ait pris position, le professeur
DROSS434 considère que si la revendication des choses fongibles est permise, c'est tout simplement
parce qu'elle n'en est pas une. Il estime que « l'action en revendication des choses fongibles est en
réalité une action en paiement d'une dette de restitution de choses fongibles, à laquelle l'article
L. 622-21 du Code de commerce ne forme aucun obstacle, dès l'instant qu'il ne s'agit pas d'une
demande tendant au paiement d'une somme d'argent ».
320. En somme, quelle que soit la justification que l’on donne aux dispositions de l'article L.
624-16, alinéa 3, il n'en demeure pas moins qu'elle permet aux vendeurs de choses de genre de
revendiquer les biens de même nature et de même qualité qui se trouvent entre les mains de
l'acheteur, peu important qu'ils en soient propriétaires ou non. Ainsi, depuis la réforme du 10 juin
1994, mêmes les revendiquants qui exercent leur droit sur des choses de genre vont échapper à
l'arrêt des poursuites individuelles, puisque leur droit d'agir n'est pas paralysé par l’ouverture d’une
procédure collective.
321. Toutefois, cette prérogative ne les met pas à l'abri d’éventuels conflits. Il peut, en effet, arriver
que plusieurs revendications soient exercées sur des biens fongibles qui se révèlent
malheureusement insuffisants pour satisfaire l'ensemble des revendiquants.
Comment doit-on alors résoudre le conflit ? La doctrine est encore divisée sur cette question.
Les professeurs PÉROCHON 435 et CAMPANA 436 estiment qu'il faut procéder à une répartition
proportionnelle à la quantité des biens fongibles revendiqués par chaque vendeur. Cette solution a
d'ailleurs été retenue par l'article L. 211-10 du Code monétaire et financier437 pour régler le sort des
titres financiers détenus par un intermédiaire habilité faisant l'objet d’une procédure collective.
431
A. LAUDE, « La fongibilité », art. préc., p. 307.
432
A. LIÉNHARD, obs. sur Cass. com., 5 mars 2002, n° 98-15.585, arrêt préc; D. 2002, pp. 1139 et s.
433
A. MARTIN-SERF, obs. sur Cass. com., 15 février 2000, n° 97-11.670 ; Bull. civ. IV, n°30 ; RTD com. 2000, p. 180.
434
W. DROSS, « La revendication dans les procédures collectives : une imposture ? », Dr. et patr., février 2011, n°
200, p. 30.
435
F. PÉROCHON, « La revendication favorisée », D. 1994, p. 251.
436
M.-J. CAMPANA, « Les revendications après la réforme du 10 juin 1994 », in Le nouveau droit des défaillances
d'entreprises, sous la dir. M.-A. FRISON-ROCHE, Dalloz, coll. «Thèmes et commentaires », 1995, p. 197.
437
Art. L. 211-10, al. 2 du Code monétaire et financier « En cas d'insuffisance du nombre de ces titres, il est procédé
titre financier par titre financier à une répartition proportionnelle entre les titulaires de compte concernés ; ceux-ci
peuvent faire virer à un compte-titres tenu par un autre intermédiaire ou par l'émetteur les titres dont ils obtiennent
restitution ».
136
Le professeur SOINNE 438 considère, en revanche, que le conflit doit se résoudre en faveur du
premier revendiquant. L’auteur se base sans doute sur l’adage prior tempore potior jure. Il estime
que le premier revendiquant peut réclamer l'ensemble des biens constatés à la date du jugement et
que les autres, qui interviendraient par la suite, verraient leurs actions rejetées. Comme en droit
civil, le paiement des créanciers revendiquants s'analyserait comme « le prix de la course ».
Selon le professeur LE CORRE439, il s'agit d'une solution sans fondement qui ne saurait trouver
application. La règle est inique pour ceux qui, en étant dans les délais, ont présenté leur demande en
revendication ultérieurement. Elle est surtout inextricable si les revendications ont été présentées le
même jour. En outre, l'auteur estime qu'elle aboutit également à une impasse si les personnes qui
ont présenté leur revendication, en second lieu, forment un recours à l'encontre de l'ordonnance
rendue au profit du premier revendiquant ; ce qu'elles peuvent pourtant faire puisqu'elles sont bien
des personnes dont les droits sont susceptibles d'être affectés par l'ordonnance attaquée.
Une autre solution reposant sur la répartition proportionnelle a été proposée par le professeur
CROCQ440. Il s'agit d'un partage des biens en rapport avec la créance de chaque vendeur. Mais cette
solution se heurte à deux obstacles. Le premier tient au fait que, même si les propriétaires sont
considérés comme des créanciers, ils ne sont pas titulaires de créances mais d'un droit réel sur les
biens. Le second résulte, en revanche, de ce que la technique désavantagerait beaucoup le vendeur
ayant vendu au meilleur prix. Elle serait donc injuste. C'est pourquoi, certains441 estiment que, s'il
faut retenir l'idée d'une répartition proportionnelle, il est préférable de calculer les droits
proportionnels de chaque revendiquant sur la base de la quantité des biens livrés au débiteur et non
pas sur la base de sa créance.
L'idée d'une répartition au prorata entre tous les fournisseurs de biens semblables a également été
soutenue442.
Selon le professeur PÉTEL443, deux séries de solutions sont envisageables. La première consiste à
répartir les biens selon un principe de proportionnalité. L’hésitation se fera ici sur la base de calcul
de cette proportionnalité (la quantité des marchandises livrées ou la créance de chaque vendeur). La
seconde vise à accorder la préférence à un revendiquant. Mais quel serait le critère de détermination
de cette préférence : première livraison ou première revendication ?
322. En définitive, pour faire reconnaître son droit de propriété à la procédure collective, le
vendeur doit revendiquer des biens qui, sans appartenir au débiteur, se trouvent entre ses mains à la
438
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op cit, n° 1942.
439
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.53.
440
P. CROCQ, « Propriété-garantie. Réserve de propriété ayant pour objet des biens fongibles », RTD civ. 1998, p.709.
441
F. PÉROCHON, « La revendication favorisée », art. préc.
442
Th. REVET, RTD civ, 2002, p. 327 ; M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures
collectives au droit des biens, op. cit., ns° 344 et s.
443
Ph. PÉTEL, « Retour sur la revendication des choses fongibles », art. préc., p. 575.
137
date du jugement d'ouverture444. Il en résulte que l'efficacité des clauses de réserve de propriété est
largement dépendante du maintien matériel des biens en nature dans le patrimoine du débiteur et sur
lequel le bénéficiaire de la sûreté n'a aucune maîtrise. De plus, on remarque que les clauses de
réserve de propriété sont souvent insérées dans les contrats de vente de marchandises. Or, les
marchandises sont le type même de biens dont l'objectif est d'être consommé, transformé ou
revendu. C'est éventuellement pour toutes ces raisons que le législateur a cru bon d'apporter des
aménagements à la condition d'existence des biens en nature.
323. Par ailleurs, lorsque le bien n'existe plus en nature entre les mains du débiteur, le vendeur
réservataire est autorisé à revendiquer la créance subrogée au bien.
Cette hypothèse intervient soit en cas de revente du bien à un sous-acquéreur (a-2-a), soit en
cas de perte ou de destruction du bien (a-2-b).
324. Lorsque le débiteur a, avant le jugement d’ouverture, procédé à la vente d'un bien qui ne
lui appartient pas, la revendication de ce bien devient par principe impossible puisqu'il n'existe plus
en nature entre ses mains. Par ailleurs, le sous-acquéreur de bonne foi est protégé par le jeu de
l’article 2276 du Code civil 445. Cependant, pour protéger les droits du vendeur réservataire, l'article
L. 624-18 du Code de commerce lui permet de revendiquer le prix ou la partie du prix du bien
revendiqué qui n'a pas encore été payé au jour du jugement d'ouverture.
La règle énoncée par l'article susvisé concerne d'abord la procédure de sauvegarde, mais elle est
également applicable en redressement judiciaire, en vertu de l'article L. 631-18, alinéa 1er, du Code
de commerce ; et en liquidation judiciaire, conformément à l'article L. 641-14, alinéa 1er, du même
Code. Cette règle a en outre été consacrée en droit commun par les dispositions de l'article 2372 du
Code civil446.
Avant de voir les conditions relatives à la revendication du prix de revente (a-2-a-2), il convient au
préalable de déterminer le fondement de la règle (a-2-a-1).
444
E. LE CORRE-BROLY, « Les modifications apportées par l'ordonnance du 18 décembre 2008 en matières de
revendications et de restitutions », Gaz. Pal. mars- avril 2009, du 8 au 10 mars 2009, Doctr., pp. 832 et s. sp., p.835.
L'auteur envisage l'hypothèse où le bien existait en nature à l'ouverture de la procédure mais n'existe plus au moment de
la demande en revendication.
445
Art. 2276, al.1er « En fait de meubles, la possession vaut titre »
446
Art. 2372 du Code civil : « Le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l'égard du sous- acquéreur .ou
sur l’indemnité d’assurance subrogé au bien ».
138
a-2-a-1) Fondement de la revendication de la créance du prix de revente
325. Les articles L. 624-18 du Code de commerce et 2372 du Code civil permettent au
vendeur initial, en cas de revente ou de perte du bien, de revendiquer la créance subrogée au bien.
Le propriétaire devient donc, par le jeu de la subrogation réelle, le propriétaire de la créance du prix
de revente subrogée au bien. Il s'opère, au moment de la revente du bien au sous-acquéreur, un
transfert du droit de propriété du vendeur initial sur la créance du prix subrogée au bien. De cette
manière, le vendeur initial, devenu propriétaire de la créance de l'acheteur sur le sous-acquéreur,
peut agir en paiement contre le sous-acquéreur qui est désormais son propre débiteur.
Dans le même sens, une partie de la doctrine447 admet que c'est parce que la créance du prix de
revente est subrogée au bien que le vendeur réservataire peut l'appréhender.
326. Cependant, un auteur, le professeur DROSS448, considère que faire de la subrogation
réelle le fondement de la revendication du prix de revente suppose qu'il faut admettre, sur le plan
théorique, « la figure controversée de la propriété des créances » puisque, d'une part, la subrogation
réelle est un mécanisme de préservation des droits par-delà la disparition de leur objet et, d'autre
part, c'est bien aux termes de ce mécanisme qu’un droit de propriété vient s'exercer sur la créance.
Sur le plan pratique, l'auteur estime que si le vendeur réservataire est propriétaire d'une chose qui
par la suite est remplacée par une créance du prix, le créancier devrait en toute logique bénéficier de
la chose subrogée dans son intégralité. Le vendeur doit donc pouvoir prétendre à la totalité du prix
de revente, même lorsque ce prix est nettement supérieur au prix auquel il avait lui-même vendu le
bien449.
327. Heureusement, ce n'est pas la solution retenue en droit positif. La jurisprudence confirme
la solution législative qui voit dans la subrogation réelle le fondement de la revendication du prix de
revente450. Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que la revendication ne concerne que le prix ou
la partie du prix qui n'a pas encore été payé au débiteur451. Dès lors que le prix de revente du bien
est supérieur au prix de vente d'origine, la différence doit être reversée à la procédure collective452.
Cette solution nous paraît tout à fait logique et juste. En effet, il ne faudrait pas que le vendeur
réservataire s’enrichisse au moyen de la revendication.
328. Le professeur PÉROCHON 453 a démontré que le fait pour le vendeur réservataire
d'exercer son droit de propriété sur la créance du prix de revente, soumet ce dernier à une double
447
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1614; E. LE CORRE-BROLY, « La revendication du prix de
revente sous l'éclairage de la jurisprudence », Gaz. Pal., 27 octobre 2007, n° 300, p.3.
448
W. DROSS, « La revendication dans les procédures collectives: une imposture ? », art. préc., pp 34 et 35.
449
Ibid.
450
Cass. com., 21 juin 2011, n° 11-40.032, Inédit ; D. 2011, AJ, p. 1814, obs. A. LIÉNHARD ; Rev. soc., 2011, p. 527,
note PH. ROUSSEL GALLE ; RTD com. 2011, p. 643, obs. A. MARTIN-SERF.
451
Cass. com., 27 octobre 1998, 96-16.382, Inédit.
452
CA Lyon, 11 juillet 1997, Rev. Proc. Coll., 2001, p. 19, obs. B SOINNE
453
F. PÉROCHON, « La revendication du prix de revente », D. Aff. 1996, p. 1402.
139
contrainte : faire reconnaître son droit de propriété à l'encontre de son acheteur, d’une part, et
appréhender les sommes qui correspondent au prix de revente dû par le sous-acquéreur, d’autre part.
Il en résulte un dédoublement de l'action. D'abord, l'action réelle en revendication du prix dans la
procédure collective de son débiteur initial (le premier acheteur), laquelle fonde, ensuite, une
seconde action personnelle en paiement de la créance du prix de revente contre le sous-acquéreur
ou, dans l'hypothèse d'une circulation de la créance du prix de revente, contre l'affactureur ou le
cessionnaire Dailly. Ainsi, la revendication par le vendeur initial de la créance du prix dans la
procédure collective de son débiteur initial, constitue une action en revendication stricto sensu dont
la recevabilité conditionne le succès de la seconde action diligentée contre le sous-acquéreur454.
Il s'agit donc de deux actions distinctes qui ne doivent pas se confondre. Mais, en règle générale,
elles sont toutes les deux désignées sous le vocable de « revendication du prix »455, ce qui nous
paraît quelque peu regrettable car cela pourrait entretenir la confusion.
329. Pour mettre un terme à cette confusion, madame LE CORRE-BROLY456 propose que
l'expression « revendication du prix » soit réservée à l'action réelle en revendication exercée par le
propriétaire dans la procédure collective de son débiteur initial. En outre, l'auteur considère que
l'action personnelle en paiement du vendeur initial à l'encontre du sous-acquéreur est distincte de
celle dont peut se prévaloir le débiteur-revendeur à l'encontre de ce dernier. En conséquence,
lorsque le vendeur initial réclamera au sous-acquéreur le paiement de la créance du prix de revente,
il ne le fera pas en qualité de subrogé dans les droits du débiteur-revendeur à l'encontre du sous-
acquéreur, mais en s'appuyant sur une action propre dont il est titulaire à l'encontre de ce dernier.
330. L'analyse du professeur PÉROCHON a eu un écho favorable auprès de la quasi-totalité
de la doctrine. Dans le même ordre d’idées, la Cour de cassation a jugé que « l'action en paiement
exercée par le vendeur initial à l'encontre du sous-acquéreur des biens vendus sous clause de
réserve de propriété s'analyse en un action personnelle et non en une action réelle »457.
458
Cependant, le professeur DROSS conteste cette interprétation. Il voit dans l'action en
revendication du vendeur, non pas une action réelle, mais une action personnelle, comme le serait
par exemple l'action en restitution engagée par le propriétaire d'une chose. Il précise ensuite que
l'action en revendication du prix serait plutôt une variété d'action directe et non pas une action
personnelle en paiement.
454
E. LE CORRE-BROLY, « La revendication du prix de revente sous l'éclairage de la jurisprudence », art. préc., pp. 3
et s.
455
V. par ex. Cass. com., 24 mai 2005, n° 04-13.464, Bull. civ. IV, n° 110; note F. PÉROCHON, Dict. Perm. Difficultés
des entreprises, Clause de réserve de propriété et revendication, n° 61.
456
E. LE CORRE-BROLY, « La revendication du prix de revente sous l'éclairage de la jurisprudence », art. préc., pp. 3
et s.
457
Cass. com., 6 octobre 2009, n° 08-15.048, Bull. civ. IV, n° 122; D. 2009, AJ, p. 2482, note A. LIÉNHARD; D. 2010.
Pan. p. 1822, note F.-X. LUCAS ; Gaz. Proc. Coll. 2009/4, p. 42, obs. F. PÉROCHON; JCP E, 2010, 1011, n° 12, obs.
M. CABRILLAC.
458
W. DROSS, « La revendication dans les procédures collectives: une imposture ? », op. cit.,p. 35.
140
À notre avis, la jurisprudence s’étant clairement prononcée sur la question, il faudrait, pour éviter
des querelles doctrinales interminables, faire application de la solution jurisprudentielle ci-dessus
énoncée.
331. Quoi qu'il en soit, le bénéfice de ces deux actions au profit du vendeur réservataire a
conduit la jurisprudence à répondre à deux questions essentielles. La première concernait
l'incidence de l'extinction de la créance du prix de revente ; tandis que la seconde s'intéressait à
l'opposabilité au vendeur initial des exceptions d'inexécution découlant des rapports entre le
revendeur et le sous-acquéreur.
La Cour de cassation avait été amenée à trancher la première difficulté dans une espèce où
l'acquéreur d'un bien vendu avec clause de réserve de propriété l'avait revendu à un sous-acquéreur
qui n'avait pas payé l'intégralité du prix au revendeur. Quelques jours plus tard, le revendeur et le
sous acquéreur avaient été placés en redressement judiciaire. Or, le revendeur avait omis de déclarer
sa créance du prix de revente dans la procédure collective ouverte à l'encontre du sous-acquéreur.
Dans un arrêt rendu le 21 février 2006459, la Cour de cassation avait jugé que l'action du vendeur
initial exerçant une revendication sur le prix est indépendante du sort de la créance née de la revente
du bien par l'acquéreur-revendeur au sous-acquéreur. Elle affirma que le vendeur réservataire
pouvait « revendiquer le prix impayé par le sous-acquéreur en redressement ou liquidation
judiciaire, peu important que la créance détenue par l'acquéreur initial à l'encontre du sous-
acquéreur soit éteinte pour n'avoir pas été déclarée au passif de ce dernier ». Ainsi, l'action en
revendication du prix de revente par le vendeur réservataire est indépendante du sort de la créance
née de la revente du bien par l'acheteur-revendeur au sous-acquéreur. Cette solution
jurisprudentielle a été approuvée par une partie de la doctrine460.
La seconde question posée à la haute Cour était celle de savoir si le sous-acquéreur pouvait, pour
refuser de régler le prix, opposer au vendeur initial l'exception d'inexécution par le revendeur de son
obligation. La solution a été donnée dans un arrêt du 5 juin 2007461. En l'espèce, l'acquéreur d'un
bien dont il n’avait pas intégralement payé le prix au vendeur, l'avait revendu à un sous-acquéreur
qui se plaignait d'un dysfonctionnement de celui-ci. Il avait par la suite obtenu du revendeur
l'engagement de procéder à l'échange du bien. Cependant, le revendeur qui n'avait pas encore été
payé fut placé en procédure collective avant que l'échange n'intervienne. Le vendeur initial avait
ensuite réclamé au sous-acquéreur, à concurrence du prix qui lui restait dû, la somme que ce dernier
restait devoir à son propre vendeur. Pour refuser de s'exécuter, le sous-acquéreur opposait au
459
Cass. com., 21 février 2006, n° 04-19.672, Bull. civ. IV, n° 43 ; D. 2006, AJ, p. 718, obs. A. LIÉNHARD; D. 2006,
comm. p. 2255, obs. F.- X. LUCAS; JCP E, 2006, 1569, 672, n° 9, obs. M. CABRILLAC.
460
E. LE CORRE-BROLY, « La revendication du prix de revente sous l'éclairage de la jurisprudence », op. cit.
461
Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-21.349, Bull. civ. IV, n° 152; D. 2007, p. 1729, obs. A. LIÉNHARD; Rev. Proc. Coll.
2007, p. 224, obs. M.-H. MONSÉRIÈ-BON; JCP E, 2008, 1207, n° 11, obs. M. CABRILLAC et Ph. PÉTEL; Gaz.
Proc. Coll., 2007/7, p. 54, obs. F. PÉROCHON.
141
vendeur initial l'exception d'inexécution du revendeur, car ce dernier n'avait pas procédé à l'échange
du bien. La Cour de cassation énonça que « la revente opère, par le jeu de la subrogation réelle,
transport dans le patrimoine du vendeur initial du prix ou de la partie du prix impayé par le sous-
acquéreur au jour de l'ouverture de la procédure collective de l'acheteur. Par conséquent, le sous-
acquéreur ne peut opposer au vendeur initial, les exceptions qu'il aurait pu opposer à son propre
vendeur ». Cette position a ensuite été réaffirmée dans un arrêt du 18 janvier 2011462.
332. Pour madame LE CORRE-BROLY463, cette solution est justifiée par le fait que l'action
personnelle du vendeur initial à l'encontre du sous-acquéreur est distincte de l'action en paiement
dont peut se prévaloir l'acquéreur-revendeur à l'encontre de son propre acquéreur. Par ailleurs, le
vendeur réservataire exerce à l'encontre du sous-acquéreur, non pas l'action en paiement dont est
titulaire l'acquéreur-revendeur, mais une action personnelle en paiement. D'autres464, au contraire,
considèrent qu'il s'agit d'une solution difficilement justifiable. En effet, dès lors que la Cour de
cassation évoque, au jour de l’ouverture de la procédure collective du débiteur, le transport dans le
patrimoine du vendeur initial de la créance du prix ou de la partie du prix impayé par le sous-
acquéreur, il est possible de considérer qu'il n'y a pas d'autre créance et, donc, qu'il n'y a pas
novation.
333. En définitive, bien qu'étant admise de manière quasi-unanime, l'analyse faite par le
professeur PÉROCHON demeure quelque peu complexe. Cette complexité résulte du regroupement
des deux actions qui fondent la revendication du prix de revente, sous le vocable de « revendication
du prix ». En effet, il peut être difficile de distinguer l'action réelle en revendication de l'action
personnelle en paiement, alors que toutes les deux sont exercées par le vendeur réservataire et porte
sur la même somme d'argent, en l’occurrence le prix de revente du bien.
Pour rendre plus aisée la distinction, une solution consisterait à établir une différence en fonction du
moment où le sous-acquéreur s'acquitte des sommes dues. En considérant que la revendication
suppose le défaut de paiement de tout ou partie du prix du bien revendiqué au jour du jugement
d'ouverture, on pourrait prévoir que lorsque l'action est exercée par le vendeur initial après le
paiement du prix par le sous-acquéreur, il s'agit d'une action réelle en revendication qui s'effectuera
contre le débiteur ou l'organe de la procédure agissant pour son compte 465. En revanche, si l'action
est entreprise avant le paiement du prix, le vendeur initial serait autorisé à s'attaquer directement au
sous-acquéreur par le biais d'une action personnelle en paiement.
462
Cass. com., 18 janvier 2011, n° 07-14.181, Inédit ; D. 2011, p. 368, obs. A. LIÉNHARD; Gaz. Proc. Coll. 2011/4, p.
36, obs. F. PÉROCHON; RTD civ. 2011, p. 178, obs. P. CROCQ; RTD com. 2012, p. 616, obs. A. MARTIN-SERF.
463
E. LE CORRE-BROLY, « La revendication du prix de revente sous l'éclairage de la jurisprudence », op. cit.
464
F. DANOS, « Exceptions inhérentes à la dette et subrogation réelle sur la créance de prix de revente », JCP E, 2011,
1366, n° 7.
465
Art. R. 624-16 du Code de commerce.
142
Le problème de cette solution réside dans le respect du délai de revendication. Ainsi, à condition de
respecter les délais, le vendeur n'aura plus à exercer deux actions distinctes. Il pourra se contenter
d'une seule de ces actions qui sera déterminée en fonction du paiement ou non du prix de revente
par le sous-acquéreur, au moment de l'exercice de l'action.
334. Mais, en attendant l'admission éventuelle de cette solution, il convient de tirer les
conséquences de l’analyse du professeur PÉROCHON au regard de la règle de l’arrêt des poursuites
individuelles.
Si la règle n'a aucune incidence sur l'action réelle en revendication du vendeur réservataire contre le
débiteur-revendeur, en sera-t-il de même pour l'action personnelle en paiement du vendeur
réservataire contre le sous-acquéreur ? Il faut distinguer selon que le sous-acquéreur est in bonis ou
non.
Lorsque le sous-acquéreur est in bonis, il n'existe aucun obstacle à l'exercice de l'action personnelle
en paiement du vendeur réservataire contre ce dernier. La suspension des poursuites individuelles
ne s'appliquant que dans l'hypothèse d'une procédure collective, le sous-acquéreur est tenu de
s'acquitter des sommes dues. En revanche, si le débiteur fait l'objet d'une procédure collective,
l'exercice de l'action en paiement du vendeur réservataire se heurte à l'interdiction d'engager des
poursuites individuelles. En effet, cette règle empêche toutes les actions visant à obtenir de la part
du débiteur, le paiement d'une somme d'argent, peu important qu'il s'agisse du débiteur initial ou
non. Cependant, pour ne pas léser le revendiquant dans ses droits, ce dernier devra procéder à la
déclaration de la créance du prix de revente au passif du sous-acquéreur, à hauteur de la créance du
prix que ce dernier restait devoir à son propre vendeur, le primo acquéreur.
Nous venons d’étudier les fondements juridiques de la revendication du prix. Analysons à présent
ses conditions.
335. Pour revendiquer le prix de revente, plusieurs conditions sont exigées. D'abord, le non-
paiement de tout ou partie du prix du bien revendiqué au jour du jugement d'ouverture, puis la
revente du bien.
Lorsque l'acheteur initial revend le bien, la revendication est par principe interdite puisque le sous-
acquéreur est protégé par l'article 2276 du Code civil qui énonce qu' « en fait de meubles,
possession vaut titre ». En conséquence, le vendeur réservataire ne peut plus procéder à la
revendication du bien, même si ce dernier existe encore en nature entre les mains du nouvel
acquéreur. En application du principe portant sur la charge de la preuve, il revient au vendeur initial
de prouver la mauvaise foi du sous-acquéreur. En l'absence de caractérisation de la mauvaise foi, la
143
revendication du bien devient impossible466. Le vendeur réservataire doit alors s'orienter vers la
revendication de la créance du prix de revente subrogée au bien. Encore faudrait-il, pour cela,
qu'elle existe au jour du jugement d'ouverture.
336. Cette condition renvoie à celle de l'existence de la créance du prix au jour du jugement
d'ouverture. Pour permettre la revendication du vendeur réservataire, le débiteur doit détenir une
créance de prix contre le sous-acquéreur. Cela n'est possible que si tout ou partie du prix du bien
revendiqué n'a pas été payé, compensé ou réglé en valeur au jour du jugement d'ouverture.
Aussi, en dehors du paiement classique, le législateur admet la possibilité d'un règlement en valeur
ou par compensation.
337. Le règlement en valeur englobe tous les paiements par chèque ou effets de commerce,
lorsque le porteur du chèque ou de l'effet peut se prévaloir du transfert irrévocable de la provision à
son profit. S'agissant du chèque, le règlement en valeur intervient dès sa remise. En revanche, pour
les effets de commerce, et notamment la lettre de change, le règlement se fait au moment de
l'acceptation par le tiers acquéreur d'une lettre de change tirée sur lui par l'acheteur revendeur et
escomptée par un établissement de crédit.
La Cour de cassation467 fait une interprétation restrictive du texte de l'article L. 624-18, puisqu'elle
refuse d'accepter les autres modes d'extinction d'obligations comme faisant obstacle à la
revendication du prix de revente.
338. S'agissant du règlement par compensation, le texte issu de l'ordonnance du 18 décembre
2008 ne limite plus, contrairement à ce qui a été admis sous l’empire des législations antérieures, la
compensation à l'hypothèse du compte-courant. Désormais, si avant le jugement d'ouverture, le prix
ou une partie du prix du bien revendiqué est compensé en dehors du jeu du compte-courant, la
revendication devient impossible. Ainsi, il est admis que lorsque le prix n'a été payé par le sous-
acquéreur que pour partie avant le jugement d'ouverture, peu important le mode de règlement, le
créancier ne revendiquera que la partie non payée du prix. La Cour de cassation précise à cet effet
que le solde restant dû par le sous-acquéreur à son propre vendeur, à savoir le débiteur initial, doit
correspondre à une fraction du prix de revente du bien vendu avec clause de réserve de propriété, et
non à une créance distincte du débiteur initial sur son sous-acquéreur468.
466
Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-65.812, Bull. civ. IV, n° 98; D. 2010, p. 1412, note A. LIÉNHARD ; D. 2011. p. 410,
obs. P. CROCQ.
467
Cass. com., 14 mai 2008, n° 06-21.532, Bull. civ. IV, n° 98; D. 2008, AJ. p. 1477, obs. A. LIÉNHARD.
468
Cass. com., 16 juin 2009, n° 08-15.753, Bull. civ. IV, n° 84; D. 2009, AJ. p. 1752, note A. LIÉNHARD; Gaz. Proc.
Coll. 2009/4, p. 41, note F. PÉROCHON ; JCP E, 2009, 1814, n° 11, obs. M. CABRILLAC.
144
339. Un autre problème se pose dans l'hypothèse où le sous-acquéreur, qui n'avait pas payé le
prix de revente à la date du jugement d'ouverture, exécute son obligation entre les mains du
débiteur-revendeur après le jugement d'ouverture. Que faut-il alors décider pour le revendiquant ?
L’article R. 624-16 du Code de commerce précise qu’« en cas de revendication du prix des biens en
application de l’article L. 624-18, les sommes correspondantes payées par le sous-acquéreur
postérieurement à l’ouverture de la procédure doivent être versées par le débiteur ou
l’administrateur entre les mains du mandataire judiciaire. Celui-ci les remet au créancier
revendiquant à concurrence de sa créance ». Par ailleurs, la Haute juridiction, dans arrêt du 3
décembre 2003469, a précisé que « le prix du bien livré qui n'a pas été payé par le sous-acquéreur
avant la date du jugement d'ouverture de la procédure, peut être revendiqué entre les mains du
débiteur sans qu'il y ait lieu de distinguer si le prix a été ou non payé avant la demande en
revendication ». Dans cette décision, la Cour de cassation fait la part belle aux revendiquants. Peu
important en effet que l'action en revendication soit exercée avant ou après le paiement effectué par
le sous-acquéreur. Ce qui compte, c'est la postériorité de ce paiement à la date du jugement
d'ouverture de la procédure. Cela démontre en effet qu’un prix était dû à l’ouverture de la procédure
collective.
340. Le défaut de paiement de tout ou partie du prix du bien revendiqué, à la date du jugement
d'ouverture, pose, par ailleurs, le problème de la preuve du paiement du prix, d’une part, et de la
date dudit paiement, d’autre part.
S'agissant de la preuve du paiement, la règle est qu'il appartient à celui qui se prévaut du paiement
du prix de revente d'en rapporter la preuve. Il doit être prouvé que le sous-acquéreur s'est acquitté
du paiement avant le jugement d'ouverture. La solution change lorsqu'il est question de la preuve de
la date du paiement. Il incombe au vendeur revendiquant de prouver que le paiement a été effectué
après le jugement d'ouverture. De cette manière, il remplit ainsi les conditions nécessaires à la
revendication du prix de revente.
En plus du défaut de paiement de tout ou partie du prix, la revendication du prix de revente suppose
que le bien ait été revendu à un tiers.
341. Pour revendiquer le prix ou la partie du prix impayé, il faut encore que le bien qui avait
été vendu sous clause de réserve de propriété par le vendeur initial ait été revendu à un tiers-
acquéreur. Le bien doit donc avoir fait l'objet de deux ventes distinctes. La première, entre le
vendeur réservataire initial et le débiteur revendeur. La seconde, entre le débiteur-revendeur et le
469
Cass. com., 3 décembre 2003, n° 00-15.929, Bull. civ. IV, n° 191; D. 2004, p. 140, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E,
2004, 783, n° 12. obs. M. CABRILLAC; Rev. Proc. Coll. 2004, p. 380, obs. M.-H. MONSÉRIÉ.
145
sous-acquéreur. Tel n'était pas le cas pour des chèques restaurants qui n'avaient été ni cédés, ni
vendus, mais mis à disposition par l'entreprise auprès de ses salariés, de sorte que ces derniers
n'étaient pas des sous-acquéreurs470. Un deuxième contrat de vente reste donc indispensable pour
autoriser la revendication du prix de revente.
342. À ces deux conditions, une autre pourrait s'ajouter, à savoir l'existence en nature du bien
dont le prix est revendiqué.
La revendication du prix de revente suppose également que le bien dont le prix est revendiqué ait
existé en nature entre les mains du sous-acquéreur. Le bien ne doit donc avoir subi aucune
transformation ni modification. Un problème subsistait néanmoins pour l'admission de cette
condition. Il fallait déterminer le moment de l'appréciation de l'absence de transformation.
À quelle date fallait-il se placer pour apprécier l'absence de transformation du bien ? La
jurisprudence a plusieurs fois affirmé que c’est à la date de la délivrance du bien au sous acquéreur
qu’il convient de se placer pour apprécier cette condition471. Aussi, dans un arrêt du 5 novembre
2003472, la haute Cour réaffirme qu'il suffit que les biens dont le prix est revendiqué existent en leur
état initial à la date de délivrance au sous-acquéreur, peu important si, par la suite, ils font l'objet
d'une transformation. La Cour de cassation estima que c'est à cette date que s'opère le jeu de la
subrogation réelle qui fonde le droit de revendiquer du vendeur réservataire. Ce n’est donc pas au
jour du jugement d’ouverture que le bien doit avoir existé en nature entre les mains du sous-
acquéreur.
La revendication du prix de revente soulève d'autres questions473 dont l'intérêt minime ne nécessite
pas que l'on s'y attarde dans la présente étude. Au demeurant, à défaut du prix de revente, la
revendication peut concerner l'indemnité d'assurance, en cas de sinistre.
343. En cas de perte ou de destruction du bien, le droit de propriété du vendeur est reporté sur
l'indemnité d'assurance subrogée au bien. Le revendiquant peut ainsi l'appréhender. Cette
revendication doit se faire dans les mêmes formes et délais que la revendication du bien lui-même,
comme c’est le cas pour la revendication du prix 474 . À défaut de revendication, l'indemnité
d'assurance est attribuée à la procédure collective, sur demande de ses organes.
470
Cass. com., 31 mai 2005, n° 02-12.538; Inédit; Gaz. Proc. Coll. 2005/3, p. 56, obs. F. PÉROCHON
471
Cass. com., 3 janvier 1995, n° 93-11.093, Bull. civ. IV, n° 3 ; D. 1996, somm. p. 221, obs. F. PÉROCHON; Rev.
Proc. Coll.1995, p. 197, obs. B. SOINNE.
472
Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-21.357, Bull. civ. IV. n° 162; JCP E, 2004, 783, n° 13, obs. M. CABRILLAC;
RTD com. 2004, p. 601, obs. A. MARTIN-SERF ; V. aussi, Cass. com., 7 avril 2009, n° 08-12.915, Inédit ; Gaz. Proc.
Coll. 2009/4, p. 40, note F. PÉROCHON.
473
V. P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816. 45.
474
V. E. LE CORRE-BROLY, note sous Cass. com., 16 septembre 2008, n° 07-11.012 ; Inédit ; Gaz. Proc. Coll.
2008/4, p. 59.
146
Nous venons ainsi de voir l'objet de la revendication. Analysons maintenant sa procédure.
344. Aux termes des dispositions des articles L. 624-9 et suivants du Code de commerce, la
procédure de revendication se déroule, selon le cas, en une ou deux phases. Une première phase
amiable obligatoire (b-1) et, lorsque celle-ci n'aboutit pas, la procédure se poursuit, dans une
seconde phase, devant le juge-commissaire (b-2).
475
Cass. com., 2 octobre 2001, n° 98-22.304, Bull.civ. IV, n° 155 ; JCP E, 2002, 175, n° 13, obs. M. CABRILLAC et
Ph. PÉTEL.
476
Cass. com., 6 mars 2001, n° 98-15.099, Bull. civ. IV, n° 50 ; JCP E, 2001, 1472, n° 12, obs. M. CABRILLAC et Ph.
PÉTEL ; D. 2001, p. 1099, obs. A LIÉNHARD.
147
demande en acquiescement. Il s'agit d'un délai préfix pour lequel il n'existe pas de relevé de
forclusion. Le revendiquant doit donc agir rapidement.
347. Si, aujourd'hui, ce délai s'applique sans qu'il soit nécessaire de distinguer selon que le
bien fasse ou non l'objet d'un contrat en cours, tel n'a pas toujours été le cas. En effet, sous l'empire
des législations antérieures à l'ordonnance du 18 décembre 2008 477 , bien que le délai pour
revendiquer soit toujours de trois mois478, il existait une différence selon que le propriétaire du bien
était ou non lié avec le débiteur par un contrat en cours. Lorsque le propriétaire n'était pas lié au
débiteur en vertu d'un contrat en cours, le délai commençait à courir à compter de la date de
publication du jugement d'ouverture au BODACC. En revanche, lorsque le propriétaire était lié au
débiteur par un contrat en cours d’exécution, le point de départ du délai de revendication était
retardé à la date de la résiliation ou de l'arrivée à terme du contrat 479. L'article 41 de l'ordonnance du
18 décembre 2008 a, en instaurant un point de départ unique, joué en faveur des cocontractants
propriétaires qui n'ont plus à se soucier du sort de leur contrat au regard de la revendication 480. Mais
on peut également y voir une source de méprise pour les revendiquants, puisqu’il n’est plus tenu
compte du régime de leur contrat.
348. Toutefois, la subordination de l'exercice de la demande en revendication à l'arrivée du
terme du contrat ou la survenance de la résiliation pouvait, par ailleurs, avoir des conséquences sur
les créanciers réservataires au regard de la règle de la suspension des poursuites individuelles. En
effet, lorsque les biens du créancier réservataire faisaient l'objet d'un contrat en cours d’exécution au
jour du jugement d'ouverture de la procédure, ce dernier devait attendre la résiliation ou le terme de
son contrat pour adresser sa demande en revendication. Aussi, durant toute la durée d'exécution du
contrat, l'exercice de l'action en revendication du créancier réservataire était paralysé. Cette
paralysie pouvait en conséquence s'analyser comme une soumission à l'arrêt des poursuites
individuelles.
Pour pallier cette difficulté, un commencement de solution avait été apporté par la Cour de
cassation. Dans un arrêt du 5 mai 2004481, elle avait eu l'occasion de préciser qu'« un contrat de
vente de biens mobiliers dont la propriété est réservée et dont le prix n'est pas payé lors de
l'ouverture de la procédure collective n'est pas un contrat en cours au sens de l'article L. 621-28 du
Code de commerce et que le délai de revendication a pour point de départ la publication du
477
C'est la loi du 10 juin 1994 qui institué la différence.
478
Le délai est de trois mois depuis la loi du 25 janvier 1985.
479
Ancien art. L. 624-9, al. 2 du Code de commerce.
480
E. LE CORRE-BOLY, « Les modifications apportées par l'ordonnance du 18 décembre 2008 en matières de
revendications et de restitutions », art. préc., p. 833.
481
Cass. com., 5 mai 2004, n° 01-17.201, 01-17.590, Bull. civ. IV, n° 81; JCP E, 2004, 1295, n° 51, obs. M.
CABRILLAC ; D. 2004, somm. p. 2144, obs. F.-X. LUCAS ; D. 2004, AJ. p. 1525, obs. A LIÉNHARD. Cette solution
est aussi applicable pour le prêteur subrogé dans les droits du vendeur. (Cass. com., 28 septembre 2004, n° 03-13.696,
Inédit ; D. 2005, p. 299, obs. P.-M. LE CORRE.
148
jugement d'ouverture de la procédure collective...». En décidant de soustraire du régime des
contrats en cours ceux qui portaient sur des biens vendus sous clause de réserve de propriété, la
Haute juridiction permettait ainsi aux vendeurs réservataires de revendiquer dès la publication du
jugement d'ouverture. De cette manière, ces créanciers échappaient à l'arrêt des poursuites
individuelles dès le début de la procédure collective.
Avec la modification opérée par l'ordonnance du 18 décembre 2008, les choses sont désormais très
claires. En effet, la possibilité d'une soumission de tout créancier réservataire à l'arrêt des poursuites
individuelles ne se pose plus, puisque la qualification de contrats en cours n'a plus d'influence sur le
point de départ du délai de revendication.
349. Tout compte fait, lorsque la demande en revendication est fondée, l'organe de la
procédure acquiesce à la demande du revendiquant. Son droit de propriété devient alors opposable à
la procédure collective. Ainsi, le propriétaire peut, en cas de revente du bien à un tiers ou de cession
de la créance par l'acheteur contre le sous-acquéreur, agir en paiement contre le sous-acquéreur ou
le cessionnaire. L'acquiescement à la demande met donc un terme à la procédure de revendication.
Inversement, en l'absence d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la
lettre recommandée formulant la demande en revendication, la saisine du juge-commissaire devient
nécessaire. Elle marque l'échec de la phase préliminaire et le début de la seconde phase de la
revendication.
350. Lorsque la demande en acquiescement n'aboutit pas, le vendeur réservataire doit, sous
peine de forclusion, saisir le juge-commissaire dans le délai d'un mois courant à compter de
l'expiration du délai du mois imparti à l'organe de la procédure pour répondre à la demande en
acquiescement qui lui a été présentée. Là encore, il s'agit d'un délai préfix qui ne comporte aucun
relevé de forclusion.
En principe, le juge-commissaire a, en la matière, une compétence exclusive482. Le tribunal pourra
toutefois être saisi lorsque le juge-commissaire n'a pas statué dans un délai raisonnable. La requête
doit être déposée au greffe ou envoyée au juge-commissaire avant l’expiration du délai requis. La
procédure devant le juge-commissaire est contradictoire. Aussi, avant de statuer, celui-ci recueille
les observations des parties intéressées 483 . Par ailleurs, la saisine du juge-commissaire pourrait
s'analyser comme une demande en justice, puisque la personne qui saisit, pour le compte d'un tiers,
482
Cass. com., 2 octobre 2001, n° 98-22.304, Bull. civ. IV, n° 155; JCP E, 2002, 175, n° 13, obs. M. CABRILLAC et
Ph. PÉTEL.
483
F. PÉROCHON, « La procédure des revendications et des restitutions dans les procédures collectives », LPA, 28
novembre 2008, n° 239, p. 65.
149
le juge-commissaire d'une demande en revendication, doit, si elle n'est pas avocat, être munie d'un
pouvoir spécial donné par écrit484.
351. Pour finir, il convient de préciser que les modalités procédurales de la revendication du
bien sont applicables à la revendication du prix de revente, dès l'instant où celle-ci s'analyse comme
une action en revendication stricto sensu485. La Cour de cassation avait énoncé que les dispositions
de l'article L. 621-123 du Code de commerce et 85-1 du décret du 27 décembre 1985 sont
applicables aussi bien à la revendication du bien qu'à celle de son prix, peu important que cette
demande soit faite contre un sous-acquéreur486. En conséquence, l’introduction d’une demande en
acquiescement de revendication dans le délai de trois mois à compter de la publication du jugement
d’ouverture, en préalable à la saisine du juge-commissaire, s'impose également487. Sur la base de la
décision jurisprudentielle, on pourrait également étendre cette solution à la revendication de
l’indemnité d’assurance.
Pour finir, il convient de retenir que l’action en revendication est soumise à des conditions
rigoureusement définies par le législateur. C’est du respect de ces conditions que dépend la
production des effets de la revendication.
352. Lorsque l'action en revendication aboutit, elle établit le droit de propriété du créancier à
l'égard de la procédure collective. Le propriétaire peut réclamer la restitution de son bien, puisque la
demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution 488 . Ainsi, à défaut de
paiement à l'échéance, le débiteur est tenu de restituer le bien au propriétaire initial (le réservataire).
La restitution effective et immédiate du bien n’est toutefois pas systématique. Lorsque le bien objet
de la garantie fait l'objet d'un contrat en cours, la restitution effective du bien n'interviendra qu'au
moment de la résiliation ou au terme du contrat489. Cette hypothèse n’est pas envisageable dans le
cadre d’une vente avec clause de réserve de propriété, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un contrat en
cours 490 . Dans certaines situations, la restitution du bien est même impossible. Il en ainsi, par
exemple lorsque le bien qui a pourtant existé au jour du jugement d’ouverture a disparu au cours de
la procédure collective en raison d’une vente ou d’une destruction ; où encore lorsque le bien a été
vendu avant l’ouverture de la procédure collective. Dans ce cas, c’est la créance du prix de revente
subrogée au bien qui devra être remise au créancier. Quoi qu’il en soit, en l’absence de restitution
484
Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-11.132, Bull. civ. IV, n° 153 ; D. 2006, p. 2100, obs. A. LIÉNHARD et D. 2007.
Pan. p. 49, obs. P.-M. LE CORRE ; JCP E, 2007, 1004, n° 12, obs. M. CABRILLAC.
485
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.46.
486
Cass. com., 24 mai 2005, n° 40-13.464, Bull. civ. IV, n° 110; D. 2005, AJ. p. 1633, obs. A. LIÉNHARD; Gaz. Proc.
Coll. 2005/3, p. 57, obs. F. PÉROCHON.
487
Cass. com., 2 octobre 2001, n° 98-22.304, Bull. civ. IV, n° 155; D. 2001, AJ, p. 3043, obs. A. LIÉNHARD.
488
Art. R. 624-13, al. 4 du Code de commerce.
489
Art. L. 624-10-1 de Code de commerce.
490
Cass. com., 5 mai 2004, n° 01-17.201, 01-17.590 ; préc.
150
effective du bien ou de la créance du prix subrogée à ce bien, les droits du propriétaire sont a
minima protégés491.
353. En définitive, il résulte que l'action en revendication est encadrée par des conditions
d'exercice rigoureuses et de nature à décourager le créancier réservataire. Cependant, la
revendication n’étant pas une action en paiement492, elle est autorisée alors même que le débiteur
fait l'objet d'une procédure collective. C’est donc l'action en revendication qui consacre l’exclusion
du créancier réservataire de l'arrêt des poursuites individuelles. En effet, en dehors des conditions
liées à la revendication, le réservataire ne subit aucune autre restriction. Le droit de revendiquer ne
se trouvant paralysé à aucun moment, la règle de la suspension et de l'interdiction des poursuites
individuelles n'a donc aucune emprise sur le réservataire.
Ainsi, le droit de revendiquer constitue, en droit français, une arme efficace au service du créancier
réservataire. En est-il de même pour le réservataire africain ?
491
Nous y reviendrons dans le prochain chapitre.
492
Mais elle peut tout de même aboutir au paiement du revendiquant, comme nous le verrons dans le chapitre suivant.
493
L’article 101, al. 1er de l'ancien AUPC qui disposait que « les actions en revendications ne peuvent être reprises ou
exercées que si le revendiquant a produit et respecté les formes et délais prévus aux articles 78 à 88 ci-dessus » a été
abrogé.
494
Le nouvel AUPC est rentré en vigueur le 24 décembre 2015.
495
Art. 101-3 de l’AUPC.
151
Cependant, l’article 103, alinéa 3, envisage toujours la possibilité de revendiquer les biens faisant
l’objet d’une clause de réserve de propriété. Ainsi, il nous faut analyser les conditions (1) puis les
effets (2) de la revendication, en mettant tout de même l’accent sur les innovations issues de la
réforme de l’AUPC.
a- L'objet de la revendication
356. L'article 103, alinéa 3, de l'AUPC dispose que « Peuvent être également revendiqués les
marchandises et les objets mobiliers faisant l'objet d'une réserve de propriété, selon les conditions
et avec les effets prévus par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ». Ces dispositions
consacrent la possibilité de revendiquer le bien meuble faisant l’objet d’une réserve de propriété (a-
1). Toutefois, à l’instar du droit français, lorsque le bien n’existe plus, le réservataire africain peut
revendiquer le prix ou la créance de prix subrogée au bien (a-2).
496
L’AUS n’envisage que la réserve de propriété mobilière (art. 72 et suivants)
152
intégral du prix ». Il en résulte que la revendication des biens vendus sous réserve de propriété était,
au jour de la décision d’ouverture497, conditionnée par l’existence en nature du bien. Le vendeur
réservataire devait prouver que le bien existe encore en nature dans le patrimoine du débiteur. Cette
preuve pouvait être facilitée par l'inventaire effectué à l'ouverture de la procédure collective498.
En soumettant la revendication à l’existence en nature du bien, le législateur communautaire
africain était plus rigide que le législateur français. En effet, dans l'espace juridique OHADA, la
revendication n'était possible que lorsque le vendeur était en mesure d'identifier son bien dans le
patrimoine de son débiteur. Le bien revendiqué devait être celui qui avait été vendu à l'acheteur sans
qu'il ait subi des modifications499. Pour un auteur500, cela suppose que le bien n'ait été ni incorporé à
un autre, ni transformé en un bien d'une autre nature, ni mélangé à d'autres biens de même espèce.
Cette exigence est conforme à la règle générale en matière de revendication de choses mobilières et
selon laquelle le bien réclamé doit être celui-là même sur lequel le vendeur avait un droit de
propriété.
359. À titre illustratif, l'application stricte des dispositions de l’article 103 de l'ancien AUPC
avait conduit le tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou 501 à refuser la revendication des
biens dont l'identification n'était plus possible. En l'espèce, la Société des Ciments d'Abidjan (SCA)
avait, par contrat de vente avec clause de réserve de propriété, cédé à titre onéreux à la Société des
Ciments et Matériaux du Burkina (CIMAT), un appareil de broyage dont le coût s'élevait à
plusieurs millions de Francs CFA. Par jugement en date du 8 aout 2001, le TGI de Ouagadougou
prononça, du fait de ses difficultés financières, la liquidation des biens de la CIMAT. L'action en
revendication introduite par la suite par la SCA fut rejetée. Dans les motifs du jugement n° 701 du
26 juin 2002, le TGI de Ouagadougou fit valoir que « les biens réclamés par la SCA avaient été
scellés à perpétuelle demeure à l'usine CIMAT formant avec le reste du matériel un tout indivisible,
qu'il s'ensuit que lesdits biens sont devenus immobiliers ».
Cette décision qui affirme l’impossibilité de revendiquer un bien incorporé à d’autres aurait pu être
rendue par la Cour de cassation française. En effet, à plusieurs reprises, la Haute juridiction a rejeté
la demande en revendication d’un créancier, au motif que le bien n’existe plus en nature car il forme
avec les autres biens un élément d’ensemble nouveau502 ou un tout indissociable503. Par ailleurs, la
497
E. SOUPGUI, « La protection du créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique
OHADA », Rev. Proc. Coll., septembre-octobre 2009, n°5, étude 28, p. 33. sp. p. 36-37; Y. KALIEU ELONGO, Droit
et pratique des sûretés réelles OHADA, PUA, Cameroun, 2010, p. 196.
498
Art. 63 de l’AUPC.
499
M. KOUAKOU BROU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les
procédures collectives: l'apport du traité OHADA », Penant, septembre- décembre 2001, n°837, pp. 273 et s, sp. pp. 311
et 312
500
J.-R.GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 192.
501
TGI Ouagadougou, jugement n° 701, 26 juin 2002.
502
Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-18.907, arrêt préc.
153
haute Cour a refusé également la demande en revendication d’un meuble incorporé à un immeuble,
au motif que le bien meuble était devenu un immeuble par nature504.
En somme, sur la base de la solution antérieure à la réforme de 2015, on pourrait penser que le
silence du législateur sur la condition d’existence en nature du bien n’est qu’un oubli. Il faudrait
donc encore aujourd’hui considérer que la revendication des biens faisant l’objet d’une clause de
réserve de propriété est soumise à la condition d’existence en nature du bien, au jour de la décision
d’ouverture. Ce qui rendrait impossible toute revendication de biens fongibles, incorporés ou
transformés.
360. Par ailleurs, une autre analyse permet de penser que le silence du législateur s’interprète
comme la possibilité de revendiquer également des biens qui n’existent plus en nature, à savoir dans
leur état initial dans le patrimoine du débiteur. Cette analyse autoriserait la revendication des biens
incorporés, transformés ou fongibles. Cette solution résulte de l’interprétation des dispositions de
l’article 103, alinéa 3, du nouvel l'AUPC qui précisent que la revendication est possible pour «
…des marchandises et objets mobiliers faisant l'objet d'une réserve de propriété selon les
conditions et avec les effets prévus par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ».
Or, lorsque l’on se réfère aux dispositions de l’AUS relatives à la réserve de propriété, on se rend
compte que le législateur envisage la possibilité d’une réserve de propriété des biens fongibles (a-1-
a) ou incorporés (a-1-b).
361. L’article 75 de l’AUS indique que « La propriété réservée d’un bien fongible peut
s’exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même espèce et de même
qualité détenus par le débiteur ou pour son compte ». Il en résulte que les biens fongibles peuvent
faire l’objet d’une réserve de propriété. Or, l’article 103, alinéa 3, précité autorise la revendication
des biens faisant l’objet d’une réserve de propriété selon les conditions prévues par l’AUS. Sur la
base de ces deux textes, on pourrait déduire que la revendication des choses fongibles est désormais
possible en droit OHADA505.
Comme en droit français, il faudrait que les biens de même espèce et de même qualité se retrouvent
entre les mains du débiteur ou d’un tiers agissant pour son compte.
503
Cass. com., 24 mars 2004, n° 10-10.280 ; arrêt préc ; Cass. com., 4 janvier 2005, n° 20-10.538 ; Inédit.
504
Exemple des sanitaires incorporés à l’immeuble ; Cass. com., 2 mars 1999, n° 95-18.643, Bull. civ. IV, n° 50.
505
Y. R. KALIEU ELONGO, « Propriété retenue ou cédée à titre de garantie », in Encyclopédie du droit OHADA, sous
la dir. P.-G. POUGOUE, Lamy, 2011, p.1446.
154
362. L’admission de la revendication sur des biens fongibles amène à prévoir l’hypothèse de
conflits en cas de pluralité de revendiquants. Une partie de la doctrine506 considère qu’en cas de
pluralité de revendiquants sur des mêmes biens, ceux-ci viennent en concours et les biens sont
répartis entre eux à proportion des sommes restant dues à chacun. La solution serait donc une
répartition proportionnelle du montant de la créance. La doctrine déduit cette solution des
dispositions de l’article 75 de l’AUS qui précise que la propriété réservée d’un bien fongible peut
s’exercer à concurrence de la créance restant due. Est donc ici exclue l’idée d’une répartition tenant
compte de la date des inscriptions, et qui résoudrait le conflit au profit du premier revendiquant
comme cela a pu être soutenu en droit français507.
Dans tous les cas, si un jour la jurisprudence africaine est amenée à se prononcer sur la question,
elle pourra adopter une des différentes solutions proposées par la doctrine française, et notamment
la réparation proportionnelle à la quantité des biens fongibles508.
363. L’alinéa 1er de l’article 76 de l’AUS énonce que « L’incorporation d’un meuble faisant
l’objet d’une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits des créanciers
lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage ». Cet article qui autorise la réserve
de propriété sur un bien incorporé souligne par ailleurs que l’incorporation n’empêche pas aux
créanciers d’exercer leurs droits. On pourrait donc considérer que l’incorporation du bien n’interdit
pas sa revendication lorsque la séparation avec les autres biens peut s’effectuer sans dommage.
Comme en droit français, le critère ici serait l’absence de dommage au moment de la séparation.
Toutefois, la revendication serait impossible lorsque la séparation ne peut s’effectuer sans
dommage. Dans ce cas, l’alinéa 2 de l’article 76 de l’AUS précise qu’« À défaut, le tout appartient
au propriétaire de la chose qui forme la partie principale, à charge pour lui de payer à l’autre la
valeur estimée, à la date du paiement, de la chose qui y a été unie ». La restitution du bien
revendiqué étant devenue impossible, il revient au propriétaire de la chose principale de payer la
valeur de la chose au réservataire, créancier de la restitution509. À la différence du droit français, le
législateur communautaire africain règle lui-même le sort des biens incorporés dont la séparation est
impossible sans dommage.
364. Tout bien considéré, s’il est certain que le créancier réservataire peut, en application de
l’article 103, alinéa 3, de l’AUPC, revendiquer les biens mobiliers faisant l’objet d’une réserve de
506
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.-J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
op. cit., n° 218.
507
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op cit., n° 1942.
508
F. PÉROCHON, « La revendication favorisée », art. préc.
509
Y. R. KALIEU ELONGO, « Propriété retenue ou cédée à titre de garantie », art. préc., p. 1446.
155
propriété, la réforme fait, en revanche, naître le doute sur la condition d’existence en nature des
biens revendiqués au jour de la décision d’ouverture. En attendant des éclaircissements
jurisprudentiels et compte tenu de l’évolution du droit, nous sommes plutôt favorables à une
revendication ouverte pour les biens fongibles et incorporés, sous réserve du respect des conditions
prévues par l’AUS.
365. La réforme jette également le trouble quant à la possibilité de revendiquer la créance de
prix subrogée au bien en cas d’aliénation dudit bien.
Avant la réforme de l’AUPC, l’hypothèse de la revendication du prix ou la partie du prix restant dû
en cas d’aliénation du bien était prévue par l’alinéa 4 de l’article 103 de l’ancien AUPC. Cet alinéa
intervenait après que le législateur ait envisagé la possibilité de revendiquer des biens meubles
faisant l’objet d’une réserve de propriété. Il ne faisait alors aucun doute qu’en cas de vente de biens
faisant l’objet d’une réserve de propriété, le propriétaire initial de ces biens pouvait revendiquer la
créance du prix subrogée au bien510.
Avec la réforme, la situation n’est plus tout à fait la même. Le législateur a déplacé les dispositions
de l’ancien alinéa 4 pour les placer à l’alinéa 2 de l’article 103. Or, cet alinéa intervient avant
l’hypothèse d’une revendication des biens meubles faisant l’objet d’une réserve de propriété.
366. Ce changement amène à s’interroger sur l’intention du législateur.
En modifiant la configuration de l’article 103 de l’AUPC, le législateur entend t-il exclure la
possibilité de revendiquer la créance du prix subrogée au bien en présence des biens faisant l’objet
d’une réserve de propriété ?
En tout état de cause, rien ne saurait justifier cette solution. En effet, le débiteur ne peut, par
principe, procéder à la vente d’un bien dont il n’est pas le propriétaire. Il ne peut transmettre plus de
droit qu'il en a lui-même. Une telle vente doit normalement être interdite. Mais si le sous-acquéreur
a été mis en possession de la chose de bonne foi, de sorte qu'il ignorait la clause de réserve de
propriété qui grevait le bien, il doit normalement être protégé511.
510
Article 103 de l’ancien AUPC : « Peuvent être revendiqués, à condition qu'ils se retrouvent en nature, les
marchandises consignées et les objets mobiliers remis au débiteur, soit pour être vendus pour le compte du propriétaire,
soit à titre de dépôt, de prêt, de mandat ou de location ou de tout autre contrat à charge de restitution.
Peuvent être également revendiqués les marchandises et les objets mobiliers, s'ils se retrouvent en nature, vendus avec
une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette clause a été convenue entre
les parties dans un écrit et a été régulièrement publiée au Registre du commerce et du crédit mobilier.
Toutefois, s'agissant de marchandises et d'objets mobiliers consignés au débiteur pour être vendus ou vendus avec
clause de réserve de propriété, il n'y a pas lieu à revendication si, avant la restitution des marchandises et objets
mobiliers, le prix est payé intégralement et immédiatement par le syndic assistant ou représentant le débiteur, selon le
cas.
En cas d'aliénation de ces marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué, contre le sous-acquéreur, le prix ou la
partie du prix dû si celui-ci n'a été ni payé en valeur ni compensé en compte courant entre le débiteur et le sous-
acquéreur ».
511
En application des dispositions de l’article 2276 du Code civil ou des dispositions équivalentes prévues dans les
Etats partis.
156
En conséquence, si le sous-acquéreur de bonne foi peut s'opposer à la revendication du bien par le
propriétaire initial, cette faculté ne lui est pas reconnue lorsque ce dernier revendique le prix de
revente des biens mobiliers. Aussi, lorsque les biens vendus par le débiteur faisaient l’objet d’une
réserve de propriété, il est tout à fait normal que les droits du propriétaire initial soient préservés. Le
priver d’une revendication sur la créance du prix subrogée au bien constituerait à n’en point douter
une violation considérable de ses droits.
Par ailleurs, la revendication de la créance subrogée au bien a explicitement été consacrée en droit
commun. L’article 78 de l’AUS prévoit que « Lorsque le bien512 est vendu ou détruit, le droit de
propriété se reporte, selon le cas, sur la créance du débiteur à l’égard du sous-acquéreur ou sous
l’indemnité d’assurance subrogée au bien ». A priori, rien ne s’oppose à l’application de ces
dispositions en cas d’ouverture d’une procédure collective.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que le déplacement des dispositions de l’ancien alinéa 4 doit
simplement s’analyser comme une maladresse législative. Aussi, convient-il à présent d’analyser les
conditions de la revendication de la créance subrogée au bien.
367. L'alinéa 2 de l'article 103 de l'AUPC précise qu' « En cas d'aliénation de ces
marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué, contre le sous-acquéreur, le prix ou la
partie du prix dû si celui-ci n'a été ni payé en valeur ni compensé entre le débiteur et le sous-
acquéreur, au jour de la décision d’ouverture ». À l’instar du droit français, la revendication porte
sur la créance du prix, ce qui suppose que le vendeur réservataire en a acquis la propriété par le
mécanisme de la subrogation réelle513. Le droit de propriété se reporte donc automatiquement sur la
créance du prix de revente demeurée impayée au jour de la décision d’ouverture.
Le jeu de la subrogation est possible dans tout contrat translatif de propriété et pas seulement dans
le cadre d’un contrat de vente514. Le mécanisme de la subrogation réelle peut donc être invoqué
contre le tiers acquéreur qui a acquis la chose revendiquée dans le cadre d'un contrat de vente ou
d'entreprise515.
512
Sous entendu, le bien faisant l’objet d’une réserve de propriété.
513
Cf. article 78 de l’AUS. Par ailleurs, la jurisprudence française est constante sur la question : Cass. com., 8 mars
1988, n°86-15.751, Bull. civ. IV, n° 99 ; Cass. com., 15 janvier 1991, n° 89-12.884, Bull. civ. IV, n° 31 ; Cass. com., 5
mai 2004, n°01-16.191, Inédit.
514
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.-J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
op. cit., n° 220.
515
Cass. com., 17 mars 1998, n° 95-11.209, Bull.civ. IV, n° 108; JCP E, 1998, I, 167, note Ph. PÉTEL; La Cour décide
que « le régime de la clause de réserve de propriété n’est pas différent, selon que la transmission des biens litigieux
aurait lieu en vertu d’un contrat de vente ou en vertu d’un contrat de louage d’ouvrage »; V. aussi Cass. com., 5
novembre 2003, n° 00-21.357, Bull. civ. IV, n° 162; LPA, 19 février 2004, n° 36, p. 9.
157
368. Notons que la thèse d'une double action en revendication du prix, telle que l'a soutenue le
516
professeur PÉROCHON , n'a pas encore été envisagée en droit OHADA. L'action en
revendication de la créance du prix par le vendeur initial semble plutôt s'analyser comme une action
directe du vendeur initial contre le sous-acquéreur517, le vendeur initial étant autorisé à s'adresser
directement au débiteur de son débiteur518.
À la différence du droit français, cette analyse pourrait avoir l’avantage de la simplicité et de la
rapidité puisque le vendeur initial peut s’adresser directement au sous-acquéreur sans exercer au
préalable d’action réelle en revendication contre le débiteur initial. La thèse de la double action en
revendication, bien que complexe, a, en revanche, l’avantage de l’efficacité car le vendeur initial ne
peut se voir contester son droit de propriété qu’il a rendu opposable à la procédure collective par
l’exercice de l’action en revendication.
369. Quoi qu’il en soit, la revendication de la créance du prix de revente permet au créancier
réservataire d'échapper au concours avec les autres créanciers du débiteur, puisque ceux-ci n'ont
aucun droit sur la créance de prix qui n'est jamais entrée dans le patrimoine de l'acheteur 519 .
Le créancier réservataire a donc un droit exclusif sur la créance du prix de revente. Comme en droit
français, l’exercice de cette action est toutefois conditionné par la réunion de certaines conditions.
D’une part, la revente du bien et, d’autre part, le défaut de paiement de tout ou partie du prix par le
sous-acquéreur au jour de la décision d'ouverture. Le prix ne doit avoir été ni payé en valeur, ni
compensé entre le débiteur initial et le sous-acquéreur520.
Qu'il s'agisse d'une action directe ou pas, la règle permet au vendeur réservataire de
revendiquer le prix de revente du bien, mais uniquement dans la limite de la somme dont il est le
créancier. Aussi, lorsque le prix est insuffisant à couvrir la totalité de sa créance, il devra déclarer le
reliquat dans la procédure collective. Sur ce reliquat, le revendiquant sera traité comme un créancier
chirographaire.
370. Mais que faut-il décider si le prix de revente est supérieur à sa créance. Le créancier
peut-il revendiquer la totalité du prix revente ? Autrement dit, le prix revenant au vendeur initial
peut-il inclure la marge bénéficiaire supportée par le sous-acquéreur ou doit-il se limier au prix de
vente initiale ?
516
F. PÉROCHON, « La revendication des choses fongibles par le vendeur », art. préc.
517
En droit français, la doctrine a aussi raisonné en termes d’action directe ; V. G. RIPPERT, R. ROBLOT, par Ph.
DELEBECQUE et M. GERMAIN, Traité de droit commercial, t.2, 15e éd., LGDJ, n° 3144.
518
A. MINKOA SHE, Droit des sûretés et des garanties du crédit dans l'espace OHADA, t.2, Les Garanties réelles,
Diffusion PUF, Paris, Dianoïa, 2010, n° 809 ; J.-R.GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte
uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit
français, op. cit., n° 194.
519
A. MINKOA SHE, Droit des sûretés et des garanties du crédit dans l'espace OHADA, op. cit., n° 809.
520
Avant la réforme, le législateur prévoyait que le prix ne devait pas avoir été compensé en compte courant entre le
débiteur et le sous-acquéreur. En droit français, cette précision a disparu avec l'ordonnance du 18 décembre 2008.
158
Selon l'opinion majoritaire521, rien ne s'oppose à la revendication incluant la marge bénéficiaire dès
lors que la vente originaire est anéantie522. La jurisprudence française s'est cependant prononcée en
sens contraire, en précisant que le vendeur réservataire ne pouvait exercer sa revendication que sur
le prix tel qu'il a été fixé lors de la convention conclue avec l'acquéreur523.
371. Pour finir, la revendication peut ne pas porter sur le prix de revente, mais sur l'indemnité
à verser suite à la destruction ou à la perte du bien grevé. Bien que ce cas de figure ne soit pas prévu
par l’AUPC, cela n'a pas empêché la doctrine de se pencher sur la question. En se référant au droit
français, les auteurs524 considèrent qu'en cas de sinistre, l'indemnité d'assurance subrogée au bien
détruit ou perdu n'entre pas dans le patrimoine du débiteur. Le vendeur réservataire qui voit son
droit de propriété se reporter sur l'indemnité d'assurance peut donc l'appréhender par le biais de la
revendication525.
Nous venons ainsi d'analyser l'objet de la revendication en droit OHADA. Intéressons-nous à
présent à la procédure à laquelle elle donne lieu.
b- La procédure de revendication
372. Avant la réforme, l’article 101, alinéa 2, de l’ancien AUPC disposait que « Les
revendications admises par le syndic, le juge-commissaire ou la juridiction compétente doivent être
exercées, à peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de l'information prévue par
l'article 87 alinéa 3 ci-dessus ou de la décision de justice admettant les revendications ». Cette
formulation qui pouvait prêter à confusion a heureusement été modifiée. L’article 101 du nouvel
l’AUPC précise que « Nonobstant les dispositions du présent Acte uniforme, la revendication des
meubles ne peut être exercée que dans le délai de quatre-vingt-dix jours suivant la deuxième
insertion de la décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens dans un journal d’annonces légales de l’Etat partie concerné ». La modification du délai
521
M. BROU KOUAKOU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les
procédures collectives: l'apport du traité OHADA », art. préc., p. 314; E. SOUPGUI, « La protection du créancier
réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique OHADA », art. préc., p. 33 et s. sp. p. 35.
522
C’est l’expression employée par les auteurs ; il s’agit éventuellement de la résolution de la vente.
523
Cass. com., 15 janvier 1991, n° 89-12.884, arrêt préc. Cependant certains auteurs ne partagent pas cette position, v.
M. CABRILLAC, in JCP E 1991, I, 102, n° 10.
524
M. BROU KOUAKOU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les
procédures collectives: l'apport du traité OHADA », art. préc., pp. 315 et 316; E. SOUPGUI, « La protection du
créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique OHADA », art. préc., p. 35.
525
Cf. Art. 78 de l’AUS ; F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op.
cit., n° 286.
159
de revendication est une conséquence logique de la suppression de l’obligation de production qui
pesait sur les revendiquants. N’étant plus soumis à la production de créances, il n’est plus possible
d’attendre la publicité du dépôt de l'arrêté des créances ou encore la décision d’admission des
créances pour faire courir le délai de revendication.
373. Cependant, le législateur reste silencieux sur la sanction du non-respect du délai de
revendication. Sous l’empire de la législation antérieure, la doctrine avait, en se fondant sur la
sanction du non-respect du délai (qui était la forclusion), soutenu qu’il s’agissait d’un délai préfix,
comme en droit français526.
374. Pour finir, il résulte des dispositions de l’article 101 de l’AUPC que la revendication
n’est possible qu’après l’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation des biens. Le
texte ne fait aucune référence au règlement préventif.
Est-ce à dire que la revendication est impossible après l’ouverture d’un règlement préventif et que,
de ce fait, les revendiquants en général et les réservataires en particulier seraient soumis à la règle
de l’arrêt des poursuites individuelles pendant cette procédure ? Nous ne le pensons pas.
L’article 9 de l’AUPC qui institue la règle de la suspension et de l’interdiction des poursuites
individuelles dans la procédure de règlement préventif précise, en son alinéa 3, que la règle ne
s’applique pas aux actions tendant à la reconnaissance des droits ou des créances contestées. Sur la
base de ces dispositions, il est difficile d’affirmer que le créancier réservataire ne peut, au cours de
la procédure de règlement préventif, procéder à la revendication.
À notre avis, il s’agit là encore d’une des nombreuses maladresses du législateur OHADA.
Nous espérons qu’il s’en rende compte assez rapidement et qu’il procède à une modification des
textes pour en faciliter l’application. En attendant, il convient à présent d’analyser le déroulement
de la procédure de revendication.
375. La suppression de l’obligation de production qui pesait sur les revendiquants a également
eu des effets sur la procédure de la revendication. Avant la réforme, la procédure de revendication
était la même que celle de la production et de la vérification des créances prévue par les articles 78
à 90 de l'ancien AUPC. En se référant à ces dispositions, un auteur avait considéré que la procédure
de revendication se déroule, selon les cas, en une ou deux phases. Une première phase amiable et,
en cas d'échec, une seconde phase contentieuse devant le tribunal527.
526
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 278; J.-R.
GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 195.
527
E. SOUPGUI, « La protection du créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique
OHADA », op. cit., pp. 35-36.
160
Aujourd’hui, même si la procédure de revendication n’est plus alignée sur celle de la production et
de la vérification des créances, elle se déroule toujours en deux phases : une phase amiable (b-2-a)
et une phase contentieuse (b-2-b)
528
Cf. ns° 492 et s.
529
Art. 101-1, al. 3 et 4 de l’AUPC.
530
Il s’agit des trente jours dont dispose le syndic pour répondre à la demande en acquiescement.
531
Art. 40 de l’AUPC : « Le juge-commissaire statue sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa
compétence, dans le délai de huit jours à partir de sa saisine. S'il n'a pas statué dans ce délai, il est réputé avoir rendu
une décision de rejet de la demande.
Les décisions du juge-commissaire sont immédiatement déposées au greffe et notifiées par les soins du greffe, par lettre
au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant
trace écrite, à toutes personnes à qui elles sont susceptibles de faire grief.
161
public peut également, par requête motivée, saisir, dans les huit jours de la communication qui lui
est faite de l’ordonnance, la juridiction compétente. Enfin, lorsque le juge-commissaire n’a pas
statué dans les huit jours de sa saisine, la juridiction compétente peut, à la demande des parties ou
du ministère public, être saisie dans les mêmes conditions.
Dans tous les cas, dès lors que la juridiction compétente juge bien fondée la demande en
revendication, le créancier peut, en application des dispositions de l’article 101-3, solliciter la
restitution de son bien.
Cela nous amène donc à voir les effets de la revendication.
379. Le réservataire qui exerce sa demande en revendication dans les conditions exigées doit,
à défaut de paiement à l’échéance, obtenir la restitution du bien de la part du débiteur ou encore le
paiement de la créance du prix subrogée au bien. La remise effective du bien ou le paiement de la
créance subrogée devrait avoir lieu après la demande en restitution.
Si, comme en droit français, on considère que les biens vendus avec clause de réserve de propriété
ne font pas l’objet d’un contrat en cours, la remise du bien devrait donc intervenir immédiatement
après la demande en restitution. Cependant, à ce jour, la jurisprudence africaine n’a rendu aucune
décision en la matière. Ainsi, dans l'hypothèse où ses droits venaient à être paralysés, la paralysie
résulterait du défaut du respect des conditions liées à la revendication et non pas de la règle de
l'arrêt des poursuites individuelles.
Le droit de revendiquer constitue-t-il cependant une arme aussi efficace pour le fiduciaire ?
Elles peuvent être frappées d'opposition formée par simple déclaration au greffe de la juridiction compétente dans les
huit jours de leur dépôt ou de leur notification ou suivant le délai prévu à l'alinéa premier du présent article. Pendant ce
même délai, la juridiction compétente peut se saisir d'office et réformer ou annuler les décisions du juge-commissaire.
La juridiction compétente statue à la première audience utile ».
162
A- Le droit de revendiquer du fiduciaire : une source d’interrogations
381. Par principe, s’il n’est pas un ccréancier éligible au traitement préférentiel, le
bénéficiaire d’une fiducie-sûreté, comme tous les autres créanciers, est soumis à l'arrêt des
poursuites individuelles dès lors que leur débiteur fait l'objet d'une procédure collective. Toutefois,
à l’instar du réservataire, le bénéficiaire de la fiducie se trouve dans une situation particulière. Les
biens objets de la garantie étant sortis du patrimoine du débiteur, du moins à titre temporaire, les
effets réels de la procédure, en l'occurrence la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, ne
devraient avoir aucune conséquence sur le créancier bénéficiaire.
Il existe cependant une différence selon qu’il s’agit de fiducies avec ou sans dépossession. La
revendication n’est admise que pour les secondes. Nous verrons donc les fiducies sans dépossession
(1) puis les fiducies avec dépossession du constituant (2).
382. Les contrats de fiducie sont, pour certains, assortis d'une convention en vertu de laquelle
le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance des actifs fiduciaires. Dans cette hypothèse,
le législateur autorise la revendication des biens. En effet, aux termes des dispositions de l'article L.
624-16, alinéa 1er, du Code de commerce, peuvent être revendiqués, les biens meubles transférés
dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l'usage ou la jouissance en qualité de
constituant. Il en résulte que l’existence d’une convention de mise à disposition implique
l'obligation de revendiquer pour tous les propriétaires de meubles qui souhaitent faire reconnaître
leur droit à la procédure collective. Le débiteur ayant les biens en sa possession, il faut éviter toute
apparence de solvabilité de nature à tromper les tiers532.
En l’absence de précision législative, il y a lieu de considérer que ce texte s’applique aussi bien à la
fiducie-sûreté qu’à la fiducie-gestion. Seule l’existence d’une convention de mise à disposition est
exigée pour revendiquer. Par ailleurs, le texte ne précise pas à qui incombe la revendication.
Logiquement, en tant que propriétaire même temporaire, la revendication devrait être effectuée par
le fiduciaire533.
383. De prime abord, on pourrait penser que les dispositions de l'article L. 624-16, alinéa 1er,
précité s’opposent à celles de l'article L. 622-23-1 du Code commerce, desquelles il résulte que
lorsque les biens ou droits présents dans un patrimoine fiduciaire font l'objet d'une convention en
exécution de laquelle le débiteur constituant en conserve l'usage ou la jouissance, aucune cession de
transfert de ces biens ou droits ne peut intervenir au profit du fiduciaire ou d'un tiers du seul fait de
532
S. FARHI, « Le banquier garanti par une fiducie-sûreté et la procédure collective », in Contentieux bancaire des
procédures collectives, l’établissement de crédit et l’entreprise en difficulté, sous la dir. de E. LE CORRE-BROLY,
Bruylant, 2014, p. 109 et s, sp. p. 113.
533
Ibid.
163
l'ouverture de la procédure. En effet, pour un auteur534, la neutralisation des effets de la fiducie qui
découle de cet article constitue l'équivalent, pour les fiduciaires ou les bénéficiaires de la fiducie, de
la règle de l'arrêt des poursuites individuelles. L’article L. 622-23-1 paralyse les effets de la fiducie
dès lors que celle-ci est assortie d'une convention de mise à disposition au profit du débiteur. De la
sorte, le bénéficiaire de la fiducie-sûreté ne peut plus réaliser sa sûreté pendant toute la période
d'observation et d'exécution du plan de continuation535.
384. Comment alors concilier ces deux articles ? La neutralisation des effets de la fiducie fait-
t-elle obstacle au droit de revendiquer des fiduciaires ? La question se pose d'autant plus que
l'article L. 624-16, alinéa 1er, vise les biens dont le débiteur-constituant conserve l'usage ou la
jouissance en vertu d'une convention de mise à disposition. Or, c'est l'existence même d'une telle
convention qui neutralise les effets de la fiducie.
Une première approche aurait consisté à considérer que la paralysie de la fiducie empêche la
revendication du fiduciaire. En effet, la sûreté elle-même étant paralysée, il paraît logique que les
avantages qui en découlent soient eux aussi neutralisés. Aussi, pendant tout le temps que dure la
paralysie, le fiduciaire ne pourrait pas revendiquer. Cela aurait pour conséquence de soumettre le
créancier bénéficiaire à l'arrêt des poursuites individuelles.
À cette analyse, on pourrait opposer que le droit de revendiquer visant simplement à faire
reconnaître le droit de propriété d'un créancier sur un bien, il est tout à fait normal que ce droit soit
reconnu à tout propriétaire. Ainsi, malgré la neutralisation des effets de la fiducie, le fiduciaire ne
perd pas sa qualité de propriétaire. Par ailleurs, les biens étant laissés aux mains du débiteur-
constituant, les tiers auraient pu lui consentir des crédits sur la base de ces biens, alors même qu'il
n'en est plus le propriétaire. Le droit de revendiquer constitue, par conséquent, un excellent moyen
d'éviter toute apparence de solvabilité de nature à tromper les tiers.
385. En réalité, aucune difficulté ne se pose pour la conciliation des articles sus cités. L'article
L. 624-16, alinéa 1er, admet de manière expresse la revendication des biens transférés dans un
patrimoine fiduciaire, nonobstant l'existence d'une convention de mise à disposition paralysant la
fiducie. Bien plus, l’existence d’une telle convention justifie la revendication. La neutralisation des
effets de la fiducie ne constitue donc pas un obstacle à la revendication du fiduciaire. Comme le
créancier réservataire, le fiduciaire est en droit de revendiquer les biens mobiliers dont il est devenu
propriétaire, fut-il temporairement.
Cette revendication est admise dans toutes les phases de la procédure collective. Aussi, même
lorsque la convention de mise à disposition n'a aucune incidence sur les effets de la fiducie, le
534
F. MACORIG-VENIER, « L'exclusivité », art. préc., p. 59 et s. sp. p. 65; « Fiducie-sûreté et droit des entreprises en
difficulté », in Entreprises en difficulté, Droit 360°, sous la dir. de Ph. ROUSSEL GALLE, Lexisnexis, 2012, p. 405 et
s. sp. p. 421.
535
Cette solution s’applique également dans la procédure de redressement judiciaire.
164
propriétaire est tout de même tenu de revendiquer. C'est le cas en liquidation judiciaire mais aussi
lorsqu'un redressement judiciaire a été prononcé à la suite d'une résolution du plan de sauvegarde.
386. En somme, la neutralisation de la fiducie sans dépossession interdit au créancier
bénéficiaire de réaliser sa sûreté. On peut alors considérer qu’il est soumis à l’arrêt des poursuites
individuelles, puisqu’il ne peut solliciter le transfert de la propriété des actifs fiduciaires pendant
toute la durée de la neutralisation de la fiducie. Un auteur considère d’ailleurs que dans cette
hypothèse, le bénéficiaire de la fiducie est traité comme un créancier antérieur soumis aux
interdictions de la discipline collective536. En revanche, cette neutralisation ne fait pas obstacle à la
revendication du fiduciaire. Cependant, la revendication n'est pas autorisée pour toutes les fiducies.
387. En application de l'article L. 624-16, alinéa 1er, seules les fiducies assorties d'une
convention de mise à disposition des biens mobiliers au profit du débiteur-constituant doivent faire
l'objet d'une revendication. Il n’y a donc pas lieu de revendiquer lorsqu’il est question de fiducies
avec dépossession. En effet, les biens se trouvant non seulement dans le patrimoine mais aussi entre
les mains du fiduciaire, il n'est pas nécessaire de revendiquer. À défaut de paiement à l'échéance, le
bénéficiaire devrait pouvoir mettre en œuvre la sûreté.
388. Mais que faut-il décider si le bénéficiaire de la fiducie et le fiduciaire sont deux
personnes distinctes ? À notre avis, le fiduciaire devrait opérer un transfert des actifs fiduciaires
vers le patrimoine personnel du bénéficiaire, sans aucune revendication de la part de ce dernier.
La réalisation de la fiducie s'opérant en dehors de toute procédure collective, logiquement, le
bénéficiaire de la fiducie n'a pas à faire reconnaître son droit de propriété à l'égard de la procédure
collective. Et si le fiduciaire est soumis à une procédure collective, cela ne devrait, en principe,
poser aucun problème puisque les actifs transférés sont tenus dans un patrimoine fiduciaire distinct
du patrimoine personnel du fiduciaire. Les créanciers du fiduciaire ne devraient donc pas pouvoir
appréhender le patrimoine fiduciaire, mais uniquement le patrimoine personnel du fiduciaire.
Cependant, la confusion est possible puisque le fiduciaire est tout de même propriétaire des actifs
transférés. Aussi, on pourrait envisager la possibilité pour le bénéficiaire de la fiducie de procéder
exceptionnellement à la revendication des actifs fiduciaires.
389. Quoi qu’il en soit, le bénéficiaire d’une fiducie avec dépossession échappe à l’arrêt des
poursuites individuelles 537 dans toutes les procédures collectives, et cela, en l’absence de toute
revendication. Les biens fiduciaires étant sortis du patrimoine du débiteur, d’une part, et n’étant pas
soumis à la revendication, d’autre part, il pourrait, nonobstant l’ouverture d’une procédure
536
S. FARHI, La fiducie-sûreté et le droit des entreprises en difficulté, op. cit., pp. 418 et s ; « Le banquier garanti par
une fiducie-sûreté et la procédure collective », art. préc., p. 118
537
Ibid.
165
collective, réaliser sa sûreté à l’échéance de la créance garantie, et ainsi obtenir le paiement de sa
créance. Cette situation est d’autant plus envisageable que les fiducies avec dépossession ne
subissent aucune neutralisation de leurs effets538.
Logiquement, il devrait en être de même en cas de résiliation de la convention de mise à
disposition. En effet, la convention résiliée, le bénéficiaire de la fiducie devrait pouvoir mettre en
œuvre sa sûreté, sous réserve cependant de l’exigibilité de la créance. De cette manière, il pourrait
ordonner le transfert des actifs fiduciaires dans son patrimoine. Il échapperait ainsi à l’arrêt des
poursuites individuelles.
390. En définitive, contrairement à ce que pourrait laisser à penser la lecture des articles
suscités, c'est l'existence même d'une convention de mise à disposition qui justifie l'exercice de
l'action en revendication du fiduciaire. Les biens meubles étant laissés à la disposition du débiteur-
constituant, il revient au propriétaire de ces meubles de les revendiquer, peu important que les effets
de sa sûreté soient ou non neutralisés. Ces précisions apportées, il convient à présent d'aborder
brièvement le régime de la revendication du fiduciaire.
L’analyse des conditions (1) de la revendication des fiduciaires précèdera celle de ses effets
(2).
391. Les conditions de la revendication du fiduciaire sont semblables à celles qui s'imposent
pour le vendeur réservataire. La revendication s'effectue donc sur les meubles objets d'une fiducie-
sureté, à condition qu'ils existent en nature au jour du jugement d'ouverture de la procédure.
Le législateur n'ayant introduit aucune distinction entre les revendiquants, le fiduciaire peut, comme
le réservataire sous certaines conditions, revendiquer des actifs fiduciaires incorporés, transformés
ou remplacés par d'autres biens fongibles. Quant au délai de revendication, il demeure de trois mois
à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC. En outre, la revendication du
fiduciaire obéit aux mêmes conditions procédurales que celle du créancier réservataire.
La différence entre ces deux catégories de revendiquants réside toutefois dans les effets de l'action
en revendication.
392. Comme nous l'avons vu, la revendication du fiduciaire ne se justifie qu'en présence d'une
convention de mise à disposition des biens meubles au profit du débiteur. Or, selon les dispositions
538
V. ns° 1068 et s.
166
du Code de commerce539, cette convention est, dans certaines procédures, soumise au régime des
contrats en cours. Aussi, pour les bénéficiaires de la fiducie, les conséquences de l'exercice de
l'action en revendication diffèrent selon la procédure.
Dans le cadre d'une procédure de sauvetage, la convention de mise à disposition est soumise au
régime des contrats en cours. La restitution du bien sera donc différée au jour de la résiliation ou du
terme de la convention. En revanche, dans la liquidation judiciaire, la convention de mise à
disposition ne bénéficiant plus du régime des contrats en cours, aucune continuation forcée n'est
possible. La restitution interviendra donc immédiatement sauf si, naturellement, le bien n’existe
plus ou, éventuellement, l’exécution du contrat se poursuit. Il en sera de même en cas d’ouverture
d’une procédure de redressement judiciaire à la suite de la résiliation d’un plan de sauvegarde540.
393. En définitive, bien qu'étant soumise à des conditions d'exercice rigoureuses, la
revendication revêt une importance capitale pour les propriétaires aussi bien en droit français qu'en
droit OHADA541. En l’absence de revendication, leur droit de propriété demeure inopposable à la
procédure collective ou à la masse des créanciers. Les propriétaires ne pourront pas obtenir
restitution du bien542. Le défaut de revendication rend donc les propriétaires vulnérables. Aussi,
comme les autres créanciers chirographaires ou titulaires de sûretés réelles classiques, ils ne
disposeront d'aucune arme pour échapper à l'arrêt des poursuites individuelles.
Conclusion du chapitre
394. L’arrêt des poursuites individuelles est une règle fondamentale et traditionnelle du droit
des procédures collectives. Elle paralyse le droit de poursuites des créanciers contre le débiteur.
Cette règle de portée très générale est toutefois limitée par certaines prérogatives conférées par les
sûretés réelles exclusives, en l’occurrence la rétention du bien et l’action en revendication.
Compte tenu de sa nature, le jugement d’ouverture n’a aucune incidence sur l’exercice du droit de
rétention. Quant à l’action en revendication, elle n’entre pas dans le domaine de l’arrêt des
poursuites individuelles. Dans les deux cas, ces prérogatives garantissent la protection des droits des
créanciers munis de sûretés réelles exclusives contre l’arrêt des poursuites individuelles. Mais cette
protection là, elle se manifeste également par le maintien de leur droit au paiement.
539
Art. L. 622-13-VI et L. 641-11-1-VI du Code de commerce.
540
Nous reviendrons sur cette question dans les chapitres suivants.
541
Sauf pour le bénéficiaire d’un transfert fiduciaire de somme d’argent.
542
Sauf dans l’hypothèse d’une fiducie avec dépossession.
167
CHAPITRE 2/ LA PROTECTION DU DROIT AU
PAIEMENT DES CRÉANCIERS MUNIS DE SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES
395. En droit français tout comme en droit OHADA, il existe une règle complémentaire à la
suspension et l'interdiction des poursuites individuelles : c'est la règle de l'interdiction des
paiements des créances.
Règle traditionnelle des procédures collectives, l’interdiction des paiements permet de geler le
passif du débiteur en empêchant le désintéressement des créanciers pendant la procédure. Il faut y
voir la manifestation du principe d'égalité entre les créanciers543. Le débiteur qui, par hypothèse, ne
peut pas payer tous les créanciers, ne doit donc en payer aucun 544. Mais la règle ne signifie pas qu'il
n'y ait plus du tout de paiement des créanciers, elle interdit seulement le paiement individuel d'un
créancier pendant la procédure collective, alors que le reste des créanciers n'est pas payé. Par
principe, les créanciers doivent être payés dans le cadre des distributions collectives. Ainsi, en cas
d’adoption d’un plan de continuation ou d’un concordat 545 , ils seront payés conformément aux
délais du plan ou des termes du concordat. En l’absence de plan ou encore dans le cadre d’une
procédure de liquidation, le paiement se fera en fonction de l’ordre établi pour la répartition des
deniers provenant de la vente des actifs.
396. En droit français, l'interdiction des paiements des créances fût créée par la loi du 13
juillet 1967. Au départ, elle ne s’appliquait qu’aux seules créances chirographaires. La loi du 25
janvier 1985 l'a ensuite étendue aux créances antérieures assorties de sûretés réelles 546. Enfin, la loi
de sauvegarde du 26 juillet 2005, en bouleversant la distinction traditionnelle entre les créances
547
antérieures et les créances postérieures , l’a encore étendue à certaines des créances
postérieures548. Aujourd’hui, l'article L. 622-7- I, alinéa 1er, du Code de commerce précise que « Le
jugement ouvrant la procédure emporte de plein droit, interdiction de payer toute créance née
antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances
connexes. Il emporte également de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le
543
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 695 ; F. PÉROCHON, Entreprises en
difficulté, op. cit., n° 563 ; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n°
631.13 ; V. aussi Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-13.987, Inédit (cité par P.M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et
pratique des procédures collectives, op. cit., n° 631.13.)
544
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n°563.
545
Pour le droit OHADA.
546
Art. 33 et 47 de la loi du 25 janvier 1985.
547
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n°564. Pour l'auteur, la distinction fondée sur un critère
chronologique, était pratiquement la summa divisio de la matière, dotée d'enjeux fondamentaux.
548
La liste des créances postérieures concernées par l'interdiction a été modifiée par l'ordonnance n° 2008-1345 du 18
décembre 2008.
168
jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17 ». Désormais, sauf exception
expressément prévue par le législateur, la règle s'applique à toutes les créances non-méritantes. Il
s'agit des créances antérieures et des créances postérieures non-éligibles au traitement
préférentiel549.
397. Posée dans la procédure de sauvegarde, la règle de l’interdiction des paiements
s’applique par renvoi au redressement (article L. 631-14-I du Code de commerce) et à la liquidation
judiciaire (article L. 641-3, alinéa 1er du Code de commerce).
L'application de la règle à la nouvelle procédure de sauvegarde instituée par la loi du 26 juillet 2005
n'a pas laissé la doctrine indifférente, tant la mesure est remarquable. En effet, le débiteur n'est pas
encore en état de cessation des paiements. Ainsi, certains considèrent qu'il s'agit d'une « faveur
extraordinaire »550 au profit du débiteur, tandis que d'autres y voient « une innovation majeure... une
disposition sans précédent, imposant à un débiteur qui est encore en état de payer ses dettes de ne
pas le faire, et cela de manière générale, non par équité »551.
398. Par ailleurs, seuls les paiements réalisés par le débiteur ou les organes de la procédure
sont concernés par l'interdiction légale. Sont donc exclus, les paiements faits au profit du débiteur.
De même, le paiement émanant d’un tiers ne tombe pas sous le coup de l’interdiction législative.
Cependant, certains tiers tels que les garants personnes physiques d’un débiteur bénéficient, dans
certaines phases de la procédure552, de la règle de l’interdiction des paiements des créances553.
399. En cas de paiement interdit, des sanctions sont prévues.
D’une part, en application des dispositions du paragraphe III de l'article L. 622-7 du Code de
commerce, le paiement interdit peut être annulé à la demande du ministère public ou de tout
intéressé. La demande doit être faite auprès du tribunal, dans un délai de trois mois à compter du
paiement. Une juridiction de fond a considéré qu’il s’agissait donc d’une nullité absolue554.
D’autre part, le débiteur ou l’administrateur qui ne respecte pas l’interdiction encourt des sanctions
pénales. Il peut être condamné à la faillite personnelle (article L. 653-5-4° du Code de commerce).
Cette sanction ne s’applique pas dans la procédure de sauvetage puisque le débiteur n’est pas en état
de cessation des paiements. Elle ne concerne que les procédures de redressement et de liquidation
judiciaires.
549
Sur la nouvelle définition des créances soumises à la règle v. P.-M. LECORRE, « La règle de l'interdiction des
paiements au lendemain de l'ordonnance du 18 décembre 2008 », Gaz. Pal., mars-avril 2009, du 8 au 10 mars 2009,
Doctr., pp. 810 et s. sp. p. 811.
550
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 563.
551
S. BECQUÉ-ICKOWICZ, LPA, 8 février 2006, p. 43.
552
Pendant la période d’observation des procédures de sauvetage et pendant l’exécution du plan de sauvegarde mais
non de redressement.
553
V. P.-M. LECORRE, « La règle de l'interdiction des paiements au lendemain de l'ordonnance du 18 décembre 2008
», art. préc., p. 810.
554
CA Versailles, 15 janvier 1998, D. Aff. 1998, p. 915; RJDA 1998/4, n° 457.
169
En outre, l’article L. 654-8-1° du Code de commerce prévoit que la personne qui effectue un
paiement en violation des dispositions de l’article L. 622-7, est passible d’un emprisonnement de
deux ans et d’une amende de 30000 euros. Cette sanction est également encourue par le créancier
ou toute personne ayant reçu le paiement, si elle avait connaissance de la situation du débiteur
(article L. 654-8-3° du Code de commerce).
400. En droit OHADA, l'article 11 de l'AUPC pose la règle de l’interdiction des paiements.
L'alinéa 1er du texte précise que : « Sauf autorisation motivée du président de la juridiction
compétence, la décision d’ouverture du règlement préventif interdit au débiteur, à peine de nullité
de droit : de payer, en tout ou en partie, les créances nées antérieurement à la décision
d’ouverture ; de faire un acte de disposition étranger à l’exploitation normale de l’entreprise ou de
consentir une sûreté ». L’interdiction vise ici toutes les créances antérieures à la décision
d’ouverture d’un règlement préventif, sans distinction de leurs statuts chirographaires ou assorties
de sûretés réelles. L’interdiction vaut également pour le désintéressement des cautions et des
personnes ayant affecté ou cédé un bien à titre de garantie, lorsqu’elles ont acquitté des créances
nées antérieurement à la décision d’ouverture555.
Notons que l’article 11 a été modifié lors de la réforme de l’AUPC. En effet, avant la réforme,
l’interdiction ne s’appliquait pas à tous les créanciers antérieurs, mais aux seuls créanciers dont la
créance figurait sur la liste déposée par le débiteur, afin d’obtenir suspension des poursuites
individuelles556. Désormais, la règle revêt un caractère plus général.
Comme en droit français, le non-respect de l'interdiction entraîne des sanctions. Au plan civil, le
paiement d'une créance antérieure est frappé de nullité de droit557. Au plan pénal, le débiteur ou le
syndic qui ne respecte pas l’interdiction encourt la banqueroute558.
401. Mais, bien qu'étant reconnue dans les deux législations, la règle admet des spécificités
propres à chacune d'elles. Contrairement au droit français, le législateur communautaire africain a
limité l'interdiction des paiements aux seuls créanciers antérieurs. En outre, en droit OHADA, il
n'existe, dans les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens, aucun renvoi
aux dispositions de l'article 11 de l'AUPC. L'interdiction de payer les créances antérieures n'est
donc posée que pour le règlement préventif.
402. Face au silence législatif, doit-on considérer que le débiteur ou le syndic peut continuer
de payer librement les créances antérieures au jugement ouvrant la procédure de redressement
judiciaire ou de liquidation des biens ? Le doute est permis.
555
Art. 11, al. 2 de l’AUPC.
556
Art. 11 de l’ancien AUPC « Sauf autorisation motivée du Président de la juridiction compétente, la décision de
règlement préventif interdit au débiteur, sous peine d'inopposabilité de droit :
- de payer, en tout ou en partie, les créances nées antérieurement à la décision de suspension des poursuites
individuelles et visées par celle-ci ».
557
Avant la réforme, la sanction était l'inopposabilité de droit (Art. 11 de l’ancien AUPC).
558
Art. 229, 5° de l’AUPC.
170
D'abord, au regard des finalités du droit des entreprises en difficulté, il est difficilement concevable
qu'un débiteur puisse continuer de payer individuellement les créanciers antérieurs au cours de la
procédure. Cette situation risquerait de compromettre les chances de sauvetage de l’entreprise
lorsque le débiteur ne fait pas l’objet d’une liquidation.
Ensuite, bien que la règle de l'interdiction de paiements des créances antérieures ait été
expressément posée dans le cadre du règlement préventif, il existe d'autres moyens permettant de
neutraliser ou, du moins, limiter le paiement individuel des créanciers au cours de la procédure
collective. C'est notamment le cas de la suspension des poursuites individuelles559, de l'interdiction
de réaliser la sûreté560 ou encore de la constitution des créanciers en une masse561.
Enfin, l’interprétation a contrario des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 149 de l’AUPC qui
subordonnent le paiement d’un créancier à l’autorisation du juge-commissaire, permet de penser
que le syndic agissant pour le compte du débiteur ne peut, au cours de la procédure de liquidation,
librement payer un créancier antérieur. Ainsi, l’absence d’une règle d’interdiction des paiements
créances expressément posée en redressement judiciaire et en liquidation des biens est, à notre sens,
une maladresse législative.
403. Quoi qu’il en soit, en droit français562, il existe, en plus de l’interdiction des paiements
des créances, une autre règle susceptible de porter atteinte ou, du moins, réduire le paiement des
créanciers : c’est la règle de la consignation des fonds provenant de la vente de biens grevés de
sûretés réelles. En effet, l’article L. 622-8 du Code de commerce précise qu’« En cas de vente d'un
bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part
du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la
Caisse des dépôts et consignations. Après l'adoption du plan, les créanciers bénéficiaires de ces
sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence
existant entre eux et conformément à l'article L. 626-22 lorsqu'ils sont soumis aux délais du plan ».
Cette règle, posée pour la période d’observation des procédures de sauvetage, se retrouve également
en cas d’adoption d’un plan de continuation. En effet, l’article L. 622-26 du Code de commerce
prévoit qu’« En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou
d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est
versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations et les créanciers bénéficiaires de
ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix après le paiement des créances
559
Cf chapitre 3 ; Art. 9 et 75 de l'AUPC.
560
Art. 18, al. 2 et 134, al. 4 de l'AUPC.
561
Art. 72 de l’AUPC.
562
En droit OHADA, il n’existe pas de règle similaire à la consignation du prix. Malheureusement, même après la
réforme de l’AUPC, le législateur communautaire africain n’a pas prévu l’hypothèse d’une vente de biens grevés de
sûretés réelles spéciales au cours des procédures de sauvetage.
171
garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2 à L. 3253-4, L. 742-6 et L. 7313-8 du Code
du travail »563.
Cette règle qui vise à assurer une trésorerie à l’entreprise en difficulté, va, en revanche, desservir les
créanciers564. Sa mise en œuvre entraîne, d’une part, un paiement différé et expose, d’autre part, les
créanciers à une réduction substantielle de leur paiement. En effet, il résulte des dispositions des
articles L. 622-8 et L. 626-22 précités que le paiement des créanciers ne se fera qu’après l’adoption
d’un plan, et cela, même lorsque la vente des biens grevés a eu lieu au cours de la période
d’observation565. Par ailleurs, au moment de la répartition du prix de la réalisation, les bénéficiaires
de sûretés réelles seront primés non seulement par les créanciers de salaires, mais aussi par les
créanciers de meilleur rang. Les créanciers qui subissent la loi du concours, courent ainsi le risque
de recevoir un paiement considérablement réduit566.
404. Fort heureusement, les dispositions de cette règle ne s’appliquent pas aux créanciers
munis de sûretés réelles exclusives. Au regard de l’énumération faite par les articles L. 622-8 et L.
626-22, seules les sûretés réelles préférentielles sont expressément visées. Or, ni le droit de
rétention, ni les propriétés-sûretés, ne confèrent, en principe, à leur bénéficiaire un droit de
préférence.
Par ailleurs, s’agissant du droit de rétention567, un auteur a soutenu que « retenir et consigner ne
vaut »568. Il affirme que, si le législateur oblige à payer le créancier rétenteur pour retirer la chose
retenue, il ne peut être question de lui imposer une consignation du prix, puisque cela serait faire
échec au droit de rétention sans paiement569. Or, seul le paiement du créancier rétenteur permet
d'éteindre efficacement le droit de rétention. La consignation du prix provenant de la vente d'un
bien grevé est donc incompatible avec un droit de rétention opposable. Cette stérilisation du prix au
préjudice de tous est en effet inconcevable en présence d'un créancier rétenteur570.
Quant aux propriétés-sûretés, le débiteur n’étant plus ou pas encore le propriétaire du bien, la vente
du bien ne devrait, par principe, pas être possible571. En conséquence, le bien objet de la garantie
devrait échapper à l’effet réel de la procédure collective.
563
Cette règle applicable pour le plan de sauvegarde s’applique également au plan de redressement (art. L. 631-19).
564
Un auteur y voit une altération de l’assiette des sûretés qui se manifeste par un morcellement de la valeur de
l’assiette des sûretés réelles et a pour conséquence, une réduction de l’assiette des sûretés. (I. ADJAGBA, Le déclin des
sûretés réelles spéciales dans les procédures collectives de redressement des entreprises, op. cit., pp. 348 et s)
565
Sauf en cas de paiement provisionnel des créanciers réalisé conformément aux dispositions de l’al. 2 de l’article
L. 622-8 du Code de commerce.
566
Sur les effets de la consignation du produit de la vente ; v. P.M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des
procédures collectives, op. cit., ns° 482.21 et 482.31.
567
À condition que ce droit de rétention soit opposable.
568
P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.33.
569
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n°1322.
570
P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 482.11 ; « L'invincibilité
du droit de rétention dans les procédures collectives de paiement », D. 2001, p. 2815.
571
En cas de vente, logiquement les droits du propriétaire devraient être protégés. De plus, il s’agit d’un abus puni sur le
plan pénal.
172
405. En somme, la règle de la consignation des fonds n’étant pas applicable aux créanciers
munis de sûretés réelles exclusives, nous n’allons pas nous y étendre. En revanche, la question qui
nous intéresse est celle de savoir si, comme l'ensemble des créanciers antérieurs titulaires ou non de
sûretés réelles, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives vont être soumis à la règle de
l'interdiction des paiements ou si, au contraire, leur droit au paiement est protégé ?
Compte tenu de la particularité des sûretés réelles exclusives, les législateurs français et africain ont
aménagé quelques exceptions au profit des créanciers qui en bénéficient. Ces derniers ont, en effet,
la possibilité d'être désintéressés nonobstant l'ouverture d'une procédure collective. Il en résulte un
maintien de leur droit au paiement.
Nous verrons donc le paiement du créancier rétenteur (section 1), avant de faire la même analyse
pour les créanciers propriétaires (section 2).
406. Le créancier rétenteur a la faculté de retenir un bien de son débiteur jusqu'au complet
paiement de sa créance. L’ouverture d’une procédure collective n’a aucun effet sur la rétention du
créancier. Le droit de rétention est donc efficace dans toutes les procédures collectives572.
Toutefois, cette efficacité est susceptible de paralyser le bon déroulement de la procédure. Aussi, le
législateur français prévoit la possibilité, pour le rétenteur, d’obtenir le paiement de sa créance en
dépit de l’interdiction législative de payer les créances non-méritantes.
Le paiement du créancier rétenteur obéit cependant à des objectifs différents qui varient en fonction
de la procédure dont le débiteur fait l’objet. Dans les procédures de sauvetage573, le paiement de la
créance est justifié uniquement par la poursuite de l'activité. En revanche, dans la liquidation
judiciaire, l'entreprise n'ayant pas survécu entre les mains du débiteur, le paiement vise, soit à
favoriser la poursuite de l’activité entre les mains d’un repreneur, soit à permettre une meilleure
réalisation des actifs. Dans tous les cas, le paiement qui s'effectue par principe dans l'intérêt du
débiteur, va permettre au rétenteur d’échapper à la règle de l'interdiction des paiements des
créances.
407. Quant au législateur communautaire africain, il envisage la possibilité d'un paiement
exceptionnel du créancier rétenteur uniquement dans la procédure de liquidation des biens. Cette
différence entre les législations nous conduit à voir, dans un premier temps, le paiement du
créancier rétenteur dans les procédures de sauvetage du droit français (paragraphe 1), avant
572
Il s’agit ici du droit de rétention effectif.
573
La sauvegarde et le redressement judiciaire.
173
d'étudier, dans un second temps, les possibilités de son paiement dans les procédures de liquidation
des deux législations (paragraphe 2).
411. Le retrait contre paiement n'est ordonné que lorsque le bien légitimement retenu574 par
un rétenteur se révèle nécessaire à la poursuite de l'activité. Dans cette situation, le créancier est
tenu de restituer, en contrepartie du paiement intégral de sa créance, le bien au débiteur. L'objectif
ici est d'éviter que la détention matérielle d'un bien, par un seul créancier, ne compromette la
sauvegarde ou le redressement de l'entreprise.
574
Pour que le droit de rétention soit légitime, il faut un lien de connexité entre la créance garantie et la rétention du
bien (art. 2286 du Code civil).
174
412. Le retrait du bien peut d'abord être justifié par l'importance de son utilisation matérielle.
Le bien dont il s'agit d'obtenir le retour dans l'entreprise doit se révéler utile à l'exploitation de
l'activité. Il peut, par exemple, s'agir des matières premières nécessaires à la production de
l'entreprise. Le retrait peut ensuite être autorisé afin de vendre le bien retenu. L'utilité du bien réside
ici dans les liquidités provenant de sa réalisation. Dans cette hypothèse, le prix de vente du bien doit
être supérieur au montant de la créance du rétenteur. Cette solution a d’ailleurs été consacrée par la
jurisprudence. La Cour de cassation a, en effet, jugé que le retrait du gage est le préalable nécessaire
à la vente du bien gagé575.
L'interprétation large des dispositions de l'article L. 622-7, II, alinéa 2, résulte de la substitution,
lors des travaux préparatoires de la loi du 25 janvier 1985, à l'expression retrait « nécessaire à la
poursuite de l'activité » à l'expression retrait « justifié par la poursuite de l'activité »576.
En tout état de cause, même lorsque le bien se révèle utile pour la poursuite de l’activité, il faut
encore obtenir du juge-commissaire l’autorisation de paiement.
575
Cass. com., 11 mai 1999, n° 96-11.280, Bull. civ. IV, n° 98; D. Aff. 1999, p. 943, obs. A. LIÉNHARD; JCP E, 1999,
1532, n° 39, obs. M. CABRILLAC.
576
P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.31.
577
CA Dijon, 23 mai 1995, Gaz. Pal. 1998/ 1, somm. p. 380.
578
Cass. com., 2 mars 1999, n° 95-20.068, Inédit.
175
L’autorisation du juge-commissaire doit intervenir préalablement au paiement du créancier. Il s’agit
d’une formalité substantielle dont l’omission ouvre droit à l’annulation du contrat579.
414. Si l'efficacité du droit de rétention effectif ne pose aucun problème au cours de la période
d'observation, qu'en est-il en cas d'adoption d'un plan de continuation ?
Une bonne partie de la doctrine 580 considère qu'en l'absence de dispositions spécifiques à
l'opposabilité du droit de rétention effectif dans le cadre d'un plan de continuation, son efficacité
résultant de l'article L. 622-7, II, alinéa 2, doit être maintenue.
Cependant, un auteur581 émet quelques réserves à ce sujet, en raison des délais de paiement imposés
par le plan. Il considère que le droit de rétention fondé sur une connexité naturelle suppose que la
créance soit exigible. Dès lors, il est permis de douter de la possibilité pour le rétenteur de continuer
à opposer son droit de rétention en garantie d'une créance qui, du fait de son exigibilité, est
échelonnée par le plan582.
Sur cette question, nous rejoignons la position défendue par la majorité de la doctrine. Le droit de
rétention ne s'éteignant qu'au moyen du paiement, il nous semble difficile d'envisager un autre
mode d'extinction de ce droit, et cela, même si le rétenteur est soumis aux délais du plan. Ainsi,
lorsqu'un bien retenu est nécessaire pour la continuation du plan, il faudrait au préalable
désintéresser le créancier pour en obtenir la restitution. Comme en période d'observation, le
créancier ne devrait être contraint de se dessaisir du bien qu'en contrepartie du paiement complet de
sa créance. Engagerait ainsi sa responsabilité le commissaire à l'exécution du plan qui autoriserait le
retrait du bien sans au préalable payer le créancier.
415. A contrario, aucune difficulté ne se pose quant à l'efficacité du droit de rétention effectif
dans l'hypothèse où un plan de cession est envisagé dans la procédure de sauvegarde 583 ou de
redressement584. Le créancier rétenteur peut, en effet, opposer son droit de rétention au cessionnaire
de l'entreprise585. Cette opposabilité au tiers acquéreur s’impose qu’il s’agisse de la cession isolée
du bien ou de sa transmission dans le cadre d’une cession globale de l’entreprise.
416. Somme toute, le créancier qui retient légitimement un bien utile à la poursuite de
l’activité se trouve dans une situation fortement enviable, puisqu’il va pouvoir obtenir un paiement
exclusif de sa créance. En effet, le paiement du créancier rétenteur s'effectue indépendamment du
579
CA Paris, 19 mai 1995, D. 1995, somm. p. 309, obs. A. HONORAT.
580
P.-M. LE CORRE, « Les créanciers gagistes face au redressement judicaire et la règle du concours », art. préc., p. 39
; C. POURQUIER, « Faculté de rétention et procédures collectives », art. préc., p. 937; Ph. PÉTEL, « Procédure
collective et continuation d'activité : comment le gage résiste-t-il ? », RJ com. 1994, n° 10, p. 144.
581
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit., n° 497.
582
V. aussi J. DEVÈZE, « Les créanciers titulaires d'un gage, d'un nantissement ou d'un droit de rétention ». Rev. Proc.
Coll. 1992/2, pp. 119 et s. sp. p. 128. L'auteur reconnaît la force du droit de rétention durant l'exécution du plan,
cependant il soumet le rétenteur au respect des délais du plan.
583
Art. L. 626-1 du Code de commerce.
584
Art. L. 631-22 du Code de commerce.
585
Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-12.925, arrêt préc ; D. Aff. 1997, p. 763; JCP E, 1997, I, n° 681, obs. M.
CABRILLAC; F.-J. CRÉDOT, « La supériorité irréductible du droit de rétention », LPA, 28 juillet 1997, n° 90, p. 24.
176
paiement des créanciers privilégiés et même superprivilégiés tels que les salariés ou, encore, des
créanciers postérieurs éligibles au traitement préférentiel. Ainsi, non seulement le rétenteur échappe
à la règle de l’interdiction des paiements des créances ; bien plus, il est à l’abri de tout concours.
En l’absence de précision législative, il faudrait considérer que la technique du retrait contre
paiement bénéficie au créancier, peu important que le droit de rétention s’exerce sur un meuble ou
immeuble. Dès lors qu’un droit de rétention effectif est reconnu à la sûreté, le créancier devrait
pouvoir se prévaloir du retrait contre paiement. C’est notamment le cas du gage immobilier586. Par
ailleurs, il a été soutenu qu'en l'absence de distinction dans le texte, le paiement des créanciers
interviendra même si la créance n'est pas encore exigible 587 . Cette solution vient sans doute
renforcer la position privilégiée du créancier rétenteur, dans la mesure où il peut être payé avant
l'échéance de la créance.
Quoi qu'il en soit, le paiement du rétenteur permet d'éviter qu'un seul créancier ne paralyse le bon
déroulement de la procédure par la rétention d'un bien utile.
Les solutions envisagées pour le paiement de créanciers titulaires d'un droit de rétention effectif
sont-elles applicables au titulaire d'un droit de rétention fictif ?
417. Depuis la loi sur la modernisation de l'économie, il existe désormais deux types de
créanciers titulaires d'un droit de rétention fictif. D'abord, ceux qui détiennent ce droit en vertu des
dispositions spéciales. Ensuite, ceux dont le droit de rétention résulte des dispositions de l'article
2286, 4° du Code civil. Cependant, l'ordonnance du 18 décembre 2008, face aux modifications
apportées par la loi sur la modernisation de l'économie, a déclaré inopposable le droit de rétention
conféré par l'article susvisé. Cette inopposabilité qui n'est pas sans incidence sur le paiement des
créanciers rétenteurs (1) s'étend-t-elle aux gagistes sans dépossession qui détiennent leur droit de
rétention des législations spéciales (2) ?
418. Après avoir énoncé le principe de l'interdiction des paiements des créances antérieures et
postérieures non éligibles au traitement préférentiel, l'article L. 622-7-I en pose un autre : celui de
l'inopposabilité du droit de rétention conféré par l'article 2286, 4° du Code civil. Ce droit de
586
C’est la nouvelle appellation de l’antichrèse ; Art. 2391 du Code civil, art. 10, I, 32° à 37° L. n° 2009-526 du 12 mai
2009.
587
F. PÉROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », D. 2009, pp. 651 et s. sp. p.
656.
177
rétention étant inopposable pendant toute la période d'observation et celle de l'exécution du plan, le
cas des créanciers qui en bénéficient588 est réglé.
Comme l'ensemble des créanciers non-méritants, les titulaires d'un droit de rétention fictif conféré
par l'article 2286, 4° du Code civil ne peuvent plus, à compter du jugement d'ouverture, espérer un
paiement individuel de leur créance. En cas d'adoption d'un plan de continuation, leur paiement se
fera conformément aux délais du plan. Au moment de la répartition du prix, ils devront, en cas de
vente du bien grevé d’un gage, subir le concours des autres créanciers. Ils seront, en conséquence,
primés par tous les créanciers de meilleur rang, et notamment par le superprivilège des salaires.
Par ailleurs, l’inopposabilité du droit de rétention devrait empêcher au créancier de se prévaloir de
la technique du retrait contre paiement. Ainsi, logiquement, le bien pourrait être vendu aux cours
des périodes d’observation ou d’exécution du plan. Cependant, si le droit de rétention est
inopposable, le gage ne l’est pas. Leur statut de créancier gagiste devra être respecté. En application
des dispositions de l’article L. 622-8 du Code de commerce, le prix correspondant au montant de la
créance garantie sera consigné à la Caisse de dépôts et de consignation. Il est donc possible de
vendre un bien faisant l’objet d’un gage sans dépossession, à condition de consigner mais non
d’utiliser la quote-part correspondant au montant de la créance garantie par le gage589.
En définitive, la solution est relativement claire pour les titulaires du droit de rétention conféré par
l’article 2286, 4° du Code civil. En sera-t-il de même pour les créanciers dont le droit de rétention
résulte des législations spéciales ?
2- Le paiement des créanciers titulaires d'un droit de rétention fictif issu de lois
spéciales
419. Pour les créanciers dont le droit de rétention fictif résulte d’autres dispositions, en
l’occurrence le titulaire d'un gage sur les véhicules automobiles590 ou encore le bénéficiaire d’un
nantissement de compte-titres591, en principe, la question de l’opposabilité du droit de rétention ne
devrait pas se poser. L’article L. 622-7-I, alinéa 2, susvisé ne déclare inopposable que le droit de
rétention conféré par l’article 2286, 4° du Code civil.
On s’interroge, en revanche, sur la possibilité pour ces créanciers de se prévaloir de la technique du
retrait contre paiement. La confusion provient sans doute de la rédaction de l'article L. 622-7-II,
alinéa 2, qui fait référence à « la chose légitimement retenue ».
588
Il s'agit du gagiste sans dépossession de droit commun, du gagiste sur stocks, du gagiste sur l'outillage et le matériel
d'équipement professionnel, et éventuellement, les créanciers titulaires d'un warrant agricole (sur cette question v. E. LE
CORRE-BROLY, « La situation du porteur d’un warrant agricole après l’ordonnance du 23 mars 2006 et la LME », art.
préc.
589
Sur la vente d’un bien gagé ; cf. ns° 1015 à 1018.
590
Art. 2352 du Code civil.
591
Art. L. 221-20, IV du Code monétaire et financier.
178
420. Sur cette question, la position de la jurisprudence n’est pas tout à fait claire. Si, dans un
arrêt du 9 avril 1991592, la Cour de cassation avait refusé de faire application de la technique du
retrait contre paiement au profit du créancier titulaire d'un droit de rétention fictif issu d'un warrant
agricole et dont le statut est discuté en doctrine593, elle a, quelques années plus tard, dans un arrêt du
31 mai 1994 594 , reconnu l'opposabilité à la procédure collective d'un droit de rétention sur les
documents administratifs inhérents à la circulation, tels que des cartes grises de véhicules
automobiles, des certificats de jauge ou encore des actes de francisation de bateaux. Cette solution a
ensuite été confirmée dans un arrêt du 22 mars 2005595.
Peut-on sur la base de ces décisions conclure à la reconnaissance de la technique du retrait contre
paiement au profit des rétenteurs fictifs ? Le doute est permis. En effet, conformément à la solution
législative596, l’opposabilité d’un droit de rétention fictif ne résultant pas de l’article 2286, 4° du
Code civil ne devrait plus poser problème597. La difficulté ici est de savoir si le créancier titulaire
d’un droit de rétention fictif opposable peut efficacement se prévaloir du retrait contre paiement.
421. L’incertitude est encore plus grande en doctrine. Cette question a en effet provoqué des
vives controverses doctrinales.
D'une part, il y a ceux qui sont attachés à la lettre du texte. Ils considèrent que le terme "retrait"
implique nécessairement la détention matérielle du bien. Pour retenir il faut au préalable détenir.
Ainsi, le titulaire d'un droit de rétention fictif, fut-il opposable, ne peut se prévaloir de la technique
du retrait contre paiement dans la mesure où, le bien se trouvant entre les mains du débiteur, il
n'exerce aucun pouvoir de blocage sur ce dernier. Dans ce courant doctrinal, on retrouve les
professeurs POURQUIER598, COQUELET599, AYNÈS600, JEANTIN et LE CANNU601.
Madame BOUGEROL-PRUD'HOMME a récemment rejoint ce courant de doctrine. Dans sa thèse,
elle défend l'idée que le bien gagé se trouvant entre les mains du débiteur, la poursuite de l'activité
592
Cass. com., 9 avril 1991, n° 89-14.942, Bull. civ. IV, n° 131; JCP E, 1991, I, 102, n° 19, obs. M. CABRILLAC ;
JCP E, 1991, II, 232, note P.- M. LE CORRE.
593
V. E. LE CORRE-BROLY, « La situation du porteur d’un warrant agricole après l’ordonnance du 23 mars 2006 et la
LME », art. préc ; Ch. JUILLET, « Le warrant agricole, les sûretés mobilières spéciales et le droit commun du gage »,
D. 2016, p. 178
594
Cass. com., 31 mai 1994, n° 91-20.677, Bull. civ. IV, n° 196; JCP E, 1995, I, 417, n° 18, obs. M. CABRILLAC.
595
Cass. com., 22 mars 2005, n° 02-12.881, Inédit, D. 2005, somm. p. 2089 ; JCP G, 2005, I. 135, n° 17, obs. Ph.
DELEBECQUE.
596
Art. 622-7-I, al. 1er du Code de commerce.
597
F. PÉROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art. préc., p. 656.
598
C. POURQUIER, « Faculté de rétention et procédures collectives », art. préc., p. 937; « La rétention du gagiste ou la
supériorité du fait sur le droit », RTD com. 2000, p. 573. Pour l'auteur le texte (ancien article 33 al. 3, de la loi du 25
janvier 1985, ne s'applique qu'au créancier d'un gage avec dépossession).
599
M.-L. COQUELET, Entreprises en difficulté. Instruments de paiement et de crédit, HyperCours Dalloz, 4 éd., 2011,
n° 188.
600
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », JCP G, 2009, I, 119,
ns° 4 et 5.
601
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, Précis Dalloz, 7e éd., 2007, n° 374.
179
ne saurait justifier un quelconque retrait. En conséquence, « l'absence d'utilité du retrait doit
conduire à priver tout rétenteur fictif du bénéfice de l'exception à l'interdiction des paiements »602.
D'autre part, il y a ceux qui dépassent la lettre du texte. Ils estiment que le retrait contre paiement
d'un bien fictivement retenu peut intervenir lorsque le débiteur entend disposer du bien (au cours de
la période d'observation ou de l’exécution du plan). Ainsi, le créancier titulaire d'un droit de
rétention fictif autre que celui conféré par l'article 2286, 4° du Code civil, doit pouvoir bénéficier de
la technique du retrait contre paiement. Les principaux défenseurs de cette thèse sont les professeurs
LE CORRE603 et PÉROCHON604.
422. Cette dernière solution605 nous paraît la plus convaincante. En effet, l'utilité d'un bien à la
procédure collective ne résulte plus uniquement de son utilisation matérielle, mais aussi des
liquidités qu'il peut procurer du fait de sa vente. Aussi, le créancier qui exerce son droit de
rétention, fût-il fictif, sur un bien nécessaire à la poursuite de l'activité, devrait, en cas de réalisation
dudit bien, pouvoir se prévaloir de la technique du retrait contre paiement. En conséquence, aucune
vente ne devrait intervenir sans que le créancier ne soit préalablement désintéressé.
