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UNIVERSITE MONTPELLIER 1
ECOLE DOCTORALE
DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
Année : 2012
THÈSE
pour obtenir le grade de
En Droit Privé
M. Guillaume ZAMBRANO
Titre :
Jury :
Prof. Laurence IDOT, Professeur agrégé de droit privé, Univ. Paris II Panthéon-Assas.
Prof. Soraya AMRANI-MEKKI, Professeur agrégé de droit privé, Univ Paris-X Nanterre
Prof. Rémy CABRILLAC, Professeur agrégé de droit privé, Univ. Montpellier-1
Mme Liza BELLULO, Chef du service du Président de l'Autorité de la concurrence
Dr. Assimakis KOMNINOS, PhD European University Institute
« La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette
thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur »
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Titre II La compétence des autorités de concurrence sur les recours collectifs en forme publique
Chapitre 1 - Les procureurs publics
Chapitre 2 - La peine privée
CONCLUSION GÉNÉRALE
REMERCIEMENTS
Je remercie mon directeur de thèse, M. le professeur Daniel Mainguy qui m'a permis de
mener à bien ce travail, et M. Stéphane Destours, mon premier Maître, qui m'a encouragé
dans la voie de la recherche.
Benjamin Rahal et Nathalie Emmanuel ont subi pendant 7 années mes états d'âme. Gillian
Arnoux, Lucille Saint-Jean, Jean-François Sportes et Anne-Florence Bouygues ont prodigué
des encouragements permanents et facilité mes recherches parisiennes. L'amitié de mes
camarades doctorants ou enseignants a beaucoup compté pour faire de la bibliothèque et du
laboratoire autre chose qu'un lieu de mornes recherches: Franca Lombard, Colombine
Madeleine, Olivia Martelli, Marc Touillier, Albin Andrieux, Vincent Craponne, Claire
Poitevin, Hervé Callens, Isaïe Hélias, Modjtaba Hosseini, Louise Mossner, Vincent Cadoret,
Julien Faure, Pauline Castelot, Cathie-Sophie Pinat, Alice Turinetti, Caroline et Elisabeth
Raja, Julien Roque, Mélanie Jaoul et Stéphane Bénilsi ont occupé une place importante
durant toute ces années.
Je tiens à remercier tout spécialement M. le Pdt. Bernard Auberger qui a bien voulu
m'accueillir en stage à la 2ème chambre du Tribunal de Commerce de Paris, ainsi que M.
Pascal Oliviero et Mme Monique Danchot qui m'ont initié patiemment aux secrets du greffe
en répondant à mes questions naïves. Je remercie également M. Thierry Fossier qui m'a
ouvert les portes de la Chambre 5-7 de la Cour d'appel de Paris, ainsi que son greffier M.
Benoît Truet-Callu.
Enfin, j'espère que ces quelques mots pourront commencer à témoigner un peu de ma
reconnaissance envers ma mère et mon père qui ont souffert stoïquement mes extravagances
de thésard du début jusqu'à la fin, sans jamais douter de moi.
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« If you want to know the law and nothing else, you must look at it as a bad man,
who cares only for the material consequences which such knowledge enables him to
predict »1
O. W. HOLMES, «The path of the law», Harvard Law Review, 25 march 1897.
« l’ordre juridique formé par les normes juridiques n’est valide que s’il est en gros et
généralement appliqué et suivi, c’est-à-dire s’il est efficace »
H. KELSEN, «Was ist die Reine Rechtslehre ?», in Demokratie und Rechtstaat. Festschrifft für
Zaccharia Giacometti, Zürick, 1953, p. 143. Traduction Ph. Coppens. in : Qu’est-ce que la
théorie pure du Droit ? Droit et Société. 22/1992.
1
«Si vous voulez connaître la loi et rien d'autre, vous devez l'observer comme un individu sans scrupules, qui ne
se soucie que des conséquences matérielles que la connaissance de la loi lui permet de prévoir».
2
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
INTRODUCTION
2
S. AMRANI-MEKKI, «Inciter les actions en dommages-intérêts en droit de la concurrence: Le point de vue
d'un processualiste», in Le Livre Blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction au règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, Collège Européen de Paris - AFEC, 13
juin 2008, Revue Concurrences, 2-2009, p. 11. «le maître mot est celui de l’efficacité, voire de l’effectivité, du
droit de la concurrence. L’inefficacité d’une protection publique trouverait remède dans le développement des
actions privées».
3
D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-SHOSHAN, Comparative report : Study on the conditions of
claims for damages in case of infringement of EC competition rules, Ashurst, Commission Européenne, août
2004.
4
L. IDOT, «L’entrée en vigueur du règlement 1/2003 : les dispositions procédurales du paquet modernisation»,
Revue Europe, mai 2004, étude n°6, p. 4. «Le règlement n°1/2003 opère une révolution dans la mise en œuvre
des articles 81 et 82 CE en donnant aux autorités et juridictions nationales la possibilité d’appliquer l’article 81,
§3 CE et en rénovant la procédure suivie par la Commission». Dans le même sens: L. IDOT, «L'an 1 du nouveau
droit de la concurrence?», Revue Europe, janvier 2004, chron. 1, p. 3. C.-D. EHLERMANN, «La modernisation
de la politique antitrust de la CE: une révolution juridique et culturelle», Revue du Droit de l'Unione
Européenne, 2000, p. 13. R. KOVAR, «Le règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre
des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité CE», Dalloz Affaires, 2003, p. 478. Qui
compare son impact à la chute du mur de Berlin.
5
Règlement (CE) n° 1/2003 du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues
aux articles 81 et 82 du Traité: JOCE 4 janvier 2003. Entré en vigueur le 1er mai 2004.
6
M. MONTI, «The EU gets new competition powers for the 21st century», Competition Policy Newsletter,
special edition 2004, p. 1. «The Commission has one particular project in the pipeline which, I hope will have a
far reaching impact on the way in which the competition rules are enforced in the Union. We are looking at ways
to encourage actions before courts by private parties to punish breach of the competition rules […] Private
actions before courts are a central feature of the modernisation of our competition rules. We want to encourage
private parties actively to seek compensation for harm caused to them by anticompetitive behaviour, and for such
3
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
2. Un nouvel objectif. L'intérêt pour les actions privées manifeste une réorganisation du
système de mise en œuvre du droit de la concurrence, coïncidant avec l'élargissement de
l'Union Européenne7. Mais si l'élargissement constitue un facteur explicatif, il n'épuise pas les
motifs de la réformes. Claude LUCAS DE LEYSSAC observe que « au-delà des formules politiquement
correctes, la raison la plus forte tient à l'encombrement des autorités communautaires qui ont souhaité se
décharger de l'instruction des notifications pour se consacrer plutôt à la poursuite des pratiques
anticoncurrentielles »8. Le système de notification préalable absorbait des ressources
administratives importantes pour l'instruction de pratiques « inoffensives »9. Le passage au
système de l'exception légale permet une intensification de la lutte contre les « ententes
injustifiables »10 . L'activité répressive change non seulement d'échelle par la décentralisation vers
les Autorités Nationales de Concurrence (ANC), mais plus encore d'objet, permettant à la
Commission « de se concentrer sur la répression des infractions les plus graves »11. C'est dans cette
perspective que la Commission a souhaité « compléter » l'activité répressive des autorités de
concurrence par le développement des actions privées 12.
actions to complement the enforcement activities of the public authorities. I see enhancement of private actions
as a key way to help the citizen to help himself to put an end to price fixing cartels, abuses of dominant positions
and other anticompetitive behaviour. To this end, I believe that actions by consumers themselves and the group
which represent them can be effective tool in the fight against anticompetitive behaviour and allow the consumer
to be directly compensated for the loss he or she suffers at the hands of companies which break the law».
7
Commission Européenne, Livre blanc sur la modernisation des règles d’application des articles 81 et 82 CE,
DG COMP: JOCE C132, 12 mai 1999. §7-23: « Dans une Europe à plus de 20 États membres, le maintien de
l'efficacité de la politique de concurrence impose une modernisation des règles d'application des articles 85 et
86 […] Des règles procédurales qui avaient été conçues pour une Communauté à 6 États membres s'appliquent
aujourd'hui, sans aucune modification substantielle, à 15 États membres ».
8
C. LUCAS DE LEYSSAC, «Rapport de synthèse», in Les sanctions judiciaires des pratiques
anticoncurrentielles, Paris-I, 29 avril 2004, Les Petites Affiches, 20 janvier 2005, n° 14, p. 65. «Pourquoi un tel
changement de cap? On a dit subsidiarité pour apaiser les eurosceptiques … mais au-delà des formules
politiquement correctes, la raison la plus forte tient à l'encombrement des autorités communautaires qui ont
souhaité se décharger de l'instruction des notifications pour se consacrer plutôt à la poursuite des pratiques
anticoncurrentielles».
9
M. MONTI, «The EU gets new competition powers for the 21st century», Competition Policy Newsletter,
special edition 2004, p. 1. «Are you modernising the rules because of the enlargement? « Yes and no! Working
through a pile of mostly innocuous notifications may have made sense 40 years ago: it simply does not make
sense park his/her car in the centre of town. He or she shouldn’t have to go to the police station to check first.
Similarly, the Commission’s role, as an antitrust enforcer, is not to give comfort. We will do it if, for example,
the issues at stake are new and there is a real need for guidance ».
10
Recommandation du Conseil de l’OCDE du 25 mars 1998 concernant une action efficace contre les ententes
injustifiables (C(98)35/Final). Cf. OCDE, Ententes injustifables, Organisation de Coopération et de
Développement Economiques, 2000, en ligne : <www.oecd.org>.
11
Règlement (CE) n° 1/2003. Préc. 3ème considérant: «Le régime centralisé mis en place par le règlement n°17
[…] freine l'application des règles communautaires de concurrence par les juridictions et les autorités de
concurrence des États membres, et le système de notification [préalable] empêche la Commission de se
concentrer sur la répression des infractions les plus graves».
12
Commission Européenne, Document de travail des services de la commission. Consultation publique:
"Renforcer la cohérence de l'approche européenne en matière de recours collectifs", DG Justice, DG SANCO,
DG COMP, 4 février 2011, p. 4 et 9, SEC(2011) 173 final. «Sous l'effet de l'élargissement de l'Union
4
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
européenne, le nombre de cas de non respect du droit de l'Union a sensiblement augmenté du fait de l'extension
du champ d'application territorial du droit de l'Union, rendant ainsi d'autant plus nécessaire un contrôle plus
décentralisé de l'application du droit de l'Union. Ce phénomène a aussi mis à l'ordre du jour la question de savoir
si d'autres mécanismes de contrôle par la sphère privée devraient compléter le système actuel de voies de recours
de l'Union afin de renforcer l'application du droit de l'Union».
13
P. J. SLOT, «A view from the mountain: 40 years of developments in EC competition law», Common Market
Law Review, n°41 Winter 2004, p. 443 (voir p. 466).
14
CJCE, 5 février 1963, Van Gend & Loos c. Administration fiscale néerlandaise, aff. 26/62: Rec. 3.
15
A. DERINGER, Rapport ayant pour objet la consultation sur un premier règlement d'application des articles
85 et 86 du traité de la CEE, Documents de séance n°57, Commission du marché intérieur, Assemblée
Parlementaire Européenne, 7 septembre 1961. Cf. §53.
5
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1974 devant les juridictions britanniques17, dans le sillage de la reconnaissance de l'effet direct
des articles 85 et 86 TCE18. La consécration de la responsabilité des États membres du fait des
violations du droit communautaire lui donne une nouvelle impulsion au début des années 90,
avec des conclusions très remarquées de l'avocat général Walter VAN GERVEN19, et une
communication de la Commission qui en souligne les vertus dissuasives 20. Le développement
de l'action en dommages et intérêts fait partie intégrante du processus de modernisation du
droit de la concurrence21. Et la Cour appuie cette nouvelle politique par la consécration du
droit à réparation des victimes d'infractions de concurrence, sur le fondement de la « pleine
efficacité » du droit communautaire22. Mais qu'est-ce que cela signifie?
« la notion d'efficacité est difficile à appréhender, d'autant plus qu'elle fait l'objet
d'une inflation verbale. Elle devient le référent à la mode de toute relation d'ordre
juridique. Elle est pourvue de multiples sens dépassant les strictes frontières du
droit »23.
16
H. BATTIFOL et R. HOUIN, La réparation des conséquences dommageables d'une violation des articles 85
et 86 du Traité instituant la CEE, Collection Etudes - Série Concurrence n°1, Commission Européenne, 1966. p.
5. Lire égal. R. HOUIN, «Les conséquences civiles d'une infraction aux règles de concurrence», Annales de la
faculté de Droit de Liège, 1963, p. 27. «une violation des règles de concurrence instituées par le Traité ouvre aux
personnes lésées par cette infraction des voies judiciaires de droit interne leur permettant d'obtenir réparation
sous toutes les formes reconnues par les droits nationaux des six États membres: indemnité, action en cessation,
astreinte, publication du jugement».
17
Deux arrêts du visionnaire Lord Denning anticipant mot pour mot l'arrêt Courage de 27 ans: England & Wales,
Court of Appeal, 22 mai 1974, Application des Gaz SA v. Falks Veritas : Common Market Law Review, 1974,
vol. 2 p.75. Cf. p. 84-85: «Articles 85 and 86 are part of our law. They create new torts or wrongs. Their names
are 'undue restriction of competition within the Common Market', and 'abuse of dominant position within the
Common Market'. Any infringement of those Articles can be dealt with by our English courts. It is for our courts
to find the facts, to apply the law, and to use the remedies which we have available». Et Court of Appeal, 18 mai
1982, Garden Cottage Foods v. Milk Marketing Board: Common Market Law Review 1982, vol. 2 p. 1114.
18
CJCE, 30 janvier 1974, Belgische Radio en Televisie et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs c.
SABAM : Rec. p. 51.
19
CJCE, 13 avril 1994, Banks & Co. c. British Coal Corporation, aff. C-128/92: Rec. 1209. Conclusions W. Van
Gerven présentées le 27 octobre 1993.
20
Communication relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application
des articles 85 et 86 du traité CEE. Journal officiel n° C 039 du 13/02/1993 p. 6. Cf. § 16: «il est probable […]
que les entreprises seront plus attentives à ne pas commettre d'infraction au droit communautaire de la
concurrence si le risque existe de devoir payer des dommages et intérêts aux victimes de ces infractions». V.
égal; P. BEHRENS, EEC Competition rules in national courts, Nomos, 1992.
21
Commission Européenne, Livre blanc sur la modernisation des règles d’application des articles 81 et 82 CE,
DG COMP, JOCE C-132, 12 mai 1999. §100. p. 38: le passage au système de l'exception légale permettrait aux
«plaignants [d']obtenir plus rapidement des dommages et intérêts lorsqu’ils sont victimes d’une entente illicite».
22
CJCE, 20 septembre 2001, Courage Ltd c. Bernard Crehan, aff. C-453/99. Conclusions Mischo présentées le
22 mars 2001. §26: «La pleine efficacité de l'article 85 du traité et, en particulier, l'effet utile de l'interdiction
énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage
que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence».
23
M. MEKKI, «Les doctrines sur l'efficacité du contrat en période de crise», Revue des Contrats, janvier 2010,
n° 1, p. 383.
6
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
Effet, efficace, effectif, efficient, tous ces termes dérivent de la même racine latine facio: faire,
combinée avec le préfixe ex : hors de. Efficax, efficiens, effectivus, sont trois formes adjectivales
partageant la même racine selon des modalités verbales distinctes. À l'infinitif: la qualité de ce
qui est apte à faire. Au présent actif: la qualité de ce qui est en train de faire. À la voix passive:
la qualité de ce qui a été fait. La morphologie française présente les mêmes nuances, bien
qu'elles nous soient devenues moins sensibles. L'affaiblissement des modalités verbales
entraîne une certaine confusion entre des formes voisines. Le français préfère l'adjectif
"efficace" bien qu'il connaisse la forme "efficient", tandis que l'anglais utilisera plus
couramment l'adjectif "efficient", sans ignorer la forme "efficacy".
6. Des notions distinctes . La notion d'efficacité d'une norme donnée renvoie à deux
approches distinctes: une approche quantitative sociologique et une approche qualitative
économique. L'efficacité désigne à la fois « le caractère de ce qui produit l’effet attendu » et « la capacité
de produire le maximum de résultats avec le minimum d’efforts ou de dépenses »24. Ce double sens se reflète
dans les notions voisines d'efficience25 et d'effectivité. L'approche sociologique assimile
efficacité et effectivité, définies comme l'aptitude d'une norme quelconque à prescrire ou
interdire effectivement un comportement déterminé 26. Par opposition, l'approche économique
privilégie l'efficacité en tant que mesure de l'efficience selon divers critères qualitatifs. Si le
sociologue mesure l'effet, l'économiste s'intéresse au processus permettant de parvenir à l'effet.
L'efficience vise à déterminer qualitativement « le moyen le plus rapide, le plus simple, le plus
performant et le moins onéreux de parvenir à une solution »27. Sous cette double acception,
l'inefficacité d'une règle peut donc signifier deux choses complètement opposées. L'inefficacité
d'une règle peut indiquer que la règle n'est pas appliquée, qu'elle ne produit pas d'effet. Ou en
24
A. FLÜCKIGER, «L’évaluation législative ou comment mesurer l’efficacité des lois», Revue européenne des
sciences sociales, 2007, en ligne : <www.ress.revues.org/195>.
25
Pour rajouter à la confusion, le terme anglais "efficiency" se traduit en français par le terme "efficacité".
26
J. CARBONNIER, «Effectivité et ineffectivité de la règle de droit», L'année sociologique, 1958, vol. 7. Et J.
CARBONNIER, Flexible Droit: pour une sociologie du droit sans rigueur, 10 éd., LGDJ, 2001. V. égal. P.
CONTE, «"Effectivité", "inefficacité", "sous-effectivité", "surefficacité"… variations pour droit pénal», in Le
droit privé français à la fin du XXème siècle: études offertes à Pierre Catala, Litec, 2001, p. 125.
27
G. CANIVET, «Du principe d'efficience en droit judiciaire privé», in Le juge entre deux millénaires -
Mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, 2000, p. 244. «Peut-on dire que les règles de procédure prennent en
compte d'une manière primordiale leur propre efficacité, qu'elles organisent le procès comme le moyen le plus
rapide, le plus simple, le plus performant et le moins onéreux de parvenir à une solution? […] existe-t-il un
principe d'efficience dans le procès civil? […] La réforme de la justice s'inscrit dans une démarche plus
économique que juridique, moins dogmatique que pratique, plus prospective, enfin, sur l'aptitude de l'institution
à répondre à une demande de justice qu'il faut analyser, prévoir et évaluer, sur l'offre à créer pour la satisfaire
quantitativement et qualitativement, sur les choix à opérer entre le monopole de la justice étatique et le
développement des modes alternatifs privés […] Le principe d'efficience de la procédure n'est, en définitive, que
l'un des éléments de l'économie du système juridique, dont la nécessité est à imposer, la théorie à construire, la
méthode à préciser».
7
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
sens inverse, qu'elle est effectivement appliquée, mais que les modalités de sa mise en œuvre
entraînent un effort disproportionné au regard du résultat obtenu.
28
Avocats: Cass. Civ. 1ère 5 février 1991, N° de pourvoi: 89-13528: «Mais attendu que […], parmi les diverses
fautes commises par cet avocat, qu'en sa qualité de rédacteur de l'acte de prêt il a manqué, d'abord, à son
obligation de conseil, qui lui imposait en particulier de vérifier l'état des inscriptions, la valeur de la garantie
stipulée au profit du prêteur, et encore à celle de prendre avec diligence toutes dispositions utiles pour assurer
l'efficacité de cet acte». Notaires: Cass. Civ. 1ère 18 octobre 1960: Bull. 443. «Les notaires, tenus
professionnellement d'éclairer les parties, ne peuvent décliner le principe de leur responsabilité en alléguant
qu'ils se sont bornés à donner la forme authentique aux déclarations recues; qu'ils doivent contrôler et vérifier les
indications essentielles qui leur sont données, afin d'assurer l'utilité et l'efficacité de l'acte qu'ils dressent». Et
Cass. Civ. 1ère 3 mars 2011, N° de pourvoi: 09-16091: «Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ; Attendu que
le notaire, tenu de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité des actes auxquels il
prête son concours ou qu'il a reçu mandat d'accomplir, doit, sauf s'il en est dispensé expressément par les parties,
veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent
l'exécution, dont, quelles que soient ses compétences personnelles, le client concerné se trouve alors déchargé».
29
Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat. Art. 9.
30
R. DEMOGUE, Traité des obligations en général, 1923-1933, t. 5. §1237. p. 536. H. MAZEAUD, «Essai
d’une classification des obligations», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1936, p. 1. A. TUNC, «La distinction
des obligations de résultat et des obligations de diligence», La Semaine Juridique, JCP, 1945. I. 499. J.
BELLISSENT, Contribution à l’analyse de la distinction des obligations de moyens et de résultat, A propos de
l’évolution des ordres de responsabilité, LGDJ, 2001, [Doctorat : Droit : Montpellier].
31
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, 4 éd., Litec, 2004. cf. n° 8, p. 5: «Les droits
sanctionnateurs sont des droits au second degré, jura supra jura, droits sur les droits». G. CORNU et J. FOYER,
8
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
droits substantiels par l'attribution d'un droit subjectif d'action 33. Le principe d'effectivité qui
découle de la primauté du droit communautaire s'oppose à l'application de règles internes qui
auraient pour effet de rendre l'exercice d'un droit pratiquement impossible ou excessivement
difficile34. Exécution, exercice du droit d'action, obligation de résultat, principe d'effectivité, le
droit se résout dans le faire, dans l'efficace. Le droit est littéralement obsédé par l'efficacité.
« l’ordre juridique formé par les normes juridiques n’est valide que s’il est - en gros
et généralement - appliqué et suivi, c’est-à-dire s’il est efficace »35.
L'efficacité est une condition élémentaire d'existence de toute règle à caractère juridique.
L'efficacité d'une règle se réalise concrètement par la procédure, dans le droit d'action défini
comme « le droit d’obtenir du juge une décision sur le fondement d’une prétention »36.
Procédure civile, 3 éd., PUF, 1996. p. 6: la procédure est «moins une espèce particulière de loi que la sanction de
toutes les autres».
32
J. HÉRON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 1991. cf. n° 1, p. 9 : «Pour marquer son originalité, on peut
dire que c’est un droit sanctionnateur ou auxiliaire et un droit servant». Mais la procédure est le serviteur du fond
comme Jacques est le valet de son maître. D. DIDEROT, Jacques le fataliste et son maître, Garnier, 1875. p. 54:
«Jacques suivait son maître comme vous le vôtre ; son maître suivait le sien comme Jacques le suivait — Mais,
qui était le maître du maître de Jacques ?».
33
H. MOTULSKY, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé: la théorie des éléments générateurs
des droits subjectifs, Lyon, 1947. p. 73: «Rechercher l’applicabilité d’une règle de Droit, et rechercher
l’existence d’un droit subjectif, c’est la même chose».
34
Par ex. CJCE (5ème) 10 juillet 1997, Rosalba Palmisani contre Istituto nazionale della previdenza sociale
(INPS), aff. C-261/95, §27: « il résulte d'une jurisprudence constante depuis l'arrêt Francovich que […] c'est
dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice
causé, étant entendu que les conditions, notamment de délai, fixées par les législations nationales en matière de
réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations
semblables de nature interne (principe de l'équivalence) et ne sauraient être aménagées de manière à rendre en
pratique impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation (principe d'effectivité)».
35
H. KELSEN, «Was ist die Reine Rechtslehre ?», in Demokratie und Rechtstaat. Festschrifft für Zaccharia
Giacometti, Zürick, 1953, p. 143. Traduction Ph. Coppens. in : Qu’est-ce que la théorie pure du Droit ? Droit et
Société. 22/1992.
36
H. MOTULSKY, Cours de droit processuel, édité par M.-M. CAPEL, Montchrestien, 1973. p. 55.
9
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
judiciaire. La mesure de l'efficience du système judiciaire utilise des variables qualitatives telles
que l'analyse des frais judiciaires, les budgets de fonctionnement des tribunaux, la part du PIB
allouée à l'aide judiciaire ou les délais de jugement. Il existe une profusion d'études selon cette
approche: annuaire statistique de la justice 37 de la Chancellerie, rapports MAGENDIE38, rapports
Doing Business39 de la Banque Mondiale, ou encore rapports de la CEPEJ pour l'efficacité de la
Justice40. C'est dans ce second sens qu'il faut comprendre la recherche de la pleine efficacité du
droit communautaire, destinée à maximiser ses effets, augmenter son effet dissuasif. Les actions
privées sont censées apporter un surcroît d'efficience à l'effet dissuasif de l'interdiction des
ententes et abus de position dominante, en redoublant le contrôle de son application.
37
Annuaire Statistique de la Justice, Sous-direction de la statistique et des études, Ministère de la Justice, 2011-
2012, en ligne : <http://www.justice.gouv.fr>.
38
J.-C. MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice - la gestion du temps dans le procès, Rapport au Garde des
Sceaux, La Documentation Française, 2004, en ligne : <http://www.ladocumentationfrancaise.fr>. Voir la lettre
de mission du 19 décembre 2003: «Il s'agit de passer d'une logique traditionnelle de résorption des stocks et de
régulation des flux, qui renvoie à une approche purement quantitative, à une logique plus globale de recherche
d'efficacité». Voir égal. Lettre de Mission Magendie II du 2 novembre 2007: J.-C. MAGENDIE, S. AMRANI-
MEKKI et N. FRICÉRO, Célérité et qualité de la justice devant la Cour d'appel, Rapport au Garde des Sceaux,
2008, en ligne : <http://www.justice.gouv.fr>. «Grâce à la qualité des travaux de la mission que vous avez
présidée, plusieurs réformes procédurales d’importance ont pu intervenir. Leur mise en œuvre a permis de
renforcer l’efficacité de la justice rendue en première instance […] je vous remercie d’avoir accepté de reprendre
le travail d’écoute et de proposition que vous aviez mené, en réfléchissant spécifiquement aux conditions d’une
plus grande efficacité de la justice en deuxième instance. L’objectif doit être de garantir au justiciable qu’une
décision effective soit rendue dans un délai raisonnable».
39
Doing Business in a more transparent world, World Bank & International Finance Corporation, 2012,
en ligne : <www.doingbusiness.org>.
40
La Commission Européenne pour l'Efficacité de la Justice (CEPEJ – European Commission for the Efficiency
of Justice) est un organe du Conseil de l'Europe: CEPEJ, Rapport d'évaluation 2012, Commission Européenne
pour l'Efficacité de la Justice, 20 septembre 2012, en ligne : <www.coe.int/cepej>.
41
F. G. JACOBS, «Civil enforcement of EEC antitrust law», Michigan Law Review, vol. 82 avril-mai 1984,
p. 1364.
10
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
cette même absence dans sa thèse en faveur du private enforcement des règles de concurrence
soutenue une dizaine d'années plus tard à Cambridge 42. À la veille de l'arrêt COURAGE,
l'European University Institute organise un colloque consacré à l'effectivité du private
enforcement43. Trois ans plus tard, le rapport ASHURST constate le « sous-développement total »44
des actions privées en réparation en Europe.
13. Livre Vert et Livre Blanc. À partir de ce constat, la Commission Européenne a lancé
– avec la publication du Livre Vert de décembre 2005 - un programme législatif ambitieux
visant à la mise en place d'un « système efficace de traitement des demandes d'indemnisation faisant suite à
des infractions aux règles sur les ententes »45. Le Livre Blanc justifie identiquement l'initiative de la
Commission en observant que « dans la pratique, les victimes d'infractions aux règles de concurrence
communautaires n'obtiennent, à ce jour, que rarement réparation des dommages subis »46.
14. Résistances aux réformes proposées. Les questions abordées par le Livre Vert et le
Livre Blanc témoignent de l'ampleur des transformations envisagées, touchant aux fondements
mêmes de la responsabilité délictuelle et de la procédure civile: accès aux preuves et mécanisme
de divulgation catégorielle, force probante des décisions des autorités de concurrence,
évaluation des dommages et intérêts punitifs, intérêt à agir des acheteurs indirects et exception
42
C. A. JONES, Private Enforcement of EC Antitrust Law in the EU, UK and USA, Oxford University Press,
1999, [King’s College, University of Cambridge : 1997].
43
Effective Private Enforcement of EC Competition Law, European University Institute, European
Competition Law Annual Workshop , édité par C.-D. EHLERMANN et I. ATANASIU, Oxford : Hart
Publishing, 2001, en ligne : <www.eui.eu>.
44
D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-SHOSHAN, Comparative report : Study on the conditions of
claims for damages in case of infringement of EC competition rules, Ashurst, Commission Européenne, août
2004.
45
Commission Européenne, Livre Vert relatif aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, DG COMP, Journal Officiel UE, 19
décembre 2005 - C/2006/49/23. Pt. 1.2: Définition du problème. «La Cour de justice des Communautés
européennes (CJCE) a déclaré que pour que les droits conférés par le traité soient effectivement sauvegardés,
les particuliers qui ont subi un dommage du fait d'une infraction aux articles 81 ou 82 ont le droit de réclamer
des dommages et intérêts. Alors que le droit communautaire exige un système efficace de traitement des
demandes d'indemnisation faisant suite à des infractions aux règles sur les ententes, ce domaine du droit est
caractérisé, dans les 25 États membres, par un total sous-développement».
46
Commission Européenne, Livre Blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 2 avril 2008, COM(2008) 165 final. p. 3. «En
dépit de l'obligation d'établir un cadre juridique efficace permettant de faire de l'exercice du droit à réparation
une possibilité réaliste, et même si quelques signes d'amélioration ont pu être constatés récemment dans certains
États membres, dans la pratique, les victimes d'infractions aux règles de concurrence communautaires
n'obtiennent, à ce jour, que rarement réparation des dommages subis. […] Le meilleur moyen de lutter contre
l'inefficacité actuelle des actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence consiste à
combiner des mesures tant au niveau communautaire qu'au niveau national, en vue de garantir, dans chaque État
membre, une protection minimale effective du droit des victimes à obtenir des dommages et intérêts, en
application des articles 81 et 82, ainsi que des conditions plus équitables pour tous et une sécurité juridique
accrue dans l'ensemble de l'UE».
11
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de répercussion du surcoût, coût des procédures et bien sûr la question liée du recours collectif
des consommateurs. Ce processus n'a pas encore « abouti concrètement »47. La philosophie
répressive adoptée par le Livre Vert a déclenché « hostilité »48 et résistance49, faisant craindre que
le droit de la concurrence ne devienne le « vecteur d'un bouleversement de notre droit de la
responsabilité »50. Le Livre Blanc a fait marche arrière en affirmant que « l'indemnisation intégrale des
victimes est, de loin, le premier principe directeur » et en abandonnant la proposition radicale
concernant les dommages et intérêts punitifs51. Le seul résultat encourageant du processus de
consultation consiste dans le projet de lignes directrices relatif à l'évaluation du préjudice 52
élaboré sur la base de l'étude OXERA53.
15. Enlisement législatif. Un premier projet de directive a été retiré de l'agenda dans des
circonstances rocambolesques54 face aux vives critiques dont il faisait l'objet 55 et en raison des
47
AFEC, Observations formulées par l'AFEC sur le projet de document d'orientation relatif à la quantification
du préjudice, 2011. p. 2. «la volonté exprimée par la Commission de réaliser des avancées significatives sur une
réflexion engagée depuis longtemps […] n’a pour le moment pas abouti concrètement».
48
L. IDOT, «Le Livre vert de la Commission relatif aux actions en dommages et intérêts pour ententes et abus de
position dominante... et maintenant ?», Revue Europe, juillet 2006, n° 7, alerte 32. «une hostilité […] vis-à-vis
de toute éventuelle importation d'institutions procédurales américaines, qu'il s'agisse des class actions, de la
discovery, ou encore de punitive damages, et des inquiétudes quant à l'articulation d'éventuelles actions privées
avec les programmes de clémence».
49
F. CENGIZ, Passing-On Defense and Indirect Purchaser Standing in Actions for Damages Against the
Violations of Competition Law: What Can the EC Learn from the US?, Social Science Research Network,
novembre 2007, en ligne : <http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1462234>, accès : 20/7/2011.
«If the Commission decides to take the path of harmonisation of national standards, it will have to face a strong
resistance from the national level. […] Consequently, harmonisation of national standards in this field in the near
future does not seem very realistic».
50
E. CLAUDEL, «Les propositions du Livre blanc: Faciliter l’établissement des conditions de la responsabilité»,
Revue Concurrences, novembre 4-2008, n°22092.
51
Commission Européenne, Livre Blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 2 avril 2008, COM(2008) 165 final. p. 3.
52
Consultation publique juin-septembre 2011: Commission Européenne, La quantification du préjudice dans les
actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 TFUE, Projet de document
d'orientation, DG Concurrence, Bruxelles, juin 2011.
53
OXERA et A. KOMNINOS (DIR.), Quantifying antitrust damages: Towards non-binding guidance for courts,
Study prepared for the European Commission, December 2009, en ligne : <www.ec.europa.eu>.
54
H.-W. MICKLITZ, «Collective Private Enforcement in Antitrust Law: What is going wrong in the debate?»,
in Private Enforcement of Competition Law, Charles University (Prague), 26-27 juin 2009, édité par J.
BASEDOW, J. P. TERHECHTE et L. TICHÝ, Nomos, 2011. p. 101. «In june 2009 a proposal for a Council
Directive on rules governing damages actions for infringements […] was leaked to the press […] It provided for
an opt-out representative action and an opt-in group action […] The public awareness provoked, the obviously
intended, strong reactions of some of the Member States. There were even rumors that Member States made the
reelection of Barroso contingent upon the withdrawal of the proposal».
55
J. ALFARO et T. REHER, «Private Antitrust Litigation», in Global Competition Review - The European
Antitrust Review, 2011.En ligne: www.globalcompetitionreview.com. «Shortly before the Commission was
scheduled to pass the Draft Directive, the Directorate General for Competition surprisingly withdrew this item
from the agenda, arguing that it did not want to anticipate the new commissioner by pushing it through. Official
reasoning aside, the decision not to put the Draft Directive to vote may also have been connected to substantial
criticism put forward against it by many stakeholders, including some of the member states».
12
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
Un second projet de directive concernant les actions en dommages et intérêts est bien inscrit
au programme de travail pour l'année 2012 de la Commission 60 qui précise toutefois que la
Commission ne s'est pas engagée à réaliser cette initiative courant 2012. Malgré le
volontarisme des Commissaires Mario MONTI, Neelie KROES, et Joaquin ALMUNIA61, ce n'est
pas tant le bouleversement qui menace que la paralysie 62.
56
L. IDOT, «Entre Livre Blanc et Livre Vert: à propos des actions collectives et des droits des consommateurs»,
Revue Europe, avril 2009.
57
Commission Européenne, Livre Vert sur les recours collectifs pour les consommateurs, DG SANCO, 27
novembre 2008, p. 4 pt.5, COM(2008)794. «Le présent livre vert ne concerne pas les recours collectifs pour les
victimes d'infractions à la législation communautaire sur les ententes et les abus de position dominante, en raison
de la nature spécifique de cette législation et du champ plus large des victimes concernées, qui inclut également
les PME».
58
Commission Européenne, Renforcer la cohérence de l’approche européenne en matière de recours collectif :
prochaines étapes, Note d'information de Mme REDING, M. ALMUNIA et M. DALLI, DG Justice, DG
SANCO, DG COMP, 5 octobre 2010.
59
Commission Européenne, Document de travail des services de la commission. Consultation publique:
"Renforcer la cohérence de l'approche européenne en matière de recours collectifs", DG Justice, DG SANCO,
DG COMP, 4 février 2011, p. 6 pt.10, SEC(2011) 173 final. «L'adoption d'un cadre européen cohérent,
s'appuyant sur les différentes traditions nationales […] devrait définir des principes communs que toute initiative
(éventuelle) de l'Union en matière de recours collectifs devrait respecter, quel que soit le domaine concerné.
L'objectif est de garantir, dès le début, que toute proposition (éventuelle) en la matière, tout en visant à assurer
une application plus effective du droit de l'Union, s'inscrive bien dans la tradition juridique de l'Union et
l'ensemble des voies de recours déjà disponibles à cet effet».
60
Commission Européenne, Programme de travail de la Commission pour l'année 2012: Réaliser le renouveau
européen, Annexe à la communication de la Commission au Parlement, 15 novembre 2011, en ligne :
<www.ec.europa.eu>, COM(2011) 777 final. Le programme de travail de la Commission pour 2012 indique une
initiative législative en préparation concernant les actions en dommages-intérêts pour infraction aux droit de la
concurrence. Selon la Commission: «Cette initiative législative a pour objectif d’assurer le recours effectif en
dommages et intérêts devant les juridictions nationales pour infraction aux règles de l’UE sur les ententes et les
abus de position dominante et de clarifier le rapport entre de telles actions privées et le contrôle public de
l'application de la loi exercé par la Commission et les autorités nationales de concurrence, notamment en ce qui
concerne la protection des programmes de clémence, afin de préserver le rôle central de l’action des autorités
publiques au sein de l’UE». L'initiative n'est toutefois pas marquée comme indiquant que la Commission
s’engage à réaliser cette initiative dans le courant de 2012.
61
J. ALMUNIA, Competition Policy : Work Programme for 2012, ECON committee, European Parliament, 22
décembre 2011, en ligne : <www.europa.eu>, SPEECH/11/785. «The other major initiative is about the right of
individuals and firms to seek compensation for the damage caused by breaches of EU antitrust law. I will
propose to the Commission an initiative designed to remove the major obstacles for damages actions before
national courts. […] As regards collective redress, the Commission will in parallel decide on the follow up to be
given to the public consultation launched last year».
62
Il est permis de partager l'opinion pessimiste de Donald Baker - ancien directeur de la division Antitrust des
Etats-Unis - sur l'issue du processus: D. BAKER, «The Eu Green Paper On Private Damage Actions : An
Ambitious Response To A Very Difficult Set Of Practical And Philosophic Issues», Competition Law Journal,
issue 4 2005, p. 239. « There appears to be an enormous gap between surfacing some interesting ideas and
13
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
actually achieving an active programme of private enforcement of the EC competition rules across Europe. It
seems considerably more likely that very little will happen than that too much will happen, as some thoughtful
Europeans seem to fear ».
63
H.-W. MICKLITZ, «Collective Private Enforcement in Antitrust Law: What is going wrong in the debate?»,
in Private Enforcement of Competition Law, Charles University (Prague), 26-27 juin 2009, édité par J.
BASEDOW, J. P. TERHECHTE et L. TICHÝ, Nomos, 2011. p. 101. Cf. p. 104-106. «The regulation of antitrust
injuries and more generally of consumer collective actions began with the launching of an empirical study
focused on gathering evidence on the role and function of private litigation in the Member States' legal systems.
[…] The European Commission could build its Green and White Papers on an obviously impressive set of
empirical data. The four studies put together exceed a thousand pages. However, a closer look reveals that one
might seriously doubt whether the research undertaken adequately supports the conclusion drawn by the
European Commission […] a closer look at the different projects is needed in order to show the deficiencies and
the shaky empirical basis on which the Commission operates […] What is missing is more comprehensive and
much deeper empirical research on the existing antitrust cases».
64
M. LAFFINEUR, Rapport sur le Livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, Rapport d'information, Délégation pour
l’Union européenne , Assemblée Nationale, 28 juin 2006.
65
C. MOMÈGE et N. BESSOT, Rapport national: France, in Study on the conditions of claims for damages in
case of infringement of EC competition rules, sous la dir. de D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-
SHOSHAN, Ashurst, 31 août 2004. p. 1: «To this date, there have been few reported cases of claimants bringing
actions for damages […] Another reason why there have been few reported cases may be that claimants might
reach a settlement before the case is heard by the judge». Et p. 30-31: Please provide statistics about the number
of cases based upon the violation of EC competition rules in which the issue of damages was decided upon. «To
our knowledge, no official statistics of this kind are available. This is to be expected, given the fact that there are
few reported cases on actions for damages for violation of EC competition rules. […] The number included in
the following table therefore only relates to the cases most often referred to in the elaboration of the study ».
66
M. CHAGNY, «La place des dommages-intérêts dans le contentieux des pratiques anticoncurrentielles»,
Revue Lamy du Droit de la Concurrence, août 2005, n° 4, RLC 340, p. 186. «Réduite à la portion congrue...
Ainsi apparaît, de prime abord, la place des dommages-intérêts dans le contentieux interne et communautaire des
pratiques anticoncurrentielles. L’impression se confirme apparemment pour qui tente de rechercher les décisions
dans lesquelles des dommages-intérêts sont réclamés par la victime de ces comportements prohibés. Il est
piquant de constater qu’année après année, ce sont toujours les mêmes décisions que l’on cite et du reste la
présente contribution n’échappera pas à son tour à cette loi du genre tant sont rares les actions en responsabilité
civile engagées au titre de pratiques anticoncurrentielles».
14
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
67
A. KOMNINOS, «Private enforcement: An overview of EU and national case law», e-Competition -
Competition Laws Bulletin, 22 march 2012, n° 44442, en ligne : <www.concurrences.com>. «there is now a
growing mass of national cases, including awards for damages, establishing national precedents and dealing not
only with the fundamental questions of the existence of a remedy but also with the more specific conditions for
the exercise of the right to damages [..] second generation topics: standing and passing-on, characterisation of
damages, quantification of harm, causation, binding effect of public authorities’ decisions, collective claims and
access of claimants to the public authority’s file».
68
A. KOMNINOS, EC Private Antitrust Enforcement, Hart Publishing, 2008. Introduction p. xiii-xv: «this is not
a book just about private antitrust enforcement, but rather about private enforcement of the Community
competition rules before the Community courts of full jurisdiction, the courts of the member states. […] There is
no exhaustive covering of the specific mechanics of the system of private actions in Europe from the point of
both substance and procedure. Such a task would be possible only if our system of private enforcement were a
centralised or federal one […] For this reason, a complete analysis of the phenomenon of private antitrust
enforcement in Europe would necessitate 27 books of this kind. In short, the aim is to examine provate
enforcement of the Treaty competition rules as a Community law phenomenon in its developmental perspective
[…] An effort has been made throughout the book to refer to national developments, cases and authorities, at
least in the majority of the 15 old Member states. This reference is, however, by no means exhaustive, but rather
aim to acquaint the reader with the common thrust of the Union's basic legal systems and the way those systems
interact with Community law in the decentralised application of EC competition law».
69
Ibid. p. 161: «It has long been debated why Europe lags so far behind that the role of damages actions and
awards can even be ignored in view of their virtual non-existence».
70
V. MILUTINOVIC, The right to damages under EU competition law: from Courage v. Crehan to the White
Paper and beyond , Kluwer Law International, 2010, [Doctorat : Droit : European University Institute].
71
L. IDOT, «Recommendations flowing from the french experience», in Private enforcement of competition
law, Max Planck Institute, 6-7 avril 2006, édité par J. BASEDOW, Kluwer Law International, 2007. p. 85. Cf. p.
86-88: «As is generally known, the basis of the Green Paper is the Ashurst Report which focuses on the
underdevelopement of private actions. This conclusion is not entirely right, at least in regards to the french
context. Namely, we have to determine very precisely about what we are speaking […] the underdevelopement
does not, generally speaking, concern private actions. Private actions in which antitrust issues are discussed are
more and more numerous […] The qualification "underdevelopement" is only valid for claims on tort damages
arising from anticompetitive practices, such as cartels or abuses of dominant market position. Furthermore, it
15
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
vers le contentieux français offre une meilleure perspective. L'auteur conteste le constat de
sous-développement établi par le rapport ASHURST.
18. En France, on recense seulement cinq thèses de droit privé ayant abordé la question du
private enforcement du droit de la concurrence. Stéphanie BRUNENGO-BASSO et Silvia PIETRINI
traitent du thème de la réparation dans la perspective militante de « l'émergence de l'action de
groupe »72 et de « l’action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles »73. Anne TERCINET étudie la
palette de sanctions disponibles dans « la lutte contre les cartels internationaux »74 en procédant à une
comparaison avec le système américain. La thèse de Marie DUMARÇAY relative à « la situation de
l'entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques anticoncurrentielles » n'offre pas davantage
de recueil complet de la jurisprudence et relève que « le contentieux subjectif a donné lieu à des
décisions pour le moins sporadique et particulièrement difficiles d'accès »75. Une thèse soutenue en
décembre 2012 par Rafael AMARO adopte certes une approche qualitative et quantitative, mais
mainly relates to actions brought by consumers and not by client or competitors […] It is clear that the issues and
therefore the solutions are not necessarily the same regarding damages sought by a consumer subjected to a price
increase due to cartel practice and a competitor evicted from the market due to an abuse of one's dominant
position».
72
S. BRUNENGO-BASSO, L'émergence de l'action de groupe, processus de fertilisation croisée, [Doctorat :
Droit privé : Université Paul Cézanne (Aix-Marseille) : 2009]. Résumé: «La Commission européenne conduit
une réflexion pour introduire ce type de recours en droit antitrust au profit des consommateurs et des
concurrents, victimes de pratiques anticoncurrentielles. L’objectif est d’améliorer l’efficacité du droit antitrust en
garantissant la réparation du dommage né de la pratique illicite. Le développement des poursuites privées des
pratiques anticoncurrentielles (private enforcement) doit permettre de renforcer le respect du droit antitrust par
les opérateurs économiques».
73
S. PIETRINI, L'action collective en droit des pratiques anticoncurrentielles, Bruylant, 2012, [Doctorat :
Droit : Paris-X : 2010].
74
A. TERCINET, La lutte contre les cartels internationaux , [Doctorat : Droit privé : Université Jean Moulin
(Lyon) : 2010]. Résumé: «Les Etats-Unis se distinguent des autres États, par le côté novateur et l’efficacité des
moyens développés, même si les économistes nuancent cette réussite. Pays de Common Law, leur droit
procédural est un atout en matière de Private enforcement, pour vaincre l’obstacle de la preuve par la Discovery,
outil qu’ils ont su sophistiquer, et pour inciter les consommateurs à défendre leurs droits grâce aux Class actions,
et autres Punitive damages. Le caractère international de ces cartels veut que le Private enforcement ne puisse
être premier dans cette lutte, et ne vienne qu’en soutien du Public enforcement par la menace qu’il constitue».
75
M. DUMARÇAY, La situation de l'entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques
anticoncurrentielles. Etude des procédures française et communautaire d'application du droit communautaire
des pratiques anticoncurrentielles, [Doctorat : Droit : Montpellier-I : 2008]. p. 517-518 n° 425: «Cette étude
invite à constater, pour essayer d'y remédier, les carences du contentieux subjectif […] L'analyse de la situation
de l'entreprise victime d'une pratique anticoncurentielle dans le contentieux subjectif a davantage vocation à
déterminer […] les raisons de sa marginalisation. Resté longtemps un terrain peu visité, le contentieux subjectif a
donné lieu à des décisions pour le moins sporadique et particulièrement difficiles d'accès».
16
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
privilégie une méthode tenant plus du « sondage » que du « recensement exhaustif »76. Il recense donc
de manière non-exhaustive 171 affaires, françaises ou européennes, en comptabilisant
indistinctement au sein du contentieux privé, le contentieux contractuel en annulation et le
contentieux délictuel en réparation. Enfin, et similairement, une étude réalisée par l'AFEC « de
façon non exhaustive »77 recense 35 décisions civiles78, pénales79 et administratives80. Il n’existe
donc pas de travaux de recherches offrant une description exacte du contentieux indemnitaire.
19. Difficultés d'accès aux décisions . Cette carence s’explique probablement en partie
par la difficulté d’accès aux décisions du premier degré. Quoique l'article 15, §2 du règlement
1/2003 oblige les Etats-membres à transmettre les décisions nationales faisant application des
articles 101 et 102 TFUE, la page internet qui leur est dédiée sur le site de la Commission
Européenne recense seulement deux affaires81 relevant du contentieux des dommages et
76
R. AMARO, Le contentieux privé des pratiques anticoncurrentielles: Étude des contentieux privés autonome
et complémentaire devant les juridictions judiciaires, [Doctorat : Paris-V : 2012]. n° 55 p. 42 : « Précautions
méthodologiques. Pour tenter de se faire une idée plus précise de la réalité judiciaire qui est celle du contentieux
privé des pratiques anticoncurrentielles, les observations subséquentes se fondent sur 174 décisions rendues par
des juridictions civiles et commerciales. Si ce panel n’est pas insignifiant, il serait sans doute hasardeux de trop
en attendre tant l’exactitude statistique en sociologie juridique a tout du voeu pieu. Il suffit de rappeler en ce
sens que l’écrasante majorité des jugements de première instance ne parvient jamais à la connaissance de la
doctrine. Quant aux arrêts d’appel, si leur accessibilité s’est nettement améliorée ces dernières années, elle
demeure encore insatisfaisante pour ceux qui sont antérieurs aux années 2000. Pour cette raison, la méthode ici
privilégiée tiendra plus du sondage ou de la « coupe transversale », dirait-on en d’autres disciplines, que du
recensement exhaustif. Il semblerait ainsi méthodologiquement discutable de vouloir en tirer des conclusions
trop générales en spéculant sur des statistiques invérifiables, telles que la proportion relative d’actions
complémentaires par rapport aux actions autonomes ou la proportion de recours privés par rapport aux plaintes
devant les autorités de concurrence ».
77
AFEC, Annexe aux observations sur le projet de document d’orientation sur la quantification du préjudice
dans les actions en dommages-intérêts, Association Française d'Etude de la Concurrence, 2011, sous la dir. de
M. CHAGNY. p. 1.
78
CA Paris 19 mai 1993 Mors/Labinal; CA Paris 30 septembre 1998; CA Versailles 11 septembre 1997
RTO/BMW; Cass. com. 12 janvier 1999, OFUP n° 97-10.808; CA Paris 23 juin 2004 Pompes Funèbres de
Memoris; CA Versailles 24 juin 2004 Médiamétrie; TC Nanterre 11 mai 2006 Arkopharma; TC Paris 26 janvier
2007 Laboratoires Juva; CA Rouen 14 décembre 2009; CA Paris 10 juin 2009; Cass. Com., 15 juin 2010, Doux
Aliments n° 09-15816; CA Riom 29 juin 2011 Prodental ; TC Paris 6 juin 1995 Concurrence; CA Paris 22
octobre 1997 Concurrence; CA Paris 13 janvier 1998 UGAP; CA Paris 22 octobre 2001 UGAP; CA Paris 28
juin 2002 Streiff Motorsport; TGI Montargis 16 septembre 2009 Radiodiagnostic; TC Paris 30 mars 2011
Numéricable; CA Paris 1er février 1995 Parfumerie Jerbo; TC Paris 22 octobre 1996 Eco-system; Cass. Com. 29
janvier 2002 Bronner n° 00-11433; CA Paris 24 novembre 2004 Association Consistoriale Israelite de Paris; CA
Paris 27 avril 2011 Bassam Merhi; TC Paris 27 octobre 2008 RG n° 2006033534.
79
Tribunal Correctionnel, Paris 26 octobre 2005; CA Paris 27 février 2007; CA Rouen 14 décembre 2009
Enrobés bitumineux; Tribunal Correctionnel, La Roche-sur-Yon 18 janvier 2010; Tribunal Correctionnel, Rouen
27 janvier 2011, Rénovation des monuments historiques.
80
CAA Nantes 28 décembre 2006 Ernée Viandes ; CAA Paris 22 avril 2004 SNCF c. Bouygues; CAA Paris 27
février 2007 SNCF c. Bouygues; CAA Paris 26 juin 2007 SNCF c. Eiffage; TA Paris 27 mars 2009 SNCF c.
Bouygues.
81
Cour d'appel, Paris (5-4), 14 décembre 2011, Cie Emirates c. CHADEP, RG n° 09/20639; Tribunal de
Commerce, Nanterre (6ème), 11 mai 2006, Arkopharma c. Roche, RG n° 2004F02643.
17
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
intérêts82. L'AFEC observe à ce sujet qu'il serait souhaitable de favoriser l'accès informatique
aux décisions européennes en texte intégral par la transmission systématique des décisions
pertinentes à la Commission et la création d'une banque de données rassemblant l'ensemble des
jurisprudences nationales83.
82
L'article 15 §2 Règl. 1/2003 CE dispose que: «Les États membres transmettent à la Commission copie de tout
jugement écrit rendu par des juridictions nationales statuant sur l'application de l'article 81 ou 82 du traité». Cette
obligation très large est bien respectée s'agissant du recours contre les décisions de l'Autorité de la concurrence,
mais inégalement appliquée concernant le contentieux privé. Par ailleurs, l'obligation vise la simple "application"
des règles de concurrence, il s'ensuit que le contentieux indemnitaire est noyé dans le fatras de l'euro-défense
(exception de nullité invoquée en défense contre une demande en exécution contractuelle).
83
AFEC, Observations formulées par l'AFEC sur le projet de document d'orientation relatif à la quantification
du préjudice, 2011. p. 7. «il conviendrait de s’attacher à l’accessibilité de l’ensemble des décisions utiles aux
juridictions et aux parties concernées».
84
M.-A. FRISON-ROCHE et S. BORIES, «La jurisprudence massive», Recueil Dalloz, 1993, p. 287. «N'est-ce
pas un défi à l'intelligence et aux lois de l'observation que de soustraire à l'étude la quasi-totalité du réel que l'on
affirme chercher à connaître? Or la jurisprudence, sur laquelle converge la majeure partie des analyses et des
synthèses juridiques, n'est le plus souvent appréhendée qu'à travers un nombre infime de décisions».
18
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
mais n'épuisent certainement pas la complexité des questions soulevées par l'activité judiciaire,
comme le prétendrait une certaine analyse économique du droit 85. Partant, la mesure objective
de l’efficience apparaît comme vaine et inacessible.
23. Méthode de collecte. En principe, les minutes des jugements sont libres. Les
décisions de justice constituent des archives publiques relevant du régime de communicabilité
de plein droit de l’article L213-1 du Code du Patrimoine. Les documents judiciaires ne sont pas
des documents administratifs au sens de la loi du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents
administratifs. Il convient de s’adresser directement à la juridiction, donc à son greffe. Encore
faut-il savoir ce que l’on cherche.
24. Le Répertoire Général des Affaires Civiles . Conformément à l'article 726 du Code
de Procédure Civile88 définissant le répertoire général des affaires civiles (RGC), les
informations enregistrées par les greffes pour l’archivage des minutes des jugements sont de
trois ordres. Le nom des parties est de peu d’utilité pour la recherche d’un contentieux
85
A. GARAPON, La raison du moindre Etat: le néolibéralisme et la justice, Odile Jacob, 2010, p. 46. «Le
modèle néolibéral aborde le droit non plus par sa nature spécifique de règle exprimant la volonté générale, mais
de l'extérieur, en adoptant le point de vue du consommateur. La loi perd tout caractère normatif pour être rangée
au statut de simple information qui doit être prise en compte par le choix rationnel du sujet. Elle est ramenée à un
paramètre de la décision, à un prix, à un coût de transaction».
86
Les recherches se sont avérées décevantes dans les Tribunaux de Commerce en dehors de la capitale. Tout au
plus peut-on citer quelques décisions éparses, principalement en matière de distribution: Tribunal de Commerce
d’Albi (référé), 28 octobre 2009, SA SIAC c. SA Renault.; Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, 4 février
2005, Kronenbourg c. SARL JBEG; Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, 3 février 2005 Kronenbourg c.
Café le Victor Hugo Sarl ; Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, 3 mai 2004 Kronenbourg c. SA J-C
Chiriaux; Cour d’appel de Colmar, 11 septembre 2007, Kronembourg, N°: 05/01681. Tribunal de Grande
Instance de Marseille, 21 Juin 2007, ASSOCIATION AVIGNON OFF c. ASSOCIATION AVIGNON
FESTIVAL ET COMPAGNIES; Tribunal De Commerce de Bordeaux, 7ème ch., 8 février 2008, Auto24 c. Land
Rover. n° 2007F01420.
87
L'auteur tient à remercier tout particulièrement M. le Président de Baecque, président de la juridiction, M.
Denfer, greffier en chef du tribunal, M.. Oliviero et Mme. Danchot, greffiers du tribunal.
88
Code de Procédure Civile. Dispositions communes à toutes les juridictions: Titre XIX: Secrétariat de la
juridiction. Art. 726: «Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d'inscription, le nom des
parties, la nature de l'affaire, s'il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la
décision».
19
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
déterminé. Le numéro du répertoire général n’offre pas plus de prise, s’agissant d’un numéro de
rôle attribué arbitrairement en fonction du rang de le l’assignation dans l’année. Reste la
nomenclature du répertoire général des affaires civiles, qui apparaît de prime abord plus
prometteuse.
25. Notion de nature de l'affaire . La nature de l'affaire est déterminée par le greffe sur la
base de la nomenclature des affaires civiles (NAC)89 qui compte actuellement 558 postes90. La
nomenclature ne prévoit pas de catégorie spécifique pour la réparation des dommages causés
par les pratiques anticoncurrentielles. Le poste 39A identifie la « demande en cessation et/ou
en réparation, de pratiques anticoncurrentielles restrictives (sic) »91. Le poste 39A voisine avec
le poste 39H qui vise la « demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en
dommages et intérêts ». En pratique, il est souvent délicat de distinguer entre ces deux
catégories92. L’utilisation de la nomenclature des affaires civiles ne permet qu'une identification
imprécise du contentieux de la réparation, qui se trouve mêlé au contentieux de la nullité et des
injonctions. Le contentieux de la réparation des dommages causés par les infractions au droit
de la concurrence manque d'un outil statistique adapté à sa détection 93.
89
BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE n° 85 (1er janvier - 31 mars 2002). Mise en place
d'une nouvelle nomenclature des natures d'affaires civiles, nomenclature des décisions civiles ainsi que d'un
nouveau répertoire général civil. DAGE 2001-17 E1/24-12-2001. NOR : JUSG0160102C
90
BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE. n° 85 (1er janvier - 31 mars 2002). Mise en place
d'une nouvelle nomenclature des natures d'affaires civiles ainsi que d'un nouveau répertoire général civil. DAGE
2001-17 E1/24-12-2001. NOR JUSG0160102C : « Le nombre de postes de la nouvelle nomenclature des affaires
civiles a été réduit, de 756 à 558. Dans plusieurs secteurs juridiques, les regroupements de postes font disparaître
des distinctions à l'expérience difficiles à appréhender »
91
Le premier chiffre indique que ce type de demande fait partie de la catégorie "Droit des Affaires" (cotée 3),
sous-catégorie "Droit de la concurrence- propriété industrielle" (cotée 9). La nomenclature indique que le poste
39A couvre les articles L420-1 à L470-8 du C. commerce, et en particulier les pratiques discriminatoires, prix
imposés, ventes subordonnées de l'article L442-6, ainsi que les ententes, abus de position dominante ou de
dépendance économique des articles L420-1, L420-2 et L420-3.
92
L.-H. CHOQUET, «Les produits juridiques de l'appareil judiciaire comme objet sociologique», Droit et
Société, n° 25 1993. «La nomenclature est une lecture parmi d’autres du droit».
93
B. MUNOZ-PEREZ, «Les statistiques judiciaires civiles, sous-produit du répertoire général des affaires
civiles», Droit et société, n°25 1993.
94
Les mots-clefs utilisés afin de détecter toutes les affaires invoquant un moyen tiré de la violation du droit de la
concurrence étaient : « 420-1 », « 420-2 », « 81 + traité », « 82 + traité », « 85 + traité », « 86 + traité »,
« pratiques anticoncurrentielles », « entente », « abus de position dominante », « Conseil de la concurrence », et
« Commission européenne ».
20
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
électronique, qui lui n'est pas prévu par la loi. La recherche n'a pu donc être effectuée qu'avec
l'aimable concours du greffe du Tribunal95.
Résultats et bilan. Par cette méthode, il a été possible de d'identifier cent cinquante-huit
assignations formulant - à titre initial ou reconventionnel - une demande de réparation du
préjudice subi du fait de la violation alléguée des règles internes ou communautaires de
concurrence, sur la période courant entre le 1 er janvier 1999 et le 31 décembre 2010. Sur ce total
de 158 demandes, le Tribunal de Commerce de Paris a alloué des dommages et intérêts dans 19
cas96, soit un taux d’efficacité judiciaire - c’est-à-dire le ratio entre le nombre de décisions
positives et le nombre total de demandes - de 12%.
95
Il est à noter qu’une telle recherche informatique reste extrêmement malaisée pour des raisons d’organisation
et pour des raisons matérielles. Les greffes disposent d’un logiciel dédié pour la gestion des dossier de
procédure, mais qui ne permet pas d’effectuer une recherche plein texte dans les décisions rendues. Il faut donc
se contenter d’un environnement windows ordinaire pour effectuer la recherche sur la version électronique des
minutes enregistrées dans des dossiers par année et par mois. La recherche pour chaque mot-clef doit être répétée
pour chaque mois de chaque année. Matériellement, la puissance des ordinateurs de bureau utilisés au TCP
entraîne un temps important de traitement : la recherche d’un seul mot-clef sur un seul mois occupe l’ordinateur
pour 2 heures. Le greffe a accepté de faire tourner l’ordinateur en dehors des heures de bureau, pour permettre
d’augmenter le temps d’ordinateur disponible.
96
Cf. Annexe : Décisions faisant droit à une demande de réparation : TCP. 22 novembre 1999, L'art de la
table c. Lalique, RG n° 97052941; TCP. 2 mars 2000, Speedy Europe c. Canal Publicité, RG n° 199824599;
TCP. 23 mai 2001, France Telecom c. Onetel, RG n° 2001007695-1; TCP. 11 juin 2001, Didier Richard c. IGN,
RG n° 99020898-1; TCP. 11 juin 2001, Franck Mercier c. IGN, RG n° 99054704-1; TCP. 19 octobre 2001,
Emettel c. TDF, RG n° 2000009930-1; TCP. 21 juin 2002, Digicom Interactive Services c. Canal+, RG n°
2001016869; TCP. 0 octobre 2002, Paul Lagache c. Palais des Thés, RG n° 2001006797; TCP. 14 octobre 2002,
Leroy Merlin c. Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, RG n° 2002001150; TCP. 15 novembre 2002,
Editions Montparnasse c. Télévision Française 1, RG n° 2001075716; TCP. 12 février 2003, M, Philippe NESIC
c. Nouvelles Messageries Parisiennes, RG n° 97077751; TCP. 18 juin 2003, Neuf Telecom c. France Telecom,
RG n° 2003001151; TCP. 2 avril 2004, Office de Surveillance des Marchés Publics c. Observatoire des Marchés
Publics, RG n° 2003049392; TCP. 28 mai 2004, Télé2 c. France Telecom, RG n° 2003059443; TCP. 13 mai
2005, Aquarelle c. Interflora France, RG n° 2003077907; TCP. EDIPOST c. La Poste, RG n° 2004039665; TCP.
4 mai 2006, Planete Telecom c. Débitel, RG n° 2003009324; TCP. 20 novembre 2008, LB associés c. La
Monnaie de Paris, RG n° 2007044186; TCP. 8 septembre 2009, CHADEP c. British Airways, RG n°
2008007716. - Quatre décisions supplémentaires postérieures : TCP. 30 mars 2011, Numéricable c. France
Telecom, RG n° 2009073089; TCP. 27 septembre 2011, Dufry c. Relay RG n° 2005049045; TCP. 18 octobre
2011, Marbrerie Régis c. Groupement des marbriers réunis du Val d'Oise, RG n° 2002084275; TCP. 31 janvier
2012, Bottin Cartographe c. Google, RG n° 2009061231.
21
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
France Telecom subit la plus lourde condamnation dans l'affaire du WINBACK avec un total de
22 millions d'euros103. La juridiction consulaire a alloué 1 million d'euros aux éditions
97
T. Com. Paris (15ème ch.) 19 octobre 2001, Emettel c. TDF, RG n° 2000009930-1.
98
Tribunal de Commerce, Paris (15) 15 novembre 2002, Editions Montparnasse c. Télévision Française 1, RG n°
2001075716.
99
Tribunal de Commerce de Paris (20ème ch.), 2 décembre 2005, EDIPOST c. La Poste, RG n° 2004039665.
100
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 12 février 2003, M. Philippe NESIC c/. SARL Nouvelles
Messageries Parisiennes. RG n° 97077751.
101
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 18 juin 2003, SA Neuf Telecom c/. SA France Telecom. RG n°
2003001151 et Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, SA Télé2 c/. SA France Telecom. RG
n° 2003059443.
102
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 20 novembre 2008, SARL LB associés c/. La Monnaie de Paris.
RG n° 2007044186.
103
Moins de 20% du montant total demandé: 38.170.000 euros (9 Telecom) et 75.517.625 euros (Télé 2)
22
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
Le contentieux des actions indépendantes représente un faible part du volume des dommages
et intérêts alloués, avec seulement 7% du total. Il ne faudrait toutefois pas conclure
hâtivement qu’il s’agit systématiquement d’un contentieux de faible valeur puisqu’il recèle des
affaires comportant un certain enjeu financier, que ce soit dans la célèbre affaire Speedy, dans
l’affaire Leroy Merlin, dans l’affaire EDIPOST ou dans l’affaire Planète Telecom. Lorsque
l’affaire n’est pas susceptible d’intéresser les autorités de concurrence – les victimes pourront
se passer d’une décision préalable d’infraction et obtenir néanmoins des succès notables.
104
5% du montant demandé: 20.200.000 euros.
105
Moins de 1% du montant demandé: 100.952.563 euros.
106
Soit 73% du montant demandé: 60.000 euros.
107
À peine 0,1% du montant réclamé: 20.786.191 euros.
23
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Répartition du contentieux
4%
30. Échec systématique des actions en surcoût. La quasi-disparition des cartels devant
les juridictions civiles est confirmée si l’on procède à la comparaison de l’efficacité respective
des trois types d’actions.
24
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
32. Une inefficacité relative . Le constat qui émerge n'est donc pas exactement celui de
l'inefficacité auquel procède la Commission Européenne. Il convient de distinguer les actions
en abus de position dominante entre concurrents - qui présentent des succès notables et
constants - et les actions en réparation du surcoût causé par un cartel qui échouent
irrémédiablement sur le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût en l’absence de
mécanisme d'action collective. Un constat empririque similaire peut être effectué en
Allemagne108 ou au Royaume-Uni109.
L'idée selon laquelle l’action en réparation serait inefficace est fausse par sa généralité. En
réalité, les concurrents obtiennent parfois – 1 fois sur 5 - réparation des abus de position
dominante. Et si l’action est relativement peu fréquente - au regard de la masse annuelle des
décisions rendues par le Tribunal de Commerce de Paris - les juges ne semblent pas
108
U. BÖGE et K. OST, «Up and Running, or is it? Private Enforcement: the situation in Germany and Policy
Perspectives», European Competition Law Review, 2006, p. 197. «Private antitrust enforcement is a well-
established practice in Germany. Each year the Bundeskartellamt gains knowledge of several hundred new
private law proceedings with antitrust relevance. Since 2002, c.900 decisions with antitrust relevance have been
registered in the Bundeskartellamt database. The authority has examined the extent of private enforcement
activity in Germany on the basis of exemplary data from the year 2004. In this period alone 240 decisions in
private law proceedings were registered where a violation of antitrust provisions had been claimed. In 68 cases
antitrust claims were asserted offensively. Fifty-six of these cases were decided under German law, 20 of these
were won and 36 lost. Twelve cases were decided under European antitrust law, three of these were won and
nine lost. Thirty-eight cases involved (also) claims for pecuniary damages, in 19 of these cases the claimant won.
[…] Claims for damages by victims of hardcore cartels, however, so far have only been successfully asserted
once. Several equivalent proceedings were settled».
109
Pour deux études empiriques approfondies observant que les résultats décevants du contentieux indemnitaire
s'expliquent par la résolution des litiges par transactions extrajudiciaires: B. RODGER, «Private enforcement of
competition law, the hidden story: competition litigation settlements in the United Kingdom», European
Competition Law Review, 2008, vol. 29(2), p. 96.: «there is very limited evidence of an increase in competition
law litigation in the United Kingdom in recent years.6 There is considerable literature on the application of the
EC competition law rules in the national courts,7 but this does not appear to be reflected, publicly at least, by
litigation practice. This research has been partly motivated by recent work8 in which I carried out a
comprehensive analysis of all competition law litigation in the UK courts, involving the application of both EC
and UK competition law, to the end of 2004. This revealed a limited number of cases and judgments, at 90 in
total since the 1970s and suggested, partly based on anecdotal evidence, that a fuller picture of what is happening
in terms of competition law litigation would require to include consideration of cases which were settled out of
court». Et B. RODGER, «Competition law litigation in the UK courts: a study of all cases to 2004 (Part 3)»,
European Competition Law Review, 2006, vol. 27(7), p. 341. p. 346-349: « Damages actions alone appear to
have the highest success rate, particularly compared to the low success rate in applications for an injunction,
although in three of the claims denoted as successful, Provimi Ltd v Aventis Animal Nutrition SA ; Secretary of
State for Health v Norton Healthcare Ltd; and Fotheringham & Son v The British Limousin Cattle Society Ltd,
the judgment came at an interim stage in the litigation far removed from any final award of damages. […] There
have been more Art.81 cases, particularly recently, Art.81 has been used more as a sword than a shield and
greatest success has been achieved where Art.81 has been relied upon».
26
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
rencontrer de difficultés particulières. La rareté ne doit pas être confondue avec l’inefficacité.
En revanche, il est certain que les acheteurs directs et les consommateurs victimes de cartels
n'obtiennent jamais - et non pas seulement rarement - réparation.
Une analogie permet de mieux expliquer le propos. Envisageons une roue carré. Elle serait
impropre à son usage, non pas parce qu’elle nécessiterait des améliorations pour rouler mieux,
mais parce qu’elle ne roulerait pas du tout. De la même manière, imaginons l’opération qui
consisterait à puiser de l’eau à l’aide d’une passoire. L’objet ne permet pas d’atteindre l’objectif
recherché, non pas parce qu’il devrait être amélioré mais parce qu’il est absolument inapte à la
tâche auquel on le destine. Dans les deux cas, il est impossible d’améliorer la forme de l’outil –
par rabotage des angles ou colmatage des fuites – sans altérer ses propriétés fondamentales et
en dernière analyse sa nature même. Il n’entre pas dans la nature du carré d’être rond, pas plus
qu’il n’entre dans la nature de la passoire de ne pas avoir de trous. Est-ce la forme de l'outil
qui est inefficace ou le choix de l'outil qui est inadapté ?
35. Absence d’obstacle probatoire. Le premier obstacle identifié par la Commission est
probatoire. Il résulterait de la difficulté d’accès aux preuves détenus par l’adversaire, compte
tenu de la complexité inhérente aux infractions de concurrence, de leur caractère secret, de
l’asymétrie d’information et de moyens financiers des parties. Il est ainsi envisagé d’introduire
un mécanisme de divulgation catégorielle des documents, sur le modèle du discovery de Common
Law. Il est soutenu que le mécanisme proposé n’apporte aucun progrès au regard du droit
positif français et qu’il est – en toute hypothèse – dans l’incapacité de résoudre les problèmes
identifiés par la Commission, dans la mesure où ils sont inhérents au procès civil.
28
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
En lieu et place d’une intervention législative mettant à mal l’équilibre des notions
fondamentales de la procédure civile, il est donc proposé d’exploiter les potentialités de
l'action associative au nom des intérêts collectifs entrant dans l'objet social, en combinaison
avec les différentes techniques d’affectation du patrimoine au profit de la collectivité des
consommateurs lésés par l’infraction. L’indemnisation serait alors déplacée du terrain de la
réparation sur le terrain des pouvoirs d’injonction du juge civil.
39. Indemnisation publique à titre de peine privée. Enfin, il est soutenu que la fonction
punitive inhérente à l’indemnisation collective appartient naturellement aux autorités de
concurrences, car il faudrait analyser l’indemnisation collective comme une peine privée à
caractère réglementaire. Les transformations procédurales nécessaires pour juger ce type de
prétention dans le cadre de la responsabilité délictuelle, aboutissent à une altération de la nature
de l'action qui acquiert des caractéristiques typiquement pénales. L'indemnisation collective
constitue une peine privée - de nature pénale et règlementaire - qui relève du pouvoir de
sanction des autorités de concurrence. Une modification – à droit constant – de la politique de
sanction des autorités de concurrence permettrait d’établir une action de groupe conforme à la
tradition juridique européenne - sans nécessité de légiférer - par affectation au profit des
consommateurs lésés, d’une fraction de l’amende infligée à l’auteur de l’infraction.
29
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
S’agissant du préjudice, il convient de distinguer entre préjudice d’éviction – qui ne pose pas
de difficultés notoires – et préjudice de surcoût – qui n’est pas réparable en l’état actuel de la
jurisprudence. La Cour de cassation a estimé en effet que le principe de réparation intégrale
impliquait que l’auteur de l’infraction - défendeur à l’action en dommages et intérêts - puisse
exciper de la répercussion du surcoût par le demandeur sur ses propres clients. Ce
rattachement génétique du passing on au principe de réparation intégrale est toutefois pardoxal
dans la mesure où la répercussion repose sur le postulat d’une équation entre le gain illicite
retiré de l'infraction et la masse globale du préjudice subi par les acheteurs directs et indirects.
Cette arithmétique des préjudices communicants - découlant en cascade les uns des autres le
long de la chaîne de distribution jusqu'au consommateur final - suffit à ruiner la logique
compensatoire, car il alors demandé à la victime d'établir son préjudice en fonction du gain
illicite réalisé par l'auteur de l'infraction, et non plus en fonction de l'évolution de son
patrimoine personnel (Titre 2).
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
Il convient donc d'envisager dans un premier temps, l’hypothèse de l’action exercée en suivi
qui révèle L'AUTORITÉ DES DÉCISIONS D’INFRACTION SUR L’ÉTABLISSEMENT D’UNE FAUTE
CIVILE PAR LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES (Chapitre Premier), puis dans un second temps,
l’hypothèse de l’actions exercée indépendamment de toute action publique préalable, qui
révèle un phénomène de PARASITISME PROBATOIRE DE L'ACTION PUBLIQUE PAR L'ACTION
31
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
44. Force probante erga omnes des décisions d’infraction. Il est proposé une nouvelle
approche de la question parce qu’il nous semble que le problème est obscurci par une
confusion terminologique entre autorité de chose jugée et autorité du criminel sur le civil,
confusion qu’il faudrait tenter – sans grande illusion tant elle est ancienne - de dissiper. La
thèse soutenue consiste ici à affirmer que la responsabilité civile délictuelle du fait d'une
infraction au droit de la concurrence se caractérise par l'autorité de l'infraction sur la faute qui
manifeste l’attraction de l’action privée par l’action publique. La thèse se justifie en deux temps,
susbtantiellement par la primauté, et procéduralement par assimilation à l’autorité du criminel
sur le civil.
110
R. AMARO, Le contentieux privé des pratiques anticoncurrentielles : étude des contentieux complémentaire
et autonome, [Doctorat : Paris-V : 2012]. Spéc. n° 611 p. 461 et s. et n° 630 p. 471 et s.
111
A. KOMNINOS, «Effect Of Commission Decisions On Private Antitrust Litigation: Setting The Story
Straight», Common Market Law Review, octobre 2007, vol. 44, n° 5, p. 1387.
112
M. HAURIOU, « Les idées de M. Duguit », Recueil de législation de Toulouse, 1911, p. 1-40.
113
R-G. SCHWARTZENBERG, L’autorité de chose décidée, LGDJ, 1969. Spéc. p. 197 et 202 et s. « L’autorité
matérielle signifie incontestabilité […] présomption irréfragable de vérité ou force de vérité légale. La décision
administrative même défiitive, insusceptible de recours direct en annulation contentieuse, ne la possède en
rien ». Et v. la note de bas de page n° 327 p. 203 citant le cours du Doyen Vedel 1966-67 : « lorsque le délai est
expiré, il ne s’ensuit pas que l’acte qui n’a pas été attaqué ait force de vérité légale […] la décision
administrative non attaquée dans le délai a simplement autorité de chose décidée et non de chose jugée ».
114
La notion d'absorption est empruntée à H. MAZEAUD, «L'absorption des règles juridiques par le principe de
responsabilité civile», Recueil Dalloz Hebdomadaire, 1935, Chron., p. 5. Et F. SUDRE, «La Communauté
32
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
L'autorité procédurale ne fait que prolonger l'alignement substantiel de la faute civile sur
l'infraction. L'autorité du concurrentiel sur le civil constitue le pendant de l'unité de la faute
civile et concurrentielle, qu'elle prolonge procéduralement. La responsabilité civile du fait d'une
infraction au règle de concurrence se trouve dans un rapport de subordination comparable à
l'autorité exercée par le droit pénal.
Européenne et les droits fondamentaux après le Traité d'Amsterdam: Vers un nouveau système européen de
protection des droits de l'homme ?», La Semaine Juridique édition générale, 7 janvier 1998, n° 1, JCP G 1998, I
100. Cf. n° 11: «le Traité d'Amsterdam choisit la voie discrète de "l'absorption" de la Convention EDH ».
33
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
L’INFRACTION
48. Le droit à réparation des infractions au droit de la concurrence tire son fondement du
droit communautaire. La reconnaissance d'un droit subjectif d'action découle de l'effet direct
horizontal des articles 101 et 102 TFUE qui « produisent des effets directs dans les relations entre les
particuliers et engendrent des droits dans le chef des justiciables »115. La réparation est une conséquence de
« l'effet utile » de l'interdiction des accords et comportements restrictifs de concurrence 116. Cette
percée jurisprudentielle avait été annoncée par les conclusions de l'avocat général VAN GERVEN
dans une affaire portant sur l'application du traité CECA, affirmant que:
115
CJCE, 20 septembre 2001, Courage Ltd c. Bernard Crehan, aff. C-453/99. §23.
116
Ibid. §26-27. «La pleine efficacité de l'article 85 du traité et, en particulier, l'effet utile de l'interdiction
énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage
que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence. Un tel droit renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles communautaires de concurrence
[…] les actions en dommages-intérêts devant les juridictions nationales sont susceptibles de contribuer
substantiellement au maintien d'une concurrence effective dans la Communauté».
34
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
49. Matrice Francovich. Le droit à réparation contre les infractions commises par des
entreprises est élaboré par la Cour sur le modèle de la responsabilité des États membres du fait
des violations du droit communautaire consacrée par l'arrêt FRANCOVICH et BONIFACI120 et 121
,
et confirmée par l'arrêt BRASSERIE DU PÊCHEUR/FACTORTAME III122. En constatant que le
117
Conclusions de l'avocat général W. Van Gerven présentées le 27 octobre 1993 sous CJCE, 13 avril 1994,
Banks c. British Coal. Aff. C-128/92. Rec. 1209.§ 43 p.1249 et § 44 p.1250.
118
A. ALBORS-LLORENS, «Courage v. Crehan: Judicial activism or consistent approach?», Cambridge Law
Journal, vol. 61 issue 1 march 2002, p. 38 (voir p. 41). «the judgment can be construed as an endorsement from
the Court of […] the Commission's competition policy. […] it implicitly favours the achievement of the main
objective pursued by the recent proposals for the reform of the current system of enforcement of the EC
competition rules, namely the fully decentralised application of article 81 EC».
119
R. KLAGES, «Arrêt Courage Ltd contre Crehan», Revue du Droit de l'Union Européenne, n°4 2001, p. 1003.
120
CJCE, 19 novembre 1991, Andrea Francovich et Danila Bonifaci et autres contre République italienne. Aff.
jtes C-6/90 et C-9/90: Rec. p. I-5357. L’affaire Bonifaci impliquait 33 salariées d’une usine de confection textile.
Elles étaient collectivement créancières d’une somme s’élevant à 153 millions de Lires soit 130 000 euros. La
procédure de liquidation judiciaire a duré cinq années et aucune somme ne leur a été versée. La République
italienne avait manqué à l’obligation de transposition dans le délai, d’une directive relative à l’indemnisation des
salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur. La directive définissait un régime d’indemnisation minimal, précis
et inconditionnel en ce qui concernait le contenu de la garantie, mais laissait aux États le soin de préciser
l’identité du débiteur de l’indemnité. L’invocabilité directe devant les juridictions nationales était par conséquent
impossible, faute de précision. L’originalité de la solution Francovich est de substituer une action en réparation
contre l’État à l’invocabilité directe de la directive. L'obligation de réparation dégagée par la Cour de Justice de
l'Union Européenne rejoint la vénérable jurisprudence de la Cour Permanente de Justice Internationale dans
l'affaire de l'usine de Chorzow: CPIJ 13 septembre 1928. Usine de Chorzow. Rec. CPIJ série A. n° 17 p. 29: «
C'est un principe du droit international, voire une conception générale du droit, que toute violation du droit
comporte l'obligation de réparer ».
121
Nombreux commentaires: L. DUBOUIS, «La responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux
particuliers par la violation du droit communautaire», Revue Française de Droit Administratif, 1992, p. 1.; D.
SIMON, «Une étape décisive dans la protection des droits des justiciables communautaires», Revue Europe,
décembre 1991, p. 1.; R. CARANTA, «Judicial protection against member states: a new jus commune takes
shape», Common Market Law Review, 1995, p. 703.; A. CARNELUTTI, «Francovich-Bonifaci: L'obligation des
Etats membres de réparer les dommages causés par les violations du droit communautaire», Revue du Marché
Unique Européen, 1992, p. 187.; P. CRAIG, «Remedies and the scope of damages liability», Law Quarterly
Review, 1993, p. 595.; P. DUFFY, «Damages against the State: A new remedy for failure to implement
Community obligations», European Law Review, 1992, p. 181.; F. SCHOCKWEILER, «La responsabilité de
l'autorité nationale en cas de violation du droit communautaire», Revue Trimestrielle de Droit Européen, 1992,
p. 27.; STEINER, «From direct effect to Francovich: shifting means of enforcement of Community law»,
European Law Review, 1993, p. 3.; A. TATHAM, «Les recours contre les atteintes portées aux normes
communautaires par les pouvoirs publics en Angleterre», Cahiers de Droit Européen, 1993, p. 597.; R. BEBR,
«Case Law», Common Market Law Review, 1992, p. 557.
122
CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur SA c. Bundesrepublik Deutschland et The Queen c. Secretary of
State for Transport, ex parte: Factortame Ltd. [Arrêt Factorame III]. Aff. jointes C-46/93 et C-48/93. Cf. §51: La
responsabilité de l’État repose sur trois conditions : dès lors que trois conditions sont remplies : «que la règle de
35
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
droit à réparation est un « effet inhérent »123 du droit communautaire, « la Cour a érigé les bases d’une
régime communautaire de la responsabilité des États membres »124. Il est permis de penser que la Cour
n'a pas repris le terme « inhérent » dans son arrêt COURAGE, afin de ne pas réveiller les
résistances à la mise en place d'un régime communautaire de responsabilité du fait des
infractions de concurrence venant se substituer aux règles nationales de responsabilité civile.
« parmi les conséquences, sur le plan du droit civil, que peut avoir une infraction à
cette interdiction, une seule est prescrite expressément à l' article 85, paragraphe 2, à
savoir la nullité de l' accord. C' est au droit national qu' il incombe de définir les
autres conséquences attachées à une violation de l' article 85 du traité, telles que l'
obligation de réparer le préjudice causé à un tiers »126.
Le fondement de la responsabilité réside dans le droit communautaire d'effet direct, mais
s'exprime - en l'absence d'un régime communautaire de responsabilité - dans le cadre de la
responsabilité civile délictuelle de droit interne qui permet sa mise en œuvre. Rostane MEHDI
souligne le « rôle résiduel »127 du droit interne. Le juge KAKOURIS observe que « le recours aux
règles de procédure nationales visait à combler une lacune dans la législation
droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée,
enfin, qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage
subi par les personnes lésées».
123
Francovich, préc. §35 et Brasserie du Pêcheur, préc. §31.
124
G. VANDERSANDEN et M. DONY, La responsabilité des Etats membres en cas de violation du droit
communautaire, Bruxelles : Bruylant, 1997. p.59.
125
CJCE, 20 septembre 2001, Courage Ltd c. Bernard Crehan, aff. C-453/99. §29.
126
TPICE 18 septembre 1992. Automec c. Commission des Communautés européennes. Aff. T-24/90. Rec.
2223. §50.
127
R. MEHDI, «Le droit communautaire et les pouvoirs du juge national de l'urgence: quelques enseignements
d'une jurisprudence récente», Revue Trimestrielle de Droit Européen, n°1 janvier-mars 1996, p. 77.
36
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
communautaire »128. Dans le même sens les juges Fernand GRÉVISSE et Jean-Claude
BONICHOT expliquent que « les règles nationales de procédure n’ont plus ici qu’un rôle
supplétif »129. L’avocat général TESAURO conclut que l’autonomie procédurale présente « un
caractère sinon subsidiaire du moins subordonné »130. L’avocat général WARNER constate que
« le droit communautaire et le droit national opèrent en combinaison, le dernier occupant le
terrain lorsque le premier le quitte »131. Même figure chez Ioannis DELICOSTOPOULOS qui fait
observer que si « le droit processuel national occupe le terrain, il le quitte ou il se soumet en
présence du droit processuel communautaire »132. L'emprunt des voies de droit nationales n’est
pas une manifestation de souveraineté. Elle découle du « dédoublement fonctionnel »133 des juges
nationaux, appartenant formellement à l’ordre juridique interne mais agissant
fonctionnellement comme des organes communautaires 134.
128
C. KAKOURIS, «Do the member states possess judicial procedural autonomy?», Common Market Law
Review, n°6 vol. 34 1997, p. 1389.
129
F. GRÉVISSE et J.-C. BONICHOT, «Les incidences du droit communautaire sur l'organisation et l'exercice
de la fonction juridictionnelle dans les Etats membres», in Mélanges Boulouis, Dalloz, 1991.
130
G. TESAURO, «La sanction des infractions au droit communautaire», in XVème Congrès de la Fédération
Internationale pour le Droit Européen , 1992, p. 455.
131
C.J.C.E. 16 décembre 1976, Rewe, aff. 33/76, Rec. 1989, et Comet, aff. 45/76, Rec. 2043, conclusions
Warner.
132
I. DELICOSTOPOULOS, Le procès civil à l’épreuve du droit processuel européen, LGDJ Bibliothèque de
droit privé t. 401, 2003, p. §415..
133
F. GRÉVISSE et J.-C. BONICHOT, «Les incidences du droit communautaire sur l'organisation et l'exercice
de la fonction juridictionnelle dans les Etats membres», in Mélanges Boulouis, Dalloz, 1991.
134
C. KAKOURIS, «Do the member states possess judicial procedural autonomy?», Common Market Law
Review, n°6 vol. 34 1997, p. 1389 (voir p. p.1393). : « when determining a case governed by Community law,
they belong from the functional point of view to the Community legal order » ; dans le même sens R. KOVAR,
«Le droit national d'exécution du droit communautaire: essai d'une théorie de l'écran communautaire», in
L'Europe et le droit - Mélanges Boulouis, Dalloz, 1991.. opposant la substance communautaire de l’acte national
d’exécution à sa forme nationale.
135
C.J.C.E. 11 février 1971, Fleischkontor, aff. 39/70, Rec. 49.
136
CJCE, 7 juillet 1981, Rewe / Hauptzollamt Kiel, aff. 158/80, Rec. 1981 p. 1805.
137
J.-L. CLERGERIE, A. GRUBER et P. RAMBAUD, L'Union Européenne, 8 éd., Dalloz, 2010, p. 274, n° 352.
138
Affaire Francovich, préc., § 43 ; et affaire Brasserie du Pêcheur, préc., § 67.
37
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« les droits subjectifs arrivent comme nus dans la sphère nationale, sans être
accompagnés […] par cet environnement de droits adventices […] qui en même
temps modalisent l'exercice du droit et en garantissent l'efficacité […] Les
dispositions d'effet direct ont […] besoin, pour assurer l'efficacité de leur exercice, de
passer par le canal obligé de droits nationaux […] on pourrait croire […] que la
liberté laissée aux États membres ne concerne que […] l'environnement procédural
de l'exercice des droits dérivant d'une disposition d'effet direct. Ce serait là une
erreur. Le système d'articulation […] concerne également l'environnement juridique
substantiel des effets juridiques des dispositions d'effet direct »140.
Il ne s'agit pas seulement de procédure, puisque le droit communautaire se coule dans les
catégories juridiques internes de fond. Il faudrait - comme Robert KOVAR - parler d'un « droit
national d'exécution du droit communautaire »141. Walter VAN GERVEN propose son remplacement
par l'opposition entre les éléments « constitutifs » et « exécutifs » des voies de recours142. La
distinctions entre le fond et la procédure n'est pas absolument pertinente de ce point de vue.
Il convient ainsi de souscrire à la thèse de Assimakis KOMNINOS selon laquelle le droit
communautaire régit directement l'existence et les conditions substantielles d'application des
remèdes contre les violations du droit de la concurrence 143. Muriel CHAGNY considère que la
responsabilité civile délictuelle joue le rôle de « suppléance aux défauts du droit de la concurrence par
le droit commun des obligations »144.
139
C. KAKOURIS, «Do the member states possess judicial procedural autonomy?», Common Market Law
Review, n°6 vol. 34 1997, p. 1389. Cf. p.1406: «the expression judicial procedural autonomy does not accord
with legal reality because its suggest the idea of a competence reserved to the member States signifying that they
are empowered to oppose intervention by the Community in that field […] the scope of [the cases in which the
national procedural rules have been held inapplicable or have been replaced by principles or rules arising from
Community law] is so wide, and the criteria and justifications contained in the motivations of the various
judgments are of such general application, that it may well be asked whether any applicable national procedural
law can still be said to subsist».
140
J. MERTENS DE WILMARS, «Réflexions sur le système d’articulation du droit communautaire et du droit
commun des Etats membres», in L'Europe et le Droit - Mélanges Boulouis, Dalloz, 1991, p. 391 (voir p. 401-
402).
141
R. KOVAR, «Le droit national d'exécution du droit communautaire: essai d'une théorie de l'écran
communautaire», in L'Europe et le droit - Mélanges Boulouis, Dalloz, 1991, p. 341.
142
W. VAN GERVEN, «Of rights, remedies and procedures», Common Market Law Review, n°37 2000, p. 501.
143
A. KOMNINOS, EC Private Antitrust Enforcement, Hart Publishing, 2008. p. xv: «A basic proposition of
this book is that de lege lata, the substantive remedies themselves and their constitutive conditions are directly
governed by Community law, while the more detailed executive-procedural rules are a matter of national law».
144
M. CHAGNY, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Dalloz, 2002, p. 255. «la violation
du droit communautaire ou interne des pratiques anticoncurrentielles expose le contrevenant à une condamnation
sur le fondement de la responsabilité civile. Celui qui participe à une entente, commet un abus de domination [...]
peut donc être condamné à réparer les conséquences de ses actes dans les termes du droit commun».
38
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
Cette solution est confirmée par une jurisprudence itérative des tribunaux du fond et par la
jurisprudence postérieure de la Cour de Cassation. Le Tribunal de Commerce de Paris relève
en ce sens que:
145
Cass. Com. 1er mars 1982, Syndicat des Expediteurs et Exportateurs en Legumes et Pommes de Terre,
Primeurs de la Région Malouine c. SIPEFEL, N° de pourvoi: 80-15834: Bull. n° 76: «Mais attendu que
l'abrogation, par l'article 19 de la loi du 17 juillet 1977, des dispositions de l'article 45, 2° alinéa, de la loi du 27
décembre 1973, permet l'exercice, selon le droit commun, de l'action civile en réparation des dommages causés
par les infractions visées à l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, que les autorités des États membres de la
communauté sont seules compétentes pour statuer sur les responsabilités civiles encourues par les entreprises
qui, en infraction à l'article 85-2 du traite de Rome, pratiquent des ententes a caractère monopolistique, qu'au
plan civil de la responsabilité tant l'article 50 de l'ordonnance précitée que l'article 85-2 dudit traite appellent une
solution identique, étant indiffèrent a cet égard que le motif critique ait employé la conjonction "ou"; que loin de
violer les textes vises au moyen, c'est à bon droit que la cour d'appel a appliqué à la cause les principes généraux
de la responsabilité civile».
146
Tribunal de Commerce, Paris (7ème ch.), 29 mai 2007, Doux Aliments c. Ajinomoto Eurolysine, RG n°
2006073999.
147
CA Paris (25A), 28 juin 2002, Philippe Streiff Motorsport c. Speedy: Juris-Data n° 2002-186210.
148
CA Paris 12 décembre 1996, France Abonnements c. Office Universitaire de Presse (OFUP): JCP (E) 1997,
II, 953.
39
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
motif que la Cour n'a pas recherché si le demandeur avait répercuté « les surcoûts résultant de
l'infraction »149.