Cette analyse suppose alors qu'il faille dépasser la simple lettre du texte qui fait référence au retrait
de la chose. Face à ces créanciers, l'objectif n'est pas d'obtenir la restitution matérielle du bien,
puisqu'il se trouve déjà entre les mains du débiteur. Le but ici est de libérer juridiquement le bien
contre tout obstacle à sa réalisation. Par analogie à la technique du retrait contre paiement, le
législateur pourrait ainsi instituer, pour les rétenteurs fictifs, la technique de "la vente contre
paiement". Toutefois, cette vente n'a d'intérêt que si le prix du bien est supérieur au montant de la
créance du rétenteur.
Nous sommes confortés dans cette analyse par l'article L.622-7, I alinéa 2, qui précise que
l'inopposabilité ne s'applique qu'au seul droit de rétention fictif conféré par les dispositions du Code
civil. A contrario, le droit de rétention fictif issu des dispositions spéciales reste parfaitement
opposable. Le créancier qui en bénéficie peut donc faire valoir ses droits. Il devrait pouvoir
s'opposer à la réalisation du bien, si aucun paiement n'a préalablement été effectué.
En pratique, cette solution ne devrait pas poser trop de difficulté, car même si le créancier n’est pas
en possession du bien, il bénéficie néanmoins d’un pouvoir de blocage. C’est notamment le cas du
gagiste automobile qui, du fait du reçu de la déclaration du gage, est réputé avoir conservé le bien
602
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit., n° 496.
603
P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.31; « Un exemple
d'exclusivité : le droit de rétention fictif du gagiste sans dépossession », LPA, 11 février 2011, n° 30, pp. 68.
604
F. PÉROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art. préc., p. 656 ; Entreprises
en difficulté, op. cit., n° 614.
605
D'autres auteurs considèrent que les titulaires d'un droit de rétention fictif peuvent bénéficier du retrait contre
paiement, v. S. PIÉDELIÈVRE, « La mise en œuvre des sûretés réelles dans les procédures collectives », LPA, 20
septembre 2000, n° 188, p. 12 ; E. LE CORRE-BROLY, « Le droit de rétention sur documents d’immatriculation », D.
Aff. 1998, pp. 1802 et 1838.
180
en sa possession606. Il en sera de même pour le créancier nanti sur un compte-titres. En effet, dès
lors que la déclaration du nantissement est adressée à l’établissement teneur du compte-titre, le
constituant perd la libre disposition des titres financiers607.
423. Il résulte que dans les procédures de sauvetage, le paiement exceptionnel du créancier
rétenteur doit nécessairement être justifié par la poursuite de l'activité. Lorsque le bien retenu ne
favorise pas la poursuite de l'activité, peu important alors que le créancier soit titulaire d'un droit de
rétention réel ou fictif, il ne peut prétendre au paiement individuel de sa créance. La situation est
plus grave encore pour le titulaire d'un droit de rétention fictif issu de l'article 2286, 4° du Code
civil. Son droit de rétention étant inopposable pendant toute la période d'observation et celle de
l'exécution du plan, il ne peut plus, à compter du jugement d’ouverture, obtenir le paiement
individuel de sa créance. Si le bien gagé se révèle par la suite nécessaire à la poursuite de l'activité,
il pourrait être vendu sans que le créancier ne soit payé immédiatement. L'inopposabilité du droit de
rétention place le rétenteur dans la position précaire de simple créancier gagiste. En conséquence, il
n’échappe pas à la règle de l'interdiction des paiements des créances.
424. Cependant, il existe un bémol lorsque le bien objet de la garantie est compris dans une
cession d'activité décidée dans la procédure de sauvegarde, en application de l'article L. 626-1 du
Code de commerce, ou dans la procédure de redressement, en application de l'article L. 631-22
dudit Code. Dans ces conditions, le droit de rétention qui était inopposable au débiteur devient
opposable au repreneur. Ainsi, le repreneur qui souhaite acquérir un bien fictivement retenu doit
préalablement payer le rétenteur 608 . En principe, tant qu’il n’est pas totalement désintéressé, le
créancier va pouvoir faire obstacle à la cession du bien gagé. Dans l’hypothèse d’un plan de
cession, le créancier peut donc se prévaloir de la technique du retrait contre paiement. Cependant,
compte tenu de l’absence du pouvoir de blocage du droit de rétention fictif, un auteur émet quelques
réserves à ce sujet609.
425. En définitive, en instituant le mécanisme du retrait contre paiement, le législateur
français a prévu un moyen pour le créancier rétenteur de se faire payer au cours des procédures de
sauvetage, en dépit de la règle de l'interdiction de paiement des créances non-méritantes.
Ce mécanisme qui joue fortement en faveur du rétenteur n'est toutefois possible que lorsque le bien
dont on veut obtenir le retrait est utile à la poursuite de l'activité. Le paiement exceptionnel du
créancier rétenteur est donc subordonné à l'utilité du bien retenu.
606
Art. 2352 du Code civil
607
Art. L. 211-20 du Code monétaire et financier
608
Posée par la jurisprudence v. Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-12.925, arrêt préc. D. 1997. Somm. p. 312, obs. A.
HONORAT ; D. 1998. Somm. p. 102, obs. S. PIÉDELIÈVRE; la solution a été confirmée par le législateur dans
l'ordonnance du 18 décembre 2008 le législateur (article L. 622-7, I, al. 2 et article L. 642-12, al. 5 - dans l'hypothèse ou
le plan de cession est envisagé en liquidation judiciaire-).
609
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., n° 7.
181
426. En revanche, le législateur communautaire africain n'ayant pas prévu de technique
similaire au retrait contre paiement, le créancier rétenteur africain ne peut, en théorie et à ce jour,
espérer un paiement exceptionnel de sa créance au cours du règlement préventif ou du redressement
judiciaire. Sur cette base, le rétenteur devrait être soumis à la règle de l'interdiction des paiements
des créances antérieures.
Ce vide juridique est susceptible de causer de nombreuses difficultés pratiques. En effet, que faut-il
décider si un bien retenu par un créancier se révèle nécessaire à la poursuite de l'activité ? La
question se pose d’autant plus que le droit de rétention n’étant plus assimilé au gage, le créancier ne
peut plus être contraint de s’en dessaisir notamment par une substitution de garantie. Doit-on alors
laisser un seul créancier compromettre le sauvetage de toute une entreprise ? Autant d'interrogations
qui demeurent malheureusement sans réponse à ce jour.
427. En tenant compte des finalités du droit des entreprises en difficulté, et notamment de
l’objectif de sauvetage des entreprises, on pourrait hésiter à admettre une réponse positive. Il
faudrait, en revanche, envisager l'application des solutions prévues en droit français. Une fois de
plus, nous exprimons notre déception au regard de la réforme de l’AUPC. Nous espérions que celle-
ci apporterait des solutions à ce sujet.
Quoi qu'il en soit, lorsqu'il est question du paiement exceptionnel du créancier rétenteur dans les
procédures de sauvetage, le législateur français conserve une longueur d'avance sur le législateur
communautaire africain. Le constat est-il le même dans le cadre de la procédure de liquidation ?
182
généralement contraint de se dessaisir du bien retenu en contrepartie du paiement complet de sa
créance.
En droit français, deux moyens permettent au créancier rétenteur d’obtenir le paiement de sa
créance au cours de la liquidation judiciaire (1). En revanche, le législateur OHADA n'envisage
qu'une seule hypothèse de paiement (2).
a- Le retrait du bien
610
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n°1206.
611
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », op. cit., n° 8.
183
Si le retrait contre paiement n'est motivé par aucune de ces raisons, nous percevons difficilement ce
qui peut pousser le juge-commissaire à autoriser le paiement exceptionnel du créancier rétenteur. En
effet, dans ce cas, le retrait contre paiement ne bénéficie ni à l'entreprise ni aux autres créanciers. Le
paiement du créancier ne présente ici aucun intérêt. Dans tous les cas, le juge-commissaire doit
s'assurer qu'il dispose des fonds suffisants pour autoriser le retrait.
432. Le problème qui se pose à nouveau est celui de la reconnaissance, au profit des
créanciers titulaires d'un droit de rétention fictif, de la technique du retrait contre paiement, peu
important ici que ce droit leur soit conféré par des lois spéciales ou par les dispositions de l'article
2286, 4° du Code civil. En effet, ce dernier étant opposable dans la liquidation judiciaire, il n'y a
plus lieu de distinguer entre les différentes rétentions fictives.
Comme dans les procédures de sauvetage, certains considèrent que le retrait contre paiement est
difficilement conciliable avec un droit de rétention fictif612, tandis que d'autres n'y voient aucun
obstacle613, si l’initiative est prise par le mandataire habilité614.
Au-delà de ces querelles doctrinales, nous pensons que dans la liquidation judiciaire, le problème
est tout autre. Comme nous l’avons vu, pour les bénéficiaires d’un droit de rétention fictif, la
question du retrait contre paiement se pose véritablement au moment de la réalisation du bien.
Or, le problème ne devrait a priori pas se poser dans la procédure de liquidation. En effet, le
liquidateur peut, en raison du mécanisme du report du droit de rétention sur le prix de vente,
procéder, sous certaines conditions, à la réalisation du bien, sans pour autant que le créancier ne soit
préalablement désintéressé. À notre sens, sauf éventuellement dans la liquidation judiciaire
simplifiée, en raison de la durée limitée de cette procédure 615 , il nous parait bien difficile de
comprendre les raisons qui pourraient pousser le juge-commissaire à autoriser le retrait d'un bien
fictivement retenu, en contrepartie du paiement d'un créancier.
433. Dans tous les cas, il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Ainsi, en
attendant que la jurisprudence tranche le débat, il convient de reconnaître ce droit à tous les
créanciers rétenteurs, peu important que leur droit de rétention soit effectif ou fictif.
Il existe cependant des incertitudes quant à l’application du retrait contre paiement lorsque le droit
de rétention s’exerce sur des immeubles. Alors que le législateur se contente de viser la chose
légitimement retenue, sans aucune autre précision, la jurisprudence a, quant à elle, refusé
612
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit., n° 498; A. AYNÈS, « Précisions sur
le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., n° 8.
613
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n°1356 ; P.- M. LE CORRE, Dalloz Action,
Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 563.62 ; Ph. PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en
difficulté : acte II. - Commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 » JCP E, 2009, 1049, n° 52.
614
F. PÉROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art. préc., p. 657; « À propos
de la réforme de la liquidation judiciaire par l'ordonnance du 18 décembre 2008 », Gaz. Pal. mars- avril 2009, du 8 au
10 mars 2009, Doctr., p. 796.
615
Selon l’article L. 644-5 la liquidation judiciaire simplifiée dure maximum un an et peut être prorogée pour une durée
qui ne peut excéder trois mois.
184
l’application du retrait contre paiement au profit du rétenteur d’un immeuble616. Une partie de la
doctrine617 considère que cette solution qui a été rendue sous l’empire de la législation antérieure618,
devrait être abandonnée dans la mesure où elle est difficilement justifiable au regard des textes.
Même lorsque le créancier n’a pas reçu le paiement de sa créance par le biais de la technique du
retrait contre paiement, il peut encore l’obtenir dans l’hypothèse d’une réalisation du bien par le
liquidateur.
b- La vente du bien
434. Selon les dispositions de l'article L. 642-20-1, alinéa 1er, du Code de commerce, à défaut
du retrait du gage ou de la chose légitimement retenue, le liquidateur doit, dans les six mois du
jugement ouvrant la liquidation judiciaire, demander au juge-commissaire l'autorisation de procéder
à la réalisation du bien. Le liquidateur est tenu de notifier cette autorisation au créancier quinze
jours avant la réalisation. Sauf en cas de recours, le créancier est tenu de se dessaisir du bien entre
les mains du liquidateur pour qu'il soit procédé à la vente. Cette réalisation est suivie du report du
droit de rétention sur le prix619.
Pour éviter la situation de paralysie pouvant résulter de la rétention d'un bien par un créancier, le
juge-commissaire peut autoriser le liquidateur à réaliser ce bien. D'une manière générale, il est
admis que le report du droit de rétention sur le prix interviendra lorsque le juge-commissaire n'a pas
autorisé le retrait contre paiement, soit parce qu'il ne l'a pas jugé utile, soit parce que le liquidateur
ne disposait pas de fonds suffisants pour payer le créancier rétenteur. Dans ce dernier cas, le report
du droit de rétention sur le prix apparaît comme une mesure qui vise à favoriser la réalisation des
actifs.
Le mécanisme du report du droit de rétention sur le prix suscite néanmoins deux interrogations.
La première est relative à sa nature (b-1), tandis que la seconde concerne ses bénéficiaires (b-2).
435. L'analyse du mécanisme du report du droit de rétention sur le prix suscite quelques
divergences au sein de la doctrine.
616
Cass. civ. 3e, 23 octobre 2002, n° 98-18.109, Bull. civ.III, n° 209 ; JCP E, 2003, 194, n° 7, obs. M. CABRILLAC ;
JCP G, 2003, I, 124, n° 13, obs. Ph. DELEBECQUE.
617
A. AYNÈS, Le droit de rétention : Unité ou pluralité, op. cit., n° 377; Cass. civ. 3e, 23 octobre 2002, arrêt préc ; F.
MACORIG-VENIER, « Immeuble et droit de rétention » in Mél. R. SAINT-ALARY, 2006, pp. 333 et s., sp. pp. 349 et
350 ; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1206.
618
Avant la loi du 12 mai 2009, consacrant le gage immobilier, cette sûreté était exclusivement mobilière.
619
Art. L. 642-20-1, al. 3 du Code de commerce. Le législateur reprend là une ancienne solution jurisprudentielle ;
Cass. com., 4 juillet 1962, JCP G, 1962, II, 12885.
185
Un premier courant doctrinal analyse le mécanisme comme une hypothèse de subrogation réelle620.
Dans le même sens, un auteur 621 affirme que la subrogation de la créance du prix au bien
initialement retenu dans le droit de rétention ne saurait conférer au rétenteur un droit de recevoir
une partie de ce prix. Ainsi, le report du droit de rétention sur le prix permet seulement de créer un
pouvoir de blocage indirect du rétenteur sur la créance de prix s'exerçant par l'intermédiaire de
l'acheteur qui en est le débiteur. Ce blocage aboutirait, en pratique, au désintéressement du rétenteur
avant tout autre créancier.
En revanche, un autre courant doctrinal voit dans le report du droit de rétention sur le prix une
substitution de garantie qui remplace le droit de rétention par un droit à la préférence absolue622. Le
mécanisme suppose la modification de la nature même du droit de rétention qui passerait ainsi d'un
droit exclusif de tout concours à un droit de préférence absolu sur la valeur du bien. Le rétenteur
serait donc payé dans le concours mais en priorité absolue623. Dans le même sens, une partie de la
doctrine considère le report du droit de rétention sur le prix comme la reconnaissance, au bénéfice
de rétenteur dessaisi, d'un droit de préférence de premier rang624.
Par ailleurs, pour d'autres auteurs625, la solution est mitigée. Ceux-ci voient, dans le mécanisme du
report du droit de rétention sur le prix, aussi bien la manifestation du jeu de la subrogation réelle
que la reconnaissance au bénéfice des rétenteurs d'un privilège.
436. Quelle que soit la solution qu'on retient, le report du droit de rétention sur le prix apparaît
comme un mécanisme qui préserve largement les intérêts du créancier rétenteur. En effet, peu
620
Dans ce sens v. M. LAURIOL, La subrogation réelle, préf. A. BRETON, Th. Alger,1952, t.1, p. 66; J. NECTOUX,
note sous Cass. com., 4 juillet 1962, JCP G, 1962, II, 12885; L’auteur atténue tout de même sa position puisqu'il
affirme ensuite qu'il « s'opère alors une compensation légale comme toutes les fois que le droit de rétention porte sur
une somme d'argent, de sorte qu'automatiquement le créancier gagiste est payé le premier et passe avant le Trésor » ;
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1207; A. MARTIN-SERF, obs. sur Cass. com., 15 octobre 1991,
n° 90-10.784 , Bull. civ. IV, n° 288; RTD com. 1992, p. 464 ; L'auteur affirme qu' « il n'est plus question du rang de son
privilège mais d'une situation particulière réservée à un créancier à qui est conféré un pouvoir particulièrement fort - le
droit de rétention- qui par un mécanisme de subrogation organisée par a loi s'étend au prix provenant de la vente » ; C.
POURQUIER, « Faculté de rétention et procédures collectives », art. préc., p. 938; V. également, M. BOURASSIN, V.
REMOND, M.- N. JOBARD-BACHELLIE, Droit des sûretés, op. cit., n° 2667. Ces auteurs affirment que par le jeu de
la subrogation réelle, le droit de rétention est remplacé par un véritable privilège, peu important qu'il soit ou non lié à un
gage avec dépossession ou qu’il soit, selon la jurisprudence, réel ou fictif.
621
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit., n° 411.
622
G. MARTY, P. RAYNAUD, Droit civil, Les sûretés, la publicité foncière, 2e éd., par Ph. JESTAZ, Sirey, 1987, n°
57; Le droit de rétention qui est reporté sur le prix se transforme de facto en droit de préférence doté de priorité absolue;
La jurisprudence reconnaît au rétenteurs le droit d'être payé avant le salariés super- privilégiés.
623
J. MESTRE, E. PUTMAN, et M. BILLIAU, Traité de droit civil, sous la dir. de J. GHÉSTIN, Droit commun des
sûretés réelles, LGDJ, 1996, n° 80; Les auteurs considèrent que le texte confère au rétenteur un droit d'exclure, ou droit
de non-concours. Ils opposent cette analyse à celle d'un simple droit de préférence, en l'occurrence primé par le
superprivilège.
624
M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés , op. cit., 644 ; Pour ces auteurs, la
règle du report du droit de rétention sur le prix « dissimule en réalité, la substitution d'un véritable privilège de premier
rang au droit de rétention »; A. AYNÈS, Le droit de rétention, Unité ou pluralité, op. cit., n° 377; L’auteur évoque un «
droit prioritaire sur le prix »; « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art.
préc., n° 8.
625
Y. GUYON, Droit des Affaires, t.2, Entreprises en difficultés-Redressement judiciaire-Faillite, 9e éd., Econimoca,
2003, ns° 1344 et s; G. RIPERT et R. ROBOT, Traité de droit commercial, t. 2, 17e éd., par Ph. DELEBECQUE et M.
GERMAIN, LGDJ, 2004, n° 3259.
186
important que le paiement soit exclusif de tout concours ou non, le rétenteur va bénéficier d'une
priorité de paiement sur le prix de vente 626 , puisqu’il sera désintéressé avant tous les autres
créanciers de meilleur rang, et même avant les créanciers superprivilégiés 627. En pratique, cela
aboutit à une sorte de paiement exclusif, puisque l'existence d'autres créanciers n'a aucune incidence
sur le paiement du rétenteur. Le droit de rétention est donc parfaitement respecté.
Mais à qui le mécanisme profite-t-il réellement ?
437. Comme pour la technique du retrait contre paiement, le texte ne fait aucune différence
entre les créanciers. Le législateur fait simplement référence à la chose gagée ou « légitimement
retenue ». Il n'y a pas lieu de distinguer là où le texte ne distingue pas. Il faut alors considérer que le
mécanisme s'applique à tous les créanciers rétenteurs. Mais là encore, il existe quelques divergences
doctrinales. Alors qu'un auteur émet des réserves sur la reconnaissance de cette mesure aux
titulaires d'un droit de rétention fictif628, un autre considère, en revanche, que la mesure ne devrait
s'appliquer qu'à ces créanciers629.
Mais, en réalité, la question ne devrait plus se poser puisque la jurisprudence a déjà tranché le débat.
La Cour de cassation a affirmé l'applicabilité de cette mesure au gagiste automobile630. En cas de
réalisation forcée d'un véhicule automobile, le titulaire d'un gage sur le bien voit donc son droit de
rétention se reporter sur le produit de la réalisation. La haute Cour a récemment confirmé la solution
à propos du bénéficiaire d'un warrant agricole sans dépossession 631 . La solution devrait donc
pouvoir s’étendre à tous les créanciers titulaires d'un droit de rétention fictif, même lorsque celui-ci
résulte de l’article 2286, 4° du Code civil. On peut donc conclure que le mécanisme du report du
droit de rétention sur le prix s'applique à tous les créanciers bénéficiaires d'un droit de rétention réel
ou fictif.
438. Par ailleurs, la réalisation du bien peut être faite par le créancier lui-même. L'article
L. 643-2 du Code de commerce autorise en effet certains créanciers dont le gagiste, à exercer leur
droit de poursuite individuel dès lors qu'ils ont déclaré leur créance, si le débiteur n'a pas entrepris
la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement de liquidation
judiciaire. Cette mesure permet de pallier l'inertie du liquidateur. Le gagiste- rétenteur qui ne veut
626
V. Cass. com., 21 mars 2006, JurisData n° 2006-032837; JCP G, 2006, I, 195, n° 15, obs. Ph. DELEBECQUE;
RLDC 2006/33, n° 2037, obs. A. AYNÈS.
627
Cass. com., 15 octobre 1991, n° 90-10.784, Bull. civ. IV, n° 288 ; RTD com. 1992, p. 464, obs. A. MARTIN-SERF ;
JCP E, 1992, I, 138, n° 25, obs. M. CABRILLAC.
628
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., n° 8.
629
P.-M. LE CORRE, « Un exemple d'exclusivité : le droit de rétention fictif du gagiste sans dépossession », art. préc.,
p. 68; Pour l'auteur « le report sur le prix suppose un droit de rétention fictif »
630
Cass. com., 15 octobre 1991, n° 90-10.784, arrêt préc; JCP G, 1992, I, 3623, obs. Ph. DELEBECQUE.
631
Cass. com., 26 janvier 2010, n° 08-21.340, Inédit, D. 2011, pan. 413, obs. P. CROCQ; JCP G, 2010, 708, n°18, obs.
Ph. DELEBECQUE.
187
plus demeurer dans une situation passive peut demander la réalisation forcée du bien. Dans cette
hypothèse, le droit de rétention ne se reporte pas sur le prix de vente. Au contraire, la vente fait
perdre au créancier le bénéfice de son droit de rétention. Il sera alors considéré comme un simple
gagiste et pourra se prévaloir de son droit de préférence sur le prix de la réalisation. Dans cette
situation, le créancier qui s’expose au concours des autres créanciers, est payé selon le rang de sa
créance en application des dispositions de l’article L. 641-13 du Code de commerce. Il sera en
conséquence primé par les créanciers de meilleur rang, et notamment par le superprivilège des
salaires. En revanche, le rétenteur autonome ne peut se prévaloir de cette mesure. Ne bénéficiant
pas d’un droit de préférence, il ne peut procéder à la réalisation du bien. Assurément, la vente du
bien lui fera perdre son droit de rétention632.
439. En définitive, dans la liquidation judiciaire, le créancier rétenteur dispose de plusieurs
moyens pour obtenir le paiement individuel et exceptionnel de sa créance. Mais, en réalité, la
technique du retrait contre paiement et celle du report du droit de rétention sur le prix sont des
mesures alternatives et non-cumulables. Le report du droit de rétention sur le prix ne se fera qu'en
l'absence de mise en œuvre du retrait contre paiement.
Nous pensons que le retrait contre paiement devrait surtout bénéficier au créancier titulaire d’un
droit de rétention réel, tandis que celui qui bénéficie d’un droit de rétention fictif pourra surtout se
prévaloir du report du droit de rétention sur le prix de vente. Dans tous les cas, le législateur
français assure l’efficacité du droit de rétention tout en permettant une meilleure réalisation des
actifs. Il concilie, de cette manière, les intérêts en présence.
Qu'en est-il du paiement du créancier rétenteur africain ?
440. Le législateur OHADA n'a pas posé de manière explicite un principe interdisant le
paiement des créances antérieures dans la liquidation des biens. Cependant, dans les dispositions
qui régissent cette procédure, on retrouve un texte dont l'interprétation a contrario pourrait conduire
à l'admission d'un tel principe. Aux termes des dispositions de l'article 149, alinéa 1 er de l'AUPC,
« Le syndic, autorisé par le juge-commissaire peut, en remboursant la dette, retirer au profit de la
masse, le gage, le nantissement ou le droit de rétention conventionnel constitué sur un bien du
débiteur ».
À notre avis, le remboursement de la dette n'est rien d'autre que le paiement individuel d'un
créancier. Le syndic qui souhaite procéder au paiement d'un créancier doit au préalable obtenir
l'autorisation du juge-commissaire. Or, soumettre ainsi le paiement d'un créancier à l'autorisation du
juge-commissaire laisse penser qu'il s'agit bien d'une mission exceptionnelle qui dépasse l'étendue
632
Cass. com., 15 janvier 1957, D. 1957, p. 267, note HÉMARD.
188
des pouvoirs conférés au syndic633. Sur la base de ce texte, on peut donc supposer qu'à l'image du
droit français, le législateur communautaire africain a entendu limiter la perte des actifs du débiteur,
de sorte que le paiement individuel des créanciers antérieurs n'intervienne qu'à titre exceptionnel.
441. Par ailleurs, plus que l'admission d'un principe interdisant le paiement des créances
antérieures, ce texte renvoie surtout à l'idée du retrait contre paiement tel que conçu en droit
français. Il autorise en effet le syndic à retirer un bien gagé, nanti ou retenu en contrepartie du
remboursement de la dette du créancier.
Il convient ainsi d'analyser la portée de ce texte en étudiant, d'une part, son domaine d’application
(a) et, d’autre part, les conditions du remboursement de la dette (b).
442. Ce qui nous intéresse dans ce texte, c’est notamment son application au droit de
rétention. Ainsi, pour commencer, il nous faut préciser que l’article 149, alinéa 1er, a fait l’objet
d’une modification lors de la réforme de l’AUPC. En effet, si le texte vise aujourd’hui les biens
gagés, nantis ou retenus, il ne s’appliquait, dans sa rédaction antérieure, qu’au gage et au
nantissement. Il ne faisait en revanche aucune mention au droit de rétention. Cette situation avait
amené la doctrine à s’interroger sur l’application de ce texte au rétenteur autonome.
En faveur de son extension au rétenteur, un auteur634 avait considéré que le texte devait s'appliquer
au simple créancier rétenteur dont la garantie primaire a été élevée, par le législateur
communautaire africain, au rang de sûreté à part entière, assimilable au gage.
Une solution contraire était difficilement envisageable. Le droit de rétention ayant longtemps été
assimilé au gage, le créancier rétenteur bénéficiait des mêmes prérogatives que le créancier gagiste.
C’est donc logiquement que le texte devait s'appliquer au droit de rétention autonome. Par ailleurs,
avec la réforme de l’AUS, le législateur avait, en supprimant l’assimilation du droit de rétention au
gage, reconnu au rétenteur la faculté de retenir le bien du débiteur jusqu’au complet paiement de
créance635. Transposé au droit des procédures collectives, rien ne saurait justifier un dessaisissement
du créancier au mépris de son droit de rétention.
Avec la réforme, les choses changent. L’article 149, alinéa 1er, de l’AUPC ajoute le droit de
rétention conventionnel à l’énumération des sûretés pour lesquelles le syndic peut être autorisé par
le juge-commissaire à payer une créance antérieure pour retirer le bien concerné. Le créancier
rétenteur peut désormais se prévaloir de la technique du retrait contre paiement.
633
Art. 147, al.1er de l'AUPC, le syndic poursuit seul la vente des marchandises et meubles du débiteur, le recouvrement
des créances et le règlement des dettes de celui-ci.
634
J.-C, JAMES, « Le droit de rétention en droit uniforme africain », Afrique juridique et politique, La revue du
CERDIP, vol. 1, n° 2, juillet- décembre 2002, p. 3.
635
Cf. art 67 de l'AUS.
189
Nous nous réjouissons de ce que le législateur ait, par cette innovation, pris en compte la réforme de
l’AUS. Un bémol existe cependant car il a limité l’application du texte au seul droit de rétention
conventionnel. Limitation qui nous est difficilement explicable car, en pratique, elle risquerait de
créer des complications dont on aurait pu se passer si le législateur avait seulement cité le droit de
rétention sans aucune distinction. L’avenir nous en dira certainement plus.
Dans tous les cas, cette disposition qui s’applique désormais au droit de rétention conventionnel
devrait permettre au créancier rétenteur d’obtenir le paiement individuel de sa créance, dès lors que
le bien retenu présente un intérêt pour la masse. De cette manière, le créancier va pouvoir échapper
à la loi du concours et bénéficier d’un paiement exclusif, indépendamment des dispositions des
articles 166 et 167 de l'AUPC. Le retrait contre paiement permet en outre d'éviter la paralysie qui
pourrait découler de la rétention du bien par un créancier.
443. Le texte s’applique par ailleurs au gage et au nantissement. Son application au gage nous
semble tout à fait logique puisque le gage, du moins avec dépossession, est assorti d’un droit de
rétention réel. Le créancier exerce donc une emprise matérielle sur le bien. En revanche,
l’application de ce texte au nantissement nous paraît surprenante. Les bénéficiaires d'un
nantissement n'ont en effet aucune emprise matérielle sur le bien grevé. De plus, la grande majorité
des créanciers nantis ne sont pas assortis d’un droit de rétention, à l'exception du créancier nanti sur
un compte de titres financiers636. Quoi qu’il en soit, c’est la solution admise par le législateur.
444. L’examen du domaine de l’article 149, alinéa 1er, de l’AUPC étant déterminé, il convient
à présent d’étudier les conditions du remboursement de la dette du créancier.
À l'analyse des dispositions de l'article 149, alinéa 1er, de l'AUPC, deux conditions se
dégagent ; d’une part, l'autorisation du juge-commissaire et, d’autre part, le retrait effectué au profit
de la masse.
445. Comme en droit français, le paiement des créanciers est subordonné à l'autorisation du
juge-commissaire. La demande en remboursement de la dette est introduite sur requête par le syndic
qui joue ici le rôle du liquidateur. Le juge-commissaire qui estime que la demande est justifiée,
autorise alors le syndic à payer le créancier pour retirer le bien concerné. Le texte ne précise pas le
délai dans lequel la demande doit être présentée.
636
Art. 141 de l’AUS.
190
b-2) Un retrait au profit de la masse
637
C’était également le cas en France sous l’empire des législations antérieures à 1985.
638
H. SALEY SIDIBÉ, Le sort des créances postérieures en droit français et en droit de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), op. cit., ns° 29 et 396 et s.
191
Le retrait doit en effet présenter un réel intérêt pour les créanciers de la masse. Nous pensons que la
seule justification au retrait réside dans la différence entre la valeur du bien et le montant de la
dette. En cas de différence considérable, le juge-commissaire a tout intérêt à donner son
approbation. Dans le cas contraire, il devrait refuser l'autorisation au syndic.
448. Au demeurant, l’alinéa 2 de l’article 149 précise que « Si, dans le délai de trois mois
suivant la décision de liquidation des biens, le syndic n'a pas retiré le gage ou le nantissement ou
entrepris la procédure de réalisation du gage ou du nantissement, le créancier gagiste ou nanti peut
exercer ou reprendre son droit de poursuite individuelle à charge d'en rendre compte au syndic ».
Ce texte amène à formuler quelques observations.
D’abord, il en résulte que le législateur autorise la vente de biens gagés ou nantis au cours de la
procédure de liquidation. En revanche, il n’est nullement fait mention du droit de rétention. Cela
peut laisser supposer qu’il est impossible de vendre un bien retenu au cours de ladite procédure.
Ensuite, à la différence du législateur français, le législateur OHADA n’envisage pas la possibilité
d’un report du droit de rétention sur le prix en cas de vente d’un bien gagé.
449. Ce vide juridique est susceptible de paralyser le déroulement des opérations de
liquidation. En effet, le bien retenu ne pouvant être vendu, que faut-il décider lorsque le syndic ne
dispose pas de fonds suffisants pour retirer le bien en contrepartie du paiement du créancier
rétenteur ?
Pour pallier au silence de l’AUPC, on pourrait éventuellement faire application des dispositions de
l’article 70 de l’AUS qui, d’une part, autorise la vente de bien retenu à certaines conditions et,
d’autre part, prévoit que dans ce cas le droit de rétention se reporte sur le prix de vente qui doit être
consigné. Ainsi, même si le texte n’envisage la possibilité de vendre un bien retenu que lorsque
l’état ou la nature périssable dudit bien le justifie, ou encore si les frais occasionnés par sa garde son
hors de proportion avec sa valeur, on pourrait décider que, dans le cadre de la liquidation des biens
la vente du bien retenu est possible lorsqu’il s’agit d’éviter la paralysie de la procédure. De cette
manière, il y a respect des différents intérêts en présence. En effet, on évite le blocage des
opérations de liquidation et on préserve les droits du créancier rétenteur.
En tout état de cause, malgré la réforme de l’AUPC, le législateur OHADA ne s’est pas aligné au
droit français en posant, dans le cadre de la liquidation des biens, l'application du principe du report
du droit de rétention sur le prix. Il ne reste plus qu’à espérer que la jurisprudence se prononce sur la
question. Comme l’indique un auteur639, « Elle peut soit confirmer une fragilisation évidente de la
situation du créancier rétenteur, soit alors s'incliner devant sa supériorité naturelle découlant de
l'emprise matérielle qu'il exerce sur le bien, et qui devrait conduire le syndic à le désintéresser en
639
J.-C. JAMES, « Liquidation des biens dans le droit OHADA des procédures collectives », in Encyclopédie du droit
OHADA, sous la dir. P.-G. POUGOUE, Lamy, 2011, p. 1112, n° 37.
192
priorité s'il souhaite réaliser sa sûreté au profit de la masse des créanciers ». En l'état actuel du droit
commun, nous pensons que si les juges avaient à se prononcer sur cette question, ils pencheraient en
faveur de la reconnaissance de la supériorité du droit de rétention.
450. Enfin, l’alinéa 2 de l’article 149 de l’AUPC prévoit que si dans un délai de trois mois à
compter de la liquidation des biens, le syndic n'a pas retiré le bien gagé ou nanti ou procédé à sa
réalisation, les créanciers gagistes ou nantis peuvent reprendre leur droit de poursuite individuelle à
charge d'en rendre compte au syndic. Si, pour les créanciers nantis et gagistes dépourvus d’un droit
de rétention, ce texte peut avoir un intérêt dans la mesure où ils vont pouvoir faire jouer leur droit
de préférence sur le prix de réalisation du bien, pour les créanciers gagistes avec dépossession,
l’intérêt de ce texte est beaucoup moindre. En effet, s’ils peuvent, eux aussi, se prévaloir d’un droit
de préférence sur le prix de vente, la réalisation du bien gagé s'apparente néanmoins à un
dessaisissement volontaire et, donc, à une perte de leur droit de rétention. De cette manière, ils
renoncent à leur statut de créanciers exclusifs et s’exposent au paiement préférentiel.
451. Nous venons de voir les moyens par lesquels le créancier rétenteur peut obtenir le
paiement en espèces de sa créance, et cela, en dépit de l'interdiction législative de payer les créances
antérieures au jugement d'ouverture. Le désintéressement du créancier se fait donc, qu’il s’agisse du
retrait contre paiement ou du report du droit de rétention sur le prix, par le versement d’une somme
d’argent correspondant au montant de sa créance.
Il existe toutefois un autre moyen permettant au rétenteur d'échapper à l'interdiction législative. Le
créancier peut, en effet, introduire auprès d'un juge-commissaire une demande en attribution du
bien. En cas d’accord, l'attribution judiciaire s'analyse alors comme un paiement en nature, puisque
le créancier sera payé à hauteur de la valeur du bien.
Le paiement en nature s’effectue au moyen d'une demande en attribution judiciaire dont il nous faut
déterminer les bénéficiaires (a) ainsi que les modalités d’attribution (b).
453. Il convient au préalable de noter que, contrairement au paiement en espèces qui se fait à
la demande du liquidateur ou de l'administrateur judiciaire lorsqu'il en a été désigné un, le paiement
en nature s'effectue sur demande du créancier.
193
En droit commun, le créancier gagiste impayé peut solliciter l’attribution judiciaire du bien gagé.
Cette prérogative lui est offerte par l’article 2347 du Code civil qui précise que « Le créancier peut
aussi faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement ». Sauf exclusion expresse
par un texte spéciale, l’attribution judiciaire s’applique à toutes les sûretés classiques, y compris les
hypothèques640 et le gage immobilier641.
En droit des procédures collectives, contrairement au pacte commissoire dont la mise en œuvre est
impossible, l’attribution judiciaire du bien est ouverte au créancier mais uniquement dans la
liquidation judiciaire. L'alinéa 2 de l'article L. 642-20-1 du Code de commerce précise que le
créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la
réalisation, l'attribution judiciaire du bien.
454. Ce texte qui fait référence au seul créancier gagiste peut-il s'étendre au rétenteur
autonome ?
Un fort courant doctrinal avait lié l'attribution judiciaire au droit de rétention642. Pour les partisans
de cette thèse, cette dation en paiement qui assure au créancier l'exclusivité du bien ne se justifie
que par la mainmise effective de son bénéficiaire sur la chose. Aussi, la primauté du droit de
rétention étant admise, l'attribution judiciaire constitue le prolongement naturel qui permet de sortir
de la situation de blocage qu'il engendre.
Un autre courant de doctrine lie, en revanche, l'attribution judiciaire au gage et non au droit de
rétention 643 . L'attribution n'est pas liée au droit de rétention puisqu'elle peut bénéficier aux
créanciers non titulaires d'un droit de rétention. Les défenseurs de cette thèse soutiennent que ce
n'est pas l'attribution judiciaire qui constitue le prolongement du droit de rétention, mais bien
l'inverse étant donné que la rétention est une des techniques qui facilitent l'attribution.
Quant à la jurisprudence, elle s’est prononcée dans un arrêt du 5 avril 1994644. Dans cette décision,
le pourvoi reprochait à la cour d'appel d'avoir subordonné la possibilité d'une attribution judiciaire à
l'existence d'un droit de rétention. Ainsi, même pour la Cour de cassation, les créanciers rétenteurs
non-gagistes ne peuvent solliciter l'attribution judiciaire du bien645.
Nous rejoignons cette dernière position qui consiste à lier l'attribution judiciaire au gage. En effet,
si le législateur – qui jusque-là a toujours pris soin de mentionner le gage et la chose légitimement
retenue – supprime cette dernière précision lorsqu'il est question de l'attribution judiciaire, on
640
Sauf si l'immeuble constitue la résidence principale du débiteur (art. 2458 du Code civil)
641
Art. 2388, al. 2 du Code civil.
642
V. notes F. DERRIDA, diverses notes: D. 1979, p. 354; D. 1985, p. 36; D. 1990, p. 311; G. MARTY, P.
RAYNAUD, Droit civil, Les sûretés, la publicité foncière, 2e édition, par Ph. JESTAZ, Sirey, 1987, n° 98.
643
V. note. MESTRE, Rev. Proc. Coll. 1979, p. 298 ; CHARTIER, note JCP G, 1979, II, 19316 ; Gaz. Pal. 1985, p.
236.
644
Cass. com., 5 avril 1994, n° 90-11.559, Bull. civ. IV, n° 146, p. 116.
645
Cass. com., 9 juin 1998, n° 96-12.719, Bull. civ. IV, n° 181 ; D. Aff. 1998, p. 1323, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E,
1998, 618, n° 12, obs. M. CABRILLAC ; RTD com., 1999, p. 751, obs. A. MARTIN-SERF.
194
pourrait voir dans cette suppression la manifestation d'une réelle volonté d'exclure les rétenteurs
autonomes du bénéfice de l'attribution judiciaire. Nous sommes confortés dans cette analyse par le
droit commun des sûretés qui reconnaît la possibilité de faire une demande en attribution à
l'ensemble des créanciers titulaires d'une sûreté classique, même dépourvue d'un droit de
rétention646. Il faudrait donc considérer que les créanciers rétenteurs non-titulaires d’un gage ne
peuvent demander que le bien leur soit attribué en propriété.
La demande en attribution judiciaire est donc réservée aux seuls créanciers gagistes, rétenteurs ou
non. Au demeurant, cette précision n'a plus lieu d'être depuis que la loi sur la modernisation de
l'économie a conféré un droit de rétention à tous les créanciers gagistes sans dépossession.
Désormais, tous les titulaires d'un gage avec ou sans dépossession bénéficient d'un droit de rétention
au moins fictif647. L'attribution judiciaire est donc liée à la qualité de gagiste et non de rétenteur d'un
créancier.
455. S'agissant des créanciers gagistes, un auteur considère que cette prérogative bénéficie à
tous les titulaires d'un gage quelconque de meubles corporels avec ou sans dépossession et au
titulaire d'un gage immobilier648, puisque le texte ne distingue pas.
Les précisions sur les personnes habilitées à solliciter une attribution judiciaire étant apportées,
analysons maintenant les modalités de cette attribution.
456. La demande en attribution du bien doit être présentée par le créancier lui-même, avant la
réalisation du bien gagé. La jurisprudence précise que cette demande doit avoir lieu avant que
l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le liquidateur à vendre le bien soit passée en force de
chose jugée649. Le créancier qui souhaite éviter la réalisation forcée du bien gagé peut en demander
au juge-commissaire l'attribution en pleine propriété.
457. Le juge-commissaire doit en outre déterminer la valeur du bien. Pour ce faire, il serait
souhaitable de procéder à une expertise. Une fois que le jugement d'attribution judiciaire est rendu,
trois possibilités peuvent se présenter.
D'abord, la valeur du bien est supérieure au montant de la créance. Le créancier doit alors restituer
le surplus au liquidateur. Ensuite, la valeur du bien est inférieure au montant de la créance. Dans ce
cas, le créancier devient chirographaire pour le reliquat. Il va ainsi concourir avec les autres
créanciers au moment du paiement. Enfin, si la créance du gagiste est finalement rejetée en tout ou
646
Cass. ass. plén., 26 octobre 1984, n° 83-10.055, Bull. Ass. plén. n° 6 ; D. 1985, p. 33, conclusion CABANNES, note
F. DERRIDA. Dans cet arrêt la Cour cassait une décision des juges de fond ayant lié l'exercice de l'attribution au droit
de rétention.
647
On peut avoir des créanciers gagistes non rétenteurs, lorsque ceux-ci ont abandonné leur droit, par un
dessaisissement volontaire par exemple.
648
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n°1209.
649
Cass. com., 16 avril 1996, n° 93-208.86, Bull. civ. IV, n° 122 ; JCP E, 1996, I, 584, n° 16, obs. M. CABRILLAC.
195
partie, celui-ci doit restituer le bien au liquidateur. Lorsque le bien a été vendu, c'est sa valeur qui
est restituée, déduction faite du montant de l'admission de la créance.
458. En somme, le créancier qui obtient le bien en propriété suite à une attribution judiciaire
reçoit un paiement exclusif. Il échappe ainsi à la concurrence des autres créanciers, y compris à
ceux qui l'auraient primé sur le prix tels que les supersprivilégiés. En effet, l'attribution judiciaire est
« indépendante des règles concernant l'ordre dans lequel s'exercent sur le prix les divers privilèges
en cas de vente du bien nanti »650.
L'intérêt de l'attribution judiciaire réside en outre dans la libre disposition du bien. En effet, le
créancier qui se voit attribuer la propriété du bien peut ensuite le vendre librement. Il peut donc
éventuellement en tirer un meilleur parti que le liquidateur 651 . Par ailleurs, il a été jugé que
l'attribution judiciaire du gage ne fait pas perdre au créancier son droit de rétention652, contrairement
au cas d'une réalisation entreprise à l'initiative du créancier.
Nous venons de voir comment le rétenteur peut, en droit français, obtenir un paiement en nature.
Mais qu'en est-il en droit OHADA ?
459. L'attribution judiciaire du gage n'est pas réglementée dans l'AUPC. Cependant, elle est
prévue en droit commun des sûretés. L'alinéa 2 de l’article 104 de l’AUS précise que « Le créancier
peut aussi faire ordonner par la juridiction compétente que le bien gagé lui sera attribué en
paiement jusqu'à due concurrence du solde de sa créance et d'après estimation suivant les cours et
à dire d'expert ». A priori, rien ne semble s'opposer à l'application de ce texte au droit des
procédures collectives. Aussi, un auteur a estimé que les créanciers gagistes ou nantis ne retrouvent
leur droit de poursuite individuelle que lorsque le syndic n'a pas, dans les trois mois qui suivent le
jugement de liquidation des biens, retiré le gage ou le nantissement, ou entrepris de réaliser la
sûreté. Ce n'est que dans cette hypothèse que le créancier rétenteur, gagiste ou nanti pourrait
éventuellement profiter de l'inertie du syndic, en sollicitant soit la réalisation forcée du bien, soit
l'attribution judiciaire à due concurrence653. Ainsi, le créancier qui sollicite l'attribution judiciaire du
bien devrait s'adresser au tribunal compétent, en l’occurrence celui qui a ouvert la procédure
collective.
460. Lorsque la juridiction autorise l'attribution judiciaire du bien et si la valeur dudit bien
excède le montant de sa créance, le créancier gagiste doit consigner une somme égale à la
différence, s'il existe d'autres créanciers bénéficiant d'un gage sur le même bien ou, à défaut, verser
650
Cass. com., 12 février 1979, n° 77-12.887, Bull. civ. IV, n° 58; D. 1979, p. 354, note F. DERRIDA ; Cass. com., 6
janvier 1998, n° 95-17.399, Bull. civ. IV, n° 9.
651
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1208.
652
Cass. com., 18 décembre 1990, n° 89-16.260, Bull. civ. IV, n° 329; RTD civ. 1991, p. 573, obs. M. BANDRAC.
653
J.-C. JAMES, « Liquidation des biens dans le droit OHADA des procédures collectives », art. préc., p. 1112, n° 38.
196
cette somme au constituant654. L'AUS ne précise pas ce qu'il y a lieu de faire si la valeur du bien est
inférieure au montant de la créance. Nous pensons, comme en droit français, que le gagiste reste
créancier du reliquat.
S’il est certain que l’alinéa 2 de l’article 104 de l’AUS s’applique au gagiste-rétenteur, rien ne
permet, au contraire, de l’appliquer au rétenteur autonome, sauf si l’on fait une transposition de la
solution admise par une partie de la doctrine française.
461. Quoi qu’il en soit, lorsque l’attribution judiciaire est possible, elle permettra au créancier
d'obtenir un paiement exclusif au détriment des autres créanciers, y compris ceux qui sont
privilégiés. De cette manière, le créancier échappe à la loi du concours.
Mais, en réalité, le silence de l'article 149 de l'AUPC laisse place au doute. Il reste, en effet, difficile
de définir, dans le cadre d’une procédure collective, les modalités d'une attribution judiciaire,
notamment en ce qui concerne les bénéficiaires de la mesure et le moment de l’introduction de la
demande. Là encore, le législateur OHADA a manqué, avec la réforme de l’AUPC, une belle
opportunité d’apporter des solutions à ce propos.
462. En définitive, il convient de retenir qu'aussi bien en droit français qu'en droit OHADA,
le législateur a prévu la possibilité pour le créancier rétenteur d'être payé au cours de la procédure
collective, nonobstant l’interdiction législative de payer les créances antérieures ou postérieures
non-méritantes après le jugement d’ouverture. Les moyens d’obtenir le paiement diffèrent
cependant selon que le sauvetage de l'entreprise soit encore possible ou non. Lorsque le sauvetage
de l'entreprise est envisageable, le paiement des créanciers rétenteurs se fera exclusivement par la
technique du retrait contre paiement. En revanche, dans la procédure de liquidation, le paiement se
fera soit par la technique du retrait contre paiement, soit après la réalisation du bien ou encore son
attribution judiciaire.
463. Il faut ici de remarquer que les récentes réformes intervenues en droit des procédures
collectives aussi bien en droit français qu’en droit OHADA, ont permis aux différents législateurs
de réaffirmer le statut particulièrement enviable du créancier rétenteur.
En effet, avec l’ordonnance du 12 mars 2014, le législateur français a modifié le II de l’article
L. 641-13 du Code de commerce. Le texte qui organise l’ordre de paiement des créances
postérieures éligibles au traitement préférentiel précise désormais que lorsqu’elles ne sont pas
payées à l’échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, sans
préjudice des droits de rétention opposables à la procédure collective. Ce texte, qui vient réparer
une maladresse législative, consacre la sortie du rétenteur gagiste ou non du classement des
654
Art. 105 de l'AUS
197
créanciers655. Le législateur comprend que l’existence d’un droit de rétention est incompatible avec
tout concours. Ainsi, à condition que le droit de rétention soit opposable à la procédure collective, le
créancier rétenteur a vocation à être payé en dehors de tout classement sur le prix de vente des biens
gagés ou retenus.
Le droit OHADA n’est pas en reste. Avec la réforme de l’AUPC, le législateur communautaire
africain, tenant compte de la réforme de l’AUS, consacre l’exclusion du droit de rétention, mais
aussi des droits exclusifs, de tout classement. En effet, l’article 167 de l’AUPC précise que « Sans
préjudicie de l’exercice d’un éventuel droit de rétention ou d’un droit exclusif au paiement, les
deniers provenant de la réalisation des meubles sont distribués dans l’ordre suivant ». Ainsi, le
législateur, avant d’établir l’ordre de paiement des créanciers, prend soin d’en exclure les créanciers
rétenteurs ou munis d’un droit de paiement exclusif.
464. Dans tous les cas, le législateur français conserve cependant une nette longueur d'avance
sur son homologue africain, puisqu'en droit OHADA, le paiement exceptionnel des créanciers
rétenteurs n'est expressement prévu que dans le cadre d'une procédure de liquidation des biens. Ce
retard n'est pas négligeable. Il risque en effet d’être une source de difficultés pratiques. Mais, en
attendant des éclaircissements de la part de la jurisprudence, il faut à présent s’intéresser au
paiement des créanciers propriétaires.
465. Compte tenu de la particularité des propriétés-sûretés, les créanciers restent propriétaires
des biens objets de la garantie. En conséquence, lorsqu’à l’échéance ils ne sont pas désintéressés, ils
peuvent solliciter la restitution du bien. Cette restitution vaut paiement en nature puisqu’elle éteint
la créance à hauteur de la valeur du bien.
Cependant, dans certaines situations, le juge-commissaire peut ordonner le paiement en espèces des
créanciers propriétaires. C’est notamment le cas lorsque le bien objet de la garantie se révèle
nécessaire à l’exploitation de l’activité. Ainsi, comme le rétenteur, le créancier réservataire
(paragraphe 1) et le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté (paragraphe 2) disposent de plusieurs moyens
leur permettant de déroger à la règle de l’interdiction des paiements des créances.
468. L'article L. 624-16, alinéa 4, du Code de commerce précise qu' « Il n’y a pas lieu à
revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement ». Il résulte des
dispositions de ce texte que même lorsque les conditions de la revendication ont été parfaitement
remplies, cette revendication peut être tenue en échec par le paiement immédiat du créancier.
Cette mesure qui semble à l'avantage du créancier vise, en réalité, à protéger les intérêts de
l'entreprise débitrice. En effet, dans cette situation, le paiement du créancier consiste à empêcher la
restitution d'un bien utile à l’entreprise. Notons que ce texte prévu pour la sauvegarde s’applique
également dans les procédures de redressement656 et de liquidation judiciaire657.
469. Toutefois, ce texte vise la revendication sans aucune autre précision. Or, la revendication
n’est pas ouverte au seul créancier réservataire. D’autres propriétaires peuvent revendiquer. C’est
notamment le cas du fiduciaire ou encore du crédit-bailleur 658 . Peut-on alors conclure que les
dispositions de l’article L. 624-16, alinéa 4, s’appliquent indifféremment au réservataire et au
bénéficiaire d’une fiducie ? Le bénéficiaire d’une fiducie peut-il, comme le réservataire, et cela, en
application des dispositions de l’article ci-dessus, obtenir le paiement en espèces de sa créance ?
Avant d’analyser les conditions (b) puis les caractéristiques (c) du paiement en espèces résultant des
dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 624-16, il convient au préalable de déterminer le domaine
d’application de ce texte (a).
470. La lecture des dispositions de l’article L. 624-16 nous amène à formuler quelques
observations.
656
Art. L. 631-18-1 du Code de commerce.
657
Art. L. 641-14, al. 1er du Code de commerce.
658
Art. L. 624-16, al. 1er du Code de commerce.
199
D’abord, il ressort que l’alinéa 4 n’intervient qu’après que le législateur ait expressément admis
l’hypothèse d’une revendication sur des biens meubles vendus avec clause de réserve de propriété,
mais aussi des biens meubles remis à titre précaire ou transférés dans un patrimoine fiduciaire dont
le débiteur conserve l’usage ou la jouissance. Ensuite, l’alinéa 4 de l’article L. 624-16 qui précise
que « Dans tous les cas, il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le
prix est payé immédiatement », nous semble assez imprécis. En effet, le législateur ne donne aucune
indication sur la portée réelle de ce texte. Il se contente de viser la revendication sans aucune autre
précision. Or, d’une part, il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et, d’autre part,
en application de l’alinéa 1er et 2 de l’article susvisé, la revendication est admise aussi bien dans le
cadre d’une clause de réserve de propriété que lorsque des biens ont été transférés dans un
patrimoine fiduciaire. Le fiduciaire, comme le réservataire, a la possibilité de revendiquer lorsque la
fiducie-sûreté659 a été conclue avec une convention de mise à disposition.
Compte tenu de tous ces éléments, on pourrait conclure que l’alinéa 4 de l’article L. 624-16
s’applique à tous les revendiquants. Ainsi, tout propriétaire pour lequel la revendication est admise
devrait pouvoir obtenir paiement de sa créance, dès lors que le bien revendiqué se révèle nécessaire
à l’entreprise. Tel serait le cas non seulement pour le créancier réservataire mais aussi pour le
fiduciaire, ou encore le crédit-bailleur660.
471. Cependant, cette solution n’a pas été admise par la jurisprudence. En effet, dans un arrêt
du 19 juin 2007661 relatif au crédit-bail, la Cour de cassation a considéré que « La faculté prévue à
l'article L. 621-122, alinéa 4, du code de commerce, d'interprétation stricte en ce qu'il déroge à
l'interdiction de payer les créances antérieures au jugement d'ouverture, ne permet pas de
s'opposer à la restitution du bien, objet d'un contrat de crédit-bail, en payant les échéances
antérieures au jugement d’ouverture restées impayés ». La haute Cour avait donc cassé un arrêt
d’une cour d’appel qui avait jugé que « L'alinéa 4 de l'article L. 621-122 du Code de commerce
dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1994, qui paralyse la revendication lorsque le prix est
immédiatement payé, est applicable dans tous les cas où la revendication est possible et notamment
en cas de contrat de crédit-bail et qu'il en résulte que le liquidateur est en droit de lever l'option
d'achat des contrats poursuivis après la liquidation judiciaire et de s'opposer à la revendication en
réglant immédiatement les échéances impayées avant l'ouverture de la procédure collective, ayant
fait l’objet des déclarations des créances ». Il en résulte que la Cour de cassation limite
l’application des dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 624-16 au seul créancier réservataire.
659
Il peut également s’agir d’une fiducie gestion puisque le texte ne distingue pas.
660
V. dans ce sens C. HOUIN-BRESSAND, « Fiducie-sûreté, clause de réserve de propriété, crédit-bail : quelle
protection pour le banquier propriétaire ? », art. préc.,p. 97, note 10.
661
Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-15.447, Bull. civ. IV, n° 166, D. 2007, p. 2363, note E. LE CORE BROLY ; D.
2007, p. 1878, obs. A. LIÉNHARD ; F. PÉROCHON, D. 2009, p. 651 ; JCP G, 2008, I, 117, n° 6, obs. M.
CABRILLAC.
200
Ainsi, même si dans les faits de cet arrêt, il ne s’agissait pas spécialement de la fiducie, nous
pensons que le raisonnement de la Haute juridiction pourrait également justifier l’exclusion de la
fiducie du domaine d’application de l’alinéa 4 de l’article précité.
Dans le même sens, une partie de la doctrine662 limite l’application de ce texte au seul créancier
réservataire. Cette solution se comprend puisque le texte vise le paiement d’un « prix » et non d’une
somme d’argent ou de la créance restant due. Or, le prix fait nécessairement penser au prix de vente.
En effet, traditionnellement la clause de réserve de propriété était limitée au contrat de vente.
L’origine historique de ce texte pourrait donc expliquer sa limitation au seul créancier
réservataire663.
472. Par ailleurs, dans la pratique, le bénéfice d’un paiement en espèces en application du
texte ci-dessus cité est, à notre avis, envisageable surtout pour les créanciers dont le bien ne fait pas
l’objet d’un contrat en cours. Dans cette hypothèse, la restitution du bien intervient, en principe,
immédiatement après la demande en restitution. À l’opposé, lorsque le bien fait l’objet d’un contrat
en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective, la restitution intervient au jour de la
résiliation ou au terme du contrat664. Or, logiquement, le paiement qui intervient pour faire échec à
la revendication vise, en réalité, à empêcher la restitution d'un bien utile. Ainsi, le créancier dont le
bien ne fait pas l'objet d'un contrat en cours a beaucoup plus de chances d’obtenir un paiement
immédiat, en application des dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 624-16. C’est notamment le
cas pour le contrat de vente avec clause de réserve de propriété dont la qualification de contrat en
cours a été refusée par la jurisprudence665. En revanche, pour le créancier dont le contrat est soumis
aux règles relatives à la continuation des contrats en cours, les chances d'obtenir un paiement
immédiat dans ces conditions sont réduites. C’est par exemple le cas du bénéficiaire d’une fiducie
sans dépossession, notamment dans les procédures de sauvetage, puisque la convention de mise à
disposition qui conditionne la revendication est soumise au régime des contrats en cours666. Ainsi, la
restitution du bien est différée à la résiliation ou au terme de la convention. Le débiteur n’est donc
pas contraint de se dessaisir d’un bien utile dans l’immédiat. Rien ne saurait, en effet, justifier la
décision du juge-commissaire qui autoriserait le paiement immédiat du bénéficiaire de la fiducie.
662
V. F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 619 ; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique
des procédures collectives, op. cit., ns° 633.21 et 816.62 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en
difficulté, op. cit., n° 898.
663
C. HOUIN-BRESSAND, « Fiducie-sûreté, clause de réserve de propriété, crédit-bail : quelle protection pour le
banquier propriétaire ? », art. préc., p. 97.
664
Art. L. 624-10-1 du Code de commerce.
665
Cass. com., 5 mai 2004, n° 01-17.201-01-17.590, Bull. civ., IV. n° 81; D. 2004, AJ. p. 1525, obs. A. LIENHARD; D.
2004, somm. p. 2144, obs. LUCAS; Rev. Proc. Coll. 2004, p. 225, obs. Ph. ROUSSEL GALLE ; JCP E, 2004, 1295, n°
51, obs. M. CABRILLAC; D. 2004, somm. p. 2144, obs. F.-X. LUCAS; Act. Proc. Coll. 2004/6, n°1, obs. F.
PÉROCHON.
666
Art. L. 622-13, VI du Code de commerce.
201
473. Un bémol existe cependant en cas de réalisation du bien. Lorsque l'utilité du bien ne
provient plus de son utilisation matérielle, mais des fonds que peut procurer sa vente, le bénéficiaire
de la fiducie pourrait valablement espérer un paiement immédiat. Dans cette situation, il faudrait
d'abord le désintéresser avant de vendre le bien. Le paiement se ferait ici non pas pour empêcher la
restitution du bien, mais pour en obtenir la libre disposition. Par ailleurs, dans la liquidation
judiciaire, la convention de mise à disposition n'est plus soumise au régime des contrats en cours.
Ainsi, lorsque la convention n’est pas continuée, la remise du bien intervient, en principe,
immédiatement après la demande en restitution. Dans ce cas, il serait encore possible d'envisager un
paiement du bénéficiaire de la fiducie, en application des dispositions de l’alinéa 4 de l’article L.
624-16.
Toutefois, cette solution n’étant pas admise par la jurisprudence ni même envisagée par la doctrine,
seul le paiement du créancier réservataire sera retenu ici. Nous verrons donc les conditions de ce
paiement avant d’en étudier les caractéristiques.
474. Le paiement du réservataire dans les conditions prévues par l’alinéa 4 de l’article L. 624-
16 consiste à payer une créance antérieure. C’est pourquoi, il est subordonné à l'autorisation du
juge-commissaire à qui il revient la charge d'apprécier l'opportunité du paiement. Il doit donc juger
de l'utilité ou non du bien pour l'entreprise. Le fait pour le juge-commissaire d’autoriser le paiement
d’une créance antérieure ne fait pas perdre à cette créance son antériorité667.
475. La loi ne le précise pas mais logiquement, la demande d’autorisation de paiement devrait
émaner du débiteur ou de l’organe judiciaire agissant pour son compte, en l’occurrence
l’administrateur ou liquidateur668.
Une fois l'ordonnance d'autorisation rendue par le juge-commissaire, il appartient à l'organe
compétent d'effectuer le paiement. Lorsqu'un administrateur a été désigné, c'est à lui qu'incombe le
paiement du créancier, tant dans la procédure de sauvegarde que dans le redressement judiciaire. En
l'absence d'administrateur, cette tâche revient au débiteur lui-même. Dans la procédure de
liquidation judiciaire, la situation est un peu plus complexe. L’ancien article 121, alinéa 2, de la loi
25 janvier 1985 n’avait donné le droit d’empêcher la revendication qu’à l’administrateur ou au
débiteur669. On pouvait donc considérer que cette mesure, en l’occurrence le paiement du créancier
pour empêcher la restitution du bien, n’était pas possible en liquidation judiciaire. Aujourd’hui, le
législateur ayant supprimé cette précision, plus rien ne s’oppose a priori à l’application de cette
667
Cass. com. 10 mai 2012, n° 11-15.015 ; Inédit.
668
V. en ce sens, P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.62.
669
V. P. CROCQ, « Sauvegarde, redressement et liquidation judicaire. - Situation du vendeur de meuble- Clause de
réserve de propriété- », JCL.com., 6 juin 2015, fasc. n° 2545, ns°123 et s.
202
mesure à la liquidation judiciaire. Dans ce cas, logiquement il reviendrait au liquidateur d’effectuer
le paiement.
476. Aux termes des dispositions de l'article L. 624-16, alinéa 4, le prix doit être payé
immédiatement après l'autorisation du juge-commissaire. Le vendeur réservataire bénéficie donc
d'un paiement immédiat. Mais, plus qu'un paiement immédiat, cette mesure consacre au profit du
créancier réservataire, à notre avis, la possibilité d'un paiement exclusif. Ce paiement s'effectuerait
indépendamment de l'existence des autres créanciers.
Ainsi, lorsque le juge-commissaire souhaite faire obstacle à la restitution d'un bien, le réservataire
devrait être payé indépendemment des autres créanciers, y compris les créanciers superprivilégiés.
De cette manière, il échapperait au paiement concurrentiel.
On pourrait considérer que le créancier devrait bénéficier non pas d’un paiement exclusif, mais
seulement d’une créance postérieure privilégiée. Mais cette solution ne nous convainc pas tout à
fait. À notre sens, cela reviendrait à réduire les droits du créancier réservataire qui, compte tenu de
son statut de propriétaire, devrait recevoir un paiement exclusif et non simplement un paiement
privilégié à l’échéance. Cependant, le paiement peut ne pas être immédiat. C’est le cas lorsque des
délais de paiement ont été octroyés avec le consentement du créancier.
477. L’article L. 624-16, alinéa 4, dispose que « Le juge-commissaire peut également, avec le
consentement du créancier requérant, accorder un délai de règlement ». Les dispositions de ce
texte consacrent la possibilité d’un paiement différé. Ainsi, nous en analyserons les conditions (c-2-
a) puis les conséquences (c-2-b).
Le paiement différé est soumis à une double condition : le consentement du créancier (c-2-a-
1) et l’octroi d’un délai de paiement par le juge-commissaire (c-2-a-2).
203
c-2-a-1) Le consentement du créancier
478. Le délai de paiement doit être accepté par le créancier requérant, quelle que soit la
personne qui en fait la demande. L’originalité de cette mesure mérite ici d’être soulignée. En effet,
des autorisations du juge-commissaire il y en a souvent, mais avec l’accord du créancier, c’est assez
rare. Toutefois, il peut arriver que ce délai lui soit imposé. Dans ce cas, il y a violation des droits du
créancier. Il doit alors former un recours devant le tribunal à l'encontre de l'ordonnance du juge-
commissaire. Faute de recours, le délai de paiement s'impose définitivement au créancier.
479. Le paiement du créancier réservataire n'est pas immédiat lorsqu’un délai de paiement a
été consenti. Le délai doit être sollicité auprès du juge-commissaire par l'organe compétent. Le texte
est cependant incomplet puisqu'il reste muet sur la durée du délai, mais aussi sur la personne
habilitée à le solliciter.
480. Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, la durée du délai de paiement était limitée.
Elle ne pouvait dépasser l’issue de la période d’observation initiale, soit six mois à compter de la
date du jugement d’ouverture. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1994, le délai de
paiement n’est plus limité dans le temps. Mais, en pratique, comme l’affirme un auteur 670, le juge-
commissaire ne devra pas retenir un délai trop long au risque de décourager le créancier, car il n’a
pas le pouvoir d’imposer le délai.
481. Quant à la personne habilitée à solliciter les délais, des auteurs671 considèrent à juste titre
que le débiteur et, le cas échéant, l'administrateur ont certainement cette qualité. En revanche, ils
émettent des réserves sur la reconnaissance de cette qualité au mandataire judiciaire et aux
contrôleurs, car « l’intérêt collectif des créanciers semble plus lointain ». Le débiteur ou,
éventuellement, l'administrateur qui sollicite un délai doit s'assurer qu'il disposera des fonds
nécessaires pour payer le créancier. Il a été jugé que, le non-paiement de la créance du prix, suite à
l'obtention du délai, constitue, en effet, une source d'engagement de leur responsabilité672.
482. Si le délai de paiement est finalement accepté, le texte précise que « Le paiement du prix
est alors assimilé à celui des créances mentionnées au I de l'article L. 622-17 ». Le traitement de la
créance du vendeur réservataire est cependant discuté en doctrine.
670
P. CROCQ, « Sauvegarde, redressement et liquidation judicaire Situations du vendeur de meubles.- Clause de
réserve de propriété-», art. préc., n° 125.
671
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., ns° 362 et 674 ; P.-M. LE
CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.62.
672
CA Paris, 20 septembre 1996, JCP E, 1996, 1147.
204
Un auteur 673 considère que le créancier doit bénéficier de l'intégralité du traitement préférentiel
prévu par l'article L. 622-17 du Code de commerce, à savoir un traitement à l'échéance ou, à défaut,
un traitement par privilège. L’auteur affirme dans ce cas que l’octroi de délai de paiement peut être
considéré, du fait de la fiction juridique, comme une continuation d’un contrat en cours. En
conséquence, le créancier réservataire devrait bénéficier du 2e rang dans le classement figurant aux
articles L. 622-17-III et L. 641-13 du Code de commerce674.
D'autres675 estiment, en revanche, que le créancier réservataire doit bénéficier du seul paiement à
l'échéance et, qu'en conséquence, la créance du créancier réservataire passe, en cas de concours,
après toutes les autres créances mentionnées par l'article L. 622-17.
483. Si cette dernière solution nous semble la plus conforme à la lettre du texte, car le renvoi
opéré par l'article L. 624-16, alinéa 4, uniquement au I de l'article L. 622-17 et faisant référence au
paiement à l'échéance, devrait logiquement conduire à exclure le créancier réservataire du bénéfice
d'un paiement par privilège. Cette solution n’est cependant pas du tout à l’avantage du créancier
réservataire. Elle semble même contraire au traitement qu’il détient de sa qualité de propriétaire.
Ainsi, à moins d’être suicidaire, le créancier n’aura aucun intérêt à octroyer de délai de paiement
puisque cela aura pour conséquence de retarder son paiement ; mais, plus grave encore, de le
soumettre à la loi du concours. Il sera ainsi primé par les créanciers de meilleur rang. Pour
l’encourager, il faudrait que l’effort fourni soit récompensé par un meilleur traitement de sa créance.
484. Dans tous les cas, le créancier réservataire n’aura pas à démontrer, quel que soit le
traitement réservé à sa créance du fait de la fiction légale, qu'il est éligible au traitement préférentiel
en fonction des critères posés par l'article L. 622-17-I 676 . Par ailleurs, même si aucun article
n’envisage l’hypothèse d’un paiement différé dans le cadre d’une liquidation judiciaire, rien ne
semble a priori s’opposer à la transposition des solutions énoncées pour la sauvegarde.
485. En somme, lorsque le bien faisant l’objet d’une clause de réserve de propriété se révèle
utile à l’exploitation de l’activité, le juge-commissaire peut, dans le but de s’opposer à la restitution
de ce bien, autoriser le paiement immédiat du créancier, sauf lorsque ce dernier octroi un délai de
paiement au débiteur. Le créancier qui reçoit ainsi le paiement de sa créance va pouvoir échapper à
la règle de l’interdiction des paiements des créances antérieures.
L'analyse des modalités d'un paiement en espèces du créancier réservataire en droit français étant
effectuée, il sied à présent de se pencher sur le droit OHADA.
673
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.62.
674
Ibid ; F. PÉROCHON, « La revendication favorisée », art. préc., p. 254 ; P. CROCQ, « Sauvegarde, redressement et
liquidation judicaire -Situations du vendeur de meubles.- Clause de réserve de propriété-», art. préc., n° 127 ; Ce rang
concerne : les prêts consentis ainsi que les créances résultant de l’exécution des contrats poursuivis conformément aux
dispositions de l’article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement en différé.
675
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 674.
676
H. LECUYER, « De la détermination du patrimoine du débiteur », LPA, n° sp., 8 février 2006, n° 28, pp. 66 et s. sp.,
p. 69.
205
2- Le paiement en espèces du créancier réservataire en droit OHADA
487. Le texte indique que le paiement s'effectue par le syndic sur autorisation du juge-
commissaire. Le syndic qui agit au nom et pour le compte du débiteur doit donc solliciter l’accord
du juge-commissaire. La réforme de l’AUPC a opéré une modification importante de l’alinéa 4 de
l’article 103. En effet, avant celle-ci, le texte677 ne précisait pas que le paiement était subordonné à
l’autorisation judiciaire. On pouvait alors considérer qu’il revenait au syndic d’apprécier
l’opportunité du paiement.
Désormais, le texte est clair à ce propos. Comme en droit français, le paiement est subordonné à
l’autorisation du juge-commissaire. C’est donc à lui de juger de l’opportunité du paiement ; le but
ici étant de paralyser la revendication en empêchant la restitution du bien revendiqué. Par principe,
le juge-commissaire ne devrait ordonner le paiement du créancier que lorsque ce bien se révèle utile
à l’entreprise débitrice. En cas d’accord du juge-commissaire, le syndic procède au paiement du
créancier. Pour ce faire, il doit s’assurer que l’entreprise dispose des fonds suffisants. Le paiement
ne peut en aucun cas être réalisé par le débiteur lui-même.
Mais alors, quelles sont les caractéristiques de ce paiement ?
677
Art. 103, al. 3 de l’ancien AUPC « Toutefois, s'agissant de marchandises et d'objets mobiliers consignés au débiteur
pour être vendus ou vendus avec clause de réserve de propriété, il n'y a pas lieu à revendication si, avant la restitution
des marchandises et objets mobiliers, le prix est payé intégralement et immédiatement par le syndic assistant ou
représentant le débiteur, selon le cas ».
206
b- Les caractéristiques du paiement en espèces
488. L’alinéa 4 de l’article 103 de l’AUPC précise in fine que « Le prix est payé
intégralement et immédiatement par le syndic après autorisation du juge-commissaire ». Le
paiement en espèces du créancier est donc intégral et immédiat (b-1).
207
B- Le paiement en nature du créancier réservataire
492. L'article L. 624-16, alinéa 4, précise qu’il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision
du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement. L’interprétation a contrario de ces
dispositions laisse supposer que la revendication et, donc à terme, la restitution du bien devraient
avoir lieu lorsqu’à l'échéance de la créance, le prix n'a pas été intégralement payé. Dans ces
conditions, la restitution d'un bien au propriétaire vaut paiement puisqu'elle emporte extinction
d'une obligation au sens de l'article 1235 du Code civil.
493. La restitution du bien peut intervenir de deux manières.
Elle peut d'abord résulter d'une action en revendication. C'est le cas lorsque le contrat portant sur le
bien faisant l’objet d’une réserve de propriété n'a pas fait l'objet d'une publicité ; auquel cas, la
demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution. Ainsi, lorsque l'action en
revendication du réservataire aboutit, elle établit son droit de propriété à l'égard de la procédure
collective. Celui-ci peut alors demander que le bien dont il a conservé la propriété lui soit restitué.
La restitution du bien peut ensuite intervenir directement à la suite d'une demande en restitution. En
effet, le propriétaire d'un bien portant sur un contrat publié est dispensé de faire reconnaître son
droit de propriété. Il n'est donc pas astreint à la revendication678.
Bénéficient de cette dispense, les établissements de crédit-bail dont les contrats sont
systématiquement publiés679, mais aussi de tous les autres contrats ayant fait l’objet d’une publicité
régulière avant le jugement d’ouverture, et en vertu desquels un bien mobilier est remis à titre
précaire au débiteur. La publicité du contrat doit être conforme au registre dont il relève. Cette
678
Art. L. 624-10 du Code de commerce.
679
La publication régulière est la condition de leur opposabilité aux tiers; Art. L. 313-10, R. 313-4 s. du Code monétaire
et financier
208
solution a d'abord été admise par la jurisprudence680 avant d'être consacrée par le législateur681. En
l'absence de règlementation particulière, le propriétaire d'un bien qui souhaite échapper à la
revendication doit faire publier son contrat avant le jugement d'ouverture, et ce, selon les
dispositions de l'article R. 624-15, alinéa 2, du Code de commerce682. Si le contrat ne fait l'objet
d'aucune publicité, la dispense ne joue pas.
494. En définitive, bien que le bien vendu avec une clause de réserve de propriété fasse ou
non l'objet d'un contrat publié, le créancier qui souhaite le récupérer doit faire une demande en
restitution. Celle-ci constitue en effet un préalable obligatoire au paiement en nature du créancier
réservataire (a). Cependant, il existe des situations face auxquelles le paiement en nature des
créanciers se révèle compromis, voire impossible (b).
L'analyse des conditions de la demande en restitution (a-1) précédera celle de ses effets (a-2).
495. Le créancier dont le droit de propriété a été reconnu peut solliciter la restitution de son
bien. Ainsi, aux termes des dispositions de l'article R. 624-14 du Code de commerce, la demande en
restitution faite par le propriétaire est adressée par courrier recommandé avec demande d'avis de
réception à l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Une copie de la demande
doit être transmise au mandataire judiciaire. Faute d'accord dans le délai d'un mois à compter de la
réception de la demande ou en cas de contestation, il peut y avoir saisine du juge-commissaire à la
diligence du propriétaire. Mais, même en l'absence d'une demande en restitution préalable, le juge-
commissaire peut être saisi directement par l'administrateur ou, à défaut, le débiteur. Cela permet
ainsi d'éviter le blocage de la situation en cas d'inertie du propriétaire683.
À la différence de l'action en revendication, l'action en restitution n'est enfermée dans aucun
délai684. L'absence de délai joue aussi bien pour la demande préalable en restitution que pour la
680
Cass. com., 15 mars 2005, n° 00-18550, Bull. civ. IV. n° 60; D. 2005, p.,890, obs. A. LIÉNHARD; JCP E, 2005,
1274, n°16, obs. M. CABRILLAC.
681
Art. R. 624-15 du Code de commerce.
682
Aux termes de cet article, « En l'absence de règlementation particulière, le propriétaire du bien doit avoir fait publier
le contrat avant le jugement d'ouverture, selon le cas, au registre mentionné à l'article R. 313-4 du Code monétaire et
financier ou au registre prévu au troisième alinéa de l'article R. 621-8 du présent code ».
683
Art R. 641-32 du Code de commerce.
684
CA Douai, 6 novembre 2003, Gaz. Pal. 8-10 février 2004, p. 10, note E. LE CORRE-BROLY; Cass. com., 5 juillet
2005, n° 04-11.320 ; Bull. civ. IV, n° 154; D. 2005, AJ, p. 2165, note E. LE CORRE-BROLY et AJ. p. 1999, obs. A.
LIENHARD.
209
saisine directe du juge-commissaire. L'absence de délai constitue un avantage considérable pour les
propriétaires dont les contrats ont été publiés, puisqu'ils échappent à tout risque de forclusion685.
496. Lorsqu'il est fait droit à la demande en restitution, le bien est remis au propriétaire.
Le moment de la remise diffère cependant selon que le bien fait ou non l’objet d'un contrat en cours.
Si le bien ne fait pas l'objet d'un contrat en cours, la restitution effective intervient immédiatement
après que la demande en restitution ait été acceptée. Dans le cas contraire, la restitution effective
interviendra au jour de la résiliation ou du terme du contrat. En effet, le régime des contrats en cours
impose au propriétaire de laisser le bien à la disposition de son cocontractant tant que celui-ci
exécute correctement ses obligations. La restitution ne peut donc avoir lieu tant que le propriétaire
est tenu de laisser le bien à la disposition du débiteur. La restitution différée du bien permet ainsi de
concilier les différents intérêts en présence.
497. Mais la question qui se pose est de savoir si le bien meuble vendu sous clause de réserve
de propriété peut faire l'objet d'un contrat en cours ?
Comme nous l’avons vu, la jurisprudence a clairement répondu par la négative dans un arrêt du 5
mai 2004686. La Cour de cassation a en effet eu l'occasion de préciser qu'« Un contrat de vente de
biens mobiliers dont la propriété est réservée et dont le prix n'est pas payé lors de l'ouverture de la
procédure collective n'est pas un contrat en cours au sens de l'article L. 621-28 du Code de
commerce et que le délai de revendication a pour point de départ la publication du jugement
d'ouverture de la procédure collective ». En décidant de soustraire les contrats de vente mobilière
sous réserve de propriété au régime des contrats en cours, la haute Cour a consacré, de façon
implicite, le principe d'une restitution immédiate au profit des vendeurs réservataires. Ces derniers
ne sont donc pas concernés par la restitution différée du bien. La solution ainsi dégagée par la
jurisprudence joue fortement à l'avantage des vendeurs réservataires.
Pour finir, le régime de la restitution qui est défini par l'article R. 624-14 est applicable dans les
trois procédures par renvoi des articles R. 631-31 et R. 641-31 du Code de commerce.
498. Lorsqu’un prix est dû, la restitution effective du bien vaut paiement du créancier
réservataire. En effet, bien qu'il n'ait reçu aucune somme d'argent, le créancier récupère le bien dont
il est demeuré propriétaire. Cette restitution, qui s'analyse comme un mode d'extinction de la
créance, vaut donc paiement en nature du créancier.
685
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1642: l'auteur atténue cet avantage dans le cas où le
cocontractant du propriétaire a remis le bien à un tiers, soumis ensuite à une procédure collective. Dans ce cas, la
publicité ne sera d'aucun secours au propriétaire, qui sera astreint de revendiquer puisque la publicité n'a pas été au nom
de ce détenteur, mais seulement au nom du propriétaire.
686
Cass. com., 5 mai 2004, n° 01-17.201-01-17.590; arrêt préc.
210
Cependant, le paiement ne se fera qu'à concurrence de la valeur du bien repris. Ainsi, lorsque la
valeur du bien est inférieure au montant de la créance, la différence doit être déclarée au passif de la
procédure687. En revanche, si la valeur du bien est supérieure au montant de la créance, l'excédent
doit être restitué à la procédure collective.
L'analyse qui consiste à voir dans la restitution du bien un mode de paiement en nature des
créanciers à hauteur de la valeur du bien repris provient de la jurisprudence. La Cour de cassation
avait, dans un arrêt du 5 mars 1996, jugé que « La créance du vendeur qui a revendiqué dans la
procédure collective les marchandises vendues avec clause de réserve de propriété et retrouvé le
droit d'en disposer est éteinte à concurrence de la valeur des marchandises reprises ; si cette valeur
excède le solde du prix resté dû lors de l'exercice de l'action, le vendeur doit restituer à l'acheteur
la somme reçue en excédent » 688 . Cette solution a ensuite été confirmée par le droit commun
puisque l’article 2371 du Code civil issu de l’ordonnance du 23 mars 2006 précise qu’« À défaut de
paiement à l’échéance, le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit
d’en disposer. La valeur du bien repris est imputée, à titre de garantie, sur le solde de la créance
garantie. Lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la dette garantie encore exigible, le
créancier doit au débiteur une somme égale à la différence ». Le vendeur payé au moyen de la
restitution du bien retrouve donc le droit d'en disposer librement.
499. La restitution du bien au vendeur réservataire pose en outre le problème du sort réservé
au contrat de vente. La restitution du bien au créancier emporte-t-elle résolution du contrat de vente
? La jurisprudence qui refusait d'analyser la réserve de propriété comme sûreté689 avait considéré
que la restitution du bien au créancier emportait résolution du contrat de vente. Dans ce cas, le
vendeur était tenu de restituer les acomptes perçus690.
Mais la jurisprudence a évolué et a fini par reconnaître la nature de sûreté à la réserve de
propriété691. Elle a ensuite tiré les conséquences d'une telle analyse en posant comme règle que le
jeu de la clause de réserve de propriété n'avait pas pour effet d'entraîner la résolution du contrat de
vente692. On peut, en conséquence, déduire que les vendeurs n'ont plus à restituer les acomptes
perçus. Cependant, comme nous l’avons vu, le propriétaire ne peut appréhender la valeur du bien
grevé que dans la limite de sa créance693.
687
Cass. com., 1er octobre 1985, n° 84-15.038, Bull. civ. IV, n° 223.
688
Cass com, 5 mars 1996, 93-12.818, Bull. civ. IV, n° 72; RTD civ. 1996, p. 443, obs. P. CROCQ ; JCP E, 1996, I,
584, n° 11, obs. M. CABRILAC; D. 1996, somm. p. 222, obs. F. PÉROCHON.
689
C. SAINT-ALARY-HOUIN « Rapport de synthèse », art. préc., p. 45.
690
CA Versailles, 20 mai 1987, D. 1988, somm. p. 8, obs. F. DERRIDA; Rev. Proc. Coll. 1987/4, p. 72, obs. B.
SOINNE; CA Bordeaux, 27 février 1990, D. 1990, p. 191, note F. PÉROCHON.
691
Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20.811, arrêt préc ; Cass. com., 23 janvier 2001, n° 97-21.660, arrêt préc.
692
Cass. com., 1er octobre 1985, arrêt préc; D. 1986, IR. 169, obs. F. DERRIDA; D. 1986, p. 246, note M.
CABRILLAC,; Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20-811, Inédit; RTD civ. 1996, p. 441, obs. P. CROCQ.
693
Cass. com., 23 janvier 2001, n° 97-21.660, Bull. civ. IV, n° 23; RTD com. 2001, p. 218, obs. A MARTIN-SERF.
211
500. En définitive, la restitution effective du bien au créancier réservataire doit
nécessairement s'accompagner d'une détermination de la valeur dudit bien. Une fois la valeur
déterminée, il faut ensuite la comparer au prix restant dû.
La jurisprudence pose en règle que pour apprécier si la valeur du bien restitué excède le prix du
solde restant dû, il faut considérer la fraction du prix convenu entre les parties demeurée impayée,
indépendamment d'une déclaration de créance totale ou partielle 694 . Cette mesure est cependant
cantonnée à l'hypothèse d'une procédure de liquidation judiciaire. Ainsi, lorsqu'un bien vendu sous
clause de réserve de propriété ne fait l'objet d'aucune réclamation, il peut être vendu à l'expiration
du délai d'un mois, après l'envoi d'une mise en demeure au propriétaire. La mise en demeure est
faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au dernier domicile connu
du propriétaire. En l'absence de réponse du propriétaire, le bien est vendu par le liquidateur. Le prix
de la vente est alors consigné à la Caisse des dépôts et consignations et, après déduction des frais, il
est tenu à la disposition du propriétaire. Après la clôture de la procédure, le montant consigné est
remis, à sa demande, au créancier ou à ses ayants droit. Il s'agit, là encore, d'une mesure qui protège
les réservataires puisque ces derniers vont, dans cette hypothèse, bénéficier d'un paiement hors
concours.
Certaines circonstances peuvent cependant perturber la restitution effective du bien au créancier,
nous les qualifions d'obstacles au paiement en nature.
501. Il peut arriver que la restitution effective du bien soit devenue impossible. C'est
notamment le cas lorsque le bien vendu a disparu après le jugement d'ouverture, alors que son
existence était établie à cette date (b-1). Dans cette situation, les créanciers réservataires ne peuvent
plus bénéficier d'un paiement en nature. Le paiement se fera alors par le versement d'une somme
d'argent. En outre, même lorsque le bien vendu n'a pas disparu, le paiement en nature des
réservataires peut être compromis en cas de pluralité de revendiquants. Il faut alors déterminer au
profit de quel revendiquant se règlera le conflit (b-2).
694
Cass. com., 1er avril 2008, n° 07-11.726, Bull. civ. IV, n° 74; D. 2008, AJ. p. 1142; JCPE, 2008, 2062, n° 12, obs.
M. CABRILLAC; RTD com. 2008, p. 623, n° 2, obs. A. MARTIN-SERF; Rev. Proc. Coll. 2008, p. 46, n° 152, note
MONSÉRIÉ-BON.
212
S'agissant de la revente du bien, il faut distinguer selon qu’elle est réalisée par un organe de la
procédure ou par l'acquéreur-débiteur. Comme nous l'avons vu695, en cas de revente du bien par
l'acquéreur en principe in bonis, donc avant le jugement d’ouverture, le droit de revendiquer se
reporte sur la créance du prix subrogée au bien. Le vendeur doit alors revendiquer le prix de
revente, sans qu'il y ait lieu de distinguer si le prix a été ou non payé avant la demande en
revendication696. Au moment de la restitution, c'est ce prix qui doit être versé au créancier. En effet,
l’article R. 624-16 précise qu’« En cas de revendication du prix des biens en application de l’article
L. 624-18, les sommes correspondantes payées par le sous-acquéreur postérieurement à l’ouverture
de la procédure doivent être versées par le débiteur ou l’administrateur entre les mains du
mandataire judiciaire. Celui-ci les remet au créancier revendiquant à concurrence de sa créance ».
En principe, cette vente s'effectue antérieurement au jugement d'ouverture, puisqu’un débiteur
faisant l’objet d’une procédure collective ne peut lui-même procéder à la vente des biens.
En revanche, lorsque la vente est réalisée postérieurement au jugement d'ouverture par un organe de
la procédure, on considère qu'elle est faite dans l'intérêt de l'entreprise débitrice. Aussi, en tenant
compte des droits du créancier, la jurisprudence697 impose une affectation des sommes perçues au
paiement de la créance du vendeur réservataire. Bien plus qu'une créance postérieure privilégiée au
sens de l'article L. 622-17-1, le créancier devrait, dans ce cas, bénéficier d'un paiement exclusif de
tout concours.
Cependant, la jurisprudence avait, avant cette solution, antérieurement décidé qu'en cas de vente du
bien par le liquidateur, le vendeur réservataire était titulaire d'une créance garantie par l'article L.
622-17-1. Le vendeur réservataire était donc créancier d’une dette éligible au traitement
préférentiel. Comme le créancier qui octroie un délai de paiement, sa créance était alors assimilée à
une créance postérieure éligible au traitement préférentiel698.
503. Le paiement en nature des créanciers réservataires peut, en outre, être compromis par
l'existence d'autres créanciers se prévalant des droits sur le même bien.
695
Chapitre précédent : v. revendication du prix de revente (ns° 324 et s.)
696
Cass. com., 3 décembre 2003, n° 00-15.929, Bull. civ. IV, n° 191 ; D. 2004, p. 140, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E,
2004, 783, n° 12, obs. M. CABRILLAC.
697
Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-18.638, Bull. civ. IV, n° 5; JCP E, 2000, p. 701, n° 7, obs. M. CABRILLAC ; V.
aussi Cass. com., 26 novembre 2002, n° 01-03.980, Bull. civ. IV. n° 176 ; RTD com. 2003, p. 570, obs. A. MARTIN-
SERF.
698
Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069, Bull. civ. IV, n° 70; D. Aff. 1997, p. 510; Dr. et patr., juin 1997, p. 85, obs.
M-H. MONSÉRIÉ.
213
b-2) Les conflits entre les créanciers : un frein au paiement en nature des créanciers
réservataires
Il existe plusieurs types de confits. D'abord, ceux qui opposent le créancier réservataire à
d'autres créanciers (les conflits externes), (b-2-a), ensuite ceux qui opposent les réservataires entre
eux (les conflits internes), (b-2-b).
699
Cass. com., 14 novembre 1989, 88-11.790, Bull. civ. IV, ns° 290 ; Cass. com., 28 novembre 1989, n°87-19.626,
Bull.civ. IV, n° 300.
700
CA Paris, 4 février 2000, RJDA, 200/9-10, n° 894.
701
Cass. com., 20 juin 1989, JCP E 1990, II, 15668, n° 14, obs. M. CABRILAC; D. 1989, p. 431, note F. PÉROCHON;
RTD com. 1989, p. 702, obs. M. CABRILLAC et note A. MARTIN-SERF.
702
CA Paris, 3 février 1988, Gaz. Pal. 1988, 1, p. 12, Conc. SAUVEL, note GARNIER et LEBOND.
214
complet paiement du prix stipulé ». Le créancier réservataire l'emporte donc sur le cessionnaire
Dailly, dès lors que le sous-acquéreur n'a pas encore payé le cessionnaire703.
506. La solution est la même en cas d'affacturage. Le créancier réservataire l'emporte sur
l'affactureur, lorsqu’il revendique la créance du prix de revente entre les mains du sous-
acquéreur 704 . Mais lorsque la créance du prix de revente a déjà été versée à l’affactureur, la
revendication est admise seulement si le vendeur réservataire prouve que le paiement effectué par le
sous-acquéreur est intervenu après le jugement d’ouverture. À défaut, la revendication du prix de
revente n’est plus possible, seule est admise la revendication du prix dû au jour du jugement
d’ouverture.
507. Cette situation est surtout envisageable lorsque la revendication porte sur des biens
fongibles. En effet, lorsqu'il n'est pas question de biens fongibles, un conflit ne peut véritablement
se poser, et cela, en raison de l'exigence d'identification du bien. Il suffit pour le créancier qui
souhaite revendiquer de prouver qu'il est le véritable propriétaire du bien. Ainsi, au moment de la
restitution effective, le bien lui sera remis a priori sans aucune difficulté, dès lors que toutes les
conditions de la revendication ou de la restitution sont remplies.
En revanche, lorsque la revendication porte sur des biens fongibles, des conflits peuvent exister.
Faute d’identification, plusieurs vendeurs peuvent en effet revendiquer les mêmes marchandises
vendues au débiteur-acheteur. Le problème va se poser surtout lorsque les biens qui se trouvent
entre les mains du débiteur ne peuvent suffire à désintéresser tous les revendiquants. Au profit de
quel revendiquant doit-on alors résoudre le conflit ?
508. Comme nous l'avons vu précédemment 705 , plusieurs solutions doctrinales ont été
proposées pour la résolution de ce type de conflits. Mais, quelle que soit la solution retenue, le
paiement en nature du créancier réservataire reste incertain.
Si on opte pour la solution qui règle le conflit au profit du premier revendiquant706, rien ne garantit
que le bien grevé soit restitué à son véritable propriétaire. En effet, la remise des marchandises au
vendeur réservataire plutôt qu'à un autre revendiquant repose sur un critère subjectif. En
conséquence, la restitution effective des marchandises au véritable propriétaire demeure aléatoire.
Si, en revanche, comme la majorité de la doctrine707, on opte pour une répartition proportionnelle
703
Cass. com., 10 juillet 2001, Act. Proc. Coll. 2001/4, p. 1, n° 181, obs. D. MAINGUY.
704
Cass. com., 26 avril 2000, Bull. civ. IV, n° 89; Cass. com., 15 mars 2005, D. 2005, AJ, 1351, obs. A .LIÉNHARD;
RTD com. 2006, p. 185, obs. B. BOULOC et 2007, p. 235, obs. A MARTIN-SERF.
705
V. chapitre précédent sur la revendication des biens fongibles (ns°321 et s.)
706
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n° 1942.
707
F. PÉROCHON, « La revendication favorisée », art. préc., p. 251; M.-J. CAMPANA, « Les revendications après la
réforme du 10 juin 1994 », art. préc., p. 197 ; REVET, RTD civ. 2002, p. 327; M. LAROCHE, Revendication et
propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, op. cit., ns° 344 et s.
215
des marchandises entre les revendiquants, le risque ici est que la valeur des marchandises restituées
ne soit largement inférieure à la valeur des marchandises initialement vendues à l'acheteur. En
conséquent, le véritable propriétaire, contraint de subir une répartition proportionnelle, aura un
paiement en nature limité puisque celui-ci se fait à hauteur des marchandises remises.
509. En somme, les conflits internes ou externes constituent, à n'en point douter, un obstacle
au paiement en nature du créancier réservataire. En effet, à défaut d'une restitution incertaine, le
créancier réservataire court au moins le risque d'un paiement partiel du fait d'une répartition
proportionnelle des marchandises entre plusieurs revendiquants.
Nous venons de voir de quelle manière le créancier réservataire français peut obtenir le paiement en
nature de sa créance. Ce mode de paiement qui se fait par la restitution effective du bien suscite
néanmoins quelques difficultés pratiques. En sera-t-il de même pour le créancier réservataire
africain ?
510. Aux termes de l'article 103, alinéa 4, de l'AUPC, il n'y a pas lieu à la revendication si,
avant la restitution des marchandises et objets mobiliers, le prix est payé par le syndic. À l’instar du
droit français, un raisonnement a contrario conduit à considérer que, lorsque le créancier n’a pas
exceptionnellement reçu un paiement pour empêcher la restitution du bien, d’une part, et qu’à
l’échéance de la dette il n’est pas totalement désintéressé, d’autre part, il doit pouvoir réclamer que
le bien lui soit restitué. Cette restitution vaut donc paiement en nature puisqu’elle devra éteindre la
créance à hauteur de la valeur du bien. Ainsi, nous analyserons les conditions (a) puis les effets du
paiement en nature du créancier réservataire (b).
511. Bien que le nouvel article 101-3 aborde désormais la question de la restitution du bien, le
texte reste, en revanche, assez imprécis sur les modalités de la demande en restitution. En effet,
après avoir indiqué que « Le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de
propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité »708, l’alinéa 2 du même
article précise qu’« Il peut réclamer la restitution de son bien par lettre au porteur contre récépissé
ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace
écrite adressé au syndic qui peut acquiescer à cette demande ». Le propriétaire qui à l’échéance de
la créance n’est pas payé, peut donc solliciter la restitution de son bien auprès du syndic. Comme en
708
Le législateur rejoint ainsi la position d’un auteur qui avait suggéré d'appliquer la solution prévue en droit français,
laquelle consiste à dispenser le propriétaire du bien de faire reconnaître son droit de propriété que lorsque le contrat
portant sur ce bien a été régulièrement publié ; V. J.-R. GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte
uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit
français, op. cit., n° 189.
216
doit français, la restitution du bien est à l’initiative du créancier. De même, la demande en
restitution n’est enfermée dans aucun délai. Mais, à la différence du droit français, le texte ne
précise pas que la demande en revendication emporte demande en restitution. On pourrait donc
considérer que le propriétaire dont le contrat n’est pas publié et qui a exercé une demande en
revendication, n’est pas tenu d’exercer une demande en restitution. De cette manière, la restitution
du bien devrait intervenir immédiatement après la revendication sans aucune formalité
supplémentaire, lorsqu’évidemment la créance est devenue exigible.
512. Dans tous les cas, lorsque le créancier fait une demande en restitution auprès du syndic,
il peut, à défaut d’accord dans le délai de trente jours à compter de la réception de la demande ou en
cas de contestation, saisir le juge-commissaire afin qu'il soit statué sur ses droits709. Là encore, le
fait que le législateur communautaire africain710 ne se soit pas encore prononcé sur le sort du contrat
de vente avec clause de réserve de propriété au regard des règles de la continuation des contrats,
pose problème.
À quel moment donc la restitution effective du bien interviendra-t-elle ?
Pour pallier au vide juridique, les solutions du droit français pourraient s’appliquer. Ainsi, le
créancier lié au débiteur par un contrat en cours ne se verra restituer le bien qu'au moment de la
résolution ou du terme du contrat. En revanche, la restitution du bien aura lieu immédiatement
lorsque le contrat n’est pas en cours. Mais quel que soit le moment de la restitution du bien, celle-ci
devra nécessairement produire un effet de paiement.
513. Lorsqu’un prix est encore dû au réservataire, la restitution du bien s'analyse comme un
mode de paiement en nature. Par analogie au droit français, on peut considérer que la créance
s'éteint à hauteur de la valeur du bien remis. Cela suppose que la valeur du bien doit préalablement
être déterminée. Si la valeur du bien est inférieure au montant de la créance, le créancier
réservataire devient chirographaire pour le solde. Il doit alors produire sa créance au passif du
débiteur, à condition tout de même qu’il soit encore dans les délais ; sinon, il encourt la forclusion.
En revanche, si la valeur du bien est supérieure au solde impayé, le créancier doit, pour éviter tout
enrichissement sans cause, restituer l'excédant.
514. Mais, en droit OHADA, la restitution du bien au créancier fait naître un problème qui a
déjà été résolu en droit français. Il se pose en effet la question de savoir si le revendiquant, et
notamment le vendeur réservataire, qui récupère son bien est tenu de restituer les acomptes versés
par le débiteur ?
709
Art. 101-3, al. 3 de l’AUPC.
710
Encore moins la jurisprudence africaine.
217
Une partie de la doctrine711 considère que lorsque la revendication ou l'action en restitution aboutit,
le vendeur réservataire doit restituer les acomptes perçus. Ainsi, pour un auteur712, la réponse à cette
question est fonction du fait de savoir si la défaillance de l'acquéreur entraine la résolution ou la
caducité du contrat de vente. En matière de clause de réserve de propriété, le paiement du prix
constituant une condition suspensive pour le transfert de la propriété, la défaillance du débiteur
entraîne la caducité de la vente713.
Cette solution est toutefois contraire à la logique du droit français. En effet, la clause de réserve de
propriété étant reconnue comme une sûreté, la jurisprudence a jugé que la restitution du bien n'a pas
pour effet d'entraîner la résolution du contrat de vente714. En conséquence, le créancier n'a pas à
restituer les acomptes qu'il a perçus du débiteur. Aussi, la solution dégagée par la doctrine africaine
nous paraît bien surprenante, puisque depuis la réforme de l’AUS, en décembre 2010, la clause de
réserve de propriété est reconnue en droit OHADA comme une sûreté réelle. Logiquement, la
revendication ou la restitution du bien n’entraînant plus la résolution de la vente, le créancier ne
devrait plus restituer les acomptes versés par le débiteur.
515. La restitution des acomptes soulève par ailleurs le problème du versement des
dommages-intérêts au vendeur réservataire. Se pose en effet la question de savoir si les acomptes
peuvent êtres compensés avec les dommages-intérêts éventuellement réclamés par le vendeur
réservataire en raison, par exemple de la dévaluation des marchandises ou des perturbations de la
trésorerie du vendeur dues ou non-respect des échéances. Par ailleurs, on peut également
s’interroger sur la possibilité pour le vendeur réservataire de retenir une partie des acomptes en
contre partie de la jouissance du bien par l'acheteur. Pour y répondre, un auteur a soutenu que les
acomptes versés par l'acheteur pourraient représenter la contrepartie de sa jouissance715. L'acquéreur
à crédit du bien qui en a fait usage doit au moins payer la jouissance de la chose. Une autre solution
serait d'insérer une clause dans le contrat de vente qui stipule que les acomptes versés seront
conservés par le vendeur à titre d'indemnité716.
516. Le vide juridique existant en la matière nous permet de considérer que si un jour la
CCJA est amenée à se prononcer sur ces questions, elle pourrait faire application des solutions en
711
Y. R. KALIEU ELONGO, « Propriété retenue ou cédée à titre de garantie », in Encyclopédie du droit OHADA, sous
la dir. P.-G. POUGOUE, Lamy, 2011, p. 1446, n°15; M. BROU KOUAKOU, « La protection des vendeurs de biens
avec clause de réserve de propriété dans les procédures collectives: l'apport du traité OHADA », art. préc., p. 313 ; A.
MINKOA SHE, Droit des sûretés et des garanties du crédit dans l'espace OHADA, op. cit., n° 808.
712
M. BROU KOUAKOU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les
procédures collectives: l'apport du traité OHADA », art. préc., p. 315.
713
Ibid.
714
Cass. com., 1er octobre 1985, n° 84-12.015, Bull.civ, IV, n° 222, arrêt préc; D. 1986. IR. 169, obs. F. DERRIDA ; D.
1986. 246, note M. CABRILLAC ; Cass. Com., 9 mai 1995, n° 92.20-811, Inédit; RTD civ. 1996, p. 441, obs. P.
CROCQ.
715
E. SOUPGUI, « La protection du créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique
OHADA », art. préc., p.35.
716
A. MINKOA SHE, Droit des sûretés et des garanties du crédit dans l'espace OHADA, op. cit., n° 808.
218
vigueur en droit français et juger que le vendeur réservataire n’a plus à restituer les acomptes perçus
puisque le jeu de clause de réserve de propriété, en tant que sûreté, n’entraîne pas la résolution du
contrat de vente. De cette manière, elle règlerait toutes les difficultés pouvant résulter de la
restitution des acomptes.
Mais, en attendant, en droit OHADA comme en droit français, le paiement en nature du réservataire
demeure, sauf mauvaise foi du sous-acquéreur, impossible lorsque le bien a été revendu. En cas de
revente du bien à un sous-acquéreur avant le jugement d'ouverture, c'est le prix de la créance
subrogée au bien qui devra être remis au créancier. En outre, le législateur OHADA n'a pas prévu
l'hypothèse d’une vente du bien par le syndic. Mais, là encore, on pourrait considérer qu'en cas de
vente du bien par l'organe de la procédure, le créancier doit bénéficier d’un traitement privilégié
puisque la vente s'effectuera certainement dans l'intérêt de la masse.
517. En définitive, la restitution effective du bien constitue un véritable moyen pour le
réservataire d’obtenir le paiement de sa créance. Cependant, à la différence du paiement en espèces
qui, en principe, est intégral et immédiat, le paiement en nature ne se fait qu’à l’échéance de la
créance garantie et à hauteur de la valeur du bien. Dans tous les cas, le créancier réservataire
français ou africain dispose de véritables moyens pour échapper à la règle de l’interdiction des
paiements des créances et, de ce fait, obtenir le paiement individuel de sa créance au cours de la
procédure collective.
Qu’en est-il alors du créancier bénéficiaire d’une fiducie-sûreté ?
519. À l’instar des autres créanciers munis de sûretés réelles exclusives, le bénéficiaire d’une
fiducie-sûreté dispose, en droit français, de plusieurs moyens lui permettant d'échapper à règle de
l'interdiction des paiements des créances. D’une part, un paiement en espèces et immédiat réalisé
dans l'intérêt de l'entreprise débitrice (1) et, d’autre part, un paiement en nature, dans l’intérêt du
créancier, n’intervenant qu’à l’échéance de la créance garantie (2).
219
1- Le paiement en espèces du bénéficiaire d’une fiducie-sûreté
520. Nous avons vu que le bénéficiaire de la fiducie ne peut, a priori, se prévaloir des
dispositions de l’article L. 624-16, alinéa 4. Aucun paiement immédiat sur autorisation du juge-
commissaire ne devrait donc intervenir pour empêcher la restitution des biens fiduciaires. Toutefois,
le créancier dispose d’autre moyen lui permettant d’obtenir le paiement en espèces de sa créance en
dépit de l’ouverture d’une procédure collective. En effet, parmi les exceptions posées au principe de
l'interdiction des paiements des créances antérieures, on retrouve l’article L. 622-7-II, alinéa 2, qui
précise que le juge-commissaire peut, pour obtenir le retour des biens et droits transférés à titre de
garantie dans un patrimoine fiduciaire, autoriser le débiteur à payer des créances antérieures au
jugement d'ouverture. Il en résulte que le fiduciaire peut être contraint de se dessaisir des actifs
transférés en contrepartie du paiement de la créance.
Nous analyserons donc les conditions du retour contre paiement (a) avant d’en déterminer les
bénéficiaires (b).
521. Le retour contre paiement est soumis aux mêmes conditions que le retrait contre
paiement717. Comme pour le créancier rétenteur, le juge-commissaire n'autorisera le paiement du
créancier bénéficiaire que lorsqu'il sera justifié par la poursuite de l'activité du débiteur. Lorsque le
juge-commissaire statue sur la demande d'autorisation, le greffier doit convoquer le débiteur,
l'administrateur, s'il en a été désigné, et le mandataire judiciaire.
Conformément aux dispositions réglementaires qui visent les créanciers titulaires de sûretés réelles
spéciales sur les biens dont la vente est envisagée, un auteur718 a considéré que la convocation du
créancier auquel le retour est imposé paraît nécessaire, même si la vente du bien dont le retour est
demandé n'est pas envisagée. Lorsque la demande lui semble fondée, le juge-commissaire autorise
l'organe compétent719 à payer la créance du bénéficiaire de la fiducie-sûreté
522. Il existe toutefois une différence notable dans le paiement de ces deux catégories de
créanciers. Alors que le créancier rétenteur peut se prévaloir du retrait contre paiement dans toutes
les phases de la procédure collective, et même dans la liquidation judiciaire. Pour le bénéficiaire de
la fiducie-sûreté, le retour contre paiement n’est possible que dans les procédures de sauvetage720.
En effet, l'article L. 641-3 du Code de commerce ne prévoit pas, dans le cadre de la liquidation
717
V. ns° 410 et s.
718
P.-M. LE CORRE, « La règle de l'interdiction des paiements au lendemain de l'ordonnance du 18 décembre 2008»,
Gaz. Pal., mars-avril 2009, du 8 au 10 mars 2009, Doctr., pp. 810 et s.
719
Il s'agit du débiteur ou, le cas échéant, de l'administrateur.
720
En redressement judiciaire son application résulte du renvoi opéré par l’article L. 631-14, al. 1er du Code de
commerce.
220
judiciaire, l'hypothèse d'un retour contre paiement. Le paiement du créancier bénéficiaire se fera
alors par d'autres moyens.
Toutefois, le problème qui se pose ici est surtout celui de la détermination des bénéficiaires de la
mesure.
523. Tout bénéficiaire d'une fiducie peut-il se prévaloir de la technique du retour contre
paiement ? Une réponse négative s’impose. Il résulte des dispositions de l’article L. 622-7-II, alinéa
2, que les biens ou droits doivent avoir été transférés dans un patrimoine fiduciaire à titre de
garantie. Il en résulte que le retour contre paiement n’est envisageable qu’en présence d’une fiducie
avec création d’un patrimoine d’affectation, d’une part, et, d’autre part, il doit s’agir d’une fiducie-
sûreté, c’est-a-dire d’un transfert fiduciaire pour garantir le paiement de créance.
La mesure ne s’applique donc pas à la fiducie-gestion puisqu’il n’y a aucun paiement attendu du
constituant721. Elle ne s’applique pas non plus aux autres fiducies sans création d’un patrimoine
d’affectation, notamment la cession Dailly.
524. Cependant, tout le problème n’est pas résolu. Il se pose encore la question de savoir si la
mesure s’applique uniquement dans l’hypothèse d’une fiducie-sûreté avec dépossession du
constituant. De prime à bord, on pourrait considérer que le retour contre paiement ne s’applique
qu'en présence d'une fiducie-sûreté avec dépossession du constituant. Le débiteur n'ayant pas
conservé l'usage ou la jouissance des biens en vertu d'une convention de mise à disposition, il faut,
pour obtenir le retour de ces biens dans le patrimoine du débiteur, payer préalablement le créancier
bénéficiaire. Ce paiement ne se fera toutefois qu'à condition que les biens retenus dans un
patrimoine fiduciaire soient nécessaires à la poursuite de l'activité.
C'est en tout cas la position défendue par le professeur LE CORRE 722. L’auteur considère que la
règle du retour contre paiement « n'a vocation à jouer que si les biens et droits sont effectivement
entre les mains du fiduciaire, le débiteur n'en ayant plus l'usage ou la jouissance ». L'auteur estime
qu'en présence d'une convention de mise à disposition, il faut se référer à l'action en revendication.
Dans le même ordre d’idées, le professeur PÉROCHON723, après avoir indiqué que l’article L. 622-
7, II, alinéa 2 « régit potentiellement toute fiducie-sûreté, que le débiteur ait ou non la jouissance
des actifs fiduciaires » considère que le retour qu’il s'agit d'obtenir grâce au paiement peut
s'entendre du seul transfert ou de la rétrocession des biens et droits au constituant, lorsque ce dernier
est le bénéficiaire du contrat de fiducie. L’auteur affirme par ailleurs que, compte tenu des
721
Rapport au Président de la République sur l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, JO 19 décembre 2008,
Titre I, chap. II-3. art. 22.
722
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.54.
723
F. PÉROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art préc, p. 658.
221
dispositions sur les contrats en cours, « la faculté de retour contre paiement est même surtout utile
lorsque le débiteur ne détient pas le bien et qu’il envisage de le réaffecter ». En revanche, le
professeur MACORIG-VENIER724 estime que le retour contre paiement doit s'appliquer à toutes les
fiducies-sûretés, même sans dépossession, dès lors que le bien objet de la garantie présente une
utilité pour la poursuite de l'activité725.
Nous rejoignons la position défendue le dernier auteur cité. À notre avis, le retour contre paiement
devrait s'appliquer à toutes les fiducies-sûretés, peu important que le débiteur constituant ait été
dépossédé ou non. Comme pour le droit de rétention fictif, on peut considérer que le bénéficiaire
d'une fiducie-sureté sans dépossession peut se prévaloir du retour contre paiement, uniquement dans
l'hypothèse où l’on entend réaliser les biens transférés dans un patrimoine fiduciaire. Ainsi, il
faudrait désintéresser le créancier bénéficiaire avant de procéder à la réalisation. Les biens dont on
envisage ainsi la vente doivent être libérés de toute emprise juridique. En outre, le paiement des
créanciers étant conditionné par l'utilité du bien à l'entreprise, celle-ci devra, le cas échéant,
découler de l'apport en trésorerie procuré par la vente du bien et non plus simplement de son
utilisation matérielle, puisque les biens ont été laissés entre les mains du débiteur. De cette manière,
le débiteur qui n'avait conservé qu'un droit d'usage ou de jouissance sur le bien peut, dans ces
conditions, obtenir le droit d'en disposer.
Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que le retour contre paiement, dont le caractère assez récent
doit être souligné 726 , se conçoit plus facilement dans l'hypothèse d'une fiducie-sûreté avec
dépossession du constituant. Le paiement du créancier par le mécanisme du retour contre paiement
met fin au transfert fiduciaire. Les biens ou droits transférés retrouvent ainsi leur patrimoine
d'origine.
525. Cependant, en présence d'une fiducie-sûreté rechargeable, le retour des biens dans le
patrimoine du débiteur peut être contesté. On se demande en effet si la convention de rechargement
peut tenir en échec le retour des biens dans le patrimoine du débiteur alors que le juge-commissaire
a autorisé le paiement des créanciers. Certains estiment que le caractère formel et d'ordre public de
l'article L. 622-7, II, alinéa 2, qui permet d'imposer le retour des actifs est suffisant pour tenir en
échec la convention de rechargement 727 . À l'inverse, d'autres pensent que l'existence d'une
convention de rechargement de la fiducie-sûreté peut fonder un refus d'autorisation du juge-
commissaire728.
724
F. MACORIG-VENIER, « Fiducie-sûreté et droit des entreprises en difficulté », art. préc.,p. 413.
725
V aussi C. HOUIN-BRESSAND, « Fiducie-sûreté, clause de réserve de propriété, crédit-bail : quelle protection pour
le banquier propriétaire ? », art préc, p. 97.
726
La mesure est issue des dispositions de l’article 22 de l'ordonnance du 18 décembre 2008.
727
F. PÉROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art préc, p. 658
728
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.54.
222
526. En définitive, le mécanisme du retour contre paiement permet au bénéficiaire d’une
fiducie-sûreté d'échapper à la règle de l'interdiction de paiement des créances, pour autant que les
actifs fiduciaires soient utiles à la poursuite de l’activité. Comme le rétenteur, le bénéficiaire de la
fiducie-sûreté n’est maître de rien. Il ne fait que subir le paiement. Ainsi, bien que le retour contre
paiement permette au créancier d’obtenir le paiement de sa créance, cette mesure vise en réalité à
favoriser les intérêts de l’entreprise en difficulté. Pour cela, il faudrait assurer une coordination
entre les règles de la fiducie-sûreté et celles du droit des entreprises en difficulté 729 . Bien
qu’avantageux, le paiement en espèces ne s’effectue pas d’abord dans l’intérêt des créanciers et
encore moins à leur initiative. Il ne vise qu’à favoriser l’exploitation de l’activité. On ne pourrait
cependant en dire autant lorsqu’il s’agit d’un paiement en nature.
528. Le fiduciaire730 qui, en application des dispositions de l’article L. 624-16, alinéa 1er, fait
une demande en revendication ou, s’il en est dispensé731, une demande en restitution, doit à terme
obtenir la restitution effective du bien. Sans revenir sur le régime de la restitution étudié dans les
développements relatifs au paiement du créancier réservataire, il y a toutefois lieu d'apporter
quelques précisions nécessaires.
529. D’abord, l’article L. 624-16, alinéa 1er, peut, de prime abord, paraître inconciliable avec
les dispositions du droit commun de la fiducie. En effet, conformément à l’article 2019 du Code
civil, « À peine de nullité, le contrat de fiducie et ses avenants sont enregistrés dans un délai d’un
mois à compter de leur date au service des impôts du siège du fiduciaire ou au service des impôts
des non-résidents si le fiduciaire n’est pas domiciliés en France ». L’article 2020 du même Code
729
Ibid.
730
Logiquement, tant que le jeu de la fiducie ne s’est pas fait, il appartient au fiduciaire de revendiquer puisqu’il est le
propriétaire temporaire des actifs fiduciaires ; V. aussi, S. FARHI, « Le banquier garanti par une fiducie-sûreté et la
procédure collective », art. préc, p.113.
731
Art. L. 624-10 du Code de commerce.
223
précise qu’« un registre national des fiducies est constitué selon des modalités précisées par décret
en Conseil d’État ». L’enregistrement du contrat de fiducie est donc exigé, à peine de nullité. Or,
l’enregistrement peut s’analyser comme une formalité de publicité732.
En application de l’article L. 624-10 qui dispense de revendication les propriétaires de contrat
publié, le fiduciaire ne devrait donc pas revendiquer puisque le contrat de fiducie doit être enregistré
pour être valable. Il devrait simplement faire une demande en restitution. Cependant, il ne s’agit pas
d’une véritable publicité. Elle n’est ouverte qu’aux agents du Trésor public. Elle n’est donc pas
accessible à tous et n’a pas pour but de rendre la fiducie opposable aux tiers.
Pour cette raison, le fiduciaire qui souhaite rendre son droit de propriété opposable à la procédure
collective, devrait revendiquer les biens meubles faisant l’objet d’une fiducie sans dépossession733.
Un auteur734 a considéré que le fiduciaire pouvait se soustraire à l’obligation de revendication, s’il
procède à la publicité de convention de mise à disposition puisque, dans ce cas, il serait titulaire
d’un contrat publié au sens de l’article L. 624-10 du Code de commerce.
530. Ensuite, le terme "restitution" semble à notre sens inapproprié pour le bénéficiaire de la
fiducie-sûreté puisque, d'une part, il n'a jamais été le véritable propriétaire des biens et, d'autre part,
il n'a jamais été en possession des actifs fiduciaires. S'agissant de la propriété, elle joue ici
simplement un rôle de garantie et elle peut ne pas devenir définitive. C'est par exemple le cas
lorsque le paiement du créancier est autorisé par le juge-commissaire pour obtenir le retour d'un
bien utile à l’entreprise. Quant à la possession des biens, le bénéficiaire d'une fiducie-sûreté n'entre
pas en possession des actifs fiduciaires. C'est le cas lorsqu'en vertu d'une convention de mise à
disposition, le débiteur constituant conserve les actifs fiduciaires entre ses mains. Et, même dans
l'hypothèse d'une fiducie-sûreté avec dépossession du constituant, les biens fiduciaires sont tenus
par le fiduciaire et non le bénéficiaire, sauf lorsque le fiduciaire est également le bénéficiaire.
Compte tenu de tous ces éléments, on ne saurait véritablement parler d'une restitution au profit du
créancier bénéficiaire735. La restitution s'entend en effet comme l'action de rendre quelque chose à
son propriétaire d'origine736. Le terme de "remise" semble plus adapté à leur situation. La remise est
comprise comme l'action de mettre quelque chose en la possession de quelqu'un737. Dans le cas de
la fiducie-sûreté, il s'agit de remettre aux créanciers bénéficiaires des biens dont ils n'ont jamais eu
la possession738. Le bénéficiaire qui se voit ainsi remettre le bien de façon effective en acquiert par
732
Nous reviendrons sur cette question dans le prochain chapitre
733
V. en ce sens ; F. MACORIG-VENIER, « L'exclusivité », art. préc., p.63 ; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit
et pratique des procédures collectives, op. cit., 812.21.
734
S. FARHI, « Le banquier garanti par une fiducie-sûreté et la procédure collective », art. préc, p.114.
735
On pourrait également faire les mêmes observations dans le cas de la clause de réserve de propriété lorsque la
créance du prix a par exemple été cédée à un banquier qui revendique. Il agira en revendication et « restitution » alors
même qu’il n’a jamais été propriétaire du bien
736
Dictionnaire Larousse en ligne, www.larousse.fr
737
Dictionnaire Larousse en ligne, www.larousse.fr
738
Sauf lorsque le fiduciaire est aussi le bénéficiaire.
224
la même occasion la propriété définitive. Quoi qu’il en soit, la restitution est le terme employé par
le texte, on ne peut que s’y référer.
531. Par ailleurs, le moment de la remise du bien au bénéficiaire de la fiducie va, à la
différence du créancier réservataire, dépendre de la procédure collective ouverte à l’égard du
débiteur. Dans les procédures de sauvetage, la convention de mise à disposition qui conditionne
l'exercice de la revendication bénéficie du régime des contrats en cours 739 . Ainsi, en cas de
continuation du contrat, la remise du bien au créancier est différée au jour de la réalisation ou du
terme de la convention. En revanche, dans la liquidation judiciaire, les dispositions relatives à la
continuation des contrats n'étant plus applicables à la convention de mise à disposition 740, la remise
des actifs fiduciaires peut intervenir immédiatement après la demande en restitution.
532. Enfin, lorsque la fiducie-sûreté a été constituée sans dépossession, il revient au débiteur
constituant la tâche de remettre le bien au fiduciaire (qu’il soit ou non le bénéficiaire), à charge pour
lui de le remettre au bénéficiaire au moment de la réalisation de la sûreté. En revanche, lorsqu'il
s'agit d'une fiducie-sûreté avec dépossession, le fiduciaire a déjà le bien en sa possession ; il n’y a
donc pas de revendication. La remise du bien n’interviendra ici qu’au moment du dénouement de la
sûreté.
533. Quoi qu'il en soit, le bien remis éteint la créance à hauteur de sa valeur. La détermination
de la valeur du bien se fait par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, sauf s'il s'agit d'une
somme d'argent ou si le bien fait l'objet d'une cotation officielle. Si la valeur du bien excède le
montant de la créance, la différence doit être restituée. À l'inverse, si la valeur du bien est inférieure
au montant de la créance, le bénéficiaire demeure créancier du solde restant dû.
Toutefois, lorsque le créancier n’obtient pas la restitution du bien dans le cadre d’une action en
revendication ou en restitution, il peut encore espérer un paiement en nature au moment de la
réalisation de la sûreté.
534. Le bénéficiaire d'une fiducie-sûreté qui, à l’échéance, n'a pas reçu le paiement en espèces
de sa créance peut, en principe, réaliser sa sûreté en dépit de l'ouverture d’une procédure collective.
Cette réalisation s'analyse à notre sens comme un paiement en nature puisque, par ce moyen, le
créancier obtient le bien en pleine propriété. Il acquiert ainsi le droit d'en disposer librement.
Cependant, le législateur n'autorise la réalisation de la fiducie-sûreté qu'à certaines conditions. À la
différence, là encore, du créancier réservataire à l’égard duquel la sûreté demeure efficace dans
739
Art. L. 622-13, IV du Code de commerce.
740
Art. L. 641-11-1, VI du Code de commerce.
225
toutes les phases de la procédure collective 741, certains bénéficiaires de fiducie voient, lorsqu’il
existe encore des chances de redressement de l’entreprise, l'efficacité de leur sûreté neutralisée.
L’article L. 622-23-1 du Code de commerce précise en effet que « Lorsque les biens ou droits
présents dans un patrimoine fiduciaire font l'objet d'une convention en exécution de laquelle le
débiteur en conserve l'usage ou la jouissance, aucune cession ou transfert de ces biens ou droits ne
peut intervenir au profit du fiduciaire ou d'un tiers ».