53. En doctrine : une faute délictuelle par violation de la loi . La doctrine s'accorde de
manière générale150 pour reconnaître le fondement délictuel de l'action en réparation des
infractions au droit de la concurrence 151. Selon la définition canonique de PLANIOL, « la faute est
un manquement à une obligation préexistante »152. Dès lors toute violation d'une obligation légale
manifeste un comportement fautif susceptible d'engager la responsabilité civile délictuelle de
son auteur153. La jurisprudence de la Cour de Cassation condense ce principe de faute
automatique au visa de l'article 1382, en retenant que « l'auteur d'un délit est tenu de réparer
intégralement le préjudice en résultant »154. La réunion des conditions de l'infraction entraîne la
qualification de faute civile délictuelle. Une infraction aux articles 101 et 102 du TFUE, et
L420-1 et L420-2 du Code de commerce constitue nécessairement une faute au sens de l'article
1382 du Code civil.
149
Cass. Com. 15 juin 2010, Ajinomoto Eurolysine c. Doux Aliments, N° de pourvoi: 09-15816. Non publié au
bulletin.
150
C. MOMÈGE et N. BESSOT, Rapport national: France, in Study on the conditions of claims for damages in
case of infringement of EC competition rules, sous la dir. de D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-
SHOSHAN, Ashurst, 31 août 2004. «Actions for damages for breach of EC competition law are based on the
general provisions applicable to all actions for damages. Actions for damages for breach of EC competition law
are based on the general provisions applicable to all actions for damages. The statutory basis for actions for
damages is the general regime of torts law, i.e. Article 1382 et seq. of the French Civil Code». M. MALAURIE-
VIGNAL, Droit de la concurrence, Armand Collin, 2003, p. 212, n°433. «La violation des articles L420-1 ou
L420-2 du Code de Commerce ou des articles 81 et 82 du Traité constitue une faute délictuelle». D.
MAINGUY, J.-L. RESPAUD et M. DEPINCÉ, Droit de la concurrence, Litec, 2010, p. 64 n°71. «Toute
personne qui s’estime victime des effets d’une pratique anticoncurrentielle peut engager une action en réparation,
fondée sur les principes du droit de la responsabilité civile et l’article 1382 du Code Civil». M. DUMARÇAY,
La situation de l'entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques anticoncurrentielles. Etude des
procédures française et communautaire d'application du droit communautaire des pratiques
anticoncurrentielles, [Doctorat : Droit : Montpellier-I : 2008]. E. COLMANT, La sanction des règles de
concurrence en droit communautaire, [Doctorat : Droit : Paris-II : 1988]. Cf. p.843-893. V. SÉLINSKY, «La
victime de pratiques antinconcurrentielles face à la diversité des procédures», in Le libéralisme en matière de
prix et de concurrence. Colloque Toulouse. 15-16 oct. 1987, Les Petites Affiches, 1988, vol. n°39, p. 12. C.
PECNARD et E. RUIZ, «Les sanctions civiles du droit communautaire de la concurrence par le juge national: les
exemples anglais et français», Revue de Droit des Affairess Internationales, n°5 1993, p. 637. S. BENDJENNA,
La réparation du préjudice né des pratiques anticoncurrentielles, Mémoire de DEA. Idot L. (dir.), Paris-I, 1997.
D. FASQUELLE, «La réparation des dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles», Revue
Trimestrielle de Droit Commercial, 1998, p. 763. J.-C. FOURGOUX, «La réparation du préjudice des
entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles.», La Semaine Juridique éd. Entreprises, 1999, p. 2005. J.
DE HAUTECLOQUE et N. CHARBIT, «L’action en indemnité des victimes de pratiques anticoncurrentielles»,
Dalloz Affaires, 1999, p. 1063.
151
La question est – peut être – moins évidente qu'il n'y paraît. Une thèse doctorale est en cours sur le sujet:
Mickaël Da Lozzo (prof. Sylvaine Poillot-Peruzzetto dir.): "La nature juridique de la réparation du dommage
causé par la violation du droit de la concurrence: une responsabilité contractuelle ou délictuelle ?" (Univ.
Toulouse-1. octobre 2010).
152
M. PLANIOL, G. RIPERT et M. NAST, Traité élémentaire de droit civil, LGDJ, 1925, t. II: Théorie générale
des obligations.
153
En ce sens: J. CARBONNIER, Droit civil: les obligations, 22 éd., PUF, 2000, t. IV, p. 231.
154
Cass. Crim. 14 juin 2006, N° de pourvoi: 05-82900: Bull. 181.
40
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
L'arrêt COURAGE révèle l'emprise substantielle du droit communautaire sur les conditions de
fond de la réparation. Les critères dégagés par la Cour pour écarter la responsabilité civile du
participant à un accord restrictif de concurrence coïncident exactement avec les critères
existants en matière de détermination de l’amende. Le critère de la « responsabilité significative
dans la distorsion de concurrence » en tant que condition de fond du droit à réparation est
directement issu de la pratique décisionnelle de la Commission en matière d'ententes
verticales.
155
United-Kingdom, House of Lords, 23 juin 1983, Garden Cottage Foods v. Milk Marketing Board: Appeal
Cases Law Reports 1984 p. 130: «If, which was clearly arguable, an infringement of art. 86 EEC Treaty would
give rise in English Law to a cause of action at the suit of an individual citizen who suffered pecuniary loss by
reason of the infringement, a remedy in damages would be available to compensate for such loss». Cf. p. 141: «a
breach of the duty imposed by article 86 not to abuse a dominant position in the common market […] can thus be
categorised in English Law as a breach of statutory duty».
41
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
SIGNIFICATIVE
56. Affaire COURAGE. Le litige concernait l’exécution d’un contrat de bière. L’exploitant
d'un pub - Bernard CREHAN - avait été poussé à la faillite en raison du montant élevé du loyer
versé au bailleur Inntrepreneur l'empêchant de pratiquer des prix compétitifs. Le propriétaire
des locaux Inntrepreneur avait résilié le bail et entendait obtenir le paiement de boissons
livrées. Crehan répliquait par une demande reconventionnelle de dommages et intérêts en se
fondant sur l’illicéité du contrat d’exclusivité au regard du droit communautaire de la
concurrence. La défense du bailleur reposait sur une règle de procédure interdisant à une partie
à un accord illégal de réclamer réparation du dommage causé par la participation à l'accord à
son co-contractant.
Saisie à titre préjudiciel, la Cour de Justice écarte l’application de la règle de procédure in pari
delicto156 entraînant l’irrecevabilité des demandes de dommages et intérêts formées par une
partie à un contrat illicite à l’égard de son cocontractant en retenant que:
156
Rapprocher de l’adage Nemo auditur selon lequel nul n’est recevable à se prévaloir de sa propre indignité qui
est une fin de non-recevoir contre l’action civile ou pénale d'une personne fautive, ou qui paralyse les restitutions
croisées consécutives à une nullité du contrat.
157
Arrêt Courage. Préc. § 24, 28 et Dispositif pt. 2.
42
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
158
Arrêt Courage préc. § 31-35.
43
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
58. Contribution active . L’affaire NINTENDO160 offre le seul véritable exemple d’une
condamnation lourde161 des distributeurs en raison de leur contribution active à l’infraction et
de leur absence de réaction à la politique illégale d’entrave au commerce parallèle mise en place
par le fabricant de jeux vidéo. La Commission admet que Nintendo « n'a pas hésité à faire usage de
sa puissance en tant que fournisseur pour obliger ses distributeurs indépendants à appliquer le plan (de façon
continue), le cas échéant en pratiquant des refus de livraison »162. Mais elle relève toutefois que les
distributeurs ont participé de manière « proactive »163, en communiquant « spontanément »164 des
159
Par ex.: Commission Européenne, Décision 92/426/CEE du 15 juillet 1992, aff. COMP/32.725 - Viho/Parker
Pen. §25 : « Une amende doit être infligée à Herlitz également. Elle est l'une des parties contractantes de l'accord
incriminé et elle a appliqué celui-ci en tout état de cause jusqu'en 1989. Herlitz savait à quoi s'en tenir au sujet de
la clause d'interdiction. La direction de l'entreprise était consciente du fait que la clause d'interdiction d'exporter
était incompatible avec l'article 85, mais elle l'a effectivement appliquée conformément au souhait de Parker et
en accord avec celle-ci, bien qu'il n'ait pu lui échapper que le but était d'empêcher les importations et les
exportations parallèles». V. égal.: Commission Européenne, Décision 87/406/CEE du 10 juillet 1987 , aff.
COMP/31.192 - Tipp-Ex. Cf. § 76. V. égal.: Commission Européenne, Décision 94/987/CE du 21 décembre
1994, aff. COMP/32.948 – Tretorn. §78.
160
Commission Européenne, Décision 2003/675/CE du 30 octobre 2002, aff. COMP/35.587, COMP/35.706 et
COMP/36.321 – Nintendo: JO n° L 255 du 08/10/2003 p. 33.
161
Nintendo Corporation Ltd/Nintendo of Europe GmbH, 149,128 millions d'euros, - John Menzies plc, 8,64
millions d'euros, - Concentra - Produtos para crianças SA, 0,825 million d'euros, - Linea GIG SpA, 1,5 million
d'euros, - Nortec AE, 1 million d'euros, - Bergsala AB, 1,25 million d'euros, - Itochu Corporation, 4,5 millions
d'euros, - CD-Contact Data GmbH, 1 million d'euros.
162
Décision Nintendo, préc. § 271.
163
Décision Nintendo, préc. § 432 : « En ce qui concerne John Menzies plc, elle a empêché des exportations
parallèles à partir du Royaume-Uni, dans le cadre d'une politique commerciale systématique appliquée de façon
proactive, sans qu'un contrôle continu ou des demandes réitérés de la part de Nintendo Corporation Ltd/Nintendo
of Europe GmbH ou d'autres distributeurs indépendants ne soient nécessaires (considérant 133). Le fait que le
comportement de John Menzies plc n'ait pas été purement passif est corroboré par le fait que, de sa propre
44
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
59. Accord vertical imposé . La contrainte, les pressions ou le risque de représailles ne fait
pas disparaître l’accord au sens de l'article 101 TFUE. Ainsi, dans l’affaire FISHER-PRICE
concernant le commerce parallèle de jouets, la Commission constate l’existence d’un accord en
relevant que « le fait que Toyco ait accepté sous de fortes pressions et même contre son propre intérêt
économique ne constitue pas un obstacle à la constatation d'un accord »166. La Commission a ainsi
développé la notion d’accord vertical imposé.
initiative, elle a renforcé son contrôle en introduisant un système d'étiquetage pour repérer les opérateurs
parallèles (considérant 149) et qu'elle a demandé des informations complémentaires à d'autres participants, afin
d'appuyer ses efforts de restriction des exportations parallèles à partir du Royaume-Uni (considérants 144, 145,
146, 147). »
164
Décision Nintendo, préc. § 427. « Toutefois, l'argument de Bergsala AB doit être repoussé, dans la mesure où
elle a communiqué spontanément des informations à Nintendo Corporation Ltd/Nintendo of Europe GmbH à
propos des importations parallèles sur son territoire, tout en demandant à celle-ci d'y mettre fin ».
165
Décision Nintendo, préc. § 275 : « Tout distributeur ayant indiqué l'existence d'importations parallèles sur son
territoire était en droit d'attendre que des mesures appropriées soient prises pour y mettre fin. Un distributeur
découvrant que des exportations parallèles avaient lieu à partir de son territoire prendrait des mesures
appropriées pour les empêcher ».
166
Commission Européenne, Décision 88/86/CEE du 18 décembre 1987, aff. COMP/31.017 - Fisher-
Price/Quaker Oats Ltd – Toyco: JO n° L 049 du 23/02/1988 p. 19.
167
Claudel E. Le consentement en droit de la concurrence: consécration ou sacrifice? RTD com. 1999. P.291.
168
82/267/CEE: commission decision of 6 january 1982 relating to a proceeding under article 85 of the eec treaty
(iv/28.748 - aeg-telefunken) official journal l 117 , 30/04/1982 p. 0015 – 0028.
45
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
62. Affaire KONICA. Il est intéressant de s'arrêter un instant sur l’affaire Konica169
concernant l’exportation parallèle de films négatifs couleurs de la marque japonaise entre le
Royaume-Uni et l’Allemagne, parce qu'elle marque un pas supplémentaire dans la virtualisation
de l’accord. L’implantation sur le marché britannique contraignait Konica à maintenir un prix
bas sur ce marché, créant un fort écart de prix avec l’Allemagne. Le réseau de distribution de
Konica en Allemagne était organisé autour de revendeurs spécialisés, afin de garantir un
meilleur prix de vente, fondé sur la qualité du produit. En décembre 1984, d’importantes
quantités de films Konica sont vendues par les magasins de gros Metro, provoquant des
protestations de la part de ses revendeurs spécialisés qui menacent de dénoncer le contrat de
distribution. Konica rachète alors les films vendus hors réseau et envoie différentes circulaires
de menaces aux distributeurs du Royaume-Uni. Une des circulaire notamment, tente de faire
croire à l’existence d’un code permettant de retracer l’origine des films vendus. Diverses
menaces de représailles, dont la cessation de l’approvisionnement, étaient évoquées dans ces
circulaires en cas de violation de l’interdiction d’exporter. Konica considérait que la circulaire
adressée aux distributeurs anglais constituait une mesure unilatérale et non un accord.
La solution KONICA marque un pas de plus dans la virtualisation de l’accord, en ce sens que la
Commission n’a pas démontré que les distributeurs avaient mis fin à leurs exportations suite à
l’envoi des circulaires, ni qu’il existait un système de traçage permettant à Konica de contrôler
effectivement ses distributeurs, ni que des représailles avaient été effectuées à l’encontre de
certains distributeurs. La Commission pose dans cette décision une présomption d’acceptation
de l’accord, dès lors que le distributeur « ne réagit pas » à la réception de la circulaire contenant
l’interdiction unilatérale d’exporter170. La Commission réaffirme sa jurisprudence en
169
88/172/CEE: Décision de la Commission du 18 décembre 1987 relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CEE (IV/31.503 - Konica) Journal officiel n° L 078 du 23/03/1988 p. 0034 – 0043.
170
Décision 88/172/CEE, § 36 :« La Commission considère que cette circulaire, à laquelle seul un distributeur a
répondu expressément, ne constitue pas, contrairement à ce qu'affirme Konica UK, une mesure unilatérale de
cette entreprise, mais bien l'offre d'un accord qui a été acceptée par plusieurs distributeurs. La Commission
estime en effet qu'il n'est pas d'usage, entre commerçants, qu'un distributeur réponde expressément à une lettre
de ce genre d'un fabricant. En règle générale, un distributeur qui reçoit une telle lettre la comprendra, surtout
lorsqu'elle définit une politique commerciale appliquée par le fournisseur, comme fixant les conditions que ce
fournisseur impose à toute relation commerciale avec lui, à savoir, en l'espèce, que les produits ne soient pas
exportés. Si un distributeur ne réagit pas à l'encontre d'une telle lettre, les exigences qu'elle exprime doivent par
46
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
conséquent être considérées comme constituant un élément essentiel de sa relation contractuelle avec le
fournisseur. Cette interprétation s'impose particulièrement quand le distributeur continue d'acheter au fournisseur
mais ne revend que sur son marché national, et quand le distributeur cesse d'approvisionner un acheteur qui
exporte ».
171
Décision 88/172/CEE, § 51 : « Certes, les mesures en cause, à savoir l'interdiction d'exportation d'une part et
les mesures visant à empêcher la revente de films Konica ayant fait l'objet d'importations parallèles d'autre part,
ne sont pas à considérer comme des mesures unilatérales des deux entreprises, mais elles ont été élaborées et
appliquées en premier lieu dans leur intérêt ».
172
M. CHAGNY, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Dalloz, 2002. §749.
173
87/406/CEE: Décision de la Commission du 10 juillet 1987 relative à une procédure d'application de l'article
85 du traité CEE (IV/31.192 - Tipp-Ex) [IV/31.507 - Tipp-Ex (contrat type)] Journal officiel n° L 222 du
10/08/1987 p. 0001 – 0011. § 78 : « la Commission ne méconnaît pas que la responsabilité propre de Beiersdorf
dans la mise en œuvre des restrictions de concurrence est considérablement atténuée par le fait que, en pratique,
cette entreprise s'est inclinée devant les pressions exercées par Tipp-Ex. En raison de ce rôle subordonné, la
Commission considère que l'amende qu'il convient d'infliger à cette entreprise doit être très sensiblement
inférieure à celle infligée à Tipp-Ex. »
174
85/617/CEE: Décision de la Commission du 16 décembre 1985 relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CEE (IV/30.839 - Sperry New Holland) Journal officiel n° L 376 du 31/12/1985 p. 0021 –
0028. § 62 : La Commission relève que « la Commission estime que, bien que des distributeurs de SNH aient
participé aux infractions décrites plus haut, seule SNH doit être frappée d'une amende. […] Lorsque des
distributeurs […] ont pris des mesures pour restreindre les exportations, ils agissaient sous la contrainte et à
l'encontre de leurs propres intérêts économiques »
47
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
pour justifier l’asymétrie de la sanction. C'est particulièrement le cas dans le secteur automobile.
La Commission a engagé six procédures d’infractions sur plainte et refusé deux demandes
d’exemption. Toutes les affaires portaient sur des entraves au commerce parallèle. Hormis dans
la première affaire BMW BELGIUM175 - mais l'amende infligée aux concessionnaires était
purement symbolique – toutes les affaires ont donné lieu au prononcé d’une amende
unilatérale, la Commission allant même jusqu'à qualifier les concessionnaires de « victimes » de
l'infraction : KAWASAKI176, VOLKSWAGEN/AUTOGERMA177 [VW n° 1], OPEL178,
VOLKSWAGEN/PASSAT179 [VW n° 2], MERCEDES/BENZ180 et PEUGEOT181.
175
Commission Européenne, Décision 78/155/CEE du 23 décembre 1977, aff. COMP/29.146 -BMW Belgium:
JO n° L 046 du 17/02/1978 p. 33. Not. § 26. La condamnation des concessionnaires dans l’affaire BMW
Belgium marque une phase de construction de la pratique décisionnelle de la Commission. La condamnation
poursuit un objectif de cohérence juridique. L’accord résultait de l’apposition par les concessionnaires de leur
signature au bas de la circulaire envoyée par le fabricant. Cette condamnation de principe est toutefois tempérée
par des circonstances atténuantes aboutissant à une réduction de l’amende. La Commission retient ainsi que les
concessionnaires belges se trouvaient dans une «certaine dépendance économique» à l’égard du fabricant, et que
«compte tenu de leur contribution mineure, il suffit de leur appliquer le montant minimal de l'amende». La
condamnation des concessionnaires est symboliqu: amende de 1000 unités de compte infligée aux
concessionnaires. Par comparaison, l’amende infligée à BMW s’élevait à 150 000 unités de compte.
176
Commission Européenne, Décision 79/68/CEE du 12 décembre 1978, aff. COMP/29.430 – Kawasaki: JO n°
L 016 du 23/01/1979 p. 9.
177
Commission Européenne, Décision 98/273/CE du 28 janvier 1998, aff. COMP/35.733 – VW Autogerma: JO
n° L 124 du 25/04/1998 p. 60. § 208 : «Les concessionnaires italiens, en tant que participants avec Volkswagen,
Audi et Autogerma, à l'accord visant à empêcher ou restreindre les exportations parallèles, sont les victimes de la
politique restrictive mise en place par leurs cocontractants, qu'ils ont dû approuver sous la contrainte. Il n'y a pas
eu de participation active de leur part. Par conséquent, la Commission ne leur inflige pas d'amende».
178
Commission Européenne, Décision 2001/146/CE du 20 septembre 2000, aff. COMP/36.653 — Opel: JO n° L
059 du 28/02/2001 p. 1. § 174 : « Les concessionnaires néerlandais d'Opel, en tant que complices de l'infraction
avec Opel Nederland BV par l'intermédiaire des accords conclus pour empêcher ou limiter les exportations, sont
victimes de la politique restrictive décidée par leur cocontractant, auquel ils ont dû céder sous la contrainte. Les
concessionnaires n'ont pas participé activement à l'infraction. La Commission estime, par conséquent, qu'une
amende ne doit pas leur être infligée ».
179
2001/711/CE: Décision de la Commission du 29 juin 2001 dans une procédure prévue par l'article 81 du traité
CE (Affaire COMP/F-2/36.693 — Volkswagen) Journal officiel n° L 262 du 02/10/2001 p. 0014 – 0037.
180
2002/758/CE: Affaire COMP/36.264 — Mercedes-Benz: Decision de la Commission du 10 octobre 2001
relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE Journal officiel n° L 257 du 25/09/2002 p. 0001
– 0047.
181
2006/C149/06: Affaire COMP/37.275 — Peugeot: Decision de la Commission du 27 octobre 2005 relative à
une procédure d'application de l'article 81 du traité CE. V. § 160.
182
Commission Européenne, Décision 91/532/CEE du 5 juin 1991, aff. COMP/32.879 - Viho/Toshiba: JO n° L
287 du 17/10/1991 p. 39. §26 «rien ne permet d'affirmer que les distributeurs exclusifs ont pris part à la
rédaction des contrats qu'ils ont conclus avec TEG et, sur la base des faits, TEG est tenu pour responsable dans
une large mesure du comportement qui en a résulté».
183
94/987/CE: Décision de la Commission, du 21 décembre 1994, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (IV/32.948 et IV/34.590 - Tretorn et autres) Journal officiel n° L 378 du 31/12/1994 p.
48
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
Dans ce cas, c’est le critère de l’initiative qui est mis en avant par la Commission pour justifier
l’asymétrie de la sanction, et alors même que le caractère contractuel de l’interdiction ne fait
aucun doute. Cette notion de pouvoir décisionnel renvoie très clairement au critère du pouvoir
de négociation de l’arrêt COURAGE.
0045 – 0053. marché des balles de tennis § 78 : « Pour décider s'il y avait lieu d'infliger une amende et en
déterminer le montant, la Commission a tenu compte du fait que certains des distributeurs de Tretorn avaient
activement contribué à empêcher les importations parallèles, mais aussi que cette participation avait été limitée
dans d'autres cas et devait être replacée dans le contexte de la politique globale d'interdiction d'exporter ses
produits pratiquée par Tretorn. Qui plus est, Tenimport a joué un rôle de moindre importance, ce qui justifie la
non-imposition d'une amende à cette entreprise »
184
Commission Européenne, Décision 87/406/CEE du 10 juillet 1987, aff. COMP/31.192 - Tipp-Ex. § 49 : il est
indifférent que cette politique commerciale soit conforme aux intérêts propres des distributeurs
185
Commission Européenne, Décision 2002/190/CE du 21 décembre 2000, aff. COMP.F.1/35.918 — JCB.
186
Décision JCB, préc. § 260 : «Si le cloisonnement du marché géographique peut profiter à certains
concessionnaires, surtout lorsque la protection territoriale met leur territoire à l'abri des ventes initialement
effectuées par d'autres concessionnaires plus efficaces, il n'en demeure pas moins que, en appliquant les
différents éléments de l'accord, certains de ces concessionnaires ont agi sous la contrainte et contrairement à leur
intérêt économique. Du reste, la Commission ne possède rien d'autre que des preuves anecdotiques ou indirectes
que des concessionnaires aient demandé l'exécution de l'accord restrictif »
187
Commission Européenne, Décision 2006/895/EC du 26 mai 2004, aff. COMP/37.980 Souris - Topps. § 168 :
« The mere fact that the latter were party to anti-competitive agreements and/or concerted practices does not
automatically entail their significant responsibility for the infringement ». L’expression "significant
responsibility" est incorrectement traduite de la version anglaise faisant foi: «Le simple fait que ces derniers [ les
intermédiaires] aient été parties à des accords et/ou des pratiques concertées anticoncurrentiels n’implique pas
automatiquement qu’ils aient été largement [sic] responsables de l’infraction. En l’espèce, les accords et/ou
pratiques concertées restrictifs s’inscrivaient dans le cadre d’une stratégie plus vaste mise en place par Topps en
vue de restreindre le commerce parallèle. Cette stratégie était apparemment contraire aux intérêts de certains des
49
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
67. Conclusion. Il existe une identité parfaite entre l'infraction punie d'une amende et la
faute ouvrant droit à réparation. Le caractère unilatéral de la responsabilité en matière
d'ententes verticales est le reflet exact de la pratique décisionnelle de la Commission. Il s'agit
bien d'une condition de fond de la responsabilité. La primauté des décisions de la Commission
s'impose au juge civil dans l'interprétation des règles internes de responsabilité civile. L'identité
substantielle de l'infraction et de la faute civile susceptible d'ouvrir droit à réparation implique
un délicat problème de procédure. Le juge civil est dépendant d'une décision préalable de
l'autorité de concurrence constatant l'infraction. Sans une décision préalable de l'autorité de
concurrence, la saisine de la juridiction civile crée un risque de contradiction.
intermédiaires de Topps, qui souhaitaient profiter des écarts de prix entre les produits Pokémon ou tenter
d’importer les stocks dont ils ne pouvaient disposer dans leur propre pays».
50
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
« les actions de suivi sont des actions civiles introduites après qu'une autorité de
concurrence a constaté une infraction. Les actions indépendantes sont les actions
civiles qui ne suivent pas une décision préalable d'une autorité de concurrence
constatant une infraction »190.
La définition semble claire puisqu'elle propose deux catégories strictement alternatives sans
superposition. Les actions indépendantes sont toutes les actions qui ne sont pas des actions de
suivi. Le critère est chronologique et matériel. Matériellement, il n'y a pas d'action de suivi
188
CJCE 28 février 1991, Stergios Delimitis c. Henninger Bräu, Aff. C-234/89. §47: «il y a lieu de tenir compte
du fait que ces juridictions nationales risquent de prendre des décisions allant à l'encontre de celles prises ou
envisagées par la Commission pour l' application des articles 85, paragraphe 1, et 86 et également de l' article 85,
paragraphe 3. De telles décisions contradictoires seraient contraires au principe général de la sécurité juridique et
doivent, dès lors, être évitées lorsque les juridictions nationales se prononcent sur des accords ou pratiques qui
peuvent encore faire l' objet d' une décision de la Commission».
189
CJCE 14 décembre 2000, Masterfoods c. HB Ice Cream, Aff. C-344/98: «Lorsqu'une juridiction nationale se
prononce sur un accord ou une pratique dont la compatibilité avec les articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité
CE (devenus articles 81, paragraphe 1, CE et 82 CE) fait déjà l'objet d'une décision de la Commission, elle ne
peut pas prendre une décision allant à l'encontre de celle de la Commission, même si cette dernière est en
contradiction avec la décision rendue par une juridiction nationale de première instance. Lorsque le destinataire
de la décision de la Commission a, dans le délai prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité CE (devenu,
après modification, article 230, cinquième alinéa, CE), introduit un recours en annulation contre celle-ci, il
appartient à la juridiction nationale d'apprécier s'il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision
définitive soit rendue sur ledit recours en annulation ou afin de déférer une question préjudicielle à la Cour».
190
Commission Européenne, Commission Staff Working Paper accompanying the White Paper on damages
actions for breach of the EC Antitrust rules, COM(2008) 165 final, DG COMP, Bruxelles, 2 avril 2008, p. 7. En
anglais exclusivement. Traduction non-officielle: "Follow-on actions are civil actions brought after a
competition authority has found an infringement. Stand-alone actions are civil actions which do not follow-on
from a prior finding by a competition authority of an infringement of competition law".
51
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
sans décision d'une autorité constatant une infraction. Chronologiquement, l'action de suivi
est nécessairement postérieure au constat d'infraction établi par l'autorité.
« il sera rarement approprié pour les juridictions nationales d'adopter une décision
définitive sur les dommages et intérêts. Il ne peut pas être suggéré qu'une telle
décision ne soit jamais appropriée, par exemple dans le cas où la Commission s'est
déjà prononcée sur l'existence de l'infraction. Toutefois, les juridictions nationales
devraient statuer prudemment. De sérieuses anomalies surgiraient sinon dans
l'application du droit communautaire, et il est illusoire de prétendre que de telles
anomalies peuvent être extirpées par des mesures d'harmonisation »191.
191
F. G. JACOBS, «Civil enforcement of EEC antitrust law», Michigan Law Review, vol. 82 avril-mai 1984,
p. 1364 (voir p. 1376). "it will rarely be appropriate, however, for national courts to take final decision leading to
an award of damages. It cannot be suggested that such a course is never appropriate […] one example might be a
case where the commission has already found the existence of a breach. However, national courts should
proceed with caution. Serious anomalies will otherwise arise in the enforcement of Community law, and it is idle
to pretend that such anomalies can be ironed out by measures of harmonization".
52
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
On peut ainsi définir l'action de suivi comme toute action en réparation introduite devant une
juridiction civile concomitamment ou postérieurement à une procédure en cours devant
l'autorité de concurrence pour les mêmes faits. Et réciproquement, constitue une action
indépendante, toute action civile introduite alors qu'il n'existe aucune procédure en cours
devant une autorité de concurrence dans la même affaire. Une action en dommages et intérêts
peut donc avoir été introduite comme une action indépendante, et devenir, en cours de
procédure, une action de suivi, du fait de la saisine postérieure d'une autorité.
En l'absence d'une décision préalable, les juridictions civiles vont s'abstenir de faire droit à la
demande de réparation s'il existe un risque de contradiction (§1). Et en présence d'une
décision préalable de l'autorité de concurrence, les juges civils sont tenus par un principe
d'autorité de la décision publique sur le jugement civil (§2).
72. L'échec des actions indépendantes dépend davantage de l'appréciation des preuves
soumises au juge que de l'impossibilité de rapporter la preuve des faits allégués. L'aptitude à
obtenir réparation de l'infraction est moins un problème d'efficacité probatoire qu'une question
de cohérence. Dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles, le juge judiciaire se
positionne à l'égard de l'autorité spécialisée comme un juge de référé qui ne juge qu'en
évidence.
53
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
exercée par un client. Le contentieux ici est un contentieux banal de la concurrence déloyale
entre concurrents ou un contentieux des réseaux de distribution entre partenaires contractuels.
S'agissant dans tous les cas du préjudice causé par l'éviction du marché, il convient de
distinguer le contentieux entre concurrents qui n'est ni rare, ni infructueux (I) et le contentieux
entre partenaires contractuels encadré par les règlements d'exemption par catégorie (II).
73. Constat d'échec. Les cartels - par définition - excluent le risque d'une action entre
concurrents. En outre, les caractéristiques proprement pénales des moyens d'enquête mis en
œuvre par les autorités de concurrence marquent la limite des actions indépendantes
confrontées à ce genre de pratiques anticoncurrentielles. L'échec est si certain qu'une action
indépendante contre un cartel reste purement théorique. Hugues CALVET l'affirme sans
ambages:
« une action en réparation directe contre un cartel a très peu de chances d'aboutir.
La complexité des preuves à réunir contre de multiples participants, ayant agi
discrètement sinon secrètement, rend bien sûr cette action pratiquement
impossible »192.
Les actions indépendantes contre des cartels sont inexistantes. Deux affaires seulement
formulent une demande en réparation des dommages causés par une entente horizontale.
Dans les deux cas il s'agit de la réparation d'un préjudice lié à l'éviction d'un concurrent dans
le cadre d'une compétition sportive.
Mais dans les deux cas, la catégorisation en tant qu'actions indépendantes contre des cartels
apparaît peu pertinente. Dans le cas SPEEDY – seul succès judiciaire recensé - l'existence de
l'entente illicite est liée de manière très contestable à un abus de position dominante (1°).
Dans le cas EUROVISION, l'action n'est pas véritablement indépendante, compte tenu des
décisions antérieures d'exemption adoptées par la Commission Européenne qui ont
visiblement guidé l'analyse des juges malgré leur annulation (2°).
192
H. CALVET, «Le temps et la réparation du préjudice en cas de violation du droit de la concurrence»,
in Cycle Risques, Assurances, Responsabilités, 2006, Cour de Cassation.
54
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
74. L'affaire SPEEDY est le seul exemple de succès judiciaire obtenu sur le terrain de
l'interdiction des ententes. La demanderesse a obtenu 300.000 euros à titre de dommages et
intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son éviction du parrainage publicitaire d'une
compétition de sports mécaniques193. La situation particulière de cette affaire conduit
néanmoins à nuancer - ou minimiser - la portée de ce succès judiciaire.
La société Philippe Streiff Motorsports organise une compétition annuelle de karting au Palais
Omnisport de Bercy, sous le nom de "Elf Masters", afin d'assurer la promotion du principal
sponsor: la compagnie pétrolière Elf. La société Canal Plus est mandatée pour assurer la
communication de l'événement. Le second sponsor de l'événement est la société Speedy, à
laquelle il a été réclamé chaque année une participation financière de plus en plus importante,
pour des emplacements publicitaires de plus en plus réduits. C'est dans ce contexte que
Speedy a refusé de participer à la 5 ème édition de l'événement Elf Masters aux conditions qui
lui étaient proposées, les sociétés organisatrices refusant pour leur part de reconduire les
conditions financières des éditions précédentes. Speedy a alors introduit une action en
réparation contre Elf, Canal Plus et Philippe Streiff Motorsports, en alléguant des agissements
constitutifs de concurrence déloyale du fait d'un abus de position dominante de la société Elf
et de l'entente anticoncurrentielle instaurée entre les sociétés organisatrices de l'événement.
193
Tribunal de commerce, Paris, 2 mars 2000, Speedy c. Elf, Canal Publicité et Philippe Streiff Motorsports, RG
n° 199824599. «Le Tribunal dira qu'ELF et les Sociétés Organisatrices ont constitué une entente illicite
engageant leur responsabilité au titre de l'article 1382 du Code Civil, et condamnera solidairement les sociétés
ELF AQUITAINE, ELF ANTAR FRANCE, CANAL PUBLICITE, SIPAS, PHILIPPE STREIFF
MOTORSPORT à payer à SPEEDY, compte tenu des éléments dont il dispose, la somme de deux millions
(2.000.000) de Francs à titre de dommages et intérêts».
55
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
selon une application discutable du test de substituabilité 194. Le recours à l'interdiction des
pratiques anticoncurrentielles apparaît, en réalité, opportuniste et artificiel, destiné à donner
plus de poids à une allégation de concurrence déloyale peu convaincante, car on ne comprend
pas très bien pourquoi les organisateurs d'un événement sportif auraient l'obligation d'assurer
une promotion équitable de leurs sponsors. En réalité, Speedy utilise le prétexte du droit de la
concurrence pour renégocier des conditions commerciales insatisfaisantes. Mais est-ce là
véritablement l'objet de l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles?
75. La seconde affaire est tout aussi problématique. Dans l'affaire de l'Eurovision, l'analyse
montre que l'échec de l'action tient moins à la difficulté probatoire qu'à la volonté de la
juridiction commerciale de ne pas interférer avec la politique de l'autorité spécialisée. Il ne s'agit
pas véritablement d'une action indépendante, mais plutôt d'une tentative pour obtenir sur le
terrain civil une décision refusée par la Commission Européenne.
Un litige concernant l'achat collectif des droits sportifs dans le cadre du système de l'Eurovision
oppose depuis sa création 195 la chaîne M6 - exploitée par Métropole Télévision, filiale du
groupe Radio-Télévision Luxembourg - à ses quatre principales concurrentes: TF1, France 2,
France 3 et Canal+. Ces quatre chaînes font partie de l'Union Européenne de Radio-Télévision
– European Broadcasting Union (UER-EBU), à la différence de M6 dont les différentes
demandes d'adhésion ont été systématiquement refusées. L'achat des droits de retransmission
des grands événements sportifs – tels que la Coupe du Monde de Football ou les Jeux
Olympiques – constitue un enjeu financier vital pour les chaînes de télévision en raison des
revenus publicitaires colossaux qu'ils permettent de drainer. La stratégie d'achat collectif de
l'UER lui donne une puissance d'achat considérable. Et les restrictions à l'adhésion à l'UER des
organismes privés de télévision constituent une barrière à l'accès au marché publicitaire pour les
chaînes privées nouvellement créées.
194
Speedy c. Elf. préc. : «l'offre et la demande d'emplacements publicitaires dans le cadre de l'Evénement ne sont
pas substituables à celles d'emplacements publicitaires dans d'autres manifestations du même type».
195
M6 a été créée en 1987 suite à la loi de libéralisation de l'audiovisuel.
56
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
1954. Tous les membres actifs de l' UER peuvent participer au système d'acquisition en
commun des droits de retransmission des manifestations sportives internationales.
Dès 1956, l'UER assure la retransmission des jeux olympiques d'hiver en Italie. Comme
l'énonce le rapport d'activité annuel de l'UER, « le sport attire les foules et constitue un pilier de la
contribution de l’UER aux programmes de ses Membres ». Le portefeuille des droits sportifs de l’UER
contient plus de 450 manifestations sportives d’ici 2017 196. Les droits sportifs font l'objet
d'une « stratégie d’acquisition » consistant à placer l'UER en « interlocuteur unique » des fédérations
sportives. En pratique, les droits sportifs sont vendus par lots qui mêlent des événements
commercialement intéressants et des événements sans aucun intérêt commercial. Les
Membres de l'UER achètent uniquement les droits dont ils ont besoin dans l'ensemble des
droits proposés par une fédération sportive. L’UER fait l’acquisition des droits restants de
l’ensemble - les droits accessoires - et les revend sur le marché197.
77. Exclusion des chaînes privées . En 1954, lors de la création de l'Eurovision, les
organismes de télévision étaient tous des organismes publics. Encore à présent, les membres de
l'UER sont pour la plupart des organismes relevant du secteur public. Ce n'est qu'en 1984 que
l'UER a admis pour la première fois une chaîne privée: Canal+. En 1986, TFI a pu garder sa
qualité de membre malgré la privatisation.
196
Union Européenne de Radio-Télévision, Rapport Annuel, 2011, en ligne : <http://www.ebu.ch>. Pour l'année
2010-2011 citons notamment: Championnat d’Europe d’athlétisme (Barcelone 2010), Tour de France Cycliste;
Coupe du monde de Football (FIFA Afrique du sud 2010); Internationaux de France de Roland Garros. L’UER a
remporté l’appel d’offres portant sur l’acquisition des droits relatifs à l’EURO 2012 pour 36 pays.
197
L'UER a systématiquement obtenu les droits de retransmission pour les jeux olympiques depuis sa création,
jusqu'aux jeux de Londres en 2012. Mais pour la première fois, le Comité Olympique International a rejeté
l'offre de l'UER pour les jeux de 2016 à Rio au profit de SportFive filiale de Lagardère Unlimited qui a acquis
les droits pour l'espace européen. S'agissant du football, l'UER a obtenu les droits pour l'Euro 2012.
198
La qualité de membre actif suppose de vérifier trois conditions: une couverture nationale, une programmation
diversifiée et équilibrée, une activité de production d'émissions.
57
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
S'agissant de l'action publique, la Commission a rejeté la plainte 201 et pris une nouvelle
décision d'exemption202. Et le Tribunal a annulé une nouvelle fois ces deux décision 203.
L'annulation a été confirmée par une ordonnance de la Cour de Justice rejetant le pourvoi
formé par l'UER comme manifestement mal fondé 204. En dépit du succès devant les
juridictions communautaires, sur le terrain de l'action privée, le Tribunal de Commerce de
Paris a débouté Métropole Télévision de sa demande de réparation en février 2002. Selon le
jugement:
199
Commission Européenne. Décision 93/403/CEE du 11 juin 1993 concernant une procédure en application de
l' article 85 du traité CEE (IV/32.150 UER/Eurovision, JO L 179, p. 23).
200
Tribunal de première instance (1ère ch. élargie) 11 juillet 1996, Métropole Télévision et autres c. Commission
des Communautés européennes. Aff. T-528/93, T-542/93, T-543/93 et T-546/93.
201
Commission Européenne. Décision du 29 juin 1999 rejetant la plainte déposée par Métropole télévision le 5
décembre 1997.
202
Commission Européenne. Décision 2000/400/CE du 10 mai 2000 relative à une procédure d'application de
l'article 81 du traité CE (IV/32.150 - Eurovision).
203
Annulation du rejet de la plainte: Tribunal de première instance (4ème ch.) 21 mars 2001, Métropole
Télévision c. Commission. Aff. T-206/99; Annulation de la décision d'exemption: Tribunal de première instance
(2ème ch. élargie) 8 octobre 2002, Métropole Télévision c. Commission. Aff. T-185/00, T-216/00, T-299/00 et
T-300/00.
204
CJCE. Ordonnance (troisième chambre) 27 septembre 2004, Union européenne de radio-télévision (UER) c.
Métropole télévision SA (M6). Aff. C-470/02 P.
58
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
« Le Tribunal constate que les chaînes concurrentes ne se sont pas entendues pour
exclure M6 de la diffusion de tous les événements sportifs majeurs, mais
qu’adhérentes de l’UER, elles répartissent entre elles des droits acquis selon des
pratiques admises par la Commission des Communautés Européennes et critiquées
par aucune institution française (Conseil de la Concurrence ou CSA) et qu’ainsi
M6 n’a pas apporté la preuve de l’existence d’une entente illicite. Dans ces
conditions, le Tribunal déboutera M6 de toutes ses demandes relatives à l’entente
illicite dans le cadre du GFR » 205.
80. Contournement civil et opportunité des poursuites . La saisine du juge civil et la
délocalisation du contentieux vers Paris marque l'adoption par M6 d'une stratégie de
contournement de la Commission. L'affaire de l'Eurovision montre que l'action indépendante
n'a pas de sens lorsque le plaideur se trouve confronté à un blocage de l'autorité de
concurrence. Tout se passe comme si l'absence de décision de condamnation préalable faisait
présumer au juge judiciaire l'absence d'infraction. L'action civile engagée parallèlement à la
plainte devant la Commission ne peut pas s'appuyer probatoirement sur une décision de
condamnation préalable. Les juges consulaires prennent d'ailleurs grand soin de disjoindre
l'action contre le GRF de la procédure européenne contre l'UER. Les juges précisent en ce sens
que « le litige en cours devant les instances européennes ne doit pas être abordé dans la présente décision ».
Malgré cette indépendance affichée des deux procédures, les décisions d'exemption répétées
influencent le jugement civil.
La motivation adoptée est révélatrice de la prudence des juges du commerce, qui renoncent à
constater une infraction lorsque celle-ci n'a pas été préalablement condamnée par l'autorité
spécialisée de concurrence. Bien que la première décision d'exemption et la décision de rejet
de plainte aient été annulées, la juridiction civile suit la volonté affichée par la Commission. Le
risque de contradiction est le déterminant principal de la décision civile.
205
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 22 février 2002, Métropole Télévision M6 c. Groupement des
Radiodiffuseurs Francais de l'Union Europeenne de Radio-Television, RG n° : 1997110944.
59
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
déloyale. Les avocats et les juges sont spontanément mieux préparés à analyser un
comportement sous l'angle de l'abus de position dominante, parce qu'il se coule dans le cadre
rassurant de la concurrence déloyale. De plus – mais c'est une particularité française – l'abus de
position dominante est réprimé par le même article qui interdit l'abus de dépendance
économique, ouvrant droit à une action en réparation sur le terrain des pratiques restrictives de
l'article L442-6 Code de commerce. Il s'ensuit une certaine confusion. Les avocats soulèveront
systématiquement l'abus de position dominante, dans le cadre du contentieux de l'abus de
dépendance et de la rupture brutale des relations commerciales. D'une certaine manière, l'abus
de position dominante constitue le couteau suisse du droit de la concurrence.
83. L'interprétation probatoire de l'échec. Comment expliquer ce maigre bilan sur une
période relativement longue de 12 années? Philippe RIOU, inspecteur principal à la DGCCRF
souligne la « technicité particulière »209 des enquêtes de concurrence, dans le cas général, dès lors
qu'il s'agit de caractériser un effet sur le marché. Selon l'opinion générale, la complexité
factuelle condamnerait les actions indépendantes en réparation en matière d'abus de position
dominante.
84. Un juge de l'évidence . À l'instar de ce qui a été montré en matière de cartels, l'échec
n'apparaît pas purement probatoire en tant qu'il serait imputable à la carence des parties ou à la
technicité de la preuve. D'une certaine manière, le Tribunal de Commerce de Paris se
206
Tribunal de Commerce, Paris (3ème ch.) 3 juin 1992, Mors c. Labinal et Westland Aerospace; CA Paris (1A)
19 mai 1993, Labinal c. Mors, RG n° 1992/20943; et CA Paris (1A) 30 septembre 1998, Labinal c. Mors, RG
n°1992/20943.
207
Décision avant dire droit en consultation du Conseil de la concurrence pour avis: Tribunal de Commerce,
Paris (1A) 8 février 1993, CAMIF c. UGAP, RG n° 1991006884; Confirmée: CA Paris (1A) 31 octobre 1994,
UGAP c. CAMIF, RG n° 1993/09481; Conseil de la concurrence, Avis n° 96-A-13 du 17 décembre 1996 relatif
à une demande d’avis de la cour d’appel de Paris au sujet de l’activité de l’Union des Groupements d’Achat
Publics (U.G.A.P.); et CA Paris (1A) 13 janvier 1998, UGAP c. CAMIF, RG n° 1993/09481.
208
Tribunal de Commerce de Paris 15ème ch. 31 janvier 2012, Bottin Cartographe c. Google. RG n°
2009061231.
209
P. RIOU, «La mise en oeuvre du règlement 1/2003 par les autorités nationales de concurrence: évolution ou
révolution?», Cahiers de Droit de l'Entreprise - JCP (E), février 2004, p. 28.
60
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
Paradoxalement, les juges du Tribunal de Commerce de Paris seront d'autant plus incités à
débouter le demandeur en abus de position dominante lorsqu'ils seront convaincus que les
faits qui leurs sont présentés sont susceptibles de recevoir une qualification anticoncurrentielle
prima facie. Parce que dans cette hypothèse, le demandeur aurait dû saisir l'autorité de
concurrence, mieux placée pour connaître du litige. Ce n'est pas le juge civil qui se substitue à
l'autorité de concurrence, comme le voudrait la doctrine du private enforcement – mais bien le
contraire: ce sont les juridictions civiles qui renvoient les demandeurs à mieux se pourvoir
devant les autorités spécialisées. En matière de concurrence, la juridiction consulaire adopte
spontanément et instinctivement la disposition intellectuelle du juge de référé qui renvoie
l'affaire au fond – c'est-à-dire vers l'Autorité de la concurrence - dès lors qu'il existe un doute.
Réciproquement, les juges privilégieront les éléments factuels tendant à disqualifier
incontestablement l'allégation.
210
D. FERRÉ, «Les sanctions civiles à l’encontre des pratiques anticoncurrentielles», Revue Concurrences, n°2
2007.
211
M.-A. FRISON-ROCHE, «Le juge du marché», Revue de Jurisprudence Commerciale, n° spécial - Colloque
"le juge de l'économie" novembre 2002, p. 44.
212
TPICE 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a. / Commission, Aff. T-24/93, T-25/93, T-
26/93 et T-28/93, Rec. p. II-1201, cf. point 76
61
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
a) Délimitation du marché
86. Comme le rappellent à maintes reprises les juges du Tribunal de Commerce de Paris, la
preuve d'un abus de position dominante suppose en premier lieu de délimiter le marché en
cause. Dans bien des cas, l'échec du moyen tiré de l'abus de position dominante tient à
l'absence d'éléments de délimitation du marché 214. Le développement de la vente en ligne
complexifie la démonstration de l'existence d'une position dominante, qui devient d'autant plus
improbable que le consommateur dispose d'un choix virtuellement illimité. Plus le marché est
étendu, moins l'hypothèse de la domination devient crédible. Le silence des demandeurs
213
La société Elf a été privatisée en 1994, avec la société Total, avant leur fusion en 1999-2000. Cf. Tribunal de
commerce, Paris, 2 mars 2000, Speedy c. Elf, Canal Publicité et Philippe Streiff Motorsports, RG n° 199824599.
«Attendu qu'ELF est le partenaire n° 1 de l'Evénement, qui porte d'ailleurs son nom, qu'il est établi que ce
dernier ne peut se dérouler sans la présence d'ELF, qu'elle détient donc une part importante du marché, il
convient de constater qu'elle bénéficie d'une position dominante sur le marché en cause».
214
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 30 septembre 2005, SARL ACPF c. SAS Éditions les Neressis.
RG n° 2005022094. «l’examen attentif des dires des parties, des pièces versées aux débats et des débats eux-
mêmes ne permet nullement d’affirmer que l’hebdomadaire «De Particulier à Particulier»se trouve en position
dominante et incontournable pour un annonceur de publicités de nature immobilière […] ACPF n’ayant pas, en
outre, défini clairement le marché concerné […] en conséquence, dit que ACPF n’a pas démontré que
l’hebdomadaire précité se trouvait en situation de position dominante sur un marché de référence identifié». Ou
encore: Tribunal de Commerce de Paris (19ème ch.), SA DUPONT MEDICAL c. SOCIETE OMRON
HEALTHCARE EUROPE B.V. RG n° 2008023009. «la société DUPONT MEDICAL n'a fourni au Tribunal
aucune identification du marché concerné, ni la preuve de la domination de ce marché par la société OMRON
[…] En l'absence de tout élément probant attestant la réalité des pratiques anticoncurrentielles le Tribunal ne
pourra que débouter la société DUPONT MEDICAL de ses demandes de ce chef».
62
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
apparaît alors comme une dérobade. Ainsi les juges relèvent que « MULT E-PASS, qui ne verse
aux débats aucun élément d’information sur l’état du marché des comparateurs et des sites marchands sur
Internet, ne démontre pas la position dominante de KELKOO »215.
87. Affaire Loisichèques . Une autre illustration topique en est l'affaire LOISICHÈQUES,
société de droit anglais commercialisant des chèques-cinéma valables dans les salles adhérentes.
Loisichèques estime que le groupe Pathé-Gaumont a abusé de sa position dominante en
rompant brutalement leurs relations en vue de l'éliminer du marché. Au soutien du grief d'abus
de position dominante, Loisichèques produisait plusieurs courriers motivant la résiliation par la
nécessité de se conformer à la stratégie marketing de la société-mère. La demande est rejetée au
motif que
b) Caractérisation de la domination
88. Relativisme des critères. De manière générale, la position dominante « se caractérise par
une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui donne à celle-ci le pouvoir de faire obstacle
au maintien d'une concurrence effective sur le marché en lui fournissant la possibilité de comportements
indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des
consommateurs »218. Les parts de marché détenues constituent un élément « hautement significatif ». Il
s'agit même d'un élément probant per se au-delà de 50%. Sauf circonstances exceptionnelles,
« des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes la preuve de l'existence d'une
215
Tribunal de Commerce de Paris (16ème ch.), 3 septembre 2007, SA Kelkoo c. SARL Multi Epass. RG n°
2006046758.
216
Tribunal de Commerce de Paris (10ème ch.) 25 mars 2005, SARL Loisichèques c. SAS Europalaces. RG n°
2003018375.
217
Conseil de la Concurrence. Décision n° 07-D-12 du 28 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre
dans le secteur du chèque-cinéma.
218
CJCE 12 décembre 1991, Hilti / Commission, Aff. T-30/89, Rec. p. II-1439, cf. § 90-92
63
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
position dominante. Tel est le cas d'une part de marché de 50% »219. A contrario, des parts de marché se
situant entre 5 et 10 % excluent l'existence d'une position dominante 220. Un opérateur ne saurait
détenir une position dominante sur le marché d'un produit que s'il est parvenu à disposer d'une
partie non négligeable de ce marché. Il n'est cependant pas nécessaire qu'une entreprise ait
éliminé toute possibilité de concurrence pour être en situation de position dominante 221.
L'analyse en valeur absolue des parts de marché doit être complétée par une analyse en valeur
relative, par rapport aux concurrents. L'évaluation de la puissance économique respective des
opérateurs sur un marché doit s'apprécier au regard des « avantages que ces entreprises peuvent tirer de
leur appartenance à des groupes d'entreprises dont l'activité s'étend au niveau européen ou même mondial »222.
De manière parfaitement orthodoxe, le Tribunal de Commerce de Paris retient que
219
CJCE 3 juillet 1991, AKZO / Commission, Aff. C-62/86, Rec. p. I-3359, Aff. cf. § 60. Jurisprudence
itérative: CJCE 14 décembre 2005, General Electric / Commission, Aff. T-210/01, Rec. p. II-5575, cf. points
115, 149-151, 540, 571; CJCE 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods / Commission, Aff. T-65/98, Rec. p. II-
4653, cf. point 154; CJCE 22 novembre 2001, AAMS / Commission, Aff. T-139/98, Rec. p. II-3413, Aff. cf.
point 51; CJCE 7 octobre 1999, Irish Sugar / Commission, Aff. T-228/97, Rec. p. II-2969, cf. point 70; CJCE 30
septembre 2003, Atlantic Container Line e.a. / Commission, Aff. T-191/98, T-212/98 à T-214/98, Rec. p. II-
3275, cf. point 907: Si l'existence d'une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément,
ne seraient pas nécessairement déterminants, des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-
mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante. Ainsi, une part
de marché s'élevant entre 70 et 80 % constitue, en elle-même, un indice clair de l'existence d'une position
dominante. V. encore: CJCE 6 octobre 1994, Tetra Pak / Commission, Aff. T-83/91, Rec. p. II-755, cf. point
109: il est manifeste que la détention de telles parts de marché place l'entreprise concernée dans une position sur
le marché qui fait d'elle un partenaire obligatoire des autres opérateurs et lui assure l'indépendance de
comportement caractéristique d'une position dominante.
220
CJCE 25 octobre 1977, Metro / Commission, Aff. 26-76, Rec. p. 1875. Avec cette précision: "sauf
circonstances particulières, dans un marché de produits hautement techniques, mais aisément interchangeables
aux yeux de la grande masse des acheteurs"
221
CJCE 14 février 1978, United Brands / Commission, Aff. 27/76, Rec. p. 0207
222
CJCE 9 novembre 1983, Michelin / Commission, Aff. 322/81, Rec. p. 3461, cf. § 55
223
Tribunal de Commerce de Paris (20ème ch.) 17 janvier 2003, SA Concurrence c. SA JVC. RG n°
2002001058.
64
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
économiques »224, ou que « le GROUPE NOUVELLES FRONTIERES n'est qu'un Tour Opérator
parmi d'autres »225, ou encore que « le marché du téléchargement de la musique en ligne est ouvert à de
nombreux opérateurs issus de groupe opérant sur des marchés différents »226.
« la liste des partenaires de ses bons d'achat, versée aux débats, est impressionnante
tant en quantité qu'en qualité puisqu'on y dénombre la quasi-totalité des enseignes
de premier plan de chacun des secteurs d'activité énoncés ( loisirs, maison, enfants,
grands magasins, VPC, mode/beauté, gastronomie, voyages, sports/aventures,
location voitures ), ce qui n'accrédite pas la thèse la présentant comme une société
confrontée à un abus de position dominante et en situation de dépendance
économique ».
224
Tribunal de Commerce (8ème ch.) 1er décembre 2004, SARL CRM TK c. SA LYONNAISE
COMMUNICATIONS NOOS. RG n° 2003046443.
225
Tribunal de Commerce de Paris (10ème ch.) 21 octobre 2005, SARL Phébus VOYAGES c. SA NOUVELLES
FRONTIERES DISTRIBUTION. RG n° 2004000740; Tribunal de Commerce de Paris (10ème ch.) 21 octobre
2005, SARL Chelmarne c. SA NOUVELLES FRONTIERES DISTRIBUTION. RG n° 2004000750; Tribunal de
Commerce de Paris (10ème ch.) 21 octobre 2005, SARL CARPE VOYAGES c. SA NOUVELLES
FRONTIERES DISTRIBUTION. RG n° 2004000765.
226
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 23 juin 2006, SA France Telecom c. SA VirginMega. RG n°
2005078444.
227
CJCE 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie / Commission, Aff. T-282/02, Rec. p. II-319, cf.
points 230-232. «À cet égard, la dispersion des opérateurs sur le marché concerné et l'absence d'alternative
crédible d'approvisionnement pour ces opérateurs sur ce marché sont deux critères qui, sans être nécessairement
exhaustifs pour accréditer ou infirmer l'existence d'une puissance d'achat de clients de nature à contrecarrer la
puissance économique d'un fournisseur, sont très pertinents».
228
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 18 octobre 2002, SA Everest c. SA Galeries Lafayette. RG n°
2002039041.
65
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
91. Amicus Curiae. La déférence pour l'expertise des autorités spécialisées se manifeste
également dans les cas d'intervention à titre d'amicus curiae. Ainsi, dans l'affaire MOBIUS230, le
demandeur avait saisi le Tribunal de Commerce parallèlement à la DGCCRF qui était
intervenue dans la cause en tant qu'amicus curiae. Les juges déboutent au motif que
« il n'y a pas à s'inquiéter d'un risque de contrariété entre les décisions du Conseil
de la concurrence et des juridictions judiciaires, puisque, dans l'hypothèse de la
saisine du Conseil de la concurrence, l'avis que rendra ce dernier s'imposera
pratiquement aux magistrats, nonobstant l'interdiction qui les frappent de déléguer
ou d'abandonner entre les mains d'un tiers leur devoir d'appréciation des
preuves »231.
92. Le cas Google. La meilleure illustration de l'impact probatoire des décisions de
l'autorité de concurrence - en dehors d'une hypothèse d'action de suivi – ressort de la
comparaison entre les jugements rendus dans les affaires Google Analytics et Google Maps. Il
s'agit dans les deux cas d'apprécier l'existence d'une position dominante au profit de Google.
Les deux jugements ont été rendus à deux ans d'intervalle, sans laisser le temps à une évolution
de la position de Google sur le marché. Pourtant le Tribunal a réfuté l'existence d'une position
dominante en 2009, et au contraire admis la domination en 2012. C'est que dans l'intervalle,
l'Autorité de la concurrence a constaté, sur le marché connexe de la publicité, la domination de
Google.
229
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 13 décembre 2002, SA Everest Finance c. SA FNAC. RG n°
2002046027.
230
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 18 mai 2005, SA Mobius c. SA France Telecom. RG n°
2005005720.
231
L. RUET, «Quelques remarques sur l'office du juge et la preuve en droit commercial», Revue Trimestrielle de
Droit Commercial, 1991, p. 151.
66
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
93. Google Analytics. L'affaire Google Analytics opposait la société Net Solutions
Partners (NSP) au géant mondial Google. NSP proposait depuis 2003 un logiciel de mesure de
l'audience sur Internet permettant de quantifier différents indicateurs, tels que le nombre de
visiteurs ou la durée des visites. Google a lancé gratuitement en 2005, un logiciel offrant les
mêmes prestations. Selon NSP, la gratuité du logiciel proposé par Google a entraîné une chute
de son chiffre d'affaires. NSP demandait en conséquence réparation du manque à gagner ainsi
causé. Se posait la question de savoir si la gratuité du logiciel commercialisé par Google
constituait un abus de position dominante. De manière un peu surprenante, l'action échoue sur
la démonstration de la position de Google et non sur la caractérisation de l'abus. Le Tribunal
retient que « NSP[…] n'apporte pas la preuve matérielle que Google dominerait le nouveau marché des
solutions d'analyses des données de fréquentation de sites internet »232.
« il ressort des explications des parties que ce marché est extrêmement dynamique et
en très forte innovation permanente, avec de multiples acteurs y compris de taille
supérieure à celle de Google ; que, de surcroît, il appert que les divers intervenants
sur ce marché offrent leurs services payants ; et qu'il apparaît, selon les explications
des parties, que la part de marché de Google Analytics oscille entre 32 et 40%, ce
qui est accepté par les autorités de concurrence; Le tribunal dira que Google n'est
pas en position dominante sur le marché des Web Analytics et déboutera NSP de sa
demande formée de ce chef »235.
232
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 30 octobre 2009, SARL SOCIETE NET SOLUTION
PARTNER (NSP) c. EURL Google France. RG n° 2008060394.
233
CJCE 30 janvier 2007, France Télécom / Commission, Aff. T-340/03, Rec. p. II-107, cf. points 99-101, 103-
104, 107, 109, 111-112, 118
234
CJCE 14 décembre 2005, General Electric / Commission, Aff. T-210/01, Rec. p. II-5575, cf. points 116-117,
184, 215, 249
235
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 30 octobre 2009, SARL SOCIETE NET SOLUTION
PARTNER (NSP) c. EURL Google France. RG n° 2008060394.
67
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
94. Le Tribunal s'en tient à une analyse étroite purement en termes de parts de marché, sans
tenir compte du facteur de la notoriété. De plus, le Tribunal découple le marché des moteurs de
recherche, du marché de l'analyse du trafic qui était spécifiquement en cause. Or, le moteur de
recherche de Google utilise les informations de mesure d'audience pour établir un classement
("ranking") et optimiser la présentation des résultats de recherche effectuées par les internautes.
L'analyse du trafic fait partie du cœur de métier de Google pour le fonctionnement de son
moteur de recherche. Il n'est donc pas si évident qu'il faille distinguer le marché de la mesure
d'audience, du marché de la recherche sur internet.
95. Le cas Google montre peut être les limites de la prudence des juges du Tribunal de
Commerce de Paris lorsqu'ils sont confrontés à des actions indépendantes soulevant des
questions concurrentielles sensibles, sans que l'autorité de spécialisée ait pu établir une pratique
décisionnelle préalable servant de guide d'analyse. Le réflexe des juges consulaires dans la
motivation consiste d'ailleurs à se référer expressément à la pratique décisionnelle des autorités
de concurrence.
97. Affaire Google Maps. Ce raisonnement a été étendu aux diverses applications Google
connectées au moteur de recherche en matière de recherche cartographique. Suite au rachat de
Keyhole (spécialisée dans l'édition interactives de cartographies) en 2004, Google a pu
développer le moteur de recherche géographique Google Maps pour la localisation d'adresses,
l'édition d'itinéraires et le repérage de centres d'intérêt à proximité d'une adresse donnée.
Complémentairement au portail Google Maps, Google proposait l'application Google Maps
API permettant aux entreprises d'intégrer facilement des cartes interactives Google Maps à leur
236
Autorité de la Concurrence. Avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la
publicité en ligne. Parallèlement, la Commission annonçait le lancement d'une enquête prioritaire sur le même
secteur: Commission Européenne. DG COMP. 30 novembre 2010. Google. Opening of proceedings. Cases
COMP/39.740, COMP/39768 et COMP/39775.
237
Avis n° 10-A-29, §402.
68
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
site Web public238. Une entreprise commerciale peut ainsi proposer sur son site une carte
interactive permettant au client de localiser facilement un point de vente. L'application Google
Maps API était fournie gratuitement aux entreprises.
98. Or, cette activité entrait directement en concurrence avec le service cartographique
proposée par la société Bottin Cartographe qui a engagé une action en réparation et cessation
de l'abus de position dominante consistant à offrir le service Google Maps API gratuitement.
Le Bottin Cartographe a donc engagé une action en cessation et réparation devant le Tribunal
de Commerce de Paris, par assignation du 24 juillet 2009. Bottin Cartographe demandait d'une
part, d'enjoindre à Google de justifier de la mise en place de propositions commerciales pour le
service Google Maps API, sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard, et d'autre part la
condamnation de Google à lui verser 500.000 euros de dommages et intérêts en réparation du
préjudice subi du fait de son éviction par la fourniture d'un service gratuit.
238
Voir la page explicative de Google: http://www.google.com/intl/fr_ALL/enterprise/earthmaps/maps.html
239
Avis n° 10-A-29, préc. §326.
69
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
70
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
contourné par la théorie du fait constant, en vertu de laquelle le fait affirmé par une partie et
non contesté par la partie adverse n’a pas à être prouvé, car il est tenu pour établi.
240
H. MOTULSKY, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé: la théorie des éléments générateurs
des droits subjectifs, Lyon, 1947. n°115.
241
Il conviendrait de nuancer au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui a observé itérativement
que « [le juge] n'est pas tenu de considérer que les faits allégués étaient constants au seul motif qu'ils n'avaient
pas été expressément contestés ». Par ex. Civ. 2ème. 10 mai 1991. [Bull n° 142]. RTD civ. 1992, p. 447; Com. 10
octobre 2000. N° 97-22.399.
242
T. LE BARS, «La théorie du fait constant», La Semaine Juridique, JCP, 1999, I,78. Lire également: J.
NORMAND, Le juge peut-il tenir pour non établi un fait allégué et non contesté ?, RTD civ. 1992. 449. V. égal.
J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 4 éd., Montchrestien, 2010, p. 219 n°263.
243
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 5 décembre 2001, SA CEGETEL c. SA France Telecom. RG n°
2001057949.
244
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 18 novembre 2008, SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE
VEGETALE YVES ROCHER c. 2007038218. RG n° 2007038218.
245
Tribunal de Commerce de Paris (référé) 21 avril 2006, SA SFR c. SA France Telecom. RG n° 2006027619.
71
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
certains marchés particuliers. Une illustration en est fournie sur le marché de la presse. Le
Tribunal observe que « il n'est pas contesté que la société SPPS exerce une position dominante sur son
marché, et que cette position dominante est liée à l'organisation très encadrée de la distribution de la presse sur ce
marché d'exclusivité »246. Ou encore s'agissant de Euronext dans le cadre des marchés financiers
réglementés, « le Tribunal constate que EURONEXT n’a pas exploité de façon abusive la position
particulière qui lui est conférée par le Code monétaire et financier, et qu’elle ne peut donc pas de ce fait être
recherchée en responsabilité au vu l'article L420-4.1 du Code de commerce »247.
246
Tribunal de Commerce de Pais (16ème ch.), 27 octobre 2008, Bassam Mehri c. SNC Société de Presse Paris
Services. RG n° 2006033534.
247
Tribunal de Commerce de Paris (1A), 28 janvier 2008, Monsieur Bruno Galloyer et 53 autres c. SA Euronext
Paris. RG n° J2008005235.
248
TCP 8 janvier 1999. SARL Substantifique Moelle c. Société Polygram. RG n° 97104677.
72
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
107. La demande d'injonction échoue devant la juridiction parisienne qui n'a pas retenu
l'abus de position dominante de Polygram. Ainsi selon les juges:
108. Affaire Magill. Un retour sur l'affaire Magill est nécessaire pour comprendre la
motivation du Tribunal de Commerce. Magill TV Guide Ltd avait tenté de publier un guide de
249
CJCE 6 avril 1995. Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) c.
Commission des Communautés européennes [MAGILL]. Recueil de jurisprudence 1995 page I-00743.
73
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
télévision contenant les programmes de l’ensemble des chaînes irlandaises. Les chaînes
irlandaises et la BBC, qui publiaient séparément leurs programmes ont refusé de communiquer
leurs programmes et ont obtenu des injonctions interdisant la publication des grilles de
programmes hebdomadaires. Magill a déposé plainte auprès de la Commission en 1986, en vue
de faire constater que les requérantes et BBC abusaient de leur position dominante en refusant
d' octroyer des licences pour la publication de leurs grilles de programmes hebdomadaires
respectives. La Commission a condamné RTE et la BBC 250. La Cour confirme l’arrêt du
Tribunal qui avait rejeté le recours en annulation au motif que:
« le refus, par les requérantes, de fournir des informations brutes en invoquant les
dispositions nationales sur le droit d'auteur a donc fait obstacle à l'apparition d'un
produit nouveau, un guide hebdomadaire complet des programmes de télévision, que
les requérantes n'offraient pas, et pour lequel existait une demande potentielle de la
part des consommateurs, ce qui constitue un abus suivant l'article 86, deuxième
alinéa, sous b), du traité. »251
La Commission relève dans sa décision que « il a été expressément confirmé que les programmes des
émissions de télévision, y compris les résumés d'émissions […] sont couverts en tant que travaux littéraires par
la protection du droit d'auteur (Copyright Act, 1956) »252. Les fiches et résumés dont Magill
demandait la communication sont ceux qui sont envoyés gratuitement aux journaux et
magazines. Ils contenaient un avis de réservation de copyright définissant les limites dans
lesquelles les éditeurs sont autorisés à reproduire ces informations253. Selon la Commission, les
chaînes de télévision occupent une position dominante sur le marché des guides de télévision
en ce que « indépendamment de tout droit de propriété intellectuelle qu'ils pourraient revendiquer ou auquel
ils pourraient effectivement prétendre, les organismes de radiotélédiffusion détiennent un monopole de fait sur la
production et la première publication de leurs programmes hebdomadaires. Ceci est dû au fait que les
programmes des émissions ne sont qu'un sous-produit du processus de programmation des émissions […] en
outre le monopole de fait […] est renforcé par un monopole légal dans la mesure où ils revendiquent la
protection de ces programmes au titre des lois sur le droit d'auteur ». La Commission distingue très
clairement monopole de fait et monopole légal. La Commission avait déjà observé dans sa
250
Commission Européenne.Décision 89/205/CEE, du 21 décembre 1988, relative à une procédure au titre de
l'article 86 du traité CEE (IV/31.851, Magill TV Guide/ITP, BBC et RTE, JO 1989, L 78, p. 43).
251
CJCE, Magill. Préc. § 54.
252
Décision Commission Magill TV Guide. COMP/31.851 préc. § 8.
253
Décision Commission Magill TV Guide. COMP/31.851 préc. § 7.
74
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
décision que « les politiques et pratiques [des chaînes de télévision] utilisent le droit d'auteur comme un
instrument de l'abus »254. Le Tribunal255 puis la Cour256 ont confirmé la décision de la Commission
Cette distinction donne du crédit à l'interprétation du Tribunal de Commerce qui oppose les
informations brutes non-couvertes par le droit d'auteur et les phonogrammes enregistrés
couverts par le droit d'auteur. La Cour semble faire la même distinction en relevant que « en ce
qui concerne la position dominante, il faut rappeler tout d' abord que le simple fait d'être titulaire d'un droit de
propriété intellectuelle ne saurait conférer une telle position. Toutefois, les informations brutes constituées par
l'indication de la chaîne, du jour, de l'heure et du titre des émissions sont la conséquence nécessaire de l'activité
de programmation des stations de télévision qui sont donc l'unique source de ces informations pour une
entreprise telle que Magill qui souhaiterait les publier ».
Il convient de souligner que la Cour a adopté son arrêt contre les conclusions de l'avocat
général GULMANN, qui préconisait l'annulation de l'arrêt du Tribunal et de la décision de la
Commission. L'avocat général GULMANN avait soutenu la thèse selon laquelle « le véritable motif
d'application de l'article 86 dans la situation présente devrait être que les grilles de programmes ne sont pas
considérées comme méritant d'être protégées »257. En confirmant la décision de la Commission et l'arrêt
du Tribunal, et en s'écartant des conclusions de son avocat général, la Cour a clairement
affirmé que le refus de licence du titulaire d'un droit de propriété intellectuelle pouvait
constituer un abus de position dominante. La thèse de la distinction entre informations brutes
254
Décision Commission Magill TV Guide. COMP/31.851 préc. § 23.
255
CJCE 6 avril 1995,Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) contre
Commission des Communautés européennes. Aff. C-241/91.Rec. I-00743. § 24. «[l'éditeur du journal qui se
voyait envoyer la fiche du programme] disposait, grâce au droit d'auteur sur les grilles de programmes des
chaînes ITV et Channel 4, qui lui avait été cédé par les sociétés de télévision alimentant lesdites chaînes, du droit
exclusif de reproduire et de mettre sur le marché les grilles susvisées. Cette circonstance lui a permis, au moment
des faits incriminés, de s'assurer le monopole de la publication de ces mêmes grilles hebdomadaires dans un
magazine spécialisé dans les propres programmes d' ITV et de Channel 4».
256
Arrêt Magill, préc. § 47 à 50. «s'agissant de l' abus, il convient de relever que l' argumentation des requérantes
et d' IPO présuppose à tort que, dès lors qu' un comportement d' une entreprise en position dominante relève de
l'exercice d' un droit qualifié de "droit d' auteur" par le droit national, ce comportement serait soustrait à toute
appréciation au regard de l'article 86 du traité. Il est, certes, exact que, en l'absence d'une unification
communautaire ou d'un rapprochement des législations, la fixation des conditions et des modalités de protection
d'un droit de propriété intellectuelle relève de la règle nationale […] Néanmoins, […] l'exercice du droit exclusif
par le titulaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, donner lieu à un comportement abusif».
257
Conclusions de l'avocat général M. Claus Gulmann présentées le 1 er juin 1994 dans les affaires jointes C-
241/91P et C-242/91P [Magill TV Guide]. Rec. I-782 § 122 in fine. Dans ses remarques liminaires, l'avocat
général exposait le nœud de son raisonnement: «il y a de bonnes raisons de contester le droit des organismes de
télédiffusion d'empêcher par le biais de leurs droits d'auteur sur leurs grilles de programmes, la publication de
guides TV généraux hebdomadaires. Les intérêts liés au droit d'auteur qui sont ainsi protégés ne nous paraissent
pas susceptibles d'être considérés comme importants […] Cela ne revient toutefois pas à dire que cette solution
concrètement raisonnable, peut être obtenue par le biais de décisions adoptées par la Commission sur la base de
l'article 86».
75
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
et œuvre couverte par le droit d'auteur est inopérante. La titularité de droits de propriété
intellectuelle ne permet pas d'exclure l'existence d'un abus de position dominante 258.
258
La solution est identique en matière de libre-circulation des marchandises. V. CJCE 23 mai 1978. Hoffmann-
La Roche & Co. AG contre Centrafarm Vertriebsgesellschaft Pharmazeutischer Erzeugnisse mbH. Affaire
102/77. Rec. p. 1139. « est justifiée, au sens de l'article 36, première phrase, du traité CEE, l'opposition par le
titulaire d'un droit de marque, protégé dans deux États membres à la fois, à ce qu'un produit, licitement pourvu
de la marque dans un de ces États, soit mis sur le marché dans l'autre État membre, après avoir été
reconditionné dans un nouvel emballage sur lequel la marque a été apposée par un tiers; constitue, cependant,
une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres au sens de l'article 36, deuxième phrase, du
traité, une telle opposition, s'il est établi que l'utilisation du droit de marque par le titulaire, compte tenu du
système de commercialisation appliqué par celui-ci, contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre
États membres; s'il est démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l'état originaire du produit; si le
titulaire de la marque est averti préalablement de la mise en vente du produit reconditionné; et s'il est indiqué
sur le nouvel emballage par qui le produit a été reconditionné. Dans la mesure où l'exercice du droit de marque
est légitime d'après les dispositions de l'article 36 du traité, cet exercice n'est pas contraire à l'article 86 du
traité pour le seul motif qu'il est le fait d'une entreprise qui détient une position dominante sur le marché si le
droit de marque n'a pas été utilisé comme instrument de l'exploitation abusive d'une telle position ».
76
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
110. Affaire EDIPOST. Un premier jugement EDIPOST offre une apparence de succès.
Dans cette affaire, diverses sociétés de routage se plaignaient de ne pas pouvoir bénéficier des
remises commerciales consenties par la Poste proportionnellement au chiffre d'affaires généré.
Le routage postal est une solution de marketing direct pour les entreprises désirant distribuer
une publicité personnalisée à leur clientèle cible. Le routage consiste en l'acheminement du
message à son destinataire. Les sociétés spécialisées dans le routage vont effectuer le tri postal,
en lieu et place de la Poste qui se charge uniquement de la livraison effective. En pratique, c'est
l'entreprise de routage qui réalise l'affranchissement postal, qu'elle facture ensuite au client.
L'action en réparation des sociétés de routage visait en réalité à obtenir l'application d'un
affranchissement préférentiel, améliorant leur compétitivité à l'égard de leurs clients. Les
entreprises de routage prétendaient en fait à ce que le montant de l'affranchissement soit
déterminé par référence au volume global d'envoi, et non individuellement pour chaque client.
259
Tribunal de Commerce de Paris (20ème ch.), SA EDIPOST c. La Poste. RG n° 2004039665.
77
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
111. Affaire YVES ROCHER. Stratégie payante visiblement, puisque dans une affaire
ultérieure similaire concernant les tarifs appliqués par La Poste en matière de marketing direct,
la demande formulée sur le terrain de l'abus de position dominante a été rejetée. La société
Laboratoires Yves Rocher demandait réparation d'un abus de position dominante résultant
d'une discrimination tarifaire. Les juges admettent que « la pratique de prix excessifs par un opérateur
en situation de monopole, c'est-à-dire leur montant exagéré par rapport à la valeur économique de la prestation
fournie, peut caractériser un abus de positions dominantes si elles ont un effet d’éviction »260. Mais l'action
échoue faute pour la demanderesse de « démontrer en quoi la constatation de différences de taux de
remises quantitatives, entre celles applicables au secteur réservé et celles applicables au secteur non réservé, au -
delà du seuil de 30 millions d’euros de chiffre d’affaire annuel dans ce secteur, caractériseraient le caractère
excessif des prix nets de remise dans le secteur réservé ». La Poste est préservée par son monopole légal
dans la mesure où, selon les juges, « la preuve par comparaison n’est recevable qu’entre des situations de
marchés équivalentes ce qui n’est pas le cas entre des services sous monopole et les autres ». Succès très relatif
dans la mesure où EDIPOST réclamait 100 millions d'euros de dommages- intérêts et n'a
obtenu que trois cent vingt mille euros, soit 0,32% de la somme réclamée. En conséquence, il
est possible de retenir un taux brut d'efficacité de 3,22% (correspondant à une action
victorieuse sur un total de 31 actions), et un taux net d'efficacité de 0,32%, si l'on tient compte
de la dévaluation des dommages et intérêts obtenus au regard du montant demandé. Il
conviendrait encore de nuancer le constat, dès lors que le jugement EDIPOST peut
difficilement être mis au crédit des actions indépendantes en matière d'abus de position
dominante, dans la mesure où la demanderesse n'invoquait ni l'article L420-2 ni l'article 102 et
n'alléguait pas l'existence d'un abus de position dominante.
260
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 18 novembre 2008, SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE
VEGETALE YVES ROCHER c. La Poste. RG n° 2007038218.
78
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
113. Affaire Orange Foot Triple Play . Orange a acquis en 2008 l'exclusivité sur 3 lots des
matches de football de Ligue 1 notamment, la rencontre du samedi soir, pour un montant
annuel de 203 millions d'euros pendant 3 ans. Afin de rentabiliser l'investissement, Orange
avait décidé de subordonner l'accès à sa chaîne sport à la souscription d'un abonnement
internet haut-débit. Les fournisseurs d'accès (FAI) concurrents Neuf Cegetel et Free ont alors
assigné Orange devant le Tribunal de Commerce de Paris afin de pouvoir obtenir la
commercialisation de l'offre Orange Foot auprès de leurs propres clients. Plutôt que de se
placer sur le terrain de l'abus de position dominante, les FAI ont attaqué l'offre Orange Triple
Play au titre de l'article L122-1 du Code de la Consommation qui interdit « de subordonner la vente
d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre
service ». Le Tribunal de Commerce a fait droit à la demande et enjoint sous astreinte à Orange
« de cesser de subordonner l'abonnement à Orange Foot à la souscription d'un abonnement internet haut débit
Orange ».
114. Des perspectives d'évolution se font jour devant la 15ème chambre du Tribunal de
Commerce de Paris qui a spectaculairement admis l'existence d'un abus de position dominante
dans le cadre d'une action indépendante en réparation engagée contre Google par jugement du
31 janvier 2012. Il est d'ailleurs difficile de considérer qu'il s'agissait d'une action purement
indépendante, dans la mesure où le demandeur a pu - par un cas fortuit – appuyer son action
sur un avis de l'Autorité de la concurrence intervenu après l'assignation, qui donnait du crédit à
son allégation d'abus de position dominante.
115. Les juges consulaires procèdent à une caractérisation extrêmement motivée de l'abus, et
l'inscrivent dans la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence et de la Cour de
cassation.
261
Tribunal de Commerce de Paris, 23 février 2009, SAS Free et SA Neuf Cegetel c. SA France Telecom
("Orange Foot"). RG n° J2008006957.
79
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« Attendu que le prix de vente (égal à zéro) du module de cartographie des sociétés
GOOGLE ne permet pas de couvrir le coût de revient nécessairement exposé pour
l'élaboration et la distribution des produits ; […] que la Cour de Cassation retient
que la pratique de prix anormalement bas caractérise à elle seule une exploitation
abusive dès lors qu'elle est le fait d'une entreprise en position dominante sur son
marché ; […] que l'Autorité de la concurrence considère que la preuve de la volonté
d'éviction résulte de plein droit de la pratique, par une entreprise en position
dominante, de prix de vente inférieurs aux coûts variables ;
Attendu qu’en l'espèce, le comportement des sociétés GOOGLE aboutit à l'éviction
de tout concurrent (exemple MAPORAMA) mais en outre s'inscrit à l'évidence
dans le cadre d'une stratégie générale d'élimination ; […] que la pratique de
gratuité a manifestement vocation à optimiser à terme la commercialisation de
publicités ciblées ; […] qu’une fois la concurrence évincée, rien n'empêchera
l'application des conditions contractuelles prévues depuis l'origine et partant
l'insertion de publicités sur les cartes WEB obtenues gratuitement via GOOGLE
MAPS API ; […] que les annonceurs seront en effet définitivement acquis à
GOOGLE laquelle détiendra seule les supports publicitaires que représentent les
cartographies WEB ; […] que cette méthodologie est d'ores et déjà mise en
application puisque GOOGLE organise dès à présent le marché de la publicité sur
les supports de cartographies WEB, qu’en effet une recherche sur le moteur
GOOGLE aboutit à la présentation d'une carte GOOGLE MAPS, que cette
systématisation influence définitivement les entreprises clientes, ces dernières estimant
à juste titre que le choix de l'API GOOGLE MAPS gratuit favorisera leur
référencement naturel sur le moteur de recherche GOOGLE » 262.
116. L'avis de l'Autorité relatif aux pratiques de Google sur le secteur de la publicité en ligne
soulignait abondamment le risque d'éviction découlant de la position dominante de Google. La
juridiction consulaire peut ainsi adopter une décision de condamnation sans craindre de
contredire l'appréciation portée par l'autorité de concurrence. Le risque d'éviction est bien réel
au regard de la stratégie commerciale de Google telle qu'elle ressort des conditions générales
d'utilisation du service API 263. La décision de la 15 ème chambre ne semble donc pas encourir de
critique de ce chef, en appel ou en cassation. Le jugement Bottin Cartographes confirme de
manière éclatante la dépendance politique du Tribunal de Commerce de Paris à l'égard de
l'Autorité de la concurrence, dans le contexte d'une action indépendante en réparation.
262
Tribunal de Commerce de Paris 15ème ch. 31 janvier 2012, Bottin Cartographe c. Google. RG n°
2009061231.
263
Google Maps/Google Earth APIs Terms of Service (April 8, 2011): «4.3 Advertising.(a) Google reserves the
right to include advertising in the places results provided to you in the Maps API(s). By using the Maps API(s) to
obtain places results, you agree to display such advertising in the form provided to you by Google. (b) Although
the Service currently does not include advertising in the maps images, Google reserves the right to include
advertising in the maps images provided to you through the Service». Disponibles à l'adresse:
<https://developers.google.com/maps/terms?hl=fr-FR>.
80
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
118. Shield et Sword. Cette apparente prévalence du contentieux contractuel pourrait être
relativisée en tenant compte de la position des demandes, à titre principal, ou reconventionnel.
Il est ainsi possible de distinguer selon que le droit de la concurrence est invoqué en demande
ou en défense contre une action principale en exécution contractuelle. Les britanniques
opposent l'utilisation du droit de la concurrence en tant que bouclier (shield ou eurodefence), à son
utilisation en tant qu'épée (sword). Ainsi, au début des années 2000, le BUTTESWORTH signale
que le droit de la concurrence est invoqué dans les litiges civils au Royaume-Uni
essentiellement à titre de défense 265.
264
H. CALVET, «Le temps et la réparation du préjudice en cas de violation du droit de la concurrence»,
in Cycle Risques, Assurances, Responsabilités, 2006, Cour de Cassation.
265
M. SMITH, «Division XI Private Enforcement in National Courts», in Buttesworths Competition Law, 2000.
"It is probably fair to say that English case law regarding the use of Articles 81 and 82 as a shield (the so-called
'Euro-defence') is better developed than it is in relation to their use as a sword".
81
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
120. Efficacité. Cette précision apportée quant au volume, qu'en est-il de l'efficacité?
L'obstacle ici n'est pas probatoire puisque l'accord au sens des articles 101 TFUE et L420-1
Code de commerce repose sur un support contractuel. Malgré cette facilité probatoire, l'action
indépendante en réparation en matière de restrictions verticales n'est guère plus efficace qu'en
matière d'abus de position dominante. Cet échec n'est pas le révélateur d'un dysfonctionnement
ou d'une difficulté. Au contraire, c'est la conséquence de l'application de la politique de
concurrence telle qu'elle s'exprime sous la forme des règlements d'exemption par catégorie et
de la pratique décisionnelle des autorités. On distinguera les litiges liés à l'entrée dans le réseau
(A) et les litiges liés à la sortie du réseau (B).
82
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
La société Barichella272 - qui avait été à l'origine du contentieux des années 90 et de la saisine
du Conseil de la Concurrence – est allée plus loin en introduisant une demande de réparation
pour un montant de 1.829.388 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice
commercial subi pendant les années 1992 à 2004. Elle a toutefois été déboutée de sa demande
de réparation. Le Tribunal a retenu que Barichella avait preuve d'une « mauvaise foi patente » en
266
CA Paris (4B) 31 octobre 1991, Barichella c. Rolex. RG n° 89/19610 ; CA Paris (1A), 8 juillet 1991, Rolex c.
SOFIDI. RG n° 91/9140. Numéro JurisData : 1991-025254. Contra. qui rejette l’appel mais en référé : CA Paris
(14B), 10 janvier 1991, René Agnel Paris-Opéra 2 c. Rolex. RG n° 90/14062.
267
Conseil de la Concurrence. Décision n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans
la distribution des montres Rolex.
268
Tribunal de Commerce de Paris (3ème ch.) 10 mai 2000, SA Chronopassion c. Société Patek Philippe. RG n°
98081208. «la commande instantanée d'une cinquantaine de montres, c'est-à-dire une quantité correspondant aux
ventes annuelles de ses distributeurs, présentait un caractère anormal»; V. égal. Tribunal de Commerce de Paris
(10ème ch.) 30 mars 2000, SARL Florescence c. SA Shiseido France. RG n° 98041710. Le tribunal rejette la
demande de dommages-intérêts au motif que «chaque fabricant doit pouvoir rester maître de la détermination du
nombre total de revendeurs […] en fonction des objectifs de son développement et dans l’intérêt de la clientèle
[…] en refusant d’accroître, en l’état, la densité de son réseau de distributeurs à BIARRITZ, SHISEIDO a fait
une application objective de ses conditions contractuelles de distribution et n’a pas commis de faute».
269
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 25 septembre 2007, SARL Casty Delphes c. SAS Rolex France.
RG n° 2006039461.
270
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 23 septembre 2009, SARL ALDEBERT c. SAS ROLEX France.
RG n° 2007034907.
271
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 23 septembre 2009, SARL ALDEBERT c. SAS ROLEX France.
RG n° 2007034907.
272
TCP (11ème ch.) 13 juin 2005, SA Barichella c. SA Rolex France. RG n° 96086733. Fait suite à la décision
du Conseil de la Concurrence n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans la
distribution des montres Rolex.
83
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
123. Affaire Garage Gremeau. Les litiges dans le secteur automobile offrent le meilleur
exemple de la prégnance des règlements d'exemption par catégorie. La société Garage Gremeau
disposait de l'exclusivité Mercedes sur la zone de Dijon. Le contrat a été résilié dans le cadre de
la réorganisation du réseau consécutive à l'adoption du nouveau règlement d'exemption par
catégorie en matière de distribution automobile 1400/2002. Le fabricant a souhaité écarter son
ancien distributeur et a refusé la demande d'agrément en invoquant la limite quantitative du
nouveau système de distribution sélective mis en place.
273
R. BERTIN, «Distribution automobile certes, mais distribution sélective avant tout», Recueil Dalloz, 2005,
p. 2226.
274
N. GIROUDET-DEMAY, «Les incidences du nouveau cadre d’exemption sur la distribution des véhicules
automobiles», Revue Lamy de la Concurrence, janvier-mars 2011, n° 26, 1762, p. 107.
275
L. IDOT, «Prise de position de la Cour de justice des Communautés européennes sur les conséquences sur les
contrats en cours de l'entrée en vigueur du nouveau règlement n° 1400/2002/CE relatif à la distribution
automobile», Revue des Contrats, 1 avril 2007, n° 2, p. 325.
84
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
C'est dans ce contexte que le concessionnaire malheureux a engagé une action tendant à
obtenir une injonction ordonnant l'agrément et corrélativement réparation du refus
d'agrément. Concernant le refus d'agrément, Garage Gremeau a obtenu devant le Tribunal de
commerce de Dijon276 une injonction ordonnant l'agrément, qui a été confirmée en appel 277 et
en cassation278. Malgré ces décisions favorables, l'action en réparation s'est enlisée. Le premier
jugement du Tribunal de Commerce, confirmé en appel 279, a rejeté la demande de réparation.
L'arrêt confirmatif a été annulé au visa du règlement 1400/2002 au motif que la Cour d'Appel
– qui constatait que Daimler Chrysler avait opposé à la SA Garage Gremeau que son numerus
clausus était déjà atteint aurait dû examiner « même d’office, ces critères de sélection, leur objectivité, et
les conditions de leur mise en œuvre »280.
L'affaire a été renvoyée devant la Cour d'Appel de Paris qui a sursis à statuer281 jusqu'à ce
qu'une décision définitive soit rendue sur la plainte avec constitution de partie civile visant la
fabrication de faux documents, notamment des fausses factures, destinés à donner une
apparence de régularité à la vente, par Garage Gremeau, en violation des dispositions du
contrat de concession, de dix-huit véhicules neufs de marque Mercedes à des revendeurs
étrangers au réseau de distribution exclusive. Il ne semble pas que l'action en indemnisation de
Garage Gremeau ait abouti depuis cette dernière décision.
124. Affaire Auto 24. Le même schéma peut être observé dans le réseau Land Rover. La
société Auto24 - concessionnaire exclusif Land Rover à Périgueux de 1994 à 2004 – avait vu
son contrat résilié dans le contexte de la réorganisation du réseau sous le régime de la
distribution sélective suite à l'entrée en vigueur du règlement 1400/2002. Dans le prolongement
de ce contrat de distribution exclusive, Auto24 a obtenu un contrat de réparateur agréé, lui
donnant le droit de vendre des pièces de rechange et d'effectuer le service après-vente.
Toutefois, la candidature de Auto24 pour l'agrément dans le réseau de distribution sélective a
été refusée. Auto24 a alors saisi le Tribunal de Commerce de Versailles d'une demande de
réparation. Les juges de Versailles ont fait droit à la demande en estimant que Land Rover avait
fait une application discriminatoire des conditions d'entrée dans le réseau et condamné en
conséquence la défenderesse à payer 100.000 euros à titre de dommages et intérêts
276
Tribunal de Commerce de Dijon, 25 septembre 2003, Garage Gremeau c. Daimler Chrysler.
277
Cour d’Appel Dijon, 29 janvier 2004, Daimler Chrysler c. Garage Gremeau.
278
Cass. Com. 7 mars 2006. Daimler Chrysler c. Garage Gremeau. N° 04-15300.
279
Cour d'Appel Dijon, 1er avril 2004, Garage Gremeau c. Daimler Chrysler.
280
Cass. Com. 28 juin 2005. Garage Gremeau c. Daimler Chrysler. N° 04-15.279.
281
CA Paris (5B) 7 juin 2007. Garage Gremeau c. Daimler Chrysler. n° 05/17909.
85
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
correspondant à la « perte d'un gain qu'elle aurait pu réaliser dans l'avenir si elle avait obtenu le
contrat »282.
À la suite de la condamnation, Auto 24 a présenté une nouvelle candidature qui a été refusée
en janvier 2006 au motif que le numerus clausus établit par Land Rover ne prévoyait pas de
distributeur de véhicules neufs dans la ville de Périgueux. Parallèlement, en octobre 2006, un
distributeur agréé - établi à Limoges – a ouvert un établissement secondaire en périphérie de
Périgueux. Ces circonstances ont conduit Auto 24 à saisir le Tribunal de Commerce de
Bordeaux d'une nouvelle demande de réparation du refus d'agrément dont elle a été
déboutée283. Le jugement a été confirmé par la Cour d'Appel de Paris au motif que la
distribution sélective quantitative ne permet pas au fabricant de s'opposer à l'essaimage de ses
distributeurs, et qu'en conséquence Land Rover n'avait commis aucune faute de nature à
engager sa responsabilité284.