Cet article posé pour la procédure de sauvegarde vaut aussi pour le redressement judiciaire742. Il en
résulte que la fiducie-sûreté ou gestion743 ne peut être réalisée pendant la période d’observation ou
d’exécution du plan d’une procédure de sauvetage. En revanche, cette interdiction n'existe pas dans
le cadre de la liquidation judiciaire. Le créancier peut donc librement réaliser sa sûreté et ainsi
obtenir le paiement en nature de sa créance.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de ce texte que la neutralisation de la fiducie dépend
également de l’existence ou non d’une convention de mise à disposition. Ainsi, nous verrons la
réalisation d’une fiducie-sûreté sans dépossession (b-1) puis avec dépossession (b-2).
535. Lorsque le débiteur conserve, en vertu d’une convention de mise à disposition, l’usage
ou la jouissance des actifs fiduciaires, ceux-ci sont supposés être utiles à la poursuite de l'activité.
Aussi, pour préserver toutes les chances de sauvetage de l'entreprise, l'article L. 622-23-I interdit le
jeu de la fiducie du seul fait de l’ouverture d’une procédure, de l'arrêté d'un plan ou encore du
défaut de paiement d'une créance née avant l'ouverture de la procédure.
536. De plus, en application des dispositions de l'article L. 622-13-VI, la convention qui
assure au débiteur l'usage ou la jouissance des biens transférés dans un patrimoine fiduciaire obéit
aux règles de la continuation des contrats en cours. Ainsi, la convention de mise à disposition ne
peut être résiliée par l'application d'une clause résolutoire de plein droit en raison de l'ouverture
d'une procédure collective. En outre, il revient à l'administrateur ou, en son absence, au débiteur, sur
avis conforme du mandataire judiciaire, de se prononcer sur la poursuite ou non du contrat. À défaut
de réponse dans le délai du mois qui suit la mise en demeure d'avoir à se prononcer, la convention
est résiliée. La restitution du bien pourrait alors intervenir. Il en irait de même en cas de non-
paiement à bonne date des sommes dues au titre de la poursuite de la convention. Par ailleurs, en
l'absence de mise en demeure, l'administrateur peut solliciter la résiliation de la convention de mise
à disposition auprès du juge-commissaire.
741
Et même dans toutes les procédures collectives
742
Art. L. 631-14 du Code de commerce
743
Il en sera de même pour la fiducie-gestion puisque le législateur ne fait aucune distinction.
226
537. Dans tous les cas, la soumission de la convention de mise à disposition au régime
applicable à la continuation des contrats en cours justifie l'interdiction de réaliser la fiducie-sûreté.
La sanction du non-respect de l'interdiction est la nullité du transfert ou de la cession. L'interdiction
de réaliser n'est cependant valable qu'au cours des périodes d'observation et d'exécution des plans
des procédures de sauvetage ; elle ne l’est plus en cas de résiliation de la convention. Ainsi, dès lors
que l’organe compétent a opté pour la continuation du contrat, l'exécution du plan, et notamment le
paiement des dividendes au bénéficiaire de la fiducie, fait obstacle à la réalisation de la fiducie-
sûreté. Faute d’exécution des engagements, le plan peut être résolu744.
538. Le législateur a prévu l'hypothèse toute particulière de l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire ou, lorsque le redressement est impossible, de liquidation judiciaire à la
suite de la résolution d'un plan de sauvegarde, sur constat de la cessation des paiements 745. Dans ce
cas, il est admis que la convention de mise à disposition ne bénéficie pas des règles relatives à la
continuation des contrats en cours746. En conséquence, la réalisation de la fiducie-sûreté devient
possible. Le bénéficiaire peut alors demander que les actifs fiduciaires lui soient transférés. Dans ce
cas précis, la réalisation de la fiducie-sûreté intervient au cours de la période d'observation de la
procédure de redressement. Dans le même ordre d’idées, la doctrine considère que cette solution
doit également s'appliquer, sans qu’il y ait cessation des paiements, en cas de résolution du plan
pour inexécution des engagements puisque la procédure collective a pris fin747. En revanche, si le
bénéficiaire ne fait pas jouer sa fiducie-sûreté immédiatement et si après la résolution du plan pour
inexécution des engagements, s'ouvre un redressement judiciaire, la convention de mise à
disposition doit à nouveau bénéficier du régime applicable à la continuation des contrats en
cours748.
539. C'est cette dernière solution qui s'applique dans le cadre d'une procédure de liquidation
judiciaire. Le débiteur ayant perdu toute chance de redressement, l'article L. 641-3 ne renvoie pas à
l'article L. 622-23-1. En outre, la convention de mise à disposition n'étant plus soumise au régime
des contrats en cours 749 , plus rien ne fait obstacle à la réalisation de la fiducie-sûreté par le
bénéficiaire impayé à l'échéance. Aussi, la convention de mise à disposition pourrait être résiliée du
seul fait de l'ouverture d'une liquidation judiciaire. Dans l’hypothèse où une clause de résiliation
aurait été convenue, celle-ci serait alors parfaitement efficace.
540. En définitive, le bénéficiaire d'une fiducie-sûreté sans dépossession peut réaliser sa
sûreté dès lors que la convention de mise à disposition est résiliée ou arrivée à son terme. Les biens
744
Art. L. 626-27, al. 2 du Code de commerce.
745
Art. L. 626-27, al. 3 du Code de commerce.
746
Art. L. 631-14, al. 4 du Code de commerce.
747
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.57; F. PÉROCHON,
« Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art. préc., p. 659.
748
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.57.
749
Art. L. 641-11-1 du Code de commerce.
227
restés entre les mains du débiteur doivent ainsi être remis au fiduciaire, à charge pour lui de les
transférer au bénéficiaire. La paralysie du jeu de la fiducie-sûreté résultant de l’existence et de la
poursuite d’une convention de mise à disposition fait donc obstacle au paiement en nature du
créancier bénéficiaire. Par conséquent, tant que la convention de mise à disposition est exécutée, le
bénéficiaire d’une fiducie-sûreté ne peut valablement échapper à la règle de l'interdiction des
paiements des créances antérieures, au moyen de la réalisation de leur sûreté.
541. Toutefois, il y a lieu d’observer que la restitution du bien au moyen de la réalisation
d’une fiducie sans dépossession ne peut avoir lieu lorsque le fiduciaire à procéder à la
revendication. En effet, dès lors que le fiduciaire a revendiqué, il n’y a plus réellement d’intérêt à
réaliser la sureté puisque le créancier devrait, par principe, obtenir le paiement en nature de sa
créance dans ce cadre là. À l’instar de la clause de réserve de propriété, la revendication apparaît
comme un mode de réalisation de la fiducie-sûreté. En revanche, la réalisation retrouve un intérêt
dans le cadre d’une fiducie-sûreté avec dépossession puisque, dans cette hypothèse, la revendication
n’est pas possible.
542. Le législateur n'a pas neutralisé le jeu de la fiducie-sûreté lorsque le débiteur constituant
n'a pas conservé les biens transmis dans le patrimoine fiduciaire par le biais d’une convention de
mise à disposition. Cette analyse résulte de l'interprétation a contrario des dispositions de l'article L.
622-23-1 susvisé qui visent exclusivement l'hypothèse d'une fiducie-sûreté sans dépossession du
constituant. L'interdiction posée par ce texte devrait donc être inapplicable aux bénéficiaires d'une
fiducie-sûreté avec dépossession. Ce serait notamment le cas lorsque la fiducie-sûreté a pour objet
des comptes d'instruments financiers ou des sommes d'argent750. Ainsi, le bénéficiaire d’une fiducie
avec dépossession qui n'est pas payé à l'échéance, devrait pouvoir réaliser sa sûreté nonobstant
l'ouverture d'une procédure collective, peu important dans ce cas qu'il s'agit d'une procédure de
sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Il pourrait alors solliciter la remise en
pleine propriété des actifs fiduciaire.
543. Tout bien considéré, lorsque la réalisation de la fiducie-sûreté intervient, elle constitue
un moyen d’assurer le paiement en nature du créancier bénéficiaire. Il sera désintéressé à hauteur de
la valeur du bien fiduciaire. Il faut donc procéder à une détermination de la valeur dudit bien. En
principe, la détermination se fait par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, sauf s'il s'agit
de sommes d'argent ou si le bien fait l'objet d'une cotation officielle. Si la valeur du bien est
supérieure au montant de la créance, le fiduciaire doit restituer l'excédent après paiement des
750
R. DAMMANN, « Avantages et inconvénients de la fiducie en cas de procédure collective », RLDC, mai 2009, n°
60, p. 64
228
créanciers dont la créance est née pour la conservation ou la gestion du patrimoine fiduciaire. En
revanche, si la valeur des biens est inférieure, le bénéficiaire reste créancier du solde.
Cependant, il peut exister, notamment en cas de survenance de conflits, comme pour le créancier
réservataire, des obstacles au paiement en nature du créancier bénéficiaire.
751
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit, n° 1942.
752
F. PÉROCHON, « La revendication favorisée », art préc., p. 251; M.-J. CAMPANA, « Les revendications après la
réforme du 10 juin 1994 », art préc, p. 197 ; M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures
collectives au droit des biens, op. cit., n° 344 et s.
229
l'exclusivité du bénéficiaire de la fiducie-sûreté sur les biens transférés se trouve quelque peu
altérée753. Cette situation n'est pas sans conséquence sur leur paiement qui devient soit impossible,
soit réduit dans le meilleur des cas.
Le paiement est impossible lorsqu'en application de la règle prior tempore, potiore jure, le conflit se
règle en faveur du premier revendiquant. En effet, les autres créanciers qui se prévalaient également
des droits sur les actifs transférés perdent toute chance de paiement, puisque le bien a été remis à un
seul créancier. En revanche, le paiement est réduit lorsqu'il est fait application de la règle de la
répartition proportionnelle. Le créancier ne peut plus se prévaloir d'un paiement à hauteur de la
valeur du bien puisque que celle-ci est, le cas échéant, répartie proportionnellement entre les
différents créanciers qui se prévalent des droits sur les biens transférés. Le paiement sera également
réduit lorsque le bénéficiaire se trouve confronté aux titulaires d'un droit de suite.
547. En tout état de cause, en cas de réalisation de la fiducie-sûreté, le paiement du
bénéficiaire peut intervenir sous différentes formes.
D'abord, le bénéficiaire peut solliciter du fiduciaire le transfert des biens dans son patrimoine
personnel. Dans ce cas, il acquiert les biens en pleine propriété. Ainsi, la propriété jadis temporaire
devient définitive.
Le bénéficiaire peut donc librement disposer des biens. Si le fiduciaire est également le bénéficiaire,
il y aura transfert des biens du patrimoine fiduciaire vers son patrimoine personnel. Notons que la
transmission des droits au bénéficiaire nécessite l'accomplissement d'une formalité d'enregistrement
selon les conditions prévues par l’article 2019 du Code civil754. Le bénéficiaire peut ensuite, si le
contrat de fiducie le prévoit, demander au fiduciaire de réaliser les biens selon les formes prévues
dans le contrat. Dans ce cas, le créancier se fait remettre tout ou partie du prix correspondant au
montant de sa créance. La différence entre le prix et le montant de la créance est restituée au
débiteur constituant dans les mêmes conditions qu'en cas d'excédent de la valeur du bien par rapport
au montant de la créance. La vente des biens par le fiduciaire n'est pas soumise aux règles relatives
aux procédures d'exécution, sauf si cela a été prévu dans le contrat de fiducie755.
Nous achevons ainsi l’analyse des différents moyens permettant au bénéficiaire d’une fiducie-sûreté
d'obtenir, en droit français, le paiement exceptionnel de leur créance, nonobstant l'interdiction
législative de payer les créances non-méritantes.
Qu'en est-il du paiement de ce créancier en droit OHADA.
753
F. MACORIG-VENIER, « L'exclusivité », art. préc., p. 67
754
Art. 2019, al. 3 du Code civil.
755
Ph. DUPICHOT, « La fiducie-sûreté en pleine lumière. A propos de l'ordonnance du 30 janvier 2009 », JCP G,
2009, I, 132, n° 13.
230
B- Le paiement du bénéficiaire d’un transfert fiduciaire en droit OHADA
548. Dans l'espace communautaire africain, la fiducie revêt une forme particulière. Elle vise
exclusivement le transfert de somme d'argent. C’est d'ailleurs pourquoi le législateur utilise
l'expression « transfert fiduciaire d'une somme d'argent » pour désigner cette sûreté.
Le mécanisme de la fiducie en droit OHADA se révèle donc différent de celui du droit français.
L'alinéa 1er de l'article 87 du nouvel AUS précise que « Le transfert fiduciaire d'une somme
d'argent est la convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de l'exécution
d'une obligation ». Et l'alinéa 2 d'ajouter que les « fonds doivent être inscrits sur un compte bloqué,
ouvert au nom du créancier de cette obligation, dans les livres d'un établissement de crédit habilité
à les recevoir ». La forme particulière de la fiducie n'est pas sans incidence sur le paiement du
créancier bénéficiaire.
549. En analysant les dispositions précitées, on peut affirmer que le créancier africain qui
bénéficie d'un transfert fiduciaire de somme d'argent ne peut prétendre qu'à un mode de paiement :
le versement des fonds transférés, c’est-à-dire un paiement en espèces. Ainsi, à la différence du
droit français, la distinction entre paiement en espèces et paiement en nature n'a pas lieu d'être ici.
En outre, le bénéficiaire d'un transfert fiduciaire de somme d'argent ne disposant pas d'un droit à la
revendication, aucun paiement immédiat ne saurait intervenir à son profit pour faire obstacle à la
revendication, pas plus qu'une remise des fonds consécutive à une demande en revendication ou en
restitution des fonds. Par ailleurs, le législateur communautaire africain n'a pas prévu de technique
similaire à celle du retour contre paiement pour payer le créancier au cours de la procédure
collective. Bien plus, le législateur n’a pas envisagé le sort du bénéficiaire de la fiducie en cas de
défaillance d’un débiteur qui n’est pas in bonis. En conséquence, les solutions que nous allons ici
étudier sont celles prévues par le droit commun des sûretés. Ainsi, nous verrons qu’en droit
OHADA, le paiement du bénéficiaire de la fiducie intervient toujours à l'échéance de la dette
garantie (1) et au moyen de la réalisation de la sûreté (2).
1- Un paiement à l'échéance
756
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.-J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
n° 256.
231
doivent y demeurer tant que la créance garantie n'a pas été intégralement payée. Elle envisage
toutefois la possibilité pour les parties au contrat de fiducie d'insérer une clause qui autoriserait la
restitution proportionnelle des fonds inscrits en cas de paiement partiel.
Mais cette solution est difficilement recevable puisque l’alinéa 3 de l’article 91 de l’AUS indique
que « toute clause contraire au présent article est réputée non écrite ». Ce texte consacre donc le
caractère d’ordre public des dispositions de l’article 91.
551. Les dispositions de l'article précité, transportées au droit des entreprises en difficulté, ne
sauraient s'appliquer puisque l’ouverture d’une procédure collective emporte interdiction pour le
débiteur de payer des créances antérieures, sauf exception757. Aussi, dans l'hypothèse ou le débiteur,
qui ne peut plus payer les créanciers antérieurs, fait l'objet d'une procédure collective, le
bénéficiaire d'un transfert fiduciaire se trouve contraint, pour réaliser sa sûreté, d'attendre l'échéance
de sa créance.
2- La réalisation de la sûreté
552. Aux termes de l'article 91, alinéa 2 de l'AUS, « En cas de défaillance du débiteur et huit
jours après que le constituant en ait été dûment averti, le créancier peut se faire remettre les fonds
cédés dans la limite du montant des créances demeurant impayées ». La défaillance du débiteur à
l'échéance de la créance garantie autorise le créancier bénéficiaire à réaliser sa sûreté. Cette
réalisation se fait par une demande d'attribution des fonds correspondant au montant des sommes
impayées.
Le texte ne le précise pas, mais logiquement la demande devrait être adressée à l'établissement de
crédit teneur du compte ou, au besoin, à l'organe judiciaire si la banque refuse de s'exécuter.
La réalisation est cependant soumise au respect d'un délai minimum de huit jours à compter de
l'avertissement donné au constituant. Là encore, face au silence législatif, nous pensons que
l'avertissement peut être donné par tout moyen laissant trace écrite. L'alinéa 3 de l'article 91 précise,
in fine, que toute clause contraire est réputée non écrite. Il s'agit, par exemple d'une clause qui ne
respecterait pas le délai minimum de huit jours pour procéder à la réalisation de la sûreté.
La particularité formelle de la fiducie en droit OHADA présente quelques avantages au moment de
la réalisation. Elle permet d'éviter les contraintes relatives à la détermination de la valeur des biens
transférés, et notamment l'application des règles de détermination, la désignation d'un expert et le
coût parfois élevé de l'expertise. Cela permet de gagner du temps mais aussi de réaliser des
économies.
553. Comme la fiducie-sûreté en droit français, le transfert fiduciaire de somme d'argent place
son bénéficiaire dans une situation confortable. Le compte étant ouvert au nom du bénéficiaire, il
757
Cette règle est posée par l’article 11 de l’AUPC pour le règlement préventif.
232
devient propriétaire des sommes qui y sont transférées. Ainsi, en cas d'ouverture d'une procédure
collective, ni le débiteur, ni ses créanciers ne devraient pouvoir retirer les sommes transférées sans
désintéressement préalable du créancier bénéficiaire. En outre, la règle prévue par les articles 18,
alinéa 2 et 134, alinéa 4, de l'AUPC, qui subordonne la réalisation d'une sûreté à l'annulation ou à la
résolution du concordat préventif ou de redressement, ne devrait avoir aucun effet sur le
bénéficiaire d'un transfert fiduciaire. En effet, les sommes transférées ne faisant plus partir du
patrimoine du débiteur, elles devraient échapper à l'effet réel de la procédure collective. En
conséquence, la réalisation de la fiducie permettrait au créancier bénéficiaire d'obtenir un paiement
exclusif sur les actifs fiduciaires. Il échapperait ainsi aux règles de la répartition du prix prévues par
les articles 166 et 167 de l'AUPC.
Bien que le bénéficiaire d’un transfert fiduciaire se trouve dans une situation enviable au regard des
dispositions de l’AUS, nous regrettons tout de même le fait que le législateur n’ait pas profité de la
réforme de l’AUPC pour régler le sort de la fiducie en cas d’ouverture d’une procédure collective.
554. Somme toute, il résulte que les créanciers propriétaires disposent, comme le créancier
rétenteur, des moyens leur permettant d’obtenir le paiement individuel de leur créance, en dépit de
l’ouverture d’une procédure collective ; d’une part, un paiement en espèces immédiat, et, d’autre
part, un paiement en nature différé à l’échéance de la créance garantie, sauf pour le fiduciaire en
droit OHADA. Mais quelle que soit la forme du paiement, les créanciers propriétaires échappent
non seulement à la règle de l'interdiction des paiements des créances, mais aussi, en principe, au
paiement concurrentiel.
Les biens faisant l’objet d’une clause de réserve de propriété sont, à l’instar des actifs fiduciaires,
hors du patrimoine du débiteur. De ce fait, les créanciers devraient recevoir un paiement exclusif de
leur créance, et cela, indépendamment de l'existence des autres créanciers, y compris les créanciers
superprivilégiés tels que les salariés.
Conclusion du chapitre
555. En définitive, l'interdiction des paiements des créances, règle de portée générale, en
principe, se trouve néanmoins limitée par la présence, au sein des créanciers du débiteur, de
titulaires de sûretés réelles exclusives. Les législateurs français et africain ont en effet prévu la
possibilité pour ces créanciers d'être payés immédiatement ou à l'échéance, nonobstant l'ouverture
d'une procédure collective. Le paiement dont bénéficient les créanciers leur permet ainsi d‘échapper
à l'interdiction législative. Là encore, en favorisant le maintien du droit au paiement des créanciers,
l’exclusivité assure la protection des sûretés en dépit des règles de la procédure collective.
233
Conclusion du titre 2
556. L’ouverture d’une procédure collective peut à plusieurs égards limiter les droits des
créanciers. Cette limitation résulte notamment de l’arrêt des poursuites individuelles contre le
débiteur et son corollaire l’interdiction des paiements des créances. Toutefois, le caractère exclusif
des sûretés réelles met quelque peu les créanciers à l’abri de ces règles traditionnelles de la
discipline collective. En effet, qu’il s’agisse du rétenteur, du réservataire ou du bénéficiaire d’une
fiducie-sûreté, ces créanciers vont pouvoir conserver une partie des prérogatives découlant de leur
sûreté. Ils échappent ainsi à l’arrêt des poursuites individuelles. Par ailleurs, ils peuvent, dans
certaines conditions, obtenir un paiement en espèce ou en nature de leur créance. Par principe, le
paiement des créanciers interviendra en dehors de tout concours. Il en résulte une protection des
sûretés réelles exclusives qui passe ici par le maintien des droits des créanciers.
234
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
557. L’examen de l’effectivité de la protection des sûretés réelles exclusives dans les
procédures collectives a permis de montrer que, contrairement aux sûretés préférentielles, les
sûretés réelles exclusives échappent à certaines règles de la discipline collective.
558. Les premières règles auxquelles elles se soustraient sont celles dont la mise en
application est susceptible d’altérer l’assiette des sûretés, en l’occurrence l’affectation d’une quote-
part du prix de cession et la substitution de garantie. Compte tenu de la modicité habituelle des prix
de cession, l’affectation d’une quote-part de ce prix aux créanciers, pour l’exercice de leurs droits,
peut considérablement réduire l’étendue de l’assiette de leurs sûretés. Par ailleurs, la substitution de
garantie entraîne nécessairement un changement de l’identité de l’assiette et éventuellement la
nature même des sûretés, le créancier devant en principe obtenir une garantie de substitution
équivalente. N’entrant pas dans le domaine d’application de chacune de ces règles, les sûretés
réelles exclusives sont totalement protégées contre une altération de leur assiette. Il s’ensuit une
préservation de l’étendue et de l’identité de l’assiette de ces sûretés.
559. Les sûretés réelles exclusives permettent également aux créanciers d’échapper aux règles
pouvant restreindre leur droit de poursuite et leur droit au paiement. Le jugement d’ouverture
emporte traditionnellement interdiction pour les créanciers de poursuivre le débiteur et, pour ce
dernier, l’interdiction de payer individuellement les créances non méritantes en droit français.
Là encore, l’exclusivité assure la protection des sûretés et, par voie de conséquence, des créanciers
bénéficiaires. En effet, compte tenu de sa nature juridique, le droit de rétention effectif échappe
efficacement à l’arrêt des poursuites individuelles. N’étant pas une demande en justice et pas
davantage une mesure d’exécution, l’exercice du droit de rétention n’est pas affecté par l’ouverture
d’une procédure collective. De même, l’action en revendication n’est pas neutralisée puisqu’elle ne
fait pas partie des actions visées par l’arrêt des poursuites individuelles. De cette manière, les
créanciers munis de sûretés réelles exclusives vont pouvoir quelque peu contourner les restrictions
au droit d’agir contre le débiteur. Par ailleurs, il existe, aussi bien en droit français qu’en droit
OHADA, des moyens qui permettent aux créanciers munis de sûretés réelles exclusives d’obtenir le
paiement individuel de leur créance en dépit de l’interdiction législative faite au débiteur.
560. Mais, si la protection des sûretés réelles exclusives se manifeste lorsqu’elles échappent
aux règles de la discipline, ces sûretés ne sont cependant pas en dehors des procédures collectives.
De cette manière, l’effectivité de la protection dont elles bénéficent est subordonnée aux exigences
desdites procédures.
235
DEUXIÈME PARTIE : UNE PROTECTION DES
SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES
SUBORDONNÉE AUX EXIGENCES DES
PROCÉDURES COLLECTIVES
561. Si la protection des sûretés réelles exclusives est une réalité dans les procédures
collectives, elle n’est cependant pas automatique. Pour être efficacement protégées, ces sûretés
doivent être conformes à certaines exigences.
Comme nous l’avons vu, l’ouverture d’une procédure collective entraîne la mise en œuvre de règles
spéciales. Au-delà des atteintes aux droits des créanciers ou à l’assiette des sûretés, cette situation
influe sur l’existence même des sûretés.
Pour exister et produire les effets recherchés dans la procédure collective, la sûreté doit non
seulement être valable, mais elle doit aussi être opposable. Ces exigences s’appliquent quasiment à
toutes les sûretés réelles, même à celles qui placent leurs titulaires dans une situation d’exclusivité.
Ainsi donc, pour être protégées, les sûretés doivent au préalable exister.
562. Par ailleurs, une étude portant sur la protection des sûretés réelles exclusives dans les
procédures collectives ne peut ne pas tenir compte des objectifs poursuivis par le droit qui régit ces
procédures. En effet, le droit des procédures collectives poursuit certains objectifs dont le plus
important est le sauvetage des entreprises défaillantes.
Cette situation amène à s’interroger sur l’impact de ces objectifs au regard de la protection des
sûretés réelles exclusives. Toutefois, les sûretés réelles exclusives étant protégées, elles assurent par
conséquent la protection des créanciers qui en sont titulaires. Quelles sont donc les conséquences de
cette protection sur la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives ? Autrement dit,
la protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives n’est-elle pas en mesure de
constituer un frein pour la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives ? Cette
protection est-elle au-dessus des objectifs des procédures collectives ou est-elle subordonnée à leur
réalisation ?
563. Contrairement à l’idée qui pourrait se dessiner à première vue, nous verrons que le
législateur français et, dans une mesure beaucoup moindre, le législateur OHADA, subordonnent
d’une certaine manière la protection des créanciers munis des sûretés réelles exclusives à la
réalisation des objectifs des procédures collectives.
236
564. Tout compte fait, si la protection des sûretés réelles exclusives est largement
subordonnée à leur existence dans les procédures collectives (titre 1), les objectifs desdites
procédures peuvent également influer sur cette protection (titre 2).
237
TITRE 1/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE À LEUR
EXISTENCE DANS LES PROCÉDURES
COLLECTIVES
565. L’ouverture d’une procédure collective exerce une influence sur la pérennité des sûretés.
En effet, parmi les règles de la discipline collective, certaines régissent l’existence des sûretés. Pour
exister et produire ses effets, la sûreté doit non seulement être valablement constituée, mais son
opposabilité doit également être garantie. Sauf exception, ces exigences s’appliquent à toutes les
sûretés. Ainsi, contrairement à ce que nous avons vu dans la première partie de cette étude, les
sûretés réelles exclusives, pour la plupart ne peuvent s’y soustraire. Cette-fois, l’exclusivité ne les
place pas toujours à l’abri des effets de la procédure collective. Le jugement d’ouverture peut donc
agir sur l’existence des sûretés réelles exclusives.
En somme, pour être efficacement protégées, les sûretés réelles exclusives doivent exister. Dans le
cadre d’une procédure collective, cette existence passe par la reconnaissance de ces sûretés
(chapitre 1) et par une absence de leur remise en cause (chapitre 2).
238
CHAPITRE 1/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE À LEUR
RECONNAISSANCE DANS LES PROCÉDURES
COLLECTIVES
566. À l'ouverture d'une procédure collective, le créancier dont la sûreté n'est pas reconnue ne
peut valablement s'en prévaloir. Il se trouve alors dans la situation d'un créancier chirographaire.
Pour éviter cette position peu enviable, le créancier doit faire reconnaître sa sûreté. Or, la
reconnaissance d'une sûreté dans les procédures collectives passe par l'opposabilité de cette
dernière.
L'opposabilité, c'est le rayonnement d'un acte juridique ou d'un jugement à l'égard de ceux qui n'ont
été ni parties, ni représentés758 ; c’est l’aptitude d’un acte à produire ses effets à l’égard des tiers759.
Dans le cadre d’une procédure collective, l'opposabilité permet à la sûreté d'être connue des tiers et
de produire des effets à leur égard.
567. De manière générale, qu'il s'agisse du droit français ou du droit OHADA, deux règles
assurent la reconnaissance des sûretés réelles en cas d'ouverture d'une procédure collective. D’une
part, une règle active qui met à la charge du créancier une obligation de faire ; celle de déclarer ou
de produire sa créance. Et, d’autre part, une règle passive qui interdit au créancier de procéder à
l’inscription de sa sûreté après le jugement d’ouverture.
Contrairement à la première règle qui sanctionne l'inactivité, entendue ici comme le défaut de
déclaration de créance, la seconde sanctionne l'activité du créancier, c'est-à-dire le fait d'inscrire sa
sûreté après le jugement d'ouverture. Cela implique donc, pour l’opposabilité de la sûreté, une
obligation active de publier avant le jugement d’ouverture.
568. Ces règles, qui assurent la reconnaissance des sûretés, garantissent leur opposabilité dans
les procédures collectives. Aussi, le non-respect de l'une ou l'autre de ces règles est sanctionné par
l'inopposabilité de la sûreté et, dans certains cas, de la créance elle-même. En cas d'inopposabilité,
la sûreté est certes valable entre les parties, mais les organes de la procédure de même que les tiers
sont fondés à l'ignorer pendant au moins toute la durée de la procédure collective.
569. Dans le cadre de cette étude, notre intérêt se portera sur le sort des sûretés réelles
exclusives au regard de chacune des règles précitées. La question qui se pose est de savoir si la
reconnaissance des sûretés réelles exclusives dans les procédures collectives est subordonnée à la
déclaration des créances et à leur inscription.
758
Lexique des termes juridiques, 2015-2016 Dalloz, p. 728.
759
G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit., p. 711.
239
570. Il convient cependant de noter que, s'agissant de la réserve de propriété, il existe une
particularité. En plus des règles d'opposabilité traditionnelles que sont la déclaration des créances et
l'arrêt des inscriptions, communes à toutes les sûretés, les législateurs français et africain ont posé
des règles spécifiques pour garantir la reconnaissance de la clause de réserve de propriété dans les
procédures collectives.
571. Ainsi, dans un premier temps, nous verrons les conditions générales de la reconnaissance
des sûretés réelles exclusives dans les procédures collectives (section 1), avant de voir, dans un
second temps, le cas particulier de la réserve de propriété (section 2).
572. Comme nous l'avons dit, la réserve de propriété est, pour sa reconnaissance dans le cadre
d’une procédure collective, soumise à des conditions spécifiques. Aussi, dans la présente section, il
s'agira de confronter uniquement le droit de rétention et la fiducie-sûreté aux règles qui assurent la
reconnaissance ou l'opposabilité des sûretés réelles dans les procédures collectives.
Nous verrons donc si la reconnaissance de ces sûretés est fondée sur la déclaration ou la production
des créances (paragraphe 1) et sur leur inscription (paragraphe 2).
240
procédure collective 760 . De même, la jurisprudence 761 analyse la production de créance en une
demande en justice adressée au juge-commissaire, par l'intermédiaire du syndic, manifestant sans
équivoque la volonté du créancier de se faire payer dans le cadre de la procédure collective.
Avec le temps, cette obligation n'a pas été atténuée, bien au contraire. La loi du 25 janvier 1985, qui
a substitué au vocable production des créances celui de déclaration des créances, a étendu
l'obligation de déclarer aux créanciers privilégiés et, de façon générale, aux titulaires de sûretés.
La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, en soumettant les créanciers postérieurs non privilégiés à la
déclaration des créances, lui a donné une portée encore plus grande. Quant à la récente réforme du
droit des procédures collectives intervenue avec l'ordonnance du 12 mars 2014 puis son décret
d'application du 30 juin de la même année, elle n’a pas apporté de grandes modifications au
domaine de la règle.
Aujourd'hui, l'article L. 622-24 du Code de commerce pose, en droit français, la règle de la
déclaration des créances. Il ressort des dispositions de ce texte qu'à l'exception des créanciers qui en
sont expressément dispensés 762 , tous les créanciers antérieurs ou postérieurs non-éligibles au
traitement préférentiel sont tenus de déclarer leur créance. La déclaration des créances a donc un
domaine d'application très vaste.
574. La déclaration se fait au passif du débiteur soumis à la procédure collective. Sauf en cas
de confusion ou fictivité des patrimoines, il doit s'agir de créances contre le débiteur lui-même763.
Par principe, on déclare les créances de sommes d’argent. Cette solution résulte des dispositions de
l'article L. 622-25 du Code de commerce qui énonce que « La déclaration porte sur le montant de
la créance ». Toutefois, la déclaration n’est pas cantonnée aux obligations pécuniaires.
Les obligations de faire ou de ne pas faire se résolvant en dommages-intérêts en cas
d’inexécution764, par précaution, le créancier devrait déclarer.
575. Par ailleurs, la déclaration des créances s'impose aux créanciers, quelle que soit la
procédure collective engagée. Elle est régie par le Code de commerce ; en sauvegarde, par les
articles L. 622-24 et suivants ; en redressement judiciaire, par les articles L. 631-14 et L. 631-18 et
enfin, en liquidation judiciaire, par les articles L. 641-3, alinéa 1er et L. 641-14. Les créanciers sont
760
A. GHOZI, « Nature juridique de la production des créances dans les procédures collectives » RTD. com. 1978, p.1 ;
P.-M. LE CORRE, « Déclaration, vérification, admission des créances et procédure civile », LPA, 28 novembre 2008,
n° 239, p, 72.
761
Cass. com., 15 octobre 1991, n° 90-11.657, Bull. civ. IV, n° 297 ; JCP E, 1992, I, 136, n° 11, obs. M. CABRILLAC ;
Rev. Proc. Coll. 1992, p. 185, obs. B. DUREUIL.
762
La dispense peu être légale ou jurisprudentielle.
763
Cass. com., 4 mars 2014, n° 12-26.983, Inédit; BJS, mai 2014, n°5, p. 337, obs. E. MOUIAL-BASSILANA.
764
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1519
241
également tenus à la déclaration lorsque le débiteur fait l'objet d'une sauvegarde financière
accélérée765 ou d'une sauvegarde accélérée766.
576. Le droit OHADA n'est pas en reste. L'article 78 de l'AUPC dispose qu’« À partir de la
décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens et jusqu’à
l’expiration du délai de soixante jours (...) tous les créanciers composant la masse, à l’exception
des créanciers d’aliments, doivent, sous peine de forclusion, produire leur créance auprès du
syndic ». Il en résulte une obligation de production des créances pour les créanciers dans la masse.
Cependant, le législateur africain se distingue de son homologue français puisqu'il est resté attaché
au vocable de production des créances. Autre différence, selon la lettre de l’article 78 du nouvel
AUPC, la production des créances n’est admise que dans les procédures de redressement judiciaire
et de liquation des biens. En conséquence, les créanciers n’auraient pas à produire leur créance dans
l’hypothèse d’un règlement préventif. Cette solution nous paraît tout de même surprenante.
577. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas ici d'étudier le régime de la déclaration ou de la
production des créances de manière générale. Il s'agit plutôt de voir l'impact de ce régime sur les
sûretés réelles exclusives (A). Il faut, pour cela, déterminer si les créanciers munis de telles sûretés
sont soumis à l'obligation de déclaration et, dans l'affirmative, préciser la sanction qu’ils encourent
en cas défaut de déclaration (B).
578. Etudier le sort des sûretés réelles exclusives dans le régime de la déclaration des créances
revient à déterminer la place de ces sûretés dans le domaine de la déclaration (1) puis, dans le cas où
les créanciers munis de sûretés réelles exclusives seraient soumis à l'obligation de déclarer, à
mesurer les conséquences des modalités de la déclaration de créances sur ces derniers (2).
Nous examinerons le domaine de la déclaration (a) puis de la production (b) des créances eu égard
aux sûretés réelles exclusives.
765
L'article L. 628-5, al. 1er, du Code de commerce soumet les créanciers membres du comité des établissements de
crédit à la déclaration des créances, à moins qu'ils ne figurent sur la liste des créances établie à la date d'ouverture de la
procédure de sauvegarde financière accélérée.
766
Art. L. 628-7 du Code de commerce ; La déclaration de créances vise ici tous les créanciers ayant participé à la
conciliation.
242
a- Le domaine de la déclaration des créances en droit français
579. L’alinéa 1er de l'article L. 622-24 précise notamment qu’« À partir de la publication du
jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à
l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans
des délais fixés par décret en Conseil d'Etat ». Et l'alinéa 6 du même article ajoute que
« Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au
I de l'article L. 622-17 sont soumises aux dispositions du présent article ». Il en ressort que la
déclaration des créances s'impose à tous les créanciers antérieurs et postérieurs non-éligibles au
traitement préférentiel. En effet, dès lors que la créance ne remplit pas les conditions prévues par
l'article L. 622-17 du Code de commerce, le créancier doit, sauf dispense, se soumettre à l'obligation
de déclaration.
Sous l'empire des législations anciennes, seules les créances antérieures au jugement d'ouverture
devaient être déclarées. Mais, depuis la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, les créances
postérieures non privilégiées sont également soumises à la déclaration. Quant à l'ordonnance du 12
mars 2014, elle n'a pas effectué de grands changements sur le domaine de la déclaration, mises à
part quelques modifications des cas de dispenses767 non spécifiques aux sûretés réelles exclusives.
580. Par ailleurs, l'article L. 622-25, alinéa 1er du Code de commerce prévoit que la
déclaration faite par le créancier doit préciser la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance
est éventuellement assortie. Par cette disposition, le législateur soumet à la déclaration de créance
tous les créanciers munis de sûretés réelles. Sauf dispense, l'obligation de déclarer s'applique à tous
les créanciers non privilégiés, peu important qu'ils soient titulaires ou non de sûreté réelle.
Le texte ne faisant aucune distinction, on peut considérer que toutes les sûretés réelles 768, qu’elles
soient conventionnelles ou légales, mobilières ou immobilières, sont concernées par la déclaration.
Les dispositions du Code de commerce font donc ressortir de manière explicite la soumission des
créanciers titulaires de sûretés réelles à l'obligation de déclarer.
581. Si cette affirmation ne fait aucun doute pour les titulaires de sûretés réelles
préférentielles769, qu’en est-il des créanciers munis de sûretés réelles exclusives ? Ces créanciers
sont-ils soumis à l'obligation de déclarer ?
Conformément à la lettre des articles L. 622-24 et L. 622-25 précités, on pourrait conclure que les
créanciers titulaires de sûretés réelles exclusives sont eux aussi soumis à l’obligation de déclaration
dès lors qu'ils ne sont pas éligibles au traitement préférentiel et qu'ils ne bénéficient d'aucune
767
Sur les cas de dispenses de déclaration; V. par exemple P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des
procédures collectives, op. cit., n° 663.80 à 663.87; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1522 à 1527.
768
D. GALLOIS-COCHET, « Garantie autonome et lettre d'intention », RLDA, juillet 2007, n° 850, pp. 68-69.
769
Ph. ROUSSEL GALLE, « La déclaration des créances et les sûretés réelles », LPA, 11 février 2011, n° 30, p. 37; Par
ailleurs, la Cour de cassation exclut les sûretés personnelles du champ de la déclaration; Cass. civ. 1ere, 1er février 2000,
n° 97-14.304, Inédit; Rev. Proc. Coll. 2000, p. 134, obs. E. KERCKHOVE, relatif au cautionnement.
243
dispense. Cependant, la particularité de ces sûretés nous impose une analyse plus approfondie avant
de tirer les conclusions. Nous examinerons le cas du créancier rétenteur (a-1) puis celui du
bénéficiaire d’une fiducie-sûreté (a-2).
582. En vertu du principe selon lequel tous les créanciers non éligibles au traitement
préférentiel doivent déclarer leur créance et la sûreté dont elle serait éventuellement assortie, le
créancier rétenteur, dès lors qu'il ne bénéficie pas du privilège des articles L. 622-17 ou L. 641-13
du Code de commerce, n'échappe pas à la déclaration des créances. Mais la mise en application de
ces solutions n'est pas toujours simple.
Ainsi, nous verrons d'abord la déclaration de la créance du rétenteur (a-1-a) puis celle du droit de
rétention (a-1-b).
583. Conformément aux dispositions du Code de commerce, tous les créanciers antérieurs et
postérieurs non privilégiés doivent déclarer leur créance. Le défaut de déclaration est sanctionné par
l'inopposabilité de la créance non déclarée. En conséquence, comme tout créancier ne bénéficiant
pas du traitement préférentiel, le créancier rétenteur est tenu de déclarer sa créance, sous peine
d'inopposabilité.
Sous l’empire des législations antérieures à la loi de sauvegarde, la sanction du défaut de
déclaration était l’extinction de la créance. Le rétenteur qui n’avait pas déclaré sa créance perdait
ainsi, du fait de l’extinction de cette dernière, le droit de rétention attachée à la garantie de la
créance. Désormais, le défaut de déclaration est sanctionné par l'inopposabilité de la créance. Aussi,
une partie de la doctrine770 considère que le fait de ne pas avoir déclaré sa créance empêche le
créancier rétenteur de se prévaloir de son droit de rétention. L’inopposabilité de la créance non
déclarée devrait donc entraîner l’inopposabilité du droit de rétention assortissant cette créance.
Si la déclaration de la créance du rétenteur ne suscite pas de grosses interrogations, il n'en est pas
ainsi pour la déclaration du droit de rétention.
770
P. CROCQ, « L'ordonnance du 17 décembre et le droit des sûretés », JCP E 2009, 1313, n° 15; Ph. PÉTEL, « Le
nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. Commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 »
JCP E, 2009, 1049, ns° 31 et 32 ; M. FARGE et O. GOUT, « L'impact du nouveau droit des entreprises en difficulté sur
le droit des sûretés », RLDC, mars 2009, n° 58, p.14.
244
a-1-b) La déclaration du droit de rétention
584. La question qui se pose est celle de savoir si le créancier doit, au moment de la
déclaration de sa créance, faire mention du droit de rétention ? Il y a lieu de distinguer selon qu’il
s’agit du droit de rétention autonome ou du droit de rétention attaché à une sûreté.
585. S’agissant du droit de rétention autonome, après que sa nature juridique eut longtemps
divisé les juridictions du fond771, la Cour de cassation a finalement tranché le débat en jugeant que
le droit de rétention autonome n'est pas une sûreté et qu'il n'est pas assimilable au gage 772. Dans cet
arrêt du 20 mai 1997, la haute Cour a refusé la qualification de sûreté au droit de rétention.
Ce refus opéré par la Haute juridiction permet d'exclure le droit de rétention du champ de la
déclaration. Ainsi, une simple déclaration de créance à titre chirographaire de la part du rétenteur
suffit pour garantir l'opposabilité du droit de rétention à la procédure collective.
586. Cependant, un auteur 773 considère qu'il faut dépasser la lettre du texte et étendre
l'obligation de déclaration au droit de rétention. L'auteur soutient que « la déclaration de la créance
du rétenteur non accompagnée de celle du droit de rétention fait abstraction d'un élément
fondamental : le rétenteur devra, en pratique, être payé si le bien retenu est utile à l'entreprise. Il est
alors contestable de n'avoir égard qu'à son attitude passive et à l'absence de droit direct sur le bien,
en ignorant la dérogation à l'interdiction des paiements que le droit de rétention implique : l'impact
sur l'actif du débiteur est en réalité supérieur à celui résultant du droit de préférence ». En revanche,
une autre partie de la doctrine774 justifie l'absence de déclaration du droit de rétention par l'absence
de droit direct sur le bien.
À notre avis, compte tenu de la finalité de la déclaration qui, assure l’opposabilité de la créance et
de ses accessoires, et permet en outre la connaissance par les organes de la procédure du passif du
débiteur, le créancier rétenteur devrait non seulement déclarer sa créance mais aussi son droit de
rétention. Cette information permettrait aux organes de la procédure d’avoir une meilleure
connaissance de l’état du passif du débiteur. En effet, même si le droit de rétention n’est pas une
sûreté, il s’agit tout de même d’une garantie qui place le rétenteur dans une situation distincte de
celle d’un simple créancier chirographaire. Pour cela, le droit de rétention devrait être déclaré.
771
La Cour d'appel de Pau considérait que le droit de rétention, droit personnel, ne pouvait être assimilé aux privilèges
et sûretés, de ce fait, le créancier bien que n'ayant été admis qu'à titre chirographaire, pouvait valablement opposer son
droit de rétention. (CA Pau, 11 octobre 1994 ; RTD civ. 1995, p. 931, obs. P. CROCQ). En sens contraire, la Cour
d'appel d'Aix-en-Provence, avait jugé quelques mois plus tard que le droit de rétention constituait une sûreté mobilière,
et, à ce titre, il devait être déclaré conformément à l'ancien article 51 de la loi de 1985. (CA AIX, 2 mars 1995; RTD civ.
1995, p. 931, obs. P. CROCQ).
772
Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-11.915, Bull. civ. IV, n° 141 ; JCP E, 1997, I, 681, n° 10, obs. M. CABRILLAC;
RTD civ. 1997, p. 707, obs. P. CROCQ ; D. 1998, somm., p. 102, S. PIÉDELIEVRE ; RTD com. 1998, p. 202, obs. A.
MARTIN-SERF.
773
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op cit., n° 489.
774
A. GHOZI, « Sur la dualité du droit de rétention, À propos du droit de rétention du commissaire de transport », in Le
droit privé français à la fin du XXème siècle, Études à P. CATALA, Litec, 2001, pp. 719. et s ; A. AYNÈS, Le droit de
rétention : Unité ou pluralité, op. cit., n° 379.
245
587. Au-delà de ces querelles doctrinales, la jurisprudence, en déniant la qualification de
sûreté au droit de rétention, l'exclut du champ de la déclaration. Plus récemment, la Cour de
cassation a clairement posé cette solution. Dans un arrêt du 16 juin 2015775, la Haute juridiction a
rendu sa décision sur les motifs suivants : « Mais attendu, d'une part, que le créancier ne peut, sans
se contredire, demander à la cour d'appel de prononcer l'admission d'une créance tout en soutenant
que cette créance n'est pas soumise à déclaration ; que statuant comme il lui était demandé, dans le
cadre de la procédure de vérification et d'admission des créances, la cour d'appel, qui n'était pas
saisie d'une demande en paiement et qui a constaté que les créances complémentaires n'avaient pas
été déclarées dans le délai légal, en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient être admises ; Et
attendu d’autre part, que le droit de rétention n’est pas une sûreté réelle dont l’existence doit être
précisée dans la déclaration de créance, de sorte que la cour d'appel, statuant dans la procédure de
vérification et d'admission de créances, n'avait pas à répondre à un moyen inopérant ; D'où il suit
que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ». Ainsi, envisagé comme une
garantie autonome, le droit de rétention n’étant pas une sûreté, il n’a pas à être mentionné dans la
déclaration.
588. Mais la solution est différente lorsque le droit de rétention résulte d'une sûreté telle que
le gage, le nantissement ou les privilèges.
Le créancier devant déclarer la créance et la sûreté dont elle est assortie, la déclaration de la sûreté
implique nécessairement la reconnaissance du droit de rétention. En revanche, lorsque le créancier
ne déclare pas sa sûreté, il ne peut être admis qu’à titre chirographaire. Il perd toutes les
prérogatives attachées à sa sûreté, et, donc, son droit de rétention. Cette solution a été posée par la
Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 1999776. Dans cette affaire, il était question du privilège
d'un commissionnaire de transport assorti d'un droit de rétention777. En l’espèce, le commissionnaire
de transport n'ayant pas mentionné le bénéfice de son privilège dans la déclaration, sa créance avait
été admise à titre chirographaire. La haute Cour, en rejetant le pourvoi formé, a approuvé la
décision de la cour d'appel qui avait considéré le droit de rétention comme perdu en même temps
que le privilège dont il est la conséquence.
Dans ses observations, le professeur MARTIN-SERF 778 considère à juste titre que le droit de
rétention inhérent à une sûreté ne peut en tant qu'élément constitutif de la sûreté, survivre à la
775
Cass. Com., 16 juin 2015, n° 13-27.736, Inédit.
776
Cass. com., 8 juin 1999, n° 97-12.233, Bull. civ. IV, n° 125 ; D. 2000, somm. p. 388, obs. S. PIÉDELIÈVRE; D.
2000, somm. p. 297, obs. B. MERCADAL; JCP G, 1999, II, n° 10121, rapp. J.-P. REMERY; RTD com. 1999, p. 968,
obs. A. MARTIN-SERF ; F. PÉROCHON, « Le droit de rétention, accessoire de la créance », in. Mél. M. CABRILLAC,
Dalloz-Litec, 1999, p. 379.
777
V. aussi; Cass. com., 19 juin 1978, n° 77-10.466, Bull. civ. IV, n° 171, p. 145 ; D. 1983, IR. p. 122, obs. B.
MERCADAL.
778
A. MARTIN-SERF, obs. sous Cass. Com., 8 juin 1999, n° 97-12.233, arrêt préc; RTD com. 1999, p. 968.
246
disparition de celle-ci. Aussi, le créancier muni d'une sûreté assortie d'un droit de rétention, doit
déclarer la créance et la sûreté, pour opposer son droit de rétention à la procédure.
589. En l’état actuel du droit, lorsque le droit de rétention est envisagé comme une garantie
indépendante, il échappe à la déclaration. En revanche, lorsque le droit de rétention résulte d'une
sûreté, seule la déclaration de celle-ci permet de rendre le droit de rétention opposable. Mais, dans
tous les cas, le créancier rétenteur est, conformément à l'article L. 622-24779, tenu de déclarer sa
créance.
Qu'en est-il du bénéficiaire d'une fiducie-sûreté ? Est-il soumis à l’obligation de déclarer ?
590. Toujours en application des dispositions des articles L. 622-24 et L. 622-25, les
créanciers titulaires de sûretés réelles doivent déclarer leur créance et la sûreté dont elle est
éventuellement assortie. Sur la base de ces articles, il faudrait considérer que le bénéficiaire d'une
fiducie-sûreté doit non seulement déclarer sa créance, mais aussi la fiducie qui garantit cette
créance. En effet, depuis la loi du 19 février 2007 instituant la fiducie, celle-ci est considérée
comme une véritable sûreté par le législateur français. En conséquence, elle ne devrait pas échapper
au champ de la déclaration780.
Cependant, compte tenu de la particularité du transfert fiduciaire, la solution législative a du mal à
s'imposer. En effet, la question relative à la déclaration de la créance (a-2-a) garantie par la fiducie
(a-2-b) soulève quelques divergences aussi bien en doctrine qu'en jurisprudence.
779
E. CADOU, « Justice privée et procédures collectives », RTD com. 2000, p. 817.
780
En faveur d'une application de l'exigence de déclaration à toutes les sûretés; V. D. GALLOIS-COCHET, « Garantie
autonome et lettres d'intention » art. préc, pp. 68 et 69.
781
Ph PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. Commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du
18 décembre 2008 » art. préc., n° 44; G. BERTHELOT, « Le traitement de la fiducie-sûreté dans la nouvelle
ordonnance sur les procédures collectives », Dr. et patr. 2009, n° 185, pp. 89 et s. sp. p. 92.
782
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., ns° 1518 et 1543.
783
Ph. ROUSSEL GALLE, « La déclaration des créances et les sûretés réelles », op. cit., p. 38.
247
sa sûreté784. Mais la jurisprudence n'ayant pas encore statué dans ce sens, transposer cette solution à
la fiducie-sûreté pourrait se révéler dangereux pour le créancier qui, de cette manière, s'exposerait
éventuellement à la sanction de l'inopposabilité785.
Enfin, d'autres optent pour une solution intermédiaire, c'est le cas du professeur LE CORRE786.
L'auteur considère que la déclaration de créance ne s'impose pas lorsque le bien fiducié n'est pas
entre les mains du constituant (fiducie avec dépossession), car la réalisation de cette fiducie-sûreté
reste possible malgré l'ouverture d'une procédure collective. En revanche, en présence d'une fiducie
sans dépossession, le jeu de la convention de mise à disposition a pour effet d'interdire la réalisation
de la fiducie-sûreté. Le bénéficiaire, soumis à la discipline collective, devrait donc déclarer sa
créance dès lors que la convention de mise à disposition est soumise aux règles de la continuation
des contrats en cours. Il en résulterait une obligation de déclaration de créance qui varierait selon la
procédure collective dont le débiteur fait l’objet.
En tout état de cause, conformément à la lettre du texte de l’article L. 622-24 et en l’absence de
précision jurisprudentielle, le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté devrait déclarer sa créance et même
sa sûreté.
784
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Sûretés et droit des procédures collectives : évolution ou révolution ? », D. 2007,
pp. 1359 et s. sp. p. 1361; M. GRIMALDI et R. DAMMANN, « La fiducie sur ordonnances », D. 2009, pp. 670 et s. sp.
p.672.
785
Nous y reviendrons dans la partie consacrée à la sanction du défaut de déclaration.
786
M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.51.
787
N. BORGA, « Regards sur les sûretés dans l'ordonnance du 18 décembre 2008 », Rev.drt. banc et fin. juin 2009, pp.
9 et s. sp. 10
788
Cass. com., 18 janvier 2005, n°02-12.324, Bull. civ. IV, n° 11; D. 2005, p. 430, obs. A. LIÉNHARD; D. 2005, p.
782, note P.-M. LE CORRE ; D. 2005, p. 2082, obs. P. CROCQ ; RTD com. 2005, p. 413, obs. A. MARTIN-SERF ;
JCP G, 2005, I, 147, n° 15, obs. M. CABRILLAC.
789
P. CROCQ, Propriété et garantie, op. cit., n° 516.
248
échéant, mentionner la propriété-garantie fiduciaire qui garantit la créance. Mais il ne sera pas tenu
de cette obligation pour les propriétés-garanties non fiduciaires telle que la clause de réserve de
790 791
propriété . De même, Madame BOUGEROL-PRUD'HOMME milite en faveur d'une
déclaration des propriétés-garanties. L'auteur considère que la finalité de la déclaration devrait
conduire à imposer aux créanciers propriétaires de déclarer la garantie puisque l'objectif est en effet
de prendre connaissance du passif du débiteur, d'éclairer la prise de décision pour les suites à
donner à la procédure et d'organiser le paiement des créanciers.
594. À notre avis, les titulaires de sûretés réelles exclusives ne devraient déclarer leur créance
que lorsqu'en dépit de leur statut de créanciers hors concours, ils n'ont pas bénéficié du paiement
exceptionnel de leur créance. En effet, nous avons vu que les créanciers titulaires de sûretés réelles
exclusives peuvent, à certaines conditions, obtenir le paiement exceptionnel de leur créance, après
le jugement d'ouverture. Ce paiement qui se fait hors concours rend, à notre sens, inutile la
déclaration des créances puisque, rappelons-le, l'un des objectifs de la déclaration est d'assurer
l'opposabilité de la créance à la procédure collective dans le but de permettre au créancier d'obtenir,
autant que possible, un paiement dans le cadre de ladite procédure. Cependant, les délais pour
déclarer étant relativement brefs, il est à craindre que même lorsque les créanciers bénéficient d'un
paiement exceptionnel, celui-ci n'intervienne qu'après l’expiration des délais de déclaration. Pour
éviter toute mauvaise surprise, nous recommandons aux créanciers titulaires de sûretés réelles
exclusives de se soumettre à l'obligation de déclarer.
595. Quant à l'indication de la sûreté au moment de la déclaration, nous pensons que, malgré
la lettre de l'article L. 622-25, l'obligation d'indiquer la sûreté réelle dont la créance est assortie
s'impose difficilement lorsqu'il est question des sûretés réelles exclusives.
Le professeur LE CORRE792 considère d'ailleurs que cette obligation devrait se limiter aux seules
sûretés réelles traditionnelles consenties par le débiteur. En effet, du moment que la créance est
déclarée, la nécessité de mentionner la sûreté dont elle est assortie doit, dit-il, permettre « de
distribuer le prix des actifs du débiteur, en tenant compte du rang de chacun des créanciers. Dès lors
qu'elle ne confère aucun droit de préférence, l'indication de la sûreté n'a aucun intérêt et,
corrélativement, son absence ne doit pas être sanctionnée ». Ainsi, l'absence d'indication d'une
fiducie-sûreté ou d'un droit de rétention ne devrait pas pénaliser le créancier, puisque ces garanties
ne confèrent pas à leurs titulaires un droit de préférence. Elles ont revanche vocation à placer leurs
titulaires dans une situation d'exclusivité. L’obligation de déclaration devrait donc être écartée étant
790
CA Montpellier, 15 mai 1990, Rev. Proc. Coll. 1992, p. 425, obs. B. SOINNE.
791
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op cit, n° 489.
792
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 666.42.
249
donné que la garantie a vocation à placer le créancier hors concours. À l’instar du créancier
rétenteur, le bénéficiaire de la fiducie devrait en être dispensé793.
Ainsi, l'absence d'indication de la fiducie-sûreté ou du droit de rétention, au moment de la
déclaration, ne devrait avoir aucune incidence sur le paiement des créanciers. Mais, là encore, pour
des raisons pratiques, il est préférable de donner cette précision, d'autant plus qu'elle permettrait aux
organes de la procédure de mieux connaitre l'état et la nature du passif du débiteur.
596. La règle de la déclaration des créances suscite par ailleurs des interrogations sur les
personnes habilitées à déclarer. Toutefois, n’étant pas spécifiques aux sûretés réelles exclusives,
nous n’allons pas en faire état dans la présente étude794.
Nous venons ainsi de voir le champ de la déclaration des créances en droit français, analysons à
présent la situation en droit OHADA.
597. L'alinéa 1er de l’article 78 de l'AUPC prévoit in fine que « ... tous les créanciers
composant la masse à l’exception des créanciers d’aliments, doivent, sous peine de forclusion,
produire leur créance auprès du syndic ». La formulation du texte confère à la production des
créances un domaine moins large qu’en droit français. Le texte ne le précise pas, mais les créanciers
formant la masse sont des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture. Ainsi, l’obligation de
production ne concerne que les créances antérieures. Tout créancier antérieur et composant la masse
doit donc produire sa créance, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une créance d’aliments. Peu important
que les créances soient certaines ou éventuelles, liquides ou exigibles, conditionnelles ou
contestées, ce qui compte, c'est que la créance ne soit pas une créance d’aliments et que le créancier
fasse partie de la masse.
Comme en droit français, on peut considérer qu’il devrait s’agir d’une créance de sommes d’argent.
En tout état de cause, dès lors que ces conditions sont réunies, le créancier est, en principe, soumis à
l'obligation de produire. Il devrait en être ainsi aussi bien pour les créanciers chirographaires que
pour les créanciers munis de sûretés.
598. La solution du législateur communautaire africain conduit à s’interroger sur le sort des
créanciers titulaires de sûretés réelles exclusives. Sont-ils également soumis à l'obligation de
793
Ibid.
794
La détermination de la personne habilitée à déclarer au passif d'une procédure collective qu'elle soit de sauvegarde,
de redressement ou de liquidation judiciaire a suscité un contentieux abondant. V. par exemple, Cass. Ass. plén., 26
janvier 2001, n° 99-15.153, Bull. Ass. plén., n° 1; JCP E, 2001,753, n° 8, obs. M. CABRILLAC; RTD com. 2001, p.
508, obs. A. MARTIN-SERF; RTD com. 2001, p. 746, n° 11, obs. M. CABRILLAC; Cass. com., 28 juin 2005, n° 40-
14.651; Bull. civ IV, n° 143; D. 2005, AJ. p. 1940, obs. A. LIÉNHARD ; RTD com. 2005, p. 840, n° 1, obs. A.
MARTIN-SERF; D. 2006, somm. p. 84, obs. P-M. LE CORRE; Cass. Ass. plén., 4 février 2011, n° 09-14.619, Bull.
Ass. plén., n° 2; D. 2011, AJ. p. 514, obs. A. LIÉNHARD ; JCP E, 2011, 1263, n° 7, obs. Ph. PÉTEL ; Cass. com., 4
mars 2014, n° 12-29.580, Inédit.
250
produire leur créance ? Seuls le droit de rétention (b-1) et le transfert fiduciaire (b-2) seront ici
analysés, puisque les conditions d'opposabilité de la clause de réserve de propriété seront étudiées
dans la prochaine section.
Deux questions se posent : le créancier rétenteur doit-il produire sa créance ? (b-1-a) Si oui,
doit-il faire mention du droit de rétention ? (b-1-b).
600. L'article 80, alinéa 2, de l'AUPC prévoit qu’« Elle (la déclaration) précise la nature de
la sûreté dont la créance est éventuellement assortie ». Le texte ne donne aucune précision sur la
nature des sûretés visées. On peut donc considérer que toutes les sûretés doivent être mentionnées
dans la production de créance, peu important qu'elles soient personnelles ou réelles. Ainsi, le
795
Selon l’article 83, al. 2 de l’ancien AUPC : « En cas de redressement judiciaire, la forclusion éteint les créances, sauf
clause de retour à meilleure fortune et sous réserve des remises concordataires »
251
créancier qui produit sa créance et qui par ailleurs bénéficie d'une sûreté, doit en faire mention dans
l'acte de production.
601. S'agissant du droit de rétention, il faut relever que contrairement à la jurisprudence
française qui refuse la qualification de sûreté au droit de rétention, en droit OHADA, la nature de
sûreté du droit de rétention est admise depuis longtemps796. Sur cette base, on peut soutenir que le
créancier doit préciser sa qualité de rétenteur au moment de la production de créance. Il ne s'agirait
donc pas d'une simple possibilité qui s'offre au rétenteur, mais d'une obligation dont le non-respect
serait sanctionné par une privation d'efficacité du droit de rétention dans la procédure collective.
Si, en raison de l'assimilation du droit de rétention au gage sous l'empire de l'ancien AUS, cette
précision pouvait se révéler utile, aujourd'hui, le créancier rétenteur étant désormais placé dans une
réelle situation d'exclusivité, la mention du droit de rétention dans la production pourrait ne plus
avoir un intérêt. En effet, comme le soutient la doctrine française797, la précision de la sûreté dont la
créance serait assortie au moment de la déclaration n'a d'intérêt qu'en présence d'une sûreté qui
confère à son titulaire un droit de préférence. Or, tel n'est plus le cas pour le droit de rétention.
Depuis la réforme de l'AUS, le droit de rétention n'est plus assorti d'un droit de préférence.
À l’instar du droit français, il se résume à la faculté pour le créancier de retenir la chose jusqu'au
complet paiement de sa créance. Ainsi, une partie de la doctrine 798 considère que le créancier
rétenteur africain devrait pouvoir se passer de la mention du droit de rétention lors de la production
de créance. Toutefois, cette précision reste utile pour les organes de la procédure. Elle leur permet
en effet d’avoir une meilleure connaissance de l’état du passif du débiteur.
Qu'en est-il alors du bénéficiaire d'un transfert fiduciaire de somme d’argent ?
602. Le schéma sera le même ici. Nous tenterons de déterminer si le bénéficiaire d'un transfert
fiduciaire est soumis à la production de créance (b-2-a), avant de nous demander s'il est nécessaire
de mentionner cette sûreté dans l’acte de la production (b-2-b).
603. Selon les dispositions de l'article 78 de l'AUPC, tout créancier composant la masse est
tenu de produire sa créance. Dès lors que le bénéficiaire d'un transfert fiduciaire de somme d'argent
796
Ancien art. 39 et le nouvel art. 50 de l'AUS ; A. AKRAWATI WHAMSIDINE, « Le droit de rétention en droit
uniforme (OHADA) », art. préc., p. 279 ; Z. ZERBO, « Le droit de rétention dans l'acte uniforme portant organisation
des sûretés de l'OHADA: étude comparative », art. préc. ; J.-C. OTOUMOU, « Le droit de rétention en droit OHADA
», art. préc., p. 75.
797
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 666.42.
798
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.-J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
op. cit., n° 187 in fine.
252
fait partie des créanciers composant la masse799 et que, antérieure au jugement d’ouverture, il ne
s’agit pas d’une créance d’aliments, il devrait se soumettre à la production de créance.
Somme toute, même si le texte reste assez imprécis, on peut considérer que tout créancier, fut-il
bénéficiaire d’une sûreté exclusive, est tenu de produire sa créance, à partir du moment où il fait
partie de la masse. Si le créancier est tenu de produire sa créance, doit-il également faire mention du
transfert fiduciaire dans la production de créance ?
604. Comme pour le droit de rétention, et conformément aux dispositions de l'article 80,
alinéa 2 de l'AUPC, on pourrait soutenir que si le transfert fiduciaire est bien une sûreté et que le
créancier se soumet à la production de créance, il doit en faire mention au moment de la production
de sa créance. Contrairement au droit français, ni la jurisprudence, ni la doctrine africaine ne s’est
penchée sur cette question. Il y a donc lieu de considérer qu’en l’état actuel du droit OHADA, le
bénéficiaire d’un transfert fiduciaire doit produire sa créance et faire mention de sa sûreté dans
l’acte de production.
605. En définitive, d’après les dispositions de l'article 78 de l'AUPC, le créancier rétenteur et
le bénéficiaire d'un transfert fiduciaire doivent, dès lors qu’ils font partie de la masse, se soumettre à
l'obligation de produire leur créance. La lettre de l’article 80 alinéa 2 du même Acte uniforme
permet également de les soumettre à l'obligation de mentionner leur sûreté au moment de la
production. Dans tous les cas, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives devant, au moins,
produire ou déclarer leur créance, cette production ou déclaration devrait s'effectuer dans le respect
des modalités prévues à cet effet.
799
Cf. ns°446 et s.
800
En droit français ; La déclaration n’est soumise à aucun formalisme. L’article L. 622-24 se contente d’énoncer que la
déclaration doit être faite que les créances soient ou non établies par un titre. Même si le législateur ne le mentionne pas,
il est admis que la déclaration de créance doit prendre une forme écrite. Ce qui importe, c’est que la déclaration
manifeste sans équivoque la volonté de voir reconnaître le droit du créancier. Comme le précise la Cour, elle doit
révéler de façon non équivoque la volonté pour le créancier, de réclamer dans la procédure collective, le paiement de sa
créance. (Cass. com., 15 février 2011, n° 10-12.149, Bull. civ. IV, n° 26 ; D. 2011, p. 673, obs. A. LIÉNHARD ; V.
aussi A. LIÉNHARD, « Modalités de déclaration des créances », D. 2001, Chron. p. 1011. La volonté de faire
reconnaitre le droit du créancier doit être manifeste. Il a ainsi été jugé qu’un commandement de payer ne peut valoir
déclaration de créance (Cass. com., 2 octobre 1978, n° 76-15.513, Bull. com. n° 214 ; D. 1979, p. 13, note A.
HONORAT) ; pas plus qu’une assignation en intervention forcée du liquidateur judiciaire dans un litige sur la créance
(Cass. com., 22 mars 1994, n° 92-10.663, Bull. civ. IV, n°119). En droit OHADA : L'alinéa 1er de l’article 80 de l'AUPC
dispose que « Les créanciers remettent au syndic, par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, une déclaration ».
801
En droit français: L’article L. 622-25 énonce que la déclaration « porte le montant de la créance due avec indication
des sommes à échoir et la date de leur échéance. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est
253
ne sont nullement spécifiques aux sûretés réelles exclusives. Nos développements seront en
conséquence axés sur les seuls délais de déclaration (a) ou de production (b).
607. Aux termes des dispositions du Code de commerce (articles L. 622-24 et suivants), les
créanciers munis de sûretés réelles exclusives ne bénéficient pas d'un délai de déclaration spécial.
Cependant, certains peuvent bénéficier de l'avertissement d'avoir à déclarer ; dans ce cas, le risque
de forclusion est réduit. Ainsi, nous évoquerons brièvement les délais de déclaration (a-1) avant de
nous interroger sur le bénéfice, par les créanciers munis de sûretés réelles exclusives, de
l'avertissement d'avoir à déclarer (a-2).
608. Par principe, le délai pour déclarer est le même pour tous les créanciers ; il est de deux
mois. Ce qui change, c’est le point de départ. Conformément aux dispositions de l'article L. 622-24,
le point de départ varie selon qu'il s'agit des créanciers antérieurs 803, des créanciers postérieurs non-
éligibles au traitement préférentiel 804 , des victimes d'une infraction pénale 805 , des créances
salariales806, et, enfin, des créances fiscales et sociales807.
éventuellement assortie ». La déclaration doit donc préciser le montant de la créance, ses accessoires et ses intérêts). En
droit OHADA ; Aux termes des dispositions de l'article 80 de l'AUPC, il ressort que le créancier doit préciser le
montant de la créance due au jour de la décision d’ouverture, les sommes à échoir et les dates de leurs échéances.
802
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., ns° 665.22 à 665.
803
Les créanciers antérieurs doivent adresser leur déclaration au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois à
compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. (Art. L. 622-24, al. 1er et R. 622-24, al. 1er). Pour
déclarer dans le délai, les créanciers doivent être informés de l’ouverture de la procédure collective. La publicité du
jugement d’ouverture y contribue largement. Cette publicité est faite par le greffier dans les quinze jours qui suivent le
jugement d’ouverture. Le délai ne court que si la publicité a été régulièrement effectuée. Une irrégularité dans la
publication du jugement d’ouverture empêche le court du délai (Cass. com., 14 février 1995, n° 93-10.151, Bull. civ. IV.
n° 47 ; D. 1996, somm. p. 85, obs. A. HONORAT).
804
Pour les créanciers postérieurs non privilégiés, le délai de deux mois court à compter de l'exigibilité de la créance.
Mais lorsque pour ces créanciers postérieurs, la créance résulte d’un contrat à exécution successive, il y a lieu de
distinguer deux situations. Si la créance est née avant le jugement d’ouverture (le contrat a été conclu avant l’ouverture
de la procédure), la déclaration est faite pour la totalité des sommes dues et à échoir, sur la base d’une évaluation, dans
le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. En revanche, lorsque la
créance est née après le jugement d’ouverture (le contrat a été conclu après le jugement d’ouverture), le créancier doit
déclarer la totalité des sommes dues ou à échoir, dans le délais de deux mois à compter de la première échéance
impayée peu important qu’elle ait été régularisée ou non
805
Le point de départ du délai de déclaration de la partie civile court à compter du jour de la décision définitive fixant le
montant de la créance de dommages et intérêts. Ce point de départ n’est valable que lorsque la décision intervient après
la publication du jugement d’ouverture, à défaut, c’est le délai de droit commun qui s’applique aux victimes.
806
Lorsque l'AGS n’est pas dispensée de déclaration, elle doit déclarer les créances salariales figurant sur les relevés y
compris celle qu’elle refuse de régler, dans un délai de quinze jours après l’expiration des délais de règlement édicté par
l’article L. 3253-8 du Code de travail.
807
Les créanciers publics sont autorisés à se délivrer à eux-mêmes des titres exécutoires au jour de la déclaration. Aussi,
la déclaration de leur créance se fait en deux étapes. D’abord une déclaration à titre provisionnel qui doit être faite dans
le délai légal de deux mois. Ensuite une déclaration à titre définitif. Cette déclaration complémentaire peut être faite
pendant le délai imparti au tribunal pour la vérification des créances. Cependant, le législateur a récemment pris en
compte les difficultés rencontrées par le Fisc pour déclarer ses créances d’impôt à titre définitif, lorsqu’elles font l’objet
d’une procédure administrative d’établissement. Dans ce cas, l’al. 3, de l’article L. 622-24 précise que l’obligation de
254
609. Cependant, le principe d’une déclaration de créance dans un délai de deux mois connaît
quelques exceptions.
C’est d’abord le cas pour les créanciers domiciliés hors de la France métropolitaine. Ceux-ci
bénéficient d’un délai supplémentaire de deux mois, lorsque la procédure est ouverte par une
juridiction dont le siège se trouve en France métropolitaine (article R. 622-24 du Code de
commerce). Il en est de même lorsque le débiteur et le créancier ne sont pas domiciliés dans le
même département ou la même collectivité d’outre-mer808.
C’est ensuite le cas des créanciers dont la créance résulte de la résiliation d’un contrat en cours
après le jugement d’ouverture. Ces créanciers ont la possibilité de déclarer même si la résiliation est
intervenue après l’expiration du délai légal de deux mois. En effet, l’article L. 622-13 indique que
Si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions
du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV de l’article, l’inexécution peut
donner lieu à des dommages au profit du cocontractant dont le montant doit être déclaré au passif.
Dans cette situation, le cocontractant dispose, pour déclarer sa créance, d’un délai d’un mois à
compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la
résiliation809.
610. S’agissant du calcul du délai, il se fait selon les règles de l’article 642 du Code de
procédure civile810. Lorsque la déclaration est expédiée par voie postale, le délai court à compter de
la date de l’expédition811 qui figure sur l’enveloppe. En cas d’envoi par lettre simple, des difficultés
de calcul du délai de deux mois peuvent survenir, sauf si le mandataire judiciaire a gardé
l’enveloppe et s’il la produit 812 . Par précaution, il convient d’envoyer la déclaration par lettre
recommandée avec avis de réception813.
611. Quant à la nature du délai, même si certaines juridictions ont pu analyser le délai de
déclaration comme un délai de prescription 814 , il est désormais admis qu’il s’agit d’un délai
préfix815, insusceptible de suspension ou d’interruption.
déclaration à titre définitif dans le délai de l’article L. 624-1, ne s’impose pas si une procédure administrative
d’établissement de l’impôt a été mise en œuvre. La déclaration à titre définitif doit alors être effectuée avant le dépôt au
greffe du compte-rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire.
808
Cette solution résulte de l’interprétation a contrario d’une décision rendue par la jurisprudence. La Cour a décidé que
le délai n’était pas augmenté de deux mois lorsque le créancier et le débiteur résident dans le même département ou
territoire ; Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-13.103, Bull. civ. IV, n° 125 ; JCP E, 2010, 1744, note. Ph. ROUSSEL
GALLE.
809
Art. R. 622-21, al. 2 du Code de commerce.
810
Si le délai expirait un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il doit être prorogé jusqu’au premier jour
ouvrable suivant ; Cass. com., 17 février 1998, n° 95-18.686, Bull. civ.IV. n° 76; RJDA 1998/6, n° 764.
811
Cass. com., 28 janvier 1997, n° 94-21.125, Bull. civ. IV, n° 30 ; D. 1997, somm. p. 214, obs. A. HONORAT ; JCP
G, 1997, n° 17, note M. CABRILLAC ; D. Aff. 1997, p. 902 ; D. Aff. 1998, p. 1004.
812
Cass. com.,16 février 1981, n° 79-13.174, Bull. civ. IV, n° 81.
813
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 777.
814
CA Paris, 6 décembre 1991, Rev. Proc. Coll. 1992, p. 83, obs. B. DUREUIL ; T. com. Paris 2 mars 1990, RJ com.
1990, p. 265, note J.-M. CALENDINI ; Rev. drt. banc et fin.,1990, p. 173, obs. M-J. CAMPANA et J.-M.
CALENDINI.
255
La nature préfixe du délai de déclaration n’est pas sans inconvénients pour les créanciers. Il a par
exemple été jugé que la déclaration des créances adressée à une personne autre que le mandataire
n’interrompt pas le délai. Ainsi, la déclaration envoyée à l’administrateur judiciaire est
inopérante816, sauf si ce dernier a le réflexe de la transmettre à son tour au mandataire judiciaire,
tout en respectant le délai de deux mois817.
Le délai de déclaration est bref et le risque de forclusion est réel. C’est pourquoi, le législateur
prévoit une mesure qui consiste à avertir les créanciers.
612. L'alinéa 1er de l'article 622-24 énonce que les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou
liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu,
d'avoir à déclarer. C'est le représentant des créanciers (le mandataire judiciaire ou le liquidateur) qui
avertit les créanciers, par lettre recommandée avec avis de réception, dans le délai de quinze jours à
compter du jugement d'ouverture818.
Conformément à l'article L. 622-24, seuls les créanciers dont la sûreté ou le contrat est publié à la
date du jugement d’ouverture seront avertis819. Tel sera par exemple le cas pour le Trésor public,
dès lors qu’il a publié son privilège général mobilier 820 . En revanche, ne sera pas informé le
créancier titulaire d’un nantissement non soumis à la publicité, c’est le cas du nantissement de parts
sociales, contrairement à celui de parts de société civile821. Il en sera de même pour un syndicat de
copropriétaires dont le privilège est occulte822.
613. Le législateur ne donnant aucune précision quant à la nature des contrats publiés, on peut
considérer que la mesure s’applique à l’ensemble des créanciers titulaires d’un contrat publié, quel
que soit l’objet du contrat et peu important que la publicité soit obligatoire ou facultative. Doivent
ainsi être avertis, les créanciers liés au débiteur par un crédit-bail ou une location financière. Qu’en
est-il alors des créanciers munis de sûretés réelles exclusives ? Sont-ils titulaires de sûretés publiées
?
815
Cass. com., 1er juillet 1997, n° 95-13.602, Bull. civ. IV, n° 210 ; B. SOINNE, « Le contenu de la déclaration de
créance et la preuve de sa réception », LPA, 1998, n° 130, p. 19.
816
Cass. com., 22 juin 1993, n° 87-19.183, Bull. civ. IV, n° 260; D. 1993, somm. p. 365, obs. A. HONORAT.
817
Cass. com., 6 janvier 1998, n° 95-11.894, Bull. civ. IV, n° 3; RTD com. 2000, p. 718, obs. A. MARTIN-SERF.
818
L’article R. 622-21, al. 3 précise le contenu de l’avertissement : « l’avertissement du mandataire judiciaire reproduit
les dispositions légales et réglementaires relatives aux délais et formalités à observer pour la déclaration des créances,
pour la demande en relevé de forclusion et pour les actions en revendication et en restitution ».
819
La Cour a par exemple jugé que la disparition de la sûreté après le jugement d'ouverture reste sans conséquence sur
l'obligation d'avertissement du créancier (Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.968, Bull. civ. IV, n° 201; D. 2012,
AJ. p.7, obs. A. LIÉNHARD).
820
Cass. com., 4 juillet 2000, n° 97-22.414, Bull. civ. IV, n° 137; JCP E, 2001, 219, n° 11, obs. Ph. PÉTEL . Cass.
com., 9 janvier 2001, n° 98-15.102, Bull. civ. IV, n° 6; JCP E, 2001, 752, n° 7, obs. M. CABRILLAC.
821
Cass. com., 16 mai 2006, n° 05-12.400, Bull. civ. IV, n° 121; JCP E, 2006, 2236, note. J. VALLANSAN ; D. 2006,
AJ, p. 1528, obs. A. LIÉNHARD.
822
Cass. com., 4 mars 2003, n° 00-11.952, Bull. civ. IV, n° 35; JCP E, 2003.1396, n° 7, obs. M. CABRILLAC; D.
2003, AJ, p. 909, obs. A. LIÉNHARD.
256
a-2-a) Les créanciers munis de sûretés réelles exclusives et l’avertissement
614. Dès lors qu'un créancier est titulaire d'une sûreté publiée ou qu'il est lié au débiteur par
un contrat publié, il bénéficie de l'avertissement. La question sous-jacente ici est celle de la
publicité des sûretés réelles exclusives.
Envisageons sommairement cette question que nous retrouverons dans le prochain paragraphe
consacré à l'étude de l'arrêt ou de l'interdiction des inscriptions des sûretés.
615. La publicité a pour but de faire connaître la sûreté et de la rendre opposable aux tiers.
Envisagé comme une garantie autonome, le droit de rétention est fondé sur la faculté de retenir le
bien. Or, cette seule rétention suffit à rendre le droit de rétention opposable. Cette solution découle
de la jurisprudence. La Haute juridiction a en effet jugé que le droit de rétention est opposable erga
omnes823. Aucune formalité autre que la rétention du bien n’est exigée pour assurer l’opposabilité
du droit de rétention. Le créancier rétenteur n’a donc pas à publier son droit de rétention pour le
faire connaître et le rendre opposable. En conséquence, le rétenteur ne devrait pas bénéficier de
l'avertissement d'avoir à déclarer sa créance.
616. Cependant, cette solution doit être atténuée lorsqu'il s'agit du droit de rétention attaché à
un gage, et notamment au gage sans dépossession. Le créancier n'étant pas physiquement en
possession du bien, il doit publier sa sûreté pour la rendre opposable. En effet, conformément à
l'article 2337 du Code civil, « Le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite. Il
l’est également par la dépossession entre les mains du créancier ou d’un tiers convenu du bien qui
en fait l’objet ». L’opposabilité du gage sans dépossession est assurée par la publicité. Celle-ci est
faite par une inscription sur un registre spécial dont les modalités sont réglées par décret en Conseil
d’État824. En revanche, lorsque le gage est assorti d'une dépossession, celle-ci est suffisante pour
rendre la sûreté opposable. La publicité n'est donc pas obligatoire pour les gages avec dépossession.
Mais, a priori, rien n’empêche au créancier qui le désire de procéder à l’inscription de sons gage.
Dans tous les cas, compte tenu de sa qualité de créancier gagiste sans dépossession, le titulaire d'un
droit de rétention fictif devrait bénéficier de l'avertissement d'avoir à déclarer.
823
Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-11.915, arrêt préc; D. 1999, somm. p. 5, obs. F. DERRIDA; RTD civ. 1997, p. 707,
P. CROCQ; V. aussi, Cass. com., 3 mai 2006, n°40-15.262, Bull. civ. IV, n° 106; JCP E, 2006, 2824, n° 15, obs. Ph.
DELEBECQUE; Cass. 1ere civ. 24 septembre 2009, n° 08-10.165, Bull.civ. IV, n°178; D. 2009, AJ, p. 2275, obs. X.
DELPECH.
824
Art. 2338 du Code civil.
257
* Qu'en est-il du bénéficiaire d'une fiducie-sûreté ?
617. Pour être opposable aux tiers, la fiducie doit respecter les conditions posées par le droit
commun825. L'article 2019, alinéa 1er du Code civil, dispose qu’« À peine de nullité, le contrat de
fiducie et ses avenants sont enregistrés dans un délai d'un mois à compter de leur date, au service
des impôts du siège du fiduciaire ou au service des impôts des non-résidents si le fiduciaire n'est
pas domicilié en France ». Et l'alinéa 2 du même texte précise que « Lorsqu'ils portent sur des
immeubles ou des droits immobiliers, ils (le contrat de fiducie et ses avenants) sont, sous la même
sanction, publiés dans les conditions prévues aux articles 647 et 657 du Code général des impôts ».
En outre, l'article 2018, alinéa 2, du Code civil précise que « La cession de créances réalisée dans
le cadre d'une fiducie est opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l'avenant qui la
constate. Elle ne devient opposable au débiteur de la créance cédée que par la notification qui lui
est faite par le cédant ou le fiduciaire »
Ces quelques dispositions révèlent que les fiducies sont de manière générale soumises à
l’enregistrement ; et que les fiducies immobilières font, en plus, l’objet d’une publicité foncière
obligatoire. Ainsi, si l’on considère l’enregistrement comme une formalité de publicité, il y a lieu de
considérer que le bénéficiaire d’une fiducie mobilière doit être averti d’avoir à déclarer.
En revanche, la question ne se pose pas pour le bénéficiaire d’une fiducie immobilière 826 .
La publicité de la fiducie-sûreté nécessite cependant quelques éclaircissements que nous
apporterons par la suite.
Quoi qu'il en soit, conformément à l'article L. 622-24, le bénéficiaire d’une fiducie immobilière doit
être averti d’avoir à déclarer. Le doute est cependant permis pour la fiducie portant sur des meubles.
618. En définitive, le titulaire d'un droit de rétention fictif et le bénéficiaire d'une fiducie-
sûreté devant publier leur sûreté, ils rentrent dans la catégorie des créanciers titulaires de sûretés
publiées et bénéficient donc de l'avertissement d'avoir à déclarer. En conséquence, ces créanciers se
trouvent dans une situation quelque peu enviable, puisqu'à leur égard le délai de déclaration ne
court qu'à compter de la notification de l'avertissement827. La situation ne change pas même si les
créanciers sont informés de l’ouverture de la procédure collective. Il semblerait que ce délai ne
puisse expirer avant le délai de droit commun, considéré comme un délai minimal828.
619. Pour faire courir le délai de déclaration, l’avertissement doit remplir toutes les conditions
exigées par les textes. Ainsi, la notification faite aux titulaires d’une sûreté publiée par simple lettre
825
Sur le droit commun de la fiducie voir les articles 2011 à 2030 du Code civil.
826
S. FARHI, « Le banquier garanti par une fiducie-sûreté et la procédure collective », art. préc., p. 120.
827
Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-20.715, Bull. civ. IV, n° 56; D. 2000, AJ, p. 168, obs. A. LIÉNHARD ; V. aussi,
Cass. com., 12 octobre 2004, n° 02-20.367, Inédit.
828
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1548.
258
au lieu d’une lettre recommandée ne fait pas courir la prescription829. Il en sera de même lorsque
l’avertissement ne comporte pas toutes les mentions requises par l’article R. 622-21, alinéa 3 du
Code de commerce. Un tel avertissement est irrégulier et privé d’effet, et cela, indépendamment de
tout préjudice subi par le destinataire 830 . Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré que le
créancier titulaire d’une sûreté ou d’un contrat publié qui déclare dans le délai légal sans avoir été
averti, ne peut évoquer l’absence d’avertissement pour compléter ou rectifier sa déclaration.
La modification ne pourra intervenir qu’à l’intérieur du délai initial, et le créancier se trouve alors
exposé à la forclusion831. Mais lorsque l’avertissement est reçu avant la publication du jugement
d’ouverture au BODACC, il faut alors revenir au principe initial et faire courir le délai de deux mois
à compter de cette publication 832 . Le mandataire judiciaire qui omet d’avertir peut voir sa
responsabilité engagée à l’égard des créanciers oubliés833.
620. Conformément à l'article R. 622-21 précité, les créanciers connus bénéficient également
de l’avertissement individuel d’avoir à déclarer. Le mandataire judiciaire doit, dans les quinze jours
du jugement d’ouverture, avertir les créanciers connus d’avoir à déclarer leurs créances dans le
délai mentionné à l'article R. 622-24 du Code de commerce. Si les créanciers munis de sûretés
réelles exclusives font partie des créanciers connus, il ne se pose alors aucun problème. Ils seront
alors avertis d'avoir à déclarer conformément aux articles R. 622-21 et R. 622-24.
621. Les créanciers munis de sûretés réelles exclusives, en bénéficiant de l'avertissement
d'avoir à déclarer, voient leur délai de déclaration différé à la réception de l'avertissement834. Tant
qu'ils n'ont pas été avertis, le délai de déclaration ne court pas 835. Cette situation les placent dans
une situation confortable car le risque de forclusion est considérablement limité, voire inexistant836.
Nous venons de voir les solutions relatives au délai de déclaration en droit français, le droit
OHADA prévoit-il des solutions identiques ?
À l’instar du droit français, une brève présentation des délais de production (b-1) précèdera
l'analyse de l'avertissement d'avoir à produire (b-2).
829
Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-14.912; Bull. civ., IV. n°57; JCP E 2000, 1563, § 6, n° 40.
830
Cass. com., 15 mai 2001, n° 98-16.306, Bull. civ. IV, n° 88; JCP E, 2001, 1470, n° 9, obs. M. CABRILLAC.
831
Cass. com., 13 mai 2003, n° 00-12.354, Bull. civ. IV, n° 76; D. 2003, p. 1563, obs. A. LIÉNHARD; RTD com. 2003,
p. 818, obs. A. MARTIN-SERF; JCP E, 2003, 1396, obs. Ph. PÉTEL.
832
Art. R. 622-24 ; Cass. com., 30 octobre 2012, n° 11-22.836, Bull. civ. IV, n° 196; JCP E, 2012, 1757, n° 13, obs. Ph.
PÉTEL.
833
Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-15.111, Inédit; Act. Proc. Coll. 2001/11, n° 135.
834
Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-20.715, Bull. civ. IV, n° 56 ; D. 2000, AJ, p. 168, obs. A. LIÉNHARD.
835
Cass. com., 30 janvier 2007, n° 05-13.751, Bull. civ. IV, n° 15; RTD. com. 2007, p. 449, obs. A. MARTIN-SERF.
836
Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-17. 817, Inédit; Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.968, Bull. civ. IV, n° 201;
BJE, mai 2012, p. 160, note F. MACORIG-VENIER.
259
b-1) Présentation des délais de production
622. L’alinéa 1er de l’article 78 de l'AUPC énonce qu' « À partir de la décision d'ouverture du
redressement judiciaire ou de la liquidation des biens et jusqu'à l'expiration d'un délai de soixante
(60) jours suivant la deuxième insertion dans un Journal d'annonces légales de l’État partie
concerné tel que défini à l’article 1-3 ci-dessus, tous les créanciers composant la masse, à
l’exception des créances d’aliments, doivent, sous peine de forclusion, produire leurs créances
auprès du syndic ». Il en résulte que le délai de production est de soixante jours.
Ce texte, modifié par la réforme de l’AUPC, avait divisé la doctrine. Il se posait en effet la question
de la détermination du point de départ du délai de production. L’ancien article 78 disposait qu’« À
partir de la décision d'ouverture et jusqu'à l'expiration d'un délai de trente jours suivant la
deuxième insertion dans un journal d'annonces légales prévu par l'article 36 ci-dessus, ou suivant
celle faite au journal officiel prévue par l'article 37 ci-dessus, lorsque celle-ci est obligatoire, tous
les créanciers chirographaires ou munis de sûretés composant la masse doivent, sous peine de
forclusion, produire leurs créances auprès du syndic ».
Un auteur 837 a considéré que les créanciers composant la masse doivent produire leur créance
auprès du syndic dans le délai de trente jours suivant la deuxième insertion du jugement d'ouverture
dans le journal d'annonces légales (en application de l’article 36), ou suivant l'insertion dudit
jugement au Journal Officiel (en application de l'article 37). Pour une autre partie de la doctrine838,
le délai de production commence en principe à courir dès le jugement d'ouverture, et se poursuit
jusqu'à l'expiration d'un délai de trente jours suivant la deuxième insertion du jugement d'ouverture
dans le journal d'annonces légales prévue par l'article 36, ou suivant celle faite au Journal Officiel
prévue par l'article 37. Avec la réforme, le législateur a simplement prolongé le délai de trente à
soixante jours.
623. Toutefois, il n’a malheureusement pas résolu le problème de la détermination du point de
départ du délai de production. Ce délai commence-t-il à courir au jour de la décision d'ouverture de
la procédure ou au jour de la deuxième insertion de la décision d'ouverture dans un Journal
d'annonces légales
En s’appuyant sur les solutions doctrinales qui ont été proposées sous l’empire de l’ancien AUPC,
nous sommes plutôt favorables à la solution qui fixe le point de départ du délai de production au
jour de la deuxième insertion de la décision d'ouverture dans un Journal d'annonces légales. En
effet, eu égard à la brièveté du délai, il nous semble logique de le faire courir à partir du moment où
les créanciers sont informés de l'ouverture de la procédure collective. Or, cette situation est
837
J.-R GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 153.
838
F.-M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 213.
260
difficilement envisageable le jour même de la décision d'ouverture sauf, éventuellement, pour les
créanciers professionnels.
Mais quel que soit son point de départ, le délai de production est quasiment le même pour
l'ensemble des créanciers. Seuls ceux domiciliés hors du territoire national où la procédure
collective a été ouverte disposent d’un délai de quatre-vingt dix jours.
624. Par ailleurs, l’alinéa 1er de l’article 79 de l’AUPC prévoit notamment que « Le délai de
production des créances ne commence à courir à l’égard des créanciers bénéficiant d’une sûreté
ayant fait l’objet d’une publicité ou liés au débiteur par un contrat publié qu’à compter de la
notification de l’avertissement ». Comme en droit français, les créanciers avertis bénéficient d'un
point de départ différent de celui des autres créanciers.
Il nous faut donc à présent déterminer le sort des créanciers munis de sûretés réelles exclusives face
à l'avertissement d'avoir à produire, avant d'en analyser les conséquences.
625. Aux termes des dispositions de l’article 79, alinéa 1er de l'AUPC, les créanciers titulaires
de sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié doivent être avertis d’avoir à produire leur
créance. Les créanciers bénéficient d’un avertissement personnel ou à domicile élu. Cette mesure a
pour but d'éviter la forclusion. L'avertissement d’avoir à produire est faite par le syndic. Il peut être
donné aux créanciers par lettre au porteur contre récépissé, par lettre recommandée avec demande
d’avis de réception, ou encore par tout moyen laissant trace écrite. L’avertissement doit également
être donné aux créanciers connus mais aussi au contrôleur représentant des créanciers, s’il en a été
nommé un.
Mais alors, qu'en est-il des créanciers munis de sûretés réelles exclusives ?
626. Comme en droit français, l'avertissement du syndic bénéficie aux seuls créanciers dont la
sûreté a été publiée à la date du jugement d'ouverture. Il nous faut donc voir si les sûretés réelles
exclusives sont soumises à publicité.
* S’agissant du droit de rétention
627. Il repose sur un pouvoir de blocage. En effet, le droit de rétention permet à son
bénéficiaire de refuser la restitution du bien tant qu'il n'est pas intégralement payé. De par sa nature,
le droit de rétention est opposable à tous les créanciers du débiteur sauf à ce que la loi en décide
autrement. Ainsi, le droit de rétention autonome n'a pas à être publié pour être opposable.
Le rétenteur autonome ne devrait donc pas bénéficier de l'avertissement d'avoir à déclarer.
261
628. La situation est quelque peu différente pour le titulaire d’un gage. Conformément à
l'article 97 de l'AUS, en l'absence de remise de la chose, le contrat du gage est opposable aux tiers
par l'inscription au RCCM. Il en résulte que lorsque le droit de rétention découle d'un gage avec
dépossession, l'opposabilité du gage et par conséquence du droit de rétention, résulte de la remise de
la chose au créancier ou au tiers convenu. Mais lorsqu'il s'agit du gage sans dépossession, non
assorti d'un droit de rétention839, l'opposabilité résulte de l'inscription au RCCM. Toutefois, rien
dans l'article 97 de l'AUS, n'interdit au créancier titulaire d'un gage avec dépossession de procéder à
l'inscription de sa sûreté au RCCM.
Quoi qu'il en soit, lorsque le droit de rétention du créancier découle d'un gage ayant fait l'objet d'une
inscription, le créancier doit être considéré comme titulaire d'une sûreté publiée. Ainsi, lorsqu'à
l'ouverture de la procédure, la publicité de la sûreté est avérée, le gagiste-rétenteur devrait bénéficier
de l'avertissement d'avoir à déclarer ; dans le cas contraire, il en sera exclu.
629. L'article 89, de l'AUS dispose que « Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à
la date de sa notification à l'établissement teneur du compte, pourvu que les fonds soient inscrits
sur le compte bloqué ». Il en résulte que l'opposabilité du transfert fiduciaire est assurée par sa
notification. Le texte ne fait pas référence à la nécessité d'une publicité au RCCM. En effet, la
constitution de la fiducie suppose la dépossession du constituant. Les sommes données en garantie
sont inscrits dans un compte tenu par un tiers. Par principe, la seule notification du transfert
fiduciaire suffit donc à rendre la sûreté opposable.
En conséquence, si on considère la notification comme une forme de publicité, on peut soutenir que
le bénéficiaire du transfert fiduciaire bénéficie de l'avertissement d'avoir à produire. En revanche, si
l'on considère que la notification n'est pas un mode de publicité comme le serait par exemple
l'inscription au RCCM, en ce sens qu'elle ne permet pas à toute personne désireuse d'être informée
de l'existence d'un transfert fiduciaire, on peut considérer que la fiducie n'est pas une sûreté publiée
et que son titulaire ne devrait pas bénéficier de l'avertissement d'avoir à produire.
630. À notre avis, le but de l'avertissement étant d'informer les créanciers dont la créance ou
la sûreté est officiellement connue de l'obligation qu'ils ont de produire, le bénéficiaire d’un
transfert fiduciaire devrait, si les organes de la procédure ont connaissance de l'existence de ce
transfert, bénéficier de l'avertissement d’avoir à produire. Cet avertissement devrait lui être donné
839
L'article 107, al. 2 du nouvel AUS affirme que « Lorsqu'un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement
l'objet d'un gage avec dépossession, le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier
gagiste postérieur lorsqu'il a été régulièrement publié et nonobstant, le droit de rétention de ce dernier ». Et l' al. 3 du
même article dispose que « Lorsqu'un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage sans
dépossession, le droit de rétention du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur qui ne
pourra prétendre exercer ses droits sur le bien, tant que le créancier antérieur n'aura pas été entièrement payé ».
262
indépendamment de la particularité de la publicité du transfert-fiduciaire, qui se résume ici à la
notification à l'établissement teneur du compte.
631. Etant acquis que l'avertissement bénéficie aux créanciers munis de sûretés publiées, il
reste à la jurisprudence de préciser la portée de cette mesure. Une portée large consisterait à rendre
bénéficiaire de l'avertissement tous les créanciers dont l'opposabilité de la sûreté est garantie par
l'accomplissement d'une quelconque formalité de publicité (notification, enregistrement, ou
inscription sur un registre), à l'exclusion de la simple dépossession ou de la rétention de la chose. À
l’inverse, une portée limitée consisterait à faire bénéficier l'avertissement aux seuls créanciers dont
la sûreté fait l'objet d'une publicité, au sens d'une inscription sur un registre particulier comme le
gage, le nantissement ou l'hypothèque.
632. Dans tous les cas, le défaut d'avertissement dans les délais et formes requis engage la
responsabilité du syndic, en cas de forclusion des créanciers. À l’instar du droit français, le délai de
production a une nature préfixe. Il n'est donc susceptible ni d'interruption, ni de suspension.
633. En définitive, du moment qu'un créancier est tenu de déclarer ou de produire sa créance,
cette obligation doit être effectuée selon les modalités fixées par le législateur. Mais la déclaration
ou la production de créance n'est que la première étape de la phase qui consiste à déterminer le
passif du débiteur. Elle est suivie d'une procédure de vérification et d'admission de créances.
Les titulaires d'une sûreté réelle exclusive ne bénéficiant pas en la matière d'un régime spécial, leurs
créances ne dérogent pas à la règle. Ainsi, à l'exception des créances salariales ou d’aliments, toutes
les autres créances doivent, pour être opposables, être déclarées ou produites puis examinées dans le
cadre d'une procédure rigoureuse de vérification et d'admission de créance, et cela, aussi bien en
droit français qu'en droit OHADA.
634. Le créancier qui a déclaré ou produit en bonne et due forme et qui, après vérification, a
été admis au passif est assuré de l'opposabilité de sa créance, d'une part, et de sa participation aux
répartitions et dividendes, d'autre part. En revanche, le défaut de déclaration ou de production est
sanctionné.
Nous examinerons les conséquences du défaut de déclaration des sûretés réelles exclusives en droit
français (1), puis en droit OHADA (2)
635. L'article L. 622-26, alinéa 1er du Code de commerce prévoit qu' « À défaut de déclaration
dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et
les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que
leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de
263
l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors
concourir que pour les distributions postérieures à leur demande ». L'alinéa 2 du même article
précise que « Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au
débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans
le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus ».
L'analyse de ces dispositions nous conduit à distinguer deux situations ; d'abord, lorsque le
créancier non déclarant a bénéficié d'un relevé de forclusion (a) ; ensuite, lorsque cette opportunité
ne lui a pas été offerte, sa créance étant alors déclarée inopposable (b).
636. En principe, le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans les délais impartis est
forclos. Cependant, il a la possibilité d'adresser une demande en relevé de forclusion s'il établit que
la défaillance n'est pas due à son fait, ou bien que celle-ci est due à une omission du débiteur lors de
l'établissement de la liste des créances prévue par l'article L. 622-6 du Code de commerce.
Dans le cadre de cette étude, il ne s'agit pas d'analyser en profondeur les cas de relevé de forclusion,
a priori non spécifiques, il s'agit en revanche de voir si les créanciers munis de sûretés réelles
exclusives peuvent s’en prévaloir (a-1), et dans quelles conditions (a-2).
637. Pour être relevé de forclusion, le créancier doit prouver que la défaillance n'est pas due à
son fait. C'est le cas traditionnel du relevé de forclusion. Il faut réussir à convaincre le juge-
commissaire que le défaut de déclaration résulte d'un fait extérieur au créancier 840. Le créancier doit
démontrer qu'il a été dans l'impossibilité de déclarer sa créance. Cette preuve est laissée à
l'appréciation des juges du fond841.
638. S'agissant des créanciers munis de sûretés réelles exclusives, nous avons vu que même si
leur sûreté les place dans une situation d'exclusivité, ils doivent par précaution déclarer leur
créance, quand bien même ils seraient dispensés de mentionner la sûreté dont la créance est assortie.
La déclaration de créances doit donc se faire dans les délais légaux.
Nous avons également vu que certains créanciers, notamment le titulaire d'un droit de rétention
fictif et le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté immobilière, sont avertis d’avoir à déclarer. Pour ces
derniers, le point de départ du délai de déclaration est différé au jour de la notification de
l'avertissement. En conséquence, il serait difficile pour ces créanciers munis de sûretés réelles
840
Cass. com., 1er février 2005, n° 03-17.845, Inédit.
841
Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.535, Bull. civ., IV, n° 200 ; D. 2005, AJ. 2742, obs. A. LIÉNHARD; Cass.
com., 10 juin 2008, n° 07-14.017, Inédit; RTD com. 2008, p. 863, obs. A. MATIN-SERF; Cass. com., 16 décembre
2008, n° 07-20.059.
264
exclusives de prouver devant le juge-commissaire que la défaillance n'est pas due à leur fait, sauf si,
comme cela a pu être jugé, la défaillance provient d'un cas de force majeure, par exemple la maladie
du créancier personne physique842.
639. La jurisprudence considère que le créancier qui a légitimement ignoré l'ouverture de la
procédure collective peut être relevé de sa forclusion843. Cet argument est difficilement soutenable
par les créanciers munis de sûretés réelles exclusives dans la mesure où, ces derniers bénéficient de
l'avertissement d'avoir à déclarer844 et qu'à leur égard, le délai de déclaration ne court qu'à compter
de la notification de l'avertissement. Par principe, ces créanciers ne peuvent passer à côté de
l'information relative à l'ouverture de la procédure de leur débiteur sauf, par exemple en cas de
grève de la poste.
640. La jurisprudence se montre parfois particulièrement exigeante quant à l'appréciation de
la preuve d'une défaillance non due au fait du créancier. Ainsi, la Cour de cassation a jugé
insuffisant pour admettre un relevé de forclusion, l'envoi de la lettre d'avertissement à la mauvaise
adresse845. De même, une juridiction de fond a refusé le relevé de forclusion au motif de l'absence
d'avertissement et reprochait au créancier non-institutionnel de n'avoir pas lu le BODACC846. En
revanche, elle a, dans d'autres situations, fait preuve de souplesse en acceptant, par exemple de
relever de sa forclusion le créancier dont l'envoi de la déclaration au représentant des créanciers a
été retardé par la vérification du commissaire aux comptes de la société847. De même, la Cour de
cassation s'est montrée bienveillante à l'égard d'une personne n'ayant pas de rapport d'affaires avec
le débiteur848. Quoi qu'il en soit, cette question fait l'objet d’un contentieux important849.
641. Dans tous les cas, s'agissant des créanciers munis de sûretés réelles exclusives et
bénéficiaires de l'avertissement, ils n'encourent pas la forclusion en cas d'absence
d'avertissement 850 . Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde, la Haute
juridiction avait jugé que la sanction du défaut d’avertissement était l'inopposabilité de la
842
Par exemple, l'altération des facultés mentales ; CA Toulouse, 21 novembre 2001 ; Rev. drt. banc et fin, 2002, n°
100, p. 133, obs. F.X. LUCAS.
843
Cass. com., 5 février 2002, n° 99-10.606, Inédit ; Cass. com., 2 octobre 2007, n° 06-15.510, Inédit ; Gaz. Proc. Coll.
2008/1, p.55, note E. LE CORRE-BROLY. (En l'espèce la Cour avait autorisé le relevé de forclusion d'un créancier non
institutionnel qui ne disposait pas de services suffisamment importants pour lire le BODACC).
844
CA Paris, 3" ch. B, 20 juin 2003, RG n° 2002/11518.
845
Cass. com., 23 janvier 2001, n° 98-15.487, Inédit.
846
CA Paris, 3e ch. A, 28 octobre 2003, RG, n° 2003/06184.
847
Cass. com., 29 mai 1990, n° 88-16.434, Bull. civ. IV, n° 155 ; Rev. Proc. Coll., 1990, p. 408; RTD com. 1990, p. 490,
obs. A. MARTIN-SERF.
848
Cass. com., 27 mars 1990, n° 88-19.152, Bull. civ., IV, n° 92.
849
Il a par exemple été jugé que le créancier qui a déclaré dans les délais, mais irrégulièrement, ne peut être relevé de sa
forclusion (CA Rennes, 2e ch. com., 3 juillet 2002, Rev. Proc. Coll., 2003/1, p. 24, obs. F. LEGRAND). Il en est de
même lorsque le créancier a déclaré au passif, dans les délais, une autre créance (CA Paris, 3e ch. com., 6 juin 2003,
RG, n° 2002/19721). Tel sera encore le cas du créancier qui a eu connaissance de l'ouverture de la procédure, même s'il
est domicilié à l'étranger (CA Rouen, 2e ch., 13 juillet 1999, JCP E, 2000. Pan. 1789).
850
Cass. com., 6 décembre 2011, n° 10-24.968, arrêt préc ; D. 2012, AJ, p.7, obs. A. LIÉNHARD ; LXB hebdo, 19
janvier 2012, n° 280, note E. LE CORRE-BROLY.
265
forclusion851. Aujourd'hui, le point de départ du délai de déclaration étant différé à la notification de
l'avertissement, cette sanction n'a plus lieu d'être. Le bénéficiaire de l'avertissement qui n'a pas été
averti ne peut, par hypothèse, être forclos, le délai n'ayant pas commencé à courir. La situation est
tout de même différente si, bien qu'ayant été averti, le créancier n'a pas déclaré sa créance.
642. En définitive, en raison de l'avertissement dont bénéficient les créanciers munis de
sûretés réelles exclusives, il est probable que la jurisprudence ne se montre pas indulgente à leur
égard, mais l'avenir nous en dira plus.
Ce premier cas de relevé de forclusion, créé depuis la loi du 25 janvier 1985852, n'a connu à ce jour
aucune modification. La situation est différente pour le second cas, institué par la loi de sauvegarde
du 26 juillet 2005.
643. L'article L. 622-26, alinéa 1er, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014,
précise que le créancier peut être relevé de sa forclusion en cas d'omission de la part du débiteur
lors de l'établissement de la liste des créances de l'article L. 622-6. Ce cas de relevé de forclusion,
institué en 2005, pour contredire une jurisprudence antérieure qui n'admettait pas que l'omission de
la liste des créances soit un motif de relevé de forclusion 853 , mais uniquement un motif de
responsabilité civile, a été modifié par l'ordonnance du 12 mars 2014854. Le législateur a supprimé
la référence au caractère volontaire de l'omission. Sous l'empire de la législation antérieure, le
créancier devait prouver que le débiteur avait volontairement omis d'insérer sa créance dans la liste
remise au représentant des créanciers. La difficulté était justement de prouver le caractère
volontaire de l'omission. L'oubli devait être intentionnel 855 . Désormais, le simple oubli d'un
créancier de la liste de créances lui donne droit au relevé de forclusion.
644. Cette modification qui ôte au juge-commissaire son pouvoir d'appréciation, n'a pas laissé
la doctrine insensible. Certains y voient une automaticité 856 dans le prononcé d'un relevé de
forclusion ou encore un cas obligatoire857 du relevé de forclusion.
851
Cass. com., 27 mars 2007, n° 05-20.757, Inédit; Gaz. Pal., 20 juillet 2007, n° 201, p.47, note E. LE CORRE-
BROLY.
852
Art. 53 de la loi du 25 janvier 1985.
853
Sauf en cas de fraude, Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-16.146, Bull. civ. IV, n° 81; JCP E, 2001. 1470, obs. Ph.
PÉTEL.
854
C'est éventuellement pour mettre fin aux discussion sur la démonstration du caractère volontaire de l'omission, mais
surtout pour renforcer la protection des créanciers et de faire jouer un rôle plus important à la liste des créances établie
par le débiteur à l'ouverture de la procédure collective, que le législateur de 2014 a modifié l'article L. 622-26, alinéa 1er,
en y supprimant le terme " volontaire (Art. 29 de l'ordonnance du 12 mars 2014).
855
Cela a dans certains cas conduit à rechercher de la fraude du débiteur (Cass. com., 14 octobre 2008, n° 07-16.983,
Inédit, Gaz. Proc. Coll. 21/22 janvier 2009, p. 38, obs. E. LE CORRE-BROLY, RTD com. 2009, p. 453, obs. A.
MARTIN-SERF). Même si la jurisprudence se montrait assez bienveillante à l'égard du créancier, l'appréciation du
caractère volontaire de l'omission a suscité un contentieux abondant (V. P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et
pratique des procédures collectives, op. cit., n° 665.53).
856
F-X. LUCAS, « Présentation de l'ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives », BJE, mars 2014, n° 2, pp. 111 et s. sp. 115; F. LEGRAND, M.-N. LEGRAND, M.-H.
MONSERIE-BON, « Qu'est ce qui change pour les partenaires de l'entreprise en difficulté ? », Rev. Proc. Coll. mars
2014, n° 2, dossier 18, p. 49.
857
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 665.53.
266
Mais quelle que soit l'analyse qui en est faite, la modification effectuée va améliorer la situation des
créanciers. Désormais, ceux-ci vont bénéficier de « la simple négligence » 858 du débiteur, peu
important qu'ils aient eu connaissance du jugement d'ouverture. Cette modification élargit en effet
les hypothèses de relevé de forclusion.
645. S'agissant des créanciers munis de sûretés réelles exclusives, dans le cas où ils ne
bénéficieraient pas de l'avertissement d'avoir à déclarer a priori, rien ne s'oppose à ce qu'ils puissent
se prévaloir de l'omission du débiteur pour être relevé de leur forclusion.
La recevabilité de la demande en relevé de forclusion est soumise au respect de certaines
conditions. Toutefois, n’étant pas spécifiques aux sûretés de réelles exclusives, nous n'allons pas
nous étendre sur cette question.
646. Le législateur n'ayant pas précisé la forme de la demande en relevé de forclusion, la Cour
de cassation a estimé que celle-ci prend la forme d'une requête adressée 859 ou remise au greffe.
La requête peut être transmise à la juridiction par lettre recommandée avec avis de réception, par
télécopie, ou même sous la forme d'un courrier électronique. Ce qui importe, c'est que la requête
soit envoyée et non pas reçue avant l'expiration du délai de forclusion. La demande en relevé de
forclusion est adressée au juge-commissaire ou au tribunal, lorsque le juge-commissaire a cessé ses
fonctions860. La demande doit être formulée par le créancier ou son mandataire.
647. Il est admis que le relevé de forclusion est une décision de justice. Aussi, le préposé qui
agit doit avoir reçu un pouvoir spécial à cette fin, sauf à considérer comme en matière de
déclaration que le créancier pourra ratifier la demande faite par un tiers, mais le législateur n'a rien
dit dans ce sens. Dans tous les cas, la personne qui adresse la demande en relevé de forclusion doit
avoir un intérêt à agir861.
648. L'instance en relevé de forclusion est de nature contentieuse. Le principe du
contradictoire doit donc être respecté, sous peine de nullité de l'ordonnance du juge-commissaire.
Doivent être convoqués à l'instance, le créancier, le débiteur et les organes de la procédure 862 .
En outre, les frais de l'instance en relevé de forclusion sont à la charge du créancier défaillant.
Cependant, l'article 51 du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014 a supprimé la charge systématique
858
A. LIÉNHARD, « Réforme issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 », D. 2014, p. 25.
859
Cass. com., 28 janvier 2014, n° 12.-27.728, Bull. civ. IV, n° 25; D. 2014, AJ, p. 369, obs. A. LIÉNHARD; JCP E,
2014, 1173, n° 2, note Ph. PÉTEL.
860
CA Rennes, 2e ch., 25 janvier 1989, RJ com. 1990, n° 368, obs. GALLET.
861
On peut également se demander si le débiteur qui, depuis l'ordonnance du 12 mars 2014, a la possibilité de déclarer
pour le compte du créancier, peut aussi adresser une demande en relevé de forclusion lorsqu'il n'aura pas porté la
créance à la connaissance du mandataire judiciaire. La réponse négative paraît s'imposer puisque dans ce cas, le
créancier peut éventuellement prouver que la défaillance n'est pas due à son fait et obtenir ainsi un relevé de forclusion.
862
Cass. com., 13 décembre 2005, n° 04-18.391, Bull. civ. IV, n° 250; Gaz. Proc. Coll., 2006/2, p. 43, obs. P.-M. LE
CORRE; D. 2006, AJ, p. 228, obs. A. LIÉNHARD.
267
des frais par le créancier. Le nouvel article les met également à la charge du débiteur lorsqu'il n'aura
pas mentionné la créance sur la liste prévue à l'article L. 622-6 ou n'aura pas porté la créance à la
connaissance du mandataire judiciaire.
La modification relative à la charge des frais de l'instance n'est pas la seule innovation quant aux
conditions de la demande en relevé de forclusion. En effet, le législateur de 2014 a profondément
réformé la matière s'agissant des délais.
649. Sous l'empire de la loi de sauvegarde, le délai pour formuler la requête en relevé de
forclusion était de six mois863. Ce délai reste inchangé avec l'ordonnance du 12 mars 2014. Ce qui
varie, c'est le point de départ du délai.
L'article L. 622-26 prévoit que « L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le
délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture ou, pour les
institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, de l'expiration du délai pendant
lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions ». Le délai du
relevé de forclusion court donc à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC.
À partir de cette date, les créanciers défaillants disposent d'un délai de six mois pour tenter de se
faire relever de leur forclusion.
650. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté réelle publiée ou d'un contrat publié dont le
titulaire d'un droit de rétention ou le bénéficiaire d'une fiducie-sûreté peuvent faire partie, le délai de
relevé de forclusion court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné.
Cette solution est tout à fait conforme à l'article L. 622-24 qui diffère, à leur égard, le délai de
déclaration au jour de la notification de l'avertissement d'avoir à déclarer. Si malgré cet
avertissement, les créanciers sont forclos et qu’ils parviennent tout de même à justifier d'un des cas
de relevé de forclusion, leur demande en relevé de forclusion doit être adressée dans les six mois
qui suivent la réception de l'avis d'avoir à déclarer.
Mais, en pratique, on imagine difficilement qu'un créancier averti adresse une requête de relevé de
forclusion, sauf à envisager l'hypothèse d'un défaut d'avertissement, d'un avertissement irrégulier,
d'un avertissement tardif ou encore d'une omission de la part du débiteur dans l'établissement de la
liste des créances. En cas de défaut d'avertissement, aucun délai de forclusion ne devrait courir à
l'encontre du créancier puisque le point de départ du délai de déclaration est reporté au jour de la
réception de l'avertissement.
863
Sous l'empire de a législation antérieure à la loi de sauvegarde, le délai était d'un an à compter du jugement
d'ouverture.
268
Dans tous les cas, le créancier qui n'est pas averti d'avoir à déclarer peut mettre en jeu la
responsabilité du mandataire judiciaire864.
651. En plus du délai « normal » de six mois, la loi de sauvegarde avait institué un délai
annuel exceptionnel à l'égard des créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de
leur créance, avant l'expiration du délai six mois du relevé de forclusion. Ces créanciers pouvaient
introduire leur requête en relevé de forclusion, dans le délai d'un an à compter de la publication du
jugement d'ouverture au BODACC.
La réforme de 2014 a modifié ce délai. Désormais, le délai d'un an est ramené à six mois. Par
ailleurs, il court non plus à compter de la publication du jugement d'ouverture, mais à compter de la
connaissance par le créancier de l'existence de la créance. En effet, l'article L. 622-26, alinéa 3, dans
sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars, prévoit que le délai de relevé de forclusion court à
compter de la date à laquelle il est établi que le créancier, qui justifie avoir été placé dans
l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois précité,
ne pouvait plus ignorer l'existence de sa créance.
S'il est vrai qu'un auteur se montre peu satisfait de la modification, car il estime qu'on ne peut faire
courir un délai de forclusion à l'encontre d'un créancier placé dans l'impossibilité d'agir, d'une part,
et qu'il aurait été préférable de décaler le point de départ du délai de déclaration de ces créanciers,
865
au jour de la connaissance de leur créance, d'autre part , il est tout aussi vrai que cette
modification est un pas en avant dans la protection des créanciers.
652. Il convient aussi de noter que cette modification consacre une solution prétorienne.
En effet, la Cour de cassation ayant eu à connaître d'une question prioritaire de constitutionnalité
intéressant la question, avait considéré qu'un créancier placé dans l'impossibilité de connaître
l'existence de sa créance au-delà d'un an de la publication du jugement d'ouverture au BODACC,
pouvait introduire sa demande en relevé de forclusion nonobstant le dépassement de ce délai866. Elle
avait ainsi fait application de la règle contra non valentem prévue par l'article 2234 du Code civil.
Ainsi, bien que la réforme ait raccourci le délai de moitié, il est néanmoins devenu plus efficace. En
effet, le créancier à l'encontre duquel le délai court ne devrait plus ignorer l'existence de la créance,
et il a bien conscience qu'il faut la déclarer s'il veut la faire connaître à la procédure. Ce report du
point de départ du délai peut ainsi permettre à un créancier de déclarer sa créance bien longtemps
après la publication du jugement d'ouverture. On peut, en revanche, craindre que cette modification
conduise à un ralentissement de la procédure de vérification et d'admission des créances.
864
Cass. com., 23 mai 2000, n° 97-21.493, Bull. civ. IV, n° 109 ; JCP E, 2000. 1140, note P.-M. LE CORRE.
865
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 665.55.
866
Cass. com., 5 septembre 2013, n° 13-40.034, Bull. civ. IV, n° 127; D. 2013, AJ, p. 2100, obs. A. LIÉNHARD; Rev.
soc. 2013, p. 726, note HENRY; RTD com. 2013, p. 807, obs. A. MARTIN-SERF ; BJE novembre 2013; LXB hebdo,
17 octobre 2013, n° 355, note E. LE CORRE-BROLY.
269
653. Par ailleurs, la réforme vient répondre à une interrogation que la jurisprudence avait déjà
cherché à résoudre. C'est la question relative au moment où le créancier, qui adresse une requête en
relevé de forclusion, doit déclarer sa créance. Fallait-il attendre ou pas que le juge-commissaire
statue sur le relevé de forclusion ?
Déjà, sous l'empire des législations antérieures à la loi de sauvegarde, la Cour de cassation avait
jugé que « si aucun texte n'oblige le créancier défaillant à déclarer sa créance avant la saisine du
juge-commissaire de sa demande en relevé de forclusion, il est néanmoins tenu de déclarer dans le
délai préfix d'un an à compter de la décision d'ouverture de la procédure, même si le juge-
commissaire n'a pas statué sur la demande de relevé de forclusion à l'intérieur de ce délai »867.
Cette solution a ensuite été reproduite sous l'empire de la loi de sauvegarde868. Avant la réforme, le
créancier qui avait demandé à être relevé de sa forclusion, n’avait donc aucun délai précis pour
déclarer. La seule obligation lui incombant était celle de le faire à l'intérieur du délai préfix, peu
important que le juge-commissaire ait ou non statué.
L'ordonnance du 12 mars 2014 vient répondre de manière précise à la question du moment de la
déclaration. L'article L. 622-24, alinéa 1er, précise que lorsque le créancier a été relevé de sa
forclusion, les délais pour déclarer ne courent qu'à compter de la notification de cette décision.
Le texte ajoute qu'ils sont alors réduits de moitié. Désormais, le créancier doit, pour déclarer sa
créance, attendre que le juge-commissaire statue sur la demande en relevé de forclusion.
La déclaration doit alors s'effectuer dans le délai d'un mois à compter de la notification de la
décision du juge-commissaire. Le délai sera de deux mois pour les créanciers domiciliés hors de la
France métropolitaine.
654. Le législateur ne donne cependant aucune précision quant aux bénéficiaires de sûretés
publiées dont font éventuellement partie les titulaires de sûretés réelles exclusives. Nous pensons
qu'ils ne dérogent pas à la règle. Comme les autres créanciers, ils doivent attendre la décision du
juge-commissaire pour procéder à la déclaration de leur créance.
Le délai du relevé de forclusion, comme celui de la déclaration, est de nature préfixe. Il ne peut
donc être interrompu ou suspendu.
655. Tout compte fait, le créancier qui est relevé de sa forclusion n'est pas dispensé de la
déclaration. Il bénéficie d'un nouveau délai pour déclarer sa créance (un mois ou deux à compter de
la notification de la décision du juge-commissaire). Si la déclaration est faite régulièrement dans les
867
Cass. com., 9 mai 2007, n° 05-21.357, Bull. civ. IV, n° 125; D. 2007, AJ, p. 1424, note A. LIÉNHARD; JCP E,
2007. 2119, n° 8, obs. Ph. PÉTEL; RTD com. 2008, p. 192, obs. A. MARTIN-SERF; RJ com. 2007, p. 367, note Ph.
ROUSSEL GALLE.
868
Cass. com., 23 avril 2013, n° 11-25.963, Bull. civ. IV, n° 73; Gaz. Pal. 12 juillet 2013, n° 193, p. 22, note P.-M. LE
CORRE; RTD com. 2013, p. 583, obs. A. MARTIN-SERF; D. 2013, AJ, p. 1129, obs. A. LIÉNHARD; JCP E, 2013.
1434, n° 4, obs. Ph. PÉTEL.
270
délais impartis, le créancier peut à nouveau participer aux répartitions et dividendes. Mais le texte
précise qu'il ne participera qu'aux distributions postérieures à sa déclaration.
Logiquement, cette mesure ne concerne pas les créanciers munis de sûretés réelles exclusives qui
auront, compte tenu de l’utilité de leur bien, exceptionnellement obtenu le paiement individuel de
leur créance. En revanche, tel ne sera pas le cas si le bien objet de la garantie n’est pas utile à
l’entreprise. Les créanciers munis de sûretés réelles exclusives, sous réserve là encore de
sollicitation d’un paiement en nature, devraient subir le même sort que les autres créanciers.