B- Sortie du réseau
« ce refus de vente n'est pas justifié […] par le non-respect […] des critères objectifs
de caractère qualitatif établis par la société LALIQUE pour définir son réseau de
distribution sélective […] la société LALIQUE invoque une clause de distribution
exclusive convenue avec un autre distributeur, mais qu'elle n'en rapporte pas la
réalité ni la validité juridique, qu'en effet la justification d'une clause d'exclusivité
doit répondre aux critères de validité fixés par le droit de la concurrence français et
européen »285.
La motivation révèle un cas d'espèce, puisque c'est la réalité même du contrat de distribution
exclusive avec le tiers qui est mise en doute. Mais dans toutes les autres affaires, la
stratégie de l'eurodéfense en dommages et intérêts s'est soldée par un échec, le
Tribunal étant lié par le règlement d'exemption par catégorie. Il convient de citer trois affaires
représentatives de ce contentieux.
282
Tribunal de Commerce de Versailles. 28 octobre 2006. Auto 24 c. Land Rover.
283
Tribunal de Commerce de Bordeaux. 8 février 2008. Auto 24 c. Land Rover.
284
Cour d'Appel Paris (5-4). 2 décembre 2009. Auto 24 c. Land Rover. RG n° 08/06680.
285
Tribunal de Commerce de Paris. 22 novembre 1999. SA L'art de la table c. SA Lalique. RG n° 97052941.
86
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
126. Affaire ESSO. Esso est propriétaire d'une station-service à Marseille qu'elle avait
confiée en gérance à un couple durant une dizaine d'années. Esso notifie la rupture du contrat
fin 1990. Les époux Gillot refusent de quitter les lieux et réclament l'indemnisation des pertes
d'exploitation subies. Devant le tribunal de commerce de Paris, ils soulèvent le moyen tiré de
l'illicéité du contrat d'approvisionnement exclusif. Les juges consulaires, au regard des clauses
du contrat de location-gérance, constatent que « le règlement d'exemption a bien lieu de s'appliquer » et
déboutent les demandeurs. La présomption de validité conférée par le règlement d'exemption
par catégorie joue au détriment des demandeurs à la réparation.
127. Affaire Almet. Un distributeur sélectif de la société Aprilia se voyait consentir une
« zone d'influence » pour le 12ème arrondissement de Paris. Aprilia a résilié le contrat de
distribution en invoquant la faute du distributeur tenant à un déplacement non-autorisé du local
commercial en dehors de sa zone d'influence. Le distributeur alléguait une « exclusivité territoriale
déguisée » illicite au regard du droit communautaire dans le cadre d'un contrat de distribution
sélective. Le tribunal rejette la demande en relevant que le distributeur commettait une faute
contractuelle en sortant « ne fût-ce que de quelques dizaines de mètres de sa zone d’influence »286. La
solution est la conséquence directe du règlement 2790/99 qui autorise « la possibilité d'interdire à
un membre [d'un système de distribution sélective] d'opérer à partir d'un lieu d'établissement non
autorisé »287.
128. Affaire News Parfums . Les juges s'alignent non seulement sur les dispositions du
règlement d'exemption par catégorie qui jouissent de la primauté du droit communautaire, mais
encore sur les communications non-contraignantes de la Commission et sur la pratique
décisionnelle des autorités de concurrence en général. Ce phénomène est particulièrement
illustré par le problème des restrictions à la vente par internet qui n'est pas réglementée par les
règlements d'exemption par catégorie.
News Parfums est un distributeur agréé marseillais pour les marques Dior, Kenzo, Givenchy
et Guerlain. Ayant constaté des ventes hors réseau, les fournisseurs résilient le contrat de
distribution sélective, pour inexécution fautive. Devant la juridiction parisienne, le distributeur
évincé demande sa réintégration et des dommages et intérêts au titre de la rupture brutale. Au
soutien de ses demandes, le distributeur allègue une restriction de concurrence qui découlerait
286
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 22 mai 2002, SARL Philippe Almet Moto c. Société Aprilia
World BV. RG n° 2001078834.
287
Règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article
81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées. Art. 4c.
87
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
du refus d'autoriser la vente en ligne. Suivant la jurisprudence PIERRE FABRE288, les juges du
commerce confirment le droit du fabricant d'encadrer le site internet de vente en ligne du
distributeur par des « critères qualitatifs légitimes »289. Il s'en déduit que le fait pour le fabricant
d'indiquer la procédure à suivre pour l'élaboration de la maquette du site ne peut pas s'analyser
en un restriction anticoncurrentielle de la vente par internet. Le demandeur est débouté d'une
demande de dommages et intérêts opportunistes, qui s'inscrivaient dans le sillage de la
solution Pierre Fabre. Le Tribunal de Commerce de Paris joue le rôle d'un relais de la
jurisprudence de l'Autorité de la concurrence.
129. Affaire PMC DISTRIBUTION. Cette solution doit être rapprochée de la motivation
retenue dans le contentieux voisin de la revente par un distributeur non-agréé. PMC
Distribution est l'éditeur du site internet club-privé.fr spécialisé dans le déstockage de produits
de grandes marques290. Lolita Lempicka291, Jean Paul Gaultier et Issey Miyake 292, Calvin Klein et
Cerrutti293 ont intenté une série d'actions en concurrence déloyale pour revente par un
distributeur non agrée en violation d'un réseau de distribution sélective contre PMC
Distribution. En défense, PMC Distribution avançait deux moyens distincts tendant à
l'invalidité du réseau de distribution sélective. L'invalidité fondée sur le droit de la concurrence
est invoquée en défense, et non à titre principal dans le cadre d'une action en dommages et
intérêts. PMC ne formulait d'ailleurs aucune demande reconventionnelle en dommages et
intérêts. Selon le premier moyen, la défenderesse prétendait tirer les conséquences de la
décision de condamnation du Conseil de la Concurrence constatant une entente illicite sur les
288
Cour d'Appel Paris. Pôle 5. Ch. 5-7. 29 octobre 2009. Pierre Fabre Dermo-Cosmétique. 2008/23812. Décision
déférée: Conseil de la Concurrence. Décision 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en
œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils
pharmaceutiques. «Il est enjoint à la société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique de supprimer, dans ses contrats de
distribution sélective, toutes les mentions équivalant à une interdiction de vente sur Internet […] Il est enjoint à
la société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, si elle juge opportun d’encadrer la construction des sites Internet de
son réseau de distribution en prévoyant des critères de présentation ou de configuration des sites».
289
Tribunal de Commerce de Paris (19ème ch.), 11 février 2010, SARL News Parfums c. SA Société Parfums
Christian Dior, SA Kenzo Parfums, SA Société Guerlain. RG n° 2008011737.
290
Le déstockage consiste en la vente promotionnelle de fins de série. La SAS Vente-Privée.com a popularisé le
modèle de la vente en ligne de produits déstockés. Le secteur a connu une véritable explosion avec des dizaines
de sites qui se sont lancés selon le même modèle, parmi lesquels le site club-privé.fr. La page d'accueil du site
club-privé.fr présente une iconographie évocatrice du free-ride: un bateau corsaire et un goëland.
291
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 15 février 2007, SAS Pacific Création c. SARL PMC
Distribution. RG n° 2006073063.
292
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 3 juin 2008, SA Beauté Prestige International c. SARL PMC
Distribution. RG n° 2007045745.
293
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 26 février 2008, SAS Coty France c. SARL PMC Distribution.
RG n° 2007071536.
88
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
prix, qui devait entraîner la nullité des contrats294. Selon le second moyen, la défenderesse
considérait que les restrictions imposées à la vente en ligne était incompatible avec le bénéfice
de l'exemption par catégorie.
130. Les juges parisiens balayent la défense de PMC et font droit aux trois actions distinctes
en concurrence déloyale. La solution a été confirmée et aggravée en appel, puisque la Cour
d'Appel a condamné PMC Distribution à des dommages et intérêts en sus de l'injonction de
cessation et de publication obtenue en première instance par les demanderesses 295. La
motivation adoptée par le Tribunal de Commerce montre une volonté de ne pas empiéter sur la
pratique décisionnelle de l'autorité de concurrence, en évitant de juger au-delà du strict
périmètre des faits déjà examinés par l'autorité spécialisée.
« le fait de réserver la vente sur Internet aux membres de son réseau apparaît
compatible avec les règles de concurrence applicables aux restrictions verticales, ainsi
que l’a admis la Commission dans deux affaires rappelées par le Conseil de la
Concurrence, qui a lui-même admis cette pratique, dans une décision n°06-D-24 du
24 juillet 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par Festina
France »296.
Dans l'affaire PMC DISTRIBUTION/COTY, le Tribunal observe que:
« la SAS COTY France n’est pas visée par les sanctions ayant fait l’objet de la
décision n°06-D-04 bis du 13 mars 2006 du Conseil de la Concurrence […] le
constat, portant sur une dizaine de produits des marques CALVIN KLEIN et
CERRUTI, que les trois plus grands distributeurs appliqueraient des prix de vente
quasiment identiques ne suffit pas à démontrer que ceci résulterait nécessairement
d’une concertation »297.
Enfin, dans l'affaire PMC DISTRIBUTION/BEAUTÉ PRESTIGE, le Tribunal souligne que:
294
Conseil de la Concurrence. Décision n°06-D-04 bis du 13 mars 2006 relative à des pratiques de prix relevées
dans le secteur de la parfumerie de luxe.
295
Cour d'Appel de Paris (4B), 18 avril 2008, SARL PMC Distribution c. SAS Pacific Distribution. RG n°
07/04360.
296
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 15 février 2007, SAS Pacific Création c. SARL PMC
Distribution. RG n° 2006073063.
297
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 26 février 2008, SAS Coty France c. SARL PMC Distribution.
RG n° 2007071536.
89
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
cosmétiques de luxe, pour avoir participé à une entente sur les prix et enfreint à ce
titre les dispositions de l’article L 420-1 du code de Commerce et l’article 81 du
traité CE, il n’en a pas déduit que le système de distribution sélective qui avait
favorisé la pratique sanctionnée, s’en trouvait invalidé »298.
131. L'affaire PMC DISTRIBUTION est particulièrement significative, dans la mesure où le
défendeur prétendait s'appuyer sur une décision préalable du Conseil de la Concurrence. Il ne
s'agit pourtant pas d'une action de suivi mais bien d'une action indépendante, comme le
souligne le Tribunal, dès lors que les faits visés n'étaient pas les mêmes, et dès lors qu'il
s'agissait d'une exception de nullité en défense et non pas d'une demande de réparation à titre
principal. Au fond, le raisonnement du défendeur consistait à plaider la récidive ou la suspicion
légitime: l'autorité de concurrence a déjà constaté une première fois des pratiques
anticoncurrentielles de prix imposé dans le secteur de la parfumerie de luxe. Le défendeur tente
de bénéficier d'une présomption de pratiques anticoncurrentielles contre l'auteur d'une
infraction déjà condamné, afin d'appuyer la force probante des maigres indices fournis au
soutien de son cas.
298
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 3 juin 2008, SA Beauté Prestige International c. SARL PMC
Distribution. RG n° 2007045745.
299
Jugement Coty c. PMC. Préc. «Le tribunal observe que la SAS COTY France n’est pas visée par les sanctions
ayant fait l’objet de la décision n°06-D-04 bis du 13 mars 2006 du Conseil de la Concurrence […] le constat,
portant sur une dizaine de produits des marques CALVIN KLEIN et CERRUTI, que les trois plus grands
distributeurs appliqueraient des prix de vente quasiment identiques ne suffit pas à démontrer que ceci résulterait
nécessairement d’une concertation entre lesdits distributeurs et la SAS COTY France, et ne serait pas seulement
le résultat du jeu de la concurrence entre les trois distributeurs, […] le tribunal ne voit pas en quoi le mail du 6
juillet 2007, adressé par un distributeur, BEAUTY SUCCESS, à M. Jean-Christophe Curtes chez la SAS
COTY France, et contenant le seul message suivant : «Jean-Christophe, Comment pouvez vous nous demander
de respecter les minis contrats après cela !!!!Etes vous sûr que ce site respecte le contrat de distribution
90
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
132. Mutation du rôle des REC . Le bilan mitigé des actions indépendantes en réparation
en matière de restrictions verticales est le reflet de l'emprise des règlements d'exemption par
catégorie sur l'activité des juridictions civiles. Comme le fait remarquer Louis VOGEL « le
règlement d’exemption est l’instrument de la politique de concurrence par excellence »300. À l'origine, les
règlements d’exemption par catégorie ont eu pour rôle de sortir les accords verticaux du champ
de l’obligation de notification préalable, afin de désengorger les services de la Commission. Le
règlement 1/2003 entraîne une mutation du rôle des règlements d'exemption par catégorie avec
la disparition du système de la notification préalable. Laurence IDOT souligne que dans le
nouveau système de l'exception légale, les règlements d'exemption par catégorie ont
essentiellement une « justification politique, car un tel mécanisme permet de garantir une certaine cohérence
du système »301. Après l’entrée en vigueur du règlement 1/2003 et la disparition de l’obligation de
notification préalable, les règlements d'exemption par catégorie assurent une fonction
d'uniformisation de la jurisprudence nationale pour une application décentralisée de
l'interdiction des restrictions verticales. Les juges nationaux sont le relais principal de la
politique communautaire en matière de restrictions verticales, et les règlements d'exemption par
catégorie constituent la courroie de transmission.
Avec les règlements d'exemption de nouvelle génération, l’analyse juridique n'intervient plus
qu'en dernier recours « à titre subsidiaire »302. Les seuils successifs de parts de marché sont posés
comme des filtres qui canalisent le raisonnement depuis la vérification de l’affectation du
commerce entre États membres jusqu’à l’exemption. Le contentieux indemnitaire civil des
restrictions verticales apparaît ainsi étroitement balisé par les autorités de concurrence.
L'indépendance est ici toute relative.
133. Efficacité de l'action de suivi . En matière d'actions indépendantes, les succès sont
ponctuels et peu significatifs. Au contraire, s'agissant des actions de suivi, une étude empirique
sur la période 1999-2012 révèle une meilleure efficacité. On recense huit jugements faisant droit
sélective», constituerait l’aveu par la SAS COTY France qu’elle imposerait des prix de revente à ses principaux
distributeurs».
300
L. VOGEL, «La nouvelle approche des restrictions verticales : évolution ou révolution ?», in Ateliers de la
concurrence, Revue de la Concurrence et de la Consommation, janvier 2005, n° 141, p. 2.
301
L. IDOT, «Une facette de la modernisation du droit communautaire de la concurrence: les nouveaux
règlements d'exemption», Les Petites Affiches, 1 février 2005, n° 22.
302
Ibid. Cf. §13.
91
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
134. Effet contraignant des décisions des ANC. Afin donc « d'accroître significativement
l'efficacité » des actions, la Commission a proposé de reconnaître l'effet contraignant des
décisions définitives des Autorités Nationales de Concurrence constatant une infraction sur les
actions civiles en réparation 313. La proposition vise à étendre la règle d'application uniforme de
303
Tribunal de Commerce, Paris (15ème ch.) 15 novembre 2002, Éditions Montparnasse c. Télévision Française
1, RG n° 2001075716.
304
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 12 février 2003, M. Philippe NESIC c. Nouvelles Messageries
Parisiennes, RG n° 97077751.
305
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 18 juin 2003, Neuf Telecom c. France Telecom, RG n°
2003001151.
306
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, Télé2 c. France Telecom, RG n° 2003059443.
307
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 20 novembre 2008, LB associés c. La Monnaie de Paris, RG n°
2007044186.
308
Tribunal de Commerce, Paris (6ème ch.) 30 mars 2011, Numéricable c. France Telecom, RG n° 2009073089.
309
Tribunal de Commerce de Paris (1ère ch.) 27 septembre 2011, Dufry c. Relay RG n° 2005049045.
310
Tribunal de commerce, Paris, (19ème ch.) 15 septembre 2005, Marbrerie Régis & fils, De Memoris et
Lescarcelles c. Pompes funèbres générales (OGF), RG n° 2002084275; Tribunal de Commerce, Paris (15 ème ch.),
18 octobre 2011, Marbrerie Régis & fils, De Memoris et Lescarcelles c. Groupement des marbriers réunis du Val
d'Oise, RG n° 2002084275.
311
M. DUMARÇAY, La situation de l'entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques
anticoncurrentielles. Etude des procédures française et communautaire d'application du droit communautaire des
pratiques anticoncurrentielles, [Doctorat : Droit : Montpellier-I : 2008]. n°4 p. 9: «il est difficile, sinon
impossible, d'établir l'existence d'une pratique anticoncurrentielle dans le cadre d'une action autonome – ou selon
l'expression anglo-saxonne "stand alone" – devant les juridictions. En revanche, les actions complémentaires
dites "follow-on" […] sont susceptibles d'atténuer cette difficulté».
312
Conseil de la concurrence, Avis du 21 septembre 2006 relatif à l'introduction de l'action de groupe en matière
de pratiques anticoncurrentielles. www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/classactions.pdf
313
Commission Européenne, Livre Blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 2 avril 2008, COM(2008) 165 final. p. 6-7:
«Selon la Commission, il n'existe aucune raison pour qu'une décision définitive prise sur le fondement de l'article
81 ou 82 par une ANC du réseau européen de la concurrence (REC), de même qu'un jugement définitif d'une
instance de recours confirmant la décision de l'ANC ou constatant elle-même une infraction, ne soient pas
acceptés dans tout État membre comme preuves irréfutables de l'infraction aux règles de concurrence dans le
cadre d'actions civiles en dommages et intérêts engagées par la suite. […] les juridictions nationales devant
statuer sur des actions en dommages et intérêts concernant une pratique visée à l'article 81 ou 82 sur laquelle une
ANC du REC a déjà rendu une décision définitive concluant à l'existence d'une infraction à ces articles, ou sur
laquelle une instance de recours a rendu un jugement définitif confirmant la décision de l'ANC ou constatant
elle-même une infraction, ne peuvent prendre des décisions qui iraient à l'encontre de cette décision ou de ce
jugement».
92
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
l'article 16§1 du règlement 1/2003 qui ne confère d'effet contraignant qu'aux seules décisions
de la Commission Européenne314. La proposition a été approuvée par le Parlement européen 315.
135. Principe de séparation des pouvoirs. L'effet contraignant des décisions des
Autorités Nationales de Concurrence (ANC) est d'ores et déjà reconnu dans la législation
allemande316 et britannique317, sur le modèle américain318. Plusieurs États membres ont toutefois
manifesté leur opposition à l'introduction d'une telle règle qui mettrait en cause l'indépendance
de l'autorité judiciaire à l'égard des autorités administratives. C'est le cas de l'Italie319, du
Danemark320, ou de la France321 notamment. L'atteinte au principe de séparation des pouvoirs
314
Régl. 1/2003 CE. Art. 16 §1: «Lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou
des pratiques relevant de l'article 81 ou 82 du traité qui font déjà l'objet d'une décision de la Commission, elles
ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l'encontre de la décision adoptée par la Commission».
315
A. SANCHEZ PRESEDO, Rapport 2006/2207(INI) en réponse au Livre Vert intitulé « Actions en dommages
et intérêts pour infractions aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante »,
Commission des Affaires Economiques et Monétaires, Parlement Européen, 10 avril 2007. «La constatation de
l'infraction par une autorité de la concurrence nationale, une fois qu'elle est devenue définitive et, le cas échéant,
a été confirmée en appel, constitue automatiquement la preuve suffisante a priori d'une faute dans le cadre
d'actions civiles sur des affaires identiques, pour autant que le défendeur ait eu la possibilité de se défendre dans
le cadre de la procédure administrative».
316
Gesetz gegen Wettbewerbsbeschranküngen (GWB : Loi relative aux restrictions de concurrence, 7ème
amendement, 1er juillet 2005). Art. 33§4 «Where damages are claimed for an infringement of a provision of this
Act or of Article 81 or 82 of the EC Treaty, the court shall be bound by a finding that an infringement has
occurred, to the extent such a finding was made in a final decision by the cartel authority, the Commission of the
European Community, or the competition authority - or court acting as such - in another Member State of the
European Community». Version anglaise: www.bundeskartellamt.de
317
Enterprise Act 2002. Section 20 modifiant Competition Act 1998. Section 58A Finding of infringements:
«This section applies to proceedings before the court in which damages or any other sum of money is claimed in
respect of an infringement of the [Chapter I, Chapter II prohibition and the prohibition in art. 101, 102 TFUE]. In
such proceedings, the court is bound by […] (a) a decision of the OFT that the Chapter I […] or the Chapter II
prohibition has been infringed; (b) a decision of the OFT that the prohibition in Article 81(1) or Article 82 of the
Treaty has been infringed; (c) a decision of the [Competition Appeal Tribunal]».
318
United States Code. Title 15 Commerce and Trade. Chapter 1: Monopolies And Combinations In Restraint Of
Trade. 15 U.S.C. § 16(a): «A final judgment or decree heretofore or hereafter rendered in any civil or criminal
proceeding brought by or on behalf of the United States under the antitrust laws to the effect that a defendant has
violated said laws shall be prima facie evidence against such defendant in any action or proceeding brought by
any other party against such defendant».
319
République Italienne. Osservazioni delle autorità italiane concernenti il Libro Bianco della Commissione
Europea in materia di risarcimento del danno per violazione delle norme antitrust comunitarie, 16 juillet 2008. p.
4: «le Autorità italiane ritengono che la proposta avanzata dalla Commissione [effetto vincolante delle decisioni
dell’Autorità] non rivesta nessuna utilità […] di fatto, hanno sempre rappresentato un punto di riferimento
privilegiato per i giudici di gran parte degli Stati membri, i quali, nell’ambito del libero apprezzamento delle
prove, non si sono mai discostati da tali risultanze».
320
Denmark, Ministry of Economic and Business Affairs, Observations on the Commission's White Paper, 29
octobre 2008. p. 4: «As a general rule of Danish law, administrative decisions do not have binding effect for the
courts […] On this basis, the Danish Government will not be able to support a general rule implying binding
effect of a decision from another national competition authority».
321
République Française, Observations des autorités françaises en réponse au Livre Blanc sur les actions en
dommages-intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante,
Représentation Permanente de la France auprès de l'Union Européenne, 21 juillet 2008, en ligne :
<www.ec.europa.eu>. p. 6-7. «Une telle mesure modifierait profondément l'ordre juridique interne des États
membres tels quela France, dans lesquels l'autorité de la chose jugée n'est pas accordée à un acte émanant d'une
autorité administrative, telle que l'autorité nationale de régulation de la concurrence».
93
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
reste néanmoins limitée, dès lors que la valeur probante irréfragable ne serait reconnue qu'aux
seules décisions définitives, après épuisement des voies de recours judiciaires 322. Le Tribunal de
commerce de Paris a toujours adopté cette stratégie de juridictionnalisation in globo afin de
justifier la valeur probante des décisions des autorité de concurrence 323. L’observation
empirique confirme l’opinion de Laurence IDOT selon laquelle
322
Commission Européenne, Commission Staff Working Paper accompanying the White Paper on damages
actions for breach of EC antitrust rules, DG COMP, 2 avril 2008. §148 p. 44 et s.
323
Par ex. Tribunal de commerce, Paris, 22 octobre 1996, Ecosystem c. Peugeot, RG n° 1995025988: «Le
tribunal dira que l’infraction commise par Peugeot, et reconnue comme telle par les décisions des juridictions
européennes, est constitutive d’une faute au sens de l’article 1382 du Code civil».
324
L. IDOT, «Le Livre vert de la Commission relatif aux actions en dommages et intérêts pour ententes et abus
de position dominante... et maintenant ?», Revue Europe, juillet 2006, n° 7, alerte 32.
325
A. KOMNINOS, «The EU White Paper for damages actions: A first appraisal», Revue Concurrences, 2-2008,
p. 84. Cf. p. 91. «An NCA infringement decision always has in practice a de facto highly persuasive value for a
civil court».
326
A. KOMNINOS, «Relationship between Public and Private Enforcement: Quod Dei Deo, Quod Caesaris
Caesari», in Integrating public and private enforcement of competition law: Implications for courts and
agencies, European University Institute,16th Annual EU Competition Law and Policy Workshop, 17 juin 2011,
Social Science Research Network, en ligne : <papers.ssrn.com>. «In real life, a competition agency's
infringement decision de facto is highly persuasive for a civil court. I would caution therefore, agains changing
the legal reality across Europe for little – if at all – real practical benefit».
327
A. KOMNINOS, «Effect Of Commission Decisions On Private Antitrust Litigation: Setting The Story
Straight», Common Market Law Review, octobre 2007, vol. 44, n° 5, p. 1387. « Notwithstanding their
substantive complementarity, EC private and public antitrust enforcement remain institutionally independent of
each other. […] Although a pre-existing decision by an administrative authority may of course be used by the
courts and the litigants to establish and prove certain facts, in particular in case of follow-on civil actions, such a
decision does not normally acquire the status of positively binding authority, though it can certainly be a
persuasive authority. The principle of independence is also not affected by the possible deference paid on
occasion by civil courts to competition authorities' decisions».
328
Contra: G. CUMMING, B. SPITZ et R. JANAL, Civil Procedure used for enforcement of EC Competition
Law by the English, French, and German civil courts, Kluwer Law, 2007.
94
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
décision de la Commission constatant l'existence d'une infraction aux articles 85 ou 86, n'établit pas l'existence
d'une faute à la charge de l'auteur de cette infraction »329. Laurent RUET écartait - déjà en 1991 - tout
« risque de contrariété » parce que les décisions des autorités s'imposent « pratiquement aux
magistrats »330. Muriel CHAGNY observe de la même manière que les décisions de l'autorité de la
concurrence bénéficient devant les juridictions civiles d'une « réelle autorité morale qui facilite, la
plupart du temps, la tâche probatoire de la victime » tout en reconnaissant « un risque, fût-il essentiellement
théorique, que la juridiction refuse de tenir compte de la position prise par le Conseil de la concurrence au
moment de caractériser la violation des règles de concurrence »331. Fort embarrassée, Marie DUMARÇAY
admet le postulat non-juridictionnel, mais se trouve contrainte de concéder - rapidement et
discrètement en note de bas de page - que « les décisions de l'autorité de concurrence bénéficie de
l'autorité morale inhérente à l'expertise du sachant »332.
138. Une faiblesse théorique . Ce consensus doctrinal apparaît instable car il ne parvient
pas à réconcilier l'observation empirique de la non-contradiction avec la théorie selon laquelle
« la décision de l'autorité de concurrence ne lie pas le juge »333. La doctrine se trouve contrainte de
confesser une certaine impuissance car « même si en théorie le juge n'est pas lié par la décision
329
R. HOUIN, «Les conséquences civiles d'une infraction aux règles de concurrence», Annales de la faculté de
Droit de Liège, 1963, p. 27 (voir p. 58-59). « c'est seulement sur le caractère fautif des agissements que le
pouvoir d'appréciation des tribunaux peut être lié par la décision de la Commission […] cette autorité de la
Commission peut présenter plusieurs degrés: on peut considérer que celle-ci entraîne une preuve absolue de la
faute, sans possibilité de faire la preuve contraire […] sur le plan du droit communautaire, il paraît difficile de
soutenir que la décision de la Commission constatant l'existence d'une infraction aux articles 85 ou 86, n'établit
pas l'existence d'une faute à la charge de l'auteur de cette infraction […] on n'aperçoit même pas comment une
preuve contraire pourrait être apportée, sans qu'il en résulte une contradiction avec la décision de la Commission.
Il semble donc que celle-ci s'impose aux juridictions nationales, en tant qu'elle établit le caractère illicite et fautif
des agissements »
330
L. RUET, «Quelques remarques sur l'office du juge et la preuve en droit commercial», Revue Trimestrielle de
Droit Commercial, 1991, p. 151. §69 «Il n'y a pas à s'inquiéter d'un risque de contrariété entre les décisions du
Conseil de la concurrence et des juridictions judiciaires, puisque, dans l'hypothèse de la saisine du Conseil de la
concurrence, l'avis que rendra ce dernier s'imposera pratiquement aux magistrats, nonobstant l'interdiction qui les
frappent de déléguer ou d'abandonner entre les mains d'un tiers leur devoir d'appréciation des preuves».
331
M. CHAGNY, «L'articulation entre actions privées et actions publiques», in Matinée-Débat de la Lettre des
Juristes d'Affaires, Revue Lamy du Droit de la Concurrence, janvier 2009, n° 18, p. 117.
332
M. DUMARÇAY, La situation de l'entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques
anticoncurrentielles. Etude des procédures française et communautaire d'application du droit communautaire des
pratiques anticoncurrentielles, [Doctorat : Droit : Montpellier-I : 2008], 9 n°4. « sous l'influence conjuguée des
principes d'effet direct et de primauté du droit communautaire […] les décisions dans le cadre desquelles la
Commission constate et sanctionne la violation des articles 81 et 82 CE sont frappées de l'autorité de la chose
décidée. En conséquence elles s'imposent tant à l'égard des autorités nationales de concurrence que des
juridictions nationales saisies pour statuer sur une demande indemnitaire dans la même affaire. […] En revanche,
les juridictions nationales ne sont nullement liées par les décisions rendues par l'autorité française de
concurrence, si bien qu'il existe un risque de contradiction des décisions. Ce hiatus – avéré ou auguré – ne doit
cependant pas être exagéré, les décisions de l'autorité de concurrence bénéficie de l'autorité morale inhérente à
l'expertise du sachant »
333
Y. SERRA, «Les divergences de jurisprudence en droit de la concurrence», in Les divergences de
jurisprudence - Actes du IXème colloque du CERCRID, édité par P. ANCEL et M.-C. RIVER, 2001, p. 223
(voir p. 224), Saint-Etienne : Publications de l'université de Saint-Etienne.
95
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
administrative, celle-ci jouera un rôle crucial pour la détermination de la faute »334. Il y a là une « déférence
problématique »335, apparemment contradictoire avec le principe de séparation des pouvoirs à
l'échelle européenne, au-delà du seul ordre juridique français. Une telle contradiction est
profondément insatisfaisante, car le problème est davantage théorique que pratique. Seule une
révision des fondements théoriques de l’autorité de la chose jugée (II) permet de rendre compte
de l’observation empirique de la non-contradiction entre les décisions des autorités de
concurrence et les juridictions civiles (I).
139. Il est facile de confirmer empiriquement que les jugements civils en suivi d'une décision
préalable de l'autorité de concurrence ne contredisent jamais le constat d'infraction ou
d'absence d'infraction effectué par l'autorité. Il convient d'établir une distinction selon le sens
de la décision préalable.
334
R. SAINT-ESTEBEN, «Quelle influence du droit communautaire sur la procédure devant le juge national?»,
in Vingtième anniversaire de l'ordonnance du 1er décembre 1986: évolutions et perspectives, édité par G.
CANIVET et L. IDOT, p. 66, Litec, 2007.
335
B. CHEYNEL, «De la déférence d’une juridiction à l’égard des décisions du Conseil de la concurrence»,
Revue Lamy de la Concurrence, n° 17 Oct-Déc 2088, p. 116 (voir p. comm. n° 1240). « les décisions de
l’autorité de concurrence française n’ont aucun caractère contraignant à l’égard des juridictions françaises […]
Pour autant, il apparait que certaines juridictions font preuve, à l’égard des interventions préalables du Conseil,
d’une déférence certainement bienvenue dans la perspective d’éviter d’éventuelles décisions divergentes dans
une même affaire mais qui n’en demeure pas moins, à notre sens, problématique, sans que cela n’ait
naturellement pour objet de remettre en cause ni l’autorité naturelle, ni la pertinence des décisions du Conseil
[…] il est loisible de s’interroger sur la motivation de ce dernier et plus particulièrement sur la portée que la
juridiction du fond accorde à la décision préalable du Conseil de la concurrence. Sous l’angle des principes, on
rappelle qu’en la matière, une telle décision ne saurait de jure la lier sauf à modifier profondément l’ordre
juridique français »
96
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
140. Le rapport ASHURST constate l'existence en France d'une présomption de faute en cas
de condamnation préalable par l'autorité de concurrence 336. La corrélation entre le constat
d'infraction préalable par l'autorité de concurrence et la qualification de faute délictuelle amène
à constater la valeur probatoire des décisions des autorités de concurrence pour les juridictions
civiles. Dans tous les cas où les autorités de concurrence ont constaté l'existence d'une
infraction, les juges judiciaires ont suivi la décision de condamnation et constaté la faute
délictuelle. Il existe en ce sens une véritable autorité du concurrentiel au civil.
141. Décisions qualifiantes. La qualification juridique des faits retenue par l'Autorité de
Concurrence s'impose à la juridiction civile. Positivement, le juge civil est tenu en suivi de
retenir l'existence d'une faute délictuelle lorsque l'Autorité de la concurrence a constaté
l'existence d'une infraction. Inversement, lorsque l'Autorité n'a pas souhaité se prononcer sur la
qualification des faits qui lui sont soumis, le juge civil retrouve une entière latitude pour écarter
ou retenir l'existence d'une faute délictuelle. Une décision d'acceptation d'engagements, qui ne
procède pas à la « qualification juridique des faits incriminés » ne s'impose pas au juge civil, qui doit
alors « déterminer si les agissements non qualifiés par l’Autorité de la concurrence sont constitutifs d’une faute
au sens de l’article 1382 du code civil »337. La solution adoptée par le Tribunal de Commerce de Paris
concernant les décisions d'acceptation d'engagements confirme a contrario l'autorité des
décisions qualifiantes sur les juridictions civiles.
142. Panorama des actions de suivi en France. Sur une période de douze années, entre le
1er janvier 1999 et le 31 décembre 2010, le Tribunal de Commerce de Paris a rendu quatorze
jugements, dans onze affaires distinctes, suite à une décision préalable de l'autorité de
concurrence constatant une infraction. Par ordre chronologique des décisions:
336
D. WAELBROECK, D. SLATER et G. EVEN-SHOSHAN, Study on the conditions of claims for damages in
case of infrigement of EC competition rules, Comparative report, ASHURST, Brussels, 31 august 2004, p. 50.
"In some Member States, violation of competition rules will automatically imply that the fault element is
fulfilled. In other words, there is no double requirement of showing infringement of the law as well as fault. This
is the case in Belgium, France, Luxembourg, Malta (although this point has never been addressed in existing
case-law) and the Netherlands".
337
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 24 août 2011, Ma Liste de Courses c. HighCo, RG n°
2011014911: Jurisdata 2011-018245. Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 16 mars 2012, DKT
International c. SA Eco-Emballages. RG n° J012000109. «L’acceptation par l’Autorité de la concurrence
d’engagements proposés par une entreprise répond aux préoccupations de concurrence que l’Autorité exprime
dans une affaire, en ne qualifiant pas juridiquement les faits incriminés […] la présente instance doit permettre à
ce tribunal de déterminer si les agissements non qualifiés par l’Autorité de la concurrence sont constitutifs d’une
faute au sens de l’article 1382 du code civil».
97
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
338
Tribunal de Commerce, Paris (15ème ch.) 15 novembre 2002, Éditions Montparnasse c. Télévision Française
1, RG n° 2001075716.
339
Conseil de la concurrence, Décision n° 99-D-85 du 22 décembre 1999 relative à des pratiques de la société
Télévision Française 1 (TF1) dans le secteur de la production, de l’édition et de la publicité des vidéogrammes.
340
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 12 février 2003, M. Philippe NESIC c. SARL Nouvelles
Messageries Parisiennes. RG n° 97077751.
341
Conseil de la Concurrence. Décision n° 01-D-65 du 10 octobre 2001 relative à la saisine de l'Association
Nationale de Défense des Intérêts des Marchands de Presse (ANDIMAP).
342
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 18 juin 2003, SA Neuf Telecom c. SA France Telecom. RG n°
2003001151.
343
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, SA Télé2 c. SA France Telecom. RG n°
2003059443.
344
Autorité de Régulation des Télécommunications. Décision n°02-1045 en date du 14 novembre 2002 portant
mise en demeure de France Télécom de se conformer aux obligations relatives aux conditions d’utilisation des
informations transmises dans le cadre de l’interconnexion.
345
Conseil de la Concurrence. Décision n°01-MC-06. Mesure conservatoire du 19 décembre 2001 relative à une
saisine et demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés Télé 2 et Cégetel
346
TCP (8ème ch.), 4 mars 2005, SAS ALPHA FLIGHT SERVICES c. SOCIETE AEROPORTS DE PARIS –
Établissement Public; RG n° 2004045387.
347
98/513/CE: Décision de la Commission du 11 juin 1998 relative à une procédure d'application de l'article 86
du traité (IV/35.613 - Alpha Flight Services/Aéroports de Paris) Journal officiel n° L 230 du 18/08/1998 p. 0010
– 0027.
348
TCP (15ème ch.), 28 octobre 2005, SA Neuf Telecom c. SA France Telecom. RG n° 2005048834 et TCP
(15ème ch.), 9 décembre 2005, SA Neuf Telecom c. SA France Telecom. RG n° 2005048834.
349
Décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la
société 9 Télécom Réseau.
350
TCP (3ème ch.) 20 avril 2005, SAS LES LABORATOIRES JUVA c. SOCIETE ROCHE VITAMINS
EUROPE LTD et SOCIETE HOFFMANN LA ROCHE AG. RG n° 2003048044.
351
2003/2/CE: Décision de la Commission du 21 novembre 2001 relative à une procédure d'application de
l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.512 — Vitamines) [notifiée
sous le numéro C(2001)3695] Journal officiel n° L 006 du 10/01/2003 p. 0001 – 0089.
352
TCP (7ème ch.), 29 mai 2007, SARL DOUX ALIMENTS c. SA CEVA SANTE ANIMALE et SAS
AJINOMOTO EUROLYSINE. RG n° 2006073999
353
TCP (7ème ch.), 22 janvier 2008, SCA Coopérative le Gouessant c. SA CEVA Santé Animale et SAS
AJINOMOTO Eurolysine. RG n° 2005063513
354
TCP (7ème ch.), 22 janvier 2008, SAS SOFRAL c. SA CEVA Santé Animale et SAS AJINOMOTO
Eurolysine. RG n° 2005063515.
98
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
l'UFC Que Choisir contre Bouygues Télécom 356 et SFR357, suite la condamnation du
cartel de la téléphonie mobile358.
LB Associés359 contre Établissement Public La Monnaie de Paris suite à une
condamnation en abus de position dominante de l'établissement public360.
Dufry361 contre SNC les Relais H et les Nouvelles Messageries Parisiennes suite à une
condamnation en abus de position dominante des NMPP sur le domaine public
aéroportuaire362
Dans tous les cas où le juge s'est prononcé sur l'existence de la faute, il a accordé une valeur
probatoire contraignante à la décision de constat d'infraction de l'autorité. Les affaires ALPHA
FLIGHT et CARTEL MOBILE ne permettent pas de trancher la question car le juge ne s'est pas
prononcé sur l'existence de la faute. L'affaire ALPHA FLIGHT s'est terminée par un désistement
suite à une transaction. L'affaire CARTEL MOBILE s'est éteinte par l'annulation de l'assignation
du fait du démarchage juridique illicite commis par l'association UFC Que Choisir. Il convient
de préciser le constat dans chacune de ces affaires.
143. Affaire NESIC. L'autorité du concurrentiel sur le civil semble mise à mal par la
première affaire. Mais il s’agit là de l’exception qui confirme la règle. L'affaire Nesic présente en
effet la particularité d'avoir été rendue suite à une décision de non-lieu du Conseil de la
Concurrence. Il existe ainsi une contradiction entre la décision du Conseil de la Concurrence
qui a écarté l'abus de position dominante et le jugement du Tribunal de Commerce de Paris
retenant le caractère abusif d'une clause de révocabilité ad nutum qui ne pouvait avoir été
acceptée que sous la contrainte de la position dominante. Les juges consulaires prennent bien
garde toutefois de souligner l'absence d'identité des faits entre les deux causes, ce qui atteste a
contrario de leur sentiment d'être lié par la décision administrative.
355
2001/418/CE: Décision de la Commission du 7 juin 2000 relative à une procédure d'application de l'article 81
du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/36.545/F3 — Acides aminés) Journal officiel n° L
152 du 07/06/2001 p. 0024 – 0072.
356
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), Monsieur Sébastien Amblard et 1538 autres c. SA Bouygues
Telecom. RG n° 2006057440.
357
Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 11 mars 2008, Mademoiselle Laure Angot et UFC Que Choisir et
4087 autres intervenants volontaires c. SA SFR. RG n° 2006057417.
358
Conseil de la Concurrence. Décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées
dans le secteur de la téléphonie mobile
359
TCP (15ème ch.), 20 novembre 2008, SARL LB associés c. La Monnaie de Paris. RG n° 2007044186.
360
Décision n° 05-D-75 du 22 décembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la Monnaie de Paris.
361
TCP (15ème ch.) 21 juin 2007, SA Dufry c. SARL Nouvelles Messageries Parisiennes et SNC RELAY
France. RG n° 2005049045 et TCP (1ère ch.) 25 janvier 2010, SA Dufry c. SARL Nouvelles Messageries
Parisiennes et SNC RELAY France. RG n° 2005049045.
362
Décision n° 03-D-09 du 14 février 2003 relative à la saisine de la société Tuxedo relative à des pratiques
constatées sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public aéroportuaire
99
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
144. Cartel des VITAMINES. Les autres affaires ne révèlent pas de semblable conflit. La
principale affaire dans le domaine de l'action de suivi concerne le cartel des vitamines. Les
Laboratoires Juva, fabricant de compléments alimentaires vitaminés bien connus, demandait au
Tribunal « de constater que les ententes sanctionnées par la décision de la commission du 21 novembre 2001
constituent une faute délictuelle ». Le Tribunal fait droit à cette demande de manière implicite. Les
100
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
motifs de l'arrêt n'apportent aucun élément pour caractériser la faute, hormis l'existence d'une
décision préalable de condamnation de la Commission. Le Tribunal observe que « la
Commission établit que, d'une manière ou d'une autre, la société Hoffmann La Roche AG s'est rendue
coupable d'un gonflement anormal des prix des matières premières ». Le dispositif indique que la
demanderesse Juva est recevable à agir à l'encontre de Roche « sur la base de la décision de la
Commission européenne du 21 novembre 2001 », mais déclare l'action mal fondée faute de lien de
causalité entre l'entente et le préjudice allégué. Pour la troisième chambre, la faute est acquise,
sans même que la question ait été discutée. La motivation laconique du Tribunal, qui vise
expressément la décision de condamnation accrédite l'idée de l'autorité du concurrentiel sur le
civil, qui se confond dans cette hypothèse avec la primauté du droit communautaire.
363
Tribunal de Commerce de Paris (7ème ch.), 29 mai 2007, SARL DOUX ALIMENTS c. SA CEVA SANTE
ANIMALE et SAS AJINOMOTO EUROLYSINE. RG n° 2006073999.
364
CA Paris (5-4), 10 juin 2009, SNC Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et Ajinomoto Eurolysine [Cartel
de la Lysine]. RG n°07/10478.
101
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
dominante commis par Monnaie de Paris à l'encontre de la société LB 365. L'établissement public
a été condamné en conséquence à une sanction pécuniaire de 100 000 euros. Saisi en
réparation, le Tribunal de Commerce de Paris relève que la décision du Conseil de la
Concurrence a été confirmée en appel, et se contente de relever que « la faute commise par
MONNAIE DE PARIS est établie »366. La discussion se concentre exclusivement sur l'évaluation
du préjudice.
147. Affaire du WINBACK. L'affaire du winback a donné lieu à deux actions de Neuf
Telecom et Télé2 contre France Telecom 367 suite à une décision de mise en demeure de
l’Autorité de Régulation des Télécommunications368 et une décision de mesures conservatoires
de l’Autorité de concurrence369. Le juge du commerce s'appuie sur les décisions de l'Autorité de
Régulation des Télécommunications et du Conseil de la Concurrence qui ont interdit à France
Telecom d'obliger les clients à résilier la présélection des opérateurs concurrents. Suite à l'avis
de l'ART, le Conseil de la Concurrence a « enjoint à FRANCE TELECOM de suspendre la
pratique consistant à présenter Option Plus comme incompatible avec la présélection des opérateurs alternatifs, et
d’informer, avant le 31 janvier 2002, tous les clients ayant souscrit cette offre, de ce qu’elle n’est pas
incompatible avec la présélection des opérateurs alternatifs ». Le juge commercial retient qu'il résulte de
l'avis de l'ART et de la décision du Conseil de la Concurrence que « France Telecom est tenue de
permettre [aux clients] d’écarter appel par appel ce choix de présélection ». Sur la base de ces décisions
des autorités spécialisées de concurrence, la huitième chambre conclut que « la prospection de la
clientèle en cherchant explicitement ou implicitement à imposer la déprésélection des concurrents relève de
pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article 442-1 du Code du Commerce [sic]. Le Tribunal déclarera
donc France TELECOM coupable de concurrence déloyale envers Neuf Telecom ».
365
Décision n° 05-D-75 du 22 décembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la Monnaie de Paris.
366
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 20 novembre 2008, SARL LB associés c. La Monnaie de Paris.
RG n° 2007044186.
367
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 18 juin 2003, SA Neuf Telecom c. SA France Telecom. RG n°
2003001151; Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, SA Télé2 c. SA France Telecom. RG n°
2003059443.
368
A.R.T. Décision 02-1045 en date du 14 novembre 2002 portant mise en demeure de France Télécom, en
application de l'article L. 36-11 du code des postes et télécommunications, de se conformer aux obligations
prévues par l’article D. 99-6 du même code relatives aux conditions d’utilisation des informations transmises
dans le cadre de l’interconnexion. Égal. Cités : A.R.T. Décision 01-0691 du 18 juillet 2001. Décision précisant
les conditions et les délais de mise en œuvre de la sélection du transporteur pour les appels internes aux zones
locales de tri.
369
Conseil de la Concurrence. Décision 01-MC-06 du 19 décembre 2001 relative à une demande de mesures
conservatoires présentées par les sociétés Télé 2 et Cégetel; A.R.T. Avis 01-1058 du 7 novembre 2001 relatif à la
demande d'avis du Conseil de la Concurrence portant sur la demande de mesures conservatoires présentée par la
société Télé 2 France visant à faire cesser des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par la société France
Télécom.
102
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
148. L'affaire des POMPES FUNÈBRES. Succès identique malgré quelques vicissitudes, dans
le secteur funéraire. Le secteur des prestations funéraires a fait l’objet d'une multitude de
décisions de l’Autorité de Concurrence370. En 1992 la Société des Pompes Funèbres Générales
est assignée initialement en réparation de faits de concurrence déloyale devant le Tribunal de
Commerce de Pontoise par diverses entreprises funéraires concurrentes. Parallèlement, la
demanderesse saisit la DGCCRF d’une plainte en 1993 en alléguant des faits d’entente et abus
de position dominante, qui aboutira à la saisine du Conseil de la Concurrence. La société PFG
est condamnée pour entente et abus de position dominante par décision du 21 octobre 1997 371.
Et en 2004, l'action en réparation aboutit à la condamnation de PFG au paiement de 1 798 412
euros à titre de dommages et intérêts372. Une demande similaire est formée par la suite devant le
Tribunal de Commerce de Paris373.
370
Décision 92-D-33 du 6 mai 1992 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la marbrerie funéraire
de la région toulousaine ; Décision 97-D-56 du 2 septembre 1997 relative à une saisine présentée par la société
Action Funéraire Libreportant sur des pratiques imputables aux sociétés Roblot, Pompes funèbres généraleset
Omnium de gestion financière ; Décision 97-D-76 du 21 octobre 1997 relative à des pratiques relevées dans le
secteur des pompes funèbres à Gonesse et dans les communes limitrophes et dans le secteur de la marbrerie
funéraire dans le département du Val d'Oise ; Décision 05-D-21 du 17 mai 2005 relative à des pratiques mises en
œuvre dans le secteur de la prévoyance funéraire.
371
La décision du Conseil de la concurrence n’est devenue définitive qu’en 2001 après le rejet du pourvoi en
cassation formé par PFG contre l’arrêt confirmatif.
372
CA Paris 23 juin 2004. De Memoris et autres c. OGF. La Cour d’Appel de Versailles et la Cour d’Appel de
Paris – cour d'appel de renvoi - ont infirmé le premier jugement du Tribunal de Commerce de Pontoise qui avait
rejeté la demande. La procédure a été particulièrement longue en raison notamment d’une cassation fondée sur la
violation du contradictoire. La Cour d’Appel de Versailles avait en effet ordonné la production aux débats du
rapport d’enquête de la DGCCRF.
373
TCP (1ère ch.) 18 décembre 2006, SA POMPES FUNEBRES MARBRERIE REGIS ET FILS c. L'UNION
NATIONALE DES ENTREPRISES DE SERVICES FUNERAIRES SYNDICAT PROFESSIONNEL. RG n°
103
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
149. Adéquation et causalité . Le juge civil doit se limiter à vérifier que les pratiques
condamnées par la décision préalable de l'Autorité présentent un lien de causalité avec le
préjudice allégué. Ainsi dans une affaire INTERFLORA374, le Tribunal constate que « les faits de
cette procédure actuellement en cassation remontent à l’année 1993, époque à laquelle la SA Aquarelle.com
n’existait pas, et sont totalement étrangers à ceux qu’elle soulève dans la présente procédure ». De même dans
une affaire ADAR, le Tribunal relève que « les pratiques anticoncurrentielles qui ont donné lieu à une
condamnation à l’encontre de plusieurs opérateurs de téléphonie mobile sont sans lien avec la présente affaire »375.
Enfin dans l'affaire ORANGE FOOT, le Tribunal écarte la décision N° 08-D-10 du Conseil de
la Concurrence du 7 mai 2008 car « celle-ci concernait un service différent, la télévision de rattrapage, dans
des zones limitées, que ce service était de plus gratuit, que le Conseil de la Concurrence a été saisi sur un
fondement différent de celui de la présente instance qui se présente également dans des conditions différentes [et]
qu'en conséquence le tribunal n'en retiendra pas les conclusions pour le présent raisonnement »376.
150. Hypothèse de suivi négatif . Négativement, le juge civil doit rejeter l'action en suivi
en responsabilité délictuelle, lorsque l'Autorité constate l'absence d'infraction au droit de la
concurrence. C'est le cas des décisions d'exemption comme le montre l'affaire TURBO EUROPE.
Turbo Europe est un revendeur hors réseau de véhicules neufs importés. Suite au refus de
l'Autorité de la concurrence377 de retirer le bénéfice de l'exemption par catégorie, le plaignant
déçu s'est tourné en désespoir de cause vers le Tribunal de Commerce de Paris. La juridiction
2006036547; TCP (19ème ch.) 15 septembre 2005, L’UNION NATIONALE DES ENTREPRISES DE
SERVICES FUNERAIRES SYNDICAT PROFESSIONNEL c. société POMPES FUNEBRES GENERALES.
RG n° 2002084275.
374
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 13 mai 2005, SA Aquarelle c. SOCIETE FRANCAISE DE
TRANSMISSION FLORALES INTERFLORA France. RG n° 2003077907.
375
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.), 11 juin 2008, SARL ADAR Fax Phone Mobile c. SA SFR. RG n°
2007032317.
376
Tribunal de Commerce de Paris, 23 février 2009, SAS Free et SA Neuf Cegetel c. SA France Telecom
("Orange Foot"). RG n° J2008006957: « Le tribunal dit que l'Offre Orange Foot en ce qu'elle conditionne
l'abonnement à la chaine Orange Foot à un abonnement internet Orange, constitue une vente subordonnée,
prohibée par l'article L.122-1 du Code de la consommation, et fera droit à certaines des mesures sollicitées en
aménageant toutefois leur délai d'exécution pour tenir compte de l'importance des moyens à mettre en œuvre
pour ce faire ».
377
Autorité de la Concurrence. Décision 06-D-11 du 16 mai 2006 relative à une saisine de la société Turbo
Europe.
104
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
consulaire était ainsi saisie d'une action tendant à voir prononcer le retrait de l'exemption par
catégorie, l'annulation de l'accord, et des dommages et intérêts378.
S'agissant de la demande de retrait de l'exemption, les juges du commerce ont débouté Turbo
Europe en constatant l'incompétence évidente des juridictions civile, cette faculté étant
réservée aux autorités de concurrence. Le Tribunal retient que:
378
L'assignation demandait à titre principal de « Prononcer le retrait du bénéfice de l’application du règlement
1400/2002/CE aux accords de distribution sélective visés mis en place par les défenderesses,Prononcer la nullité
de plein droit des accords visés, et ceci pour les accords de distribution dans leur ensemble,Dire que les refus de
vente de véhicules neufs opposés par les sociétés défenderesses à la société TURBO EUROPE constituent,
ensemble avec les caractéristiques de leurs réseaux de distribution sélective, des pratiques d’éviction du marché
automobile français de la société TURBO EUROPE, incompatibles avec les règles de concurrence énoncées par
les articles 3(§1) (g) et 82 CE ainsi que les articles L. 420-2 et L 442-6 du Code de Commerce, Ordonner aux
défenderesses de livrer à TURBO EUROPE les véhicules que cette dernière a demandés, et ceci à des prix non
discriminatoires et orientés vers les coûts,Condamner PEUGEOT au paiement d’une somme de 1,355 M€,
CITROEN au paiement d’une somme de 0,588 M€ et RENAULT au paiement d’une somme de 1,812 M€ en
réparation de l’entier préjudice subi par TURBO EUROPE, le cas échéant à 20% de ces sommes avec intérêts au
taux légal à compter du 12 juillet 2004 pour CITROEN, du 15 juillet 2004 pour PEUGEOT et du 3 septembre
2004 pour RENAULT ».
379
B. CHEYNEL, «Les juridictions ne sont pas habilitées à retirer le bénéfice des règlements d’exemption par
catégorie», Revue Lamy du Droit de la Concurrence, n°16 Oct.-Déc. 2008, p. 106, Comm. n° 1229.
380
J.-C. GRALL, «Une juridiction commerciale n'est pas compétente pour ordonner le retrait d'une exemption
par catégorie. Note sous Tribunal de Commerce de Paris, 13 mars 2008. Turbo Europe», Lettre du Cabinet
Meffre & Grall, mars-avril 2008, p. 9.
381
Le retrait de l'exemption ne concerne que le cas d'un accord qui vérifierait les conditions posées aux fins de
l'exemption par catégorie, mais pour lequel des circonstances particulières – tenant notamment à un effet
cumulatif de verrouillage – amènerait l'autorité de concurrence à renverser la présomption de compatibilité avec
l'article 101, §3. Le considérant 32 du règlement 1400/2002 prévoit que «dans les cas particuliers où des accords
qui bénéficieraient sinon de l’exemption ont néanmoins des effets incompatibles avec l’article 81, paragraphe 3,
du traité, la Commission est habilitée à retirer le bénéfice de l’exemption». L'article 29 du règlement 1/2003
prévoit similairement que la Commission peut retirer le bénéfice de l'exemption «lorsqu'elle estime dans un cas
déterminé qu'un accord, une décision ou une pratique concertée visé par ce règlement d'exemption produit
néanmoins des effets qui sont incompatibles avec l'article 81, paragraphe 3, du traité».
105
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
152. Le fait de l'autorité du concurrentiel sur le civil étant constaté, il convient à présent de
l'expliquer. Le syllogisme consistant à dénier l'autorité théorique du concurrentiel sur le civil en
raison de la nature non-juridictionnelle des décisions administratives est vicié parce qu'il postule
une identité entre l'autorité de la chose jugée et l'autorité du criminel sur le civil. L'absence de
caractère juridictionnel des autorités de concurrence ne s'oppose pas à conférer une autorité à
leurs décisions, car cette autorité ne découle pas de l'autorité de chose jugée.
A- Obstacle constitutionnel
382
Tribunal de Commerce de Paris (1ère ch.) 28 octobre 2002, SA CERP c. SA Lilly France. RG n°
2000089900. « par souci de sécurité juridique dans l’application aux produits pharmaceutiques des règles
communautaires régissant la concurrence le tribunal doit avoir connaissance de la décision à venir de la
Commission Européenne ».
383
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 25 novembre 2005, SARL NERIM c. SA France Telecom. RG
n° 2004014154. « Par jugement avant dire droit du 25 novembre 2005, le tribunal a, sur les demandes formées
par NERIM à l’encontre de FRANCE TELECOM, venant aux droits de WANADOO, et de TRANSPAC pour
pratiques anticoncurrentielles, sursis à statuer jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance
des Communautés Européennes sur le recours formé par FRANCE TELECOM contre la décision de la
Commission Européenne du 16 juillet 2003 ayant condamné WANADOO, et sur leurs autres demandes, renvoyé
les parties à la première audience utile de janvier 2006 de la 15ème chambre de ce tribunal »
384
Tribunal de Commerce de Paris (18ème ch.) 25 septembre 2002, SAS SCOOT c. SA France Telecom. RG n°
2001057955.
385
Tribunal de Commerce de Paris (19ème ch.) 12 mars 2009, SA Western Telecom c. SA France Telecom. RG
n° 2005047500.
386
Tribunal de Commerce de Paris (référé), 14 février 2006, SAS ET Plus c. SA Eurotunnel. RG n° 2005087782.
106
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
154. Il serait possible de contourner l'obstacle par une forme d'autorité in globo. Comme
l'explique Robert SAINT-ESTEBEN,
« c'est toujours la même Cour d'appel, la Cour de Paris, qui interviendra in fine et
si elle s'est déjà prononcée suite à la décision du Conseil, peut-on imaginer qu'elle se
déjuge ensuite, dans le cadre d'une procédure indemnitaire »389.
L'infraction acquiert indirectement autorité de la chose jugée, lorsque la décision fait l'objet
d'un recours devant la Cour d'Appel de Paris. Il serait possible de compléter cet argument de
l'autorité in globo, en remarquant que l'absence de reconnaissance conduirait à une disparité
injustifiable entre décisions des autorités de concurrence interne et décisions de la
Commission Européenne bénéficiant de la primauté. Mais ce raisonnement n'est que
partiellement satisfaisant, puisqu'il ne fait que déplacer le problème au stade supérieur de la
Cour d'appel. La Cour d'appel est-elle encore une juridiction judiciaire lorsqu'elle statue
comme organe de recours contre les décisions de l'autorité de concurrence?
387
Conseil Constitutionnel. Décision 86-224 DC du 23 janvier 1987. Loi transférant à la juridiction judiciaire le
contentieux des décisions du Conseil de la concurrence.
388
P. QUILICHINI, «Réguler n'est pas juger: réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique», Actualités Juridiques Droit Administratif, 24 mai 2004, p. 1060. «Dans la mesure où
les actes pris par les autorités de régulation ne sont pas dotés de l'autorité de la chose jugée, ils ne sont pas des
actes juridictionnels. Et par voie de conséquence, les auteurs de ces actes ne sont pas des juridictions».
389
R. SAINT-ESTEBEN, «Quelle influence du droit communautaire sur la procédure devant le juge national?»,
in Vingtième anniversaire de l'ordonnance du 1er décembre 1986: évolutions et perspectives, édité par G.
CANIVET et L. IDOT, p. 67, Litec, 2007.
107
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
155. Il ne s'agit pas ici de montrer que l'autorité attachée aux décisions de l'Autorité de la
concurrence dériverait de sa nature juridictionnelle 390. Plus radicalement, il convient de réfuter
le syllogisme en contestant ses prémisses. La contradiction théorique apparemment
irréconciliable entre autorité de la chose jugée et nature non-juridictionnelle de l'Autorité de la
concurrence peut être résolue plus simplement en montrant que la valeur probatoire est une
question indépendante de la nature juridictionnelle de l'organe qui adopte la décision. Cette idée
erronée n’a pris corps en jurisprudence et en doctrine qu’en raison de l’assimilation abusive
entre autorité de chose jugée et autorité du criminel sur le civil. Les décisions des autorités de
concurrence possèdent une autorité probatoire intrinsèque - indépendamment de la nature de
l'organe – parce qu’il faudrait rattacher l’autorité positive de chose jugée (1°) à l'autorité du
criminel sur le civil (2°).
156. Autorité négative et positive . L'autorité de la chose jugée est définie par l'article 1350
du Code Civil391 comme une « présomption légale ». Le Code de Procédure Civile en fait un
attribut permettant de distinguer entre jugements au fond et jugements avant dire droit 392. En
procédure pénale, c'est une cause d'extinction de l'action publique 393. L’autorité de la chose
jugée renvoie ainsi dans le vocabulaire juridique courant à deux mécanismes très différents:
d'une part une fin de non-recevoir, et d'autre part un mécanisme de preuve. L'autorité de la
chose jugée possède une double dimension: négative et procédurale en premier lieu, positive et
390
Encore que cette thèse soit soutenue par une partie de la doctrine. Marie-Anne FRISON-ROCHE estime en ce
sens que «au regard du droit européen, les autorités aimablement qualifiées par le Conseil d'administratives, sont
en réalité juridictionnelles». V. M.-A. FRISON-ROCHE, «Vers le droit processuel économique», Justices, n°1
Janv./Juin 1995, p. 91. Cf. p.99. V. égal. N. DORANDEU, «La concurrence des procédures en droit de la
concurrence», in Etudes sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux - Mélanges en
l'honneur de Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 131. Cf. p. 135. Nicolas Dorandeu estime que le Conseil de la
Concurrence tend à devenir une «quasi-juridiction» sous l'influence des règles européennes du procès équitable.
391
Article 1350 C. Civ. : La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à
certains faits ; tels sont : 1° Les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions,
d'après leur seule qualité ; 2° Les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines
circonstances déterminées ; 3° L'autorité que la loi attribue à la chose jugée.
392
Jugements au fond. Article 480 CPC : « Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du
principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès
son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ». Et Jugements avant dire
droit. Article 482 CPC : « Le jugement qui se borne, dans son dispositif, à ordonner une mesure d'instruction ou
une mesure provisoire n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ».
393
Article 6 CPP : « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la
prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée ».
108
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
probatoire en second lieu. Tous les auteurs opposent dimension « positive » et « négative » de
l'autorité de la chose jugée394. Valticos formalise ainsi la distinction:
158. Autorité négative. La dimension négative de l'autorité de la chose jugée en tant que
fin de non-recevoir, interdit de soumettre à un tribunal, ce qui a déjà été jugé 396. Comme
l'expliquent Jacques HÉRON et Thierry LE BARS, « l'autorité de la chose jugée est ce qui, en dehors des
voies de recours prévues par la loi, interdit à un juge de revenir sur ce qui a été constaté dans une précédente
décision de justice »397. Un jugement a dès son prononcé l'autorité de la chose jugée de sorte qu'une
nouvelle demande identique, fût-elle assortie de nouveaux éléments de preuve est irrecevable 398.
L'autorité négative est la matérialisation contentieuse de la hiérarchie judiciaire. Une juridiction
ne peut revenir sur ce qui a été décidée par une décision d'une autre juridiction de même degré,
à moins qu'il ne s'agisse d'une juridiction supérieure saisie d'un recours légal par voie
d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation. L'autorité de chose jugée en tant que fin de
394
L. S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure Civile. Droit interne et droit de l'Union
Européenne., 30 éd., Dalloz. Précis., 2010, p. 751, n°1092. ; J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé,
4 éd., Montchrestien, 2010, p. 280 n°333.; T. LE BARS, «Autorité positive et autorité négative de la chose
jugée», Procédures, étude n°12 2007. ; P. MAYER, «Réflexions sur l'autorité négative de la chose jugée», in
Mélanges J. Héron, LGDJ, 2009, p. 131.
395
N. VALTICOS, L'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Sirey, 1953, p. 49 n°56.
396
Le droit romain connaissait une telle fin de non-recevoir sous la forme de l' exceptio rei judicatae qui est
rapportée par le Digeste. Livre 44. Dig. 44.2. De exceptione rei iudicatae : "Singulis controversiis singulas
actiones unumque iudicati finem sufficere".
397
J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 4 éd., Montchrestien, 2010, p. 275 n°330.
398
Civ. 2ème, 4 juin 2009, pourvoi n°08-15837.
109
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
non-recevoir limitée par l'identité de cause est qualifiée par la doctrine d'autorité négative et
relative, puisqu'elle n'a d'effet qu'inter partes.
159. Autorité positive. Au contraire, l'autorité de chose jugée en tant que principe de non-
contradiction est baptisée autorité positive et absolue par ses effets erga omnes. La dimension
positive, en tant que mécanisme de preuve, se rapporte à l'effet de la présomption légale de
l'article 1350 Code Civil, selon l'adage res judicata pro veritate habetur. Dans son aspect positif, la
présomption légale établit une présomption irréfragable qui dispense d'apporter la preuve du
fait allégué et empêche la partie adverse d'apporter la preuve contraire. Il est admis que la règle
res judicata vise à assurer la non-contradiction des jugements rendus par les juridictions de même
degré.
161. Arrêt QUERTIER. Comprise comme une règle générale de non-contradiction, la notion
d'autorité de la chose jugée a été étendue pour articuler les conflits potentiels entre juridictions
399
N. VALTICOS, L'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Sirey, 1953, p. 45 n°50. «de l'idée
fondamentale de la non répétition du procès, on ait pu logiquement aboutir à celle de présomption ou de fiction
de vérité, il n'y a là rien qui doive étonner».
400
P. HÉBRAUD, L'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Toulouse : thèse, 1929.
401
J.-P. DINTILHAC, «La vérité de la chose jugée», in Rapport de la Cour de Cassation, 2004.
110
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
pénales et civiles. L'autorité du criminel sur le civil est un principe prétorien, consacré par
l'arrêt QUERTIER, aux termes duquel:
402
Cass. 7 mars 1855. Quertier. S. 1855.1.439, et D. 1855.1.81. V. déjà en ce sens: Crim. 24 juillet 1841.
Souesme. S. 1841.1.791. adde. Limoges 20 février 1846, S. 1847.2.106, D. 1847.2.58; Crim. 6 mai 1852, S.
1852.1.860, D. 1852.5.94.
403
A. BOTTON, Contribution à l’étude de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, LGDJ, 2010. n° 525
p. 289 et s.
404
Merlin pensait pouvoir assimiler l'action répressive et l'action en répression au sens de l'article 1351 C. civ.
D'où une célèbre querelle qui l'opposa à Toullier qui critiquait le rattachement à l'article 1351 C. Civ. Merlin. V°
Chose Jugée. Recueil Alphabétique des Questions de Droit. 4ème éd. 1828. et Toullier, Le droit civil français
suivant l'ordre du code. 5ème éd. 1830, n° 30 et 240. Marcadé condamnera les deux auteurs avec esprit en
observant que le système de Merlin "vrai dans sa conclusion, est faux dans son principe", tandis que celui de
Toullier "vrai dans son principe, est faux dans sa conclusion". Tout rattachement de l'autorité du criminel sur le
civil à l'article 1351 C. Civ aboutissait nécessairement à une impasse.
111
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
jugement répressif sur l'action civile […] la règle ne peut être justifiée que
si l'on part de la notion d'ordre public qui, en raison de la mission sociale
de la justice répressive, impose la prééminence de celle-ci et interdit que ses décisions
soient contredites au civil »405.
ESMEIN parle dans le même sens d'une « véritable prééminence de la justice pénale sur la justice
civile »406. Pour Geneviève VINEY, la réparation des intérêts privés se trouve dans un état de
« subordination par rapport à a répression »407 qui sert l'intérêt général. Plus pratiquement, André
GIUDICELLI estime que « la raison fondamentale, qui explique que le principe se soit implanté très tôt et
jusqu’ici maintenu, tient à l’interdépendance des actions publique et civile »408.
405
N. VALTICOS, L'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, Sirey, 1953, p. 122 n° 139.
406
P. ESMEIN, «Les obligations (tome 6)», in Traité pratique de droit civil français, sous la dir. de M.
PLANIOL et G. RIPERT, 2 éd., LGDJ, 1952, vol. 1. §678. p. 952.
407
G. VINEY, «Introduction à la responsabilité», in Traité de droit civil, sous la dir. de J. GHESTIN, 3 éd.,
LGDJ, 2008. §114 p. 280.
408
A. GIUDICELLI, «Responsabilité civile et infraction pénale», in Droit de la responsabilité et des contrats,
Dalloz Action, 2010, p. 294 n°698.
112
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
adopté la décision aurait une nature administrative. Il y a autorité sur la juridiction civile parce
qu'il s'agit d'une déclaration de culpabilité erga omnes.
163. Une décision pénale au sens de l’art. 6§1. Le fait qu'une décision qui a le caractère
d'une accusation en matière pénale au sens de la Convention Européenne de sauvegarde des
Droits de l'Homme soit régulièrement adoptée par une autorité administrative et non par une
juridiction est une question indépendante. La Cour Européenne des Droits de l'Homme
procède à une application in globo de l'article 6§1. Tout se passe comme si l'Autorité de la
concurrence empruntait la nature juridictionnelle de sa juridiction de tutelle. Le droit à un
tribunal est respecté dès lors qu'il existe contre la décision administrative une voie de recours
devant tribunal au sens de la convention.
La règle de la triple identité n'a aucun sens, s'agissant de la dimension probatoire de l'autorité
de la chose jugée à l’égard d’une décision rendue par une autorité administrative. La règle de la
triple identité est liée au principe du contradictoire. Une force probante irréfragable et
définitive est attachée aux décisions contre lequel on a bénéficié d’un droit de critique. C'est
vrai en procédure civile, parce que le litige oppose des personnes privées. Le principe de l'effet
relatif des jugements joue à plein. Mais ce n'est certainement pas vrai en matière pénale. Parce
que les jugements criminels ont un effet erga omnes. On est coupable devant la loi et contre le
ministère public. La culpabilité est un contentieux objectif et non subjectif. On pourrait
généraliser la règle en opposant les matières d'ordre public, qui auront une portée erga omnes,
en violation du contradictoire, et les matières d'ordre privées, qui sont soumises à l'effet
relatif, et qui ne décrivent que des relations entre personnes privées.
113
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
165. Efficacité des actions de suivi . L'autorité de l'infraction sur la faute est une norme
processuelle tendant à éviter la contradiction ou le risque de contradiction du jugement civil
avec les décisions rendues ou envisagées par une autorité de concurrence. Il faut insister sur le
fait que le principal obstacle au développement et au succès des actions indépendantes n'est pas
probatoire mais processuel. Les juridictions judiciaires évitent le risque de contradiction par une
tendance au rejet des demandes de dommages et intérêts contre des infractions qui n'ont pas
été constatées au préalable par l'autorité spécialisée. Il s'ensuit que l'action de suivi – qui
présente une efficacité satisfaisante - constitue la configuration normale des demandes de
réparation des dommages causés par les infractions au droit de la concurrence.
166. Cette opinion était déjà plus ou moins largement partagée en doctrine dès le début du
processus de consultation 409. Donald BAKER - ancien directeur de la division Antitrust du
Department of Justice (DoJ) des Etats-Unis - considère que les actions de suivi offrent les
409
R. SAINT-ESTEBEN, «Quelle influence du droit communautaire sur la procédure devant le juge national?»,
in Vingtième anniversaire de l'ordonnance du 1er décembre 1986: évolutions et perspectives, édité par G.
CANIVET et L. IDOT, Litec, 2007. p. 66 «Il y a fort à parier que la plupart des affaires les plus complexes
soulevant des problèmes très difficiles, soit d'accès aux preuves, par exemple pour les cartels, soit de nature
économique […] ne viendront devant le juge qu'après une décision du Conseil de la concurrence ou de la
Commission (follow-on) qui aura éclairé ces aspects».
114
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
« aucun système juridictionnel […] n’est capable de former utilement des milliers de
juges à l’application d’un droit aussi complexe que le droit de la concurrence »414.
Thierry FOSSIER - ancien président de la chambre 5-7 à la Cour d’Appel de Paris – vante
identiquement les avantages d'une « chambre homogène, ramassée, raisonnablement spécialisée » capable
de « répondre à la demande de spécialisation des entreprises et de leurs conseils »415.
115
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
416
J. RIFFAULT-SILK, «Actualité du contentieux des dommages concurrentiels», Revue Lamy du Droit de la
Concurrence, n°15 avril 2008.
417
D. BOSCO, «La spécialisation judiciaire française en matière de concurrence dans l'impasse», Revue
Concurrences, 2011, n° 1, p. 236.
418
Exemple de disjonctions pour les deux affaires les plus significatives concernant le cartel des vitamines, le
cartel de la lysine et la téléphonie mobile: CA Paris (5-11), 22 janvier 2010, UFC Que Choisir, Abdelli et autres
c. S.A Bouygues Telecom [Cartel Mobile]. RG n°08/09844. Et CA Paris (5-4), 10 juin 2009. Doux Aliments
Bretagne c. Ajinomoto Eurolysine. n° 07/10478. Et CA Paris (5B) 14 juin 2007, Les Laboratoires JUVA
Productions c. Hoffmann La Roche AG [Cartel des Vitamines]. RG n°07/02360.
419
N. DORANDEU, «La concurrence des procédures en droit de la concurrence», in Etudes sur le droit de la
concurrence et quelques thèmes fondamentaux - Mélanges en l'honneur de Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 131 (voir
p. 137). «On ne peut que regretter que la Cour d'appel de Paris lorsqu'elle est saisie d'un recours de plein
contentieux contre une décision du Conseil de la concurrence ne puisse tirer les conséquences civiles du litige».
116
CHAP. 1 : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE
420
A. CAPOBIANCO, «Private antitrust enforcement of EC competition rules: recent developments»,
Competition Law Insight, 23 novembre 2004. «There is a risk that a few jurisdictions will become the forum of
choice for antitrust litigation (as seems to be the case of the UK) simply because they offer potential plaintiffs
the most favourable substantive and procedural framework for their antitrust actions»
421
L. IDOT, «Regards sur les droits étrangers», Les Petites Affiches, n°14 20 janvier 2005, p. 46 (voir p. 49).
422
R. CRISP, A World Class Competition Regime, Department of Trade and Industry, United Kingdom
Government, july 2001, en ligne : <http://www.archive.official-documents.co.uk>. Chapter 8 – Real Redress for
Harmed Parties: "At present, private actions are likely to be brought before the High Court […] The costs can be
high, and the judge considering the case is likely to have limited knowledge of competition law. The
Government intends to streamline the judicial process so as to make it easier to bring these cases. The
Government proposes to expand the role of the Competition Commission Appeal Tribunals enabling them to
hear claims for damages in competition cases brought by harmed parties. This would make better use of existing
judicial resources. […] This would bring procedural efficiencies as the Tribunals would be able to act more
swiftly where they are already familiar with the facts of a case against an undertaking"
423
En ce sens: A. KOMNINOS, «New prospects for private enforcement of EC competition law: Courage v.
Crehan and the community right to damages», Common Market Law Review, n°39 2002, p. 447 (voir p. 460). :
"if these ideas were to be put in place, private antitrust enforcement in the United Kingdom would be
transformed from relative insignificance to the most advanced model in Europe, not very disimilar to the US
(treble damages apart)".
117
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
424
Affaires closes: Degussa n°1153/2010, Moy Park n°1147/2009, Lancing College n°1108/2008, Enron Coal
n°1106/2008, Freightliner n°1105/2006, Grampian n°1101/2008, BASF n°1098/2008, Burgess n°1088/2007,
Emerson n°1077/2007, Genzyme n°1060, Deans Food n°1029/2004, Hoffman-La Roche n°1028/2004. Affaires
pendantes: Capital Meters n°1199/2012, Siemens n°1198/2012, Newson n°1194/2012, Travel Group
n°1178/2011, Morgan Crucible n°1173/2010 et Albion Water n°1166/2010.
118
CHAP. 2: PARASITISME PROBATOIRE
175. Critique des propositions du Livre Blanc. L'une des principales propositions du
Livre Blanc consiste à améliorer les mécanismes d'accès aux preuves détenues par l'adversaire
selon une logique de divulgation catégorielle. Il convient toutefois de montrer que dans la
mesure où la procédure civile est - par définition - incapable de procurer un système de
perquisition privée, le mécanisme de divulgation catégoriel envisagé ne présente aucune valeur
425
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 18 octobre 2002, SARL N2i c. SARL MICI. RG n° 2001066620.
426
Tribunal de Commerce de Paris (19ème ch.) 13 octobre 2005, SA FORUM KINEPOLIS c. SA MAJESTIC
NIMES CAISSARGUES. RG n° 2004085855. «Il n'existe aucune volonté concertée entre les deux parties pour
limiter l'accès d'autres entreprises au marché pour y établir une politique de prix ou de limiter la concurrence».
427
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 25 septembre 2009, SA Canal+ c. SARL AEPM. RG n°
2001045416. «Le Tribunal constatera que l’entente illicite n’est pas démontrée».
428
Tribunal de Commerce de Paris (5ème ch.), 29 mai 2009, SA CENTRAL COLOR c. SA Eyeda. RG n°
2007069376. «la demanderesse ne peut apporter la preuve d’une action concertée d’EYEDA et CITE de
L’IMAGE destinée à fausser la concurrence dans sa branche […] la fugace communauté de dirigeant entre
EYEDA et CITE de L’IMAGE n’est pas de nature à constituer ce type de preuve […] de telles pratiques
impliquent l’entente entre plusieurs fournisseurs aux dépens de clients».
429
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 9 juin 2006, SARL Delta Concept c. SARL SEDDIF. RG n°
2005055684. «Le tribunal de céans, l’un des huit tribunaux de commerce désignés par le décret n° 2005-1756 du
30 décembre 2005 pour connaître exclusivement, en vertu de l’article L420-7 du Code de commerce, des litiges
relatifs à l’application des articles L420-1 à L420-5 sur les pratiques anticoncurrentielles, est donc investi d’une
mission particulière pour appliquer et faire respecter le droit de la concurrence, dans ce cadre, le juge doit
concourir à la manifestation de la preuve qui n’est pas et ne peut pas être à la portée de la victime des pratiques
anti-concurrentielles dont le juge est saisi […] Cette difficulté de preuve a été soulignée de manière tout à fait
explicite par la Commission européenne dans son Livre Vert du 19 décembre 2005 sur les actions en dommages
et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante». L'affaire
s'est conclue par un désistement accepté par la défenderesse: Tribunal de Commerce de Paris (1B), 15 septembre
2006, SARL Delta Concept c. SARL SEDDIF. RG n° 2005055684.
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
ajoutée par rapport au droit positif français. Il n'existe en réalité aucune perspective crédible
d'amélioration des performances du régime probatoire interne, parce que le régime existant ne
présente pas d'insuffisance au regard de la réforme envisagée. Le régime civil actuel d'accès aux
preuves n'est pas entravé par des obstacles qui nuiraient à son efficacité. Les prétendus
obstacles invoqués sont intrinsèques au cadre civil du procès. Dans la mesure où les règles de
procédure civile ne sauraient offrir des moyens de perquisition privée, l'action en réparation ne
peut compter que sur la vampirisation des moyens probatoires exorbitants dont disposent les
autorités de concurrence. Le parasitisme probatoire de l'action en réparation privée est une
manifestation de la dépendance aux moyens de perquisition publique dont jouissent les
autorités de concurrence.
Il convient ainsi de montrer - dans un premier temps – LES LIMITES DES MÉCANISMES DE
120
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
176. Entente et secret. La notion d'entente suppose une forme de collusion. Les pratiques
anticoncurrentielles les plus graves – les cartels - ont un caractère frauduleux, et comme tel, se
caractérisent par une stratégie délibérée de dissimulation. À partir des années 90, les autorités
de concurrence ont entrepris de concentrer leurs moyens sur la lutte contre les cartels 430, en
tant que forme la plus grave et la plus nocive d'infraction. Le droit de la concurrence mime les
techniques de lutte contre la criminalité organisée en encourageant le témoignages de repentis
par l'immunité pénale431. En outre, s'agissant de la recherche des preuves, les autorités de
concurrence disposent de procédures de perquisitions caractéristiques de la procédure pénale. Il
apparaît ainsi d'emblée que la procédure civile est intrinsèquement impuissante à vaincre les
stratégies de dissimulation des auteurs d'infractions de concurrence. Il n'entre pas dans le
patrimoine génétique du procès civil de fournir des moyens d'enquête privés.
177. Un problème mal posé. Négligeant cette limite naturelle, la Commission européenne
a identifié la difficulté d'accès aux preuves comme l'obstacle majeur et principal à l'efficacité des
actions indépendantes432. Sur la base de cette fausse évidence, le Livre Blanc propose
l'établissement d'un standard procédural européen permettant d'obtenir une ordonnance
judiciaire de divulgation par catégories de documents. L'approche suivie par la Commission
repose sur des prémisses fondamentalement incorrectes, qui confond mécanisme de
divulgation catégorielle et perquisition privée.
Il est impossible d'identifier un obstacle probatoire dans la mesure où il s'agit des limites
ordinaires de la procédure civile, communs aux principaux systèmes juridiques. Il peut être
démontré que le régime français de production forcée des preuves présente une efficacité
globalement équivalente, d'une part au régime proposé de divulgation catégorielle (§1), et
d'autre part aux régime de Common Law britanniques et américains de discovery (§2).
430
Recommandation du Conseil de l’OCDE du 25 mars 1998 concernant une action efficace contre les ententes
injustifiables (Conseil 921e session [C/M(98)7/PROV]).
431
Le droit de la concurrence bascule dans l'univers de la lutte contre la criminalité organisée. Le cinéma s'est
d'ailleurs emparé du thème: The Informant, film de Steven Soderbergh, mettait en scène l'histoire - vraie - de
Mark Whitacre président de la division bio-ingéniérie de Archer Daniel Midlands qui s'est fait connaîre en 1995
comme étant la "taupe" [mole] du Federal Bureau of Investigation (FBI), aboutissant au démantèlement du cartel
de la lysine. Lire à ce sujet: Kurt Eichenwald, The Informant, Random House, 2000. Et le film: Steven
Soderbergh, The Informant!, Warner Bros, 2009.
432
Commission Européenne, Document de travail des services de la Commission annexé au Livre Vert sur les
actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de
position dominante, DG COMP, 19 décembre 2005, SEC(2005) 1732. p. 21. «Il a généralement été reconnu que
la difficulté que suppose pour le requérant l’obtention des éléments prouvant l’infraction alléguée aux règles
antitrust constitue l’un des principaux obstacles aux actions en dommages et intérêts».
121
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
178. Il convient de comparer la réforme envisagée et le droit positif français pour montrer
l'équivalence du mécanisme de divulgation catégorielle envisagé (I) et du régime de production
forcée existant (II).
179. Livre Vert. Le rapport Ashurst observait que « les parties ne sont pas soumises à l'obligation
de produire l'ensemble des informations pertinentes et souvent ne seront contraintes de le faire que dans
l'hypothèse où le demandeur peut identifier le document qu'il recherche, ce qui sera dans beaucoup de cas
simplement impossible »433. Le document de travail souligne dans le même sens que le succès des
actions indépendantes « dépend de la possibilité dont dispose le requérant pour obliger le défendeur, voire
même un tiers, à divulguer des documents qui se trouvent en sa possession et qui sont susceptibles de constituer
des preuves de l’infraction alléguée »434. Le Livre Vert envisageait donc l'opportunité d'introduire « une
obligation de remise des documents »435.
180. Options. Le Livre Vert établit trois options graduelles. La première option envisage le
statu quo sous forme d'une obligation de divulgation de documents « suffisamment identifiés » dès
lors qu'une partie a apporté des preuves relativement accessibles à l'appui de ses allégations.
433
D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-SHOSHAN, Comparative report : Study on the conditions of
claims for damages in case of infringement of EC competition rules, Ashurst, Commission Européenne, août
2004, p. 4. «The power of national courts to order production of documents varies widely against the Member
States. At one end of the scale are the UK, Ireland and Cyprus where wide (pre-trial) discovery exists (a
discovery like procedure is also proposed in Sweden). Besides these countries, courts in Poland and Spain also
have relatively wide powers, which allow parties to request categories of documents. However, in all other
Member States parties must more or less specify the individual documents that they wish to be disclosed. The
limits placed on who can be ordered vary, although some more or less limited justifications exist in most states
(usually professional privilege or interests of third parties). Discovery may also be refused, generally on grounds
of legal privilege or in most Member States (to a greater or lesser extent) for the protection of business secrets.
The clearest obstacle here is the fact that in most Member States parties are not under an obligation to produce
relevant information and often will only be ordered to do so when the requesting party can identify the individual
document he seeks, which in many cases will simply not be possible».
434
Commission Européenne. Document de travail des services de la Commission. Annexe du Livre Vert sur les
actions en dommages-intérêts pour infraction au règles communautaires de concurrence. SEC(2005)1732.
Bruxelles. 19 décembre 2005. §54.
435
Commission Européenne, Livre Vert relatif aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, DG COMP, Journal Officiel UE, 19
décembre 2005 - C/2006/49/23, p. 5. «La difficulté propre à ce type de litige est que les preuves pertinentes sont
souvent difficilement accessibles et sont détenues par la partie à l'origine du comportement anticoncurrentiel. La
question de l'accès des requérants à ces preuves est donc d'une importance primordiale pour garantir l'efficacité
des demandes d'indemnisation. C'est pourquoi, il faut étudier s'il convient d'introduire une obligation de remise
des documents concernés ou une obligation de fournir un accès aux preuves d'une autre manière. Cela est
particulièrement important dans le cas des actions indépendantes».
122
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
Cette option représente le cas de la majorité des États membres et notamment le cas français.
La seconde option propose une évolution a minima sur le modèle espagnol imposant la
divulgation de catégories de documents, sans identification individuelle du document. La
troisième option vise à un alignement a maxima sur la procédure de discovery of documents
britannique par l'obligation pour chaque partie de « fournir aux autres parties au litige la liste
des documents pertinents en sa possession et qui leur sont accessibles ».
182. Livre Blanc. La Commission a tranché en faveur de l'option 2 dans son Livre Blanc
afin de parvenir à « un niveau minimal de divulgation inter partes » sous forme d'un pouvoir reconnu
aux juridiction nationales « d'enjoindre aux parties à la procédure ou à des tiers de divulguer des catégories
bien définies de preuves pertinentes ». La caractéristique essentielle recherchée par la Commission
consiste à permettre la recherche par la victime de classes de documents entre les mains de son
adversaire, identifiés par catégorie et non identifiés individuellement. L'obligation de
divulgation par catégorie de preuves pertinentes est soumises à quatre conditions préalables:
plausibilité des faits, caractère indispensable de l'injonction, identification précise des catégories
436
Cour de Cassation, Comments on the Green Paper on damages actions for breach of the EC antitrust rules,
European Commission Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages>,
accès : 20/5/2011. «il est souscrit à l'idée que des règles spécifiques sur l'accès aux preuves, en matière de
réparation du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle , sont nécessaires en la matière. L'option 2 qui
prévoit un principe de divulgation obligatoire de certains types de documents entre les parties, qui devraient
toutefois faire l'objet d'une catégorisation précise sous réserve de l'établissement des faits, paraît pertinente, sous
réserve de la subordination de cette divulgation à la décision d'un tribunal qui ne paraît pas nécessaire, dès lors
que le principe de divulgation régirait de façon systématique ces procédures. L'intervention du juge devrait être
subordonnée à un refus de divulgation, qui pourrait être motivé, du point de vue de la partie obligée à la
divulgation, par exemple, par l'insuffisance de l'établissement des faits, ou l'atteinte aux intérêts légitimes du
défendeur; néanmoins cette option ne précise pas ce que recouvre exactement la notion, préalable à l'obligation
de divulgation, d'établissement des faits qui peut constituer la première difficulté pour le demandeur».
437
Association Française d'Etude de la Concurrence, Réponse au Livre Vert sur les actions en dommages-
intérêts pour infraction au droit communautaire de la concurrence, European Commission - Competition. Actions
for damages: Comments on the Green Paper, en ligne : <http://ec.europa.eu>, accès : 17/mai/2011. «Il paraît
excessif de proposer […] qu'un plaignant puisse réclamer la divulgation de "catégories de documents", […] le
pouvoir de nuisance du plaignant serait dans ce cas disproportionné […] dès lors il convient de se ranger à
l'option 1 en ce qu'elle prévoit la "divulgation de documents individuels pertinents et suffisamment identifiés,
mais sous le contrôle de la juridiction. Il est évident que tous les éventuels plaignants ne seront pas à même de
lister de façon individuelle les documents qui pourraient contenir la preuve d'un accord anticoncurrentiel ou d'un
abus de position dominante. Ces plaignants devront alors s'en remettre à l'autorité de concurrence».
123
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
183. Aporie. Le problème identifié par la Commission est improprement désigné comme un
problème d'accès aux preuves. Deux difficultés de nature différentes sont en réalité
confondues. D'une part, l'asymétrie structurelle de l'information qui rend impossible pour la
victime d'identifier les pièces utiles détenues par l'adversaire de manière suffisamment
détaillées. Et d'autre part, la dissimulation intentionnelle et frauduleuse d'informations. Si la
divulgation par catégorie est apte à obvier à l'asymétrie d'information, il est certain qu'elle ne
peut pas grand-chose contre la dissimulation, obstacle qui ne peut être levé que par une mesure
de perquisition. La question n'est pas tant d'améliorer l'accès des victimes aux pièces détenues
par l'adversaire, que de lutter contre la dissimulation de documents inconnus.
Le problème ainsi reformulé apparaît sans solution dans le cadre civiliste, dès lors que qu'il n'a
jamais été question de transformer la procédure civile en outil de perquisition privée, ni de ce
côté de l'atlantique, ni de l'autre. Seule une véritable mesure de perquisition permet de détecter
une tentative de dissimulation d'une pièce dont on ignore l'existence - et cet outil ne peut
qu'être réservé aux autorités de concurrence. Il ne peut pas être demandé à la procédure civile
de remplir l'office de la procédure pénale.
438
Selon le Livre Blanc, préalablement à divulgation par catégorie de preuves pertinentes le requérant doit avoir:
« [1.- plausibilité] présenté l'ensemble des données factuelles et moyens de preuve qu'il a pu raisonnablement
obtenir, pour autant que ces éléments fassent apparaître des raisons plausibles de présumer qu'il a subi un
dommage imputable à une infraction aux règles de concurrence commise par le défendeur; [2.- caractère
indispensable] montré, à la satisfaction de la juridiction saisie, qu'il n'est pas en mesure, en dépit des efforts que
l'on peut raisonnablement attendre de lui, de produire les preuves requises par d'autres voies; [3.- catégories
précises] défini des catégories suffisamment précises de preuves à divulguer; et [4.- proportionnalité] convaincu
la juridiction saisie que la mesure de divulgation envisagée est pertinente pour l'affaire en cause, ainsi que
nécessaire et proportionnée ».
439
Selon le principe 16.2 : «Si une partie en fait la demande en temps utile, le tribunal ordonne la production de
toutes preuves pertinentes, non couvertes par des règles de confidentialité et raisonnablement identifiées qui se
trouvent en possession ou sous le contrôle d’une partie ou – si cela apparaît nécessaire et légitime – d’un tiers. La
production d’un élément de preuve ne peut être écartée au motif qu’elle serait défavorable à la partie ou à la
personne requise».
124
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
185. La Commission décrit l'option proposée comme la « divulgation de catégories bien définies de
preuves pertinentes ». La version anglaise est formulée de manière différente, puisqu'elle emploie
l'expression « disclose precise categories of relevant evidence », ce qui se traduirait littéralement par des
catégories précises et non des catégories « bien définies » selon la version française officielle. La
discordance est couverte par le critère posé en condition préalable à la divulgation. Le Livre
Blanc propose de restreindre le champ de la divulgation judiciaire en subordonnant la
divulgation à la condition préalable que le requérant « ait défini des catégories suffisamment précises de
preuves à divulguer ». Dans ce cas, il y accord parfait entre la version française et la version
anglaise qui utilise les termes « specified sufficiently precise categories of evidence to be disclosed ». Il est
ainsi permis de conclure que le critère posé est celui des « catégories suffisamment précises ». Or ce
critère est strictement identique dans sa formulation au critère posé en droit positif français.
186. Rapport Ashurst. À titre liminaire, il est surprenant de constater que telle ne semble
pas être l'opinion soutenue dans le rapport comparatif établi par la firme Ashurst en
préparation du Livre Vert, et sur la base duquel la Commission fonde ses propositions. Le
rapport national pour la France, établi par Chantal MOMÈGE – associée du cabinet Ashurst et
responsable du département concurrence à Paris – indique de manière claire que:
« lorsqu'il est demandé au juge d'ordonner la production d'un document, il n'est pas
exigé que le demandeur désigne ("name") le document exact, mais il doit au moins
spécifier le type ("kind") de document dont il demande la production »440.
440
C. MOMÈGE et N. BESSOT, Rapport national: France, in Study on the conditions of claims for damages in
case of infringement of EC competition rules, sous la dir. de D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-
SHOSHAN, Ashurst, 31 août 2004. "when requesting the judge to order (to the other party or to third parties) the
125
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
En anglais, le terme "kind" est défini comme « un groupe de choses qui sont les mêmes sous un certain
aspect, une variété particulière ou un type »441. C'est un synonyme exact de "class" et "category" 442. Il
est ainsi nettement signalé dans le rapport établi par Chantal MOMÈGE que le droit positif
français admet la production forcée de pièces par catégories identifiables.
Pourtant, le rapport final intègre une présentation nettement différente suggèrant que
l'identification individuelle de la pièce est nécessaire 443. La présentation devient plus
approximative - ou caricaturale - dans le sommaire exécutif, qui retient que le Royaume-Uni
mis part, « dans tous les autres États Membres les parties doivent plus ou moins spécifier le document
individuel dont elles demandent la production »444.
Cette affirmation est en contradiction complète avec le rapport établi pour la France par
Chantal MOMÈGE qui expose au contraire que le Code de Procédure Civile autorise
l'identification par catégorie de documents. L'étude du droit positif français de la production
production of a document, it is not required for the party to name the exact document he is asking for, but must
at least specify what kind of document he wants to be produced".
441
Oxford Advanced Learner's Dictionary. Oxford University Press. 2011. V° Kind (noun): "a group of people
or things that are the same in some way; a particular variety or type".
442
The Chambers Thesaurus (1996). V° Kind (noun).
443
D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-SHOSHAN, Comparative report : Study on the conditions of
claims for damages in case of infringement of EC competition rules, Ashurst, Commission Européenne, août
2004, p. 63. «One of the major differences between the discovery procedure and an order to produce evidence is
that in the latter case the party requesting production must, in all states where discovery does not exist, specify
what document he is looking for. The level of specification required varies from one Member State to another. In
some Member States the party requesting disclosure must in practice identify the document (Austria, Belgium,
Czech Republic, Estonia, Finland, Greece, Hungary, Lithuania, Slovakia). In other Member States, less detail is
required (France). In Germany, the judge can order a party to produce a document if it is referred to in that
party’s or the other party’s pleadings. A party may also be required to produce its accounts and any document to
which another party has a legal right of access. In Italy, the approach is case by case, and any document may be
demanded if it is shown to be related to the dispute, indispensable to the case and in the possession of the
other/third party. Clearly, these conditions mean that the document will have to be identified with some degree
of precision. In Denmark the requesting party must specify the facts that he wishes to prove via the requested
documents and the disputed fact must be of relevance for the case. On the other hand in Spain, it is not necessary
to specify what document should be produced and it is possible to apply for the exhibition of a category of
documents or, for example, of documents precedent, simultaneous or subsequent to a given fact or circumstance.
In Poland, the production of classes of documents can be ordered also […] Furthermore, a judge may well draw
conclusions from a failure to produce documents. Exactly what conclusions are drawn appear to vary from state
to state and depend on the particular context. However, in some jurisdictions such refusal can be taken to
constitute proof of the relevant alleged facts (e.g. Germany, Latvia) although other jurisdictions emphasised that
such a refusal in itself would probably not be conclusive and other evidence would be required (e.g. France,
Hungary, Italy)».
444
D. WALBROECK, D. SLATER et G. EVEN-SHOSHAN, Comparative report : Study on the conditions of
claims for damages in case of infringement of EC competition rules, Ashurst, Commission Européenne, août
2004, p. 4. "The power of national courts to order production of documents varies widely against the Member
States. At one end of the scale are the UK, Ireland and Cyprus where wide (pre-trial) discovery exists (a
discovery like procedure is also proposed in Sweden). Besides these countries, courts in Poland and Spain also
have relatively wide powers, which allow parties to request categories of documents. However, in all other
Member States parties must more or less specify the individual documents that they wish to be disclosed".
126
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
forcée confirme l'analyse de Chantal MOMÈGE et invalide les prémisses juridiques retenues par
la Commission au soutien de sa proposition.
445
La production forcée est consacrée législativement par les Décrets du 9 septembre 1971 et 20 juillet 1972 et
complétée par la création de l'article 10 du Code Civil "chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en
vue de la manifestation de la vérité" par la Loi n°72-626 du 5 juillet 1972 relative à la réforme de la procédure
civile. Le NCPC est recodifié par le Décret n°75-1123 du 5 décembre 1975. Le Conseil d'État a validé le décret
de 1972 (Conseil d'État. Ass. 10 mai 1974. Barré: AJDA.1974 II, 545 et Conseil d'État, 3 janvier 1975. Barré:
JCP. 1976 II, 18229) en considérant que «les dispositions du décret attaqué du 20 juille 1972 qui concernent
l'obtention des pièces détenues par un tiers ou la production des pièces détenues par une partie constituent la
mise en œuvre pure et simple du principe rappelé à l'article 10 Code Civil et ne comportent aucune atteinte
illégale au droit de propriété».
446
Article 3 de la loi du 4 août 1962 concernant la production de documents fiscaux et décret du 13 octobre 1965
qui autorisait le juge de la mise en état à ordonner aux parties la production de toutes pièces utiles.
127
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
L'action prétorienne ad exhibendum a été consacrée par un arrêt de la Chambre des Requêtes du
17 juin 1879447. Le régime fût précisé par un arrêt ultérieur de la Cour d'appel de Paris qui
imposait l'identification suffisamment précise de la pièce 448, en rejetant une demande tendant à
la production « de tous documents relatifs à l’exploitation d’une ferme, tels que livres de comptabilité, de
caisse et de toutes quittances de fermage ». La Cour rejette la demande en observant que la « demande
est pour une partie vague et incertaine dans sa compréhension »449.
« il est de jurisprudence constante que si […] les tribunaux peuvent, dans l’intérêt
de la manifestation de la vérité ordonner la production d’autres pièces non signifiées,
ni employées dans la cause, ils ne doivent et ne peuvent user de ce droit qu’avec une
grande réserve et qu’autant que la partie qui réclame l’apport desdites autres pièces,
après en avoir déterminé la nature avec une suffisante précision, justifie d’abord de
leur existence dans les mains de son adversaire et ensuite de motifs réels et sérieux
pour qu’elles soient mises au procès »450.
La doctrine contemporaine approuve la condition de précision 451 encadrant le régime nouveau
et révolutionnaire de l'action ad exhibendum. Cette jurisprudence ne s'est jamais banalisée, mais
l'action a été régulièrement admise 452 jusqu'à la veille de la réforme de 1972.
Le litige concernait le remboursement d'un prêt de 12.000 Fr entre deux personnes privées. La
débitrice prétendait avoir effectué un paiement par chèque auprès d'un tiers en tant que
mandataire de la créancière. La créancière contestait la qualité de mandataire du tiers,
447
Cour de Cassation (Req.) 17 juin 1879: D.P. 1880, I, 427.
448
CA Paris. 29 juillet 1882, S. 1882, II, 223. Attendu systématiquement repris par la jurisprudence postérieure:
Nancy, 23 janvier 1892, DP 1893, II, 365; TGI Seine, 19 octobre 1964, D. 1965, 48.
449
CA Paris, 29 juill. 1882, S. 1882. 2. 223
450
CA Nancy, 23 janv. 1892, DP 1893. 2.365
451
Rousseau et Laisney, Dictionnaire théorique et pratique de procédure civile, Paris, Rousseau, 1880, T. II, V°
Communication des pièces, n° 11.
452
Cass. Com. 6 mai 1953: Bull. civ. n°53; Cass. Soc. 4 juillet 1962: Bull. civ. n°62; Cass. Civ. 2ème 23
décembre 1969: Bull. civ. n°366; Cass. Civ. 2ème 15 décembre 1971: Gaz. Pal. 1972. II,285.
453
TGI Marseille, 20 Février 1974, Gaz. Pal. 1974, II, 544.
128
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
prétendant n'avoir jamais confié de mandat audit tiers pour recevoir le paiement. La débitrice
avait alors demandé au juge la production par la créancière des « documents concernant ses rapports
d'affaires avec un sieur P. ». Les documents en question étaient identifiés par la référence à une
déposition de la créancière devant le juge d'instruction chargé de la poursuite du sieur P. pour
faux en écritures, escroquerie et abus de confiance, au cours de laquelle elle avait déclaré: « j'ai
remis tous les papiers à mon conseil ». Le juge marseillais refuse la production des pièces visées dans
la déposition au motif que:
454
TGI Marseille, 20 févr. 1974, Gaz. Pal. 1974. 2. 544
455
J.-J. DAIGRE, La production forcée de pièces dans le procès civil, PUF, 1979. Cf. p. 185 et p. 188: «la
question de la spécification sera affaire d'espèce […] on peut cependant inviter les magistrats à user avec
assurance des possibilités offertes par les articles 138 et suivants du nouveau Code. Quelle que soit l'opinion de
chacun, la production forcée a reçu une consécration législative qui interdit qu'on tente d'en supprimer les effets.
Une interprétation trop restrictive anéantirait la portée d'une réforme dans laquelle les rédacteurs ont placé
beaucoup d'espoirs».
456
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire Privé, Sirey, 1991, t. 3 - Procédure de première instance, p. 560.
N°648. Cette condition résulte implicitement des textes qui utilisent volontiers l'article défini. Elle a pour but
d'éviter que par le biais d'une demande de production, l'une des parties ne procède à une sorte de perquisition
générale indifférenciée dans les archives de son adversaire ou d'un tiers, pour y découvrir des pièces susceptibles
de servir sa propre cause. En revanche cette condition ne fait pas obstacle à la production globale d'un ensemble
de documents, dès lors que cet ensemble est lui-même clairement délimité […] Toute la difficulté vient de ce
qu'il est pratiquement impossible de fixer un critère abstrait. L'appréciation de la spécification suffisante est
129
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
que la jurisprudence a interprété l'article 139 comme « imposant implicitement que la demande de
production porte sur une pièce identifiée ou tout au moins identifiable »457. En revanche, la position de
Jacques HÉRON et Thierry LE BARS est plus ambiguë en ce qu'ils considèrent que « la demande
doit indiquer de façon précise les pièces dont la production est demandée »458.
Le critère des documents « suffisamment déterminés » posé par l'attendu de principe consacre la
thèse de la déterminabilité. La formulation de l'attendu diffère du moyen soulevé par la société
Montjoie qui invoquait « la nécessité de fixer exactement et de façon limitative la désignation des pièces ».
La seconde chambre civile écarte le critère strict de la désignation exacte et limitative
au profit d'un standard plus souple de détermination suffisante. La solution s'explique
par l'intensité du contrôle s'agissant d'un cas de cassation pour fausse application de la loi. La
violation résulte du degré insuffisant de détermination, et non pas la méthode de
détermination choisie par le juge. La solution signifie que les juges d'appel ont faussement
appliqué l'article 138 du fait de l'indétermination des pièces visées par l'ordonnance. Les juges
essentiellement une question de fait abandonnée à la sagesse du juge qui doit avoir pour préoccupation constante
d'éviter que la production forcée des pièces ne dégénère en une recherche de documents sous la forme de
perquisition privée».
457
C. BRAHIC LAMBREY, «Production forcée des pièces», in Répertoire de Procédure Civile, Dalloz, avril
2007, p. 6 n°25.
458
J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 4 éd., Montchrestien, 2010, p. 873. N°1036. «Une partie ne
saurait obtenir du juge un droit d'examen général de l'ensemble des papiers de son adversaire».
459
Cass. Com. 12 mars 1979. Velcro. N°: 77-13595. Bull. civ. n° 97.
460
Cass. Civ. 2ème 15 mars 1979. Sté HLM Montjoie Ile-de-France. N°: 77-1538: Bull. civ. n°88.
130
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
du fond pouvaient ordonner une mesure de production de pièces qui auraient été seulement
déterminables, alors qu'en l'espèce, la production de « pièces techniques et comptables se rapportant à
l’exécution des travaux » était indéterminée. Des documents seulement déterminables
peuvent être considérés comme « suffisamment déterminés » au sens de l'article 138
CPC.
192. Jurisprudence postérieure . Une telle interprétation est confirmée par la jurisprudence
postérieure. Dans l'affaire DICKENS, une héritière frustrée d'un bien immobilier appartenant à
la succession de son père avait assigné une société de gestion immobilière afin de faire
constater le recel. Saisi sur requête, le juge civil a donné mission à un huissier de justice « de se
rendre à la Barclay’s Bank afin de se faire communiquer tous documents permettant d’indiquer en provenance
ou à destination de quelle banque étrangère les fonds alimentant le compte de la société Danton, et notamment
les fonds destinés à l’acquisition de la villa venaient ». Selon le moyen du pourvoi formé par la société
Danton, l'arrêt confirmatif de Cour d'Appel qui ordonnait « une mesure générale d’investigation »
alors que « les actes dont la production est demandée [doivent] être suffisamment déterminés » avait
méconnu les dispositions des articles 138 et 139 CPC. Le pourvoi est rejeté au motif que « les
pièces bancaires dont la production était demandée étant relatives à des mouvements de fonds de la société
Danton avec une banque étrangère, la cour d’appel a pu retenir qu’elles étaient par là-même suffisamment
déterminées »461.
461
Civ. 2ème 29 octobre 1990. Sté. Dickens. N°: 89-14335. Non publié.
462
Civ. 2ème 17 novembre 1993. Parfums Chanel. N°: 92-12922.
131
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
des produits figurant au procès-verbal de constat » afin de débusquer l'identité des distributeurs à
l'origine de la fuite hors réseau. La Cour d'Appel avait rejeté la demande de production forcée
au motif « qu'il n'était pas vraisemblable que les commerçants qui procèdent entre eux à des échanges ou à des
ventes en contravention aux contrats qui les lient aux propriétaires des marques de parfums, établissent des
factures dont la découverte les exposerait à la perte de leur agrément et à des actions en réparation ». La Cour
de Cassation rejette le pourvoi de Chanel en affirmant que:
« c'est à bon droit que la cour d'appel énonce qu'il n'est pas possible de condamner
sous astreinte une partie ou un tiers à produire des pièces sans que leur existence
soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable ; et attendu, ensuite, que
c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel,
motivant sa décision, a retenu que la preuve de l'existence des pièces réclamées par la
société n'était pas vraisemblable ».
Cette solution confirme indirectement la positivité du critère de la déterminabilité suffisante. Il
suffit de raisonner ad absurdum. Posons comme hypothèse que la Cour de Cassation rejette la
désignation par catégorie de documents. Il faut donc que la pièce visée soit précisément
déterminée. Mais alors, comment se pourrait-il qu'une pièce suffisamment connue pour
pouvoir être identifiée individuellement n'ait qu'une existence vraisemblable? Si la pièce est
connue et identifiée, son existence ne peut pas – logiquement - être moins que certaine. En
admettant une marge d'incertitude sur l'existence de la pièce, la Cour de Cassation admet
nécessairement que l'identification de la pièce soit simplement déterminable, du moment que
sa déterminabilité est suffisante.
194. L'étude du droit positif tel qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de Cassation et
des juges du fond montre immanquablement qu'une demande de production forcée dirigée
contre des catégories identifiables suffisamment précises est valide au regard de l'article 138 du
Code de Procédure Civile. Le critère des documents « suffisamment déterminés » retenu en droit
français est strictement identique au critère des « catégories suffisamment précises » proposé par la
Commission dans son Livre Blanc. Partant, aucune évolution n'apparaît nécessaire en droit
français sur ce point, puisque le critère des catégories suffisamment précises
n'apporterait rien au régime existant de la production forcée.
B- Subsidiarité et plausibilité
195. Subsidiarité. Les autres conditions posées par la Commission trouvent également leur
équivalent exact en droit français. Le Livre Blanc prévoit comme seconde condition préalable à
132
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
l'injonction de divulgation que « le requérant ait présenté l'ensemble des données factuelles et moyens de
preuve qu'il a pu raisonnablement obtenir ». Le Livre Blanc précise qu'il est nécessaire que le
requérant « ait montré, à la satisfaction de la juridiction saisie, qu'il n'est pas en mesure, en dépit des efforts
que l'on peut raisonnablement attendre de lui, de produire les preuves requises par d'autres voies ».
Similairement, en droit français, conformément à l'article 146 CPC la production forcée est un
mécanisme subsidiaire qui ne doit pas suppléer la carence de la demanderesse dans
l'administration de la preuve463. La mesure de production doit avoir un caractère indispensable.
Une partie ne peut demander la production « dès lors qu’elle n’invoque aucune circonstance de nature à
l’empêcher d’administrer elle-même cette preuve »464. La mesure de production ordonnée par le juge
doit présenter un caractère indispensable à la manifestation de la vérité, en l'absence
d'alternative pour se procurer la pièce visée 465.
196. Plausibilité du dommage . Une troisième condition préalable posée par le Livre Blanc
réside dans la plausibilité du fait dont le demandeur recherche la preuve. Il est exigé selon le
Livre Blanc que le requérant « ait convaincu la juridiction saisie que la mesure de divulgation envisagée est
pertinente pour l'affaire en cause [et que] ces éléments fassent apparaître des raisons plausibles de présumer
qu'il a subi un dommage imputable à une infraction aux règles de concurrence commise par le défendeur ».
Identiquement en droit français, la pièce dont la production est demandée doit rendre
vraisemblable le fait allégué et être utile au succès de la prétention 466.
197. Selon le Livre Blanc, il faut que « les juridictions disposent du pouvoir d'imposer des sanctions
suffisamment dissuasives pour éviter la destruction d'éléments de preuves pertinents ou le refus de se conformer à
une injonction de divulgation, et notamment de la faculté de tirer des conséquences défavorables dans le cadre de
l'action civile en dommages et intérêts ». Le droit français apparaît là encore parfaitement équivalent
au projet communautaire.
463
Article 146 CPC: «Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne
dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée
en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve».
464
CA Paris, 4 mars 1975, JCP 1975. IV. 6538, obs. J. A., RTD civ. 1975. 780, obs. R. Perrot
465
CA Versailles, 14 sept. 1989, Gaz. Pal. 1990, somm. 155 : la partie avait tout d’abord demandé au tiers de lui
remettre la pièce, mais le tiers avait opposé un refus.
466
Cass. Civ. 2ème 10 févr. 1993, n° 91-18.675: Bull. civ. n° 61.
133
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
198. Exclusion de la saisie directe . Le juge civil ne peut pas disposer du concours de la
force publique afin d'opérer la saisie matérielle des pièces dont la production est refusée. En
matière civile, l'amende, l'astreinte et les dommages et intérêts sont réputés des moyens
suffisants pour contraindre à l'exécution, sans que la contrainte puisse prendre la forme de la
saisie467. La limite résulte implicitement de l'article 10 du Code Civil 468 prévoyant que la
production forcée est ordonnée « à peine » d'astreinte, d'amende civile et de dommages et
intérêts. L'inexécution de l'injonction ne peut pas faire l'objet de mesures de contraintes
directes469. La perquisition est réservée au champ pénal.
199. Sanction par la perte du procès . Outre l'astreinte, l'amende et les dommages et
intérêts, la procédure civile prévoit encore que le refus de production peut être sanctionné par
la perte du procès . Selon l'article 11 alinéa 1 er du Code de Procédure Civile, « les parties sont
tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention
ou d'un refus ». Le mécanisme est comparable à la présomption légale attachée à l'aveu 470. Tout le
problème réside dans la détermination du champ d'application de l'alinéa premier puisqu'il vise
les seules mesures d'instruction. Les arguments textuels conduisent à soutenir l'inapplicabilité.
467
Sauf cas particulier où le demandeur dispose d'un droit réel sur la chose contre une possession illégitime -
c'est l'hypothèse de la saisie contrefaçon de l'article L716-6 alinéa 2nd du Code de la Propriété Intellectuelle: «La
juridiction peut […] ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter
atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits
commerciaux».
468
Code Civil. Art. 10: «Chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la
vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu'il en a été légalement requis, peut être
contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte ou d'amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts».
Créé par la Loi n°72-626 du 5 juillet 1972 adoptée complémentairement à l'introduction du régime de production
forcée dans le cadre de la réforme Foyer du Code de Procédure Civile.
469
C. BRAHIC LAMBREY, «Production forcée des pièces», in Répertoire de Procédure Civile, Dalloz, avril
2007, p. 12. «L'exécution forcée de l'injonction de produire est exclue; la contrainte directe exercée par exemple
en procédure pénale lors d'une perquisition est en effet impossible pour se procurer les pièces retenues par le
destinataire de l'injonction». Voir toutefois: Cour d'appel de Versailles 22 juin 2000 n° 1997-8125. «Ayant
appris que ses anciens salariés développaient une activité directement concurrente de la sienne et estimant que
ces activités constituaient une concurrence déloyale, la société LINK a obtenu du Président du Tribunal de
Commerce de Nanterre, le 18 novembre 1994, la désignation d'un huissier, accompagné d'un informaticien, avec
mission de se rendre au siège de la société SUPREMATIQUE et se faire remettre tous documents administratifs
relatifs aux relations entre les sociétés SUPREMATIQUE, SEQUOIA et Messieurs Z..., Y..., A... et X..., ainsi
que divers documents permettant, au vu de la liste des clients de la société LINK, d'identifier les clients
communs aux deux entreprises. L'huissier s'étant vu interdire l'accès aux locaux, a dressé un procès-verbal de
difficultés le 8 décembre 1994. La société LINK a alors obtenu que l'huissier désigné soit accompagné de la
force publique, et l'huissier se fit ainsi remettre divers documents, ainsi que des disquettes informatiques que, à
la demande des intéressés, il mit sous scellés jusqu'à une éventuelle transmission à l'expert judiciaire qui serait
nommé, en raison de la confidentialité des informations qu'elles contenaient à l'égard de la société LINK».
470
Code Civil. Art. 1350: «La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou
à certains faits ; tels sont : 4° La force que la loi attache à l'aveu de la partie».
134
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
471
Tribunal d’instance (CPC, art. 844), tribunal de commerce (CPC, art. 862, al. 2), conseil de prud’hommes
(CPC, art. 61).
472
Cour d’appel (CPC, art. 940, al. 2).
473
Cass. Civ. 1ère 31 mai 1988. Aroche c. CPAM du Var. N°: 86-11596.
135
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Il faut nécessairement en conclure que la production des pièces est une mesure d'instruction
légalement admissible au sens de l'article 145 CPC. Mais dans ce cas, pourquoi faudrait-il
interpréter différemment l'alinéa premier de l'article 11 CPC ?
Cette jurisprudence bien établie sur le terrain des mesures d'instructions in futurum est
renforcée par un arrêt isolé rendu au visa de l'article 11 CPC, sans précision de l'alinéa. Dans
cette affaire, un sculpteur avait cédé à sa créancière certains droits d'exploitation sur ses
œuvres jusqu'à apurement de la dette. Le litige était survenu du fait qu'au terme d'une période
de quatre années, le sculpteur s'estimait libéré et prétendait récupérer son droit d'exploitation.
La créancière résistait à la prétention en alléguant que l'exploitation de l'œuvre n'avait pas
encore généré un bénéfice suffisant pour couvrir la dette. Fort logiquement, le sculpteur avait
alors demandé la production de l'ensemble des pièces comptables pour la période pertinente,
et une mesure d'expertise afin d'établir les comptes entre les parties.
La cour d'appel avait refusé de faire droit à la demande de production et d'expertise, au motif
qu'il « ne pourrait être tiré de conséquence définitive de l’absence de production par [la créancière] de ses
relevés bancaires dès lors que la charge de la preuve [de la libération du débiteur] ne lui incombe pas ».
C'est donc bien le refus par la Cour d'Appel de tirer toute conséquence du refus de
production des documents comptables qui était attaqué. La solution est sans ambiguïtés. La
première chambre civile casse au visa de l'article 11 – sans précision de l'alinéa - au motif que
« chaque partie est tenue d'apporter son concours aux mesures d'instruction, sauf au juge à tirer toute
conséquence d'une abstention ou d'un refus sans avoir égard aux règles gouvernant la charge de la preuve »474.
Il en résulte que la production constitue une mesure d'instruction au sens de l'article 11 alinéa
1er.
La Cour de cassation choisit d'interpréter l'alinéa premier comme un principe général, auquel
l'alinéa second vient apporter une précision complémentaire. L'alinéa 1 er vise la catégorie
générale des mesures d'instruction, tandis que l'alinéa 2 nd vise la sous-catégorie des injonctions
de produire, incluse dans cette ensemble. Le visa global de l'article 11 conforte cette idée. En
l'absence de chapeau, l'arrêt se présente toutefois sous la forme d'un simple arrêt d'espèce.
Comme l'indiquent Marie-Noëlle JOBARD BACHELLIER et Xavier BACHELLIER dans leur
ouvrage sur la technique de cassation, « pour apprécier la portée d'un arrêt de cassation, […] la
présence ou l'absence de l'énoncé d'un principe général en tête de l'arrêt n'est pas absolument déterminante,
474
Cass. Civ. 1ère 30 mars 2005. N°: 02-20429: non publié au bulletin.
136
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
même si elle peut révéler une certaine tendance »475. La volonté de la Cour de Cassation de limiter la
portée de cet arrêt est ici confirmée par la décision de ne pas le publier. Peut-être parce que la
solution contredit trop frontalement la volonté du législateur.
202. Résistance de la doctrine majoritaire . Et en effet, malgré ces deux arrêts tendant à
confirmer l'applicabilité de l'article 11 alinéa 1er à la sanction du refus de produire, et malgré la
multitude des textes spéciaux généralisant la faculté pour le juge de tirer toute conséquence
dans les procédures sans représentation obligatoire, la doctrine soutient majoritairement
l'interprétation littérale restrictive excluant l'applicabilité de l'alinéa 1 er à l'injonction de
produire. Mais derrière un front apparemment unanime, se nichent contradictions et non-dits.
Dès 1973 la question suscite des positions doctrinales hésitantes. Ainsi pour Catherine
MARRAUD:
475
M.-N. JOBARD-BACHELLIER et X. BACHELLIER, La technique de cassatin, 5 éd., Dalloz, 2003.
476
Cour d'Appel de Rennes, 14 juin 1928: RTD civ. 1928. 897.
477
J. VIATTE, «Communication et production des pièces en justice», Gazette du Palais, 14 Juin 1973, Doctr.,
p. 406 (voir p. 407).
137
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
contre la partie de qui il émane […] Le législateur n'évoque pas toujours l'aveu de
manière expresse. Il prévoit notamment que confronté à une certaine attitude, le
tribunal peut en tirer toute conséquences […] Pour le cas où il y aurait refus de
produire la pièce […] les récents décrets ne comportent aucune phrase analogue;
l'omission n'a pu être qu'intentionnelle. Elle traduit à l'évidence une volonté
d'exclure l'éventualité que le refus puisse constituer davantage qu'un simple indice.
Sans doute le silence des textes n'interdit-il pas que les magistrats considèrent cette
attitude comme une présomption […] mais en matière de production forcée, un
comportement aussi éloigné de l'esprit des textes apparaît bien improbable »478.
Toutefois le même auteur écrit plus loin:
« il ne suffit pas d'ordonner pour être nécessairement obéi […] aucun texte
n'empêche le magistrat d'accompagner sa décision d'une menace concernant le fond du
litige »479.
Même opinion dubitative de Serge GUINCHARD, Cécile CHAINAIS et Frédérique FERRAND qui
estiment de manière orthodoxe qu'en cas de refus de production de la pièce, « il semble douteux
que l'on puisse solliciter l'article 11 alinéa 1 er […] on ne peut assimiler, en effet, le fait d'ordonner à une
partie de produire une pièce à une mesure d'instruction […] c'est pourtant ce que fait la jurisprudence dans le
cas de l'article 145, considérant que l'article 142 fait partie des mesures d'instructions »480. Frédérique
FERRAND écrit pourtant au répertoire Dalloz que « cette solution est regrettable dans la mesure où la
loyauté des débats est en jeu et où la seule sanction d'une astreinte paraît insuffisante, puisqu'elle n'a pas
d'incidence sur la solution du litige au fond »481.
478
C. MARRAUD, «Le droit à la preuve: la production forcée des preuves en justice (Décrets du 9 septembre
1971, 20 juillet 1972 et 28 août 1972)», Semaine Juridique (éd. G), 1973, I.2572. n° 24.
479
C. MARRAUD, «Le droit à la preuve: la production forcée des preuves en justice (Décrets du 9 septembre
1971, 20 juillet 1972 et 28 août 1972)», Semaine Juridique (éd. G), 1973, I.2572. n°14 in fine.
480
S. GUINCHARD, C. CHAINAIS et F. FERRAND, Procédure Civile - Droit interne et droit de l'Union
Européenne, 30 éd., Précis Dalloz, 2010, p. 449. N°568. Édition entièrement refondue pour le centenaire de
l'ouvrage, mais déjà en ce sens: J. VINCENT et S. GUINCHARD, Procédure Civile, 27 éd., Dalloz, 2003 ,
p. 795. N°1008.
481
F. FERRAND, «Preuve», in Répertoire de procédure civile, Dalloz, mars 2010, p. 84. N°321.
138
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
toute conséquence d'un refus par une partie d'apporter son concours à une mesure
d'instruction. Dès lors que dans le même article, le législateur a mentionné cette
possibilité dans un cas et pas dans l'autre, il ne peut à l'évidence s'agir d'une simple
omission. Pourtant, dans le cadre des mesures in futurum, la jurisprudence n'hésite
pas à assimiler la production forcée d'une pièce à une mesure d'instruction: bel
exemple de pragmatisme judiciaire qui autoriserait donc, dans une telle hypothèse, le
juge à tirer toutes conséquences d'un refus »482.
Le magistrat ne peut s'empêcher d'exprimer des regrets et d'appeler au « pragmatisme judiciaire »
en opportunité, tout en considérant l'interprétation restrictive juridiquement inattaquable.
Même embarras pour Loïc CADIET et Emmanuel JEULAND qui affirment dans leur manuel
que:
« le juge ne pourrait pas tirer toute conséquence de son abstention ou de son refus
[puisque] cette sanction n'est envisagée par l'article 11 alinéa 1 er qu'en ce qui
concerne les mesures d'instructions ».
Affirmation immédiatement ruinée en note de bas de page:
« Mais il ne peut pas non plus affirmer qu'il ne peut en tirer aucune
conséquence »483. La double négative trahit une position pour le moins inconfortable.
Malaise similaire pour Gérard COUCHEZ qui semble embrasser l'interprétation orthodoxe à
son corps défendant. L'auteur écarte dans un premier temps l'applicabilité de l'article 11 alinéa
1er au refus de produire. Selon l'auteur:
« [la faculté de tirer toute conséquence] n'a pas été reprise par les textes actuellement
applicables à la procédure dans le cadre des tribunaux de grande instance, assez
curieusement, la solution est en revanche affirmée dans des textes relatifs aux
juridictions d'exception et à la cour d'appel lorsque la représentation des parties n'est
pas obligatoire. On pourrait certes songer à utiliser l'article 11, alinéa 1er, […] On
le pourrait d'autant plus que le deuxième alinéa du même article est précisément
relatif à la production des éléments de preuve […] Bien que la présentation adoptée
paraisse autoriser une telle interprétation, il est permis de douter que la qualification
de mesure d'instruction soit tout à fait adaptée »484.
482
J.-P. LACROIX-ANDRIVET, «Chap. 341: Pièces», in Droit et pratique de la procédure civile, sous la dir. de
S. GUINCHARD, Dalloz, 2009/2010, p. 801 (voir p. 805).
483
L. CADIET et E. JEULAND, Droit Judiciaire Privé, 7 éd., LexisNexis, 2011, p. 434. N°572.
484
G. COUCHEZ, «Fasc. 623: Production forcée de pièces», in Encyclopédie de procédure civile, JurisClasseur,
1999. N°40.
139
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
L'affirmation ne pourrait être moins assurée, et l'auteur souligne lui-même le caractère curieux
de l'hétérogénéité de procédure applicable devant le TGI et devant les autres juridictions.
L'auteur affaiblit encore sa position dans un second temps, en observant que:
« sans doute peut-on s'interroger sur le point de savoir s'il est vraiment important de
déterminer si l'article 11, alinéa 1 er est ou non applicable aux productions forcées.
En effet, n'est-il pas difficile d'interdire au juge de tirer du refus de produire opposé
par l'une des parties une présomption de fait défavorable à cette dernière? »485.
Il se rend finalement à l'argument textuel dans un troisième temps, sans exclure que le juge
puisse en tirer certaines conséquences, dès lors qu'il ne se fonde pas exclusivement sur le
refus:
« il semble cependant qu'en l'absence de texte, le juge ne puisse tirer d'un pareil refus
toutes conséquences : il ne saurait notamment considérer que ce seul refus suffit à
prouver la réalité des faits allégués par l'autre partie et dont il était soutenu que le
document (finalement non produit) devait permettre la preuve »486.
Il est rejoint sur ce point par Cécile BRAHIC-LAMBREY qui tente de résoudre le dilemme avec
pragmatisme, sans accorder trop d'importance aux arguments juridiques de part et d'autre.
Selon elle, « quelle que soit l’interprétation retenue de l’article 11 CPC, le refus du destinataire ne manquera
pas d’avoir des conséquences quant au fond du litige. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’établir la preuve d’un fait, le
tribunal pourra y voir une présomption, un indice permettant d’établir la mauvaise foi de celui qui s’est
soustrait indument à l’injonction »487. Le recours à la notion d'indice, par opposition à la preuve,
permet de sauver les apparences.
203. Conclusion. En définitive, s'il fait peu de doute que l'intention du législateur a été
d'exclure l'injonction de produire du champ de l'article 11 alinéa 1 er - et dans le cas du décret du
20 juillet 1972, l'intention du législateur se confond avec la construction doctrinale élaborée par
FOYER, MOTULSKY, et CORNU488 - force est de constater que la jurisprudence postérieure de la
Cour de Cassation ne retient pas la distinction. La doctrine majoritaire considère que la position
de la Cour de Cassation est juridiquement hétérodoxe, tout en saluant son pragmatisme. Il est
485
G. COUCHEZ, «Fasc. 623: Production forcée de pièces», in Encyclopédie de procédure civile, JurisClasseur,
1999. N°41.
486
G. COUCHEZ, «Fasc. 623: Production forcée de pièces», in Encyclopédie de procédure civile, JurisClasseur,
1999. N°41.
487
C. BRAHIC LAMBREY, «Production forcée des pièces», in Répertoire de Procédure Civile, Dalloz, avril
2007, p. 12. N°62.
488
Le décret de codification du nouveau Code de Procédure Civile du 5 décembre 1975 et le chapelet de décrets
qui l'ont précédé sont le résultat des travaux menés par Foyer (Garde des Sceaux de 1962 à 1967), le Doyen
Cornu et Motulsky au sein de la Commission de réforme de la procédure civile.
140
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
ainsi possible d'affirmer en droit positif que le refus de produire est sanctionné en droit interne
par une présomption défavorable tirée de l'article 11 alinéa 1 er CPC. Le droit français apparaît
conforme – à droit constant – avec le standard recherché par la Commission dans son Livre
Blanc.
489
J. A. JOLOWICZ, «La production forcée des pièces en droit français et anglais», in Nouveaux juges,
nouveaux pouvoirs? Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 172.
141
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
A- L'objet de l'obligation
206. Royaume-Uni. Le discovery trouve une source jurisprudentielle en Common Law, avant
d'être fixée législativement au milieu du XIXème siècle 490. L'étendue de l'obligation de
divulgation a été fixée par le test PERUVIAN GUANO491 à « tous les documents susceptibles de faire
avancer son propre cas, ou nuire aux prétentions de son adversaire » ainsi qu'à tous les documents
susceptibles de fournir une piste d'enquête vers d'autres documents (train of inquiry) avec le
même effet492. Ce test particulièrement compréhensif a eu pour effet - en pratique - dans les
affaires les plus complexes, de rendre l'obligation de divulgation « virtuellement illimitée » et le
processus de discovery aussi « monumentalement inefficace »493, qu'extrêmement coûteux 494.
490
Consécration de la discovery of evidence par le Common Law Procedure Act de 1854 (§50) puis par le
Supreme Court of Judicature Act de 1873 (art. 26 et 27 annexe) et enfin dans les Rules of the Supreme Court
Order 24 RSC qui régissaient la procédure civile devant la juridiction suprême à partir de la fusion des cours de
Common Law et d'Equity en 1883, jusqu'en 1999, avec l'adoption des nouvelles Règles de Procédures Civiles
(Rules on Civil Proceedings – RCP).
491
United-Kingdom. Court of Appeal (Queen's Bench Division). 20 décembre 1882. Compagnie Financiere du
Pacifique v. Peruvian Guano Company. (1882) 11 QBD 55. "It seems to me that every document relates to the
matters in question in the action, which not only would be evidence upon any issue, but also which, it is
reasonable to suppose, contains information which may - not whichmust - either directly or indirectly enable the
party requiring the affidavit either to advance his own case or to damage the case of his adversary. I have put in
the words "either directly or indirectly", because, as it seems to me, a document can properly be said to contain
information which may enable the party requiring the affidavit either to advance his own case or to damage the
case of his adversary, if it is a document which may fairly lead him to a train of inquiry which may have either of
these two consequences […] In order to determine whether certain documents are within that description, it is
necessary to consider what are the questions in the action: the Court must look, not only at the statement of claim
and the plaintiff's case, but also at the statement of defence and the defendant's case."
492
La notion de "train of inquiry" pose une difficulté de traduction. En anglais, le terme "train" fait référence à à
une série de pensées ou d'événements logiquement reliés. La notion se rapproche ainsi d'une piste d'enquête. La
notion se comprend mieux dans le contexte de l'affaire bien-nommée qui lui donne son nom. Une compagnie de
transport maritime formait une demande en inexécution contractuelle. La défenderesse contestait la formation du
contrat, en alléguant de simples pourparlers. La défenderesse avait obtenu une première mesure de discovery
contre le demandeur afin de voir produire son journal de bord. Le journal de bord faisait référence à des courriers
échangés postérieurement à la date de la rupture alléguée du contrat. La défenderesse a pu obtenir - sur la base
du test du "train of inquiry" - une seconde mesure de discovery afin de voir produire lesdits courriers, au motif
qu'ils pourraient montrer que les négociations se poursuivaient postérieurement à la rupture, ce qui démontrerait
– a contrario – que le contrat n'avait pas été conclu.
493
H. WOOLF, Access to Justice, Interim Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England
and Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, June 1995. Chapter 21: Discovery. § 17. "The
result of the Peruvian Guano decision was to make virtually unlimited the range of potentially relevant (and
therefore discoverable) documents, which parties and their lawyers are obliged to review and list, and which the
other side is obliged to read, against the knowledge that only a handful of such documents will affect the
outcome of the case. In that sense, it is a monumentally inefficient process, especially in the larger cases. The
more conscientiously it is carried out, the more inefficient it is".
494
R. HEILBRON, Civil justice on trial: The case for change, Joint Committee Bar Council/Law Society, June
1993. "Much of the expense is caused by discovery"
142
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
207. Réforme WOOLF. Suite au rapport de Lord WOOLF495 en 1996, l'ancien régime de
discovery Order 24 RSC a été recodifié en 1998 au sein des Civil Proceedings Rules (CPR) Part
31 sous le nom nouveau de disclosure496. Selon la définition de l'article 31.2, « une partie divulgue un
document en déclarant qu'un document existe ou a existé »497. La divulgation de l'existence du document
s'accompagne d'un droit d'inspection des documents divulgués, sauf exceptions tenant
notamment au secret498. L'obligation de disclosure est imposée par ordonnance du juge 499. La
demande de divulgation peut être effectuée préalablement à l'introduction de l'instance au
fond500.
« le trait caractéristique [du discovery] est d'imposer aux parties de révéler des
documents dommageables à leur propre cause. C'est souvent une surprise, une
douloureuse surprise, pour les plaideurs étrangers »502.
La limite du caractère raisonnable des recherches effectuées s'apprécie au regard du nombre
des documents, de la complexité de l'affaire, du coût de l'opération de récupération du
document et de la signification du document pour le litige503. La procédure de disclosure est
495
H. WOOLF, Access to justice, Final Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England and
Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, 1996.
496
United-Kingdom. Civil Proceedings Rules. Part 31: DISCLOSURE AND INSPECTION OF DOCUMENTS.
http://www.justice.gov.uk
497
CPR Part 31. Art. 31.2: "A party discloses a document by stating that the document exists or has existed".
498
CPR Part 31. Art. 31.3: "A party to whom a document has been disclosed has a right to inspect that document
except where (a)the document is no longer in the control of the party who disclosed it; (b)the party disclosing the
document has a right or a duty to withhold inspection of it".
499
CPR Part 31. Art. 31.5: " An order to give disclosure is an order to give standard disclosure unless the court
directs otherwise".
500
CPR Part 31. Art. 31.16: "This rule applies where an application is made to the court under any Act for
disclosure before proceedings have started. The application must be supported by evidence".
501
CPR Part 31. Art. 31.6: "the documents on which he relies; and the documents which (i) adversely affect his
own case; (ii)adversely affect another party’s case; or (iii)support another party’s case".
502
H. WOOLF, Access to Justice, Interim Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England
and Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, June 1995. Chapter 21: Discovery. § 1. " The
distinguishing feature is the obligation on a party to disclose documents which are damaging to his own case.
This comes as a surprise, sometimes a painful surprise, to litigants from abroad".
503
CPR Part 31. Art. 31.7: "When giving standard disclosure, a party is required to make a reasonable search for
documents falling within rule 31.6(b) or (c). The factors relevant in deciding the reasonableness of a search
include the following (a) the number of documents involved; (b)the nature and complexity of the proceedings;
(c)the ease and expense of retrieval of any particular document; and (d)the significance of any document which
is likely to be located during the search".
143
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
accomplie par l'établissement d'une liste des documents pertinents signifiée à la partie adverse.
La liste est accompagnée d'une déclaration de divulgation (disclosure statement) indiquant
l'étendue des recherches auxquelles il a été procédé et certifiant que les meilleurs moyens ont
été mis en œuvre pour l'exécution de l'obligation de divulgation 504. La déclaration de
divulgation est normalisée par un formulaire (reproduit infra).
208. Etats-Unis. De manière très similaire, en droit américain, depuis l'adoption en 1938
des Federal Rules of Civil Procedure (FRCP), le discovery est régi par la rule 26. Il convient de
distinguer le régime de divulgation initiale (initial disclosure) – qui est une obligation de
communication spontanée des pièces dont une partie souhaite faire état – du régime du discovery
qui est ordonné par le juge à la requête des parties. La divulgation initiale est prévue par Rule
26(a), tandis que la requête est ordonnée au titre de Rule 26(b). L'ordonnance de discovery
contraint les parties à révéler « tous documents au soutien de toute demande ou défense d'une partie »505.
S'il s'agit d'un tiers, il lui sera fait injonction subpoena duces tecum. La notification de l'injonction a
l'effet d'une sommation de produire le document dans les débats.
504
CPR Part 31. Art. 31.10. 6: "A disclosure statement is a statement made by the party disclosing the
documents (a) setting out the extent of the search that has been made to locate documents which he is required to
disclose; (b) certifying that he understands the duty to disclose documents; and (c) certifying that to the best of
his knowledge he has carried out that duty".
505
Rule 26(b) 1: "Unless otherwise limited by court order, the scope of discovery is as follows: Parties may
obtain discovery regarding any nonprivileged matter that is relevant to any party's claim or defense—including
the existence, description, nature, custody, condition, and location of any documents or other tangible things and
the identity and location of persons who know of any discoverable matter. For good cause, the court may order
discovery of any matter relevant to the subject matter involved in the action. Relevant information need not be
admissible at the trial if the discovery appears reasonably calculated to lead to the discovery of admissible
evidence".
144
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
145
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
146
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
147
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
B- Sanctions de l'obligation
Pour les juristes continentaux, la discovery est trop rapidement assimilée à une perquisition
privée, tandis que les juristes anglo-saxons, ressentent l'absence de discovery comme une
impossibilité de contraindre l'adversaire à fournir des documents en sa possession. John
JOLOWICZ observe ainsi que:
506
L. NADAUD-CASTANIÉ, Le droit de la preuve devant le juge civil et l'attractivité économique du droit
français (France, Angleterre et Pays de Galles, Etats-Unis), Bureau du droit comparé, Ministère de la Justice,
France, 19 octobre 2005.
507
J. A. JOLOWICZ, «La production forcée des pièces en droit français et anglais», in Nouveaux juges,
nouveaux pouvoirs? Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 170.
148
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
La réflexion sur les sanctions du discovery permet de battre en brèche la légende selon laquelle
le discovery permettrait de vaincre la dissimulation d'une pièce dont le plaideur ignore
l'existence. Il convient de montrer l’équivalence du discovery et des mesures de divulgation
par catégorie (1°) et l’absence de sanction directe de la dissimulation (2°).
210. Il convient d'observer en premier lieu que dans l'hypothèse où une partie n'exécute pas
correctement l'obligation spontanée de divulgation de tous les documents pertinents (standard
disclosure), il n'y aura pas d'autre alternative pour son adversaire que de demander une mesure de
divulgation spécifique (specific disclosure) par catégorie de documents.
D'une part, la partie contre laquelle a été ordonnée la divulgation peut refuser l'inspection
d'une catégorie de documents si celle-ci est disproportionnée au regard du litige 508. La
disproportion doit s'apprécier au regard de la capacité de la partie requise à continuer –
financièrement - l'instance s'il était fait droit à la requête 509. En cas de refus, il revient à
l'adversaire de contester l'exception de disproportion en demandant une mesure de specific
disclosure à l'égard de la catégorie visée, dont le juge appréciera le bien-fondé510.
D'autre part, la partie soumise à divulgation peut indiquer dans sa déclaration de divulgation
qu'elle n'a pas procédé à des recherches sur certaines catégories de documents - qu'elle précise
– au motif que la recherche était déraisonnable, au regard de son coût, de sa complexité ou de
sa signification pour le litige 511 selon un classique bilan coût/avantage.
508
CPR Part 31. Art. 31.3: "Where a party considers that it would be disproportionate to the issues in the case to
permit inspection of documents within a category or class of document disclosed under rule 31.6(b) [adversely
affect his own case] (a) he is not required to permit inspection of documents within that category or class".
509
H. WOOLF, Access to justice, Final Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England and
Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, 1996. "the court would have to be satisfied not only
that it was necessary to do justice but that the cost of such disclosure would not be disproportionate to the benefit
and that a party's ability to continue the litigation would not be impaired by an order for specific disclosure
against him". Chapter 12: Practice and Procedure. § 40.
510
CPR Part 31. Art. 31.12: "An order for specific disclosure is an order that a party must do one or more of the
following things (a) disclose documents or classes of documents specified in the order"
511
CPR Part 31. Art. 31.7: "Where a party has not searched for a category or class of document on the grounds
that to do so would be unreasonable, he must state this in his disclosure statement and identify the category or
class of document".
149
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
211. La sanction est toujours indirecte. Il est important de comprendre que les procédures de
discovery et de disclosure n'offrent pas un pouvoir de perquisition à la partie adverse car
l'obligation de divulgation ne fait jamais l'objet d'une exécution forcée en nature. Rolf Stürner
expose en ce sens que:
512
R. STÜRNER, «Duties of disclosure and burden of proof in the private enforcement of european competition
law», in Private enforcement of EC competition law , sous la dir. de J. BASEDOW, Kluwer law international,
2007, p. 163 (voir p. 176). "sanctions for non-production may be : dismissing claims or defenses, drawing
adverse inferences, pecuniary sanctions […] or even imprisonment. Whereas anglo-american civil procedure
provides for all these sanctions against parties and for direct compulsion against third parties, it is the continental
tradition or practice, only to impose direct sanctions on third parties and to sanction a party's refusal to produce
documents through drawing negative inferences. Direct enforcement of production is complicated and time
consuming. It is not the main purpose of civil procedure to establish the truth; it suffice if the non-cooperative
party loses the dispute. Normally the threat of negative inferences is a strong motivation for disclosure. As a
consequence there may be no need for a common european rule on sanction against parties".
513
N. ANDREWS, The modern civil process: judicial and alternative forms of dispute resolution in England,
Mohr Siebeck, 2008, p. 111. "a person will be in contempt of court if he presents a deliberately false statement
150
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
catégorie et obligation de divulgation est moins fondamentale qu'il n'y paraît dans la mesure
où l'efficacité dans la recherche des preuves dépend moins de l'objet de l'obligation que de la
sanction de son inexécution.
L'hypothèse de l'inexécution du discovery est régie par la Rule 37 FRCP qui prévoit des
sanctions en cas de défaut d'exécution ou de coopération. La loi assimile une divulgation
« incomplète ou évasive » à un défaut d'exécution515. Les sanctions sont établies par Rule 37(b)(2)
mais spécifiquement lorsque la destruction intervient en violation d'une ordonnance de la
contained in a […] disclosure declaration […] The court can also draw adverse inferences against a party who
failed to comply with the disclosure rules".
514
United States. District Court. S.D New-York. 16 june 1978. Berkey Photo v. Eastman Kodak Company. 457
F.Supp. 404; United States. Court of Appeals (2nd Circuit). 25 June 1979. Berkey Photo v. Eastman Kodak
Company. 603 F.2d 263.
515
Federal Rules of Civil Procedure. Rule 37 - Failure to Make Disclosures or to Cooperate in Discovery:
37(a)(4): "an evasive or incomplete disclosure, answer, or response must be treated as a failure to disclose,
answer, or respond".
151
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Cour. Le juge peut considérer le fait litigieux établi, ou juger par défaut, surseoir à statuer
jusqu'à exécution, ou relever l'outrage à la Cour (contempt). Dans les hypothèses étrangères au
cas visé par Rule 37(b)(2), la sanction dérive des pouvoirs inhérents du juge (inherent power). La
sanction de la destruction des preuves vise trois objectifs: le rétablissement de la vérité
judiciaire, la compensation de la partie victime, la punition du spoliateur. Une amende peut
être prononcée non seulement contre la partie, mais encore contre son conseil 516.
516
Pour une présentation complète du régime des sanctions de la destruction des preuves dans le cadre du
discovery: S. MARZEN et L. SOLUM, «Chap. 3: Discovery Sanctions», in Destruction of Evidence, sous la dir.
de J. GORELICK, S. MARZEN et L. SOLUM, Aspen Publishers, 1989, p. 65 (voir p. 65 et s.).
517
D. OESTERLE, «A private litigants remedies for an opponent inapprorpiate destruction of relevant
documents», Texas Law Review, April 1983, n° 61, p. 1185. "Businesses routinely destroy documents in order to
keep the documents out of the hands of opponents in future legal proceedings. An amusing set of euphemisms
has grown up around the practice: programs of 'preventive maintenance' or 'law compliance' include a 'document
retention' schedule to eliminate 'misleading,' 'improvident,' or 'erroneous' documents for the purpose of
'optimizing the position' of the corporation in the event of litigation. The naked truth is that many corporations
purposefully operate programs to destroy evidence".
518
O. W. HOLMES, «The Path of the Law», Harvard Law Review, 25 March 1897, n° 10, p. 457. "If you want
to know the law and nothing else, you must look at it as a bad man, who cares only for the material
consequences which such knowledge enables him to predict ".
152
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
« le discovery civil présente des incitations puissantes à dissimuler des pièces […]
Durant le discovery, un plaideur possèdera souvent une pièce dommageable qui serait
extrêmement précieuse pour son adversaire, mais l'adversaire n'a pas conscience de
l'existence de cette pièce. Si ce plaideur spolie son adversaire de cette pièce inconnue
en la détruisant ou l'égarant, son adversaire aura les plus grandes difficultés à
découvrir la spoliation »519.
Il s'agit d'une illustration de l'analyse économique du crime et du châtiment développée par le
prix Nobel Gary BECKER selon laquelle l'effet dissuasif de la peine est inversement
proportionnel au gain illicite retiré de l'infraction multiplié par la probabilité de détection 520.
519
C. NESSON, «Incentives to spoliate evidence in civil litigation: the need for vigorous judicial action»,
Cardozo Law Review, November 1991, n° 13, p. 793. "Civil discovery presents powerful incentives to spoliate
evidence, incentives which will often make spoliation the bad man's choice. During discovery, a litigant often
possesses damaging evidence which would be extremely valuable to his opponent, yet it is evidence of which the
opponent is unaware. If the litigant spoliates this unknown evidence by destroying or misplacing it, his opponent
will find it very difficult to discover the spoliation".
520
G. BECKER, «Crime and Punishment: An Economic Approach», Journal of Political Economy, n°76 1968,
p. 169.
521
CPR Part 31. Art. 31.23: "Proceedings for contempt of court may be brought against a person if he makes, or
causes to be made, a false disclosure statement, without an honest belief in its truth".
522
H. WOOLF, Access to justice, Final Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England and
Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, 1996. Chapter 12: Pratice and Procedure. § 45.
"Discovery depends at present on the honesty and diligence of the parties. Withholding documents cannot
necessarily be detected so the temptation to do this already exists; the facts of decided cases and comments
which I have received confirm that it is not unknown in practice […] My proposal has the effect of preventing a
party, if he acts reasonably honestly, from putting forward a case which he knows to be inconsistent with his
own documents. It thus offers not a perfect, but a realistic, balance between keeping disclosure in check while
enabling it still to contribute to the achievement of justice".
153
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
523
H. WOOLF, Access to justice, Final Report to the Lord Chancellor on the civil justice system in England and
Wales, Ministry of Justice, United-Kingdom Government, 1996. Chapter 12. Practice and Procedure. § 42-43.
"Initial disclosure should apply only to relevant documents of which a party is aware at the time when the
obligation to disclose arises. I recognise that this is the most difficult aspect of my proposals in practice. The test
of awareness is particularly problematic where the disclosing party is not an individual; in a company, firm or
other organisation, it is likely that a number of people will have known about relevant documents. My proposal
here is that there should be an obligation for the organisation to nominate a supervising officer whose task would
be to identify individuals within the organisation who were likely to recollect relevant documents […] This
would assist the other party to make an appropriate application for specific discovery if he thought that inquiries
should reasonably have been made of some additional person or department in the organisation […] I received a
number of responses to my original proposals. I can summarise these by saying that, while they all endorsed
what I was trying to achieve in principle, all found objections to my proposals in practice. Among the arguments,
it was suggested that my formulation would be easy to evade; that it would positively encourage parties to turn a
blind eye to documents which might damage their case or at least would encourage a slapdash approach to
disclosure; and that the line drawn by the test of awareness is artificial and unsatisfactory, depending as it does
on the chance recollections of available individuals".
524
United-Kingdom. High Court (Chancery Div.). Digicel (St Lucia) Ltd v Cable & Wireless plc [2008] EWHC
2522 (Ch). Morgan J. §46. "in litigation it may only take one revealing statement in a document, perhaps in an e-
mail, to show clearly what people really thought or what people really were intending to achieve, a matter that
might not have been revealed in tens of thousands of other documents in the trial bundles. As against that, it
must be remembered that what is generally required by an order for standard disclosure is a “reasonable search”
for relevant documents. Thus, the rules do not require that no stone should be left unturned. This may mean that
a relevant document, even “a smoking gun” is not found. This attitude is justified by considerations of
proportionality".
525
United-Kingdom. Court of Appeal. Nichia Corporation v Argos Ltd [2007] EWCA Civ 741. Dissenting
Opinion. Jacob LJ. §46. "What is now required is that, following only “a reasonable search” (CPR 31.7(1)), the
disclosing party should, before making disclosure, consider each document to see whether it adversely affects his
own or another party’s case or supports another party’s case. It is wrong just to disclose a mass of background
documents which do not really take the case one way or another. And there is a real vice in doing so: it compels
the mass reading by the lawyers on the other side, and is followed usually by the importation of the documents
into the whole case thereafter – hence trial bundles most of which are never looked at. Now it might be
suggested that it is cheaper to make this sort of mass disclosure than to consider the documents with some care to
decide whether they should be disclosed. And at that stage it might be cheaper – just run it all through the
photocopier or CD maker- especially since doing so is an allowable cost. But that is not the point. For it is the
downstream costs caused by overdisclosure which so often are so substantial and so pointless. It can even be
said, in cases of massive overdisclosure, that there is a real risk that the really important documents will get
overlooked – where does a wise man hide a leaf? (presumably in a pile of leaves)".
154
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
217. Comme l'observe Jean-Louis LESQUINS, « il faut pallier résolument l'absence de moyens
inquisitoriaux en exploitant toutes les possibilités [du] Code »527. De ce point de vue, le droit français
offre une efficacité probatoire équivalent à la procédure de discovery, en permettant de
contraindre un adversaire à révéler tous documents utiles, sous la menace de la perte du procès,
par la combinaison des mesures d'instruction in futurum (A), du régime de l'expertise (B) et
l'aménagement du secret des affaires (C).
218. Soraya AMRANI-MEKKI préconise une « utilisation souple de l'article 145 » permettant
l'obtention des preuves sans « immixtion dans les affaires du débiteur »528. Il est de jurisprudence
constante
526
A. SANCHEZ GRAELLS, «Discovery, Confidentiality and Disclosure of Evidence Under the Private
Enforcement of EU Antitrust Rules», in Conference of the European Association of Law and Economics,
September 2006 - Madrid (Spain) - Instituto de Empresa, en ligne : <www.ssrn.com>. «introducing discovery
devices in Member States' civil procedure regulations can become an important mechanism to effectively help
claimants to bring evidence […] which today cannot be obtained (or only with great difficulties) […] there is an
objective (economic) justification for the introduction of such dicovery rules […] discovery may be efficient as
long as it reduces legal costs for both parties by avoiding trials through previous settlement».
527
J.-L. LESQUINS, «L'établissement des pratiques anticoncurrentielles lors du procès civil», Les Petites
Affiches, n°14 20 janvier 2005, p. 17.
528
S. AMRANI-MEKKI, «Action de groupe et procédure civile», Revue Lamy Droit Civil, n°32 novembre 2006,
63.
529
Civ. 2ème 26 mai 2011. Sté SOVAL c. Sté Marcadet. N°: 10-20048. Déjà en ce sens: Cass. Civ. 1ère 31 mai
1988. Aroche c. CPAM du Var. N°: 86-11596. Arrêts de principe: Cass. Ch. Mixte 7 mai 1982 (3 arrêts).
Fransucre et Cofradec c. Phydor: D. 1982. 541; Gaz. Pal. 1982. 2. 571; RTD civ. 1982. 786.
155
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
220. Mais en quoi consiste l'éclairage fourni par l'expert? Son rôle est ambigu, touchant à la
fois à l'établissement et à l'appréciation des faits. L'expertise joue un rôle auxiliaire pour
530
P. DE FONTBRESSIN et G. ROUSSEAU, L'expert et l'expertise judiciaire en France, 2 éd., Bruylant, 2008,
p. 205.
531
C. AYELA, «Trois questions à Christophe Ayela sur le traitement pénal des affaires économiques et
financières», Revue Lamy Droit des Affaires, Avril 2011, n° 59, RLDA 3403, p. 59. «La discovery [qui]
implique la recherche active de preuves, s’oppose par nature au système français privilégiant une communication
spontanée. Or, on constate que le système de discovery existe en France […] cette information est accessible sur
un plan civil. En effet, l’article 145 du Code de procédure civile permet de solliciter des mesures d’instruction,
que l’on obtient beaucoup plus difficilement parfois au pénal».
532
N. CONTIS et D. BRÉVOT, «Le procès civil et les mesures avant dire droit.», Semaine Juridique (éd. G), 8
novembre 2010, n° 45, 1132.
533
Code de Procédure Civile. Art. 232: «le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par
des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un
technicien».
534
L'article 143 du Code de Procédure Civile dispose que «les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la
demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible».
535
En ce sens: M. REDON, «Mesures d'instructions confiées à un technicien», in Répertoire de Procédure
Civile, Dalloz, mars 2011. N°8.
156
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
l'appréciation de faits établis, faute pour le juge de disposer personnellement des connaissances
nécessaires à l'interprétation de données techniques. L'expert est un technicien sur lequel va
s'appuyer le juge afin d'obtenir une opinion objective dans un domaine de connaissance pour
lequel il n'est pas formé536. Mais l'expertise vise en outre et souvent à l'établissement des faits
eux-mêmes. Comme l'écrit Tony MOUSSA, « l'issue du procès dépend de la preuve [et] dans
l'administration de celle-ci, l'expertise occupe une place prépondérante »537. L'expertise est un mode de
preuve.
« le plus souvent les dossiers des parties, même lorsque leur demande principale ou
unique ne porte que sur l'organisation d'une expertise, comme c'est le cas en
procédure de référé, peuvent ne contenir que peu de documents utiles au déroulement
de l'expertise ; ce n'est qu'en cours d'opérations que les pièces indispensables se
révéleront à l'expert, qui sera alors amené à les demander aux parties, voire à des
tiers »538.
La « révélation des pièces » pertinentes se fait dans les conditions de l'article 275 CPC. L'article
275 CPC dispose en effet que « les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que
celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission ». La sanction de l'obligation de
communication des documents se trouve à l'alinéa second de l'article 275 CPC:
« En cas de carence des parties, l'expert en informe le juge qui peut ordonner la
production des documents, s'il y a lieu sous astreinte, ou bien, le cas échéant,
l'autoriser à passer outre ou à déposer son rapport en l'état ».
La production sous astreinte est ordonnée par le juge du contrôle de l'expertise selon le
régime de droit commun de la production forcée de l'article 142 CPC. Comme l'indiquent
DEBEAURAIN, FAU et PORTE :
536
G. BOURGEOIS, P. JULIEN et M. ZAVARO, La pratique de l'expertise judiciaire, Litec, 1999. «Très
souvent à l'occasion d'un procès, les magistrats sont confrontés à des questions techniques auxquelles ils ne
peuvent répondre d'eux-mêmes, faute d'avoir personnellement les connaissances nécessaires pour le faire […]
leur mission est de dire le droit […] mais pour ce faire, ils doivent apprécier les faits […] C'est la raison pour
laquelle depuis longtemps, les magistrats ont pris l'habitude de recourir en cas de besoin, aux lumières d'un
homme de l'art ayant des compétences particulières en un domaine déterminé».
537
T. MOUSSA, «Avant-Propos», in Droit de l'expertise, sous la dir. de T. MOUSSA, Dalloz, 2008, p. VI.
538
M. REDON, «Mesures d'instructions confiées à un technicien», in Répertoire de Procédure Civile, Dalloz,
mars 2011. N°423.
157
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« l'expert commencera par inviter la partie intéressée à lui fournir les documents. En
cas de besoin, il la mettra en demeure de le faire. Mais ses pouvoirs ne vont pas plus
loin, et il ne peut vaincre un refus obstiné […] La décision du juge doit préciser les
pièces dont il ordonne la communication »539.
Les résistances éventuelles seront livré à l'appréciation du juge. Il est important de souligner,
qu'à l'instar de la procédure de discovery, l'obligation de divulgation spontanée porte sur tous les
documents utiles, mais qu'à défaut de coopération des parties, l'expert n'aura d'autre moyen
pour vaincre la résistance opposée que de saisir le juge afin de voir ordonner une la
divulgation de documents précis540. L'arrêt qui ordonne aux parties de remettre à l'expert « tous
autres documents qui leur seraient réclamés » viole l'article 275 CPC dès lors qu'il n’appartient qu’au
juge de décider des documents qui doivent être communiqués et qu’il ne peut se dessaisir de
ce pouvoir entre les mains de l’expert 541. La solution ne signifie pas que l'expert ne peut pas
avoir accès à tous les documents qui lui sembleraient utiles, mais que le juge doit
suffisamment identifier les pièces soumises à production forcée en cas de résistance.
539
A. DEBEAURAIN, G. FAU et R. PORTE, «Guide de l'expertise judiciaire et de l'arbitrage», Annales des
Loyers, décembre 1981, p. 985.
540
En ce sens: Civ. 2ème, 23 sept. 2004: Bull. civ. n° 428. Qui approuve le juge d'avoir fait à une demande de
communication portant sur des documents très précis, en relation directe avec le contenu de la mission, au motif
que le juge chargé du contrôle des expertises est tenu de veiller, en application des art. 11 et 275, à ce que les
parties apportent leur concours aux mesures d'instruction et remettent sans délai aux experts les pièces
nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
541
Civ. 2ème 16 juillet 1979. n° 78-12487.
542
Cass. Com. 16 juin 1998. Coffima c. SRIM. N°: 96-20182. Bull. civ. n°192. Cassation au visa de l'article 145
CPC de l'arrêt d'appel qui avait donné mission à l'huissier chargé de dresser le constat de se faire communiquer
les factures «et au besoin en cas de refus de communication d'appréhender dans les locaux de la société SRIM
tous documents et pièces qu'il estimera utiles», au motif que «si le président du tribunal statuant en référé peut
imposer à une partie la production de pièces sous astreinte en vue de permettre la solution d'un litige, il ne saurait
ordonner de façon générale et en dehors des cas prévus par la loi, l'appréhension de ces documents par voie de
confiscation ou de saisie»
158
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
systèmes respectifs, et aux habitudes judiciaires. Force est de constater, en droit et en pratique,
la convergence des systèmes.
223. Applications jurisprudentielles. L'expertise est une véritable mesure d'investigation, qui
doit conduire les parties à dévoiler des documents, même si ceux-ci leurs sont défavorables.
Marie-Dominique Bedou-Cabau – avocate – estimait ainsi lors d'un colloque consacré à
l'expertise que « l’article 275 du Code de procédure civile impose aux parties de remettre sans délai toutes les
pièces à l’expert. Il crée une obligation de coopération et de loyauté dont le respect passe par une communication
spontanée des pièces à l’expert, et ce, dès que la consignation est effectuée au greffe du tribun al »543.
224. Dans l'affaire de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc par exemple, la Cour de Cassation
rappelle que:
« le juge chargé du contrôle des expertises est tenu de veiller, en application des
articles 11 et 275 du nouveau Code de procédure civile, à ce que les parties
apportent leur concours aux mesures d’instruction et remettent sans délai aux
experts les pièces nécessaires à l’accomplissement de leur mission ; qu’après avoir
rappelé la mission des experts et précisé qu’il leur appartenait non seulement
d’examiner le tracteur qui avait pris feu mais aussi de rechercher si des véhicules de
même type avaient subi des incidents et si des corrections techniques avaient été
apportées pour y remédier, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain
d’appréciation que la cour d’appel […] a retenu la pertinence des demandes de
communication portant sur des documents très précis, en relation directe avec le
contenu de la mission »544.
225. La sanction de l'article 275 alinéa 3 ème peut s'avérer redoutable. La Cour d'Appel de
Versailles observe ainsi sévèrement que:
543
M.-D. BEDOU-CABAU, «Communication des pièces», in L’Expertise judiciaire : du bon usage des
articles 275 et 276 du Code de procédure civile , Conseil National des Barreaux - Conseil National des
Compagnies des Experts de Justice - Grand'Chambre Cour de Cassation - 11 mars 2011, p. 23, en ligne :
<www.cnb.fr>, accès : 14/01/2012.
544
Civ. 2ème 23 septembre 2004. AGF et autres c. Volvo Trucks France [Incendie du Tunnel du Mont-Blanc] N°:
02-15782: Bull. civ. N° 428; JCP 2004. IV. 3050.
159
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
545
Cour d'Appel de Versailles, 23 février 2006. Société EDUCATION TESTING SERVICE c. Société ELTI.
R.G. N°01/00292.
546
Principe général introduit par la Loi du 5 juillet 1972 à l'article 10 du Code Civil: «Chacun est tenu d'apporter
son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à
cette obligation lorsqu'il en a été légalement requis, peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte
ou d'amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts». Disposition spéciale concernant l'obtention de
pièces détenues par des tiers de l'article 141 CPC: «En cas de difficulté, ou s'il est invoqué quelque empêchement
légitime, le juge qui a ordonné la délivrance ou la production peut, sur la demande sans forme qui lui en serait
faite, rétracter ou modifier sa décision. Le tiers peut interjeter appel de la nouvelle décision dans les 15 jours de
son prononcé». Mais à notre sens, la distinction est artificielle. L'article 10 C. Civ. est d'application générale.
L'empêchement légitime viserait plutôt une hyppothèse d'impossibilité matérielle de produire le document
requis. Contra: C. BRAHIC LAMBREY, «Production forcée des pièces», in Répertoire de Procédure Civile,
Dalloz, avril 2007. «On comprend l’intention du législateur : pour trancher le conflit d’intérêts éventuel entre le
bénéficiaire de l’injonction et le tiers détenteur de la pièce en faveur de ce dernier, il a accordé un avantage aux
tiers destinataires de l’injonction de production, l’empêchement légitime, sans l’envisager pour les parties dont
la situation sera appréciée plus sévèrement, puisqu’il conviendra en ce qui les concerne de se référer à l’article
10 du code civil qui réserve de façon générale le motif légitime».
547
Cass. Civ. 1ère 21 juillet 1987. X c. Ministre des Postes et Télécommunications [Liste rouge]. N°: 85-16436.
548
Code Mon. et Fin. article L. 511-33, alinéa 2: «Outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne
peut être opposé ni à l'Autorité de contrôle prudentiel ni à la Banque de France ni à l'autorité judiciaire agissant
dans le cadre d'une procédure pénale».
549
R. ROUTIER, «Le secret bancaire face au juge civil et commercial en droit français», in Le secret bancaire,
Journées franco-suisses de droit bancaire - Université de Strasbourg, 19 février 2010, Revue Lamy du Droit des
Affaires, mai 2010, n° RLDA 2876, p. 55.
550
Cass. Com. 25 janvier 2005. Syndicat des copropriétaires "les sommets de l'Anse Mitan". N°: 03-14693. Bull.
civ. n°13. «Une banque ayant accordé un crédit confirmé pour la garantie d'achèvement d'un immeuble dont la
construction ultérieurement abandonnée par le promoteur avait obligé les copropriétaires à supporter des
paiements supplémentaires, viole l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier, ensemble l'article 10 du
Code civil, la cour d'appel qui, aux motifs que le demandeur justifie d'un intérêt légitime et que le secret bancaire
n'est pas opposable par le banquier lorsque la demande est dirigée contre lui, ordonne à cette banque de
communiquer au syndicat des copropriétaires les factures et justificatifs des sommes encaissées et décaissées,
alors que s'il est légitime d'exiger de la banque qu'elle démontre avoir délivré le crédit confirmé, en revanche, en
tant qu'ils étaient relatifs au fonctionnement d'un compte bancaire ou susceptibles de comporter des informations
dont la banque avait eu connaissance dans l'exercice de son activité, les documents réclamés pour permettre
d'établir la destination donnée aux fonds perçus par le promoteur pour construire la résidence inachevée étaient
couverts par le secret bancaire, dont le syndicat n'était pas bénéficiaire et qui constituait un empêchement
légitime opposable au juge civil, hors les cas prévus par la loi, qui n'étaient pas réalisés en l'espèce, ce dont il se
160
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
S'agissant du secret des affaires, la seconde chambre civile de la Cour de Cassation retient - en
matière de concurrence déloyale et pratiques restrictives551 - que « le secret des affaires ne constitue
pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile,
dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la
protection des droits de la partie qui les a sollicitées »552. Il faudrait nuancer cette approche, au regard
des conclusions de la conférence de consensus judiciaire engagée sur le sujet, aux termes de
laquelle il est de bonne pratique de refuser le référé-expertise lorsque l'intérêt légitime d'une
partie à la protection du secret des affaires peut être compromis553.
227. Filtrage des secrets d'affaires . Afin de contourner l'obstacle du secret des affaires, la
pratique de l'expertise civile a élaboré une procédure originale de filtrage assurant l'équilibre
entre droit à la preuve de la victime et protection de la confidentialité des informations
sensibles étrangères au litige. L'expertise de filtrage consiste à demander la nomination d'un
affaire afin qu'il consulte une catégorie de documents détenus par l'adversaire, et réalise un tri
afin de sélectionner les documents pertinents. L'expert peut aussi avoir pour mission d'occulter
certaines informations dans les documents consultés afin de préserver le secret des affaires.
Le premier exemple remonte à l'affaire SEMAVEM contre Darty554. Dans cette affaire, la
SEMAVEM estimant avoir été victime de pratiques anticoncurrentielles de la société Darty,
avait obtenu la désignation d'un expert afin de se faire remettre tous documents utiles. Selon
le moyen soulevé par Darty en cassation, « la mission d’un expert ne pouvait s’étendre à la description
des secrets d’affaires ». La chambre commerciale rejette le pourvoi au motif que le juge du fond a
légalement justifié sa décision au regard de l'article 145, en donnant mission à l'expert de se
faire remettre tous documents utiles, dès lors que l'expert « toutes les garanties de technicité, de
déduit que, bien qu'ayant la qualité de partie au litige, la banque était fondée à l'opposer pour refuser la
communication sollicitée».
551
En matière de concurrence déloyale par désorganisation: Cass. Civ. 2ème 8 février 2006. Aegis c. KR media.
N°: 05-14198. Bull. civ. n°44.
552
Cass. Civ. 2ème 7 janvier 1999. Gauduel Grenoble Nord c. Vericar. N°: 95-21934.Bull. civ. n°4. Rejet du
pourvoi contre l'ordonnance autorisant l'huissier à se faire remettre par la société Vericar tous les documents
relatifs aux véhicules Ford qu'elle avait acquis ainsi que le livre de police, registre sur lequel sont enregistrés les
achats et ventes de véhicules avec les prix d'achat et de revente.
553
C. TROCHAIN et B. MAUROY, «Dans quels cas, le juge est-il conduit à refuser une expertise au stade
précontentieux?», in Conférence de consensus judiciaire: Les bonnes pratiques juridictionnelles de
l’expertise civile, novembre 2007, en ligne : <www.courdecassation.fr>, accès : 14/01/2012.. «le juge des
référés saisi sur le fondement de l’article 145 NCPC, ne pourra refuser l’expertise sollicitée que dans l’une des
hypothèses suivantes : […] si les intérêts légitimes de la partie adverse peuvent être compromis (secret des
affaires, de fabrication, atteinte à la vie privée, recherche illicite de moyens de preuve). […] L’usage de
l’ordonnance sur requête pour ordonner une expertise […] est strictement limité au cas où le respect de la
procédure contradictoire du référé compromettrait la recherche de la preuve (risque de destruction ou de
falsification de documents comptables par exemple)».
554
Cass. Com. 18 mai 1981. SEMAVEM c. Darty. N° 79-17092.
161
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
rapidité et de secret pour procéder conformément à la mission qui lui était confiée »555. La pratique est
courante, surtout dans les domaines voisins de l'expertise de gestion556, ou de la saisie-
contrefaçon557. Un praticien explique en ce sens, que lorsqu'il existe un risque concernant la
divulgation de secrets d'affaires, « avant de se tourner vers le magistrat, [l'expert] a la possibilité de
proposer aux parties, si elles en sont d’accord, de prendre connaissance seul de l’ensemble des informations et de
ne communiquer que le résultat de ses travaux »558. David ZNATY – expert auprès du Tribunal de
Commerce de Paris confirme que « lorsque des parties se refusent à divulguer des données confidentielles,
une règle s’est instaurée. Des tiers de confiance, généralement des experts judiciaires, assistent les parties et
participent à des réunions confidentielles »559.
555
Cass. Com. 18 mai 1981. SEMAVEM c. Darty. N° 79-17092. Bull. civ. n°239.
556
Cass. Com. 26 nov. 1996. N° 94-16432. Bull. civ. n°293. «l'expert […] peut procéder seul à certaines
constatations dans la comptabilité et les documents remis en consultation par la société, sans qu'au cours de
l'expertise ceux-ci soient communiqués aux demandeurs, dès lors que le rapport qu'il est chargé de présenter est
destiné à fournir tous les éléments utiles à l'information sur la ou les opérations de gestion en cause».
557
P. VÉRON, «Le secret dans les procédures juridictionnelles en matière de propriété industrielle»,
in Propriété industrielle et secret, 25ème anniversaire du GRAPI - 4 avril 1995, en ligne : <www.veron.com>..
«La pratique a imaginé un certain nombre de solutions qui, dans l'ensemble, donnent satisfaction. […] les parties
acceptent tout à fait que l'expert se livre seul à certaines investigations (contrôle comptable, par exemple) sur des
documents confidentiels à condition qu'il en rende compte lors d'une réunion d'expertise ultérieure. […] On peut
observer que la situation du conseil appelé à connaître d'informations confidentielles qui lui sont communiquées
sous le sceau du secret par la partie adverse n'est pas facile. Il lui faudra expliquer à son propre client qu'il ne
peut lui révéler toutes ces informations et qu'il doit, en quelque sorte, les filtrer».
558
A. QUARTNER, «Communication des pièces», in L’Expertise judiciaire : du bon usage des articles 275 et
276 du Code de procédure civile, Conseil National des Barreaux - Conseil National des Compagnies des
Experts de Justice - Grand'Chambre Cour de Cassation - 18 mars 2011, p. 22, en ligne : <www.cnb.fr>, accès :
14/01/2012.
559
D. ZNATY, «Le principe de contradiction dans les opérations d'expertise - Table Ronde», in L’Expertise
judiciaire : du bon usage des articles 275 et 276 du Code de procédure civile, Conseil National des Barreaux
- Conseil National des Compagnies des Experts de Justice - Grand'Chambre Cour de Cassation - 11 mars 2011,
en ligne : <www.cnb.fr>, accès : 14/01/2012.
560
Tribunal de Commerce de Paris. 1er juillet 2009. SA Brandalley c. SAS Vente-Privée.com. RG n°
2009027591.
561
BrandAlley, «Dossier de presse: présentation BrandAlley Décembre 2008», Espace Presse, brandalley.fr,
en ligne : <www.brandalley.fr>, accès : 13/01/2012.
162
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
reçoit 3.9 millions de visiteurs par mois, pour un chiffre d'affaires de près de 1 milliard d'euros
en 2010. BrandAlley totalisait pour sa part 2.3 millions de visiteurs par mois, pour un chiffre
d'affaires de 50 millions d'euros en 2009 562. Le secteur du déstockage en ligne est en pleine
croissance, et les sites se multiplient sans vraiment inquiéter le leader Vente-Privée563. La force
de Vente-Privée réside dans les contrats d'exclusivité qu'elle se voit consentir par les marques
pour pratiquer des ventes à prix cassés. BrandAlley n'a pu pénétrer sur le marché qu'en
contournant l'exclusivité comme le rapporte son dirigeant Sven Lung: « J’ai découvert, en épluchant
leurs contrats, qu’on pouvait contourner la clause d’exclusivité puisqu’elle concernait uniquement les ventes
flash »564. À la différence de Vente-Privée - dont le modèle consiste à écouler les marchandises
en faisant une offre promotionnelle limitée dans le temps - BrandAlley propose un rabais
permanent. C'est dans ce contexte que BrandAlley a engagé une action indépendante en abus
de position dominante contre Vente-Privée, du fait de la barrière à l'entrée que constitueraient
les clauses d'exclusivité. La mission de l'expert est définie de la manière suivante dans l'affaire
BrandAlley:
562
A. CORDONNIER, «Sven Lung, PDG de Brandalley.fr : les paris du Petit Poucet de la vente privée sur
Internet», Capital.fr, en ligne : <www.capital.fr>, accès : 13/01/2012.
563
Jacques-Antoine Granjon détenait un patrimoine de 600 millions d'euros en 2010 (65 ème fortune française:
classement Challenges). Source: Agence France Presse, «Qui est Jacques-Antoine Granjon, patron de vente-
privée.com, roi des démarques sur internet?», Economie, 20 minutes, en ligne : <www.20minutes.fr>, accès :
13/01/2012.
564
A. CORDONNIER, «Sven Lung, PDG de Brandalley.fr : les paris du Petit Poucet de la vente privée sur
Internet», Capital.fr, en ligne : <www.capital.fr>, accès : 13/01/2012.
163
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
dissimulation. Comme le font remarquer les juges du Tribunal de Commerce de Paris « pour
autant qu'il y aurait lieu à investigations tant le conseil de la concurrence que la Commission Européenne […]
disposent de moyens sans commune mesure avec ceux dont est investi un expert désigné par un tribunal civil de
l'ordre judiciaire »565. Lorsque les sanctions civiles sont impuissantes à vaincre la résistance de
l’adversaire, il n’y a pas d’autre choix que de se tourner vers les moyens coercitifs offerts par la
procédure administrative.
565
Tribunal de Commerce de Paris (1ère ch.) 28 octobre 2002, SA CERP c. SA Lilly France. RG n°
2000089900.
164
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
566
D. BLANC et C. LEMAIRE, «Un nouvel essor des relations entre le Conseil de la concurrence et les
juridictions en droit de la concurrence, JCP E, 9 nov. 2006 n° 45 , p. 1879.», La Semaine Juridique édition
Entreprises et Affaires, 9 novembre 2006, n° 45, étude 2590, p. 1879.
567
W. WILS, «The Relationship between Public Antitrust Enforcement and Private Actions for Damages»,
World Competition, mars 2009, vol. 32, n° 1. «Follow-on actions for damages could be further facilitated by
allowing the claimants to have access to the public enforcement file. Even if claimants need not prove anymore
the existence of the antitrust violation, they may want to look in the public enforcement file for information that
could be used for proving the extent of the harm suffered».
568
S. CHOLET, «Utilisation des éléments obtenus dans le cadre de la procédure de concurrence dans le cadre
des actions indemnitaires», Revue Lamy de la Concurrence, janvier-mars 2012, n° 30, RLC 1976, p. 27.
569
CJUE (gde ch.) 14 juin 2011. Pfleiderer AG c. Bundeskartellamt. affaire C‑360/09 : Rev. Contrats Conc.
Conso. 2011/8, comm. 198; Europe 2011/8, comm. 308 ; RLDC 2012/30 p. 146 et Concurrences 3/2011 p. 177.
570
Tribunal UE (4ème ch.) 22 mai 2012. EnBW Energie Baden-Württemberg AG c. Commission européenne.
Aff. T-344/08 : Rev. Contrats Conc. Conso. 2012/7, comm. 182 ; Europe 2012/7, comm. 280.
165
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
231. Lorsque le demandeur à la réparation dispose d'une décision préalable, deux cas de
figure peuvent se présenter, selon que la décision préalable procède à la qualification juridique
des comportements en cause - et s'impose à la juridiction civile - ou au contraire, que la
décision préalable ne qualifie pas les faits, contraignant le demandeur à rapporter la preuve de
l'infraction. Dans le premier cas, le demandeur peut se reposer sur l'autorité de la décision
d'infraction, mais aura intérêt à demander la production des documents détenus par l'autorité
de concurrence afin d'établir son préjudice. Dans le second cas, la décision préalable n'a pas
force probante, et le demandeur cannibalisera l'enquête administrative pour établir la preuve de
l'infraction, en s'appuyant sur le régime civil d'obtention des pièces détenues par les tiers. Ainsi,
la victime ne pourra pas se prévaloir de l'autorité d'une décision préalable d'infraction lorsque la
procédure publique s'est conclue par une décision d'acceptation d'engagements. Une décision
d'engagements de l'article 9 du règlement 1/2003 ne contient aucun constat d'infraction et ne
peut donc avoir une quelconque autorité 571.
232. Autorité de la concurrence . En droit français, les demandes sont régies par les
principes de droit commun de l'obtention des pièces détenues par un tiers. En application de
l'article 138 CPC, « si dans le cours d'une instance, une partie entend faire état […] d'une pièce détenue par
un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner […] la production […] de la pièce », dans la
mesure où « il n'existe pas d'empêchement légitime » au sens de l'article 11 CPC. Trois types de
considérations constituent un empêchement légitime à la production des pièces: le secret des
affaires, le secret de l'instruction et la protection de l'efficacité des programmes de clémence.
571
En ce sens: K. DEKEYSER, R. BECKER et D. CALISTI, «Impact of public enforcement on antitrust
damages actions: Some likely effects of settlements and commitments on private actions for damages»,
in European Competition Law Annual 2008: Antitrust Settlements Under EC Competition Law, 13th
Annual EU Competition Law and Policy Workshop European University Institute, édité par C.-D.
EHLERMANN et M. MARQUIS, Hart Publishing, 2009. «An article 9 decision does not contain any finding of
an infringement and therefore cannot have binding effect on national courts as regards the existence of any such
infringement».
572
TPICE, 6 juill. 2006, Franchet et Byk c. Commission, aff. T-391/03 et T-70/04: RLC 2006/9, n° 656.
166
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
un risque raisonnablement prévisible et non pas hypothétique 573. La Commission doit justifier
concrètement d’une atteinte grave et effective au processus décisionnel, sans pouvoir se
retrancher derrière des considérations générales qui ne seraient pas « étayées par des
argumentations circonstanciées au regard des documents en cause »574 et 575.
L'exception pénale de divulgation d'une information couverte par le secret de l'instruction est
une question complètement distincte de l'injonction civile de production dirigée contre
l'Autorité de la concurrence. Quoique l’obligation d’apporter son concours à la manifestation
573
TPICE, 4 sept. 2008, My Travel c. Commission, aff. T-403/05: RLC 2009/18, n° 1307. Et CJUE (1ère Ch.) 21
juillet 2011, Royaume de Suède et My Travel c. Commission Européenne, aff. C 506/08 P.
574
Tribunal UE (4ème ch.) 22 mai 2012. EnBW Energie Baden-Württemberg AG c. Commission européenne.
Aff. T-344/08 , §162 et s. : « selon une jurisprudence constante, l’application de cette exception suppose qu’il
soit démontré que l’accès aux documents sollicités était susceptible de porter concrètement et effectivement
atteinte à la protection du processus décisionnel de la Commission et que ce risque d’atteinte était
raisonnablement prévisible et non purement hypothétique […] pour relever de l’exception prévue à l’article 4,
paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en
est notamment ainsi lorsque la divulgation des documents visés a un impact substantiel sur le processus
décisionnel. Or, l’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, notamment des
effets négatifs sur le processus décisionnel invoqués par l’institution quant à la divulgation des documents visés
[…] ces justifications sont invoquées de manière générale et abstraite, sans être étayées par des argumentations
circonstanciées au regard du contenu des documents en cause. De telles considérations sont ainsi susceptibles
d’être invoquées à propos de n’importe quel document de même nature. Dès lors, elles ne sauraient suffire à
justifier le refus d’accès aux documents sollicités en l’espèce, sous peine de porter atteinte au principe
d’interprétation stricte des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 ».
575
Principes identiques en matière de concentrations : CJUE (3ème ch.) 28 juin 2012, Commission européenne c.
Ed. Odile Jacob, Aff. C-404/10P.
576
Cass. Com. 29 juin 2007, Décision relative au secteur de la téléphonie mobile, n° 07-10303; Cass. Com. 19
janvier 2010, SEMAVEM c. JVC, n° 08-19761.
577
Code de Commerce. Art. 463-6: «Est punie des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, la divulgation
par l'une des parties des informations concernant une autre partie ou un tiers et dont elle n'a pu avoir
connaissance qu'à la suite des communications ou consultations auxquelles il a été procédé».
578
Code Pénal. Art. 226-13: «La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie
d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende».
579
Cass. Com. 19 janvier 2010, SEMAVEM c. JVC, n° 08-19761. «Le principe du respect des droits de la
défense ne justifie la divulgation, dans un procès civil, d’informations couvertes par le secret de l’instruction
devant l’Autorité de la concurrence, que si cette divulgation, incriminée par l’article L. 463-6 du code de
commerce, est nécessaire à l’exercice de ces droits».
167
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de la vérité s’impose aussi bien aux personnes privées qu’aux personnes publiques 580, le secret
de l'instruction constitue en principe un empêchement légitime s'opposant à ce qu'un juge
ordonne l'obtention des pièces détenues par l'Autorité de la concurrence, dans le cadre d'une
procédure en cours. Bien évidemment, le secret de l'instruction cesse d'être un empêchement
légitime lorsque l'instruction est terminée et que l'Autorité a adopté une décision. À ce
moment, l'empêchement légitime disparaît et rien ne s'oppose plus à la transmission du
dossier détenu par l'Autorité, hormis la protection du secret des affaires.
235. Secret des affaires . Le secret des affaires est défini de manière large comme étant
toute information dont la divulgation nuirait « gravement » aux intérêts de l'entreprise581. Les
parties ont accès au dossier sous réserve de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs
secrets d'affaires ne soient pas divulgués 582, conformément à la jurisprudence AKZO583. Les
parties auront alors accès à une version non confidentielle 584.
236. Le régime interne est substantiellement identique. Dans le cadre des procédures
engagées devant l'Autorité de la concurrence, l'article L463-4 Code de Commerce prévoit que
les parties ont droit à la communication d'une version non confidentielle des pièces mettant en
jeu le secret des affaires585. La jurisprudence civile protège similairement le secret des affaires
580
Cass. Civ. 1ère , 21 juill. 1987: RTD civ. 1988. 393, obs. R. Perrot. «L’obligation d’apporter son concours à la
justice pour la manifestation de la vérité s’impose aussi bien aux personnes publiques qu’aux personnes privées,
et le juge civil, dès lors qu’il est compétent pour connaître du litige à l’occasion duquel une partie lui demande
d’ordonner à un tiers de produire un élément de preuve, peut, sans méconnaître le principe de la séparation des
pouvoirs, prescrire une telle mesure, même si le tiers est une personne publique ; le ministre des postes et
télécommunications n’est donc pas fondé à reprocher à une cour d’appel d’avoir violé le principe précité en lui
demandant de communiquer le nom et l’adresse d’un abonné au téléphone figurant sur la liste rouge». Mais
empêchement légitime à la demande d'obtention dirigée contre l’Ordre des médecins statuant en matière
disciplinaire: Cass. Civ. 1ère , 21 juin 1988: Defrénois 1987. 1253, rapp. et note P. Sargos.
581
Commission Européenne. Communication relative aux règles d'accès au dossier de la Commission dans les
affaires relevant des articles 81 et 82 du traité CE. JOUE 22 décembre 2005. 2005/C 325/07. §17 et 18.
582
Règlement (CE) n° 1/2003 du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues
aux articles 81 et 82 du Traité: JOCE 4 janvier 2003. Article 27.
583
CJCE. 24 juin 1986, Akzo Chemie, aff. 53/85: Rec. p. 1965. Spéc. § 27 et 28: « La Commission peut
communiquer [au tiers plaignant] certaines informations couvertes par le secret professionnel, pour autant que
cette communication soit nécessaire au bon déroulement de l'instruction. Toutefois cette faculté ne vaut pas pour
toute espèce de documents qui, par leur nature, sont couverts par le secret professionnel. [Un principe général du
droit communautaire régissant la procédure administrative] impose à la Commission l'obligation de tenir compte
de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués ».
584
Par exemple, dans l'affaire du Cartel Lombard s'agissant de la communication de la version non confidentielle
des griefs à un parti politique en tant que consommateur final subissant un préjudice du fait d'une entente
anticoncurrentielle: TPICE (5ème Ch.) 7 juin 2006, Österreichische Postsparkasse, aff. T-213/01.
585
Code de Commerce. Article L463-4: «sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces
documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause, le rapporteur général de
l'Autorité de la concurrence peut refuser à une partie la communication ou la consultation de pièces ou de
certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires d'autres personnes. Dans ce cas,
une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause lui sont accessibles».
168
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
sur le fondement des articles 11 et 138 CPC. Le secret des affaires constitue un empêchement
légitime conduisant à ordonner la production de versions non-confidentielles expurgées de
toutes données sensibles586.
237. Tribunal de commerce de Paris . Les jugements rendus par la quinzième chambre
du Tribunal de Commerce de Paris dans les affaires Ma Liste de Courses 587 et Eco-
Emballages588 manifestent une approche extrêmement libérale du droit à la preuve dans le cadre
de l'action en réparation des infractions au droit de la concurrence. Il convient de revenir sur le
contexte factuel des deux affaires, avant d'exposer la solution retenue.
239. Affaire ECO-EMBALLAGE. La société DKT exerce une activité de reprise de déchets
ménagers en plastique en vue de leur valorisation. En 2006, s'estimant victime de pratiques
tendant à son éviction du marché, elle a introduit une plainte devant l'Autorité de la
concurrence contre Eco-Emballage et Valorplast, qui sont les opérateurs historiques du secteur.
L'enquête a débouché sur l'acceptation d'engagements 589. Conformément à l'article L464-2
586
Pour une injonction à la DGCCRF de produire une version d'un rapport d'enquête expurgée «des éléments de
nature confidentielle relevant du secret des affaires»: Tribunal de Commerce de Versailles, 18 juin 1999, Usines
Merger c. Giat Industries. V. Conseil de la Concurrence. Avis n° 03-A-12 du 15 juillet 2003.
587
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 24 août 2011, Ma Liste de Courses c. HighCo, RG n°
2011014911: Jurisdata 2011-018245. Lire D. BOSCO, «Des interactions entre la procédure d'engagements
devant l'Autorité et les actions privées en indemnisation devant le juge judiciaire», Contrats Concurrence
Consommation, octobre 2011, n° 10, comm. 221.
588
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 16 mars 2012, DKT International c. SA Eco-Emballages. RG n°
J012000109.
589
Autorité de la Concurrence. Décision n° 10-D-29 du 27 septembre 2010 relative à des pratiques mises en
œuvre par les sociétés ECO-EMBALLAGES et VALORPLAST dans le secteur de la reprise et de la valorisation
des déchets d'emballages ménagers plastiques.