656. Toutefois, si un créancier est relevé de sa forclusion et qu'il ne déclare toujours pas sa
créance, il ne peut plus être relevé de sa forclusion une seconde fois. Dans ce cas, sa créance est
définitivement inopposable à la procédure, sous réserve de l'ouverture d'une nouvelle procédure
suite à une résolution du plan.
Il a été jugé qu'un nouveau délai de forclusion court à compter de la seconde décision
d'ouverture869. En cas de conversion d'une procédure, nous pensons que le créancier ne bénéficiera
pas de nouveaux délais puisqu'il n'y a pas de nouveau jugement d'ouverture.
657. L'ordonnance qui relève le créancier de sa forclusion doit lui être notifiée. Elle doit
également être notifiée au débiteur. Le législateur ne donne aucune précision sur les voies de
recours ouvertes contre la décision statuant sur le relevé de forclusion. En l'absence de précision
législative, la doctrine 870 considère que l'ordonnance du juge-commissaire peut faire l'objet d'un
recours dans les conditions du droit commun. Ainsi, l'ordonnance du juge-commissaire statuant sur
le relevé de forclusion est susceptible d'un recours porté à l’origine devant le tribunal, et depuis la
loi de 1994, devant la cour d'appel871, dans le délai de dix jours à compter de la notification de la
décision. En revanche, les tiers peuvent contester la décision par la tierce-opposition. Elle doit être
formée dans un délai de dix jours à compter du prononcé de l'ordonnance872, puisque celle-ci n'a pas
à être notifiée au tiers, même s'il s'agit des cautions873. Un recours en cassation est ensuite possible
contre la décision de la cour d'appel874.
658. En définitive, même lorsqu'un créancier est relevé de forclusion, le législateur le
sanctionne tout de même puisqu'il ne pourra concourir que pour les distributions postérieures à sa
demande. Mais cette sanction est sans commune mesure avec la sanction du créancier non déclarant
869
Cass. com., 1er juillet 1997, n° 94-21.894, Bull. civ. IV, n° 211; RTD com. 1998, p. 937, obs. A. MARTIN-SERF.
870
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1557 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en
difficulté, op. cit., n° 788 ; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n°
665.61.
871
Cass. com., 23 avril 2013, n° 12-19.184, Bull. civ. IV. n° 74; D. 2013, p. 1128; RTD com., 2013, p. 586, obs. A.
MARTIN-SERF.
872
Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-11.508, Bull. civ. IV, n° 175; D. 2006, AJ, p. 2100, obs. A. LIÉNHARD.
873
Cass. com., 26 mai 1999, n° 97-14.276, Bull. civ. IV, n° 111.
874
Cass. com., 26 octobre 1999, n° 97-13.238, Bull. civ. IV, n° 187 : sur la recevabilité du pourvoi du débiteur contre un
arrêt rejetant un appel-nullité formé contre le jugement relevant le créancier de la forclusion.
271
qui n'a pas été relevé de forclusion. En effet, l'absence de déclaration est sanctionnée par
l'inopposabilité de la créance non déclarée.
Quel est donc l'impact du défaut de déclaration sur les sûretés réelles exclusives ?
659. Aux termes des dispositions de l’article L. 622-26, une double sanction est prévue pour
les créanciers non déclarant, d’une part, l’absence de participations aux distributions collectives (b-
1), et, d’autre part, l’inopposabilité des créances non déclarées (b-2).
660. La sanction de l'exclusion des répartitions et dividendes a été instituée par la loi de
sauvegarde du 26 juillet 2005 875 . Elle vient en remplacement de la très lourde sanction de
l'extinction des créances non déclarées, créée par la loi du 25 janvier 1985. Aujourd'hui, la sanction
de l'absence de participations aux répartitions et dividendes est posée par l'alinéa 1er, de l'article
L. 622-26. Il résulte des dispositions de ce texte que le créancier défaillant ne peut prétendre au
règlement de sa créance dans le cadre de la procédure collective. En effet, le défaut de déclaration
est sanctionné par une absence de participations aux différents modes de paiement résultant de la
procédure collective. En sauvegarde et en redressement judiciaire, le créancier ne participe pas aux
distributions ou versements des dividendes prévus par le plan et, en liquidation judiciaire, aux
répartitions effectuées à la suite de la réalisation des actifs. Le créancier défaillant perd donc son
droit de participer à la procédure puisque sa créance ne figure pas au passif de celle-ci. Le défaut de
déclaration interdit également au créancier d'invoquer la compensation876.
661. Cependant, s'agissant des sûretés réelles exclusives, comme nous l'avons vu 877 , elles
placent leurs titulaires dans une situation particulièrement avantageuse puisqu'elles leur confèrent,
dans certaines situations, le droit de se faire payer indépendamment des répartitions et dividendes.
Ainsi, lorsque les biens grevés se révèlent utiles la procédure, les créanciers munis de sûretés réelles
exclusives vont échapper à la sanction de la non-participation aux répartitions et dividendes. En
revanche, lorsque les biens objets de la garantie ne sont pas utiles à l’entreprise, les créanciers
seront logiquement soumis au régime général des créanciers non-méritants. En l’absence de
déclaration des créances, ils ne pourront pas participer aux répartitions et dividendes. Cette
hypothèse vient confirmer l’importance, pour ces créanciers, et notamment pour le créancier
rétenteur, de déclarer leur créance.
875
F. DERRIDA et J.-P. SORTAIS, « La situation des créanciers forclos dans les nouvelles procédures », LPA, 22 mars
2006, n° 58, p.7.
876
Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-16.155, Inédit ; D. 2011, p. 1215, obs. A. LIÉNHARD ; Rev. soc., mars 2011, p. 194,
note Ph. ROUSSEL-GALLE.
877
Chapitre préc.
272
662. Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article L. 622-26, tel que modifié par l'ordonnance du 18
décembre 2008, précise que les créances non déclarées régulièrement dans les délais sont
inopposables. Désormais, en plus de l'exclusion des répartitions et dividendes, les créanciers
défaillants voient leur créance frappée d'inopposabilité.
663. Il est admis que l'inopposabilité n'a pas vocation à faire disparaitre l'acte juridique
irrégulier. Le but est de neutraliser ses effets à l'égard des tiers. Dans le cadre du défaut de
déclaration, la créance non déclarée reste valable entre les parties ; simplement, ses effets sont
rendus inefficaces. Selon un auteur, dans ce cas précis, « l'inopposabilité ne tend pas seulement à
protéger, mais à sanctionner la rupture d'égalité dans le cadre d'une organisation collective »878.
L'inopposabilité des créances non déclarées a pour conséquence de mettre les créanciers défaillants
hors procédure. Les organes de la procédure collective sont ainsi fondés à ignorer l'existence des
créances non déclarées, et cela, au moins pendant toute la durée de la l’exécution du plan. En effet,
l'alinéa 2, de l'article L. 622-26, précise que « Les créances non déclarées régulièrement dans les
délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque
les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution
du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti
une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ». L'énoncé de cet article nous
conduit à voir les effets de l'inopposabilité des créances non déclarées (b-2-a), avant de déterminer
la portée de cette sanction (b-2-b).
664. Aux termes des dispositions de l'article L. 622-26, alinéa 2, il y a lieu de distinguer les
effets de l'inopposabilité dans les rapports entre le créancier et le débiteur, d'une part (b-2-a-1), et
dans les rapports entre le créancier et les tiers, d'autre part (b-2-a-2).
b-2-a-1) Les effets de l'inopposabilité dans les rapports entre le créancier et le débiteur
L'article L. 622-26, alinéa 2, prévoit que les créances non déclarées sont inopposables au
débiteur. Sans perdre sa créance, le créancier qui n'a pas déclaré ne peut l'opposer au débiteur. Il
faut ici distinguer plusieurs situations.
878
M.-A. RAKOTOVAHINY, « L'inopposabilité dans les procédures collectives », LPA, 05 juillet 2011, n° 132, p. 9.
273
* La créance elle-même n'a pas été déclarée
665. La créance non déclarée est inopposable, cela signifie qu'elle ne figure pas au passif de la
procédure. Le créancier ne peut donc prétendre à aucun paiement dans le cadre de la procédure.
En pratique, tout se passe comme si la créance n'existait pas. La doctrine a ainsi parlé de créancier
invisible879, ou de créances endormies 880 . Le créancier défaillant perd tous les droits attachés à
l'admission de sa créance.
Le défaut de déclaration de la créance a pour conséquence le défaut de déclaration de ses
accessoires. Ainsi, l'inopposabilité de la créance non déclarée entraîne l'inopposabilité des sûretés
dont la créance était assortie. En revanche, le créancier peut avoir déclaré sa créance, mais pas les
accessoires.
666. Le créancier, qui n'a fait que déclarer sa créance en occultant la sûreté, ne peut être admis
au passif qu'à titre chirographaire. Comme les créances, les sûretés non déclarées sont inopposables.
Le défaut de déclaration fait perdre aux créanciers tous les avantages liés à leur sûreté. Ils ne
peuvent en conséquence se prévaloir d'aucun des droits que leur conférait leur sûreté. Lorsque le
créancier devait, du fait de sa sûreté, être admis au titre des créanciers privilégiés, le défaut de
déclaration de la sûreté lui fait perdre ce droit. Il sera, en conséquence, considéré comme un simple
créancier chirographaire, prenant rang après tous les créanciers privilégiés, dont les chances d'un
désintéressement sont considérablement réduites.
L’inopposabilité des sûretés va en outre permettre de réaliser les actifs du débiteur qui en sont
grevés sans qu'il n'en soit tenu compte. Ainsi, le créancier défaillant ne saurait exercer aucun droit
de préférence sur le prix de réalisation du bien grevé. De même, si le bien est inclus dans un plan de
cession, aucune quote-part du prix ne lui sera affectée881.
667. Quoi qu'il en soit, le créancier ne pourra à nouveau se prévaloir des sûretés garantissant
sa créance qu'à la clôture de la procédure ou après la résolution d'un plan pour défaut d'exécution.
Mais qu'en est-il des sûretés réelles exclusives ?
Le défaut de déclaration entraîne-t-il leur inopposabilité ?
879
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1563.
880
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 506.
881
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1563.
274
668. L'hypothèse d'une créance non déclarée.
Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, la solution était simple. La créance non déclarée était
éteinte et, par voie de conséquence, tout ce qui s'y rapportait était également éteint. Le droit de
rétention garantissant le paiement de la créance non déclarée était donc éteint. Désormais, la
solution est plus complexe. La créance non déclarée n'est plus éteinte, mais inopposable. Que faut-il
alors décider quant au droit de rétention assortissant la créance ?
669. Il existe des controverses doctrinales sur la question.
Certains auteurs 882 considèrent que l'inopposabilité de la créance empêche le rétenteur d'exercer
légitimement son droit de rétention. La créance étant inopposable, l'exercice du droit de rétention
devient illégitime. Le créancier rétenteur défaillant doit donc se dessaisir du bien retenu. D'autres,
en revanche, considèrent que même si la créance est inopposable, cela n'empêche pas le rétenteur
d'exercer son droit de rétention. Pour les défenseurs de cette thèse883, seule l'existence de la créance
importe. Dès que la créance existe encore, le rétenteur devrait pouvoir continuer d'exercer son droit
de rétention. Cette dernière position ne nous convainc pas tout à fait, nous sommes plutôt favorables
à la première thèse. En effet, l'inopposabilité de la créance fait perdre au créancier défaillant son
statut de créancier, du moins, pendant la durée de la procédure et celle de l’exécution du plan. Et
comme l'a à juste titre affirmé un auteur884, pour être rétenteur, il faut d'abord être créancier. Or, ce
n'est plus tout à fait le cas du créancier défaillant, puisque le défaut de déclaration ou la déclaration
irrégulière lui interdit de se prévaloir de sa créance dans la procédure collective, du moins pendant
l'exécution du plan. En conséquence, le défaut de déclaration de la créance pourrait bien justifier le
dessaisissement du créancier.
670. Qu'en est-il lorsque la créance a été déclarée, mais que le droit de rétention n'a pas été
mentionné dans la déclaration ?
Il y a lieu de distinguer selon que le droit de rétention est envisagé comme une garantie autonome
ou comme découlant d'une sûreté.
Envisagé comme une garantie autonome, le droit de rétention n’est pas une sûreté. C’est un droit
réel opposable à tous. Il n’est donc pas soumis à la déclaration. Ainsi, comme l’a récemment
confirmé la Cour de cassation885, le créancier qui déclare sa créance n'est pas tenu de préciser qu'il
est titulaire d'un droit de rétention. Même sans être mentionné dans la déclaration, le droit de
882
Ibid ; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 665.76 ;
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 2494 ; F. DERRIDA
et J.-P. SORTAIS, « La situation des créanciers forclos dans les nouvelles procédures », art. préc., p. 8; F. MACORIG-
VENIER et C. SAINT-ALARY- HOUIN, « La situation des créanciers dans la loi de sauvegarde des entreprises », Rev.
drt. banc. et fin. , janvier 2006, n° 1, p. 60 et s., sp.p. 65.
883
A. AYNÈS, Le droit de rétention : Unité ou pluralité, op. cit., n° 378 ; P. CROCQ, « La réforme des procédures
collectives et le droit des sûretés », D. 2006, pp. 1306 et s. sp. p. 1307; V. aussi, E. LE CORRE-BROLY, note sous
Cass. com. 3 novembre 2010, n° 09-70.312, Bull. civ. IV. n° 165 ; Gaz. Pal., 08 janvier 2011, n° 8, pp. 18 à 20.
884
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 665.76.
885
Cass. Com., 16 juin 2015, n° 13-27.736, arrêt préc.
275
rétention reste opposable, à condition que la créance ait été déclarée. Le créancier peut alors se
prévaloir de la technique du retrait contre paiement pour refuser le dessaisissement du bien retenu.
En revanche, lorsqu'il résulte d'une sûreté, notamment le gage, l'absence de mention de la sûreté
dans la déclaration devrait rendre inopposable le droit de rétention. Le créancier ne pouvant se
prévaloir de sa sûreté, il nous semble logique qu'il ne puisse pas non plus se prévaloir du droit de
rétention qui résulte de cette sûreté. Dans cette situation, l'inopposabilité de la sûreté principale
entraîne par voie de conséquence celle du droit de rétention 886 . Le créancier devra donc être
considéré comme un simple créancier chirographaire.
Ces solutions sont-elles valables pour la fiducie-sûreté ?
- La fiducie-sûreté et l'inopposabilité
671. La fiducie-sûreté est une sûreté réelle fondée sur le droit de propriété. Mais,
contrairement à la clause de réserve de propriété887, elle ne bénéficie pas expressément d'un régime
dérogatoire face à l'obligation de déclaration. Cependant, un auteur 888 considère qu'il y a lieu
d'aligner le régime de la fiducie-sûreté sur celui de la clause de réserve de propriété.
Le législateur et la jurisprudence ne s'étant pas prononcés sur la question et contrairement à certains
auteurs889, on pourrait considérer que lorsque la créance elle-même n'a pas été déclarée, on devrait
pouvoir aligner le régime de la fiducie-sûreté sur celui de la créance non déclarée. La sûreté n'étant
que l'accessoire de la créance, l'inopposabilité de celle-ci devrait entraîner l'inopposabilité de la
sûreté dont elle est assortie.
672. S'agissant de la mention de la fiducie-sûreté dans la déclaration, l'interprétation stricte
des articles L. 622-25 et R. 622-23 pourrait amener à soutenir que la fiducie-sûreté doit être
mentionnée dans la déclaration. À défaut de mention et par analogie aux sûretés préférentielles, elle
devrait être frappée par l'inopposabilité. En conséquence, le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté serait
considéré comme un simple créancier chirographaire.
673. Cependant, l’inopposabilité de la fiducie-sûreté, en raison du défaut de déclaration et
surtout du défaut de mention de la sûreté dans la déclaration, est difficilement envisageable. La
fiducie-sûreté reposant sur le transfert des actifs fiduciaires dans un autre patrimoine,
l’inopposabilité devrait-elle alors entraîner le retour des actifs dans le patrimoine du débiteur ? Rien
n’est moins sur. En effet, comme nous l’avons vu, lorsque la fiducie porte sur des meubles, elle
doit, si elle a été constituée avec une convention de mise à disposition, faire l’objet d’une
886
V. arrêt préc. sur le privilège du commissaire de transport ; Cass. com., 8 juin 1999, n° 97-12.233; Bull. civ. IV, n°
125; D. 2000, somm. p. 388, obs. S. PIÉDELIÈVRE.
887
V. la deuxième section.
888
N. BORGA, « Regards sur les sûretés dans l'ordonnance du 18 décembre 2008 », Rev. drt. banc et fin., mai-juin
2009, n° 20, p. 9.
889
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Sûreté et droit des procédures collectives : évolution ou révolution ? », D. 2007,
p. 1359 et s., sp. p. 1361; M. GRIMALDI et P. DAMMANN, « La fiducie sur ordonnance », D. 2009, p. 670, n°17.
276
revendication. Or, cette revendication suffit à rendre opposable le transfert de propriété. S’agissant
d’une fiducie immobilière, la publicité obligatoire la dispense de revendication et devrait donc
pouvoir garantie son opposabilité. Enfin, pour les fiducies avec dépossession du débiteur,
l’inopposabilité est encore plus improbable car les biens se trouvent non seulement dans le
patrimoine du fiduciaire mais aussi entre les mains de ce dernier. La réalisation d’une telle fiducie
intervient donc, à défaut de paiement, en dehors de la procédure collective. Aussi, un auteur 890 émet
des réserves sur l’application de l’inopposabilité à la fiducie-sûreté.
674. En tout état de cause, les effets de l’inopposabilité des sûretés réelles exclusives du fait
du défaut de déclaration laissent substituer des interrogations. S’agissant du créancier rétenteur,
devrait-il, compte tenu de l’inopposabilité de sa créance, se dessaisir du bien grevé ? Quant à la
fiducie-sûreté, son inopposabilité devrait-elle justifier le retour des actifs fiduciaire dans le
patrimoine du débiteur constituant ?
Autant d’interrogations qui se posent en l’absence de précision législative ou de solution
jurisprudentielle. En l'état actuel du droit, le titulaire d'un droit de rétention ou le bénéficiaire d'une
fiducie-sûreté qui ne déclare pas sa créance, s'expose à l'inopposabilité de sa sûreté.
Pour être à l'abri d'une éventuelle inopposabilité, la prudence commande à tout créancier de déclarer
au moins sa créance, et ce, d’autant plus que l’inopposabilité peut avoir une durée plus ou moins
longue.
- La durée de l’inopposabilité
675. L'article L. 622-26, alinéa 2, affirme par ailleurs que les créances non déclarées sont
inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les
engagements ont été tenus. Il résulte de ces dispositions que la durée de l'inopposabilité à l'égard du
débiteur varie en fonction de l'exécution du plan.
D'une part, l’inopposabilité est temporaire en cas d'adoption d'un plan. Lorsqu'un plan de
sauvegarde ou de redressement (art. L. 631-14, alinéa 1er) a été adopté, la créance non déclarée est
inopposable au débiteur pendant toute la durée de la procédure collective et celle de l'exécution du
plan. Le créancier ne peut donc se prévaloir de sa créance à l'encontre du débiteur tant que
l'exécution du plan n'est pas achevée. Ainsi, le créancier dont la créance est frappée d'inopposabilité
ne peut espérer un quelconque paiement jusqu'à la fin de l'exécution du plan.
Et, d'autre part, l’inopposabilité est définitive lorsque le plan de sauvegarde ou de redressement891
est correctement exécuté. L'article L. 622-26 précise que l'inopposabilité se poursuit après
l'exécution du plan, lorsque le débiteur a tenu ses engagements. Cela suppose que le débiteur qui
890
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1566.
891
Cf. Art. L. 631-14, al. 1er du Code de commerce rendant applicable en redressement judiciaire l’article L. 622-26 du
même Code.
277
exécute correctement ses engagements est définitivement libéré des créances non déclarées. Ainsi,
même lorsqu'il est redevenu in bonis, le débiteur échappe aux poursuites des créanciers lorsqu'il a
parfaitement rempli ses obligations.
676. L'inopposabilité des créances serait donc une sanction au service de la sauvegarde et du
redressement de l'entreprise892. En effet, le législateur évite, de cette manière, que de nouvelles
poursuites à l'encontre du débiteur ne viennent à nouveau le déstabiliser, après la clôture de la
procédure. Il y voit ainsi un moyen destiné à « favoriser la pérennité de la réorganisation du
débiteur une fois le plan exécuté »893. Ces analyses ne sont ainsi valables que lorsque le débiteur ne
fait pas l’objet d’une liquidation judiciaire.
677. Un auteur a d'ailleurs qualifié l'inopposabilité définitive de « prime à la réussite »894,
tandis que d'autres y voient une anomalie dans la mesure où « les inopposabilités n'ont pas vocation
à être perpétuelles »895 . Par ailleurs, l'inopposabilité définitive des créances se rapproche de la
sanction de l'extinction des créances896. En effet, dès lors que le débiteur exécute correctement ses
obligations, les créanciers défaillants ne pourront jamais obtenir le paiement de leur créance. Dans
ce sens, le professeur PÉTEL a considéré que « l'exécution du plan libère le débiteur du passif non
déclaré... nouveauté qui rend très attractif le succès du plan et constitue un retour en arrière
spectaculaire »897. Cette sanction peut donc s'avérer très lourde de conséquences pour les créanciers
et même pour ceux qui seraient munis de sûretés réelles exclusives.
678. .Qu’en est-il en cas de défaut d'exécution du plan ?
Le législateur ne précise pas le sort des créances non déclarées lorsque le plan n'aura pas été
correctement exécuté. On peut alors considérer que l'inopposabilité prend fin en cas de résolution
du plan, peu important que la résolution du plan donne lieu à l'ouverture d'une nouvelle procédure.
Ainsi, lorsque le plan a été résolu sans cessation des paiements et sans ouverture d'une nouvelle
procédure, le créancier peut, sous réserve de la prescription, reprendre ses poursuites contre le
débiteur. En revanche, lorsque la résolution du plan a donné lieu à l’ouverture d’une seconde
procédure, le créancier défaillant de la première procédure a une seconde chance, il peut, sous
892
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1560.
893
Rapport au président sur l'ordonnance du 18 décembre 2008 (II, 3, sur l'art. 34 de l'ordonnance).
894
L.-C HENRY, « Les modifications apportées par l'ordonnance du 18 décembre 2008 à la fixation du passif non
salarial dans les procédures collectives », Gaz. Pal. du 8 au 10 mars 2009, n° 17, p. 32.
895
F. DERRIDA et J.-P. SORTAIS, « La situation des créanciers forclos dans les nouvelles procédures », art. préc., p.8
896
L.-C HENRY, « Les modifications apportées par l'ordonnance du 18 décembre 2008 à la fixation du passif non
salarial dans les procédures collectives », art. préc., p. 32.
897
Ph. PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. Commentaire de l'ordonnance n°2008-1345 du
18 décembre 2008 », art. préc., n° 32.
278
réserve là encore de la prescription, déclarer dans le cadre de la seconde procédure 898. Mais l'article
L. 622-26, alinéa 2, ne s'applique que lorsqu'un plan a été adopté.
679. .Qu'en est-il en cas de liquidation judiciaire ?
Le législateur est resté muet sur la question899. Mais heureusement, la jurisprudence y a répondu.
En effet, dans un arrêt du 3 novembre 2010900, la Cour de cassation a jugé que la créance non
déclarée est inopposable à la liquidation judiciaire. Le créancier défaillant voit donc sa créance
neutralisée pendant toute la durée de la liquidation judiciaire. Il ne peut plus exercer les droits qui y
sont attachés. Aussi, lorsque la créance non déclarée était assortie de sûretés, celles-ci deviennent
inopposables. Il en sera de même lorsque la créance a été déclarée mais pas la sûreté assortissant
cette créance.
S’agissant du gagiste-rétenteur, il ne pourrait par exemple plus solliciter l'attribution judiciaire901.
À la différence du débiteur qui exécute correctement le plan de sauvegarde ou de redressement, le
débiteur placé en liquidation judiciaire ne bénéficie que d'une inopposabilité temporaire.
L'inopposabilité cesse à la clôture de la liquidation judiciaire. En conséquence, le créancier
défaillant retrouve son droit d'agir contre le débiteur, sous réserve là encore de la prescription902.
680. Cependant, il y a lieu de faire une distinction selon que la clôture de la liquidation
intervient à la suite d'une extinction du passif ou d'une insuffisance d'actif.
L’article L. 643-11 du Code de commerce indique que le jugement de clôture de la liquidation
judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs
actions contre le débiteur. Au contraire, cette précision n’est pas donnée s’agissant de la clôture de
la liquidation pour extinction du passif. En conséquence, l’inopposabilité de la créance non déclarée
ne durant que le temps de la procédure, en cas de clôture pour extinction du passif, le créancier
défaillant devrait retrouver son droit d'agir903. Il peut alors poursuivre le débiteur en paiement de sa
créance. Le créancier peut donc à nouveau se prévaloir de sa sûreté. En revanche, la situation est
plus délicate en cas de clôture pour insuffisance d'actif. Au regard des dispositions de l’article
précité, l’extinction de la procédure pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers
leurs droits d’agir, sauf dans les cas limitativement énoncés par le législateur.
898
L.-C HENRY, « Les modifications apportées par l'ordonnance du 18 décembre 2008 à la fixation du passif non
salarial dans les procédures collectives », art. préc., p. 32 ; v. aussi M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial,
Entreprises en difficulté, op. cit., n° 506.
899
V. les propositions de P. CROCQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés », art. préc., n° 15.
900
Cass. com., 3 novembre 2010, n°09-70.312, Bull. civ. IV, n° 165; D. 2010, p. 2645, obs. A. LIÉNHARD; JCP E,
2011. 1030, n° 10, obs. M. CABRILLAC; Rev. soc. 2011, p. 194, note Ph. ROUSSEL GALLE ; BJE, juillet 2011p.
186, note C. SAINT- ALARY- HOUIN.
901
F. DERRIDA et J.-P. SORTAIS, « La situation des créanciers forclos dans les nouvelles procédures », art. préc.. p.
8.
902
V. P.-M. LE CORRE, « La créance non déclarée et la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif
exigible » JCP E, 2011. 1318.
903
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1569 ; F. DERRIDA et J.-P. SORTAIS, « La situation des
créanciers forclos dans les nouvelles procédures », art. préc.. p. 7
279
681. Se pose alors la question de savoir si le créancier qui n’a pas déclaré sa créance peut
poursuivre le débiteur après le jugement de clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif.
Une partie de la doctrine904 donne au créancier non déclarant la possibilité de poursuivre le débiteur
en paiement, uniquement lorsqu'il se trouve dans l'un des cas exceptionnels de reprise des
poursuites prévus par l'article L. 643-11, et sous réserve de la prescription. Un auteur905 considère
même plus largement que le créancier défaillant doit pouvoir reprendre ses poursuites à l'encontre
du débiteur, même s'il ne se trouve pas dans un des cas exceptionnels de reprise des poursuites, dans
la mesure où le créancier n'est jamais rentré dans la procédure collective. D'autres 906, en revanche,
refusent au créancier défaillant la possibilité de poursuive le débiteur, quand bien même il serait
dans l'un des cas exceptionnels de reprises de poursuites
De ces trois analyses, c’est la dernière qui nous convainc le plus. Il nous est en effet difficile de
comprendre comment on peut autoriser le créancier à poursuivre le paiement de sa créance auprès
d'un débiteur qui n'a pas pu apurer tout son passif. Le débiteur n'étant a priori pas redevenu
solvable, comment pourra-t-il donc payer le créancier poursuivant. Face à cette diversité
d’analyses une réponse jurisprudentielle serait la bienvenue.
Nous venons ainsi d'étudier les effets de l'inopposabilité dans les rapports entre le créancier
défaillant et le débiteur, analysons à présent les effets de l'inopposabilité dans les rapports entre le
créancier et les tiers.
b-2-a-2) Les effets de l'inopposabilité dans les rapports entre le créancier et les tiers
682. Les effets de l'inopposabilité peuvent concerner plusieurs catégories de tiers. Ainsi, nous
verrons d'abord les effets de l'inopposabilité à l'égard des garants, puis à l'égard du repreneur. Cette
question n'étant pas spécifique aux créanciers munis de sûretés réelles exclusives, nous n'entrerons
pas dans les détails.
683. L'article L. 622-26, alinéa 2, dispose que les créances non déclarées régulièrement dans
les délais sont, pendant l'exécution du plan, inopposables aux personnes physiques coobligées ou
ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Comme à l'égard
du débiteur, les créances non déclarées sont inopposables à l'ensemble des garants personnes
physiques. Le créancier non déclarant ne peut donc les solliciter pour obtenir un paiement. Cet
904
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1569 ; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des
procédures collectives, op. cit., n° 665.76 ; J. Ch. BOULAY, « Les créanciers antérieurs dans les procédures de
sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires », Rev. Proc. Coll., février 2006, n° 2 pp. 135 et s. sp. p. 140 ;
D. GIBIRILA, Droit des entreprises en difficulté, Défrénois, Lextenso, 2009, n° 557.
905
C. SAINT- ALARY- HOUIN, Droit des entreprises en difficultés, op. cit., n° 781.
906
F.DERRIDA et J.-P. SORTAIS, « La situation des créanciers forclos dans les nouvelles procédures », art. préc., p.8 ;
M.-A. RAKOTOVAHINY, « L'inopposabilité dans les procédures collectives », LPA, 05 juillet 2011, n° 132, p. 10.
280
article constitue un prolongement de l'article L. 626-11, alinéa 2, qui autorise les garants à se
prévaloir des dispositions du plan.
684. Cependant, les effets de l'inopposabilité sont ici limités à trois niveaux.
D'une part, elle ne bénéficie qu'aux garants personnes physiques. Cela signifie que le créancier non
déclarant peut toujours poursuivre les garants personnes morales. Ces poursuites interviendront
dans les conditions du droit commun, à condition que la créance soit exigible. En revanche, elle
bénéficie à tous les garants personnes physiques, peu importe la nature personnelle ou réelle de leur
garantie. D'autre part, l'inopposabilité est limitée à la durée de l'exécution du plan. Ainsi, à la
différence du débiteur, les garants n'échappent pas aux poursuites des créanciers, même lorsque le
plan a été correctement exécuté. Une fois l'exécution du plan achevée, les créanciers peuvent
reprendre leur poursuite, à condition que la créance ne soit pas prescrite. Cependant, la bonne
exécution du plan peut laisser penser que le créancier n'aura plus à poursuivre les garants. Enfin,
l'inopposabilité ne s'applique qu'au cours de l'exécution du plan de sauvegarde. Les créanciers
peuvent ainsi poursuivre les garants pendant l'exécution du plan de redressement. En effet, l'article
L. 631-14, alinéa 6, prévoit que « Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté
personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne bénéficient pas de l'inopposabilité
prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-26 et ne peuvent se prévaloir des dispositions prévues
au premier alinéa de l'article L. 622-28 ». Les créanciers défaillants peuvent également poursuivre
les garants personnes physiques pendant la liquidation judiciaire.
Les effets de l’inopposabilité des créances à l’égard des garants suscitent d’autres interrogations qui
ne méritent pas que l’on s’y attarde dans la présente étude, car non spécifiques aux sûretés réelles
exclusives.
685. Lorsqu’un bien est inclus dans un plan de cession, l’article L. 642-12, alinéa 4, du Code
de commerce prévoit un transfert au repreneur de la charge des sûretés mobilières et immobilières
garantissant le crédit octroyé au débiteur pour le financement dudit bien. Le cessionnaire doit alors
s’acquitter entre les mains du créancier des échéances restant dues. Se pose ainsi la question de
savoir si le créancier forclos peut se prévaloir des dispositions de cet article.
686. Sur cette question, la doctrine est encore divisée. Alors que certains considèrent que
l'inopposabilité dont bénéficie le débiteur devrait bénéficier au cessionnaire 907 , d'autres, en
revanche, s'opposent à cette idée 908 . À notre avis, le repreneur devrait pouvoir bénéficier de
907
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1577 ; L.-C HENRY, « Les modifications apportées par
l'ordonnance du 18 décembre 2008 à la fixation du passif non salarial dans les procédures collectives », art. préc., p. 32.
908
Ph. ROUSSEL GALLE, « La déclaration des créances et les sûretés réelles », LPA, 11 février 2011, n° 30, p. 37 ;
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 665.77. L’auteur affirme que
281
l'inopposabilité. En effet, dans son principe, l'inopposabilité a pour effet de protéger les tiers. Le
repreneur en tant que tiers devrait pouvoir se prévaloir de l'inopposabilité. Par ailleurs, cette
solution a le mérite de rendre la cession plus attractive, ce qui peut augmenter les chances de
redressement des entreprises. Or, dans un contexte où le droit des entreprises en difficulté a pour
finalité première la sauvegarde et le redressement des entreprises, cette solution peut être
intéressante.
687. Somme toute, l'inopposabilité de la créance non déclarée peut avoir des effets
redoutables puisqu'elle bénéficie, dans certains cas, non seulement au débiteur mais également aux
tiers. Le créancier défaillant se trouve ainsi dans une situation inconfortable, peu important qu'il soit
ou non muni d'une sûreté réelle exclusive.
Après avoir vu les effets de l’inopposabilité, évoquons à présent sa portée.
688. L'alinéa 2 de l'article L. 622-26, prévoit que les créances non déclarées sont inopposables
au débiteur. Cette innovation est différente des propositions qui avaient été émises par la doctrine.
En effet, après que la loi de sauvegarde ait supprimé la sanction de l'extinction des créances non
déclarées, en la remplaçant par une exclusion du créancier à la participation des repartions et
dividendes, les auteurs ont cherché à qualifier la nature de cette nouvelle sanction. C'est ainsi
qu’une bonne partie de la doctrine 909 avait considéré que les créances non déclarées sont
inopposables à la procédure collective. Le professeur LE CORRE, inspirateur de ce point de vue,
voyait d'ailleurs dans la procédure collective, une résurrection de la masse des créanciers 910.
689. Le législateur de 2008 reprend certes la nature de l'inopposabilité de la créance non
déclarée, mais à l'égard du débiteur911 et non pas de la procédure collective, comme l'avait pensé la
doctrine. Cette innovation a suscité beaucoup de discussions en doctrine912.
Le professeur PÉROCHON913 a par exemple soutenu que l'inopposabilité à l'égard du débiteur et
non de la procédure collective a été instituée pour tenir compte de la nouvelle durée de la procédure
de sauvegarde ou de redressement. En effet, l'auteur précise que « comme il fallait de toute
l’inopposabilité du droit de créance ne concerne que la procédure, c’est-à-dire les créanciers et leur représentant, non les tiers, dont le
repreneur.
909
J. VALLANSAN, « Quelques observations sur les créanciers antérieurs dans les procédures de sauvegarde,
redressement et liquidation judiciaire », Rev. Proc. Coll., avril 2008, n° 2, étude 14, p.15 ; F. MACORIG- VENIER et
C. SAINT- ALARY- HOUIN, « Les créanciers dans l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme
du droit des entreprises en difficulté », Rev. Proc. Coll., janvier 2009, n° 1, dossier 9, p. 65.
910
P.-M. LE CORRE, « Les créanciers antérieurs dans le projet de sauvegarde des entreprises », LPA, 10 juin 2004, n°
116, p. 25.
911
Art. L. 622-26 du Code de commerce.
912
V. Ph. PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. Commentaire de l'ordonnance n°2008-1345
du 18 décembre 2008 », art préc., n° 32. L'auteur considère que l'inopposabilité à l'égard du débiteur est dépourvu de
sens car « la notion d'inopposabilité concerne les rapports d'une partie à un rapport de droit avec un tiers à ce rapport » ;
M.-A. RAKOTOVAHINY, « L'inopposabilité dans les procédures collectives », art. préc., p. 6.
913
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1559.
282
évidence protéger au moins l'exécution du plan, il fallait trouver une formule permettant de
prolonger la paralysie de la créance non déclarée jusqu'au terme du plan, d'où l'expression,
inopposabilité au débiteur ».
Nous pensons que l'expression « inopposabilité à l'égard du débiteur » n'est qu'une maladresse du
législateur. L'inopposabilité à l'égard du débiteur révèle en réalité une inopposabilité à l'égard de la
procédure collective, c'est-à-dire une inopposabilité à l'égard de tous ceux qui sont impliqués dans
la vie de l'entreprise. En effet, contrairement à la sanction classique de l'inopposabilité dont le but
est de protéger les tiers, dans le cadre du droit des procédures collectives en général et du défaut de
déclaration de créances en particulier, le but de l'inopposabilité est surtout de favoriser le sauvetage
de l'entreprise (dans les procédures de sauvegarde et de redressement). Le défaut de déclaration doit
avoir pour effet de priver le créancier non déclarant du bénéfice de sa créance, aussi bien à l'égard
des organes de la procédure (les représentants des créanciers, l'administrateur, le juge-commissaire),
que des autres créanciers et même des tiers, sous réserve des garants, compte tenu de leur statut
particulier. Aussi, l'inopposabilité à l'égard du débiteur doit s'entendre au sens large, elle ne devrait
donc pas bénéficier qu'aux seuls débiteurs914.
690. Cependant, que l'inopposabilité profite uniquement au débiteur ou à toute la procédure
collective, elle apparaît comme une sanction beaucoup plus souple que la défunte extinction des
créances.
Instituée par la loi du 25 janvier 1985915, puis supprimée par la loi de sauvegarde du 26 juillet
2005916, l'extinction des créances était caractérisée par son extrême sévérité pour laquelle elle a
d'ailleurs souvent été critiquée917.
À la différence de l'extinction des créances, l'inopposabilité leur laisse, dans certaines hypothèses,
une chance de pouvoir être payées. Cette situation profite à tous les créanciers, y compris ceux
titulaires de sûretés réelles exclusives et tenus à la déclaration des créances. En effet, si l'on
envisage l'hypothèse de l'inopposabilité des sûretés réelles exclusives pour défaut de déclaration, le
créancier a toujours la possibilité de retrouver sa sûreté. C’est notamment le cas à la suite de la
résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement, ou encore à la clôture de la procédure de
liquidation judiciaire. Il ne fait donc aucun doute que la situation des créanciers non déclarant en
droit français est meilleure aujourd'hui que sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985.
914
Le débiteur principal ou les garants.
915
Anc. art. L. 621-46, al. 4 du Code de commerce : « Les créances qui n'ont été déclarées et n'ont pas donné lieu à
relevé de forclusion sont éteintes ».
916
L'extinction des créances a été supprimée en droit français pour mettre le droit en conformité avec l'article 5 du
règlement européen.
917
Le professeur PÉROCHON parle par exemple de "peine de mort" du créancier (F. PÉROCHON, Entreprises en
difficulté, op. cit., n° 1558) ; V. aussi , C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 779.
283
Qu'en est-il en droit OHADA dont on sait que l'AUPC reprend en grande partie les dispositions des
anciennes lois françaises ?
691. L'alinéa 1er de l'article 83 de l'AUPC précise que « Les créanciers qui n'ont pas produit
dans les délais et aux conditions prévus aux articles 78 à 80 ci-dessus et qui n’ont pas été relevés
de forclusion ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes. Leurs créances sont
inopposables à la masse et au débiteur pendant la procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens y compris durant la période d’exécution du concordat de redressement
judicaire ». À l’instar du droit français, il faut distinguer deux hypothèses. D’abord lorsque le
créancier défaillant a été relevé de sa forclusion (a), ensuite lorsqu’il n’a pu l’être ; sa créance est
alors frappée d’inopposabilité (b).
692. Naturellement, la question qui se pose est celle de la possibilité d'un relevé de forclusion
des créanciers munis de sûretés réelles exclusives. Cette situation nous amène à analyser les
conditions du relevé de forclusion (a-1) avant d'en préciser les effets (a-2).
693. Il nous faut analyser les conditions du relevé de forclusion eu égard aux créanciers munis
de sûretés réelles exclusives. Nous verrons ainsi les cas de relevé de forclusion (a-1-a), puis les
délais et forme de la demande en relevé de forclusion (a-1-b).
694. L'alinéa 2 de l'article 83 de l'AUPC énonce que « Les créanciers défaillants ne peuvent
être relevés de leur forclusion que par décision motivée du juge-commissaire, tant que l'état des
créances n'a pas été arrêté et déposé dans les conditions prévues à l'article 86 ci-dessous et
uniquement s'ils démontrent que leur défaillance n'est pas de leur fait ». Il en ressort que les
créanciers ne peuvent être relevés de leur forclusion que dans un seul cas de figure ; lorsque le
défaut de production n'est pas dû à leur fait. Le défaut de production doit résulter des circonstances
extérieures à la volonté du créancier. En l'absence de décision jurisprudentielle de la CCJA, nous
pensons que les solutions avancées en droit français devraient pouvoir s'appliquer en droit OHADA,
puisqu'il s'agit de la même hypothèse. Toutefois, à la différence du législateur français, le législateur
communautaire africain ne fait pas de l'omission du débiteur un motif de relevé de forclusion.
695. S'agissant des créanciers qui reçoivent l'avertissement d'avoir à produire et dont feraient
partie certains créanciers titulaires de sûretés réelles exclusives, ils doivent, pour être relevés de leur
284
forclusion, établir un défaut d'avertissement de la part du syndic. Dans cette situation, la forclusion
leur est inopposable918. Ils pourront alors produire leurs créances même après les délais prévus à
l'article 79 de l’AUPC. En revanche, si les créanciers munis de sûretés réelles exclusives et
bénéficiaires de l'avertissement, ne peuvent prouver le défaut d'avertissement, il leur sera difficile
d'obtenir un relevé de forclusion sur le motif que la défaillance n'est pas due à leur fait.
Là encore, il n'existe en la matière aucune jurisprudence africaine. Si un jour la CCJA devait se
prononcer sur la question, elle pourrait s'inspirer des solutions rendues par la Cour de cassation.
Après l’examen du cas de relevé de forclusion, analysons les délais et la forme de la demande.
696. Sur la question du délai, le législateur communautaire africain brille une fois de plus par
son ambiguïté. En effet, il résulte des dispositions de l’article 83 de l’AUPC ci-dessus cité que les
créanciers défaillants ne peuvent être relevés de leur forclusion par décision motivée du Juge-
commissaire que tant que l'état des créances n'a pas été arrêté et déposé dans les conditions prévues
à l'article 86 du même Acte uniforme. Ce texte n'est pas de toute clarté. En effet, il ne précise ni la
durée exacte, ni le point de départ du délai pour adresser une demande en relevé de forclusion.
La seule chose acquise est que les créanciers défaillants peuvent demander à être relevés de leur
forclusion jusqu'à ce que l'état de créances ait été arrêté et déposé.
697. S’agissant de la forme de la demande, l’alinéa 3 de l’article 83 indique que la demande
en relevé de forclusion doit être formée par voie de requête adressée au juge-commissaire. Ce
dernier est tenu de motiver sa décision. Le relevé de forclusion doit donc être justifié. Le juge-
commissaire doit éventuellement vérifier puis confirmer que le défaut de production ne résulte pas
d'une défaillance du créancier forclos.
Dans tous les cas, l'acceptation d'une demande en relevé de forclusion par le juge-commissaire
produit nécessairement des effets à l’égard du créancier.
698. Le créancier relevé de forclusion échappe aux effets de cette dernière. Il peut à nouveau
espérer un paiement dans le cadre de la procédure, sous la seule réserve qu'il ne peut concourir que
pour les répartitions ultérieures à son relevé de forclusion. En effet, l'alinéa 5 de l'article 83 précise
que « Les créanciers défaillants relevés de la forclusion ne peuvent concourir que pour les
918
F.-M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 217; F. THÉRA, La réforme de
l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 307; J.-R. GOMEZ, OHADA, Entreprises en
difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du
passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 155.
285
répartitions et les dividendes postérieurs à la décision du relevé de forclusion ». Le relevé de
forclusion produit donc des effets limités à l'égard des créanciers. Le législateur communautaire
africain, qui adopte ici la même position que le droit français, choisit de limiter substantiellement
les droits des créanciers relevés. Le risque de cette mesure est qu'une partie de l'actif ait déjà fait
l'objet de répartition avant le prononcé du relevé de forclusion.
En tout état de cause, la décision du juge-commissaire de relever le créancier de sa forclusion est
portée sur l'état des créances par le greffier. En outre, les frais de l'instance en relevé de forclusion
sont supportés intégralement par le créancier919.
699. En définitive, s'agissant des conditions du relevé de forclusion, il n'existe pas de règles
spécifiques pour les créanciers munis de sûretés réelles exclusives, et il n’est donc pas dérogé aux
règles générales qui régissent la matière. Il en est de même en l’absence de relevé de forclusion,
lorsque la sanction du défaut de production est prononcée.
700. L’alinéa 1er de l'article 83 de l'AUPC dispose que « Les créanciers qui n'ont pas produit
dans les délais et aux conditions prévus aux articles 78 à 80 ci-dessus et qui n’ont pas été relevés
de forclusion ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes. Leurs créances sont
inopposables à la masse et au débiteur pendant la procédure de redressement judiciaire et de
liquidation des biens, y compris durant la période d’exécution du concordat ».
Ce texte a été modifié lors de la réforme de septembre 2015. Sous l’empire de l’ancien AUPC,
l’alinéa 2 de l’article 83 prévoyait qu’« En cas de redressement judiciaire, la forclusion éteint les
créances, sauf clause de retour à meilleure fortune et sous réserve des remises concordataires ». Ce
texte, en prévoyant l'extinction des créances non déclarées, avait repris une mesure de la loi
française du 25 janvier 1985. L'extinction des créances non déclarées était une sanction aux
conséquences lourdes pour les créanciers défaillants. Elle entraînait la disparition des créances. En
conséquence, les créanciers ne pouvaient plus espérer un paiement dans le cadre de la procédure et
même à la clôture de celle-ci. Pour un auteur, cette sanction était justifiée par la nécessité d'éviter
que le succès du concordat soit compromis par la réclamation des créances non produites, et donc
inconnues lors de l'élaboration du concordat920.
En vertu de la règle « l'accessoire suit le principal », l'extinction des créances impliquait, par
principe, l'extinction de tout ce qui s'y rapporte. Ainsi, les sûretés assortissant éventuellement la
créance étaient elles aussi éteintes. À notre avis, il devait également en être de même pour les
sûretés réelles exclusives, puisqu’elles ne bénéficiant pas d’un régime dérogatoire.Le créancier
919
Art. 83, al. 4, de l'AUPC.
920
F.-M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 216.
286
rétenteur ou le bénéficiaire d'un transfert fiduciaire qui n'avait pas produit sa créance dans les délais
et qui n'avait pu être relevé de sa forclusion, aurait donc dû voir sa créance éteinte.
701. Le législateur OHADA avait tout de même prévu un assouplissement au principe de
l'extinction des créances non produites. C'était le cas lorsque le concordat prévoyait une clause de
retour à meilleure fortune. Dans cette hypothèse, le débiteur dont la situation patrimoniale s'était
considérablement amélioré,921 s'engageait, à l'issue de l'exécution du concordat, à payer toutes les
créances, même celles frappées par la forclusion.
702. Quoi qu’il en soit, cette sanction a été abandonnée lors de la réforme de l’AUPC.
Désormais, le défaut de production est sanctionné par l’absence de participations aux distributions
communes et par l’inopposabilité des créances non produites.
Le législateur communautaire africain s’aligne ainsi sur le modèle du droit français. Nous pouvons
alors considérer que les solutions analysées en droit français pourraient s’appliquer en droit
OHADA. Le législateur communautaire africain se démarque toutefois de son homologue français.
En effet, l’article 83 précité énonce expressément que les créances non déclarées sont inopposables
même dans la procédure de liquidation des biens. De cette manière, le législateur communautaire
africain règle une question qui, en droit français, a été réglée par la jurisprudence.
703. Il convient de noter qu’avant sa consécration législative, cette solution avait été
envisagée par une partie de la doctrine.
Un auteur922 a considéré que l'alinéa 4 de l'article 83 de l'AUPC (ancien) ne fait pas allusion à une
extinction des créances ; tout au plus on peut en déduire que les créanciers forclos qui n'ont pas été
relevés de forclusion ne participent pas aux répartitions de dividendes, ce qui, selon lui, s'apparente
a priori à une inopposabilité de leur créance à la procédure ouverte. C’est également la solution qui
fût avancée par le professeur SAWADOGO923. À l’opposé, un autre auteur924 a estimé que l'ancien
article 83, alinéa 2 de l'AUPC avait une portée plus générale et ne se réduisait pas au redressement
judiciaire. Pour lui, cette solution découlait de l'interprétation de l'alinéa 4 du même article qui ne
faisait pas allusion au redressement judiciaire. Dans tous les cas, cette question ne se pose plus
depuis l’entrée en vigueur du nouvel AUPC.
704. Quant à la portée de l’inopposabilité, l’article 83 précité énonce que les créances sont
inopposables au débiteur et à la masse. Ainsi, sous réserve de la maladresse législative relevée
précédemment, à la différence du droit français, l’inopposabilité a, en droit OHADA, une portée
plus grande. Elle ne profite pas qu’au débiteur. La masse des créanciers peut également s’en
prévaloir pour ignorer la créance non produite.
921
Ibid. L'auteur parle d'amélioration notable.
922
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 318.
923
F.-M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 216.
924
J.- R. GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 155.
287
705. Le législateur reste en revanche silencieux sur les effets de l’inopposabilité sur les tiers.
Sous l’empire de l’ancien AUPC, un auteur925 a estimé que le défaut de production n'affecte pas, en
principe, les créances contre des tiers, même s'il s'agit des coobligés du débiteur qui sont
personnellement et à titre principal obligés envers le débiteur. L'auteur affirma que « le codébiteur
reste tenu même si le créancier n'a pas déclaré sa créance contre le débiteur soumis à la procédure
collective ». Aujourd’hui, le législateur OHADA s’étant aligné sur le modèle du droit français, les
solutions précédemment évoquées en droit français pourraient, ici encore, s’appliquer. Ainsi, les
créanciers défaillants pourraient poursuivre les tiers en cas d’adoption d’un concordat de
redressement, mais aussi dans la liquidation des biens.
706. Par ailleurs, à la différence du droit français, le législateur communautaire africain a
limité la durée de l’inopposabilité. Conformément aux dispositions de l’article 83 de l’AUPC, elle
dure pendant la procédure collective et s’étend jusqu'à l’exécution du concordat de redressement.
En droit OHADA, l’inopposabilité est temporaire. Le législateur n’envisage pas une inopposabilité
définitive en cas de bonne exécution du concordat. Le créancier défaillant peut donc, à l’issue du
concordat, faire valoir sa créance puisqu’il n’a pas été payé dans le cadre de ce concordat.
Il en sera de même à la clôture de la procédure de liquidation des biens. Un auteur926 a estimé que le
créancier retrouvait son droit d’agir contre le débiteur, même en cas de clôture de la liquidation
pour insuffisance du passif. Cette solution est quelque peu contraire aux dispositions de l’article 174
de l’AUPC qui précise notamment que « la décision de clôture pour insuffisance d’actif ne fait pas
recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf si la créance
résulte d’une condamnation pénale du débiteur ou de droits attachés à la personne du créancier ».
À l’instar du droit français, la règle qui interdit la reprise des poursuites contre le débiteur après la
clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif est assortie de quelques exceptions.
707. De la confrontation des sûretés réelles exclusives aux règles de la déclaration ou de la
production des créances, il ressort que les créanciers munis de telles sûretés n'échappent pas
totalement à l'obligation de déclarer ou produire. Si l'exclusivité permet de ne pas faire mention de
la sûreté au moment de la déclaration, les créanciers doivent, néanmoins, déclarer leur créance, sous
peine d'inopposabilité de celle-ci. En effet, il n'existe à ce jour aucune disposition législative ou
solution jurisprudentielle qui permette expressément d'exclure le créancier rétenteur ou le
bénéficiaire d’une fiducie-sûreté de l'obligation de déclarer. Ainsi, la reconnaissance des sûretés
réelles exclusives dans les procédures collectives passe au moins par la déclaration des créances
dont elles garantissent le paiement.
925
Ibid., n° 151.
926
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 318.
288
Toutefois, la reconnaissance de ces sûretés peut également dépendre de leur inscription. Il nous
faut donc à présent étudier le sort des sûretés réelles exclusives face à la règle de l'arrêt ou de
l'interdiction des inscriptions.
927
Cette règle fut énoncée dans l’article 33 de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967, qui l’avait lui-même reprise de
l’ancien article 479 du Code de commerce.
928
La règle a été posée à l’article 57, al. 1er de la loi du 25 janvier 1985, puis dans l’ancien article L. 621-50 du Code de
commerce, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde.
929
G. RIPPERT et R. ROBLOT, Traité élémentaire de Droit commercial, LGDJ, 9e éd. 1981, n° 3033.
930
Sur la question v. C SAINT-ALARY- HOUIN, « La gestion de l’entreprise pendant la période d’observation, les
innovations de la procédure de redressement judicaire », RTD com. 1986, n° spécial, p.37.
289
alors par d'autres considérations : « Il s'agit de figer le patrimoine du débiteur afin de favoriser au
maximum le redressement de son entreprise »931.
La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 donne encore plus de poids à cette justification. En effet,
dans la procédure de sauvegarde, le débiteur n'est en aucune manière dessaisi de la gestion de ses
affaires, il reste bien à la tête de son entreprise. Aujourd’hui, la règle vise donc à geler le patrimoine
du débiteur afin de favoriser le sauvetage de l'entreprise. Elle permet par ailleurs d'assurer le respect
du principe d'égalité, en évitant qu'un créancier améliore sa situation après le jugement
d'ouverture932.
710. Cette solution mérite quelques précisions. Il a été observé que même si l'interdiction des
inscriptions vise à geler le patrimoine du débiteur, ce gel n'opère que dans la limite de la
procédure 933 . Ainsi, dans le cadre d'une EIRL, conformément à l'article L. 680-3 du Code de
commerce, l'interdiction ne joue que concernant les biens composant le patrimoine soumis à la
procédure. Les sûretés grevant les biens figurant dans un autre patrimoine (patrimoine personnel du
débiteur) peuvent donc être inscrites après le jugement d'ouverture934.
De même, en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde financière accélérée, la procédure ne
produisant des effets qu'à l'égard des créanciers financiers ayant qualité de membres du comité des
établissements de crédit et des créanciers obligataires (article L. 628-9), les autres créanciers
conservent leurs prérogatives. Ils peuvent en conséquence inscrire leurs sûretés, nonobstant le
prononcé du jugement d'ouverture 935 . La situation est différente dans la nouvelle procédure de
sauvegarde accélérée instituée par l'ordonnance du 12 mars 2014, qui soumet à la discipline
collective tous les créanciers soumis à déclaration.
711. En droit OHADA, la situation est bien différente. L'article 73 de l'AUPC énonce dans
une formule laconique 936 la règle de l'arrêt des inscriptions. Le texte dispose que « La décision
d'ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens arrête le cours des
inscriptions de toute sûreté mobilière ou immobilières ». Cette règle qui s'inspire de l'article 33,
alinéa 1er de la loi française du 13 juillet 1967 a encore aujourd'hui les mêmes fondements que ceux
931
C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et liquidation judiciaires. -
Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », JCL. com., 30 juin 2015, fasc. 2365, n° 6.
932
C’est la position défendue par la quasi-totalité de la doctrine, v. C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-
VENIER, « Sauvegarde, Redressement et liquidation judiciaires. - Situation des créanciers.- Interdictions des
inscriptions », fasc. préc., n° 6; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit.,
n° 651.13; F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 653; A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en
difficulté, 8e éd., Lexisnexis, Litec, 2013, n° 500 ; M. DAGOT, « La situation des créanciers antérieurs au jugement
d’ouverture », Annales faculté de Toulouse 1986, n° 34, p. 169 .
933
F. PÉROCHON, « Le périmètre de l’arrêt des voies d’exécution », in Mesures d’exécution et procédures collectives,
sous la dir. P.-M. LE CORRE, Bruylant 2012, pp. 9 et s.
934
V. aussi, P.-M. LE CORRE, « Le passif de l’EIRL », BJE, mars 2011, n°1, p.70 ; F. MACORIG-VENIER, « Les
créanciers de l’EIRL en difficulté », Rev. Proc. Coll., mars 2011, n° 2, dossier 20, p. 87.
935
V. aussi, F.-X. LUCAS, « La SFA une procédure quasi collectif », LEDEN, décembre 2010, n° 11, p. 1.
936
J.-R GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op.cit., n° 128.
290
qui étaient admis en droit français sous l'empire de cette loi ancienne937. En effet, le législateur
communautaire africain n'a toujours pas supprimé la masse des créanciers. Il en découle que le
jugement d'ouverture de la procédure de redressement judicaire ou de liquidation des biens emporte
dessaisissement des biens du débiteur au profit de la masse des créanciers. En conséquence, tous les
actes accomplis irrégulièrement par le débiteur après le jugement d'ouverture sont inopposables à la
masse des créanciers. Par ailleurs, comme en droit français, la règle vise à maintenir l'égalité entre
les créanciers en évitant que les créanciers antérieurs améliorent leur situation après le jugement
d'ouverture.
712. Mais quel que soit son fondement, la règle énoncée par l'article L. 622-30 revêt en droit
français un domaine d'application assez vaste938. Le texte interdit, d'une part, les inscriptions des
sûretés et, d'autre part, la publication des actes et décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de
droits réels939. Cependant, dans le cadre de cette étude consacrée aux sûretés, seule l'interdiction des
inscriptions relatives aux sûretés retiendra notre attention.
En droit OHADA, l'arrêt des inscriptions ne concerne que les sûretés, peu important qu'elles soient
mobilières ou immobilières.
713. Il convient de souligner qu'il y a une différence terminologique entre les deux
législations. Tandis qu'en droit français, il est question d'interdiction des inscriptions, en droit
OHADA, la règle est celle de l'arrêt du cours des inscriptions. Mais cette différence terminologique
n'a aucune véritable incidence sur la portée de la règle. En effet, dans les deux cas, l'inscription doit
être effectuée avant le jugement d'ouverture ; à défaut, la sûreté est inopposable et le créancier est
admis à titre chirographaire.
714. Tout comme la déclaration des créances, la règle de l'interdiction des inscriptions
conditionne la reconnaissance des sûretés réelles dans les procédures collectives. Généralement
obligatoire, l'inscription est une formalité de publicité. Elle est souvent exigée à peine
d'inopposabilité. Dans ce cas, l'inscription assure l'opposabilité de la sûreté aux tiers. Mais elle peut
aussi être exigée à peine de nullité940. Dans cette situation, la validité de la sûreté est subordonnée à
l'inscription941. Quoi qu'il en soit, le jugement d'ouverture d'une procédure empêche les inscriptions
postérieures de sûretés.
715. Conformément à l'article L. 622-30, alinéa 1er, l'interdiction d'inscrire touche les
hypothèques, les gages, les nantissements et les privilèges. Le texte ne s'applique donc qu'aux seules
937
C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et liquidation judiciaires. -
Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc., ns° 4 et 5.
938
Cass. Com., 4 novembre 2014, n° 13-24.51, RLDC, janvier 2015, n° 122, p. 35, note J.J ANSAULT.
939
Sur une étude d’ensemble de l’interdiction ;V. C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde,
Redressement et liquidation judiciaires. - Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc.
940
C'est par exemple le cas pour la fiducie.
941
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., ns° 1304 à 1306.
291
suretés réelles préférentielles. Cependant, au regard de sa finalité, la règle vise à geler le patrimoine
du débiteur afin de favoriser le redressement de l'entreprise et d'assurer le respect du principe
d'égalité des créanciers. Or, tel ne serait pas le cas si des créanciers antérieurs pouvaient en toute
impunité continuer d'inscrire leurs sûretés après le jugement d'ouverture.
Aussi, l'interprétation de l'article L. 622-30 suscite quelques interrogations. Doit-t-on coller au texte
et en faire une interprétation restrictive, de sorte que l'interdiction d'inscrire ne s'applique qu'aux
sûretés limitativement citées par le législateur ? Ou peut-on en faire une interprétation large et
appliquer l'interdiction à toutes les sûretés – sans distinction – soumises à la publicité ? En droit
OHADA, la question de l'interprétation de l'article 73 de l'AUPC se pose également puisque le
législateur communautaire vise simplement les sûretés mobilières et immobilières sans aucune autre
précision.
De l'interprétation des articles L. 622-30 du Code de commerce et 73 de l'AUPC dépend l'exclusion
ou non des sûretés réelles exclusives du domaine de la règle (A), ainsi que l'application à leurs
titulaires de la sanction prévue en cas de violation de l’interdiction (B).
716. Il convient de s’interroger sur la place des sûretés réelles exclusives dans le domaine de
l'interdiction des inscriptions postérieures. Ces sûretés sont elles soumises à l'interdiction des
inscriptions postérieures ? Autrement dit, les créanciers titulaires de sûretés réelles exclusives
peuvent-ils procéder à leur inscription, nonobstant le jugement d'ouverture ? En outre, l'aspect
comparatif de cette étude conduit à se demander si la règle de l'interdiction des inscriptions
s'applique dans les mêmes conditions en droit français et en droit OHADA.
En premier lieu, nous examinerons le domaine de l'interdiction des inscriptions en droit français (1),
la même étude sera ensuite réalisée en droit OHADA (2).
717. L'article L. 622-30 prévoit que « Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne
peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture ». À la lecture du texte, on
s'aperçoit clairement qu'aucune sûreté réelle exclusive n'est expressément citée par le législateur. On
peut donc conclure qu'elles échappent toutes à l'interdiction des inscriptions postérieures (a).
Cependant, une telle décision nous paraît trop hâtive. En effet, bien que le législateur ne vise qu'une
catégorie de sûretés (sûretés réelles préférentielles) n'est-il pas possible, compte tenu des finalités de
la règle, d'étendre son application aux sûretés réelles exclusives dès lors qu'elles sont soumises à la
publicité ? (b)
292
a- Le refus d’application de l'interdiction aux sûretés réelles exclusives conformément à
la lettre du texte
942
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 651.14; F. PÉROCHON,
Entreprises en difficulté, op. cit., n° 653; A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 501.
Les créanciers postérieurs peuvent donc inscrire les sûretés réelles en garantie de leurs créances.
943
C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et liquidation judiciaires. -
Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc., n° 75 ; J.-L. VALLENS, « Publicité et information
en matière de sûretés », LPA, 20 septembre 2000, n° 188, p. 5.
293
inscriptions de sûretés sur les biens communs par les créanciers personnels du conjoint in bonis sont
interdites944. À l'inverse, pour les biens indivis, il a été jugé que les sûretés consenties sur ces biens
du chef d'un indivisaire in bonis peuvent être publiées après le jugement d'ouverture. En revanche,
l’inscription n’est pas possible du chef du débiteur945.
720. La règle de l'interdiction des inscriptions postérieures connaît toutefois des
tempéraments. Nous ne les présenterons que brièvement puisque aucune exception n'est spécifique
aux sûretés réelles exclusives.
Conformément à l'alinéa 2, de l'article L. 622-30, la première exception – mais aussi la plus
importante – concerne le Trésor public qui peut inscrire son privilège après le jugement d'ouverture
dans deux cas. D’une part, pour les créances qu'il n'était pas tenu d'inscrire à la date du jugement
d'ouverture parce que le délai réglementaire imparti pour la publicité n'était pas écoulé 946. D’autre
part, pour les créances mises en recouvrement après cette date, si elles sont déclarées à titre
provisionnel conformément à l'article L. 622-24 du Code de commerce947. La deuxième exception
profite au vendeur de fonds de commerce. Il dispose d'un délai de trente jours à compter de la vente
pour inscrire son privilège, même si entre-temps son acheteur a fait l'objet d'une procédure
collective.
À ces deux exceptions, on peut en rajouter une troisième qui résulte des articles. 622-8 et L. 626-22
du Code de commerce. Ces articles permettent en effet à l'administrateur ou au débiteur d’obtenir
du juge-commissaire une ordonnance de substitution de garantie imposée aux créanciers. Dans ce
cas, la garantie substituée doit être publiée pour être opposable à tous. À l’évidence, la publication
interviendra après le jugement d'ouverture.
Une quatrième exception se dégage de l'article L. 622-7, alinéa 2 du Code de commerce, qui permet
au débiteur ou à l’administrateur de se faire autoriser par le juge-commissaire à consentir une
sûreté. Même si le texte ne le prévoit pas, il est logique que la sûreté constituée postérieurement au
jugement d’ouverture puisse également être publiée après ledit jugement. En outre, les créanciers
titulaires du privilège de conciliation (article L. 622-17 du Code de commerce) peuvent se faire
octroyer librement ce type de garantie après le jugement d'ouverture de la procédure.
Enfin, l'article L. 622-30 du même du Code n'interdit en réalité que les inscriptions nouvelles, ce qui
n'est pas le cas des renouvellements d'inscriptions antérieures pour éviter la péremption. Tel n'est
pas non plus le cas des inscriptions définitives de sûretés (hypothèques et nantissements judiciaires)
qui rétroagissent au jour de l'inscription provisoire, lorsque l'inscription provisoire a été effectuée
944
Cass. com., 20 mai 1997, n° 94-10.997, Inédit; D. 1997, Chron. p. 177, obs. F. DERRIDA ; Cass. com., 3 février
1998; n° 94-15.450, Inédit ; Rev. Proc. Coll. 2000, p. 10, obs. F. MACORIG-VENIER.
945
Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-10.331, Bull. civ., IV, n° 183 ; D. 1997, Jur. 1, rapp. J.-P. REMERY; D. 1996,
somm. p. 205, obs. S. PIÉDELIÈVRE.
946
Cass. Com., 24 juin 2003, n° 00-18.828, Bull. civ. IV, n° 107.
947
Cass. Com., 18 février 2003, n° 00-12.974, Bull. civ. IV, n° 24.
294
avant le jugement d'ouverture948. Dans ces hypothèses, les inscriptions pourront donc toujours être
effectuées après le jugement d'ouverture.
721. En définitive, conformément à la lettre de l'article L. 622-30, l'interdiction des
inscriptions postérieures ne vise que les seules sûretés réelles préférentielles soumises à la
publicité949. Quant aux sûretés réelles exclusives, dans la mesure où elles ne sont pas expressément
citées par le texte, elles échappent à la règle, peu important qu'elles soient ou non soumises à la
publicité. Ainsi, on pourrait considérer que le créancier munis d'un droit de rétention, d'une clause
de réserve de propriété ou bénéficiaire d'une fiducie-sûreté peut, dès lors que sa sûreté est soumise à
la publicité, l'inscrire en toute impunité après le jugement d'ouverture.
Cette solution simpliste n’est toutefois pas conforme aux fondements de l'interdiction des
inscriptions. En effet, la règle vise non seulement à immobiliser le passif du débiteur afin de
favoriser le redressement de l'entreprise, mais elle conforte aussi le respect du principe d'égalité
entre les créanciers. Or, ce principe serait bafoué si d'autres créanciers pouvaient, en toute impunité,
et sans autorisation du juge-commissaire, continuer de publier leurs sûretés nonobstant le jugement
d'ouverture. Pour éviter cette situation, la règle de l'interdiction des inscriptions devrait, à notre avis,
s'appliquer à toutes les sûretés réelles soumises à la publicité.
722. Au-delà des sûretés limitativement énumérées par l'article L. 622-30 précité, nous
pensons que la règle de l'interdiction des inscriptions devrait trouver application auprès de toutes les
sûretés réelles soumises à la publicité. Une partie de la doctrine, sans pour autant faire mention des
sûretés réelles exclusives, soutient d'ailleurs que l'interdiction des inscriptions s'applique à toutes les
sûretés antérieurement constituées et soumises à la publicité950.
Condition d'opposabilité951, la publicité vise traditionnellement à rendre les sûretés discrètes, c'est-
à-dire sans dépossession du débiteur, opposables aux tiers952.
723. La question qui se pose à présent est celle de la soumission des sûretés réelles exclusives à
la publicité. La publicité est-elle une condition d'opposabilité des sûretés réelles exclusives ? Nous
analyserons la publicité du droit de rétention (b-1), puis celle de la fiducie-sûreté (b-2).
948
Cass. Com., 17 novembre 1992, n° 90-22.058, Bull. civ. IV, n° 358 .
949
Pour les sûretés préférentielles, la publicité se fait par l'inscription sur un registre spécial.
950
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., ns° 651.14 à 651-22; A.
JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 501.
951
Mais dans certains cas, la publicité est exigée à peine de validité.
952
Sous réserve de considérer la dépossession comme une forme de publicité; V. C. SAINT- ALARY-HOUIN,
F. MACORIG-VENIER, Sauvegarde, Redressement et liquidation judiciaires. - Situation des créanciers.- Interdictions
des inscriptions, fasc. préc., n° 75.
295
b-1) Le droit de rétention et la publicité
724. Comme nous l’avons vu dans les développements relatifs à l’avertissement d’avoir à
déclarer, le créancier rétenteur en possession du bien n'a pas à se soumettre à une formalité de
publicité, même lorsque le droit de rétention s'exerce sur un immeuble953. L'opposabilité est assurée
par la seule rétention du bien954.
Par ailleurs, même en se fondant sur la lettre de l'article L. 622-30, le texte vise de manière générale
les sûretés réelles. Or, la Cour de cassation a clairement affirmé que le droit de rétention n'est pas
une sûreté et qu'il n'est pas assimilable au gage955. La haute Cour y voit, en revanche, un droit réel
opposable à tous956. En dépit de nombreuses réformes, cette ancienne solution n'a pas été revue à ce
jour. En conséquence, même si au nom du principe de l'égalité des créanciers, le contraire a été
soutenu sous l'empire de la législation de 1967957, nous pensons que le droit de rétention n'ayant pas
la qualification de sûreté et n'étant pas soumis à la publicité, il échappe à la règle de l'interdiction
des inscriptions.
725. Mais, cette solution ne vaut pas pour le droit de rétention fictif. Depuis la loi sur la
modernisation de l'économie, modifiant l'article 2286 du Code civil, un droit de rétention fictif est
reconnu à tous les gages sans dépossession. Or, lorsque l'article L. 622-30 du Code de commerce
cite le gage parmi les sûretés visées par l'interdiction, il s'agit surtout du gage sans dépossession. En
effet, le créancier gagiste sans dépossession est tenu de publier son gage pour le rendre opposable
aux tiers. Cette solution découle des dispositions de l'article 2338 du Code civil qui soumet
l'opposabilité du gage sans dépossession à la publicité. Celle-ci passe par l'inscription du gage sur
un registre spécial tenu à cet effet. En conséquence, le droit de rétention fictif attaché à l'existence
d'un gage sans dépossession est lui aussi soumis à la publicité, à peine d'opposabilité.
La règle de l'interdiction des inscriptions s'applique donc au droit de rétention fictif. Sauf
disposition contraire, cette règle s'applique peu important que le droit de rétention fictif provienne
des dispositions spéciales (le gage sur véhicule automobile) ou de l'article 2286, 4° du Code civil.
726. Cependant, même lorsque que le créancier a régulièrement publié sa sûreté avant le
jugement d'ouverture, dès lors que son droit de rétention provient de l'article 2286, 4° du Code civil,
celui-ci est, au cours des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, inopposable
pendant toute la période d'observation et d'exécution du plan, conformément aux dispositions de
l'article L. 622-7-I. Mais lorsque le créancier souhaite que sa sûreté soit opposable dans les autres
953
Cass. 3e civ., 16 décembre 1998, n° 97-12.702, Bull. civ. III, n° 253; RTD civ. 1999, p. 439, note P. CROCQ.
954
C. POURQUIER, « Faculté de rétention et procédures collectives », art. préc., p. 936; F. PÉROCHON, « Les
interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art préc., p. 651.
955
Cass. com., 20 mai 1997; n° 95-11.915, arrêt préc ; D. 1998, somm. p. 102, obs. S. PIÉDELIÈVRE.
956
Cass. 1ere civ., 7 janvier 1992; n° 90-14.545, Bull. civ. I, n° 4; JCP E, 1992, I, 143, n° 16, obs. Ph. DELEBECQUE.
957
CA Aix- en-Provence, 4 juillet 1978; D. 1979, IR. p. 34, obs. A. HONORAT; Sur une analyse complète de la
solution jurisprudentielle; V. C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et
liquidation judiciaires. - Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc., .ns° 80 à 85.
296
phases de la procédure, notamment pendant l'exécution d'un plan de cession ou au cours de la
liquidation judiciaire, phases au cours desquelles le droit de rétention fictif retrouve toute son
efficacité, il est tenu de publier avant le jugement. En conséquence, les titulaires d'un de rétention
fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil demeurent soumis à la règle de l'interdiction des
inscriptions. En revanche, l'inopposabilité ne concerne pas les gagistes qui détiennent leur droit de
rétention en vertu des dispositions spéciales et qui ont régulièrement publié leur sûreté avant le
jugement d'ouverture.
727. Tout compte fait, le droit de rétention effectif autonome échappe totalement à la règle de
l'interdiction des inscriptions, tandis que le droit de rétention fictif, du fait de sa dépendance à
l'existence d'un gage sans dépossession, reste soumis à l'interdiction.
Qu’en est-il de la fiducie-sûreté ?
958
Sur le droit commun de la fiducie v. les articles 2011 à 2030 du Code civil.
959
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1304.
960
M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 867.
961
N. BORGA, « Regards sur les sûretés réelles dans l'ordonnance du 18 décembre 2008 », Rev. drt. banc et fin., mai
2009, n° 3, étude 20, p. 9.
297
s'appliquer au bénéficiaire d'une fiducie, peu important que l'enregistrement ne soit pas une
véritable formalité de publicité. Le créancier qui bénéficie d’une fiducie mobilière et qui, avant le
jugement d'ouverture, n'a pas procédé à l'enregistrement du contrat de fiducie conformément à
l'article 2019 du Code civil, devrait tomber sous le coup de l'interdiction des inscriptions prévue par
l'article L. 622-30. Ainsi, après le jugement d'ouverture, le créancier ne devrait plus pouvoir
procéder à l'enregistrement de la fiducie, sous peine de sanctions.
730. En se fondant non pas sur la première partie de l'article L. 622-30 mais sur la seconde
partie de cette disposition, relative à l'interdiction de la publication des actes translatifs de droits
réels n'ayant pas « acquis date certaine ou lorsque ces décisions ne sont pas devenues exécutoires
avant le jugement d'ouverture », une autre solution a été avancée. Elle consiste à dire que tant que la
fiducie-sûreté repose sur un acte translatif de droit réel, elle est également susceptible de relever de
l'application de cette disposition. L'interdiction serait alors écartée si l'acte a acquis date certaine au
jour du jugement d'ouverture. En revanche, lorsque les formalités à effectuer sont substantielles et
prescrites à peine de nullité de l'acte, elles ne peuvent être accomplies après le jugement
d'ouverture. Ainsi, en matière immobilière, la formalité fusionnée de l'enregistrement et de la
publicité immobilière ne saurait être effectuée après le jugement d'ouverture même lorsque l'acte
notarié a été dressé auparavant. De même, en matière mobilière, l'enregistrement ne peut être
effectué après le jugement d'ouverture, lorsque l'acte constitutif de la fiducie n'a pas acquis date
certaine avant ledit jugement962.
Cette solution nous paraît tout à fait justifiée, car la fiducie repose effectivement sur un procédé de
transfert de biens, de droits ou de sûretés, vers un autre patrimoine en vue de garantir le paiement
d'une créance. Le Code civil définit d'ailleurs la fiducie comme « L'opération par laquelle un ou
plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, (...) à un ou plusieurs
fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au
profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ». Par ailleurs, s'agissant de la fiducie portant sur des
immeubles ou des droits réels immobiliers, le texte la soumet à la publicité foncière obligatoire. On
peut donc sans difficulté considérer que le bénéficiaire d'une fiducie immobilière est soumis à la
règle de l'interdiction des inscriptions postérieures, même si là encore la publicité n’est pas exigée, à
peine d’inopposabilité mais de nullité. Ainsi, à plusieurs égards, on peut soumettre la fiducie-sûreté
à la règle de l'interdiction des inscriptions.
731. Cependant, le droit commun ne résout pas toute la difficulté de la publicité de la fiducie
et, donc, du sort de la fiducie-sûreté au regard de la règle de l'interdiction des inscriptions 963 .
962
C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et liquidation judiciaires. -
Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc., n° 90.
963
F. MACORIG-VENIER, « Fiducie-sûreté et droit des entreprises en difficulté », art. préc., pp. 421-422.
298
En effet, le Code civil ne distingue pas selon qu'il s'agit d'une fiducie avec ou sans dépossession du
constituant. Cette distinction n'existant qu'en droit commercial.
À notre avis, la publicité est obligatoire peu important que la fiducie soit avec ou sans dépossession.
Cette solution trouve sa justification dans l'exigence d'une formalité de publicité, à peine de nullité.
La publicité n'étant une simple condition d'opposabilité aux tiers mais de validité de l'acte, elle doit
être obligatoire dans les deux cas. La solution aurait pu être différente si la publicité était exigée, à
peine d'opposabilité. Dans cette hypothèse, la publicité serait obligatoire pour les fiducies sans
dépossession tandis que les bénéficiaires des fiducies avec dépossession auraient pu s'en affranchir.
732. En définitive, contrairement à la lettre de l'article L. 622-30, la règle d'interdiction des
inscriptions postérieures doit pouvoir s'appliquer à toutes les sûretés réelles soumises à la publicité.
Ainsi, les sûretés réelles exclusives, et notamment la fiducie-sûreté, ne devraient pas échapper au
domaine de l'interdiction des inscriptions.
Il est regrettable que le législateur de 2008, en réformant le droit des entreprises en difficulté, n'ait
pas saisi cette occasion pour ajouter la fiducie-sûreté à cette liste, alors même que cette ordonnance
avait précisément pour objectif de préciser le régime de la fiducie-sûreté dans le contexte de la
procédure collective964. Plus récemment, le droit des procédures collectives a encore été réformé,
avec l'ordonnance du 12 mars 2014 et son décret d'application du 30 juin de la même année.
Là encore, le législateur ne s’est pas prononcé sur la question de l'application de l'interdiction des
inscriptions à la fiducie-sûreté. Tous ces éléments qui viennent ainsi rajouter une couche à
l'épaisseur de l'incohérence du droit des procédures collectives en droit français.
La situation est-elle plus claire en droit OHADA ?
733. L'article 73 de l'AUPC vise les inscriptions de toute sûreté mobilière ou immobilière.
Cette formulation permet de conférer un domaine d'application très vaste à la règle de l'arrêt des
inscriptions. En effet, le législateur communautaire africain ne donnant pas de liste exhaustive de
sûretés dont le cours des inscriptions est arrêté après le jugement d'ouverture, on peut considérer
que la règle s'applique à toutes les sûretés réelles mobilières ou immobilières, sans distinction.
Ainsi, dès lors qu'un mécanisme de garantie reçoit la qualification de sûreté, il est, de facto, soumis
à l'arrêt des inscriptions, ce qui confère à cette règle un domaine large (a). Mais cette interprétation
conforme au texte ne nous satisfait pas. Comme en droit français, nous pensons que conformément
à ses fondements, la règle de l'arrêt des inscriptions ne devrait réellement s'appliquer qu'a l'égard
des sûretés réelles soumises à la publicité (b).
964
C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et liquidation judiciaires. -
Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc., n° 90.
299
a- Un domaine large conformément à la lettre du texte
965
F.-M. SAWADOGO, « Effets de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard des créanciers », in Encyclopédie du
droit OHADA, sous la dir. P.-G. POUGOUE, Lamy, 2011, pp. 725 et s. sp. pp.730 et 731.
966
J.-R GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 131.
300
Nous sommes d'accord avec ces auteurs. En effet, malgré le silence des textes, on pourrait
considérer que les créanciers qui disposent d'un délai de publicité, peuvent inscrire leur sûreté après
l'ouverture de la procédure collective. En outre, la règle ne s'applique qu'aux inscriptions nouvelles.
Ainsi tout renouvellement d'inscription ou toute inscription définitive, lorsque l'inscription
conservatoire a eu lieu antérieurement au jugement d'ouverture, devrait être autorisée après ledit
jugement.
736. En définitive, lorsqu'on adopte une interprétation conforme à la lettre des textes, il est
possible de considérer que la règle de l'arrêt des inscriptions s'applique à toutes les sûretés réelles
reconnues en droit OHADA. Il s'agit donc du droit de rétention, du transfert fiduciaire de sommes
d'argent, de la cession de créances à titre de garantie, de la réserve de propriété, des gages sur
meubles corporels, des nantissements sur des meubles incorporels, des privilèges et enfin des
hypothèques de toutes natures. L'arrêt des inscriptions postérieures s'applique donc à toutes les
sûretés réelles préférentielles et exclusives. De cette manière, la règle de l'interdiction des
inscriptions revêt en droit OHADA un domaine d'application bien plus vaste que celui du droit
français.
Cependant, cette interprétation conforme à la lettre des textes ne nous semble pas réaliste. À l’instar
du droit français, nous pensons que la règle de l'arrêt des inscriptions n'a d'intérêt que pour les
sûretés soumises à la publicité. Le jugement d'ouverture ne devrait donc arrêter que les inscriptions
de sûretés soumises à la publicité.
737. Les sûretés préférentielles ne faisant pas l'objet de notre étude, la question qui se pose est
celle de la soumission des sûretés réelles exclusives à la publicité. La prochaine section étant
exclusivement réservée à l'étude des conditions d'opposabilité de la clause de réserve de propriété,
seule la publicité du droit de rétention et du transfert fiduciaire retiendra ici notre attention.
738. Lorsqu'on analyse les dispositions des articles 67 à 70 de l'AUS, à aucun moment, le
législateur ne fait référence à la publicité du droit de rétention. Cette solution se justifie, car comme
cela a été précédemment démontré, la publicité est généralement une condition d'opposabilité des
sûretés. Or, le droit de rétention repose sur la rétention de la chose. Celle-ci permet donc d'assurer
l'opposabilité du droit de rétention aux tiers. Cette justification est d'autant plus valable en droit
OHADA car aucun droit de rétention fictif ne semble prévu pour les gages sans dépossession967. En
967
Cette solution découle de notre analyse des dispositions de l'article 107 de l'AUS.
301
outre, il n'existe pas de droit de rétention fictif tel que celui prévu par l'article 2286, 4° du Code
civil français.
739. Quant au titulaire d’un gage, l’analyse faite précédemment s’applique ici également.
Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 97 de l’AUS, le créancier gagiste avec
dépossession peut échapper à l’arrêt des poursuites individuelles lorsque l’opposabilité de sa sûreté
résulte de la remise de la chose.
En droit OHADA, le droit de rétention implique nécessairement la rétention de la chose par le
créancier, il n'est donc pas soumis à la publicité. En conséquence, la règle de l'arrêt des inscriptions
ne s'applique pas au droit de rétention.
La même analyse est-elle possible pour le transfert fiduciaire d'une somme d'argent ?
740. L'article 89 de l'AUS dispose que : « Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à
la date de sa notification à l'établissement teneur du compte, pourvu que les fonds soient inscrits
sur le compte bloqué ». Il résulte de ces dispositions que l'opposabilité du transfert fiduciaire est
soumise à sa notification à l'établissement teneur du compte. À notre sens, la notification devrait ici
s'analyser comme une formalité de publicité. C'est en effet la notification qui permet en effet aux
tiers d'avoir connaissance de l'existence de la sûreté. Ainsi, contrairement au droit français où
l'enregistrement de la fiducie n'est pas une formalité de publicité, en droit OHADA, la notification
est une formalité de publicité puisqu'elle assure l'opposabilité du transfert fiduciaire aux tiers. On
peut donc soutenir que la règle de l'arrêt des inscriptions s'applique au transfert fiduciaire de somme
d'argent. En conséquence, dès le jugement d'ouverture, la notification du transfert fiduciaire ne
devrait plus être possible. Dans le cas contraire, il y aurait violation de la règle de l'arrêt des
inscriptions.
741. En définitive, contrairement à la lettre de l'article 73 de l'AUPC qui permet d'inclure,
dans le domaine d'application de l'arrêt des inscriptions, toutes les sûretés réelles reconnues en droit
OHADA, la logique impose une interprétation qui se détache quelque peu de la lettre du texte. La
règle de l'arrêt des inscriptions ne devrait s'appliquer qu'aux seules sûretés réelles soumises à la
publicité.
S'agissant des sûretés réelles exclusives, en droit OHADA, l'arrêt des inscriptions ne concernerait
que le transfert fiduciaire de somme d'argent, tandis qu'en droit français, elle trouverait à s'appliquer
non seulement à la fiducie-sûreté mais aussi au droit de rétention fictif.
Que faut-il alors décider lorsque les créanciers procèdent à l'inscription de leur sûreté au mépris de
l'interdiction législative. Cette interrogation nous amène à voir la sanction prévue pour l'interdiction
des inscriptions.
302
B- La sanction de l'interdiction des inscriptions
Nous analyserons la sanction du droit français (1) puis celle du droit OHADA (2).
742. Le créancier dont la sûreté est soumise à la publicité doit, sous réserve des nullités de la
période suspecte, inscrire la sûreté avant le jugement ouvrant la procédure collective. Compte tenu
de la rétroactivité du jugement d'ouverture à zéro heure du jour de son prononcé, l'inscription doit
être effectuée au plus tard à la veille du jour du jugement d'ouverture. L'inscription prise le jour
dudit jugement est considérée comme postérieure, elle tombe sous le coup de l'interdiction 968. En
revanche, lorsque l'inscription n'a pas été prise antérieurement au jugement d'ouverture, la sûreté est
inopposable et le créancier est admis en qualité de chirographaire.
La difficulté consiste surtout à déterminer la sanction des inscriptions prises en violation de la règle
de l'interdiction des inscriptions postérieures. En l'absence de solution législative, des solutions ont
été proposées par la jurisprudence et la doctrine.
Nous verrons ainsi, la nature de la sanction du non-respect de l'interdiction (a), avant d'en
déterminer les effets, notamment sur les créanciers munis de sûretés réelles exclusives (b).
a- La nature de la sanction
743. Quelle sanction encourt le créancier qui procède à l'inscription au mépris de l'interdiction
des inscriptions ?
Certains ont affirmé que les inscriptions prises au mépris de l'interdiction devaient être frappées de
caducité.969 Cependant, la caducité se définit comme l'état d'un acte juridique valable mais privé
d'effets en raison de la survenance d'un fait postérieur à sa création970. La solution avancée par les
auteurs ne pouvait donc prospérer. L'inscription étant postérieure, le jugement d'ouverture précède,
par hypothèse, l'acte d'inscription.
La caducité étant ainsi écartée, une partie de la doctrine971 a considéré que les inscriptions prises en
dépit de l'interdiction sont nulles, dans la mesure où la nullité est la sanction classique des actes
968
Cass. Com., 2 octobre 2007, n° 06-20.140, Inédit ; La solution avait déjà été posée sous l’empire de la loi de 1967 ;
Cass. com., 3 mai 1976, n° 74-14.240, Bull. civ. IV, n° 141 ; RTD com. 1968, p. 112, obs. A. HONORAT.
969
Y. CHAPUT, Droit du redressement et de la liquidation judiciaires des entreprises, PUF 1989, n° 303 ; Y.
CHARTIER, Droit des affaires, t.3, Entreprises en difficulté. Prévention. Redressement. Liquidation ; PUF coll.
Thémis, 1988, n° 150.
970
Lexique des termes juridiques, 23e éd., 2015-2016, p. 148 ; J. GHÉSTIN, Traité de droit civil, Les obligations, LGDJ
1988, n° 725.
971
P. FREMONT, « Les nouvelles procédures de règlement collectif au regard de la publicité foncière », JCP N 1987, I,
P. 1 et s, n° 77.
303
interdits par la loi. Certains auteurs972 y voyaient même une nullité absolue, de sorte les organes de
la procédure ne pouvaient y renoncer. En outre, tout intéressé pouvait se prévaloir de la nullité.
Par ailleurs, il a été soutenu que la sanction de la nullité pouvait être appliquée par analogie à celle
qui frappe les inscriptions prises irrégulièrement en période suspecte et les actes accomplis de
manière irrégulière pendant la période d'observation 973 .Certaines juridictions de fond avaient
également opté pour la nullité des inscriptions974.
Cependant, malgré le succès de la sanction de la nullité, la Cour de cassation a finalement tranché
en faveur de l'inopposabilité. En effet, après que cette solution eut été admise par quelques
juridictions de fond975, elle a ensuite été consacrée par la Haute juridiction. La solution a d'abord été
posée concernant la publication d'un jugement d'adjudication relatif à un immeuble976. Puis la Haute
Cour a confirmée sa position dans un arrêt rendu en date du 7 novembre 2006 977 à propos de
l'inscription d'hypothèque. Elle a jugé que l'inscription d'hypothèque effectuée après le jugement
d'ouverture est inopposable à la procédure collective.
744. La position de la Cour de cassation divise toutefois la doctrine.
Tandis que certains l'approuvent 978 , d'autres, en revanche, émettent quelques doutes sur son
application au regard des nouveaux textes979. Notre préférence va plutôt pour l'inopposabilité des
inscriptions. En effet, la nullité nous paraît être une sanction trop lourde qui, de surcroît, dépasse le
cadre de la procédure collective, en ce qu’elle entraîne l'anéantissement rétroactif de l'acte. Or,
l'objectif de la règle de l'interdiction des inscriptions est de geler le patrimoine du débiteur,
notamment en vue de favoriser le sauvetage de l'entreprise. Aussi, dès l'instant où s'opère la clôture
de la procédure, les créanciers devraient à nouveau se prévaloir de l'inscription et être considérés
comme des créanciers munis de cause légitime de préférence, ce qui ne serait pas le cas si
l'inscription est sanctionnée par la nullité.
972
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 404; F. MACORIG-
VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, op. cit., pp.
124 à 127 ; V. C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et liquidation
judiciaires. - Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc., n° 112.
973
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, op. cit., n° 1077.
974
CA Versailles, 15 janvier 1998, JursiData n° 1998-046230 à propose d'une vente publiée après le jugement
d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire; TGI Lyon, 20 septembre 1994, JurisData n° 1994-050406,
solution posée à propos d'une hypothèque inscrite sur un immeuble commun.
975
CA Aix-en- Provence, 9 avril 1997; JurisData 1997-041302; CA Colmar, 16 mars 1998, Rev. Proc. Coll. 2001, p.
249, obs. F. MACORIG-VENIER; T. com. Paris, 2 avril 1998, Rev. Proc. Coll. 2000, p. 15, obs. F. MACORIG-
VENIER.
976
Cass. com., 22 janvier 2002, n° 97-17.430; Bull. civ. IV, n° 18; D. 2002, p. 722, obs. A. LIÉNHARD.
977
Cass. com., 7 novembre 2006, n° 05-11.551, Inédit; LXB hebdo n° 241, 20 décembre 2006, n° N4237A9S, note P.M-
LE CORRE.
978
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 654; note 244; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et
pratique des procédures collectives, op. cit., n° 651-31.
979
J. VALLANSAN, P. CAGNOLI et L. FIN-LANGER, Difficultés des entreprises, Commentaire article par article du
Livre VI du Code de commerce, Lexisnexis 6e éd. 2012, art. L. 622-30, pp. 168 et s.
304
745. En tout état de cause, l'inopposabilité demeure à ce jour la sanction des inscriptions
prises en dépit de l'interdiction, et cela, jusqu'à ce que la Cour de cassation opère un revirement de
jurisprudence ou que le législateur se prononce formellement sur la question. En outre, nous
pensons que même si les arrêts rendus par la haute Cour ne concernent que la publication ou
l'inscription d'actes portant sur des immeubles, la sanction de l'inopposabilité doit pouvoir s'étendre
à toutes les inscriptions de sûretés prises au mépris de l'interdiction.
980
Cass. com., 10 mai 2005, n° 03-16.801, Inédit; JurisData n° 2005- 028461; Act. Proc. Coll. 2005/10, comm. 117;
Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-14.090, Inédit.
305
d'un plan de sauvegarde ou de redressement suivi de l'ouverture d'une nouvelle procédure.
L'inscription inopposable dans la première procédure, pourra être invoquée dans la seconde sous
réserve, cette fois, de sa publication antérieurement au jugement d'ouverture981.
749. S'agissant de la portée de l'inopposabilité.
Sous l'empire des législations anciennes, et notamment la loi de 1967, il avait été admis que l'acte
sanctionné est inopposable à l'égard de la masse des créanciers982. Cette masse ayant été supprimée,
il faut aujourd'hui considérer que l’inscription est inopposable à l'égard de la procédure collective.
Elle profite donc au débiteur et aux autres créanciers.
Contrairement à la déclaration de créances, nous pensons que dans le silence des textes,
l'inopposabilité devrait être temporaire. Elle ne devrait durer que le temps de la procédure et, au
mieux, pendant l’exécution des plans de continuation. Le créancier dont l'inscription a été frappée
d'inopposabilité devrait pouvoir s'en prévaloir à la clôture de la procédure. En outre, la sanction de
l'inopposabilité ayant généralement pour but de protéger les tiers, elle devrait pouvoir bénéficier
aux cautions.
750. La détermination de la nature de la sanction de l'interdiction et de ses effets ne résout
cependant pas toute la difficulté. D’autres questions se posent encore, en l’occurrence le fait de
savoir si le conservateur des hypothèques ou le greffe du tribunal, informé du jugement d'ouverture,
doit rejeter ou non l'inscription. Toutefois, cette question n’étant pas spécifique à l’objet de notre
recherche, nous ne nous y attarderons pas dans le cadre de cette étude983.
Quoi qu'il en soit, en droit français, l'inscription de sûreté prise en violation de l'interdiction est
inopposable, elle ne saurait produire d'effets dans la procédure collective. Qu'en est-il en droit
OHADA ?
a- La sanction applicable
981
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 651-31.
982
G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil, t. 3, vol. 1, La publicité foncière, Sirey, 2e éd. 1987, n° 652.
983
Sur cette question V. C. SAINT- ALARY-HOUIN, F. MACORIG-VENIER, « Sauvegarde, Redressement et
liquidation judiciaires. - Situation des créanciers.- Interdictions des inscriptions », fasc. préc., ns° 105 et s ;
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 404 ; P.-M. LE CORRE,
Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 651. 31; F. DERRIDA, « L'interdiction de la
publication des droits réels principaux et accessoires », art. 57, Trav. Cridon-Lyon, p. 59.
306
d’Ivoire) a jugé que « les mesures d'exécution entreprises sur des biens objets de gage ne peuvent
être suspendues lorsque le contrat de gage n'a pas été enregistré conformément à l'Acte Uniforme
sur les sûretés. Une telle convention est, en effet, inopposable aux tiers »984.
Par analogie à la sanction du défaut de publicité, l'inopposabilité pourrait bien être la sanction de la
violation de la règle de l'arrêt des inscriptions. Cependant, il ne s'agit là que de la décision d'une
simple juridiction de fond et non de la CCJA. Cette solution ne peut donc représenter l'état de la
jurisprudence africaine, muette à ce jour.
753. Quant à la doctrine, elle soutient aussi l'idée de l'inopposabilité. Un auteur affirme que
les inscriptions prises en dépit de l'interdiction sont sanctionnées par l'inopposabilité985. Un autre
hésite, en revanche, entre la nullité et l’inopposabilité. En effet, le professeur SAWADOGO estime
que si malgré l’interdiction il est procédé à la publication de la sûreté, « il conviendra de l’annuler
purement ou simplement ou de la déclarer inopposable »986. Il reste toutefois, au travers de ces
propos, difficile de déterminer si l’auteur évoque la nullité ou de l’inopposabilité de la sûreté, ou de
la publication de celle-ci.
Selon nous, l'inopposabilité semble être la sanction adéquate en cas de violation de la règle de l'arrêt
des inscriptions. En effet, conformément au droit commun des sûretés, l'inscription ou la
987
publication conditionne généralement l'opposabilité des sûretés. A contrario, le défaut
d'inscription ou l'inscription prise au mépris de l'interdiction devrait être sanctionné par
l'inopposabilité qui n’est pas sans effets.
754. Les effets de l'inopposabilité sont les mêmes que ceux énoncés en droit français.
L'inopposabilité prive le créancier des effets de sa sûreté, du moins pendant la durée de la procédure
collective. Le créancier ne pouvant se prévaloir de sa sûreté, il peut produire mais ne reste qu’admis
à titre chirographaire.
L'inopposabilité produit les mêmes effets à l'égard des créanciers munis de sûretés réelles
exclusives, et notamment du bénéficiaire d'un transfert fiduciaire de somme d'argent. Ainsi, lorsque
la notification à l'établissement teneur du compte intervient après le jugement d'ouverture, elle
devrait être déclarée inopposable. En conséquence, la masse des créanciers serait fondée à ignorer la
984
CA d'Abidjan, Arrêt n° 895 du 12 juillet 2002, CONDE Alpha c/ PIERRE FAKIH, Ohada. com/ Ohadata J-03-15.
985
J.-R. GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 131.
986
F.-M. SAWADOGO, « Effets de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard des créanciers », art préc., p. 730.
987
L'article 97 de l'AUS dispose par exemple que, le contrat de gage est opposable au tiers, soit par l'inscription au
RCCM, soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste. De même en matière de nantissement, il
ressort des dispositions des articles 131 (nantissement de créance), 143 (nantissement des droits d'associés et valeurs
mobilières), 160 (nantissement de droits de propriété intellectuel) et 165 (nantissement de fond de commerce) que ces
différents nantissements ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur inscription au RCCM.
307
notification ; et le créancier bénéficiaire du transfert fiduciaire devrait être considéré comme un
simple créancier chirographaire.
755. Notons qu’à la différence du droit français, le créancier ne peut rendre son droit de
propriété opposable par le moyen de la revendication. En effet, le législateur communautaire
africain ne prévoit pas la revendication du bénéficiaire d'un transfert fiduciaire. En réalité, comme
nous l’avons vu, la revendication n’est pas nécessaire pour ce créancier en droit OHADA. En
conséquence, l’inopposabilité de la notification devrait priver le créancier des avantages que lui
procure sa sûreté.
En attendant d’éventuels éclaircissements, la question des effets de l'inopposabilité sur les sûretés
réelles exclusives reste posée.
756. Quoi qu'il en soit, le jugement d'ouverture d'une procédure collective emporte
dessaisissement du débiteur au profit de la masse. Ainsi, l'inscription postérieure est inopposable
non pas au débiteur, mais à la masse des créanciers. L'inopposabilité profite donc aux créanciers
dans la masse. Ceux-ci sont alors fondés à ignorer l'existence de la sûreté ainsi que ses effets.
757. En définitive, cette première section révèle que si la reconnaissance des sûretés réelles
exclusives dans les procédures collectives n’est pas conditionnée par leur mention dans la
déclaration, elle peut néanmoins être subordonnée à la déclaration de la créance dont elles
garantissent le paiement. Quant à l’inscription des sûretés, même si à première vue, la règle de
l’interdiction des inscriptions ne s’applique pas aux sûretés réelles exclusives, du moins en droit
français, l'esprit du texte conduit à le rendre applicable à toutes les sûretés soumises à la publicité.
Ainsi, la fiducie-sûreté n’échappe pas au domaine de cette règle.
En tout état de cause, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives doivent, pour être à l’abri
d’une éventuelle inopposabilité de leur sûreté se soumettre à la déclaration ou production de leur
créance. Certains d’entre eux doivent par ailleurs, avant le jugement d’ouverture, procéder à
l’inscription de leur sûreté pour garantir son opposabilité. On peut ainsi considérer que la
reconnaissance générale des sûretés réelles exclusives, dans le contexte d’une procédure collective,
est subordonnée au respect de ces deux règles de la discipline collective.
Qu'en est-il alors de la reconnaissance de la clause de réserve de propriété ?
308
Section 2/ La reconnaissance de la réserve de propriété dans les
procédures collectives
758. Comme cela a été vu dans la précédente section, la reconnaissance des sûretés réelles
dans la procédure collective passe par le respect de deux règles : la déclaration des créances et
l'interdiction des inscriptions postérieures. Le respect de ces règles garantit au créancier
l'opposabilité de la sûreté dans la procédure collective.
Cependant, la reconnaissance de la clause de réserve de propriété obéit à un régime juridique
particulier, différent de celui des autres sûretés réelles. En effet, en plus des règles de
reconnaissance générales, communes à toutes les sûretés, les législations française et africaine
subordonnent l'opposabilité de la clause de réserve de propriété à la réunion d'autres conditions qui
lui sont spécifiques.
Ainsi, nous examinerons d’abord le sort de la réserve de propriété face aux règles qui assurent la
reconnaissance générale des sûretés dans les procédures collectives (paragraphe 1), nous
analyserons ensuite les conditions d'opposabilité spécifiques à la clause de réserve de propriété
(paragraphe 2).
Compte tenu des différences entre les deux législations, nous analyserons d’abord les solutions du
droit français (1) avant d’examiner ensuite celles du droit OHADA (2).
309
1- Les solutions du droit français
760. Comme pour les autres sûretés, l'obligation de déclarer soulève deux principales
interrogations. La première est de savoir si le créancier réservataire doit déclarer sa créance au
passif (a). La seconde qui découle de la première, consiste à se demander si la clause de réserve de
propriété doit être mentionnée dans la déclaration du réservataire (b). La réponse à ces deux
interrogations nous amènera à envisager la sanction du défaut de déclaration (c).
761. Aux termes des dispositions de l'article L. 622-24, tous les créanciers antérieurs et
postérieurs non-éligibles au traitement préférentiel doivent, sous peine de sanctions, déclarer leurs
créances, à moins de bénéficier d'une dispense de déclaration. La loi ne prévoyant aucune dispense
de déclaration au profit du créancier titulaire d'une clause de réserve de propriété, ce dernier devrait,
comme les autres créanciers, déclarer sa créance, conformément aux dispositions des articles
L. 622-24 et suivants. Mais cette solution a bien du mal à s’imposer dans la pratique.
762. Déjà, sous l'empire des législations antérieures à la loi de sauvegarde de 2005, la
question s'était posée en jurisprudence. Les juridictions avaient eu à se prononcer sur le fait de
savoir si l'extinction de la créance pour défaut de déclaration privait le créancier réservataire du
bénéfice de sa sûreté. En tenant compte du caractère accessoire de la réserve de propriété988, puis de
sa qualification de sûreté989 (même si la solution avait été contestée en doctrine)990, logiquement la
réponse aurait dû être affirmative. En effet, le défaut de déclaration étant sanctionné par l'extinction
de la créance, la réserve de propriété en qualité d'accessoire devait, selon la maxime « l'accessoire
suit le principal », suivre le sort de la créance principale.
Mais la Cour de cassation, contrairement à certaines juridictions de fond 991, a jugé que l'extinction
de la créance pour défaut de déclaration, ne prive pas le créancier du bénéfice de la réserve de
propriété. Amorcée dans les arrêts du 29 janvier 1991992 et du 20 octobre 1992993, lorsqu’elle décida
988
Cass. com., 15 mars 1988, n° 85-18. 623, Bull. civ, IV, n° 106; D. 1988, p. 330, note F. PÉROCHON; RTD civ.
1988, p. 788, obs. M. BANDARAC; Dans deux arrêts rendus le même jour, la Cour avait affirmé que la réserve de
propriété était affectée au service exclusif de la créance pour en garantir le paiement; V. aussi, M. CABRILLAC, « Les
accessoires de la créance » in Etude Weill, Dalloz- Litec, 1983, p. 107.
989
Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20.811, Inédit; RTD civ. 1996, p. 441, obs. P. CROCQ; Rev. Proc. Coll. 1995, p. 487,
obs. B. SOINNE; Cette solution a été confirmé dans un autre arrêt du 23 janvier 2001; Cass. com., 23 janvier 2001, n°
97-21.660; Bull. civ. IV, n° 23; JCP G, 2001, I, 321, n° 13, obs M. CABRILLAC; RTD civ. 2001, p. 399, obs.
P. CROCQ; RTD com. 2001, p. 518, obs. A. MARTIN-SERF; Cette solution a ensuite été consacrée par le Code civil,
art. 2329 et 2367, al. 2.
990
P. CROCQ, Propriété et garantie, op. cit., n° 293.
991
CA Douai, 21 septembre 1991, Rev. Proc. Coll. 1992, p. 417, obs. B. SOINNE, la juridiction avait jugé que
« l'obligation principale à la charge des acquéreurs, à savoir le paiement du solde du prix, ayant disparu du fait de
l'extinction de la créance de la société, le transfert de propriété qui était subordonné à cette unique condition, doit
nécessairement être constaté ».
992
Cass. com., 29 janvier 1991, n° 90-10.525, Inédit.
310
que la déclaration de créance n’est pas une condition à la revendication, la solution a été clairement
posée dans un arrêt du 9 janvier 1996994, à propos d'une réserve de propriété immobilière. La Haute
juridiction a jugé que l'extinction de la créance du vendeur n'entraîne pas le transfert de la propriété
immobilière, car « même si elle libère l'acquéreur de l'obligation de payer la partie du prix restant
due, elle ne constitue pas le terme contractuellement fixé pour le transfert de propriété ».
La solution a été confirmée a plusieurs reprises995, et notamment dans un arrêt 27 février 2014996 à
propos de l’effacement de dettes.
Par ces arrêts, la jurisprudence consacre donc la solution selon laquelle l'extinction de la créance du
vendeur réservataire, du fait d'un défaut de déclaration de créance, est sans incidences sur la réserve
de propriété. En d'autres termes, la clause de réserve de propriété survit à l'extinction de la créance
principale.
763. Cette position jurisprudentielle n'a pas manqué de susciter des réactions au sein de la
doctrine997.
À notre avis, la solution jurisprudentielle est incohérente à plusieurs niveaux.
D'abord, comment comprendre que l'extinction de la créance pour défaut de déclaration ne prive pas
le créancier du bénéfice de sa sûreté alors même que celle-ci est l'accessoire d'une créance éteinte ?
Faut-il considérer que la sûreté existe indépendamment de la créance principale dont elle n'est que
l'accessoire ? Dans ce cas, la solution de la Cour de cassation revient fortement à remettre en cause
le caractère accessoire de la réserve de propriété, qu'elle avait elle-même consacrée quelques années
auparavant. Dans cette hypothèse, il est, en effet, difficile d'affirmer que la réserve de propriété est
au service exclusif de la créance, puisqu'elle survit à l'extinction de celle-ci.
D'autres incohérences se révèlent ensuite si l'on veut appliquer la solution jurisprudentielle aux
différentes sanctions du défaut de déclaration. La loi de sauvegarde de 2005 qui a supprimé
l'extinction de la créance non déclarée, lui a substitué une absence de participation aux répartitions
et dividendes. Sous l'empire de cette législation, la solution de la Cour de cassation pouvait se
justifier. La créance non déclarée n'étant pas éteinte et la sanction de l’inopposabilité n’étant
993
Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-18.867, Inédit ; Rev. Proc. Coll. 1993, p. 572, obs. B. SOINNE ; D. 1993, somm.
p. 288, obs. F. PÉROCHON.
994
Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-12.667, Bull. civ. IV, n° 8; JCP E, 1996, I, 554, n° 19, obs. M. CABRILLAC; RTD
com. 1997, p. 331, obs. A. MARTIN-SERF ; RTD civ. 1996, p. 436, obs. P. CROCQ ; D. 1996, p. 184, note F.
DERRIDA ; V. aussi, E. CHARLERY, « L'efficacité de la réserve de propriété en cas de redressement judiciaire de
l'acquéreur. - A propos de l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 janvier 1996. », JCP G, 1997,
I, 4013. Ch. LARROUMET, « Le vendeur bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété peut-il revendiquer sans
avoir déclaré sa créance à la procédure collective de l'acheteur ?», D. Aff. 1996, p. 603.
995
V. aussi; Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069; Bull. civ. IV, n° 70, D. Aff. 1997, p.510; RD banc et bourse 1997,
mai-juin, n° 61, p. 132, obs. M.-J CAMPANA et J.-M. CALENDINI; Rev. Proc. Coll. 1997, p. 196, obs. B. SOINNE.
996
Cass. civ., 2e, 27 février 2014, n° 13-10.891, Bull. civ. II, n° 59; Gaz. Pal., 20 mars, 2014, p.22 ; note M.-P.
DUMONT-LEFRAND ; BJE, juillet 2014, p. 217, obs. F. PÉROCHON et p. 245, note F. MACORIG-VENIER.
997
P. CROCQ, « Sauvegarde, redressement et liquidation judicaire. - Situation du vendeur de meuble- Clause de réserve
de propriété- » JCL. com. 6 juin, fasc. 2545, n° 50; P. CROCQ, « Propriété-garantie. Réserve de propriété. Etre ou ne
pas être un accessoire : le sort de la réserve de propriété en cas de défaut de déclaration de sa créance par le vendeur »,
RTD civ. 1996, p. 436.
311
consacrée par aucun texte, on pouvait comprendre que le défaut de déclaration ne prive pas le
créancier du bénéfice da sa sûreté, et cela, d'autant plus que la réserve de propriété ne confère pas à
son titulaire un droit de préférence. Aussi, l'absence de participations aux répartitions et dividendes
est sans incidences sur la réserve de propriété.
Mais, la solution jurisprudentielle redevient incohérente avec l'ordonnance du 18 décembre 2008
qui frappe expressément d'inopposabilité les créances non déclarées. Les mêmes interrogations
formulées pour l'extinction de la créance renaissent ici. Comment le créancier peut-il se prévaloir de
sa sûreté alors que la créance principale est inopposable à la procédure ? Faut-il considérer que le
défaut de déclaration n'a aucune incidence sur la créance du réservataire et, par voie de
conséquence, sur la sûreté ?
764. Enfin, sur un tout autre aspect, des auteurs998 considèrent que le créancier réservataire
bénéficie de l'avertissement d'avoir à déclarer sa créance. En effet, conformément aux dispositions
de l'article L. 622-25, les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat
publié sont avertis personnellement ou à domicile élu par le mandataire judiciaire d'avoir à déclarer.
Or, d'une part, la qualification de sûreté de la clause de réserve de propriété ne fait plus de doute et,
d'autre part, comme nous le verrons, le créancier réservataire a la possibilité de procéder à une
publicité, certes facultative. Aussi, lorsque le réservataire a publié le contrat objet de la sûreté, il
bénéficie de certains avantages dont l’avertissement d’avoir à déclarer. Le mandataire de justice est
alors tenu de l'avertir personnellement ou à domicile élu d’avoir à déclarer. En l'absence
d'avertissement, le titulaire d'une clause de réserve de propriété ne peut se voir opposer la
forclusion999.
De cette solution, on peut conclure que le créancier titulaire d'une clause de réserve de propriété
doit déclarer sa créance, et que le délai de déclaration ne court, à son égard, qu'à compter de la
réception de l'avertissement du mandataire de justice ou du liquidateur dès lors qu’il a publié. En
effet, quel intérêt y a-t-il à faire bénéficier le créancier réservataire de l'avertissement, s'il est, dans
tous les cas, dispensé d'avoir à déclarer sa créance, comme le souligne la Cour de cassation ?
Toutes ces interrogations et incohérences nourrissent donc notre réticence par rapport à la solution
jurisprudentielle. Ces doutes sont cependant levés lorsqu'il est question de la déclaration de la
clause de réserve de propriété.
998
P. CROCQ, « Sauvegarde, redressement et liquidation judicaire. - Situation du vendeur de meuble- Clause de réserve
de propriété- » fasc. préc., n° 55; P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op.
cit., n° 665.82.
999
P. CROCQ, « Sauvegarde, redressement et liquidation judicaire. - Situation du vendeur de meuble- Clause de réserve
de propriété- », fasc. préc., n° 37.
312
b- Le créancier réservataire et la déclaration de la sûreté
765. Aux termes des dispositions de l'article L. 622-25, alinéa 1er, les créanciers sont tenus de
préciser, lors de la déclaration de créance, la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est
éventuellement assortie. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par l'inopposabilité de la
sûreté ou du privilège. En se référant à la lettre du texte, le créancier réservataire qui déclare doit,
dans sa déclaration, mentionner la réserve de propriété dont la nature de sûreté ne fait plus de
doute 1000 . Mais, là encore, la solution législative ne reçoit pas toujours un écho favorable en
pratique.
766. Une partie de la doctrine1001 considère qu'il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne
distingue pas. En conséquence, dans la mesure où la réserve de propriété reçoit la qualification de
sûreté1002, le créancier réservataire est obligé d'en faire mention dans sa déclaration, sous peine d'en
perdre le bénéfice. En revanche, en tenant compte de la particularité de la clause de réserve de
propriété, la jurisprudence, en accord avec une autre partie de la doctrine, affirme que le défaut de
mention de la clause de réserve de propriété dans la déclaration de créance est sans conséquence1003.
La jurisprudence a jugé que l'obligation de mentionner la sûreté dans la déclaration de créance ne
concerne que les sûretés ayant pour objet un bien figurant dans le patrimoine du débiteur. Ainsi, la
Cour de cassation a affirmé cette solution à propos d'un cautionnement réel 1004 et d'un dépôt de
garantie 1005 . De même, un auteur 1006 estime que l'obligation de déclarer la sûreté ne concerne
véritablement que les créanciers dont la sûreté est assortie d'un droit de préférence. Une fois la
créance déclarée, la nécessité de mentionner les sûretés dont elle peut être assortie doit permettre de
distribuer le prix des actifs du débiteur, en tenant compte du rang de chacun des créanciers. En
conséquence, la clause de réserve de propriété ne conférant aucun droit de préférence 1007 , son
indication au moment de la déclaration est sans grande conséquence, son absence ne devrait donc
pas être sanctionnée.
1000
Art. 2329 et 2367, al. 2 du Code civil.
1001
Pour application de l'exigence de déclaration à toutes les sûretés ; vr. D.GALLOIS-COCHET, « Garantie autonome
et lettres d'intention », RLDA, juillet 2007, n° 850, spéc. pp. 68-69.
1002
Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20.811, arrêt préc; RTD civ. 1996, p. 441, obs. P. CROCQ; ou Cass. com., 23 janvier
2001 n° 97-21.660, Bull. civ. IV, n° 23; JCP G, 2001, I, 321, n° 13, obs. M. CABRILLAC.
1003
Cass. com., 2 mai 1990, n°88-16.359, Inédit; Rev. Proc. Coll. 1991, p. 352, obs. B. DUREUIL; V. aussi P. CROCQ,
« Sauvegarde, redressement et liquidation judicaire. - Situation du vendeur de meuble- Clause de réserve de propriété-
», fasc. préc., fasc.n° 54.
1004
Cass. 3e ch. civ., 24 juin 1998, n° 97-17.108, Bull. civ. III, n° 137; JCP G, 1999, I, 147, n° 15, obs. M.
CABRILLAC
1005
Cass. com., 18 janvier 2005, n° 02.12.324, Bull. civ. IV, n° 11; D. 2005, p. 430, obs. A. LIÉNHARD.
1006
P.-M LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 666.42.
1007
Cass. com., 15 octobre 2013, n° 13-10.463, Bull. civ. IV, n° 153 ; D. 2013, AJ p.2462, note A. LIÉNHARD; BJE,
novembre 2013, p. 373, obs. M. LAROCHE; JCP E, 2014, 1020, n° 12, obs. Ph. PÉTEL; Gaz. Pal. 12 janvier 2014, p.
28, note P.-M. LE CORRE. Bull. civ. IV, n° 153 ; Gaz. Pal., 05 décembre 2013, n° 339, p. 21; obs. M.-P. DUMONT-
LEFRAND; LXB hebdo 21 novembre 2013, n° 359, note E. LE CORRE-BROLY. Dans cet arrêt, la Cour a affirmé que
la réserve de propriété ne confère aucun droit de préférence dans les répartitions.
313
Cette solution reçoit notre approbation. Car, d'une part, la clause de réserve de propriété en
conférant à son titulaire un droit exclusif et non pas un droit de préférence, le place hors concours
mais ne lui confère pas un meilleur rang dans l'ordre des répartitions. D'autre part, la clause de
réserve de propriété est fondée sur un droit de propriété dont l'opposabilité est assurée, à défaut de
publicité, par la revendication et non par la déclaration. En conséquence, l'absence de déclaration de
la clause de réserve de propriété n'a aucune incidence sur son opposabilité dans la procédure
collective. Le créancier ne saurait donc être sanctionné du fait du défaut de mention de la clause
dans la déclaration.
767. On peut toutefois nuancer cette analyse en application des dispositions de l’article L.
624-16, alinéa 4. C’est l’hypothèse où le bien faisant l’objet d’une réserve de propriété est utilisé
pendant la procédure collective. Dans ce cas, le créancier peut ne pas bénéficier d’un paiement
exclusif. La nuance s’accentue lorsqu’il accorde des délais de paiement au débiteur. En cette
situation, le créancier bénéficie alors d’une créance postérieure éligible au traitement préférentiel.
Quoi qu’il en soit, la mention de la clause dans la déclaration est recommandée si l’on considère
l’information des organes de la procédure collective.
768. En définitive, si la solution jurisprudentielle peut se justifier lorsqu'elle soustrait la clause
de réserve de propriété à la déclaration, elle nous convainc beaucoup moins lorsqu'il s'agit de la
déclaration de créance du réservataire, car il s'agit-là de deux questions différentes pour lesquelles il
ne faut pas faire d'amalgame. Or, la question de la déclaration de la clause de réserve de propriété
ne se pose réellement que lorsque le réservataire a déclaré sa créance. En effet, il est peu probable
qu'un créancier n'ayant pas déclaré sa créance vienne à se demander s'il faut déclarer sa sûreté. Nous
réaffirmons ici notre idée – certes contraire à la solution jurisprudentielle – selon laquelle le
créancier réservataire devrait se soumettre à la déclaration de créance.
769. D'ailleurs, la solution retenue par la Cour de cassation, dans l'arrêt du 15 octobre
1008
2013 , constitue une légère évolution en la matière. S'il est vrai que la Haute juridiction affirme
que la réserve de propriété ne confère pas à son bénéficiaire un droit de préférence et que la
déclaration de créance du vendeur réservataire ne remplace pas l'action en revendication, la solution
peut laisser penser que le créancier est, en revanche, tenu de déclarer, à titre chirographaire
simplement, s'il souhaite obtenir le paiement de sa créance de prix impayée. La solution de la Cour
de cassation permet en outre de comprendre que le créancier réservataire ne peut être admis comme
un créancier privilégié. On observe ainsi une évolution jurisprudentielle, puisque la Haute
juridiction admet en quelque sorte que le vendeur réservataire puisse déclarer sa créance, même s'il
n'est admis qu'à titre chirographaire.
1008
Cass. com., 15 actobre 2013, n° 12-14. 944 et n° 13-10.463, arrêt préc.
314
Quoi qu'il en soit, la prudence recommande à tout créancier, fut-il bénéficiaire d’une réserve de
propriété, de déclarer sa créance au passif de l'entreprise. Dans le cas contraire, le créancier
s’expose à la sanction du défaut de déclaration.
1009
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 813.72.
1010
Cass. com., 15 octobre 2013, n°12-25.993, Inédit.
315
revendication 1011 . Par ailleurs, une juridiction de fond a jugé que la revendication ne vaut pas
déclaration de créance1012.
De ces différents arrêts, on peut conclure que l’opposabilité du droit de propriété du réservataire est
assuré par la revendication et non par la déclaration. La déclaration de créance ne dispense donc pas
le réservataire de revendication. Ainsi, sauf en cas de dispense, seul le défaut revendication rend
inopposable le droit de propriété du réservataire. La prudence commande toutefois au créancier
diligent qui a revendiqué de déclarer en parallèle sa créance. Cette déclaration serait utile
notamment dans l’hypothèse où la revendication n’aboutirait pas.
Nous venons ainsi de voir la situation du créancier réservataire français face à l'obligation de
déclarer, analysons à présent les solutions de droit OHADA.
773. Nous suivront le même schéma qu’en droit français. Nous allons ainsi répondre aux
questions suivantes : Le créancier réservataire africain est-il tenu de produire sa créance (a) ? Si oui,
doit-il mentionner sa sûreté dans l’acte de production (b)? Dans l’affirmative, quelle sanction
encourt-il en cas de défaut de production (c) ?
774. L’alinéa 1er de l’article 78 de l’AUPC indique qu’« À partir de la décision d'ouverture
du redressement judicaire ou de la liquidation des biens et jusqu'à l'expiration d'un délai de
soixante jours (…) tous les créanciers composant la masse, à l'exception des créanciers d'aliments,
doivent, sous peine de forclusion, produire leurs créances auprès du syndic ». Ce texte ne pose
aucune dispense pour le créancier réservataire. En conséquence, dès lors qu’il fait partie de la
masse, il doit produire sa créance. Contrairement à la jurisprudence française, il n’existe pas, en
droit OHADA, une décision de la CCJA permettant au créancier réservataire de se soustraire à
l’obligation de production. Le créancier réservataire africain est donc, en tant que créancier
composant la masse, soumis à la production des créances.
Cette solution est d’autant plus admise qu’avant la réforme de l’AUPC, l’ancien article 78 disposait
en son alinéa 3 que « Les titulaires d'un droit de revendication doivent également produire en
précisant s'ils entendent exercer leur droit de revendication. À défaut de cette précision, ils sont
considérés comme créanciers chirographaires ». Ainsi, le créancier réservataire africain, en tant
que titulaire d'un droit de revendication, n'échappait pas à la production des créances. Aujourd’hui,
bien qu’il n’y ait plus de texte qui soumette l’ensemble des revendiquants à la production des
1011
Cass. com., 29 janvier 1991, n° 90-10.525 et Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-18.867, arrêts préc.
1012
CA Aix- en- Provence, 8e ch. C, 11 septembre 2001; Act. Proc. Coll. 2002/3, comm. 39.
316
créances, le créancier réservataire y demeure néanmoins tenu, et cela, en application des
dispositions de l’alinéa 1er de l’article 78 de l’AUPC.
Mais alors, doit-il également faire mention de sa sûreté dans l’acte de production ?
775. L’article 80, alinéa 2, de l’AUPC dispose qu’« Elle (la déclaration) précise la nature de
la sûreté dont la créance est éventuellement assortie ». La clause de réserve de propriété étant
reconnue comme une sûreté en droit OHADA1013 conformément à la lettre du texte, le créancier
réservataire devrait la mentionner dans l’acte de production.
Il convient de préciser que l’ancien article 78, alinéa 3, de l'AUPC prévoyait que les titulaires d'un
droit de revendication doivent produire en précisant « s'ils entendent exercer leur droit de
revendication ». En soumettant les revendiquants à la production des créances, le législateur avait
aussi tiré les conséquences découlant de cette situation. Aussi, comme tous les créanciers munis de
sûretés, les revendiquants devaient préciser leur droit à la revendication au moment de la
production.
776. Somme toute, contrairement au droit français, la mention de la réserve de propriété dans
l’acte de production ne soulève pas de discussions en droit OHADA. Par ailleurs, comme nous le
verrons, la publicité est obligatoire pour la réserve de propriété ; elle en conditionne
l’opposabilité1014. Le réservataire africain doit ainsi bénéficier de l’avertissement d’avoir à produire.
À son égard, le délai de revendication ne commence donc à courir qu’à compter de la notification
de l’avertissement. En outre, il sera difficile pour le créancier réservataire d’obtenir un relevé de
forclusion, dans la mesure où ce relevé ne s'obtient que lorsque le créancier démontre que l'absence
de production n'est pas due à son fait personnel.
777. En définitive, il n’existe en droit OHADA aucune opposition à la soumission du
créancier réservataire à l’obligation de production. Dès lors qu’il fait partie de la masse des
créanciers, il doit, en application des dispositions des articles 78 à 80 de l’AUPC, non seulement
produire sa créance mais également la sûreté assortissant cette dernière. Cette solution a au moins le
mérite de la cohérence et de la simplicité, puisque le législateur communautaire africain ne fait
aucune différence entre les créanciers composant la masse. En effet, à l’exception des créanciers
d’aliments, les autres créanciers sont tenus de produire leurs créances et leurs sûretés, peu importe
la nature de celle-ci. Cette situation est d’autant plus admise que la CCJA ne s’est pas encore
prononcée sur la question. Ainsi, le créancier réservataire qui ne se soumet pas à l‘obligation de
production encourt des sanctions.
1013
Cf. art. 71 de l’AUS.
1014
Article 103 de l’AUPC.
317
c- La sanction du défaut de production
778. Comme nous l’avons vu, selon les dispositions de l’article 83 de l’AUPC, le défaut de
production est sanctionné par l’absence de participation aux repartions et dividendes. De plus, les
créances non produites sont inopposables au débiteur et à la masse, pendant la durée de la procédure
collective, mais aussi durant la période d’exécution du concordat de redressement.
779. Il se pose toutefois la question des effets de l’inopposabilité de la réserve de propriété.
Contrairement à la jurisprudence française, en droit OHADA, il n’a jamais été jugé que la réserve
de propriété survive à la sanction du défaut de production. Ainsi, conformément à la lettre du texte
(article 83 de l’AUPC), d’une part, et au caractère accessoire de la réserve de propriété, d’autre part,
l’inopposabilité de la créance devrait entraîner celle de la sûreté, fût-elle une réserve de propriété.
L’accessoire, ici la réserve de propriété, devrait suivre le sort de la créance principale.
L’inopposabilité semble en revanche difficilement envisageable lorsque seule la sûreté n’a pas été
produite. En effet, selon la jurisprudence française, et comme l’a également soutenu un auteur
français, la mention de la sûreté lors de la déclaration n’a réellement d’intérêt à l’égard du créancier
que lorsque celle-ci lui confère un rang dans l’ordre de paiement. Or, tel n’est pas le cas de la
réserve de propriété. Toutefois, comme nous l’avons dit pour le droit français, la mention de la
sûreté au moment de la production se révèle nécessaire pour les organes de la procédure, car elle
leur permet d’avoir une meilleure connaissance de l’état du passif du débiteur.
En tout état de cause, il reviendra à la jurisprudence communautaire de dire si le défaut de
production affecte ou non le droit de propriété du réservataire. Par précaution, le créancier
réservataire devrait donc produire sa créance mais aussi sa sûreté.
Nous venons ainsi de confronter la réserve de propriété à la règle la déclaration ou de la production
des créances. Intéressons-nous à présent à son inscription.
780. De ce qui a été démontré dans les précédents développements, il ressort que la règle de
l'arrêt ou de l'interdiction des inscriptions conditionne également l'opposabilité des sûretés réelles
dans les procédures collectives. Aussi, cette règle ne s'applique qu'aux seules sûretés soumises à la
publicité.
Dans ce paragraphe consacré à l'étude de la clause de réserve de propriété, la question qui se pose
est celle de sa soumission à la publicité. Celle-ci conditionne-t-elle la reconnaissance de la clause de
réserve de propriété dans les procédures collectives ? La réponse à cette interrogation diffère selon
que l’on se situe en droit français ou en droit OHADA. Nous verrons qu’en droit français, la
publicité de la clause de réserve de propriété n’est pas obligatoire (1) alors qu’en droit OHADA, la
publicité est exigée à peine d’inopposabilité (2).
318
1- L’absence d’obligation de publicité en droit français
781. Selon les objectifs de la règle de l'interdiction des inscriptions qui consistent, rappelons-
le, à geler le patrimoine du débiteur afin de favoriser le sauvetage de l'entreprise, d'une part, et à
maintenir le respect du principe d'égalité, d'autre part, l'interdiction ne devrait s'appliquer qu'aux
sûretés réelles antérieurement constituées et soumises à la publicité.
Il convient alors de déterminer si le législateur français soumet la clause de réserve de propriété à la
publicité obligatoire.
L'article L. 624-16 du Code de commerce qui énonce les conditions d'opposabilité de la clause de
réserve de propriété ne fait à aucun moment mention de la publicité. L'opposabilité de la clause de
réserve de propriété est, en effet, assurée par sa rédaction dans un écrit convenu entre les parties au
plus tard au moment de la livraison. Il en résulte que la publicité n'est pas une condition
d'opposabilité de la clause de réserve de propriété. Elle n’est donc pas obligatoire pour le
réservataire. Il s'agit simplement d'une faculté qui lui est offerte.
Cependant, même en n'étant qu'une simple faculté, la publicité confère des avantages non-
négligeables au créancier qui s'y soumet. D'une part, elle dispense le créancier propriétaire de
revendication et d'autre part, elle permet au créancier soumis à la déclaration de créances de
bénéficier de l'avertissement d'avoir à déclarer.
782. La clause de réserve de propriété n'étant pas soumise à la publicité obligatoire, celle-ci
ne saurait donc être une condition d'opposabilité de la sûreté. Ainsi, la reconnaissance la réserve de
propriété ne passe pas nécessairement pas son inscription. Toutefois, lorsque le créancier
réservataire décide de publier la clause ou le contrat qui en est l'objet, il devrait le faire avant le
jugement d'ouverture. À défaut, il se heurte à la règle de l'interdiction des inscriptions postérieures
au jugement d'ouverture. C'est uniquement dans cette hypothèse que la reconnaissance de la réserve
de propriété passe par son inscription.
Qu’en est-il en droit OHADA
783. Il ressort des dispositions de l’article 103, alinéa 3, de l’AUPC que pour être
revendiqués, les marchandises et les objets mobiliers faisant l’objet d’une réserve de propriété
doivent respecter les conditions prévues par l’Acte uniforme portant organisation des suretés. Or,
l’article 74 de l’AUS énonce que la réserve de propriété n'est opposable aux tiers que si celle-ci a
été régulièrement publiée au RCCM. Il résulte de la combinaison de ces deux textes que pour
revendiquer, le réservataire doit publier sa sûreté1015. À la différence du droit français, la publicité
de la clause n’est pas facultative en droit OHADA. Elle est obligatoire et exigée à peine
1015
Sur la contradiction entre ces dispositions ; v. ns° 354 et s.
319
d’inopposabilité. Le législateur communautaire africain se démarque, de cette manière, de son
homologuer français. Ainsi, une clause non publiée ne saurait être opposable aux tiers. Il en irait de
même en cas de publicité irrégulière1016.
La clause de réserve de propriété étant soumise à la publicité, il en découle qu’elle n’échappe pas à
la règle de l'arrêt du cours des inscriptions. Ainsi, en droit OHADA, la reconnaissance de la réserve
de propriété semble être subordonnée à son inscription au RCCM, avant le jugement d’ouverture.
784. En définitive, la confrontation de la clause de réserve de propriété aux règles qui assurent
traditionnellement l'opposabilité des sûretés dans les procédures collectives, révèle une différence
remarquable entre le droit français et le droit OHADA.
Le fait que la Cour de cassation française ait jugé que la réserve de propriété survit à l’extinction de
la créance, permet au créancier réservataire de se soustraire à l’obligation de déclaration. Par
ailleurs, le réservataire n’est pas tenu de publier sa sûreté. Il en résulte que la reconnaissance de la
réserve de propriété n’est pas subordonnée à la déclaration de créance est encore moins à son
inscription. Cette situation qui crée une différence de traitement entre le réservataire et les autres
créanciers titulaires de sûretés réelles exclusives, et notamment les bénéficiaires de la fiducie,
semble démontrer une réelle volonté du législateur de faire de la clause de réserve de propriété une
sûreté efficace.
La situation est bien différente en droit OHADA. En effet, le législateur communautaire africain n’a
pas suivi l’exemple de son homologue français. Comme pour les autres sûretés, la reconnaissance
de la réserve de propriété est subordonnée à la production de créance et aussi semble-t-il à
l’inscription de cette sûreté.
785. Toutefois, au-delà des règles posées pour la reconnaissance générale des sûretés dans les
procédures collectives, les législations française et africaine prévoient des conditions d’opposabilité
spécifiques pour la réserve de propriété dans les procédures collectives.
1016
M. BROU KOUAKOU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les
procédures collectives: l'apport du traité OHADA », art. préc., pp. 308 et s.
320
A- Les conditions spéciales d'opposabilité en droit français
1- Un écrit
789. Cette condition n'est pas spécifique au droit des procédures collectives. En effet, l'article
2368 du Code civil dispose que « la réserve de propriété est convenue par écrit ». On aurait pu voir
dans cette exigence une condition de validité de la clause. Mais, le texte ne précise pas que l'écrit
est exigé, à peine de nullité. L’écrit n'est donc pas une condition de validité de la clause.
L'exigence d'un écrit a cependant été analysée comme un moyen de preuve1020, le contraire ayant
toutefois été soutenu 1021 . Ainsi, comme le préconisent certains auteurs 1022 , il faut y voir une
condition d'opposabilité aussi bien en droit commun qu'en droit des procédures collectives.
1017
Parmi les nombreux commentaires de cette loi n° 80-335; R. HOUIN, « L’introduction de la clause de réserve de
propriété dans le droit français de la faillite », JCP E 1980, II. 1328 ; X. GARCIN et J. THIERRY, « La clause de
réserve de propriété serait-elle déjà pleinement valable en France ou le sera- t- elle bientôt ? », Gaz. Pal. 1980, p. 193;
Y. CHAPUT « Les clauses de réserve de propriété », JCP E 1981, II. 13444; Y. DEMOURES, « La vente avec réserve
de propriété et la loi du 12 mai 1980 », RTD com.1982, p. 33; J. GHESTIN, « Réflexions d'un civiliste sur la clause de
réserve de propriété », D. 1981, Chron. p.1.
1018
C. WITZ, « Les sûretés mobilières en RFA », RID comp. 1985, p. 27; M. PEDAMON, « La réserve de propriété en
droit allemand », Gaz. Pal. 1981, p. 5.
1019
J.-L. VALLENS, « La clause de réserve de propriété et la procédure de redressement judiciaire », JCP G, 1986, II.
145651; V. CROSIO, « Les problèmes d'application de la clause de réserve de propriété depuis la loi du 12 mai 1980 »,
LPA, 1985, p. 22.
1020
D. VOINOT, « Effectivité et efficacité de la réserve de propriété après la réforme du droit des sûretés », LPA, 27
mars 2008, n° 63, p. 65.
321
790. Le législateur ne donne aucune précision sur la forme de l'écrit. La jurisprudence quant à
elle en fait une interprétation extensive 1023 . La clause peut être convenue dans tout document
contractuel habituellement utilisé1024. Ainsi, la clause peut être contenue dans tous les documents en
usage dans les rapports commerciaux, peu important qu’il s’agisse d’une facture, d’un avis de
réception, d’un bordereau d'expédition, d’un bon de commande ou de livraison1025. Aujourd'hui, on
peut même considérer que la clause puisse figurer sur un support informatique.
En outre, peu important que la clause soit isolée ou insérée dans les conditions générales de
ventes1026, il suffit qu’elle soit rédigée de manière suffisamment apparente, dans un document clair
et lisible1027 et non pas noyée dans de trop grandes dispositions, ou figurer en petits caractères au
milieu des conditions contractuelles1028. De même, il n'est pas exigé qu'une clause soit rédigée pour
chaque contrat. En effet, l'article L. 624-12, alinéa 2, précise que la clause peut figurer dans un
contrat régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties1029. C'est le cas
des clauses intégrées dans les contrats-cadre.
791. L'écrit contenant la clause de réserve de propriété n'est pas soumis à une formalité de
publicité obligatoire. Celle-ci demeure facultative pour les créanciers réservataires. Seulement, le
législateur avait prévu que les biens vendus avec clause de réserve de propriété doivent figurer sur
une ligne distincte à l'actif du bilan de l'acquéreur et faire l'objet d'une mention spéciale dans
l'inventaire des biens du débiteur dressé par l'administrateur 1030 . Mais, le non-respect de cette
formalité est sans conséquence puisqu'il n'y a pas de sanction. Il s'agit donc simplement d'une
mesure d'information et non d'une obligation de publicité1031. La publicité de l'écrit n'est donc pas
une condition d'opposabilité de la clause en droit français.
Mais quelle que soit la forme de l'écrit, la clause doit avoir été convenue entre les parties.
1021
J.-P. SCARANO, « Opposabilité ou inopposabilité de la clause de réserve de propriété (Observations de droit
comparé et de droit international privé) », RTD com. 1990, p. 535, sp. p. 536.
1022
J. GHESTIN, « Réflexions d'un civiliste sur la clause de réserve de propriété », art. préc. ; P.-M LE CORRE, Dalloz
Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.21.
1023
R. JUAN, « Trois ans de jurisprudence sur la clause de réserve de propriété », Cah. drt entp. 1984, n° 2, p. 5 ; «
Quatre ans de jurisprudence sur la clause de réserve de propriété (1984- 1987) », JCP E 1987, n° 39, p. 14.
1024
J.-P. SCARANO, « Opposabilité ou inopposabilité de la clause de réserve de propriété (Observations de droit
comparé et de droit international privé) », art. préc., pp. 535 et s. sp. p. 536.
1025
Cass. com., 11 juillet 1983, n° 82-10.639; Bull. com., n° 215.
1026
Cass. com., 19 février 1985, n° 83-16.212, Bull. civ. IV. n° 67 ; JCP 1985, IV. 161; CA Paris, 3e ch. A., 8 novembre
2005, RG n° 05/0793.
1027
J.-P. SCARANO, « Opposabilité ou inopposabilité de la clause de réserve de propriété (Observations de droit
comparé et de droit international privé) », art. préc., p. 535, sp. p. 536.
1028
Cass. com., 14 juin 1994, n° 92-10.633, Inédit; Rev. Proc. Coll. 1995, p. 194, obs. B. SOINNE; Cass. com., 19
décembre 2000, n° 98-11.577, Inédit; Rev. Proc. Coll. 2001, p. 15, obs. B. SOINNE.
1029
La jurisprudence antérieure avait jugé du contraire; Cass. com., 17 mars 1992; n° 90-16.207, Inédit; D. 1993, somm.
290, obs. F. PÉROCHON; Cass. com., 3 novembre 1992, n° 90-18.604; Bull. civ. IV, n° 346; JCP E, 1993. I. 3672, n°
16, obs. M. CABRILLAC et Ph. PÉTEL; D. 1993, somm. 287 et 290, obs. F. PÉROCHON; Cass. com., 29 mai 2001,
n° 98-15.802, Bull. civ. IV, n° 108; D. 2001, AJ. p. 2032.
1030
Article 3, al. 3 de la loi du 12 mai 1980.
1031
J.-P. SCARANO, « Opposabilité ou inopposabilité de la clause de réserve de propriété (Observations de droit
comparé et de droit international privé) », art.préc., p. 535, sp. p. 537.
322
2- L'accord des parties
792. D’après les dispositions de l'article L. 624-16, la clause « doit avoir été convenue entre
les parties ». Contrairement à l'exigence d'un écrit, l'accord des parties est à notre avis une condition
non pas seulement d'opposabilité, mais aussi de validité de la clause. Sans l’accord des parties, la
clause ne peut valablement être constituée puisqu'il n'y a pas de consentement mutuel 1032. Or, le
consentement mutuel nous semble être l'élément constitutif du contrat en vertu duquel le
propriétaire du bien se réserve la propriété d'un bien. Quoi qu'il en soit, l'accord des parties implique
surtout l'acceptation de la clause par le débiteur (le cocontractant du propriétaire ; l'acheteur dans le
cadre d'un contrat de vente).
793. Comme pour l'écrit, aucune forme précise n'est requise pour l'acceptation. Là encore la
jurisprudence reste assez large. L'acceptation n'est pas nécessairement écrite. Elle peut également
être orale ou tacite 1033 . De même, l'acceptation expresse n'est pas obligatoire 1034 . La Cour de
cassation admet que l'acceptation soit tacite, à condition que le cocontractant adopte un
comportement allant dans ce sens et qu’il s’engage en connaissance de cause 1035. Aussi, la haute
Cour a jugé que l’acceptation pouvait être déduite d'une relation d’affaire existante entre les parties
et de la réception par le débiteur, dans le cadre de cette relation, des factures antérieures comportant
la clause litigieuse sans protestation de sa part, l'acceptation tacite résulte alors de l'exécution du
contrat1036. Par ailleurs, la jurisprudence n'exige pas que l'acceptation soit donnée uniquement par le
débiteur. Elle peut émaner d'un préposé ayant qualité pour engager l'acheteur 1037 ou encore du
mandataire.
Dans tous les cas, le propriétaire doit démontrer l'acceptation certaine et sans équivoque du
débiteur1038. Cette preuve se fait par tous moyens. Dans le cas des contrats-cadre, on admet qu'une
seule acceptation soit donnée pour l’ensemble des opérations commerciales convenues entre les
parties.
794. Cependant, il peut arriver qu'il n'y ait pas d'accord entre les parties. C'est le cas lorsque
l'acheteur manifeste clairement son refus de toute réserve de propriété 1039. Tel est encore le cas
1032
D.VOINOT, « Effectivité et efficacité de la réserve de propriété après la réforme du droit des sûretés », art.préc.,
p.65.
1033
Cass. com., 17 mars 1998, n° 95-11.209, Bull. civ. IV, n° 108.
1034
Cass. com., 19 février 1985, n° 84-10.697, Bull. civ. IV, n° 68; Rev. Jur. Com. 1986, p. 127, note GALET; Cass.
com., 9 juin 1987, n° 85-16.689, Bull. civ., IV, n° 141;D. 1988, Somm. p. 8, obs. F. DERRIDA.
1035
Cass. com., 3 juin 1997, n° 93-21. 322, Bull. civ. V, n° 168; RJDA 1997/11, n° 1414.
1036
Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-28.407, Bull. civ. IV, n° 18; Gaz. Pal. 28 avril 2012, n° 118, p. 35, note F.
PÉROCHON; LPA 15 juin 2012, n° 120, p. 16, note F. REILLE; D. 2012, AJ. p. 432, obs. A. LIÉNHARD ; RTD com.
2012, P. 616, n°6, obs. A. MARTIN-SERF.
1037
Cass. com., 11 juillet 1995, n° 93-10.385, Bull. civ. IV, n° 210; D. 1996, somm. 211, obs. F. PÉROCHON
1038
Cass. com., 9 juin 1987, n° 85-16.689, arrêt préc.
1039
Cass. com., 16 octobre 1990, n° 89-14. 189, Bull. civ. IV, n° 239; Dans le même sens voir; D. VOINOT, « Le refus
par l'acheteur de la clause de réserve de propriété en droit des procédures collectives », D. 1997, p. 312.
323
lorsqu'il existe des contradictions entre les conditions générales du vendeur et de l'acheteur 1040 .
Dans cette hypothèse, le silence de l’acheteur qui a reçu des factures et des accusés de réception de
commandes ne peut être assimilé à une acceptation tacite1041. La clause de réserve de propriété est
également considérée comme non acceptée, lorsque l'acheteur refuse par avance les clauses de
réserve de propriété contenues dans des clauses contractuelles.
Quoi qu’il en soit, lorsque la clause n'a pas été acceptée par l'acheteur, et même si le vendeur
n'accepte pas le refus, la sûreté ne peut valablement être constituée, faute d'accord entre les parties.
En revanche, en l'absence d'écrit porté à la connaissance du débiteur, la clause peut être valable
entre les parties mais elle ne saurait être opposable aux tiers1042.
En somme, pour que la clause soit opposable à la procédure collective, il faut non seulement
l'accord des parties, mais également que la clause soit contenue dans un écrit, lequel doit être établi
au plus tard au moment de la livraison.
795. L'établissement de l'écrit au plus tard au moment de la livraison est également une
condition d'opposabilité de la clause. Contrairement à l'exigence d'un écrit, il s'agit d'une condition
spécifique au droit des procédures collectives.
La livraison des biens s'analyse donc comme la date butoir à laquelle l'écrit doit avoir été rédigé.
Cela signifie que l'écrit contenant la clause doit être antérieur ou concomitant à la date de livraison.
Ainsi, la clause stipulée dans une facture adressée à l’acheteur après la livraison, n’est pas
opposable et n’autorise pas le vendeur à revendiquer1043. Certains auteurs1044estiment que l'exigence
d'un écrit établi au plus tard à la livraison vise à éviter le concert frauduleux entre un acheteur en
redressement judiciaire et son vendeur, qui après livraison permettrait au vendeur d’échapper à la
discipline collective subie par l’ensemble des créanciers chirographaires.
Une difficulté particulière se présente en cas de défaut de livraison lorsque l'acheteur est déjà
détenteur du bien, du fait d'une précédente vente assortie d'une condition suspensive non réalisée.
En présence d'une telle situation, la Cour de cassation, en s'appuyant sur l'article 1606 du Code
civil, a jugé que l'accord des parties sur une nouvelle vente contenant la clause de réserve de
propriété permet de considérer que la délivrance de la chose est intervenue lors de cette nouvelle
1040
Cette mesure provient de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, réformant les sûretés, qui a supprimé
l'opposabilité de la clause l'acheteur même en cas de désaccord entre les parties. Cette mesure a été elle même été
instituée par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996. En faveur de la suppression P. CROCQ, « La réserve de propriété »,
JCP G 2006, suppl. n° 20, p. 23; Contre la suppression ; R. DAMMANN, « La réforme des sûretés mobilières : une
occasion manquée », D. 2006, p. 1298, spéc n° 12
1041
Cass. Com., 3 décembre 1996, n° 94-21.796; Bull. civ. IV, n° 299 ; RTD com. 1997, p. 500, obs. B. BOULOC.
1042
D. VOINOT, « Effectivité et efficacité de la réserve de propriété après la réforme du droit des sûretés », art. pré., p.
66
1043
Cass. Com. 31 janvier 2012, n° 10-28.407, arrêt préc.
1044
V. A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n° 698.
324
vente. La clause doit donc être convenue dans le contrat de vente lui-même1045. Un auteur1046 relève
à juste titre que dans cette affaire, la Haute juridiction confond la livraison, opération matérielle et
la délivrance, opération juridique.
796. Par ailleurs, le moment de la livraison constitue également la date butoir de l'acceptation
de la clause par le débiteur1047. La date de livraison est très importante pour les parties à une clause
de réserve de propriété, car non seulement le créancier réservataire doit établir l'écrit au plus tard au
moment de la livraison, mais à cette même date, le débiteur doit avoir accepté la clause. En cas de
contestation, le créancier réservataire devra établir la date de livraison, et prouver l'antériorité ou la
concomitance de l'acceptation de la clause à la livraison des biens. Dans tous les cas, la preuve se
fait par tous moyens puisqu'il s'agit d'un fait juridique.
797. Il convient de retenir qu’en droit français, l'opposabilité de la réserve de propriété est
subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives; un écrit, convenu entre les parties, au plus
tard au moment de la livraison. Aussi, il nous faut à présent déterminer les conditions d’opposabilité
prévues en droit OHADA, lesquelles ont été allégées depuis la réforme de l’AUPC.
1045
Cass. com., 3 juillet 2012, n° 11-20.425, Bull. civ. IV, n° 147; RTD com. 2013, p. 142, n 3, obs. A. MARTIN-SERF.
1046
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 816.22.
1047
Ibid., n° 816.23; A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op.cit., n° 701.
325
française, l’opposabilité de la réserve de propriété est subordonnée au respect des conditions
prévues par le droit commun des sûretés.
Ce sont les articles 73 et 74 de l’AUS qui précisent les conditions relatives à la réserve de propriété.
D’abord, l’article 73 de l'AUS indique qu’« À peine de nullité, la réserve de propriété est convenue
par écrit au plus tard au jour de la livraison du bien ». Cet article reprend là les conditions posées
par le droit français, à savoir un écrit établi au plus tard au jour de la livraison. Toutefois, à la
différence du droit français, ces conditions sont exigées, à peine de nullité. Il ne s’agit donc pas ici
des conditions d’opposabilité mais plutôt des conditions de validité de la réserve de propriété.
Ensuite, l’article 74 de l’AUS prévoit que « La réserve de propriété n'est opposable aux tiers que si
celle-ci a été régulièrement publiée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, conformément
aux dispositions des articles 51 à 66 du présent Acte Uniforme ». Il en résulte que la publicité est
aujourd’hui la seule condition d’opposabilité de la réserve de propriété. Toutefois, l’ayant déjà
évoqué dans le paragraphe précédent, nous n’allons pas nous y attarder.
Conclusion du chapitre
801. L’étude que nous venons de mener révèle que, les titulaires de sûretés réelles exclusives,
en l’occurrence le rétenteur et le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté, doivent, pour garantir
l’opposabilité de leur sûreté, en principe la faire connaître à la procédure collective. Cette
reconnaissance passe par l’obligation de déclarer ou de produire et, dans une certaine mesure, par
l’interdiction d’inscrire la sûreté postérieurement au jugement d’ouverture. Il s’agit là de deux
règles cumulatives et non alternatives. Quant à la réserve de propriété, son opposabilité est soumise
à des conditions spéciales, notamment en droit français.
1048
M. BROU KOUAKOU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les
procédures collectives: l'apport du traité OHADA », art. préc., pp. 309 et s.
1049
Cf. Art. 74 de l'AUS.
326
Dans tous les cas, la reconnaissance des sûretés réelles exclusives est subordonnée au respect des
règles issues de l’ouverture d’une procédure collective. Les créanciers qui ne s’y soumettent pas
s’exposent en effet à l’inopposabilité de leur garantie.
Mais l’ouverture d’une procédure collective n’affecte pas seulement la reconnaissance des sûretés,
elle peut également remettre en cause leur existence.
327
CHAPITRE 2/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE À LEUR
ABSENCE DE REMISE EN CAUSE DANS LES
PROCÉDURES COLLECTIVES
802. L'ouverture d'une procédure collective conduit à l’application de plusieurs règles dont
certaines sont susceptibles de remettre en cause les sûretés préexistantes. Celles-ci peuvent être
affectées soit dans leur validité, soit dans leur opposabilité. En droit français, comme en droit
OHADA, la remise en cause des sûretés, dans la procédure collective, résulte de deux situations. La
première menace provient du régime de la période suspecte qui permet d’appréhender des sûretés
irrégulièrement consenties. De manière générale, l’irrégularité naît de leur constitution au cours
d’une période sensible pour le débiteur qui est en cessation des paiements. La seconde menace
résulte la responsabilité des créanciers. Dans cette situation, les sûretés, même régulières, consenties
par le créancier, peuvent être appréhendées lorsque sa responsabilité est engagée.
803. Conformément à l’objet de notre recherche, dans un premier temps, nous examinerons la
remise en cause des sûretés réelles exclusives au regard du régime de la période suspecte (section 1)
puis, dans un second temps, nous verrons ce qu’il en est dans l’hypothèse où la responsabilité d’un
créancier titulaires de telles sûretés est engagée (section 2).
804. La période suspecte est celle qui précède l'ouverture de la procédure collective. Elle
s'étend de la date de cessation des paiements jusqu'au jour du jugement d'ouverture1050 ; il s’agit, par
principe, du jugement ouvrant une procédure de redressement 1051 ou de liquidation judiciaire,
puisque la sauvegarde classique1052 requiert l'absence de cessation des paiements.
1050
Pour une étude complète sur la question ; V. C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSÉRIÉ-BON,
« Redressement et liquidation judiciaires. - Nullités de droit et nullités facultatives. - Notion. Actions voisines (action
paulienne, abus de droit). -Exercice de l'action et conséquences. », JCL com., 1er juin 2011, fasc. 2502.
1051
Sauf en cas de conversion d’une procédure de sauvegarde en redressement sans cessation de paiement. (Cf. art. L.
622-10, al. 3)
1052
P. DIENER, « Du caractère suspect de l'absence de l'absence de période suspecte », D. 1993, Chron. p. 255; G.
WICKER, « La période suspecte après la loi de sauvegarde des entreprises », Rev. Proc. Coll., mars 2006, n°1, p. 12.
Cependant, il peut arriver que la procédure de sauvegarde soit génératrice d'une période suspecte. C'est notamment le
cas dans la sauvegarde accélérée, procédure nouvellement crée par le législateur. Un débiteur dont la cessation des
paiements est pourtant avérée peut, dans certains cas, bénéficier de cette procédure.
328
Toutefois, si le tribunal se rend compte, au moment du jugement d’ouverture, que le débiteur était
déjà en état de cessation des paiements, il doit convertir la procédure de sauvegarde en redressement
judiciaire ou prononcer la liquidation judiciaire1053. Il est alors tenu de constater la cessation des
paiements puis en fixer la date. Dans ce cas, les actes accomplis avant l'ouverture de la sauvegarde
pourront, dans la limite de la période suspecte, tomber sous le coup des nullités1054. Ces solutions
admises pour la sauvegarde, en droit français, peuvent être transposées au règlement préventif, en
droit OHADA, puisqu’il requiert également l’absence de cessation des paiements1055.
805. En tout état de cause, pendant cette période sensible, les actes effectués par le débiteur
sont supposés être accomplis en fraude, étant donné que ce dernier a connaissance de sa situation
financière critique. Aussi, sous l'empire des législations antérieures à la loi de 1967, tous les actes
accomplis durant la période dite suspecte étaient frappés d’inopposabilité. Mais par souci de
sécurité juridique1056, le législateur français abandonna cette solution jugée trop sévère. Désormais,
les actes effectués pendant la période suspecte ne sont plus tous sanctionnés. L'annulation ou
l'inopposabilité ne concerne que les actes les plus « évidemment ou probablement frauduleux »1057
de nature à appauvrir l'entreprise ou à rompre l'égalité entre les créanciers1058.
806. Instituées en droit français depuis les législations antérieures à la loi du 13 juillet
19671059, et en droit OHADA depuis le 1er janvier 1999, date d'entrée en vigueur du premier AUPC,
les sanctions de la période suspecte ont pour fondement, d'une part, la lutte contre la fraude du
débiteur qui serait tenté d'organiser son insolvabilité et, d'autre part, le respect du principe d'égalité
entre les créanciers. Le but est d’éviter que le débiteur n’en favorise certains par rapport à d'autres.
Par ailleurs, c'est depuis la loi du 25 janvier 1985 que le législateur français a abandonné la notion
d'inopposabilité pour lui substituer celle de nullités de la période suspecte. En revanche, en droit
OHADA, il est toujours question d’inopposabilités de la période suspecte, et ce, même après la
récente réforme de l’AUPC.
807. Aujourd'hui, ce sont les articles L. 632-1 et suivants du Code de commerce et les articles
67 à 71 de l'AUPC qui traitent des questions relatives aux nullités ou inopposabilités de la période
suspecte. Ces dispositions font ressortir que la constitution des sûretés réelles au cours de la période
suspecte rentre bien dans la catégorie des actes à sanctionner.
1053
Cf. Art. L. 622-10 qui renvoie aux articles L. 631-1 et L. 640-1 du Code de commerce.
1054
Dans cette situation, on n’est plus dans la sauvegarde.
1055
Art 23, al. 5 de l’AUPC.
1056
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1464.
1057
Ibid.
1058
C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation judiciaires - Nullités de droit
et nullités facultatives - Notion. Actions voisines (action paulienne, abus de droit). -Exercice de l'action et
conséquences. », fasc. préc., n°1.
1059
Sur l'évolution historique des nullités de la période suspecte ; V. C. SAINT-ALARY-HOUIN et M.-H.
MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation judiciaires. - Nullités de droit et nullités facultatives. - Notion.
Actions voisines (action paulienne, abus de droit). -Exercice de l'action et conséquences. », fasc. préc., n°3.
329
Il se pose alors la question du sort des sûretés réelles exclusives. L’exclusivité leur permet-elle
d’être constituées au cours de la période suspecte sans pour autant courir le risque d'une sanction ?
Les sanctions de la période suspecte peuvent-elles remettre en cause les sûretés réelles exclusives ?
Il ressort de l’analyse des dispositions du Code de commerce et de l'AUPC que les sûretés réelles
exclusives, comme les sûretés réelles préférentielles, tombent ou peuvent tomber sous le coup des
sanctions de la période suspecte. L'exclusivité attachée à ces sûretés ne les met donc pas toujours à
l'abri d’une remise en cause fondée sur le régime de la période suspecte.
Ainsi, nous examinerons les conditions d’application des sanctions de la période suspecte
(paragraphe 1) avant d’en analyser les effets (paragraphe 2).
808. Tous les actes accomplis pendant la période suspecte ne courent pas le risque d'une
annulation ou d'une inopposabilité. Seuls sont exposés aux sanctions, les actes ne pouvant que
révéler une fraude lorsque qu'ils ont été accomplis pendant cette période critique.
Ce sont les articles L. 632-1 et L. 632-2 du Code de commerce et les articles 68 à 69 de l'AUPC qui
déterminent la liste des actes visés par les nullités ou les inopposabilités de la période suspecte. On
y trouve notamment les actes à titre gratuit translatifs de propriété, les paiements pour dettes échues
et non échues, les contrats commutatifs et les mesures conservatoires. Toutefois, conformément à
l'objet de notre étude, l'analyse sera ici limitée aux seuls actes relatifs à la constitution ou à
l'inscription de sûretés réelles. Par ailleurs, la sanction des actes accomplis au cours de la période
suspecte n'étant plus la même dans les deux législations, nous verrons d'abord le domaine de ces
sanctions en droit français (1) puis en droit OHADA (2).
Le système des nullités de la période suspecte touche les sûretés réelles à travers des cas de nullités
de droit (a) ou des nullités facultatives (b).
809. L'article L. 632-1-I du Code de commerce est le siège des nullités de droit de la période
suspecte. Ces cas de nullité frappent, compte tenu de l'état de cessation des paiements du débiteur,
330
les actes objectivement et intrinsèquement anormaux1060. C'est pourquoi, dès lors que les conditions
d'annulation sont réunies, le tribunal est tenu, peu important la bonne ou la mauvaise foi des parties,
de prononcer la nullité de l'acte. Il ne dispose à cet effet d'aucun pouvoir d'appréciation.
810. Parmi ces cas de nullité, on retrouve la constitution de sûretés traditionnelles pour des
dettes antérieurement contractées. En effet, l'article L. 632-1, I, 6° du Code de commerce déclare
nuls en période suspecte : « toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que
l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage, constitués sur les biens du
débiteur pour dettes antérieurement contractées ». Il en résulte que les nullités de la période
suspecte ne s'appliquent pas à toutes les sûretés. Elles s'appliquent uniquement aux sûretés
expressément citées par le texte car il s'agit d'un texte d'exception 1061 qui commande, en
conséquence, une interprétation restrictive. Sont donc visés la plupart des hypothèques, le
nantissement et le gage. Il s'agit donc des sûretés réelles, à l'exclusion des sûretés personnelles 1062.
811. S'agissant des hypothèques, sont visées les hypothèques légales, les hypothèques
conventionnelles, mais aussi les hypothèques judiciaires. Quant au nantissement, l'emploi de
l'expression « tout droit au nantissement » laisse à penser que la nullité peut s'appliquer aussi bien
aux nantissements conventionnels qu'aux nantissements judiciaires. Enfin, pour ce qui est du gage,
on peut considérer, en l'absence de précision législative, que la nullité s'applique à l'ensemble des
gages mobiliers ou immobiliers, avec ou sans dépossession.
812. Ainsi, à l'exception de l'hypothèque légale entre époux, les sûretés légales sont exclues
du champ des nullités de droit. Le texte s'applique donc essentiellement aux sûretés judiciaires et
conventionnelles. Par ailleurs, en l'absence de précision textuelle, on considère que la nullité peut
s'appliquer pour les sûretés constituées en garantie d'une dette du débiteur, mais également si la
sûreté constitue un cautionnement réel donné pour autrui1063.
813. Il convient de noter, à propos de l’assiette des sûretés visées par les nullités, que même si
le texte vise expressément les sûretés constituées sur les biens du débiteur, la jurisprudence admet
aussi la nullité des sûretés constituées sur des biens communs1064. En revanche, s’agissant des biens
indivis non inclus dans la procédure, un auteur considère que la nullité ne devrait opérer que si, à
l’issue du partage, le bien est attribué au débiteur1065.
1060
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op cit, n° 1475.
1061
Ibid, n°1489.
1062
Sur l'exclusion du cautionnement ; CA Versailles, 14 septembre 1989, Rev. Proc. Coll. 1991, p. 103, obs. Y.
GUYON.
1063
Cass. com., 4 janvier 2000, n° 97-15.712, Inédit, Rev. Proc. Coll. 2002, p. 279, obs. G. BLANC.
1064
Cass. com., 2 avril 1996, n° 93-20.562, Bull. civ. IV, n° 106; D. 1996, somm. p. 340, obs. A. HONORAT; La
solution a été posée à propos d'une hypothèque grevant un immeuble commun, constitué depuis la date de cessation des
paiements du mari, pour sûreté d'une dette antérieurement contracté.
1065
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1488, infra 77.
331
814. En définitive, si la nullité des hypothèques et des nantissements ne pose aucun problème
particulier1066, il n'en va pas de même pour le gage. En effet, le gage étant désormais, toujours1067
assorti d'un droit de rétention, on pourrait conclure que lorsqu'il tombe, du fait d'une constitution
jugée frauduleuse, sous le coup des nullités de la période suspecte, il en sera de même pour le droit
de rétention auquel il est assorti. Pour autant, la question reste entière en jurisprudence vu qu’elle ne
s’est pas encore posée.
La question qui se pose véritablement est de savoir si le droit de rétention autonome, constitué en
période suspecte pour garantir une dette antérieure, peut être frappé de nullité ?
1066
Des questions se posaient sur l'hypothèque rechargeable; v. P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des
procédures collectives, op. cit., n° 823.54. Mais ce mécanisme a été supprimé par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
relative à la consommation
1067
Depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 sur la modernisation de l'économie qui a conféré un droit de rétention
fictif à tous les gagistes sans dépossession.
1068
Cass. civ. 1ere, 24 septembre 2009, n° 08-10.152; Bull. civ. IV, n° 178, JCP E, 2009, 2088, n° 26, obs. A. AYNÈS.
1069
C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation judiciaires - Nullités des
sûretés- Nullité des dépôts et consignations - Nullité des mesures conservatoires - Nullité du contrat de fiducie », JCL.
com., 1er juillet 2011, fasc. 2508, n° 10.
1070
La connexité conventionnelle est prévue par l'article 2286, 1° du Code de civil. Elle a également été admise par la
doctrine (A. AYNÈS, Le droit de rétention, Unité ou pluralité, op. cit., ns°166 et s.)
1071
Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-18.329,Inédit.
332
lieu en période suspecte, indépendamment de la date effective de la remise1072. Cet arrêt pourrait
laisser entendre que le droit de rétention tomberait sous le coup de la nullité de droit si l'accord avait
eu lieu pendant la période suspecte.
Cette solution soulève un autre doute. En effet, les juges du fond ayant retenu la concomitance entre
la constitution de la garantie et de la dette, on se demande si le droit de rétention n'aurait pas été
annulé s'il avait été constitué en garantie d'une dette antérieurement contractée.
817. Quoi qu'il en soit, le droit de rétention n'ayant pas été expressément cité par le texte, il y
a lieu de considérer qu’il ne peut tomber sous le coup des nullités de droit de la période suspecte.
C'est peut-être là encore la manifestation d'une volonté législative de protéger les créanciers
rétenteurs contre les exigences de la procédure collective. Qu’en est-il alors des propriétés-sûretés ?
818. L’exclusion de la clause de réserve de propriété du champ des nullités de droit fait
quasiment l’unanimité. En effet, à l'exception d'un auteur 1073 qui a considéré que la clause de
réserve de propriété pouvait tomber sous le coup des nullités de la période suspecte, une plus
grande partie de la doctrine 1074 estime, en revanche, qu'il ne peut en être ainsi. Un auteur 1075
affirme d’ailleurs que lorsqu'une clause de réserve de propriété n'est pas consentie au moment de la
vente, mais au plus tard au moment de la livraison, elle ne saurait être remise en cause, même si
cette livraison intervient au cours de la période suspecte.
819. C'est également la solution aujourd'hui retenue par la jurisprudence. Dans un arrêt du 16
décembre 20081076, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question. En l'espèce, un vendeur qui
faisait valoir une clause de réserve de propriété procède à la reprise des marchandises livrées mais
restées impayées pour une valeur de 30.000 euros. Il avait ensuite établi un avoir de ce montant.
L'acheteur ayant été placé en liquidation judiciaire moins de deux mois plus tard, la date de
cessation des paiements avait été fixée au jour où la reprise des marchandises était intervenue.
1072
V. aussi ; Cass. com., 25 novembre 1997, n° 95-16.091, Bull. civ. IV, n° 301, D. 1998, AJ, p. 232, note J.
FRANCOIS; JCP G, 1998, I, 149, n° 6, obs. P. DELEBECQUE; Cass. com., 11 juillet 2000, n° 97-12.374, Bull. civ.
IV, n° 142, JCP E, 2000, p. 1708, n° 16, obs. Ph. DELEBECQUE.
1073
J.- D. BRETZNER, « La clause de réserve de propriété et les nullités de la période suspecte », Rev. Proc. Coll.
1997, p. 377 et s. sp. p. 379.
1074
F. PÉROCHON, La réserve de propriété dans la vente de meubles corporels, op. cit., n° 198 ; F. MACORIG-
VENIER, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, op. cit., p.57.
1075
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 823.51.
1076
Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-17.207, Inédit ; Gaz. Pal. 26- 28 avril 2009, n° 118, p. 30, obs. Ph.
ROUSSEL-GALLE.
333
Même s’il n’était pas question, dans cette affaire, de l'annulation d'une clause de réserve de
propriété constituée en période suspecte, la Cour de cassation a néanmoins précisé que la restitution
des marchandises impayées dont le vendeur était resté propriétaire, ne pouvait s'analyser comme un
procédé anormal de paiement soumis aux nullités de la période suspecte, en dépit de l'établissement
d'un avoir pour la régularisation comptable de l'opération.
820. Cependant, la position de la jurisprudence a bien évolué sur cette question. Sous l'empire
des législations antérieures, la Haute juridiction faisait une interprétation large du texte qui figure
aujourd'hui dans les dispositions de l'article L. 632-1, I, 6° du Code commerce. Elle avait, par
exemple, fait application de ce texte à la délégation de marché1077 et même à d'autres mécanismes à
effet de garantie 1078 , alors que ceux-ci n'étaient pas constitutifs de sûretés au sens strict. Cette
solution qui avait été critiquée par un auteur1079 est aujourd'hui abandonnée.
Ainsi, bien que l’ordonnance du 23 mars 2006 ait consacré la clause de réserve de propriété au rang
de sûreté 1080 , l'application stricte des dispositions de l'article L. 632-1, I, 6°, commande son
exclusion du champ des nullités de droit de la période suspecte. Cette solution vaut-elle aussi pour
la fiducie-sûreté ?
a-2-b)- La fiducie-sûreté
821. Le législateur fait tomber sous le coup des nullités de droit, tout transfert d’actifs dans un
patrimoine fiduciaire constitué en garantie des dettes antérieurement contractées. En effet, l'article
L. 632-1, I, 9° du Code de commerce déclare nul de droit, tout transfert de biens ou de droits dans
un patrimoine fiduciaire consenti par le débiteur en cessation des paiements, sauf s'il est accordé
pour garantir une dette concomitante. Faute de distinction, la nullité s'applique non seulement à la
fiducie-sûreté mais aussi à la fiducie-gestion. La fiducie-sûreté est donc, à ce jour, la seule sûreté
réelle exclusive expressément visée par le texte des nullités de droit.
822. Il s’est toutefois posé la question de savoir si toutes les fiducies-sûretés tombaient sous le
coup des nullités de droit.
La loi du 19 février 2007 avait, en instituant la fiducie-sûreté en droit français, considérablement
élargi le champ des nullités de droit. En effet, pour tenir compte de cette innovation, le législateur
avait modifié l'ancien article L. 632-1 du Code de commerce en y ajoutant un neuvième cas de
nullité. Etait donc déclaré nul, tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire en
application des articles 2011 et suivants du Code civil. Ce texte avait une portée très générale,
puisqu'il frappait de nullité toute fiducie avec création d’un patrimoine fiduciaire constituée à partir
1077
Cass. req., 11 avril 1945, JCP G, 1947, IV, n° 47.
1078
A. MARTIN-SERF « L’interprétation extensive des sûretés réelles en droit commercial », art. préc.,p. 677.
1079
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1489.
1080
Art. 2329 et 2367 et s. du Code civil.
334
de la date de cessation des paiements du débiteur. Peu importait donc le moment de la naissance de
la dette garantie, la seule constitution en période suspecte d'un transfert fiduciaire effectué
conformément aux articles 2011 et suivants du Code civil était suffisante pour frapper l'acte de
nullité.
Cette situation qui, selon un auteur1081, dépassait l'objectif des nullités de la période suspecte, ne
pouvait perdurer. Aussi, lors de la réforme du droit des procédures collectives intervenue peu après
avec l'ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur s'est ravisé. Désormais, le texte exclut du
champ des nullités de droit tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire
intervenu en garantie d'une dette concomitante. En revanche, sont concernés par la nullité, tous les
transferts fiduciaires constitués en garantie de dettes antérieurement contractées. Avec cette
modification, le législateur a aligné le régime des nullités de droit de la fiducie-sûreté sur celui des
autres sûretés réelles1082.
823. La nullité de la fiducie-sûreté en période suspecte est complétée par l'article L. 632-1, I,
10°, du Code de commerce qui vise tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou des
biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie des dettes contractées
antérieurement à cet avenant. Ce dixième cas de nullité vise le rechargement de la fiducie 1083 .
Par analogie avec la soumission de la fiducie-rechargeable au régime des nullités de la période
suspecte, certains auteurs avaient regretté que la même solution n'ait pas été prévue en présence
d'une hypothèque rechargeable 1084 , laquelle a été supprimée par la loi du 17 mars 2014 sur la
consommation.
En tout état de cause, comme pour tous les cas de nullité de droit, les avenants à un contrat de
fiducie transférant des droits ou des biens dans un patrimoine fiduciaire, en garantie des dettes
concomitantes ou futures, ne peuvent être frappés de nullité1085.
824. Par ailleurs, on peut s’interroger sur le fait de savoir si les nullités de droit s’appliquent
aux seules fiducies réalisant un transfert de droits ou de biens dans un patrimoine fiduciaire, ou si
elles peuvent également viser les autres opérations fiduciaires non régies par les dispositions du
1081
F. BARRERE, « La loi instituant la fiducie : entre équilibre et incohérence », JCP E, 2007, 2053, n° 27.
1082
A.-S. TEXIER, E. RUSSO, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté après l'ordonnance du 18 décembre
2008 et son décret d'application du 12 février 2009 », LPA, 2 mars 2009, n° 43, pp. 3 et s. sp. p. 8; F. MACORIG-
VENIER, C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Les créanciers dans l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant
réforme du droit des entreprises en difficulté », Rev. Proc. Coll. Rev., janvier 2009, n°1, dossier 9, p. 65 et s., sp. p. 72.
1083
A. LIÉNHARD, « Réforme du droit des entreprises en difficulté : présentation de l'ordonnance du 18 décembre
2008 », D. 2009, Chron. p. 110 et s. sp. 118 ; P. CROCQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés »,
Rev. Proc. Coll., janvier 2009, n° 1, dossier 10, p. 75.
1084
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, 9e éd., n° 1311 ; Sur l'ensemble de la question v. ; P.- M. LE CORRE,
Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 823.54 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H.
MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation judiciaires - Nullités des sûretés- Nullité des dépôts et consignations -
Nullité des mesures conservatoires - Nullité du contrat de fiducie », fasc. préc., n° 37.
1085
P. CROCQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés », art. préc., p. 79.
335
Code civil. La question s’est essentiellement posée pour la cession de créances professionnelles dite
cession Dailly.
L’article L. 313-24 du Code monétaire et financier précise que « Lorsqu’elle est effectuée à titre de
garantie et sans stipulation d’un prix, la cession de créances transfère au cessionnaire la propriété
de la créance cédée ». La cession Dailly est une forme particulière de fiducie1086. Elle permet en
effet de transférer la propriété des créances professionnelles à titre de garantie. Toutefois, à la
différence de la fiducie-sûreté régie par les articles 2011 et suivants du Code civil, elle n’emporte
pas création d’un patrimoine fiduciaire.
825. À la question de savoir si la cession Daily peut tomber sous le coup des nullités de droit
de la période suspecte, l’argumentation diffère selon que l’on se situe avant ou après la création du
9° de l’article L. 632-1, I du Code de commerce.
Avant la création d’un neuvième cas de nullité de droit relatif au transfert fiduciaire, il était admis,
en se fondant sur le principe « pas de nullité sans texte », que la cession de créance professionnelle
à titre de garantie n’étant pas expressément visée par le législateur, elle ne pouvait tomber sous le
coup des nullités de droit de la période suspecte1087. Ainsi, même constituée en période suspecte, la
garantie demeure valable. Par ailleurs, la cession de créance professionnelle n'étant pas considérée
comme un droit de nantissement sur un bien du débiteur, mais plutôt comme un transfert de la
propriété de la créance cédée, sa constitution en période suspecte pour la garantie de dettes
antérieures ne saurait donc tomber sous le coup des nullités de droit1088. Toutefois, il a pu être jugé
que lorsque la cession de créance professionnelle est constituée à titre de nantissement, elle tombe
sous le coup des nullités1089. Cette solution n'a cependant pas valeur d'autorité puisqu'il ne s'agit pas
d'un arrêt de la Cour de cassation.
Après la création d’un cas de nullité de droit relatif au transfert fiduciaire, l'interrogation provient
du fait que le législateur1090 avait supprimé la précision selon laquelle le transfert de biens ou de
droits devait être fait « en application des articles 2011 et suivants du Code civil ». Dès lors, il était
possible de penser que le texte avait vocation à s'appliquer à l'ensemble des fiducies et pas
seulement à celles régies par les dispositions du Code civil. Dans cette hypothèse, on pouvait
conclure que la cession de créances par bordereau Daily, en tant que transfert fiduciaire, tombait
également sous le coup des nullités de droit de la période suspecte.
1086
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1263.
1087
A. MARTIN-SERF, « Les nullités de la période suspecte, l'avis à tiers détenteur et la loi Dailly », Rev. Proc. Coll.,
décembre 2000, n° 5, pp.167 et s., sp, p. 170.
1088
Cass. com., 28 mai 1996, n° 94-10.361, Bull. civ. IV, n° 151; D. 1996, somm. p. 390, obs. S. PIÉDELIÈVRE; JCP
E 1997, I, 3991, n° 20, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE; RTD civ. 1996, p. 671, obs. P.CROCQ; RTD com.
1996, p. 508, obs. M. CABRILLAC ; RTD com. 1997, p. 517, obs. A. MARTIN-SERF.
1089
C.A. Paris, 3e ch. 9 juin 1995, Juris-Data n° 95-022109.
1090
Modification opérée par l’ordonnance du 18 décembre 2008.
336
Cependant, l’article L. 632-1, I, 9°, en évoquant un transfert de biens et de droits dans un
patrimoine fiduciaire, renvoie en réalité aux dispositions du Code civil et, donc, aux seules fiducies
régies par les articles 2011 et suivants dudit Code. Comme l’affirme un auteur, « la référence
fréquente à l'expression patrimoine fiduciaire semble bien renvoyer aux articles 2011 et suivants du
Code civil où l'expression est employé plusieurs fois et n'a de sens qu'à l'égard d'un patrimoine
d'affectation »1091. De ce fait, même si la cession Dailly réalise bien un transfert de propriété à titre
fiduciaire, il n'y a pas, en revanche, création d'un patrimoine fiduciaire1092. En conséquence, il n'y a
pas lieu de la soumettre aux dispositions de l'article L. 632-1, I, 9°. La cession de créances
Dailly1093 échappe donc aux nullités de droit de la période suspecte1094. La même solution a été
envisagée pour le gage-espèces 1095 et pour les opérations de marchés financiers dont la nature
fiduciaire ne fait non plus aucun doute1096.
826. Le texte relatif aux nullités de droit vise, en outre, les mesures conservatoires. L'article
L. 632-1, I, 7° du Code de commerce déclare nulle « toute mesure conservatoire à moins que
l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation des paiements ». Les mesures
conservatoires concernées par l'annulation sont, d'une part, les sûretés conservatoires et, d'autre part,
les saisies conservatoires1097. Seules les premières méritent qu'on s'y attarde brièvement.
827. Les sûretés conservatoires sont celles qui sont prises provisoirement sur autorisation
judiciaire. Il s’agit des hypothèques judiciaires conservatoires et du nantissement judiciaire
conservatoire, auxquels s’ajoutent, depuis la réforme des voies d’exécution 1098 , le nantissement
conservatoire de valeurs mobilières et de parts sociales, ou encore le nantissement judiciaire d’un
fonds de commerce. En revanche, la nullité de droit ne concerne pas les mesures d’exécution
forée1099. Le texte ne faisant aucune allusion aux sûretés réelles exclusives, celles-ci ne peuvent
donc être appréhendées au titre des mesures conservatoires visées par la nullité de droit.
828. En somme, lorsqu'il est question de la nullité de droit des sûretés réelles, c'est le principe
« pas de nullité sans texte » qui s'applique rigoureusement. Ainsi, le droit de rétention et la clause
de réserve de propriété n'étant pas expressément cités par l’article L. 632-1, I, ces sûretés échappent
1091
N. BORGA, « Regards sur les sûretés dans l'ordonnance du 18 décembre 2008 », Rev. drt. banc et fin., mai 2009, n°
3, étude 20, p.9.
1092
Ibid.
1093
Cass. com., 28 mai 1996, n° 94-10.361, arrêt préc.
1094
Il est toutefois possible d'attaquer la cession de créances par bordereau Dailly sur le terrain des nullités facultatives,
puisqu'il s'agit d'un acte à titre onéreux.
1095
Sur cette question v : S. BROS, « Gages sur sommes d'argent », Lamy droit des sûretés, n° 268.
1096
Cf. art. L. 211-40 du Code monétaire et financier et sur l’ensemnle de la question v : S. PRAICHEUX, Les sûretés
sur les marchés financiers, préf. A. GHOZI, Banque Edition, 2004,
1097
Sur cette question v. C. SAINT-ALARY-HOUIN et M.-H. MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation
judiciaires - Nullités des sûretés- Nullité des dépôts et consignations - Nullité des mesures conservatoires - Nullité du
contrat de fiducie », art. préc., fasc. 2508, ns° 77 et s.
1098
Ancienne loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution.
1099
V. par exemple Cass. com., 16 juin 1998, n° 96-17.050, Bull. civ. IV, n° 200 ; RTD com. 1999, p. 199, note A.
MARTIN-SERF.
337
aux nullités de droit de la période suspecte. La solution est revanche différente pour la fiducie-
sûreté.
L’examen des sûretés réelles visées par les nullités de droit étant effectué, déterminons à présent les
sûretés visées par les nullités facultatives.
829. Ce sont les articles L. 632-1-II et L. 632-2 du Code de commerce qui précisent le
domaine des nullités facultatives de la période suspecte. Les textes visent les paiements pour dettes
échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux
accomplis à compter de cette même date, lorsque ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu
connaissance de son état de cessation des paiements. Peuvent également être annulés, dans les
mêmes conditions, tout avis à tiers détenteurs, toute saisie attribution et toute opposition.
830. À la différence des nullités de droit, le prononcé d'une nullité facultative n'est pas
obligatoire. Le tribunal dispose en la matière d'une liberté d'appréciation. Aussi, il ne suffit pas que
les conditions de la nullité soient réunies, en l'occurrence la connaissance de l'état de cessation de
paiements du débiteur par son cocontractant, il faut encore que la nullité ait été prononcée par le
tribunal ayant décidé de l'ouverture de la procédure collective.
En outre, contrairement aux nullités de droit, le domaine des nullités facultatives peut être très
vaste. En effet, tous les actes visés par l'article L. 632-2, à savoir les paiements pour dettes échues,
les actes à titres onéreux et les mesures conservatoires et d'exécution peuvent être annulés, dès lors
que, la personne qui a traité avec le débiteur pendant la période suspecte, avait connaissance de
l'état de cessation des paiements de celui-ci.
831. Qu’en est-il de la constitution de sûretés ?
S'il est vrai que cet acte juridique ne peut être considéré comme une action en paiement, une saisie
attribution ou un avis à tiers détenteur, la difficulté ici provient de la détermination du caractère
onéreux de cet acte. Autrement dit, la constitution d'une sûreté réelle s'analyse-t-elle comme
l'accomplissement d'un acte à titre onéreux ? Pour y répondre, il faut au préalable définir ce qu'est
un acte à titre onéreux.
832. L'acte à titre onéreux est un acte juridique qui procure des avantages réciproques à
chacune des parties. C'est l’acte dans lequel chaque partie entend recevoir une prestation en
contrepartie de celle qu'elle fournit1100. Les contrats synallagmatiques sont par essence des actes à
titre onéreux ; par exemple dans le contrat de vente, l'acheteur paye un prix pour obtenir le bien,
tandis que le vendeur reçoit une somme d'argent en contrepartie.
1100
G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit., p. 705.
338
Cependant, à la différence d’un contrat synallagmatique, l’acte à titre onéreux, bien que procurant
des avantages pour chaque cocontractant, ne crée pas nécessairement des obligations juridiques
réciproques.
En règle générale, on oppose l'acte à titre onéreux à l'acte gratuit qui, lui, se définit comme l’acte
juridique par lequel une personne fournit sans contrepartie un avantage à une autre dans l’intention
de lui rendre service ou dans une intention libérale1101. C’est par exemple le cas des donations ou
des remises de dettes.
833. La jurisprudence considère que la constitution de sûretés réelles traditionnelles par le
débiteur, au cours de la période suspecte, s'analyse comme un acte à titre onéreux. Ainsi, les sûretés
réelles qui échappent aux nullités de droit, parce qu'elles garantissent des dettes concomitantes ou
postérieures peuvent être annulées sur le fondement des nullités facultatives, dès lors que le
cocontractant a eu connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur. Tel a été, par
exemple, le cas pour la constitution d’une hypothèque judiciaire1102 ou conventionnelle1103.
834. La même solution est-elle transposable aux sûretés réelles exclusives ? Autrement dit, le
débiteur qui constitue une sûreté réelle exclusive effectue-t-il un acte à titre onéreux ? La réponse
varie en fonction de la sûreté exclusive mise en cause. Si pour les propriétés-sûretés (b-1) la réponse
affirmative ne fait aucun doute, en revanche, la solution est plus nuancée lorsqu'il est question du
droit de rétention (b-2).
Nous verrons ce qu’il en est pour la réserve de propriété (b-1-a), puis pour la fiducie-sûreté (b-1-b)
835. La clause de réserve de propriété suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet
paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie1104. Mais la clause de réserve de propriété
ne peut exister indépendamment d'un contrat. On la retrouve le plus souvent dans les contrats de
vente. Ainsi, le vendeur se réserve la propriété du bien vendu jusqu'au complet paiement du prix par
l'acheteur.
Si on s'en tient à la définition de l'acte à titre onéreux, la clause de réserve de propriété correspond
bien à cette catégorie d'acte juridique. En effet, celui qui stipule cette clause se réserve la propriété
du bien, alors que l'autre partie se voit attribuer le bien en sa possession : il peut ainsi en faire usage.
Il peut par ailleurs bénéficier d’un crédit ou des délais de paiement. Dans tous les cas, la
1101
Ibid.
1102
Cass. com., 27 février 1961, Bull. civ. 1961, n° 107.
1103
Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-10.413, Inédit; Rev. Proc. Coll. 2002, p. 281, obs. G. BLANC
1104
Art. 2367 du Code civil.
339
constitution d'une clause de réserve de propriété n’est pas un acte à titre gratuit ; il s'agit donc d'un
acte à titre onéreux.
b-1-b) La fiducie-sûreté
836. La fiducie telle que définie par l'article 2011 du Code civil, est l'opération en vertu de
laquelle une personne, le constituant, transfère des biens, des droits ou des sûretés à une autre
personne, le fiduciaire qui, les tenant séparés de son patrimoine personnel, agit dans un but
déterminé au profit du bénéficiaire. Comme la clause de réserve de propriété, la constitution d'une
fiducie-sûreté procure des avantages réciproques à chacune des parties à l'acte. Le constituant de la
fiducie bénéficie d’un crédit en contrepartie du transfert de ses actifs, tandis que le fiduciaire se voit
attribuer la propriété temporaire des actifs cédés. En effet, le transfert de propriété ne sera définitif
qu'en cas d'inexécution de ses engagements par le débiteur-constituant. La constitution d'une
fiducie-sûreté est donc également un acte à titre onéreux.
Il en est de même pour la Cession Dailly. Considérée comme un acte à titre onéreux, par opposition
à l’acte à titre gratuit, elle pourrait tomber sous le coup des nullités facultatives si le cocontractant
connaît l’état de cessation des paiements du débiteur1105.
837. Tout compte fait, la constitution des propriétés-sûretés étant constitutive d'acte à titre
onéreux, la clause de réserve de propriété et la fiducie-sûreté peuvent tomber sous le coup des
nullités facultatives. D'ailleurs, une juridiction de fond a implicitement admis la nullité facultative
de la clause de réserve de propriété. En effet, dans un arrêt du 3 mars 1987 rendu par la cour d'appel
d'Amiens1106, les juges avaient débouté le demandeur au seul motif qu'il n'était pas établi que le
vendeur avait eu connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur.
Un raisonnement a contrario pourrait donc laisser penser que, si le vendeur avait eu connaissance de
cet état de cessation des paiements, la cour d’appel aurait prononcé la nullité de la clause de réserve
de propriété. Mais en l'absence de décision rendue par la Cour de cassation, le débat reste ouvert.
Qu'en est-il du droit de rétention ?
838. Le droit de rétention est la faculté reconnue à un créancier qui détient un bien de son
débiteur, d'en refuser la restitution jusqu'au complet paiement de sa créance.
Il faut ici déterminer si la constitution d'un droit de rétention relève de l'accomplissement d'un acte à
titre onéreux. Ce problème nous amène à remarquer que, contrairement à la constitution des
propriétés-sûretés, l'exercice d'un droit de rétention ne suppose pas nécessairement la conclusion
1105
A. MARTIN-SERF, « Les nullités de la période suspecte, l'avis à tiers détenteur et la loi Dailly », art. préc., p. 171.
1106
CA Amiens, 3 mars 1987, dans Rev. Proc. Coll., 1989, pp. 72-73.
340
d'un contrat entre le rétenteur du bien et le propriétaire. Le droit de rétention repose sur l'existence
d'un lien de connexité entre la détention du bien et la créance garantie. Cette connexité peut être
juridique, matérielle ou conventionnelle.
839. La connexité est juridique lorsque la détention du bien et la créance garantie résultent
d'un même rapport juridique. L'article 2286, 2° du Code civil limite cette possibilité à l'hypothèse
où le droit de rétention résulte d'une obligation de délivrance. C'est par exemple le cas d'un
commissaire aux comptes impayé qui retiendrait des documents comptables.
La connexité est dite matérielle lorsque la créance est née à l'occasion de la rétention de la chose.
C'est le cas lorsque le droit de rétention résulte d'une dépense ou d'un travail afférent à la chose
retenue. Il en est ainsi d'un séquestre qui retient le bien pour lequel il a exposé, dans l'intérêt des
parties, des frais de garde et de conservation.
Enfin, la connexité est conventionnelle lorsqu'un débiteur, voulant garantir le paiement d'une
créance, remet volontairement la chose à son créancier jusqu'au complet paiement de la dette. C'est
le cas lorsqu'un concédant se fait remettre les papiers d'un véhicule et empêche sa mise en
circulation. C'est dans cette dernière situation que le droit de rétention résulte directement d'un
accord de volonté entre le créancier rétenteur et son débiteur. Ce contrat qui donne naissance au
droit de rétention peut prendre la qualification d'acte à titre onéreux, puisque chacune des parties y
trouve un avantage. Le créancier a le droit de retenir la chose jusqu'au complet paiement, tandis que
le débiteur peut obtenir du crédit ou des délais de paiement.
840. En définitive, c’est lorsque le droit de rétention repose sur un lien de connexité
conventionnelle qu’il trouve sa source dans la signature d’un contrat entre le créancier et le
débiteur. Dans cette situation, on peut y voir l’accomplissement par le débiteur d’un acte titre
onéreux. Cette solution n'est cependant pas transposable lorsque le droit de rétention repose sur un
lien de connexité juridique ou matériel. En effet, dans ces hypothèses, le droit de rétention ne
résulte pas directement d'un accord de volonté entre le créancier rétenteur et le débiteur. Il y a donc
lieu de considérer que la naissance du droit de rétention ne relève pas de l'accomplissement par le
débiteur d'un acte à titre onéreux. En conséquence, le droit de rétention ne peut tomber sous le coup
des nullités facultatives que lorsqu'il résulte d'une connexité conventionnelle.
841. La constitution de certaines sûretés réelles exclusives relevant bien de l'accomplissement
d'un acte à titre onéreux, il faut considérer que lorsque ces sûretés sont constituées au cours de la
période suspecte, elles peuvent, en application des dispositions de l’article L. 632-2, être
appréhendées par les nullités facultatives.
Le champ d'application des sanctions de la période suspecte en droit français ayant été déterminé, il
convient, à présent, de s'intéresser au droit OHADA.
341
2- Le domaine des inopposabilités de la période suspecte en droit OHADA
842. La question qui se pose ici est la même qu’en droit français : les sûretés réelles
exclusives sont-elles visées par les inopposabilités de la période suspecte ? Comme en droit
français, il existe, en droit OHADA, deux catégories d'inopposabilités : les inopposabilités de droit
(a) et les inopposabilités facultatives (b).
843. L’article 68 de l'AUPC est le siège des inopposabilités de droit. Plusieurs actes sont visés
par les inopposabilités. Il s’agit de : la transmission à titre gratuit, les paiements des dettes non
échues, les paiements des dettes échues faits par tout procédé autre que les espèces, les contrats
commutatifs déséquilibrés, la constitution des sûretés réelles conventionnelles pour des dettes
antérieures et, enfin, l'inscription provisoire des sûretés judiciaires conservatoires. Seules, les deux
dernières catégories d'actes retiendront notre attention.
844. Le 5° de l'article 68 de l'AUPC déclare inopposable de droit « toute sûreté réelle
conventionnelle constituée à titre de garantie d’une dette antérieurement contractée, à moins
qu’elle ne remplace une sûreté antérieure d’une nature et d’une étendue au moins équivalente ou
qu’elle soit consentie en exécution d’une convention antérieure à la cessation des paiements ».
Ce texte, modifié par la réforme de l’AUPC, vise toutes les sûretés réelles conventionnelles 1107.
Par cette formule large, le législateur communautaire africain, qui a voulu tenir compte de la
réforme de l’AUS, élargit considérablement le domaine des inopposabilités de droit. Ainsi,
contrairement aux droit français, en droit OHADA, toutes les sûretés, y comprises les sûretés réelles
exclusives constituées conventionnellement entre le débiteur et le créancier, peuvent être
appréhendées par les inopposabilités de droit. Toutefois, en visant expressément les sûretés
conventionnelles, le texte permet d’exclure du champ des inopposabilités de droit, la constitution
d’un droit de rétention reposant sur une connexité juridique ou matérielle.
Les nouvelles dispositions de l’article 68, 5° de l’AUPC, permettent donc de faire entrer dans le
champ des inopposabilités de droit, toute constitution d’une réserve de propriété, d’un transfert
fiduciaire de somme d’argent ou d’un droit de rétention reposant sur une connexité conventionnelle.
Toutes les sûretés réelles exclusives sont désormais visées par l’inopposabilité de droit.
845. Quant au point 6° de l’article 68 de l’AUPC, il vise « toute inscription provisoire
d'hypothèque judiciaire conservatoire ou de nantissement judiciaire conservatoire ». Ce texte
1107
L’article 68, 5° de l’ancien AUPC prévoyait que « toute hypothèque conventionnelle ou nantissement
conventionnel, toute constitution de gage, consentie sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ».
Avant la réforme, le texte procédait à une énumération des sûretés réelles expressément visées par les inopposabilités de
droit. L’absence de mention des sûretés réelles exclusives permettaient donc de les exclure. Avec la réforme, la
situation n’est plus la même.
342
interdit donc l’inscription provisoire des sûretés au cours de la période suspecte. Il s’applique
uniquement aux nantissements et aux hypothèques judiciaires. Les sûretés réelles exclusives en sont
formellement exclues. Ainsi, en droit OHADA, les sûretés réelles exclusives ne peuvent tomber
sous le coup des inopposabilités de droit en application du 6° de l’article 68 de l’AUPC, mais plutôt
du 5° du même article.
Qu'en est-il des inopposabilités facultatives ?
846. Le texte de référence ici est l'article 69 de l'AUPC. Il énumère les actes qui peuvent, sous
certaines conditions, être frappés d'inopposabilité. Parmi ces actes on retrouve « les actes à titre
onéreux si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements du
débiteur au moment de leur conclusion ».
Comme l’article 68, l’article 69 de l’AUPC a considérablement été modifié. En effet, avant la
réforme, le texte visait non seulement les « inscriptions des sûretés réelles mobilières ou
immobilières, consenties ou obtenues pour des dettes concomitantes lorsque leur bénéficiaire a eu
connaissance de la cessation des paiements du débiteur » (2°) et « les actes à titre onéreux si ceux
qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements du débiteur au
moment de leur conclusion » (3°). Le législateur communautaire africain a supprimé les inscriptions
des sûretés des actes pouvant tomber sous le coup des inopposabilités facultatives. De cette
manière, le droit OHADA s’aligne sur le modèle du droit français. Ainsi, le nouveau texte vise, de
façon plus générale, la conclusion d’actes à titres onéreux.
847. La question qui se pose ici est donc de déterminer si la constitution des sûretés réelles
exclusives peut être considérée comme l'accomplissement d'un acte à titre onéreux.
Nous l'avons dit, les actes à titre onéreux sont, par opposition aux actes à titre gratuit, ceux qui
offrent des avantages à chacune des parties. Or, la constitution de toute sûreté est par essence
destinée à produire des avantages réciproques à l'égard des parties. De ce fait, nous pensons que les
solutions qui ont été envisagées en droit français devraient pouvoir s'appliquer au droit OHADA.
La constitution des sûretés réelles exclusives serait donc bien constitutive d'un acte à titre onéreux.
Le doute est toutefois permis dans l'hypothèse d'un droit de rétention fondé sur une connexité
juridique ou matérielle1108.
848. En définitive, le domaine des sanctions de la période suspecte varie en fonction des
législations. En droit français, les sûretés réelles exclusives peuvent surtout être concernées par les
nullités facultatives dans la mesure où la constitution d'une sûreté s'analyse souvent comme un acte
à titre onéreux. Au contraire, n’étant pas expressément citées par l’article L. 632-1-I du Code de
1108
V. l'analyse faite pour le droit français (ns° 834 et s.)
343
commerce, les sûretés réelles exclusives sont moins exposées aux nullités de droit ; seule la fiducie-
sûreté n’y échappe pas. En revanche, en droit OHADA, elles peuvent être, depuis la réforme de
l’AUPC, appréhendées aussi bien par les inopposabilités de droit que par les inopposabilités
facultatives.
Nous venons ainsi de déterminer le domaine des sanctions de la période suspecte, intéressons-nous
à présent à leur mise en œuvre.
850. La mise en œuvre des nullités de la période suspecte est soumise à la réunion des
conditions générales. Celles-ci s'appliquent aussi bien aux nullités de droit qu'aux nullités
facultatives. Cependant, ces conditions n’étant pas spécifiques aux sûretés réelles exclusives, il ne
sera pas question de les analyser en profondeur.
Pour être annulé, l'acte litigieux doit avoir été réalisé au cours de la période suspecte.
La période suspecte, rappelons-le, c'est l'intervalle temps qui va de la date de cessation des
paiements au jour du jugement d'ouverture. L'acte incriminé doit donc avoir été fait avant le
jugement d'ouverture de la procédure et depuis la date de la cessation des paiements 1109 . Par
principe, il s'agit du jugement ouvrant une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
La procédure de sauvegarde étant ouverte en l'absence de toute cessation des paiements, elle ne
donne pas naissance à une période suspecte. L'existence d'une période suspecte est donc
subordonnée à la fixation d'une date de cessation des paiements.
851. C’est cette date qui marque le point de départ de la période suspecte. Il résulte des
dispositions de l’article L. 631-8 du Code de commerce que « Le tribunal fixe la date de cessation
des paiements. À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être
1109
P. DIENER, « Du caractère suspect de l'absence de l'absence de période suspecte », art. préc; G. WICKER, « La
période suspecte après la loi de sauvegarde des entreprises », art. préc.
344
intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure ». L'alinéa 2 du même article précise
que la date de cessation des paiements « peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être
antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure ».
Il appartient donc à la juridiction qui prononce l'ouverture de la procédure collective de fixer une
date de cessation des paiements. Celle-ci peut résulter d'une fixation initiale ou d'un report de date.
852. Pour qu’un acte soit annulé, il faut encore que la nullité ait été demandée. L'action en
nullité est une action attitrée. Elle ne peut être exercée que par les organes expressément prévus par
la loi. C'est l'article L. 632-4 du Code de commerce qui détermine la liste des organes compétents. Il
s'agit de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan1110 ou du
ministère public 1111 . La loi ne cite plus le liquidateur pourtant ce dernier demeure le principal
demandeur des actions en nullité1112. En cas de carence du mandataire judiciaire, un contrôleur peut,
en application de l'article L. 622-20, alinéa 1er, exercer l'action en nullité puisqu'il agit dans l'intérêt
collectif des créanciers1113. En revanche, ni le débiteur1114 ni ses créanciers1115 n'ont qualité pour
agir.
Il a été jugé que l'action en nullité n'est enfermée dans aucun délai. Elle peut être exercée tant que
ses titulaires sont en fonction1116.
Ce bref exposé sur les conditions générales effectué, examinons à présent les conditions spécifiques
à chaque catégorie de nullités, à savoir les nullités de droit (a) et les nullités facultatives (b).
853. Il existe des conditions spécifiques à chacun des actes visés par la nullité de droit. Mais,
conformément à l'objet de notre étude, seules celles relatives à la nullité des sûretés seront ici
analysées.
Aux termes de l'article L. 632-1 ci-dessus cité, la sûreté doit, pour être annulée, avoir été constituée
pendant la période suspecte pour garantir une dette antérieurement contractée. Il existe donc deux
conditions posées pour la nullité de droit des sûretés : la constitution au cours de la période suspecte
et l'antériorité de la dette.
1110
Cass. com., 15 octobre 2013, n° 12-23.966, Inédit ; V. aussi, P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique
des procédures collectives, op. cit., n° 822.11
1111
Sur la compétence du ministère public v. F. VINCKEL, « Le nouveau régime de la période suspecte dans la loi n°
2005-845 du 26 juillet 2005 et le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 : une réforme en trompe œil », JCP E,
2006, 1118, n° 15.
1112
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1469. L'auteur explique que dans la liquidation, le liquidateur
peut exercer l'action nullité puisqu'il a vocation à poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire
judiciaire.
1113
En sens contraire v. F. VINCKEL, « Le nouveau régime de la période suspecte dans la loi n° 2005-845 du 26 juillet
2005 et le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 : une réforme en trompe œil », art. préc. L'auteur estime que cette
action dépasse le cadre de la seule défense des intérêts des créanciers.
1114
Cass. com., 12 juin 2001, n° 98-19.873; Bull. civ. IV, n° 115; D. 2001, AJ. p. 2034, obs. A. LIÉNHARD.
1115
Cass. com., 6 mai 1997, n° 94-16.133; Bull. civ. IV, n° 120; D. 1997, somm. p. 313, obs. A. HONORAT.
1116
Cass. com., 21 septembre 2010, n° 08-21.030, Bull. civ. IV, n° 140 ; D. 2010, AJ. p. 2221, note A. LIÉNHARD.
345
854. Comme nous l’avons précédemment démontré, la fiducie-sûreté est la seule sûreté réelle
exclusive pouvant être appréhendée par les nullités de droit de la période suspecte. Aussi, comme
les autres sûretés, elle doit remplir la double condition d'une constitution au cours de la période
suspecte (a-1) en vue de garantir une dette antérieure (a-2).
855. Pour être annulée, la fiducie doit avoir été constituée entre la date fixée pour la cessation
des paiements et le jugement d'ouverture ou de conversion de la procédure collective1117.
La constitution renvoie aux conditions de validité et non aux conditions d'opposabilité d'un acte. En
effet, des auteurs1118 affirment que les formalités d'inscription ou de signification n'ont pour but que
de rendre la sûreté opposable aux tiers. Ainsi, la date à prendre en considération est celle de la
constitution de la sûreté et non celle de son inscription ou de sa publicité.
Mais dans le cadre d'un contrat de fiducie régi par les articles 2011 et suivants du Code civil,
l'enregistrement et la publicité foncière1119 sont des formalités exigées, à peine de nullité. Il ne s'agit
donc pas ici de simple condition d'opposabilité. Lorsqu'elle porte sur des créances, la fiducie est
opposable aux tiers à la date de l’acte qui la constate. Elle est en revanche opposable au débiteur de
la créance cédée à compter de la notification faite par le cédant ou le fiduciaire1120. Ainsi, pour
annuler la fiducie, il faut déterminer à partir de quand celle-ci est valablement constituée.
856. Cependant, l'article L. 632-1-I du Code de commerce ne déclare nul que « tout transfert
de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire ». La nullité ne vise donc pas spécialement le
contrat de fiducie, mais le transfert des biens ou droits dans le patrimoine fiduciaire. En
conséquence, la date à prendre en considération ici n'est pas celle de la conclusion du contrat de
fiducie, mais plutôt celle du transfert des actifs.
857. Dès lors, se pose la question du moment du transfert fiduciaire. À quel moment les biens
et les droits sont-ils transférés dans le patrimoine d'affectation ? À partir de quand la propriété des
actifs est-elle temporairement transmise au fiduciaire ? Cette question soulève le problème de la
détermination de la nature du contrat de fiducie : s'agit-il d'un contrat consensuel, réel ou solennel ?
858. Le contrat de fiducie obéit à un formalisme rigide. La validité de la fiducie dépend de
l'accomplissement de certaines formalités exigées à peine de nullité. En effet, aux termes de l'article
2018 du Code civil, la fiducie doit être constatée dans un écrit qui doit, à peine de nullité, comporter
des mentions obligatoires. Parmi ces mentions, le législateur cite notamment la durée du transfert.
1117
Lorsqu'une procédure de sauvegarde est convertie en redressement ou en liquidation judiciaire.
1118
C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation judiciaires - Nullités des
sûretés- Nullité des dépôts et consignations - Nullité des mesures conservatoires - Nullité du contrat de fiducie », art.
fasc. préc., n° 12.
1119
Art. 2019 et 2020 du Code civil.
1120
Art. 2018-2 du Code civil
346
L'opération de la fiducie résulte donc d'un contrat solennel. Ainsi, le seul échange des
consentements ou encore la remise des actifs transférés ne suffit pas à rendre la fiducie valable entre
les parties. Le transfert des actifs, dans le patrimoine d'affectation, n'interviendra donc qu'après que
toutes les formalités exigées à peine de nullité auront été effectuées.
859. La date à prendre en considération n'est donc pas celle de la conclusion du contrat de
fiducie, ni même celle du transfert définitif de la propriété des actifs au bénéficiaire. C'est la date à
laquelle le fiduciaire devient le propriétaire – même à titre provisoire – des actifs transférés, qui
constitue le point de repère. C'est à cette date-là qu'il y a lieu de se situer pour juger de la nullité du
transfert fiduciaire, peu important qu'il soit ou non assorti d'une dépossession du constituant.
Si le transfert des actifs a eu lieu au cours de la période suspecte, la fiducie revêt alors un caractère
annulable. En revanche, si le transfert a eu lieu avant toute cessation des paiements, la fiducie
échappe aux nullités de droit de la période suspecte.
860. Dans les cas de nullité, le législateur vise également les avenants au contrat de fiducie.
En effet, l'article L. 631-1, 10° du Code de commerce déclare nul « tout avenant à un contrat de
fiducie affectant des biens ou des droits déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie
des dettes contractées antérieurement à cet avenant ». Par cette disposition, le législateur a pris en
considération la fiducie-rechargeable. Ainsi, au moyen d'une convention de rechargement, le
constituant peut garantir des créances autres que celles initialement visées dans le contrat de fiducie.
S'agissant de la nullité de ces avenants, il y a lieu de préciser qu'à la différence de ce qui se fait pour
la nullité du transfert fiduciaire, la date à prendre en considération ici n'est pas celle du transfert,
mais plutôt celle de la modification du contrat de fiducie. En outre, la nullité des avenants suppose
qu'un contrat de fiducie ait été conclu et que, par la suite, l'avenant à ce contrat intervienne en
période suspecte. La nullité résulte alors d'une modification intervenue au cours de la période
suspecte, peu important que le contrat de fiducie ait été conclu avant ou au cours de la période
suspecte.
Cependant, comme, le contrat de fiducie lui-même, ses avenants sont soumis à la formalité de
l'enregistrement. Ainsi, la convention de rechargement ou l'avenant de la fiducie doit, en fonction de
la nature des biens sur lesquels il porte, être enregistré ou publié. Cette formalité est exigée à peine
de nullité1121.
861. En définitive, c'est la constitution d'une sûreté au cours de la période suspecte qui va ici
poser problème. A contrario, il a donc été jugé que la sûreté constituée en période suspecte, en
substitution d'une garantie préexistante, échappe à la nullité de droit, dans la mesure où la sûreté
1121
Art. 2488-2 du Code civil.
347
initiale a été constituée avant la période suspecte1122. Mais il faut encore que la nouvelle sûreté ne
confère pas aux créanciers des garanties supplémentaires et qu'elle ne porte pas atteinte aux droits
des autres créanciers1123.
Toutefois, la fiducie-sûreté n'est pas annulée au seul motif de sa constitution en période suspecte.
Il faut encore qu'elle soit constituée pour garantir une dette antérieurement contractée
862. Pour annuler une sûreté du fait de la période suspecte, il faut que la dette dont elle
garantit le paiement lui soit antérieure. Dans cette hypothèse, la constitution de la sûreté garantit
une dette préexistante. C'est ce qui constitue le fondement de la nullité de droit, puisqu'il y a une
rupture du principe d'égalité. En effet, un des créanciers se voit attribuer une cause légitime de
préférence, alors que le débiteur se trouve dans une situation critique. L'antériorité de la dette par
rapport à la sûreté est donc une condition expressément exigée par l'article L. 632-1-I, 6° du Code
de commerce, qui proclame la nullité des sûretés pour des dettes antérieurement contractées 1124.
La sûreté constituée dans l'acte de prêt échappe ainsi à la nullité de droit, puisque sa constitution
n'est pas postérieure à la dette1125. Dans certains cas, il en est de même pour la sûreté prise en
garantie du solde débiteur d'un compte-courant1126.
Echappent également aux nullités de droit les sûretés consenties pour des dettes concomitantes ou
futures 1127 . Mais si la sûreté garantit à la fois des dettes antérieures et des dettes futures ou
concomitantes, la juridiction doit prononcer la nullité partielle et n'annuler la sûreté qu’en ce qu'elle
garantit des dettes antérieures.
863. Au sujet de la fiducie, cette condition est implicitement posée par l'article, L. 632-1-I, 9 °
du Code de commerce, qui énonce que la nullité frappe tout transfert de biens ou de droits dans un
patrimoine fiduciaire, « à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette
concomitamment contractée ». En revanche, pour l'avenant au contrat de fiducie, le législateur fait
clairement référence à « la garantie des dettes contractées antérieurement à cet avenant » (L. 632-
1-I, 10° du Code de commerce).
1122
Cass. com., 20 janvier 1998, n° 95-16.402, Bull. civ. IV, n° 28. La solution a été posée pour le privilège du prêteur
de deniers, remplacé par une hypothèque.
1123
Cass. com., 20 janvier 1998, n° 95-16.402, arrêt préc; D. Aff. 1998, p. 254, obs. A. LIÉNHARD ; D. 1998, somm. p.
380, obs. S. PIÉDELIÈVRE.
1124
La jurisprudence veille au respect de cette condition : V. par exemple, Cass. com., 22 juin 1970, n° 69-11.569 ; Bull.
civ. IV, n° 213; CA Angers, 1re Ch. B, 9 mars 1987; Rev. Proc. Coll. 1988, p. 78, obs. GUYON.
1125
Cass. com., 2 octobre 2007, n° 06-14.682, Inédit ; Gaz. Proc. Coll. 2008/1, p. 60, note R. ROUTIER.
1126
Sur la question du solde d'un compte courant ; V. P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des
procédures collectives, op. cit., n° 823.52 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et
liquidation judiciaires - Nullités des sûretés- Nullité des dépôts et consignations - Nullité des mesures conservatoires -
Nullité du contrat de fiducie », fasc. préc., ns° 39 et s.
1127
CA Montpellier, 11 décembre 1952; Gaz. Pal. 1953, I, p. 143.
348
Ainsi, pour être annulés, le transfert des biens ou droits dans un patrimoine fiduciaire et l'avenant au
contrat de fiducie, constitués en période suspecte, doivent être postérieurs à la dette garantie. La
date à prendre en considération ici est celle de la naissance de la dette (a-2-a). Cela amène à
déterminer le moment de la contraction de la créance avant de procéder à une confrontation entre
les deux dates (a-2-b)
864. La date de naissance de la créance est celle à laquelle la créance a été régulièrement
contractée. Pour une partie de la doctrine 1128 , la détermination de cette date soulève le double
problème de la charge (a-2-a-1) et de l'objet de la preuve (a-2-a-2).
1128
C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation judiciaires - Nullités des
sûretés- Nullité des dépôts et consignations - Nullité des mesures conservatoires - Nullité du contrat de fiducie », fasc.
préc., ns° 25 et s.
1129
CA Paris, 10 janvier 1984, JurisData, n°1984-020383.
1130
Cass. com., 28 janvier 1997, n° 94-20.554, Bull. civ. IV, n° 35; JCP E, 1997, II, 935, rapp. J.-P. REMERY; JCP E,
1997, I, 651, n° 6, obs. M. CABRILLAC; D. Aff. 1997, p. 382.
349
Le doute est cependant permis dans l'hypothèse d'un contrat de prêt1131. Enfin, si la dette a pour
origine un contrat solennel comme la fiducie, le demandeur de l'action doit prouver que toutes les
formalités exigées à peine de nullité ont été correctement exécutées.
La source de la dette peut également être délictuelle ou quasi délictuelle. Dans cette hypothèse, la
sûreté n'en sera pas moins annulable dès l'instant où la date de naissance de la dette délictuelle ou
quasi-délictuelle est antérieure à celle de sa constitution1132.
867. S'agissant d'une dette conditionnelle, la jurisprudence considère que la sûreté qui la
garantit sera nulle dès lors qu'elle a été consentie au cours de la période suspecte, même si la
condition se réalise postérieurement à sa constitution1133.
Il a par ailleurs été jugé que lorsqu'une obligation préexistante fait l'objet d'une novation 1134 au
cours de la période suspecte, et qu'aux termes de cette novation le débiteur constitue une sûreté pour
garantir la nouvelle dette, cette sûreté échappe au jeu des nullités de la période suspecte car elle doit
être considérée comme contemporaine de la dette 1135 , sauf dans l'hypothèse d'une novation
frauduleuse1136.
En définitive, lorsque la juridiction a bien pris soin de déterminer les dates respectives de
constitution de la sûreté et de naissance de la créance, le prononcé de la nullité résulte d'une
confrontation entre ces deux dates.
868. La sûreté ne sera entachée de nullité que si constituée en période suspecte, elle est
postérieure à la dette. En effet, la créance doit avoir pris naissance avant la constitution de la sûreté,
peu important que la créance elle-même, soit contractée au cours de la période suspecte.
Ainsi, pour revenir à la nullité de la fiducie, celle-ci ne sera prononcée que si le transfert des droits
ou biens dans un patrimoine fiduciaire ou l'avenant au contrat de fiducie a eu lieu après la date de
naissance de la dette garantie. En revanche, la concomitance entre la constitution de la sûreté et la
naissance de la créance n'entraîne pas la nullité de droit de la sûreté. Echappent ainsi aux nullités de
droit les sûretés prises pour garantir des dettes concomitantes ou postérieures.
1131
La nature du contrat de prêt est incertaine en doctrine V. par exemple F. COLLART-DUTILLEUL et Ph.
DELEBECQUE, Contrats civil et commerciaux, Dalloz, 9e éd., 2011, n° 842. Ces auteurs refusent la qualification de
contrat réel au prêt.
1132
CA Rouen, 16 mars 1878, S. 1880, 2, p. 53
1133
CA Orléans, 7 avril 1954, RTD com. 1954, p. 708.
1134
La novation c'est la substitution à une obligation qu'on éteint, d'une obligation qu'on crée nouvelle, par rapport à
l'ancienne qu'elle est destinée à remplacer, par changement de débiteur, de créancier, d'objet ou de cause.
1135
CA Orléans, 16 juin1852, DP. 1854, 2, p. 222.
1136
Cass. req., 17 mars 1873, DP. 1874, 1, p. 371; Cass. req., 7 janvier 1879, DP. 1879, 1, p. 286; Cass. civ., 24 juin
1903, DP. 1903, 1, p. 472.
350
Cette solution n'est toutefois pas transposable dans le cadre des nullités facultatives.
869. Ce sont les articles L. 632-1-II et L. 632-2 du Code de commerce qui énumèrent les
différentes catégories d'actes pouvant, du fait de leur constitution au cours de la période suspecte,
être facultativement annulés.
Comme nous l'avons précédemment démontré, toutes les sûretés réelles exclusives, à l'exception du
droit de rétention résultant d'une connexité matérielle ou juridique, peuvent tomber sous le coup des
nullités facultatives. Contrairement aux nullités de droit, ce n'est pas le caractère frauduleux de
l'acte qui est ici sanctionné, mais les conditions qui entourent la conclusion de cet acte. Le tiers qui
traite avec le débiteur est au courant de son état de cessation des paiements. Ainsi, il n'existe pas,
pour les nullités facultatives, des conditions d'annulation spécifiques à chaque acte. Le prononcé
d'une nullité est soumis à la connaissance, par le cocontractant du débiteur, de l'état de cessation des
paiements de ce dernier1137 (b-1). À cette condition, s’ajoute la liberté d’appréciation du tribunal (b-
2).
1137
Cass. com., 16 février 1993, n° 91-11.235, Bull. civ. IV, n° 62; JCP E 1993, I, 277, n ° 9, obs. M. CABRILLAC et
Ph. PÉTEL ; Cass. com., 24 octobre 1995, n° 94-10.399, Bull. civ. IV, n° 250 ; D. 1996, p. 86, note F. DERRIDA;
1138
Cass. com., 26 octobre 1999, n° 97-14.430, Inédit ; Act. Proc. Coll. 2000/4, p° 41.
1139
CA Montpellier, 8 novembre 2005, Rev. Proc. Coll. 2007/4, p. 229, obs. G. BLANC.
1140
Il en est ainsi du conjoint du débiteur; v. CA Rennes, 2e ch., 5 juillet 1981, Juris-Data, n° 040527.
1141
C'est le cas d'un président directeur général de la société débitrice qui est également le dirigeant des sociétés
créancières et qui maitrisait les comptes des trois sociétés ; V. Cass. com., 16 février 1993, n° 91-11.235, arrêt préc ; ou
encore d'un administrateur de société réputé connaître les difficultés de l'entreprise; V. CA Douai, 30 novembre 1989,
Rev. Proc. Coll. 1992, p. 68, obs. Y. GUYON.
351
871. Par ailleurs, le demandeur à l'action doit prouver que le cocontractant était au courant, au
moment de la réalisation du paiement ou de la conclusion de l'acte à titre onéreux 1142 , de
l’insolvabilité du débiteur. Ainsi, on peut considérer, s’agissant des sûretés en générale, que la
connaissance de l’état de cessation des paiements doit exister au moment de leur constitution. De ce
fait, les conventions-cadres de cession de créances professionnelles échappent à la nullité de l'article
L. 632-2 du Code de commerce, puisque le contrat a été conclu antérieurement à la cessation des
paiements et que seule l'exécution s'est faite pendant la période suspecte 1143 . Ainsi, une
connaissance postérieure à la conclusion de l'acte n'est pas suffisante pour faire annuler un acte. En
revanche, une connaissance antérieure l'est parfaitement.
Quoi qu'il en soit, la connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur ne peut être
présumée, elle doit absolument être prouvée1144.
872. Dès lors que les juges ont accompli cette mission, ils disposent encore, pour le prononcé
d'une nullité facultative, d'un pouvoir d'appréciation. En effet, à la condition obligatoire qui réside
dans la connaissance de l’état de cessation des paiements du débiteur, s'ajoute un élément essentiel :
la liberté d'appréciation du tribunal. C'est le pouvoir dont disposent les juges de fond pour
prononcer ou non la nullité d'un acte, et cela même lorsque toutes les conditions de l'annulation sont
réunies.
b-2) La liberté d'appréciation du tribunal
873. Les juges du fond disposent, pour le prononcé des nullités facultatives, d'un pouvoir
souverain d'appréciation. La position de la jurisprudence est constante sur cette question 1145 .
Toutefois, les juges du fond sont tenus de motiver leur décision, ce que vérifie la Cour de cassation.
La vérification porte sur l'existence et le caractère suffisant de la motivation1146.
Certains auteurs considèrent que la Haute juridiction exerce, de cette manière, un véritable contrôle
de la qualification juridique des faits constatés par les juges du fond1147.
1142
Cass. com., 28 mai 1996, n° 94-10.688, Bull. civ. IV, n° 152; Cette solution constante, a aussi été posée pour
l'annulation d'un paiement, seule la date du paiement est prise en compte, non celle de la reconnaissance de la dette; v.
Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-21.197, Inédit ; Rev. Proc. Coll. 2002, p. 280, obs. G. BLANC.
1143
Cass. com., 20 janvier 1998, n° 95-16.718, Inédit; RTD com. 1998, p. 396, obs. M. CABRILLAC ; Cass. com., 26
juin 2001, n° 98-17.523, Inédit; Act. Proc. Coll. 2001/17, p.1, obs. R. BONHOMME.
1144
CA Paris, 3e ch., 13 décembre 2007, D. 2008, p. 221, obs. A. LIÉNHARD.
1145
Cass, req., 10 juin 1873, DP 1874, I, p. 83; Cass. req., 13 février 1877, DP 1878, I, p. 208 ; Cass. .req., 15 janvier
1940, Gaz. Pal. 1940, I, p. 303; Cass. com., 7 novembre 1989, n° 88-14.441; Bull. civ. 1989, IV, n° 271.
1146
Cass. com., 12 janvier 2010, n° 09-11.119, Bull. civ. IV, n° 5; D. 2010, AJ. p. 204, obs. A. LIÉNHARD.
1147
C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSÉRIÉ-BON, « Redressement et liquidation judiciaires- Nullités
Facultatives », JCL com., 1er juin 2011, fasc. 2510, n° 52.
352
874. Mais quels peuvent être les critères de motivation retenus par les juges ?
Deux critères sont à l’origine d’un important contentieux. Il s'agit du préjudice subi (b-2-a-
1) et de la mauvaise foi du tiers (b-2-a-2).
875. Aujourd'hui, il est clairement admis que l'existence d'un préjudice n'a aucune influence
sur la décision des juges. Le préjudice ne constituant plus un motif valable pour annuler un acte,
seule doit être apprécié la possibilité pour le débiteur de reconstituer son actif.
Cependant, cette question s'est longtemps posée en jurisprudence. En effet, sous l'empire des
législations antérieures à la loi du 25 janvier 1985, le demandeur à l'action devait faire la preuve
supplémentaire que l'acte dont la nullité était demandée avait porté préjudice aux créanciers ou, au
moins, à l'entreprise1148. Aussi, bien que la loi ne posât pas expressément cette condition, c'est cette
solution qui était admise en jurisprudence.
Le législateur de 1985 a, en supprimant la masse des créanciers et en substitution aux
inopposabilités les nullités, reconsidéré la finalité des nullités de la période suspecte. Aussi, dans un
arrêt du 16 février 19931149, la Cour de cassation a opéré un revirement jurisprudentiel remarquable.
Dans sa décision, elle énonce qu'« en vertu des articles 1er et 110 de la loi du 25 janvier 1985,
l'action en nullité a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur, en vue du maintien de l'activité et
de l'emploi ». La Cour précise ensuite que « les juges du fond, pour prononcer la nullité prévue à
l'article 108, ne sont pas tenus de constater l'existence d'un préjudice subi par le débiteur ou par
ses créanciers ».
876. Si la question de l'existence d'un préjudice est désormais réglée1150, il se pose néanmoins
le problème de l'intérêt à agir. En effet, toute action ayant pour fondement l'intérêt à agir, le
demandeur à l'action doit, à défaut de prouver un préjudice, au moins avoir un intérêt dans
l'exercice de l'action. Mais peut-il y avoir un intérêt à agir en l'absence de tout préjudice ?
En tenant compte de l'évolution jurisprudentielle sur la question du préjudice, on peut considérer
que sous l'empire des législations antérieures à la loi du 25 janvier 1985, l'intérêt à agir se vérifiait
par l'existence d'un préjudice subi par la masse des créanciers. Or, aujourd'hui, la jurisprudence ne
1148
Cass. com., 23 février 1983, n° 81-16.144, Bull. civ. IV, n° 81; Cass. com., 19 février 1985, n° 83-14.995, Bull. civ.
IV, n° 63 ; Gaz. Pal. 1985, 2, pan. jurispr. p. 203 ; Cass. com., 8 mars 1988, n° 86-13.245, Inédit; Rev. Proc. Coll. 1988,
p. 409, obs. Y. GUYON.
1149
Cass. com., 16 février 1993, n° 91-11.235, arrêt préc; JCP E, 1993, pan. 495; JCP E, 1993, I, 277, n° 9, obs. M.
CABRILLAC et Ph. PÉTEL; Rev. Proc. Coll. 1994, p. 255, note B. LEMISTRE.
1150
La Cour de cassation a maintenu sa position en dépit des nombreuses réformes intervenues depuis la loi du 25
janvier 1985 ; V. Cass. com., 24 octobre 1995, n° 94-10.399, arrêt préc ; Cass. com., 29 mai 2001, n° 98-16.142, Inédit;
Dr. sociétés 2001, p. 161, note J.-P. LEGROS.
353
faisant plus du préjudice un motif valable pour le prononcé d'une nullité, l'intérêt à agir réside
désormais dans la possibilité de reconstituer le patrimoine du débiteur 1151. En allant dans le même
sens, un auteur affirme que « l'annulation a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur. L'opération
ne peut être qualifiée d'acte suspect que si elle a grevé le patrimoine du débiteur : à défaut, son
anéantissement rétroactif ne produirait pas l'effet escompté par la loi»1152.
877. On peut ensuite se demander si la mauvaise foi constitue un motif valable pour le
prononcé d'une nullité. À ce sujet, la jurisprudence s'est clairement prononcée. La mauvaise foi du
cocontractant est indifférente pour le prononcé d'une nullité ; seul compte ici la connaissance de
l'état de cessation des paiements du débiteur. Ainsi, les dirigeants qui ont invoqué leur absence de
mauvaise foi pour éviter la nullité de l'acte n'y ont pas échappé, car leur connaissance de l'état de
cessation des paiements ne faisait aucun doute. La Cour de cassation a écarté cet argument qui
conduirait en outre à ajouter une condition non prévue par le législateur1153.
878. Même après avoir vérifié que les conditions de la nullité facultative sont réunies, les
juges du fond restent libres de prononcer ou non la nullité de l'acte. En effet, à la différence des
nullités de droit, les juges doivent, pour les nullités facultatives, également en apprécier
l'opportunité, comme le rappelle un arrêt de rejet de la Cour de cassation en date du 12 janvier
20101154. En l'espèce, il s'agissait d'une demande de nullité d'un avis à tiers détenteur formée par le
liquidateur. La Haute juridiction avait confirmé la décision de la cour d'appel qui, bien qu'ayant
constaté que toutes les conditions de la nullité étaient réunies, avait refusé de prononcer la sanction
pour plusieurs raisons. Selon la Cour de cassation, « mais attendu qu'après avoir constaté que les
conditions pour prononcer la nullité sont réunies, le juge, saisi d'une action en nullité fondée sur
l'article L. 632-2 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de
sauvegarde des entreprises, jouit de la faculté de prononcer ou non cette mesure; qu'ainsi, la cour
d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de ce texte en estimant, par une décision motivée,
que l'action du liquidateur tendant à la nullité d'un avis à tiers détenteur n'avait pas lieu d'être
accueillie ; que le moyen n'était pas fondé ». De même, la cour d'appel de Paris a, dans un arrêt du
16 novembre 2010 1155, refusé d'annuler une saisie-attribution constituée en période suspecte, au
motif que l'annulation serait de nature à produire de graves conséquences financières sur la situation
du créancier bénéficiaire des sommes issues de la saisie.
1151
Cass. com., 29 octobre 1991, n° 90-11.354, Bull. civ. IV, n° 320 ; D. 1992, p. 424, note J.-P. SORTAIS.
1152
F. VINCKEL, « Le nouveau régime de la période suspecte dans la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 et le décret n°
2005-1677 du 28 décembre 2005 : une réforme en trompe œil », art. préc., p. 132.
1153
Cass. com., 29 mai 2001, n° 98-16.142, arrêt préc.
1154
Cass. com., 12 janvier 2010, n° 09-11.119, arrêt préc.
1155
CA Paris, 16 novembre 2010, Juris-Data n° 2010-026666.
354
Quoi qu’il en soit, les juges du fond ne sont pas tenus de prononcer la nullité facultative. La liberté
d'appréciation dont ils disposent leur confère ainsi le pouvoir de juger de l'opportunité du prononcé
de la nullité d'un acte.
La connaissance de l’état de cessation des paiements du débiteur par son cocontractant soulève
d’autres problèmes 1156 . Toutefois ceux-ci n’étant pas spécifiques aux sûretés réelles exclusives,
nous ne les analyserons pas.
879. En définitive, en droit français, les sûretés réelles exclusives n’échappent pas aux nullités
de la période suspecte. En effet, dès lors que leurs constitutions réunies les conditions posées la loi,
elles peuvent être appréhendées soit par la nullité de droit, soit par la nullité facultative. Mais alors,
qu’en est-il en droit OHADA ? Quelles sont les conditions posées par ce droit pour la mise en
œuvre des inopposabilités de la période suspecte ?
880. À l’instar du droit français, la mise en œuvre des inopposabilités de la période suspecte
est soumise à la réunion de plusieurs conditions. Nous insisterons sur celles relatives à la
constitution des sûretés réelles exclusives. Par ailleurs, l’accent sera mis sur les spécificités du droit
OHADA par rapport au droit français.
881. Le législateur communautaire africain ne pose pas de façon claire des conditions
générales pour les inopposabilités de la période suspecte. L’article 67 de l’AUPC se contente
d’indiquer que « La période suspecte commence à compter de la date de cessation des paiements et
prend fin à la date d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens ». Malgré
cette rédaction laconique, on peut en déduire que, comme en droit français, pour être frappé
d’inopposabilité, un acte doit être constitué pendant la période suspecte.
Contrairement au redressement judiciaire ou à la liquidation des biens, le règlement préventif ne
donne pas lieu à une période suspecte, puisque son ouverture requiert l’absence de cessation des
paiements.
882. Pour déterminer, si un acte tombe ou peut tomber sous le coup des inopposabilités de la
période suspecte, il faut donc fixer la date de cessations des paiements.
L’article 34 de l'AUPC précise les modalités de fixation de la date de cessation des paiements. Il en
ressort que la juridiction compétente, en l'occurrence le tribunal ayant prononcé l'ouverture de la
procédure, doit fixer provisoirement la date de cessation des paiements. À défaut, celle-ci est
réputée avoir lieu à la date de la décision qui la constate. La date de cessation des paiements doit
1156
Par exemple les problèmes relatifs aux caractéristiques de la connaissance de l’état de cessation des paiements.
355
être précisée dans le jugement d'ouverture. Dans certains cas, la période suspecte peut débuter six
mois avant la date de la cessation des paiements1157.
883. Quant à l’exercice de l’action en inopposabilité, l’alinéa 1er de l’article 70 de l’AUPC
prévoit que « L’action en déclaration d’inopposabilité ne peut être exercée que par le syndic, sans
préjudice de l’application de l’article 72, alinéa 2 ci-dessous. Elle relève de la compétence de la
juridiction ayant ouvert la procédure de redressement ou de liquidation des biens ». Comme en
droit français, la demande en inopposabilité est attitrée. Ni le débiteur, ni ses créanciers ne peuvent
l'exercer. Cependant, en droit OHADA, l'action en inopposabilité relève de la compétence exclusive
du syndic. Il agit devant la juridiction compétente, au nom et dans l'intérêt collectif de la masse des
créanciers. L’alinéa 2 de l’article 70 précise qu’« à peine d’irrecevabilité, cette action ne peut être
exercée après homologation du concordat de redressement ni après clôture de la liquidation des
biens ».
De même qu’en droit français, le législateur communautaire veut éviter que la durée de l'exercice de
l'action en inopposabilité ne dépende du déroulement de la procédure collective.
Après ce propos introductif, il convient de voir les conditions spécifiques à chaque type
d'inopposabilités. D’abord, l’inopposabilité de droit (a) puis, l’inopposabilité facultative (b).
884. L'inopposabilité est dite de droit lorsque la juridiction compétente est tenue de la
prononcer dès lors que les conditions légales sont réunies. L’inopposabilité de droit est différente de
l'inopposabilité de plein droit qui se produit sans jugement. Comme en droit français, les
inopposabilités de droit frappent plusieurs catégories d'actes, et les conditions de la sanction varient
en fonction de l'acte contesté.
a-1) Quelles sont les conditions relatives à la constitution de sûretés réelles exclusives ?
885. Il résulte des dispositions de l’article 68 de l’AUPC que pour être frappées
d'inopposabilité, les sûretés conventionnelles doivent être constituées pendant la période suspecte
pour garantir le paiement d’une dette antérieurement contractée. L'inopposabilité de droit des
sûretés conventionnelles est ainsi soumise à deux conditions cumulatives : la constitution en période
suspecte et l’antériorité de la dette. Ces conditions ne diffèrent pas des conditions posées par le
législateur français pour les nullités de droit.
886. Cependant, nous avons vu qu’à la différence du droit français, toutes les sûretés réelles
exclusives peuvent, depuis la réforme de l’AUPC, être appréhendées par l’inopposabilité de droit.
1157
F.-M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit, n° 230. C'est le cas lorsque
l'inopposabilité frappe des actes à titres gratuits fais dans le six mois précédents la cessation des paiements. (Art. 69,1°
de l’AUPC).
356
Sans revenir sur l’antériorité de la dette que nous avons étudiée dans le cadre des nullités de droit, il
nous faut analyser la condition relative à la constitution des différentes sûretés réelles exclusives, en
l’occurrence le droit de rétention (a-1-a) et les propriétés-sûretés (a-1-b).
357
a-1-b-1) La constitution de la clause de réserve de propriété
889. La clause de réserve de propriété permet de suspendre l’effet translatif d’un contrat
jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie1158. Il se pose alors la
question de savoir le moment auquel cette clause est valablement constituée entre les parties.
Rappelons que la constitution d’une sûreté renvoie aux conditions de validité et non aux conditions
d’opposabilité de celle-ci. L’article 73 de l’AUS précise qu’« À peine de nullité, la réserve de
propriété est convenue part écrit au plus tard au moment de la livraison du bien ». La validité de la
clause de réserve de propriété est donc soumise à plusieurs conditions : l’accord des parties constaté
dans un écrit, lequel doit être rédigé au plus tard au moment de la livraison du bien 1159 .
La constitution d’une clause de réserve de propriété suppose l’exigence d’un écrit. La date à prendre
en compte ici est donc celle de la rédaction de cet écrit. Pour tomber sous le coup de
l’inopposabilité de droit, la rédaction de l’écrit doit être faite au cours de la période suspecte.
890. Le transfert fiduciaire peut être, comme en droit français, appréhendé par les sanctions de
la période suspecte. Toutefois, l’article 87 de l’AUS précise que « Le transfert fiduciaire est la
convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de l’exécution d’une obligation ».
Il nous faut donc déterminer à quel moment la convention est valablement constituée. L’article 88
de l’AUS dispose qu’« À peine de nullité, la convention détermine la ou les créances garanties,
ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie, et identifie le compte bloqué ». La validité
du transfert fiduciaire exige donc la rédaction d’une convention qui doit comporter certaines
mentions obligatoires.
891. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 87, alinéa 2, de l’AUS que les fonds
donnés en garanties « doivent être inscrits sur un compte bloqué, ouvert au nom du créancier de
cette obligation, dans les livres d’un établissement de crédit habilité à les recevoir ». La validité du
transfert fiduciaire de sommes d’argent est donc soumise à la double condition de l’inscription des
fonds sur un compte bloqué, d’une part, et de la rédaction d’une convention, d’autre part 1160 .
Ce n’est qu’après l’accomplissement de toutes ces formalités que le transfert fiduciaire peut
valablement intervenir. Ainsi, pour déclarer inopposable de droit un transfert fiduciaire de somme
d’argent, il faudrait que les formalités ci-dessus énoncées soient effectuées au cours de la période
suspecte.
1158
Art. 72 de l’AUS.
1159
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
op. cit., n° 212.
1160
Ibid, ns° 249 -251.
358
892. En définitive, pour être déclaré inopposable, l’acte constitutif de la sûreté doit être fait au
cours de la période suspecte. Aussi, dès lors que la juridiction compétente a bien pris soin de
déterminer la date de constitution de la sûreté et celle de la naissance de la dette, le prononcé de
l'inopposabilité découle, comme en droit français, d'une confrontation entre ces deux dates.
L'inopposabilité ne sera prononcée que lorsque la confrontation des dates révèle que la dette est née
antérieurement à la constitution de la sûreté. L'inopposabilité de droit ne s'applique donc pas lorsque
la constitution d’une sûreté réelle exclusive est antérieure ou concomitante à la dette.
Que dire des inopposabilités facultatives ?
893. L'alinéa 1er de l'article 69 de l'AUPC précise que certains actes « Peuvent être déclarés
inopposables à la masse des créanciers, s'ils lui ont causé un préjudice ». Ce texte qui pose la
première condition des inopposabilités facultatives, montre également la liberté d'appréciation dont
disposent les juges. En effet, l'expression « peuvent être déclarés inopposables » permet de penser
qu'en la matière, ceux-ci ne sont pas tenus de déclarer l'inopposabilité, alors même que les
conditions sont réunies. Comme en droit français, il y a une certaine souplesse par rapport à la
rigidité qui caractérise les inopposabilités de droit.
894. Par ailleurs, nous avons vu que la constitution de sûretés réelles exclusives pouvait
tomber sous le coup des nullités facultatives, car il s’agit d’actes à titre onéreux 1161. Aussi, il résulte
des dispositions de l’article 69 de l’AUPC que pour être déclarés inopposables, les actes à titre
onéreux doivent remplir deux conditions : d’une part, leur conclusion doit avoir causé un préjudice
à la masse et, le cocontractant doit avoir connaissance de l’état de cessation des paiements du
débiteur, d’autre part.
À la différence du droit français, le préjudice subi par la masse des créanciers est expressément posé
comme condition du prononcé d’une inopposabilité facultative. Nous mettrons donc l’accent sur
cette condition (b-1), avant de voir brièvement la condition relative à la connaissance de l’état de
cessation des paiements du débiteur (b-2).
895. L'acte à titre onéreux, en l’occurrence la constitution d’une sûreté, doit avoir causé un
préjudice à la masse des créanciers 1162 . Cette condition découle de la règle « pas d'intérêt, pas
d'action ». Ainsi, le syndic qui exerce l'action en inopposabilité doit prouver son intérêt à agir.
1161
Sauf pour le droit de rétention reposant sur une connexité juridique ou matérielle.
1162
Sur la définition de la masse, cf. art. 72, al. 3 de l’AUPC.
359
Le syndic agissant au nom et pour le compte de la masse, l’intérêt réside dans le préjudice subi par
la masse.
Nous avons vu, en droit français, que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 25 janvier 1985, le
préjudice ne constitue plus une condition de nullité. Ce changement de solution, confirmée par la
jurisprudence 1163 , est sans doute dû au fait que le législateur français a supprimé la notion de
« masse des créanciers ». Quant au législateur OHADA, il refuse de se séparer de la masse des
créanciers. En effet, même avec la récente réforme de l’AUPC, la masse des créanciers n’a pas été
supprimée. De cette manière, le législateur communautaire africain se démarque du législateur
français, en ce que, comme l’affirme un éminent auteur, la procédure collective n’est que la
résurrection de la masse des créanciers1164.
Le législateur communautaire africain est cependant resté silencieux sur la nature du préjudice. Il
peut donc être matériel ou moral. Mais dans tous les cas, le préjudice doit être collectif ; il ne saurait
s'agir d'un préjudice individuel, propre à un créancier.
896. Toutefois, même lorsque la constitution d’une sûreté au cours de la période suspecte a
causé un préjudice à la masse, il faut encore démontrer, pour que l’acte soit frappé d’inopposabilité,
que celui qui a traité avec le débiteur avait connaissance de l’état de cessation des paiements de ce
dernier.
897. L’article 69, 2° de l’AUPC précise que peuvent être déclarés inopposables « les actes à
titre onéreux si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des
paiements du débiteur au moment de leur conclusion ». Ce qui fait tomber ces actes sous le coup
des inopposabilités ; ce n'est pas leur nature, mais la connaissance par le tiers cocontractant de l'état
de cessation des paiements du débiteur. Il revient donc à la personne qui intente l'action, en
l'occurrence le syndic, de rapporter la preuve de la connaissance de l'état de cessation des paiements
par le tiers. Cette preuve se fait par tous moyens.
Comme en droit français, la connaissance doit d'abord être personnelle à la personne qui a traité
avec le débiteur1165. Elle doit ensuite être précise. Le tiers doit savoir que le débiteur était en état de
cessation de paiements. Enfin, la connaissance doit exister au moment où l'acte est passé. S'agissant
des sûretés, la connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur s'apprécie au moment
où celles-ci sont constituées.
1163
Cass. com. 16 février 1993, n° 91-11.235, arrêt préc.
1164
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 611.21.
1165
Cass. com. 2 décembre 2014, n° 13-25.705, BJE mars 2015, p. 115, note. C. LISANTI. La doctrine africaine admet
toutefois la connaissance de certains tiers, ainsi, la connaissance du mandataire vaut pour le mandant.
360
898. En somme, les inopposabilités facultatives concernent des actes de nature différente et a
priori non frauduleux. Ce qui les incrimine, c'est non seulement le préjudice causé à la masse des
créanciers mais également la connaissance par le cocontractant de l'état de cessations des paiements
du débiteur.
899. L'analyse des conditions d’application des sanctions de la période suspecte nous montre
que les sûretés réelles exclusives ne sont pas totalement à l'abri des conséquences engendrées par
l'ouverture d'une procédure collective. En effet, même si, notamment en droit français, pour la
plupart, elles échappent à la nullité de droit, elles peuvent, en revanche, être appréhendées par les
nullités facultatives. Au contraire, en droit OHADA, elles peuvent être appréhendées aussi bien par
les inopposabilités de droit que par les inopposabilités facultatives. Ainsi, dès lors que les
conditions posées par le législateur sont réunies, les sûretés réelles exclusives courent le risque
d'une annulation ou d'une inopposabilité. Le prononcé de l'une ou l'autre de ces sanctions peut alors
avoir des effets redoutables pour les bénéficiaires de ces sûretés.
901. Les effets de la nullité varient en fonction de l'acte remis en cause. Mais conformément à
notre étude, seuls seront ici analysés les effets de la nullité des sûretés réelles en général et des
sûretés réelles exclusives en particulier.
Nous verrons à cet égard les conséquences (1) et la finalité (2) de la nullité relative à la période
suspecte.
902. La nullité est une sanction prononcée par le juge. Elle consiste à faire disparaître
rétroactivement l'acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation. La
nullité peut être relative ou absolue.
Dans le cadre de la nullité résultant de la période suspecte, la jurisprudence, pour décider qu’un tiers
ne saurait se prévaloir de cette nullité, l’a qualifiée de relative 1166. Pour la doctrine1167, la solution
1166
Cass com., 26 avril 2000, n° 97-20.656, Bull. civ. IV, n° 83 ; D. 2001, p. 620, obs. A. HONORAT; RTD com., 2000,
p. 728, obs. J.-L.VALLENS et 2001, p. 235, obs. A. MARTIN-SERF; comp. Cass. com., 3 juin 1997, n° 94-13.788,
361
jurisprudentielle est discutable puisque « l’action est toujours menée dans un but d’intérêt général,
et non pour la sauvegarde d’intérêts privés alors même que, par ses résultats (…) elle contribue
aujourd'hui davantage à la protection du débiteur qu'à la sanction de la fraude »1168. Comme la
jurisprudence, nous y voyons une nullité relative car le but de celle-ci est d’abord de protéger les
intérêts du débiteur par la reconstitution de son actif.
903. Quoi qu’il en soit, que la nullité soit de droit ou facultative, absolue ou relative, la sûreté
annulée est anéantie. Les parties qui doivent désormais se comporter comme si la garantie n'avait
jamais existé, reviennent alors dans la situation antérieure à la constitution de la sûreté.
Cette situation qui n'est pas sans conséquence sur l'existence des sûretés a, en réalité, pour objectif
le redressement de l'entreprise au moyen de la reconstitution de l'actif du débiteur. Aucune
disposition spéciale n’étant prévue pour les sûretés réelles exclusives, il y a lieu de considérer que
leur nullité aura les même effets, en l’occurrence leur anéantissement rétroactif.
Cette situation produit nécessairement des conséquences entre les parties (a), mais également à
l’égard des tiers (b).
904. La nullité de la sûreté remet les parties dans la situation antérieure à sa constitution. En
effet, à moins de bénéficier d'autres causes légitimes de préférence ou d'exclusivité n'ayant pas été
remises en cause, le créancier dont la sûreté est annulée devient un simple créancier chirographaire.
Cette situation lui fait perdre toutes les prérogatives liées à son statut de créancier exclusif.
905. Le créancier qui voit sa sûreté annulée doit, en outre opérer toutes les restitutions
nécessaires à la reconstitution de l'actif du débiteur. Il ne peut prétendre à une compensation avec
une créance du débiteur 1169 . Ainsi, le titulaire d'une sûreté réelle préférentielle ayant reçu le
paiement des dividendes, dans le cadre de l'exécution d'un plan, est tenu de restituer les sommes
perçues. De même, pour les titulaires de sûretés réelles exclusives, le prononcé d'une nullité leur fait
perdre tous les avantages résultant du caractère exclusif de leur garantie. Aussi, le créancier qui a
par exemple reçu un paiement, en dépit de la règle de l'interdiction des paiements, devrait restituer
les sommes perçues. De même, si le paiement s'est fait en nature, il devrait restituer le bien acquis.
Dans tous les cas, le créancier qui procède à la restitution des sommes perçues ou des biens acquis
Inédit ; RTD com. 1999, p. 202, obs. A. MARTIN-SERF. Dès lors que l’action a été régulièrement exercée (avec
succès), tout intéressé peut s'en prévaloir.
1167
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1469.