169
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Les juges consulaires ont balayé les deux premiers moyens tirés de l'empêchement légitime et
des règles d'accès aux documents administratifs, en retenant que
170
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
C'est à bon droit que la juridiction consulaire en a conclu que « le demandeur à l'instance peut
solliciter la communication d'informations qui ne portent que sur des versions non confidentielles des documents
contenus dans le dossier d'instruction de l'Autorité », en application de l'article 138 du Code de
Procédure Civile, sans que l'Autorité de la concurrence puisse invoquer un empêchement
légitime591.
242. Arrêt SEMAVEM. Le troisième argument sur l'interdiction pénale de divulgation est
plus tortueux. L'article L463-6 Code de Commerce réprime « la divulgation par l'une des parties des
informations concernant une autre partie ou un tiers et dont elle n'a pu avoir connaissance qu'à la suite des
communications ou consultations auxquelles il a été procédé » dans le cadre d'une procédure
administrative d'infraction de concurrence. L'argument consiste à dire que la demande
d'obtention des pièces détenues par l'Autorité de la concurrence s'apparente en réalité à un
détournement de procédure visant à contourner l'interdiction de divulgation qui ne peut être
justifiée – selon la jurisprudence SEMAVEM – que si elle est « nécessaire à l'exercice des droits de la
défense » 592.
Les juges de la 15ème chambre ont estimé que l'argument était recevable mais mal fondé, dans
la mesure où « [le demandeur] qui allègue de la nécessité de l’ensemble des pièces à la démonstration de ses
droits, ne pourra achever sa démonstration de l’intérêt des pièces dont elle a sollicité la transmission par
l’Autorité à l’exercice de ses droits qu’une fois ces pièces officiellement transmises à ce tribunal »593.
591
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 16 mars 2012, Ma Liste de Courses c. HighCo, RG n°
2011014911.
592
Cass. Com. 19 janvier 2010. SEMAVEM c. JVC. N° de pourvoi: 08-19761.«le principe du respect des droits
de la défense ne justifie la divulgation, dans un procès civil, d’informations couvertes par le secret de
l’instruction devant le Conseil de la concurrence devenu l’Autorité de la concurrence, que si cette divulgation,
incriminée par l’article L463-6 du code de commerce, est nécessaire à l’exercice de ces droits».
593
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 16 mars 2012, Ma Liste de Courses c. HighCo, RG n°
2011014911.
594
C. LEMAIRE et S. NAUDIN, «Production de pièces devant le juge judiciaire (note sous Ma Liste de Courses
c. HighCo)», Revue Concurrences, 4-2011, p. 178.
171
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Le Tribunal de Commerce aurait pu se contenter de rester sur le terrain de l'article 138 CPC
en vérifiant la réunion de ses conditions d'application telles que définies par la jurisprudence
civile. En premier lieu, les documents faisant l'objet de la demande doivent être suffisamment
déterminés, comme c'était le cas en l'espèce, par référence aux cotes du dossier de l'Autorité.
En second lieu, la mesure de production ordonnée par le juge doit présenter un caractère
indispensable à la manifestation de la vérité, en l'absence d'alternative pour se procurer la
pièce visée596. La subsidiarité de la mesure est ici vérifiée du fait de l'incrimination pénale de la
divulgation. Enfin, la pièce dont la production est demandée doit rendre vraisemblable le fait
allégué, et être utile au succès de la prétention 597. Il est patent que les préoccupations de
concurrence relevées par l'Autorité rendent vraisemblables les pratiques anticoncurrentielles
alléguées par les demanderesses.
243. L'Autorité de la concurrence joue un rôle auxiliaire pour l'établissement du préjudice (I),
dans la limite de la préservation de l'efficacité des programmes de clémence (II).
595
G. FABRE, «Secret de l'instruction et contentieux indemnitaire», Revue Lamy de la Concurrence, janvier-
mars 2012, n° 30, RLC 2007, p. 98.
596
CA Versailles, 14 sept. 1989, Gaz. Pal. 1990, somm. 155 : la partie avait tout d’abord demandé au tiers de lui
remettre la pièce, mais le tiers avait opposé un refus.
597
Cass. Civ. 2ème 10 févr. 1993, n° 91-18.675: Bull. civ. n° 61.
172
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
244. Consensus. Il existe un certain consensus entre les associations de consommateurs, les
organisations patronales afin de développer le rôle auxiliaire des autorités de concurrence dans
l'établissement du préjudice. Le Groupe Consultatif Européen des Consommateurs (GCEC) a
adopté en novembre 2010, un rapport sur la réparation des dommages causés aux
consommateurs par les infractions au droit de la concurrence. Le rapport retient que:
« Bien qu’il ne soit pas nécessaire de démontrer que l’entente en cause en l’espèce
s’est traduite par un surprix, il convient toutefois de constater que plusieurs éléments
concordants attestent du caractère certain et important d’un surprix sur le marché de
598
European Consumer Consultative Group (ECCG), Opinion on private damages actions, DG SANCO,
Commission Européenne, nov. 2010, en ligne : <http://ec.europa.eu/consumers/empowerment/eccg_en.htm>.
«innovative and practical solutions to the calculation of damages are needed to replace the often impossible task
of calculating the exact loss. Consumer organisations believe it should be possible to rely on a reasonable
estimate of an overcharge. Furthermore, Competition authorities should be required to make such an assessment
and include this in their public decisions». p. 3.
599
European Consumer Consultative Group (ECCG), Minutes of the ECCG Competition Subgroup meeting
Brussels, 9 November 2010, DG SANCO, Commission Européenne. «Liza Bellulo from the French competition
authority confirmed that France supports the principle of collective damage action for breach of antitrust rules.
She suggested that NCAs' decisions could also be used as evidentiary facts before a court in determining the
overprice suffered by consumers».
600
MEDEF, Réponse du MEDEF à la consultation de la Commission Européenne relative au projet de document
d'orientation sur la quantification du préjudice dans les actions en dommages-intérêts, Direction des affaires
juridiques, septembre 2011. p. 2. «Le MEDEF considère que les autorités de concurrence doivent attacher le plus
grand soin aux études économiques qui sous-tendent leurs décisions […] dans la perspective d’éventuelles
actions civiles en réparation. […] En dépit de la charge de travail supplémentaire que de telles analyses ne
manqueraient pas de représenter, cela constituerait un emploi raisonnable de ses ressources, tant pour renforcer
la légitimité de sa politique de sanctions que dans la perspective d’actions civiles. Ce type d’examen pourrait être
circonscrit à certains aspects de la quantification du dommage […] par nature une telle analyse impliquerait une
étude de l’efficacité du cartel et ses répercussions éventuelles».
601
S. CHOLET, «Utilisation des éléments obtenus dans le cadre de la procédure de concurrence dans le cadre
des actions indemnitaires», Revue Lamy de la Concurrence, janvier-mars 2012, n° 30, RLC 1976, p. 27.
173
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
246. Cette stratégie apparaît prometteuse, propre à instaurer une complémentarité bénéfique
entre la procédure publique et les procédures privées subséquentes. Le risque principal réside
toutefois dans l'affaiblissement des programmes de clémence. Bruno LASSERRE observait en ce
sens que « toutes les autorités dotées de programme de clémence ont intérêt à ne pas anéantir la procédure par
une divulgation des informations confidentielles communiquées par les postulants à la clémence »603. Dans
l'attente d'une initiative législative, la régulation de l'accès aux documents doit être effectuée au
cas par cas, dans le cadre des principes dégagés par la Cour de Justice dans les affaires
PFLEIDERER (A) et HYDROGEN PEROXIDE (B).
A- Affaire Pfleiderer
602
Autorité de la Concurrence. Décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en
oeuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale. §366 et 373.
603
B. LASSERRE, «Propos Introductifs», in Clémence et transaction en matière de concurrence: Premières
expériences et interrogations de la pratique, Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris - CREDA - 19
janvier 2005, Gazette du Palais, 14-15 octobre 2005, n° 287/288..
174
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
247. Arrêt PFLEIDERER. Pfleiderer AG604 est un client du cartel605 du papier décoratif
(Dekorpapier) condamné le 21 janvier 2008 par le Bundeskartellamt (BkartA) à une amende de
62 millions d'euros. L'enquête a été exceptionnellement rapide, puisqu'elle a été ouverte par des
perquisitions en novembre 2007 pour se conclure trois mois plus tard seulement 606. Pfleiderer
estime avoir acheté 60 millions d’euros de fournitures aux fabricants de papiers décors sur la
période 2005-2007. Souhaitant préparer une action en responsabilité civile contre les membres
du cartel, Pfleiderer a demandé au BKartA par lettre du 26 février 2008, un accès complet au
dossier.
Le BKartA a fourni une version anonyme de la décision et une liste des éléments de preuve
recueillis lors des perquisitions, et a refusé par lettre du 14 octobre 2008 l'accès aux demandes
de clémence et documents volontairement communiqués par les entreprises poursuivies. La
réponse du BKartA est conforme à son programme de clémence 607 publié en 2006. Le point
22 de la communication dispose que « en règle générale, le Bundeskartellamt usera de sa marge
d'appréciation prévue par la loi pour refuser les demandes de renseignements et d'accès aux dossiers faites par
des personnes tiers [sic] dans la mesure où ces demandes portent sur des informations et des éléments de preuve
fournis dans le cadre d'une demande de réduction totale ou partielle de l'amende ». Pfleiderer a contesté le
refus du BKartA devant la Cour de district de Bonn (Amstgericht- AG) sur le fondement de
l’article 406e du code de procédure pénale allemand 608 en vertu duquel l'avocat de la victime
d'une infraction peut consulter le dossier détenu par le ministère public. La Cour de Bonn a
alors saisi la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle 609.
175
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
possession qui pourraient être produits en justice pour aider ladite partie à faire
valoir ses prétentions en matière civile à l’encontre d’un membre d’une entente
contraire à l’article 101 TFUE »610.
Le principe se fonde sur le droit fondamental à un recours effectif, garanti par l’article 47 de la
Charte des Droits Fondamentaux et l’article 6, paragraphe 1, de la Convention Européenne de
sauvegarde des Droits de l'Homme. Le principe admet ainsi une exception d'ordre public
tenant à la préservation du « caractère attractif des programmes de clémence » conduisant selon
l'Avocat Général à refuser « [l']accès aux déclarations présentées par un candidat à la clémence qui
contribuent volontairement à sa propre incrimination ». En vertu de cette mise en balance entre droit à
un recours effectif et efficacité de l'interdiction des restrictions des ententes, les conclusions
de l'Avocat Général établissent une ligne de partage nette entre, d'une part documents
préexistants qui existent indépendamment de la procédure de clémence et d'autre part
déclarations auto-incriminantes qui sont le résultat direct de la coopération de l'auteur de
l'infraction avec l'autorité611. Le critère établi par l'avocat général MAZÁK est
chronologiquement facile à manier. Tous les documents antérieurs au déclenchement de la
procédure de clémence doivent être communiqués. Tous les documents produits
postérieurement par la coopération de l'entreprise dans le cadre de la procédure de clémence
sont incommunicables.
La Cour - réunie en formation plénière - n'a pourtant pas retenu le critère proposé par son
avocat général, laissant aux juridictions nationales le soin d'apprécier, au cas par cas,
l'opportunité de l'accès aux documents obtenus dans le cadre d'une procédure de clémence.
Selon la solution:
610
CJUE. Conclusions de l’Avocat Général M. Ján Mazák présentées le 16 décembre 2010. Affaire C 360/09
Pfleiderer AG contre Bundeskartellamt. §37
611
CJUE. Conclusions de l’Avocat Général M. Ján Mazák présentées le 16 décembre 2010. Affaire C 360/09
Pfleiderer AG contre Bundeskartellamt. Spéc. §44 à 47
176
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
conditions dans lesquelles un tel accès doit être autorisé ou refusé en mettant en
balance les intérêts protégés par le droit de l’Union »612.
Pour les avocats Michel ROSEAU et Fayrouze MASMI-DAZI, cette approche casuistique est
source d'insécurité juridique613. L'interaction entre actions en dommages et intérêts et
programmes de clémence est à la recherche progressive d'un point d'équilibre. Le Réseau
Européen de Concurrence (ECN) a adopté une résolution en mai 2012 tendant à réaffirmer la
protection des documents recueillis dans le cadre des programmes de clémence « autant que
possible, dans la mesure nécessaire pour assurer leur efficacité »614. Et le Commissaire ALMUNIA a
annoncé en juin 2012 l'adoption d'une initiative législative prochaine 615.
248. La Commission Européenne a condamné en 2006 l'entente sur les prix et la réduction
des capacités de production du cartel du peroxyde d'hydrogène616, utilisé pour le blanchiment
du papier. Le montant de l'amende s'élevait à 388 millions d'euros. Cartel Damages Claims
Hydrogen Peroxide (ci-après "CDC Hydrogen Peroxide") est une société spécialisée dans le
recouvrement des créances des papeteries clientes du cartel. Le 16 mars 2009, elle a introduit
une action indemnitaire contre les membres du cartel 617 devant le Landgericht Dortmund618.
CDC Hydrogen Peroxide s'est désistée de son action contre l'une des entreprises défenderesses
612
CJUE (Gde. Ch.) 14 juin 2011, Pfleiderer c. Bundeskartellamt, Aff. C-360/09.
613
M. ROSEAU et F. MASMI-DAZI, «L'arrêt Pfleiderer ou la mise en balance des intérêts protégés par la
clémence avec le droit à réparation des victimes», Revue Lamy de la Concurrence, janvier-mars 2012, n° 30,
RLC 2017, p. 146.
614
European Competition Network, Protection of leniency material in the context of civil damages actions, Joint
Resolution, Meeting of Heads of the European Competition Authorities, 23 mai 2012, en ligne :
<www.ec.europa.eu>. «as far as possible under the applicable laws in their respective jurisdictions and without
unduly restricting the right to civil damages, CAs take the joint position that leniency materials should be
protected against disclosure to the extent necessary to ensure the effectiveness of leniency programmes».
615
J. ALMUNIA, «Speech of Vice President of the European Commission responsible for Competition Policy»,
in Antitrust enforcement: Challenges old and new, 19th International Competition Law Foru (St. Gallen), 8
juin 2012, en ligne : <www.europa.eu>, SPEECH/12/428. «We are committed to protecting our leniency policy
following last year’s Pfleiderer judgment. This is a matter of common concern for Europe’s public enforcers.
Just a few weeks ago, the heads of the agencies associated in the European Competition Network adopted a joint
resolution on the protection of leniency material in the context of damage actions. But we are seeking a more
general solution. I intend to propose legislation later this year that will strike the right balance between the
protection of leniency programmes and the victims’ rights to obtain compensation».
616
Commission Européenne, 3 mai 2006, Hydrogen Peroxide, COMP/F/39.620.
617
Evonik Degussa GmbH, Essen, Germany. Solvay SA/N.V., Brussels, Belgium. Arkema SA, Paris, France.
Akzo Nobel N.V., Amsterdam, Netherlands. Kemira Oyj, Helsinki, Finland. FMC Foret SA, Sant Cugat del
Vallés (Barcelona), Spain.
618
Cartel Damages Claims, «Press Release (10/12/2010): First Hearing into the Action for Antitrust Damages
Brought by CDC Hydrogen Peroxide SA Against Members of the Hydrogen Peroxide Cartel Before the
Regional Court of Dortmund on 16 December 2010», en ligne : <www.carteldamageclaims.com>.
177
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
La demande a été rejetée en août 2008 au motif que la divulgation de la table des matières
nuirait aux intérêts commerciaux des entreprises concernées, portant atteinte au secret des
affaires, ainsi qu'à la protection du processus décisionnel de la Commission et des objectifs
des activités d’enquête. La Commission s'est donc limitée à transmettre la version non
confidentielle de la table des matières. Selon la décision attaquée:
619
Règlement (CE) n° 1049/2001 du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement
européen, du Conseil et de la Commission.
620
Tribunal UE (4ème ch.) 15 décembre 2011, CDC Hydrogene Peroxide Cartel Damage Claims c. Commission
Européenne, aff. T-437/08. Cf. §49.
178
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
les auteurs d'infractions au risque accru d'engagement de leur responsabilité civile. L'efficacité
des programmes de clémence et de coopération ne peut pas être préservée au détriment du
droit à réparation des victimes, dès lors que – selon le fameux considérant de l'arrêt COURAGE
- « les actions en dommages et intérêts, devant les juridictions nationales, sont susceptibles de contribuer
substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’Union »621.
621
Ibid. §77.
179
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
622
Tribunal de Commerce de Paris (1ère ch.) 28 octobre 2002, SA CERP c. SA Lilly France. RG n°
2000089900.
623
Conseil de la concurrence. Avis du 21 septembre 2006 relatif à l'introduction de l'action de groupe en matière
de pratiques anticoncurrentielles. http://www.autoritedelaconcurrence.fr
624
P. LOWE, «Setting enforcement priorities at European and national level post modernisation», in VIII
Treviso Conference, 22 may 2008, en ligne : <www.ec.europa.eu>. «Competition authorities have to set
enforcement priorities if they want to focus resources and bring the greatest benefit to the greatest number of
consumers. To be effective, we have to be strategic. That means prioritising».
625
Commission Européenne, Pour une Europe des résultats, Communication de la Commission, 5 septembre
2007, en ligne : <www.ec.europa.eu/eu_law/eulaw/pdf/com_2007_502_fr.pdf>. Cf. p. 10: « Recherche d'une
180
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
COLLINS - président de l'Office of Fair Trading (OFT) - déclare ainsi que « lorsqu'il n'est pas
possible d'instruire une plainte bien fondée pour des raisons de priorités administratives, nous avons fort intérêt à
assurer que les personnes lésées disposent d'un recours judiciaire dans le cadre d'une action indépendante »626.
252. Parasitisme de l'action de suivi . Il est évident que la crise budgétaire européenne
conforte la politique de prioritisation des dépenses et tendrait à appuyer politiquement le projet
de développement des actions indépendantes. L'observation empirique montre toutefois que
l'action en dommages et intérêts n'a véritablement d'existence pratique qu'entre concurrents et
qu'elle n'offre pas de perspectives sérieuses de succès en dehors des hypothèses les plus
évidentes ou déjà traitées en amont par les autorités spécialisées. L'évolution du modèle
américain tend à montrer qu'il s'agit là d'un invariant et non d'une anomalie ou d'un
dysfonctionnement. Au stade de la faute, le demandeur doit s'appuyer sur l'autorité au civil de
la condamnation administrative. Au stade du préjudice, le demandeur emprunte les éléments de
gestion plus efficace des infraction: les plaignants peuvent, dans certains cas, faire valoir leurs droits
directement et de manière plus efficace auprès des juridictions nationales. Seul un tribunal national peut
appliquer des voies de recours telles que […] la réparation de dommages. Les procédures d'infraction ont un rôle
essentiel à jouer pour garantir l'application correcte du droit communautaire. La nécessité de recourir à ces
procédures doit être limitée […] L'efficacité de la gestion et de la résolution des problèmes d'infraction pourra
ainsi être optimalisée. Il est également possible de renforcer l'application correcte de la législation en établissant
des priorités dans la gestion des affaires. Le traitement de toutes les plaintes et de toutes les infractions sera
assuré. La fixation de priorités permettra cependant à la Commission de porter une attention plus immédiate et
plus intense sur certaines affaires plutôt que sur d'autres. La priorité devrait être accordée aux infractions qui
présentent les plus grands risques et entraînent des retombées particulièrement étendues pour les citoyens et les
entreprises».
626
P. COLLINS, «What Are the Problems with EC Antitrust Damage Actions in Europe - Does the Private Pillar
Require Reinforcement?», Competition Law International, issue 2 vol. 3 2007, p. 53. "where we cannot pursue a
well-founded complaint for reasons of administrative priority, we have a strong interest in ensuring that persons
who have been harmed can seek a remedy on a 'standalone' basis".
181
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
preuve réunis par l'autorité publique. L'action de suivi en réparation ne renforce donc pas la
détection des infractions puisqu'elle s'appuie sur les capacités d'enquête des autorités de
concurrence.
La même observation peut être faite à propos d’une série d’études récentes de Robert LANDE
et Joshua DAVIS qui montre que les dommages-intérêts obtenus sur une période de 15 années
représentent le triple des amendes infligées sur la même période, soit un montant de près de
$20 milliards628. L’étude confirme ainsi que le contentieux des dommages-intérêts constitue
une masse trois fois plus importante en valeur par rapport au montant des sanctions pénales -
ce qui n’a pas lieu de surprendre au regard de la logique propre au système juridique américain
du fait de l’institution des dommages-intérêts … triples. Cette préférence pour la voie des
dommages-intérêts punitifs ne fournit aucune indication quant à la question de savoir si
l’action civile est exercée en suivi ou de manière indépendante. L’examen des cas rapportés
par LANDE et DAVIS suffit à se convaincre de l’omniprésence des autorités publiques qui
maintiennent une pression convenable favorisant le succès des actions civiles.
627
K. MAGUIRE (ed.) « Antitrust cases filed in U.S. District Courts, by type of case 1975-2010 » in
Sourcebook of Criminal Justice Statistics. University at Albany, Hindelang Criminal Justice Research Center,
(Table 5.41.2010). En ligne: http://www.albany.edu/sourcebook/pdf/t5412010.pdf.
628
LANDE, Robert H. and DAVIS, Joshua P., Benefits from Private Antitrust Enforcement: An Analysis of
Forty Cases (2008). University of San Francisco Law Review, 2008, Vol. 42, p. 879. En ligne:
http://ssrn.com/abstract=1090661; Lire égal. Robert H. LANDE, « Benefits of private enforcement : empirical
background », in The International Handbook on Private Enforcement of Competition Law, Albert A. FOER
et Jonathan W. CUNEO (dir.), Edward Elgar Pub. 2010, p. 3 ; Et en dernier lieu : LANDE, Robert H. and DAVIS,
Joshua P., « Defying Conventional Wisdom: The Case For Private Antitrust Enforcement », Georgia Law
Review, February 1, 2013. En ligne : SSRN: http://ssrn.com/abstract=2217051 .
182
CHAP. 2 : PARASITISME PROBATOIRE
Le critère de l’autonomie des actions indemnitaires à l’égard de l’action publique offre ainsi
une description bien différente du contentieux antitrust - qui ne corrobore pas exactement
l’image d’Epinal de la domination écrasante de l’action privée. Il faut alors évaluer l’impact de
l’action publique sur les actions privées en tentant de déterminer le nombre d’affaires
introduites en suivi à la suite de poursuites publiques. La doctrine américaine majoritaire629 a
ainsi montré que dans la plupart des cas630, le contentieux indemnitaire américain parasitait
l'action publique631, venant en supplément plutôt qu'en suppléant632. Le contentieux privé se
développe dans l'ombre du contentieux public qui conserve un rôle central « prééminent »633.
Comme le constatent les économistes américains BESANKO et SPULBER, c'est bien l'action
629
Une étude déjà ancienne est venue relativiser le phénomène de piggybacking en estimant la part des actions
de suivi à seulement 20% de la masse totale des actions privées : Thomas E. KAUPER, Edward A. SNYDER,
« Private Antitrust Cases That Follow on Government Cases » in Private Antitrust Enforcement: New
Learning and New Evidence , Lawrence J. White (éd.), M.I.T. Press, 1988, pp. 329-370. Lire égal. Thomas E.
Kauper, Edward A. Snyder, « An Inquiry into the Efficiency of Private Antitrust Enforcement », Georgetown
Law Journal, vol. 74, April 1986, pp. 401-469.
630
B. GARTH, «The Institution of the Private Attorney General: Perspectives from an Empirical Study of Class
Action Litigation», California Law Review, 1988, n° Vol. 61, p. 353 (voir p. 376). "private attorneys tend to
piggyback their cases on governmental investigations".
631
La doctrine américaine désigne ce phénomène - de manière plus imagée - sous le terme de « piggyback »,
littéralement: monter en croupe. Par ex. : J. C. COFFEE, «Rescuing The Private Attorney General: Why The
Model Of The Lawyer As Bounty Hunter Is Not Working», Maryland Law Review, 1983, vol. 42, p. 215. «A
recurring pattern is evident under which the private attorney general simply piggybacks on the efforts of public
agencies — such as the SEC, the FTC, and the Antitrust Division of the Department of Justice — in order to reap
the gains from the investigative work undertaken by these agencies. As a result, the private attorney general does
not seem to broaden the scope of law enforcement, but rather only intensifies the penalty». Il faut toutefois noter
que John Coffee a partiellement abandonné cette opinion par la suite: J. C. COFFEE, «Understanding the
Plaintiff’s Attorney: The implications of economic theory for private enforcement of law through class and
derivative actions, Columbia Law Review 1986, vol. 86 p. 669. «Although the conventional wisdom has long
been that class actions tend to tag along [littéralement: suivre] on the heels of governmentally initiated suits, a
recent study […] of antitrust litigation has placed this figure at less than 20% of private antitrust actions filed
between 1976 and 1983».
632
J. H. BEISNER, M. SHORS et J. DAVIDSON MILLER, «Class Action Cops: Public Servants Or Private
Entrepreneurs?», in The Civil Trial: Adaptation and Alternatives, Stanford Law Review Symposium 2005,
Stanford Law Review, avril 2005, p. 1441. Cf. p. 1453-1454: «The principal problem with this contention is that,
in most cases, class action lawyers do not fill any such enforcement gap. Empirical data show that, far from
filling gaps, class action lawyers predominantly file “copycat” or “coattail” lawsuits that follow-on the heels of
government investigations. […] This problem, which was first spotlighted over twenty years ago, is not
subsiding. […] The reason class action lawyers prefer to follow - rather than to lead - government investigations
is simple: those lawyers prefer “no research” lawsuits that appear likely (from the investigation itself) to yield
lucrative settlements with only a minimal investment of time and money. […]The “gap-filler” argument is thus
both theoretically and empirically unsound. When class action lawyers file “coattail” or “copycat” lawsuits, they
do not fill an enforcement gap. To the contrary, they act only to increase the potential penalty beyond - well
beyond - the limits established by law and agreed to by state officials».
633
A. CAPOBIANCO, «Private antitrust enforcement of EC competition rules: recent developments»,
Competition Law Insight, 23 novembre 2004. « it is likely that in the coming years private enforcement will be
viewed as an adjunct to public enforcement, which will retain its overwhelming central role in antitrust
enforcement ».
183
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
publique qui contribue à l'efficacité de l'action privée, plutôt que l'inverse 634. L'action de suivi
ne remplit pas un rôle de « police privée puisque la police a déjà été assurée par l'autorité de
régulation »635. Les actions de suivi ne privatisent pas l'action publique - en ce sens
qu'elles s'y substitueraient - dès lors qu'elles interviennent en aval de l'intervention
des autorités. Dans le cas américain, l’action civile se calque sur le modèle pénal, les
dommages-intérêts triples constituant une véritable peine privée en forme civile.
634
D. BESANKO et D. SPULBER, «Are Treble Damages Neutral? Sequential Equilibrium And Private
Antitrust Enforcement », The American Economic Review, September 1990, p. 870. ["public enforcement effort
[…] can enhance the effectiveness of private enforcement"]
635
D. BEARD, «Damages in competition law litigation in the United Kingdom», in LIDC - International
League of Competition Law, 2006, Amsterdam.. " It is, however, wrong to conflate the two concepts. […] The
distinction between private damages claims and private enforcement of the competition claims may also
important when considering the role and importance of private actions. Private damages claims may be brought
after public or regulatory action has been taken by the relevant authorities; so-called “follow-on” claims. Such
claims enable compensation of those who have suffered loss due to the unlawful behaviour in question and may
have a deterrent effect additional to that of the public sanctions (including fines). However, they do not fulfil the
role of “private policeman” actions which has been suggested as a significant benefit of allowing private
enforcement of competition law since the “policing” has already been undertaken by the authorities"]. En ligne:
www.competitionlawassociation.org.uk
636
G. TESAURO, «La responsabilité des Etats membres pour violation du droit communautaire», Revue du
Marché Unique Européen, juillet-septembre 3/1996, p. 15. Cf. p. 16: «En définitive, la situation du particulier a
été utilisée pour consolider la Communauté de droit, en réalisant l'effectivité du système grâce aussi à
l'effectivité de la protection juridictionnelle des droits conférés aux particuliers».
637
F. G. JACOBS, «Civil enforcement of EEC antitrust law», Michigan Law Review, vol. 82 avril-mai 1984,
p. 1364. Cf. p. 1374 : «in the case of an alleged breach of a member state, the question at issue is usually clear
cut. Usually there is no disputes about the facts […] It is very different with an antitrust suit. The question at
issue will characteristically be complex questions of fact and policy that national courts will have to resolve for
themselves».
184
Titre II LES LIMITES TENANT À LA MESURE DU PRÉJUDICE :
L’APORIE COMPENSATOIRE DU PRÉJUDICE
« Shed thou no blood; Nor cut thou less nor more, But just a pound of flesh ».
William SHAKESPEARE. The Merchant of Venice. Éd. Thomas Hayes. 1600. 1 ère éd.
IV - 1. PORTIA : «Ne verse pas de sang ; ne coupe ni plus ni moins, mais juste une livre de chair»
D'une part - au nom du principe de réparation intégrale - il est exigé des victimes qu’elles
établissent leur préjudice avec une précision impossible: juste une livre de chair, exactement.
Mais comment mesurer avec exactitude un préjudice par nature incertain?
D'autre part - toujours au nom du principe de réparation intégrale du préjudice - il est allégué
que l’indemnisation des acheteurs intermédiaires aurait un caractère punitif parce que ceux-ci
638
Ibid. Portia. Act. IV Sc. 1: «Shed thou no blood; nor cut thou less nor more, But just a pound of flesh: if thou
tak’st more, Or less, than a just pound, be it but so much As makes it light or heavy in the substance, Or the
division of the twentieth part of one poor scruple; nay, if the scale do turn But in the estimation of a hair, Thou
diest, and all thy goods are confiscate». Portia n'utilise bien évidemment pas le système métrique. Elle a recours
à une unité de mesure plus riche symboliquement: le scrupule du diminutif latin "scrupulus" qui désigne un petit
caillou, par extension une faible quantité et au sens figuré un sentiment d'inquiétude, un souci. Dans le système
de mesure romain, le scrupulum valait la 288ème partie d'une livre. Pour les apothicaires anglais, le scrupule
pesait 1,3 grammes.
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
186
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
639
J.-C. FOURGOUX, «La réparation du préjudice des entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles.»,
La Semaine Juridique éd. Entreprises, 1999, p. 2005 (voir p. 2008).
640
M. NUSSENBAUM, «Les difficultés de l'expertise en matière de pratiques anticoncurrentielles», Les Petites
Affiches, n°14 20 janvier 2005, p. 37 (voir p. 38). «la mesure du préjudice soulève le plus souvent des
incertitudes. Pour définir la valeur la plus probable d'un préjudice, il ne faut pas confondre le quantum minimum
dont on est sûr et la valeur la plus probable, c'est-à-dire celle dont la probabilité de réalisation paraît la plus
importante. En effet, une telle confusion conduit à une minoration systématique du préjudice».
641
L. IDOT, «Rapport de synthèse», in Potentialité et réalité de l'action au civil en matière de concurrence,
La réparation du préjudice causé par une pratique anti-concurrentielle en France et à l’étranger : bilan et
perspectives. Grand' Chambre de la Cour de Cassation. 17 octobre 2005, en ligne : <www.courdecassation.fr>.
187
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
259. Incertitude. Selon une formule classique « le propre de la responsabilité est de rétablir aussi
exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se
serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu »643. Le dommage concurrentiel se définit ainsi
642
S. ROUXEL, Recherche sur la distinction du dommage et du préjudice en droit civil français, [Doctorat :
Droit : Grenoble : 1994].
643
En dernier lieu: Cass. Civ. 2ème 28 avril 1975, SICA-Lait c. Grosjean, n° 74-10448; Cass. Civ 2ème 9 mai
1972, n° 70-14150; Cass. Civ 2ème 16 décembre 1970, Pichot, n° 69-12617; Cass. Req. 5 mars 1940: D.H.
1940.111; Cass. Civ 2ème 28 oct. 1954: JCP 1955.II.8765.
188
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
260. Approche de la Commission . La Commission a considéré dans son Livre Blanc que
l'imprécision inhérente à l'évaluation du préjudice mettait en cause l'effectivité du droit à
réparation650. À la suite de quoi, la Commission a commandé un rapport651 sur la quantification
644
F. BOUCHON, L'évaluation des préjudices subis par les entreprises, Litec, 2002, p. 44.
645
United States Supreme Court. Truett Payne Co. V. Chrysler Motor Corp. 451 US 557 (1981) ["vagaries of the
market place usually deny us sure knowledge of what plaintiff's situation would have been in the absence of the
defendant's antitrust violation"].
646
R. DE CONINCK, «Quantifying damages in civil proceedings», in New Frontiers of Antitrust,
Concurrences, 11 février 2011, vol. 2/2011 , n° 35. «Once an antitrust infringement has been established, the
evidentiary burden for the quantification of damages cannot be so high that it would impede the victims’ right of
effective compensation. In this sense, requiring certainty of the quantum of damages incurred would run counter
to the compensation objective, since estimating damages necessarily requires building a counterfactual, which is
by definition uncertain».
647
M. NUSSENBAUM, «La réparation du préjudice économique lié aux pratiques anticoncurrentielles», in
Etudes à la mémoire de Fernand Charles Jeantet, LexisNexis, 2010, p. 389 (voir p. 394).
648
American Bar Association, Proving antitrust damages. Legal and economic issues, édité par W. H. PAGE,
ABA, 1996, p. 41.
649
AFEC, Observations formulées par l'AFEC sur le projet de document d'orientation relatif à la quantification
du préjudice, 2011. p. 13.
650
Commission Européenne, Livre Blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 2 avril 2008, COM(2008) 165 final.«[Le]
calcul [du quantum des dommages-intérêts], qui nécessite une comparaison avec la situation économique de la
victime dans le scénario hypothétique d'un marché compétitif, constitue souvent un exercice très compliqué. Il
peut se révéler excessivement difficile, voire pratiquement impossible, si le principe selon lequel le montant
exact du dommage subi doit toujours être calculé avec précision est appliqué strictement. En outre, des exigences
contraignantes dans ce domaine peuvent se révéler disproportionnées au regard du montant des dommages subis.
En conséquence, pour faciliter le calcul des dommages et intérêts, la Commission a l'intention d'établir un cadre
contenant des orientations pragmatiques et non contraignantes pour l'évaluation des dommages et intérêts dans
189
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
261. Rapport Oxera. Le rapport Oxera confirme qu'un degré de précision confinant à la
certitude est inaccessible en matière de réparation des infractions au droit de la concurrence. Le
raisonnement contrefactuel – également désigné comme un raisonnement but for par la doctrine
anglophone - consiste à « remettre le demandeur dans la situation financière qui aurait été la sienne si les
règles de concurrence n'avaient pas été violées »654 et suppose donc la reconstruction d'un scénario par
hypothèse fictif. La fiction de la rétroactivité inhérente à la compensation du préjudice qui
n'aurait pas été subi si ce n'est par la faute de l'auteur de l'infraction implique nécessairement
une marge d'erreur et d'imprécision. Plusieurs méthodes économiques bien connues sont
disponibles pour la détermination du scénario contrefactuel. L'un des apports de l'étude OXERA
réside dans une présentation rationnalisées, regroupant les différentes méthodes selon trois
approches distinctes. Aucune de ces méthodes ne permet d'évacuer l'incertitude intrinsèque à la
reconstruction du scénario contrefactuel.
les affaires d'ententes et d'abus de position dominante, par exemple au moyen de méthodes d'approximation ou
de règles simplifiées pour l'estimation des dommages subis».
651
OXERA et A. KOMNINOS (DIR.), Quantifying antitrust damages: Towards non-binding guidance for
courts, Study prepared for the European Commission, December 2009, en ligne : <www.ec.europa.eu>.
652
Commission Européenne, La quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées
sur des infractions à l'article 101 ou 102 TFUE, Projet de document d'orientation, DG Concurrence, Bruxelles,
juin 2011.
653
Voir sur le site de la DG COMP: < http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/index.html>.
654
Rapport Oxera, préc. §2.1 p. 30. «The rationale behind the conceptual framework for damages estimation is
straightforward: to put a claimant back into the financial position that it would have been in but for the breach of
the antitrust rules».
190
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
Figure 2 Source: OXERA, Quantifying antitrust damages: Towards non-binding guidance for courts , Study
prepared for the European Commission, December 2009. p. 44.
262. Approche par comparaison . Les méthodes comparatives sont les plus usuelles. La
comparaison peut se faire selon trois dimensions, éventuellement combinées. La première
méthode de comparaison par rapport à un marché étalon (yardstick method) consiste à comparer
l'évolution des prix sur des marchés de produit ou des marchés géographiques similaires au
marché cible sur lequel on souhaite mesurer l'effet de la restriction de concurrence et qui n'ont
pas été affectés par l'infraction. La différence de prix entre les marchés peut alors être imputée
à l'effet de la restriction, toutes choses égales par ailleurs. Un mètre-étalon sera ainsi la seule
méthode possible dans le cas d'un dommage empêchant l'entreprise de rentrer sur un marché
donné, en l'absence d'activité antérieure sur ce marché.
191
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Figure 3 Source: OXERA, Quantifying antitrust damages: Towards non-binding guidance for courts , Study
prepared for the European Commission, December 2009. p. 54.
264. Approche par modélisation. En lieu et place d'une reconstruction comptable directe,
il est possible d'envisager une évaluation indirecte par modélisation. La théorie micro-
économique moderne de l'Organisation Industrielle 655 permet de bâtir des modèles simulant la
réalité observée. Si le modèle est suffisamment précis, le résultat simulé sera identique au
résultat observé. L'établissement du scénario contrefactuel se fait alors en faisant tourner des
données brutes réelles dans un modèle de concurrence imparfaite qui aurait existé si l'infraction
n'avait pas été commise.
655
Travaux dérivés de la théorie classique de Joe S. Bain, Industrial Organization (1959), représentée en France
notamment par l'Institut d'Economie Industrielle (IDEI) de Toulouse, et son directeur Jean Tirole, médaile d'Or
du CNRS 2007. Cf. J. TIROLE, Concurrence Imparfaite, 1 éd., Economica, 1985. Et J. TIROLE, The Theory of
Industrial Organization, 1 éd., MIT Press, 1988.
192
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
656
L. COPPI, «Harm from increased prices», in Workshop on the Draft Guidance Paper, 27 September 2011,
en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/index.html>.
657
A. LOFARO, «Quantifying harm from exclusionary practices», in Workshop on the Draft Guidance Paper,
27 september 2011, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/index.html>.
658
Commission Européenne, La quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées
sur des infractions à l'article 101 ou 102 TFUE, Projet de document d'orientation, DG Concurrence, Bruxelles,
juin 2011. §13 et 14 p. 10. «Il est impossible de savoir avec certitude comment un marché aurait évolué de
manière certaine en l'absence d'infraction à l'article 101 ou 102 du TFUE. […] L'estimation du scénario
contrefactuel hypothétique se fera donc, par définition, sur la base d'un certain nombre d'hypothèses. […] La
quantification du préjudice dans les affaires de concurrence est donc, par nature, soumise à d'importantes limites
quant au degré de certitude et de précision que l'on peut en attendre. Il ne peut être question de déterminer une
seule vraie valeur du préjudice subi, mais uniquement de produire des estimations les plus précises possibles sur
la base d'hypothèses et d'approximations. Les règles de droit nationales applicables ainsi que leur interprétation
doivent tenir compte de ces limites inhérentes à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et
intérêts pour infraction aux articles 101 et 102 du TFUE conformément au principe d'effectivité du droit de l'UE,
de sorte que l'exercice du droit à réparation garanti par le traité ne soit pas rendu pratiquement impossible ni
excessivement difficile».
659
MEDEF, Réponse du MEDEF à la consultation de la Commission Européenne relative au projet de document
d'orientation sur la quantification du préjudice dans les actions en dommages-intérêts, Direction des affaires
juridiques, septembre 2011. p. 3.
660
AFEC, Observations formulées par l'AFEC sur le projet de document d'orientation relatif à la quantification
du préjudice, 2011. p. 5.
661
République Française, Quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des
infractions à l'article 101 et 102 TFUE - Projet de document d'orientation de la DG Concurrence, Note pour la
193
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
267. Etude empirique. La Commission Européenne n'est visiblement pas la mieux placée
pour procéder à une telle étude, si l'on en juge par l'indigence de la page internet consacrée par
la DG COMP au recensement des décisions nationales. L'AFEC a adopté une démarche
constructive en ce sens663. Le tableau présenté par l'AFEC en annexe aux observations sur le
projet de document d'orientation recense 35 décisions, civiles664, pénales665 et administratives666.
À l'instar de l'approche suivie par l'AFEC, il convient de monter empiriquement, par l'analyse
194
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
de la jurisprudence existante, que le problème de l'évaluation du préjudice peut être résolu par
le recours aux techniques judiciaires ordinaires de d'approximation.
195
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
269. La liberté du juge joue à deux niveaux distincts. S'agissant du fait, le juge dispose d'un
pouvoir souverain d'appréciation du préjudice (I). S'agissant du droit, la réalité du préjudice est
assouplie par le recours à des techniques d'approximation (II).
667
OXERA et A. KOMNINOS (DIR.), Quantifying antitrust damages: Towards non-binding guidance for
courts, Study prepared for the European Commission, December 2009, p. 3-4, en ligne : <www.ec.europa.eu>.
«Calculating exactly the damage arising from an infringement of the antitrust rules would require complete
information about what would have happened in a parallel world where the infringement had not taken place
[…] despite this ‘unknowability’ of the exact damage, the aim will be to approximate the answer as accurately as
possible».
668
R. CONINCK (DE), «Estimating private antitrust damages», Revue Concurrences, n°1 2010, p. 39.« all
damages estimations attempt to measure what a certain variable would have been in the absence of the
infringement […] The goal of damages quantification should therefore not be to estimate an exact amount,
devoid of any uncertainty, but rather to provide an informed estimate of the damages […] that lack of precision
cannot serve as an excuse not to estimate damages and deny compensation to the victims of established antitrust
infringements ».
669
En dernier lieu: Cass. Crim. 11 avril 2012, N° de pourvoi: 11-83007: «Vu les articles 2 et 3 du code de
procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ; Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit
être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ».
196
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
Code civil » au motif que leur application ne permettrait pas « une sanction adéquate des pratiques
anticoncurrentielles »670.
En réalité ce n'est pas tant la substance du principe de réparation intégrale qui pose problème
que la flexibilité de son application. Comme l'explique Alain BÉNABENT, il n'est pas admissible
de ne tenir pour prouvé seulement ce qui a pu être établi avec certitude car « le droit civil ne
commande pas une frilosité pareille »671. C'est vrai au plan européen, car la Cour de Justice limite la
précision requise à « des approximations acceptables en partant de bases suffisamment sérieuses »672
notamment par des méthodes économétriques. C'est également vrai au plan interne. Une
étude superficielle montre immédiatement que la Cour de Cassation n'a jamais consacré
une interprétation hystérique du principe de réparation intégrale qui impliquerait
l'exactitude de la mesure du préjudice. La Cour de cassation impose - non pas une stricte
précision - mais bien au contraire, un degré de précision plus ou moins lâche, en fonction des
espèces et en fonction des données disponibles. Le juge apprécie souverainement le préjudice
« aussi exactement que possible »673. Le principe de réparation intégrale tel qu'il est interprété en
droit français674 est compatible avec l'existence d'une marge d'incertitude.
271. Couverture de l'appréciation souveraine . Selon une jurisprudence bien établie, « les
juges du fond apprécient souverainement le préjudice qui résulte d'une infraction »675. Bien loin du prétendu
670
C. LUCAS DE LEYSSAC, «Rapport de synthèse», in Les sanctions judiciaires des pratiques
anticoncurrentielles, Paris-I, 29 avril 2004, Les Petites Affiches, 20 janvier 2005, n° 14, p. 65.
671
A. BÉNABENT, «La mise en jeu de la responsabilité civile», in La sanction judiciaire des pratiques
anticoncurrentielles, Les Petites Affiches, n°14 20 janvier 2005, p. 31 (voir p. 35).
672
CJCE. 9 décembre 1965. Société Anonyme des Laminoirs. Aff. 29/63. Rec. p.1123. not. P.1159.
673
Jurisprudence constante: «Mais attendu que le propre de la responsabilite est de retablir aussi exactement que
possible l'equilibre detruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation ou elle se serait trouvee si
l'acte dommageable n'avait pas eu lieu». En ce sens: Cass. Civ. 2ème 25 mai 1960: Bull. 342; Cass. Civ. 2 ème 16
décembre 1970, N° de pourvoi: 69-12617: Bull. 346; Cass. Civ. 2ème 7 décembre 1978, N° de pourvoi: 77-12013:
Bull. 269; Cass. Civ. 2ème 9 juillet 1981, N° de pourvoi: 80-12142: Bull. 156; CA Versailles 31 août 2011, N° de
RG: 10/04276; CA Aix-en-Provence 5 janvier 2005, RG n° Rôle 02/08422. V. égal. Au visa de l'article 1147 C.
Civ. : Cass. Com. 10 janvier 2012, N° de pourvoi: 10-26837: «Vu l'article 1147 du code civil; Attendu que pour
statuer comme il fait, l'arrêt retient que qu'il est de principe que la réparation se fait par équivalent, le créancier
ne peut être contraint à accepter une réparation en nature qu'il n'a pas demandée; Attendu qu'en statuant ainsi,
alors que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par
le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était
pas produit, la cour d'appel a violé le texte susvisé».
674
Comparer: R. NERUDA, «Private or Public Enforcement of Competition Law?», in Private Enforcement of
Competition Law?, Charles University (Prague), 26-27 juin 2009, édité par J. BASEDOW, J. P. TERHECHTE
et L. TICHÝ, Nomos, 2011. p. 230. Cf. p. 248. «Any prospect of increased use of private actions in competition
laws is, in my opinion, useless without a flexible, modern application of existing substantive and procedural
rules by the domestic courts. For example, there is already a statutory power of a court to estimate the range of
damage, but the Czech courts do not use this option and insist on precise quantification and proof of the
damage».
675
Jurisprudence constante: Cass. Crim. 20 novembre 1968, N° de pourvoi: 68-91246: Bull. 308. «Si les juges
du fond apprécient souverainement le préjudice qui résulte d'une infraction, cette appréciation cesse d'être
197
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
souveraine lorsqu'elle est déduite de motifs contradictoires»; Cass. Crim. 19 novembre 1974, N° de pourvoi: 73-
91974: Bull. 334. «Si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice dans les limites des conclusions
des parties, ils doivent tenir compte de tous les chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou
moraux, découlant des faits objets de la poursuite, pour en réparer l'intégralité».
676
G. CANIVET, «Introduire l'action collective est une évolution inéluctable», La Tribune, 16 mai 2006. «le
gros défaut de notre système d'indemnisation du dommage est son approximation, le juge n'exerçant pas
suffisamment de contrôle sur la réalité du préjudice […] le principe de la réparation intégrale, reposant sur la
réalité du préjudice subi, est un principe fondamental. Donnons lui un contenu réel avant d'envisager de
l'abandonner».
677
Cass. Civ. 2ème, 19 mai 2005, d'Orgeville c. Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante. n° 04-06.028 :
JurisData n° 2005-028535 ; Bull. civ. n° 125.
678
Cass. Crim. 7 février 2012, N° de pourvoi: 11-83131.
679
J. BORÉ et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 4 éd., Dalloz Action, juin 2008. N° 64.04: «que le
contrôle de la Cour de cassation sur la constatation des faits et des actes soit très réduit n'a rien d'étonnant, si l'on
considère la mission institutionnelle confiée à cette juridiction». Et N° 67.181: «La Cour suprême contrôle les
caractères légaux du préjudice, notamment son caractère direct et sa certitude. […] Quant aux bases de calcul de
l'indemnité, elles sont laisées à l'arbitrage du juge du fond […] il détermine souverainement l'évaluation de
l'indemnité».
680
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, Télé2 c. France Telecom. RG n° 2003059443.
«même si un certain nombre de méthodes ont été présentées au Tribunal à l’appui de la justification de ces
sommes demandées, le Tribunal ne dispose pas des éléments nécessaires à la vérification matérielle des divers
calculs présentés; en effet il est matériellement impossible au Tribunal de procéder à la vérification des calculs
ligne à ligne et d'en déduire la part de perte de marge liée au futur […] Le Tribunal devra en la matière user de
son pouvoir souverain d’appréciation afin de fixer le montant des dommages et intérêts devant être attribués à
Télé2 du fait des préjudices subis».
198
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
Les juges parisiens font masse des trois chefs de préjudice distincts indemnisés: la perte subie
(damnum emergens) caractérisée par une « perte incontestable de clientèle et de chiffre d'affaires », le gain
manqué (lucrum cessans) caractérisé par un « obstacle à son expansion future », et le préjudice moral
« au-delà du préjudice financier » du fait de l'atteinte à l'image de la société.
681
Tribunal de Commerce, Paris (15ème ch.) 31 janvier 2012, Bottin Cartographe c. Google, RG n° 200906123:
«Attendu que les fautes commises par les sociétés GOOGLE ont fait subir à BOTTIN CARTOGRAPHES une
série de préjudices se caractérisant notamment par une perte incontestable de clientèle et de chiffre d'affaires et
par un obstacle à son expansion future; Attendu qu’il ressort des pièces produites que, depuis la mise en service
de Google MAPS et l'offre gratuite des applications WEB de cartographies, la société BOTTIN
CARTOGRAPHES a pu constater que les contrats arrivés à terme n'ont pas été reconduits, les clients ayant opté
pour le produit gratuit Google, que les résiliations de contrats comptabilisées sont intervenues au profit de la
solution gratuite ; Attendu que la société BOTTIN CARTOGRAPHES justifie ainsi d'une perte de chiffres
d'affaires d'un montant de 404.204 € établi sur la base des facturations 2007/2008 et non renouvelées en 2009 du
fait du choix de la solution gratuite par les clients ; Attendu qu’en 2009, le chiffre d'affaires résiduel de BOTTIN
CARTOGRAPHES a continué à nettement diminuer ; Attendu que la perte de chiffre d'affaires 2009 et 2010 est
donc estimée a minima à hauteur de 800.000 €, que cette perte touche essentiellement la cartographie en ligne ;
Attendu qu’au-delà même de ce préjudice financier, les services commerciaux de la société BOTTIN
CARTOGRAPHES se sont trouvés quotidiennement confrontés à des difficultés croissantes dans leurs actions,
notamment dans leur mission de prospection ; qu’en effet, la réaction légitime des entreprises prospectées est
d'opposer à toute proposition commerciale payante la solution gratuite accessible auprès des sociétés GOOGLE ;
Attendu qu’en outre, les agissements des sociétés GOOGLE ont porté atteinte à l'image de la société BOTTIN
CARTOGRAPHES et empêché toutes perspectives de développement de la société BOTTIN
CARTOGRAPHES alors même que le marché de la cartographie se trouve en plein essor ; Le tribunal
condamnera les sociétés GOOGLE à verser à la société BOTTIN CARTOGRAPHES la somme de 500.000 € à
titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis».
199
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Plus approximative est l'estimation du préjudice pour les années suivantes. Les juges se
satisfont de l'observation selon laquelle « en 2009, le chiffre d'affaires résiduel de BOTTIN
CARTOGRAPHES a continué à nettement diminuer », sans toutefois indiquer l'ampleur de cette
dégradation. Ils calculent la perte subie pour les années 2009 et 2010 sur la base de la perte
subie en 2008, en multipliant tout simplement par 2 pour obtenir le chiffre de 800.000 euros.
Au total sur les trois années, le Tribunal retient une perte de « facturation » - c'est-à-dire une
perte de chiffre d'affaires - de 1.200.000 euros, mais sans préciser la méthode de calcul pour
passer de la perte de chiffre d'affaires au préjudice. Similairement, le gain manqué lié au fait
que Google Maps a « empêché toutes perspectives de développement de la société BOTTIN
CARTOGRAPHES alors même que le marché de la cartographie se trouve en plein essor », n'est pas
davantage chiffré. Le Tribunal faisant masse des divers chefs de préjudice, il est impossible de
rapporter le montant des dommages et intérêts aux éléments de preuve pour chaque poste de
préjudice. Le jugement contre Google Maps démontre suffisamment que l'incertitude
de l'évaluation du préjudice n'est pas - en elle-même - un obstacle à l'indemnisation
effective et que les juges s'en accommodent sans trop de difficultés ou d’états d’âme.
En revanche, la Cour suprême exerce un contrôle du droit relativement aux conditions légales
de qualification tenant au caractère direct, personnel et certain du préjudice. Deux théories
apportent néanmoins une relative flexibilité dans le contrôle du caractère certain: la perte de
chance (A) et le préjudice moral (B).
A- La perte de chance
682
L'approche est méthodologiquement correcte, mais en réalité le service Google Maps API - en cause en
l'espèce - a été lancé le 29 juin 2005, comme l'indique la page web officielle de Google. V. Google, «Google
Maps API (June 29, 2005 at 5:40 PM) Posted by Bret Taylor, Google Maps Product Manager», en ligne :
<http://googleblog.blogspot.fr/2005/06/world-is-your-javascript-enabled_29.html>.
200
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
275. Notion. La perte de chance est une notion corrective permettant d'intégrer
l'incertitude dans l'évaluation du préjudice. En principe le préjudice doit être certain, né et
actuel. Un premier arrêt de la Cour de cassation de 1889 a toutefois accepté d'indemniser le
préjudice subi du fait de la perte d'un procès par la faute d'un officier ministériel 683. Une
jurisprudence constante depuis lors considère que « l'élément de préjudice constitué par la perte de
chance peut présenter en lui-même un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par
l'effet du délit, de la probabilité d'un évènement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance
ne soit jamais certaine »684. La perte d'une chance ne peut résulter que d'un événement futur et
incertain et ne saurait pallier la carence du demandeur dans la preuve de son préjudice 685. La
probabilité que l'événement favorable se réalise permet de calculer la fraction du préjudice total
indemnisable. Comme l'explique Alain BÉNABENT :
« à partir du moment où l'on raisonne en fourchette, c'est parce qu'on est obligé de
tenir compte de certains aléas qui auraient affecté l'évolution des choses, c'est la perte
de chance qui est la notion adaptée. Cela ne veut pas dire qu'elle aboutisse
nécessairement à une plus grande précision, mais elle donne une plus grande
latitude »686.
Un courant jurisprudentiel ancien analyse le préjudice subi par la victime d'une infraction au
droit de la concurrence comme une perte de chance, dans la mesure où l'évolution du résultat
économique d'une entreprise est toujours incertain 687.
276. Affaire du WINBACK . L'affaire du Winback présente une hypothèse topique illustrant
la souplesse apportée par la notion de perte de chance dans le cadre de la réparation des
infractions anticoncurrentielles. France Telecom avait engagé une campagne dite de Winback
consistant à démarcher directement les abonnés ayant opter pour la pré-sélection du numéro
d'opérateurs concurrents. Suite à deux actions parallèles introduites par Télé 2 et Neuf
Telecom, le Tribunal de Commerce de Paris a déclaré France Telecom coupable de
concurrence déloyale. La principale difficulté est de prouver que la résiliation de la présélection
est le résultat direct des manœuvres de reconquête de France Telecom. La preuve est – on le
voit bien – matériellement impossible à rapporter individuellement pour chaque client.
683
Cass. req., 17 juill. 1889 : S. 1889, 1, p. 399.
684
Cass. Crim. 9 octobre 1975. N° de pourvoi: 74-93471: Bull. n° 212.
685
Cass. Civ. 1ère, 29 juin 2004, n° 03-14.841, Cne Villenave d'Ornon. N° de pourvoi: 03-14841: Juris-Data n°
2004-024478.
686
A. BÉNABENT, «La mise en jeu de la responsabilité civile», in La sanction judiciaire des pratiques
anticoncurrentielles, Les Petites Affiches, n°14 20 janvier 2005, p. 31 (voir p. 35).
687
CA Versailles. 12ème ch. 11 septembre 1997.
201
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Obstacle qui n’arrête nullement les demandeurs et les juges du Tribunal de Commerce de Paris.
L'évaluation du préjudice est ainsi justifiée:
688
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 18 juin 2003, SA Neuf Telecom c. SA France Telecom. RG n°
2003001151. Et Tribunal de Commerce, Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, Télé 2 c. France Telecom, RG n°
2003059443.
202
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
rapporter - puisqu'il faudrait établir une première liste des clients contactés par France
Telecom et la comparer à la liste des clients ayant résilié – la notion de perte de chance joue le
rôle d'une présomption permettant de retenir l'existence probable d'un fait inconnu à partir
d'un fait connu.
278. Affaire LYSINE. Raisonnement tout aussi étrange dans l'affaire du cartel de la lysine,
puisque les juges retiennent en appel que
« les charges accrues supportées par les sociétés Doux par suite des majorations de
prix ont été la cause d'un préjudice constitué par une perte de compétitivité de leurs
produits; qu'elles constituent en réalité la cause d'une perte de chance que la cour
indemnisera à hauteur de 30% des sommes réclamées »689.
Ce raisonnement n'est pas complètement satisfaisant. Le concept de perte de compétitivité
exprime le caractère incertain de la compétition économique. Les produits fabriqués par la
société Doux Aliments auraient été plus compétitifs, s'ils n'avaient pas subi une majoration de
prix de 30%. La Cour d'appel établit une équivalence illogique entre la majoration de prix de
30% - qui n'exprime pas une probabilité mais un rapport entre le prix de concurrence et le
prix de cartel - et la probabilité de la réalisation de l'événement favorable consistant dans une
augmentation des ventes.
Il faut observer en premier lieu que l'on ne comprend pas très bien comment un cartel
mondial conduisant à une augmentation générale des prix pourraient affecter la compétitivité
relative des entreprises clientes les unes par rapport aux autres. Tous les fabricants de
compléments alimentaires pour volaille ont subi une augmentation du prix de la matière
première. Par conséquent, leur compétitivité n'a pas été affectée, puisque les conditions de la
concurrence étaient les mêmes pour tous.
Il faut observer corrélativement en second lieu qu'une majoration de prix de 30% n'a aucun
rapport avec une perte de chance. Le cartel cause un dommage consistant dans l'obligation
d'acquitter un prix supérieur à celui qui aurait été payé en l'absence de l'infraction. La
différence entre le prix de concurrence et le prix de cartel est une perte certaine, et non une
perte de chance, au sens où la victime n'a pas été privée de la probabilité de la survenance d'un
événement favorable consistant dans l'augmentation de sa compétitivité.
689
Paris (5-4), 10 juin 2009, Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et Ajinomoto Eurolysine [Cartel de la
Lysine]. RG n°07/10478.
203
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Le recours à la notion de perte de chance est un détour inutile, destiné à justifier une
réduction des prétentions indemnitaires de la victime, pour tenir compte de l'incertitude de
l'évaluation. Or, il a été montré que l'incertitude dans l'évaluation relève du pouvoir souverain
d'appréciation des juges du fond. L'application de la notion de perte de chance lorsqu'il existe
une incertitude dans le quantum du préjudice – et non pas une incertitude dans la réalisation
d'un événement favorable – procède d'une confusion entre deux incertitudes de consistance
distincte. La Cour d'appel aurait dû s'en tenir à une présentation des différentes méthodes
permettant d'évaluer le préjudice subi du fait de la majoration de prix et fixer
discrétionnairement le montant des dommages et intérêts, dans les limites admises de son
pouvoir souverain d'appréciation.
279. Le préjudice moral est assez universellement - et depuis fort longtemps - présenté
comme une peine privée déguisée690, autorisant le juge à « prononcer des condamnations sur le
fondement de fautes innommées »691. En matière de préjudice concurrentiel, le préjudice moral est
essentiellement un outil d'approximation du préjudice inchiffrable (1°) comme le montre la
genèse jurisprudentielle de la notion de préjudice nécessaire (2°).
280. Fonction punitive. Le préjudice moral des personnes morales est admis en
jurisprudence, malgré les résistances d'une partie de la doctrine 692. Comme le remarque
Geneviève VINEY, « il suffit de réfléchir quelques secondes pour comprendre que réparer intégralement par de
l’argent ce qui n’a pas de correspondant pécuniaire ne veut strictement rien dire »693. Muriel CHAGNY décrit
un phénomène de contamination de la logique de la responsabilité civile. Elle explique que les
690
B. STARCK, Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de
garantie et de peine privée, [Paris : 1947]. Et déjà en ce sens: F. GIVORD, La réparation du préjudice moral,
Grenoble : Boissy & Colomb, 1938, p. 14 n°4. «la difficulté de preuve qu'on exagère, ne doit pas faire perdre à la
victime son droit à réparation; si étant donné la nature du dommage, cette réparation n'est pas adéquate, elle a du
moins le caractère d'une satisfaction ou d'une peine privée».
691
L. BORÉ, La défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives et
judiciaires, LGDJ, 1997. n° 320.
692
V. WESTER-OUISSE, «Le préjudice moral des personnes morales», La Semaine Juridique Edition Générale,
25 juin 2003, n° 26, I, 145. Voir égal. Observations Ch. Larroumet sous Com. 6 nov. 1979: D. 1980, 416.
Contra: G. CORNU, Droit civil: Introduction, les personnes, les biens, 12 éd., Monchrestien, 2005. n° 822: «la
personne morale est qualifiée pour défendre en justice un intérêt extrapatrimonial».
693
G. VINEY, «La responsabilité: effets», in Traité de droit civil, sous la dir. de J. GHESTIN, LGDJ, 1988. n°
152.
204
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
difficultés d'évaluation du préjudice concurrentiel « ont conduit les juridictions, puis le législateur à
recourir à des procédés sanctionnateurs »694.
La dimension punitive affleure particulièrement dans certaines décisions. Ainsi dans l'affaire
NESIC, le Tribunal de Commerce de Paris octroie un « dédommagement raisonnable auquel il
conviendra d'ajouter une partie de la somme demandée pour réparation du préjudice moral qui, dans le
contexte donné d'abus de position dominante, apparaît particulièrement justifié »695. L'instrumentalisation
du préjudice moral devant la juridiction commerciale peut s'expliquer par la volonté de
déguiser une peine privée.
694
M. CHAGNY, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Dalloz, 2002, p. 521 n°529.
695
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 12 février 2003, M. Philippe NESIC c. SARL Nouvelles
Messageries Parisiennes. RG n° 97077751. «M. PHILIPPE NESIC demande d'abord réparation d'un préjudice
matériel correspondant à la perte brutale de ses moyens de subsistance […] Le Tribunal remarquera que la
demande au titre du préjudice matériel représente un peu plus d'un an de chiffre de commissions du kiosque, ce
qui paraît un dédommagement raisonnable auquel il conviendra d'ajouter une partie de la somme demandée pour
réparation du préjudice moral qui, dans le contexte donné d'abus de position dominante, apparaît
particulièrement justifié. Le Tribunal, faisant masse de ces deux chefs de dommages et intérêts, fixera à
45.000,00 Euros la réparation du préjudice de M. PHILIPPE NESIC, toutes causes confondues».
696
P. LE TOURNEAU, «Responsabilité (en général)», in Répertoire de droit civil, Dalloz, mai 2009. §10. V.
égal. P. LE TOURNEAU, «La mise en oeuvre de la responsabilité: la satisfaction du créancier», in Droit de la
responsabilité et des contrats, sous la dir. de P. LE TOURNEAU, 2010, p. 764. Spéc. §2521 et s. p. 796.
697
V. HEUZÉ, «Une reconsidération du principe de la réparation intégrale», in Troisième restitution publique :
"Incertitude et réparation", Cycle: "Risques, assurances, responsabilités", 2005, en ligne :
<www.courdecassation.fr>.
698
P. STOFFEL-MUNCK, «Le préjudice moral des personnes morales», in Libre Droit: Mélanges en l'honneur
de Philippe Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 959. V. p. 980.
699
AFEC, Observations formulées par l'AFEC sur le projet de document d'orientation relatif à la quantification
du préjudice, 2011. p. 13.
205
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
réputation de la personne morale - permettent en réalité de réparer un dommage aux biens qui, considéré comme
tel, serait bien difficile à évaluer, voire tout simplement hypothétique »700.
En exécution des accords de partenariats et licence de marque conclu avec EVM, la Monnaie
de Paris a refusé de faire suite à la proposition de la société LB & associés qui souhaitait
développer une activité similaire. Un courrier de février 1998 émanant du responsable
commercial de la Monnaie de Paris motive le refus de la manière suivante:
700
V. WESTER-OUISSE, «Le préjudice moral des personnes morales», La Semaine Juridique Edition Générale,
25 juin 2003, n° 26, I, 145. §13.
206
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
« bien que[…] il ne puisse être exclu que d’autres entreprises fussent, à l’époque des
faits, en mesure de fournir des médailles-souvenir, il ressort des éléments du dossier
que, du point de vue des gestionnaires de sites touristiques, le partenariat avec la
Monnaie de Paris conférait aux produits d’EVM une attractivité particulière […]
les refus de vente opposés aux sociétés LB & Associés et Médailles et Souvenirs
étaient susceptibles de créer un obstacle à l’entrée de sociétés concurrentes d’EVM
sur le marché aval. De fait, les sociétés LB & Associés et Médailles et Souvenirs
n’ont pu pénétrer le marché »701.
Selon le jugement:
« les pièces versées au débats ont montré que LB avait […] perdu son unique
client ; […] cet évènement a très certainement largement contribué à la liquidation
judiciaire de LB; […] le refus de vente de MONNAIE DE PARIS a empêché
LB d’opérer une reconversion qui lui aurait éventuellement permis de résister à la
perte de son client; […] la signature d’un contrat de fourniture avec MONNAIE
DE PARIS aurait pu être une opportunité de renforcer ses fonds propres; […]
dans ces conditions on doit considérer que MONNAIE DE PARIS a été à
l’origine d’un préjudice moral qu’il convient de réparer et qu’il convient d’estimer à
la somme de 30 000 € ».
Les motifs de la décision de l'autorité sont révélateurs. Le comportement de Monnaie de Paris
constitue un abus de position dominante sans intention de nuire. Les refus de vente étaient
« susceptibles de créer un obstacle à l'entrée », mais sans faire partie d'une stratégie intentionnelle
d'éviction du marché. Le Tribunal se contente de relever que « la faute commise par MONNAIE
DE PARIS est établie »702. Dès lors, la condamnation à 30.000 euros de dommages et intérêts
apparaît relativement bénigne. Il convient de rappeler que LB réclamait 20 millions d'euros en
réparation du gain manqué et 450.000 euros au titre du préjudice moral. Les dommages et
intérêts accordés représente à peine 0,1% de la somme réclamée.
De manière plus surprenante, le refus de vente qui a fait perdre à LB une « opportunité » de
renforcer sa situation est analysé comme un préjudice moral et non comme une perte de
chance. Il aurait été assez facile et logique de qualifier le préjudice subi du fait du refus de
contracter opposé par Monnaie de Paris de perte de chance de survie pour la société LB. La
viabilité économique d'une entreprise est un évènement favorable incertain. Ce n'est pourtant
pas l'option choisie par la demanderesse et par le tribunal, qui a adopté une approche
consistant à forfaitiser le dommage. La forfaitisation n'a pas ici de valeur punitive, elle ne fait
que traduire le caractère intrinsèquement approximatif de l'évaluation.
701
Décision n° 05-D-75 du 22 décembre 2005 relative à des pratiques mises en oeuvre par la Monnaie de Paris.
702
TCP (15ème ch.), 20 novembre 2008, SARL LB associés c. La Monnaie de Paris. RG n° 2007044186.
207
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
284. Présomption. La théorie du préjudice nécessaire est bien ancrée dans la jurisprudence
de la Cour de Cassation, dans les hypothèses où le préjudice est difficilement évaluable ou
dérisoire. La difficulté de la preuve ne doit pas dégénérer en un refus d'indemnisation
assimilable à un déni de justice709. La théorie du préjudice nécessaire fait écho à la présomption
703
P. STOFFEL-MUNCK, «Le préjudice moral des personnes morales», in Libre Droit: Mélanges en l'honneur
de Philippe Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 959. Spéc. p. 962
704
Jurisprudence abondante. En matière de concurrence déloyale: Cass. Com. 2 novembre 2011, Marquage
Moderne c. Libell. N° 10-26936: «Vu l'article 1382 du code civil ; Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt
retient encore que le préjudice n'est pas démontré dans son montant allégué […] Attendu qu'en statuant ainsi,
alors qu'un comportement déloyal cause nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, la cour d'appel a
violé le texte susvisé »; Même solution avec une formulation différente: Cass. Com. 9 février 1993, n° 91-12258:
« il s'inférait nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice pour la société MBF, fût-il
seulement moral»; Même solution devant la chambre sociale: Cass. Soc. 12 janvier 2011, Euroguard, n° 08-
45280: «Vu les articles 1147 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ; Attendu que pour débouter le salarié
de sa demande d'indemnisation en réparation du préjudice résultant de l'illicéité et de l'annulation de la clause de
non-concurrence, la cour d'appel a retenu que cette annulation, qui était concomitante de la résiliation du contrat
de travail, n'avait causé aucun préjudice réel et certain au salarié qui n'avait pas eu à la respecter, disposant de
toute liberté pour occuper le même emploi chez un autre employeur ; Qu'en statuant ainsi, alors que la stipulation
dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, la
cour d'appel a violé les textes susvisés ».
705
Cass. Com. 14 juin 2000: RJDA. 2000. N°1195 ; CCC. 2000. N°81, obs. M. Malaurie-Vignal ; Cass. Com. 1er
juillet 2003: Rev. Propriété Industrielle 2003. N°96, obs. Schmidt-Salewski.
706
Y. PICOD, «Plaidoyer pour une consécration législative de la concurrence déloyale», in Mélanges en
l'honneur d'Yves Serra: études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Dalloz, 2006,
p. 369.
707
N. DORANDEU, Le dommage concurrentiel, Presses Universitaires de Perpignan, 2000, 296 n°397.
708
P. JOURDAIN, «Présomption de dommage et concurrence déloyale», Revue Trimestrielle de Droit Civil,
2002, p. 304. « En matière de concurrence déloyale, les condamnations revêtent toujours plus ou moins une
finalité répressive qui conduit naturellement à minimiser le rôle du préjudice».
709
Par exemple: Cass. Civ. 1ère 8 octobre 2009, Télécom Italia (ALICE), n° 08-17179: «Vu l'article 4 du code
civil ; Attendu que la société Télécom Italia (ALICE) a procédé auprès de la société France Télécom à la
résiliation de la ligne téléphonique de Mme X..., alors que celle ci était en vacances et n'avait souscrit aucun
abonnement auprès de l'opérateur italien ; que Mme X... a assigné ce dernier devant le juge de proximité, en
paiement de dommages intérêts, invoquant à cet effet les frais qu'elle a dû supporter et les tracas qui lui ont été
causés ; Attendu que pour rejeter cette demande, le jugement retient que s'il n'est pas contestable au vu des
éléments fournis que Mme X... n'a jamais souscrit d'abonnement "Alice" et que c'est par erreur qu'elle a été
abonnée alors qu'elle était hors de la métropole, celle ci ne justifie pas pour autant de sa demande de dommages
208
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
de surcoût constatée par les économistes. Le rapport OXERA constate que le surcoût moyen du
prix de cartel est de 18%. Il affirme avec prudence que « dans la plupart des cas, il est permis de
s'attendre à ce qu'un cartel entraîne un surcoût positif »710. Malgré les critiques et réserves
méthodologiques qui peuvent être émises sur ce point précis, il serait possible de rattacher la
théorie du préjudice nécessaire à une présomption du fait de l'homme, conduisant à inférer
d'un fait connu (l'existence du cartel), le fait inconnu (l'évaluation du préjudice).
intérêts ; Qu'en refusant ainsi d'évaluer le dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe comme il
lui appartenait de le faire, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé».
710
OXERA et A. KOMNINOS (DIR.), Quantifying antitrust damages: Towards non-binding guidance for
courts, Study prepared for the European Commission, December 2009, p. IX, en ligne : <www.ec.europa.eu>.
«Oxera finds that in this dataset the median overcharge is 18% of the cartel price […] in most cases, the cartel
overcharge may be expected to be positive».
711
CA Paris (5-4), 10 juin 2009, SNC Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et Ajinomoto Eurolysine [Cartel
de la Lysine]. RG n°07/10478.
712
Tribunal de Commerce de Paris. 22 novembre 1999. SA L'art de la table c. SA Lalique. RG n° 97052941.
209
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
287. Dans cette affaire, un groupe de pharmaciens parisiens s'étaient constitués partie civile
dans les poursuites pénales engagées par le ministère public contre Rosenweigh pour exercice
illégal de la profession. Les pharmaciens demandaient réparation de la concurrence illicite faite
à leur monopole légal714. Ils avaient été déboutés une première fois en appel par la Cour de
Paris, et sur renvoi après cassation par la Cour de Rouen attendu que:
« l'intérêt public n'exclut pas l'intérêt privé. Et c'est précisément pour cela que le
Code d'instruction criminelle ouvre l'action civile aux parties lésées, alors même que
le ministère public ne voudrait pas poursuivre […] il n'est pas vrai de dire avec la
Cour Royale de Rouen, que le concours des commissaires de police suffit au ministère
public. Les pharmaciens sont en effet, plus à portée de découvrir et de prouver les
fraudes; leur concours peut éviter des frais au trésor ».
L'arrêt d'appel soulève deux objections à l'action en réparation des pharmaciens qui
continuent de travailler la construction jurisprudentielle de l'action collective en droit du
713
Cass. Ch. Réunies. 15 juin 1833, Baget c. Rosenweigh: S. 1833, 1, 458.
714
Loi du 21 germinal An XI (avril 1803) attribuant aux pharmaciens le droit exclusif de vendre des
médicaments et prohibant à toute autre personne de vendre toute préparation pharmaceutique ou remèdes secrets,
sous quelque dénomination qu'ils soient présentés.
715
CA Rouen 25 janvier 1833, Baget c. Rosenweigh: S. 1833, 1, 458.
210
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
Les objections de la Cour d'appel de Rouen demeurent d'ailleurs valides deux siècles plus tard,
tant le préjudice collectif demeure « étrange »718. Philippe STOFFEL-MUNCK considère qu'il faut
y voir « une peine privée dont le bénéfice va à l'association »719 ce qui explique le caractère automatique
du préjudice. Le préjudice collectif serait une peine privée précisément parce qu'il s'agit d'un
préjudice automatique, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un préjudice. Le fond
apparaît subverti par la procédure. La nature du préjudice acquiert les caractéristiques
publiques quasi-pénales de l'action syndicale. Dès lors que « le législateur a introduit l'action des
associations comme un moyen de suppléer les carences de l'action publique »720, il est inévitable que l'action
en réparation - qui en constitue le véhicule substantiel - absorbe les caractéristiques pénales de
l'action publique qu'elle vient dupliquer.
716
Loi du 21 mars 1884 (dite Waldeck-Rousseau) relative aux syndicats professionnels. JORF du 22 mars 1884
page 1577.
717
Cass. Ch. Réunies. 5 avril 1913. Perreau c. Syndicat National de la Viticulture Française. Rapport
Falcimaigne: D. 1914.1.65 et S 1920.1.49.
718
J. FRANCK, «Pour une véritable réparation de préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs», in
Etudes de droit de la consommation - Mélanges Jean Calais-Auloy, Dalloz, 2004, p. 409.
719
P. STOFFEL-MUNCK, «Chronique de responsabilité civile», La Semaine Juridique édition générale, 2009,
I, 123. Observations sous: Cass. Civ. 1ère 13 novembre 2008, UFC Que Choisir c. Free. n° de pourvoi: 07-
15.000: JurisData n° 2008-045832. N° 2: «Ce préjudice [collectif] est bien abstrait et bien étrange. Il est
beaucoup plus convaincant d'y voir une peine privée dont le bénéfice va à l'association tout comme lui est
délégué le pouvoir de poursuivre les atteintes à l'intérêt général dont elle a reçu la charge via l'habilitation. Cette
analyse a l'avantage logique d'expliquer en quoi l'atteinte à l'intérêt collectif suffit à justifier une sanction
monétaire. Elle permet surtout d'indiquer les paramètres à même de guider son évaluation : non seulement la
quantité d'actions illicites pourra compter, mais aussi la gravité de l'illicéité et la mauvaise foi de son auteur. À
côté des vieilles figures de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale, se précise celle d'une
responsabilité qu'on pourrait dire de marché».
720
C. DREVEAU, «Réflexions sur le préjudice collectif», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2011, p. 249. In
fine.
211
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
la difficulté de chiffrage du préjudice subi du fait de la concurrence illicite. L'arrêt mérite d'être
cité extensivement tant il est riche:
« Attendu 1°, que dans les conclusions par lesquelles ils ont déclaré se porter parties
civiles dans l'instance poursuivie par le ministère public, [les demandeurs] n'ont agi
qu'en leur qualité de pharmaciens à Paris […] Attendu 3° que l'exercice illégal de
la pharmacie porte nécessairement un dommage aux pharmaciens, puisqu'il constitue
une usurpation des droits qui leur sont garantis par la loi; que le fait même de cette
concurrence illicite, donnant aux pharmaciens un intérêt actuel et un droit né, tant à
en arrêter la continuation, qu'à obtenir la réparation du dommage consommé, il
s'ensuit que l'action en réparation de ce dommage repose sur une cause légale et dès
lors que cette action est recevable; que d'autre part, aucune loi ne défendant à un ou
plusieurs pharmaciens d'une ville d'agir, soit à raison d'un dommage spécial, soit à
raison de leur part dans un dommage commun, il s'ensuit que l'action d'un certain
nombre de pharmaciens de Paris était encore recevable, alors même que les autres
pharmaciens de la ville n'agissaient pas avec eux; Attendu 4°, que la difficulté
d'apprécier un dommage ne rend pas non recevable l'action en réparation de ce
dommage; que cette difficulté, qui peut exister relativement à d'autres dommages que
ceux résultant de concurrences illicites, n'a pas empêché la loi de confier, dans tous
les cas, l'appréciation du dommage et sa réparation à la sagesse des tribunaux, qui,
en effet, ont souvent fait usage de ce pouvoir en cas de concurrences illicites; que
lorsque les tribunaux ne croient pas avoir les éléments nécessaires pour arbitrer
d'office, ils peuvent ordonner toutes les voies d'instruction qui leur sont ouvertes par
la loi; mais qu'il ne leur appartient pas de déclarer l'action non recevable avec
condamnation du demandeur aux dépens, à raison de la seule difficulté d'apprécier le
quantum d'un dommage reconnu en principe »721.
Les conclusions du procureur général consacrent l'avènement du préjudice moral. Il observe
que:
721
Cass. Ch. Réunies. 15 juin 1833, Baget c. Rosenweigh: S. 1833, 1, 458.
722
A. DUPIN (L'AÎNÉ), «Conclusions du Procureur Général près de la Cour de Cassation dans l'affaire Baget c.
Rosenweigh», Recueil Général des Lois et des Arrêts (Sirey), 1833, p. 458.
212
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
« Il est plus facile d'affirmer l'existence d'un préjudice moral dont l'évaluation ne
souffrira guère de contestation puisqu'il n'offre pas de prise. On assiste […] à un
tour de passe-passe, qui consiste à masquer un préjudice matériel indéfinissable, voire
inexistant, derrière une apparence de préjudice "moral", dont l'évaluation est par
hypothèse irrationnelle […] Ce recours à la notion de dommage moral présente un
autre intérêt tout à fait dans l'air du temps : il permet aux juges de dépasser la
simple évaluation de la perte matérielle subie par la personne morale victime et
d'imposer au responsable le paiement d'une somme modulée en fonction de sa faute.
Le recours à un pseudo préjudice moral permet d'introduire une dimension punitive
dans la réparation »724.
Il en effet est troublant de constater que les conclusions de l'avocat général passent
insensiblement d'une discussion sur la « difficulté du chiffre » à la réparation du préjudice moral.
Le préjudice moral est un concept hybride. Il naît dans un contexte procédural pénal et
économique, afin de réparer le dommage causé à la profession par la concurrence illicite. Tout
l'effort de l'avocat général consiste à dématérialiser le préjudice, lui donner une consistance
morale évanescente, alors même qu'il s'agit de compenser une perte de clientèle, une perte
patrimoniale. Le problème du chiffrage du préjudice patrimonial est résolu par l'estimation
arbitraire sous couvert d'extrapatrimonialité.
723
P. LE TOURNEAU, «De la spécificité du préjudice concurrentiel», Revue Trimestrielle de Droit
Commercial, n°51 janv.-mars 1998, p. 83 (voir p. 90).
724
V. WESTER-OUISSE, «Le préjudice moral des personnes morales», La Semaine Juridique Edition Générale,
25 juin 2003, n° 26, I, 145. §13 et 14.
213
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
291. Dépendance à l'expertise . La Cour de cassation a posé très tôt qu’il est « de la sagesse
du juge de ne pas s'ingérer témérairement dans l'examen des théories ou des méthodes médicales et prétendre
discuter des questions de pure science »728. Ce rôle est dévolu aux experts, qui vont fournir au juge des
éléments d'information suffisants et crédibles pour qu'il puisse retenir une approximation
raisonnable du préjudice. Le juge ne remplace pas l'expert. Ainsi, « la pratique de l'expertise devient
interne au droit économique »729. Dans un séminaire consacré à la réparation des infractions au droit
de la concurrence, l'OCDE invitait les juges à acquérir des « indices économiques crédibles »730. Le
rôle de l'expertise apparaît crucial. François BÉLOT souligne que :
« le juge se retrouve très dépendant de l'avis de l'expert qu'il nomme pour l'éclairer
sur le calcul du montant du préjudice économique. Et alors que cet avis ne saurait
s'imposer à lui, la pratique laisse apparaître que, souvent, le rôle de l'expert est
devenu déterminant »731.
725
F. TERRÉ, Introduction générale au droit, 6 éd., Dalloz, 2003. §449.
726
X. LAGARDE, Réflexion critique sur le droit de la preuve, Thèse Paris-I : LGDJ - Bibliothèque de droit
privé, 1994, t. 239.
727
F. FERRAND, «Preuve», in Répertoire de procédure civile, Dalloz, mars 2010. §640 p. 158.
728
Cass. Civ. 21 juill. 1862: DP 1862. 1. 420.
729
P. NERHOT, «Quelques réflexions sur l'expertise en droit européen de la concurrence», Archives de
Philosophie du Droit, t.33 1988, p. 301 (voir p. 303).
730
OCDE, Mise en oeuvre judiciaire du droit de la concurrence, Executive summary, OCDE/GD(97)200.
«Judges must acquire credible economic evidence».
731
F. BÉLOT, «Pour une reconnaissance en droit français de la notion de préjudice économique», Les Petites
Affiches, 28 décembre 2005, p. 8.
214
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
732
M.-A. FRISON-ROCHE, «Vers le droit processuel économique», Justices, n°1 Janv./Juin 1995, p. 91 (voir
p. 97).
733
P. NERHOT, «Quelques réflexions sur l'expertise en droit européen de la concurrence», Archives de
Philosophie du Droit, t.33 1988, p. 301.
734
F.-X. TESTU, «Présentation générale», in L'expertise, sous la dir. de M.-A. FRISON-ROCHE et D.
MAZEAUD, Dalloz, 1995, p. 5.
735
B. OPPETIT, «Les rôles respectifs du juge et du technicien dans l'administration de la preuve en droit privé»,
in Xe Colloque des Instituts d'études judiciaires, PUF, 1976. p. 54.
736
H. CALVET, «Le temps et la réparation du préjudice en cas de violation du droit de la concurrence»,
in Cycle Risques, Assurances, Responsabilités, 2006, Cour de Cassation.
737
CA Paris (5-4), 10 juin 2009, Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et Ajinomoto Eurolysine [Cartel de la
Lysine]. RG n°07/10478.
215
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« Bearing Point sollicité par Télé 2, a évalué le nombre de clients Tele2 directement
déprésélectionnés dus aux pratiques de winback de France Télécom à 55,4 % sur
une période de campagne de rappel de 5 mois […] Si la pertinence de ce chiffrage
peut être discutée, elle est néanmoins confortée par plusieurs méthodes de calcul qui
valident ce résultat et permettent au Tribunal de s’assurer de la crédibilité des
évaluations réalisées lui permettant de déterminer le montant des dommages et
intérêts devant être accordés en réparation de l'ensemble des préjudices subis, du fait
des déprésélectionnés winback »738.
Le juge souhaite avant tout apprécier la plausibilité du raisonnement économique développé
par l'expert. Le fait que l'expertise ait été réalisée de manière extra-judiciaire n'affecte pas son
pouvoir de persuasion. Les juges consulaires sont convaincus de la « crédibilité » de l'évaluation
réalisée par la demanderesse dès lors que plusieurs méthodes d'estimation différentes
parviennent à un résultat similaire. L'expertise n'a aucune valeur probante. Elle est un simple
élément de persuasion adressé au juge, lui permettant de construire et asseoir sa conviction.
738
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, SA Télé2 c. SA France Telecom. RG n°
2003059443.
739
American Bar Association, Proving antitrust damages. Legal and economic issues, édité par W. H. PAGE,
ABA, 1996.
740
American Bar Association, Comments on the European Commission's Draft Guidance Paper on quantifying
harm in actions for damages, Section of Antitrust Law, october 2011. p. 6.
741
United States Supreme Court. 25 february 1946. Bigelow v/ RKO Radio Pictures, 327 US 251.
742
United States Supreme Court. 28 june 1993. Daubert v. Merrell Dow Pharmaceuticals. 509 U.S. 579.
743
Delegation of the United-States, Roundtable discussion on private remedies: passing-on defence, indirect
pruchaser standing and definition of damages, Competition Committee, Organisation for Economic Co-
operation and Development, 2006. «A plaintiff bears the burden of proving antitrust injury, but a somewhat
relaxed standard applies to proof of the amount of the plaintiff‘s damages once injury has been shown. The
amount of damages need not be proven with mathematical precision; although a just and reasonable estimate
based on relevant data, including both probable and inferential as well as direct and positive proof is acceptable,
speculation and guesswork are not».
216
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
Les tribunaux américains exigent une évaluation simplement raisonnable, sans que puisse être
opposée une défense vénitienne tenant à l'impossible précision. La Cour Suprême des Etats-
Unis a posé en principe que la victime doit seulement fournir une « évaluation juste et raisonnable
sur la base des données disponibles »744. L'existence d'une marge d'incertitude n'est pas un obstacle à
la réparation745, du moment que le demandeur apporte des données factuelles crédibles et
substantielles746. Les éléments factuels apportés par le demandeur ne doivent pas abandonner
le tribunal à la spéculation. Selon l'Uniform Commercial Code 747 américain, les dommages
compensatoires sont au mieux une approximation, ils doivent être prouvés avec la définition
et la précision autorisées par les faits et pas plus 748.
Dans l'affaire BIGELOW, le demandeur exploitant d'un cinéma se plaignait de la décision des
distributeurs de ne pas lui fournir les films dès leur sortie. La Cour Suprême a admis qu'il
puisse établir son préjudice en fournissant au juge une comparaison avec ses résultats
d'exploitation avant l'infraction lorsqu'il disposait des films dès leur sortie. Les juges
soulignent que :
744
United States Supreme Court. Bigelow v/ RKO Radio Pictures, 327 US 251 (1946).
745
J. Truett Payne Co v Chrysler Motors Corp, 451 U.S. 557, 565-67 (1981). " Because the victim of antitrust
injury is often unable to produce exact proof of his monetary damages, such damages may be awarded even
when they have not been proven with precision".
746
United States. Webb v. Utah Tour Broker, 568 F. 2d 670 (10th Circ. 1977).
747
Élaboré conjointement entre le American Law Institute et le National Commissioners on Uniform State Law,
l'Uniform Commercial Code (UCC) n'a pas de force contraignante en lui-même, mais a été adopté par les 50
Etats américains. Les commentaires sont un guide d'interprétation.
748
UCC 901-106, comment 1. Lu§2-715: ["Compensation damages are often at best best approximate: they have
to be proved with whatever definitement and accuracy the facts permit, but no more"]. Le Code rejette toute
doctrine de certitude. V. comment 4: ["the code rejects any doctrin of certainty in the proof of loss"] En ligne:
www.law.cornell.edu/ucc/ucc.table.html
749
United States Supreme Court. Bigelow v/ RKO Radio Pictures, 327 US 251 (1946).
750
United States. Webb v. Utah Tour Broker, 568 F. 2d 670 (10th Circ. 1977).
217
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
marché, avait estimé le gain manqué sur la base d'un taux de profit de 25%. La Cour d'appel
s'est limitée à la réparation de la perte subie du fait des frais de démarrage de l'activité, rejetant
le gain manqué assis sur une perspective de profit extravagante. La méthode du yardstick est la
seule utilisable pour un préjudice résultant d'une barrière à l'entrée, puisque par hypothèse il
n'y a pas de série temporelle utilisable. Dans un premier temps, l'expert doit identifier les
variables économiques qui sont affectées par l'infraction. Dans un second temps, les
techniques économétriques permettent de mesurer l'effet de l'infraction sur ces variables, afin
d'établir la différence entre le profit réalisé et le profit qui aurait pu être réalisé. La fiabilité de
l'étalonnage dépend directement du nombre de paramètres de comparaison. Dans une affaire
MEMOREX751, la cour rejette l'appréciation du préjudice proposée par le demandeur, au motif
que l'expert a déclaré que son étude ne tenait pas compte d'autres facteurs adverses extérieurs
à la violation alléguée à l'encontre de IBM. La cour retient ainsi que le scénario contrefactuel
de Memorex ne tenait pas compte de plusieurs facteurs parmi lesquels la récession survenue
au début des années 70, et qu'en conséquence, l'estimation du préjudice par le jury aurait été
spéculative.
294. La doctrine dénonce de manière assez générale un « effet pervers » d'insécurité juridique lié
au pouvoir souverain des juges du fond dans l'appréciation du préjudice. Patrice JOURDAIN
remarque que plus les juges « s'expriment plus ils s'exposent à des censures pour erreur de droit »752. Selon
l'avocat Frédéric BÉLOT, « les juges ont intérêt à en dire le moins possible sur leur mode de calcul, ce qui
accroît l'insécurité juridique car il n'est alors pas possible d'étudier les modes de calcul employés par les juges
dans de précédentes décisions »753. Geneviève VINEY souligne dans le même sens que le droit à
réparation « malgré son importance primordiale pour les intéressés, est resté jusqu'à présent très largement
abandonné au pouvoir souverain des juges du fond et souffre de ce fait, d'un défaut de réglementation favorisant
751
United States. ILC Peripherals Leasing Corp. v. IBM. 458 F. supp. 423 (N.D Cal. 1978).
752
P. JOURDAIN, «De quelques manifestations du contrôle de la Cour de cassation sur l'appréciation du
préjudice», Revue Trimestrielle de Droit Civil, mars 1991, n° 1, p. 121. «Tenus qu'ils sont de fournir dans leur
décision un minimum d'explications […] les juges du fond doivent ainsi rendre des comptes devant la Haute
juridiction. Et plus ils s'expriment, plus ils s'exposent à des censures pour erreur de droit. […] Il reste cependant
que sur l'existence du dommage, mais aussi sur son évaluation et les modes de sa réparation, les juges du fond
conservent encore un important pouvoir d'appréciation».
753
F. BÉLOT, «L'évaluation du préjudice économique», Recueil Dalloz, 2007, p. 1681.
218
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
l'arbitraire »754. Daniel FASQUELLE constate que les dommages et intérêts punitifs se développent
« sous le manteau du pouvoir souverain d'appréciation »755.
L'insécurité juridique ne peut pas être résolue par une méthode contraignante de
barêmisation756. Elle tient essentiellement à la personnalité des juges. Il est en effet possible
d'établir une corrélation entre les fluctuations jurisprudentielles du contentieux de la
réparation des infractions au droit de la concurrence et la personnalité des juges saisis des
affaires. Il faut alors saluer le rôle déterminant du Président Canivet dans la construction du
contentieux indemnitaire de la concurrence en France (A). C'est pourquoi, en matière
d'évaluation du préjudice, la mesure la plus pertinente paraît être l'adoption de lignes
directrices non contraignantes et la sensibilisation des juges dans le cadre de séminaires
internationaux (B).
296. Affaire OFUP. En 1992, le Crédit Lyonnais lance une opération promotionnelle à
destination des étudiants clients de la banque leur permettant de s'abonner à divers titres de
presse. Le Crédit Lyonnais a désigné la société France Abonnements en qualité de
commissionnaire auprès des éditeurs. En représailles, l'Office Universitaire de Presse (OFUP) -
agent commercial des éditeurs de presse disposant de l'exclusivité pour la prospection de la
clientèle universitaire - a demandé à ses mandants de ne pas contracter avec France
Abonnements, invoquant la clause d'exclusivité. France Abonnements a alors assigné l'OFUP
devant le Tribunal de Commerce de Paris, en nullité des conventions d'exclusivité conclues
entre l'OFUP et les éditeurs sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1 er
754
G. VINEY, «Le droit de la responsabilité dans l'avant projet Catala», in La création du droit juriprudentiel -
Mélanges J. Boré, Dalloz, 2007, p. 473 (voir p. 491).
755
D. FASQUELLE, «L'existence de fautes lucratives en droit français», Les Petites Affiches, 20 novembre
2002, p. 27 (voir p. 32). «le droit positif est une source d'insécurité juridique pour les victimes […] les juges du
fond ont tendance à aller au-delà de la seule réparation du préjudice afin de tenir compte de la gravité de la faute,
voire même du gain réalisé. Cette jurisprudence se développe sous le manteau du pouvoir souverain des juges du
fond».
756
J.-C. BARDOUT, «Le juge et les comptes tout faits de M. Barrême: Autorité, limites et conditions d'emploi
des barèmes dans le procès civil», La Semaine Juridique Edition Générale , 28 novembre 2011, n° 48, JCP (G),
I, 1332.
219
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
298. Affaire CAMIF. Une dernière affaire constitue cette triade originelle. La Coopérative
de consommation des adhérents de la mutuelle des instituteurs de France (CAMIF) reprochait
à l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP) un abus de position dominante sur le
marché des achats de mobilier et de matériel de l'Education Nationale. La CAMIF a assigné en
réparation de l'abus de position dominante devant le Tribunal de Commerce de Paris en 1991,
757
Tribunal de Commerce de Paris (1B), 20 juillet 1993, France Abonnements c. OFUP. RG n° 92/82084:
Numéro JurisData : 1993-043882.
758
CA Paris (5B), 12 décembre 1996, France Abonnements c. OFUP.
759
Cass. Com. 12 janvier 1999, OFUP c. France Abonnements. N° de pourvoi: 97-10808.
760
CA Paris (1A), 19 mai 1993, Mors c. Labinal: Rev. de l'Arbitrage 1993, n°4, p. 645-663; CA Paris (1A), 30
septembre 1998, Mors c. Labinal. RG n° 92/20943. Lire: L. IDOT, «note sous Paris 19 mai 1993 Sté Labinal c/.
Sté Mors», Journal du Droit International (Clunet), n°4 1993, p. 957. Et D. FASQUELLE, «La réparation des
dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles», Revue Trimestrielle de Droit Commercial, 1998,
p. 763.
220
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
qui a enjoint à l'UGAP de respecter les règles de concurrence et ordonné une expertise sur
l'évaluation du préjudice. En appel, la Cour a saisi le Conseil de la Concurrence d'une demande
d'avis sur l'existence d'une position dominante. Par cette même décision il a été mis fin aux
opérations d'expertise et sursis à statuer sur la demande de dommages et intérêts. En décembre
1996, le Conseil de la concurrence a constaté l'existence d'une position dominante de l'UGAP
sur le marché de l'achat mobilier de l'Education nationale. L'affaire est alors revenue devant la
1ère chambre section A de la Cour d'appel de Paris qui a constaté un abus de position
dominante au regard du droit communautaire et interne, enjoint la cessation des pratiques sous
astreinte et désigné Maurice Nussenbaum aux fins d'expertise afin d'évaluer le préjudice subi 761.
Sur la base du rapport d'expertise, la Cour d'appel a finalement condamné l'UGAP au paiement
d'une somme de 10.000.000 Fr. (1.525.000 euros) en réparation du préjudice subi par la
CAMIF762.
299. Expertise CAMIF. Selon le rapport de Maurice Nussenbaum, le préjudice subi par la
CAMIF se situait dans une fourchette allant de 6 millions à 12 millions de francs. Cette
fourchette relativement large s'explique par les différentes hypothèses faites par l'expert pour
déterminer le nombre des commandes affectées par l'abus.
Selon l'arrêt du 13 janvier 1998 l'UGAP avait commis un abus de position dominante
« en stipulant dans les conventions passées [par l'UGAP] avec les collectivités
territoriales […] des montants prévisionnels minimums d'achats correspondant à
une partie importante de la dotation budgétaire de celles-ci, pour les produits objets
de la convention et le versement d'avances, en début et en cours d'exercice, épuisant le
montant de la dépense correspondante, imposant ainsi, de fait, à ses cocontractants
une obligation d'approvisionnement exclusif ».
L'expert devait donc, sur la période de l'infraction, identifier les conventions conclues entre
l'UGAP et les Conseils Régionaux qui imposaient une exclusivité de fait au regard des deux
critères posés par l'arrêt du 13 janvier 1998:
761
CA Paris, (1A), 13 janvier 1998, UGAP c. CAMIF. RG n° 93/09481. Le montant de la provision à valoir sur
la rémunération de l'expert était de 15.000 euros. La CAMIF a obtenu 15.000 euros au titre de l'article 700.
762
CA Paris (1A), 22 octobre 2001, UGAP c. CAMIF. RG n° 93/09481.
221
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
La méthode d'évaluation proposée par le rapport d'expertise est intéressante, car elle montre
que le rôle de l'expert consiste, non pas à fournir un résultat unique, affecté d'un coefficient
d'incertitude, mais bien à offrir une palette d'hypothèses aboutissant chacune à une estimation
différente du préjudice subi.
300. Leçons de l'arrêt CAMIF. La Cour d'appel a retenu les hypothèses les plus favorables
à la CAMIF, en considérant que les deux conditions étaient vérifiées pour une montant
provisionnel minimum représentant le tiers de la dotation budgétaire, avec le versement d'une
avance épuisant 60% du montant provisionnel. Il s'agissait des hypothèses hautes du rapport
Nussenbaum, aboutissant à considérer l'existence d'une exclusivité de fait dans le plus grand
nombre de conventions. Sur la base de ces hypothèses, la Cour d'appel - observant que
l'expertise avait été réalisée de manière « minutieuse et scrupuleuse » - a considéré disposer « des
éléments suffisants pour fixer à la somme de 10.000.000 Fr. le montant de la réparation ». La Cour d'appel
se place ainsi au cœur de la fourchette proposée par l'expert. Son pouvoir souverain
d'appréciation lui permet de balayer l'objection de l'incertitude, dès lors qu'il s'estime convaincu
par la crédibilité des méthodes employées lors de l'expertise. Pour ne pas encourir la cassation,
il suffit que la Cour motive sa décision en retenant qu'elle estime disposer des éléments
suffisants pour fixer le montant des dommages et intérêts.
L'arrêt CAMIF montre que le principe de réparation intégrale n'a jamais signifié que
l'évaluation retenue devait être exacte, ni même précise. L'incertitude inhérente à l'évaluation
est couverte par le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Corrélativement, le
succès rencontré dans l'affaire CAMIF montre le faible intérêt de lignes directrices sur
l'évaluation du préjudice. Il n'appartient pas au juge de se livrer à des calculs économiques ou
comptables hors de sa compétence. L'AFEC s'interroge en ce sens
« sur le rôle ici joué par la Commission, qui dispense dans ce document une sorte de
"cours" de techniques statistiques et d'économétrie […] de manière inévitable, ce
"cours" est à la fois trop court et trop détaillé : d'un côté, pour le spécialiste, il est
simplificateur et manque souvent de recul critique ; d'un autre côté, la grande
quantité de détails fournis risque d'instiller chez un lecteur non spécialisé (par
exemple, un juge) une fausse sensation de confiance. À cet égard, le texte risque
d’accréditer l’idée fausse qu’une évaluation des dommages est accessible en toute
occurrence, au juge comme à l’avocat, indépendamment de leur formation en analyse
économique »763.
763
AFEC, Observations formulées par l'AFEC sur le projet de document d'orientation relatif à la quantification
du préjudice, 2011. p. 4.
222
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
Guy Canivet devient conseiller à la Cour d'Appel de Paris en 1986. À cette même époque, la
Cour d'Appel de Paris – sous la présidence de Pierre Drai - devient compétente en appel des
décisions du Conseil de la Concurrence. Le Premier Président Drai765 comprend
immédiatement l'importance de cette compétence nouvelle et rapatrie les premières affaires
devant la chambre du Premier Président (1A). Guy Canivet décrit de la manière suivante le
fonctionnement instauré par Drai:
764
Tout débute en 1991 avec l'affaire CAMIF devant le Tribunal de Commerce de Paris. L'affaire Courage c.
Bernard Crehan débutera deux ans plus tard au Royaume-Uni par assignation du 1er juin 1993.
765
Premier Président de 1986 à 1988, date à laquelle il devient Premier Président de la Cour de Cassation.
766
G. CANIVET, 17 novembre 2009. (Entretien portant sur la réparation des infractions au droit de la
concurrence, 2009). Réalisé par G. Zambrano.
223
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Guy Canivet devient président de la section H 767, section spécialisée de la 1 ère chambre en droit
de la concurrence. Et c'est à ce moment que démarrent les affaires CAMIF/UGAP et
Mors/Labinal. Guy Canivet explique l'appel d'air créé par cette politique volontariste de
formation des magistrats:
« Le CAT au Royaume-Uni est une juridiction qui est compétente à la fois pour la
sanction pécuniaire et la réparation mais on aurait pu faire ça à la Cour d’Appel de
Paris C’est simple de spécialiser! C’est d’ailleurs ce qui a fonctionné un certain
temps! Quand j’étais président de la 1ère H on avait rapatrié ces affaires là. On
avait quelques affaires, une dizaine d’affaires. Il y avait des affaires parce qu’il y
avait une formation. C’était le premier président Drai qui avait monté ça, moi
j’avais été désigné comme président de section »
767
Conseiller à la Cour d'Appel de Paris de 1986 à 1991, président de la section H, puis président de chambre
jusqu'en 1994, lorsqu'il est nommé conseiller à la Cour de cassation. Guy Canivet retourne à la Cour d'Appel de
Paris, comme Premier Président de 1996 à 1999, avant de devenir à son tour Premier Président de la Cour de
cassation.
768
G. CANIVET, 17 novembre 2009. (Entretien portant sur la réparation des infractions au droit de la
concurrence, 2009). Réalisé par G. Zambrano.
769
Depuis 2002, au titre de la Section 47A du Competition Act.
224
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
Le Premier Président Pierre DRAI, et le Premier Président Guy CANIVET avaient mis en place
un schéma institutionnel comparable au fonctionnement actuel du CAT, en vertu de leurs
pouvoirs d'administration judiciaire, par le « rapatriement »770 devant la section spécialisée 1H,
des demandes indemnitaires en matière d'infraction au droit de la concurrence. La
spécialisation effective de la 1H a eu des résultats immédiats, avec trois arrêts de
condamnation à dommages et intérêts sur la décennie.
B- Améliorer la formation
303. Formation. La spécialisation actuelle est incomplète, parce qu'elle ne s'est pas
accompagnée d'une spécialisation en chambre, appuyée sur la formation des juges. Au Tribunal
de Commerce de Paris, le contentieux indemnitaire des infractions au droit de la concurrence
est attribué à la quinzième chambre, identifiée dans l'ordonnance de roulement comme la
chambre de la concurrence déloyale. Similairement, à la Cour d'appel de Paris, le contentieux de
la réparation des infractions de concurrence échoit aux deux chambres jumelles 5-4 et 5-5,
auxquelles l'ordonnance de roulement attribue le contentieux des contrats commerciaux, de la
concurrence déloyale, et du droit interne et communautaire de la concurrence. Le contentieux
indemnitaire des infractions au droit de la concurrence est ainsi institutionnellement organisé
comme une branche cousine de la concurrence déloyale, alors même que les deux contentieux
poursuivent des finalités, et reposent sur des logiques, rigoureusement contraires. Par son
volume, et sa banalité, le contentieux de la concurrence déloyale tend à absorber le contentieux
de la réparation des infractions de concurrence. Et l'étude empirique confirment l'absorption:
les seules actions en réparation du dommage causé par une infraction au droit de la
concurrence sont des actions introduites par un concurrent. Un banal contentieux de la
concurrence déloyale qui constitue le cadre rémanent d'analyse des juges.
770
G. CANIVET, 17 novembre 2009. (Entretien portant sur la réparation des infractions au droit de la
concurrence, 2009). Réalisé par G. Zambrano.
225
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
771
T. AZZI, «La loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon», Recueil Dalloz, 2008, p. 700. La
spécialisation en matière de propriété intellectuelle trouve sa «raison d'être dans la complexité des litiges relatifs
à la propriété intellectuelle. En les soumettant à des magistrats spécialement qualifiés, on peut penser que les
décisions rendues en ce domaine seront de meilleure qualité et que, partant, la place de la justice française sur la
scène internationale s'en trouvera renforcée. L'évolution résulte par ailleurs d'un constat purement statistique,
selon lequel, parmi les nombreux tribunaux qui parsèment le territoire national, certains seulement ont affaire
régulièrement à des questions de propriété intellectuelle, le tribunal de grande instance de Paris occupant de loin
la première place […] Sont aussi évoqués le renforcement de la formation des magistrats spécialisés en ce
domaine et la nécessité de les maintenir à un même poste pendant une durée suffisante, afin qu'ils acquièrent une
expérience solide».
772
E. CLAUDEL, «Décret n° 2005-1756 du 30 décembre 2005 : enfin l'avènement des tribunaux spécialisés en
droit de la concurrence», Revue Trimestrielle de Droit Commercial, 2008, p. 322.
773
Voir le site internet: http://www.aeclj.com.
226
CHAP. 3 : ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
la Commission s'appuie sur AECLJ pour organiser le dialogue européen des juges. Pour ce
faire, la Commission doit identifier la petite vingtaine de juges français jouant un rôle clef dans
le développement du contentieux de la concurrence. Il s'agit en premier lieu des juges de la
15ème chambre du Tribunal de Commerce de Paris 774. Il s'agit en second lieu des magistrats de la
Cour d'appel de Paris Pôle 5, avec les chambres jumelles 5-4 et 5-5 en charge du droit national
et communautaire775, et des magistrats de la chambre 5-7 qui a succédé à la 1H dans les
fonctions de recours contre les décisions de l'Autorité de la concurrence 776. Et enfin, les
magistrats spécialistes des questions de concurrence à la chambre commerciale de la Cour de
Cassation777.
774
Pdte Mme Béatrice Charlier-Bonnatti, M. François de Maublanc, Mme Nathalie Dostert, Mme Agnès
Delacroix, M. Hervé Lefebvre, M. Gilles Guthmann, M. Christian Wiest, M. Dominique Laulan, M. Alain
Wormser.
775
Le Président M. Michel Roche (5-4), La Présidente Mme Colette Perrin (5-5), Le conseiller M. Fabrice Vert
(5-4), La conseillère Mme Irène Luc (5-4), La conseillère Mme Patricia Pomonti (5-5).
776
Le Président M. Christian Réménieras, la conseillère Mme Pascale Beaudonnet et la conseillère Mme Sylvie
Meslin
777
Le conseiller M. Frédéric Jenny (ancien Vice-Président du Conseil de la Concurrence. et Président du Comité
du droit et de la politique de la concurrence à l'OCDE). La conseillère Mme Jacqueline Riffault-Silk (membre du
comité exécutif de AECLJ). La conseillère Mme Agnès Mouillard (anciennement conseillère de la chambre 1H
de la Cour d'appel de Paris). La conseillère référendaire Mme Valérie Michel-Amsellem (anciennement
rapporteur au Conseil de la concurrence).
227
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
307. Il est impossible de parvenir à une évaluation certaine du préjudice, compte tenu de la
nature contrefactuelle du scénario de reconstruction de la situation économique de la victime
en l'absence d'infraction. Cette difficulté – qui n'est pas propre au contentieux indemnitaire des
infractions de concurrence – n'appelle aucune réforme particulière. Le principe de
l'appréciation souveraine des juges du fond et les techniques d'approximation par la perte de
chance et le préjudice moral autorisent une marge raisonnable d'incertitude. La difficulté ne
réside pas dans le droit mais dans la psychologie et le volontarisme des juges. L'organisation de
séminaires et colloques réunissant des juges européens des divers États-membres paraît être
une mesure suffisante, apte à créer un consensus et une émulation. La réussite de la politique de
développement des actions en dommages et intérêts passe essentiellement par la sensibilisation
et la formation des quelques dizaines de juges ayant à connaître du contentieux.
308. Cette apparente facilité masque toutefois un problème bien plus pernicieux. Le
contentieux indemnitaire des infractions de concurrence souffre d'une confusion avec le
contentieux de la concurrence déloyale. Contentieux banal et rassurant qui conduit les juges à
réparer assez facilement le préjudice d'éviction, dans les actions engagées entre concurrents. Et
par un effet de rétroaction, l'hypersensibilité des juges au préjudice d'éviction semblent les
insensibiliser au préjudice de surcoût, qu'ils ne reconnaissent pas comme un préjudice qu'ils ont
l'habitude d'indemniser. Les conseils des défendeurs ont su exploiter habilement cette
prédisposition négative des juges, en développant un raisonnement sophistiqué en faisant
disparaître le préjudice par le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût.
228
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
778
Le problème de la répercussion du surcoût manifeste la spécificité de la revente. Sur ce point lire: D.
MAINGUY, La revente, Litec, 1996, [Doctorat : Droit : Univ. Montpellier-I].
779
L'impact de l'infraction sur le patrimoine de l'acheteur direct devrait être apprécié dans le contexte global de
l'opération de revente, parce que le siège du dommage de surcoût se situe dans un contrat commercial faisant
partie d'une chaîne de contrats : B. TEYSSIÉ, Les groupes de contrats, LGDJ, 1975, [Doctorat : Droit : Univ.
Montpellier-I].
780
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 31 janvier 2012, Bottin Cartographe c. Google [Google Maps].
RG n° 2009061231;
781
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.) 18 juin 2003, SA Neuf Telecom c. SA France Telecom. RG n°
2003001151; Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 28 mai 2004, SA Télé2 c. SA France Telecom. RG n°
2003059443.
782
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 20 novembre 2008, SARL LB associés c. La Monnaie de Paris.
RG n° 2007044186.
783
Tribunal de Commerce de Paris (20ème ch.), 2 décembre 2005, SA EDIPOST c. La Poste. RG n°
2004039665.
784
Cette affaire semble avoir été résolue par une transaction. Désistement d'instance accepté: Tribunal de
Commerce de Paris (8ème ch.) 4 mars 2005, Alpha Flight Services c. Aéroports de Paris. RG n° 2004045387.
785
CA Paris (1A), 22 octobre 2001, UGAP c. CAMIF. RG n° 93/09481.
229
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
affaires cartels des vitamines 788 et cartel de la lysine789, ou encore l'affaire des marchés publics
des lycées d'Île-de-France790, n'ont jamais débouché sur une décision judiciaire définitive de
condamnation.
786
CA Paris (1A), 30 septembre 1998, Mors c. Labinal. RG n° 92/20943.
787
CA Paris (5B), 12 décembre 1996, France Abonnements c. OFUP.
788
Tribunal de Commerce de Nanterre, 11 mai 2006, Arkopharma c. Hoffmann La Roche (déboute); Tribunal de
Commerce de Paris (3ème ch.) 26 janvier 2007, Laboratoires Juva c. Roche Vitamins Europe Ltd et Hoffmann
La Roche AG. [Cartel des Vitamines]. RG n° 2003048044 (déboute); CA Paris (5B) 14 juin 2007, Laboratoires
JUVA c. Hoffmann La Roche AG [Cartel des Vitamines]. RG n°07/02360 (désistement d'instance).
789
Succès en appel: CA Paris (5-4), 16 février 2011, Coopérative Le Gouessant c. Ajinomoto Eurolysine [Cartel
de la Lysine]. RG n° 08/08727; CA Paris (5-4), 10 juin 2009, Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et
Ajinomoto Eurolysine [Cartel de la Lysine]. RG n°07/10478 (fait droit). Mais cassation: Cass. Com. 15 juin
2010, Ajinomoto Eurolysine c. SARL Doux Aliments [Cartel de la Lysine]. N° de pourvoi: 09-15816.
790
Déboute le Conseil Régional de sa demande de provision en référé: TGI Paris (référé) 15 janvier 2009,
Région IDF c. société Bouygues et autres [marchés publics des lycées de la région Ile-de-France]. RG n°
08/55030.
791
CAA Paris. 27 février 2007. SNCF c. Eiffage: AJDA 2007 p. 1978; CAA Paris. 17 avril 2007. SNCF c.
Campenon Bernard: AJDA 2007 p. 2200. Et CE (sous-sections réunies) 19 décembre 2007, Campenon Bernard.
N° 268918: RDP. 20 août 2008, p. 1174. Concl. N. Boulouis. TA Paris (6-1), 27 mars 2009, Société Nationale
des Chemins de Fer Français [TGV Nord]. n° 9709158.
230
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
792
CA Paris (5-4), 10 juin 2009. Doux Aliments Bretagne c. Ajinomoto Eurolysine. n° 07/10478. « Considérant
qu'Ajinomoto conclut à l'irrecevabilité de l'action intentée à son encontre sur le fondement de l'article 1376 du
code civil pour absence d'intérêt à agir des sociétés Doux avec lesquelles elle n'a été, à aucun moment, en
relation; que toutefois, comme l'a retenu le tribunal, l'action est recevable, dès lors qu'elle peut être engagée à
l'encontre de celui qui a bénéficié d'un enrichissement indu, peu important l'existence d'un lien de droit ou non
entre les parties; Considérant que les paiements concernés ont été effectués conformément à des conventions
valablement conclues et pour les montants prévus par ces contrats; que les fautes éventuelles d'une partie ne
rendent pas indus les paiements effectués conformément au contrat ». La société Doux, qui élève des volailles,
avait acquis de la lysine entrant dans l'alimentation de la société CEVA Santé Animale, qui l'avait elle-même
achetée à la société Ajinomoto Eurolysine, membre du cartel. Un premier obstacle réside dans le fait que
Ajinomoto défenderesse n'a rien reçu de Doux demanderesse. Un second obstacle réside dans le fait que le
paiement de la lysine par Doux a été effectué en vertu du contrat de vente qui la liait à CEVA. Le versement
effectué par la demanderesse n'est pas indû.
793
M. CHAGNY, «Droit spécial de la concurrence et droit commun: nouvelle rencontre ... nullité du contrat et
répétition de l'indu, en l'absence des contractants concernés», Revue Lamy du droit de la concurrence, avril
2007, n° 11, RLC 795, p. 87, note sous T. Com. Créteil 24 octobre 2006. Min. Economie c. Système U. RG n°
2005F00025. «là où l’action en dommages-intérêts, enfermée dans le carcan de la réparation intégrale et
amoindrie par certaines difficultés d’évaluation du préjudice, paraît trop souvent souffrir d’une efficacité
insuffisante liée à la relative faiblesse de l’indemnisation allouée, la rétroactivité attachée à la nullité produit des
effets radicaux puisqu’elle emporte la restitution des sommes indument perçues en exécution des contrats
contraires au droit des pratiques restrictives».
794
Y. PICOD, «Nullité», in Répertoire de droit civil, Dalloz, 2004. §80. p. 12.
795
Cass. Civ. 2ème, 28 oct. 1954: JCP 1955. II. 8765, note R. Savatier ; et RTD civ. 1955. 324, obs.H. Mazeaud et
L. Mazeaud.
796
S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, LGDJ, [Paris-I : 1995].
231
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
314. Le fondement dolosif. La nullité spéciale des articles 101§2 TFUE et L420-3 Code de
Commerce ne serait pas applicable à un contrat de vente d'un produit cartellisé, parce que le
contrat conclu entre le membre du cartel et l'acheteur direct victime ne constitue pas un accord
au sens de l'interdiction des ententes 797. Le véritable fondement de la restitution doit être
recherché dans la sanction du dol. Le dol déterminant qui entraîne une erreur sur le prix (§1)
offre à la victime une action contractuelle en nullité et réduction du prix (§2) qui échappent au
moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût.
315. Double nature du dol . L'article 1116 dispose que « le dol est une cause de nullité de la
convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces
manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ». Il n'est pas absurde d'imaginer que la faute
délictuelle résultant de l'infraction au droit de la concurrence puisse recevoir la qualification
supplémentaire de dol. Il est classiquement expliqué798 que le dol présente une double nature à
la fois contractuelle et délictuelle, en tant que vice du consentement entraînant l'anéantissement
du contrat et délit civil engageant la responsabilité dans les conditions de droit commun de
l'article 1382 du Code civil799. Reconnaître la qualification de dol ne revient pas à contester la
nature délictuelle de l'action en responsabilité de la victime de l'infraction au droit de la
797
La nullité de plein droit du paragraphe 2 est inapplicable aux opérations de vente contractées aux conditions
du cartel, parce que l'acheteur n'a pas consenti à la restriction de concurrence. En ce sens: TPICE (5 ème ch.) 26
octobre 2000. Bayer AG c. Commission des Communautés européennes [ADALAT]. Aff. T-41/96. §67 et §69.
V. les commentaires: L. IDOT, «Le tribunal revient à une conception civiliste de l'accord en matière de relations
horizontales», Revue Europe, décembre 2004, comm n° 426, p. 27. L. IDOT, «Note sous TPICE, 26 octobre
2000.», Revue Europe, comm. n° 393 2000. L. IDOT, «En matière de relations verticales, pour qu'il y ait accord
et non un comportement unilatéral, la Commission doit apporter la preuve d'une offre du fabricant et d'une
acceptation des revendeurs», Revue Europe, comm. n° 84 mars 2004, p. 24. J.-M. COT, «La notion d’entente
dans la jurisprudence communautaire. Note sous CJCE 6 janvier 2004 Bayer», Revue Juridique Droit des
Affaires, 6/04. J.-C. GRALL et C. GRASS, «La notion d’accord au sens de l’article 81§1 après l’arrêt BAYER»,
Bulletin d’actualités Lamy droit économique, n° 170 février 2004. M. THILL-TAYARA et F.
HERRENSCHMIDT, «Entrave au commerce parallèle : la fin des ententes présumées», Revue Lamy Droit des
Affaires, 2004, 68. La même solution devrait être retenue en droit interne. L'article L420-3 Code de commerce
adopte une formulation différente selon laquelle «est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se
rapportant à une pratique prohibée par les articles L420-1 et L420-2». Une interprétation extensive de la notion
de «clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée» qui assimilerait la stipulation du prix à une mise
en œuvre de l'entente, alors même que l'une des parties au contrat serait étrangère au cartel entrerait en
contradiction directe avec la jurisprudence Adalat.
798
H. MAZEAUD, L. MAZEAUD et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, édité par F. CHABAS, 9 éd.,
Montchrestien, 1998. n° 197 p. 189: « Le dol, d'une part, vicie le consentement de la victime, et, d'autre part,
constitue une faute de son auteur. Aussi la sanction du dol est-elle double […] Mais quelle est la nature de la
responsabilité? La jurisprudence décide à juste titre que lorsque le dol est suffisant pour entraîner la nullité du
contrat, la responsabilité est délictuelle. Il ne peut en effet en être autrement puisque, du fait de la rétroactivité de
la nullité, le contrat est censé n'avoir jamais existé ».
799
Cass. Civ. 1ère 4 févr. 1975 : JCP G 1975, II, 18100; D. 1975, p. 405.
232
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
concurrence, mais à en discuter les conséquences contractuelles, dans les rapports entre l'auteur
de l'infraction et son cocontractant direct.
317. Dol et erreur sur la valeur . La demande de réparation du préjudice lié à un prix de
cartel ramène au problème classique du dol incident. Selon cette théorie, le dol qui n'a pas été
déterminant du consentement, mais a simplement conduit la victime à conclure un contrat à
des conditions moins avantageuses, n'entraîne pas la nullité mais permet seulement d'obtenir
des dommages et intérêts délictuels. On voit immédiatement que la théorie du dol incident
formerait un obstacle irrémédiable à une stratégie contentieuse visant à soustraire la sanction au
principe de réparation intégrale.
318. Théorie classique du dol incident. Il est acquis depuis POTHIER que :
« il n'y a que le dol qui a donné lieu au contrat qui puisse donner lieu à la rescision,
c'est-à-dire le dol par lequel l'une des parties a engagé l'autre à contracter, qui
n'auroit pas contracté sans cela, tout autre dol qui intervient dans les contrats, donne
seulement lieu à des dommages et intérêts pour la réparation du tort qu'il a causé à
la partie qui a été trompée »800.
À la suite de POTHIER, les manuels de droit civil ont eu tendance à assimiler le dol sur le prix à
un dol incident qui ne donnerait lieu qu'à dommages et intérêts801. Pour ces auteurs, le dol
incident provoque un « vice du consentement [qui] n'a porté que sur le prix »802, « qui ne porte que sur des
parties secondaires du contrat »803, « n'a pas pour effet d'altérer le consentement de la victime, car de toute
façon, elle aurait conclu le contrat, mais a simplement pour effet d'entraîner la conclusion du contrat à des
800
POTHIER, Traité des obligations, Siffrein, 1821. p. 102.
801
F. TERRÉ, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, «Les obligations», 10 éd., Dalloz, 2009. §238. M. FABRE-
MAGNAN, Les obligations, 1 éd., PUF, 2008. p. 297. A. SÉRIAUX, Manuel de droit des obligations, 2 éd.,
PUF, 2006.
802
P. MALINVAUD, Droit des obligations, 10 éd., Litec, 2007. §186. p. 134. «le vice du consentement n'a porté
que sur le prix; il suffit donc de rectifier le prix par l'allocation de dommages et intérêts pour que le contrat soit
parfait»
803
P. MALAURIE, L. AYNÈS et P. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 4 éd., Defrénois, 2009.
233
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
conditions plus onéreuses, ce qui constitue un préjudice »804. Cette approche aligne en réalité la
qualification de dol sur les notions restrictives d'erreur sur la valeur et de lésion. L'assimilation
du dol sur la valeur au dol incident permet d'empêcher la contestation sur le terrain du dol,
d'un vice du consentement portant sur le prix qui n'est pas admis sur le terrain de l'erreur ou
de la lésion. Il est vrai qu'il existe un courant jurisprudentiel, qui suivant cette doctrine,
considère que le dol sur la valeur ne peut donner lieu qu'à dommages et intérêts en tant que
dol incident805.
320. Réfutation doctrinale du dol incident . L'équation entre dol sur la valeur et dol
incident se trouve en conséquence réfutée par une doctrine majoritaire et ancienne. Planiol
rejette la théorie du dol incident au motif qu'elle repose sur une « dissociation arbitraire et même
impossible de l'acte de volonté »809. Jacques GHESTIN souligne l'erreur de la théorie du dol incident,
804
C. LARROUMET, Droit Civil: les obligations et le contrat, 5 éd., Economica, 2003, t. 3. §364. p. 326. «à la
différence du dol principal, sans lequel la conclusion du contrat n'aurait pas eu lieu ou bien aurait eu lieu à des
conditions essentielles différentes, le dol incident est la manœuvre déloyale qui n'a pas pour effet d'altérer le
consentement de la victime, car de toute façon, elle aurait conclu le contrat, mais a simplement pour effet
d'entraîner la conclusion du contrat à des conditions plus onéreuses, ce qui constitue un préjudice».
805
CA Caen, 3 nov. 1994: Juris-Data n° 048695 ; CA Paris, 23 mai 1995: Juris-Data n° 022481 ; CA Paris, 16
mai 1997: Juris-Data n° 021391 ; CA Metz, 15 oct. 1997: Juris-Data n° 057378.
806
Cass. Civ. 1ère 22 décembre 1954. Arnaud c. Veuve Gaudion: D. 1955. 254. « Mais attendu que la vente n'est
parfaite que par l'accord des parties sur l'objet et sur le prix […] en considérant que l'accord de la venderesse sur
le prix avait été surpris par dol et que dame Gaudion n'aurait pas contracté à un tel prix, dont la vileté est
souverainement reconnue par l'arrêt, sans les affirmations mensongères, les dissimulations, les réticences, qui ont
altéré son consentement à l'égard d'un élément essentiel du contrat, la Cour d'appel a pu prononcer la nullité de la
vente litigieuse ».
807
Cass. Civ. 3ème 22 juin 2005. Simco c/ Saint-Pray. n° 04-10415. Dans le même sens: Cass. com., 14 juin 2005.
n° 03-12339. Nullité pour réticence dolosive d'une de cession de parts sociales sous-évaluées.
808
P. STOFFEL-MUNCK, «Erreur sur la valeur et dol incident», Revue des contrats, 1 octobre 2005, n° 4,
p. 1025.
809
M. PLANIOL, G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil, 4 éd., LGDJ, 1952, t. 2.
Obligations et contrats. §219. p. 81: «c'est l'erreur provoquée par le dol qui est le vice du consentement. Toute
234
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
dès lors que le prix est un élément essentiel du contrat810. Même objection chez FLOUR et
AUBERT car « en réalité, le dol dit incident doit suffire à justifier l'annulation, si celle-ci est demandée; pour le
considérer comme déterminant, il suffit en effet de constater que, sans lui, le contrat n'aurait pas été conclu dans
les termes où il l'a été »811. ESMEIN considérait la distinction entre dol principal et incident comme
« mal venue »812, tout comme MAZEAUD, selon lequel il est « inexact d'analyser en un dol incident celui
qui a amené la conclusion d'une clause particulière du contrat, la fixation du prix par exemple; un tel dol sera
principal s'il a déterminé le contractant »813. À la suite de ces auteurs, l'avant-projet de réforme du
droit des obligations confirme l'abandon de la théorie du dol incident. Selon les rédacteurs,
erreur qui détermine le consentement entraîne en principe l'annulation du contrat […] que l'erreur soit provoquée
par le dol ou qu'elle soit spontanée, on aboutit donc toujours à la même conséquence juridique qui est la nullité
du contrat. La notion technique de dol n'en présente pas moins une grande utilité pratique. Tout d'abord, il y a
une erreur très fréquente en fait, qui ne motive pas l'annulation du contrat, alors même qu'elle détermine le
consentement, c'est l'erreur sur la valeur. Or cette erreur sur la valeur est prise en considération, lorsqu'elle est
créée par le dol». Et §228. p. 84. «sans entraîner la conclusion du contrat, le dol a pu déterminer la partie à
accepter des conditions plus onéreuses […] ces manœuvres justifient l'allocation d'une indemnité qui se traduira
par un abaissement ou une restitution partielle du prix, selon qu'il sera encore dû ou déjà payé. C'est ainsi que
l'on présente l'opposition classique entre le dol principal (dolus dans causam contractui) et le dol incident (dolus
incidens). Cette distinction qui paraît logique ne laisse pas d'être spécieuse. Elle implique une dissociation
arbitraire et même impossible de l'acte de volonté: […] la volonté d'acquérir ne prend une valeur juridique que si
elle est la volonté d'acquérir moyennant un prix déterminé»
810
J. GHESTIN, «Note sous Cass. Com. 14 mars 1972. Guibert c. Chauvet», Recueil Dalloz, 1972, p. 653. «il
suffit pour justifier l'annulation d'observer que le demandeur aurait traité à des conditions différentes s'il avait
connu la réalité […] la nullité peut être demandée même si le demandeur a été seulement déterminé à accepter
des conditions plus onéreuses».
811
J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Droit civil: les obligations, 12 éd., Sirey, 2006, t. 1. L'acte
juridique. §214. p. 168. «à ce dol, dénommé principal, il est traditionnel d'opposer le dol qualifié incident: c'est-
à-dire celui sans lequel le contrat aurait quand même été conclu, mais à des conditions différentes, notamment à
des conditions pécuniaires plus avantageuses. Le dol incident, dit-on, ne motive pas une annulation; il permet
seulement au contractant trompé d'obtenir des dommages-intérêts, lesquels se traduiront en fait par une
diminution du prix convenu. De nombreux auteurs dénoncent le caractère artificiel de cette opposition, en faisant
valoir qu'il est psychologiquement irréaliste de prétendre ainsi distinguer entre la volonté de contracter,
abstraitement considérée, et la volonté concrète de contracter à telles ou telles conditions. En réalité, le dol dit
incident doit suffire à justifier l'annulation, si celle-ci est demandée; pour le considérer comme déterminant, il
suffit en effet de constater que, sans lui, le contrat n'aurait pas été conclu dans les termes où il l'a été».
812
P. ESMEIN, «Les obligations (tome 6)», in Traité pratique de droit civil français, sous la dir. de M.
PLANIOL et G. RIPERT, 2 éd., LGDJ, 1952, vol. 1. §207. p. 249. «l'article 1117 ne semble viser que le cas où
la partie induite en erreur n'aurait pas contracté si elle avait connu la vérité, et non celui où elle aurait contracté
néanmoins, mais à d'autres conditions. On est cependant d'accord pour sanctionner le dol même en ce cas, et l'on
qualifie ce dol de dol incident, par opposition au dol principal. Mais on dit généralement que la victime a
seulement une action en dommages et intérêts contre l'auteur du dol […] La distinction du dol principal et
incident ainsi faite est mal venue […] ce n'est pas [au juge] mais à la victime du dol, à apprécier si la réparation
du dommage causé doit être procurée par l'annulation ou par l'allocation de dommages-intérêts. Cette alternative
est laissée au choix de l'acheteur en cas de vice caché […] Il y a plus forte raison de laisser cet avantage à la
victime d'un dol […] La question ne paraît pas d'ailleurs avoir fait difficulté en pratique. Les tribunaux réduisent
le prix quand la victime du dol ne demande que cela».
813
H. MAZEAUD, L. MAZEAUD et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, édité par F. CHABAS, 9 éd.,
Montchrestien, 1998. §197. p. 189.
235
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
l'erreur provoquée par le dol « est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la chose
qui en est l’objet »814.
321. Application au surprix de cartel . La constitution d'un cartel en vue de la fixation des
prix s'analyse en manœuvres frauduleuses, au sens de l'article 1116, qui ont déterminé l'acheteur
à accepter des conditions contractuelles plus onéreuses. En l'absence du cartel, la concurrence
entre les vendeurs aurait permis à l'acquéreur d'obtenir un meilleur prix. Il faut inéluctablement
en conclure que le cartel a bien vicié le consentement de l'acquéreur, qui n'aurait pas accepté les
conditions contractuelles proposées s'il avait eu connaissance de son existence. La qualification
de dol au sens de l'article 1116 ne présente donc pas de difficultés majeures au regard de la
jurisprudence civile.
814
Y. LEQUETTE, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, «Des conditions essentielles pour la validité des
conventions», in Avant-projet de réforme du droit des obligations, sous la dir. de P. CATALA, La
documentation française, 22 septembre 2005. Cf. Article 1113-3. V. égal. Article 1113-1: «Constitue également
un dol la dissimulation intentionnelle par un contractant d’un fait qui, s’il avait été connu de son cocontractant,
l’aurait dissuadé de contracter, au moins aux conditions convenues».
815
Conseil de la Concurrence. Décision 95-D-76 du 29 novembre 1995 relative à des pratiques constatées à
l'occasion de marchés de grands travaux dans le secteur du génie civil. La décision de condamnation a été
confirmée en appel, mais la Cour de cassation avait annulé sur le fondement de l'article 6§1 CEDH, en raison de
la participation du rapporteur au délibéré. CA Paris, 6 mai 1997, Bouygues S.A. et autres c. SNCF: BOCCRF 8
juill. 1997, p. 440 et Cass. Com., 5 oct. 1999, Campenon Bernard, c. Ministre de l'Economie et des Finances:
Gaz. Pal. 1999, 1, 757, concl. Lafortune ; Gaz. Pal. 1999, 2, 1938, note O. Flécheux.
816
Cour des Comptes. Rapport Annuel. 1996. JO. p. 343.
817
Pour une vue d'ensemble: F. MODERNE, «Une illustration exemplaire de la théorie du dol dans le
contentieux des contrats administratifs. à propos de l'arrêt du Conseil d'Etat du 19 décembre 2007, Société
Campenon-Bernard», Revue Française de Droit Administratif, 2008, p. 109.
236
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
Le Conseil d'État a confirmé l'arrêt d'appel818 qui avait fait droit à la demande d'indemnisation,
sur le fondement de l'article 1116 du Code civil, en retenant qu'une entente anticoncurrentielle
constitue un dol autorisant la personne publique victime de l'infraction à agir - alternativement
ou cumulativement - en nullité du contrat administratif et en responsabilité délictuelle, devant
le juge administratif. Selon l'arrêt confirmatif du Conseil d'État:
818
CAA Paris. 27 février 2007. SNCF c. Eiffage: AJDA 2007 p. 1978. Et CAA Paris. 17 avril 2007. SNCF c.
Campenon Bernard: AJDA 2007 p. 2200. «en figeant les positions respectives de chaque membre de l'entente
[…] un tel accord général a eu pour effet de limiter la concurrence par les prix et d'augmenter la valeur globale
des travaux […] ces constatations […] suffisent à établir l'existence de manoeuvres caractérisées des entreprises
cocontractantes de la SNCF destinées à tromper celle-ci sur la réalité de la concurrence et sur la valeur des prix
proposés […] ces manoeuvres dolosives […] présentent, eu égard à leur objet et à leurs effets, tous les caractères
d'un dol ayant conduit la SNCF à conclure un marché dans des conditions plus onéreuses que celles auxquelles
elle aurait dû normalement souscrire»
819
Conseil d'État 19 décembre 2007, Campenon-Bernard. n° 268918. «Le présent litige a pour objet
l'engagement de la responsabilité de sociétés en raison d'agissements dolosifs susceptibles d'avoir conduit une
personne publique à contracter avec elles à des conditions de prix désavantageuses et tend à la réparation d'un
préjudice né des stipulations du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du
marché de travaux publics effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l'être dans des conditions normales
[…] pour juger que la responsabilité pécuniaire des entreprises cocontractantes de la SNCF était engagée, les
juges du fond ont estimé qu'il leur appartenait, en présence de manœuvres dolosives qui, sans être la cause
déterminante de la volonté de contracter de la partie qui en a subi les effets, l'ont amenée à accepter des
conditions plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait dû normalement souscrire, non de prononcer la
résolution du contrat, mais de réparer le préjudice subi par cette partie en lui octroyant des dommages-intérêts
[…] les actions en nullité devant le juge du contrat et en responsabilité quasi-délictuelle auxquelles peut donner
lieu un dol viciant le consentement d'une partie à entrer dans des liens contractuels sont indépendantes l'une de
l'autre […] il appartient à la partie qui en a subi les effets de choisir de s'engager dans l'une ou l'autre des deux
actions, ou dans les deux […] si la cour a relevé à tort que le dol bien qu'affectant le consentement sur le prix
offert, ne devait pas entacher de nullité l'ensemble du contrat, cette circonstance a été sans incidence sur les
motifs sur lesquels elle s'est fondée pour retenir la responsabilité des entreprises dès lors qu'elle ne s'est pas
prononcée en qualité de juge du contrat sur la validité de celui-ci, mais a statué […] sur la responsabilité quasi-
délictuelle des entreprises à raison de leurs agissements dolosifs».
820
Conseil d'État, 14 décembre 1923, Grands Moulins de Corbeil, Rec. 852: Gaz. Pal. 1924, 1, 118.
821
N. BOULOUIS, «Conclusions du Commissaire du gouvernement: Conseil d'État, 19 décembre 2007,
Campenon Bernard», Revue du Droit Public, 20 août 2008, p. 1174.
237
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
BERNARD marque la « volonté du juge de participer activement à la lutte contre les ententes
anticoncurrentielles et de faciliter la réparation de leurs conséquences dommageables pour les collectivités
publiques »822.
323. Dol automatique. Les critiques doctrinales se sont portées essentiellement sur la
qualification automatique du dol résultant de l'entente anticoncurrentielle. Stéphane Braconnier
observe que « le fait de tromper l'acheteur public sur la réalité de la concurrence ne suffit aucunement à
caractériser le dol [car] la pratique anticoncurrentielle ne peut se muer en vice du consentement que si elle a eu un
effet décisif sur le consentement de la personne publique »823. Benoît PLESSIX considère dans le même
sens que la Cour administrative d'appel a jugé « à tort qu'une entente constitue automatiquement un
dol »824. Julien MARTIN estime que l'automaticité « fera encore l'objet de discussions »825. Similairement
pour Christine MAUGUË, « il est imprudent de déduire que […] toute entente entre des entreprises ayant
soumissionné à des marchés publics serait constitutive d'un dol »826.
324. Collusion exclusive du dol . L'affaire des MARCHÉS DE RÉNOVATION DES LYCÉES
D'ILE DE FRANCE offre un bon exemple d'une entente ne constituant pas un dol, en raison de
la collusion entre la personne publique et le cartel. La différence avec l'affaire de
l'INTERCONNEXION DU TGV NORD tient à la connaissance qu'avait la personne publique de
l'existence de l'entente. Le Conseil Régional d'Ile de France (CRIF), avait lancé en 1990 un
programme de rénovation de 302 établissements scolaires pour un montant global de travaux
de 23 milliards de francs. L'attribution des marchés publics était faussée. Le CRIF avait instauré
une clause occulte contraignant les entreprises retenues à reverser 2% du prix du marché public
sous forme de financement des principaux partis politiques. Le RPR se taillait la part du lion en
récoltant 60% des sommes, tandis que les 40% restants allaient au PS et au PCF. En
contrepartie, la "règle de Krieg" 827 garantissait l'attribution des deux tiers des marchés aux
principales entreprises de BTP (Bouygues, Eiffage, Suez-Lyonnaise, Vinci, Schneider et
Holzmann) laissant un tiers pour des PME indépendantes des grands groupes. Dans le cadre
822
G. ECKERT, «Obligation de réparer les conséquences dommageables découlant d'une entente
anticoncurrentielle», Contrats Marchés Publics, mars 2008, n° 3, comm. 56.
823
S. BRACONNIER, «Retour sur la question des rapports entre le dol et les pratiques anticoncurrentielles dans
les contrats publics d'affaires», Revue du Droit Public, 20 août 2008, p. 1159.
824
B. PLESSIX, «Chronique de droit administratif: le dol dans les contrats administratifs», La Semaine
Juridique édition Générale, 2 avril 2008, n° 14, I, 132. §6.
825
J. MARTIN, «Le dol devant le juge administratif : anticipation, application ou adaptation de la jurisprudence
judiciaire ?», La Semaine Juridique édition Générale, 26 janvier 2005, n° 4, II, 10013.
826
C. MAUGUË, «Note sous CE, 19 déc. 2007, Campenon Bernard», BJCP, n° 56, p. 54.
827
Du nom du Président du Conseil Régional Pierre-Charles Krieg (1988-1992). Cf. Conseil de la Concurrence.
Décision n° 07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les marchés publics relatifs aux
lycées d'Ile-de-France. §44.
238
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
global de cette entente, le CRIF - par l'entremise de son assistant à la maîtrise d'ouvrage (AMO)
- avait encouragé la répartition des marchés entre les groupes, proportionnellement à leur
chiffre d'affaires828.
325. Fait de la victime. La voie judiciaire, semble avoir été choisie de préférence à la voie
administrative, en raison de la collusion - constatée par les juges criminels 831 et par l'autorité de
concurrence832 - entre les entreprises condamnées et l'exécutif régional. En effet, la collusion
justifierait une annulation de la décision administrative d'attribution du marché et l'engagement
de la responsabilité de la personne publique. Le Tribunal Administratif de Bastia a pu ainsi
juger que :
828
Conseil de la Concurrence. Décision n° 07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans
les marchés publics relatifs aux lycées d'Ile-de-France. §39 et s.
829
TGI Paris (référé) 15 janvier 2009, Région IDF c. société Bouygues et autres [marchés publics des lycées de
la région Ile-de-France]. RG n° 08/55030. «Attendu que le juge des référés n'est en droit d'accorder une
provision que dans l'hypothèse où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable; […] attendu
que les défendeurs soulèvent à la quasi unanimité, la prescription de la présente action de la Région IDF, au
motif qu'elle aurait été engagée à l'expiration du délai de dix années, à compter de la manifestation du dommage,
prévu par l'article 2270-1 ancien du Code civil pour les actions en responsabilité extracontractuelle; qu'en effet,
selon eux, le point de départ de la prescription ayant été fixé […] par le jugement correctionnel du 26 octobre
2005 […] au 9 octobre 1996, date à laquelle avait été déposée une plainte d'élus du Conseil Régional d'Ile de
France, l'action de la victime serait éteinte depuis le 10 octobre 2006; Attendu que la Région oppose à cette
acquisition prétendue de la prescription de l'action civile, les actes interruptifs de prescription intervenus dans le
cadre de la procédure pénale […] Mais attendu que la Région Ile de France […] n'a pas établi avec l'évidence
nécessaire […] , qu'une saisine, une procédure d'instruction et une décision du Conseil de la Concurrence, lequel
n'est pas une juridiction mais une autorité administrative indépendante chargée de la protection de l'ordre public
économique, ne disposant pas du pouvoir d'attribuer à l'éventuelle victime d'actes d'entente la réparation de son
dommage, serait de nature à permettre à une partie de bénéficier d'une interruption de prescription pour pouvoir
saisir la juridiction civile d'une action en indemnisation de son préjudice, après l'expiration du délai afférent à
cette action civile».
830
David Bensoussan. "Marchés truqués des lycées : Huchon réclame 232 millions". Challenges. 15 février
2012.
831
Cass. Crim. 20 février 2008, [Lycées région Ile de France]. n° 02-82.676: Bull. 44.
832
Conseil de la Concurrence. Décision n° 07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans
les marchés publics relatifs aux lycées d'Ile-de-France. §53. «Le versement de la contribution de 2 % et
l’application de la règle de Krieg ont été les facteurs favorisant l'entente de répartition des marchés afin
d'organiser cette dévolution sans faire jouer la concurrence»
239
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« en n'éliminant pas les offres présentées par [les] sociétés alors que leur dossiers de
candidature permettaient d'établir qu'elles portaient atteinte au libre jeu de la
concurrence et que la société requérante l'avait alerté sur l'existence d'une entente
illicite, le département de Haute Corse a entaché d'illégalité la procédure de
passation du marché [et] commis une faute susceptible d'engager sa
responsabilité »833.
Il semble donc douteux que la Région Ile de France puisse obtenir réparation, car – à
supposer même qu'elle ne se heurte pas à la prescription – il pourrait lui être opposé le fait de
la victime.
326. Une entente anticoncurrentielle ayant pour objet la fixation du prix satisfait aux
conditions de qualification du dol, lorsque le cocontractant ignorait l'existence du cartel. La
qualification de dol acquise, il convient de montrer que la sanction du dol offre une solution
d'indemnisation satisfaisante du surcoût anticoncurrentiel, soit par l'action en nullité entraînant
des restitutions réciproques (I), soit par l'action autonome en réduction du prix (II).
833
TA Bastia 6 février 2003, SARL Autocars Mariani, n° 0100231: J-Cl. Droit administratif. Mai 2003. Comm.
104 p. 21.
240
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
d'une impossibilité absolue de restituer 834. Il appartient au juge de fixer la valeur de la chose qui
ne se confond pas avec le prix stipulé. Le vendeur doit rendre l'intégralité du prix qui lui a été
versé. L'acheteur qui doit rendre la chose consommée, ne doit rendre que la valeur réelle de la
chose, c'est-à-dire son coût de production. La fixation par le juge de la « valeur réelle » de la
chose relève de son pouvoir souverain d'appréciation.
329. Dans un contrat commercial, les restitutions réciproques ne se compensent pas car le
prix restitué par le vendeur n'est pas l'équivalent de la dette de valeur de l'acheteur. La
restitution par équivalent de la chose ne revient pas à restituer une somme d'un montant égal au
prix stipulé. La solution a été établie en jurisprudence, dans un litige opposant un fabricant
d'aliments pour animaux à un éleveur de bétail. Le contrat de financement d'animaux et
d'aliment conclu entre France Mix – fabricant - et Ducouret – éleveur - était nul au regard des
dispositions impératives régissant les contrats d'intégration agricole 835. La Cour d'appel avait
constaté l'impossibilité de la restitution en nature des aliments fournis par le fabricant et décidé
qu'il convenait de procéder à une restitution par équivalent de la valeur des aliments, en fixant
cette valeur à une somme égale au prix stipulé. La première chambre civile casse l'arrêt au visa
de l'article 1234 qui prévoit l'extinction de l'obligation par la nullité au motif que:
« en retenant pour servir de base au calcul des restitutions le prix des aliments qui
incluait le bénéfice de la société et, par suite, aboutissait à l'exécution de la vente
nulle, sans rechercher si le prix demandé correspondait à la valeur réelle des aliments
fournis au moment de leur livraison qui seule devait faire l'objet de la restitution, la
Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »836.
330. Détermination de la valeur réelle . Dans l'hypothèse de l'annulation d'un contrat de
vente d'une chose consomptible pour dol du vendeur résultant de sa participation à un cartel, le
juge devra évidemment déterminer le surcoût entraîné par l'infraction, mais pas seulement. La
valeur réelle ne se confond pas avec le prix l'absence du cartel. Il convient encore de soustraire
la marge bénéficiaire.
834
M. MALAURIE, Les restitutions en droit civil, Cujas, [Doctorat : Droit : Paris-II : 1991]. p. 103.
835
Loi n° 64-678 du 6 juillet 1964. Art. 17 et 19. Constituent des contrats d'intégration, tous contrats, accords ou
conventions, conclus entre un producteur agricole et une entreprise industrielle ou commerciale, comportant des
obligations réciproques de fourniture de produits ou de services. Cf. G. MARTIN, «Les contrats d'intégration
dans l'agriculture», Revue Trimestrielle de Droit Commercial, 1974, p. 1.
836
Cass. Civ 1ère 12 décembre 1979, Ducouret c. France Mix: JCP (G) 1980, II, 19464. Note J. Prévault.
241
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Il est possible de démontrer que la réduction du prix est une sanction contractuelle autonome
(B) et non un effet de la responsabilité délictuelle (A).
837
É. CUQ, Manuel des Institutions Juridiques des Romains, 2 éd., LGDJ, 1928. p 392. «Si la victime du dol a
un intérêt au maintien du contrat, elle peut demander une diminution proportionnelle du prix ou une indemnité
équivalente à la différence entre le prix payé et la valeur réelle de la chose […] et cela non plus par l'action de
dol, mais par l'action du contrat: au lieu d'une action pénale, elle a une action contractuelle».
242
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
335. Doctrine dominante de l'option ouverte à la victime du dol . Il n'a jamais été
contesté que « la victime d’un dol peut, à son choix, faire réparer le préjudice que lui ont causé les manœuvres
de son cocontractant par l’annulation de la convention et, s’il y a lieu, par l’attribution de dommages et intérêts
ou simplement par une indemnisation pécuniaire qui peut prendre la forme de la restitution de l’excès de prix
qu’elle a été conduite à payer »838. Constituent deux actions distinctes n'ayant pas le même objet 839,
d'une part, la demande de réparation formée conjointement à une demande de nullité qui vise le
préjudice causé par l'annulation du contrat, et d'autre part, la demande de réparation formée
alternativement à l'annulation du contrat qui adopte la forme d'une réduction de prix 840. La
victime du dol dispose d'une option entre la nullité du contrat, accompagnée le cas échéant de
dommages et intérêts s'il subsiste un préjudice, et la réduction du prix qui serait la forme
adoptée par les dommages et intérêts délictuels lorsque le demandeur ne souhaite pas obtenir
l'annulation du contrat.
838
Cass. com. 27 janv. 1998, n° 96-13.253: Dr. et patrimoine, avr. 1998, p. 90, obs. P. Chauvel.
839
Cass. Civ. 3ème 11 janvier 2012. N°: 10-23141: Publié au bulletin. Au visa de l'article 1351, concernant
l'autorité de la chose jugée et le principe de concentration des moyens: «la demande en nullité de la vente pour
dol et la demande en réduction du prix de la vente par les victimes de ce dol n'ont pas le même objet »
840
Cass. com., 14 mars 1972 : D. 1972, p. 653, note J. Ghestin ; Defrénois 1973, art. 30293, p. 446, obs. J.-L.
Aubert. Cass. com., 23 nov. 1993 : Bull. civ. n° 421 ; RTD civ. 1995, p. 354, obs. J. Mestre. CA Montpellier, 26
mars 1992 : Juris-Data n° 1992-034218. CA Grenoble, 13 janv. 1993 : Juris-Data n° 1993-041492. CA Lyon, 24
févr. 2005 : Juris-Data n° 2005-268711.
841
M. PLANIOL, G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil, 4 éd., LGDJ, 1952, t. 2.
Obligations et contrats. §228. p. 85. «la victime du dol a un choix entre les procédés techniques qu'elle peut
mettre en œuvre: elle peut, même si son consentement a été surpris par le dol, désirer conserver le bénéfice du
243
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
contrat, sous la condition d'obtenir une indemnité. Elle forme alors, non une demande en nullité, mais une
demande d'indemnité. On voit ici apparaître avec netteté le caractère délictuel du dol».
842
M. PLANIOL, G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil, 4 éd., LGDJ, 1952, t. 2.
Obligations et contrats. §228. p. 84.
843
P. JOURDAIN, «A la recherche de la réfaction du contrat, sanction méconnue de l'inexécution», in Libre
Droit: Mélanges en l'honneur de Philippe Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 449. V. p. 452. «les craintes liées à
l'intervention du juge et au risque d'immixtion dans les relations contractuelles sont de nature à expliquer les
préventions de la jurisprudence à l'égard de la réfaction. Il ne faudrait pourtant pas en conclure que toute
réfaction du contrat est impossible en droit français […] Indirectement, la jurisprudence parvient à un résultat
très voisin, sinon identique, en allouant des dommages-intérêts au créancier de l'obligation inexécutée […] Cette
indemnisation du créancier, qui assure le maintien du contrat assorti d'un rééquilibrage des obligations,
ressemble à s'y méprendre à une réfaction judiciaire puisqu'elle aboutit à une réduction du prix convenu […] Au
déguisement indemnitaire de la réfaction devrait succéder la reconnaissance par notre droit d'une réfaction
autonome».
844
P. RÉMY, «Planiol : un civiliste à la Belle Epoque», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2002, p. 31. §29:
«Après avoir construit une « faute civile » unique, expliquant une obligation de réparer identique en matière
contractuelle et en matière délictuelle, Planiol ramène toutes les obligations autres que contractuelles à la
réparation ou à la prévention d'une lésion injuste […] toute obligation est obligation de réparer le dommage né
d'un « fait lésif », à l'exception de l'obligation contractuelle primaire - encore celle-ci devient elle elle-même, par
une espèce de novation, obligation de réparer en cas d'inexécution».
845
J. CARBONNIER, Droit civil: les obligations, 22 éd., PUF, 2000, t. IV. N° 42 p. 102. «la pratique a donné au
dol une sanction à deux branches, en articulant sur l'action en nullité, une action en dommages-intérêts fondée
sur la responsabilité précontractuelle, donc délictuelle, du trompeur […] la contraction de ces deux actions en
une seule transforme l'annulation en réduction de prix».
846
F. TERRÉ, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit Civil: les obligations, 8 éd., Dalloz, 2002. «La mise en jeu
de la responsabilité de l'auteur du dol conduit alors au rééquilibrage économique du contrat par le biais de la
compensation entre la dette de réparation et l'engagement excessif du débiteur».
244
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
contrat »847. Similairement, Karine DE LA ASUNCIÓN PLANES exclut toute confusion entre
réfaction du prix et « dommages et intérêts déguisés »848.
847
C. GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullité, restitutions et responsabilité, LGDJ, [Paris-1 : 1992]. n° 778 p. 448.
Et n° 780 p. 449 «Si l'une des parties n'a pas encore accompli sa prestation, la condamnation de l'autre à lui
verser une indemnité à l'occasion de la responsabilité précontractuelle peut prendre la forme d'une diminution du
prix à verser, non pas par le jeu d'une modification du contrat par le juge, mais par celui d'une imputation des
dommages-intérêts sur le montant de la prestation prévue. [Le dol incident] se prête bien à l'illustration de la
possible confusion entre restitution partielle et responsabilité précontractuelle et de la nécessité de la distinction:
[…] la conséquence de la sanction du dol incident consiste en la réduction du prix à verser. […] Il est possible
que par le jeu de la compensation, la restitution et la réparation puissent produire des effets semblables. […]
Mais la réduction du prix ne doit s'analyser que comme une conséquence de la restitution partielle ou de la
responsabilité et non comme une manifestation directe d'un pouvoir du juge de modifier le contrat»
848
K. ASUNCION PLANES (DE LA), La réfaction du contrat, LGDJ, [Doctorat : Droit : Perpignan : 2006]. «la
confusion qui existe porte sur la compensation, qui peut prendre la forme d'une réduction, mais […] il convient
de ne pas confondre réfaction et versement de dommages-intérêts déguisés».
849
J. PERRIN, Essai sur la réductibilité des obligations excessives, [Doctorat : Droit : Paris : 1905]. p. 1.
850
P. SIMLER, La nullité partielle des actes juridiques, LGDJ, [Doctorat : Droit : Strasbourg : 1968]. n° 241 p.
290. «le dol qui, sans être déterminant de la conclusion du contrat, a simplement eu pour conséquence le
paiement d'un prix excessif […] appelé dol incident, est analysé par les tribunaux comme une faute au sens de
l'article 1382, ce qui leur permet d'accorder réparation du préjudice subi, sous forme de dommages-intérêts. Ces
dommages-intérêts équivalent le plus souvent à une réduction du prix […] De là à dire qu'il s'agit en réalité d'une
action en réduction proprement dite, il n'y avait qu'un pas à franchir. Et certaines décisions de même que certains
auteurs n'ont pas hésité à le faire […] Aucune règle de droit ne s'oppose à ce que la jurisprudence prononce, au
moyen d'une légère modification dans la motivation de ses solutions en matière de dol incident, de véritables
nullités partielles sous forme de réduction».
851
P. LE TOURNEAU, «Bonne foi», in Répertoire de droit civil, Dalloz, 2009. N°59.
852
C. ALBIGÈS, «Le développement discret de la réfaction du contrat», in Mélanges Michel Cabrillac, Litec,
1999, p. 3.
853
C. RIGALLE-DUMETZ, La résolution partielle du contrat, Dalloz, 2003, [Doctorat : Droit : Lille-II]. §257
p. 156. «la finalité respective de l'indemnisation et de la réfaction empêche leur assimilation […] La réduction se
245
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
337. Le détour par la compensation présente un caractère artificiel rendu possible par un
glissement jurisprudentiel de la Cour de Cassation (1°), en contradiction avec l'autonomie
contractuelle de l'action en réduction du prix explicitement consacrée par le Code civil sous la
forme de la rescision (2°) et de l'action estimatoire (3°).
Le vendeur – Dufrien - avait menti sur la puissance d'une usine hydraulique objet de la vente
et s'était entendu avec le notaire, afin que la puissance ne soit pas stipulée dans l'acte de vente.
Un premier jugement du 2 février 1845 faisait droit à l'action en dommages et intérêts pour
dol de Dufour sur le fondement de l'article 1382 au motif que:
« Dufour a cru que la chute avait 100 chevaux de force […] c'est bien là ce qui a
déterminé son consentement sur l'acquisition et sur le prix […] il avait donc le droit
de prouver le dol par témoins ou présomptions, soit pour faire annuler la vente, soit
(car qui peut le plus peut le moins) pour obtenir une diminution de prix ou des
dommages et intérêts; […] la remise matérielle d'une affiche, la dissimulation du
titre de propriété, […] la complaisance fâcheuse du notaire investi de la confiance des
deux parties et qui ne prévient pas l'acquéreur […] ne constituent pas de simples
mensonges, mais bien un dol caractérisé, lequel, lors même qu'il n'aurait pas paru de
nature à empêcher Dufour de traiter, ou à faire ensuite annuler le contrat, parce que
le dol n'aurait porté que sur des points accessoires de la vente, n'en constitue pas
moins dans tous les cas un dol plus que suffisant pour donner lieu à des dommages
et intérêts, dont le principe a encore sa base légale dans les dispositions des articles
1382 et 1383 »855.
calcule de manière objective […] la valeur de l'inexécution sera fixée de manière objective. Elle correspondra à
la valeur de la partie de l'objet de la prestation non accomplie. La réfaction aboutit donc à soustraire la prestation
obtenue en réalité de la prestation promise. En revanche la somme fixée dans le cadre d'une action en
dommages-intérêts pourra être supérieure à celle-ci dans la mesure où elle tend à réparer, non pas uniquement la
moins-value de la chose, mais tous les préjudices qui en découlent».
854
Cass. Req. 29 novembre 1876. Dufour c. Dufrien: Journal du Palais. 1877. p. 113.
855
Trib. Civ. Abbeville. 2 février 1875. Dufour c. Dufrien: Journal du Palais. 1877. p. 115.
246
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
La solution des juges d'Abbeville montre qu'ils fondent contractuellement – par un argument
a fortiori - l'option entre nullité et réduction du prix sur l'article 1116 dans le cas d'un dol
déterminant, par opposition aux dommages et intérêts délictuels qu'ils attribuent au
demandeur en retenant un dol simplement incident.
« s'il est certain en droit que le dol peut faire rescinder les contrats dont il est la
cause directe, et si a fortiori, il ouvre une action en réduction de prix au profit de
l'acquéreur trompé par des manœuvres qui, dans les mêmes conditions, ont déterminé
la vente, un doute sérieux peut s'élever, dans la cause, sur le point de savoir si
l'importance de la force motrice de l'usine a été la cause déterminante du prix qui a
été donné par Dufour »856.
Pour la Cour d'Appel, il ne peut y avoir de dommages et intérêts pour dol sur le fondement de
l'article 1382, si le dol n'a pas été déterminant. La solution est évidemment erronée, puisqu'elle
revient à soumettre les dommages et intérêts délictuels aux conditions de l'article 1116. Mais
elle ne signifie pas que les juges d'appel ont assimilé l'action en réduction de prix à l'action en
dommages et intérêts. Bien au contraire, les juges d'appel confirment l'idée selon laquelle le
dol de l'article 1116 ouvre une option à l'acquéreur qui peut demander, à son choix, soit la
nullité, soit la réduction du prix. L'action en réduction du prix est une forme de sanction
contractuelle et non une forme des dommages et intérêts.
Cette opinion est si naturelle, et si évidente pour les juges d'appel, qu'ils soumettent
l'obtention des dommages et intérêts aux conditions du dol de l'article 1116, alors même que
le demandeur se fondait explicitement sur l'article 1382. C'est donc fort logiquement que
Dufour forme une pourvoi contre l'arrêt pour fausse application de l'article 1116 et violation
de l'article 1382 « en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'accorder au demandeur les dommages et intérêts […]
sous prétexte que les faits reprochés ne rentraient pas dans les prévisions de l'article 1116 ».
Le rejet du pourvoi n'entame pas son bien-fondé juridique, comme le montre l'arrêt de la
Chambre des Requêtes qui privilégie les considérations liées à l'appréciation au fond du litige:
« le demandeur prétend qu'il fondait son action non sur l'article 1116 comme paraît
l'avoir pensé la Cour d'Amiens, mais sur l'article 1382 et qu'il concluait, non à la
rescision du contrat de vente ou à une réduction du prix, mais à une simple
allocation de dommages et intérêts, en réparation du préjudice que lui avait
occasionné le vendeur […]; Attendu que l'arrêt, par une appréciation des faits qui
856
Cour d'Appel. Amiens. 14 février 1876. Dufrien c. Dufour: Journal du Palais. 1877. p. 116.
247
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
rentrait dans ses attributions, déclare […] que l'acquéreur ne doit s'en prendre qu'à
lui-même de n'avoir pas recouru à l'opération toujours facile de faire mesurer [la
puissance motrice]; Qu'en présence de ces constatations, il importe peu que les juges
d'appel aient qualifié de demande en réduction de prix ou de demande en dommages
et intérêts la condamnation à 40 000 Fr à laquelle Dufour concluait contre
Dufrien ».
339. L'arrêt montre que l'action en réduction du prix est une action contractuelle fondée sur
l'article 1116 du Code civil, qui ne se confond pas avec l'action en dommages et intérêts de
l'article 1382. Dans cette espèce, la Chambre des requêtes rejette le pourvoi pour des
considérations tenant au fond et non au droit. Peu importe la qualification délictuelle ou
contractuelle, dès lors que, en l'absence de dol principal – l'acheteur dont le consentement
n'avait pas été vicié disposait nécessairement d'une action en dommages et intérêts. Ce n'est que
par un glissement progressif - facilité par la substituabilité des résultats - que la Cour de
cassation a pu arriver à faire absorber l'action en réduction du prix par la responsabilité
délictuelle. La délictualisation de l'action quanti minoris s'explique par la confusion matérielle
entre la restitution d'une partie du prix, et la réparation du préjudice.
La note anonyme sous l'arrêt dans le Journal du Palais confirme ce constat, puisque le
commentateur observe que:
« on conçoit l'utilité de cette distinction [entre dol principal et dol incident], lorsque
c'est la nullité ou la rescision du contrat entaché de dol, qui est réclamée […] car
seul le dol principal peut donner ouverture à cette action. On n'en comprend plus
l'utilité, lorsque l'action […] tend uniquement à une condamnation pécuniaire
[…]. Quelle différence sérieuse peut-on faire entre la demande en dommages et
intérêts qu'autorise à coup sûr le dol incident et l'action en réduction de prix, que
n'exclut certainement pas l'hypothèse où il serait question d'un dol principal? L'une
et l'autre ne laissent-elles pas subsister le contrat? N'ont-elles pas également pour
objet la réparation […] du préjudice souffert par l'acquéreur? Dans ces conditions
on ne s'écarte pas de la vérité, en disant, d'une part, que la demande en dommages et
intérêts, fondée sur le dol incident, ne diffère réellement pas de l'action quanti
minoris, et, d'autre part, que l'action en réduction de prix fondée sur le dol
principal, n'est rien d'autre qu'une demande en dommages et intérêts […] [L'arrêt
attaqué] reconnaît à l'acquéreur, victime du dol principal, le droit de préférer la
diminution du prix de vente à la rescision du contrat. L'article 1117 ne parle
toutefois que de cette dernière action; mais c'est évidemment parce qu'il lui suffisait
d'indiquer la voie extrême du recours. Il n'a donc rien de limitatif et, dès lors, toute
voie moins rigoureuse peut être légalement suivie. [le dol] tout comme [le vice caché
dont parle l'article 1644] peuvent donner ouverture à l'action quanti minoris, non
moins qu'à l'action en rescision ».
248
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
La note montre qu'en 1876, l'action en réduction du prix – action quanti minoris – est une
action contractuelle, optionnelle, alternative à la nullité, assimilée à l'action estimatoire en
garantie des vices cachés. Le commentateur approuve la doctrine de l'arrêt, au regard de
l'équivalence de résultats de l'action contractuelle en réduction du prix et de l'action délictuelle
en dommages et intérêts, mais n'en confirme pas moins l'hétérogénéité des fondements. Seul
le prestige de PLANIOL parvient à asseoir le déguisement indemnitaire de l'action en réduction
du prix.
340. L'article 1117 du Code civil fournit un premier argument textuel puissant en faveur
d'une de la nature contractuelle de l'action en réduction du prix. L'article 1117 dispose en effet
que « la convention contractée par erreur, violence ou dol, n'est point nulle de plein droit ; elle donne seulement
lieu à une action en nullité ou en rescision ». La thèse de l'autonomie contractuelle de l'action quanti
minoris rend mieux compte de la construction du Code, que la théorie délictuelle de la
compensation. L'alternative entre la nullité ou la rescision proposée par l'article 1117 se
superpose parfaitement à la jurisprudence constante selon laquelle :
« la victime d’un dol peut, à son choix, faire réparer le préjudice que lui ont causé les
manœuvres de son cocontractant par l’annulation de la convention et, s’il y a lieu,
par l’attribution de dommages et intérêts ou simplement par une indemnisation
pécuniaire qui peut prendre la forme de la restitution de l’excès de prix qu’elle a été
conduite à payer »857.
L'option reconnue à la victime entre la nullité ou la réduction du prix s'explique sans effort
dès lors qu'elle se fonde textuellement sur l'option consacrée par l'article 1117 entre la nullité
et la rescision. L'article 1117 prend tout son sens - si et seulement si - il est admis que le terme
"rescision" signifie "réduction du prix". Yves PICOD - parmi d'autres - considère pourtant que
« cette distinction a perdu son sens initial dans le langage du code civil […] Aussi les rédacteurs du code civil
emploient-ils indifféremment le terme "rescision" ou "nullité" »858. L'interprétation utile de l'article 1117
incline néanmoins à penser que la conjonction de coordination marque ici une alternative
exclusive, et non une synonymie. Le gommage terminologique de la distinction entre rescision
et nullité s'est traduit par une délictualisation de son régime. La réduction du prix de nature
contractuelle, par l'effet de la rescision a été progressivement rattachée à la responsabilité
délictuelle. Interprétation utile susceptible de faire l’objet d’une confirmation historique.
857
Cass. com. 27 janv. 1998, n° 96-13.253: Dr. et patrimoine, avr. 1998, p. 90, obs. P. Chauvel.
858
Y. PICOD, «Nullité», in Répertoire de droit civil, Dalloz, 2004.
249
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« Il faut remarquer sur cette matière des rescisions et restitutions en général, que par
notre usage les voies de nullité n'ont pas lieu, c'est-à-dire, qu'on ne fait pas annuler
un acte où l'on ait été partie, en alléguant simplement les moyens qui le rendent nul,
mais qu'il faut obtenir des lettres du prince pour les rescisions et restitutions en
entier »860.
Identiquement chez POTHIER:
« Lorsqu'un acte n'est pas nul de plein droit, et que la partie qui a contracté par cet
acte quelque engagement, et qui se trouve lésée, a quelque juste cause pour se faire
restituer contre son obligation, et faire rescinder l'acte, elle ou ses héritiers peuvent se
pourvoir contre cet acte, pour le faire rescinder et se faire remettre en pareil état que
s'il n'eut point été passé. Par le droit romain, le magistrat pouvait, pour justes
causes, de sa seule autorité, restituer les parties contre les actes qu'elles avoient
passés; parmi nous il faut avoir recours à l'autorité du prince, et obtenir des lettres
qu'on appelle de rescision. Ces lettres s'obtiennent dans les chancelleries des
Parlements »861.
La procédure de rescision disparaît avec la Révolution et la codification, car elles étaient
devenues une « formalité inutile et coûteuse »862. L'action en rescision cesse d'être la procédure
préalable autorisant la contestation d'un contrat valide vicié par la lésion, pour désigner le
remède contre le contrat lésionnaire 863. Sa survivance dans le Code est la trace fossile de
859
Trésor de la Langue Française. V° RESCINDER: retrancher, ôter, alléger, réduire en retranchant. Par ex. :
"avons rescindée et moderée ladite charge, et ramenez noz ditz Conseillers à certain nombre" (Lettre de Charles
VI, 18 août 1406 dans Ordonnances des Rois de France, t. 9, p. 127); "que le don ne excede la tierce partie, car
s'il excede, il [...] seroit rescindé" (Coutumes de l'Anjou et du Maine, éd. C. J. Beautemps-Beaupré, t. 1, p. 527).
860
DOMAT, Les loix civiles dans leur ordre naturel, Savoye, 1756. Livre IV. p. 295.
861
POTHIER, Oeuvres complètes: Traité de la procédure civile, Thomine et Fortic, 1821, t. 25. p. 145.
862
M. CUMYN, La validité du contrat suivant le droit strict ou l'équité: étude historique et comparée des
nullités contractuelles, LGDJ, [Doctorat : Droit : Paris-1 : 2000]. N° 163 p. 121. « Les lettres de rescision sont
intimement liées à l'adage voies de nullité n'ont lieu. […] Loin d'être une formalité rigide par laquelle le Roi
contrôle l'accès aux nullités contractuelles, les lettres de rescision sont une voie de recours créée par lui pour
permettre au requérant d'invoquer une nullité à laquelle il a renoncé. […] Les lettres deviennent vite une pure
formalité. Les chancelleries établissent des formulaires de lettres correspondant aux diverses causes de nullités
[…] On réclame leur abrogation lors des Etats Généraux d'Orléans en 1560, mais le Roi ne veut pas se défaire de
cette prérogative qui est une excellente source de revenus pour les chancelleries».
863
A.-A. SECOND, Des contrats en général, de leur nullité et de leur rescision, [Licence : Droit : Paris : 1854].
p. 32. «le Code se sert indifféremment des mots nullité ou rescision. Cependant, dans notre ancien droit, il y
avait entre les deux des différences capitales […] Le Code aujourd'hui se sert plus particulièrement du mot
rescision quand il s'occupe de la demande en rétractation dirigée contre une obligation entachée de lésion.
L'action en rescision est donnée pour les cas où un acte, parfaitement régulier d'ailleurs, peut être critiqué, parce
qu'il en résulte un préjudice pour celui qui se plaint».
250
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
l'ancienne distinction procédurale 864. L'action en rescision ne pouvait être demandée « que si
l'équité était violée: par exemple si le consentement était surpris par dol, violence ou erreur »865. L'action en
rescision n'étant ouverte que dans les cas de déséquilibre du contrat, il est donc logique que
l'objet de l'action en rescision tende au rééquilibrage du contrat. Comme l'écrit DOMAT, « les
rescisions et restitutions en entier regardent la validité des engagements et les annulent ou y font les c hangements
qui peuvent être justes »866.
Ainsi, la rescision est le terme par lequel les rédacteurs du Code civil reconnaissent le pouvoir
de réfaction d'un acte juridique valide lésionnaire pour des raisons tenant à l'équité. La nullité
vise à l'anéantissement total de l'acte, tandis que la rescision vise à l'anéantissement seulement
partiel. L'action en nullité est la voie juridique par laquelle on demande l'annulation d'une
obligation qui ne réunit pas toutes les conditions exigées pour sa validité. Tandis que l'action
en rescision est la voie juridique par laquelle on demande la rétractation d'une obligation
d'ailleurs valable en elle-même, « mais par suite de laquelle on a éprouvé quelque lésion »867.
L'article 1117 du Code civil a eu pour seul objet de supprimer la procédure préalable de saisine
de la Chancellerie des Parlements, afin d'obtenir les lettres de rescision, en posant un principe
général selon lequel en cas de dol, d'erreur ou de violence, le plaideur est toujours autorisé à
contester le contrat devant le juge et obtenir le rééquilibrage sous forme d'une réduction du
prix. L'interprétation des termes "nullité" et "rescision" comme synonymes est par conséquent
un contresens, puisqu'elle aboutit à nier le fondement contractuel de l'action en réduction
du prix, explicitement consacré par l'article 1117 du Code Civil.
342. Problème de l'option. L'option ouverte à la victime du dol est expliquée selon les
partisans de la thèse délictuelle, par la combinaison du principe dispositif et de la double nature
864
É.-A. BARBIER SAINT-HILAIRE, De l'action en nullité ou en rescision des conventions, [Doctorat : Droit :
Paris : 1844]. p. 12. «il y avait autrefois trois sortes de nullités: les nullités d'ordonnance, résultant de quelques
édits, déclarations ou lettres-patentes; les nullités de coutume, qui dérivaient des lois municipales; et les nullités
de droit, qui provenaient du droit romain. Les deux premières espèces s'intentaient directement devant le juge;
mais par une anomalie singulière, […] et dans un intérêt de fiscalité, le droit romain ne pouvait donner par lui-
même au juge, le pouvoir de déclarer directement les nullités qu'il prononçait […] Pour ces nullités, comme pour
les rescisions proprement dites, c'est-à-dire les actes rescindables à raison du dol, de la violence ou de la lésion,
le demandeur était préalablement obligé d'obtenir devant la chancellerie des lettres royaux, afin de pouvoir saisir
le juge de la contestation».
865
A.-A. SECOND, Des contrats en général, de leur nullité et de leur rescision, [Licence : Droit : Paris : 1854].
p. 32.
866
DOMAT, Les loix civiles dans leur ordre naturel, Savoye, 1756. Livre IV. p. 295.
867
E. TRUCHOT, Droit français des actions en nullité et rescision des conventions, [Doctorat : Droit : Dijon :
1874]. p. 46.
251
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
du dol. D'une part, la double nature contractuelle et délictuelle du dol permet à la victime de
cumuler la nullité du contrat tirée de l'article 1116 avec les dommages et intérêts de l'article
1382. D'autre part, le procès étant la chose des parties, le juge est tenu par les demandes, et ne
peut donc prononcer la nullité ex officio.
Dans ce schéma, l'option entre la nullité et la restitution du prix n'est que le résultat de la
possibilité offerte au demandeur de limiter sa demande à l'indemnisation sur le fondement de
1382, sans rechercher l'annulation sur le fondement de l'article 1116. Le rattachement de la
réduction du prix à la responsabilité délictuelle contraint la doctrine à adopter une position
paradoxale confondant l'option et le cumul: l'option entre l'action en nullité et l'action en
réduction serait la conséquence du cumul de l'action contractuelle et de l'action délictuelle.
Une telle explication n'est pas convaincante, car elle perd toute validité dans les domaines
voisins de la sanction des vices cachés et de la lésion immobilière.
343. L'action estimatoire . Ripert souligne la parenté de l'option ouverte à la victime du dol
et de l'action quanti minoris prévue en matière de vices cachés et de lésion immobilière 868. Boris
Starck rattache explicitement l'action en réduction du prix ouverte en cas de dol sur la va leur, à
l'action quanti minoris de l'article 1644, qui est « l'expression d'une règle générale »869. L'article 1644
prévoit que « l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder
la chose et de se faire rendre une partie du prix ». Si l'acheteur choisit la voie de la résolution, il
doit restituer la chose et se faire rendre le prix. Il peut en outre demander des dommages et
intérêts, si le vendeur est de mauvaise foi. Au contraire, l'action estimatoire aboutit à une
restitution d'une partie du prix, qui est une action spéciale de nature contractuelle.
Similairement, l'article 1674 prévoit la rescision de la vente pour cause de lésion. L'article 1681
dispose que « dans le cas où l'action en rescision est admise, l'acquéreur a le choix ou de rendre la chose en
retirant le prix qu'il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix ».
L'option découle de la définition duale du vice caché donnée par l'article 1641 aux termes
duquel « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent
impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas
868
En ce sens: G. RIPERT, R. ROBLOT et M. GERMAIN, Traité de droit commercial, 18 éd., LGDJ, 2002. n°
2537 p. 600. P. MALAURIE et L. AYNÈS, Cours de droit civil: contrats spéciaux civils et commerciaux, 14 éd.,
Cujas, 2001, t. VI: Obligations, vol. 3: Contrats Spéciaux.
869
B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Droit civil: les obligations, 6 éd., Litec, 1998, vol. 2: Contrat. N°
539 p. 199. « la victime du dol incident peut, si elle le préfère, vouloir le maintien du contrat, en réclamant
seulement la réduction du prix ou une indemnité. Cette solution est expressément consacrée dans les articles
1641 à 1644 du Code civil qui ouvre une option à l'acheteur victime de vices cachés, entre l'action redhibitoire et
l'action estimatoire. Il n'y a pas de raison de ne pas y voir l'expression d'une règle générale».
252
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ». On reconnaît ici l'opposition
entre dol et dol incident. Le vice de la chose qui diminue tellement l'usage de la chose que
l'acheteur n'en aurait donné qu'un moindre prix ouvre à l'acheteur une option entre l'action
rédhibitoire et l'action estimatoire. Il s'agit de la même action ouverte à la victime d'un dol
déterminant tel qu'elle aurait contracté à des conditions moins onéreuses si son consentement
n'avait pas été surpris. La réduction du prix est un effet contractuel du vice du consentement,
et non du délit. C'est le prix qui constitue la mesure de l'obligation de restitution et non le
préjudice subi.
344. Doctrine. GHESTIN et DESCHÉ considèrent que « l'action estimatoire, qui consiste à la
réduction du prix a les effets de la réfaction »870. Dans sa thèse consacrée à la garantie des vices cachés,
sous la direction de Philippe RÉMY, Paul COËFFARD soutient que l'action estimatoire « est une
action autonome permettant une modération objective du prix de vente, en fonction de la dépréciation de valeur
causée par le vice caché de la chose vendue. Dans cette perspective, l'action estimatoire serait un aspect particulier
de la réfaction ou action en diminution du prix, déjà connue en matière commerciale »871. En matière
commerciale, en effet, il est admis que, dans le cas où le vendeur a livré des produits d'une
qualité inférieure à celle qu'il avait promise, le juge peut ordonner une réduction du prix par
réfaction du contrat, en lieu et place de la résolution de la vente872. Les Principes Européens du
Droit des Contrats consacre expressément le « droit de réduire le prix » lorsque la prestation
fournie n'est pas conforme à la prestation contractuelle. La réduction du prix constitue une
action autonome qui se cumule avec le droit de demander des dommages et intérêts pour le
préjudice excédant la diminution de valeur 873. La solution est identique dans le cadre de la
870
J. GHESTIN et B. DESCHÉ, Traité des contrats: la vente, LGDJ, 1990. N° 752 P. 815.
871
P. COËFFARD, Garantie des vices cachés et "responsabilité contractuelle de droit commun", LGDJ,
[Doctorat : Droit : Poitiers : 2003]. n° 54 et n° 57 p. 32-34. « cette identité de fondement [de l'action estimatoire]
avec l'action redhibitoire condamne toute analogie avec la résolution judiciaire ou les dommages et intérêts
contractuels, remèdes qui ne peuvent être demandés qu'à raison de l'inexécution de l'obligation. […] Force est
d'admettre que [l'action estimatoire] est une action autonome permettant une modération objective du prix de
vente, en fonction de la dépréciation de valeur causée par le vice caché de la chose vendue. Dans cette
perspective, l'action estimatoire serait un aspect particulier de la réfaction ou action en diminution du prix, déjà
connue en matière commerciale».
872
Cass. Req. 1er décembre 1975: D. 1877, I, 44; Cass. Req. 23 mai 1900: D. 1901, I, 260; CA Paris 1er mars
1913: D. 1913, 2, 372.
873
Commision on European Contract Law. THE PRINCIPLES OF EUROPEAN CONTRACT LAW (1999).
Article 9:401: Right to Reduce Price. (1) A party who accepts a tender of performance not conforming to the
contract may reduce the price. This reduction shall be proportionate to the decrease in the value of the
performance at the time this was tendered compared to the value which a conforming tender would have had at
that time. (2) A party who is entitled to reduce the price under the preceding paragraph and who has already paid
a sum exceeding the reduced price may recover the excess from the other party. (3) A party who reduces the
price cannot also recover damages for reduction in the value of the performance but remains entitled to damages
for any further loss it has suffered.
253
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
En réalité, s'il y a option, c'est bien parce que la nullité et la réduction du prix sont deux
sanctions de même nature. Symétriquement, il est possible de cumuler nullité et dommages et
intérêts parce que les deux sanctions n'ont pas le même fondement. La seule conclusion
intellectuellement satisfaisante consiste à considérer que l'action en réduction de prix est une
action contractuelle qui trouve son fondement dans l'article 1117 et non dans l'article 1382 du
Code civil.
874
Convention des Nations Unie sur les contrats de vente internationale de marchandises. Vienne. 11 avril 1980.
Art. 50: «En cas de défaut de conformité des marchandises au contrat, que le prix ait été ou non déjà payé,
l’acheteur peut réduire le prix proportionnellement à la différence entre la valeur que les marchandises
effectivement livrées avaient au moment de la livraison et la valeur que des marchandises conformes auraient
eue à ce moment».
254
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
345. L'action contractuelle en réduction du prix ne peut toutefois pas être ouverte à
l'acheteur indirect qui doit nécessairement agir à titre délictuel en l'absence de tout contrat le
liant à l'auteur de l'infraction. Surgit alors à nouveau le problème de la répercussion du surcoût.
S'agissant du principe, malgré les hésitations, la répercussion est largement admise aux Etats-
Unis et en Europe (§1). S'agissant en revanche de la charge de la preuve, il existe une fracture
profonde entre les différents États membres (§2).
I- HÉSITATION AMÉRICAINE
Aux Etats-Unis, l'opposition est nette entre, d'une part, le refoulement dans la jurisprudence
de la Cour Suprême du passing-on en droit fédéral de la concurrence (A) et d'autre part, la
consécration législative du passing-on en droit interne des États (B).
255
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
349. Doctrine du juge Holmes . La Cour Suprême a établi dès 1906 - dans une opinion
délivrée par le juge Holmes - que l'infraction au droit de la concurrence qui entraîne un surcoût
pour la victime, ouvre droit à des dommages et intérêts en compensation de la différence entre
le prix effectivement payé et le « juste prix » qui aurait dû être payé dans les conditions normales
du marché si l'infraction n'avait pas eu lieu 875. Sans se prononcer explicitement sur la
répercussion, le moyen n'ayant pas été soulevé, l'arrêt CHATTANOOGA assimile le préjudice au
surcoût. Dans un arrêt postérieur - étranger au contentieux antitrust - le juge HOLMES affirme
explicitement qu'en matière de responsabilité, la répercussion du surcoût doit être exclue parce
qu'elle n'entretient pas une proximité suffisante avec le dommage. Puisque il est exigé du
demandeur la démonstration d'un lien de causalité direct entre le fait dommageable et le
préjudice réparé, il a été symétriquement opposé au défendeur qu'il ne pourrait pas invoquer la
diminution indirecte du préjudice par répercussion. Suivre chaque transactions le long de la
chaîne de distribution jusqu'à son résultat ultime réclamerait un effort « futile et sans fin », le
consommateur final subissant « probablement toujours » le dommage en dernier lieu876. Quoique la
solution soit fondée sur les principes généraux de la tort law, il a fallu attendre la fin des années
60 - avec l'arrêt HANOVER SHOE - pour que l'exclusion de la répercussion soit confirmée dans
le domaine spécial de la réparation des infractions au Sherman Act.
875
United States Supreme Court, Dec. 3rd 1906, Chattanooga Foundry & Pipe Works v. City of Atlanta, 203 U.S.
390. « The verdict was for the difference between the price paid and the market or fair price that the city would
have had to pay under natural conditions had the combination been out of the way ».
876
United States Supreme Court, Jan. 21st 1918, Southern Pacific Co. v. Darnell–Taenzer Co. 245 U.S. 531. «
The only question before us is that at which we have hinted: whether the fact that the plaintiffs were able to pass
on the damage that they sustained in the first instance by paying the unreasonable charge, and to collect that
amount from the purchasers, prevents their recovering the overpayment from the carriers. The answer is not
difficult. The general tendency of the law, in regard to damages at least, is not to go beyond the first step. As it
does not attribute remote consequences to a defendant so it holds him liable if proximately the plaintiff has
suffered a loss. The plaintiffs suffered losses to the amount of the verdict when they paid. Their claim accrued at
once in the theory of the law and it does not inquire into later events. […] The carrier ought not to be allowed to
retain his illegal profit, and the only one who can take it from him is the one that alone was in relation with him,
and from whom the carrier took the sum. Behind the technical mode of statement is the consideration […] of the
endlessness and futility of the effort to follow every transaction to its ultimate result. Probably in the end the
public pays the damages in most cases of compensated torts ».
256
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
350. HANOVER SHOE: le passing-on défensif. L'arrêt HANOVER SHOE de 1968 marque la
fin du volet indemnitaire d'une affaire antitrust « d'une complexité sans précédent »877 engagée en
1947 par le DoJ contre United Shoe Machinery (USM) qui détenait 95% des parts du marché
des machines-outils pour la confection de chaussures. S'agissant de l'action publique initiale, un
premier jugement de 1953 constate que les contrats de location par lesquels USM distribue ses
machines ont un effet d'éviction constitutif d'un abus de monopole, et rejette la sanction
structurelle demandée par le ministère public au profit d'une modification de la politique
contractuelle d'USM878. Le jugement ordonne d'offrir une option entre la vente et la location
des machines, aux mêmes conditions de prix, et de réduire la durée du contrat de location à 5
ans.
Sur la base de cette condamnation, des manufacturiers de chaussures ont intenté une série
d'actions en dommages et intérêts triples. En 1960 - par décision interlocutoire sur la question
de la répercussion du surcoût - la District Court de Pennsylvania a jugé que la violation de la
Section 2 du Sherman Act, du fait des clauses restrictives insérées dans le contrat de location,
ouvre droit à des dommages et intérêts d'un montant équivalent à la différence entre le prix de
la location effectivement payé par le locataire et le prix qu'il aurait dû payer si l'infraction
n'avait pas eu lieu, peu important que le demandeur ait répercuté le surcoût sur ses propres
clients879. Hanover Shoe a ainsi obtenu 4.239.609 $ après triplement 880. La décision a été
877
H. L. PACKER, «Books Review: United States v. United Shoe Machinery: an economic analysis of an anti-
trust case», Stanford Law Review, December 1956, vol. 9, p. 209.
878
United States District Court Massachusetts, Feb. 18th 1953, United States v. United Shoe Machinery Corp.