1168
Dont la victime n'a pas qualité pour agir : v. par ex. au détriment de l'AGS, Cass. soc., 13 février 2008, n° 06-44.234,
Inédit ; Cass. com., 18 janvier 2011, n° 09-71071, Bull. civ. IV, n° 5 ; D. 2011, p. 302, obs. A. LIÉNHARD ; Rev. Proc.
Coll., 2011/5, p. 45, note G. BLANC : la tierce opposition n'est pas ouverte au débiteur cédé, faute de qualité à agir,
contre le jugement rejetant l'action du liquidateur en nullité de la cession de créance.
1169
Cass. com., 24 octobre 1995, n° 94-10.399, arrêt préc.
362
doit, si cela n'avait pas déjà été fait, déclarer sa créance au passif. Sinon, il court le risque d'une
forclusion pour déclaration tardive, sauf s'il bénéficie d'un relevé de forclusion1170.
906. Appliqué à la fiducie, ce raisonnement suppose que le bénéficiaire qui s’est vu transférer,
à la suite d'une défaillance du débiteur, la propriété définitive des actifs fiduciaire, devrait les
restituer en cas d'annulation du transfert. L'annulation d'une clause de réserve de propriété provoque
une situation assez particulière. En effet, le créancier s'étant déjà dessaisi du bien, il n'a plus aucune
restitution à faire. Pour être payé, il ne lui reste comme moyen d'action que la déclaration de sa
créance au passif du débiteur.
Par ailleurs, lorsque la sûreté a fait l'objet d'une publication ou d’un enregistrement, la nullité
entraîne sa radiation.
907. L'annulation des sûretés réelles exclusives a donc des conséquences sévères pour leurs
titulaires, jadis placés dans une situation relativement confortable. Mais la nullité de la sûreté
produit également des effets à l'égard des tiers.
Il est admis que la nullité d'un acte s’opère erga omnes. L'annulation d'une sûreté s'applique donc
aussi au détriment des tiers, et notamment des sous-acquéreurs. C'est dans un arrêt du 3 février
19981171 que la Cour de cassation a posé cette solution pour la première fois. La Cour a en effet jugé
que « ni l'erreur commune, ni l'apparence ne peuvent faire obstacle aux conséquences vis-à-vis des
tiers sous-acquéreurs, même de bonne foi, de la nullité édictée par les articles 107 et 108 de la loi
du 25 janvier 1985 ». Ainsi, en cas d'annulation d'une clause de réserve de propriété, le sous-
acquéreur en subit également les conséquences. Il doit restituer le bien vendu au débiteur. La nullité
s'applique au sous-acquéreur, peu important qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi1172.
908. La nullité s’opère également même si la sûreté grevait un bien commun1173. Dans cette
perspective, c'est l'ensemble de l'acte qui est annulé puisque les biens communs font partie du gage
des créanciers et qu'ils sont collectivement saisis par l'effet du jugement d'ouverture1174.
909. Cependant, la nullité n'a pas que des effets négatifs.
Les tiers peuvent aussi l'invoquer dans leur intérêt. Ainsi, la Cour de cassation a admis qu'un
débiteur cédé invoque l'annulation d'une cession de créances professionnelles pour échapper à une
1170
Il bénéficie alors du délai supplémentaire prévu par l'article L. 622- 26, in fine du Code de commerce.
1171
Cass. com., 3 février 1998, n° 95-20.389, Bull. civ. IV, n° 53; JCP G, 1998, I, 141, n° 9, obs. M. CABRILLAC ;
RTD com. 1999, p. 202, obs. A. MARTIN-SERF.
1172
Un auteur trouve cette solution trop sévère; V. F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1472.
1173
Cass. com., 2 avril 1996, n° 93-20.562, Bull. civ. IV, n° 106; JCP G 1996, I, 3960, n° 7, obs. Ph PÉTEL ; JCP G,
1996, I, 3962, n° 13, obs. Ph SIMLER ; D. 1996, somm. p. 340, obs. A. HONORAT ; RTD com. 1997, p. 333, obs. A.
MARTIN-SERF. Dans cet arrêt il était question de l'annulation d'une hypothèque judiciaire, prise sur un immeuble
commun aux époux.
1174
A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 646.
363
condamnation à payer1175. La nullité profitera également à des créanciers de même rang inscrits sur
un même bien, puisqu'ils seront colloqués pour un montant supérieur. Il en sera de même pour les
créanciers de rang inférieur qui vont bénéficier d'un rang supérieur. Enfin, la caution peut, sur le
fondement de l'article 2314 du Code civil, se prévaloir de la nullité pour se libérer de ses
engagements.
En tout état de cause, les nullités de la période suspecte profitent surtout au débiteur ; leur objectif
étant de reconstituer l'actif de ce dernier.
1175
Cass. com., 3 juin 1997, n° 94-13.788, Inédit; D. Aff. 1997, p. 860 ; RTD com. 1999, p. 203, obs. A. MARTIN-
SERF.
1176
Cass. com., 26 mars 2013, n° 12-401.106, Inédit.
364
1- Les conséquences des inopposabilités de la période suspecte
913. L’inopposabilité est une sanction qui prive l’acte frauduleux d’effet, mais seulement à
l’égard de certaines personnes1177. Les bénéficiaires de l’inopposabilité peuvent donc méconnaître
l’acte et en ignorer les conséquences.
Dans le cadre des inopposabilités de la période suspecte, il s’agit d’une neutralisation des effets de
l’acte à l’égard de la masse des créanciers. L’acte reste valable à l’égard du débiteur, mais la masse
est fondée à l’ignorer. Ainsi, lorsqu’une sûreté est déclarée inopposable, elle reste parfaitement
valable entre les parties, mais simplement, les tiers, en l’occurrence la masse des créanciers, sont
fondés à ignorer son existence. L’article 71, 1° de l'AUPC prévoit que « La masse est colloquée à la
place du créancier dont la sûreté a été déclarée inopposable ». Le créancier, jadis bénéficiaire
d’une sûreté, devient alors un simple créancier chirographaire. Pour participer aux distributions de
dividendes, il devra produire le montant de sa créance.
914. Toutefois, les dispositions de l’article 71, 1° précitées renvoient surtout aux bénéficiaires
d’un droit de préférence, puisque la masse va prendre la place, dans l’ordre de paiement, du
créancier dont la sûreté est déclarée inopposable. Le législateur ne donne en revanche aucune
précision quant aux effets de l’inopposabilité des sûretés réelles exclusives. Il serait donc difficile
de prévoir un traitement particulier pour elles. Ainsi, comme pour les sûretés classiques, lorsqu'une
sûreté exclusive est déclarée inopposable, la masse serait fondée à ignorer l'exclusivité dont
bénéficient les créanciers. Pour être payés, ces derniers devront alors produire leurs créances.
915. Par ailleurs, nous avons vu que la constitution d’une sûreté peut tomber sous le coup des
inopposabilités facultatives car il s’agit d’un acte à titre onéreux. Ainsi, l’article 71, 5° de l’AUPC
prévoit que les actes à titre onéreux déclarés inopposables sont privés d’effets s’ils n’ont pas été
exécutés. Au contraire, lorsque l'obligation a été exécutée, l'acquéreur est tenu de rapporter le bien
et produire sa créance au passif de la procédure. En cas de sous-aliénation à titre onéreux (par
exemple la revente d’un bien vendu sous clause de réserve de propriété), le sous-acquéreur est tenu
de rapporter le bien et de produire sa créance au passif du débiteur, si au moment de l'acquisition du
bien il avait connaissance du caractère inopposable de l'acte1178. Pour la doctrine, l'inopposabilité
produit donc des effets contre les tiers étrangers à la procédure, lorsque ceux-ci sont de mauvaise
foi1179.
916. En somme, à la différence des nullités dont les conséquences s’appliquent erga omnes,
les effets des inopposabilités semblent être relatifs1180, et donc seulement limités à la masse des
1177
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., pp. 550-551.
1178
Art. 71, 5°, al. 3 de l’AUPC.
1179
F.-M. SAWADOGO, « Période suspecte. Inopposabilités », in Encyclopédie du droit OHADA, sous la dir. P.-G.
POUGOUE, Lamy, 2011, p. 1342, n° 19.
1180
F.-M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n°228.
365
créanciers. En conséquence, l'inopposabilité ne saurait s'étendre aux tiers étrangers à la procédure
collective, sauf éventuellement mauvaise foi de leur part. L'inopposabilité ne jouant que pour la
masse des créanciers, la sûreté reste parfaitement opposable en dehors de la procédure collective.
Vu sous cet angle, l'inopposabilité a des effets moins sévères que la nullité.
Quelle est donc la finalité poursuivie par cette sanction ?
917. L'article 71 indique in limine que l'inopposabilité profite à la masse. Le produit des
inopposabilités bénéficie donc uniquement à la masse des créanciers et non pas au débiteur comme
c'est le cas pour les nullités. Cette solution est tout à fait logique puisque le législateur OHADA n’a
pas supprimé la masse des créanciers. Ainsi, par analogie à ce qui se faisait en droit français sous
l’empire des législations antérieures à la loi du 25 janvier 1985, le produit des inopposabilités tombe
dans le patrimoine de la masse et non dans celui du débiteur. Le but recherché ici n’est donc pas la
reconstitution du patrimoine du débiteur1181 mais plutôt, selon un auteur, de favoriser la sauvegarde
de son patrimoine1182.
918. En définitive, le régime de la période suspecte s'impose aux sûretés réelles exclusives. La
constitution de telles sûretés rentre bien dans la catégorie d’actes frappés ou pouvant être frappés
par les sanctions de la période suspecte. L’ouverture d’une procédure collective peut donc
effectivement remettre en cause l’existence même des sûretés ; c’est notamment le cas lorsque la
nullité est prononcée. Cependant, la remise en cause des sûretés ne provient pas uniquement du
régime de la période suspecte. Il existe, en effet, une autre menace qui résulte de la responsabilité
des créanciers.
1181
Comme en droit français (art. L. 632-4 du Code de commerce).
1182
R. NEMEDEU, « Le principe d'égalité des créanciers : Vers une double mutation conceptuelle, Etude à la lumière
du droit français et OHADA », RTD com., 2008, p. 262.
366
contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ». Il en résulte un principe
d’irresponsabilité des créanciers du fait des concours fautifs consentis, lequel est assorti de trois
exceptions. Le créancier qui apporte du crédit à une entreprise en difficulté ne commet donc, a
priori, aucune faute. Il ne court pas le risque d'engager sa responsabilité, sauf dans des cas de
fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion de garanties.
920. Pour justifier ce principe d'irresponsabilité, certains auteurs 1183 ont mis en avant la
spécificité de l'activité bancaire et la part d'intérêt public qu'elle comporte. Quoi qu’il en soit, ce
texte qui s'applique surtout aux établissements de crédit s'étend à tous les créanciers ayant consenti
des concours à un débiteur en difficulté1184.
921. Si, aujourd'hui, la règle est celle de l'irresponsabilité des apporteurs de crédit, et
notamment des banquiers, la situation n'a pas toujours été celle-là. En effet, sous l'empire des
législations antérieures à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, la tendance développée par la
1185
jurisprudence était de condamner les fournisseurs de crédit pour soutien abusif .
Cette condamnation intervenait dans deux séries d'hypothèses : soit lorsque l'établissement de crédit
avait pratiqué une politique de crédit ruineux, laquelle devait provoquer une croissance continue et
insurmontable des charges financières de l'entreprise, soit lorsque le fournisseur de crédit avait
apporté son concours tout en sachant que la situation du débiteur était irrémédiablement
compromise1186. Ces situations justifiaient qu'une action en responsabilité délictuelle soit intentée,
au nom de l'intérêt collectif des créanciers, contre le fournisseur de crédit. L'engagement de la
responsabilité des créanciers était donc soumis à la réunion de l'une ou l'autre de ces conditions1187.
922. Cependant, en plus des difficultés de mise en œuvre du soutien abusif1188, la situation
créée par la jurisprudence avait des conséquences néfastes sur l'économie. Par crainte d'engager leur
responsabilité pour soutien abusif, les créanciers fournisseurs avaient développé une certaine
réticence dans l'octroi du crédit aux entreprises en difficulté.
1183
J.-P. SORTAIS, « Responsabilité bancaire. Soutien abusif », in Entreprises en difficulté, Droit 360°, sous la dir. de
Ph. ROUSSEL-GALLE, LexisNexis, 2012, p. 617 ; J. STOUFFLET, N. MATHEY, « La loi de sauvegarde des
entreprises du 26 juillet 2005, Commentaire des dispositions applicables au concours financiers », Rev. Drt. banc. et
financ., janvier 2006, n°1 , dossier 1.p. 54.
1184
Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-22.993, Bull. civ. IV, n° 186 ; D. 2012, AJ. p. 2513, obs. A. LIÉNHARD;
LEDEN, 2012-11, p. 4, note, N. BORGA; JCP E, 2012, 1735, obs. D. LEGAIS ; Selon la Cour « Mais attendu qu'après
avoir énoncé que les termes génériques de "concours consentis" et de "créancier" de l'article L. 650-1 du code de
commerce conduisent à ne pas limiter son application aux seuls établissements de crédit, la cour d'appel en a
exactement déduit que des délais de paiement accordés par un cocontractant au débiteur constituaient des concours au
sens de ce texte, de sorte qu'il était applicable à ce cocontractant ; que le moyen n'est pas fondé ».
1185
G.-A. LIKILLIMBA, Le soutien abusif d'une entreprise en difficulté, préf. J. MESTRE, Litec, 2001; I. URBAIN-
PARLEANI, « L'octroi abusif de crédit », Rev. drt. banc. et fin., novembre 2002, n° 6, p. 365; F. MACORIG- VENIER,
« Le soutien abusif », RLDA, février 2008, n° 24, p. 119.
1186
Cass. com., 22 mars 2005, n° 03-12.922, Bull. civ. IV, n° 67; D. 2005, AJ. p. 1020, note A. LIÉNHARD; RTD com.,
2005, p. 578, obs. D. LEGEAIS; Gaz. Proc. Coll. 2005/2, p. 32, obs. R. ROUTIER.
1187
Cass. com., 10 juin 2008, n° 07-10.940, Inédit; Gaz. Proc. Coll. 2008/3, p. 51, note R. ROUTIER.
1188
Sur ce point; V. M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 630; P.-M.
LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., ns° 833.11 et s.
367
C'est donc pour lutter contre la situation créée par la jurisprudence que le législateur a initié un
projet visant à inciter les créanciers fournisseurs à consentir des crédits aux entreprises 1189 .
L'aboutissement de ce projet fut la création de l'article L. 650-1 du Code de commerce par la loi de
sauvegarde du 26 juillet 20051190.
923. Mais avant l’entrée en vigueur de cette loi, la constitutionnalité de l'article L. 650-1 fut
contestée au regard de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme, d’une part, et de l'article
1382 du Code civil, d’autre part. L'article 4 susvisé exige que toute personne ait un droit de recours
et proclame également un principe de liberté qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à
autrui. L'article 1382 du Code civil oblige, quant à lui, toute personne qui cause un préjudice à
autrui à le réparer.
Après de vives discussions1191, la question fut tranchée par le Conseil constitutionnel. En effet dans
une décision du 22 juillet 2005 1192 , la constitutionnalité du texte fut admise, au motif qu'il ne
supprime pas totalement la responsabilité des prêteurs et se justifie par la protection d'un intérêt
supérieur dans la mesure où son objectif est de lever un obstacle à l'octroi des apports financiers
nécessaires à la pérennité des entreprises.
924. Tout compte fait, le texte qui fut finalement introduit dans la loi du 26 juillet 2005 ne
résolvait pas toutes les difficultés. En plus des quelques imprécisions sur son champ
d'application1193, corrigées par l'ordonnance du 18 décembre 20081194, il se posait encore la question
de la nature du mécanisme qu'il institue. L'article L. 650-1 institue-t-il trois cas de fautes ouvrant
une action en responsabilité contre les créanciers ou pose-t-il un principe d'irresponsabilité assorti
de trois exceptions ?
Cette question qui a récemment été résolue par la Cour de cassation a soulevé de vives discussions
au sein de la doctrine1195. Pour y mettre un terme, la Haute juridiction s'est prononcée dans un arrêt
1189
P. HOANG, « De la suppression du dispositif prétorien de la responsabilité pour soutien abusif », D. 2006, Chron.,
p.1458.
1190
Dans le projet initial, le texte ne concernait que les concours accordés dans le cadre d'une procédure de conciliation;
voir : M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 632.
1191
V. Intervention A. MONTEBOURG, AN, 1ere séance, 9 mars 2005, JOAN, 10 mars 2005, p. 1840 et s.
1192
Déc. n° 2005-522, 22 juillet 2005, JO 27 juillet 2005, p. 12225; LPA 4 août 2005, p. 14, note J.-E. SHOETTL;
R. ROUTIER, « De l'irresponsabilité du prêteur dans le projet de loi de sauvegarde des entreprises », D. 2005, Chron. p.
1478; A. REYGROBELLET, Brefs propos sur la décision du Conseil constitutionnel rejetant les recours contre la loi de
sauvegarde, in « Regards croisés de praticiens sur la loi de sauvegarde », LPA 2006, n° 35, p. 58.
1193
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 633.
1194
R. ROUTIER, « Les retouches de l'article L. 650-1 du Code de commerce », Gaz. Pal., du 8 au 10 mars 2009, n° 69,
p. 53.
1195
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 634; A. JACQUEMONT,
Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 123; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures
collectives, op. cit., n° 834.12; D. LEGEAIS, « Les concours consentis à une entreprise en difficulté », JCP E, 2005,
1510, n°3; J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de "concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de
commerce », D. 2006, Chron. p.1743 ; P. CROCQ, « Sûretés et proportionnalité », in Etudes Ph. SIMLER, Dalloz-
Litec, 2006, p. 291.
368
de principe rendu le 27 mars 20121196. La Cour a considéré que l'article L. 650-1 institue un principe
d'irresponsabilité pour concours fautifs, assorti de trois exceptions. Elle affirme en effet que
lorsqu'une procédure collective est ouverte, « Les créanciers ne peuvent être tenus pour
responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude,
d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, que
si les concours consentis sont eux-mêmes fautifs ». Cette solution a ensuite été confirmée à plusieurs
reprises, et notamment dans un arrêt du 19 juin 20121197 et plus récemment dans un autre arrêt du 11
février 20141198.
925. En définitive, en droit français, pour engager la responsabilité du créancier fournisseur
de crédit, il faut non seulement s'appuyer sur les éléments traditionnels de celle-ci (faute, préjudice
et lien de connexité, étant précisé que la faute doit résider dans l'octroi du concours), mais en plus
prouver que le créancier a eu soit un comportement frauduleux, soit qu'il s'est immiscé dans la
gestion de son débiteur, soit encore qu'il a pris des garanties disproportionnées au concours
consentis. La faute ne réside donc dans l'une des trois hypothèses visées par l'alinéa 1 de l’article L.
650-1. Aussi, dans l'arrêt précité du 11 février 2014, la Cour a considéré que l'immixtion
caractérisée ne permettait pas, à elle seule, d'engager la responsabilité du banquier. La même
solution a été adoptée à l’égard d’un créancier à qui on reprochait une prise de garanties
disproportionnées1199.
926. En droit OHADA, la situation est toute autre. L’article 118 alinéa 1er de l’AUPC prévoit
que « Les tiers, créanciers ou non, qui par leurs agissements fautifs, ont contribué à retarder la
cessation des paiements, ou à diminuer l’actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être
condamnés à réparer le préjudicie subi par la masse sur action du syndic agissant dans l’intérêt
collectif des créanciers ». Plusieurs éléments distinguent ce texte de l’article L. 650-1 du Code de
commerce.
D’abord, l’article 118 de l’AUPC pose, à la différence du texte français, un principe de
responsabilité. Ensuite, le texte de l’AUPC a une portée plus générale. Il vise les tiers1200, créanciers
ou non, et pas uniquement les créanciers fournisseurs de crédit comme c’est le cas en droit français.
1196
Cass. com., 27 mars 2012, n° 10-20.077, Bull. civ. IV, n° 68 ; JCP E, 2012, 1508, n° 9, obs. Ph. PÉTEL; JCP E,
2012, 1373, n° 14, obs. J. STOUFFLET ; JCP E, 2012, 1274, note D. LEGEAIS; Rev. sociétés 2012, p. 398, note
ROUSSEL GALLE ; JCP G, 2012,635, note S. PIÉDELIÈVRE ; D. 2012, p. 870, obs. A. LIÉNHARD ; RTD com.
2012, p. 384, obs. D. LEGEAIS ; Défrénois 2013, p. 296, note S. CABRILLAC.
1197
Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-18.940, Bull. civ. IV, n° 127; D. 2012, p. 1670, obs. A. LIÉNHARD et 2196, obs.
P.-M. LE CORRE ; JCP E, 2012, 1508, n° 10, obs. Ph. PÉTEL ; LPA, 15 avril 2013 n° 75, p. 4, note A.-F. ZATTARA-
GROS ; LEDEN 2012/9, p. 4, note I. PARACHKÉVOVA.
1198
Cass. com., 11 février 2014, n° 12-26.683, Inédit.
1199
Cass. com., 11 décembre 2012, n° 11-25.795, Inédit; LEDEN 2013/2 p. 5, note T. FAVARIO ; Gaz. Pal. 4 mai
2013, p. 37, note R. ROUTIER.
1200
La notion de tiers renvoie ici à celle da partenaire de l’entreprise. V. D. VIDAL, La responsabilité de l’entreprise :
Dictionnaire Permanent Difficulté des entreprises 1997, p. 1145.
369
Un auteur 1201 a toutefois considéré que derrière les tiers visés par le législateur, se cachent
essentiellement les banques. Par ailleurs, s’agissant des actes pour lesquels les tiers peuvent engager
leur responsabilité, le texte porte de manière générale sur « les agissements fautifs », alors que le
législateur français vise spécialement les concours fautifs consentis par les créanciers. De plus,
l’article 118 susvisé n’a pas suscité autant de débats que l’article L. 650-1 du Code de commerce.
Sans doute parce qu’il n’a fait que reprendre une ancienne jurisprudence française 1202. Enfin, –
situation assez rare pour être souligné – malgré la réforme de l’AUPC, le législateur communautaire
africain n’a pas modifié le texte pour s’aligner sur le modèle d’irresponsabilité édicté en droit
français. Il réalise ainsi en partie le souhait formulé par un auteur1203 qui préconisait un meilleur
encadrement du principe de responsabilité au lieu d’une totale suppression comme en droit français.
927. Quoi qu’il en soit, les dispositions de l’article 118 permettre d’affirmer qu’en droit
OHADA, contrairement au droit français, l’engagement de la responsabilité des créanciers n’exige
pas de condition supplémentaire, la réunion des éléments traditionnels suffit. Il faut donc une faute,
un préjudice et un lien de connexité entre les deux.
928. Toutefois, conformément à l’objet de notre recherche, il n'est pas ici question d'étudier
les principes de responsabilité 1204 et d'irresponsabilité des créanciers 1205 , il s’agit plutôt de
rechercher comment l’engagement de la responsabilité de ces derniers peut affecter les sûretés
prises en garantie de leurs créances.
L'alinéa 2 de l’article L. 650-1 du Code de commerce en disposant que « Pour les cas où la
responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours
peuvent être annulées ou réduites par le juge », démontre que l’engagement de la responsabilité des
créanciers peut effectivement remettre en cause l'existence des garanties en général et des sûretés en
particulier. De même, en droit OHADA, l’alinéa 2 de l’article 118 de l’AUPC stipule que « La
juridiction compétente choisit, pour la réparation du préjudice, la solution la plus appropriée, soit
1201
F. THÉRA, La réforme de l’OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 345.
1202
Le législateur OHADA a consacré la solution de l’ancienne jurisprudence française. En effet, dans un arrêt du 7
janvier 1976, La Cour avait reconnu au syndic représentant de la masse des créanciers, « qualité pour exercer une action en
paiement de dommages- intérêts contre toute personne fût-elle créancière dans la masse, coupable d’avoir contribué par des
agissements fautifs, à la diminution de l’actif ou à l’aggravation du passif ». (Cass. com., 7 janvier 1976, n° 72-14.029, Bull.
civ. IV, n° 6 ; D. 1976, AJ. p. 277, note F. DERRIDA et J.-P. SORTAIS)
1203
Ch. GAMALEU KAMENI, L’implication du créancier dans les procédures collectives, Étude comparée du droit
français et du droit de l’OHADA, Préf. G. BLANC, PU d’Aix- Marseille, 2015, ns° 145-146.
1204
S. TOE, « La responsabilité civile du banquier dispensateur de crédit à une entreprise en difficulté en droit
OHADA. À partir de l’exemple du Burkina Faso », Pénant, avril-juin 2012, n°879, p.151; D. NZOUABETH, « La
responsabilité des tiers en cas d’ouverture d’une procédure collective d’apurement du passif dans l’espace OHADA »,
Rev. Proc. Coll., décembre 2007, n° 4, p. 192.
1205
R. ROUTIER, « De l'irresponsabilité du prêteur dans le projet de loi de sauvegarde des entreprises », D. 2005,
Chron., p. 1478; A-L. CAPOEN, La responsabilité bancaire à l’égard des entreprises en difficulté, Th. Toulouse, 2008
; D. ROBINE, « L’article L. 650-1 du code de commerce : « un cadeau » empoisonné ? », D. 2006, p. 69 ; « L’article
L. 650-1 du Code de commerce : un Janus à deux visages », in Le droit des affaires à la confluence de la théorie et de la
pratique, Mél. P. LE CANNU, Dalloz-Lextenso-Thomson Reuters, 2014, p. 621.
370
le paiement des dommages-intérêts, soit la déchéance de leurs sûretés pour les créanciers titulaires
de telles garanties ».
929. Il en résulte que, la sanction pouvant être prononcée par la juridiction compétente, du fait
de la responsabilité d’un créancier, est susceptible de remettre en cause l’existence des sûretés
prises par ce dernier. Ce constat, valable aussi bien en droit français qu’en droit OHADA, permet de
conclure que la remise en cause des sûretés dépend, dans ce contexte, non seulement de la réunion
des conditions de la responsabilité (paragraphe 1), mais surtout du prononcé d’une sanction par la
juridiction compétente (paragraphe 2).
931. Ces conditions n'étant pas spécifiques à la responsabilité des créanciers fournisseurs de
crédits, il ne nous paraît pas opportun de nous y étendre. Comme pour toute responsabilité, il faut
une faute (1) un préjudice (2) et un lien de connexité entre les deux (3).
1- La faute
932. En droit français, la faute est constituée par l'octroi d'un concours. Pour engager la
responsabilité d’un créancier, il faut démontrer une faute dans l'octroi du crédit. Autrement dit, le
concours consenti doit être fautif. Pour la doctrine1206, cela revient à tenir compte des conditions
traditionnellement posées par la jurisprudence sur le soutien abusif. Ainsi, il faut constater soit
l'octroi d’un crédit ruineux, soit l'octroi d'un crédit en connaissance de la situation irrémédiablement
compromise du débiteur.
1206
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., ns° 841 et 845; A. JACQUEMONT, Droit
des entreprises en difficulté, op. cit., n° 123; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures
collectives, op. cit., n° 834.12.
371
933. En droit OHADA, la faute réside dans l’accomplissement par le créancier des
agissements fautifs. Que faut-il donc entendre par agissements fautifs ?
Pour déterminer les comportements fautifs susceptibles d’engager la responsabilité des tiers,
créanciers ou non, un auteur1207 fait une distinction en fonction des personnes concernées. Pour lui,
l’article 118 vise le plus souvent le banquier fournisseur de crédit mais également d’autres
partenaires du débiteur.
934. Lorsqu’il s’agit du banquier dispensateur de crédit, deux types de comportements lui sont
fréquemment reprochés : la rupture abusive du crédit ou son octroi ou maintien abusif.
S’agissant de la rupture abusive de crédit, l’opération peut être fautive « lorsque la banque, après
avoir promis un octroi de crédit refuse finalement de la consentir ou lorsqu’il dénonce de façon
irrégulière le crédit existant et que l’emprunteur parvient à établir que c’est cet agissement qui est à
l’origine de la procédure collective »1208. En ce qui concerne l’octroi ou le maintien abusive du
crédit, l’auteur se réfère aux hypothèses définies par la Cour de cassation française sous l’empire
des législations antérieures à la loi de sauvegarde. La condamnation de la banque interviendra donc,
dans cette hypothèse, soit lorsqu’elle a pratiqué une politique de crédit ruineux pour l’entreprise,
provoquant nécessairement une croissance continue et insurmontable de ses charges financières,
soit lorsque l’établissement de crédit a apporté un soutien artificiel à une entreprise en situation
irrémédiablement compromise.
935. En revanche, lorsqu’il s’agit des partenaires du débiteur autres que le banquier
fournisseur de crédit, l’auteur considère que le comportement fautif réside surtout de leur immixtion
fautive dans la gestion du débiteur. Pour engager sa responsabilité, le tiers doit donc se trouver dans
la situation d’un dirigeant de fait1209. En plus de l’immixtion dans la gestion du débiteur, le tiers
peut également se rendre coupable d’agissement fautif en cas d’inaction ou de passivité. C’est le cas
du commissaire aux comptes qui doit déclencher la procédure d’alerte s’il constate des faits de
nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Dans le cas contraire, il commet une faute
susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 118 de l’AUPC1210.
936. Somme toute, le législateur OHADA n’ayant pas défini la notion d’agissement fautif, il
reviendra aux juges d’en faire une appréciation au cas par cas. Mais quels que soient les critères
d’appréciation, l’acte devra, pour être jugé fautif, avoir causé un préjudice à la masse des
créanciers.
1207
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., ns° 329 à 338.
L’auteur fait un inventaire des comportements fautifs.
1208
Ibid., n° 330.
1209
J.-L. RIVES-LANGES, « La notion de dirigeant de fait au sens de l’article 99 de la loi du 13 juillet 1967, sur le
règlement judiciaire et la liquidation des biens », Dalloz-Sirey, 1975, Chron. p. 77. Pour l’auteur est dirigeant de fait,
« celui qui, en toute souveraineté et indépendance, exerce une activité positive de gestion et de direction ».
1210
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 338.
372
2- Le préjudice
937. En droit français, le préjudice s'entend comme le dommage subi par le débiteur ou par les
tiers, et notamment les créanciers du débiteur. L’octroi du crédit fautif doit donc avoir causé un
préjudice à l’entreprise ou à ses partenaires. Lorsque le préjudice émane des créanciers, il peut être
collectif ou individuel1211.
En outre, le préjudice peut être matériel ou moral. Il est matériel lorsque le dommage consiste par
exemple en la perte d'un bien, d'une situation professionnelle. Le préjudice matériel s’entend
également comme un préjudice financier. C’est par exemple le cas lorsque le dommage consiste en
la réduction des possibilités financière, perte de chance de désintéressement. Il est moral si le
dommage s'analyse par exemple en des souffrances ou en des atteintes à la considération.
938. En droit OHADA, le préjudice ne peut être que collectif. Il résulte des dispositions de
l’article 118 de l’AUPC que l’acte fautif doit avoir causé préjudice à la masse des créanciers.
Il n’est pas nécessaire que le préjudice atteigne la totalité des créanciers. L’intérêt propre de la
masse est distinct de la somme des intérêts de tous ses membres1212. En conséquence, dès lors que la
faute commise l’est à l’égard de la masse, c’est cette dernière qui en subit les conséquences.
Par ailleurs, le législateur OHADA affirme que les agissements fautifs commis par les tiers doivent
avoir contribué à retarder la cessation des paiements, à diminuer l’actif ou encore à aggraver le
passif du débiteur. Il en résulte que le préjudice subi par la masse des créanciers est constitué par
l’une de ces trois situations.
Mais quelle que soit la forme ou la nature du préjudice, celui-ci doit trouver sa cause dans la faute,
d’où l’exigence d’un lien de connexité.
939. En droit OHADA, le texte est clair. La faute commise par le tiers doit avoir contribué au
retard de la cession des paiements, à la diminution de l’actif ou encore à l’aggravation du passif. Il
faudra par exemple démontrer que l’une de ces trois situations trouve sa source dans l’octroi d’un
crédit ruineux ou encore la rupture abusive d’un crédit.
940. En droit français, le préjudicie subi doit résulter de l'octroi d'un crédit fautif. Un auteur
considère que ce lien de causalité sera plus difficile à établir dans le cadre d'une procédure de
sauvegarde, dans la mesure où le débiteur n'étant pas en état de cessation des paiements, il peut en
1211
La différence ici jouera sur l'organe compétent pour engager l'action en responsabilité. Lorsque l'action en
responsabilité met en jeu l'intérêt collectif, c'est le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le commissaire à l'exécution
du plan qui ont qualité pour agir. En revanche, lorsque le préjudice est personnel à un créancier, il lui revient d'engager
l'action en responsabilité. Mais cette dernière devient de plus en plus rare depuis que la Cour de cassation a retenu une
conception large du préjudice collectif. Dans un arrêt du 9 juillet 1993, (Cass. ass. plén., 9 juillet 1993,n° 89-19.211,
Bull. A.P., n° 13 ; D. 1993, p. 469, note F. DERRIDA), la Cour avait décidé que tout préjudice inhérent à la procédure
collective est collectif.
1212
A. BRUNET, Masse des créanciers et créanciers de la masse, Th. Nancy, 1973, p. 142.
373
principe faire face à son passif. Le créancier prêteur ne pourra donc se voir reprocher d'avoir
conduit le débiteur à l’état de cessation des paiements1213.
941. Avant que la jurisprudence ne se prononce clairement sur la nature du mécanisme
institué par l'article L. 650-1, des auteurs1214 avaient analysé les trois hypothèses visées par le texte
comme les différentes fautes qui permettaient d'ouvrir une action en responsabilité contre le
banquier. Dans cette situation, lorsque la disproportion de garantie constituait le fondement de
l'action en responsabilité, il fallait démontrer que le préjudice subi par le débiteur ou les créanciers
trouvait sa source dans la disproportion des garanties. Il devait donc montrer en quoi la prise de
garanties disproportionnées avait causé un préjudice.
L'hypothèse souvent envisagée par la doctrine 1215 était celle où le préjudice consiste dans
l'épuisement des possibilités d'endettement du débiteur. C'est par exemple le cas lorsque les
garanties disproportionnées conférées au créancier fautif ont empêché le débiteur de s'endetter
davantage. Le débiteur qui ne peut plus obtenir d'autres crédits auprès d'autres créanciers voit ses
possibilités de crédit réduites, du fait de la disproportion.
942. Aujourd'hui, avec la solution jurisprudentielle, la situation ne semble pas plus aisée
puisqu’il s’agit désormais d’une condition supplémentaire. En effet, lorsque les trois éléments
traditionnels de la responsabilité sont réunis, il faut encore prouver soit que le créancier a fraudé,
soit qu’il y a eu immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou encore qu’il a pris des
garanties disproportionnées aux concours consentis.
Cependant, même si le législateur admet trois exceptions au principe de l'irresponsabilité, notre
attention sera focalisée sur le troisième cas, en l'occurrence la prise de garanties disproportionnées,
seule directement liée à l'objet de notre étude.
1- La notion de garanties
943. Les garanties sont des institutions qui visent à protéger les créanciers contre le risque
d'insolvabilité de leur débiteur. La notion de garantie n'est cependant pas toujours facile à cerner
puisqu'elle englobe plusieurs mécanismes. En l'absence de définition légale ou jurisprudentielle, il
existe des critères généraux qui permettent de reconnaître une garantie.
1213
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 845.
1214
M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 639.
1215
Ibid., n° 644; A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 125.
374
La fonction première d'une garantie est de protéger le créancier contre le risque d'insolvabilité de
son débiteur. La garantie doit également protéger le créancier contre le risque d'immobilisation de la
créance. En outre, sa mise en œuvre doit être rapide et elle doit faciliter le recouvrement de la
créance.
944. En tenant compte de ces critères, certains auteurs ont tenté de définir les garanties.
L’un d’eux 1216 , considère comme garanties, tous les avantages spécifiques à un ou plusieurs
créanciers dont la finalité est de suppléer à l'exécution régulière d'une obligation ou d'en prévenir
l'inexécution. Les garanties peuvent encore se définir comme des mécanismes fondés sur une
technique issue de la théorie générale des obligations ou du droit des biens ayant pour effet non
exclusif de faciliter le recouvrement de sa créance par le créancier1217.
945. Le terme de garantie est donc une notion large qui regroupe plusieurs institutions à
savoir ; le mécanisme de la compensation, les actions directes, mais aussi, bien sûr, les sûretés.
S'il est vrai que toutes les garanties ne sont pas des sûretés, il est tout aussi vrai que toutes les
sûretés sont bien des garanties. En effet, qu'elles soient personnelles ou réelles, les sûretés ont
indiscutablement une fonction de garantie puisqu'elles visent avant tout à protéger leur titulaire
contre l'insolvabilité du débiteur.
Aussi, s'agissant des dispositions de l'article L. 650-1, la doctrine1218 estime qu'il n'y a pas lieu
d'interpréter la notion de garantie de manière restrictive. En conséquence, toutes les sûretés
personnelles et réelles sont visées par le texte.
Cette position est tout à fait justifiée car il n'y a pas lieu de distinguer là où le texte ne distingue pas.
Les dispositions de l'article L. 650-1 s'appliquent donc à l'ensemble des sûretés personnelles et
réelles au nombre desquelles font partie les propriétés-sûretés, ainsi qu’aux autres mécanismes de
garanties tel que le droit de rétention.
946. Cependant, pour engager la responsabilité du fournisseur de crédit, il ne suffit pas que la
sûreté entre dans le champ d'application du texte. Il faut encore que celle-ci soit disproportionnée au
regard des concours consentis.
1216
P. CROCQ, Propriété et garantie, op. cit., ns° 283 et s.
1217
M. BOURASSIN, V. BREMOUD, M-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 9.
1218
Ibid., n° 2456 ; M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 640; A.
JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 126 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des
entreprises en difficulté, op. cit., n° 844; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives,
op. cit., n° 834.17 ; J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de " concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du
code de commerce », op. cit., p. 1753 ; N. RONTCHEVSKY, « Les sûretés personnelles à l'épreuve de la loi de
sauvegarde des entreprises », Banque et droit, janvier- février 2006, n° 105, p. 17 ; R. DAMMANN, « La situation des
banques, titulaires de sûretés, après la loi de sauvegarde des entreprises », Banque et droit, septembre-octobre 2005, n°
103, p. 16.
375
2- La disproportion des garanties
1219
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 2456.
1220
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 834.17.
1221
J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de "concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de
commerce », op. cit., p. 1748.
1222
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op.cit., n° 164.
376
On peut également voir un cas de disproportion de garantie s’agissant de la clause de réserve de
propriété. C'est par exemple l'hypothèse d'un créancier qui se réserve la propriété d'un bien alors
que le débiteur déjà a payé la quasi-totalité de sa créance.
Si on peut voir dans ces deux exemples des cas de disproportion de garantie, celle-ci ne résulte pas,
en tout état de cause, de l’exclusivité attachée à ces garanties, mais du principe d’indivisibilité qui
s’applique à toutes les sûretés réelles et pas seulement aux sûretés exclusives.
950. La situation pourrait bien être différente s’agissant de la fiducie-sûreté.
Deux des rares auteurs1223 à s'être penchés sur la question ont considéré que la propriété-sûreté porte
en elle un risque de disproportion, puisque le bénéficiaire de cette sûreté exerce un droit exclusif sur
les actifs cédés à titre de garantie. Aussi, s'agissant de la fiducie-sûreté, elle favorise l'éventualité
d'un gaspillage de crédit, dans la mesure où le constituant ne conserve qu'une créance de restitution
à l'encontre du bénéficiaire qui acquiert un droit exclusif sur les biens transférés.
Pour illustrer leur thèse, les auteurs prennent l’exemple d’un constituant qui possède un immeuble
d'une valeur de dix millions d’euros. Il emprunte deux millions d’euros et offre à son créancier une
fiducie-sûreté portant sur cet immeuble. Le constituant ne conserve qu'une créance de restitution à
l'encontre du bénéficiaire de la fiducie à hauteur de huit millions d’euros. La différence entre la
valeur du bien et le montant de la créance est excessive, on peut véritablement y voir une
disproportion. La disproportion peut également naître en cours d'exécution du prêt, soit parce que la
valeur de l'immeuble s'apprécie, soit parce que le crédit est partiellement remboursé.
951. La solution pour lutter contre le gaspillage de crédit et, éventuellement, éviter toute
disproportion pourrait bien être la fiducie rechargeable. Elle permet, lorsque le contrat de fiducie le
prévoit, de garantir d'autres prêts sur la valeur du bien déjà affectée en garantie. Ainsi, pour
reprendre l’exemple précédent, un immeuble de dix millions d’euros pourrait donc garantir
plusieurs prêts. De ce fait, la fiducie-rechargeable peut, sans mettre un terme à la disproportion de la
garantie, néanmoins l’atténuer.
En définitive, les sûretés réelles exclusives, sans être les plus exposées, ne sont pas à l’abri de toute
disproportion, bien au contraire.
952. Par ailleurs, l'article L. 650-1 dispose que « Les créanciers ne peuvent être tenus pour
responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf si (...) les garanties prises en
contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ». Il en résulte que les garanties
doivent être disproportionnées par rapport aux concours consentis.
Mais alors, que faut-il entendre par concours ? Les concours visés ici sont-ils uniquement ceux de
l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier qui vise « tout concours à durée indéterminée,
1223
R. DAMMANN, M. ROBINET, « Quel avenir pour les sûretés réelles classiques face à la fiducie-sûretés ? », Cah.
drt. entp., juillet 2009, n° 4, dossier 23, p.35.
377
autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise » ou peut-on y inclure
d'autres formes de crédits ?
953. La notion de concours est, en l’absence d’une définition légale, assez imprécise. Son
interprétation varie donc en fonction des auteurs. Certains optent pour une conception élargie,
tandis que d'autres préfèrent la restreindre.
La conception large consiste à voir dans les concours, toutes les formes de crédit (les prêts, les
avances, les ouvertures de crédit, les découverts, l'escompte, les crédits fournisseurs, les crédits
bancaires, et les crédits inter entreprises) 1224 auxquelles s'ajoutent les délais de paiement 1225 .
En revanche, la conception restrictive exclut les délais de paiement des concours1226. Il existe par
ailleurs un troisième courant doctrinal plus nuancé. Les défenseurs de cette thèse considèrent que
les délais de paiement peuvent faire partie des concours à condition qu'ils ne correspondent pas aux
délais usuellement consentis par les fournisseurs ou prestataires de services1227.
954. À l'avenir, la question des délais de paiement ne devrait plus se poser. En effet, la Cour
de cassation a tranché le débat dans un arrêt du 16 octobre 2012 1228, la Haute juridiction a rejeté un
pouvoir formé contre un arrêt de cour d'appel qui avait décidé que des délais de paiement accordés
par un cocontractant au débiteur constituaient des concours au sens de l'article L. 650-1, sans
distinguer selon que ces délais étaient ou non usuellement consentis. La décision de la Cour fait
ainsi apparaître que les délais de paiement doivent désormais être considérés comme des concours.
955. En définitive, l'engagement de la responsabilité des créanciers fournisseurs de crédit ou
non est soumis à la réunion de trois éléments traditionnels de la responsabilité à savoir : la faute, le
préjudice et le lien causalité auxquels devra s'ajouter, en droit français notamment, un des trois
éléments cités par l'alinéa 1er de l'article L. 650-1. La réunion de tous ces éléments constitue le
préalable obligatoire mais non suffisant de la remise en cause des sûretés. En effet, alors même que
toutes ces conditions sont réunion, la remise en cause ne serra effective qu’après le prononcé d’une
sanction par la juridiction compétente.
1224
D. LEGEAIS, « Les concours consentis à une entreprise en difficulté », JCP E, 2005, 1510, 1747, n° 6; J. MOURY,
« La responsabilité du fournisseur de "concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de commerce», art. préc., p.
1746.
1225
Pour l'assimilation des délais de paiement aux concours ; V. M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial,
Entreprises en difficulté, op. cit., n° 636 ; D. LEGEAIS, « Les concours consentis à une entreprise en difficulté », art.
préc., 1510, n° 6; J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de "concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du
code de commerce », art. préc., p. 1746; R.DAMMANN, « Banque et banquiers responsables », in Responsabilité et
régulation économique, vol. 5, Presses Sc. Po. Dalloz, 2007, p. 73 et s., sp. p. 84.
1226
Contre l'assimilation des délais de paiement aux concours; V. C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en
difficulté, op. cit., n° 843. P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n°
834.13.
1227
A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n°124.
1228
Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-22.993, arrêt préc.
378
Paragraphe 2/ L’effectivité de la remise en cause des sûretés par le
prononcé d’une sanction
956. L'alinéa 2 de l'article, L. 650-1, précise que « Pour le cas où la responsabilité d'un
créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être réduites
ou annulées par le juge ». Les dispositions de ce texte ont soulevé un problème d'interprétation.
La sanction prononcée par le juge (la nullité ou la réduction des garanties) s'applique-t-elle
uniquement en cas de disproportion des garanties ou dès lors que la responsabilité du créancier est
retenue, serait-ce en cas de fraude ou d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ?
Les deux thèses ont été soutenues.
Certains ont considéré que la nullité, jadis obligatoire lorsque la responsabilité du créancier était
retenue, n'était possible que lorsque le créancier avait pris des garanties disproportionnées aux
concours consentis1229.
D'autres en revanche, ont soutenu que la nullité s'appliquait à tous les cas de responsabilité et pas
uniquement à la prise des garanties disproportionnées1230, solution à nos yeux digne d’approbation.
En effet, le texte qui précise que « pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue (...)
» ne limite pas la sanction au seul cas de disproportion de garanties, mais à tous les cas visés par
l'alinéa 1er du même article. Ainsi, même lorsque la responsabilité du créancier a été retenue en
raison de la fraude ou de l'immixtion caractérisée, le juge peut prononcer la sanction qu’il juge
appropriée. A contrario, les garanties disproportionnées ne sont pas systématiquement annulées. Il
faut encore que les conditions de la responsabilité du créancier soient réunies d’une part, et que le
juge prononce une sanction, d’autre part. Dans le même sens, un auteur a très justement considéré
que « dans le mécanisme de l'article L. 650-1, la nullité sanctionne la disproportion non pas
directement, mais seulement au travers de la responsabilité du créancier »1231.
957. Le texte de l’OHADA n’a pas suscité tous ces débats.
L’alinéa 2 de l’article 118 de l’AUPC indique que « La juridiction compétente choisit, pour la
réparation du préjudice, la solution la plus appropriée, soit le paiement des dommages-intérêts,
soit la déchéance de leurs sûretés pour les créanciers titulaires de telles garanties ». Il en résulte
que lorsque les conditions de la responsabilité du créancier sont réunies, la possibilité est offerte au
1229
A.-F. ZATTARAS-GROS, « Des responsabilités et des sanctions », LPA, 9 février 2006, n° 29, p. 52; M.
BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 2457.
1230
J. STOUFFLET et N. MATHEY, « Loi sur la sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005- Commentaire des
dispositions applicables aux concours financiers », art. préc ; R. ROUTIER, « Le cantonnement de la responsabilité
pour soutien abusif », Gaz. Pal. du 10 septembre 2005, n° 253, p. 33 et s. sp. p. 35 ; J. MOURY, « La responsabilité du
fournisseur de " concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de commerce », art. préc., p. 1751 ; P.-. M. LE
CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 834.19.
1231
J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de " concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de
commerce », art. préc., p. 1751.
379
juge de choisir la sanction. Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008, la situation est désormais la
même en droit français. En effet, le juge peut prononcer soit la nullité ou la réduction des garanties.
Ainsi, il sied au préalable de voir le pouvoir d’appréciation dont dispose le juge quant au prononcé
de la sanction (A), avant de préciser les différentes sanctions pouvant remettre en cause les sûretés
(B).
Le pouvoir d’appréciation des juges n’est pas le même selon qu’il s’agit du droit français (1)
ou du droit OHADA (2).
958. Au préalable, il convient de préciser que le pouvoir d’appréciation des juges du fond ne
s’applique pas à l’engagement de la responsabilité du créancier, mais à la sanction qui pourrait s’y
ajouter. En effet, dès lors que les conditions de la responsabilité sont réunies, le juge doit la retenir.
Le créancier devra donc indemniser la ou les victimes du préjudice par le paiement des dommages-
intérêts. Le pouvoir d’appréciation du juge intervient en revanche quant au prononcé d’une sanction
supplémentaire qui peut être la nullité ou la réduction de garanties. Le juge dispose à cet effet d’un
double pouvoir d’appréciation : un pouvoir d'opportunité (a) et un pouvoir modérateur (b).
a- Le pouvoir d'opportunité
959. L'alinéa 2 de l'article L. 650-1 dispose que lorsque la responsabilité du créancier est
reconnue, les garanties prises en contrepartie des concours « peuvent » être annulées ou réduites.
L'emploi du verbe pouvoir laisse penser que le tribunal doit apprécier l'opportunité d'une telle
décision. La sanction n'est donc pas automatique. Ce n'est que si le tribunal estime que la réduction
ou la nullité des garanties est justifiée qu'il la prononce, en sus de l’engagement de la responsabilité
du créancier. La situation aurait été différente si le législateur avait employé le verbe "devoir". Dans
ce cas, comme avant la modification intervenue dans l’ordonnance du 18 décembre 2008, le
prononcé d’une telle sanction aurait été obligatoire1232.
960. Ainsi, comme pour les nullités facultatives de la période suspecte, le tribunal dispose
désormais, pour la responsabilité des créanciers fautifs, d'un pouvoir d'appréciation quant à
l'opportunité la sanction. Les juges du fond disposent par ailleurs d'un pouvoir d'appréciation pour
ce qui est du choix de cette sanction. En effet, dès lors que la responsabilité du créancier est retenue
et que le juge décide d’y ajouter une sanction supplémentaire, il peut choisir entre la nullité ou la
réduction des garanties. C’est à ce moment qu’intervient le pouvoir modérateur des juges.
1232
Ancien art. L. 650-1, al. 2 du Code de commerce « Pour les cas où la responsabilité du créancier est reconnue, les
garanties prises en contrepartie de ces concours sont nulles ».
380
b- Le pouvoir modérateur
963. Pour le prononcé de la sanction, les juges africains ont, à l’instar des juges français, la
possibilité de choisir la sanction la plus appropriée. Toutefois, la situation se pose en des termes
différents en droit OHADA.
En application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 118 de l’AUPC, le créancier dont la
responsabilité est retenue se voit imposer, soit le paiement des dommages-intérêts, soit, lorsqu’il est
titulaire de sûretés, la déchéance de ces garanties. Il en résulte qu’il ne s’agit pas de sanctions
cumulatives mais alternatives. Le créancier ne peut donc, en plus du paiement des dommages-
intérêts, subir une déchéance de ses sûretés. À la différence du droit français, il ne court pas le
risque d’une sanction supplémentaire.
On pourrait penser que la sanction prononcée par les juges dépendra de la qualité des créanciers. En
présence d’un créancier chirographaire, la sanction sera le paiement des dommages-intérêts. Au
contraire, s’il s’agit d’un créancier muni de sûretés, la sanction consistera dans les déchéances de
celles-ci.
1233
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des Sûretés, op. cit., n° 2457;
J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de " concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de commerce
», art. préc., p. 1751.
1234
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 834.19.
1235
R. ROUTIER, « Les retouches de l'article L. 650-1 du code de commerce », art. préc., p.54.
381
964. Dans tous les cas, le juge africain ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation quant à
l’opportunité de la sanction. Le texte indique que « la juridiction compétente choisit (…) ». Cette
rédaction ne donne aucun pouvoir d’opportunité au juge. Dès lors que les conditions de la
responsabilité sont réunies, il doit prononcer une sanction. En revanche, le juge dispose d’un
pouvoir modérateur puisqu’il doit choisir la sanction la plus appropriée contre l’auteur du
préjudice1236.
Quoi qu'il en soit, que l’on se situe en droit OHADA ou en droit français, la remise en cause des
sûretés dépend surtout de la sanction prononcée par le juge.
Le créancier dont la responsabilité est engagée s’expose à diverses sanctions. Celles-ci ne sont
pas les mêmes en droit français (1) et en droit OHADA (2).
965. Nous l’avons vu, le juge a désormais le choix entre la réduction et la nullité des
garanties. Or, chaque sanction produit des effets spécifiques. Nous verrons donc successivement la
sanction de la réduction des garanties (a) puis celle de la nullité (b).
966. La réduction est une des innovations de l'ordonnance du 18 décembre 2008. Elle permet
aux juges de tenir compte de la gravité de la faute commise par le créancier et d'établir l'équilibre
entre les garanties prises et les concours fautifs consentis.
Un auteur1237 considère, à juste titre que la réduction permet de corriger l'excès ou l'inadaptation.
Aussi, le créancier fautif qui avait pris soin de se faire consentir des garanties a une possibilité de ne
pas toutes les perdre par le fait d'une nullité, puisque le juge peut décider d'en laisser certaines et
d'en annuler d'autres. La réduction permet en outre de limiter le gaspillage des garanties, dans la
mesure où seules celles qui permettent d'assurer les concours consentis devraient en principe être
retenues. En l'absence de précision législative, il est possible de considérer que la réduction des
garanties aura les mêmes effets sur les créanciers titulaires de sûretés réelles exclusives. Ces
derniers perdraient quelques-unes de leur garantie choisies par le juge.
967. La réduction est donc susceptible de remettre en cause l'existence des sûretés. En effet, à
défaut de toutes les annuler, le juge peut les diminuer. Cette situation va entraîner l'annulation de
certaines d'entre elles. En conséquence, la réduction ne place pas les sûretés totalement à l'abri d'une
1236
D. NZOUBETH, « La responsabilité des tiers en cas d’ouverture d’une procédure collective d’apurement du passif
dans l’espace OHADA », art. préc. p. 205
1237
R. ROUTIER, « Les retouches de l'article L. 650-1 du code de commerce », art. préc., p.54.
382
disparation. Mais, elle apparaît, dans tous les cas, comme une sanction moins sévère et plus adaptée
pour les créanciers fautifs. Ce qui, assurément, n'est pas le cas pour la nullité.
968. La nullité des garanties provoque leur anéantissement. Dès lors que le juge a prononcé la
sanction, les garanties annulées disparaissent rétroactivement, peu important qu'elles soient ou non
disproportionnées aux concours consentis. Ainsi, le créancier fautif devient un simple créancier
chirographaire. La perte de la sûreté remet les parties dans leur état antérieur. Le créancier doit
procéder à la restitution des sommes perçues ou du bien acquis en pleine propriété (cas du
bénéficiaire de la fiducie).
969. La nullité des garanties apparaît comme une sanction atypique 1238. Un auteur soulève
d'ailleurs le caractère insolite1239 de cette sanction. En effet, de manière traditionnelle, la sanction
pour les actions en responsabilité consiste en la réparation du préjudice. Celle-ci se fait par le
paiement des dommages et intérêts. Or, dans le cadre du soutien abusif, le créancier fautif doit non
seulement indemniser les victimes à hauteur du préjudice, mais il peut également subir une
réduction et, dans le pire des cas, une perte de ses garanties. La nullité revêt donc un caractère
particulièrement sévère.
970. Pour tenter de justifier cette sévérité, un auteur 1240 y a vu la contrepartie du principe
d'irresponsabilité dont bénéficient les créanciers prêteurs. En échange d’une responsabilité moins
facile à rechercher, les créanciers se voient donc plus durement touchés dans le cas ou elle pouvait
être engagée. À notre avis, la nullité serait un moyen conçu par le législateur pour dissuader les
apporteurs de crédits de se rendre coupable du soutien abusif.
971. Quant à la qualification de la nullité, certains considèrent, en se fondant sur le caractère
d’intérêt général, qu'il s'agit d'une nullité absolue1241. En revanche, d’autres y voient une nullité
relative1242. Nous sommes plutôt favorables à cette seconde idée. En effet, il s’agit ici d’une nullité
de protection des intérêts de l’entreprise en difficulté. De ce fait, même si la nullité pouvait
concerner un grand nombre de personne, il ne nous semble cependant pas qu’elle soit d’ordre
public. En tout état de cause, la jurisprudence ne s’étant pas encore prononcée sur cette question, le
débat reste ouvert.
1238
V. J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de " concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de
commerce », art. préc., p. 1751. L’auteur évoque une sanction « surprenante ».
1239
R. ROUTIER, « Le cantonnement de la responsabilité pour soutien abusif », art. préc., p. 35.
1240
R. ROUTIER, « Les retouches de l'article L. 650-1 du Code de commerce », art. préc., p. 54.
1241
J. MOURY, « La responsabilité du fournisseur de " concours" dans le marc de l'article L. 650-1 du code de
commerce », art. préc., p. 1751. Pour l'auteur, les dispositions de l'article L. 650-1 relèvent d'un ordre public
"économique de direction".
1242
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 834.19; A.-F.
ZATTARAS-GROS, « Des responsabilités et des sanctions », art. préc., p. 56.
383
Ainsi, s’achève l’étude des sanctions du droit français, qu’en est-il des sanctions admises en droit
OHADA ?
972. Lorsque la responsabilité du créancier est retenue, le juge choisit, pour la réparation du
préjudice, soit le paiement des dommages-intérêts, soit la déchéance des sûretés, si elles existent. À
l’instar du droit français, deux sanctions sont possibles. Toutefois, seule la déchéance (a) retiendra
notre attention car elle seule peut remettre en cause l’existence des sûretés.
973. La déchéance est la perte d’un droit, d’une fonction, d’une qualité ou d’un bénéfice
encouru à titre de sanction, pour cause d’indignité, d’incapacité ou de fraude1243. Le créancier à
l’encontre duquel la déchéance est prononcée perd donc sa sûreté. Il devient de ce fait un simple
créancier chirographaire. Selon un auteur1244, la déchéance des sûretés « évoque l’inopposabilité de
droit qui frappe les sûretés consenties pendant la période suspecte pour des dettes antérieurement
contractées et rappelle en droit français la sanction supplémentaire mais sévère, qu’est la nullité des
garanties consenties au créancier reconnu responsable ».
974. Le texte ne précise pas la nature des sûretés pouvant être déchues, on peut alors
considérer que cette sanction s’applique à toutes les sûretés y compris celles qui placent le créancier
dans une situation d’exclusivité. En conséquence, le créancier muni de sûreté réelle exclusive et
dont la responsabilité serait engagée sur le fondement de l’article 118 de l’AUPC, verrait sa sûreté
déchue. Il deviendrait ainsi un simple créancier chirographaire.
975. Nous venons de voir que le fait pour un créancier fournisseur de crédit ou non, d’engager
sa responsabilité dans le cadre d’une procédure collective, constitue une menace à l’existence des
sûretés prises par ce dernier. La situation varie cependant en fonction des législations.
En droit français, lorsque les conditions de la responsabilité sont réunies, le tribunal peut réduire ou
annuler les garanties prises par le créancier. Mais le tribunal peut aussi ne pas prononcer de sanction
supplémentaire, en sus du paiement des dommages-intérêts. Or, en droit OHADA, il n’existe pas de
sanction supplémentaire. Le juge doit choisir entre le paiement des dommages-intérêts et la
déchéance des sûretés, pour les créanciers qui en sont titulaires.
Dans tous les cas, le prononcé de toute autre sanction par le juge, à l’exception du paiement des
dommages-intérêts, va remettre en cause l’existence des sûretés prises par le créancier, même
lorsqu’il s’agit de sûretés réelles exclusives.
1243
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit, p. 299.
1244
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 345.
384
976. En définitive, à l’instar des sanctions de la période suspecte, les sûretés réelles exclusives
ne sont pas à l’abri d’une remise fondée sur la responsabilité des créanciers. Dans ce dernier cas, le
risque plus grand puisque la nullité ou la déchéance peut être prononcée même lorsque les sûretés
ont été régulièrement consenties. Par ailleurs, en droit français notamment, la nullité ou la réduction
des garanties peut intervenir même en sauvegarde alors que les sanctions de la période suspecte ne
s'appliquent qu'en cas de cessation des paiements.
Conclusion du chapitre
977. L’ouverture d’une procédure collective peut être à l’origine d’une remise en cause des
sûretés. Cette situation se vérifie dans deux cas. D’une part, en raison des sanctions de la période
suspecte et, d’autre part, en cas d’engagement de la responsabilité des créanciers. Dans les deux
situations, du moins en droit français, la sûreté court le risque d’une nullité.
Ces règles qui peuvent compromettre l'existence même des sûretés dans les procédures collectives
sont en réalité au service de l'entreprise en difficulté puisque, l'objectif poursuivi par le législateur
français, notamment, est de reconstituer l'actif du débiteur dans le but de favoriser le sauvetage ou
le redressement de l'entreprise ou encore de faciliter l’apurement du passif. En droit OHADA, le
produit de ces actions est destiné à alimenter l’actif de la masse. Ainsi, bien que les sûretés réelles
exclusives procurent des avantages indéniables à leurs titulaires, elles ne sont pas pour autant à
l'abri de toute remise en cause en cas d’ouverture d’une procédure collective.
Conclusion du titre 1
978. Il résulte de ce qui précède que l'ouverture d'une procédure collective n’est pas sans
conséquence sur l’existence des sûretés réelles exclusives. En effet, le jugement d’ouverture
emporte obligation pour les créanciers de déclarer leur créance et leur sûreté. Cette obligation vaut
en principe également pour les créanciers munis de sûretés réelles exclusives. Ainsi, à défaut de
déclaration, la sûreté est jugée inopposable. Par ailleurs, il est fait interdiction aux créanciers munis
des sûretés soumises à la publicité de procéder à leur inscription après le jugement d’ouverture. Là
encore, le non-respect de l’interdiction est sanctionné par l’inopposabilité. En principe, celle-ci
profite à la procédure collective ou à la masse des créanciers. Toutefois, compte tenu de la nature
particulière des sûretés réelles exclusives, il reste difficile de déterminer les effets de leur
inopposabilité.
979. Quoi qu’il en soit, si des incertitudes subsistent pour ce qui est des effets de
l’inopposabilité de ces sûretés, celles-ci ne sont pas à l’abri d’une remise en cause résultant des
sanctions de la période suspecte ou encore de la responsabilité des créanciers. Dans chacune de ces
situations, l’exclusivité n’épargne pas les sûretés.
385
En droit français notamment, les sanctions de la période suspecte entrainent la nullité des sûretés
irrégulièrement constituées. De même, le créancier dont la responsabilité est engagée encourt
jusqu’à la nullité de ses garanties.
En droit OHADA, le législateur est plus souple. En effet, l’inopposabilité demeure la sanction des
actes constitués au cours de la période suspecte. S’agissant de l’engagement de la responsabilité du
créancier lorsque celui-ci est titulaire de sûretés, celles-ci peuvent être frappées de déchéance.
980. Dans tous les cas, l’ouverture d’une procédure collective influe sur l’existence des
sûretés réelles exclusives. L’effectivité de leur protection n’est garantie que lorsqu’elles existent
indépendamment des aléas de la procédure. On peut alors affirmer que la protection des sûretés
réelles exclusives est largement subordonnée à leur existence dans les procédures collectives.
La même affirmation est-elle possible au regard des objectifs desdites procédures ?
386
TITRE 2/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS
RÉELLES EXCLUSIVES PARTIELLEMENT
SUBORDONNÉE AUX OBJECTIFS DU DROIT DES
PROCÉDURES COLLECTIVES
981. Le droit des procédures collectives poursuit des objectifs nobles dont le plus important
est le sauvetage des entreprises et le maintien des emplois qui y sont attachés. Dans le cadre de cette
étude, il nous semble opportun, après ce qui a été exposé sur la protection des suretés réelles
exclusives, de finir par un examen des conséquences de cette protection sur la réalisation des
objectifs assignés aux procédures collectives. Autrement dit, la question qui se pose est celle de
savoir si la protection dont bénéficient ces sûretés est susceptible ou pas de faire obstacle à la
réalisation des objectifs des procédures collectives.
Or, les sûretés réelles exclusives étant protégées, elles protègent également et nécessairement les
créanciers qui en sont titulaires. Ainsi, il s’agira ici de voir si la protection dont bénéficient ces
derniers est totalement indépendante ou non des objectifs du droit des procédures collectives. Ou si,
au contraire, elle influencée par ces objectifs.
982. Cela nous conduit à voir, que le législateur français notamment, dans le but de favoriser
la réalisation des objectifs du droit des procédures collective, neutralise quelque fois les effets des
sûretés réelles exclusives. Il en résulte une protection en partie subordonnée à ces objectifs. Au
contraire, en droit OHADA, l’influence des objectifs du droit des procédures collectives sur la
protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives est limitée. Cette circonstance nous
amène à étudier distinctement chacune des législations. Ainsi, nous verrons qu’en droit français, la
protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives est relativement subordonnée à la
réalisation des objectifs du droit des procédures collectives (chapitre 1), tandis qu’en droit OHADA,
le degré de subordination est beaucoup plus faible (chapitre 2).
387
CHAPITRE 1/ UNE PROTECTION RELATIVEMENT
SUBORDONNÉE AUX OBJECTIFS DU DROIT
FRANÇAIS DES PROCÉDURES COLLECTIVES
983. Depuis la loi du 25 janvier 1985, le droit des procédures collectives poursuit
essentiellement deux objectifs : d’une part, le sauvetage de l'entreprise défaillante, cela passe par la
poursuite de l'activité et le maintien des emplois qui y sont attachés et, d’autre part, l'apurement du
passif. Contrairement aux législations antérieures1245, l'apurement du passif est relégué au second
plan1246, tandis que le sauvetage de l'entreprise occupe désormais la première place1247.
984. Ces objectifs influencent, à plusieurs niveaux, la protection des créanciers munis de
sûretés réelles exclusives. Au regard des modifications issues de l'ordonnance du 18 décembre 2008
réformant le droit des entreprises en difficulté, un constat s'impose : la protection des créanciers
munis de sûretés réelles exclusives est fortement influencée par l'objectif du sauvetage de
l'entreprise. En effet, après les réformes successives du droit des sûretés, en l’occurrence la loi du
19 février 2007 instituant la fiducie en droit français, et celle du 4 août 2008 sur la modernisation de
l'économie qui créa un droit de rétention fictif à l'égard de tous les créanciers gagistes sans
dépossession, le législateur a cru bon, la même année, de réformer le droit des procédures
collectives afin de rétablir un équilibre entre des intérêts divergents.
L'idée du législateur de 2008 a consisté à neutraliser les effets de certaines sûretés réelles
exclusives, notamment le droit de rétention fictif et la fiducie-sûreté, tant que le sauvetage de
l'entreprise est encore envisageable. Au contraire, ces sûretés retrouvent la plénitude de leurs effets
dès lors que le sauvetage n'est plus possible.
985. Cependant, l'œuvre du législateur de 2008 laisse un goût d'inachevé. En effet, parmi les
sûretés réelles exclusives, seuls le droit de rétention fictif et la fiducie-sûreté voient leurs effets
neutralisés au cours des procédures de sauvetage. Le droit de rétention effectif et la clause de
réserve de propriété conservent, en revanche, leur pleine efficacité dans toutes les procédures
collectives, assurant ainsi une protection constante à leurs titulaires. L’objectif du sauvetage ne
constitue donc pas un frein à l'efficacité de leurs sûretés.
1245
Le Code de commerce de 1807; la loi du 4 mars 1889, le décret du 20 mai 1955.
1246
C. SAINT-ALARY HOUIN, « Les créanciers face au redressement judiciaire de l’entreprise », art. préc., p. 129 ; F.
MACORIG-VENIER, « La place occupée par l’apurement du passif dans la loi du 25 janvier 1985 », LPA, 1988, n° 74,
p. 5.
1247
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 042.51 ; F. PÉROCHON,
Entreprises en difficulté, op. cit., n° 12.
388
986. Cette situation amène à s'interroger sur l'impact des objectifs du droit des procédures
collectives sur la protection des créanciers munis de ces sûretés. Se pose alors la question de savoir
si la protection accordée aux créanciers rétenteurs et réservataires n’est pas susceptible de faire
obstacle à la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives, et notamment au sauvetage
de l'entreprise.
Or, bien que ces sûretés soient efficaces dans toutes les phases de la procédure collective, nous
verrons que le traitement de faveur, en l’occurrence le paiement exceptionnel des créances, dont
bénéficient leurs titulaires ne se manifeste véritablement que lorsqu'il faut satisfaire aux besoins de
la procédure collective. De ce fait, la protection des créanciers réservataires – et surtout rétenteurs –
est en réalité, elle aussi, influencée par les objectifs du droit des procédures collectives.
987. Somme toute, l'influence des objectifs du droit des procédures collectives sur la
protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives suggère deux idées. D'un coté, une
idée restrictive qui, en mettant l'accent sur l'objectif prioritaire du sauvetage des entreprises, limite
la protection de certaines sûretés en fonction de cet objectif (section 1). Mais, d’un autre coté, et de
façon moins restrictive, on peut estimer que la protection des créanciers ne se limite pas au
sauvetage de l'entreprise, mais tient plus généralement compte des objectifs ou des besoins de la
procédure collective (section 2).
988. Favoriser le sauvetage des entreprises en difficulté et renforcer l'efficacité des sûretés,
telles sont les priorités respectives du droit des procédures collectives et du droit des sûretés.
Nonobstant leurs intérêts divergents, ces deux branches du droit sont étroitement liées. En effet, au
regard de leur évolution législative 1248 , on se rend compte que ces deux disciplines se livrent
continuellement à une bataille dans laquelle chacune d’elles s’impose à tour de rôle sans qu'il y ait
finalement de véritable de vainqueur.
Toutefois, l’article 2287 du Code civil aux termes duquel « Les dispositions du présent livre ne font
pas obstacle à l'application des règles prévues en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde,
de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d'ouverture d'une
procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers », permet de donner,
1248
Cf. Introduction, ns° 19 à 42.
389
sinon la victoire, du moins l’avantage au droit des procédures collectives. En effet, ce texte fait du
droit des sûretés un droit subsidiaire par rapport au droit des entreprises en difficulté.
989. Mais l'ordonnance du 18 décembre 2008 semble pourtant avoir abouti à un rééquilibrage
entre les intérêts en présence1249. Après que la loi sur la modernisation de l'économie du 4 août 2008
eut institué de nouvelles mesures favorables aux sûretés réelles exclusives, en l'occurrence la
fiducie-sureté et le gage sans dépossession, celles-ci se sont très vite révélées inadaptées au droit
des entreprises en difficulté1250.
L'ordonnance du 18 décembre 2008, réformant la matière, est donc venue rectifier le tir. Le
législateur a en effet encadré l'efficacité de ces sûretés au regard de l'objectif du sauvetage. Cette
idée ressort très clairement du rapport relatif à l'ordonnance adressé au président de la République,
en ces termes : « Par ailleurs, des dispositions spécifiques ont été introduites afin d'organiser les
effets en procédure collective de la fiducie et du gage sans dépossession, ce dernier étant assorti
d'un droit de rétention depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie. Afin de
préserver les chances de sauvetage de l'entreprise, ces effets ont été encadrés en sauvegarde
comme en redressement judiciaire. Au contraire, ils ont été amplifiés en liquidation judiciaire, ce
qui permettra d'assurer la pleine efficacité de ces sûretés et ainsi favoriser le crédit aux entreprises
»1251.
Le but du législateur était, tout en encourageant le crédit, de ne pas ruiner toutes les chances de
redressement de l'entreprise. Il devait essayer de concilier les deux objectifs quasiment opposés du
droit des sûretés et du droit des entreprises en difficulté.
990. Le compromis trouvé par l'ordonnance du 18 décembre 20081252 fut de neutraliser les
effets des "nouvelles" sûretés réelles exclusives dans les procédures de sauvegarde et de
redressement1253 (paragraphe 1), et d'en accroître leur efficacité lorsqu'il n'y a plus de possibilité de
redressement (paragraphe 2). Un auteur1254 a vu dans cette variation des effets de la fiducie-sûreté et
du droit de rétention, une instrumentalisation des sûretés réelles en vue de favoriser le redressement.
Dans tous les cas, cette situation révèle suffisamment l'influence des objectifs du droit des
procédures collectives sur la protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives.
1249
F.-X. LUCAS, « L'efficacité des sûretés réelles et les difficultés des entreprises », Rev. Proc. Coll., novembre-
décembre 2009, n° 6, dossier 17, p. 60 et s. sp. pp. 60-61.
1250
F. MACORIG-VENIER, « Les apports de la réforme du 18 décembre 2008 en matière de sûretés », Dr. et patr.,
janvier 2010, n° 188, p. 26.
1251
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du
droit des entreprises en difficulté, JORF, n° 0295 du 19 décembre 2008, p. 19457.
1252
P. CROCQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés », Rev. Proc. Coll. janvier-février 2009,
n°1, dossier 10, p. 75 et s. sp. pp. 79-83; A.-S. TEXIER, « Réforme du droit des entreprises en difficulté », Dictionnaire
permanent difficulté des entreprises, mars 2009, n° sp. 302-1, p. 4175 ; M. FARGE et O. GOUT, « L'impact du
nouveau droit des entreprises en difficulté sur le droit des sûretés », RLDC, mars 2009, n° 58, p. 25.
1253
Nous les appellerons de procédures de sauvetage.
1254
F.-X. LUCAS, « L'efficacité des sûretés réelles et les difficultés des entreprises », art. préc., p. 61.
390
Paragraphe 1/ Uune protection limitée dans les procédures de
sauvetage
991. L'objectif du sauvetage de l'entreprise commande de faire passer au second plan la
protection des créanciers, dans la mesure où celle-ci serait contraire à ce sauvetage. L'efficacité des
sûretés est alors neutralisée tant qu'il y a encore des perspectives de sauver l'entreprise. Durant ces
phases procédurales, la protection des créanciers est donc limitée.
Pour le titulaire d’un droit de rétention fictif, la limite provient de l’inopposabilité de son droit (A)
et pour le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté, la limite résulte de la neutralisation de sa sûreté (B).
1- Le domaine de l'inopposabilité
993. D’après les dispositions de l'article précité, l'inopposabilité ne concerne que le droit de
rétention institué par le 4° du nouvel article 2286 du Code civil. Or, dans sa rédaction issue de la loi
sur la modernisation de l'économie du 4 août 2008, cet article prévoit la reconnaissance d’un droit
de rétention fictif au profit du créancier gagiste sans dépossession. Le texte précise que celui qui
bénéficie d'un gage sans dépossession peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose. Un droit
de rétention fictif est donc désormais reconnu à tous les gages sans dépossession. Il s'agit des gages
sans dépossession pour lesquels cette prérogative n'avait pas été prévue par une législation
spéciale1255.
994. En conséquence, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 2286, 4° du Code
civil, le gage sur véhicule automobile. En effet, depuis le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953
relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles, un droit de rétention fictif est attaché au reçu de
la déclaration du gage sur le registre spécialement ouvert à la préfecture à cet effet (article 2, alinéa
3 du décret de 1953). Le décret de 1953 a clairement institué l'existence d'un droit de rétention fictif
au profit du gagiste sur véhicule automobile. Aujourd'hui, l'article 2352 du Code civil dispose que «
Par la délivrance du reçu de la déclaration, le créancier gagiste sera réputé avoir conservé le bien
1255
V. Rapport au Président de la République sur l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 : JO 19 décembre
2008, p. 19457, titre I, chapitre II-3, sous article 22.
391
remis en gage en sa possession ». Le droit de rétention reconnu au créancier gagiste sur véhicule
automobile ne résultant pas de l’article 2286, 4° du Code civil, il demeure parfaitement opposable
pendant toute la durée de la procédure collective.
995. Le doute subsiste toutefois quant à l'application de l'article 2286, 4° du Code civil au
titulaire d'un warrant agricole. Il s'agit d'un gage mobilier spécial, sans dépossession de l’agriculteur
constituant. Il est régi par les articles L. 342-1 à L. 342-17 du Code rural et de la pêche maritime.
Dans une décision très ancienne1256, la Cour de cassation avait reconnu au créancier titulaire d'un
warrant agricole la possession fictive des biens warrantés. En conséquence, le créancier bénéficiait
d’un droit de rétention fictif. Sur la base de cette décision, on pouvait considérer que le warrant
agricole échappait aux dispositions de l'article 2286, 4° du Code civil.
996. Cependant, une partie de la doctrine conteste aujourd’hui cette solution. En se fondant
sur les innovations instituées par l'ordonnance du 23 mars 2006, et notamment sur la nouvelle
définition du gage, et plus récemment encore sur un arrêt rendu le 12 novembre 2015 par la Cour de
cassation1257, des auteurs1258 voient dans le warrant agricole, un véritable gage sans dépossession et
non plus un gage fondé sur une dépossession fictive. En conséquence, ils en déduisent que le
warrant agricole devrait rentrer dans le champ d'application de l'article 2286, 4° du Code civil1259.
Le créancier titulaire de biens warrantés serait donc concerné par l'inopposabilité édictée par
l'article L. 622-7-I, alinéa 2, du Code de commerce.
Dans le même ordre d'idées, une juridiction du fond a jugé qu'à défaut de dispositions légales
prévoyant un droit de rétention fictif, comme en matière de véhicule automobile, le warrant ne
confère aucun droit de rétention sur les biens warrantés1260.
997. D'éminents auteurs dont les professeurs CROCQ1261 et PÉROCHON1262 soutiennent, en
revanche, que le gage sur véhicule automobile et le warrant agricole sont les deux catégories de
1256
Cass. civ., 23 avril 1918, DP 1919, I, p.3, note H. CAPITANT.
1257
Cass. 1ere civ., 12 novembre 2015, n° 14-23.106, Bull. civ ; D. 2016, p. 178, obs. Ch. JUILLET. Selon la Cour : «
L'article 2333 du Code civil dispose que le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le
droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers
corporels, présents ou futurs. Il s'ensuit que le warrant agricole, dont le régime n'exclut pas qu'il puisse concerner des
biens mobiliers corporels futurs, peut non seulement porter sur les récoltes pendantes par les racines, conformément à
l'article L. 342-1 du Code rural et de la pêche maritime, mais également sur les récoltes futures, en application du droit
commun du gage
1258
E. LE CORRE-BROLY, « La situation du porteur d'un warrant agricole après l'ordonnance du 23 mars 2006 et la
LME », art. préc ; V. aussi ; M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op.
cit., n° 1782 ; Ch. JUILLET,« Le warrant agricole, les sûretés mobilières spéciales et le droit commun du gage », art.
préc., p. 178
1259
E. LE CORRE-BROLY, « La situation du porteur d'un warrant agricole après l'ordonnance du 23 mars 2006 et la
LME », art. préc. Cet auteur fût le premier à défendre cette idée.
1260
CA Angers, 16 septembre 2008, n° RG 07-1538 ; Lettres d'actualité des Procédures collectives, civiles et
commerciales, n°8, mai 2009, alerte 126. Mais cet arrêt a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation : Cass. com., 26
janvier 2010, n° 08-21.340, Inédit ; BJE, mars 2011, n° 1, p. 32, obs. N.BORGA ; Gaz. Pal. 17 avril 2010, n° 107, p.
18, obs. Ph. ROUSSEL-GALLE ; D. 2011, pan. p. 412, obs. P. CROCQ ; Rev. Proc. Coll., mai-juin 2010, 129, p. 82,
note Ch. LEBEL ; RLDC, mars 2010, n° 69, p. 31, note J. J. ANSAULT.
392
gages sans dépossession dont le droit de rétention fictif résulte des dispositions spéciales. En
conséquence, ces droits de rétention échappent à l'inopposabilité édictée par l'article L. 622-7-I,
alinéa 2, du Code de commerce. Quant au professeur LE CORRE1263, s’il a d’abord considéré que le
droit de rétention dont bénéficie le titulaire d’un warrant agricole ne provenait pas des dispositions
de l’article 2286, 4° du Code civil, il semble désormais avoir changé sa position1264.
998. Sur cette question, nos sentiments sont mitigés. Même si la reconnaissance d'une
dépossession fictive au profit du titulaire d'un warrant agricole est l'œuvre de la jurisprudence, d'une
part, et qu'aujourd'hui la dépossession n'est plus de l'essence du gage, d'autre part, ces éléments ne
nous semblent pas suffisants pour considérer que le titulaire d'un warrant agricole bénéficie de son
droit de rétention en vertu de l'article 2286, 4° du Code civil. En effet, en tant que source du droit, la
jurisprudence a parmi ses missions, celle de pallier les insuffisances législatives. De plus, le
législateur n'a, à ce jour, prévu aucune disposition expresse allant dans le sens contraire à l'ancienne
solution jurisprudentielle, qui a d'ailleurs été réaffirmée dans un arrêt plus récent 1265 . En
conséquence, le warrant agricole devrait encore être considéré comme un gage assorti d'une
dépossession fictive, ce qui permettrait de conclure que le créancier qui en est le titulaire bénéficie
toujours d'un droit de rétention autre que celui qui résulte de l'article 2286, 4° du Code civil.
Cependant, la Cour de cassation1266 a récemment admis que le warrant agricole pouvait également
porter, en application du droit commun du gage, sur des récoltes futures. Cette solution pourrait
ainsi justifier la thèse qui consiste à voir dans le warrant un gage de droit commun sans
dépossession, et non un gage assorti d’une dépossession fictive1267. De ce fait, on pourrait alors
considérer que le titulaire d’un warrant agricole tient son droit de rétention des dispositions de
l’article 2286, 4° du Code civil.
999. Heureusement, ces incertitudes n’existent pour tous les gages. Bénéficient du droit de
rétention conféré par l'article 2286, 4° du Code civil, les gages auxquels aucun droit de rétention n'a
été reconnu par des dispositions spéciales1268.
Il s'agit du gage sans dépossession du droit commun1269, du gage sur stocks1270, des gages portant
sur l'outillage et le matériel d'équipement professionnel1271. Les créanciers titulaires de tels gages
seraient donc concernés par l’inopposabilité de l'article L. 622-7-I du Code de commerce.
1261
P. CROCQ, « Le gage, avec ou sans dépossession, après la loi du 4 août 2008 et l'ordonnance du 18 décembre 2008
», Cah. drt.. entp., juillet-août 2009, n° 4, dossier 21, p. 25 et s. sp. p. 27.
1262
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 572.
1263
P.- M. LE CORRE, « La mesure de l'efficacité des gages sans dépossession dans les procédures collectives.
L'inopposabilité du droit de rétention conféré par l'article 2286-4° du Code civil aux créanciers gagistes sans
dépossession », JCP E, 2009, 1204, n° 7.
1264
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 482.11.
1265
Cass. com., 26 janvier 2010, n° 08-21.340, arrêt préc.
1266
Cass. 1ere civ., 12 novembre 2015, n° 14-23.106, arrêt préc.
1267
Ch. JUILLET, « Le warrant agricole, les sûretés mobilières spéciales et le droit commun du gage », art. préc., p.
179.
1268
V. M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1470.
393
1000. Par ailleurs, il s'est posé la question de l'extension du droit de rétention fictif prévu par
l'article 2286, 4° du Code civil à certains nantissements. Doit-on considérer que le droit de rétention
fictif reconnu à tous les créanciers gagistes sans dépossession doit s'étendre aux créanciers nantis, et
précisément aux créanciers nantis sur des parts de SNC ou de SARL1272 ?
Cette question a soulevé de vives discussions au sein de la doctrine.
1002. Cependant, pour une autre partie de la doctrine, les créanciers nantis ne pouvaient
bénéficier du droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil. C'est dans ce
courant doctrinal que s'inscrit le Professeur LE CORRE1276 qui, en se fondant sur la théorie de la
fiction juridique qu'il définit préalablement comme l'affirmation consciente d'une contre-vérité
juridique ne pouvant que résulter d'une volonté clairement affichée du législateur, considère que,
s'agissant de l'article 2355, alinéa 5 du Code civil, « rien ne permet de déceler dans sa fabrication
l'intention du législateur de conférer au créancier nanti un droit de rétention fictif ». Poursuivant son
raisonnement, l'auteur précise que l'article 2286, 4° du Code civil attribuant un droit de rétention
1269
Art. 2337 et s. du Code civil
1270
Art. L. 527-1 et s. du Code de commerce ; E. LE CORRE-BROLY, « Le gage sur stocks et le Code de commerce :
un mariage forcé ? », JCP E, 2014, 1538. L’auteur fait une différence entre le gage sur stocks constitué avec ou sans
dépossession.
1271
Art. L. 525-1 et suivants du Code de commerce ; P.- M. LE CORRE, R. DAMMANN, G. PODEUR, « Le droit de
rétention fictif au cœur de tous les débats », BJE, juillet 2011, n° 3, p. 227.
1272
Ce sont les seuls nantissements qui ne sont pas régis par des dispositions spéciales. En effet, qu'il s'agisse du
nantissement de parts de sociétés en nom collectif ou du nantissement de parts de sociétés à responsabilité limitée,
aucune disposition législative n'est prévue pour leur réglementation. Or, conformément au droit commun (art. 2355,
alinéa 5 du Code civil), le nantissement qui porte sur d'autres meubles incorporels est soumis, à défaut de dispositions
spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels.
1273
P.- M. LE CORRE, R. DAMMANN, G. PODEUR, « Le droit de rétention fictif au cœur de tous les débats », art.
préc., p. 229 (Intervention de R. DAMMANN et G. PODEUR. Quant au professeur LE CORRE, il est contre cette
position.) ; R. DAMMANN, G. PODEUR, « Le nouveau paysage du droit des sûretés: première étape de la réforme de
la fiducie et du gage sans dépossession », D. 2008, p. 2300 ; F. PÉROCHON, « À propos de la réforme de la liquidation
judiciaire par l'ordonnance du 18 décembre 2008 », Gaz. Pal. du 8 au 10 mars 2009, n° 69, p. 788 et s., sp. pp. 796-797;
« Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », D. 2009, p. 651.
1274
Sur la portée du renvoi, v. Ph. DUPICHOT, « Le nantissement, un an après », LPA, 27 mars 2008, n° 63, p. 27 ; P.
CROCQ, « Le gage, avec ou sans dépossession, après la loi du 4 août 2008 et l'ordonnance du 18 décembre 2008 », art.
préc., p. 28 ; M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, 9e éd., Litec, Lexisnexis
2010, n° 784.
1275
S. PIÉDELIÈVRE, « Le nouvel article 2286, 4°, du code civil », D. 2008, p. 2950 et s. sp. p. 2951 ; P. CROCQ,
« Le gage, avec ou sans dépossession, après la loi du 4 août 2008 et l'ordonnance du 18 décembre 2008 », art. préc., p.
28.
1276
P.- M. LE CORRE, R. DAMMANN, G. PODEUR, « Le droit de rétention fictif au cœur de tous les débats », art.
préc., p. 229 (Intervention du P.- M. LE CORRE).
394
fictif aux créanciers gagistes qui ne sont pas déjà titulaires d'un droit de rétention réel ou fictif, est
postérieur à l'article 2355 du même Code. En conséquence, l'article 2286, 4° ne pouvait s'appliquer
aux créanciers nantis, sauf à « prêter au législateur des intentions réflexes, boomerang en quelque
sorte »1277.
1003. Pour d'autres 1278 , c'est l'argument terminologique qui fut avancé pour exclure les
créanciers nantis du bénéfice du droit de rétention fictif. Ils soutenaient l'idée selon laquelle l'article
2286,4° faisant explicitement référence qu'au seul gage, le droit de rétention qu'il confère ne devrait
pas s'appliquer aux nantissements qui ne bénéficient déjà pas d'un droit de rétention en vertu d'un
autre texte. Cependant, cet argument a été réfuté par une autre partie de la doctrine 1279 qui considère
à juste titre que le législateur n'est pas fidèle à la précision terminologique, à en juger par la
requalification de l'antichrèse en gage immobilier.
1004. Quoi qu'il en soit, cette question qui a fortement divisé la doctrine ne se pose plus
aujourd'hui. En effet, dans un arrêt du 26 novembre 20131280, la Cour de cassation a clairement
tranché le débat en ces termes : « Mais attendu qu'ayant énoncé que l'article 2286-4° du code civil
issu de la loi du 4 août 2008 n'est applicable qu'aux biens corporels, ce qui exclut les
nantissements, et retenu que c'est à tort que la CRCAM invoque l'article 2355, alinéa 5, du code
civil qui dispose que le nantissement est soumis à défaut de dispositions spéciales, aux règles
prévues pour le gage de meubles corporels, dans la mesure où les nantissements de fonds de
commerce sont régis par des textes spéciaux, notamment l'article L. 142-1 du code de commerce,
c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de la CRCAM, a retenu
que le nantissement sur un fonds de commerce ne conférait pas à son titulaire un droit de rétention
». En affirmant que le droit de rétention fictif de l'article 2286, 4° du Code civil ne s'applique que
sur des biens meubles corporels, la Cour réfute toute possibilité de reconnaissance du droit de
rétention fictif de l'article 2286, 4° du Code civil aux nantissements portant sur des biens meubles
incorporels. La Haute juridiction vient ainsi mettre fin au débat doctrinal.
Même si dans les faits de l'arrêt rendu par la Cour, il était question du nantissement de fonds de
commerce, la lettre de l’arrêt permet d’appliquer la solution à tous les nantissements de meubles
incorporels.
1005. Toutefois, s’agissant du nantissement de compte-titres, la question de l’application de
l’article 2286, 4° du Code civil ne s’est pas posée. En effet, l'article 29 de la loi du 3 janvier 1983
modifié par l'article 102 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 relatif au nantissement des valeurs
1277
Ibid.
1278
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1470.
1279
M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit., n° 805.
1280
Cass. com., 26 novembre 2013, n° 12- 27.390, BJE, mai 2014, p. 156, note F. MACORIG-VENIER; Gaz. Pal. 20
mars 2014, p. 22, note M.-P. DUMONT-LEFRAND ; RTD civ. 2014, p. 158, obs. P. CROCQ ; JCP G, 2014, 635, n°
20, obs. Ph. DELEBECQUE.
395
mobilières, mentionne expressément la faculté de rétention de ce créancier. Précisons que le gage
sur compte d'instruments financiers est l'ancienne appellation du nantissement de compte-titres.
Auparavant prévu à l'article L. 413-4 du Code monétaire et financier, il est aujourd'hui régi par
l'article L. 211-20 du même Code. Ce texte reconnaît expressément un droit de rétention au
créancier nanti (article L .211-20. III).
1006. Il se pose néanmoins des questions sur la nature de ce droit de rétention. S’agit-il d’un
droit de rétention fictif ou effectif ?
La solution traditionnelle considère qu’il s’agit d’un droit de rétention fictif 1281 . En effet, le
nantissement auquel il est attaché est une sûreté portant sur des choses incorporelles 1282, donc sur
des choses dématérialisées pour lesquelles on ne peut avoir la possession matérielle, contrairement
aux meubles corporels. Il s’agit donc d’un droit de rétention sans détention1283.
Cependant, si l’on considère que l’effectivité du droit de rétention dépend du pouvoir de blocage
qui s’impose au constituant, il devient possible de voir dans le nantissement de compte-titres une
sûreté assortie d’un droit de rétention effectif. Il résulte des dispositions de l’article L. 211-20 du
Code monétaire et financier que le nantissement de compte-titres est réalisé tant entre les parties
qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le
constituant titulaire du compte. Cette déclaration s’analyse comme une forme de dépossession car
dès lors qu’elle est adressée à l’établissement teneur de compte et que le nantissement est constitué,
le constituant perd la libre disposition des titres financiers. Le nantissement de compte-titres confère
donc un véritable pouvoir de blocage au créancier nanti.
En tout état de cause, la nature fictive ou effective de ce droit de rétention importe peu sur son
efficacité en cas d’ouverture d’une procédure collective1284. En effet, le droit de rétention reconnu
au créancier nanti sur un compte-titres provient d'une disposition spéciale. Il échappe donc à
l'inopposabilité prévue par l'article L. 622-7-I.
1007. Nous venons d’examiner le champ de l'inopposabilité prévue par l'article L. 622-7- I,
alinéa 2. Cependant, le texte précise que le droit de rétention est inopposable pendant toute la
période d'observation et d'exécution du plan, il convient à présent d’envisager la durée de
l'inopposabilité.
1281
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 1817 ; M. LE
CORRE, « Le créancier nanti sur compte-titres bénéficiaire d’un paiement provisionnel confronté au superprivilège des
salaires », Gaz. Pal., 31 octobre 2009, n° 304, p. 27
1282
D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, op. cit., n° 533 ; Contra, V. D. MARTIN, « De la nature corporelle des
valeurs mobilières ( et autres droits scripturaux », D. 1996, Chron. p. 47.
1283
L. AYNÈS, P. CROCQ, Droit des sûretés, op. cit., n° 537.
1284
Sur l’efficacité de cette sûreté ; P. M. LE CORRE, « Le créancier nanti sur compte-titres bénéficiaire d’un paiement
provisionnel confronté au superprivilège des salaires », art. préc., pp. 27 et s.
396
2 - La durée de l'inopposabilité
1008. L'article L. 622-7-I, alinéa 2, dispose que le droit de rétention conféré par l'article
2286,4° du Code civil est inopposable pendant toute la période d'observation et d'exécution du plan.
Cette mesure prévue pour la sauvegarde s'applique également pendant la période d'observation et
d'exécution du plan de redressement du fait de l'application de l'article L. 622-7 en redressement
judiciaire, en vertu du renvoi opéré par l'article L. 631-14, alinéa 1er.
Il en résulte qu'au-delà de la période d'observation, l'inopposabilité continue de jouer après
l'adoption du plan et pendant toute la durée de son exécution.
1009. Mais que faut-il décider en cas de résolution du plan ? Plusieurs hypothèses doivent ici
être envisagées.
En cas de résolution d'un plan de sauvegarde sans cessation de paiements du débiteur et donc sans
ouverture d'une nouvelle procédure, l'inopposabilité devrait logiquement cesser puisque,
conformément au texte, elle joue uniquement pendant la période d'observation et celle d'exécution
du plan.
Il en sera de même en cas de résolution d'un plan de sauvegarde (avec cessation de paiements) ou
de redressement débouchant sur l'ouverture d'une liquidation judiciaire. En effet, il n'existe aucune
disposition qui permet de neutraliser le droit de rétention fictif dans la procédure de liquidation.
Le droit de rétention est donc opposable dans cette hypothèse. De même, en cas de résolution d'un
plan de redressement sans ouverture d'une liquidation, le droit de rétention redevient opposable.
En revanche, en cas de résolution d'un plan de sauvegarde avec cessation de paiements débouchant
sur l'ouverture d'une procédure de redressement, le droit de rétention reste inopposable à la
procédure de redressement en raison de l'application de l'article L. 622-7.
1010. Le texte pose cependant une exception lorsque le bien est compris dans une cession
d'activité décidée en application de l'article L. 626-1 du Code de commerce, c’est-à-dire dans le
cadre d’un plan de sauvegarde. En réalité, ce texte permet de rendre opposable le droit de rétention
fictif dans l’hypothèse d’une cession survenant dans le cadre d’un plan de sauvegarde mais aussi
d’un plan de redressement1285. Il est alors possible de considérer que la cession ainsi décidée met un
terme au plan et donc que l’opposabilité n’a plus lieu d’être.
Dans tous les cas, l'inopposabilité disparaît une fois que la procédure est terminée. Elle est donc
différente de l'inopposabilité prévue en matière de déclaration de créances, laquelle continue de
1285
Selon le professeur LE CORRE : L’application de la disposition à la cession intervenant dans le cadre d’un plan de
redressement résulte de la combinaison des articles L. 631-14, al. 1er, du Code de commerce qui rend applicable en
redressement l’article L. 622-7 du même Code et de l’article L. 631-19 (Code de commerce) qui rend applicable
l’article L. 626-1 (Code de commerce);V. P.- M. LE CORRE, « La mesure de l'efficacité des gages sans dépossession
dans les procédures collectives. L'inopposabilité du droit de rétention conféré par l'article 2286-4° du Code civil aux
créanciers gagistes sans dépossession », art. préc., n° 13.
397
jouer après l'exécution du plan de sauvegarde, lorsque le débiteur a correctement exécuté ses
engagements.
1011. En définitive, même si le texte est assez clair sur la durée de l'inopposabilité, il se
contente d'affirmer que le droit de rétention conféré par l'article 2286, 4° du Code civil est
inopposable dans certaines phases de la procédure, sans toutefois en préciser les effets. Il convient
donc à présent de les analyser.
Nous examinerons d'abord les effets au sens strict de l'inopposabilité (a), avant d'en déterminer la
portée (b).
1012. En déclarant le droit de rétention prévu par l'article 2286, 4° du Code civil inopposable
pendant certaines phases de la procédure, le législateur entend priver le créancier des prérogatives
conférées par ce droit. Ainsi, le créancier gagiste ne peut se prévaloir de la technique du retrait
contre paiement, pas plus qu'il ne peut s'opposer à la réalisation du bien grevé1286.
1013. D'abord, s'agissant de la technique du retrait contre paiement, son utilisation est fort
improbable en raison du caractère fictif du droit de rétention1287. Il va de soi que lorsqu'un droit de
rétention fictif est en plus inopposable, la question ne devrait même pas se poser. Les créanciers
titulaires du droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil ne peuvent donc se
prévaloir du retrait contre paiement pendant les périodes d'observation et d'exécution des plans.
1014. Ensuite et surtout, l'inopposabilité est susceptible de neutraliser les effets du droit de
rétention fictif au moment où son intérêt pourrait véritablement se manifester ; en cas de réalisation
du bien grevé. Nous avons vu que le retrait contre paiement dont peuvent se prévaloir les
bénéficiaires d’un droit de rétention fictif se manifeste surtout dans l’hypothèse d’une vente du
bien. Il devrait permettre au créancier de s’opposer à la réalisation du bien, s’il n’a pas
préalablement obtenu le paiement de sa créance.
1286
P.-M. L CORRE, « La mesure de l'efficacité des gages sans dépossession dans les procédures collectives.
L'inopposabilité du droit de rétention conféré par l'article 2286-4° du Code civil aux créanciers gagistes sans
dépossession », art. préc., ns° 16 et s; F. MACORIG-VENIER, « Les apports de la réforme du 18 décembre 2008 en
matières de sûretés », art. préc., p. 30.
1287
V. discussions doctrinales, pour un retrait contre paiement au profit du titulaire d'un droit de rétention fictif : R.
DAMMANN, G. PODEUR, « Le nouveau paysage du droit des sûretés: première étape de la réforme de la fiducie et du
gage sans dépossession », art. préc., p. 2305; F. PÉROCHON, « À propos de la réforme de la liquidation judiciaire par
l'ordonnance du 18 décembre 2008 », art. préc., pp 795-796 ; F. MACORIG-VENIER, « Les apports de la réformes du
18 décembre 2008 en matières de sûretés », art. préc., p. 32; Ph. PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté
: acte II.- Commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 » , JCP E, 2009, 1049, n° 52 ; P.-M. LE
CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., ns° 563.62 et n° 633.31; Contre un retrait
contre paiement du titulaire d'un droit de rétention fictif : A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession
en cas de procédure collective », JCP G, 2009, I, 119, ns° 4 et 5; P. CROCQ ; « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et
le droit des sûretés », JCP E, 2009, 1313, n° 42 ; L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de
paiement, op. cit., n° 496.
398
1015. Qu’en est-il face au droit de rétention fictif inopposable ? L’inopposabilité permet-elle
de vendre le bien fictivement retenu ?
Une réponse affirmative semble envisageable. Le droit de rétention étant inopposable, le gagiste
sans dépossession ne devrait pas pouvoir s’opposer à la réalisation du bien. A priori, il ne peut
mettre en œuvre la technique du retrait contre paiement ; il ne peut donc empêcher la vente du
bien1288. L'administrateur judiciaire ou le débiteur pourrait donc vendre le bien sans au préalable
procéder au paiement de la créance du rétenteur.
1016. Cette solution pourrait cependant poser problème sur le plan pénal. En effet, l’article
314-5 du Code pénal stipule que « Le fait, par un débiteur, un emprunteur ou un tiers donneur de
gage, de détruire ou de détourner l'objet constitué en gage est puni de trois ans d'emprisonnement
et de 375 000 euros d'amende ». Le Code pénal considère donc comme infraction le fait pour un
débiteur de détourner le bien donné en gage1289. Le détournement du bien s’entend ici de manière
large. Il s’agit de tout acte susceptible de diminuer, d’anéantir ou de paralyser la garantie du
créancier gagiste. Il en est ainsi de la vente, de la dissimulation, de la mise en garde-meuble, du
refus de restituer ou encore de l’abandon du bien objet de la sûreté1290.
En somme, selon les dispositions du Code pénal, le débiteur qui procède à la vente d’un bien gagé
commet un délit. L’infraction du détournement du gage assure donc la protection du créancier
gagiste contre les abus du débiteur.
1017. Ces dispositions du Code pénal semblent contradictoires avec celles du Code de
commerce. En effet, l’article L. 622-8 précise qu’« En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège
spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux
créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et
consignations. Après l'adoption du plan, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires
d'un privilège général sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence existant entre eux et
conformément à l'article L. 626-22 lorsqu'ils sont soumis aux délais du plan ». On retrouve un texte
similaire à l’article L. 622-26 du même Code. Ces textes envisagent, dans le cadre d’une procédure
collective, la vente de biens grevés de sûreté, et notamment d’un bien gagé.
1018. Ainsi, nous pensons qu’en cas d’ouverture d’une procédure collective, il est possible de
vendre un bien fictivement retenu1291. Le droit de rétention étant inopposable, les organes de la
procédure sont donc fondés à l’ignorer. En conséquence, le créancier devrait être considéré non plus
comme un rétenteur mais plutôt comme un simple créancier gagiste.
1288
A. LIÉNHARD, « Réforme du droit des entreprises en difficulté : présentation de l'ordonnance du 18 décembre
2008 », D. 2009, pp. 110 et s., sp. p. 113.
1289
M. DAURY-FAUVEAU, « Détournement de gage ou d’objet saisi », JCL. Pénal, 20 décembre 2009, fasc. 20.
1290
Ibid., ns° 63 à 73.
1291
P.-M. LE CORRE, La vente de biens grevés de sûretés en période d’observation », Gaz. Pal., 12 avril 2016, n° 14,
p. 80.
399
En application des dispositions des articles L. 622-8 et L. 626-22 du Code de commerce, il serait
possible de procéder, sur autorisation du juge-commissaire, à la vente du bien grevé lorsque cela est
nécessaire pour le sauvetage de l’entreprise.
Par ailleurs, si la vente du bien n’est pas possible, on percevrait difficilement l’intérêt de cette
inopposabilité. En effet, le seul caractère fictif du droit de rétention permet au débiteur ou à son
représentant de conserver l’usage du bien. L’inopposabilité édictée n’aurait donc aucun intérêt si la
vente du bien n’était pas possible dans cette situation1292.
1019. Quoi qu’il en soit, si le droit de rétention est inopposable, il n’en va pas de même pour
le gage. Ainsi, en cas de vente du bien grevé, les droits du créancier sont tout de même préservés.
En application des articles précités, le montant de la somme correspondant à la créance garantie doit
être consigné à la Caisse des dépôts et consignations. Ces sommes d’argent sont donc indisponibles
pendant toute la période d’observation. Elles ne peuvent être utilisées pour les besoins de
l’entreprise débitrice1293.
1020. En outre, dans le cas où la vente du bien est envisageable, l'inopposabilité du droit de
rétention fictif expose le créancier gagiste sans dépossession non seulement au paiement différé,
mais aussi à la possibilité d'une réduction du paiement. En effet, l'alinéa 1er, de l'article L. 622-8,
poursuit en énonçant que le paiement se fait après l'adoption du plan suivant l'ordre de préférence
qui existe entre les créanciers. Ainsi, en cas de vente d'un bien grevé au cours de la période
d'observation, le gagiste sans dépossession pour lequel le droit de rétention résulte de l'article 2286,
4° du Code civil, est soumis au paiement préférentiel différé, sauf en cas de substitution de garantie
(L. 622-8, alinéa 3 et L. 626-22, alinéa 3). L’utilisation de la technique de substitution de garantie
n'étant impossible qu'en présence d'une sûreté conférant un droit de rétention1294, elle devient donc
possible pour le gagiste sans dépossession puisque son droit de rétention est inopposable.
1295
1021. En définitive, contrairement à l’idée défendue par la doctrine civiliste ,
l'inopposabilité du droit de rétention fictif pourrait pénaliser le créancier gagiste sans dépossession
pendant toute la période d'observation et d'exécution des plans. Le créancier gagiste, pourtant aussi
rétenteur, ne peut, du fait de l’inopposabilité, se prévaloir de la technique du retrait contre paiement.
1292
Pour le professeur P. CROCQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés », art. préc., n° 42;
« Le gage, avec ou sans dépossession, après la loi du 4 août 2008 et l'ordonnance du 18 décembre 2008 », art. préc., p.
27. Cette inopposabilité n'a aucune utilité puisque du fait de son caractère fictif et l'absence d'un pouvoir de blocage, le
droit de rétention fictif de l'article 2286, 4° du Code civil ne peut absolument pas empêcher le débiteur d'utiliser le bien;
V. aussi A. AYNÈS, « L'extension du droit de rétention dans le projet de réforme des procédures collectives », JCP G,
2008, act. 300 ; « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., n° 5.
1293
Logiquement, c’est uniquement le montant de la créance garantie qui devra être consigné, le surplus, servirait en
revanche de trésorerie à l’entreprise.
1294
Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-11.803, Bull. civ. IV, n° 136 ; D. 2000, p. 361, obs. A. LIÉNHARD; Act. Proc.
Coll. 2000/14, p. 176, note D. LEGEAIS ; LPA 8 juin 2001, n° 114, p.2 0, note H. NARAYAN-FOURMENT; RTD
com. 2000, p. 1009, note A. MARTIN-SERF.
1295
P. CROCQ, « Le gage, avec ou sans dépossession, après la loi du 4 août 2008 et l'ordonnance du 18 décembre 2008
», art. préc , p. 27; A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art.
préc., n° 5.
400
Cette situation pourrait, sous réserve des dispositions du droit pénal, permettre la vente du bien.
Le créancier perdrait ainsi tous les avantages liés au droit de rétention. Seules subsistent les
prérogatives liées au gage.
Quelle est donc la portée de cette inopposabilité ?
b- La portée de l'inopposabilité
1022. En principe, l'inopposabilité est une sanction prévue au bénéfice des tiers. L'acte reste
valable entre les parties mais les tiers sont fondés à ignorer son existence. Toutefois, dans le cadre
de l'inopposabilité du droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil, le texte ne
précise pas à qui profite cette dernière.
La question est donc de savoir qui peut se prévaloir de l'inopposabilité du droit de rétention fictif ?
La jurisprudence ne s'est pas encore prononcée sur la question comme elle a eu l'occasion de la faire
à propos d’autres inopposabilités1296. Quant à la doctrine, elle considère, d’une manière générale,
que l’inopposabilité du droit de rétention fictif profite à la procédure collective. Ainsi, le professeur
LE CORRE1297 soutient que le droit de rétention fictif est inopposable à la procédure collective. Il y
voit d'ailleurs une résurrection de la masse des créanciers, supprimée par la loi du 25 janvier 1985.
Dans le même sens, le professeur MACORIG-VENIER1298 considère que l'inopposabilité joue à
l'égard de la procédure et du débiteur1299.
1023. Si le droit de rétention fictif est inopposable à la procédure collective, tous les organes
de ladite procédure peuvent donc se prévaloir de l’inopposabilité pour ignorer ses effets. Il en irait
ainsi du débiteur, de son représentant ou des autres créanciers. Aussi, comme l’explique le rapport
adressé au Président de la République, l’inopposabilité doit permettre « au débiteur de continuer à
faire usage du bien gagé, ce qui apparaît de nature à favoriser le maintien de l’exploitation. Celui-
ci pourra par exemple utiliser les stocks grevés d’un gage sans dépossession soumis aux
dispositions des articles L. 527-1 et suivants du Code de commerce »1300.
1024. En définitive, l’inopposabilité du droit de rétention fictif le rend inopérant à l’égard des
organes de la procédure. La neutralisation des ses effets semble donc à première vue être
effectivement au service du sauvetage de l'entreprise.
1296
Par exemple lorsque la Cour évoque l'inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective, en cas de rejet
d'un action en revendication ( Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-02.177, Inédit: JurisData n° 2003-021439), ou
lorsqu'elle sanctionne l'acte passé au mépris du dessaisissement par une inopposabilité à la procédure collective ( Cass.
com., 23 mai 1995, n° 93-16.930 ; Bull. civ. 1995, IV, n° 150; D. 1995, p. 413, note F. DERRIDA).
1297
P.-M. LE CORRE, « La mesure de l'efficacité des gages sans dépossession dans les procédures collectives.
L'inopposabilité du droit de rétention conféré par l'article 2286-4° du Code civil aux créanciers gagistes sans
dépossession », art. préc., ns° 17 et 18.
1298
F. MACORIG- VENIER « Les apports de la réforme du 18 décembre 2008 en matières de sûretés », art. préc., p.
30.
1299
V. aussi F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 572. Pour l’auteur, l’inopposabilité « doit s’entendre
d’une inopposabilité à la procédure collective ».
1300
Rapport sur l’ordonnance du 18 décembre 2008.
401
Cette situation pourrait permettre au débiteur ou à son représentant de vendre le bien afin de
renflouer la trésorerie de l'entreprise. Cependant, même en cas de vente du bien, il faudrait respecter
le gage non neutralisé. De ce fait, le prix correspondant à la valeur des créances garantie par le gage
ne saurait être disponible. En application des articles L. 622-8 et L. 626-22, ce prix devra être
consigné à la Caisse de dépôt et de consignation. Le débiteur ne pourra donc s'en servir
immédiatement pour améliorer sa situation, par exemple en achetant un bien utile à la poursuite de
son activité.
La situation serait différente si le bien grevé peut être vendu à un prix suffisamment élevé, de sorte
que même après la consignation de sommes correspondantes à la valeur des créances garanties par
les sûretés, il reste encore des fonds à disposition du débiteur. C'est d'ailleurs dans cette situation
que la vente d'un bien grevé, au cours de la période d'observation ou d'exécution du plan, peut avoir
un véritable intérêt, puisque la vente va permettre au débiteur de se procurer une trésorerie.
1025. Comme l'a justement relevé le professeur LE CORRE1301, plus que le droit de rétention
fictif, c'est le gage lui-même qu'il aurait fallu neutraliser afin de favoriser au maximum le sauvetage
de l'entreprise. La neutralisation des seuls effets du droit de rétention fictif limite considérablement
les chances de sauvetage de l'entreprise. Le bien vendu n'étant pas libéré de toute sûreté, le débiteur
ne peut efficacement bénéficier de cette vente. La neutralisation des effets du droit de rétention
fictif dans les procédures de sauvetage ne produit donc que partiellement les résultats escomptés par
l'introduction de l'ordonnance du 18 décembre 2008.
Quoi qu’il en soit, l’inopposabilité limite quelque peu la protection du créancier rétenteur.
Ne pouvant se prévaloir des prérogatives résultant de son droit de rétention, il sera considéré
comme un simple créancier gagiste.
Qu’en est-il de la protection du bénéficiaire d’une fiducie-sûreté ?
1026. Toujours dans l'optique de préserver les chances de sauvetage des entreprises en
difficulté, l'ordonnance du 18 décembre 2008 a également procédé à la neutralisation de la fiducie-
sureté1302, lorsque ce sauvetage est envisageable.
Dans la loi du 19 février 2007 instituant la fiducie en droit français 1303, le législateur avait consacré
une grande efficacité à la fiducie-sûreté. En effet, le créancier bénéficiaire d'une fiducie-sûreté
1301
P.-M. LE CORRE, « La mesure de l'efficacité des gages sans dépossession dans les procédures collectives.
L'inopposabilité du droit de rétention conféré par l'article 2286-4° du Code civil aux créanciers gagistes sans
dépossession », art. préc., n° 24.
1302
La fiducie-sûreté régit par les articles 2011 et suivants du Code civil et pas les autres transferts fiduciaires,
notamment la cession de créances par le bordereau Dailly.
1303
P. MARINI, « Enfin la fiducie à la française », D. 2007, p. 1347; M.-L. COQUELET, « Fiducie-sûreté : fin du
feuilleton ? », Dr. Sociétés, juillet 2009, n° 7, p.1; C. KUHN, « Une fiducie française », Dr. et patr., avril 2007, n° 158,
pp. 32 et s. sp. p. 34 ; L. AYNÈS, « Le régime juridique de la fiducie », RLDC, mai 2009, n° 60, p. 67.
402
pouvait, en dépit de l'ouverture d'une procédure collective, procéder à la vente des actifs transférés
dans le patrimoine fiduciaire, puisque ces derniers étaient sortis du patrimoine du débiteur
constituant. Les actifs fiduciaires échappaient ainsi à l'effet réel de la procédure collective 1304 .
La doctrine n'avait d'ailleurs pas hésité à qualifier la fiducie de nouvelle reine des sûretés1305.
Cependant, le législateur avait finalement réalisé que la part trop belle faite à la fiducie était
incompatible avec l'objectif du sauvetage de l'entreprise1306. Aussi, pour ne pas annihiler les effets
de la fiducie à peine consacrée, il fallait trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en
présence1307. C'est ce qui a été fait avec l'ordonnance du 18 décembre 2008.
Désormais, la protection du bénéficiaire de la fiducie dépend de la nature de la procédure collective
du débiteur. Elle est ainsi soumise à l'objectif du sauvetage de l'entreprise1308.
1027. Toutefois, la neutralisation ne s'applique pas à toutes les fiducies. Seules celles qui ont
été constituées avec une convention de mise à disposition au profit du débiteur 1309 seront
neutralisées au cours des procédures de sauvetage. En effet, l'article L. 622-23-1 du Code de
commerce interdit le transfert ou la cession des actifs présents dans un patrimoine fiduciaire ayant
fait l'objet d'une convention en exécution de laquelle le débiteur constituant en conserve l'usage ou
la jouissance. Ainsi, seule l'existence d'une convention de mise à disposition commande la
neutralisation de la fiducie-sûreté dans les procédures de sauvetage. La neutralisation ne s'applique
donc qu'aux fiducies sans dépossession1310.
1028. Mais, il peut arriver que la fiducie-sûreté retrouve son efficacité alors même que le
débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement. Dans ce cas, l'objectif de
sauvetage de l'entreprise souhaité par le législateur de 2008 est mis à mal par l'efficacité de la
fiducie-sûreté.
Ainsi nous déterminerons les cas de neutralisation de la fiducie-sûreté dans les procédures de
sauvetage (1), avant de voir les limites de cette neutralisation (2).
1304
R. DAMMAN, « Avantages et inconvénients de la fiducie en cas de procédure collective », RLDC, mai 2009, n° 60
p. 64.
1305
A. CERLES, « La fiducie, nouvelles reine des sûretés ? », JCP E, 2007, 2054.
1306
R. DAMMANN, G. PODEUR, « Fiducie-sûreté et droit des procédures collectives : évolution ou révolution ? »,
D. 2007, p. 1359 ; F.-X. LUCAS, M. SÉNÉCHAL, « Fiducie vs sauvegarde, fiducie ou sauvegarde, il faut choisir »,
D. 2008, p. 29.
1307
R. DAMMANN, G. PODEUR, « Fiducie et procédure de sauvegarde, un nouvel équilibre », RLDC, mai 2008, n°
49, p. 33 ; F.-X. LUCAS, « Fiducie vs sauvegarde, un arbitrage équilibré », BJS, février 2009, n° 2, p. 105.
1308
R. DAMMANN, G. PODEUR, « Fiducie et sauvegarde : deux réformes complémentaires », BJS, février 2008, n° 2,
p. 88
1309
Cf. Art. 2018-1 du Code civil.
1310
V. PERRUCHOT-TRIBOULET, « La fiducie sans dépossession », RLDC, juin 2009, n° 61, p. 55; B. MALLET-
BRICOUT, « Quelle efficacité pour la nouvelle fiducie-sûreté ? », Dr. et patr., octobre 2009, n° 185, p. 79.
403
1- Les cas de neutralisation de la fiducie-sûreté dans les procédures de sauvetage
Nous verrons d'abord les conditions de mise en œuvre de l'interdiction (a-1) avant d'en préciser les
effets (a-2).
1031. Selon les dispositions de l'article L. 622-23-1 précité, l'interdiction n'est possible que
lorsque la fiducie a été constituée avec une convention de mise à disposition des biens au profit du
débiteur. C’est l'existence d'une telle convention qui constitue donc, dans les procédures de
404
sauvetage, le critère de neutralisation de la fiducie. Pour reprendre un auteur1311, la convention de
mise à disposition est la pierre angulaire de la mise en œuvre de la fiducie-sûreté.
Cette situation amène à penser que la neutralisation de la fiducie-sûreté se justifie par la poursuite
de l'activité, les biens laissés en possession du débiteur étant nécessairement utiles à la poursuite de
son activité. En effet, la doctrine1312 admet de manière unanime que les biens transférés dans le
patrimoine fiduciaire mais laissés entre les mains du débiteur constituant, sont utiles à la poursuite
de l'activité. Il ne faut donc pas compromettre les chances de sauvetage de l'entreprise en privant le
débiteur de l'usage ou de la jouissance de tels biens.
1032. Toutefois, contrairement au législateur qui fait de l'existence d'une convention de mise
à disposition le critère de neutralisation de la fiducie, une partie de la doctrine considère qu'il s'agit
là d'un critère subjectif. Plus que l'existence d'une telle convention, c'est l'utilité des biens transférés
qui devrait constituer le critère de neutralisation de la fiducie-sûreté1313.
La jurisprudence ne s'est pas encore prononcée sur la question. Aussi, en l'état actuel du droit, il faut
considérer que c'est l'existence d'une convention de mise à disposition des biens au profit du
débiteur qui constitue la seule condition à la mise en œuvre de la paralysie de la fiducie-sûreté.
Ainsi, l'interdiction de réaliser la sûreté ne s'applique pas aux fiducies constituées avec dépossession
du débiteur.
1311
M. COMBE, « L'efficacité de la fiducie-sûreté », LPA, 11 février 2011, n° 30, pp.8 et s. sp. p. 9.
1312
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Le nouveau du droit des sûretés : première étape de la réforme de la fiducie et
du gage sans dépossession », art. préc. p. 2300 ; R. DAMMANN, « Les conséquences de la loi de modernisation de
l'économie sur les sûretés réelles en matière de gage et de fiducie », RLDC, mars 2009, n° 58, p. 45; Ph. PÉTEL, « Le
nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 »,
JCP E, 2009, 1049 ; M.-C. LASSERRE, « La paralysie de la fiducie-sûreté », LPA, 11 février 2011, n° 30, p. 3.
1313
M. BOURASSIN, V. BREMOND, M.-N. JOBARD-BACHELLIER, Droit des sûretés, op. cit., n° 2600.
1314
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Le nouveau du droit des sûretés : première étape de la réforme de la fiducie et du
gage sans dépossession », art. préc., p. 2304.
405
Cette interdiction peut cependant sembler étrange dans la mesure où le contrat de fiducie repose en
lui-même sur un transfert de propriété 1315 . Le fiduciaire est donc déjà le propriétaire des biens
transférés dans le patrimoine fiduciaire. Mais, en réalité, il faut comprendre que le texte vise
l'interdiction pour le fiduciaire de disposer librement des biens. Le fiduciaire ne peut transférer les
biens du patrimoine fiduciaire vers celui du bénéficiaire ou d’un tiers 1316 ou, lorsqu'il est le
bénéficiaire, vers son patrimoine propre. Cette solution s'explique par le fait que la propriété
acquise par le fiduciaire en vertu du contrat de fiducie n'est qu'une propriété temporaire1317. Ainsi,
dans le cadre d’une fiducie-sûreté, les biens ont vocation à retourner dans le patrimoine du débiteur,
si ce dernier s'acquitte finalement de son obligation.
1035. La particularité du droit de propriété du fiduciaire a suscité l’intérêt de la doctrine
civiliste. Selon certains auteurs, le fiduciaire ne bénéficie pas d'une propriété au sens de l'article 544
du Code civil. Sa propriété est en effet amputée de certaines prérogatives traditionnellement
attachées au droit de propriété, à savoir la perpétuité, l'exclusivité1318 et surtout le droit de disposer
du bien1319. Aussi, la propriété conférée par le contrat de fiducie a pu être qualifiée de propriété
fiduciaire1320, de propriété avec charge1321 ou encore de propriété pour le compte d'autrui1322. Un
auteur va plus loin et dénie même la qualité de propriétaire au fiduciaire1323.
1036. Quoi qu'il en soit, le législateur reconnaît au fiduciaire la qualité de propriétaire.
Cependant, la propriété définitive des actifs fiduciaires ne sera transmise au créancier que si, à
l’échéance, le débiteur n'a pas payé sa dette. Dans ce cas, le fiduciaire doit, lorsqu'il n'est pas le
créancier, transférer la propriété définitive (au sens de l'article 544 du Code civil) des biens au
créancier bénéficiaire. Un nouveau transfert de propriété s'effectue alors du patrimoine fiduciaire
vers le patrimoine du bénéficiaire de la fiducie. Ce transfert s'accompagne par hypothèse de la
remise des biens au créancier. Ce dernier peut alors librement vendre les biens mis en fiducie. Si le
fiduciaire est aussi le créancier, il devra effectuer un transfert des actifs du patrimoine fiduciaire
vers son patrimoine personnel.
1315
Art. 2011 du Code civil; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit.,
n° 633.56; P. CROQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés », art préc., p. 82.
1316
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 042.51; n° 633.56
1317
Selon l'article 2012-2 du Code civil, la durée maximum est de 99 ans à compter de la signature du contrat.
1318
B. MALLET-BRICOUT, « Le fiduciaire propriétaire ? », JCP E, 2010, 1191.
1319
P. CROCQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés », art. préc., p. 82; F. MACORIG-VENIER,
« Les apports de la réforme du 18 décembre 2008 en matières de sûretés », art. préc., p. 29.
1320
B. MALLET-BRICOUT, « Le fiduciaire propriétaire ? », art. préc., n° 4 et s.
1321
V. Rapport du Sénat n° 442, 27 mai 2009, Art. 6 sexies B (nouveau), par PH. MARINI.
1322
F. DANOS, Propriété, possession et opposabilité, préf. L. AYNÈS, Economica 2007, n°43 ; L. KACZMAREK,
« Propriété fiduciaire et droits des intervenants à l'opération », D. 2009, p. 1845.
1323
R. LIBCHABER, « Les aspects civils de la fiducie dans la loi du 19 février 2007 », Défrénois 2007, art. 38631, sp.
n° 23; L'auteur rejette l'idée d'une propriété fiduciaire accordée au fiduciaire, il considère en revanche que le constituant
resterait propriétaire des biens transférés.
406
1037. Bien que propriétaire, le fiduciaire ne peut donc, du seul fait de l'ouverture d'une
procédure de sauvetage, procéder librement à la vente des biens restés en possession du débiteur.
Quant au débiteur, il continue de faire usage des biens sans pour autant pouvoir les réaliser, car les
biens sont sortis de son patrimoine. Ainsi, bien qu'étant neutralisée, la fiducie ne disparaît pas.
L'article L. 622-23-1 fait également obstacle à l'application des dispositions des articles 2372-3 et
2488-3 du Code civil qui permettent au créancier bénéficiaire d'obtenir, en cas de non-paiement de
la créance, la libre disposition des biens transférés dans le patrimoine fiduciaire. La cession ou le
transfert des biens fiduciaires qui interviendrait au mépris de cette interdiction est sanctionnée par la
nullité. L'existence d'une convention de mise à disposition permet donc de neutraliser les effets de
la fiducie-sûreté.
Cette neutralisation se manifeste également par le fait que les dispositions relatives à la continuation
des contrats en cours s'appliquent à la convention de mise à disposition dans les procédures de
sauvetage.
1038. L'article L, 622-13, VI du Code de commerce précise que les dispositions relatives à la
continuation des contrats en cours ne concernent pas le contrat de fiducie, à l'exception de la
convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance des biens ou droits
transférés dans un patrimoine fiduciaire. Ces dispositions s'appliquent également à la procédure de
redressement judiciaire, compte tenu du renvoi opéré par l'article L. 631-14, alinéa 1er du même
Code.
Par ces dispositions, le législateur règle doublement le sort du contrat de fiducie et de la convention
de mise à disposition. Il en résulte clairement que le contrat de fiducie n'est pas un contrat en
cours1324. Il ne peut donc être soumis à la continuation forcée. Le texte ne distinguant entre les
fiducies, il faut considérer qu'il s'applique aussi bien à la fiducie-sûreté qu'à la fiducie gestion1325.
1039. Si le législateur ne s'était arrêté qu'à cette énonciation, le sauvetage de l'entreprise aurait
été compromis. En effet, n'étant pas un contrat en cours, il aurait été possible de résilier le contrat de
fiducie du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvetage, peu important que la fiducie soit
assortie ou non d'une convention de mise à disposition.
Fort heureusement pour les débiteurs, le législateur fait une exception pour la convention de mise à
disposition qu'il soumet au régime des contrats en cours.
1324
R. DAMMAN .N et G. PODEUR, « Fiducie-sûreté et droit des procédures collectives : évolution ou révolution ? »,
D. 2007, Chron. pp 1359 et s., sp. p. 1361.
1325
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 698; Pour l'auteur il ne saurait en être autrement s'agissant de
la fiducie-sûreté puisqu'elle ne répond pas à la condition de réciprocité. Voir dans le même sens, P.-M. LE CORRE,
Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.55.
407
Il convient donc définir préalablement la notion de contrat (b-1) en cours avant de préciser les effets
d'une telle qualification sur les bénéficiaires de la fiducie (b-2).
1040. Ce sont les articles L. 622-13 et suivants du Code de commerce qui précisent le régime
des contrats en cours1326. Mais le législateur a manqué de définir la notion même de contrats en
cours. Elle fait ainsi l'objet d'un contentieux abondant1327.
Un contrat en cours est un contrat qui existe1328 au jour du jugement d’ouverture et qui n’est pas
encore arrivé à son terme 1329 . Il s’agit donc d’un contrat en cours d'existence et en cours
d'exécution1330. Un contrat en cours de formation n'est pas un contrat en cours au sens de l'article
L. 622-131331. Par principe, la notion s'applique aux contrats à exécution successive. Mais elle est
également étendue à tous les contrats à exécution instantanée qui n'ont pas été complètement
exécutés au jour du jugement d'ouverture1332.
1041. L'ouverture d'une procédure collective commande à l'organe compétent de se prononcer
sur le sort des contrats. En conséquence, les contrats sont en cours au moins jusqu'au jour de
l'exercice de l'option. En attendant celui-ci, le cocontractant doit continuer d'exécuter ses
obligations. La continuation des contrats en cours est donc forcée tant que l'organe compétent ne
s'est pas prononcé sur leur sort. En contrepartie, le cocontractant bénéficie du régime applicable aux
créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, pour les prestations comprises entre le
jugement d'ouverture et l'option, peu important l'option qui sera prise1333.
1042. Ainsi, seuls les contrats en cours au jour de l'option pourront être continués, ce qui
suppose qu'ils ont été conclus auparavant, d'une part, et qu'ils ne sont pas arrivés à leur terme au
jour du jugement d'ouverture, d'autre part.
Cette solution a été posée par la Cour de cassation en matière de bail commercial1334. La Cour a
également considéré qu'un contrat en cours ne peut être résilié tant que l'option n'est pas intervenue,
1326
E. LE CORRE-BROLY, « Les modifications apportées au droit commun de la continuation des contrats en cours »,
D. 2009, p. 663.
1327
A. BAC, « De la notion de contrat en cours et de ses grandes conséquences, notamment pour les cautions », JCP E,
2000, p. 22 ; G. TÉBOUL, « Le sort des contrats pendant les procédures collectives, Quel choix opérer ? », Gaz. Pal.,
24 avril 2004, n° 115, p. 7 ; C. BRUNETTI-PONS, « La spécificité du régime des contrats en cours dans les procédures
collectives », RTD com.., 2000, p. 783.
1328
Le contrat a valablement été conclu.
1329
Cass. com., 30 octobre 2000, n° 97-14.774, Inédit ; RJDA 2001/12, p.186; Pour le refus de cette qualification au
contrat de bail arrivé à son terme; Cass. com., 17 février 1998, n° 95-13.296, Bull. civ. IV, n°72; RJDA, 1998/6, p. 535 ;
D. Aff. 1998, p. 582 ; Cass. Ass. Plén., 7 mai 2004, n° 02-13.225, Bull. Ass. plén., n° 9.
1330
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op .cit., ns° 699 et s ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises
en difficulté, ns° 602 et s ; A. MARTIN-SERF, « La continuation des contrats », RJ com., novembre 1992, n° spéc. p. 9
et s.
1331
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 603.
1332
Cass. com., 26 mai 1998, n° 96-11.839, Inédit; RJDA 1998/10, p. 839.
1333
Cass. com., 2 février 1993, n° 91-10.463, Bull. civ. IV, n° 35; Gaz. Pal.,1993, II, p. 570, note Ph.-H. BRAULT.
1334
Cass. com., 17 février 1998, n° 95-13.296, Bull. civ. IV, n° 72; JCP E, 1998, 1361, note Ph.-H. BRAULT.
408
même si la contrepartie attendue par le débiteur ou l'administrateur n'a pas été fournie. Ainsi, dans
un arrêt du 7 novembre 2006, la Cour de cassation a jugé que la résiliation de plein droit pour défaut
de paiement au comptant ne peut jouer que si l'organe compétent a d'abord décidé de continuer le
contrat1335.
1043. En somme, dès lors qu’au jour du jugement d’ouverture un contrat a valablement été
conclu, qu’il n’est pas arrivé à son terme et que l’option sur sa continuation n’est pas intervenue, il
doit être considéré comme un contrat en cours. Le juge-commissaire est seul compétent pour
connaître les demandes relatives à la continuation des contrats en cours1336.
1044. Cependant, l'article L. 622-13, IV précise que la convention de mise à disposition obéit
aux règles de la continuation des contrats en cours. La qualification de contrat en cours de la
convention nous parait tout à fait justifiée, car il s'agit d'un contrat à exécution successive 1337. Cette
qualificati on se justifie également au regard des finalités de la convention. En effet, le régime des
contrats en cours a pour but de permettre la poursuite des contrats utiles, ce qui cadre parfaitement
avec la convention de mise à disposition1338.
1045. Dans le cadre de notre étude, il ne s'agit pas d'étudier de manière générale le régime de
la continuation des contrats en cours. Il s'agit en revanche de relever les conséquences, pour le
bénéficiaire de la fiducie, de la qualification de contrats en cours de la convention de mise à
disposition. Ainsi, nous analyserons brièvement les modalités de l'option (b-1-a) avant de voir les
effets de cette situation sur la fiducie-sûreté (b-1-b).
1335
Cass. com., 7 novembre 2006, n° 05-17.112, Bull. civ. IV, n° 217; D. 2006, AJ, p. 2846, obs. A. LIÉNHARD; Gaz.
Proc. Coll. 2007/1, p. 45, note F. PÉROCHON ; D. 2007, pan. p. 48, obs. P.-M. LE CORRE.
1336
Cass. com., 18 juin 2013, n°s 12-14.836 et 12-19.054, Bull. civ. IV, n° 102, D. 2013, AJ. p. 1616, note A.
LIÉNHARD ; BJE septembre 2013, p. 296, note S. BENILSI.
1337
R. DAMMANN, G. PODEUR, « Le nouveau du droit des sûretés: première étape de la réforme de la fiducie et du
gage sans dépossession », art. préc., p. 2304.
1338
P.-M LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 431.24.
1339
La nomination d'un administrateur est obligatoire pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaire de 3000000 euros
et employant au moins vingt salariés.
1340
P. DARROUSEZ, « La poursuite des contrats en cours (article 37, loi du 25 janvier 1985) - L'option de
l'administrateur judiciaire », RJ com. 1992, n° spéc., p. 20 et s.
1341
Art. L.627-2 du Code de commerce.
409
Dans les législations antérieures à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, le débiteur devait obtenir
l'autorisation du juge-commissaire pour continuer un contrat. À défaut d'autorisation, la décision de
poursuivre le contrat était considérée comme nulle 1342 . En revanche, la Cour de cassation avait
admis la possibilité pour le débiteur seul de refuser de poursuivre un contrat1343. Désormais, le juge-
commissaire n'interviendra qu'en cas de désaccord entre le débiteur et le mandataire judiciaire, et à
la demande de tout intéressé.
1342
Cass. com., 6 mai 1997, n° 95-10.933, Bull. civ. IV, n° 125; LPA 1998, n° 10, p. 22, note Ch. GALLET.
1343
Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-16.11, Bull. civ. IV. n° 11; D. 1996, IR. p. 50.
1344
Cass. com., 8 décembre 1998, n° 95-11.265, Inédit.
1345
TI Paris, 16 janvier 1992, Rev. Proc. Coll. 1992, p. 304, obs. J. MESTRE et A. LAUDE.
410
b-2-a) Le sort de la convention de mise à disposition
1346
L'ordonnance du juge-commissaire est susceptible d'un recours devant le tribunal et le jugement statuant sur ce
recours est susceptible d'appel; Cass. com. 7 février 2012, n° 10-26.164, Bull. civ. IV, n° 29.
1347
G. BERTHELOT, « Le traitement de la fiducie-sûreté dans la nouvelle ordonnance sur les procédures collectives »,
Dr. et patr., octobre 2009, n° 185, p. 88.
411
b-2-b) La continuation forcée de la convention de mise à disposition
1053. L'organe compétent peut, après une mise en demeure ou de façon spontanée, décider de
poursuivre les contrats en cours, et notamment la convention de mise à disposition. La poursuite
du contrat peut même résulter d'une volonté tacite du titulaire du droit d'option. Il suffit pour cela
que son comportement manifeste clairement sa volonté de poursuivre l'exécution du contrat1348. En
l'absence d'option, le contrat reste en cours1349.
Lorsque l'administrateur ou le débiteur, avec l’accord du mandataire, opte pour la continuation de la
convention, le fiduciaire reste tenu d'exécuter ses engagements, même lorsque le débiteur n'a pas
exécuté ses engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution des
engagements n'ouvre droit, au profit du créancier, qu'à la déclaration de créances au passif.
Le fiduciaire ne peut évoquer l'exception d'inexécution, ni intenter ou poursuivre une action en
résolution fondée sur une inexécution antérieure.
1054. En somme, le fiduciaire étant tenu de poursuivre l'exécution de la convention, le
bénéficiaire ne peut donc faire jouer la fiducie-sûreté. Il ne peut en conséquence ordonner la
restitution des biens fiduciaires. La fiducie-sûreté reste ainsi neutralisée pendant toute la période
d'observation et d'exécution du plan. En contrepartie, l'administrateur et le débiteur doivent veiller à
une parfaite exécution de la convention.
Le respect de l’exécution de cette convention est important en raison de l'utilité des biens laissés
entre les mains du débiteur. En effet, le non-respect de la convention peut aboutir à une résiliation
de cette dernière ou à la résolution du plan pour défaut d’exécution. Dans ce cas, la fiducie-sûreté
retrouve son efficacité.
1055. La continuation de la convention de mise à disposition pose par ailleurs le problème de
la revendication des biens. En effet, l'article L. 624-16 du Code de commerce autorise, sous
certaines conditions1350, la revendication des biens mobiliers laissés entre les mains du débiteur
constituant en vertu d'une convention de mise à disposition. Pour rendre son droit de propriété
opposable, le fiduciaire est tenu de revendiquer les biens faisant l'objet d'une fiducie1351.
Cependant, il est admis que la publicité dispense de la revendication 1352. Aussi, les biens immeubles
faisant l'objet d'un transfert fiduciaire étant soumis à une formalité d'enregistrement fusionnée à la
publicité foncière1353 n'ont pas à être revendiqués. En revanche, s’agissant des fiducies portant sur
1348
Cass. com., 3 juin 1986, n° 85-14.409, Bull. civ. IV. n° 112; D. 1987, somm. p. 50, note A. HONORAT ; Cass.
com., 29 avril 2002, n° 99-14.230, Inédit ; D. 2002, p. 1674, obs. A. HONORAT.
1349
Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-12.337, Inédit.
1350
Cf. chapitre 1 du titre 2 de la première partie.
1351
E. LE CORRE-BROLY, « Les modifications apportées par l'ordonnance du 18 décembre 2008 en matière de
revendications et de restitutions », Gaz. Pal., 10 mars 2009, n° 69, p. 48.
1352
Art. L. 624-10 du Code de commerce.
1353
Art. 2019, al. 1er et 2 du Code civil
412
des biens mobiliers, l’enregistrement au registre national des fiducies est également exigé, à peine
de nullité1354.
Toutefois, il ne s’agit pas d’une publicité ouverte aux tiers. L’enregistrement ici ne vise pas à
informer les tiers mais à rendre la fiducie valable. L’enregistrement n’étant pas une formalité de
publicité, elle ne dispense donc pas le fiduciaire d'avoir à revendiquer les biens meubles.
1056. Cette revendication se heurte néanmoins à l'objectif de sauvetage de l'entreprise, dans la
mesure où elle risque de priver le débiteur des biens utiles à la poursuite de l'activité. Aussi,
conformément aux dispositions de l'article L. 622-12, IV aux termes desquelles la convention de
mise à disposition obéit aux règles des contrats en cours, et cela pendant toute la période
d'observation et d'exécution du plan, la résiliation de la convention ne peut avoir lieu du seul fait de
l'ouverture de la procédure collective.
La restitution des biens est rendue impossible pendant toute la durée de la neutralisation de la
fiducie. En effet, le régime des contrats en cours commande au débiteur de ne pas restituer les biens
tant que la convention de mise à disposition est continuée. La restitution n'interviendra donc qu'au
jour de son terme ou de sa résiliation. Le but ici est de ne pas compromettre les chances de
sauvetage de l'entreprise en privant le débiteur des biens nécessaires à la poursuite de son activité.
1057. En somme, tant que le débiteur ou l'administrateur exécute correctement ses
obligations, le bénéficiaire de la fiducie ne peut résilier la convention de mise à disposition.
La soumission de cette convention au régime des contrats en cours peut donc avoir des
conséquences néfastes pour le créancier, qui peut se voir imposer la continuation forcée de la
convention.
Notons que le bénéficiaire d'une fiducie-sûreté est également soumis à la continuation forcée tant
que l'option n'est pas intervenue. En effet, conformément à la solution jurisprudentielle selon
laquelle un contrat ne peut être résilié tant que l’organe compétent ne s’est pas prononcé sur la
continuation ou non de ce contrat, il en sera de même pour la convention de mise à disposition.
Ainsi, tant que le sort de la convention de mise à disposition n'est pas réglé, le créancier bénéficiaire
ne peut réaliser sa fiducie-sûreté. Toutefois, la continuation de la convention peut parfois se révéler
avantageuse pour le bénéficiaire. C'est le cas lorsque cette convention a été conclue à titre onéreux.
Dans cette situation, il conserve la possibilité de percevoir les loyers du contrat1355.
1058. Quoi qu'il en soit, l'ouverture d'une procédure collective de sauvegarde ou de
redressement suspend le jeu de la réalisation de la fiducie-sûreté sans dépossession. Cette
neutralisation est accentuée par la soumission de la convention de mise à disposition au régime des
1354
Art. 2019, al. 1er du Code civil
1355
M.-C. LASSERRE, « La paralysie de la fiducie-sûreté », art. préc., p. 6
413
contrats en cours. En effet, dès lors que l'administrateur opte pour la continuation de la convention,
le créancier bénéficiaire est tenu d'exécuter ses engagements. Il est donc soumis à la continuation
forcée de la convention. Il en découle une impossibilité pour le créancier d'ordonner la restitution
des biens laissés en possession du débiteur. En conséquence, même après la revendication du
fiduciaire, cette restitution est différée au terme de la convention de mise à disposition ou à sa
résiliation. Dans ce cas, la fiducie jusqu'ici paralysée retrouve son efficacité.
Cela nous conduit ainsi à voir les limites à la neutralisation de la fiducie-sûreté dans les procédures
de sauvetage.
1059. En dépit de la neutralisation de la fiducie-sureté lorsque les biens transférés sont utiles
pour la poursuite de l'activité, l’efficacité de cette sûreté est tout de même garantie dans certaines
situations. Nous les examinerons successivement.
1062. Cette hypothèse intervient soit à la suite d'une inexécution par le débiteur de ses
engagements, soit du fait de la survenance de la cessation des paiements en cours d'exécution du
plan. Il faut ici distinguer plusieurs hypothèses.
Lorsqu'un redressement judiciaire a été, du fait de la survenance de la cessation de paiement, ouvert
à la suite de la résolution d'un plan de sauvegarde, la convention de mise à disposition n'est plus
soumise au régime des contrats en cours1359. Le bénéficiaire de la fiducie-sûreté peut alors réaliser
immédiatement sa sûreté. En conséquence, le transfert des biens à son profit devient possible.
La neutralisation de la fiducie-sûreté est ici elle-même neutralisée1360.
La solution est la même si la résolution du plan de sauvegarde intervient pour inexécution sans
cessation des paiements et sans ouverture d'une seconde procédure. Dans ce cas, la procédure
collective ayant pris fin, la paralysie de la fiducie-sûreté ne se justifie plus.
Par ailleurs, lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement débouche, du fait de
l'inexécution des engagements par le débiteur, sur l'ouverture d'une liquidation judiciaire, le
créancier retrouve son droit de réaliser sa sûreté. En effet, comme nous le verrons ultérieurement,
l'efficacité de la fiducie-sûreté est totalement restaurée dans le cadre de la liquidation judiciaire.
1063. En somme, conformément à l'équilibre entre le sauvetage de l'entreprise et le respect de
la fiducie-sûreté, celle-ci ne peut être neutralisée qu'une seule fois dans les procédures de sauvetage.
L'efficacité de la fiducie-sûreté est donc restaurée dans le redressement de la seconde chance1361.
L'efficacité de la fiducie-sûreté se manifeste en outre en cas de résiliation de la convention de mise
à disposition.
1356
M.-C. LASSERRE, « La paralysie de la fiducie-sûreté », art. préc., p.4.
1357
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Le nouveau du droit des sûretés: première étape de la réforme de la fiducie et du
gage sans dépossession », art. préc., p. 2304.
1358
R. DAMMANN, « Avantages et inconvénients de la fiducie en cas de procédure collective », art. préc., p. 65
1359
Art. L. 631-14, al. 4 du Code de commerce ; M. BAYLE, « L'enchaînement des procédures de prévention et de
traitement de la cessation des paiements », LPA, 23 octobre 2008, n° 213, p. 3.
1360
F. PÉROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », art. préc. p. 651
1361
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n° 1125.
415
2-c) Une neutralisation limitée par la résiliation de la convention de mise à disposition
1064. En tant que contrat en cours, la convention de mise à disposition peut être poursuivie
mais également résiliée. Cependant, la résiliation des contrats en cours n'intervient qu'à certaines
conditions. Aussi, l'article L. 622-13-I précité stipule qu'un contrat en cours ne peut être résilié du
seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Mais ce même texte indique clairement les différents cas de résiliation. Il en résulte que le contrat
en cours peut être résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite
du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse.
Il en sera de même lorsque, à défaut de paiement au comptant, la prestation porte sur le paiement
d'une somme d'argent d’un contrat continué, ou en l'absence d'accord du cocontractant pour
poursuivre les relations contractuelles. Enfin, la résiliation peut être judiciaire. La loi autorise le
juge-commissaire de prononcer, à la demande de l'administrateur, la résiliation si elle est nécessaire
à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
La jurisprudence a jugé que la résiliation du contrat peut être établie par le jeu d'une clause
résolutoire de plein droit. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère que si la résiliation
intervient par voie postale, sa date sera celle de la réception de la lettre de résiliation1362.
1065. Quoi qu'il en soit, l’article L. 622-13, VI soumet la convention de mise à disposition au
régime des contrats en cours. Aussi, elle ne saurait échapper aux dispositions relatives à la
résiliation des contrats. En conséquence, dès lors que ces conditions sont réunies, la convention de
mise à disposition devrait être résiliée de plein droit ou par décision judiciaire.
En cas de résiliation de la convention de mise à disposition, la fiducie-sûreté retrouve, en principe,
toute son efficacité. Le créancier bénéficiaire pourrait donc, sous réserve de l'exigibilité de la
créance, faire jouer sa sûreté en dépit de la nature de la procédure collective. Ainsi, même en
période d'observation ou d'exécution du plan, le créancier pourrait, comme pour les fiducie-sûretés
avec dépossession, procéder à la réalisation de la sûreté. De cette manière, le créancier bénéficiaire
échapperait à l’arrêt des poursuites individuelles1363.
1364
1066. Cependant, un auteur considère que si le bénéficiaire ne fait pas jouer
immédiatement sa fiducie-sûreté et si, après résolution du plan de sauvegarde sans cessation des
paiements, s'ouvre un redressement judiciaire, les règles de continuation de contrats en cours auront
à nouveau vocation à s'appliquer à la convention de mise à disposition. Dans ce cas, la réalisation de
la fiducie-sûreté serait à nouveau paralysée.
1362
Cass. com., 11 avril 1995, n° 93-12.918, Inédit; Rev. Proc. Coll., 1995, p. 293, obs. J. MESTRE et A. LAUDE
1363
V. chapitre 1 du titre 2 de la première partie (ns° 381 et s.)
1364
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.57.
416
Dans tous les cas, compte tenu de la gravité des conséquences liées à la résiliation de la convention
de mise à disposition sur le sauvetage de l'entreprise, le débiteur ou l'administrateur doit veiller à ce
que cette convention soit parfaitement exécutée1365.
1067. Quelles sont donc les conséquences de cette situation sur la revendication ?
Lorsque les biens transférés dans le patrimoine fiduciaire ont été revendiqués conformément aux
dispositions de l'article L. 624-16 du Code de commerce, leur restitution immédiate devient possible
dans l'hypothèse d'un redressement judiciaire consécutif à la résolution du plan de sauvegarde ou
encore en cas de résiliation de la convention de mise à disposition. En effet, dans les deux cas, la
convention de mise à disposition n'est plus soumise aux règles des contrats en cours. Les biens
seront donc remis au fiduciaire, à charge pour lui d'en assurer la conservation selon les règles du
Code civil. Au terme du contrat de fiducie, le bénéficiaire pourra ensuite ordonner le transfert à son
profit des biens transmis dans le patrimoine fiduciaire, si le débiteur ne s’est pas acquitté de son
obligation.
Pour finir, la neutralisation ne s’applique pas à toutes les fiducies.
1068. La neutralisation de la fiducie-sûreté est limitée. En effet elle ne s'applique pas aux
fiducies avec dépossession du débiteur1366. Dès lors que le débiteur ne conserve pas l'usage des
biens transférés, on considère que ceux-ci ne sont pas indispensables à la poursuite de l'activité.
Il n'existe alors aucune restriction aux droits du bénéficiaire. Ce dernier peut en conséquence faire
jouer la fiducie-sûreté et demander le transfert des biens fiduciaires dans son patrimoine propre,
sous réserve de l'exigibilité de la créance.
Là encore, le créancier échappe à l’arrêt des poursuites individuelles et peut même obtenir,
nonobstant l’ouverture d’une procédure collective1367, le paiement de sa créance. L'efficacité de ces
fiducies-sûretés est garantie dans toutes les phases de la procédure collective. Cette solution est tout
à fait logique. Les biens étant sortis du patrimoine du débiteur, ils devraient échapper aux
conséquences de la procédure collective.
1069. La situation du bénéficiaire d'une fiducie avec dépossession du constituant se rapproche
de celle du titulaire d'un droit de rétention effectif. En effet, l'article L. 622-7, II, alinéa 2, du Code
de commerce permet au débiteur seul (en sauvegarde) ou à l'administrateur et au débiteur (en
1365
Ibid, n° 421.24.
1366
Ph. DUPICHOT, « La fiducie-sûreté en pleine lumière; A propos de l'ordonnance du 30 janvier 2009 », JCP G,
2009, I, 132.
1367
V. les développements faits dans le titre 2 de la première partie.
417
redressement judiciaire)1368 de demander au juge-commissaire d'autoriser le paiement du créancier
afin d'obtenir le retour des biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire,
lorsque ce retour est justifié par la poursuite de l'activité. Dans cette hypothèse, les effets de la
fiducie-sûreté ne sont pas limités.
Toutefois, on voit clairement la volonté pour le législateur de favoriser le sauvetage de l'entreprise,
puisque le retour des biens fiduciaires dans le patrimoine du débiteur est justifié par la poursuite de
l'activité1369.
1070. Le domaine de la neutralisation est par ailleurs limité aux seules fiducies avec création
d'un patrimoine d'affectation. Il s’agit de la fiducie (sûreté ou gestion) régie par les articles 2011 et
suivants du Code civil.
Les autres formes de fiducies, et notamment la cession Dailly, échappent donc à la neutralisation.
En effet, dès lors que la créance cédée sort du patrimoine du débiteur (le cédant) 1370, elle devrait
échapper à la procédure collective1371, car le bien a non seulement quitté les mains du débiteur mais
également son patrimoine. Le créancier cessionnaire qui n’a pas besoin de revendiquer 1372 devrait
pouvoir réaliser sa sûreté à l’échéance de la dette garantie, même si la procédure collective n’a pas
pris fin. Dans cette hypothèse, la réalisation se produit en dehors de la procédure collective, puisque
la créance cédée n’est plus dans le patrimoine du débiteur cédant. De cette manière, le cessionnaire
échappe donc à l’arrêt des poursuites individuelles1373.
Tout compte fait, l'idée qui consiste à neutraliser les effets de la fiducie-sûreté dans les procédures
de sauvetage est mise en échec face à cette forme de fiducie. La cession Dailly reste donc
parfaitement efficace dans toutes les phases de la procédure collective.
1071. En définitive, la neutralisation des effets de certaines sûretés réelles exclusives (la
fiducie-sûreté et le droit de rétention fictif) dans les procédures de sauvetage est justifiée par la
poursuite de l'activité. Il faut favoriser au maximum les chances de sauvetage de l'entreprise et cela
passe notamment par la mise à disposition des biens utiles au profit du débiteur.
Le droit de rétention fictif est inopposable ; ce qui pourrait permettre au débiteur, déjà en possession
du bien, de le vendre en cas de besoin. Quant à la fiducie-sûreté, la convention de mise à disposition
permet au débiteur de conserver l'usage et la jouissance des biens utiles à la poursuite de l'activité.
1368
Cf. art. L. 631-14 du Code de commerce. Dans le redressement judiciaire, la demande d'autorisation n'émanera du
débiteur seul qu'en l'absence d'administrateur. En sa présence, elle émanera du débiteur et de l'administrateur, si ce
dernier a une mission d'assistance. Elle n'émanera que de l'administrateur si celui-ci a une mission de représentation.
1369
M. COMBE, « L'efficacité de la fiducie-sûreté », art. préc., p. 9
1370
Cass. com., 10 mai 2005, n° 04-10.062, Inédit; La Cour a décidé que la créance du débiteur sort de son patrimoine
au jour figurant sur le bordereau.
1371
C. MALECKI, « Le bordereau Dailly à l'épreuve du droit des procédures collectives », in Aspect actuels du droit
des affaires, Mél. Y. GUYON, Dalloz 2003, p. 767 et s. sp. pp. 786 à 795.
1372
Sauf, éventuellement si c’est le débiteur cédé qui fait l’objet d’une procédure collective.
1373
F. MACORIG-VENIER, « L'exclusivité », art. préc., p. 62.
418
1072. Cependant, si l'objectif de neutralisation des sûretés dans les procédures de sauvetage
semble atteint pour le droit de rétention fictif, l'enthousiasme est plus modéré s'agissant de la
fiducie-sûreté. En effet, bien que neutralisée, son efficacité est susceptible d'être ravivée dans
plusieurs situations, et cela, en dépit de la nature de la procédure collective dont le débiteur fait
l'objet. Cette neutralisation partielle de la fiducie-sûreté pourrait bien mettre à mal le sauvetage de
l'entreprise souhaité par le législateur.
1073. Quoi qu’il en soit, la neutralisation des sûretés réelles exclusives influe sur la protection
des créanciers. En effet, de l’efficacité ou non de ces sûretés dépend l’effectivité de la protection du
créancier. Lorsque les effets de la sûreté sont neutralisés, la protection du créancier est logiquement
limitée puisqu’il ne peut efficacement se prévaloir de sa sûreté. En revanche, des lors que la sûreté
retrouve la plénitude de ses effets, la protection du créancier est, en principe, assurée ; c’est
notamment le cas dans les procédures liquidatives.
419
Nous verrons donc le sort du droit de rétention fictif dans une cession décidée en dehors de la
liquidation judiciaire (1), puis dans la procédure de liquidation (2).
1077. Il ressort des dispositions de l'article L. 622-7-I, alinéa 2, que le droit de rétention fictif
conféré par l'article 2286, 4° du Code civil n'est pas inopposable lorsqu'une cession est décidée en
application de l'article L. 626-1, c'est-à-dire dans le cadre d'un plan de sauvegarde. De la
combinaison des articles L. 631-14, alinéa 1er, qui rend applicable en redressement l'article L. 622-7
et de l'article L. 631-19, qui rend applicable en redressement judiciaire l'article L. 626-1, on peut
considérer que le droit de rétention fictif est également opposable dans l'hypothèse d'une cession
d'activité décidée dans le cadre d'un plan de redressement.
1078. L'opposabilité du droit de rétention dans l'hypothèse d'une cession décidée dans un plan
de sauvegarde ou de redressement permet au gagiste sans dépossession de retrouver ses
prérogatives de rétenteur face au cessionnaire. Le créancier peut donc efficacement opposer son
droit de rétention, fût-il fictif, au cessionnaire. Ainsi, le cessionnaire qui souhaite voir inclure le
bien retenu dans la cession doit préalablement désintéresser le créancier gagiste sans dépossession.
Cet avantage considérable provient de sa qualité de créancier rétenteur et non pas de simple gagiste.
Dans cette situation, il ne s'agit pas réellement de la technique du retrait contre paiement car le
créancier n'est pas en possession du bien. Il s'agit en revanche de « la cession contre paiement »,
puisque pour inclure le bien gagé dans une cession, il faut au préalable payer le créancier, ainsi que
l'a affirmé le professeur LE CORRE « retenir et céder ne vaut1374 ».
Retenir et céder ne vaut donc pas paiement du créancier. Seul le paiement permet efficacement de
faire obstacle au droit de rétention. Même si l'auteur a avancé cette théorie dans le cadre d'un droit
de rétention effectif, a priori, rien d'interdit d'en faire application en présence d'un droit de rétention
fictif opposable au repreneur.
1079. Cependant, le professeur AYNÈS 1375, particulièrement critique à l'égard du droit de
rétention fictif de l'article 2286, 4° du Code civil, a affirmé que faute pour le gagiste d'exercer un
pouvoir de blocage sur le bien, le refus de s'en dessaisir au profit du cessionnaire risque de ne pas
produire d'effet en présence d'une rétention fictive. Pour cet auteur, bien qu'opposable dans
l'hypothèse d'une cession, la fictivité du droit de rétention le prive des effets d'un droit de rétention
effectif.
1080. L'opposabilité du droit de rétention fictif dans l'hypothèse d'une cession soulève
effectivement des difficultés de mise en œuvre. Le créancier n'étant pas physiquement en
1374
P.-M. LE CORRE, « Le gage avec droit de rétention face au plan de cession », LPA, 22 octobre 1997, n°127, p. 5.
1375
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., n° 7.
420
possession du bien d’une part, et ne disposant d’aucun pouvoir de blocage d’autre part, il ne peut
matériellement empêcher la remise du bien au cessionnaire. L’efficacité de sa sûreté repose donc
sur le débiteur ou son représentant. La situation est d’autant plus complexe que lorsque la cession
est décidée dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement, le droit de rétention fictif est
toujours inopposable au débiteur. Il n’est opposable qu’au cessionnaire. Le débiteur est-il fondé à
ignorer l’existence de ce droit de rétention ? Peut-il donc en toute impunité remettre le bien dont il a
conservé l’usage au cessionnaire ?
1081. Sur le plan pénal, la remise de la chose gagée par le débiteur au cessionnaire peut
s’analyser comme un délit de détournement du gage. Le débiteur qui remet ainsi un bien au
cessionnaire au mépris du gage se rend coupable d’une infraction punie par la loi1376.
Dans tous les cas, comme l’affirme le professeur AYNÈS1377, l'opposabilité du droit de rétention
fictif dans la cession aurait quelque chose d'inexplicable et d'inédit à faire peser sur le débiteur
constituant ou son représentant l'obligation de préserver l'efficacité du gage sans dépossession, le
cas échéant, au mépris de son propre intérêt.
1082. Somme toute, en théorie, le droit de rétention jadis inopposable au débiteur, devient
opposable au cessionnaire. Le créancier rétenteur est donc en droit d'exiger au cessionnaire le
paiement intégral de sa créance avant la cession du bien.
Il résulte des dispositions de l'article L. 626-1 que la cession d'activité décidée dans le cadre d'un
plan de sauvegarde est soumise aux dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV. Cette
cession est donc soumise aux dispositions des articles L. 642-1 à L. 642-17 du Code de commerce
prévues pour les cessions intervenues dans le cadre de la liquidation judiciaire. Cela nous amène à
voir l'opposabilité du droit fictif dans le cadre de cette procédure.
Dans la liquidation judicaire, le droit de rétention fictif est opposable en cas d'adoption (a) ou non
d'un plan de cession (b).
1376
Art. 314-5 du Code pénal.
1377
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., ns° 7 et 8
421
s'appliquent pas en présence d'un droit de rétention. Le repreneur qui veut acquérir les biens retenus
dans le cadre d'une cession doit donc au préalable payer le créancier rétenteur.
1084. En l'absence de précision législative et compte tenu de l'absence de renvoi à l'alinéa 2
de l'article L. 622-7, I, il faut considérer que le texte s'applique à tous les droits de rétention réels,
fictifs, et même au droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil1378.
Cette disposition consacre une jurisprudence ancienne dans laquelle la Cour de cassation avait
admis l'opposabilité du droit de rétention au cessionnaire, en considérant que le gagiste rétenteur
n'avait pas à se contenter d'une quote-part du prix de cession. En effet, dans un arrêt du 20 mai
19971379, la Cour avait jugé que « la cession d'entreprise, par suite de l'adoption d'un plan de
redressement, ne peut porter atteinte au droit de rétention issu d'un gage avec dépossession qu'un
créancier a régulièrement acquis sur des éléments compris dans l'actif cédé ; qu'en l'absence de
dispositions légales en ce sens, le créancier rétenteur ne peut être contraint de se dessaisir du bien
qu'il retient légitimement que par le paiement du montant de la créance qu'il a déclaré, et non par
celui d'une quote-part du prix de cession qui serait affectée à ce bien pour l'exercice du droit de
préférence ».
1085. La doctrine1380 avait considéré que la solution jurisprudentielle devait s'appliquer à tous
les droits de rétention réels, peu important qu'ils soient issus ou non d'un gage, mais aussi au droit
de rétention fictif attaché aux gages sans dépossession.
Il est cependant important de noter qu’à cette époque, le législateur n'avait pas encore consacré un
droit de rétention fictif en faveur de tous les gagistes sans dépossession. Aujourd'hui, en l’absence
de précision législative, la solution consacrée à l'article L. 642-12, alinéa 5, devrait s'appliquer à
tous les droits de rétention sans distinction.
1086. En somme, le droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil est
parfaitement efficace dans l'hypothèse d'une cession, peu important que celle-ci soit décidée en
sauvegarde (article L. 626-1), en redressement judicaire (article L. 631- 22) ou en liquidation
judiciaire (article L. 642-12, alinéa 5).
Mais quelle est donc la situation en liquidation judiciaire en l'absence d'un plan de cession ?
1087. En l'absence de cession, le droit de rétention conféré par l'article 2286, 4° du Code civil
est tout de même opposable puisqu’il n'existe aucune disposition qui tend à limiter l'efficacité de ce
droit dans la liquidation judiciaire. Son droit étant opposable, le créancier devrait pouvoir se
1378
F. MACORIG-VENIER, « Les apports de la réforme du 18 décembre 2008 en matières de sûretés », art. préc. p. 32
; P. CROCQ, « Le gage avec ou sans dépossession, après la loi du 4 août 2008 et l'ordonnance du 18 décembre 2008 »,
art. préc., p. 28.
1379
Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-12.925, arrêt préc; LPA 1999, n° 77, p. 10, note F. DERRIDA.
1380
P.-M. LE CORRE, « Le gage avec droit de rétention face au plan de cession », art. préc.
422
prévaloir de la technique du retrait contre paiement. En effet, dans le cadre de la liquidation
judiciaire, l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce permet au liquidateur de retirer, sur
autorisation du juge-commissaire, le bien en contrepartie du paiement de la créance.
1088. Mais compte tenu du caractère fictif du droit de rétention, l'application à son profit de la
technique du retrait contre paiement est très discutée1381. Selon nous, le droit de rétention fictif n'a
d'intérêt qu'en cas de réalisation du bien grevé. Ce droit devrait ainsi permettre à son titulaire de
s'opposer à la vente du bien, s'il n'a pas, au préalable, obtenu le paiement de sa créance 1382. Or, dans
le cadre de la liquidation judiciaire, l'article L. 642-20-1 du Code de commerce autorise le
liquidateur à procéder, à défaut du retrait contre paiement, à la vente du bien grevé. Dans ce cas, le
droit de rétention se reporte sur le prix de vente.
1089. Mais ce mécanisme est-il applicable au créancier à l’égard duquel le droit de rétention
résulte de l’article 2286, 4° du Code civil ?
L’article L. 642-20-1 précise qu'en cas de vente par le liquidateur, le droit de rétention est de plein
droit reporté sur le prix. Il en résulte que le législateur ne fait aucune distinction entre les différents
droits de rétention. De même, s’agissant de la jurisprudence, la Cour de cassation avait admis, sous
l’empire des législations antérieures à la loi de sauvegarde, que le report du droit de rétention sur le
prix jouait au profit du créancier titulaire d'un gage sur véhicule automobile. En effet, dans un arrêt
rendu le 15 octobre 19911383, la Haute juridiction a estimé qu’une banque titulaire d'un droit de
rétention fictif sur le véhicule litigieux, était fondée à suspendre la mainlevée du gage à l'attribution
à son profit du produit de la vente effectuée par le liquidateur, peu important l'existence de créances
super privilégiées de salaires qui ne pouvaient faire échec au report du droit de rétention sur le prix.
La Cour avait donc reconnu le bénéfice du mécanisme du report du droit de rétention sur le prix de
vente au profit d'un créancier gagiste doté d'un droit de rétention fictif. La même solution a été
rendue, dans un arrêt plus récent, au profit du titulaire d'un warrant agricole1384.
1381
V. discussions doctrinales, pour un retrait contre paiement au profit du titulaire d'un droit de rétention fictif : R.
DAMMANN, G. PODEUR, « Le nouveau paysage du droit des sûretés : première étape de la réforme de la fiducie et
du gage sans dépossession », art. préc., p. 2305; F. PÉROCHON, « À propos de la réforme de la liquidation judiciaire
par l'ordonnance du 18 décembre 2008 », art. préc., pp. 795-796 ; F. MACORIG-VENIER, « Les apports de la réformes
du 18 décembre 2008 en matières de sûretés », art. préc., p. 32; P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des
procédures collectives, op. cit., ns° 633.31 et 563.62; Contre le bénéfice du retrait contre paiement du titulaire d'un droit
de rétention fictif : AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art.
préc., ns° 4 et 5; P. CROCQ, « L'ordonnance du 18 décembre 2008 et le droit des sûretés », JCP E, 2009, 1313, n° 42;
L. BOUGEROL-PRUD'HOMME, Exclusivité et garanties de paiement, op. cit., n° 496.
1382
V. nos développements dans le chapitre relatif au paiement des créanciers.
1383
Cass. com., 15 octobre 1991, n° 90-10.784, Bull. civ. IV, n° 288 ; JCP E, 1992, I, 138, n° 25, obs M. CABRILLAC
et Ph. PÉTEL; RTD com. 1992, p. 464, obs. A. MARTIN-SERF.
1384
Cass. com., 26 janvier 2010, n° 08-21.340, Inédit; BJE janvier 2011, n° 1, p. 32, obs. N. BORGA ; Gaz. Pal. 17
avril 2010, n° 107, p. 18, obs. Ph. ROUSSEL GALLE.
423
1090. Ainsi, au-delà-des controverses doctrinales1385 sur la question, rien ne nous empêche, à
ce jour, de considérer que le report du droit de rétention sur le prix peut également bénéficier au
gagiste sans dépossession doté d'un droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code
civil. Cette solution est d'autant plus envisageable que le droit de rétention fictif conféré par l'article
2286, 4° du Code civil est expressément neutralisé dans les procédures de sauvetage et non pas dans
la liquidation judiciaire.
Selon nous, la mesure du report du droit de rétention sur le prix devrait surtout bénéficier au
titulaire d'un droit de rétention fictif, même en l’absence d’un pouvoir de blocage. En effet, ne
pouvant efficacement se prévaloir de la technique du retrait contre paiement comme les titulaires
d'un droit de rétention effectif, il faut donc, compte tenu de son droit de rétention, lui accorder un
paiement prioritaire sur le prix de vente du bien.
Cependant, l'efficacité du droit de rétention fictif dans la liquidation judiciaire ne manque pas de
soulever des difficultés pratiques, notamment en raison des conflits susceptibles de naître entre les
différents créanciers.
1091. La première hypothèse à envisager est celle où le bien serait grevé de plusieurs gages
sans dépossession, tous assortis d'un droit de rétention fictif. Dans ce cas, le conflit devrait être
résolu en fonction de la date d'inscription par les créanciers de leur sûreté. Le premier créancier
inscrit l'emportera. Cette situation conflictuelle pose tout de même un problème. Les créanciers
gagistes sans dépossession étant payés par ordre d'inscription, le droit de rétention de certains
d’entre eux pourrait se trouver limité, notamment lorsque le prix de vente n'est pas suffisamment
élevé pour permettre le désintéressement de tous les créanciers inscrits. Dans ce cas, le droit de
rétention ne permettra pas aux créanciers d’obtenir le paiement prioritaire et exclusif de leur
créance.
1092. La seconde hypothèse est celle du conflit qui opposerait un créancier titulaire d'un droit
de rétention effectif et le créancier titulaire d'un droit de rétention fictif. En faveur de qui le conflit
sera-t-il résolu ?
Il est certain que si la mise en possession du créancier titulaire d'un droit de rétention effectif est
antérieure à l'inscription du gagiste titulaire d'un droit de rétention fictif, le conflit se résoudra au
1385
Pour l’application du mécanisme du report du droit de rétention sur le prix au titulaire d'un droit de rétention fictif
conféré par l'article 2286, 4° du Code civil ; V. F. MACORIG-VENIER, « Les apports de la réforme du 18 décembre
2008 en matières de sûretés », art. préc. p. 32 ; P. CROCQ, « Le gage, avec ou sans dépossession, après la loi du 4 août
2008 et l'ordonnance du 18 décembre 2008 », art. préc, p. 28. En revanche, sans dénier le bénéfice de ce mécanisme au
profit du créancier doté du droit de rétention de l'article 2286, 4 du Code civil, une auteur a pourtant émis quelques
réserves à ce sujet. Ces réserves se fondent sur l'absence du pouvoir de blocage de ce droit de rétention fictif, qui, selon
lui, empêche le créancier de s'opposer concrètement à la réalisation forcée du bien. (V. A. AYNÈS, « Précisions sur le
sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc, n° 8.
424
profit du rétenteur effectif. C'est la solution qui avait été retenue par la jurisprudence en matière de
gage sur véhicule automobile1386.
La difficulté existe lorsque l'inscription du gage sans dépossession est antérieure à la mise en
possession du titulaire d'un droit de rétention effectif. Le professeur MACORIG-VENIER soutient
que, conformément à l'article 2287 du Code civil, rien n'interdit de faire application des règles
édictées par l'article 2340, alinéa 2 du même code, qui résolvent le conflit en faveur du créancier
gagiste dont le gage a été inscrit avant la mise en possession du gagiste avec dépossession1387.
Mais, bien avant l'entrée en vigueur de la LME, le professeur AYNÈS1388 avait considéré que ce
texte – l’article 2340 du Code civil – ne permettrait pas de résoudre tous les conflits, en l'occurrence
celui qui se poserait entre un gagiste sans dépossession et un simple rétenteur.
1093. De notre point de vue, la résolution du conflit pourrait dépendre de la phase procédurale
dans laquelle se situe le débiteur.
Si le conflit survient au cours de la liquidation judiciaire ou dans le cadre d'une cession, le droit de
rétention fictif du gagiste sans dépossession étant opposable au cours de ces périodes, rien n’interdit
à priori, comme l'a soutenu le professeur MACORIG-VENIER, de faire application des dispositions
de l'article 2340 du Code civil pour résoudre le conflit. En revanche, si celui-ci survient en période
d'observation ou d'exécution du plan, périodes au cours desquelles le droit de rétention du gagiste
sans dépossession est inopposable, le conflit serait tranché en faveur du créancier titulaire d'un droit
de rétention réel parfaitement opposable.
1094. Tout bien considéré, si, en théorie, le droit de rétention fictif conféré par l'article 2286,
4° du Code civil est opposable et donc pleinement efficace dans l'hypothèse d'une cession et dans la
procédure de liquidation, en pratique, cette efficacité semble quelque peu utopique. D'abord, en
raison du caractère fictif du droit de rétention, le créancier qui en est titulaire ne peut efficacement
se prévaloir de la technique du retrait contre paiement dans la liquidation judicaire. Ensuite, la
difficulté provient ici, en cas de réalisation du bien gagé, de la survenance possible d'un conflit
entre plusieurs créanciers gagistes sans dépossession ou entre un gagiste sans dépossession et un
gagiste avec dépossession.
1095. En définitive, l’idée qui consiste à faire varier la protection du créancier gagiste sans
dépossession, titulaire d'un droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil, en
fonction de la procédure collective engagée est clairement affirmée par le législateur. Cependant,
compte tenu du caractère fictif du droit de rétention, la protection du créancier rétenteur risque
d'être difficile à mettre en œuvre, et cela même dans les procédures liquidatives.
1386
V. la jurisprudence en matière de gage sur véhicule automobile: Cass. com., 11 juin 1969, Bull. n° 221 ; D. 1970, p.
244.
1387
F. MACORIG-VENIER, « Les apports de la réforme du 18 décembre 2008 en matières de sûretés », art. préc., p.
33.
1388
A. AYNÈS, « L'extension du droit de rétention dans le projet de réforme des procédures collectives », art. préc.
425
Cette situation a d'ailleurs conduit une partie de la doctrine à remettre en question l'existence même
de ce droit de rétention1389.
Nous achevons ici l’analyse de la protection du rétenteur fictif dans les procédures liquidatives. Il
sied maintenant d’évoquer le cas du bénéficiaire d’une fiducie-sûreté.
Nous verrons d’abord le sort de la fiducie-sûreté dans le plan de cession (1) puis dans la liquidation
judiciaire (2).
1096. La fiducie-sûreté retrouve sa pleine efficacité dans l'hypothèse d'un plan de cession.
D'abord, en raison même de la nature translative du contrat de fiducie1390, les biens transférés dans
le patrimoine fiduciaire sont de facto sortis du patrimoine du débiteur constituant. Ce dernier n'étant
plus propriétaire de biens fiduciaires, il est tout à fait logique qu'il ne puisse les céder, même
lorsqu'il en conserve l'usage et la jouissance. Une juridiction de fond a confirmé cette solution 1391,
en considérant que les biens fiduciaires qui sont de fait soustraits au droit de gage général des
créanciers, échappent également au périmètre de la cession.
1097. Il restait cependant à régler le sort de la convention de mise à disposition. En effet,
l'article L. 642-7, alinéa 1er, du Code de commerce permet au tribunal d'ordonner la cession en
faveur du au repreneur, des contrats nécessaires au maintien de l'activité. Or la convention de mise à
disposition permet justement au débiteur de conserver l'usage ou la jouissance des biens utiles à la
poursuite de l'activité. La convention de mise à disposition était donc exposée à la cession judicaire
forcée.
Pour y remédier, le législateur a étendu le principe applicable à la fiducie à la convention de mise à
disposition1392. L'article L. 642-7, alinéa 5 du Code de commerce dispose que « La convention en
exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance des biens ou droits
transférés dans le patrimoine fiduciaire ne peut être cédée au cessionnaire, sauf accord des
bénéficiaires des contrats de fiducie ». Le législateur interdit ainsi la cession judiciaire de la
convention de mise à disposition. Le débiteur ou le liquidateur ne peut, de manière unilatérale,
décider de céder cette convention. L'accord des bénéficiaires est obligatoire.
1389
Ibid ; S. PIÉDELIÈVRE, « Le nouvel article 2286, 4° du Code civil », art. préc., p. 2950.
1390
K. LUCIANO, « Fiducie-sûreté et plan de cession », Rev. Proc. Coll., mars-avril 2011, n° 2, étude 9, p. 21.
1391
CA PARIS, pôle 5, 9e ch., 4 novembre 2010, n° 10/07100: JurisData n° 2010-025412.
1392
R. DAMMAN et G. PODEUR, « Fiducie et procédure de sauvegarde, un nouvel équilibre art. préc., p. 33.
426
En application des dispositions de l’article précité, seule une cession conventionnelle1393 est admise.
On pourrait cependant envisager l’hypothèse où le juge ordonne la cession eu égard à l’accord
donné par les bénéficiaires.
Dans tous les cas, en pratique, l'accord des bénéficiaires risque d'être difficile à obtenir, sauf en
contrepartie de garanties sérieuses, car il s'agit-là d'une réelle protection du bénéficiaire de la
fiducie-sûreté contre la cession forcée des biens fiduciaires.
1098. Cependant, la solution législative nous paraît quelque peu confuse. En effet, tant que la
fiducie n'a pas joué, le fiduciaire demeure le propriétaire des biens transférés. Il nous semble alors
étonnant que ce soit l'accord des bénéficiaires uniquement qui soit exigé. À notre avis, c'est l'accord
du fiduciaire ou celui de ce dernier avec l’accord du bénéficiaire qui aurait dû être exigé, sauf si le
fiduciaire est également le bénéficiaire ou encore lorsque la fiducie a déjà joué, c'est-à-dire lorsque
le bénéficiaire est devenu le propriétaire des biens.
1099. Par ailleurs, le législateur, dans l’hypothèse d’un plan de cession, ne donne aucune
précision sur la continuation de la convention de mise à disposition. Le texte ne dit pas que
l'interdiction de la cession emporte résiliation de plein droit de la convention. La convention n'est ni
cédée, ni résiliée1394.
Que faut-il alors décider ?
En réalité, lorsque la cession intervient au cours d’une procédure de sauvegarde ou de redressement,
cela suppose que l'organe compétent s'était déjà prononcé ou alors doit se prononcer sur le sort de la
convention, puisqu'il s'agit d'un contrat en cours. En application des dispositions de l’article L. 622-
13 du Code de commerce, il peut soit continuer la convention, soit demander au juge-commissaire
de la résilier. Ainsi, comme le précise monsieur LIÉNHARD, dès lors que la convention de mise à
disposition peut être poursuivie, « il était nécessaire que soit prévu un mécanisme évitant son
transfert au repreneur, sans l'accord du bénéficiaire de la fiducie »1395.
En revanche, si la convention est résiliée, nous sommes alors en présence d'une fiducie avec
dépossession, pleinement efficace. À défaut du paiement de la créance du bénéficiaire, le fiduciaire
devrait lui transférer les actifs fiduciaires, sauf lorsqu’il est aussi le bénéficiaire.
1100. En outre, comme pour le droit de rétention fictif, se pose la question de l'empêchement
matériel de la cession des biens fiduciaires. En effet, du fait de la convention de mise à disposition,
les biens fiduciaires restent entre les mains du débiteur constituant. Il en résulte que le fiduciaire et,
encore moins, le créancier bénéficiaire ne peuvent matériellement s'opposer à la remise des biens
fiduciaires au cessionnaire.
1393
P.- M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 633.58.
1394
Cass. com., 6 octobre 2009, n° 07-15.325, Bull. civ. IV, n° 120. La Cour de cassation a jugé que les contrats non
repris par le cessionnaire ne sont pas résiliés par l'effet du jugement arrêtant le plan de cession.
1395
A. LIÉNHARD, « Réforme du droit des entreprises en difficulté: présentation de l'ordonnance du 18 décembre 2008
», D. 2009, p. 115 et s; spéc. p. 120
427
Cette situation soulève des difficultés pratiques. Quelle sanction encourt le débiteur qui, au mépris
de la fiducie, cède les biens fiduciaires ? Faut-il mettre une obligation de non-délivrance des biens
fiduciaires à la charge du débiteur ?
Comme l'affirme le professeur AYNÈS1396 à propos de l’efficacité droit de rétention fictif dans le
cadre de la cession, cette situation revient à faire peser sur le débiteur constituant ou son
représentant l'obligation de préserver l'efficacité de la fiducie, le cas échéant, au mépris de son
propre intérêt. Le débiteur ou son représentant devient ainsi garant de l'efficacité de la fiducie-
sûreté. Il s'agit là d'une situation totalement paradoxale, l'objectif du débiteur n'étant pas d'assurer
l'efficacité des sûretés contre lui-même. À l’instar du droit de rétention fictif, l'absence de solution
législative ou jurisprudentielle laisse donc planer le doute sur la réalité de l'efficacité de la fiducie-
sûreté dans le cadre d'une cession.
1101. Enfin, l'efficacité de la fiducie-sûreté dans le plan de cession présente quelques
inconvénients. Perçue comme une mesure liquidative depuis la loi de sauvegarde du 26 juillet
20051397, la cession apparaît comme un moyen de réalisation de tout ou partie des actifs du débiteur
dans le but de favoriser la poursuite de l'activité1398.
Mais la cession revêt aussi une dimension économique fondamentale qu'exprime clairement l'article
L. 642-1 du Code de commerce aux termes duquel « La cession de l'entreprise a pour but d'assurer
le maintien d'activité susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont
attachés et d'apurer le passif ». Par ailleurs, une cession peut être ordonnée dans le cadre d'un plan
de redressement judiciaire ou de sauvegarde (cession partielle).
1102. Ce paradoxe soulève la question de la nature de la cession. S'agit-il d'une mesure de
sauvetage de l'entreprise ou d'une mesure liquidative ?
Cette question n'a pas manqué de susciter l'intérêt de la doctrine1399. Pour un auteur1400, « Davantage
qu'un ensemble d'actifs à liquider, la cession d'entreprise a donc pour objet principal le support
d'une activité à exploiter. Il s'agit d'une opération globale qui vise prioritairement le redressement
de l'entité économique et non l'addition des ventes relatives aux biens cédés ». Un autre auteur1401
considère qu’en dépit de la loi du 26 juillet 2005, la cession ne peut être liquidative, car elle assure
1396
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., n° 7 et n°
8.
1397
La question s'était posée lors des travaux parlementaires préparatoires; J.-J HYEST, Projet de loi de sauvegarde des
entreprises, Rapp. n° 335, Commission des lois du Sénat, 11 mai 2005, p. 346; X. de ROUX, Projet de loi de
sauvegarde des entreprises, Rapp. n° 2095, Commissions des lois de l'AN, 11 février 2005, p. 376; V. aussi : P.
FROEHLICH, « L'ambivalence du plan de cession totale dans la loi de sauvegarde des entreprises », D. 2005, p. 2878.
1398
M.-L. COQUELET, « Le plan de cession a-t-il changé ? », Rev. Proc. Coll., juin 2006, n° 2, p. 188; L.-C. HENRY,
« Le plan de cession et la loi de sauvegarde des entreprises », Gaz. Pal., 8 septembre 2005, n° 251, p. 39.
1399
B. SOINNE, « Problématique de la nouvelle cession d'entreprises », Rev. Proc. Coll., décembre 2006, n° 4, p. 313;
A. COURET, « Le plan de cession, mesure de redressement ou de liquidation ? » RLDA, mars 2005, suppl. n° 80, p. 42.
1400
K. LUCIANO, « Fiducie-sûreté et plan de cession », art. préc., p. 25.
1401
G. COUTURIER, « Le plan de cession, instrument de restructuration des entreprises défaillantes », BJS, février
2008, n°2, p. 142.
428
le maintien d’activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont
attachés. La cession est donc inspirée des considérations étrangères à la logique de la liquidation, de
sorte qu’elle rappelle plutôt la sauvegarde ou le redressement judiciaire1402.
Sans dénier la nature liquidative de la cession qui consiste à vendre tout ou partie des actifs
nécessaires à l’exercice d’une activité, nous pensons, comme la doctrine, que la cession est surtout
une mesure de restructuration, voire de continuation1403 de l'entreprise entre les mains d’un autre
exploitant.
1103. Cependant, l'efficacité consacrée de la fiducie-sûreté face au plan de cession semble
s'opposer à ces caractéristiques et finalités1404. En effet, si cette efficacité est avérée en pratique, elle
risque de ruiner les possibilités des plans de cession. Cette situation pourrait avoir des conséquences
graves sur le plan économique. Aussi, la fiducie-sûreté, du moins l'efficacité que lui consacre
l'ordonnance de 2008 face au plan de cession, risque de faire obstacle à la poursuite de l'activité du
débiteur par un autre exploitant et, par voie de conséquence, au maintien des emplois qui y sont
attachés. Or, à l'heure où la compétitivité juridique se mue en boussole du droit1405, y compris en
matière de sûretés1406, une telle atteinte aux impératifs de la concurrence normative et à l'efficacité
économique propre à la législation relative aux entreprises en difficulté ne manque pas
d'interpeller1407.
L’efficacité de la fiducie-sûreté dans le plan de cession risque donc de remettre en cause l'équilibre
trouvé par le législateur de 2008, qui semblait avoir abouti à une parfaite situation de « gagnant-
gagnant » 1408 . Comme l'affirme un auteur 1409 , l'efficacité de la fiducie-sûreté face au plan de
cession viendrait ainsi dissiper le mirage trompeur de la conciliation parfaite de l'inconciliable1410.
1104. Quoi qu'il en soit, en l'état du droit positif, le constat est sans appel : la fiducie-sûreté
est – du moins en théorie – pleinement efficace dans l'hypothèse d'un plan de cession, peu important
qu’elle intervienne au cours d'une procédure de sauvetage ou en liquidation judiciaire. En effet, le
repreneur ne peut se substituer au débiteur dans la convention de mise à disposition sans avoir à
1402
Ph. PÉTEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté - La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde
des entreprises - L'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en
difficulté », JCL. Procédures Collectives, janvier 2010, fasc. 2151, n° 58
1403
Ph. ROUSSEL GALLE, « Réforme du droit des entreprises en difficulté, de la théorie à la pratique », Litec, 2 e éd.
2007, n° 730.
1404
K. LUCIANO, « Fiducie-sûreté et plan de cession », art. préc., p. 25.
1405
K. LUCIANO, Le droit à l'épreuve des mécanismes offshore, Th. Paris I, 2010, p. 276.
1406
Ph SIMLER, « La réforme du droit des sûretés. Un livre IV nouveau du Code civil », JCP G, 2006, I, 124; S.
PIÉDELIÈVRE, « Premier aperçu sur la réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 23 mars 2006 », Defrénois,
2006, p. 791.
1407
K. LUCIANO, « Fiducie-sûreté et plan de cession », art. préc., p. 22
1408
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Fiducie et procédure de sauvegarde, un nouvel équilibre », art. préc., p. 33.
1409
K. LUCIANO, « Fiducie-sûreté et plan de cession », art. préc., p.25.
1410
F.-X. LUCAS, M. SÉNÉCHAL, « Fiducie vs sauvegarde. Fiducie ou sauvegarde, il faut choisir », art. préc., p. 29.
429
assumer le remboursement de la créance garantie qui semble être le corollaire indissociable1411.
Avec l'ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur assure ainsi l'invulnérabilité de la fiducie-
sûreté en cas de plan de cession.
La pleine efficacité de la fiducie-sûreté s'observe également dans le cadre de la liquidation judiciaire.
1411
R. DAMMANN, G. PODEUR, « Le nouveau du droit des sûretés: première étape de la réforme de la fiducie et du
gage sans dépossession », art. préc., p. 2305.
1412
Art. L. 641-11-1-VI du Code de commerce
1413
M. COMBE, « L'efficacité de la fiducie-sûreté», art. préc., p. 12.
430
réalisation des actifs du débiteur. Or, s'agissant des biens objets de la fiducie, ils ne peuvent, par
principe, être réalisés puisqu'ils sont sortis du patrimoine du débiteur1414.
Il reste néanmoins à décider du sort de cette convention dans la liquidation judiciaire. Celle-ci
n'étant pas soumise au régime des contrats en cours, le liquidateur n'a pas à se prononcer sur son
sort. La convention de mise à disposition se trouve alors dans une situation ambiguë. Selon un
auteur1415, la convention de mise à disposition est, en liquidation judiciaire, un contrat « Ni - Ni ».
Elle n'est ni continuée, ni résiliée.
1108. Que faut-il alors décider par rapport à son exécution ? Est-elle ou non suspendue ?
A priori, rien n’empêche la poursuite de son exécution jusqu’à la clôture de la liquidation. On peut
également envisager l’hypothèse d’une exécution suspendue jusqu’à sa résiliation.
Par ailleurs, se pose également la question de la résiliation automatique de la convention de mise à
disposition. Autrement dit, l'ouverture ou le prononcé d'une liquidation judiciaire entraine-t-il la
résiliation de plein droit de la convention de mise à disposition ?
Une réponse affirmative peut sembler possible. L'article L. 641-11-1-I du Code de commerce
indique que « Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune
indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de
l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire ». La convention de mise à disposition
n'étant pas un contrat en cours en liquidation judiciaire, un raisonnement a contrario permettrait de
considérer que cette convention pourrait être résiliée du seul fait de l'ouverture d'une procédure de
liquidation judiciaire. Le contrat de fiducie pourrait prévoir qu'en cas d'ouverture d'une liquidation
judiciaire, la convention de mise à disposition serait résiliée de plein droit1416. Dans cette hypothèse,
le constituant devrait logiquement remettre les biens au fiduciaire, à charge pour ce dernier de les
transférer au bénéficiaire de la fiducie, qui en deviendrait le propriétaire, puisque le jugement
d’ouverture emporte exigibilité des créances, sauf en cas de cession.
Quoi qu’il en soit, une résiliation de plein droit, bien que possible, susciterait des difficultés
pratiques. Reste donc au législateur ou à la jurisprudence de préciser le sort de la convention de
mise à disposition dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire.
1109. En somme, la convention de mise à disposition n'étant pas soumise au régime des
contrats en cours, le bénéficiaire de la fiducie-sûreté échappe à la possibilité d'une continuation
forcée de la convention. L'utilité des biens ne suffit plus à empêcher ni la réalisation de la fiducie, ni
la résiliation de la convention.
1414
G. BERTHELOT, « Le traitement de la fiducie-sûreté dans la nouvelle ordonnance sur les procédures collectives »,
art. préc., p. 94.
1415
M. COMBE, « L'efficacité de la fiducie-sûreté », art. préc., p. 12.
1416
Ibid.
431
1110. Par ailleurs, à l'instar de ce qu’il en est dans les procédures de sauvetage, le fiduciaire
qui souhaite rendre son droit de propriété opposable, doit revendiquer les biens meubles laissés en
possession du débiteur en vertu de la convention de mise à disposition. La différence est qu'en
liquidation judiciaire, la restitution des biens revendiqués peut intervenir immédiatement dans la
mesure où la convention de mise à disposition n’est pas soumise au régime des contrats en cours,
elle échappe donc à la continuation forcée.
1111. Il existe cependant une petite limite à la protection des créanciers bénéficiaires d’une
fiducie-sûreté dans la liquidation judiciaire. Contrairement à ce qui est prévu pour les procédures de
sauvetage, le juge-commissaire ne peut, en liquidation judiciaire, autoriser le liquidateur à payer une
créance antérieure pour obtenir le retour des biens transférés à titre de garantie. En effet, l'article
L. 641-3, alinéa 1er, qui reprend les exceptions à l'interdiction de paiement des créances antérieures
prévues par l'article L. 622-7, n'en fait pas mention.
Nonobstant cette privation, l'efficacité de la fiducie-sûreté dans les procédures liquidatives est
incontestable. Elle assure en conséquence une réelle protection au créancier bénéficiaire.
1112. Mais en réalité, à ce jour, le débat sur l’efficacité de la fiducie, et par voie de
conséquence, sur la protection du bénéficiaire, dans les procédures collectives, reste bien théorique.
En effet, en dépit de la pleine efficacité que lui confère l'ordonnance du 18 décembre 2008, la
fiducie-sûreté ne semble pas susciter un véritable engouement chez les praticiens, à en juger par le
manque de jurisprudence en la matière.
1113. En définitive, dans le combat qui oppose le droit des sûretés à celui des procédures
collectives, on peut considérer, au regard de la logique instituée par l'ordonnance du 18 décembre
2008, que lorsque le sauvetage de l'entreprise est encore possible, la victoire penche du côté du droit
des procédures collectives, puisque les effets des sûretés se trouvent neutralisés. En revanche,
lorsqu'il n'y a plus de possibilités de sauvetage, la victoire est du côté des sûretés qui retrouvent
alors leur pleine efficacité. Dans tous les cas, cette ordonnance démontre que la protection dont
bénéficient les créanciers munis de sûretés réelles exclusives dépend, avant tout, des objectifs du
droit des procédures collectives, en l'occurrence le sauvetage des entreprises en difficulté.
1114. Toutefois, en jetant son dévolu uniquement sur la fiducie-sûreté et le droit de rétention
fictif, le législateur de 2008 n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique. En effet, l'efficacité de
certaines sûretés réelles exclusives, à savoir le droit de rétention effectif et la réserve de propriété,
n'a pas été affectée par l'ordonnance. Il en découle une véritable protection pour les créanciers
munis de ces sûretés.
Cette situation amène finalement à s’interroger sur l’influence des objectifs du droit des procédures
collectives par rapport à la protection des créanciers rétenteur et réservataire. Nous verrons que, la
432
protection des créanciers réservataires et surtout rétenteurs, bien qu’effective dans les différentes
procédures collectives, elle est en réalité influencée par les objectifs qui leur sont assignés.
1115. À la différence du droit de rétention fictif et de la fiducie-sûreté dont les effets sont
neutralisés au cours des procédures de sauvetage et maintenus durant les procédures liquidatives, les
effets de la clause de réserve de propriété et du droit de rétention effectif ne sont à aucun moment
neutralisés. En conséquence, la protection des créanciers rétenteurs et réservataires est admise à tout
moment de la procédure, même dans les procédures de sauvetage.
Sans revenir sur le régime de protection dont bénéficient ces créanciers, il s'agit de voir si cette
protection est néanmoins encadrée, voire influencée par les objectifs du droit des procédures
collectives.
1116. Il nous faut donc analyser la protection accordée aux créanciers rétenteurs et
réservataires eu égard aux objectifs du droit des procédures collectives.
S’il est possible de considérer que les objectifs du droit de procédures collectives influencent
quelque peu la protection du créancier rétenteur (paragraphe 1), on ne saurait en dire autant pour le
créancier réservataire tant l’impact desdits objectifs est plus faible (paragraphe 2).
1417
Tous les créanciers bénéficiant d’un droit de rétention fictif autre que celui conféré par l’article 2286, 4 ° du Code
civil bénéficient du même régime de protection que les titulaires d’un droit de rétention effectif car leur droit de
rétention n’est pas frappé d’inopposabilité pendant certaines phases de la procédure. En principe, l’efficacité des droits
de rétention fictifs non concernés par l’inopposabilité est donc la même que celle du droit de rétention effectif ou réel
433
À ce stade, l'efficacité du droit de rétention effectif dans les procédures collectives n'est plus à
démontrer. Dans toutes les procédures collectives, le droit de rétention se révèle d'une efficacité
incontestable1418. Il en découle un traitement de faveur fort appréciable pour le créancier rétenteur.
De manière générale, l'efficacité du droit de rétention effectif repose sur son pouvoir de blocage.
Seul le paiement permet efficacement de faire obstacle à ce droit. Dans le contexte des procédures
collectives, l'efficacité du droit de rétention se manifeste dans plusieurs situations1419.
1118. Se pose alors la question de la justification de cette efficacité au regard des objectifs du
droit des procédures collectives. L'efficacité reconnue au droit de rétention effectif fait-elle obstacle
à la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives ? Ou est-elle en revanche soumise
aux objectifs de ce droit spécial ?
Nous verrons que, si l’efficacité du droit du droit rétention et, par voie de conséquence, la
protection qu’elle procure au créancier rétenteur peuvent effectivement compromettre la réalisation
des objectifs du droit des procédures collectives, le législateur a su trouver le moyen de contourner
la difficulté de sorte que, finalement, on peut considérer que la manifestation de la protection du
créancier rétenteur est subordonnée à la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives.
Cette protection se justifie cependant différemment selon que le débiteur fait l'objet d'une procédure
de sauvetage (A) ou d'une liquidation judiciaire (B).
1418
L’efficacité du droit de rétention dans les procédures collectives a été consacrée par la Cour de cassation. Dans un
arrêt du 25 novembre 1997, elle énonce que « Le droit de rétention confère à son titulaire le droit de refuser la
restitution de la chose légitimement reconnue jusqu’au complet paiement de la créance, même en cas de redressement
ou de liquidation judicaire du débiteur » (Cass. com, 25 novembre 1997, n° 95-16.091 ; Bull. civ. IV, n° 301 ; D. 1998,
AJ, p. 232, note J. FRANÇOIS) ; P.-M. LE CORRE, « L'invincibilité du droit de rétention dans les procédures
collectives de paiement », art. préc.
1419
Cf. première partie de cette étude.
1420
S. PIÉDELIÈVRE, « Le nouvel article 2286, 4° du code civil », art. préc., p. 2951.
434
la consignation du prix édictée par les articles L. 622-8 et L. 626-22 du Code de commerce pourrait,
a priori, laisser croire que les biens légitimement retenus ne peuvent en aucun cas être vendus au
cours des procédures de sauvetage, et cela, peu important l'intérêt qu'une telle vente pourrait
présenter pour la poursuite de l'activité. De même, dans le cadre d'un plan de cession, l'impossibilité
de céder les biens retenus ferait obstacle à une possibilité de reprise et même de continuation de
l'activité. En effet, conformément à l'article L. 642-1 du Code de commerce « La cession de
l'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activité susceptibles d'exploitation autonome, de tout
ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif ». Or le fait pour le rétenteur
d'opposer systématiquement son droit de rétention au cessionnaire risque de priver le cessionnaire
de biens qui pourraient être nécessaires au maintien de l’activité.
Dans les deux cas, on aboutirait à une situation de paralysie puisque, en raison de l'existence du
droit de rétention, le bien retenu ne pourrait être ni vendu, ni cédé. Le sauvetage de l’entreprise et la
poursuite de l’activité seraient ainsi compromis par l'efficacité du droit de rétention.
1121. Fort heureusement, il existe un mécanisme qui permet de sortir de cette situation de
paralysie : c’est le retrait contre paiement. Cette technique qui fonde pourtant l'efficacité du droit de
rétention, oblige le créancier à libérer le bien retenu dès lors qu'il reçoit le paiement intégral de sa
créance. Ainsi, le retrait contre paiement permet, lorsque le débiteur dispose des fonds suffisants, de
sortir de la paralysie résultant de l'efficacité du droit de rétention.
Quelle pourrait donc être la justification de ce mécanisme au regard des objectifs du droit des
procédures collectives ? (1).
1122. L'article L. 622-7, II, alinéa 2, du Code de commerce précise que le juge-commissaire
peut autoriser le paiement de créances antérieures pour retirer le gage ou la chose légitimement
retenue, lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de l'activité1421. Le débiteur peut donc, sur
autorisation du juge-commissaire, retirer le bien en contrepartie du paiement intégral du créancier
rétenteur. L'objectif ici est d'éviter que la détention matérielle d'un bien par un créancier ne
compromette la continuation de l'activité.
1123. Cependant, la nécessité du bien à la poursuite de l'activité ne se manifeste que par son
utilité dans la procédure collective. L'utilité du bien résulte de son utilisation matérielle, d'une part,
ou de sa vente, d'autre part1422.
S'agissant de l'utilisation matérielle, le bien dont il s'agit d'obtenir le retour entre les mains du
débiteur doit se révéler utile à l'exploitation de l'activité. Il peut ainsi s'agir des matières premières
1421
J. DEVÈZE, « Les créanciers titulaires d'un gage, d'un nantissement ou d'un droit de rétention », art. préc., p. 125;
CA Nancy, 22 mai 1986, Rev. Proc. Coll. 1986, p. 59.
1422
Ph. PÉTEL, « Procédure collective et continuation de l'activité : comment le gage résiste- t-il ?, in Le gage
commercial », RJ com., 1994, n° 11, numéro sp, n° 8, p. 143.
435
utiles pour la production de l'entreprise. S’agissant de la vente du bien, l'utilité découle de l'apport
en trésorerie provenant de la vente dudit bien. Les fonds acquis pourraient par exemple servir pour
l’achat de matériels nécessaires à la poursuite de l’activité.
Dans tous les cas, le bien ne sera utile que si son prix de vente est supérieur au montant de la
créance du rétenteur.
Cette solution a par ailleurs été consacrée par la jurisprudence. La Cour de cassation a en effet jugé
que le retrait est le préalable nécessaire à la vente du bien gagé retenu par le créancier gagiste1423.
1124. Ainsi, le retrait contre paiement est subordonné à l'utilité du bien pour la poursuite de
l'activité. Cette condition d'utilité du bien tend, dans le contexte d’une procédure collective, à
restreindre l'efficacité du droit de rétention. En effet, dès lors que le bien retenu n'est pas vraiment
utile à la poursuite de l'activité, le créancier, fût-il titulaire d'un droit de rétention effectif, ne peut
véritablement se prévaloir du retrait contre paiement. Or, en l'absence de retrait contre paiement,
l'efficacité du droit de rétention réel s'apprécie difficilement, puisque le créancier est dans une
situation d'inertie. Il doit se contenter de retenir le bien.
1125. Mais cette situation d'inertie ne traduit pas une inefficacité du droit de rétention effectif.
Contrairement au droit de rétention fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil, l'efficacité du
droit de rétention effectif n'est pas neutralisée dans les procédures de sauvetage. Simplement, le
bien retenu ne présentant aucune utilité pour la poursuite de l'activité, le créancier ne peut obtenir
un paiement exceptionnel au cours de la procédure par dérogation à la règle de l'interdiction des
paiements. Il est donc contraint de demeurer dans une situation passive jusqu'à ce qu'il obtienne le
paiement de sa créance. À défaut, si le créancier se dessaisit volontairement du bien, il perd son
droit de rétention.
1126. Tout compte fait, s'il est vrai que le droit de rétention effectif est pleinement efficace
dans les procédures de sauvetage, cette efficacité ne se manifeste véritablement que lorsque le
retrait contre paiement est mis en œuvre. Or, le retrait contre paiement n'est possible qu'en présence
d'un bien utile à la poursuite de l'activité. En outre, même si en raison du retrait contre paiement le
créancier rétenteur échappe à certaines règles de la discipline collective, notamment à l'interdiction
des paiements des créances, il ne fait en réalité que subir le paiement puisque celui-ci ne résulte pas
de sa propre initiative.
En conséquence, si l'efficacité du droit de rétention effectif peut de prime abord sembler s'opposer à
l'objectif du sauvetage, le retrait contre paiement n’est en réalité qu’un instrument au service de la
poursuite de l'activité. En effet, la manifestation de la protection du créancier rétenteur dépend
1423
Cass. com., 11 mai 1999, n° 96-11.280; Bull. civ. IV, n° 98 ; D. Aff. 1999, p. 943, obs. A. LIENHARD; JCP E,
1999, 1532, n° 39, obs. M. CABRILLAC.
436
largement de la réalisation de l’objectif de sauvetage. La protection du créancier rétenteur est donc
finalement influencée par les objectifs du droit des procédures collectives.
Le même constat est-il possible dans la liquidation judiciaire ?
1424
C. POURQUIER, « La rétention du gagiste ou la supériorité du fait sur le droit », RTD com. 2000, pp. 569 et s. sp.,
p. 571.
1425
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 563.62.
437
situation de paralysie pouvant résulter de la rétention d'un bien, sachant que le but de la liquidation
est de réaliser au mieux les actifs du débiteur afin d'apurer le passif.
Mais, même lorsque retrait contre paiement n'est pas subordonné à la poursuite de l'activité, il doit
être opportun1426. Le retrait doit être intéressant pour la collectivité des créanciers1427. C'est le cas
lorsque le bien retenu est d'une grande valeur marchande et que sa vente est susceptible de procurer
une trésorerie nécessaire à l'entreprise. Dans ce cas, le prix de la réalisation du bien doit être
supérieur à la valeur de la créance du rétenteur.
1130. Dans tous les cas, le bien dont il s'agit d'obtenir le retour doit se révéler utile, soit à la
poursuite de l’activité dans le cadre d’une cession, soit à la liquidation judiciaire, notamment
lorsqu’aucune cession n’est envisagée.
Comme l'a souligné un auteur1428, le retrait contre paiement doit permettre au liquidateur de réaliser
le bien dans les meilleures conditions.
Ainsi, le retrait contre paiement est, dans la liquidation judiciaire, également justifié par l'utilité du
bien. Le retrait contre paiement qui s'effectue en principe dans l'intérêt de la procédure profite aussi
au créancier rétenteur, lui assurant en conséquence une réelle protection dans la liquidation
judiciaire.
Il devient alors possible de considérer que dans le contexte d’une procédure collective, la technique
du retrait contre paiement sur laquelle repose l'efficacité du droit de rétention est d'abord au service
de l'entreprise en difficulté, avant d'être au service de la protection du créancier rétenteur.
1131. Quoi qu'il en soit, le juge-commissaire doit, pour autoriser le retrait, s'assurer que le
liquidateur dispose des fonds suffisants. Dans le cas contraire, la réalisation du bien retenu est
toujours envisageable. Dans cette situation, l'efficacité du droit de rétention effectif est alors
garantie par le report du droit de rétention sur le prix de vente.
1132. Aux termes des dispositions de l'article L. 642-20- I, alinéa 1er, du Code de commerce,
le liquidateur doit, dans les six mois du jugement ouvrant la liquidation judiciaire, demander au
juge-commissaire l'autorisation de procéder à la réalisation du bien gagé ou d'une chose
légitimement retenue. Le liquidateur est tenu de notifier cette autorisation au créancier quinze jours
avant la réalisation. Le créancier est tenu, sauf en cas de recours, de se dessaisir du bien entre les
mains du liquidateur pour qu'il soit procédé à la vente. Cette réalisation est suivie du report du droit
de rétention sur le prix1429.
1426
F. PÉROCHON, Entreprises en difficulté, op. cit., n°1206.
1427
P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, op. cit., n° 563.62.
1428
A. AYNÈS, « Précisions sur le sort du gage sans dépossession en cas de procédure collective », art. préc., n° 8.
1429
Art. L. 642-20-1, al. 3 du Code de commerce
438
1133. D'une manière générale, il est admis que le report du droit de rétention sur le prix
interviendra lorsque le juge-commissaire n'a pas autorisé le retrait contre paiement, soit parce qu'il
ne l'a pas jugé utile, soit encore parce que le liquidateur ne disposait pas de fonds suffisants pour
payer le créancier rétenteur. La technique du retrait contre paiement et celle du report du droit de
rétention sur le prix sont donc des mesures alternatives et non-cumulables.
1134. Toutefois, même si le mécanisme du report du droit de rétention sur le prix consacre
l'efficacité du droit de rétention dans la liquidation judiciaire1430, il apparaît que ce mécanisme est
d'abord au service de la liquidation, puisqu'il permet avant tout de pallier l’inertie du créancier
rétenteur. En effet, le report du droit de rétention sur le prix suppose la vente préalable du bien.
Ce mécanisme permet donc de sortir de l'impasse créée par la rétention d'un bien par le créancier.
Le report du droit de rétention sur le prix favorise ainsi le déroulement de la procédure de
liquidation.
De ce fait, à l’instar du retrait contre paiement, le report du droit de rétention sur le prix de vente
doit être justifié par l’utilité du bien à la procédure. Or, la liquidation judiciaire vise, dans le but
d’apurer le passif, à réaliser les biens du débiteur. En conséquence, l’utilité du bien vendu ne peut
que résulter des fonds provenant de sa vente.
1135. Somme toute, s’il est vrai que le report du droit de rétention sur le prix est un
mécanisme du droit commun, dans le contexte d’une procédure collective, en l’occurrence la
liquidation judiciaire, ce mécanisme vise à faciliter le déroulement de la liquidation.
La manifestation de la protection du créancier rétenteur est donc soumise à la réalisation des
objectifs du droit des procédures collectives.
1136. En définitive, il convient de noter que les mécanismes qui garantissent l'efficacité du
droit de rétention effectif dans les procédures collectives et, par voie de conséquence, la protection
du créancier qui en découle, varient selon que le débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvetage
ou d'une liquidation judiciaire.
Dans les procédures de sauvetage, l'efficacité du droit de rétention repose sur le retrait contre
paiement et celui-ci n'est justifié que par la poursuite de l'activité. En revanche, dans la liquidation
judiciaire, l'efficacité du droit de rétention est garantie soit par le retrait contre paiement, soit par le
report du droit de rétention sur le prix de vente. Ces mécanismes sont justifiés soit par la poursuite
de l’activité, soit par les besoins de la liquidation. Dans tous les cas, ils favorisent la réalisation des
objectifs du droit des procédures collectives.
Ainsi, qu’il s’agisse des procédures de sauvetage ou de la liquidation judiciaire, il en résulte, pour le
créancier rétenteur, une protection dépendante des objectifs du droit des procédures collectives.
1430
Cass. com., 15 octobre 1991, n° 90-10.784, Bull civ. IV, n° 288; JCP E, 1992, I, 138, n° 25, obs. M. CABRILLAC
et Ph. PÉTEL.
439
Contrairement à l'idée qui se dessine à première vue, la protection du créancier rétenteur ne fait pas
nécessairement obstacle à la réalisation des objectifs de la procédure collective.
C'est parce qu'il faut sauver l'entreprise ou encore favoriser l'apurement du passif, que la protection
du créancier rétenteur se manifeste véritablement.
1137. Il convient toutefois d’apporter une nuance.
Dans certaines situations, la protection du créancier rétenteur peut compromettre la réalisation des
objectifs des procédures collectives. C’est notamment le cas lorsqu’au cours des procédures de
sauvetage, le débiteur ne dispose pas de fonds suffisants pour payer le rétenteur. Dans cette
hypothèse, l’efficacité du droit de rétention peut effectivement remettre en cause le sauvetage de
l’entreprise, en l’occurrence lorsque le bien est utile à la poursuite de l’activité. Mais même dans
cette hypothèse, le créancier rétenteur, certes en possession d’une sûreté efficace, est contraint de
demeurer dans une situation d’attente.
Au vu de ce qui précède, il devient possible d’affirmer que la protection du créancier rétenteur, ou
du moins son effectivité, est quelque peu influencée par les objectifs du droit des procédures
collectives.
La même analyse est-elle possible pour le créancier réservataire ?
1431
Lorsque le bien n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, les actions en revendication et restitution
portent sur la créance du prix subrogée au bien.
440
propriété à la procédure collective. La revendication est ensuite suivie de la restitution effective du
bien ou de la créance du prix qui lui est subrogée1432.
Dès lors que l'opposabilité de la réserve de propriété est assurée soit par la publicité du contrat, soit
par une revendication effectuée dans les conditions prévues par la loi, le créancier peut demander la
restitution du bien1433 à tout moment, nonobstant l'objectif du sauvetage de l'entreprise. Dans cette
situation, l'efficacité de la réserve de propriété est susceptible de compromettre le sauvetage de
l'entreprise, notamment lorsque la restitution prive le débiteur d'un bien utile à la poursuite de
l'activité.
1141. Cependant, pour faire échec à la revendication, le juge-commissaire peut autoriser le
paiement immédiat du créancier. L'article L. 624-16, alinéa 4 du Code de commerce précise qu' « Il
n’y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement
». La protection du créancier réservataire est donc bien réelle dans les procédures collectives. Elle
se manifeste cependant dans deux situations distinctes : d'une part, une protection conditionnée par
la réussite des actions en revendication et restitution, mais susceptible de faire obstacle au sauvetage
de l'entreprise (A) et, d'autre part, une protection justifiée par les besoins de l’entreprise en difficulté
et, dans ce cas précis, encadrée par les objectifs du droit des procédures collectives (B).
1432
Dans l'hypothèse des contrats publiés, le propriétaire est dispensé d'avoir à revendiquer, il peut directement agir en
restitution.
1433
Dans les précédents chapitres, nous avons vu que le contrat de vente avec clause de réserve de propriété n'était pas
un contrat en cours, par conséquent la restitution du bien interviendra immédiatement après l'action en restitution et non
au terme ou à la résiliation de la vente.
1434
M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, op. cit., n° 113.
441
Notons que les conditions de la demande en restitution sont moins lourdes que celles qui l'action en
1435
revendication . Par ailleurs, dans l'hypothèse d'un contrat non-publié, la demande en
revendication emporte demande en restitution ; en conséquence, seule la demande en revendication
sera ici analysée.
1144. Sans revenir sur le régime de l'action en revendication1436, la question qui se pose ici est
celle de son rôle dans le droit des procédures collectives, et précisément, face aux objectifs de ce
droit spécial. Quel rôle joue donc la revendication par rapport aux objectifs de la procédure
collective ? Est- elle ou non au service de l’entreprise en difficulté ?
Il nous faut, dans un premier temps, déterminer le rôle de la revendication face aux objectifs du
droit des procédures collectives (1) puis, dans un second temps, montrer qu’elle demeure une
mesure essentielle pour la protection du créancier réservataire, et cela, quel que soit son rôle (2).
1145. Il s'agit de déterminer à qui profite la revendication. Doit-on y voir une mesure au
service de la procédure collective ou, en revanche, une arme au service du créancier ? Cette
question divise la doctrine.
Pour certains, la revendication est un piège dressé contre les revendiquants dans le but de garantir
les intérêts de la procédure collective, et notamment le sauvetage de l'entreprise (a). Pour d'autres, la
revendication apparaît comme le compromis entre la préservation des intérêts divergents (b).
1146. Une partie de la doctrine voit en la revendication un moyen de réduire les reprises en
piégeant les revendiquants1437. Les conditions strictes qui entourent la revendication seraient alors
des pièges tendus au créancier.
Comment donc les conditions de la revendication peuvent constituer un obstacle à la protection du
créancier ?
1147. Le délai de revendication apparaît comme l'un des obstacles majeurs à la protection du
créancier. Institué par la loi du 13 juillet 19671438, le délai de revendication est aujourd'hui de trois
mois. L'article L. 624-9 du Code de commerce précise que la revendication des meubles ne peut
être exercée que dans le délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au
1435
La demande en restitution n'est pas enfermée dans un délai d'exercice.
1436
V. chapitre 1 du titre 2 de la première partie.
1437
M.-H. MONSIÉRIÉ, « Le crédit bailleur » in la situation des créanciers dans une entreprise en difficulté, Actes du
colloque organisé par le Centre de droit des affaires de l'Université de sciences sociales de Toulouse I, Paris,
Montchrestien, 1998, p. 65.
1438
Pour une étude complète sur le délai l'action en revendication ; V. M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du
droit des procédures collectives au droit des biens, op. cit., ns° 29 et s.
442
BODACC. Il s'agit d'un délai préfix 1439 pour lequel il n'est pas possible d'obtenir de relevé de
forclusion.
S'agissant de la durée du délai, les trois mois1440 laissés au créancier pour revendiquer paraissent
relativement brefs, notamment pour les créanciers non-professionnels. En effet, si pour les
créanciers professionnels le délai de trois mois peut paraître raisonnable, dans la mesure où ils sont
amenés à consulter régulièrement le BODACC, il n'en va pas de même pour les créanciers non-
professionnels qui n’ont aucune obligation de consulter le BODACC. Pour eux, le risque d'un
défaut de revendication est grand puisqu'ils ne disposent d'aucun autre moyen d'information
concernant l'ouverture de la procédure collective de leur débiteur.
Le risque est bien présent d’autant plus que le délai de revendication est un délai préfix. La nature
préfixe du délai de revendication empêche les créanciers d'obtenir un relevé de forclusion leur
permettant de revendiquer à une autre date.
1148. La brièveté et la nature préfixe du délai de revendication augmentent donc
considérablement le risque d'une revendication tardive, voire d'une absence de revendication. Or, le
créancier forclos ne pouvant être relevé de sa forclusion, son droit de propriété devient alors
inopposable à la procédure collective pour la durée de celle-ci.
1149. La sanction de l'inopposabilité du droit de propriété ou de l'inopposabilité de la
propriété d'un bien non revendiqué a été posée par la jurisprudence. En effet, lors de l'instauration
du délai de revendication par la loi de 1967, le législateur n'avait pas précisé les effets du défaut de
revendication1441. La jurisprudence qui avait choisi de qualifier le délai de revendication en un délai
préfix a tiré les conséquences d'une telle qualification. La sanction d'un délai préfix est la
forclusion. La Cour de cassation a donc déduit de la forclusion du propriétaire non-revendiquant
l'inopposabilité du droit de propriété1442. Dans un arrêt du 4 janvier 2000, la Cour a précisé que « si
l'absence de revendication rend le droit de propriété inopposable à la procédure collective, elle
n'entraîne cependant pas extinction de ce droit de propriété ni le transfert de la propriété au
débiteur, la forclusion ne constituant pas un mode d'acquisition de ce droit »1443.
1150. Quoi qu'il en soit, une partie de la doctrine considère que l'enfermement de l'exercice de
l'action en revendication dans un délai profite à la procédure.
Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde, un auteur avait considéré qu'en
diminuant le délai de revendication dans la loi de 1985, le législateur espérait que davantage de
biens demeurent au service du redressement. Ainsi, a-t-on pu voir dans la brièveté du délai le fruit
1439
Cass. com., 28 juin 1988, n° 87-10.967, Bull. civ., IV, n° 220 ; Rev. Proc. Coll., 1989, p. 52, obs. B. SOINNE.
1440
Lors de l'instauration du délai de revendication par la loi du 13 juillet 1967, la durée du délai était d'un an.
1441
M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, op cit, n° 75.
1442
Ibid., ns° 54 et s.
1443
Cass com., 4 janvier 2000, n° 96-19.511, Inédit, D. 2000, p. 533, note E. LE CORRE-BROLY; Act. Proc. Coll.
2000/4, n° 40, obs. C. REGNAUT-MOUTIER.
443
de « la volonté du législateur de préserver l'actif de l'entreprise, le danger de voir disparaître le
matériel et les marchandises s'étant accru avec le développement des clauses de réserve de propriété
et leur opposabilité à la procédure »1444. Le temps servirait donc d'arme au législateur jouant « le
rôle d'un passage de plus en plus étroit, au point qu'il pourrait devenir impraticable et que l'exercice
d'un droit serait finalement paralysé par son échéance, le fondement demeurant intact »1445. Le délai
serait ainsi déformé pour devenir une justification à l’exclusion de droits.
1151. Tout compte fait, le délai de revendication peut véritablement s'analyser comme un
obstacle à la protection du créancier. Cependant, cet obstacle n'est pas insurmontable puisqu'il
tombe lorsque le contrat objet de la clause de réserve de propriété a été publié. Dans ce cas, le
créancier est dispensé d'avoir à revendiquer. Il doit simplement exercer une action en restitution qui
n'est pas enfermée dans des délais de forclusion.
En tout état de cause, d'autres obstacles à la revendication pourraient être cités.
1152. C'est par exemple le cas de la condition relative à l'existence du bien en nature 1446 ou, à
défaut, le non-versement du prix de revente au jour du jugement d'ouverture1447. En effet, aucune
mesure ne permet efficacement de garantir l'existence du bien en nature au jour du jugement
d'ouverture 1448 . La condition d'existence du bien en nature est d'autant plus incertaine que le
débiteur peut vendre le bien à un sous-acquéreur de bonne foi. Dans ce cas précis, le sous-acquéreur
peut effectuer le paiement du prix de revente entre les mains du débiteur.
1153. Par ailleurs, même lorsque le bien existait au jour du jugement d’ouverture, il peut
ensuite avoir disparu en raison d'une perte, d'un vol ou d'une destruction. Ainsi, comme l'affirme
une partie de la doctrine, « la réserve de propriété est un billet de loterie gratuit ; le vendeur est
gagnant s'il retrouve le bien en nature ou si le prix de revente n'a pas été versé ; il est perdant dans
l'éventualité contraire, sans qu'il puisse avoir une influence sur ces dénouements »1449. La protection
du créancier réservataire dans les procédures collectives est donc quelque peu le fruit du hasard.
1154. Enfin, en se fondant cette fois sur la généralité de l'exigence de revendication, une
partie de la doctrine a considéré qu'il s'agissait « tout simplement de contraindre les propriétaires à
reprendre rapidement leurs biens, sous la sanction d'une confiscation au profit, soit de l'entreprise en
cas de plan de continuation, soit des créanciers en cas de cession ou de liquidation judiciaire »1450.
1444
J. VALLANSAN, « Redressement et liquidation judiciaires- Situation du vendeur de meubles- Revendications,
règles générales », JCL. com., 1er février 1999, fasc. 2550, n° 79.
1445
H.- J. NOUGEN, « Réflexions sur le rôle du temps dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaires
des entreprises », Rev. Proc. Coll. 1989, pp. 12 et s. sp. p.12-13.
1446
Art. L. 624-16 du Code de commerce.
1447
Art. L. 624-18 du Code de commerce.
1448
Sauf éventuellement en cas d’inventaire.
1449
M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PETEL, Droit des sûretés, op cit, n° 851.
1450
J.-L. RIVES-LANGE et E. RACHEZ, « L'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 a t-il une vocation universelle ? »,
D. 1991, Chron., p. 270.
444
Or, la connaissance personnelle de la propriété d'un tiers par le mandataire judiciaire aurait dû
rendre la revendication inutile1451.
1155. En somme, la protection du créancier réservataire dans les procédures collectives n'est
pas automatique. Tout au long de sa marche vers la reconnaissance de son droit de propriété, le
créancier devra faire face à des obstacles contre lesquels le succès est couronné par la réalité de sa
protection. En revanche, le créancier qui ne parvient pas à traverser ce chemin périlleux voit son
droit de propriété devenir inopposable pendant toute la durée de la procédure. Or, c'est précisément
ce droit de propriété qui place le réservataire dans une situation d'exclusivité, lui assurant ainsi un
traitement de faveur dans toutes les phases de la procédure collective.
1156. Les conditions posées pour la revendication peuvent ainsi s'analyser comme de
véritables obstacles à la protection du créancier. De cette manière, la revendication serait perçue
comme une mesure non pas au service de la protection du créancier, mais comme une arme au
service de la procédure collective dont l'objectif serait de réduire au maximum les restitutions de
biens en vue de les laisser entre les mains du débiteur, pour les besoins de la procédure.
1157. Toutefois, pour d'autres auteurs, la revendication apparaît comme l'expression d'un
compromis entre le respect des intérêts divergents.
Une autre partie de la doctrine voit en la revendication l'expression d'un compromis entre les
impératifs de la procédure collective et la protection du créancier propriétaire.
C'est l'idée défendue par le professeur LAROCHE, dans sa thèse consacrée à la revendication.
Remettant en cause les critiques formulées sur les conditions de la revendication, l'auteur 1452
affirme que ce sont les impératifs de la procédure collective qui « légitiment autant l'existence de
l'exigence de revendication que l'urgence de sa sanction ». En effet, si la procédure collective a pu
s'adapter à l'exigence de protection de la propriété imposée par le droit commun, elle impose que les
reprises de biens soient les moins nombreuses possibles. Aussi, une véritable revendication s'avère
nécessaire.
1158. En réponse aux critiques formulées sur le délai de revendication, l'auteur soutient que la
procédure collective ne peut être efficace que si elle est rapide. Il est alors indispensable que
l'exercice de l'action en revendication soit strictement délimité dans le temps. Enfin, l'auteur affirme
que le principe d'égalité des créanciers impose que tous soient soumis aux mêmes formalités et que
1451
M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, op cit, n° 101.
En suivant ce raisonnement, les bénéficiaires de contrats continués auraient du être dispensé de revendication. Or ce
n’est pas le cas. Simplement, la restitution du bien intervient à l’issue du contrat.
1452
Ibid, ns° 99 et s.
445
celui qui peut s'extraire de la procédure, grâce à la particularité de son droit, en informe les
autres1453.
En somme, l'auteur qui voit en la revendication une action de droit civil qui a dû s'adapter aux
impératifs du droit des procédures collectives, la considère également comme l'expression d'un
véritable compromis entre le respect des intérêts divergents.
1159. Par ailleurs, la jurisprudence avait consacré un principe dit de libre disponibilité ou
d’indisponibilité des biens trouvés entre les mains du débiteur à l'ouverture de la procédure. En
effet, dans un arrêt du 11 mars 19971454, la Cour de cassation a jugé que « la revendication ne rend
pas les marchandises vendues avec clause de réserve de propriété indisponibles tandis que l'activité
de l'entreprise est poursuivie ». Dans cet arrêt, la Haute juridiction avait cassé un arrêt de cour
d'appel qui avait considéré que l'utilisation des biens pour la poursuite de l'activité se faisait en
fraude des droits du propriétaire revendiquant.
1160. En se fondant sur l’idée d’une libre disponibilité des biens et précisément sur ses
aménagements, le professeur LAROCHE y voit encore un effort de compromis réalisé par la
jurisprudence entre les intérêts divergents de la procédure collective et la protection du créancier
propriétaire. En effet, la non-disponibilité des biens appelés à faire l’objet d’une revendication
risque de rendre sans effet la réception de l'action en revendication, faute de bien à restituer lorsque
l'action aboutira.
La jurisprudence a donc dû adapter l’idée d’une libre disponibilité des biens objet de la
revendication à l'exigence de protection du droit de propriété du créancier. Par conséquent, quand
bien même le débiteur pourrait librement disposer des biens qui se trouvent entre ses mains à
l'ouverture de la procédure collective, il faut néanmoins conserver l'exclusivisme du droit de
propriété. Le créancier dont l'action en revendication aboutirait finalement ne doit pas être privé de
son droit de propriété, nonobstant les aléas de la procédure collective. C’est pourquoi, en cas de
transformation ou de vente du bien, la revendication demeure possible1455.
Ainsi, l’idée d’une libre disponibilité des biens, pourtant imposé pour les besoins de la procédure,
est, dans le but de favoriser la protection du créancier, néanmoins limitée dans ses effets.
1161. Dans le même sens, on peut citer une décision dans laquelle la Cour de cassation limite
les effets de l'inopposabilité du droit de propriété. Dans un arrêt du 26 novembre 2002, la Haute
juridiction a jugé que l'inopposabilité du droit de propriété avait seulement pour effet d'empêcher la
1453
Ibid, n°105.
1454
Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20. 069; Bull. civ., IV, n° 70; D. Aff. 1997, p. 510 ; JCP E, 1997. I. 681, n° 11, obs.
M. CABRILLAC ; D. 2000. Somm. pp. 72 et 78, obs. D. MAINGUY ; RTD com., 2000, p. 457, obs. A. MARTIN-
SERF.
1455
M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, op cit, ns° 116 et
s.
446
restitution du bien au propriétaire1456. Le défaut de revendication n'entraîne donc pas un transfert de
la propriété du bien dans le patrimoine du débiteur. Dans cette solution, on pourrait également voir
la consécration de la revendication comme l'expression d'un compromis.
La revendication essaye ici de maintenir l'équilibre entre les impératifs de la procédure collective et
ceux du créancier propriétaire. D'une part, le droit de propriété du créancier est préservé, même en
l'absence de revendication et, d'autre part, le créancier non-revendiquant ne peut obtenir la
restitution du bien, pendant toute la durée de la procédure collective. Le but étant, ici, de ne pas
priver le débiteur de l'usage de biens utiles.
1162. En définitive, deux thèses s'opposent dans la détermination du rôle de la revendication
dans le droit des procédures collectives. Une première qui voit en la revendication une mesure au
service de la procédure et une seconde qui considère la revendication comme l'expression d'un
compromis. Nous sommes plutôt favorables à la première thèse qui perçoit la revendication comme
un moyen de réduire le nombre des restitutions. En effet, les conditions strictes qui entourent
l'action en revendication, et notamment le délai de revendication pourraient effectivement s'analyser
comme des obstacles posés par le législateur pour disqualifier le plus grand nombre de
revendiquants, et cela, dans le but de favoriser la conservation des biens utiles entre les mains du
débiteur. De cette manière, l'action en revendication sur laquelle repose l'efficacité de la réserve de
propriété serait en réalité une arme au service de la procédure, et notamment du sauvetage de
l'entreprise lorsqu'il est possible.
1163. Cependant, il ne s'agit que de simples suppositions et interprétations doctrinales.
En l'absence de dispositions expresses ou de solutions jurisprudentielles dans ce sens, la question du
rôle de la revendication face aux objectifs de la procédure collective reste largement ouverte. Quoi
qu'il en soit, et peu important à qui profite finalement la revendication, celle-ci constitue, à tout le
moins, une mesure essentielle pour la protection du créancier réservataire.
1164. L’importance de cette mesure justifie le fait que la protection du créancier réservataire
soit neutralisée en l’absence de revendication (a), tandis qu’elle devient effective dès lors que cette
revendication a été effectuée en bonne et due forme (b).
1165. L'ouverture d'une procédure collective emporte la collectivisation des biens détenus par
le débiteur. Tant que le réservataire 1457 n'a pas revendiqué, son droit de propriété demeure
1456
Cass. com., 26 novembre 2002, n° 01-03.980; Bull. civ., IV, n° 176 ; RTD com. 2003, p. 570, obs. A. MARTIN-
SERF.
1457
Le créancier dont le contrat n'a pas été publié.
447
inopposable à la procédure collective. À l'ouverture de la procédure collective, le droit du
propriétaire d'exclure le débiteur du bénéfice de son bien est donc mis à mal. Dans l'attente de la
revendication, l'exclusivisme de la propriété cède donc le pas aux nécessités de la procédure,
puisque le droit de propriété éventuel du créancier est d'abord ignoré1458.
1166. Par ailleurs, même si la jurisprudence est divisée sur cette question 1459, il a pu être jugé
que l'inopposabilité du droit de propriété résultant de l'absence ou du défaut de revendication,
autorise le mandataire judiciaire ou le liquidateur à vendre le bien qui devient ainsi le gage des
créanciers1460. Dans tous les cas, l'inopposabilité à la procédure collective n’implique pas la perte du
droit de propriété. Ainsi, lorsque s'ouvre une seconde procédure, si le bien existe encore entre les
mains du débiteur, il pourra être revendiqué dans les délais.
1167. En somme, il apparaît que le jugement d'ouverture d’une procédure collective limite
quelque peu l'efficacité de la réserve de propriété, du moins tant que la revendication n’a pas eu
lieu. L’absence ou le défaut de revendication paralyse donc la protection du créancier réservataire,
puisque son droit de propriété est inopposable à la procédure collective 1461 . On pourrait alors
considérer que la protection du créancier réservataire est neutralisée à compter du jugement
d'ouverture jusqu'au succès de l'action en revendication.
1458
M. LAROCHE, Revendication et propriété, Du droit des procédures collectives au droit des biens, op. cit., ns° 119
et s.
1459
Cass. com., 26 novembre 2002, n° 01-03.980, arrêt préc.
1460
Cass. com., 23 mai 1995, n ° 93-10.439, Bull. civ. IV, n° 153; Gaz. Pal. 1996, pan. 59 ; Cass. com., 3 décembre
2003, n° 01-02.177, Inédit
1461
Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-02.177, arrêt préc.
1462
Sauf en cas de contrats en cours. La restitution est différée au terme ou à la résolution du contrat.
1463
M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC, Ph. PÉTEL, Droit des sûretés, op. cit, n° 851.
448
L'argument qu'on pourrait opposer aux défenseurs de cette idée est que l'efficacité de la réserve de
propriété n'est susceptible de compromettre le sauvetage de l'entreprise que si le bien restitué au
revendiquant est utile à la poursuite de l'activité. Dans le cas contraire, la restitution du bien est sans
incidence réelle sur le sauvetage de l'entreprise.
1170. En définitive, s'il est vrai que la revendication conditionne la protection du créancier
réservataire, il est tout aussi vrai qu'en cas de réussite de revendication, la réserve de propriété
devient une arme redoutable pour le créancier. L'efficacité de la clause de réserve de propriété et la
protection du créancier qui en découle pourraient donc, à bien des égards, faire obstacle aux
objectifs de la procédure collective et notamment au sauvetage de l'entreprise.
1171. Cependant, pour répondre aux besoins de l’entreprise en difficulté, le législateur
autorise, dans certains cas, le juge-commissaire à payer le créancier pour faire obstacle à la
revendication. Dans cette hypothèse, la protection du créancier est alors justifiée par les enjeux du
droit des procédures collectives.
B- Une protection justifiée par les enjeux du droit des procédures collectives
1172. Il existe des situations où la protection du créancier réservataire est indépendante de sa
volonté. C’est notamment le cas lorsque le bien faisant l’objet d’une réserve de propriété se révèle
utile à la procédure (A). En outre, l’ordonnance du 12 mars 2014, introduit une disposition qui
semble interdire la revendication dans la procédure de sauvegarde accélérée (B).
1173. L'article L. 624-16, alinéa 4, du Code de commerce précise qu' « Il n’y a pas lieu à
revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement ». Cette solution
posée en sauvegarde est également applicable en redressement judiciaire 1464 et en liquidation
judiciaire1465.
Il résulte de ces dispositions que lorsque les conditions de la revendication sont réunies, le juge-
commissaire peut, pour faire échec à cette revendication, autoriser le paiement immédiat du
revendiquant. Pour cela, le juge-commissaire doit juger de l'utilité ou non du bien. En conséquence,
le bien dont il s'agit d'empêcher le retour entre les mains de son propriétaire doit se révéler utile à la
procédure.
1174. Rappelons que l'utilité d'un bien résulte soit de son utilisation matérielle, soit des
liquidités procurées par sa vente.
1464
Art. L.631-18-1 du Code de commerce
1465
Art. L. 641-14, al. 1er du Code de commerce.
449
Comme pour le retrait contre paiement, en principe, le juge-commissaire ne devrait autoriser le
paiement du créancier réservataire que si le bien se révèle utile pour la poursuite de l'activité ou si la
vente du bien est susceptible de procurer des liquidités à l’entreprise débitrice. Dans le cadre d'une
procédure de sauvetage, le juge-commissaire n'autorisera le paiement que si le bien se révèle utile
pour la poursuite de l'activité ou si les liquidités provenant de la vente du bien permettent l'achat de
matériel nécessaire à la poursuite de l'activité. En revanche, dans la liquidation judiciaire, le
paiement devra être justifié soit par la poursuite de l’activité, c’est le cas lorsqu’une cession est
envisagée, soit par les besoins de la liquidation, en l'occurrence la réalisation des actifs dans le but
de favoriser l'apurement du passif.
En tout état de cause, lorsque le paiement immédiat est effectué, il profite aussi bien au débiteur, qui
peut conserver un bien utile, qu'au créancier, qui reçoit le paiement exclusif et intégral de sa créance
et échappe de la sorte à la règle de l'interdiction des paiements des créances non privilégiées.
1175. Cependant, cette mesure qui semble pourtant à l'avantage du créancier vise en réalité à
protéger les intérêts de l'entreprise en difficulté. Cette idée est encore renforcée par la possibilité
pour le créancier d'accorder des délais de paiement en contrepartie du paiement de sa créance. C'est
parce qu'il faut empêcher le retour d'un bien utile entre les mains de son propriétaire que ce dernier
reçoit le paiement de sa créance. Aussi, à la différence des actions en revendication et restitution qui
dépendent du créancier, le paiement du réservataire sur autorisation de juge-commissaire n'est pas à
l'initiative de ce dernier. Le créancier ne fait ici que subir le paiement. Il peut donc, contre son gré,
perdre le droit de demander la restitution du bien dont la propriété a été, pour les besoins de
l'entreprise, transférée au débiteur par l'effet du paiement immédiat.
1176. En somme, le traitement de faveur dont bénéficie le créancier dans le cadre d'un
paiement immédiat est conditionné par l'utilité du bien pour les besoins de la procédure collective,
peu important qu'il s'agit d'une procédure de sauvetage ou de la liquidation judiciaire. Il faudrait que
le bien soit utile à la procédure pour que le juge-commissaire autorise le paiement. La protection du
créancier est donc dans cette hypothèse soumise aux besoins du droit des procédures collectives.
1177. Pour finir, il convient de s’interroger sur les dispositions du nouvel article L.628-1 du
Code de commerce crée par l’ordonnance du 12 mars 2014. Ce texte semble en effet envisager
l’hypothèse d’une revendication neutralisée.
450
III du chapitre IV du titre II du livre VI du Code de commerce, c'est-à-dire les dispositions relatives
aux revendications et restitutions ne sont pas applicables à la procédure en cause.
1178. Doit-alors considérer que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée emporte
impossibilité de revendiquer ?
Cette disposition n'est pas passée inaperçue chez les commentateurs de la réforme. Pour le
professeur SAIN-ALARY-HOUIN1466, les revendications sont paralysées. Elles ne sauraient donc
être possibles selon les principes du droit civil. En revanche, le professeur LE CORRE 1467 considère
que le réservataire n’étant pas tenu à la déclaration des créances, il n’est donc pas soumis à la
procédure de sauvegarde accélérée. Ainsi, il peut toujours revendiquer dans les conditions de droit
commun. Quant au professeur CROCQ, il affirme que « faire obligation au créancier de revendiquer
dans le délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture aurait pour
conséquence qu'il pourrait encore revendiquer une fois la procédure est clôturée, ce qui n'aurait
guère de sens »1468.
Nous sommes d’avis avec la première analyse qui voit dans les dispositions du nouvel article
L. 628-1, alinéa 1er, un moyen de priver le créancier du droit de revendiquer. La conséquence serait
donc la neutralisation de l'efficacité de la réserve de propriété dans la sauvegarde accélérée.
Le créancier privé du droit rendre son droit de propriété opposable, ne saurait alors bénéficier du
régime de faveur traditionnellement reconnu aux revendiquants. La protection du créancier
réservataire serait ainsi neutralisée dans la sauvegarde accélérée.
1179. À ce jour, rien n'est clair et l'interprétation des dispositions de l'article précité reste
ouverte. Ainsi, rien ne nous permet de considérer que la neutralisation de la revendication vise
avant tout à favoriser le sauvetage de l’entreprise. Mais dans tous les cas, la réforme de 2014 place
les créanciers revendiquants dans une assez grande insécurité juridique, lorsqu'intervient une
procédure de sauvegarde accélérée1469.
1180. Somme toute, contrairement aux créanciers munis d'un droit de rétention fictif ou d'une
fiducie-sûreté dont la protection est limitée dans certaines phases de la procédure, les titulaires d'un
droit de rétention effectif ou d'une clause de réserve de propriété ne voient, à aucun moment de la
1466
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « De la procédure de sauvegarde financière accélérée à la procédure de sauvegarde
accélérée : de la SPF à la PSA ! », Rev. Proc. Coll., mars-avril 2014, n° 2, dossier 17, pp. 44 et s., sp. p. 46 ; V. aussi;
A. MARTIN-SERF, « Domaine d'application du régime des revendications de meubles. Exclusion dans la nouvelle
procédure de sauvegarde accélérée », RTD com. 2014, p. 415. L'auteur considère que la procédure de sauvegarde
accélérée « produit effets sur les fournisseurs de biens et de service qui devront voter le plan. Leur situation est originale
: même si une clause de réserve de propriété a été insérée dans le contrats, ils ne pourront revendiquer, mais ils auront le
droit de participer au comité des fournisseurs ».
1467
P.-M. LE CORRE, « Premiers regards sur l'ordonnance du 12 mars 2014 réformant le droit des entreprises en
difficulté. Dispositions générales », D. 2014, p. 733.
1468
P. CROCQ, « Les incidences de la réforme du droit des procédures collectives sur le droit des sûretés », RLDC,
décembre 2014, n° 121, suppl., p. 20.
1469
P. PAILLER, « Le sort des sûretés dans la nouvelles ordonnance de réforme du droit des procédures collectives du
12 mars 2014 », RLDC, mai 2014, n°115, p. 30 .
451
procédure, l'efficacité de leur sûreté neutralisée. La protection de ces créanciers est en effet admise
dans toutes les procédures collectives.
Cependant, il arrive des situations où la protection dont bénéficient ces créanciers est subordonnée
aux besoins de la procédure collective. En conséquence, même si cette idée se vérifie surtout pour le
créancier rétenteur et dans une moindre mesure, pour le créancier réservataire, il n'en demeure pas
moins que la protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives est plus ou moins
influencée par les objectifs du droit français des procédures collectives.
Conclusion du chapitre
1181. En définitive, il résulte que la protection des créanciers munis de sûretés réelles
exclusives, bien que réelle en droit français, demeure en partie subordonnée à la réalisation des
objectifs du droit des procédures collectives. Par ailleurs, l'analyse que nous venons d'effectuer
révèle certaines insuffisances du droit des procédures collectives. En effet, l'ordonnance du 18
décembre 2008, tout en étant l'expression d’un compromis entre les intérêts divergents, met en
lumière les incohérences qui subsistent, notamment par rapport à l'objectif du sauvetage de
l'entreprise.
1182. S'agissant du droit de rétention ; en tenant compte de l'augmentation potentielle du
nombre de créanciers désormais concernés par l'inopposabilité, l'extension du droit de rétention
fictif à tous les gagistes sans dépossession pourrait avoir un impact positif et non-négligeable sur le
sauvetage de l'entreprise. Cependant, la limitation de la neutralisation au seul droit de rétention
fictif conféré par l'article 2286, 4° du Code civil ruine finalement tous les espoirs d'un réel impact
de cette neutralisation sur le sauvetage de l'entreprise. En outre, pourquoi la neutralisation ne
s'applique-t-elle qu'au droit de rétention fictif conféré par l'article 2286-4° du Code civil, alors que
les autres droits de rétention fictifs reposant sur des lois spéciales restent pleinement efficaces 1470,
sans compter l'invincibilité du droit de rétention effectif1471 ? L'efficacité de ces droits de rétention,
dans toutes les phases de la procédure, n'est-elle pas susceptible de compromettre l'objectif du
sauvetage des entreprises ?
1183. S'agissant de la propriété envisagée comme une garantie ; pourquoi ne neutraliser que
les effets de la fiducie sans dépossession, alors que la réserve de propriété tout comme les autres
formes de fiducie, notamment la fiducie avec dépossession et la cession de créances par bordereau
Dailly conservent leur pleine efficacité ? Là encore, l'efficacité de ces sûretés n'est-elle pas un frein
1470
F. MACORIG-VENIER, C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Les créanciers dans l'ordonnance n° 2008-1345 du 18
décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté », Rev. Proc. Coll. janvier-février 2009, n°1,
dossier 9, p. 65. Pour ces auteurs, « Il aurait peut-être suffit de préciser que la faculté de retrait ne pouvait s'appliquer
que lorsque le créancier avait le bien entre ses mains. ». Ainsi, « on peine à trouver la cohérence d'une règle
prétendument destinée à favoriser la poursuite de l'activité et qui ne s'appliquerait pourtant qu'à certains créanciers ! ».
1471
P.-M. LE CORRE, « L'invincibilité du droit de rétention dans les procédures collectives de paiement », art. préc., p.
2815.
452
au sauvetage de l'entreprise ? L'objectif du sauvetage ne se heurte-t-il pas finalement à la protection
des créanciers munis de sûretés réelles exclusives ?
1184. Quoi qu'il en soit, toutes ces interrogations nous amènent à rejoindre le point de vue du
professeur D. LEGEAIS pour qui l'ordonnance du 18 décembre 2008 révèle l'échec de la réforme
du droit des sûretés opérée en 20061472. En effet, le législateur de 2008 aurait dû profiter de cette
occasion pour harmoniser le sort des titulaires de sûretés réelles dans les procédures collectives 1473.
En définitive, cette ordonnance est, à notre sens, une source d'incohérences du droit des procédures
collectives, incohérences que le législateur de 2014, réformant à nouveau la matière, n’a d’ailleurs
pas su corriger.
Nous achevons ainsi l’étude de l’influence des objectifs du droit français des procédures collectives
sur la protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives, examinons à présent la situation
en droit OHADA.
1472
D. LEGEAIS, « L'appréhension du droit des sûretés par l'ordonnance du 18 décembre 2008 », LPA, 11 février 2011,
n°30, p. 27.
1473
F.-X. LUCAS, « L'efficacité des sûretés réelles et les difficultés des entreprises », art. préc., pp. 62-63.
453
CHAPITRE 2/ UNE PROTECTION FAIBLEMENT
SUBORDONNÉE AUX OBJECTIFS DU DROIT OHADA
DES PROCÉDURES COLLECTIVES
1185. À l’instar du droit français, le droit OHADA des procédures collectives poursuit des
objectifs importants, à savoir : le sauvetage des entreprises en difficulté, l’apurement du passif,
auxquels s’ajoute la sanction du débiteur malhonnête.
Cependant, si jusqu’à la réforme de l’AUPC intervenue en septembre 2015, le législateur
communautaire africain faisait de l’apurement du passif l’objectif prioritaire du droit des procédures
collectives, la situation a évolué depuis l’entrée en vigueur du nouvel AUPC. Désormais, le
législateur OHADA semble, en donnant la priorité au sauvetage des entreprises en difficulté 1474, se
rallier à son homologue français.
1186. Quoi qu’il en soit, l’objet de ce chapitre est de voir l’influence de ces objectifs sur la
protection dont bénéficient les créanciers munis des sûretés réelles exclusives. Autrement dit, les
objectifs assignés par le législateur au droit des procédures collectives influencent-ils la protection
de ces créanciers ? La protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives est-elle, comme
en droit français, subordonnée aux objectifs du droit des procédures collectives, et notamment au
sauvetage des entreprises en difficultés ? Ou bien, le législateur africain s’est-il, sur cette question,
démarqué de son homologue français ?
La réponse à ces différentes interrogations suscite, au préalable, quelques remarques.
1187. D’abord, il convient d’observer que l'apurement du passif, longtemps resté l’objectif
prioritaire, n’a à aucun moment influencé la protection des créanciers munis de sûretés réelles
exclusives. En effet, dans l’ancien AUPC de 1998, il n’existait pas de situation où les effets des
sûretés réelles exclusives étaient neutralisés pour faciliter ou permettre un meilleur apurement du
passif.
Cette situation pouvait se comprendre en raison du décalage entre le nouvel AUS et l’ancien AUPC.