110 F.Supp. 295.
879
United States District Court Pennsylvania. Feb. 12th 1960. Hanover Shoe v. United Shoe Machinery. 185
F.Supp. 826. « Defendant was guilty of a violation of law and did charge plaintiff an excessive price for the lease
of the machinery. The Court thinks that this creates a cause of action for the difference between what plaintiff
was charged and what it could properly have been charged in the absence of the monopolistic practices. This, it
appears to the Court, is a straight application of sound principles of tort law with which, when stated in the
abstract, probably no one would disagree. […] We turn now to the argument that the defendant is relieved of
liability because the plaintiff passed on its loss to its customers. The Court thinks this argument is invalid;
otherwise, it would be necessary to go into the evidence concerning the factual accuracy of the argument. The
plaintiff's injury occurred when it was charged too much for the machinery. If it had not thus been illegally
charged for machinery it would have had more money to pay out in dividends, or to engage in a further
development campaign to sell its shoes, or to raise the wages of its employees, or to enlarge its bank account as
protection against a rainy day, or for all of these things. The plaintiff against whom a tort is committed has his
cause of action at the moment that the tort occurs. Of course, he is subject to the rule of avoidable consequences
and cannot sit still and let damages pile up when reasonable steps would have prevented further consequential
damages. But that is the extent of his obligation. Things which happen later and let an injured plaintiff escape
some of the ultimate consequences of the wrong done him do not inure to the benefit of the defendant ».
880
United States District Court Pennsylvania. Aug. 12th 1965, Hanover Shoe v. United Shoe Machinery, 245
F.Supp. 258. Le montant nominal était de 1.413.203 $ avant triplement. Soulignons le caractère hors norme des
dommages-intérêts triples alloués. En valeur corrigée de l'inflation, la somme représente environ 30 millions de
dollars actuels soit 23 millions d'euros. Ceci s'explique par la durée particulièrement longue de l'infraction qui
s'est déroulée de 1912 à 1954, encore que l'indemnisation se soit limitée à la période 1939-1954, du fait de la
257
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
confirmée en appel881, puis par la Cour Suprême882. Cet arrêt de principe écarte le moyen de
défense tiré de la répercussion du surcoût pour des raisons purement procédurales.
Justice WHITE qui délivre l'opinion de la Cour emprunte un raisonnement ad absurdum. D'une
part, au plan probatoire, le succès du moyen de défense impliquerait la « démonstration
impossible » que l'infraction n'a pas pu causer un manque à gagner, en établissant que le
demandeur n'aurait pas pu majorer ses prix de vente et par conséquent augmenter sa marge
bénéficiaire883. D'autre part, du point de vue de l'économie générale de la procédure, l'arrêt
souligne que l'admissibilité du passing-on réduirait « substantiellement » l'effectivité de l'action en
dommages et intérêts triples, parce que le consommateur final qui serait la véritable victime de
l'infraction n'aurait qu'un « enjeu dérisoire et peu d'intérêt » à assigner en réparation l'auteur de
l'infraction884. La Cour Suprême écarte le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût
parce qu'elle a pour effet d'atomiser la réparation.
prescription. Caractère hors norme également du montant des honoraires obtenus par le conseil de Hanover, le
cabinet new-yorkais Donovan, Leisure, Newton & Irvine qui obtient 20% du montant triplé soit 847.922 $.
881
United States Court of Appeals Third Circuit. Apr. 11th 1967, Hanover Shoe v. United Shoe Machinery, 377
F.2d 776.
882
United States Supreme Court. 17 june 1968. Hanover Shoe v. United Shoe Machinery Corp. 392 U.S. 481
(1968).
883
Hanover Shoe 392 U.S. 481 (1968) préc. p. 389 - 390: «We hold that the buyer is equally entitled to damages
if he raises the price for his own product. […] At whatever price the buyer sells, the price he pays the seller
remains illegally high, and his profits would be greater were his costs lower […] We are not impressed with the
argument that sound laws of economics require recognizing this defense. A wide range of factors influence a
company's pricing policies. Normally, the impact of a single change in the relevant conditions cannot be
measured after the fact […] Even if it could be shown that the buyer raised his price in response to, and in the
amount of, the overcharge, and that his margin of profit and total sales had not thereafter declined, there would
remain the nearly insuperable difficulty of demonstrating that the particular plaintiff could not or would not have
raised his prices absent the overcharge, or maintained the higher price had the overcharge been discontinued.
Since establishing the applicability of the passing-on defense would require a convincing showing of each of
these virtually unascertainable figures, the task would normally prove insurmountable ». [L'acheteur direct a
droit à des dommages-intérêts y compris lorsqu'il augmente ses propres prix de vente. Quel que soit le prix de
revente de l'acheteur direct, le prix payé au vendeur demeure illégalement élevé, et le profit de l'acheteur direct
serait plus élevé si ses coûts étaient moindres. Nous ne sommes pas convaincus par l'argument selon lequel de
saines lois économiques requerraient la reconnaissance du moyen de défense tiré de la répercussion. Même s'il
pouvait être démontré que l'acheteur direct a augmenté ses prix de revente en réponse, et dans la mesure, du
surcoût, et que sa marge bénéficiaire et son chiffre d'affaires n'ont en conséquence pas décliné, il faudrait encore
procéder à la démonstration quasiment impossible que l'acheteur direct ne pouvait pas ou n'aurait pas pu
augmenter son prix de vente en l'absence de l'infraction, ou maintenir la majoration du prix si le surcoût avait
cessé. Dès lors que l'applicabilité du moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût requerrait une
démonstration convaincante de ces faits indéterminables, la tâche devrait normalement se révéler
insurmontable].
884
Hanover Shoe 392 U.S. 481 (1968) préc. p. 391 – 392: «On the other hand, it is not unlikely that, if the
existence of the defense is generally confirmed, antitrust defendants will frequently seek to establish its
applicability. Treble damage actions would often require additional long and complicated proceedings involving
massive evidence and complicated theories. In addition, if buyers are subjected to the passing-on defense, those
who buy from them would also have to meet the challenge that they passed on the higher price to their
customers. These ultimate consumers, in today's case, the buyers of single pairs of shoes, would have only a tiny
stake in a lawsuit, and little interest in attempting a class action. In consequence, those who violate the antitrust
258
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
laws by price-fixing or monopolizing would retain the fruits of their illegality because no one was available who
would bring suit against them. Treble damage actions, the importance of which the Court has many times
emphasized, would be substantially reduced in effectiveness». [D'un autre côté, il est probable que dans le cas où
ce moyen de défense serait consacré de manière générale, les défendeurs l'invoqueront systématiquement. Les
actions en triplement des dommages-intérêts réclameront des procédures plus longues et plus compliquées,
impliquant une production massive de pièces et des théories économiques complexes. En outre, si l'acheteur
direct est se voit opposer la répercussion, les acheteurs indirects devront également faire face à l'objection selon
laquelle ils ont eux aussi répercuté la majoration du prix sur leurs clients. Les consommateurs finals – comme en
l'espèce les acheteurs d'une paire de chaussure – auraient un enjeu dérisoire , et peu d'intérêt à intenter une action
de classe. En conséquence, ceux qui violent les règles de concurrence en fixant les prix ou par monopolisation
pourraient retenir le gain illicite faute d'acteur à même d'intenter un procès contre eux. Les actions en
dommages-intérêts triple, dont la Cour a souligné à maintes reprises l'importance, verrait leur effectivité
susbtantiellement réduite].
885
W. H. LANDES et R. A. POSNER, «Should Indirect Purchasers Have Standing to Sue under the Antitrust
Laws? An Economic Analysis of the Rule of Illinois Brick», The University of Chicago Law Review, vol. 46 n°3
spring 1979, p. 602. «unless they are willing to countenance multiple liability, the courts cannot allow suits by
indirect purchasers without also permitting the defendant to assert a passing-on defence against direct purchasers
plaintiffs»
259
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
En première instance, la District Court déboute l'État de l'Illinois de sa demande au motif que
le préjudice subi par le consommateur ultime n'entretient pas un lien de causalité suffisant
avec l'infraction pour fournir un intérêt à agir en réparation contre l'auteur de l'infraction 886.
Interprétant la solution Hanover, la District Court distingue entre chaines de contrats
homogènes qui relient directement le préjudice du consommateur final à l'infraction, et
chaînes de contrats hétérogènes – comme en l'espèce avec un marché de travaux succédant à
un contrat de vente – dans lesquelles le préjudice subi par le consommateur ultime n'entretient
pas un lien de causalité proximal avec l'infraction. Cette solution est renversée en appel. Selon
la Cour, ni la difficulté probatoire, ni le risque de duplication des actions en responsabilité ne
justifient l'exclusion de l'acheteur indirect887.
886
United States District Court. April 29th 1975. State of Illinois v. Ampress Brick Co. 67 FRD 461. Cf. p. 466-
468: «This court does not believe that in Hanover, the Supreme Court intended to foreclose standing to all
plaintiffs not immediate purchaser from alleged antitrust violators. There are several types of consumers that
may decide to sue. The first is an immediate consumer […] A second is a final consumer who obtain goods from
the manufacturer or from a subsequent consumer, but who in either cases acquires the goods in the same
condition as originally made and sold by the manufacturer. The last type of consumer is an ultimate consumer
who obtains a finish product from a middleman that has altered or added to the goods received from the
manufacturer […] Based upon legal precedents, ultimate consumers have rarely been granted standing, as
distinguished from other indirect consumers […] As to ultimate consumers, theirs injuries are too remote and
consequential to provide legal standing to sue against the alleged antitrust violator».
887
United States Court of appeal 7th Circuit. June 22nd 1976. State of Illinois v. Ampress Brick Co. 536 F2d
1163. Cf. p. 1166: «We do not believe that the difficulty plaintiffs might have in proving the injury, requires us
to dismiss the suit. Nor do we believe that dismissal is warranted because both the immediates pruchasers and
[indirect purchasers] might recover damages. According standing to ultimate purchasers need not result in
double recovery because appropriate means can be found to apportion any damages that might be assessed».
888
United States Supreme Court. June 9th 1977. Illinois Brick Co. v. State of Illinois, 431 U. S. 720. Cf. p. 729:
«Allowing offensive but not defensive use of pass-on would create a serious risk of multiple liability for
defendants».
260
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
353. Il convient à nouveau de distinguer entre passing-on défensif (1°) et offensif (2°).
355. ARC America. La Cour Suprême a confirmé que la jurisprudence ILLINOIS BRICK ne
s'opposait pas à une reconnaissance de l'intérêt à agir de l'acheteur indirect sur le fondement de
leur droit interne892. Il convient ainsi de distinguer selon le fondement de la demande de
889
Supreme Court. Illinois Brick préc. 431 U. S. 720. MR. JUSTICE BRENNAN, with whom MR. JUSTICE
MARSHALL and MR. JUSTICE BLACKMUN join, dissenting. Cf. p. 749.
890
State of California. Business and Professions Code. § 16750(a) Civil Action : «This action may be brought by
any person who is injured in his or her business or property […] regardless of whether such injured person dealt
directly or indirectly with the defendant».
891
Cf. citant une proportion des 2/3 Delegation of the United-States, Roundtable discussion on private remedies:
passing-on defence, indirect pruchaser standing and definition of damages, Competition Committee,
Organisation for Economic Co-operation and Development, 2006. p. 9 §30. À ce jour: 24 Etats sur 50 et le
District de Columbia ont adopté une disposition législative autorisant l'action de l'acheteur indirect. Trois autres
Etats exigent une ordonnance juridiciaire d'autorisation et un dernier Etat autorise l'action sur le fondement de
son droit interne de la consommation. Enfin dans 13 Etats où l'action de l'acheteur indirect n'est pas autorisée, les
Attorneys General peuvent engager une action pour le compte des consommateurs. Lire: M. A. LINDSAY,
«Overview of State Resale Price Maintenance Laws», Antitrust Source, april 2011, en ligne :
<www.antitrustsource.com>. Liste des 'Illinois Brick Repaler Statutes" (IBRS) - Etats ayant abrogé
législativement la jurisprudence Illinois Brick (24) : District of Columbia, Alabama, Alaska, Arkansas,
California, Colorado, Hawaii, Idaho, Illinois, Kansas, Maine, Maryland, Michigan, Minnesota, Mississippi,
Nebraska, Nevada, New Mexico, Ney-York, North-Dakota, Oregon, Rhode Island, South-Dakota, Vermont,
Wisconsin. Etats appliquant la jurisprudence Illinois Brick en droit interne (26) : Arizona, Connecticut,
Delaware, Florida, Georgia, Indiana, Iowa, Kentucky, Louisiana, Massachusetts, Missouri, Montana, New
Hampshire, New Jersey, North Carolina, Ohio, Oklahoma, Pennsylvania, South Carolina, Tennessee, Texas,
Utah, Virginia, Washington, West Virginia, Wyoming.
892
United States Supreme Court. April 18th 1989. California v. ARC America Corp. 490 U.S. 93 (1989). «When
viewed properly, Illinois Brick was a decision construing the federal antitrust laws, not a decision defining the
interrelationship between the federal and state antitrust laws. The congressional purposes on which Illinois Brick
was based provide no support for a finding that state indirect purchaser statutes are pre-empted by federal law.
The judgment of the Court of Appeals is therefore reversed».
261
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Dans cette affaire, des pharmacies de détails demandaient réparation du préjudice causé par
une entente des fabricants de produits pharmaceutiques en vue d'entraver le commerce
parallèle de médicaments génériques. Les pharmaciens californiens alléguaient un surcoût de
400% par rapport aux prix pratiqués en dehors des Etats-Unis. Les premiers juges ont accueilli
le moyen de défense tiré de la répercussion, et la décision a été confirmée en appel.
La Cour Suprême de Californie casse l'arrêt d'appel au motif que – suivant la solution
HANOVER SHOE – l'auteur de l'infraction ne peut pas, en principe, exciper du moyen de
défense tiré de la répercussion. Par exception toutefois, l'irrecevabilité du moyen de défense
tiré de la répercussion doit « nécessairement » être soulevée afin d'éviter une duplication des
dommages et intérêts lorsque des acheteurs à des stades différents de la chaîne de distribution
ont engagé une action indemnitaire, ou s'il subsiste un risque qu'ils engagent une action 895.
893
Le Cartwright Act – qui reproduit les dispositions antitrust fédérales contenues du Sherman Act et du Clayton
Act – a été adopté en 1907. Il est intégré au Business & Profession Code de Californie.
894
United States. Supreme Court of California. July 12th 2010. Clayworth v. Pfizer. 49 Cal.4th 758.
895
Clayworth v. Pfizer. Préc. Cf. p. 787: «In instances where multiple levels of purchasers have sued, or where a
risk remains they may sue, trial courts and parties have at their disposal and may employ joinder, interpleader,
consolidation, and like procedural devices to bring all claimants before the court. In such cases, if damages must
262
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
Dans cette hypothèse, la Cour peut recourir à des mesures d'administration judiciaire de
jonction d'instances. Il incombe à l'auteur de l'infraction de démontrer qu'il fait effectivement
l'objet de demandes indemnitaires multiples. Et c'est seulement dans ce cas que la
répercussion sera envisagée, en tant que problème de répartition des dommages et intérêts
entre les demandeurs.
357. Instruite par l'expérience américaine et mesurant les difficultés inextricables soulevées
par la répercussion du surcoût, le Livre Vert avait adopté une position hostile à sa
reconnaissance en tant que moyen de défense (A). La protection du droit d'agir des acheteurs
indirects créant toutefois une contradiction, le Livre Blanc a finalement admis la recevabilité du
moyen de défense tiré de la répercussion (B).
358. Livre Vert. La Commission a d'abord suivi une approche américaine dans son Livre
Vert favorable à l'exclusion du moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût. La
Commission tirait les leçons du rapport Ashurst896 en retenant que:
be allocated among the various levels of injured purchasers, the bar on consideration of pass-on evidence must
necessarily be lifted; defendants may assert a pass-on defense as needed to avoid duplication in the recovery of
damages».
896
D. WAELBROECK, D. SLATER et G. EVEN-SHOSHAN, Study on the conditions of claims for damages in
case of infrigement of EC competition rules, Comparative report, ASHURST, Brussels, 31 august 2004.
897
Commission Européenne, Document de travail des services de la Commission annexé au Livre Vert sur les
actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de
position dominante, DG COMP, 19 décembre 2005, SEC(2005) 1732. § 38 et 39.
263
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Hostilité déclarée donc de la Commission qui soulignait, que l'option 21 du Livre Vert
prévoyant la reconnaissance combinée du droit d'agir des acheteurs indirects et de la passing-on
defence:
359. Réactions au Livre Vert. À rebours de la Commission, les réponses au Livre Vert
considèrent majoritairement que l'admission du moyen de défense tiré de la répercussion du
surcoût était « inévitable » au regard de la fonction compensatoire de l'action en dommages et
intérêts en Europe900,901,902,903. Pour le gouvernement français, la répercussion est
898
Commission Européenne, Livre Vert relatif aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 19 décembre 2005, JO 28 février 2006. p. 8.
899
Commission Européenne, Livre Vert relatif aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 19 décembre 2005, JO 28 février 2006. p. 9.
900
International Bar Association, Comments on the Green Paper on Damages actions, European Commission
Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages>, accès : 20/5/2011. « The role
of private damages actions is to compensate. Allowing the pass-on defence ensures that damages awarded to
victims arestrictly proportionate to the real harm suffered […] Consistent with the Working Group’s view that
the primary principle underlying private actions should be compensation, it believes that the use of the passing-
on defence should be allowed»
901
European Justice Forum, Comments on the Green Paper for damages actions, European Commission
Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages>, accès : 20/5/2011. «The
passing-on defence is an inevitable requirement in a system that is based on the principle that damages follow
the compensatory principle».
902
Freshfields Bruckhaus Deringer, Comments on the Green Paper for damages actions, European Commission
Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages>, accès : 20/5/2011. «We
consider that the passing-on defence should be made available, and we can see merit in the argument that the
burden of proof should be reversed such that it is for the defendant to prove passing on».
903
Simmons & Simmons, Comments on the Green Paper on Damages actions , European Commission
Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages>, accès : 20/5/2011.
«exclusion of the passing-on defence would clearly facilitate claims by direct purchasers […] it would however
264
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
« Il est normal que dans la mesure où une répercussion a eu lieu l'acheteur direct qui
n'a pas subi de préjudice ne reçoive pas de réparation. […] L'AFEC est d'avis que
l'interdiction de la "passing-on defence" n'aurait aucun effet positif sur la situation
des victimes de pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs, une telle interdiction
serait contraire aux principes applicables au droit de la responsabilité dans de
nombreux États-membres. Les solutions aux problèmes rencontrés par les victimes
sont donc à rechercher ailleurs »905.
Un deuxième argument réside dans la corrélation logique entre admissibilité de la répercussion
du surcoût et ouverture de l'action en réparation aux acheteurs indirects et consommateurs
finaux. L'ouverture de l'action aux victimes directes et indirectes sans possibilité pour le
défendeur d'opposer la répercussion du surcoût sur le prix de vente multiplie théoriquement
les dommages et intérêts encourus.
360. Livre Blanc. Face à l'opposition aux options d'exclusion du passing-on, la Commission a
fait marche arrière, en affirmant son attachement au principe de réparation intégrale. Le Livre
blanc marque un revirement, puisque la Commission admet l'invocation de la répercussion du
surcoût en tant que moyen de défense à l'égard de l'acheteur direct et propose que « les acheteurs
indirects puissent se fonder sur la présomption réfragable que le surcoût illégal a été répercuté sur eux dans sa
totalité ». Le Livre Blanc répond aux deux objections formulées:
be a marked departure from standard tortious principles across the EU, and be a move away from a strictly
compensatory regime to one in which private enforcement of competition law is encouraged as en end in itself».
904
République française. Secrétariat général aux affaires européenne, Comments on the Green Paper on
Damages actions, European Commission Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition>, accès :
20/5/2011.
905
AFEC, Réponse au Livre Vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, sous la direction de Daniel Fasquelle,
Association Française d'Etude de la Concurrence, 2006. p. 15.
265
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
acheteurs qui ont répercuté le surcoût et une réparation multiple injustifiée, par le
défendeur, pour les surcoûts illégaux imposés »906.
361. Pour la représentation française auprès de l'Union européenne, « le système préconisé par la
Commission n'est pas en contrariété avec celui existant actuellement en France »907. L'AFEC observe que
« le Livre blanc opère un changement total d’orientation par rapport à celle ayant prévalu dans le cadre du Livre
vert, lequel était plutôt hostile au principe de la répartition des surcoûts »908. L'AFEC approuve l'admission
du moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût, sans présomption en faveur du
défendeur qui doit « établir la preuve de cette répercussion », car la preuve inverse de l'absence de
répercussion du surcoût est une « preuve diabolique à rapporter »909.
B- Royaume-Uni
362. Dans une étude de 2008, Rachel MULHERON estime que l'incertitude britannique sur la
disponibilité du moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût constitue une « barrière
substantielle » aux actions de suivi en réparation, qui explique - au moins en partie - leur relative
« rareté » au Royaume-Uni, au regard du nombre de condamnations prononcées par les autorités
de concurrence910.
906
Commission Européenne. Livre Blanc sur les actions en dommages-intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante. 2 avril 2008. COM(2008) 165.
907
Représentation de la France auprès de l'Union Européenne, Comments on the White Paper on Damages
actions, European Commission Competition, en ligne : <www.ec.europa.eu>.
908
Association Française d'Etude de la Concurrence, Comments on the White Paper on Damages actions,
European Commission Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages>,
accès : 23/5/2011.
909
Association Française d'Etude de la Concurrence, Comments on the White Paper on Damages actions,
European Commission Competition, en ligne : <http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages>,
accès : 23/5/2011.
910
R. MULHERON, Reform of Collective Redress in England and Wales: a Perspective of Need, Research
Paper, Civil Justice Council of England and Wales, 2008. Cf. p. 57. «The paucity of follow-on actions for anti-
competitive infringements in England, when compared with the number of infringement decisions given by the
OFT and by the EC, is noteworthy. However, one substantive law reason for the difficulty in bringing such
actions, which must be remarked upon in the context of this Section, is the potential availability of the passing-
on defence. This defence, where available, is a significant substantive law barrier to any party in the supply chain
from bringing a follow-on action».
266
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
364. Arrêt DEVENISH. Un arrêt postérieur de la High Court rend toutefois probable la
reconnaissance du passing-on défensif, même s'il n'a pas tranché directement la question. On sait
que le contentieux indemnitaire anglais est écartelé entre la High Court – juridiction de droit
commun – et le CAT – juridiction spécialisée – le demandeur bénéficiant d'une option entre la
compétence des deux juridictions, dans l'hypothèse d'une action de suivi. C'est ainsi que divers
acheteurs de vitamines, à la fois directs – c'était le cas de Devenish fabricant d'aliments pour
animaux - et indirects – c'était le cas de Moy Park éleveur de volailles - ont préféré saisir la
911
United Kingdom. Civil procedure rules (CPR). Part 25. Interim Remedies and Security for Costs. Rule 25.12.
«A defendant to any claim may apply under this Section of this Part for security for his costs of the
proceedings».
912
United Kingdom. Competition Appeal Tribunal. 28 january 2005. BCL Old Co. v. Aventis & Ors. N°
1028/5/7/04. [2005] CAT 2. §33 et s. «We are therefore dealing here with virgin territory. […] the questions of
whether the defendants are entitled to raise the “passing on defence” (either upstream or downstream), what is
the effect of any such defence, and who bears the burden of proof, are novel and important issues both in this
case and for future cases. Those questions are not only relevant to actions in the United Kingdom: courts in
other European jurisdictions may also be interested in how this Tribunal decides that issue. […] These issues are
as yet undecided in the United Kingdom nor, as far as we know, definitively decided in any other European
jurisdiction […] The Claimants and the Defendants in this action are pioneers. The Claimants bring this claim
and the Defendants defend it without the benefit of any previous decision in their favour on the passing on
defence. […] Whether or not the passing on defence is available to defendants will in future be an important
consideration to potential claimants when they are considering whether or not to issue proceedings […] the
Claimants’ have, at first sight, a good claim, and the only reason for awarding costs against the Claimants would
be if it were established that, in law, “passing on” was a good defence, that the defence applied to the facts of
this case, and that in those circumstances the Claimants’ damages were properly to be reduced to nil or a very
low figure […] In these circumstances we consider it just that at this stage of the proceedings the possible risk as
to costs should be borne by the Defendants, who are before the Tribunal as infringers of a public law prohibition,
rather than by the Claimants in whose favour liability is, at least prima facie, established».
267
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
juridiction de droit commun d'une série de demandes indemnitaires contre le cartel des
vitamines.
La High Court a rejeté cette analyse au motif que l'absence de prise en compte de la
répercussion aboutirait à l'enrichissement sans cause de l'acheteur direct, en contradiction avec
le principe établi dans l'arrêt COURAGE. Le raisonnement du juge Lewison établit
explicitement un parallèle entre l'action en restitution et l'action en réparation, qui doivent
toutes deux tenir compte de la répercussion 913. La Court of Appeal a confirmé la décision. Les
juges d'appel ont refusé de faire droit à la demande en restitution du gain illicite qui
entraînerait l'enrichissement « injustifiée » de l'acheteur direct ayant répercuté le surcoût sur ses
propres clients914. La Cour d'appel – à l'instar de la High Court – se fonde sur un principe
913
United-Kingdom. High Court (Ch.) 19 october 2007. Devenish Nutrition Ltd & Others v/. Sanofi-Aventis SA
& Others. [2007] EWHC 2394 (Ch). §114. «the representative claimants (Moy Park and Devenish) occupy
different levels in the supply chain. Each of them has downstream customers, and in the case of Moy Park
upstream suppliers as well. But unless all relevant claimants are before the court, how is the profit made by the
Defendants to be allocated? There is no clear answer to that question. If no account is taken of whether a
particular claimant passed through price increases to a downstream customer, then that claimant might itself be
unjustly enriched. An avoidance of unjust enrichment of a claimant is a factor to which the ECJ drew attention in
Crehan. But if account is taken of “pass through”, then an account of profits hardly differs from the measure of
compensatory damages which the claimants advocate (and which I must assume will succeed)».
914
United-Kingdom. Court of Appeal (Civil Div.) 14 october 2008. Devenish Nutrition Ltd & Others v. Sanofi-
Aventis SA & Others. [2008] EWCA Civ 1086. §109. Lady Justice Arden: "Given the passage of time and
difficulties of proof which Devenish faces in relation to the sales and purchases which it has made, it is faced
with a real prospect that it may not be able to prove its losses in the face of an attack by the defendant to the
effect that it must have passed on its losses to its customers, or failed, as a matter of law, to prove that it has
mitigated its losses by passing them on. It is on that basis that Devenish submits that the award of compensatory
damages would be inadequate. […] However, the report of Dr Veljanovski filed on behalf of another claimant in
these proceedings (Moy Park) suggests that direct purchases from BASF, which would include Devenish, passed
268
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
Solution idéale – ou idéaliste – qui ne tient pas compte de l'imperfection judiciaire dans la
mise en œuvre du droit à réparation. Le juge de première instance soulignait que la ventilation
les dommages et intérêts supposait que l'ensemble des victimes potentiellement affectées
soient présentes à l'instance. Ainsi, à supposer que la complexité probatoire inhérente à la
répercussion puisse être surmontée, le véritable obstacle réside dans la représentation des
on 100% of the overcharge to indirect purchasers. It would not be just to give Devenish a restitutionary award
to enable it to avoid the consequences of its having passed on the overcharge". Et §147. Lord Justice Longmore:
"No one suggests that, to the extent the claimant has in fact suffered a loss because it has paid too high a price
which it has been unable (for any reason) to pass on to its own purchasers, that loss cannot be recovered. If,
however, the claimant has in fact passed the excessive price on to its purchasers and not absorbed the excess
price itself, there is no very obvious reason why the profit made by the defendants (albeit undeserved and
wrongful) should be transferred to the claimant without the claimant being obliged to transfer it down the line to
those who have actually suffered the loss. Neither the law of restitution nor the law of damages is in the
business of transferring monetary gains from one undeserving recipient to another undeserving recipient even if
the former has acted illegally while the latter has not".
915
Ibid. § 151. Lord Justice Tuckey: '"Devenish is claiming the overcharge as if it were the defendants’ net profit
so as to avoid having to take into account the fact (if true) that it passed on the whole of the overcharge to its
customers. I can see no way in which it could avoid taking this “pass on” into account in any compensatory
claim for damages".
269
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
acheteurs indirects sur lesquels le surcoût a été répercuté 916. Le moyen de défense tiré de la
répercussion du surcoût n'est praticable que si un acheteur indirect peut entamer une action
représentative pour le compte de l'ensemble de la classe 917. La réparation se trouve placée dans
une impasse en l'absence de mécanisme praticable d'action judiciaire collective comme le
montre l'affaire AIR CARGO.
916
United-Kingdom. High Court (Ch.) 19 october 2007. Devenish Nutrition Ltd & Others v/. Sanofi-Aventis SA
& Others. [2007] EWHC 2394 (Ch). §114. «the representative claimants (Moy Park and Devenish) occupy
different levels in the supply chain. Each of them has downstream customers, and in the case of Moy Park
upstream suppliers as well. But unless all relevant claimants are before the court, how is the profit made by the
Defendants to be allocated? There is no clear answer to that question».
917
C. BANFI, «Defining the competition torts as intentional wrongs», Cambridge Law Journal, 2011, vol. 70(1),
p. 83. «it seems that the passing-on defence would be workable if indirect purchasers could bring class actions or
[…] if they were allowed to recover overcharges in the same proceedings commenced (and using the evidence
gathered) by direct purchasers».
918
Le cartel a duré sur la période sur la période allant de 2000 à 2006. Le 31 juillet 2007, British Airways,
Korean Air, Qantas, Japan Airlines et Air France KLM ont transigé sur un montant global d'amende s'élevant à
$1.2 milliards. Une class action est engagée aux Etats-Unis. V. le site internet à destination des victimes
européennes: www.aircargoclaims.eu
919
Commission Européenne. 9 novembre 2010. Airfreight. COMP 39.258.
920
Commission Européenne, Antitrust: la Commission inflige à onze transporteurs de fret aérien des amendes
pour un montant de 799 millions EUR, Communiqué de presse, DG COMP, Press Releases RAPID, 9 novembre
2010, IP/10/1487.
921
922
Il s'agit d'une particularité procédurale anglaise, en vue d'éviter la saisine d'une juridiction par une série
d'actions identiques. Il ne faudrait donc pas parler d'action de classe, au sens courant donné à cette action,
puisque le jugement n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard des parties non représentées. La règle est une
mesure d'administration judiciaire s'apparentant à un arrêt de règlement prohibé par l'article 5 du Code Civil.
Civil Proceedings Rules. Rule 19.6: (1) Where more than one person has the same interest in a claim - (a) the
270
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
La question préalable posée par cette action indemnitaire était de savoir si les acheteurs
indirects avaient le « même intérêt » qu'un acheteur indirect, au sens de la règle 19.6 CPR, alors
qu'il existerait un conflit d'intérêts entre acheteurs directs et indirects du fait de la répercussion
du surcoût, tous les membres de la classe ne bénéficiant pas identiquement du jugement. La
High Court a estimé qu'il existait un conflit d'intérêts « inévitable » entre les membres de la
classe, le préjudice individuel dépendant de la position dans la chaîne de distribution 923. La
solution signifie nécessairement que le préjudice dépend de la répercussion du surcoût. L'arrêt
EMERALD consacre ainsi implicitement le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût.
La Court of Appeal a confirmé le jugement 924. En définitive, quoique la question n'ait pas été
directement tranchée, il ne fait guère de doute que la jurisprudence britannique admet le
passing-on défensif et offensif.
claim may be begun; or (b) the court may order that the claim be continued, by or against one or more of the
persons who have the same interest as representatives of any other persons who have that interest. […] (4)
Unless the court otherwise directs any judgment or order given in a claim in which a party is acting as a
representative under this rule - (a) is binding on all persons represented in the claim; but (b) may only be
enforced by or against a person who is not a party to the claim with the permission of the court.
923
United-Kingdom (Ch.) 8 april 2009. Emerald Supplies Ltd and another v. British Airways. [2009] EWHC 741
(Ch). §36 - 37: «Whether or not an individual member of the class can establish that necessary ingredient will
depend on where in the chain of distribution he came and who if anyone in that chain had absorbed or passed on
the alleged inflated price. Given the nature of the cause of action and the market in which the relevant
transactions took place there is an inevitable conflict between the claims of different members of the class
[…]the suggested amendment so as to exclude claimants for damage which had been passed on would not solve
the problems. Indeed it might increase them. Such an exclusion would mean that it would be impossible to
ascertain the members of the class even when judgment in the action had been given. It would be necessary to
determine where in the chain of distribution the loss had fallen in whole or in part. That issue would not be
determined in the action itself. It would necessitate further proceedings between the various links in the chain
before it could be seen which of them was entitled to recover damages from BA».
924
United-Kingdom. Court of Appeal. 18 november 2010. Emerald Supplies Ltd and another v. British Airways.
[2010] EWCA Civ 1284. §69: «The potential conflicts arising from the defences that could be raised by BA to
different claimants, such as direct purchasers who have “passed on” the inflated price and would not want BA to
run that passing on defence to their claims and those indirect purchasers to whom the inflated price has been
passed on and who would want BA to raise the pass on defence to claims by direct purchasers, reinforce the fact
that they do not have the same interest and that the proceedings are not equally beneficial to all those to be
represented».
271
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
367. La répercussion du surcoût est largement admise par les juges du fond selon la doctrine
du Président du Tribunal de Commerce de Nanterre Jean-Claude Drummen (A). Le rejet de la
répercussion par l'arrêt Lysine de la Cour d'appel de Paris (B) a été cassé par la Cour de
Cassation (C), consacrant ainsi le principe de la répercussion.
925
TCP (3ème ch.) 20 avril 2005, SAS LES LABORATOIRES JUVA c. SOCIETE ROCHE VITAMINS
EUROPE LTD et SOCIETE HOFFMANN LA ROCHE AG. RG n° 2003048044.
926
Commission Européenne. Décision 2003/2/CE du 21 novembre 2001 relative à une procédure d'application
de l'article 81 du traité CE (Affaire COMP/E-1/37.512 – Vitamines).
927
Tribunal de Commerce, Paris (7ème ch.) 22 janvier 2008 Coopérative le Gouessant c. Ajinomoto Eurolysine,
RG n°2005063513.
928
Tribunal de Commerce, Paris (7ème ch.) 22 janvier 2008 SOFRAL c. Ajinomoto Eurolysine, RG
n°2005063515.
929
Tribunal de Commerce, Paris (7ème ch.) 29 mai 2007, Doux Aliments c. Ajinomoto Eurolysine, RG
n°2006073999.
930
Commission Européenne. Décision 2001/418/CE du 7 juin 2000 relative à une procédure d'application de
l'article 81 du traité CE (Affaire COMP/36.545/F3 — Acides aminés).
931
T. Com. Paris (7ème ch.) 29 mai 2007 et 22 janvier 2008, préc. «Les demandeurs font valoir que l’entente a eu
pour effet d’augmenter le prix d’achat de la lysine, leur faisant supporter un surcoût sans pouvoir le répercuter ;
Que dans son rapport Monsieur Mouchet soutient sans le démontrer, qu’il n’était pas possible aux demandeurs
de reporter sur leurs clients la forte hausse du prix en raison du caractère extrêmement concurrentiel de ce
marché, ni sur les éleveurs de volaille compte tenu de la modicité de leur rémunération; Attendu que la
Commission, dans sa décision a considéré que l’infraction commise par des entreprises qui étaient les seuls
producteurs de lysine au monde, a eu pour effet de faire monter les prix à un niveau supérieur à celui qu’ils
auraient atteint autrement et de restreindre les volumes de ventes; Que les conditions du marché ont été
identiques pour tous les producteurs de volaille, ces entreprises ne pouvant s’approvisionner qu’auprès des
membres des ententes et ont toutes supporté les majorations de prix; Que leur situation de concurrence n’a pas
été modifié; Attendu que le lien de causalité entre des prix majorés et le préjudice allégué n’est pas établi les
demandeurs ne démontrant pas l’impossibilité de répercuter l’éventuel surcoût sur les prix de vente du produit
fini; Attendu que les dommages et intérêts accordés en application de l’article 1382 du Code Civil ont pour objet
de replacer le demandeur dans la situation dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de faute, et à réparer le
préjudice subi et non à sanctionner la faute; Le tribunal déboutera les demandeurs de leurs demandes de
dommages et intérêts».
272
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
Seule la psychologie propre des juges du commerce, qui se fondent sur leur expérience
professionnelle personnelle, permet de saisir la dimension de morale commerciale sous-
jacente. Selon les juges, la majoration des prix affectant tous les producteurs de volaille, la
répercussion du surcoût constituait la seule réaction commerciale normale. Si le demandeur
avait réagi comme un bon commerçant, il aurait dû répercuter le surcoût et n'aurait donc pas
subi de préjudice. Indirectement, les juges imposent au commerçant victime d'une infraction
au droit de la concurrence, une obligation de minimiser son propre dommage en adoptant un
comportement conforme à la réaction attendue du bon marchand. La répercussion du surcoût
comme morale commerciale.
932
Président du Tribunal de Commerce de Nanterre depuis 2004, membre de l'Autorité de la Concurrence depuis
2009. Le Président Drummen était juge-rapporteur dans l'affaire des vitamines.
273
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
933
Tribunal de Commerce de Nanterre (6ème ch.) 11 mai 2006, Arkopharma c. Roche et Hoffmann La Roche
[vitamines]. RG n° 2004F02643. «Attendu que Arkopharma soutient que la Commission a qualifié et constaté le
dommage en estimant que l'entente avait eu pour effet une majoration artificielle des ventes [sic] des matières
concernées; Que selon Arkopharma la démonstration serait ainsi apportée qu'en s'étant approvisionnée auprès de
la société ROCHE, elle aurait supporté les surfacturations de son fournisseur et subi directement un préjudice
résultant de la baisse consécutive de ses marges; Que cependant, cette affirmation sous-entend que la société
Arkopharma non seulement n'a pas augmenté ses prix de vente aux consommateurs comme elle le soutient, mais
surtout qu'elle était dans l'impossibilité de procéder à une telle augmentation; Que tel n'est pas le cas; Qu'en effet
la Commission a relevé dans le considérant 667 de sa décision, que "les infractions commises par des
producteurs couvraient plus de 80% au moins du marché mondial des vitamines" […] Que dès lors, ainsi que
l'indique Mme Galataud expert judiciaire, dans un avis non contradictoire, établi dans un dossier similaire et non
versé au débat par les défenderesses, les entreprises ne pouvant s'approvisionner qu'auprès des membres des
ententes, supportent toutes la majoration des prix, et peuvent donc répercuter cette hausse sans craindre la
concurrence, puisque les conditions du marché sont identiques pour toutes; Qu'il y a d'ailleurs lieu d'observer que
la Commission tient pour acquis que les effets des ententes préjudicient au consommateur final, les acheteurs de
matières premières à prix majoré répercutant cette majoration sur les produits qu'ils vendent […] que la
Commission observe ainsi qu'une entente porte finalement préjudice au consommateur final puisque la
majoration initiale du prix sera répercuté jusqu'au dernier stade; Attendu en définitive que s'il existe un lien entre
la faute des auteurs des ententes et la majoration des prix des matières premières, le lien de causalité entre ces
prix majorés et le préjudice allégué n'est quant à lui pas établi du fait de la possibilité qu'avait Arkopharma de
répercuter cette majoration dans ses prix de vente; Qu'en ne l'ayant pas fait, ainsi qu'elle le soutient, alors qu'elle
le pouvait, ses prix ayant du reste subi une majoration dans quelques cas précis et sans relation avec les ententes,
Arkopharma a librement arrêté sa politique tarifaire sans que la responsabilité des défenderesses puisse être
engagée; Que le tribunal déboutera donc Arkopharma de ses demandes».
274
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
réparation, sans qu'il soit nécessaire pour le défendeur de démontrer la réalité ou l'étendue de la
répercussion.
372. Mitigation du dommage . Pour Muriel CHAGNY la décision est « contestable » car « elle
paraît obliger la victime à modérer son dommage [et] semble par ailleurs contrevenir au principe d’effectivité »934.
Et en effet, la Cour de Cassation a rejeté l'obligation de minimiser son propre dommage par un
arrêt de principe affirmant que :
« [si] l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables
[…] la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du
responsable »935.
En l'espèce, il s'agissait de l'action en responsabilité délictuelle de la victime d'un accident de la
circulation qui demandait réparation du préjudice subi du fait de la perte de son fonds de
commerce. L'arrêt d'appel avait retenu l'absence de lien de causalité entre l'accident et le
préjudice de perte du fonds de commerce, au motif que la victime « avait la possibilité de faire
exploiter le fonds par un tiers et que si elle a choisi de le laisser péricliter, elle ne saurait en imputer la
responsabilité à l'auteur de l'accident ». Dans cette espèce - comme dans l'affaire des VITAMINES - le
défendeur met en cause le comportement du commerçant qui demande réparation du
préjudice causé à son activité économique. La comparaison est toutefois délicate. Le principe
d'absence d'obligation de la victime de modération de son préjudice pourrait occulter des
considérations d'espèce tenant à une hypothèse de dommage corporel.
373. Doctrine favorable à la mitigation. Une partie de la doctrine est ainsi favorable à une
reconnaissance « raisonnable »936 de la mitigation du préjudice. Stéphane REIFEGERSTE a montré
que la jurisprudence n'y était pas complètement hostile 937. L'article 1373 de l'avant-projet Catala
consacre la mitigation et prévoit que « lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens
sûrs, raisonnables et proportionnés, de réduire l'étendue de son préjudice ou d'en éviter
l'aggravation, il sera tenu compte de son abstention par une réduction de son indemnisation ».
934
M. CHAGNY, «Focus sur les sanctions civiles du droit de la concurrence», in Rencontres Lamy du droit de
la concurrence, Revue Lamy du Droit de la Concurrence, avril 2007, n° 11, p. 164.
935
Cass. Civ. 2ème. 19 juin 2003. N°: 00-22302. Publié au bulletin
936
J.-L. AUBERT, «Quelques remarques sur l'obligation pour la victime de limiter les conséquences
dommageables d'un fait générateur de responsabilité», in Liber Amicorum Geneviève Viney, LGDJ, 2008, p. 55
(voir p. 57).
937
S. REIFEGERSTE, Pour une obligation de minimiser le dommage, Aix-Marseille. : Presses Universitaires
d'Aix-Marseille, 2002.
275
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Anne METTETAL oppose le refus « radical » dans le champ délictuel à « l'amorce »938 d'une
reconnaissance dans le champ contractuel.
374. Cette distinction intéressante ne rend pas compte toutefois des jugements VITAMINES et
LYSINE rendus en matière délictuelle. La nature économique du préjudice causé à l'activité
professionnelle ne fournit pas davantage un critère satisfaisant pour déterminer les cas dans
lesquels les juges sont susceptibles de reconnaître une obligation de mitigation. En réalité, la
mitigation du préjudice – c'est-à-dire la réduction de la créance de dommages et intérêts – est
inversement proportionnelle à la gravité du dommage causé à la victime, et à la gravité de la
faute du responsable. L'obligation de modération du préjudice présente une géométrie variable,
qui est fonction de la mise en balance des fautes respectives de l'auteur du dommage et de sa
victime. Il serait manifestement déraisonnable de réduire le montant des dommages et intérêts
accordés à la victime d'un accident corporel, sous prétexte que sa gestion commerciale durant
sa période de convalescence n'était pas celle que l'on pouvait attendre d'un commerçant avisé.
À l'inverse, les juges consulaires qui sont eux-mêmes commerçants, considèrent comme une
décision commerciale anormale, le fait de ne pas répercuter une augmentation du prix des
matières premières sur le prix de vente.
375. Refus de la répercussion par la Cour d'Appel de Paris . Question d'espèce plus que
de principes, intimement liée à l'appréciation et la psychologie des juges de la juridiction
commerciale, il n'est pas très surprenant que les juges d'appel n'aient pas fait la même lecture
du dossier. La Cour d’Appel de Paris a réformé le jugement du Tribunal de Commerce de Paris
et admis la réparation sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil. Le moyen de défense
tiré de la répercussion du surcoût se trouve balayé au motif que « la circonstance que les sociétés
Doux auraient été en mesure de répercuter ce surcoût sur les hausses de prix du produit est sans incidence sur
l'étendue du droit à réparation des appelantes »939. Les juges de la Cour d'appel ont été davantage
sensible à la gravité de la faute commise par les membres du cartel. Louable en opportunité, la
motivation de l'arrêt appelle néanmoins quelques réserves.
938
A. METTETAL, «L'obligation de modérer le préjudice en droit privé français», Revue de la Recherche
Juridique, n°4 2005, p. 1889.
939
CA Paris (5-4) 10 juin 2009, Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et S.A.S AJINOMOTO
EUROLYSINE. RG n°07/10478.
276
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
376. Problématique perte de chance . Les juges de la chambre 5-4 contournent l'obstacle
de la répercussion en redéfinissant le préjudice de gain manqué du fait de la perte de marge, en
un préjudice de perte de chance du fait de la perte de compétitivité. La Cour retient que « les
charges accrues supportées […] par suite des majorations de prix ont été la cause d'un préjudice constitué par
une perte de compétitivité [qui constitue] en réalité la cause d'une perte de chance »940. Selon la Cour d'appel,
les dommages et intérêts indemnisent le désavantage concurrentiel infligé par la majoration du
prix de vente. La perte de compétitivité résulte de la nécessité de répercuter la majoration. qui
est indemnisée. La notion de perte de chance permet de réfuter le moyen de défense tiré de la
répercussion du surcoût, puisque c'est précisément la répercussion du surcoût qui constitue le
préjudice. Paradoxalement, les juges d'appel rejoignent l'analyse du Tribunal de Commerce, en
se plaçant sur le terrain de la compétitivité. L'incidence patrimoniale du surcoût est reformulée
dans le langage familier de la concurrence déloyale. Cette approche intellectuellement
rassurante est à la fois trop simple et trop complexe. Trop complexe juridiquement, parce que
le gain manqué certain devient une perte de chance nébuleuse et artificielle. Trop simple
judiciairement, parce que les demandeurs et la Cour d'appel évitent de s'engager sur le terrain
de la réalité et du chiffrage du surcoût.
940
CA Paris (5-4) 10 juin 2009, Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et S.A.S AJINOMOTO
EUROLYSINE. RG n°07/10478.
941
Alain Le Fèvre. Président de la Chambre 4 Pôle 5. Cour d'appel de Paris. Entretien avec l'auteur du 22
décembre 2009.
942
Alain Le Fèvre. Président de la Chambre 4 Pôle 5. Cour d'appel de Paris. Entretien avec l'auteur du 22
décembre 2009.
277
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
en raison de la méthode employée, qualifiée par l'expert lui-même d'imprécise »943. L'indemnisation au titre
de la perte de chance permet au juge d'intégrer l'incertitude de l'évaluation, sous la forme de
l'aléa, quoique les deux concepts soient bien distincts.
378. Mais cette décision favorable aux victimes du cartel de la lysine a fait l’objet d’une
cassation au visa de l’article 1382 Code Civil:
« attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les sociétés Doux avaient, en
tout ou partie, répercuté sur leurs clients les surcoûts résultant de l’infraction
commise par la société AE, de sorte que l’allocation de dommages et intérêts aurait
pu entraîner leur enrichissement sans cause, la cour d’appel a privé sa décision de
base légale »944.
La référence à l'enrichissement sans cause et le visa de l'article 1382 permet de rattacher la
solution au principe de la réparation intégrale. De manière surprenante, la Cour de cassation
n'a pas choisi de publier cet arrêt au bulletin. Peut-être précisément pour ne pas établir de
principe en matière de répercussion du surcoût. En tout état de cause, la théorie de la perte de
chance développée par la Cour d'appel pour contourner l'obstacle de la répercussion est
condamnée. La solution de la chambre commerciale valide le moyen de défense tiré de la
répercussion du surcoût. Il s'ensuit que le préjudice résultant du dommage de surcoût causé
par le cartel consiste dans la perte de marge et non dans la différence entre le prix
effectivement payé et le prix qui aurait été payé si l'infraction n'avait pas eu lieu. La question
de la répercussion purement factuelle dépend de l'appréciation souveraine des juges du fond,
puisqu'elle fait partie de l'évaluation du préjudice. L'obstacle n'est pas théoriquement
infranchissable. La jurisprudence postérieure apparaît toutefois vouer l'action indemnitaire du
revendeur à l'échec.
943
CA Paris (5-4) 10 juin 2009, Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et S.A.S AJINOMOTO
EUROLYSINE. RG n°07/10478.
944
Cass. Com. 15 juin 2010, Ajinomoto Eurolysine c. Doux Aliments [Lysine], n° 09/15816.
278
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
Aliments, Coopérative le Gouessant et société SOFRAL sont assistées par le même cabinet
d'avocat: la SCP Avril-Marion inscrite au barreau de Saint-Brieuc. Les trois actions ont été
portées devant la 7ème chambre du Tribunal de Commerce de Paris. La première action
introduite par Doux Aliments par assignation du 14 avril 2005 a fait l'objet d'un premier
jugement du 29 mai 2007, infirmé par l'arrêt d'appel de la chambre 5-4 du 10 juin 2009. C'est
cette première action-pilote qui a donné lieu à l'arrêt de cassation du 15 juin 2010. Les deux
autres actions de la Coopérative Le Gouessant et de SOFRAL ont été introduites par
assignation du 5 septembre 2005. Elles ont fait l'objet de deux jugements jumeaux rendus par la
7ème chambre le 22 janvier 2008. Et les deux affaires ont été attribuées en appel à nouveau à la
chambre 5-4 qui était déjà saisie de l'appel interjeté par Doux Aliments. Le pourvoi en cassation
contre l'arrêt Doux du 10 juin 2009 a toutefois paralysé les procédures Le Gouessant et
SOFRAL. La chambre 5-4 de la Cour d'appel a finalement statué postérieurement à la cassation
du 15 juin 2010 par arrêt du 16 février 2011, qui peut ainsi être virtuellement considéré comme
un arrêt de renvoi.
945
CA Paris (5-4) 16 février 2011, Coop. Le Gouessant et SOFRAL c. Ajinomoto Eurolysine. RG n° 08/08727.
«Considérant que les sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL se réfèrent essentiellement à des
notes de M. Christian Mouchet, professeur à l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie de Rennes, expert près la
Cour d'Appel de Rennes, qui a établi une note sur l'évaluation du préjudice de chacune des sociétés
COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL et des notes complémentaires en réponse à une note de M.
DAVID SPECTOR, chargé de recherche au CNRS et enseignant à l'Ecole normale supérieure, qui concluait
après une analyse économétrique rigoureuse du prix de la lysine entre 1990 et 1991 que les estimations
effectuées par lui indiquaient que l'entente n'avait eu aucun impact statistiquement identifiable sur le prix de la
lysine payé par les sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL; Considérant que M. CHRISTIAN
MOUCHET, comme d'ailleurs M. DAVID SPECTOR, se livrent à des appréciations générales, théoriques et
abstraites plutôt qu'à des analyses concrètes des prix effectivement pratiqués ; qu'il calcule les préjudices à partir
de diverses hypothèses après avoir affirmé que le choix d'évaluer l'impact de l'entente en utilisant les prix
facturés par AJINOMOTO à ses fournisseurs est pertinent d'autant qu'il permet d'utiliser les données non
contestables publiées dans la décision de la commission; qu'il déclare de manière dubitative qu'il est raisonnable
de penser que la hausse des prix s'est répercutée sur tous les produits contenant de la lysine industrielle ; que
cette phrase a été répétée dans les notes en réponse à celle de M. DAVID SPECTOR ; que dans ces notes en
réponse M. CHRISTIAN MOUCHET déclare qu'en raison du caractère concurrentiel du marché il n est guère
possible de répercuter sur les prix de vente une forte hausse du prix de l'aliment et qu'il n'est pas possible, non
plus, de répercuter la hausse du prix de l'aliment ; mais que ceci n'est pas démontré ; que précisément, le
caractère concurrentiel des marchés a été faussé par l'entente; que la Cour ne peut faire sienne la conclusion de
M. CHRISTIAN MOUCHET selon laquelle les sociétés appelantes ont été confrontées à une hausse de prix
d'approvisionnement sans pouvoir en répercuter les effets sur leurs clients, cette affirmation n'étant pas
suffisamment étayée par des éléments concrets de démonstration; que la perte de compétitivité, faute de
comparaisons concrètes et fiables des prix des divers fournisseurs et distributeurs de produits contenant de la
lysine, n'est pas plus démontrée; Considérant qu'en définitive, il résulte de ce qui précède et des motifs non
279
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
théorie du préjudice nécessaire et refuse de faire usage de son pouvoir souverain d'appréciation,
au prétexte que l'évaluation du préjudice fournie par la demanderesse est imprécise. Les
contradictions dans les diverses notes de M. Mouchet sur le point de savoir s'il y avait eu ou
non répercussion auraient pourtant dû conduire la Cour d'appel à faire droit à la demande
d'ordonnance d'une expertise judiciaire. L'échec de Doux, le Gouessant et SOFRAL révèle a
contrario le rôle crucial de l'expertise judiciaire. Les conseils des demanderesses ont adopté une
stratégie à court terme en demandant l'indemnisation de la perte de compétitivité mais qui s'est
avérée contre-productive, puisqu'elle a conduit leur expert à affirmer dans un premier temps
que le surcoût avait été répercuté, avant de devoir se contredire après l'arrêt de cassation en
soutenant qu'il n'y avait pas eu de répercussion. La Cour d'appel a cru gagner du temps en
n'ordonnant pas l'expertise judiciaire, pour trancher directement l'affaire. Mais c'est au prix
d'une cassation sur l'appréciation du préjudice, qu'elle n'aurait pas encourue si les magistrats
avait procédé à une appréciation souveraine sur la base d'un rapport d'expertise judiciaire
contradictoire. En définitive, sept ans de procédure, pour un échec cuisant.
contraires du Tribunal que les sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL ne font pas
suffisamment la preuve, qui leur incombe, ni du principe ni du montant de leur préjudice».
946
CJCE, 20 septembre 2001, Courage Ltd c. Bernard Crehan, aff. C-453/99. §26: «La pleine efficacité de
l'article 85 du traité et, en particulier, l'effet utile de l'interdiction énoncée à son paragraphe 1 seraient mis en
cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un
comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence».
280
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
communautaire, l'intérêt à agir de l'acheteur indirect ne peut pas être exclu »947. Le droit d'agir de l'acheteur
indirect érigé en droit fondamental ne peut souffrir de restrictions sans porter atteinte à
l'effectivité du droit communautaire. L'admissibilité du passing-on est ainsi interprétée comme un
corollaire nécessaire et immédiat de l'intérêt à agir en réparation de l'acheteur indirect.
L'exclusion du passing-on remettrait en cause la nature compensatoire de l'action en réparation –
telle qu'elle est définie par les divers ordres juridiques nationaux - en autorisant d'une part,
l'enrichissement sans cause de l'acheteur direct qui a répercuté la majoration du coût sur ses
prix de vente, et d'autre part la multiplication du montant des dommages et intérêts dus par
l'auteur de l'infraction au-delà de la stricte compensation du gain illicite réalisé du fait du
surcoût anticoncurrentiel.
Par ailleurs - quoique la Cour de Justice n'ait pas été saisie spécifiquement sur ce point - les
perspectives d'une question préjudicielle qui tendrait à écarter le moyen de défense tiré de la
répercussion du surcoût sur le fondement de l'effectivité du droit communautaire, en ce qu'il
rend l'exercice du droit à réparation pratiquement impossible ou excessivement difficile ne
semblent pas favorables. La transposition mutatis mutandis, de la solution MANFREDI selon
laquelle « le droit communautaire ne fait pas obstacle […] à ce que la protection des droits garantis par
l’ordre juridique communautaire n’entraîne pas un enrichissement sans cause »948, amène à penser qu'une
décision d'une juridiction nationale admettant le passing-on ne porte pas atteinte à l'effectivité
du droit communautaire.
947
P. COLLINS, «What Are the Problems with EC Antitrust Damage Actions in Europe - Does the Private Pillar
Require Reinforcement?», Competition Law International, issue 2 vol. 3 2007, p. 53. "as a matter of EC law,
indirect purchaser standing cannot be excluded".
948
CJCE 13 juillet 2006, Vincenzo Manfredi c. Lloyd Adriatico Assicurazioni, Aff. C-295/04 à C-298/04. §99.
949
Réparation du préjudice indirect subi par les éleveurs de bovins du fait de la répercussion du surcoût induit
par un règlement communautaire invalide imposant aux fabricants d'aliments pour animaux l'achat obligatoire et
l'incorporation de lait écrémé en poudre: CJCE 25 mai 1978, Bayerische HNL [Lait en poudre]. Aff. 83/76.
950
Conclusions de l'Avocat Général Capotorti du 1er mars 1978 dans l'affaire 83/76 Bayerische HNL.
281
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
utilisé dans les aliments pour animaux »951. Suite à un jugement préjudiciel constatant l'invalidité du
règlement952, plusieurs éleveurs d'animaux avaient réclamé réparation du préjudice subi du fait
de la répercussion du surcoût lié à l'achat obligatoire de lait écrémé. S'agissant d'une action en
réparation de victimes indirectes, la question de la répercussion du surcoût se posait à double
titre, en demande pour l'établissement du préjudice, et en tant que moyen de défense du
Conseil qui alléguait que les éleveurs d'animaux avaient eux-mêmes répercuter sur leurs clients
la majoration lié aux achats obligatoires de lait. La Cour ne s'est pas prononcée sur le préjudice,
considérant que « la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte normatif [invalide] qui implique des
choix de politique économique ne saurait être engagée qu'en présence d'une violation suffisamment caractérisée
d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers »953. En évitant de s'engager sur le terrain de la
quantification, elle a suivi les conclusions de son avocat général qui estimait devoir recourir à
des mesures d'expertises complémentaires « sur les éléments techniques et économiques très délicats de
cette situation complexe »954. Cette complexité intrinsèque à la mesure de la répercussion du surcoût
semble avoir profondément marqué la réflexion ultérieure de l'avocat général CAPOTORTI sur le
problème, comme le montre ses conclusions dans les affaires du GRITZ DE MAÏS et du
QUELLMEHL.
282
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
constaté l'illégalité de la discrimination opérée par le règlement 959. Et, dans un second temps, la
Cour de Justice a fait droit aux recours en indemnités engagés par divers producteurs
européens, contre la Communauté. La Cour a toutefois opéré une réduction des dommages et
intérêts alloués, en accueillant le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût, au motif
que:
959
CJCE, 19 octobre 1977, Moulins & Huileries de Pont-à-Mousson c. Office national interprofessionnel des
céréales, aff. 124/76; et CJCE, 19 octobre 1977, Albert Ruckdeschel & Co et Diamalt c. Hauptzollamt Itzehoe,
aff. 117/76.
960
CJCE, 4 octobre 1979, Dumortier frères c. Conseil [Gritz de maïs], aff. 64/76 §15; et CJCE, 4 octobre 1979,
DVG c. Conseil, [Gritz de maïs], aff. 241/78 §15; et CJCE 4 octobre 1979, Ireks-Arkady [Quellmehl]. Aff.
238/78. §13 à 17: «Il convient de procéder à l'examen du préjudice résultant de la discrimination dont les
producteurs de quellmehl ont fait l'objet. L'origine du préjudice invoqué par la requérante se trouve dans la
suppression, par le Conseil, des restitutions qui auraient dû être versées aux producteurs de quellmehl si l'égalite
de traitement avec les producteurs d'amidon de maïs avait été respectée. C'est le montant de ces restitutions qui
doit, dès lors, fournir la base de calcul pour l'évaluation du préjudice subi. Contre cette méthode de calcul du
préjudice, le conseil et la commission ont soulevé l'objection selon laquelle les producteurs de quelle ont éliminé,
ou auraient pu éliminer, le préjudice en répercutant sur leurs prix de vente le désavantage résultant de la
suppression des restitutions. En principe, une telle objection ne saurait être écartée comme dépourvue de
fondement dans le cadre d'un recours en responsabilité . Il faut en effet admettre que dans l'hypothèse où la
suppression des restitutions a effectivement été répercutée, ou aurait pu être répercutée, sur les prix, le préjudice
ne peut pas être mesuré en fonction des restitutions non versées. L'augmentation des prix se substituerait, dans ce
cas, à l'octroi des restitutions pour tenir le producteur indemne. […] Les données statistiques et les arguments
présentes par les parties ne permettent pas de constater que la requérante a effectivement répercuté, ou aurait pu
répercuter, sur les prix de vente, le désavantage résultant de la suppression des restitutions . Il s'ensuit que le
préjudice dont la requérante doit être indemnisée devra être calculé comme étant équivalent aux restitutions qui
lui auraient été versées si, pendant la période du 1 aout 1974 au 19 octobre 1977, l'utilisation de mais pour la
fabrication de quellmehl destine à la panification avait ouvert un droit aux mêmes restitutions que l'utilisation de
maïs pour la fabrication d'amidon».
283
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
fait illégal, alors qu'en l'espèce, l'abolition de l'aide communautaire n'a directement
donné lieu à aucun profit dans le chef des victimes du dommage »961.
En second lieu CAPOTORTI considère que le moyen de défense tiré de la répercussion du
surcoût échoue, sinon en principe, du moins au plan probatoire en ce que:
« La complexité des facteurs qui déterminent les oscillations des prix rend également
difficile de distinguer, en matière d'augmentations des prix, celles qui peuvent être
précisément considérées comme des répercussions […] Sur le plan de la procédure,
opposer à la demande en indemnisation [la répercussion] signifie soulever une
exception; par conséquent la charge de la preuve incombe à celui qui la formule […]
les justifications de principe valables permettant de considérer la réparation comme
étant exclue ou réduite, par suite de la répercussion, effective ou possible, sur les prix
de vente, du préjudice consistant dans un manque à gagner font défaut; de toute
façon en l'espèce, la partie à qui il aurait appartenu de prouver de telles circonstances
n'en a fourni aucune démonstration convaincante »962.
Le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût est certes admis dans son principe par
rattachement explicite à la théorie de la compensatio lucri cum damno. Mais l'avocat général
CAPOTORTI ne lui trouve qu'une portée pratique limitée, en raison des importants obstacles
probatoires auxquels il se heurte.
961
Conclusions de l'Avocat Général Capotorti du 12 septembre 1979. Aff. 238/78 Ireks-Arkady. JOCE p. 3006.
962
Conclusions de l'Avocat Général Capotorti du 12 septembre 1979. Aff. 238/78 Ireks-Arkady. JOCE p. 3007.
284
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
compte du fait que la charge des taxes indûment perçues a pu être répercutée sur
d'autres opérateurs économiques ou sur les consommateurs »963.
La formulation négative de la solution relativise toutefois sa portée. Il s'agit d'une
reconnaissance de la disponibilité du moyen de défense, et non d'une consécration en tant que
principe communautaire. La Cour semble ne pas rechercher une contradiction frontale avec
les ordres juridiques nationaux, préférant le tranquille désamorçage du moyen de défense tiré
de la répercussion du surcoût au plan probatoire. Le départ de l'avocat général CAPOTORTI
auquel succède l'avocat général MANCINI en 1982 ouvre une seconde période d'hostilité
déclarée au moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût. Les conclusions de l'avocat
général MANCINI dans l'affaire SAN GIORGIO sont un violent réquisitoire contre le principe
même de la répercussion.
387. Affaire SAN GIORGIO. Dans cette affaire, un importateur de produits laitiers avait
obtenu une décision judiciaire ordonnant le remboursement d'une taxe indûment payée en
violation de l'interdiction des taxes d'effet équivalant à un droit de douane. Postérieurement à la
décision, le gouvernent italien avait adopté un décret rétroactif instaurant une présomption de
répercussion ayant pour effet d'exclure le remboursement de la taxe illégale 964. Saisie à titre
préjudiciel sur la compatibilité de la présomption de surcoût au regard du principe d'effectivité,
la Cour confirme essentiellement la solution JUST mais subordonne le refus de la restitution à la
démonstration « que la personne astreinte au paiement de ces droits les a effectivement répercutés sur d'autres
sujets ». En application du principe d'effectivité, sont incompatibles avec le droit communautaire
toutes modalités de preuve dont l'effet est de rendre pratiquement impossible ou excessivement
difficile l'obtention du remboursement des taxes nationales. Tel est notamment le cas de
« présomptions ou règles de preuve qui visent à rejeter sur le contribuable la charge d'établir que les taxes
indument payées n'ont pas été répercutées »965.
963
CJCE 27 février 1980, Just, Aff. 68/79. §26.
964
Décret-loi n° 430 du 10 juillet 1982. «Toute personne ayant indûment payé des droits de douane [...] même
antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret, n'a pas droit au remboursement des sommes
payées lorsque la charge correspondante a été répercutée sur d'autres personnes. La charge est présumée
répercutée chaque fois que les marchandises pour lesquelles le paiement a été effectué ont été cédées, […] sauf
preuve contraire, pièces à l'appui».
965
CJCE 9 novembre 1983, San Giorgio, aff. 199/82.
285
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« absurde […] dans un système où la class action est inconnue […] en vue de
récupérer des créances minimes »966.
Les conclusions de l'avocat général MANCINI pourraient parfaitement être transposées dans le
domaine de la réparation des infractions de concurrence. L'admission du moyen de défense
tiré de la répercussion du surcoût conduit à la paralysie.
B- Jurisprudence allemande
966
Conclusions de l'Avocat Général Mancini présentées le 27 septembre 1983 dans l'affaire Sans Giorgio. Aff.
199/82. Cf. Rec. p. 3625 – 3632. «on peut élever le transfert au rang d'institution juridique, mais seulement si
l'on est conscient que l'institution sera fragile et applicable dans des limites bien circonscrites […] le mécanisme
du transfert n'est pas en principe applicable en raison des innombrables variables qui ont une incidence sur la
formation des prix en régime de libre marché et en raison de l'impossibilité consécutive d'imputer de manière
exclusive et déterminante une part du prix à un certain coût. […] l'effet extinctif du transfert n'est admissible que
de manière marginale et presque jamais dans les cas où le prix est déterminé par le marché […] Ce qui nous en
persuade ce n'est pas l'injustice intrinsèque de cette institution ou son inaptitude à fonctionner sur le plan logique,
mais l'impossibilité de prouver de manière acceptable son fonctionnement, c'est-à-dire de la ramener, excepté
quelque cas limite, sur le terrain de la certitude du droit […] imposer au solvens de prouver de prouver qu'il n'y a
pas eu de transfert équivaut dans 99% des cas à rendre intangible l'avantage injustifié de l'Etat. Or, que l'on
réfléchisse au risque qui peut découler d'une règle de ce genre pour l'union douanière et les politiques
communautaires. Ce risque à un nom: la paralysie. Comment en effet exclure que certains de ne pas devoir
restituer ce qu'ils ont indûment perçus, les Etats ne continuent à percevoir des taxes d'effet équivalant à des droits
de douane malgré l'interdiction communautaire? Qui pourrait l'empêcher, si l'on retirait aux entrepreneurs tout
moyen judiciaire de bloquer une semblable pratique et si la reconnaissance de sa légalité communautaire liait les
mains de la Commission? […] la défense italienne a affirmé que les tiers acquéreurs de la marchandise pourront
exercer contre l'Etat l'action en enrichissement illicite. […] Il est difficile d'imaginer une thèse moins plausible
pratiquement et plus hasardée théoriquement. Que l'on songe à l'absurde d'une masse de consommateurs qui,
dans un système où la class action est inconnue, entraîne l'Etat dans un procès en vue de récupérer des créances
minimes. […] le consommateur remplit le rôle de la feuille de figuier».
286
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
aurait dû être payé en l'absence de l'infraction 967. Selon la Cour, le préjudice indemnisable doit
tenir compte de la capacité de l'acheteur direct à répercuter le surcoût sur ses propres clients.
L'arrêt instaure une présomption en estimant que la majoration du prix résultant du cartel est
en règle générale passée en aval sur le consommateur.
391. Mais simultanément, le 7ème amendement du GWB - tirant les conséquences de l'arrêt
COURAGE - a reconnu le droit d'agir en réparation au profit de toute personne « affectée »
(Betroffen)970. Le nouveau critère brise la doctrine classique allemande de la Schutznorm qui
restreignait l'action en réparation aux personnes dont la protection était spécifiquement prévue
par la loi. Admettre un droit d'action général en réparation de toutes les victimes affectées, sans
reconnaître corrélativement le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût, pose le
problème de l'enrichissement sans cause des revendeurs intermédiaires et expose
théoriquement l'auteur de l'infraction à une duplication des actions en responsabilité, comme
l'avait souligné l'Oberlandesgericht de Karlsruhe dans l'arrêt VITAMINPREISE. La réforme
législative de 2005 excluant le passing-on tout en ouvrant l'action en réparation aux acheteurs
indirects a ainsi développé hésitations et résistances jurisprudentielles.
967
Oberlandesgericht Karlsruhe, 28 januar 2004, Vitaminpreise, WUW/E DE-R 1229.
968
Art. 33(3) GWB. «Whoever intentionally or negligently commits an infringement pursuant to paragraph 1
shall be liable for the damages arising therefrom. If a good or service is purchased at an excessive price, a
damage shall not be excluded on account of the resale of the good or service». Version anglaise officielle
disponible sur le site www.bundeskartellamt.de
969
S. THOMAS, «The Karlsruhe Higher Regional Court decides on passing on defence in the "Vitamins cartel"
(Vitaminpreise)», e-Competition - Competition Laws Bulletin, January 2004, n° 16048, en ligne :
<www.concurrences.com>.
970
Art. 33(1) GWB. « Whoever violates a provision of this Act, Articles 81 or 82 of the EC Treaty or a decision
taken by the cartel authority shall be obliged to the person affected to remediate». Version anglaise officielle
disponible sur le site www.bundeskartellamt.de.
287
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
393. Arrêt OLG Karlsruhe ORWI . En décembre 2001, la Commission Européenne inflige
une amende de 33 millions d'euros à l'entreprise August Koehler AG, un fabricant allemand de
papier autocopiant, impliqué dans un cartel réunissant neuf autres fabricants britanniques,
français et espagnols972. Le Tribunal de Première Instance confirme la condamnation973 en 2007.
Dès 2004, ORWI - un imprimeur allemand en faillite – assigne August Koehler AG en
réparation du surcoût et réclame 223.000 euros à titre de dommages et intérêts. En première
instance, le Landgericht de Mannheim déboute ORWI de sa demande 974. Mais en appel,
l'Oberlandesgericht de Karlsruhe – abandonnant sa jurisprudence VITAMINPREISE - alloue
100.000 euros à titre de réparation, en rejetant le moyen de défense tiré de la répercussion du
surcoût975. L'Oberlandesgericht rejette la doctrine de la solidarité adoptée par la Cour berlinoise
971
Kammergericht (Oberlandesgericht) Berlin, 1 oktober 2009, Berliner Transportbeton. n° 2 U 10/03 Kart.
972
Commission Européenne. 20 décembre 2001. Papier autocopiant [Carbonless Paper]. COMP/E-1/36.212. Le
montant global des amendes infligées s'élève à 313 millions d'euros.
973
TPICE (5ème ch.) 26 avril 2007. Bolloré e.a c. Commission [Cartel du papier autocopiant]. Aff. jointes T-
109/02.
974
Landgericht Mannheim. 29 april 2005. ORWI [Carbonless paper]. N° 2 O 74/04 Kart.
975
Oberlandesgericht Karlsruhe. 11 juni 2010. ORWI [Carbonless paper]. N° 6 U 118/05 Kart.
288
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
394. Arrêt BGH ORWI. La Cour de Justice Fédérale (Bundesgerichtshof – BGH) a cassé
l'arrêt ORWI par arrêt du 28 juin 2011 au motif que la Cour d'appel avait écarté le moyen de
défense tiré de la répercussion du surcoût. Aux termes de l'arrêt, l'acheteur indirect d'un produit
cartellisé dispose d'une action délictuelle en réparation (Schadenersatz) sur les fondements
combinés des articles 823, paragraphe 2 BGB 977 et 101 TFUE, s'il a subi un préjudice (Schaden)
du fait de l'infraction aux règles de concurrence. Toutefois, le profit (Vorteil) retiré de la
répercussion (Abwälzung) de la majoration du prix liée au cartel (Kartellbedingten Preisaufschlags)
par la victime (Geschädigten) sur ses propres clients peut être pris en compte en vue de la
réduction de son préjudice par application du principe de compensation des avantages
(Vorteilsausgleichung).
395. Compensatio lucri cum damno. L'arrêt ORWI consacre explicitement la recevabilité
du moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût, en se fondant sur le principe de
« compensation des avantages » (Vorteilsausgleichung). Il s'agit d'un principe général de la
responsabilité civile allemande - corollaire du principe de réparation intégrale (Prinzip der
Totalrestitution) - selon lequel l'appréciation du préjudice réparable doit tenir compte de
l'éventuel avantage procuré à la victime qui trouve directement son origine dans le fait
générateur de responsabilité. La Vorteilsausgleichung est l'exact équivalent du principe de
compensatio lucri cum damno, connu des systèmes juridiques appliquant le principe de réparation
976
J. HERRLINGER, «The Karlsruhe Higher Regional Court awards 100.000€ holding the passing-on defence
does not apply (Carbonless-paper cartel)», e-Competition - Competition Laws Bulletin, June 2010, n° 32441,
en ligne : <www.concurrences.com>.
977
Responsabilité délictuelle du fait de la violation d'une obligation légale. Art. 823 Bürgerlichen Gesetzbuches
(BGB) « Liability in damages §1: A person who, intentionally or negligently, unlawfully injures the life, body,
health, freedom, property or another right of another person is liable to make compensation to the other party for
the damage arising from this. §2: The same duty is held by a person who commits a breach of a statute that is
intended to protect another person. If, according to the contents of the statute, it may also be breached without
fault, then liability to compensation only exists in the case of fault ». Version anglaise officielle: www. gesetze-
im-internet.de.
289
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
intégrale, notamment par la Corte de Cassazione italienne978 et par la Cour de Justice des
Communautés Européennes979. Les conclusions de l'avocat général CAPOTORTI dans les affaires
980
LAIT EN POUDRE et QUELLMEHL981 en matière de responsabilité extracontractuelle de la
Communauté ont vraisemblablement influencé la solution ORWI. Le raisonnement de la
Bundesgerichtshof apparaît ainsi de prime abord purement dogmatique, fondé sur les principes
de la responsabilité civile allemande et la logique de la réparation intégrale. Le rattachement à la
Vorteilsausgleichung semble inscrire de manière axiomatique la répercussion du surcoût dans la
matrice même de la responsabilité civile.
978
Par ex. Cassazione Civ. II, 17 giulio 1999. N° 7612.
979
CJCE 4 octobre 1979, Ireks-Arkady, Aff. 238/78. Concl. Capotorti. §16: «dans le cadre d'un recours en
indemnité, aux fins d'apprécier l'existence ou l'étendue du préjudice allègue par l'opérateur requérant, il faut tenir
compte, le cas échéant du fait que celui-ci a pu répercuter sur ses prix de vente le désavantage dont il réclame la
réparation».
980
Réparation du préjudice indirect subi par les éleveurs de bovins du fait de la répercussion du surcoût induit
par un règlement communautaire invalide imposant aux fabricants d'aliments pour animaux l'achat obligatoire et
l'incorporation de lait écrémé en poudre: CJCE 25 mai 1978, Bayerische HNL [Lait en poudre]. Aff. 83/76.
Conclusions de l'Avocat Général Capotorti du 1er mars 1978 dans l'affaire 83/76 Bayerische HNL.
981
Conclusions de l'Avocat Général Capotorti, présentées le 12 septembre 1979 dans l'affaire Ireks-Arkady. Aff.
238/78. JOCE p. 2976. Spéc. 3005 et s. §11.
982
Conclusions de l'Avocat Général Capotorti, présentées le 12 septembre 1979 dans l'affaire Ireks-Arkady. Aff.
238/78. JOCE p. 2976. Spéc. 3006: «Sur le plan de la procédure, opposer à la demande en indemnisation [la
répercussion] signifie soulever une exception; par conséquent la charge de la preuve incombe à celui qui la
formule».
290
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
l'auteur de l'infraction démontre que les éléments de preuve lui sont inaccessibles. Dans cette
hypothèse seulement, le demandeur pourrait être tenu de fournir des éléments de preuve de
l'absence de répercussion983. La Cour Fédérale insiste toutefois sur le fait que le renversement
de la charge de la preuve serait, dans la plupart des cas, inapproprié au regard de l'intérêt
légitime du demandeur à la protection du secret des affaires.
983
Arrêt ORWI, préc. §76. p. 31.
984
F. BIEN, «Chronique jurisprudences européennes et étrangères: Allemagne - Répercussion des surcoûts
(Bundesgerichtshof, 28 Juni 2011, ORWI)», Revue Concurrences, 1-2012, n° 42396, p. 231. Cf. p. 233.
985
J. ZÖTTL et M. ERB, «The German Supreme Court holds that indirect purchasers have standing to sue for
antitrust damages but defendants may invoke passing-on defense (ORWI)», e-Competition - Competition Laws
Bulletin, June 2011, n° 38701, en ligne : <www.concurrences.com>. « the odds look to be stacked in favor of the
plaintiffs»
986
En ce sens: B. AHRENS, «The German Federal High Court rules on damage claims by indirect purchasers
and the passing-on defence in a cartel case (ORWI)», e-Competitions - Competition Laws Bulletin, June 2011,
n° 40926, en ligne : <www.concurrences.com>. «The Court assumes that it will be difficult and often impossible
for defendants to prove claimants have passed on the overcharge, and thus believes the passing-on defence will
likely not impede the effectiveness of private enforcement. Whether this assumption is correct, remains to be
seen».
291
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
987
F. BIEN, «Chronique jurisprudences européennes et étrangères: Allemagne - Répercussion des surcoûts
(Bundesgerichtshof, 28 Juni 2011, ORWI)», Revue Concurrences, 1-2012, n° 42396, p. 231. «le participant au
cartel peut se demander si le recours à cet instrument ne serait pas pour lui une façon de réveiller le chat qui dort.
En effet, la Streitverkündung risque être une occasion en or accordée aux acheteurs indirects en ce qu’ils
découvrent eux-mêmes la possibilité d’intenter leur propre action en dommages et intérêts contre le membre du
cartel. […] Ainsi le défendeur qui opte pour la Streitverkündung pour se faire aider par des tiers à invoquer le
moyen de défense de la répercussion des surcoûts risque de tomber de Charybde à Scylla».
292
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
Il ne faudrait pourtant pas en conclure – trop rapidement – que la solution est dénuée de
portée. Bien au contraire. La solution ORWI préfigure l'application future de l'article 33(3)
GWB, dont il constitue l'anticipation. Mais à l'inverse, l'utilisation de la technique de
l'intervention afin de prévenir le risque de dommages et intérêts multiples, est vouée à se
développer, puisque le nouvel article 33 GWB empêche toute restriction du droit d'agir des
988
Arrêt ORWI, préc. §73 et 74: «Solange nicht feststeht, in welchem Umfang die kartellbedingten Preiser-
höhungen auf nachfolgende Marktstufen weitergegeben worden sind, kann sich der Schädiger durch eine
Streitverkündung vor doppelter Inanspruchnahme schützen. […] In bestimmten Fällen kann es allerdings
unzumutbar sein, Kartellteil-nehmer auf eine Streitverkündung zu verweisen, etwa wenn die potentiellen
Anspruchsberechtigten auf ferneren Marktstufen nicht bekannt sind oder es sich dabei - wie insbesondere bei
(privaten) Endabnehmern - um einen unüber-schaubar großen Personenkreis handelt. Der Umstand, dass keine
Anspruchs-prätendenten weiterer Marktstufen hervortreten, kann jedoch darauf hindeuten, dass eine
Weiterwälzung kartellbedingter Preiserhöhungen auf nachfolgende Absatzstufen entweder nicht oder in derart
geringem Umfang oder so fragmen-tiert stattgefunden hat, dass ein Nachweis der Weiterwälzung praktisch nicht
in Betracht kommt».
293
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
294
CHAP. 4 : IMPASSE DE LA RÉPERCUSSION
400. Dégagée du carcan de la réparation intégrale, l'action quanti minoris en réduction du prix
ouverte à l'acheteur direct victime d'un dol permet d'obtenir la restitution du surprix résultant
de l'infraction, sans que le participant au cartel puisse opposer le moyen de défense tiré de la
répercussion. Le schéma proposé aboutit à une coexistence de l'action contractuelle de
l'acheteur direct sur le fondement du dol et de l'action délictuelle du consommateur final.
401. Mais la situation du consommateur final apparaît quant à elle sans espoir, en l'absence
de mécanisme de réparation collective. L'expérience américaine devrait inciter pourtant à rejeter
le passing-on qui engendre des complications inextricables. La Cour de Justice pourrait s'appuyer
sur sa propre jurisprudence en matière de remboursement des aides d'État et responsabilité
extracontractuelle des États membres, pour procéder à un aménagement de la jurisprudence
COURAGE. La jurisprudence allemande a ouvert la voie, en montrant les possibilités de
neutralisation probatoire du moyen de défense tiré de la répercussion par la technique
procédurale de la Streitverkündung. Mais comme l’ont - pragmatiquement - précisé les juges de la
Cour Suprême allemande, l’obligation pour l'auteur de l'infraction poursuivi par un acheteur
direct de notifier l’instance aux acheteurs indirects trouve sa limite lorsque le groupe de
personnes concernées est si grand que son administration deviendrait « ingérable » (unüberschaubar
großen Personenkreis). Et réciproquement, le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût
ne devrait être recevable que pour autant que les acheteurs indirects disposent d’une voie
procédurale leur permettant d’obtenir effectivement des dommages et intérêts. qu’il existe une
possibilité réelle pour les consommateurs d’obtenir des dommages et intérêts. Car dans
l’hypothèse inverse, le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût – consacré pour
satisfaire au principe de réparation intégrale – aboutit à supprimer concrètement l’obligation de
réparation de l’auteur d’une infraction, qui se trouve dégagé de toute responsabilité,
théoriquement à l’égard des acheteurs directs et intermédiaires et pratiquement à l’égard des
consommateurs finaux. La question de la recevabilité du moyen de défense tiré de la
répercussion du surcoût en droit français impose donc à présent d’examiner l’effectivité des
recours en réparation offerts aux consommateurs.
295
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Partie 2 - L’INEFFICACITÉ DE
L’INDEMNISATION COLLECTIVE DES
CONSOMMATEURS : LE DÉPASSEMENT DE LA
RESPONSABILITÉ CIVILE
« je me sentis percé à la main gauche de plus de cent flèches, qui me piquoient comme
autant d'aiguilles. […] je me croïais d'une force égale aux plus puissantes armées
qu'ils pourroient mettre sur pied, s'ils étoient tous de la même taille que ceux que
j'avais vus jusque-là ».
Jonathan SWIFT, Les voyages de Gulliver, éd. Guérin 1727. p. 10.
402. L'utopie lilliputienne. Voilà trente ans, Jean CALAIS-AULOY déplorait l'absence d'un
« moyen vraiment efficace » d'obtenir justice pour les consommateurs, constatant que « les intérêts
sont immenses si l’on fait l’addition de ces multiples coups d’épingles »989. CARBONNIER annonçait – à la
même époque – la « revanche de Lilliput »990. Trente années plus tard, cette revanche sonne encore
comme une utopie, en l'absence de mécanismes de recours collectif permettant la réparation à
grande échelle de dommages infimes ou dérisoires. Le moyen de défense tiré de la répercussion
du surcoût pulvérise le contentieux de la réparation en une multitude d'infimes demandes de
dommages et intérêts. Les consommateurs lésés par l'augmentation des prix se trouvent
directement aux prises avec des multinationales géantes et cette asymétrie de puissance entre un
professionnel en position de force et un consommateur partie faible justifierait l’aménagement
– pour ne pas dire le renversement – des règles de droit commun de la procédure civile.
989
J. CALAIS-AULOY, «Présentation», in Les moyens judiciaires et parajudiciaires de la protection des
consommateurs, Université Montpellier-1, 1975. «Je suis parfois sollicité […] par des parents ou des amis qui
ont à se plaindre d’un fabricant, d’un vendeur, d’un démarcheur et qui me demandent le moyen d’obtenir justice.
Je suis presque toujours à ma grande honte, dans l’incapacité de leur fournir un moyen vraiment efficace […]
minimiser les intérêts en jeu relève d’une espèce de myopie : petits dans chaque cas particulier, les intérêts sont
immenses si l’on fait l’addition de ces multiples coups d’épingles».
990
J. CARBONNIER, «De minimis non curat praetor», in Mélanges Vincent, Dalloz, 1981, p. 36. «Le
développement commercial des contrats de masse a pour conséquence que le contentieux de la convention mal
exécutée repose virtuellement sur une multitude de contractants, mais chacun pour une somme ridicule. […] La
société de consommation, en devenant la société de consommateurs, pourrait ainsi sonner la revanche de
Lilliput».
296
Ce syllogisme convaincant en apparence, repose toutefois sur un postulat erroné selon lequel
on se trouverait encore sur le terrain civil. L’étude de la class action américaine montre que la
question du recours collectif fait l’objet d’un grand malentendu. Le modèle américain des class
actions a contaminé l’imaginaire juridique en implantant l’idée trompeuse selon laquelle la
réparation collective relèverait du droit civil de la responsabilité. Le propos de cette seconde
partie consiste à combattre ce postulat, en montrant que le fonctionnement concret des
recours collectifs réellement existants les sépare radicalement du droit civil.
Il convient alors de décrire - dans un premier temps - les PROPRIÉTÉS PUNITIVES DES
RECOURS COLLECTIFS EN FORME PRIVÉE (Titre 1), avant de justifier – dans un second temps –
la COMPÉTENCE NATURELLE DES AUTORITÉS DE CONCURRENCE SUR LES RECOURS COLLECTIFS
EN FORME PUBLIQUE (Titre 2).
297
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
403. Effrayant « monstre de Frankenstein » ou insaisissable « monstre du Loch Ness »991, le recours
collectif est une créature chimérique qui peine à prendre corps malgré d'incessants débats,
rapports, projets qui tentent de lui donner vie. Neelie KROES992, puis Joaquin ALMUNIA993 ont
réaffirmé à maintes reprises l’intention de la Commission de parvenir à l’instauration de
procédures de réparation collective pour les consommateurs en cas d'infractions au droit de la
concurrence. En France, la question est exhumée à nouveau sous la présidence de François
HOLLANDE994, après avoir été enterrée à de multiples reprises par ses prédécesseurs Jacques
CHIRAC995 et François MITTERRAND996. L'erreur de tous ces projet, consiste à envisager
exclusivement le problème du recours collectif des consommateurs sous l’angle du coût de la
procédure. L'approche des MARCHANDS DE PROCÈS consiste à agréger les demandes
individuelles (Chapitre 1). L'approche des PROCUREURS PRIVÉS repose sur l'action
représentative (Chapitre 2).
991
R. MULHERON, «The Case For An Opt-Out Class Action For European Member States: A Legal And
Empirical Analysis», Columbia Journal of European Law, Summer 2009, n° 15, p. 409 (voir p. 453). «It is
appropriate to conclude with a caution to English and European law-makers to take heed of “the tale of two
monsters” - that is, for many citizens, the so-called Frankenstein monster of a class action would be a more
welcoming sight than the frustratingly absent Loch Ness monster of effective compensatory redress».
992
N. KROES, «Damages Actions for Breaches of EU Competition Rules: Realities and Potentials», in La
réparation du préjudice causé par une pratique anti-concurrentielle en France et à l'étranger, Cycle Droit
et économie de la concurrence 17 octobre 2005, en ligne : <www.courdecassation.fr>. «The damage of an
individual consumer will only exceptionally outweigh the litigation costs. If we are really serious about giving
justice to consumers, we have to facilitate the use of collective claims».
993
J. ALMUNIA, Public enforcement and private damages actions in antitrust, SPEECH:11/598, ECON
Committee, European Parliament, 22 September 2011, en ligne : <europa.eu>. « The Commission is planning to
adopt a Communication setting out common principles on collective redress by the end of the year ».
994
Le Gouvernement a annoncé son intention d'adopter un «instrument totalement nouveau» dont l'objectif est de
permettre «très concrètement aux Français d'obtenir réparation d'un préjudice, même modeste». Lire: Agence
France Presse, «Des class actions "à la française" au printemps 2013», 10 septembre 2012.
995
Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, Paris le 4 janvier 2005: «Il faut enfin donner
aux consommateurs les moyens de faire respecter leurs droits : aujourd'hui, ils sont démunis parce que, pris
séparément, aucun des préjudices dont ils sont victimes n'est suffisamment important pour couvrir les frais d'une
action en justice. C'est pourquoi je demande au Gouvernement de proposer une modification de la législation
pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives». À la
suite du plaidoyer présidentiel, un rapport a été rendu préconisant l'introduction de l'action de groupe: G.
CERUTTI et M. GUILLAUME, Rapport sur l'action de groupe, Ministère de l'Economie et des Finances,
Ministère de la Justice, La Documentation Française, 16 décembre 2005, p. 28. Projet finalement abandonné
deux ans plus tard après le dépôt d'un projet de loi: Assemblée Nationale, 8 novembre 2006. Projet de loi en
faveur des consommateurs. n°3430. Article 12 (action de groupe).
996
J. CALAIS-AULOY, Propositions pour un nouveau droit de la consommation, Commission de refonte du
droit de la consommation, Rapport au ministre de la consommation, La Documentation française, 1985. Le
professeur M. Calais-Auloy a été nommé en 1985 président de la Commission de refonte du droit de la
consommation, aboutissant à un projet de loi qui n’a jamais été adopté.
298
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
404. La première famille de recours collectifs repose sur les mécanismes fondés sur un
mandat de représentation exprès donné par le consommateur qui manifeste positivement sa
volonté d'obtenir réparation. Le procès collectif est ainsi formé d'une addition de préjudices
individuels subi par des consommateurs identifiés.
Il convient de montrer que l'inertie du consommateur ne peut pas être vaincue par une simple
addition de demandes individuelles, soit au titre de LA CESSION DE CRÉANCE (Section 1), soit
au titre de L'ACTION DES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS EN REPRÉSENTATION
997
Pour un bel exemple d'indigence de la pensée économique du droit qui postule la rationalité économique du
consommateur tout en constatant sa "rationalité limitée": X. GABAIX, A. LANDIER et D. THESMAR, La
protection du consommateur: rationalité limitée et régulation, Conseil d'Analyses Economiques, La
Documentation Française, septembre 2012. p. 41-42: «Lorsqu’un consommateur s’estime lésé, il peut poursuivre
l’entreprise en justice. Cette décision est, du moins en partie, gouvernée par une analyse coûts-bénéfices.
D’un côté, le client peut obtenir un remboursement si son dommage est établi par le magistrat. De l’autre, il doit
engager du temps, de l’énergie et peut-être d’autres frais de justice. Si l’on reprend l’exemple discuté plus haut,
une cliente poursuivra le vendeur de sacs à main si les coûts de le faire sont inférieurs au dommage, soit 20 euros
(à supposer que la cliente soit sûre de son fait), soit à peine plus de deux heures au SMIC horaire. Vu la petite
taille de l’enjeu, il est probable que notre cliente abandonne. Pourtant, il est probable que si toutes les clientes
pouvaient présenter un seul dossier en justice, elles y verraient un intérêt. Supposons que l’entreprise ait vendu
en France 10 000 sacs à mains. Le dommage total pour les clientes est de 200 000 euros, ce qui couvrirait très
largement les frais de justice. Si un avocat proposait aux clientes lésées de lui donner mandat par un simple
courriel, modulo un forfait de 20 000 euros, les clientes accepteraient puisque dans ce cas l’action leur
rapporterait 18 euros sans frais autre que de répondre au courriel. Sans cet avocat providentiel, les clientes sont
collectivement lésées de 200 000 euros. […] Les actions de groupes permettent aux clients lésés, mais ayant subi
de petits dommages individuels, de se coordonner efficacement pour obtenir réparation. Les actions de groupe
permettent donc aux consommateurs de dépasser les problèmes d’action collective décrits ci-dessus. Elles
encadrent le processus de manière à […] à minimiser les frais de justice».
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
La portée de ce montage est toutefois problématique compte tenu de ses limites juridiques
(§1) et économiques (§2).
998
Cartel Damages Claims SA est établie en Belgique. Mais ses fondateurs sont allemands et les diverses actions
introduites ont été portées devant des juridictions allemandes. Cf. CDC SA. Moniteur Belge. N° entreprise
478.828.424. Constitution société anonyme. 25/11/2002. En ligne: http://www.ejustice.just.fgov.be : «La société
a pour objet, tant en Belgique, qu'à l'étranger, la défense des intérêts et le recouvrement de créances de
consommateurs professionnels [sic] ou de concurrents que ceux-ci peuvent faire valoir à l'égard de tiers à raison,
notamment, d'infractions à l'encontre du droit national et international. Plus particulièrement, la société fait
valoir et poursuit des créances en dommages et intérêts résultant du droit civil, du droit de la concurrence, du
droit des obligations, du droit des sociétés ou du droit pénal. En vue de la réalisation de son objet social, la
société peut acquérir de telles créances et les faire valoir, de manière judiciaire ou extrajudiciaire, pour son
propre compte ou pour le compte d'autrui».