Avec la réforme, la situation n’a pas beaucoup évolué. Même si l’objectif de sauvetage des
entreprises en difficulté semble désormais occuper la première place, il reste encore difficile de
percevoir son impact sur la protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives.
1188. Ensuite, il est vrai qu’avec la réforme de l’AUPC, le législateur communautaire africain
a fait un effort dans la prise en compte des modifications apportées dans l’AUS. À titre illustratif,
on peut citer la modification des articles 166 et 167 de l’AUPC relatifs à l’ordre de paiement des
1474
Art. 1er de l'AUPC ; V. aussi dossier sur la modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Dr. et
patr., décembre 2015, n° 253, pp. 30 et s.
454
créanciers sur le produit provenant de la réalisation des biens. En effet, l’article 167 relatif à la
répartition des deniers provenant de la vente de biens meubles exclut clairement les bénéficiaires
d’un droit de rétention et les titulaires d’un droit exclusif au paiement de ladite répartition. De
même, l’article 68, 5° de l’AUPC portant sur les inopposabilités de droit de la période suspecte ne
contient plus une énumération des sûretés réelles, mais vise d’une manière générale « toute sûreté
réelle conventionnelle constituée à titre de garantie d’une dette antérieurement contractée ». Il en
résulte que même les sûretés réelles exclusives peuvent désormais être appréhendées par les
sanctions de la période suspecte. Par ailleurs, l’article 18 relatif aux effets du concordat préventif
énumère désormais la liste des créanciers munis de sûreté dont la garantie n’est pas perdue1475 du
fait de l’homologation du concordat, alors que l’ancien texte se contentait de viser de manière
générale les créanciers munis de sûretés réelles1476.
1189. Aussi, à plusieurs égards, le traitement dont bénéficient les créanciers munis de sûretés
réelles exclusives semble être le même que celui réservé à tous les créanciers munis de sûretés
réelles. En effet, dans de nombreuses dispositions encore, le législateur communautaire africain se
contente de viser les sûretés réelles sans aucune distinction. On peut citer les articles 119 1477 ,
1211478, 1231479 et 1341480 de l’AUPC. Ainsi, malgré les différentes réformes du droit des sûretés et
du droit des procédures collectives, les créanciers munis de sûretés réelles exclusives, placés dans
une situation relativement confortable en droit français, ne bénéficient, en droit OHADA des
procédures collectives, que rarement d’une protection qui leur est spécialement consacrée.
1190. Enfin – situation assez étrange – dans l’AUPC, il n’existe aucune disposition relative au
transfert fiduciaire de somme d’argent. Si cette absence de règlementation se justifiait sous l’empire
de l’ancien AUPC, aujourd’hui la situation nous paraît difficilement explicable, puisque le transfert
fiduciaire a été consacré comme sûreté réelle dans le nouvel AUS. Disons que le législateur
1475
Art. 18, al. 2 de l’AUPC « Les créanciers munis d'un privilège général, d'un privilège mobilier spécial, d'un gage,
d'un nantissement ou d'une hypothèque, ne perdent pas leurs garanties. Toutefois, ils ne peuvent les réaliser qu'en cas
d'annulation ou de résolution du concordat préventif auquel ils ont consenti ou qui leur a été imposé ».
1476
Art. 18, al. 2 de l’ancien AUPC. « Les créanciers munis de sûretés réelles ne perdent pas leurs garanties mais ne
peuvent les réaliser qu'en cas d'annulation ou de résolution du concordat préventif auquel ils ont consenti ou qui leur a
été imposé ».
1477
Art. 119, al. 3 de l’AUPC : « En outre, le greffier avertit immédiatement les créanciers munis d'une sûreté réelle
spéciale d'avoir à faire connaître, au plus tard à l'expiration du délai prévu par l'article 88 ci-dessus, s'ils acceptent ces
propositions concordataires ou entendent accorder des délais et des remises différents de ceux proposés et lesquels ».
1478
Art. 121, al. 1er de l’AUPC : « Les créanciers dont la créance est garantie par une sûreté réelle spéciale ou un
privilège général conservent le bénéfice de leur sûreté, qu’ils aient ou non souscrit à la déclaration prévue à l’article 120
ci-dessus et quelle que soit la teneur de cette déclaration, sauf disposition contraire du présent Acte uniforme ou
renonciation expresse de leur part à leur sûreté ».
1479
Art. 123, al. 3 de l’AUPC : « Le créancier dont seulement la sûreté réelle, quelle qu’elle soit, est contestée, est
admis dans les délibérations à titre chirographaire ».
1480
Art. 134, al. 2 de l’AUPC : « Toutefois, les créanciers bénéficiant de sûretés réelles spéciales ne sont obligés que
par les délais et remises particuliers consentis par eux ; si le concordat comporte des délais n’excédent pas deux ans,
ceux-ci peuvent leur être opposés si les délais par eux consentis sont inférieurs » ;
Art. 134, al. 4 de l’AUPC : « Les créanciers munis de sûretés réelles ne pas perdent leurs garanties mais ne peuvent les
réaliser qu’en cas de d’annulation ou de résolution du concordat de redressement auquel ils ont consenti ou qui leur a
été imposé, sans préjudice de leur droit d’agir contre un tiers afin de préserver droits ».
455
OHADA se montre prudent face à cette nouvelle sûreté dont les débuts sont lents, même en droit
français.
1191. En définitive, contrairement au droit français où les objectifs du droit des procédures
collectives, et notamment le sauvetage des entreprises influencent clairement la protection des
créanciers munis de sûretés réelles exclusives, en droit OHADA, la réalité est tout autre. Cette
influence est encore très faible.
Compte tenu de tous ces éléments, le schéma de protection des sûretés réelles exclusives au regard
des objectifs du droit OHADA des procédures collectives ne saurait être le même qu’en droit
français. Ainsi, à la différence de ce qui a été fait dans le chapitre précédent, il ne peut ici avoir une
section consacrée à l’impact de l’objectif de sauvetage sur la protection des créanciers munis de
sûretés réelles exclusives.
1192. Cependant, dans l'AUPC, on peut quand même trouver quelques dispositions
spécifiques aux sûretés réelles exclusives. Cette situation permet de s'interroger sur l’influence des
objectifs du droit des procédures collectives quant à la protection des créanciers. Toutefois,
l’absence des dispositions relatives au transfert fiduciaire de somme d’argent nous amène à axer nos
développements sur la protection du créancier réservataire et rétenteur
1193. Nous verrons que, contrairement au droit français, les objectifs du droit de procédures
collectives n’influencent pas véritablement la protection des titulaires de sûretés réelles exclusives
en droit OHADA. Cette situation se vérifie surtout pour le créancier rétenteur (section 1). En
revanche, s’agissant du réservataire, on peut, compte tenu de certains éléments, considérer que
l’influence est déjà un peu plus marquée (section 2).
1194. Le droit de rétention est la faculté reconnue par la loi à un créancier de retenir un bien
de son débiteur jusqu'au complet paiement du prix de sa créance. Dans la mesure où rien ne peut
contraindre le créancier à se dessaisir du bien tant qu'il n'est pas complètement désintéressé, le droit
de rétention demeure, en dépit de l’ouverture d’une procédure collective, par principe efficace.
1195. Cependant, contrairement au législateur français qui consacre la technique du retrait
contre paiement dans l'ensemble des procédures collectives et fait de cette technique le moyen
permettant de garantir efficacement la protection du créancier rétenteur 1481 , le législateur
communautaire africain ne consacre pas explicitement la possibilité d'un retrait contre paiement
dans l'ensemble des procédures collectives.
1481
Cf. titre 2 de la première partie de cette étude.
456
À la lecture des dispositions de l'AUPC, aucun article ne prévoit la possibilité d'un retrait contre
paiement dans les procédures de règlement préventif ou de redressement judiciaire. Toutefois, cette
possibilité est envisagée dans la procédure de liquidation des biens. L'alinéa 1er de l’article 149 de
l'AUPC, précise que « Le syndic, autorisé par le juge-commissaire peut, en remboursant la dette,
retirer au profit de la masse, le gage, le nantissement ou le droit de rétention conventionnel
constitué sur un bien du débiteur ». Plus que l'admission d'une exception au principe interdisant le
paiement des créances antérieures, le texte renvoie surtout à l'idée d'un retrait contre paiement au
profit du créancier gagiste, nanti, ou rétenteur. Il autorise en effet le syndic à retirer un bien en
contrepartie du remboursement de la dette du créancier.
1196. Par ailleurs, le droit français prévoit qu'en cas de réalisation du bien au cours de la
procédure de liquidation judiciaire, le droit de rétention se reporte sur le prix de vente.
Ce mécanisme est un autre moyen qui permet de garantir la protection du créancier rétenteur dans la
procédure de liquidation. Là encore, le droit OHADA se distingue du droit français, puisqu'il
n'existe pas dans l'AUPC un mécanisme similaire à celui du report du droit de rétention sur le prix
en cas de réalisation du bien grevé.
1197. Ainsi, dans un premier temps, nous verrons la protection du créancier rétenteur dans la
liquidation des biens (paragraphe 1), avant d'analyser, dans un second temps, les conséquences
inhérentes à l'absence de retrait contre paiement dans les procédures de sauvetage de l'entreprise, en
l’occurrence le règlement préventif et le redressement judiciaire (paragraphe 2).
1482
Cf. ns° 445 et s.
1483
En droit français, la masse des créanciers ayant été supprimée, on parle de l'intérêt de la procédure collective.
457
1199. Ainsi, nous tenterons de déterminer la justification du retrait contre paiement dans la
liquidation des biens (A), puis nous examinerons les conséquences de l'absence du report du droit
de rétention sur le prix de vente (B).
1200. Il résulte des dispositions de l’article 149, alinéa 1er, de l'AUPC que le retrait contre
paiement réalisé par le syndic sur autorisation du juge-commissaire doit être effectué dans l'intérêt
de la masse et non dans celui du créancier rétenteur. Ainsi, le juge-commissaire ne peut autoriser le
syndic à procéder au paiement d'une créance antérieure en contrepartie du retrait du bien qu'après
avoir apprécié l'opportunité de ce retrait pour la masse des créanciers, c'est-à-dire pour les
créanciers antérieurs dont la créance est née régulièrement avant le jugement d'ouverture.
1201. Pour que le retrait du bien profite à la masse des créanciers, le juge-commissaire doit
s'assurer que le montant de la dette du créancier est inférieur à la valeur du bien à retirer, de sorte
que la vente dudit bien permette un meilleur désintéressement du reste des créanciers qui forment la
masse. Le retrait doit donc présenter un réel intérêt pour les autres créanciers de la masse. Tel sera
par exemple le cas lorsque le retrait est effectué pour inclure le bien dans une cession d'actifs1484.
À notre avis, la seule justification au retrait contre paiement en liquidation des biens réside dans la
différence entre la valeur du bien et le montant de la dette. Lorsque cette différence est
considérable, le juge-commissaire a tout intérêt à donner son approbation pour le retrait contre
paiement mais, dans le cas contraire, l'autorisation devrait être refusée au syndic.
1202. En somme, même si le retrait contre paiement permet au créancier rétenteur d'obtenir le
paiement exceptionnel de sa créance, et cela, en dépit de la règle de l'interdiction des paiements des
créances, le créancier ne fait en réalité que subir ce paiement puisque celui-ci n'est pas à son
initiative. Le retrait contre paiement intervient pour éviter la situation de paralysie pouvant résulter
de la rétention du bien.
1203. Comme en droit français, on peut voir dans la technique du retrait contre paiement un
outil au service de l'entreprise en difficulté, puisque le retrait s'effectue au profit de la masse des
créanciers. Or, pour la doctrine française, la masse n'est rien que l'ancienne appellation de la
procédure collective 1485 . Dans cette hypothèse, le traitement de faveur dont va bénéficier le
créancier rétenteur est conditionné par la réalisation des objectifs du droit des procédures
1484
J.-C. JAMES, « Liquidation des biens dans le droit OHADA des procédures collectives », art. préc., 1112, n° 36.
1485
V. not. M. CABRILLAC, « L'impertinente réapparition d'un condamné à mort ou la métempsychose de la masse
des créanciers », in Mél. Ch. GAVALDA, Dalloz 2001, p. 69 ; V. aussi P.-M. LE CORRE, Dalloz Action, Droit et
pratique des procédures collectives, n° 813.73; L'auteur voit dans la procédure collective la personnification de la
masse des créanciers.
458
collectives. Il devient alors possible d’affirmer que les objectifs du droit des procédures collectives
influencent quelque peu la protection du créancier rétenteur.
Cependant, l'absence du mécanisme de report du droit de rétention sur le prix de vente pourrait bien
atténuer cette affirmation.
1486
Art. L. 642-20- I, al. 1er du Code de commerce.
1487
En droit français, le délai est de six mois après le jugement de liquidation judiciaire.
459
exercer ses droits de suite et de préférence comme en matière de gage ». La solution du législateur
communautaire africain se comprenait donc aisément. En effet, comme l’avait très justement fait
remarquer un auteur1488, le droit de rétention est dans l'AUPC assimilé au gage. Cette assimilation
qui résultait de l'ancien article 43 de l'AUS pouvait ainsi expliquer l'absence de référence au droit de
rétention dans l'ensemble de l'AUPC. À l'image du créancier gagiste, le créancier rétenteur
bénéficiait, en cas de réalisation forcée du bien grevé, d'un droit de préférence 1489. Aussi, pour sortir
de sa passivité, le créancier pouvait, comme en matière de gage, demander la réalisation forcée du
bien retenu. Dans cette situation, le créancier bénéficiait d'un paiement non pas exclusif mais
préférentiel qui tenait compte de son rang1490.
L'assimilation du droit de rétention au gage qui avait été consacrée par le droit des sûretés
dénaturait1491 donc profondément le droit de rétention ; bien plus, elle affaiblissait l'efficacité de
cette sûreté 1492 dans le cadre d'une procédure collective.
1206. Cependant, malgré la réforme, la situation reste inchangée. En effet, même si le droit de
rétention fait son entrée parmi les sûretés expressément énumérées à l'alinéa 1 er de l'article 149 de
l’AUPC, de sorte que le créancier rétenteur pourra désormais se prévaloir de la technique du retrait
contre paiement, l'alinéa 2 du même article n’a en revanche pas été modifié. Le législateur
communautaire africain n’envisage toujours pas le report du droit de rétention sur le prix de vente
en cas de réalisation du bien grevé au cours de la liquidation. Cette situation pourrait remettre en
cause l'intérêt du retrait contre paiement.
1207. À l'analyse du contenu de l’article 149, il ressort que le retrait contre paiement n'est
qu'une option. De ce fait, lorsque le débiteur n'a pas les fonds nécessaires pour désintéresser le
créancier, il peut toujours procéder à la réalisation du bien, sans que le créancier puisse s'y opposer.
Quel intérêt le débiteur aurai-t-il donc à payer le créancier s'il peut procéder en toute quiétude à la
réalisation du bien grevé, sans que le créancier rétenteur puisse voir son droit de rétention reporté
sur le prix de réalisation ? Cette situation pourrait donc justifier l’absence d’un mécanisme de report
du droit de rétention sur le prix de vente.
1488
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit, n° 282 ; V. aussi,
G. JIOGUE, « Le droit de rétention conventionnel, Etude de droit français et de droit OHADA », Revue de la recherche
juridique Droit Prospectif, avril 2007, n° 38, p. 1791.
1489
Sur l'analyse du droit de préférence du créancier rétenteur, V. A. AKRAWATI WHAMSIDINE, « Le droit de
rétention commue sûreté en doit uniforme (O.H.A.D.A.) », art. préc., pp. 328- 329; Z. ZERBO, « Le droit de rétention
dans l'acte uniforme portant organisation des sûretés de l'OHADA : étude comparative », art. préc., pp. 134 - 135.
1490
L'ordre de répartition du prix de la vente se fait conformément aux dispositions de l'article 167 s'il s'agit d'un
immeuble ou de l'article 166 s'il s'agit d'un bien mobilier. Du fait de l'assimilation du droit de rétention au gage, le
créancier rétenteur au même rang que le créancier gagiste (le 4e rang).
1491
L. BLACK YONDO, M. BRIZOUA-BI, O. FILLE LAMBIE, L.-J. LAISNEY, A. MARCEAU-COTTE, sous la dir.
de P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la réforme du droit des sûretés de l'OHADA,
op. cit., n° 200.
1492
A. AKRAWATI WHAMSIDINE, « Le droit de rétention commue sûreté en doit uniforme (O.H.A.D.A.)», art. préc.
p. 316; J.-C. OTOUMOU, « Le droit de rétention en droit OHADA », art. préc., p. 87.
460
1208. En tout état de cause, cette solution qui nous paraît, de prime abord, incompréhensible
pourrait tout de même se justifier par les dispositions de l’AUS. Le législateur réhabilite, en
supprimant le bénéfice d'un droit de préférence au profit du créancier rétenteur, le droit de
rétention ; bien plus, il revalorise la situation du créancier rétenteur. À l’instar du droit français,
l'efficacité du droit de rétention réside désormais, en droit communautaire africain, dans la force
d'inertie du créancier. Le rétenteur doit se contenter de retenir le bien jusqu'au complet paiement de
sa créance. Logiquement, la réalisation forcée du bien retenu par le syndic ne devrait plus être
possible, sauf à payer préalablement le créancier ou à reporter son droit de rétention sur le prix de
vente, comme cela est prévu en droit commun. En effet, l’article 70 de l’AUS qui permet au
créancier lui-même de réaliser le bien sous certaines conditions, prévoit par ailleurs la possibilité
d’un report du droit de rétention sur le prix de vente1493.
Le mécanisme du report du droit de rétention sur le prix n’étant pas prévu dans l'AUPC, nous
n'allons pas, au regard des objectifs du droit des procédures collectives, comme en droit français,
rechercher des justifications à ce mécanisme.
1209. En définitive, le retrait contre paiement demeure, malgré la réforme de l’AUPC, le seul
moyen de protection du créancier rétenteur expressément consacré par le droit OHADA des
procédures collectives. Aussi, la possibilité d'un retrait contre paiement n'étant envisagée qu'en
liquidation, le texte de l'article 149 n'exige pas que le retrait soit justifié par la poursuite de
l'activité. Cette solution est tout à fait logique puisque la procédure liquidative suppose qu'il n'y ait
plus d'activité à poursuivre ou à préserver, sauf dans l’hypothèse où une cession est envisagée.
1210. Toutefois, l'absence de retrait contre paiement dans les procédures de sauvetage de
l'entreprise ne manque pas d'attirer notre attention. Il convient dès à présent d'examiner les
conséquences d'une telle situation au regard des objectifs du droit des procédures collectives.
1493
Art. 70, al. 2 de l'AUS : « Par dérogation à l'alinéa précédent, il (le créancier) peut faire procéder, sur autorisation de
la juridiction compétente statuant à bref délai, à la vente de ce bien si l'état ou la nature périssable de ce dernier le
justifie ou si les frais occasionnés par sa garde sont hors de proportion avec sa valeur. Dans ce cas, le droit de rétention
de reporte sur le prix de vente qui doit être consigné ».
461
les procédures de sauvetage de l'entreprise. En conséquence, peu important que le bien retenu soit
utile à la poursuite de l'activité, le syndic, autorisé par le juge-commissaire, ne peut, sur la base
d'une disposition législative1494, procéder au paiement du créancier rétenteur pour retirer le bien de
l'emprise de ce dernier.
À l'évidence, cette situation présente des conséquences qu'il convient ici d'analyser.
1212. Compte tenu de la nature du droit de rétention, seul le paiement de la créance permet
d'éteindre le droit du créancier. Rien ne peut en effet contraindre le rétenteur à se dessaisir du bien
tant qu'il n'est pas totalement désintéressé. En l'absence de paiement, le créancier est contraint de
demeurer dans une situation passive.
1213. Or, cette passivité présente un risque de paralysie pour l'entreprise, notamment lorsque
le bien retenu se révèle utile pour la poursuite de l'activité.
L'absence de retrait contre paiement prive le débiteur de la possibilité d'obtenir la restitution d'un
bien nécessaire à la poursuite de l'activité. Le vide juridique constaté pourrait donc compromettre le
sauvetage de l’entreprise.
1214. Au demeurant, il devient possible de considérer que l'efficacité du droit de rétention
dans les procédures collectives et, par voie de conséquence, la protection du créancier rétenteur, du
moins dans l'hypothèse d'une procédure de sauvetage, n'est pas subordonnée aux objectifs des
procédures collectives. L’efficacité du droit de rétention est, au contraire, susceptible de
compromettre le sauvetage de l’entreprise défaillante. La protection du créancier rétenteur supplante
donc les objectifs du droit des procédures collectives.
1215. Cette analyse pouvait cependant être relativisée sous l’empire de l’ancien AUS. Un
auteur1495 avait considéré que le fait pour le législateur communautaire de prévoir un mécanisme de
substitution de garantie s'imposant au créancier rétenteur constituait le moyen de limiter l'efficacité
du droit rétention, mais aussi de maintenir l'équilibre entre les différents intérêts en cause. En effet,
l’article 42, alinéa 3, de l'ancien AUS disposait que « Le créancier doit renoncer au droit de
rétention si le débiteur lui fournit une sûreté équivalente ». Le créancier étant donc tenu de renoncer
à la rétention du bien détenu, le débiteur pouvait obtenir la restitution d'un bien utile en contrepartie
de l'octroi au créancier rétenteur d'une sûreté de substitution équivalente1496.
1494
Sauf à se référer au droit français. En effet l'article L. 622-7, II, al. 2, précise que le juge-commissaire peut autoriser
le paiement de créances antérieures pour retirer le gage ou la chose légitimement retenue, lorsque ce retrait est justifié
par la poursuite de l'activité.
1495
A. AKRAWATI WHAMSIDINE, « Le droit de rétention commue sûreté en doit uniforme (O.H.A.D.A.) », art.
préc., p. 319.
1496
Ibid, p. 320 et s; J.-C. OTOUMOU, « Le droit de rétention en droit OHADA », art. préc., p. 86 et s.
462
1216. De cette manière, le législateur avait anticipé en évitant la situation de paralysie qui
pouvait résulter de la rétention du bien par le rétenteur 1497 . L'existence d'un mécanisme de
substitution de garantie venait ainsi pallier l'absence du retrait contre paiement. Ce mécanisme
pouvait donc s'analyser comme le retrait contre paiement français, à la grande différence que le
créancier n'obtient pas le paiement immédiat de sa créance, mais une nouvelle sûreté équivalente,
avec tous les risques que cela comporte1498.
Même si la substitution de garantie n'était prévue qu'en droit commun des sûretés, rien n'empêchait
cependant de l'appliquer au droit des procédures collectives. L'analyse faite par Monsieur ADJITA
pouvait donc également s'appliquer, nonobstant l'ouverture d'une procédure collective.
1217. Par ailleurs, nous pensons que l'ancienne assimilation du droit de rétention au gage
pouvait également justifier l'absence d'hypothèse de retrait contre paiement dans les procédures de
continuation. Comme dans la liquidation des biens (article 149, alinéa 2), dès lors que le bien retenu
se révèle utile, il pouvait être retiré de l'emprise du créancier sans au préalable désintéresser ce
dernier. En cas de vente du bien, le créancier devait se contenter d'exercer son droit de préférence
sur la quote-part du prix correspondant au montant de sa créance.
En revanche, dans l’hypothèse où le bien retiré n’était pas vendu et que son utilité résultait de son
utilisation matérielle, l'analyse de Monsieur ADJITA, précédemment développée, pouvait alors à
s'appliquer. Pour retirer un bien nécessaire à la poursuite de l'activité, le débiteur devait, en
contrepartie de la restitution du bien, octroyer au créancier rétenteur une sûreté de substitution
équivalente.
1218. Dans tous les cas, la dénaturation du droit de rétention par le législateur communautaire
africain avait des conséquences néfastes pour le créancier rétenteur qui ne pouvait se prévaloir du
retrait contre paiement, mécanisme qui assure efficacement sa protection.
1219. Avec la réforme de l'AUS en 2010, le législateur communautaire africain a redonné au
droit de rétention ses lettres de noblesse1499. Désormais, l'efficacité du droit de rétention réside dans
la passivité du créancier rétenteur. Le droit de rétention n'étant plus assimilé au gage, les solutions
précédemment avancées ne devraient plus pouvoir s'appliquer. Seul le retrait contre paiement
devrait éteindre le droit de rétention.
1220. Toutefois, malgré la réforme de l’AUPC, le législateur OHADA n’envisage toujours
pas la possibilité d’un retrait contre paiement dans les procédures de sauvetage. Nous ne pouvons
que manifester notre incompréhension face à cette situation. En effet, à l’instar de son homologue
français, le législateur OHADA semble désormais accorder une place de choix au sauvetage des
1497
A. AKRAWATI WHAMSIDINE, « Le droit de rétention commue sûreté en doit uniforme (O.H.A.D.A.)», art.
préc., p. 324.
1498
Sur l'étude de la substitution de garantie, cf. première partie de cette étude.
1499
Art. 67 à 70 de l’AUS.
463
entreprises. Or, il paraît contradictoire de prôner le sauvetage des entreprises, d’une part, et de
consacrer l’efficacité absolue du droit de rétention, d’autre part.
Comme en droit français, il aurait fallu trouver des moyens qui favorisent le sauvetage de
l’entreprise tout en respectant les droits du créancier rétenteur.
1221. En définitive, compte tenu du vide juridique, on pourrait considérer qu’en l’état actuel
du droit OHADA, la protection du créancier rétenteur, du moins dans les procédures de sauvetage,
n’est pas influencée par les objectifs du droit des procédures collectives. La nature du droit de
rétention permet cependant de penser que, dans l’hypothèse où un bien retenu serait utile pour la
poursuite de l’activité, à l’image de ce qui est prévu pour la liquidation judiciaire, le syndic, autorisé
du juge-commissaire, devrait pouvoir faire usage de la technique du retrait contre paiement pour
éviter les risques pouvant naître de la rétention d’un bien utile.
1222. Ainsi s’achève l’examen de la protection du créancier rétenteur au regard des objectifs
du droit des procédures collectives. Il en ressort que la protection du créancier rétenteur n’est que
faiblement influencée par les enjeux des procédures collectives.
Peut-on faire le même constat pour le créancier réservataire ?
1500
Loi du 12 mai 1980 qui a consacré l'efficacité de la réserve de propriété en cas de défaillance du débiteur.
1501
Article 103 de l’ancien AUPC.
464
titulaires de contrats publiés. La publicité de la clause ne dispensait donc pas le créancier
réservataire d’avoir à revendiquer ; bien au contraire, c’était une condition requise pour la
revendication 1502 . Dès lors que le créancier avait revendiqué, son droit de propriété devenait
opposable à la masse des créanciers.
1226. Avec la réforme, les choses se compliquent. D’une part, l’article 101-3, alinéa 1er, de
l’AUPC précise que « Le propriétaire d’un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de
propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l’objet d’une publicité » et, d’autre part,
l’alinéa 3 de l’article 103 du même Acte uniforme prévoit que « peuvent être revendiqués les
marchandises et objets mobiliers faisant l’objet d’une réserve de propriété, selon les conditions et
avec les effets prévus par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ». Il résulte des
dispositions de ce dernier texte que pour revendiquer des biens et objets mobiliers faisant l’objet
d’une réserve de propriété, la clause qui s’y rapporte doit respecter les conditions posées par le droit
commun des sûretés. Or, selon les dispositions de l’article 74 de l’AUS, la réserve de propriété n’est
opposable aux tiers que si elle a été régulièrement publiée au Registre de Commerce et du Crédit
Mobilier (RCCM). La publicité de la clause est donc exigée, à peine d’opposabilité. À la différence
du droit français, la publicité de la réserve de propriété est obligatoire en droit OHADA1503.
1227. La clause de réserve de propriété devant obligatoirement être publiée, le créancier
réservataire devrait, en application de l’article 101-3 précité, être dispensé d’avoir à revendiquer. À
première vue, les dispositions des articles 101-3, alinéa 1er et 103, alinéa 3 de l’AUPC semblent
donc contradictoires.
Quoi qu’il en soit, à ce jour, le législateur communautaire africain envisage toujours la possibilité
de revendiquer des biens mobiliers faisant l’objet d’une clause de réserve de propriété. On peut
alors considérer que la protection du créancier réservataire est désormais garantie soit par la
revendication, soit par la publicité de la clause qui permet au créancier de faire une simple demande
en restitution.
1228. À ce stade, il nous faut analyser les contours de cette protection au regard des objectifs
du droit des procédures collectives. La question qui se pose est donc de savoir si la protection dont
bénéficie le créancier réservataire est maintenue au mépris des finalités du droit des procédures
collectives ? Ou bien si elle est admise dans le but de favoriser la réalisation de ces objectifs ?
1229. Nous verrons que, comme en droit français, la protection du créancier réservataire
repose sur la réussite des actions en revendication ou restitution. En effet, dès lors que
1502
Art. 103, al. 2 de l’ancien AUPC : « Peuvent être également revendiqués les marchandises et les objets mobiliers,
s'ils se retrouvent en nature, vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix,
lorsque cette clause a été convenue entre les parties dans un écrit et a été régulièrement publiée au Registre du
commerce et du crédit mobilier ».
1503
P. CORCQ, « Des créanciers et des cocontractants mieux protégés », in dossier sur la modernisation de l’Acte
uniforme sur les procédures collectives, Dr. et patr., décembre 2015, n° 253, p. 59 et s., sp. p. 63.
465
l’opposabilité de la clause est assurée soit par sa publicité, soit par l’exercice d’une action en
revendication, le créancier peut, en principe, solliciter la restitution du bien à tout moment de la
procédure, et cela, nonobstant l’ouverture d’une procédure collective. Dans cette hypothèse, la
protection du créancier réservataire est susceptible de compromettre la réalisation des objectifs du
droit des procédures collectives, notamment le sauvetage de l’entreprise en difficulté.
1230. Cependant, pour faire obstacle à la revendication, le législateur communautaire africain
permet, à l’instar de son homologue français, au syndic de payer le créancier avant la restitution du
bien mobilier objet de la clause. En effet, l’alinéa 4 de l’article 103 de l’AUPC précise que
« Toutefois, s’agissant de marchandises et d’objets mobiliers consignés au débiteur pour être
vendus ou vendus avec clause de réserve de propriété, il n’y a pas lieu à revendication si, avant la
restitution des marchandises et objets mobiliers, le prix est payé intégralement et immédiatement
par le syndic après autorisation du juge-commissaire ». Dans ce cas, le traitement de faveur dont va
bénéficier le créancier réservataire dépend, en principe, de la réalisation des objectifs du droit des
procédures collectives, et non du créancier lui-même. La protection du créancier est donc quelque
peu influencée par les objectifs du droit des procédures collectives.
1231. Le schéma de protection du créancier réservataire africain étant identique à celui du
réservataire français, nous adopterons la même démarche que celle du précédent chapitre. Ainsi, s'il
faut admettre que la protection du créancier réservataire est assurée par la revendication ou la
restitution (Paragraphe 1), force est de constater que le législateur communautaire africain, en
donnant au syndic la possibilité de faire obstacle à la revendication par le paiement de la créance,
soumet quelque peu cette protection aux besoins l’entreprise en difficulté (Paragraphe 2).
466
1233. À l’instar du législateur français, le législateur communautaire africain a allégé les
conditions de la demande en restitution, tandis que la revendication reste soumise à des conditions
d’exercice rigoureuses. En conséquence, seule la revendication retiendra ici notre attention.
1234. Sans revenir sur le régime de l'action en revendication et sur la protection du créancier
réservataire dans les procédures collectives, la question qui se pose ici est celle de la justification de
la revendication au regard des objectifs du droit OHADA des procédures collectives. À qui profite
réellement la revendication ? Profite-t-elle au créancier réservataire ou est-elle en revanche au
service du débiteur ? La revendication vise-t-elle prioritairement à favoriser la protection du
créancier ou la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives ?
1235. Comme en droit français, les conditions posées pour la revendication peuvent, dans une
certaine mesure, s’analyser comme des pièges posés pour les revendiquants, dans le but de réduire
au maximum les revendications et d'empêcher les remises de biens à leurs véritables propriétaires.
Vue sous cet angle, la revendication serait plutôt une arme au service de l’entreprise en difficulté,
donc du droit des procédures collective (A).
Toutefois, au-delà des conditions strictes qui entourent la revendication, il n’en demeure pas moins
que celle-ci reste néanmoins une mesure essentielle de la protection du créancier réservataire, même
si avec la récente réforme de l’AUPC, l’importance de la revendication pourrait bien être mise à
mal (B).
1236. Les conditions posées pour la revendication peuvent aussi, en droit OHADA, être
perçues comme des freins à la réussite de cette action.
Il convient d’observer que jusqu’à la récente réforme de l’AUPC, le législateur communautaire
africain se démarquait par sa rigueur. En effet, en plus des conditions communes aux deux
législations, le créancier réservataire africain devait se soumettre à d’autres conditions qui
n’existaient plus en droit français. Celles-ci pouvaient alors être perçues comme des obstacles
supplémentaires à la revendication.
Avec la réforme, la situation change. Le législateur OHADA a repris, presqu’à l’identique, le
régime de la revendication du droit français.
1237. Compte tenu du caractère récent de la réforme de l’AUPC, il semble opportun, dans un
premier temps, de rappeler brièvement les obstacles auxquels le créancier réservataire se heurtait
avant cette réforme (1) puis, dans un second temps, nous analyserons la situation après ladite
réforme (2).
467
1- Les obstacles à la revendication sous l’empire de l’ancien AUPC
1238. Avant la réforme, plusieurs conditions étaient posées pour la revendication des
marchandises et objets mobiliers. Cependant, nous étudierons uniquement celles qui n’ont pas
expressément été reprises dans le nouvel AUPC à savoir : la production des créances (a), l’existence
du bien en nature (b) et la publicité de la clause (c).
1239. L'article 101, alinéa 1er, de l'ancien AUPC disposait que « Les actions en revendication
ne peuvent être reprises ou exercées que si le revendiquant a produit et respecté les formes et délais
prévus par les articles 78 à 88 ci-dessus ».
Pour revendiquer, le créancier devait préalablement produire sa créance dans les formes et délais
prévus à cet effet. Le législateur communautaire africain se distinguait ainsi de son homologue
français, puisqu'il soumettait l'exercice ou la reprise des actions en revendication à la production
préalable des créances.
Comme l'ensemble des créanciers munis ou non de sûretés, le créancier réservataire était tenu de
produire pour pouvoir revendiquer. À défaut de production, la revendication ne pouvait avoir lieu.
Le créancier ne pouvait donc rendre son droit de propriété opposable à la masse des créanciers. De
ce fait, la protection du créancier réservataire africain dans les procédures collectives dépendait
aussi de la production de sa créance.
1240. Somme toute, contrairement au législateur français qui exclut le réservataire de
l'obligation de déclarer 1504 , le droit OHADA se démarquait par sa rigueur. L'exigence d’une
production préalable de créance pouvait, en effet, s’analyser comme un des nombreux obstacles un
à la revendication, dans le but de favoriser au maximum les intérêts de l’entreprise débitrice.
1241. Avec la réforme, le législateur communautaire africain a supprimé l’article 101 qui
soumettait les revendiquants aux règles régissant la production des créances. Comme en droit
français, les titulaires d'un droit à la revendication sont désormais dispensés d'avoir à produire leurs
créances.
En plus de la production des créances, il existait une autre condition susceptible de faire obstacle à
la revendication : l'existence du bien en nature.
1242. L'article 103, alinéa 2, de l'ancien AUPC prévoyait que « peuvent être également
revendiqués les marchandises et les objets mobiliers, s'ils se retrouvent en nature, vendus avec une
clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix ». Il en résulte que les
1504
Cf.ns° 760 et s.
468
marchandises ou objets mobiliers sur lesquels le propriétaire entendait faire reconnaître son droit de
propriété devaient exister en nature au jour du jugement d'ouverture. L'interprétation stricte du texte
permet de penser que le législateur africain n'autorisait que la revendication des biens qui existaient
dans leur état d'origine. Cette interprétation est conforme à la théorie générale classique en matière
de revendication des choses mobilières et en vertu de laquelle le bien réclamé doit être celui-là
même sur lequel le vendeur qui revendique avait un droit de propriété1505.
1243. Le problème qui se posait alors était celui de l'identification des marchandises ou objets
mobiliers à revendiquer. Le propriétaire du bien faisant l'objet d'une réserve de propriété devait
parvenir à identifier son bien parmi ceux qui se trouvaient, à l’ouverture de la procédure collective,
entre les mains du débiteur.
La question de l'identification soulevait donc le problème de la revendication des marchandises ou
objets mobiliers dont l'identification peut poser des difficultés en raison de leur transformation, de
leur incorporation ou de leur caractère fongible. En effet, comme l’ancien droit français 1506, l’ancien
AUPC n’envisageait pas l’hypothèse d’une revendication portant sur ce type de bien. Ainsi, le
propriétaire dont le bien avait été transformé, incorporé ou mélangé à d'autres biens de mêmes
espèces perdait, en principe, son droit à la revendication.
1244. Cette limitation de l'assiette de la revendication constituait à n'en point douter un gros
obstacle à la revendication du réservataire africain. Dès lors que les marchandises ou objets
mobiliers ne pouvaient plus êtres identifiés, la revendication devenait impossible. La condition
d'existence du bien en nature exposait donc le créancier réservataire à l'incertitude de la réalisation
de son droit de propriété, cela pouvait être de nature à dissuader les sociétés de financements dont
les entreprises ont besoin1507. Dans le même sens, il a été soutenu que la condition d'existence du
bien en nature « met en exergue le risque de rende hasardeuse la garantie dont bénéficie le vendeur
avec les problèmes qu'elle risque de poser par rapport d'une part, à l'identité entre le bien
revendiqué et le bien vendu et d'autre part, à la transformation ou l'incorporation dans un autre bien
»1508.
En somme, compte tenu de son caractère aléatoire, la condition d’existence du bien en nature
pouvait également s’analyser comme un obstacle à la revendication. La protection du créancier
pouvait, en effet, être mise à mal par la limitation de l'assiette de la revendication. Ainsi, des
1505
A. S. ALGADI, Contrats et droit OHADA des procédures collectives, Étude à la lumière du droit français,
l'Harmattan, 2009, n° 315.
1506
Avant la loi du 10 juin 1994.
1507
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 280.
1508
A. S. ALGADI, Contrats et droit OHADA des procédures collectives, Etude à la lumière du droit français, op. cit.,
n° 315.
469
auteurs1509 avaient émis le souhait d’une adoption de dispositions plus favorables pour le créancier
réservataire.
1245. Le législateur OHADA semble avoir pris en compte le souhait formulé par la doctrine.
L’article 103, alinéa 3, du nouvel AUPC dispose que « Peuvent être également revendiqués les
marchandises et les objets mobiliers faisant l'objet d'une réserve de propriété selon les conditions et
avec les effets prévus par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ». Il en résulte que la
revendication est admise dès lors que la réserve de propriété respecte les conditions prévues par le
droit commun des sûretés. Or, selon les dispositions de l’AUS, il est possible, pour un propriétaire,
de se réserver la propriété des biens fongibles. De même, la revendication des biens incorporés
semble être admise. En effet, l’article 75 de l’AUS précise que « La propriété réservée d'un bien
fongible peut s'exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même espèce et
de même qualité détenus par le débiteur ou pour son compte ». Et l'alinéa 1er, de l'article 76 ajoute
que « L'incorporation d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété à un autre bien ne fait
pas obstacle aux droits du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage
»1510 .
1246. La revendication des biens fongibles et incorporés est donc possible en droit commun
des sûretés. Au regard des dispositions de l’article 103, alinéa 3, de l’AUPC qui renvoient au droit
commun des sûretés, on peut légitimement penser que depuis l’entrée en vigueur du nouvel AUPC,
il est désormais possible de revendiquer des biens fongibles ou incorporés, nonobstant l'ouverture
d'une procédure collective à l'égard du débiteur.
Sous l’empire de l’ancien AUPC, le créancier réservataire devait se soumettre à une autre condition
obligataire : la publicité de la clause.
1247. Selon les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 103 de l’ancien AUPC « Peuvent être
également revendiqués les marchandises et les objets mobiliers, s'ils se retrouvent en nature,
vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix,
lorsque cette clause a été convenue entre les parties dans un écrit et a été régulièrement publiée au
Registre du commerce et du crédit mobilier ». Il en résulte que la publicité de la clause était une
condition préalable et obligatoire. Pour revendiquer, le réservataire devait préalablement publier la
clause de réserve de propriété. La revendication était donc impossible lorsque la clause n'avait pas
été régulièrement publiée.
1509
E. SOUPGUI, « La protection du créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique
OHADA », art. préc., p. 37; M. K. BROU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété
dans les procédures collectives : l'apport du traité OHADA », art. préc., p. 273 et s. sp. p. 312.
1510
C'est par exemple le cas de pneumatiques montés sur des véhicules ; Cass. com., 7 juin 1988, n° 86-18.401; Bull.
civ. IV, n° 193.
470
1248. Cette publicité se faisait conformément aux dispositions des articles 51 à 66 de l’AUS.
Le législateur OHADA se démarquait ainsi de son homologue français. En effet, en droit français,
la publicité n'est plus une condition préalable à la revendication 1511. La publicité est une simple
faculté qui permet au créancier de bénéficier des avantages en cas d'ouverture d'une procédure
collective, et notamment la dispense de revendication1512.
1249. Le choix du législateur communautaire africain avait habillement été critiqué par la
doctrine. En effet, la revendication permet de rendre le droit de propriété du créancier opposable à
la masse. Or, la publicité de la clause n'est rien d'autre que son inscription au RCCM dont le but est
de la rendre opposable à tous1513. La publicité assure l'opposabilité de la réserve propriété aux tiers.
La publicité et la revendication ont donc la même finalité : rendre le droit de propriété du
réservataire opposable à tous. Le créancier réservataire se devait donc d'exécuter deux actions
distinctes, mais dont la finalité est la même.
Un auteur1514 avait ainsi souhaité que le législateur OHADA ou la CCJA consacre la solution du
droit français qui consiste à dispenser le propriétaire d'un bien de faire reconnaître son droit de
propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité.
1250. En définitive, même si la publicité de la clause était avant tout une mesure de protection
du vendeur réservataire 1515 , il n'en demeurait pas moins que cette obligation s’ajoutait aux
nombreuses conditions posées pour la revendication. Ainsi, l’exigence de publicité de la clause
pouvait s’analyser comme un obstacle supplémentaire à la revendication et donc à la protection du
créancier réservataire
1251. Avec la réforme, le législateur communautaire africain s’est ravisé. En effet, l’article
101-3, alinéa 1er, de l’AUPC dispose que « Le propriétaire d'un bien est dispensé de faire
reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité
». Comme en droit français, les propriétaires africains peuvent déroger à l'exigence d'une action en
revendication lorsque le contrat portant sur le bien susceptible d'être revendiqué a été publié.
Désormais, la publicité de la clause devrait dispenser le réservataire de la revendication.
Ainsi, sous réserve de la contradiction entre les articles 101-3, alinéa 1er et 103, alinéa 3 que nous
avons précédemment relevée, l'entrée en vigueur du nouvel AUPC devrait alléger la tâche du
1511
Mais avant la loi du 10 juin 1994, le législateur français n'admettait l'opposabilité du droit de propriété (du crédit-
bailleur par exemple) la procédure collective qu'à la double condition de publicité et d'exercice d'une action en
revendication.
1512
Cette solution a été consacrée en France par l'article 115-1 de la loi du 25 janvier 1985, puis confirmée par la loi du
10 juin 1994.
1513
M. K. BROU, « La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les procédures
collectives : l'apport du traité OHADA », art. préc. p. 309.
1514
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 279.
1515
A. S. ALGADI, Contrats et droit OHADA des procédures collectives, Etude à la lumière du droit français, op. cit.,
n° 311.
471
réservataire qui ne devrait plus se soumettre à la double condition de publicité et de revendication
pour rendre son droit de propriété opposable.
1252. En tout état de cause, l’adoption du nouvel AUPC mets un terme à la rigueur qui
caractérisait le législateur communautaire africain en matière de revendication. Désormais, le
régime de la revendication du droit OHADA est quasiment identique à celui du droit français.
Cependant, la revendication reste encadrée. Aussi, convient-il de voir dans quelle mesure les
conditions posées pour la revendication, dans le nouvel AUPC, peuvent constituer des obstacles
pour la protection du créancier réservataire.
De même qu’en droit français, le principal obstacle à la protection du créancier réside, en droit
communautaire africain, dans l’enfermement de l’action en revendication dans un délai (a).
a- Le délai de revendication
1253. L’article 101 du nouvel AUPC énonce que « Nonobstant les dispositions du présent
Acte uniforme, la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de quatre-vingt-
dix (90) jours suivant la deuxième insertion de la décision d’ouverture de la procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens dans un journal d’annonces légales de l’Etat
partie concerné ». Contrairement à la demande en restitution qui n’est enfermée dans aucun délai,
la créancier qui souhaite rendre son droit de propriété opposable par le moyen de la revendication
est tenu de le faire dans un délai relativement court.
1254. Sous l’empire de l’ancien AUPC, les revendiquants disposaient d’un temps plus long
pour revendiquer. L'article 101, alinéa 2, de l'ancien AUPC prévoyait que « L’action en
revendication doit être exercée, à peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la
publicité du dépôt de l'arrêté des créances ou de la décision de justice admettant les revendications
»1516. Comme en droit français, la durée légale du délai était de trois mois. Cependant, en droit
OHADA, le temps laissé aux créanciers pour revendiquer était plus long. En effet, le délai de
revendication ne commençait pas à courir immédiatement à compter de la publicité du jugement
d'ouverture, mais seulement à partir de la publicité du dépôt de l'arrêté de créances, en sachant que
l'arrêté des créances intervient après la production de celles-ci.
Ainsi, pour que le délai de revendication commence à courir, il fallait que le délai de production des
créances se soit écoulé 1517 . Cette solution était tout à fait logique puisque le législateur
1516
Art. 101, al. 2 de l’ancien AUPC « Les revendications admises par le syndic, le Juge-commissaire ou la juridiction
compétente doivent être exercées, à peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de l'information prévue
par l'article 87 alinéa 3 ci-dessus ou de la décision de justice admettant les revendications ».
1517
Cf. Art. 78 et suivants de l'ancien AUPC.
472
communautaire africain faisait de la production des créances une condition préalable à la
revendication. Le créancier qui n’avait pas produit ne pouvait pas revendiquer.
1255. Avec la réforme, la rédaction de l’article 101 de l’AUPC a été modifiée. En ne
soumettant plus les revendiquants à la production des créances, le temps de revendication se trouve
raccourci. Il commence à courir directement après la deuxième insertion de la décision d’ouverture
de la procédure collective dans un journal d’annonces légales. Sans reprendre à l'identique le délai
de revendication français, le législateur communautaire africain s'aligne néanmoins sur les pas du
législateur français. Les critiques relatives à la brièveté du délai de revendication formulées par la
doctrine française peuvent donc ici être transposées.
Bien que cette solution soit plus logique et plus avantageuse pour le réservataire qui n’est plus tenu
de produire sa créance, le droit OHADA a, sur cette question, avec l’adoption du nouvel AUPC,
perdu son originalité par rapport au droit français.
1256. S’agissant de la nature du délai de revendication, le nouvel AUPC ne donne aucune
précision à ce sujet. Sous l’empire de l’ancien AUPC, l’article 101, alinéa 2, indiquait in fine que
« L'action en revendication doit être exercée, à peine de forclusion, dans un délai de trois mois à
compter de la décision de justice admettant les revendications » 1518 . En tenant compte de la
sanction édictée en cas de défaut de revendication, en l'occurrence la forclusion1519, une partie de la
doctrine avait, en se référant au droit français, considéré qu’il s’agissait d’un délai préfix1520.
Cette solution peut être reprise aujourd’hui, puisque le législateur OHADA a calqué le régime de la
revendication sur celui du droit français. On pourrait donc considérer, qu’à l’instar du droit français,
le délai de revendication en droit OHADA est un délai préfix.
1518
A priori, le texte pouvait sembler incohérent car il faisait courir le délai de revendication à compter de la décision de
justice admettant les revendications. Comment donc agir dans le délai ouvert par l’admission de l’action que l’on veut
exercer ?
Logiquement, il fallait d'abord revendiquer avant que la revendication ne soit admise. Mais en réalité, la formulation du
texte se justifiait au regard de l'exigence de production des créances posée pour les revendiquants d'une part, et de
l'obligation pour le créancier d'indiquer s'il entend exercer son droit de revendication, d'autre part. Après la production
de créance, le créancier devait attendre la réaction du syndic. Si ce dernier ne proposait pas d'empêcher la revendication
par le paiement de la créance, le créancier devait revendiquer dans le délai légal (E. SOUPGUI, « La protection du
créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique OHADA », art. préc., p.36). Avant de
revendiquer, le créancier devait donc savoir si sa créance avait été acceptée ou rejetée. Lorsque la créance avait été
acceptée, s'il était admis à titre de revendiquant, ou de simple créancier chirographaire. Le législateur OHADA avait
tenu compte des éventuelles contestations qui pourraient avoir lieu après la production des créances. (M. K. BROU,
« La protection des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans les procédures collectives : l'apport du
traité OHADA », art. préc., p. 312 ; A. S. ALGADI, Contrats et droit OHADA des procédures collectives, Etude à la
lumière du droit français, op. cit., n° 320. En conséquence, le texte qui pouvait, au premier abord, paraître
incompréhensible est en réalité d'une logique indéniable.
1519
Art. 101, al. 2 de l'ancien AUPC.
1520
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op.cit., n° 278;
J.-R. GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, op. cit., n° 195; A. S. ALGADI, Contrats et
droit OHADA des procédures collectives, Etude à la lumière du droit français, op. cit., n° 320; V. aussi Cass. com., 13
février 1990, n° 88-13.546 ; Bull. civ. IV, n° 41 ; D. 1991, somm. p. 42; Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-19.100 ;
Bull. civ. IV, n° 316.
473
De ce fait, ce délai est insusceptible de relevé de forclusion. Le créancier qui n'a pas revendiqué
dans ce délai est forclos. Il perd ainsi toute possibilité ultérieure de revendiquer et, par conséquent,
de rendre son droit de propriété opposable.
1257. Quoi qu’il en soit, l'enfermement de l'action en revendication dans un bref délai et la
nature préfixe du délai peuvent s’analyser comme des obstacles à la revendication, lesquels
pourraient bien mettre à mal l’effectivité de la protection du créancier réservataire.
1258. Un auteur 1521 voit dans les conditions strictes qui entourent la revendication, la solution
de conciliation des intérêts en présence adoptée par le législateur OHADA. Pour lui, les conditions
de la revendication sont des moyens trouvés par le législateur afin de « limiter le recours
systématique à l'action en revendication dont les effets sont susceptibles de compromettre
gravement la continuation de l'exploitation de l'entreprise redressable ».
Nous partageons quelque peu cette analyse.
À notre avis, les conditions posées pour la revendication sont, comme le soutient une partie de la
doctrine française1522, des obstacles imaginés par le législateur pour disqualifier les revendiquants et
empêcher les reprises des biens. Tout cela pour favoriser au maximum la réalisation des objectifs du
droit des procédures collectives, en l’occurrence le sauvetage des entreprises en difficulté ou
l’apurement du passif.
En conséquence, même si, en théorie, l'objectif du législateur africain n'est pas de piéger les
revendiquants et de réduire les revendications dans le but de limiter les reprises de biens, il faut
convenir, en pratique, que le risque est néanmoins d'aboutir à ce constat. La revendication serait
donc, d'abord, un outil au service l’entreprise en difficulté avant d'être, ensuite, un outil au service
de la protection du vendeur réservataire.
À ce jour, la jurisprudence ne s'étant pas prononcée sur cette question, nous ne pouvons qu’être
prudents dans nos analyses. Cette prudence est d'autant plus requise que même en droit français,
cette solution n'a pas été posée de manière expresse. Il s'agit en effet d'une question qui divise
encore la doctrine française.
1259. En définitive, alors qu’elle a été créée pour assurer l'opposabilité du droit de propriété à
l’égard de tous, la revendication est en réalité un long chemin parsemé d'obstacles. En effet, le
créancier qui souhaite rendre son droit de propriété opposable devra respecter les conditions de la
revendication posées par le législateur. Dans le cas contraire, et sauf dispense, sa protection serait
1521
F. THÉRA, La réforme de l'OHADA et les procédures collectives d'apurement du passif, op. cit., n° 276.
1522
H.-J. NOUGEN, « Réflexions sur le rôle du temps dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaires
des entreprises », Rev. Proc. Coll. 1989, p. 12 ; J. VALLANSAN, « Redressement et liquidation judiciaires, Situation
du vendeur de meubles, Revendications, règles générales », fasc. préc, n° 79.
J.-L. RIVES-LANGE et E. RACHEZ, « L'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 a t-il une vocation universelle ? », D.
1991, Chron., p. 270.
474
remise en cause. La revendication demeure ainsi une mesure essentielle dans la protection du
créancier réservataire.
1260. Au-delà des conditions strictes qui entourent la revendication, celle-ci reste un moyen
qui permet d'assurer efficacement la protection du créancier réservataire1523. La revendication est
donc aussi un outil de protection du créancier réservataire. En effet, dès lors que le créancier a
revendiqué dans les conditions prévues à cet effet, son statut de créancier exclusif est garanti, et sa
protection devient alors effective malgré l'ouverture d'une procédure collective. C’est en tout cas la
solution qui prévalait sous l’empire de l’ancien AUPC.
Avec la réforme, la revendication pourrait perdre son importance.
1261. Conformément aux dispositions de l’article 103, alinéa 3, de l’AUPC, « Peuvent être
revendiqués les marchandises et objets mobiliers faisant l’objet d’une réserve de propriété, selon
les conditions et avec les effets prévus par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ». À
l’analyse des dispositions de ce texte, il ressort que pour revendiquer des biens et objets mobiliers
faisant l’objet d’une réserve de propriété, la clause de réserve de propriété qui les garantit doit
respecter les conditions posées par l’AUS. Or, selon les dispositions de l’article 74 de l’AUS, la
réserve de propriété n’est opposable aux tiers que si celle-ci a été régulièrement publiée au RCCM.
La publicité de la clause est exigée à peine d’opposabilité. Ainsi, en application des dispositions de
l’article 103, alinéa 3 précité, la revendication est soumise à la publication de la clause.
1262. Cependant, le nouvel article 101-3, alinéa 1er, de l’AUPC dispense le propriétaire d’un
bien de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l’objet
d’une publicité. Il en résulte une contradiction entre les deux articles de l’AUPC. Logiquement,
le créancier réservataire devant obligatoirement publier sa clause, il devrait bénéficier de la dispense
de revendication édictée par l’article 101-3, alinéa 1er précité. De ce fait, la protection du créancier
réservataire, en cas d’ouverture d’une procédure collective, ne serait plus garantit par la
revendication mais par la publicité de la clause. La revendication pourrait, du moins pour le
créancier réservataire, perdre toute son importance en droit OHADA.
1263. Toutefois, on peut aussi considérer que la contradiction entre les articles ci-dessus cités
n’est qu’une maladresse législative, une erreur de coordination entre le droit commun des sûretés et
le droit des procédures collectives. Ainsi, à l’instar du droit français, la publicité de la clause ne
serait pas obligatoire. De ce fait, lorsque la clause de réserve de propriété n’a pas été publiée, le
1523
E. SOUPGUI, « La protection du créancier réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace juridique
OHADA », art. préc., pp. 34 et 36
475
créancier devrait, sur la base des dispositions de l’article 103, alinéa 3, pouvoir revendiquer ses
marchandises et objets mobiliers. En revanche, en application des dispositions de l’article 101-3,
alinéa 1er, la publicité de la clause le dispenserait de revendication.
1264. Quoi qu’il en soit, à ce jour le débat reste ouvert. Il revient donc au législateur ou à la
jurisprudence d’apporter des éclaircissements sur cette question.
Pour finir, s’il est vrai que l’analyse des articles 101-3, alinéa 1er et 103, alinéa 3 de l’AUPC révèle
une certaine contradiction, on ne saurait néanmoins conclure que la revendication n’est plus une
mesure essentielle pour la protection du créancier réservataire africain.
1265. Le doute existe d’autant plus que l’alinéa 4 de l’article 103 de l’AUPC permet au syndic,
sur autorisation du juge-commissaire, de procéder au paiement du créancier réservataire pour faire
empêcher la revendication. Dans cette situation, la protection du créancier n’est plus assurée par la
revendication qui se trouve alors neutralisée. Cette protection est en revanche exceptionnellement
influencée par les objectifs du droit des procédures collectives.
1267. L'article 103, alinéa 4, de l'AUPC dispose que « Toutefois, s'agissant de marchandises
et d'objets mobiliers consignés au débiteur pour être vendus ou vendus avec clause de réserve de
propriété, il n'y a pas lieu à revendication si, avant la restitution des marchandises et objets
mobiliers, le prix est payé intégralement et immédiatement par le syndic après autorisation du juge-
commissaire ». Comme en droit français, le législateur OHADA consacre la possibilité pour le
syndic de faire échec à la revendication. Ainsi, le créancier n’aura pas à revendiquer lorsque, sur
autorisation du juge-commissaire, le syndic procède au paiement de sa créance, avant la restitution
du bien mobilier ou des marchandises objet de la clause. Il convient à présent de rechercher une
justification à cette solution.
1268. Si, comme son homologue français, le législateur communautaire africain consacre la
possibilité de faire obstacle à la revendication, ce dernier ne donne, aussi, aucune précision quant
aux conditions dans lesquelles intervient le paiement exceptionnel du créancier. La doctrine, quant à
476
elle, considère la paralysie de la revendication par le syndic comme un moyen de préserver les
chances de redressement de l'entreprise1524 ou de favoriser la continuation de l'entreprise1525.
1269. Dans le silence des textes, et par analogie avec le droit français, nous pensons que le
paiement du créancier réservataire ne devrait être autorisé que si le bien objet de la clause se révèle
utile à l’entreprise en difficulté ou du moins à la masse des créanciers. Le paiement du créancier
devrait donc être justifié soit par la poursuite de l'activité du débiteur, soit par les besoins de
l'entreprise défaillante. Ainsi, dans l'hypothèse d'une liquidation des biens, le paiement du créancier
et, par conséquent, la conservation du bien par le débiteur devraient favoriser l’apurement du passif.
Pour cela, il faudrait que le bien soit d'une valeur suffisamment élevée de sorte que sa vente puisse
procurer des fonds nécessaires à l'entreprise défaillante.
1270. Somme toute, contrairement à l'idée précédemment développée, selon laquelle la
revendication assure la protection du créancier réservataire, dans cette dernière hypothèse, la
protection du créancier n'est pas subordonnée à la revendication. Elle est, en revanche, justifiée par
les besoins de l'entreprise en difficulté. En effet, le créancier réservataire ne reçoit le paiement de sa
créance que parce que le bien dont il est resté le propriétaire se révèle utile au débiteur. Ainsi, sur
autorisation du juge-commissaire, le syndic va procéder au paiement du créancier réservataire, dans
le but de favoriser la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives.
1271. En définitive, bien que la protection du créancier réservataire dépende de l’exercice de
l’action en revendication ou de la publicité de la clause, quelques éléments permettent néanmoins
d’atténuer cette affirmation. En effet, les conditions strictes qui entourent l’action en revendication,
d’une part, et la mise en échec de la revendication par le syndic sur autorisation du juge-
commissaire, d’autre part, permettent de considérer qu’à l’instar du droit français, la protection du
créancier réservataire africain est, à certains égards, quelque peu influencée par les objectifs du droit
des procédures collectives.
Conclusion du chapitre
1272. L’étude menée dans ce chapitre révèle que parmi les trois suretés réelles exclusives
faisant l'objet de notre recherche, seules la protection du créancier réservataire et, dans une moindre
mesure, celle du créancier rétenteur peuvent être influencées par les objectifs du droit OHADA des
procédures collectives.
S’agissant du créancier réservataire, les conditions strictes qui entourent l'action en revendication,
d'une part, et surtout la possibilité pour le syndic de faire obstacle à la revendication, d'autre part,
sont des éléments qui permettent d'étayer cette thèse. Pour favoriser la réalisation des objectifs du
droit des procédures collectives, et notamment le sauvetage des entreprises défaillantes, le
1524
A. MINKOA SHE, Droit des sûretés et des garanties du crédit dans l'espace OHADA, op. cit., n° 807.
1525
Y. KALIEU ELONGO, Droit et pratique des sûretés réelles OHADA, op. cit., p. 196.
477
législateur communautaire africain a quelque peu limité l'efficacité de la clause de la clause de
réserve de propriété et, de ce fait, la protection du créancier réservataire.
En ce qui concerne le créancier rétenteur, sa protection est partiellement subordonnée aux besoins
de l’entreprise en difficulté. En effet, cette hypothèse ne se vérifie que dans la procédure de
liquidation des biens. Dans les autres cas, l’efficacité du droit de rétention et, partant, la protection
du créancier rétenteur est admise au risque même de compromettre le sauvetage de l’entreprise.
Enfin, compte tenu de l’absence de réglementation relative au transfert fiduciaire dans l’AUPC, on
ne peut à ce jour se prononcer sur l’impact des objectifs du droit des procédures collectives sur la
protection du créancier bénéficiaire d’une telle sûreté.
1273. Ainsi, contrairement au droit français où la protection des créanciers munis de sûretés
réelles exclusives est à bien des égards influencée par les objectifs du droit des procédures
collectives, en droit OHADA, le constat est différent, tant l'influence des objectifs du droit des
procédures collectives sur la protection de ces créanciers est minime.
Conclusion du titre
1274. L’examen de l’influence des objectifs du droit des procédures collectives sur la
protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives nous amène à constater que cette
protection n’est pas sans limite.
En droit français particulièrement, l’effectivité de cette protection est dans une certaine mesure
subordonnée à la réalisation des objectifs du droit des procédures collectives. Dans le but de
favoriser le sauvetage des entreprises, le législateur fait varier la protection de certains créanciers en
fonction du sauvetage de l’entreprise. Cette situation se vérifie en présence du titulaire d’un droit de
rétention fictif et du bénéficiaire d’une fiducie-sûreté. Pour ces créanciers, les effets de leurs sûretés
seront neutralisés tant qu’il existe encore des possibilités de sauver l’entreprise. Au contraire, elles
retrouvent la plénitude de leurs effets dans les procédures liquidatives. Il en résulte une protection
relativement influencée par les objectifs du droit des procédures collectives. Par ailleurs, même si
les effets du droit de rétention effectif et ceux de la réserve de propriété ne sont à aucun moment
neutralisés dans certaines situations, on peut considérer que l’effectivité de la protection des
créanciers est légèrement influencée par les enjeux de la procédure collective.
1275. En droit OHADA, la situation est tout autre. Dans la mesure où le législateur
communautaire africain ne paralyse à aucun moment les effets des sûretés réelles exclusives,
l’impact des objectifs du droit OHADA des procédures collectives sur la protection des créanciers
munis de sûretés réelles est donc bien plus faible que celui du droit français.
478
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
1276. L’étude que nous avons menée dans cette seconde partie a permis de montrer que
l’effectivité de la protection des sûretés réelles exclusives est largement dépendant des exigences
des procédures collectives. En effet, le jugement d’ouverture entraîne l’application des règles qui
influent sur l’existence même des sûretés. Cette fois, les sûretés réelles exclusives n’y échappent
pas. Pour exister, elles doivent respecter les conditions imposées par la procédure collective. Celles-
ci tiennent, d’une part, à leur reconnaissance fondée sur la déclaration de créance et, pour les sûretés
soumises aux formalités de publicité, à l’inscription préalablement au jugement d’ouverture.
L’existence des sûretés tient, d’autre part, à leur absence de remise en cause fondée sur les sanctions
de la période suspecte et l’engagement de la responsabilité des créanciers.
1277. Par ailleurs, les objectifs poursuivis par le droit des procédures collectives ne sont sans
conséquence sur la protection de ces sûretés. L’illustration est faite par le législateur français
lorsque, à bien des égards, il fait dépendre l’effectivité de cette protection à la réalisation des
objectifs du droit des procédures collectives.
479
CONCLUSION GÉNÉRALE
1278. Au terme de cette étude, nous pouvons affirmer que la protection des sûretés réelles
exclusives dans les procédures collectives est une réalité. Pour autant, elles n’échappent pas aux
exigences desdites procédures.
1279. Dans la première partie, nous avons vu que cette protection se manifeste à travers deux
séries de règles.
Les sûretés réelles exclusives sont d’abord à l’abri des règles dont la mise en œuvre est susceptible
d’altérer l’assiette des sûretés, en l’occurrence l’affectation d’une quote-part du prix de cession et la
substitution de garantie.
1280. Le droit des procédures collectives a, en effet, pour objectif prioritaire le sauvetage des
entreprises en difficulté qui passe notamment par la poursuite de l’activité. Aussi, pour favoriser la
réalisation de cet objectif, il peut être décidé de réaliser les actifs du débiteur dans le cadre d’une
cession. Pour préserver les droits des titulaires des sûretés, le législateur prévoit qu’une quote-part
du prix de cession sera affectée pour l’exercice des droits de préférence. Cette mesure, pourtant
créée pour protéger les droits des créanciers peut, compte tenu de la modicité habituelle des prix de
cession, considérablement réduire l’assiette de leurs sûretés. Toutefois, n’entrant pas dans le
domaine de la règle, les sûretés réelles exclusives ne courent pas le risque d’une réduction de leur
assiette. Ainsi, même dans l’hypothèse d’une cession des biens grevés de telles sûretés, leurs
titulaires vont bénéficier d’un traitement dérogatoire favorable. C’est du moins la solution admise
en droit français. En outre, dans le but d’assurer une trésorerie à l’entreprise défaillante, le
législateur prévoit qu’une substitution de garantie puisse être imposée aux créanciers munis de
sûretés réelles. Là encore, les sûretés réelles exclusives en sont épargnées. L’exclusivité va donc
permettre la préservation de l’identité de leur assiette.
1281. Les sûretés réelles exclusives ne sont pas seulement préservées contre toute altération
de leur assiette, leur protection se manifeste également au regard de certaines règles traditionnelles
du droit des procédures collectives. Il s’agit notamment de celles qui ont pour effet de paralyser les
droits des créanciers, à savoir l’arrêt des poursuites individuelles et son corollaire l’interdiction des
paiements des créances. Ces règles fondamentales de la discipline collective privent les créanciers
de leur droit de poursuite et de leur droit au paiement.
En dépit de leur portée très générale, ces règles se trouvent limitées en présence de créanciers munis
de sûretés réelles exclusives, et cela, dans les deux législations. Les législateurs français et OHADA
ont, en effet, prévu des moyens permettant aux créanciers munis de telles sûretés d’échapper à
chacune de ces règles.
480
1282. Face à l’arrêt des poursuites individuelles, les prérogatives conférées par les sûretés
réelles exclusives, en l’occurrence le droit de retenir le bien et le droit de revendiquer assurent la
protection des créanciers. Face à l’interdiction des paiements, les créanciers munis de sûretés réelles
exclusives disposent, chacun, des moyens qui leur permettent d’obtenir un paiement en espèces ou
parfois en nature, nonobstant l’interdiction touchant le débiteur. Bien plus, le paiement des
créanciers se fera, en principe, en dehors de tout concours.
Les sûretés réelles exclusives échappent ainsi à certaines règles de la discipline collective. Et les
droits des créanciers sont maintenus.
1283. Cependant, bien qu’effective, la protection des sûretés réelles exclusives ne met pas
celles-ci en dehors de la procédure collective. En d’autres termes, ces sûretés là n’échappent pas
aux exigences des procédures collectives. C’est ce que nous avons démontré dans la seconde partie
de cette étude.
Le jugement d’ouverture d’une procédure collective entraîne la mise en œuvre de règles spéciales
dont certains régissent l’existence des sûretés. Pour exister et produire des effets dans le cadre de la
procédure collective, la sûreté doit être valablement constituée et également opposable à la
procédure. Les sûretés réelles exclusives n’échappent pas à ces exigences et leur protection dans les
procédures collectives est donc subordonnée à leur reconnaissance, d’une part, et absence de remise
en cause, d’autre part.
1284. La reconnaissance des sûretés dans les procédures collectives passe traditionnellement
par la déclaration ou la production des créances et par leur inscription. Les créanciers munis de
sûretés réelles exclusives, pour la plupart, n’échappent pas à ces règles dont le non-respect est
sanctionné par l’inopposabilité de la sûreté, laquelle est toutefois difficile de déterminer les effets
compte tenu de la nature exclusive de la sûreté.
1285. Si les conséquences de l’inopposabilité des sûretés réelles exclusives sont incertaines,
ces sûretés peuvent tout de même être remises en cause du fait des sanctions de la période suspecte
ou encore de l’engagement de la responsabilité des créanciers. En effet, les sûretés réelles
exclusives n’échappent pas au régime de la période suspecte. Ainsi, en droit français notamment,
elles peuvent être annulées du fait de leur constitution en période suspecte. En outre, l’engagement
de la responsabilité des créanciers au cours de la procédure collective peut avoir une incidence sur
l’existence de leurs sûretés, y compris celles qui sont exclusives, en ce qu’elles peuvent être
réduites, annulées ou encore frappées par la déchéance.
1286. Pour finir, nous nous sommes interrogés sur les conséquences de la protection des
sûretés réelles exclusives au regard des objectifs du droit des procédures collectives. Nous avons
donc vu que la protection de ces sûretés, et par voie de conséquence, celle des créanciers, est
481
quelque fois subordonnée aux objectifs du droit des procédures collectives. Le degré de
subordination varie cependant selon que l’on se situe en droit français ou en droit OHADA.
1287. En droit français, cette protection est relativement subordonnée à la réalisation des
objectifs du droit des procédures collectives. Si, de prime abord, cette affirmation ne semble
concerner que le créancier rétenteur fictif et le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté, et cela, en raison de
la neutralisation des effets de leur sûreté dans les procédures de sauvetage, elle est aussi valable
pour le titulaire d’un droit de rétention effectif et, dans une moindre mesure, pour le créancier
réservataire.
En droit OHADA, les objectifs du droit des procédures collectives n’influencent que faiblement la
protection de certains créanciers munis de sûretés réelles exclusives. C’est notamment le cas pour le
créancier réservataire et le créancier rétenteur.
1288. En somme, les sûretés réelles exclusives peuvent effectivement être considérées comme
protégées, sous réserves des exigences des procédures collectives. Il ressort cependant de manière
générale que cette protection n’est pas uniforme. Elle varie en fonction de la sûreté dont est titulaire
le créancier, d’une part, et selon la législation applicable, d’autre part.
1289. En droit français, on a pu remarquer, s’agissant du droit de rétention, que la protection
est beaucoup plus sûre lorsqu’il s’agit d’un droit de rétention effectif. En effet, dès lors que le bien
retenu se révèle efficace pour l’entreprise défaillante, le créancier peut, à toute phase de la
procédure, opposer son droit de rétention au débiteur, au cessionnaire, ou aux organes de la
procédure. En revanche, la situation est différente lorsqu’il s’agit d’un droit de rétention fictif.
Dans ce cas de figure, il faut encore distinguer selon qu’il résulte d’une disposition spéciale ou de
l’article 2286, 4° du Code civil. Lorsque le droit de rétention résulte d’une disposition spéciale
(c’est le cas du gagiste sur véhicule automobile), a priori, le créancier devrait bénéficier du même
traitement que celui réservé au titulaire d’un droit de rétention effectif.
Cependant, compte tenu de la nature fictive de ce droit, des interrogations subsistent quant à la
possibilité pour le créancier de se prévaloir efficacement de la technique du retrait contre paiement.
Mais la protection du droit de rétention fictif est surtout incertaine lorsque ce droit résulte du 4° de
l’article 2286 du Code civil. Dans ce cas, le législateur a limité ses effets puisqu’il est inopposable
pendant les procédures de sauvetage. Par ailleurs, même lorsque l’inopposabilité ne joue plus, en
l’occurrence dans l’hypothèse d’un plan de cession ou en liquidation judiciaire, l’absence d’un
pouvoir de blocage attaché à ce droit de rétention permet de douter de la réalité de sa protection.
1290. En ce qui concerne les propriétés-sûretés, il existe là encore des différences de régime
selon qu’il s’agit d’une réserve de propriété ou d’un transfert fiduciaire de propriété.
S’agissant de la réserve de propriété, il n’existe pas de différence entre les créanciers réservataires.
De plus, la protection résultant du bénéfice d’une réserve de propriété est admise dans toutes les
482
procédures collectives. Le créancier réservataire peut, en effet, revendiquer dans toutes les phases
de la procédure collective, sous réserve du cas où le bien serait utile à l’entreprise.
Quant à la fiducie-sûreté, comme pour le droit de rétention, la protection varie non seulement en
fonction de la procédure collective ouverte à l’égard du débiteur, mais aussi selon que la fiducie-
sureté est constituée avec ou sans convention de mise à disposition. Lorsque la fiducie est assortie
d’une telle convention, ses effets sont neutralisés pendant toutes les périodes d’observation et
d’exécution des plans de sauvegarde ou de redressement. Au contraire, la sûreté est pleinement
efficace dans l’hypothèse où un plan de cession est envisagé ou encore dans le cadre de la
liquidation judiciaire. Il en résulte une protection variable de la fiducie-sûreté sans dépossession.
Lorsqu’il s’agit, en revanche, d’une fiducie-sûreté avec dépossession du débiteur, celle-ci demeure
efficace dans toutes les phases de la procédure collective. La protection de cette sûreté devrait ainsi
être admise, peu important que le débiteur fasse ou non l’objet d’une procédure de sauvetage.
1291. En droit OHADA, toutes ces subtilités n’existent pas.
D’abord, s’agissant du droit de rétention, le législateur communautaire africain, contrairement à son
homologue français, ne confère pas un droit de rétention fictif au titulaire d’un gage sans
dépossession. Il en résulte une protection du droit de rétention admise dans toutes les procédures
collectives.
Ensuite, comme en droit français, l’efficacité de la réserve de propriété est reconnue en cas
d’ouverture d’une procédure collective. Ainsi, sous réserve de l’exercice d’une action en
revendication régulière, la protection du créancier réservataire est bien réelle, quelle que soit la
nature de la procédure collective.
Enfin, dans l’AUPC, il n’existe à ce jour aucune disposition relative au transfert fiduciaire de
somme d’argent. Toutefois, compte tenu de la particularité de cette sûreté qui repose sur un transfert
de propriété, elle devrait être protégée contre les effets de la procédure collective. Les sommes
données en garanties étant sorties du patrimoine du débiteur, elles devraient échapper au gage
commun des créanciers. La fiducie devrait ainsi pouvoir être réalisée en dehors de la procédure
collective du débiteur. En tout état de cause, il reste au législateur communautaire africain ou à la
CCJA à apporter des précisions sur cette question.
Ainsi donc, l’examen de l’état de la protection des sûretés réelles exclusives dans les procédures
collectives n’est pas aisé. La diversité des solutions à prendre en compte en révèle la complexité.
1292. Par ailleurs, cette étude met en lumière certaines incohérences du droit français des
procédures collectives. Sur le droit de rétention, deux questions se posent. Quel est finalement
l’intérêt du droit de rétention fictif résultant de l’article 2286,4° du Code civil, sa protection étant
incertaine même dans les procédures liquidatives ? Quant au droit de rétention effectif, l’efficacité
qu’on lui reconnaît n’est-elle pas susceptible de faire obstacle au sauvetage des entreprises tant prisé
483
par le législateur ? Ce serait notamment le cas lorsqu’au cours d’une procédure de sauvetage, le
bien retenu se révèle utile pour la poursuite de l’activité, mais que le débiteur ne dispose pas de
fonds suffisants pour désintéresser le créancier.
Quant aux propriétés-sûretés, comment comprendre que l’efficacité de la réserve de propriété qui en
assure la protection, est admise dans toutes les procédures collectives, alors que certaines fiducies-
suretés voient leurs effets neutralisés lorsque le sauvetage de l’entreprise est encore envisageable ?
Doit-on finalement admettre que la fiducie-sûreté ne confère pas un véritable droit de propriété au
fiduciaire dans la mesure où celui-ci n’est que temporaire ? En outre, comme pour le droit de
rétention effectif, l’efficacité de la réserve de propriété ne ruine-t-elle pas les chances de sauvetage
de l’entreprise lorsque le débiteur n’a pas les fonds nécessaires au paiement du créancier ?
1293. Ces différentes questions amènent à s’interroger sur l’avenir des sûretés réelles
exclusives dans les procédures collectives.
En droit français, un auteur 1526 suggère, pour le droit rétention effectif, une limitation de son
efficacité, voire une suppression de ce droit. Une suppression nous semble peu envisageable car ce
serait remettre en cause une partie du droit des garanties. La suppression priverait par ailleurs les
créanciers d’une garantie efficace. Pour ce qui est du droit de rétention fictif résultant de l’article
2286,4° du Code civil, nous suggèrerions volontiers sa suppression, mais elle réduirait évidemment
l’attractivité des gages sans dépossession. Une autre solution, avantageuse pour les créanciers, serait
d’aligner le régime de ce droit sur celui des droits de rétentions fictifs spéciaux.
À propos des propriétés-sûretés, une solution serait de leur appliquer un traitement homogène.
Ainsi, pour concilier les différents intérêts, on pourrait par exemple aligner le sort de la réserve de
propriété sur celui de la fiducie-sûreté sans dépossession.
En droit OHADA, hormis le cas de la réserve de propriété, c’est plutôt l’absence d’une
réglementation relative au traitement des sûretés réelles exclusives dans les procédures collectives
qui doit être palliée. Nous regrettons ainsi que le législateur communautaire africain n’ait pas saisi
l’opportunité de la réforme de l’AUPC intervenue en septembre 2015, pour apporter plus de
précisions.
1294. Pour finir, s’il nous fallait choisir parmi les sûretés réelles exclusives la mieux protégée
dans le contexte d’une procédure collective, notre préférence irait au droit de rétention effectif.
En effet, au-delà même de son efficacité, il ne demande aucune action de la part du créancier.
Ce dernier doit simplement se contenter de retenir le bien. Le bémol ici est que le paiement du
créancier rétenteur est subordonné à l’utilité du bien. Ainsi, lorsque le bien n’est pas utile à
l’entreprise, le droit de rétention, bien qu’efficace, laisse le créancier dans une position d’attente.
1526
D. LEGEAIS, « Quel avenir pour le droit de rétention ? », art. préc.
484
On aurait également pu choisir la clause de réserve de propriété, et cela, d’autant plus que l'action
en revendication est admise dans toutes les procédures collectives. Toutefois, les conditions strictes
qui encadrent cette action peuvent quelques fois limiter la protection qui résulte de cette sûreté.
1295. Tout bien considéré, même si la protection des sûretés réelles exclusives est effective, il
n’en demeure pas moins que dans le combat qui oppose ces sûretés là aux procédures collectives, la
victoire penche du coté des dernières, surtout lorsque le sauvetage de l’entreprise est encore
possible.
Ainsi, comme les sûretés réelles préférentielles qui, sous l'empire des législations antérieures à la loi
de 1985, bénéficiaient d’un régime de faveur en cas d’ouverture d’une procédure collective, il est à
craindre que l'objectif de sauvetage des entreprises finisse par avoir gain de cause sur les sûretés
réelles exclusives. Mais nous n’y sommes pas, pour l’heure, les sûretés réelles exclusives ont encore
de beaux jours à l’horizon.
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D. 2006, p. 2100 ; Cass. com., 21 février 2006, n° 04-19.672, D. 2006, AJ, p. 718 ; Cass. com., 11
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513
décembre 2009, n° 08-13.187, D. 2010, AJ, p. 12 ; Cass. com., 10 mai 2012, n° 11-17.626, D. 2012.
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Note sous: Cass. com., 16 juin 2009, n° 08-15.753, D. 2009, AJ. p. 1752 ; Cass. com., 26 mai
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2462.
LUCAS (A.) et LUCAS (F.-X.)
Note sous: Cass. com., 19 novembre 2003, n° 01-10.137, D. 2004, comm. p. 801.
LUCAS (F.-X.)
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Note sous: Cass. com., 6 octobre 2009, n° 08-15.048, D. 2010. Pan. p. 1822.
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Présentation des Institutions de l’OHDA
Le but de l’OHADA était de doter les Etats membres d’un droit des affaires harmonisé et
uniformisé, adapté à leurs réalités économiques et juridiques en vue de renforcer la sécurité
juridique et judiciaire des Etats membres, d’une part, et d’attirer éventuellement des investisseurs
internationaux, d’autre part. Le droit de l’OHADA est ainsi utilisé pour propulser le développement
économique et créer un vaste marché intégré afin de faire de l’Afrique un pôle de
développement1527.
Pour réaliser ses objectifs, l’OHADA s’est dotée de plusieurs institutions, à savoir :
- Un Conseil des ministres composé des ministres en charge de la Justice et des Finances de
chaque Etat membre. La présidence du Conseil des ministres est exercée à tour de rôle et par ordre
alphabétique, pour une durée d’un an, par chaque Etat membre. Le Conseil des ministres se réunit
au moins une fois par an sur convocation de son président, à l’initiative de celui-ci ou du tiers des
Etats membres. Il ne peut valablement délibérer que si au moins les deux tiers des Etats membres
sont représentés.
- Une Conférence des chefs d’Etat et des gouvernements. Comme son nom l’indique, elle
est composée des chefs d’Etat et des gouvernements des Etats membres. Elle est présidée par le
chef de l’Etat ou du gouvernement dont le pays assure la présidence du Conseil des ministres. Elle
se réunit, si besoin est, sur convocation de son président, à son initiative ou à celle du tiers des Etats
parties. Elle statue sur toute question relative au traité et ne délibère valablement que si les deux
tiers des Etats parties ont été représentés. Ses décisions sont prises par consensus ou, à défaut, à la
majorité absolue des Etats présents.
- Un Secrétariat permanent. C’est l’organe exécutif de l’OHADA. Il est dirigé par un
Secrétaire permanent qui assiste le Conseil des ministres et qui est nommé par ce dernier pour un
mandat de quatre ans renouvelable une fois. Le Secrétariat permanent a pour mission de coordonner
la préparation et le suivi de la procédure relative à l'adoption des Actes uniformes. Ainsi, il est tenu
de communiquer les projets d’Actes uniformes aux Etas membres puis de les publier au journal
officiel de l’OHADA dans les soixante jours qui suivent leur adoption.
- Une Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA). Clé de voûte de la réglementation
de l’OHADA, c’est l’organe juridictionnel. Cette Cour est composée de treize juges depuis le
recrutement de quatre juges supplémentaires en décembre 2014. Elle assure l’interprétation et
l’application commune du traité OHADA, des règlements pris pour son application et des Actes
uniformes. La CCJA se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats
1527
Ohada.com, « À propos de l’OHADA ».
517
membres dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application Actes uniformes et
des règlements pris pour leur application, à l’exception des décisions appliquant des sanctions
pénales. Elle est également compétente pour des décisions non-susceptibles d’appel rendues par les
Etats membres. Enfin, en cas de cassation, elle statue sur le fond.
- Une Ecole régionale de la magistrature (ERSUMA) dont le but est d’assurer la formation
et le perfectionnement en droit des affaires des magistrats et auxiliaires de justice des Etats
membres. Elle constitue également un centre de recherche et de documentation juridique.
L’établissement est rattaché au Secrétariat permanent.
518
INDEX ALPHABÉTIQUE
(Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphes)
A F
Biens fongibles,
- définition 303, 304 I
- revendication 305 et s.
Identité de l’assiette des sûretés, 78, 167 et s.
Inscriptions des sûretés, 614, 712, 846
C
Interdiction des inscriptions, 708 et s.
D
M
Déclaration ou production des créances, 573 et s
Discipline collective, 63, 73, 75, 231, 233, 386, 446 Masse des créanciers ( définition) , 446 et s.
E
O
EIRL, 28, 710
OHADA, 13, 14, 15, 16, 17, 18
Entreprise ( la notion), 1,2, 3
Étendue de l’assiette des sûretés, 78, 79 et s.
Exclusivité (définition), 50
519
Retour contre paiement, 521 et s.
Retrait contre paiement, 410 et s.
S
R
Sauvegarde, 66
RCCM, 629, 783 Substitution de garanties, 79, 84, 98, 99, 100, 101, 104
Redressement judiciaire (et simplifié), 68 Sûretés réelles, 5,6, 7, 8,
Règlement préventif, 67 - la classification des sûretés, 9,10, 11
Relevé de forclusion, 636, 637 et s. - évoulution du droit des sûretés, 37 et s.
Report du droit de rétention sur le prix, 435 et s.
Réserve de propriété, 56 V
Responsabilité, 919 et s.
Restitution (du bien), 491 et s. Vente de biens grevés, 168, 403, 1017
520
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE ........................................................................................................................................................................................... 5
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................................................... 7
LISTES DES ABRÉVIATIONS ............................................................................................................................................................. 8
INTRODUCTION ................................................................................................................................................................................ 11
I- Présentation de l’OHADA ........................................................................................................................... 14
II- L’évolution législative du droit des procédures collectives ........................................................................ 16
III- L’évolution législative du droit des sûretés ............................................................................................... 22
IV- Confrontation entre le droit des procédures collectives et le droit des sûretés.......................................... 24
* La réserve de propriété ................................................................................................................................. 32
* La fiducie-sûreté ........................................................................................................................................... 33
* Le droit de rétention...................................................................................................................................... 34
PREMIÈRE PARTIE : UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES EFFECTIVE DANS LES
PROCÉDURES COLLECTIVES...................................................................................................................................................... 41
TITRE 1/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES PAR LA PRÉSERVATION DE LEUR ASSIETTE
.............................................................................................................................................................................................................. 43
CHAPITRE 1/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES PAR LA PRÉSERVATION DE L’ÉTENDUE DE
LEUR ASSIETTE ................................................................................................................................................................................. 44
Section 1/ Les fondements de la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés réelles exclusives .......... 46
Paragraphe 1/ Les fondement de la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés en droit français ....... 46
A- Les fondements communs à toutes les sûretés réelles exclusives .............................................................. 46
1- Le domaine de la règle de l'affectation d'une quote-part du prix de cession ............................................... 46
2- La finalité de la règle de l'affectation de la quote-part du prix de cession .................................................. 47
B- Les fondements spécifiques à chacune des sûretés ..................................................................................... 48
1- La préservation de l’étendue de l'assiette du droit de rétention ................................................................... 48
a- Les fondements relatifs au droit de rétention............................................................................................... 49
a-1) Le fondement jurisprudentiel ................................................................................................................... 49
a- 2) Le fondement législatif ............................................................................................................................ 51
b- La problématique soulevée par le gage ....................................................................................................... 52
2- Les fondements spécifiques aux propriétés-sûretés..................................................................................... 56
a- La préservation de l’étendue de l’assiette de la réserve de propriété .......................................................... 56
b- La préservation de l’étendue de l'assiette de la fiducie-sûreté..................................................................... 58
Paragraphe 2/ Les fondements de la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés en droit ohada ......... 59
A- Les fondements communs à toutes les sûretés réelles exclusives .............................................................. 61
B- Les fondements spécifiques à chacune des sûretés ..................................................................................... 62
1- La préservation de l’étendue de l'assiette du droit de rétention ................................................................... 62
2- La préservation de l’étendue de l'assiette des propriétés-sûretés................................................................. 63
Section 2/ Les effets de la préservation de l’étendue de l’assiette des sûretés réelles exclusives. .................. 64
Paragraphe 1/ L'absence de réduction de l’assiette des sûretés réelles exclusives .......................................... 64
A- La situation en droit français ...................................................................................................................... 65
521
B- La situation en droit OHADA ..................................................................................................................... 67
Paragraphe 2/ Le traitement de faveur des créanciers munis de sûretés réelles exclusives en cas de cession . 69
A- Le traitement de faveur des créanciers munis de sûretés réelles exclusives en droit français .................... 69
1- La situation du créancier rétenteur face au plan de cession......................................................................... 69
2- La situation des créanciers propriétaires face au plan de cession ................................................................ 70
a- La situation du créancier réservataire face au plan de cession .................................................................... 70
b- La situation du bénéficiaire de la fiducie-sûreté face au plan de cession .................................................... 71
B- Quel traitement pour les créanciers munis de sûretés réelles exclusives en droit OHADA ? .................... 72
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................... 73
CHAPITRE 2/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES PAR LA PRÉSERVATION DE L’IDENTITÉ DE
LEUR ASSIETTE ................................................................................................................................................................................. 74
Section 1/ Les fondements de l’exclusion des sûretés réelles exclusives du domaine de la substitution de
garantie ............................................................................................................................................................ 76
Paragraphe 1/ L'exclusion progressive du droit de rétention ........................................................................... 77
A- Une exclusion amorcée par la doctrine ....................................................................................................... 78
B- Une exclusion consacrée par la jurisprudence ............................................................................................ 84
C- Une exclusion partiellement perturbée par la loi ........................................................................................ 89
Paragraphe 2/ L’exclusion constant des propriété-sûretés ............................................................................... 91
A- La propriété des biens : un fondement tiré de la logique juridique ............................................................ 91
B- Le retour des actifs fiduciaires contre le paiement du créancier : une possible justification législative à
l'exclusion de la fiducie-sûreté......................................................................................................................... 92
Section 2/ Les effets de l’exclusion des sûretés réelles exclusives du domaine de la substitution de garantie 94
Paragraphe 1/ L’exclusion des sûretés réelles exclusives : une limite aux effets de la substitution de garantie
......................................................................................................................................................................... 95
A- Les effets de la substitution de garantie...................................................................................................... 95
B- Le maintien de l’assiette des sûretés réelles exclusives .............................................................................. 96
Paragraphe 2/ L’exclusion des sûretés réelles exclusives : une limite à l’autorité de la substitution de garantie
......................................................................................................................................................................... 96
A- L’autorité de la substitution de garantie ..................................................................................................... 96
B- La protection des créanciers munis de sûretés réelles exclusives contre l’autorité du mécanisme de
substitution..................................................................................................................................................... 100
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................. 101
Conclusion du titre 1 ...................................................................................................................................... 101
TITRE 2/ LA PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES PAR LE MAINTIEN DES DROITS DES
CRÉANCIERS .................................................................................................................................................................................. 102
CHAPITRE 1/ LA PROTECTION DU DROIT DE POURSUITE DES CRÉANCIERS MUNIS DE SÛRETÉS RÉELLES
EXCLUSIVES .................................................................................................................................................................................... 103
Section 1/ La protection du droit de rétention contre l’arrêt des poursuites individuelles ............................ 106
Paragraphe 1/ La protection efficace du droit de rétention effectif dans les deux législations ...................... 107
522
A- La protection du droit de rétention effectif en droit français .................................................................... 107
B- La protection du droit de rétention effectif en droit OHADA .................................................................. 110
1- La situation avant la réforme de 2010 ....................................................................................................... 112
2- La situation depuis la réforme de 2010 ..................................................................................................... 114
Paragraphe 2/ La protection incertaine du droit de rétention fictif en droit français ..................................... 115
A- La fictivité droit de rétention et l’arrêt des poursuites individuelles ........................................................ 116
B- L'inopposabilité du droit de rétention et l’arrêt des poursuites individuelles ........................................... 116
Section 2/ La protection de la revendication contre l’arrêt des poursuites individuelles............................... 119
Paragraphe 1 : La reventication du créancier réservataire admise dans les deux législations ....................... 122
A- La revendication du créancier réservataire en droit français .................................................................... 122
1- Les conditions de la revendication ............................................................................................................ 123
a- L'objet de l'action en revendication ........................................................................................................... 123
a-1) La revendication des biens meubles se trouvant entre les mains du débiteur ........................................ 124
a-1-a) La revendication des biens transformés .............................................................................................. 125
a-1-b) La revendication des biens incorporés ................................................................................................ 126
a-1-c) Qu’en est-il de la revendication des biens fongibles ? ........................................................................ 127
a-1-c-1) La définition des « biens fongibles »? ............................................................................................. 127
a-1-c-2) La nature juridique de la revendication des choses fongibles .......................................................... 131
a-2) La revendication de la créance subrogée au bien ................................................................................... 138
a-2-a) La revendication de la créance du prix de revente du bien ................................................................. 138
a-2-a-1) Fondement de la revendication de la créance du prix de revente .................................................... 139
a-2-a-2) Conditions de la revendication de la créance du prix de revente ..................................................... 143
* Le non-paiement de tout ou partie du prix du bien revendiqué au jour du jugement d'ouverture .............. 144
* La revente du bien vendu sous clause de réserve de propriété ................................................................... 145
a-2-b) Revendication de l'indemnité d'assurance ........................................................................................... 146
b- Les modalités procédurales de la revendication ........................................................................................ 147
b-1) La phase amiable : un préalable obligatoire ........................................................................................... 147
b-2) La phase judiciaire : la saisine du juge-commissaire ............................................................................. 149
2- Les effets de la revendication .................................................................................................................... 150
B- La revendication du créancier réservataire en droit OHADA ................................................................... 151
1- Les conditions de la revendication ............................................................................................................ 152
a- L'objet de la revendication ......................................................................................................................... 152
a-1) La revendication du bien objet de la garantie ......................................................................................... 152
a-1-a) La revendication des biens fongibles .................................................................................................. 154
a-1-a) La revendication des biens incorporés ................................................................................................ 155
a-2) La revendication de la créance de prix subrogée au bien ....................................................................... 157
523
b- La procédure de revendication .................................................................................................................. 159
b-1) Le délai de la revendication ................................................................................................................... 159
b-2) Le déroulement de la procédure ............................................................................................................. 160
b-2-a) La phase amiable................................................................................................................................. 161
b-2-a) La phase contentieuse ......................................................................................................................... 161
2- Les effets de la revendication .................................................................................................................... 162
Paragraphe 2 : Le droit de renvendiquer du fiduciaire en droit français........................................................ 162
A- Le droit de revendiquer du fiduciaire : une source d’interrogations ......................................................... 163
1- L’admission de la revendication pour les fiducies sans dépossession ....................................................... 163
2- L’absence de revendication pour les fiducies avec dépossession .............................................................. 165
B- Le régime de la revendication du fiduciaire ............................................................................................. 166
1- Les conditions de la revendication du fiduciaire ....................................................................................... 166
2- Les effets de la revendication du fiduciaire ............................................................................................... 166
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................. 167
CHAPITRE 2/ LA PROTECTION DU DROIT AU PAIEMENT DES CRÉANCIERS MUNIS DE SÛRETÉS RÉELLES
EXCLUSIVES .................................................................................................................................................................................... 168
Section 1/ Le paiement du créancier rétenteur ............................................................................................... 173
Paragraphe 1/ Le paiement du créancier rétenteur dans les procédures de sauvetage du droit français ........ 174
A- Le paiement du créancier titulaire d'un droit de rétention effectif............................................................ 174
1- Un paiement justifié par la poursuite de l'activité ..................................................................................... 174
2- Un paiement autorisé par le juge-commissaire.......................................................................................... 175
B- Le paiement du créancier titulaire d'un droit de rétention fictif................................................................ 177
1- L'inopposabilité du droit de rétention conféré par l'article 2286, 4° du Code civil : un frein au paiement du
créancier rétenteur.......................................................................................................................................... 177
2- Le paiement des créanciers titulaires d'un droit de rétention fictif issu de lois spéciales .......................... 178
Paragraphe 2/ Le paiement du créancier rétenteur dans les procédures de liquidation des deux législations 182
A- Le paiement en espèces du créancier rétenteur......................................................................................... 182
1- Les modalités de paiement du créancier rétenteur en droit français .......................................................... 183
a- Le retrait du bien........................................................................................................................................ 183
b- La vente du bien ........................................................................................................................................ 185
b-1) La nature du mécanisme du report du droit de rétention sur le prix de vente ........................................ 185
b-2) Les bénéficiaires du report du droit de rétention sur le prix .................................................................. 187
2- Les modalités de paiement du créancier rétenteur en droit OHADA ........................................................ 188
a- Le domaine d'application du texte ............................................................................................................. 189
b- Les conditions du remboursement de la dette ........................................................................................... 190
b-1) L'autorisation du juge-commissaire ....................................................................................................... 190
b-2) Un retrait au profit de la masse .............................................................................................................. 191
524
B- Le paiement en nature du créancier rétenteur ........................................................................................... 193
1- Le paiement en nature du créancier rétenteur en droit français ................................................................. 193
a- Les personnes habilitées à solliciter une attribution judiciaire .................................................................. 193
b- Les modalités de l'attribution judiciaire .................................................................................................... 195
2- Le paiement en nature du créancier rétenteur en droit OHADA ............................................................... 196
Section 2/ Le paiement des créanciers propriétaires ...................................................................................... 198
Paragraphe 1/ Le paiement du créancier réservataire .................................................................................... 198
A- Le paiement en espèces du créancier réservataire .................................................................................... 199
1- Le paiement en espèces du créancier réservataire en droit français .......................................................... 199
a- Le domaine d’application de l’alinéa 4 de l’article L. 624-16 du Code de commerce .............................. 199
b- Les conditions du paiement en espèces ..................................................................................................... 202
c- Les caractéristiques du paiement en espèces ............................................................................................. 203
c-1) Le principe d'un paiement immédiat ...................................................................................................... 203
c-2) L'exception d'un paiement différé .......................................................................................................... 203
c-2-a) Les conditions du paiement différé ..................................................................................................... 203
c-2-a-1) Le consentement du créancier ……………………………………………………………………………………………………204
c-2-a-2) L'octroi des délais de paiement par le juge-commissaire ................................................................. 204
c-2-b) Les conséquences d'un paiement différé ............................................................................................. 204
2- Le paiement en espèces du créancier réservataire en droit OHADA ........................................................ 206
a- Les conditions du paiement en espèces ..................................................................................................... 206
b- Les caractéristiques du paiement en espèces ............................................................................................. 207
b-1) Un paiement en espèces immédiat et intégral ........................................................................................ 207
B- Le paiement en nature du créancier réservataire....................................................................................... 208
1- Le paiement en nature du créancier réservataire en droit français ............................................................ 208
a- La demande en restitution : un préalable obligatoire au paiement du créancier ........................................ 209
a-1) Les conditions de la demande en restitution........................................................................................... 209
a-2) Les effets de la restitution effective du bien ........................................................................................... 210
b- Les obstacles au paiement en nature du créancier réservataire ................................................................. 212
b-1) La disparition du bien : l’impossibilité d’un paiement en nature ........................................................... 212
b-2) Les conflits entre les créanciers : un frein au paiement en nature des créanciers réservataires ............. 214
b-2-a) Les conflits externes............................................................................................................................ 214
b-2-b) Les conflits internes ............................................................................................................................ 215
2- Le paiement en nature du créancier réservataire en droit OHADA ........................................................... 216
a- Les conditions du paiement en nature........................................................................................................ 216
b- Les effets de la restitution du bien ............................................................................................................. 217
Paragraphe 2/ Le paiement du bénéficiaire de la fiducie-sûreté .................................................................... 219
525
A- Le paiement du bénéficiaire de la fiducie-sûreté en droit français ........................................................... 219
1- Le paiement en espèces du bénéficiaire d’une fiducie-sûreté ................................................................... 220
a- Les conditions du retour contre paiement .................................................................................................. 220
b- Les bénéficiaires du retour contre paiement .............................................................................................. 221
2- Le paiement en nature du bénéficiaire de la fiducie-sûreté ....................................................................... 223
a- Un paiement en nature par la restitution effective du bien ........................................................................ 223
b- Un paiement en nature par la réalisation de la fiducie-sûreté .................................................................... 225
b-1) La réalisation d'une fiducie-sûreté sans dépossession ............................................................................ 226
b-2) La réalisation d'une fiducie-sûreté avec dépossession ........................................................................... 228
c- Les obstacles au paiement en nature du bénéficiaire ................................................................................. 229
B- Le paiement du bénéficiaire d’un transfert fiduciaire en droit OHADA .................................................. 231
1- Un paiement à l'échéance .......................................................................................................................... 231
2- La réalisation de la sûreté .......................................................................................................................... 232
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................. 233
Conclusion du titre 2 ...................................................................................................................................... 234
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE ................................................................................................................................... 235
DEUXIÈME PARTIE : UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE AUX
EXIGENCES DES PROCÉDURES COLLECTIVES ................................................................................................................... 236
TITRE 1/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE À LEUR EXISTENCE DANS
LES PROCÉDURES COLLECTIVES ........................................................................................................................................... 238
CHAPITRE 1/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE À LEUR RECONNAISSANCE
DANS LES PROCÉDURES COLLECTIVES ................................................................................................................................... 239
Section 1/ La reconnaissance générale des sûretés réelles exclusives dans les procédures collectives ......... 240
Paragraphe 1/ La reconnaissance des sûretés réelles exclusives fondée sur la déclaration ou la production des
créances.......................................................................................................................................................... 240
A- Les sûretés réelles exclusives et le régime de la déclaration ou de la production des créances ............... 242
1- Le domaine de la déclaration ou de la production des créances ................................................................ 242
a- Le domaine de la déclaration des créances en droit français ..................................................................... 243
a-1) Le créancier rétenteur et la déclaration des créances ............................................................................. 244
a-1-a) La déclaration de créance du rétenteur ................................................................................................ 244
a-1-b) La déclaration du droit de rétention .................................................................................................... 245
a-2) Le bénéficiaire d'une fiducie-sûreté et la déclaration des créances ........................................................ 247
a-2-a) La déclaration de créance du bénéficiaire de la fiducie-sûreté............................................................ 247
a-2-b) La déclaration de la fiducie-sûreté ...................................................................................................... 248
b- Le domaine de la production des créances en droit OHADA ................................................................... 250
b-1) Le créancier rétenteur et l'obligation de production ............................................................................... 251
b-1-a) La production de créance du créancier rétenteur ................................................................................ 251
b-1-b) La déclaration du droit de rétention .................................................................................................... 251
b-2) Le bénéficiaire d'un transfert fiduciaire et l'obligation de production ................................................... 252
526
b-2-a) La production de créance du bénéficiaire d'un transfert fiduciaire ..................................................... 252
b-2-b) La mention du transfert fiduciaire dans la production de créance ...................................................... 253
2- Les modalités de la déclaration ou de la production des créances ............................................................ 253
a- Les délais de la déclaration en droit français ............................................................................................. 254
a-1) Présentation des délais de déclaration .................................................................................................... 254
a-2) L'avertissement d'avoir à déclarer la créance ......................................................................................... 256
a-2-a) Les créanciers munis de sûretés réelles exclusives et l’avertissement ................................................ 257
* S’agissant du créancier rétenteur. ............................................................................................................... 257
* Qu'en est-il du bénéficiaire d'une fiducie-sûreté ? ...................................................................................... 258
b- Les délais de production en droit OHADA ............................................................................................... 259
b-1) Présentation des délais de production .................................................................................................... 260
b-2) L’avertissement d'avoir à produire ......................................................................................................... 261
b-2-a) Les créanciers munis de sûretés réelles exclusives et l’avertissement ................................................ 261
* Que peut-on dire du bénéficiaire d'un transfert fiduciaire ? ....................................................................... 262
B- Le défaut de déclaration ou de production................................................................................................ 263
1- Le défaut de déclaration des sûretés réelles exclusives en droit français .................................................. 263
a- La possibilité d'un relevé de forclusion pour les créanciers défaillants ..................................................... 264
a-1) Les cas de relevé de forclusion............................................................................................................... 264
a-2) Les conditions de la demande en relevé de forclusion ........................................................................... 267
a-2-a) Les délais du relevé de forclusion ....................................................................................................... 268
b- La sanction du défaut de déclaration ......................................................................................................... 272
b-1) L'absence de participations aux répartitions et dividendes .................................................................... 272
b-2) L'inopposabilité des créances non déclarées .......................................................................................... 273
b-2-a) Les effets de l'inopposabilité des créances non déclarées ................................................................... 273
b-2-a-1) Les effets de l'inopposabilité dans les rapports entre le créancier et le débiteur ............................. 273
* La créance elle-même n'a pas été déclarée ................................................................................................. 274
*La créance a été déclarée mais pas ses accessoires...................................................................................... 274
- Le droit de rétention et l'inopposabilité ....................................................................................................... 274
- La fiducie-sûreté et l'inopposabilité............................................................................................................. 276
- La durée de l’inopposabilité ........................................................................................................................ 277
b-2-a-2) Les effets de l'inopposabilité dans les rapports entre le créancier et les tiers .................................. 280
* Les effets à l’égard des garants ................................................................................................................... 280
*Les effets à l’égard du repreneur en cas de cession ..................................................................................... 281
b-2-b) La portée de l'inopposabilité des créances non déclarées ................................................................... 282
2- Le défaut de production des sûretés réelles exclusives en droit OHADA ................................................. 284
a- La possibilité d'un relevé de forclusion pour les créanciers défaillants ..................................................... 284
527
a- 1) Les conditions du relevé de forclusion .................................................................................................. 284
a-1-a) Cas de relevé de forclusion ................................................................................................................. 284
a-1-b) Délais et la forme de la demande en relevé de forclusion ................................................................... 285
a- 2) Les effets du relevé de forclusion.......................................................................................................... 285
b- La sanction du défaut de production.......................................................................................................... 286
Paragraphe 2/ La reconnaissance des sûretés réelles exclusives fondée sur leur inscription......................... 289
A- Le domaine de l'interdiction ou de l'arrêt des inscriptions ....................................................................... 292
1- Le domaine de l'interdiction des inscriptions en droit français ................................................................. 292
a- Le refus d’application de l'interdiction conformément à la lettre du texte ................................................ 293
b- Un fondement propice à l’application de la règle...................................................................................... 295
b-1) Le droit de rétention et la publicité ........................................................................................................ 296
b-2) La fiducie-sûreté et la publicité .............................................................................................................. 297
2- Le domaine de l'arrêt des inscriptions en droit OHADA........................................................................... 299
a- Un domaine large conformément à la lettre du texte ................................................................................. 300
b- Un domaine restreint conformément au fondement de la règle ................................................................. 301
b-1) Droit de rétention et publicité ................................................................................................................ 301
b-2) Transfert fiduciaires d'une somme d'argent et publicité ......................................................................... 302
B- La sanction de l'interdiction des inscriptions ............................................................................................ 303
1- La sanction en droit français...................................................................................................................... 303
a- La nature de la sanction ............................................................................................................................. 303
b- Les effets de la sanction ............................................................................................................................ 305
2- La situation en droit OHADA ................................................................................................................... 306
a- La sanction applicable ............................................................................................................................... 306
b- Les effets de la sanction ............................................................................................................................ 307
Section 2/ La reconnaissance de la réserve de propriété dans les procédures collectives ............................. 309
Paragraphe 1 / La reconnaissance générale de la réserve de propriété dans les procédures collectives ........ 309
A- La reconnaissance de la réserve de propriété fondée sur la déclaration ou la production des créances ... 309
1- Les solutions du droit français ................................................................................................................... 310
a- Le créancier réservataire et la déclaration de créance ............................................................................... 310
b- Le créancier réservataire et la déclaration de la sûreté .............................................................................. 313
c- La sanction du défaut de déclaration ......................................................................................................... 315
2- Les solutions du droit OHADA ................................................................................................................. 316
a- Le créancier réservataire et la production de créance ................................................................................ 316
b- Le créancier réservataire et la production de la sûreté .............................................................................. 317
c- La sanction du défaut de production .......................................................................................................... 318
B- La reconnaissance de la réserve de propriété fondée sur son inscription ................................................. 318
528
1- L’absence d’obligation de publicité en droit français ............................................................................... 319
2- L’exigence d’une publicité en droit OHADA ........................................................................................... 319
Paragraphe 2/ Les conditions d’opposabilités spécifiques à la réserve de propriété ..................................... 320
A- Les conditions spéciales d'opposabilité en droit français ......................................................................... 321
1- Un écrit ...................................................................................................................................................... 321
2- L'accord des parties ................................................................................................................................... 323
3- Le moment de l'établissement de l'écrit au plus tard à la livraison ............................................................ 324
B- L’allégement des conditions d’opposabilité de la réserve de propriété en droit OHADA ....................... 325
1- La publicité de la réserve de propriété....................................................................................................... 326
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................. 326
CHAPITRE 2/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES SUBORDONNÉE À LEUR ABSENCE DE
REMISE EN CAUSE DANS LES PROCÉDURES COLLECTIVES ................................................................................................ 328
Section 1/ La remise en cause des sûretés réelles exclusives fondée sur le régime de la période suspecte ... 328
Paragraphe 1/ Les conditions d’application des sanctions de la période suspecte ......................................... 330
A- Le domaine des sanctions de la période suspecte ..................................................................................... 330
1-Le domaine des nullités de la période suspecte en droit français ............................................................... 330
a- Les sûretés réelles visées par les nullités de droit ...................................................................................... 330
a- 1) L’appréhension du droit de rétention par les nullités de droit de la période suspecte ........................... 332
a- 2) L’appréhension des propriétés-sûretés par les nullités de droit de la période suspecte......................... 333
a-2-a) La réserve de propriété ........................................................................................................................ 333
a-2-b)- La fiducie-sûreté ................................................................................................................................ 334
b- Les sûretés réelles visées par les nullités facultatives ............................................................................... 338
b-1) L’appréhension des propriétés-sûretés par les nullités facultatives ....................................................... 339
b-1-a) La clause de réserve de propriété ........................................................................................................ 339
b-1-b) La fiducie-sûreté ................................................................................................................................. 340
b-2) L’appréhension du droit de rétention par les nullités facultatives.......................................................... 340
2- Le domaine des inopposabilités de la période suspecte en droit OHADA ................................................ 342
a- Les sûretés réelles visées par les inopposabilités de droit ......................................................................... 342
b- Les sûretés réelles visées par les inopposabilités facultatives ................................................................... 343
B- La mise en œuvre des sanctions de la période suspecte............................................................................ 344
1- La mise en œuvre des nullités de la période suspecte en droit français .................................................... 344
a- Les conditions spécifiques à la nullité de droit .......................................................................................... 345
a-1) La constitution de la fiducie-sûreté en période suspecte ........................................................................ 346
a-2) L'antériorité de la dette à la sûreté .......................................................................................................... 348
a-2-a) La date de naissance de la créance ...................................................................................................... 349
a-2-a-1) La charge de la preuve ..................................................................................................................... 349
a-2-a-2) L'objet de la preuve .......................................................................................................................... 349
529
* Les sources de la dette ................................................................................................................................ 349
* Les modalités de la dette............................................................................................................................. 350
a-2-b) La confrontation entre les dates .......................................................................................................... 350
b- Les conditions spécifiques à la nullité facultative ..................................................................................... 351
b-1) La connaissance de l'état de cessation des paiements ............................................................................ 351
b-2-a) Les critères d'appréciation................................................................................................................... 353
b-2-a-1) Le préjudice subi.............................................................................................................................. 353
b-2-a-2) La mauvaise foi................................................................................................................................ 354
2- La mise en œuvre des inopposabilités de la période suspecte en droit OHADA ...................................... 355
a- Les conditions de l’inopposabilité de droit ................................................................................................ 356
a-1) Quelles sont les conditions relatives à la constitution de sûretés réelles exclusives ? ........................... 356
a-1-a) La constitution du droit de rétention ................................................................................................... 357
a-1-b) La constitution des propriétés-sûretés ................................................................................................. 357
a-1-b-1) La constitution de la clause de réserve de propriété ........................................................................ 358
a-1-b-2) La constitution du transfert fiduciaire de somme d’argent .............................................................. 358
b- Les conditions des inopposabilités facultatives ......................................................................................... 359
b-1) Le préjudice causé à la masse des créanciers ......................................................................................... 359
b-2) La connaissance de l’état de cessation des paiements du débiteur......................................................... 360
Paragraphe 2 / Les effets de sanction de la période suspecte sur les sûrêtés réelles exclusives .................... 361
A- Les effets des nullités de la période suspecte en droit français ................................................................ 361
1- Les conséquences de la nullité des sûretés ................................................................................................ 361
a- Les conséquences de la nullité à l'égard des parties .................................................................................. 362
b- Les conséquences de la nullité à l'égard des tiers ...................................................................................... 363
2- La finalité des nullités de la période suspecte ........................................................................................... 364
B- Les effets des inopposabilités de la période suspecte en droit OHADA................................................... 364
1- Les conséquences des inopposabilités de la période suspecte ................................................................... 365
2- La finalité des inopposabilités de la période suspecte ............................................................................... 366
Section 2/ La remise en cause des sûretés réelles exclusives fondée sur la responsabilité des créanciers .... 366
Paragraphe 1/ La réunion des conditions de la responsabilité : un préalable à la remise en cause des sûretés
....................................................................................................................................................................... 371
A- La réunion des éléments traditionnels de la responsabilité communs aux deux législations ................... 371
1- La faute ...................................................................................................................................................... 371
2- Le préjudice ............................................................................................................................................... 373
3- Le lien de causalité entre le préjudice et la faute ....................................................................................... 373
B- La prise des garanties disproportionnées : une condition supplémentaire spécifique au droit français.... 374
1- La notion de garanties ............................................................................................................................... 374
530
2- La disproportion des garanties................................................................................................................... 376
Paragraphe 2/ L’effectivité de la remise en cause des sûretés par le prononcé d’une action ........................ 379
A- Le pouvoir d'appréciation des juges du fond ............................................................................................ 380
1- Le pouvoir d’appréciation des juges français ............................................................................................ 380
a- Le pouvoir d'opportunité ........................................................................................................................... 380
b- Le pouvoir modérateur .............................................................................................................................. 381
2- Le pouvoir d’appréciation des juges africains ........................................................................................... 381
B- Les sanctions entraînant la remise en cause .............................................................................................. 382
1- Les sanctions du droit français .................................................................................................................. 382
a- La réduction des garanties ......................................................................................................................... 382
b- La nullité des garanties .............................................................................................................................. 383
2- Les sanctions du droit OHADA ................................................................................................................ 384
a- La déchéance des sûretés ........................................................................................................................... 384
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................. 385
Conclusion du titre 1 ...................................................................................................................................... 385
TITRE 2/ UNE PROTECTION DES SÛRETÉS RÉELLES EXCLUSIVES PARTIELLEMENT SUBORDONNÉE AUX
OBJECTIFS DU DROIT DES PROCÉDURES COLLECTIVES ............................................................................................... 387
CHAPITRE 1/ UNE PROTECTION RELATIVEMENT SUBORDONNÉE AUX OBJECTIFS DU DROIT FRANÇAIS DES
PROCÉDURES COLLECTIVES ....................................................................................................................................................... 388
Section 1/ Une protection variable au nom du sauvetage des entreprises : le cas du titulaire d’un droit de
rétention fictif et du bénéficiaire d’une fiducie-sûreté ................................................................................... 389
Paragraphe 1/ Uune protection limitée dans les procédures de sauvetage ..................................................... 391
A- Une protection limitée par l’inopposabilité du droit de rétention ............................................................. 391
1- Le domaine de l'inopposabilité .................................................................................................................. 391
2 - La durée de l'inopposabilité ...................................................................................................................... 397
3- Les effets de l'inopposabilité ..................................................................................................................... 398
a- Les effets stricto sensu ............................................................................................................................... 398
b- La portée de l'inopposabilité...................................................................................................................... 401
B- Une protection limitée par la neutralisation de la fiducie-sûreté .............................................................. 402
1- Les cas de neutralisation de la fiducie-sûreté dans les procédures de sauvetage ...................................... 404
a- L'interdiction de réaliser la fiducie-sûreté ................................................................................................. 404
a-1) Les conditions de mise en œuvre de l'interdiction.................................................................................. 404
a-2) Les effets de l'interdiction de réaliser la fiducie-sûreté .......................................................................... 405
b- La soumission de la convention de mise à disposition au régime des contrats en cours ........................... 407
b-1) La notion de contrat en cours ................................................................................................................. 408
b-1-a) Les modalités de l'option..................................................................................................................... 409
b-1-a-1) Le titulaire du droit d'option ............................................................................................................ 409
b-1-a-2) L'exercice du droit d'option ............................................................................................................. 410
531
b-2) Les effets à l'égard du bénéficiaire de la fiducie-sûreté de la soumission de la convention de mise à
disposition au régime des contrats en cours................................................................................................... 410
b-2-a) Le sort de la convention de mise à disposition ................................................................................... 411
b-2-b) La continuation forcée de la convention de mise à disposition .......................................................... 412
2- Les limites à la neutralisation de la fiducie-sûreté dans les procédures de sauvetage ............................... 414
2-a) Une neutralisation limitée par la non-appartenance au comité des créanciers ....................................... 414
2-b) Une neutralisation limitée en cas de résolution du plan ......................................................................... 415
2-c) Une neutralisation limitée par la résiliation de la convention de mise à disposition .............................. 416
2-d) La limitation du domaine de la neutralisation ........................................................................................ 417
Paragraphe 2/ Une protection affirmée dans les procédures liquidatives ...................................................... 419
A- La protection aux contours incertains du créancier rétenteur ................................................................... 419
1- L'opposabilité du droit de rétention dans l'hypothèse d'une cession en dehors de la liquidation judiciaire
....................................................................................................................................................................... 420
2- L'opposabilité du droit de rétention fictif dans la liquidation judiciaire.................................................... 421
a- L’opposabilité du droit de rétention fictif en cas de plan de cession ......................................................... 421
b- L'opposabilité du droit de rétention fictif en l'absence de cession ............................................................ 422
B- La protection du créancier bénéficiaire d’une fiducie-sûreté.................................................................... 426
1- La fiducie-sûreté dans le plan de cession .................................................................................................. 426
2- La fiducie-sûreté dans la liquidation judiciaire ......................................................................................... 430
Section 2/ Une protection constante mais en partie dépendante des objectifs des procédures collectives : Le
cas du titulaire d’un droit de rétention effectif et du créancier réservataire................................................... 433
Paragraphe 1/ La protection du créancier rétenteur (effectif) quelque peu influencée par les objectifs du droit
des procédures collectives ............................................................................................................................. 433
A- La protection du créancier rétenteur dans les procédures de sauvetage ................................................... 434
1- Justification du retrait contre paiement dans les procédures de sauvetage ................................................ 435
B- La protection du créancier rétenteur dans la liquidation judiciaire ........................................................... 437
1- La justification du retrait contre paiement dans la liquidation judiciaire .................................................. 437
2- La justification du report du droit de rétention sur le prix de vente .......................................................... 438
Paragraphe 2/ La protection du créancier réservataire faiblement influencée par les objectifs du droit des
procédures collectives .................................................................................................................................... 440
A- Une protection conditionnée par la réussite des actions en revendication et restitution........................... 441
1- Le rôle de la revendication face aux objectifs du droit des procédures collectives ................................... 442
a- Une revendication au service de la procédure collective ........................................................................... 442
b- La revendication, l'expression d'un compromis......................................................................................... 445
2- La revendication : une mesure essentielle pour la protection du créancier ............................................... 447
a- Une protection neutralisée en l'absence de revendication ......................................................................... 447
b- Une protection effective après la revendication ........................................................................................ 448
532
B- Une protection justifiée par les enjeux du droit des procédures collectives ............................................. 449
1- Une protection justifiée par l'utilité du bien à la procédure ....................................................................... 449
2- L'hypothèse d'une protection neutralisée ................................................................................................... 450
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................. 452
CHAPITRE 2/ UNE PROTECTION FAIBLEMENT SUBORDONNÉE AUX OBJECTIFS DU DROIT OHADA DES
PROCÉDURES COLLECTIVES ....................................................................................................................................................... 454
Section 1 / La protection du créancier rétenteur à peine influencée par les objectifs du droit des procédures
collectives ...................................................................................................................................................... 456
Paragraphe 1/ La protection du créancier rétenteur dans la liquidation des biens ......................................... 457
A- La justification du retrait contre paiement : l’hypothèse d'une protection encadrée par les objectifs du
droit des procédures collectives ..................................................................................................................... 458
B- La justification de l'absence du report du droit de rétention sur le prix de vente ..................................... 459
Paragraphe 2/ La protection du créancier rétenteur dans les procédures de continuation de l’entreprise ..... 461
A- Le constat de l’absence du mécanisme du retrait contre paiement ........................................................... 461
B- Les conséquences inhérentes à l'absence de retrait contre paiement dans les procédures de continuation
....................................................................................................................................................................... 462
Section 2/ La protection du créancier réservataire moyennement influencée par les objectifs du droit
OHADA des procédures collectives .............................................................................................................. 464
Paragraphe1/ Une protection assurée par la revendication ou la restitution .................................................. 466
A- La revendication : une arme au service de l’entreprise en difficulté ........................................................ 467
1- Les obstacles à la revendication sous l’empire de l’ancien AUPC ........................................................... 468
a- La production des créances ........................................................................................................................ 468
b- L'existence du bien en nature .................................................................................................................... 468
c- La publicité de la clause de réserve de propriété ....................................................................................... 470
2- Les obstacles à la revendication sous l’empire du nouvel AUPC ............................................................. 472
a- Le délai de revendication ........................................................................................................................... 472
B- La revendication : une mesure essentielle de la protection du créancier réservataire .............................. 475
Paragraphe 2/ Une protection influencée par les objectifs du droit des procédures collectives .................... 476
A- La possibilité de faire obstacle à la revendication .................................................................................... 476
B- Justification de la solution législative ....................................................................................................... 476
Conclusion du chapitre .................................................................................................................................. 477
Conclusion du titre ......................................................................................................................................... 478
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE .................................................................................................................................. 479
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................................................................................. 480
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................................................. 486
ANNEXE ............................................................................................................................................................................................ 517
INDEX ALPHABÉTIQUE ................................................................................................................................................................. 519
TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................................................................................. 521
533