999
La société irlandaise Claims Funding International est contrôlée par lalaw firm australienne Maurice
Blackburn, spécialisée en matière de class actions. Elle détient la totalité des parts de la SARL EQUILIB qui est
le véhicule juridique ad hoc dans l'affaire du cartel du fret aérien. Cf. SARL EQUILIB. Registre du Commerce et
des Sociétés. N° SIREN 510097116. Constitution SARL. 09/12/2008. En ligne: http://www.infogreffe.fr: « la
société a pour objet […] les activites de recouvrement de créances et de dommages et intérêts». EQUILIB
propose de prendre en charge les frais de procédure pour les entreprises lésées par le cartel global d’entente
illicite sur le prix de fret aérien. Sont visées les sociétés qui ont utilisé des services de fret aérien, à la fois pour
l'importation et l'exportation, pour un montant égal ou supérieur à 1.000.000 €, pendant la période allant du 1er
janvier 2000 au 14 février 2007.
300
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
être objet de commerce (I), il est toutefois interdit aux avocats de conclure des pactes de quota
litis (II).
408. Cession d'un droit incorporel . L'opération consistant pour une société commerciale
à acquérir des créances délictuelles en vue d'exercer l'action en justice constitue une cession de
droit incorporel au sens de l'article 1689 du code civil. La cession de créance – ou plus
correctement le transport de créance dans le langage du Code Civil - est la convention par
laquelle le cédant transmet au cessionnaire la créance qu'il détient sur le cédé. La vente d'un
droit incorporel peut avoir pour objet soit une créance, soit un droit ou une action en justice
contre un tiers.
« une convention de cession peut avoir pour objet, non seulement toute créance, mais
encore toute action contre un tiers, à moins que ces créances, droit ou action ne soient
hors du commerce ou que l’aliénation n’en ait été prohibée par une loi
particulière »1000.
Un second arrêt rendu la même année et confirmé en 2009 érige en principe la cessibilité de
l'action en responsabilité délictuelle par accessoire de la créance. La Cour de Cassation décide
que:
1000
Civ. 1ère, 10 janv. 2006, n° 03-17.839: RTD civ. 2006. 552, obs. J. Mestre et B. Fages, Defrénois 2006. 597,
obs. E. Savaux; Dr. et proc. 2006. 147, obs. E. Putman; LPA 31 oct. 2006, note G. Mécarelli.
301
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1001
Civ. 1ère, 24 oct. 2006, n° 04-10.231: RDC 2007. 291, obs. G. Viney; RTD civ. 2007. 122, obs. J. Mestre et
B. Fages. V. égal. Cass. civ. 2ème 17 déc. 2009 : Bull. civ. 2009, II, n° 290.
1002
E. SAVAUX, «Cession de droits litigieux», in Répertoire de Droit Civil, Dalloz, septembre 2003, p. 4 n°4.
1003
X. DELPECH, «La cession de créance emporte celle des actions en justice qui lui sont attachées», Recueil
Dalloz, 2006, p. 365.
1004
Cité par K. MATUSSEK, Akzo targeted in German Suit That Follows U.S. Class Action Principle,
Bloomberg, en ligne : <www.bloomberg.com>, accès : 22/08/2011.
302
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
1005
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, 5ème éd., 2006, Litec, n° 520. J. HÉRON et T. LE
BARS, Droit judiciaire privé, 3ème éd., 2006, Montchrestien, n° 95. Et C. OPHÈLE, «Cession de créance», in
Répertoire de Droit Civil, Dalloz, avril 2008, p. 13 n°88.
1006
J. RIFFAULT-SILK, «Actualité du contentieux des dommages concurrentiels», Revue Lamy du Droit de la
Concurrence, n°20 juillet 2009. "CDC’s model isn’t necessarily inadmissible. The court has jurisdiction under
EU rules and the sale of claims is likely valid. That view is preliminary and may change during arguments. I
don’t think it’s illicit to choose a court you may think works best for you and that has experience in cartel
damage suits. The defendants haven’t yet shown why you shouldn’t be able to bundle the claims. It seems
reasonable".
1007
K. MATUSSEK, Akzo targeted in German Suit That Follows U.S. Class Action Principle, Bloomberg,
en ligne : <www.bloomberg.com>, accès : 22/08/2011. Citant le Pr. Gerhard Wagner: "CDC’s use of existing
procedural rules to pool claims doesn’t come close to U.S.-style class actions. It’s just an efficient way to enforce
antitrust rules with a minimum of judicial resources".
1008
A. PINNA, «La mobilisation de la créance indemnitaire», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2008, p. 229.
N° 9 p. 3: «la mobilisation de sa créance indemnitaire […] permet de suppléer l'absence d'un fonds
d'indemnisation là où il n'a pas été institué par la loi : l'initiative privée peut ainsi prendre le relais de la solidarité
nationale. Cette technique pourrait donc être une alternative intéressante aux actions de groupe que le droit
français ne connaît pas encore»
1009
Banque de France. Note d'information du 21 octobre 1973. Citée par R. BONHOMME, «Affacturage», in
Répertoire de droit commercial, Dalloz, mai 2006. V. égal. Etude du rapport annuel de la Commission bancaire.
1994. p.2. [En ligne sur le site de la Banque de France]. Selon la Banque de France, «l’opération de factoring
[affacturage] consiste en un transfert de créances commerciales de leur titulaire à un factor [affactureur] qui se
charge d’en opérer le recouvrement et qui en garantit la bonne fin, même en cas de défaillance momentanée ou
permanente du débiteur. Le factor peut régler par anticipation tout ou partie du montant des créances
transférées».
303
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
414. Spéculation sur un objet aléatoire. Il y a commerce parce que l'acheteur espère
retirer un gain de l'opération. Il achète le droit d'agir en justice qui est affecté d'un aléa
judiciaire. Jacques GHESTIN résume ainsi l'intérêt de la cession de créances:
« ses avantages économiques sont classiques. Le cédant s'épargne les ennuis et les
aléas du recouvrement, il peut obtenir tout de suite l'argent dont il a besoin. Le
cessionnaire de son côté obtiendra une rémunération intéressante pour le double
service ainsi rendu, en achetant la créance à un prix inférieur à son montant
nominal »1013.
1010
Autorité des Marchés Financiers, La notation en matière de titrisation, 31 janvier 2006, p. 4. En ligne:
http://www.amf-france.org/documents/general/6476_1.pdf [18/08/2011]
1011
ABS: "Asset-Backed Securities"
1012
La technique s'est d'abord développée aux Etats Unis ("securitization") dans les années 1960, afin d'assurer le
refinancement des crédits hypothécaires. C'est exactement la même utilisation qui conduit à l'introduction de ce
produit financier en France par la loi de 1988, sous l'impulsion de Pierre Bérégovoy. La titrisation hors bilan
permettait aux banques d'améliorer leur ratio de solvabilité bancaire - conformément aux recommandations de
Bâle I – qui fixe la limite de l'encours pondéré des prêts accordés en fonction des capitaux propres de la banque.
La sortie des créances du bilan de la banque, en améliorant le ratio Cooke, permet de consentir davantage de
crédits. L'objectif du gouvernement était d'encourager le développement des crédits immobiliers. En France, le
régime juridique de la titrisation a été posé par une loi du 23 décembre 1988 créant les fonds communs de
créances, remplacés depuis la directive 2005/68 par les fonds communs de titrisation. Art. L.214-49-14 Code
Monétaire et Financier. Les fonds communs de créances constitués avant la date de publication de l'ordonnance
n° 2008-556 du 13 juin 2008 transposant la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16
novembre 2005 relative à la réassurance et réformant le cadre juridique des fonds communs de créances
demeurent soumis aux articles L. 214-43 à L. 214-49 dans leur rédaction antérieure à cette date, sauf
modification de leur règlement destinée à les soumettre aux dispositions de la présente section en qualité de
fonds communs de titrisation.
1013
J. GHESTIN, «La transmission des obligations en droit positif français», in La transmission des
obligations, IXèmes journées d'études juridiques Jean Dabin (Univ. Cath. Louvain) , 1980, p. 16, LGDJ.
304
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
L'objet n'est ni conditionnel1014, ni futur1015, mais aléatoire1016 au sens de l'article 1104 du Code
Civil. Le modèle de cession de créance indemnitaire est une activité spéculative de
financement judiciaire (litigation funding) consistant pour des fonds d'investissement à apporter
des capitaux à des actions en justice afin d'en retirer un profit. Les frais judiciaires sont ainsi
supportés par un tiers au litige, qui espère réaliser un bénéfice en cas de succès de l'action.
( )
415. Il convient ainsi de considérer que le contrat par lequel la victime d'une infraction au
droit de la concurrence cède sa créance indemnitaire en vue de l'exercice par le cessionnaire de
l'action en justice qui y est attachée, en contrepartie d'un prix fixe et d'une part variable sur les
dommages et intérêts éventuellement obtenus est un contrat aléatoire de cession de droits
incorporels, au sens des articles 1689 et 1964 du Code civil.
1014
Si l'on choisissait une qualification de cession conditionnelle, la cession serait suspendue ou résolue en
fonction du jugement à intervenir. Aux termes de l'article 1168 du code civil, «l'obligation est conditionnelle
lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement
arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas». Toute forme de spéculation sur
l'action serait de fait interdite.
1015
L'hésitation serait possible dans la mesure où la déclaration de responsabilité est une éventualité future. Mais
le jugement étant déclaratif, la créance indemnitaire est réputée exister rétroactivement depuis l'instant de la
commission du délit. De plus, la créance n'a pas un caractère certain, puisque la déclaration de responsabilité
n'est pas acquise au moment de la cession.
1016
L'article 1104 du code civil dispose que lorsque la contrepartie de l'obligation dans un contrat commutatif
«consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d'après un événement incertain, le contrat
est aléatoire». L'article 1964 précise que «le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant
aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un
événement incertain. Tels sont : le contrat d'assurance, le jeu et le pari, le contrat de rente viagère».
305
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
416. Christophe Lemaire réfute le montage mis en place par CDC pour un droit non
constaté judiciairement en se fondant sur le mécanisme du retrait litigieux de l'article 1699. Il
observe que « [le] mécanisme de retrait litigieux qui permet au poursuivi, lorsque la cession d'une créance
intervient en cours de procès, de racheter la créance au cessionnaire à son prix d'achat afin d'éteindre toute action
en justice […] supprime en quelque sorte les gains possibles pour un intermédiaire »1017.
417. Limite à la spéculation. L'article 1699 dispose en effet que « celui contre lequel on a cédé
un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec
les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui
faite ». Le cessionnaire retrayé ne peut plus poursuivre le procès dès lors qu'il reçoit du
retrayant le prix payé au cédant pour acquérir son droit. Un arrêt de la Cour d'appel de Colmar
retient que « le retrait de droits litigieux a été institué par le législateur pour éviter que des professionnels peu
scrupuleux se fassent céder à vil prix des droits litigieux afin de poursuivre sans merci le débiteur en utilisant
toutes les ressources de la chicane »1018.
419. Il existe contre cette défense un argument textuel et un argument téléologique, même si
la question est – il faut l'admettre – passablement obscure. Il convient premièrement de
1017
C. LEMAIRE, «Une procédure difficilement transposable en France», Le Moniteur, 18 septembre 2009,
p. 106, en ligne : <www.lemoniteur.fr>, accès : 19/08/2011.
1018
CA Colmar, 2 juill. 1974: JCP G 1976, II, 18241, note Burst.
1019
Civ. 1ère, 20 janv. 2004 : Bull. civ. 2004, I, n° 17; JCP G 2004, II, 10033, concl. Sainte-Rose
1020
Cass. req. 30 juin 1880: DP 1881.1.52 ; Cass. civ. 11 déc. 1866: DP 1866.1.424. Doit être cassé l'arrêt
d’appel constatant l’existence d’une contestation sur le fond du droit, sans établir que la contestation existait
«antérieurement et au moment de la cession, comme l’exigent les articles 1699 et 1700». Lire: C. DROUET,
Essai sur les retraits de droits litigieux, Lacour, 1854, [Paris : 1854], 63. «de nos jours, un droit n'est litigieux
qu'autant qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit au moment de sa cession […] il ne suffirait pas
qu'au moment de la cession du droit le procès fût simplement imminent, inévitable, quand même il aurait
réellement eu lieu après la cession».
1021
G. DOUBLET, «Études sur le retrait litigieux», Revue Pratique de Droit Français, 1860, p. 105. Cf. p. 128.
1022
A. PINNA, «La mobilisation de la créance indemnitaire», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2008, p. 229.
306
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
remarquer que l'article 1597 du Code Civil - qui interdit aux juges et avocats de « devenir
cessionnaires des procès, droits et actions litigieux » - n'est pas soumis à la même condition
d'antériorité. Il y aurait ainsi une divergence d'interprétation de la même notion de droits
litigieux, soumis ou non à la condition d'antériorité, selon qu'il s'agit d'appliquer l'article 1597
ou l'article 1699 du Code Civil1023. Cette jurisprudence assez ancienne n'est pas très
convaincante dès lors que le législateur a employé très précisément les mêmes termes.
Deuxièmement, il est difficile de soutenir que l'opération consistant à racheter une créance dans
le but explicite d'engager un procès ne tomberait pas dans le champ d'application de l'article
1699 du Code Civil, qui est une disposition destinée à empêcher la spéculation judiciaire. La
recherche de l'esprit du régime du retrait litigieux doit être rattachée plus généralement à la
réprobation ancienne des pactes de quota litis.
420. Pacte de Quota Litis. Ulrich CLASSEN – fondateur de CDC - admet qu'il a créé une
opération juridique dont « le résultat économique est très similaire à un honoraire de résultat »1024. Le prix
du rachat de la créance se décompose en deux parties. Une première partie fixe, qui est
effectivement versée au moment de la cession proprement dite. Et une seconde partie aléatoire,
à l'issue de la procédure, une fois qu'une décision sur les dommages et intérêts a été prononcée
ou à la suite d'une transaction avec l'adversaire. Ainsi, le prix d'achat fixe des créances dans le
cartel du ciment est de 1000 euros par créance. Le site internet de CDC précise que la part
variable oscille entre 65 et 80% 1025. Daniel FASQUELLE et Rodolphe MESA s'interrogent sur la
licéité du montage, qui leur semble « inconcevable en France en raison de l’interdiction des pactes de quota
litis »1026.
1023
En ce sens: E. SAVAUX, «Cession de droits litigieux», in Répertoire de Droit Civil, Dalloz, septembre
2003. Qui cite une jurisprudence constante concernant la différence d'interprétation des deux textes: Cass. req.
11 févr. 1851: DP 1851.1.242. «la disposition de l’art. 1597 [...] a évidemment un sens plus général et [...] elle
s’applique non seulement au cas où le procès est déjà ouvert et la contestation déjà soulevée, mais même au cas
où le droit cédé n’est encore que litigieux, c’est-à-dire de nature à donner lieu à un procès et à une contestation
qui seraient ultérieurement portés devant le tribunal où siège le juge devenu cessionnaire de la créance».
1024
A.-M. BORREGO, «A Private Affair», Focus Europe, summer 2007, p. 7, en ligne :
<www.carteldamageclaims.com>, accès : 22/08/2011. « Classen […] says he has created an "economic result
very similar to contingency fees" by purchasing each claim individually for €1.000, plus a promise of a share of
75-85 per cent of the potential revenues if he receives a positive judgment».
1025
CDC Services, Approach, 2010, en ligne : <www.carteldamageclaims.com>.
1026
D. FASQUELLE et R. MÉSA, «Livre vert de la Commission sur les actions en dommages et intérêts pour
infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante», Revues Concurrences,
1/2006, p. 33-37.
307
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
421. Il convient de distinguer entre l'absence d'interdiction du pacte de quota litis dans le cas
général (A) et la condamnation explicite dans le cas particulier des avocats (B).
422. Le pacte de quota litis s'est développé durant la décadence de l'empire romain,
conduisant à l'adoption en 506 de la Lex Anastasiana pour déCOURAGEr la spéculation sur les
actions judiciaires. Sous l'Ancien Régime, Domat enseigne que:
« celuy qui est procureur dans un procès ne peut stipuler une portion de ce qui est en
contestation, car il est contre les bonnes mœurs qu'il s'intéresse par un tel motif dans
un procès où il doit servir sa partie par son ministère: & les Avocats & les
Procureurs ne peuvent traiter de cette manière, non plus qu'acheter des droits
litigieux »1027.
Peu de temps avant la Révolution, FERRIÈRE écrit que:
« pactum de quota litis est une convention par laquelle un créancier d'une somme
difficile à recouvrer, gratifie quelqu'un d'une partie de la dette au cas de
recouvrement. Par exemple, celui qui a un procès de discution ou dans la poursuite
duquel il faut faire beaucoup d'avance, convient que celui qui veut s'en charger aura
le tiers ou le quart pour la poursuite, en cas que l'affaire soit gagnée. Cette paction
s'appelle pactum de quota litis; elle est vicieuse, illicite et contre les bonnes mœurs.
Cette convention est toujours réprouvée, quand elle est faite en faveur d'un juge. Elle
l'est aussi toujours, quand elle est faite au profit d'avocats, procureurs, ou solliciteurs
de procès. Mais elle ne l'est pas quand elle est faite en faveur d'une personne qui ne
fait que l'office d'ami & qui veut bien avancer son argent pour la poursuite d'un
procès »1028.
La prohibition du pacte de quota litis est justifiée sur deux niveaux distincts et connexes. De
manière générale, FERRIÈRE semble n'admettre que le pacte conclu cum amico, sans intention
lucrative, par opposition à la convention spéculative qui serait toujours « vicieuse, illicite et contre
les bonnes mœurs ». Il s'agirait là d'un premier critère reposant sur le caractère onéreux ou gratuit
de l'obligation, le pacte constituant une version archaïque et privée de l'aide juridictionnelle 1029.
1027
DOMAT, Les Loix civiles dans leur ordre naturel, Aubouin, Emery et Clouzier, 1647, vol. 1, p. 642.
1028
C.-J. FERRIERE (DE), Dictionnaire de droit et de pratique, Paris : Veuve Brunet, 1769. V° Pacte de quota
litis. Tome II p. 273.
1029
Il est frappant à cet égard de constater que Claims Funding International se présente sur son site comme une
forme d'aide judiciaire privée (private legal aid) et utilise un vocabulaire militant d'accès à la justice pour tous
semblant exclure toute intention lucrative. Il s'agit d'une marque de fabrique du cabinet Maurice Blackburn, qui
se présente comme un cabinet "engagé". Compar. www.mauriceblackburn.com.au («We believe it's never okay
to make one man unhealthy while making another man rich, or for someone to lose an income, or a chance at
308
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
Selon ce premier facteur, ce sont les actes de spéculation sur un procès qui sont interdits, de
manière générale. Il faudrait citer dans le même esprit, une loi du 3 avril 1942 prohibant la
conclusion de pactes sur le règlement des indemnités dues aux victimes d'accidents 1030, ou les
dispositions comparables en matière d'accidents corporels indemnisables par un fonds de
garantie1031. Selon un second facteur spécial, le pacte de quota litis est toujours interdit lorsqu'il
est passé par des juges, avocats ou gens de loi en général, parce que dans ce cas on peut
toujours présumer l'intention spéculative vicieuse, illicite et contre les bonnes mœurs. La
prohibition de l'article 1597 prend sa source en réalité à l'article 6 du Code Civil, traduisant
une disposition générale de moralisation de l'activité judiciaire guidée par la gratuité. Il est
ainsi très clair que l'activité spéculative de commerce des procès est réprouvée, quoiqu'il
n'existe pas de condamnation l'interdisant explicitement de manière générale, en dehors de la
clause d'ordre public de l'article 6 du Code Civil qui pourrait fonder une nullité de ce type de
conventions. Christophe LEMAIRE, avocat au cabinet Ashurst, estime en ce sens que:
life, and have to suffer in silence») et http://www.claimsfunding.eu. («The legal system should not be just for
the use of wealthy individuals and large corporations»). On hésite entre la tartufferie et le positionnement
marketing.
1030
Loi du 3 avril 1942 prohibant la conclusion de pacte sur le règlement des indemnités dues aux victimes
d’accidents. Art. 1er. La loi dispose que «sont nulles de plein droit et de nul effet les obligations contractées, pour
rémunération de leurs services ou de leurs avances, envers les intermédiaires qui, moyennant émoluments
convenus au préalable, se chargent d’assurer aux victimes d’accidents de droit commun ou à leurs ayants droit, le
bénéfice d’accords amiables ou de décisions judiciaires»
1031
C. assur. art. R. 421-17.
1032
C. LEMAIRE, «Une procédure difficilement transposable en France», Le Moniteur, 18 septembre 2009,
p. 106, en ligne : <www.lemoniteur.fr>, accès : 19/08/2011.
1033
Tribunal de commerce, Paris (1A) 31 janvier 2012, Air France c. Equilib, RG n° 2011030421 : «Attendu que
l’exercice du droit de la défense doit s’exercer devant la juridiction néerlandaise saisie, le juge de l’action étant
309
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
déontologiques à l'égard d'EQUILIB est toutefois rendu malaisé dans la mesure où le cabinet
d'avocat australien Maurice Blackburn qui la contrôle indirectement par l'intermédiaire de la
société de droit irlandais Claims Funding International n'exerce pas au barreau parisien.
L'interposition de CFI fait écran à l'appréciation de la licéité du montage.
424. En définitive, l'obstacle juridique le plus évident est incontestable à l'activité des sociétés
CDC et Equilib réside dans la violation des règles déontologiques régissant la profession
d'avocat interdisant très explicitement le pacte de quota litis.
425. Problèmes déontologiques posés par CDC . Le problème est évident avec CDC,
société fondée par des avocats, qui demeurent inscrits au barreau, et font commerce de procès,
en violation des incompatibilités professionnelles applicables à la profession d'avocat. CDC est
une société commerciale et non une structure d'exercice de la profession d'avocat. Le groupe
CDC s'est constitué autour de la société anonyme CDC 1034 fondée en 2002, avec un capital
social de 100.000 euros, détenu à 93% par M. Ulrich Classen et 7% pour M. Frank Weinand.
le juge de l’exception, que dans le cadre d’une décision de la Commission Européenne qui englobe les 27 Etats
de l’Union qui concerne, entre autres une société de droit néerlandais, la société KLM, le groupe AIR France ne
démontre pas son intérêt légitime soit de faire trancher par les tribunaux français d’un litige dont la juridiction
compétente des Pays-Bas a été saisie, d’autant plus que la directive CE 2009/101 qui traite de la nullité des
sociétés s’applique aux Pays-Bas comme en France».
1034
Moniteur Belge. Annexe Personnes Morales. N° entreprise 478.828.424. Constitution société anonyme.
25/11/2002. En ligne: http://www.ejustice.just.fgov.be
1035
Moniteur Belge. Annexe Personnes Morales. N° entreprise 872.872.613. Démission-Nomination.
06/07/2006. En ligne: http://www.ejustice.just.fgov.be
1036
Moniteur Belge. Annexe Personnes Morales. N° entreprise 872.872.613. Démission-Nomination.
22/12/2009. En ligne: http://www.ejustice.just.fgov.be
1037
Moniteur Belge. Annexe Personnes Morales. N° entreprise 872.872.613. Nomination d'un gérant.
08/11/2010. En ligne: http://www.ejustice.just.fgov.be
310
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
sous le numéro 830.958.418. Les statuts de VAB Consulting indiquent qu'elle a été constituée,
le 8 novembre 2010, entre M. Abele Volker et Madame Johanna Hasting1038.
M. VOLKER est présenté sur le site internet de CDC 1039 en tant que gestionnaire de dossiers
(case manager). La consultation du tableau montre que M. VOLKER n'est pas inscrit1040 au
barreau français de Bruxelles. En revanche, sont inscrits, MM. Ulrich CLASSEN, Frank
WEINAND, Martin SEEGERS et Till SCHREIBER. Le Dr. CLASSEN1041 est présenté sur le site
internet de CDC comme directeur exécutif (managing director). L'annuaire du barreau de
Bruxelles indique que Ulrich CLASSEN et Frank WEINAND1042 sont domiciliés à l'adresse du
cabinet DEWOLF & PARTNERS. Similairement, leur courriel de contact se rapporte au nom de
domaine appartenant au cabinet DeWolf. Mais seul M. Weinand apparaît sur le site internet
du cabinet DEWOLF & PARTNERS, en tant que Managing Partner1043. Ce qui laisse supposer que
M. CLASSEN a quitté le cabinet DeWolf et que les informations mentionnées sur l'annuaire du
barreau sont obsolètes en ce qui le concerne. La fiche de M. Martin SEEGERS1044 ne fait pas
plus référence à la structure d'exercice CDC. Seule la fiche de M. Till SCHREIBER1045
mentionne une adresse correspondant au siège social de CDC avenue Louise, et un courriel de
contact correspondant au nom de domaine carteldamagesclaims. Le seul avocat relié à CDC
en tant que structure d'exercice est en fait M. SCHREIBER. L'ensemble de ces informations
laisse supposer que M. Ulrich CLASSEN – propriétaire de 90% de CDC - assume la gérance
effective de la structure, par la personne interposée de M. Abele VOLKER - qui n'est pas inscrit
en tant qu'avocat – et de la société VAB Consulting.
1038
Mme Hasting, domiciliée à la même adresse que M. Volker, est la conseillère politique d'un parlementaire
européen allemand. Elle a fondé une association d'échange trans-atlantique entre assistants parlementaires
européens et américains, afin de faciliter l'inclusion d'une perspective américaine dans la préparation des projets
de lois européens. En ligne: www.cepinitiative.org
1039
Cf. la page de présentation du "Team CDC": http://www.carteldamageclaims.com/Team.shtml [19/08/2011]
1040
Cf. http://www.barreaudebruxelles.be/Scripts/listeannuaire.php?FonctionID=&Prefix=V
1041
http://www.barreaudebruxelles.be/Scripts/DetailsAnnuaire.php?ID=B0051055
1042
http://www.barreaudebruxelles.be/Scripts/DetailsAnnuaire.php?ID=B0010509
1043
http://www.dewolf-law.be/lawyers/partners/frank-weinand
1044
http://www.barreaudebruxelles.be/Scripts/DetailsAnnuaire.php?ID=B0066443
1045
http://www.barreaudebruxelles.be/Scripts/DetailsAnnuaire.php?ID=B0063570
311
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de la profession d'avocat. Elle ne défend pas des clients, car son objet est d'effectuer le
recouvrement des créances pour son propre compte.
428. L'article 437-3° du Code Judiciaire belge dispose que « la profession d'avocat est
incompatible avec l'exercice d'une industrie ou d'un négoce »1046. Le 4° du même article pose
une incompatibilité professionnelle plus générale avec toute activité rémunérée publique ou
privée qui mettrait en péril l'indépendance de l'avocat ou la dignité du barreau. Dans ce dernier
cas, l'article 1er du règlement de l'OBFG précise que l'exercice d'une activité rémunérée
susceptible de porter atteinte à l'indépendance de l'avocat ou à la dignité du barreau doit faire
l'objet soit d'une autorisation préalable, soit à tout le moins d'une simple information. L'article
6 dispose en outre que « l'avocat veille, dans le cadre de ses autres activités professionnelles, à
ne pas faire usage de son titre d'avocat ».
429. La première question qui se pose est de savoir si CDC tombe dans le champ
d'application du 3° de l'article 437. Il semble que l'interposition de personne via la société VAB
Consulting, soit destinée à faire échapper formellement M. Ulrich Classen à la règle
d'incompatibilité. Substantiellement toutefois, la situation est seulement apparente, puisque M.
Classen se présente lui-même comme le directeur exécutif de CDC sur son site internet. La
situation n'est pas meilleure au regard du 4°, dans la mesure où selon les dispositions
d'application de l'article 1 er de l'OBFG, l'activité de M. Classen aurait dû faire l'objet d'une
autorisation préalable ou d'une déclaration, ce qui ne semble pas non plus être le cas puisque les
informations mentionnées sur l'annuaire du barreau ne sont visiblement pas à jour et indiquent
encore son ancienne appartenance au cabinet DeWolf. Au surplus, la mention de la qualité
d'avocat de MM. CLASSEN, WEINAND, SEEGERS et SCHREIBER sur le site de CDC, ne semble
pas conforme aux règles déontologiques.
430. Dans cette situation, la collaboration de quatre avocats régulièrement inscrits au barreau
de Bruxelles n'apparaît pas conforme aux règles d'incompatibilités professionnelles applicables
découlant du Code Judiciaire et du règlement de l'Ordre des Barreaux Francophones et
Germanophones de Belgique (OBFG) sur la compatibilité de la profession d'avocat avec
d'autres activités professionnelles1047.
1046
Le Code Judiciaire est consultable en ligne: http://www.ejustice.just.fgov.be
1047
Ordre des Barreaux Francophones et Germanophones de Belgique. Règlement du 21 Février 2005 sur la
compatibilite de la profession d’avocat avec d’autres activites professionnelles. (M.B. 17.03.2005). En ligne:
http://www.avocat.be/communication/reglements,fr,73.html [19/08/2011].
312
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
Une telle préoccupation est loin d'être théorique comme le montre le modèle économique de
Cartel Damages Claims, qui se présente comme une mécanique destinée à inhiber le
contentieux par transaction (I) du fait de son extrême vulnérabilité au moyen de défense tiré
de la répercussion (II).
I- MÉCANIQUE DE LA TRANSACTION
1048
J. KORTMANN, «The tort law industry», European Review of Private Law, n°5 2009, p. 789 (voir p. 811).
"we should ask ourselves whether the transformation of damage litigation into an investment product should,
under all circumstances be tolerated. If professionnal investors are allowed to buy up – or buy a stake in –
damages claims, there is a considerable risk of tort victims being shortchanged".
1049
Une fable exprimera mieux le propos: « Perrette, l'avocat, l'assureur et le banquier ». Maître Avocat et Maître
Assureur se disputaient un fromage dérobé à Perrette, qui allait au marché légère et court vêtue. Maître Avocat
soutenait qu'il était en droit d'en découper une part, car il avait reçu mandat de Perrette pour le récupérer, qu'il
avait exposé des frais et des diligences, qu'il n'avait dû qu'à la force de ses ailes, l'ingéniosité de son ramage et le
brillant de son plumage, pour faire abandonner le butin à la pie voleuse, et qu'en somme nul autre ne pouvait y
prétendre s'il n'avait point reçu mandat. Maître Assureur sourit à ce naïf raisonnement en faisant observer qu'il
avait été subrogé dans le fromage, au moment où il avait indemnisé Perrette sous la forme d'un autre fromage en
tout point identique, et qu'il fallait que Maître Avocat retourne auprès de Perrette pour discuter le paiement, car
sur ce fromage il n'obtiendrait rien, en vertu de la subrogation qui fournissait à Maître Assureur un titre
incontestablement meilleur. Maître Banquier, par l'odeur alléché, vint terminer la querelle. Il leur signifia que
Perrette doutant de jamais revoir son fromage, et manquant de liquidités afin d'acheter une centaine d'oeufs,
s'était crue habile de lui vendre sa créance délictuelle, pour une somme coquette de trois francs six sous. Sans
autre forme de procès, Maître Banquier se déclara propriétaire légitime priant les deux compères de bien vouloir
se contenter des trous.
313
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
432. Modèle économique. Le modèle économique de CDC vise à concentrer entre ses
mains une masse critique de créances délictuelles homogènes afin de constituer une menace
judiciaire crédible et renforcer en conséquence son pouvoir de négociation extrajudiciaire.
Andrea PINNA observe que « l'acquisition d'un grand nombre de créances contre un même défendeur, en
permettant leur agrégation dans une action en justice unique, et donc la réalisation d'économies d'échelle,
pourrait conférer à un ensemble de créances indemnitaires une valeur supérieure à celle que leur addition aurait
si elles étaient prises individuellement »1050.
433. Till SCHREIBER, juriste à CDC explique que « l'avantage pour les victimes du cartel est
manifeste, car si nous rachetons la créance, nous supportons le risque »1051. Mais réciproquement, le risque
induit par la transformation du droit à réparation en produit d'investissement constitue un
puissant motif de transaction, peu important que l'indemnisation offerte soit sans commune
mesure avec le préjudice réellement subi par les victimes. Le phénomène est connu dans la
pratique américaine des class actions sous le nom de sweetheart deals: un contrat conclu à des
conditions anormalement favorables. Il est possible de montrer une tension contradictoire
entre un bilan judiciaire incertain (A) et un tropisme extrajudiciaire assumé (B).
434. Bilan judiciaire. Le bilan judiciaire de l'activité de CDC reste pour le moment
incertain. Trois affaires sont actuellement pendantes: une affaire concernant le cartel du ciment
introduite devant le Tribunal de Düsseldorf, une affaire concernant le cartel du peroxyde
d'hydrogène introduite devant le Tribunal de Dortmund, et une dernière affaire introduite en
2011 devant une juridiction néerlandaise à la suite de la décision Sodium Chlorate de la
Commission Européenne1052.
1050
A. PINNA, «La mobilisation de la créance indemnitaire», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2008, p. 229.
1051
Cité in S. STEFANINI, Large-Scale Damages Actions Tested In Europe, Competition Law 360, 3 juillet
2008, en ligne : <www.portfoliomedia.com>, accès : 22/08/2011. "The advantages to victims of these cartels are
obvious because if we buy their claims, we take on the risk"
1052
Commission Européenne. 11 juin 2008. Sodium Chlorate. Decision COMP/38.695.
314
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
en réparation en août 2005 devant le Tribunal du Land [Landgericht] de Düsseldorf 1053, suite à
l'acquisition des créances délictuelles de 36 entreprises de BTP clientes du cartel. Le montant
total des dommages et intérêts demandés s'élève à 176 millions d'euros.
1053
Case N°. 34 O (Kart) 147/05
1054
Allemagne. Landgericht Düsseldorf. 09/03/2006. Cartel Damage Claims c. Cemex e.a 34 O (Kart) 147/05.
1055
Allemagne. Oberlandesgericht Düsseldorf. 03/05/2006. Cartel Damage Claims c. Cemex e.a. 34 O (Kart)
147/05.
1056
Allemagne. Oberlandesgericht Düsseldorf. 14/05/2008. Cemex e.a c. Cartel Damage Claims. 34 O (Kart)
147/05. Lire: M. HILGENFELD, CDC holds out for favourable admissibility ruling in cement damage claim,
MLex, 23 avril 2008, en ligne : <www.MLex.com>, accès : 22/08/2011. "Whether the assignment [of rights]
itself is valid is not to be clarified at this stage". Le juge Kuehnen a considéré que CDC fournissait la preuve –
prima facie - de l'achat des créances et pouvait en conséquence exercer son droit d'action devant les tribunaux.
1057
Allemagne. Bundesgerichtshof. 07/04/2009. Cemex e.a c. Cartel Damage Claims. KZR 42/08.
1058
L. CROFT, CDC’s cement cartel claim admissible, says German Supreme Court, MLex, 17 avril 2009,
en ligne : <www.mlex.com>, accès : 22/08/2011. "there are no objections for the basic validity of the transfer.
The scope and complexity of the substance of the proceedings, which arise from the bundling of claims of
numerable companies, could not put the admissibility of the claim into question".
1059
Commission Européenne. 3 mai 2006. Hydrogen Peroxide. COMP/F/39.620.
1060
U. CLASSEN, Press release (23 april 2009) CDC files action against members of the hydrogen peroxide
cartel, Cartel damage claims, en ligne : <www.carteldamageclaims.com>, accès : 22/08/2011. "A preliminary
315
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
entreprises clientes de CDC récupèreront 75% des dommages et intérêts obtenus. Les créances
sont logées dans le véhicule ad hoc CDC Hydrogen Peroxide1061. La demande a été introduite
devant le Landgericht de Dortmund1062.
L'affaire de Dortmund est plus ambitieuse et complexe que l'affaire de Düsseldorf. Dans
l'affaire du ciment, CDC ne poursuit que des sociétés établies en Allemagne, pour une
infraction affectant le marché allemand. Dans l'affaire du peroxyde d'hydrogène au contraire,
les entreprises défenderesses sont établies en Allemagne 1063, en Belgique1064, en France1065, au
Pays-Bas1066, en Finlande1067 et en Espagne1068. Le litige est attrait devant une Cour allemande
par application du règlement 44/2001, en raison de la nationalité allemande de l'un des auteurs
de l'infraction. Ironiquement, l'allemand Evonik a d'ores et déjà transigé avec CDC.
437. Activité extrajudiciaire . Comme l'indique son objet social, l'activité de CDC consiste
à faire valoir judiciairement et extrajudiciairement les créances acquises. Or il semble que CDC
recherche plus activement la transaction qu'un succès judiciaire. Till SCHREIBER, juriste à CDC
explique en ce sens que « l'approche collective de CDC ne permet pas seulement des synergies significatives,
elle renforce surtout considérablement la position des victimes dans les transactions extrajudiciaires »1069.
damage scenario by CDC HP indicates that the Assignors suffered financial damages of more than € 430 million.
The damage amount for which the defendants will be liable will significantly increase by interest as of the first
day of the infringement. At the date of lodgement of the claim, the interest already amounted to approximately
50 % of the financial damages".
1061
Moniteur Belge. Annexe Personnes Morales. N° entreprise 888.791.006. CDC HYDROGENE PEROXIDE
SA. Constitution. 17/04/2007. En ligne: http://www.ejustice.just.fgov.be
1062
N° affaire: 13 O (Kart) 23/09.
1063
Evonik Degussa GmbH, Essen, Germany.
1064
Solvay SA/N.V., Brussels, Belgium.
1065
Arkema SA, Paris, France.
1066
Akzo Nobel N.V., Amsterdam, Netherlands.
1067
Kemira Oyj, Helsinki, Finland.
1068
FMC Foret SA, Sant Cugat del Vallés (Barcelona), Spain.
1069
T. SCHREIBER, «Private antitrust litigation in the European Union», in Colloque de l'American Bar
Association, Paris, 3 novembre 2010, en ligne : <http://www.carteldamageclaims.com/Forum.shtml>, accès :
22/08/2011. L'intervention a été publiée: T. SCHREIBER, «Private Antitrust Litigation in the European Union»,
International Lawyer, Winter 2010, n° 44, p. 1157. "The collective approach of CDC not only results in
significant synergies, but also considerably strengthens the position of the victims in potential out-of-court
settlement discussions".
316
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
438. Une immunité civile . Le site internet de CDC1070 présente une page intitulée
LeniencyPLUS+. Le concept LeniencyPLUS+ s'adresse aux « membres d'un cartel soucieux de gérer
activement leur risque d'exposition à une action en dommages et intérêts ». CDC expose que « l'idée basique
du concept LeniencyPLUS+ consiste à encourager les membres d'un cartel à coopérer avec les poursuites civiles
en minimisant le de minimiser le risque d'exposition à une action en dommages et intérêts par application du
principe de responsabilité solidaire ». CDC prend « l'engagement de ne pas introduire de demandes de
réparation contre les membres d'un cartel qui coopèrent »1071. En s'appuyant sur la responsabilité
solidaire qui unit les membres d'un cartel, CDC engage prioritairement l'action en dommages et
intérêts contre les membres non-coopératifs du cartel. CDC précise toutefois que le bénéfice de
la formule LeniencyPLUS+ n'est pas réservé aux seuls membres du cartel qui auraient obtenu
l'immunité administrative. L'immunité proposée contre les poursuites civiles est indépendantes
du bénéfice antérieur de l'immunité administrative. CDC « accueille également les membres d'un cartel,
qui n'ont pas participé avec succès aux programmes de clémence offerts par les autorités de concurrence ».
439. Quelle est la contrepartie de cette immunité civile? Que signifie pour une entreprise de
« coopérer » avec le « programme d'immunité civile » de CDC? Le site du CDC ne l'explique pas et
invite les membres d'un cartel intéressés à contacter directement par courriel CDC pour un
complément d'information, au besoin en utilisant le protocole sécurisé mis à leur disposition.
Le site souligne en ce sens que « afin d'assurer la confidentialité, les détails du concept
LeniencyPLUS+ peuvent être discutés directement avec CDC »1072. La confidentialité promise
par CDC n'est pas dictée par les nécessités de l'enquête en vue de réunir des preuves. La
« coopération » qui est attendue des bénéficiaires de LeniencyPLUS+ n'a rien à voir avec la
production d'éléments de preuve au soutien d'un dossier, telle qu'elle s'entend dans le cadre des
programmes de clémence des autorités publiques. Le concept LeniencyPLUS+ est d'ailleurs
ouvert aux membres du cartels qui n'auraient pas bénéficié d'une mesure de clémence publique,
1070
Cartel Damages Claims, Cartel Damages Claims, 2010 en ligne : <http://www.carteldamageclaims.com>,
accès : 19/08/2011.
1071
Ibid. ["The Leniency PLUS+ concept of CDC is addressed to cartel members interested in actively managing
their risk exposure in view of private damage actions. […] The basic idea of Leniency PLUS+ is to provide
incentives for cartel members to cooperate in the private enforcement of antitrust law by minimising their risks
under the principle of joint and several liability. An essential aspect under Leniency PLUS+ is the commitment
of CDC not to enforce damage claims against cooperating cartel members. The damage action will only be
enforced against the other cartel members. As CDC is purchasing cartel-related damage claims from a multitude
of damaged companies, as well as from customers of other cartel members, CDC is in position to bundle a large
part of the damage claims to which Leniency PLUS+ candidates could potentially be exposed. Therefore, cartel
members could even benefit twice if they decide to cooperate under both the public leniency programmes and
the CDC Leniency PLUS+ concept."]
1072
Ibid. ["In view of ensuring confidentiality, details on the Leniency PLUS+ concept can be discussed directly
with CDC"].
317
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
montrant ainsi la distinction radicale entre les objectifs poursuivis. Le site explique pourtant
que « le concept LeniencyPLUS+ contribue à la réconciliation des programmes publics de
clémence et l'application privée du droit antitrust.
L'objectif de CDC n'est pas de parvenir à une décision judiciaire sur les dommages et intérêts.
De manière subliminale, la page explicative du concept Leniency PLUS+ s'ouvre sur une
citation selon laquelle « un procès est un échec » (a trial is a failure). L'objectif de CDC est d'obtenir
un pouvoir de négociation suffisant, par le rachat du droit d'agir appartenant aux victimes, afin
d'en tirer le meilleur prix. CDC n'est pas tenu par les règles de déontologie vis-à-vis des
victimes auxquelles elle rachète la créance indemnitaire parce qu'elle n'agit pas en tant
qu'avocat à leur égard. Les véritables clients de CDC sont les entreprises auteurs de
l'infraction, auxquelles CDC fournit un moyen de sécuriser leur comptabilité en fixant une
valeur sur la dette délictuelle. CDC offre le moyen de négocier en masse un aléa comptable
qui déprécie l'actif de la société.
441. Chantage légalisé. Le parallèle s'impose avec les class actions américaines dénoncées
comme une forme de « chantage légal »1073. Outre-atlantique, des auteurs s'inquiètent de voir
l'Europe réaliser la même erreur. Le Président de la Chambre de Commerce des Etats-Unis met
en garde la Commission Européenne contre l'exportation du « lucratif modèle économique » des
cabinets américains spécialisés1074. Le grief principal adressé aux class actions américaines tient en
ce qu'elles induiraient une pression en faveur d'un arrangement transactionnel indépendamment
du bien-fondé de la position légale du demandeur 1075. Or c'est très précisément l'effet prévisible
1073
M. HANDLER, «Of legalized blackmail: consummer class actions and the substance-procedure dilemma»,
Southern California Law Review, vol. 47 1974, p. 842.
1074
T. J. DONOHUE, Letter to Mr. President Barroso, nho.no, 1st october 2009, en ligne : <www.nho.no>,
accès : 27/08/2011. "The entrepreneurial U.S. plaintiffs’ bar, which is ready and able to expand their lucrative
business model overseas, will take advantage of the oversights in this proposal to bring systemic lawsuit abuse to
Europe".
1075
J. BEISNER et C. BORDEN, On the Road to Litigation Abuse: The Continuing Exportation of U.S. Class
Action and Antitrust Law, Institute for legal reform, 2006, en ligne : <www.instituteforlegalreform.com>,
accès : 17/7/2011. :"Mais dans leur zèle à accroître les possibilités d'actions individuelles et de groupe, le
législateur a manqué de voir que cette réforme procédurale ouvrait la porte à un abus généralisé de l'action
contentieuse.Les avocats se s'ont vite rendu compte qu'ils pouvaient utiliser les dispositifs procéduraux
318
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
442. Ruée vers l'or. Jeroen KORTMANN entrevoit la naissance d'une industrie de la
responsabilité1078. L'ubiquité du dommage concurrentiel favorise son développement dans un
espace judiciaire européen gagné par la compétition normative 1079 et la concurrence entre les
juridictions1080. L'espace judiciaire européen s'accomplit sous la forme d'un marché du droit. Le
modèle CDC semble s'étendre. Il a été rapporté que deux firmes allemandes envisageaient de se
nouvellement promulgués, tels que le dispositif américain de la class action, afin d'exercer une pression
importante afin de parvenir à une transaction indépendamment des mérites de leur cause. En conséquence, dans
un court laps de temps, l'Amérique s'est enfoncée dans un bourbier contentieux dont elle n'a que récemment
commencé à se dégager. Notre préoccupation est que les décideurs politiques européens ne fassent pas la même
erreur". [But in their zeal to expand opportunities for private individual and group litigation, these policy-makers
failed to see how their procedural reforms were opening the door to widespread litigation abuse. Plaintiffs’
attorneys quickly realized that they could use newly enacted procedural devices, such as the modern American
class action device, to exert substantial settlement pressure against defendants independent of the merits of their
case. As a result, within a short time, America descended into a litigation morass from which it has only recently
begun to extricate itself. Our concern was that European policy-makers not make the same mistake.]
1076
P. COLLINS, «What Are the Problems with EC Antitrust Damage Actions in Europe - Does the Private
Pillar Require Reinforcement?», Competition Law International, issue 2 vol. 3 2007, p. 53 (voir p. 56). "There is
a need to seek and find innovative ways to raise the incentives for both claimants and lawyers, but in a way that
ensures that incentives are not raised to a level that encourages the bringing of unmeritorious or speculative
claims".
1077
H. CALVET, «Le temps et la réparation du préjudice en cas de violation du droit de la concurrence»,
in Cycle Risques, Assurances, Responsabilités, 2006, Cour de Cassation.
1078
J. KORTMANN, «The tort law industry», European Review of Private Law, n°5 2009, p. 789 (voir p. 799).
La formulation anglaise - partiellement intraduisible – est plus percutante: "private enforcement cannot exist
without private enforcers. The development of a market for private enforcers – a tort law industry – is a
precondition for the ultimate succes of private enforcement".
1079
H. BUXBAUM, Competition in the Private Enforcement of Regulatory Law, Social Science Research
Network, en ligne : <http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1129832>, accès : 19/07/2011. "With
the increasingly global nature of economic activity and economic misconduct, however, there will inevitably be
circumstances in which more than one country’s laws will apply. A limited mobility of legal claims will
therefore emerge […] As other countries adopt broader jurisdictional approaches and more robust mechanisms
supporting private enforcement, this form of choice and thus of competition may grow. In Europe, for example,
the decision of the English High Court in a case arising out of a global price-fixing scheme permitted plaintiffs
who had purchased the relevant goods in foreign markets to sue in English court. As many commentators have
pointed out, given certain aspects of the English procedural and remedial structure, this decision may lead
European plaintiffs increasingly to English courts"
1080
K. MATUSSEK, Akzo targeted in German Suit That Follows U.S. Class Action Principle, Bloomberg,
en ligne : <www.bloomberg.com>, accès : 22/08/2011. "The competition of court venues is lurking behind all of
this and the big question is who will come out on top in the next five years. Italy and Poland have their own
class-action plans and the U.K. of course wants to have these cases in London and offers pre-trial discovery as a
selling point.
319
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
lancer sur le même marché1081. Des tentatives sont rapportées çà et là1082. Till SCHREIBER
confirme l'émulation1083 et l'attente suscitée par les actions engagées. La compétition est non
seulement transatlantique mais aussi trans-pacifique avec l'installation des sociétés Claims
Funding International et Equilib, téléguidée par une firme australienne majeure spécialisée dans
les class actions. Le marché européen s'avère attractif pour des firmes juridiques soumises à une
intense compétition dans une branche du droit en voie de mondialisation 1084.
1081
M. HILGENFELD, CDC holds out for favourable admissibility ruling in cement damage claim, MLex, 23
avril 2008, en ligne : <www.MLex.com>, accès : 22/08/2011. "Others in Germany, notably Talionis and a law
firm in Hamburg Fritze Paul Seelig, are also known to have considered or to be considering similar 'bundling'
options".
1082
Commun. Comm. europ., 21 février 2007 Gazette du Palais, 16 juin 2007 n° 167, P. 6 « La Commission
sanctionne par une amende totale record de 992 millions d'euros une entente sur le marché de l'installation et de
l'entretien des ascenseurs et des escaliers mécaniques. […] Il est également intéressant de relever qu'une
importante entreprise autrichienne s'apprêterait à intenter une action en dommages et intérêts sur le fondement de
cette entente et qu'une action collective visant les contrats de maintenance est à l'étude en Allemagne. »
1083
Till Schreiber cité in S. STEFANINI, Large-Scale Damages Actions Tested In Europe, Competition Law
360, 3 juillet 2008, en ligne : <www.portfoliomedia.com>, accès : 22/08/2011. "we think we have seen other
companies that are trying to develop similar systems".
1084
S. STEFANINI, Large-Scale Damages Actions Tested In Europe, Competition Law 360, 3 juillet 2008,
en ligne : <www.portfoliomedia.com>, accès : 22/08/2011. L'exemple de la firme Cohen Millstein Hausfeld &
Toll est particulièrement illustratif de ce phénomène. La firme a installé une succursale londonnienne en janvier
2007, afin de représenter des clients européens dans la class action américaine contre British Airways et Virgin
Atlantic, concernant un surcoût de carburant pour les avions de passagers. Virgin Atlantic a transigé sur un
montant de 200 millions de dollars en février 2008.
1085
M. HILGENFELD, CDC holds out for favourable admissibility ruling in cement damage claim, MLex, 23
avril 2008, en ligne : <www.MLex.com>, accès : 22/08/2011. "If the model as a whole is successful it may,
however, not signal the start of a wave of private enforcement. Currently the model is best suited to large scale
industrial purchasing, where companies have access to invoices for products with a clear unit-price".
1086
L. CROFTS, CDC lodges EUR600mln damage claim in Germany against bleaching cartel, Mlex, en ligne :
<www.mlex.com>, accès : 22/08/2011. "CDC is keen to pursue claims against cartels which produce materials –
such as HP or cement – which have a predictable unit price, rather than highly differentiated products such as
lifts or switchgear. Such industrial products also have the advantage that there are a smaller group of potential
purchasers, who, in turn, can be more easily harnessed for a claim".
320
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
« le modèle des cessions (tel que pratiqué par CDC) semble donc uniquement être
une option parmi d’autres et il ne remplace absolument pas les recours collectifs pour
les PME et les consommateurs dont la valeur des créances risque souvent d’être
moins élevée en termes absolus. Dans notre livre blanc de 2008, nous avions
envisagé deux types d’actions : d’une part, l’action de groupe lorsque les dommages
sont élevés et lorsque les entreprises font preuve d’un certain activisme ; d’autre part,
les actions en représentation dans les autres situations. C’est pour les actions de
1087
L. CROFTS, CDC lodges EUR600mln damage claim in Germany against bleaching cartel, Mlex, en ligne :
<www.mlex.com>, accès : 22/08/2011. "The company also sent out 180 letters to encourage companies affected
by the cartel to join the cause and it also addressed a meeting of the German Paper Industry Association to drum
up support".
1088
L'association des agrégats britanniques (British aggregates association: BAA) a ainsi publié un communiqué
de presse le 17 mai 2008 indiquant qu'elle avait chargé CDC d'explorer la possibilité d'une action en réparation
contre le cartel du ciment au Royaume-Uni. L'entrée de Seamus Maye, consultant dans le mileu du ciment, n'est
pas étrangère à cette tentative d'expansion vers le marché britannique. Consulter leur site: www.british-
aggregates.co.uk
1089
CDC ne propose pas un "service juridique personnalisé" au sens de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre
1971 condamnant le démarchage juridique illicite, mais une offre de contrat commercial.
321
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
groupe que le modèle de CDC pourrait constituer une alternative, mais il ne saurait
remplacer les actions en représentation »1090.
445. CDC et CFI ne sont intéressées que par des créances de forte valeur détenues par des
acheteurs en gros. Il s'ensuit inévitablement que la technique de la cession de créance est
réservée aux acheteurs directs grossistes, qui sont en nombre suffisamment réduit, sans
résoudre la question de l'indemnisation des consommateurs.
1090
R. BECKER, «Intervention», in La PME face au droit de la concurrence, Colloque CREDA-CCIP 22 juin
2011, Revue Lamy de la Concurrence, octobre-décembre 2011, n° 29, p. 146. Cf. p. 172.
322
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
446. Les techniques d'agrégation des actions ouvertes aux consommateurs ne sont pas plus
satisfaisantes, par l'effet de masse qui rend la procédure impraticable. L'avocat Jérôme FRANCK
son dépit en ces termes:
1091
J. FRANCK, «Table ronde: problèmes constitutionnels», in Les recours collectifs: étude comparée,
Journée d'études du 27 janvier 2006, Société de Législation Comparée, 2006. p. 106.
1092
S. AMRANI-MEKKI, «Action de groupe et procédure civile», Revue Lamy Droit Civil, n°32 novembre
2006, 61. «Pour admettre l’action de groupe, plusieurs modalités sont possibles qui ne posent pas de difficultés
sensibles lorsque l’objectif de l’action de groupe est une indemnisation de personnes identifiées. Dans cette
hypothèse, en effet, une simple généralisation de la jurisprudence dite des comités de défense suffirait à la mettre
en place. […] Une loi serait alors inutile pour consacrer ce type d’action de groupe».
323
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
d'exercer collectivement l'action individuelle en réparation 1093, pour la défense des intérêts
« égoïstes »1094 de ses membres. La conclusion du contrat d’association ayant pour objet la
représentation en justice crée un mandat tacite au profit de l’association pour l’exercice des
actions individuelles appartenant à ses membres, en leur nom et pour leur compte. La
personnalité morale de l’association permet de simplifier la procédure, en réalisant une
économie des moyens judiciaires1095.
1093
Cass. Ch. Réunies. 15 avril 1913: DP 1914, 1, p. 65, note Nast. Confirmé: Cass. civ. 23 juill. 1918 : DP
1918, 1, p. 52 ; S. 1921, 1, p. 289. «En vertu de la loi du 1er juillet 1901, qui a établi la liberté du contrat
d’association, les pères de famille peuvent, à défaut d’exception pour un cas particulier, faire collectivement ce
que chacun d’eux pouvait faire antérieurement à titre individuel […] l’adhésion des pères de famille aux
associations dont il s’agit n’implique aucune abdication de leur droit, chacun d’eux conservant le libre exercice
de son action individuelle». Et Cass. civ. 25 nov. 1929, DP 1933. 1. 28, S. 1932. 1. 28, RTD civ. 1934. 311, obs.
R. Japiot, rejetant le pourvoi contre CA Poitiers, 28 déc. 1925, S. 1926. 2. 65, note P. Esmein
1094
G. VINEY, «Chronique de responsabilité civile», La Semaine Juridique édition Générale, 1995, I,3853.
1095
L. BORÉ, «La réparation des atteintes aux intérêts personnels des membres des groupements à but altruiste :
Du mandat exprès à l'action de groupe», Revue Française de Droit Administratif, 1996, p. 544. «Il nous semble
au contraire tout a fait normal que des victimes de dommages ayant une même origine se regroupent en syndicat
ou en association pour en obtenir réparation. L'union fait la force de leur recours, et facilite le travail du juge en
lui permettant de trancher par un seul jugement ce qui aurait pu faire l'objet d'une cascade de procédures
parallèles».
1096
Cf. J. CALAIS-AULOY, Propositions pour un nouveau droit de la consommation, Commission de refonte
du droit de la consommation, Rapport au ministre de la consommation, La Documentation française, 1985.
Antérieurement, une proposition de loi déposée par MM. Stasi, Proriol et Zeller avait été immédiatement retirée
après son dépôt au bureau de l’Assemblée Nationale. Proposition de MM. Stasi, Proriol et Zeller, relative à
l’action de groupe JO AN 1984-1985, Doc. n° 2554. Cf. L. BORE, La défense des intérêts collectifs par les
associations devant les juridictions administratives et judiciaires, LGDJ 1997, annexes.
1097
L’article L422-1 Code de la Consommation dispose que: «Lorsque plusieurs consommateurs, personnes
physiques, identifiées ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'un même professionnel,
et qui ont une origine commune, toute association agréée et reconnue représentative sur le plan national en
application des dispositions du titre Ier peut, si elle a été mandatée par au moins deux des consommateurs
concernés, agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces consommateurs». L'action en représentation
conjointe, codifiée à l’article L422-1 code de la consommation, est issue de l’article 8 de la loi n° 92-60 du 18
janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, et tendant à la modification de la loi n° 88-14 du 5
janvier 1988 relative aux actions en justice des associations agréées de consommateurs. Décret d’application n°
92-1305 du 15 décembre 1992. Lire : G. Raymond, Commentaire de la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992
renforçant la protection des consommateurs : JCP E 1992, I, 144 ; R. Martin, JCP G 1994, I, 3756.
1098
L. BORÉ, «L'action en représentation conjointe: class action française ou action mort-née?», Recueil Dalloz,
Chronique 1995, p. 267.
324
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
449. Publicité restreinte. L’action est fondée sur la technique du mandat. Selon Soraya
AMRANI-MEKKI « le défaut principal [de l'action en représentation conjointe] est l’impossibilité de procéder
par voie de publicité pour recueillir des mandats pour agir »1100. L’article L422-1 al. 2nd dispose en ce sens
que « le mandat ne peut être sollicité par voie d'appel public télévisé ou radiophonique, ni par voie d'affichage,
de tract ou de lettre personnalisée [et] doit être donné par écrit par chaque consommateur ». En interdisant la
sollicitation personnalisée, le législateur a aligné le régime de l'action en représentation
conjointe sur l'interdiction de droit commun du démarchage juridique. La crainte était de voir
les associations agir en homme de paille de cabinets d’avocats agressifs.
450. Un courant se fait jour en doctrine pour souligner les effets indésirables de l'interdiction
du démarchage juridique. Raymond MARTIN considère que l'action collective devient « impossible
ab initio » du fait de l'interdiction de de s'adresser au public 1101. Pour Marie DUMARÇAY,
« l'efficacité de tels recours ne saurait alors se passer d'un assouplissement, sinon d'une mise à l'écart partielle
des règles d'interdiction du démarchage »1102. Véronique MAGNIER propose identiquement un
« assouplissement des règles déontologiques » des avocats interdisant la sollicitation des victimes, sous
le contrôle du juge, qui pourrait autoriser des mesures de publicité déterminées au début de
l'instance1103. La remise en cause de l'interdiction du démarchage juridique et de la déontologie
de la profession d'avocat peuvent toutefois apparaître excessives au regard de l'objectif
d'encouragement des actions collectives.
1099
Sous la dir. de J. CALAIS-AULOY: P.-C. LAFOND, Le recours collectif comme voie d’accès à la justice
pour les consommateurs, [Montpellier : 1995]. p. 313.
1100
S. AMRANI-MEKKI, «Action de groupe et procédure civile», Revue Lamy Droit Civil, n°32 novembre
2006, 61.
1101
Raymond Martin, « L'offre de services sur «class action.fr» est constitutive de démarchage juridique
illicite », note sous TGI Paris, lre ch., sect. soc, 6 déc. 2005, JCP (G). 2006. II. 10019, p. 270-273.
«L'interdiction de s'adresser au public pour réunir les demandeurs potentiels détruit le support même de la class
action envisagée. Elle devient impossible ab initio».
1102
M. DUMARÇAY, La situation de l'entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques
anticoncurrentielles. Etude des procédures française et communautaire d'application du droit communautaire des
pratiques anticoncurrentielles, [Doctorat : Droit : Montpellier-I : 2008], 518 n°426.
1103
V. MAGNIER, «Les règles de procédure, frein ou cadre pour l'action de groupe?», Revue Concurrences, n°2
2008, p. 46.
325
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1104
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 6 décembre 2007, Monsieur Sébastien Amblard, Association
UFC Que Choisir et 1538 autres c. SA Bouygues Telecom. RG n°2006057440; Tribunal de Commerce de Paris
(2ème ch.), 11 mars 2008, Mademoiselle Laure Angot et UFC Que Choisir et 4087 autres intervenants
volontaires c. SA SFR. RG n°2006057417; CA Paris (ch. 5-11), 22 janvier 2010, Abdelli et UFC Que Choisir et
autres c. S.A Bouygues Telecom. RG n°08/09844; Civ. 1ère, 26 mai 2011, UFC Que Choisir et a. c/ SA
Bouygues Telecom. n°10-15676.
1105
Conseil de la Concurrence. Décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées
dans le secteur de la téléphonie mobile.
1106
Article 66 et 325 du code de procédure civile.
1107
Le site est toujours en ligne, ainsi que le calculateur: http://www.cartelmobile.org/ [Accès: 28/08/2011].
1108
G. PATETTA, «L’action de groupe offre un vrai accès à la justice aux consommateurs», Interviews, Easy
Bourse, en ligne : <http://www.easybourse.com/bourse/btp/interview/20/gaelle-patetta-lunion-federale-des-
consommateursque-choisir.html>, accès : 28/08/2011. «Cette affaire illustre les limites du système judiciaire
français. Certes, le Conseil de la concurrence a infligé une amende de 534 millions d’euros à ces opérateurs de
téléphonie mobile, mais l’amende recouvrée par l’Etat n’est pas destinée à réparer le préjudice subi par près de
trente millions d’abonnés qui se sont fait voler près de 1,2 milliards d’euros. Du coup, notre association a décidé,
en juin 2005, d’intenter un procès à l’encontre des trois opérateurs pour obtenir la réparation du préjudice subi
par les consommateurs. Nous avons mis en place un site, cartelmobile.org sur lequel chaque client peut calculer
le surcoût indument payé du fait de l’entente des opérateurs et déposer une requête. A la fin de décembre 2005,
environ 175 000 internautes ont visité le site et plus de 20 000 dossiers ont été créés. Du jamais vu sur le plan
judiciaire. Toutes ces procédures individuelles sont jointes via un mandat confié à un avocat unique. Reste que le
traitement de tous les dossiers requiert des moyens humains et matériels conséquents et que les greffes des trois
tribunaux concernés ont été débordés».
1109
TGI. Paris, 30 avril 2004, Perquin c. Société Universal. RG n°03/8500; CA Paris (4B) 22 avril 2005, Perquin
c. Société Universal, RG n°04/14933: Juris-Data n° 2005-268600, JCP E 2005, 1052, D. 2005, p. 1573, note C.
Castets-Renard. Mais Civ. 1ère 28 février 2006, Perquin c. Société Universal, n°: 05-15824 [Bull. 126], et rejet
sur renvoi: Civ. 1ère 19 juin 2008, Perquin c. Société Universal, n°: 07-14277.
326
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
Cette cassation a entraîné la bérézina de l'affaire des dispositifs anti-copie introduite devant le
Tribunal de Commerce de Paris par M° GOLDNADEL. Cette action a été un désastre puisque
les demandeurs initiaux ont été condamnés solidairement à payer une somme de 183.480
euros au titre de l'article 700. Le Tribunal de commerce, visiblement ulcéré, prononce la
solidarité « vu le rôle déterminant des demandeurs initiaux qui, professionnels du droit, ont encouragé des
interventions volontaires irrecevables »1112.
454. Rejet de l'action Cartel Mobile . Cette affaire maladroite a probablement contribué
au rejet de l'action de l'UFC dans l'affaire cartel mobile, jugée quelques mois plus tard, par le
même Tribunal de commerce de Paris. Les juges consulaires ont motivé leur décision
d'irrecevabilité par l'interdiction du démarchage juridique en retenant que l’UFC Que Choisir
1110
CA Paris (4B) 22 avril 2005, Perquin c. Société Universal, RG n°04/14933. p.16.
1111
Civ. 1ère 28 février 2006, n°: 05-15824: Bull. 126. La Cour de cassation a validé les dispositifs techniques
DRM empêchant la copie privée. Dans son attendu de principe, la Cour indique que «la reproduction des oeuvres
littéraires et artistiques protégées par le droit d’auteur peut être autorisée, dans certains cas spéciaux, pourvu
qu’une telle reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni ne cause un préjudice
injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur».
1112
Tribunal de Commerce de Paris (8ème ch.), 19 septembre 2007, Henry et 699 intervenants volontaires c.
Warner Bros et al. RG n°2005040915.
327
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
avait relancé certains de ses adhérents par voie de courriels personnalisés en vue d’obtenir un
mandat. Le tribunal ont estimé que malgré l'emprunt de la voie de l'intervention volontaire,
l'association ne pouvait pas se soustraire au régime restrictif de l'action en représentation
conjointe, qui interdit la sollicitation d’un mandat par voie de lettre personnalisée. Peu importe
que le mandat ait été sollicité par voie électronique – ce qui n'est pas explicitement interdit par
l'article L422-1 rédigé antérieurement à l'apparition de l'internet – dès lors qu'il s'agit d'un
démarchage juridique illicite. En conséquence de quoi, les juges consulaires se sont appuyés sur
l'adage fraus omnia corrumpit pour justifier la fin de non-recevoir en relevant que
« sauf à faire perdre aux dispositions de l’article L422-1 toute portée, l’infraction à
l’interdiction du démarchage juridique, […] ne peut qu’invalider l’action introduite
en conséquence dudit démarchage par application de l’adage la fraude corrompt
tout »1113.
L’action de l’UFC Que Choisir a ainsi été déclarée irrecevable par une interprétation utile des
dispositions interdisant le démarchage juridique illicite. En filigrane, se lit aussi la crainte d'un
détournement de l'objet associatif dans un but lucratif. Eric BAZIN parle en ce sens d'une
« mercantilisation des consultations juridiques » fournies par les associations de consommateurs »1114. L'UFC
se retrouve dans la position de l'arroseur arrosé, puisqu'elle avait elle-même obtenu la
condamnation pour démarchage illicite de la SARL Classaction.fr. créée en janvier 2005, par
M° Jean-Marc GOLDNADEL1115. Par jugement du 6 décembre 2005, le TGI de Paris a interdit
sous astreinte à la société de proposer en ligne la collecte de mandats de représentation en
justice, comme constitutif de démarchage juridique illicite 1116.
1113
Tribunal de Commerce, Paris (15ème ch.), 6 décembre 2007, Sébastien Amblard, UFC Que Choisir et 1538
autres c. Bouygues Telecom, RG n° 2006057440. Et Tribunal de Commerce de Paris (2ème ch.), 11 mars 2008,
Laure Angot, UFC Que Choisir et 4087 autres intervenants volontaires c. SFR, RG n° 2006057417.
1114
E. BAZIN, «De l'exercice du droit par les associations de consommateurs», Recueil Dalloz, 2001, p. 2395.
1115
La SARL exploite le site internet classaction.fr tendant à faciliter l'exercice d'actions collectives La SARL
offre une assistance technique aux avocats pour gérer un afflux important de clients sur un faisceau d’affaires
parallèles, et permet à tout avocat de mettre en ligne un projet d’action. Toute personne intéressée était invitée à
se joindre aux projets d'actions annoncés, après avoir vérifié si elle présentait les conditions requises, par une
simple inscription en indiquant ses coordonnées et en payant en ligne la partie fixe des honoraires.
1116
TGI Paris 6 décembre 2005 UFC Que Choisir c. Classaction.fr: JCP (G). 2006. II. 10019, p. 270-273 note R.
Martin et D. 2006, p. 141, note Avena-Robardet ; confirmé par CA Paris (1ère ch.), 17 octobre 2006: RLDI
2006/22, n°707; et Civ. 30 septembre 2008, n°06-21400.
328
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
se rattache l'utilisation d'un site internet »1117. La Cour de cassation a approuvé la solution 1118, dans la
lignée de sa jurisprudence AZF1119.
Il n'est pourtant pas évident que le problème principal réside dans l'interdiction du
démarchage juridique illicite. L'autorisation du démarchage ne permettrait pas d'augmenter
sensiblement la participation des consommateurs. De plus, il n'est pas raisonnable d'envisager
la massification des actions civiles au-delà d'une certaine limite. Comme le constate Gaëlle
PATETTA,
456. Affaire REPLICA FOOTBALL KITS. La comparaison avec les difficultés rencontrées par
l'association Which? au Royaume-Uni confirme un phénomène d'apathie indépendant de la
question des moyens médiatiques disponibles pour assurer la sollicitation du mandat. L'article
1117
CA Paris (Ch. 5-11), 22 janvier 2010, UFC Que Choisir, Abdelli et autres c. S.A Bouygues Telecom [Cartel
Mobile]. RG n°08/09844. La Cour retient dans un considérant particulièrement tranchant que: «au-delà de la
régularité formelle de l'assignation introductive d'instance, de l'intervention volontaire de l'UFC Que choisir et de
celles de plusieurs milliers d'abonnés, il est manifeste que, depuis l'origine, l'association […] qui savait ne
pouvoir agir en introduisant l'instance, et qui très rapidement avait pris conscience du caractère très limité du
préjudice individuel de chaque abonné, ce qui ne pouvait que les dissuader d'introduire l'instance en
indemnisation, s'est efforcée d'organiser et d'orchestrer l'assignation et les interventions volontaires des abonnés,
au mépris des interdictions de démarchage et d'appel au public qui y faisaient obstacle».
1118
Civ. 1ère, 26 mai 2011, Union fédérale des consommateurs et a. c/ Sté Bouygues Telecom. n° 10-15676.
1119
Civ. 1ère21 juin 2005, Site internet d’aide aux victimes d’AZF, N°: 03-13633; Cour d’appel de Toulouse, 10
février 2003, Site internet d’aide aux victimes d’AZF, N°: 2002/02213.
1120
G. PATETTA, «1ère table ronde: faciliter l'accès au juge (débats)», in Journée d'étude sur le Livre Blanc,
Colloque de l'AFEC. Paris-II. 13 juin 2008, Revues Concurrences, n°2/2009, n° 25907, p. 25, en ligne :
<www.concurrences.com>. «Nous avons voulu faire un exemple en France: nous avons passé six mois à essayer
de monter un dossier; nous avons dépensé 500 000 euros et nous avons abouti à un jugement du tribunal de
commerce, qui n'est pas notre juge naturel finalement très défavorable. […] Si vous demandez à une association
de consommateurs de demander à chaque consommateur de se manifester, cela devient impossible à gérer en
pratique».
1121
C. PRIETO, «Inciter les actions en dommages-intérêts: le point de vue d'une concurrentialiste», in Le livre
blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes
et les abus de position dominante , AFEC/Paris-II: Paris, 13 juin 2008, Revue Concurrences, 2/2009, n° 25907,
p. 8. «nous sommes tous coupables de l’apathie rationnelle, qui est un phénomène bien connu des économistes.
Même si l’on est conscient de son préjudice, l’on n’a pas intérêt à agir par rapport à l’investissement en coût et
en temps qu’impliquerait une action».
329
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
47B du Competition Act1122 prévoit que les associations de consommateurs agréées peuvent
saisir le Competition Appeal Tribunal d'une demande de réparation conjointe formée au nom
et pour le compte de deux consommateurs au moins. La saisine s'effectue dans les conditions
de l'article 47A sur le fondement d'une décision de condamnation antérieure d'une autorité de
concurrence. Les demandes jointes au sein de l'action introduite par l'association au nom des
consommateurs doivent tendre à la réparation d'un dommage résultant de la même infraction.
Les dommages et intérêts obtenus doivent être versés à la victime, mais le Tribunal peut
décider avec le consentement de chaque victime, que la somme sera versée à l'association de
consommateurs. Le régime britannique apparaît extrêmement proche de l'action en réparation
conjointe.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Deborah PRINCE, directrice du service
juridique de l'association - explique que
« tous les médias ont relayé l'information. Je ne pense pas que qu'une autre
organisation aurait pu assurer une meilleure publicité, à moins d'avoir les noms des
victimes et de leur écrire directement »1123.
L'affaire REPLICA FOOTBALL KITS a montré que moins de 0,1% des victimes s'étaient jointes à
l'action malgré une intense - et onéreuse - publicité. Le problème est en réalité mal formulé.
La technique du mandat exprès ne pourra jamais offrir un outil efficace de réparation
collective, comme permet de le montrer l'étude du droit américain des class actions.
1122
Competition Act 1998, Ch. 41. spec. Sect. 47A – 47 B: "A specified body may […] bring proceedings before
the Tribunal which comprise consumer claims made or continued on behalf of at least two individuals".
1123
Citée in S. STEFANINI, Large-Scale Damages Actions Tested In Europe, Competition Law 360, 3 juillet
2008, en ligne : <www.portfoliomedia.com>, accès : 22/08/2011. "Certainly, for competition law, you need to
think, "Who's going to bring a redress action on behalf of consumers?" I don't actually know because we would
think twice about doing it under an opt-in system. Which? is incredibly well know in the U.K., so when we had
our launch it was all over the news. I don't think anybody could have done a better job in actually publicizing the
action, short of having the claimants' names and writing to them directly. Traditionally, in competition breaches,
there are lots and lots of people who have been harmed, but probably not by that much money. Litigation is time
consuming and expensive, so unless you can be pretty sure you're going to be successful, I don't think you would
want to do it […] the case illustrated how costly and ineffective private action under the current U.K. system can
be ".
330
CHAP. 5 : MARCHANDS DE PROCÈS
457. La première utopie rencontrée repose sur une proposition libérale d'indemnisation
collective par l'effet du développement du marché des créances délictuelles. L'agrégation des
demandes d'indemnisation dans un procès collectif est obtenue par le rachat des créances
délictuelles appartenant aux acheteurs directs, par des sociétés spécialisées de rachat de
recouvrement qui financent le procès et spéculent sur le montant des dommages et intérêts qui
pourraient être versés par les auteurs d'infraction. Cette vision postmoderne du commerce du
procès ressuscite en réalité l'ancienne figure réprouvée du pacte de quota litis. Le montage a été
validé par les juridictions néerlandaises et allemandes. Le Tribunal de Commerce de Paris s'est
prudemment gardé d'examiner une demande de nullité. L'opération de quota litis suscite des
interrogations sur la licéité de son objet et sur l'application du régime du retrait des droits
litigieux. Le respect des obligations déontologiques des avocats fondateurs de ces sociétés est
également mis en question.
Mais peu importe, au fond, car le modèle juridico-économique mis en place par ces sociétés de
recouvrement spécialisées ne peut s'appliquer qu'à des créances de forte valeur. La technique
de la cession de créances est donc incapable de fournir une réponse au problème de la
répercussion. Les instances engagées sont toujours pendantes, sans qu'il soit possible de
prédire leur issue. Séduisantes en théorie, leurs résultats pratiques pourraient s'avérer
décevants.
458. La seconde utopie concerne les recours collectifs fondés sur un mandat exprès de
représentation (mécanisme d'opt-in), telle que l'inefficace action en représentation conjointe du
Code de la Consommation. Cette utopie repose sur l'idée erronée que la complexité, le coût et
le défaut d'information sont les obstacles principaux à l'action collective des consommateurs. Il
est possible de montrer que les mécanismes d'opt-in sont voués à l'échec en raison du
phénomène d'apathie rationnelle des consommateurs. Une procédure de réparation conjointe
aboutissant à une compensation individuelle dérisoire de quelques euros, ne présente aucun
effet dissuasif pour l'auteur de l'infraction dès lors que la masse totale des demandes
individuelles reste inférieure – par construction - au gain illicite. Il faut alors considérer la
possibilité de se tourner vers des mécanismes d'opt-out, fondés sur la représentativité,
permettant de réclamer restitution de l'ensemble du préjudice abstrait subi par une catégorie de
personnes.
331
CHAP. 6 : PROCUREUR PRIVÉS
459. Opter ou ne pas opter, telle n'est pas la question1124. La Commission a lancé une
consultation sur le recours collectif, tendant à imaginer des procédures nouvelles d'actions en
faveur de victimes identifiables, qui n'est pas encore parvenue à son terme. Le remplacement
du mandat exprès de représentation par un mandat implicite fondé sur la représentativité
conduit à confier à des personnes privées une capacité d'action qui appartient aux personnes
publics. L'acteur représentatif est un procureur privé qui agit au nom d'une classe de personnes
non identifiées. En droit positif français, cette figure du procureur privé se retrouve à
l'identique dans l'action des associations en réparation des atteintes portées aux intérêts
collectifs qu'elles représentent. L'action représentative existe d'ores et déjà en droit positif sous
la forme de l'action en défense de l'intérêt collectif. L'existence d'un mécanisme autochtone de
représentativité collective amène à douter de la nécessité d'une intervention législative créant
une nouvelle procédure.
1124
J. STUYCK, «Class Actions in Europe? To Opt-In or to Opt-Out, that is the Question», European Business
Law Review, 2009, vol. 20, n° 4, p. 483.
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
Il existe une croyance selon laquelle le mécanisme de l'opt-out résoudrait – comme par magie –
le problème de l'identification individuelle des victimes. La levée du principe selon lequel Nul
ne plaide par procureur suffirait à mettre sur pied un mécanisme efficace d'exercice collectif de
l'action en réparation individuelle. En réalité, la nécessité de l'identification individuelle est
seulement déplacée du stade de l'introduction de l'action au stade de la distribution des
dommages et intérêts. Il ne peut pas y avoir de réparation individuelle sans identification
individuelle.
462. Apathie rationnelle . La class action prévoit des facilités procédurales d'identification
bien supérieures à la procédure civile française, puisque le juge peut ordonner toutes mesures
de publicité et d'information des bénéficiaires potentiels de la décision. La class action réduit la
1125
V. notamment le colloque Les "class actions" devant le juge français: rêve ou cauchemar?, Paris, 18
novembre 2004, 10 juin 2005, n° 115. G. CANIVET, «Introduire l'action collective est une évolution
inéluctable», La Tribune, 16 mai 2006. S. GUINCHARD, «Une class action à la française?», Recueil Dalloz,
2005, p. 2180. F. CABALLERO, «Plaidons par procureur! De l'archaïsme procédural à l'action de groupe»,
Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1985, p. 247. E. PUTMAN, «Scénario pour une class action à la française»,
Droit et Procédures, n°6 Nov.-Déc. 2005, p. 321. J.-J. HYEST, Rapport d’information sur les class actions,
Sénat, 14 mars 2006. J. CALAIS-AULOY, Propositions pour un nouveau droit de la consommation, Commission de
refonte du droit de la consommation, Rapport au ministre de la consommation, La Documentation française, 1985. J.
CALAIS-AULOY, «Les actions en justice des associations de consommateurs», Recueil Dalloz, 1988, chron.,
p. 193. J. CALAIS-AULOY, «Pour mieux réparer les préjudices collectifs, une class action à la française»,
Gazette du Palais, 2001, p. 1478. S. CABRILLAC, «Pour l’introduction de la class action en droit français»,
Les Petites Affiches, 18 août 2006, p. 4. D. FENOUILLET, «Premières remarques sur le projet de loi en faveur
des consommateurs ou comment un inventaire à la Prévert dissimule mal l’asphyxie de l’action de groupe»,
Recueil Dalloz, 2006, Chron., p. 2987. L. GAUDIN, «L'introduction d’une action de groupe en droit français :
présentation du projet de loi en faveur des consommateurs», Les Petites Affiches, 17 janvier 2007, n° 13, p. 3. G.
JAHAN, «Doit-on importer les class actions en France pour mieux défendre le consommateur?», Gazette du
Palais, 19 octobre 2006, n° 292, p. 20. B. LE BARS, «Introduction en droit français d’une procédure d’action
collective : quand la régulation se fait judiciaire», Bulleton Joly Sociétés, 2005, §185. M. LIPSKIER, «Les
entreprises peuvent-elles profiter de l’introduction des class actions en droit français?», Semaine Juridique
édition Entreprises, 2005, doctrine, p. 675. D. MAINGUY, «à propos de l'introduction de la class action en droit
français», Recueil Dalloz, 2005, p. 1282. D. MAINGUY, «L'introduction des class actions en France», Gazette
du Palais, 2005, doctrine, p. 307. Y. PICOD, «Le charme discret de la class action», Recueil Dalloz, 2005,
p. 657.
1126
L'ouvrage de référence en matière de class actions: H. B. NEWBERG, W. RUBENSTEIN et A. CONTE,
Newberg on Class Actions, 4 éd., Shepards/Mcgraw-Hill, 2011.
1127
G. CERUTTI et M. GUILLAUME, Rapport sur l'action de groupe, Ministère de l'Economie et des Finances,
Ministère de la Justice, La Documentation Française, 16 décembre 2005, p. 28.
333
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
procédure d'indemnisation individuelle à sa plus simple expression. Dans certains cas, il suffira
d'adresser un courrier sans qu'il soit réclamé aucun justificatif particulier.
L'expérience montre cependant que l'inertie des victimes ne peut jamais être complètement
vaincue ou contournée. Dans la plupart des cas, le dommage infime et diffus causé par une
infraction de concurrence ne pourra tout simplement pas faire l'objet d'une indemnisation
individuelle des consommateurs lésés, à défaut de manifestation de leur part. Pour
paraphraser : De minimis non curant consummatores.
En pratique, la class action américaine se résout par la distribution fluide du gain illicite en vue
de parvenir à une indemnisation approximative (§1). Le mécanisme procédural altère la
substance même de l'action qui acquiert une fonction répressive (§2).
463. L'indétermination des bénéficiaires du jugement sur la class action (I) implique la mise en
place de mécanismes de distribution fluide des dommages et intérêts (II).
464. Le problème de l'indétermination des bénéficiaire – qui est une conséquence mécanique
de l'adoption du mécanisme d'opt-out – apparaît dès les premiers applications de la réforme de
1966, dans l'affaire des ANTIBIOTIQUES (A) et dans l'affaire EISEN (B).
334
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
465. Origines. Aux Etats-Unis, l'action représentative émerge comme une exception en
Equity1128 à la règle d'identification des parties 1129, lorsque les parties sont si nombreuses qu'il
serait impossible en pratique de les amener devant la Cour. Dès l'origine, le jugement rendu sur
l'action représentative est un jugement collectif dont les parties absentes qui sont réputées
représentées peuvent se prévaloir1130. Toutefois, les parties absentes ont toujours la possibilité
de former - a posteriori - un recours individuel en réformation. Les trois premières
codifications fédérales de 1842, 1912 et 1938 prévoient que le jugement est rendu sur l'action
représentative « sans préjudice des droits et demandes de toutes les parties absentes »1131. Le jugement
rendu sur l'action représentative lie les parties absentes « comme si elles avaient été présentes devant la
Cour »1132, sauf pour ces dernières à contester avoir été « adéquatement représentées »1133. Dans son
état initial, l'action représentative est donc une action de classe avec une faculté d'opt-out a
posteriori pour les parties absentes qui parviennent à établir un défaut de représentation
adéquate.
1128
L'Equity est originellement en Angleterre une voie de recours extraordinaire permettant de réduire les
conséquences injustes d'une solution de Common Law soumise à la stare decisis du précédent. La distinction
entre les règles de l'équité et du droit s'est perpétuée dans tous les pays de Common Law.
1129
S. T. SPENCE, «Looking Back . . . In a Collective Way. A short history of class action law», Business Law
Today, American Bar Association, July/August 2002, vol. 11, n° 6, en ligne : <www.americanbar.org>. « Rule
23 Federal Rules of Civil Procedure is descended from an equitable exception to the necessary party rule».
1130
United States Circuit Court Rhode Island, Nov. 1820, William West v. Job Randall and Jeremiah Phillips.
1131
United States. Federal Equity Rules (1842). Rule 48 : «Where the parties on either side are very numerous,
and cannot, without manifest inconvenience and oppressive delays in the suit, be all brought before it, the court
in its discretion may dispense with making all of them parties, and may proceed in the suit, having sufficient
parties before it to represent all the adverse interests of the plaintiffs and the defendants in the suit properly
before it. But in such cases the decree shall be without prejudice to the rights and claims of all the absent parties»
1132
United States Supreme Court, Décember 1853, Smith v. Swormstedt. 57 U.S. 288. L'affaire concernait la
scission de la Methodist Episcopal Church dans les prémices de la Guerre de Sécession. Les méthodistes du sud
esclavagiste s'était séparé des méthodistes du nord abolitionniste. La technique de l'action représentative permet
d'assurer la répartition des actifs entre les deux églises sans personnalité juridique issues de la scission. Cf. p.
302 – 303: «The rule is well established, that where the parties interested are numerous, and the suit is for an
object common to them all, some of the body may maintain a bill on behalf of themselves and of the others […]
Where the parties are very numerous, […] that it would not be possible, without very great inconvenience, to
make all of them parties […] For convenience, therefore, and to prevent a failure of justice, a court of equity
permits a portion of the parties in interest to represent the entire body, and the decree binds all of them the same
as if all were before the court».
1133
United States Supreme Court. Nov. 12th 1940. Hansberry v. Lee. 311 U.S. 32. «It is a principle of general
application in Anglo-American jurisprudence that one is not bound by a judgment in personam in a litigation in
which he is not designated as a party or to which he has not been made a party by service of process. To these
general rules there is a recognized exception that […] the judgment in a ‘class' or ‘representative’ suit, to which
some members of the class are parties, may bind members of the class or those represented who were not made
parties to it. […] It is familiar doctrine of the federal courts that members of a class not present as parties to the
litigation may be bound by the judgment where they are in fact adequately represented by parties who are
present».
335
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
23(c) des Federal Rules of Civil Procedure (FRCP) dispose que le class judgment lie les membres
de la classe qui n'ont pas demandé - a priori - leur exclusion1134. L'objectif de la réforme de 1966
est simplement de fermer les voies de recours contre le jugement collectif aux parties absentes
qui n'ont pas expressément demandé l'exclusion avant que le jugement soit rendu. Le juge va
ainsi pouvoir condamner les auteurs d'infraction à une indemnisation abstraite à l'égard de
l'ensemble des membres théoriques de la classe. La class action change de nature mais surgit alors
immédiatement le problème de la distribution des dommages et intérêts à des bénéficiaires
inconnus.
468. Class action publique. C'est dans ce contexte que l'État du Texas a formé le premier
- en août 1967 - une demande de réparation civile dans le cadre d'une action de classe pour le
compte des entités publiques du Texas ayant acheté des antibiotiques à large-spectre. La
décision de condamnation criminelle du 29 décembre 1967 déclenche alors un véritable
tsunami judiciaire. Tous les autres États américains, et diverses villes, engagent une action de
classe tendant à l'indemnisation du dommage causé par la fixation du prix de la tétracycline
utilisée dans les hôpitaux publics.
1134
Federal Rules of Civil Procedure Rule 23(c): «binding effect of a class judgment on members under rule
23(c)(3) [those the court finds to be class members who have not requested exclusion]».
1135
United States District Court, S.D. New York. June 24, 1970. STATE OF WEST VIRGINIA v. CHAS.
PFIZER & CO. [antibiotic drug antitrust actions]. 314 F.Supp. 710. En appel: United States Court of Appeals,
Second Circuit. March 29, 1971. STATE OF WEST VIRGINIA v. CHAS. PFIZER & CO. 440 F.2d 1079.
L'affaire débute en 1952 avec le développement par le laboratoire Pfizer d'un antibiotique à large spectre: la
tétracycline. Pfizer dépose un brevet en octobre 1952 (le brevet Conover). La tétracycline est obtenue par
modification de chlortétracycline - un autre antibiotique moins efficace - dont le brevet est détenu par Cyanamid
(le brevet Duggar) et commercialisée sous le nom d'auréomycine. Les deux brevets se neutralisaient empêchant
toute exploitation de la tétracycline à défaut d'accord entre Cyanamid et Pfizer. Les deux fabricants conclurent
donc un contrat de licence réciproque en novembre 1953 par lequel Cyanamid obtenait une licence du brevet
Conover en contrepartie de laquelle Pfizer obtenait une licence sur le brevet Duggar. Par la suite en 1955, Pfizer
concéda une licence à trois autres firmes pharmaceutiques.
1136
United States District Court S.D. New York. UNITED STATES of America v. CHAS. PFIZER & CO. 281
F.Supp. 837.
336
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
469. Transaction. Face au risque civil aggravé par le triplement des dommages et intérêts,
les firmes pharmaceutiques proposent une transaction d'un montant de $100 millions, le 6
février 1969. Le surcoût était estimé, dans le cadre de la transaction à 40%. La difficulté
consistait à distribuer cette somme entre trois classes hétérogènes: la classe des entités
publiques comprenant notamment les hôpitaux acheteurs d'antibiotiques, la classe des
intermédiaires grossistes et détaillants qui avaient répercuté le surcoût, et finalement la classe
des consommateurs finaux acheteurs individuels des antibiotiques qui avaient effectivement
acquitté la surcharge.
470. Règles de distribution . S'agissant de cette dernière classe composée de victimes non-
identifiées, la Cour ordonne la publication de l'action de classe dans tous les quotidiens,
anglophones ou hispanophones, dans chaque État, le 1er juillet 1969. Les consommateurs
étaient informés qu'ils disposaient d'un délai de 1 mois pour s'exclure de la classe, et d'un délai
de 45 jours pour formuler une demande d'indemnisation. Passé ce délai, le procureur général de
l'État pouvait disposer du reliquat des sommes non-distribuées au bénéfice général des
citoyens1137. Le Tribunal perfectionne le mécanisme d'opt-out issu de la règle 38 en prévoyant
que le silence des consommateurs lésés vaut consentement pour le reversement au profit du
Trésor Public. La solution a été confirmée en appel 1138.
1137
United States District Court, S.D. New York. June 24, 1970. STATE OF WEST VIRGINIA v. CHAS.
PFIZER & CO: "If you do not make an individual claim by August 16, 1969, that will constitute an authorization
to the Attorney General to utilize whatever money he may recover as your representative for the benefit of the
citizens of your State in such manner as the Court may direct".
1138
United States Court of Appeals, Second Circuit. March 29, 1971. STATE OF WEST VIRGINIA v. CHAS.
PFIZER & CO. 440 F.2d 1079 "Since under the revised rule those in a (b) (3) class who do not elect to opt out
will be bound by the judgment, it is difficult to see how those who do not receive notice but on whose behalf
damages are awarded to the state are in any way harmed by permitting the use of this procedrure. To require
those who wish to authorize the state to recover for them to affirmatively notify the court to this effect would
obviously, as a practical matter, be likely to reduce the amount of these recoveries to a minimum"
337
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
M. Morton Eisen est un petit porteur agissant contre le New-York Stock Exchange et les deux
principales firmes de courtage de lots fractionnés (odd lots)1140. M. Eisen alléguait l'existence
d'une entente anticoncurrentielle entre les deux firmes de courtage Carlisle & Jacquelin, d'une
part et DeCoppet & Doremus d'autre part, tendant à la fixation du prix des frais de courtage
de lots fractionnés. En conséquence, M. Eisen prétendait agir en tant que partie représentative
de la classe des investisseurs ayant opéré sur le New York Stock Exchange (NYSE) et ayant
acquitté des frais supplémentaires de courtage de lots fractionnés 1141.
473. Un préjudice dérisoire. Pour les transactions inférieures à 100 titres, les courtiers
appliquaient des frais supplémentaires sur la commission normalement perçue. Selon M. Eisen,
les frais de courtage pratiqués étaient excessifs. En 1966, les frais s'élevaient à 25 cents par titre.
1139
United States District Court New York., 27 Septembre. 1966, Eisen v. Carlisle & Jacquelin: 41 F.R.D. 147.
1140
Les actions sont négociées par lots comportant une quantité déterminée d'unités. Lorsque la transaction porte
sur une quantité de titres insuffisantes pour former un lot, le lot est alors qualifié de fractionné.
Traditionnellement, à la bourse de New-York, les lots sont des multiples de 100 ("round lots"). "Odd lots"
désigne par conséquent une quantité de titres unitaires inférieure à 100.
1141
M. Eisen s'est d'abord heurté à une fin de non-recevoir de l'action de classe au motif qu'il ne satisfaisait pas
aux nouvelles conditions de la règle 23(a) imposant de représenter justement et adéquatement l'ensemble de la
classe. Par décision avant dire droit, le juge Tyler a considéré que la demande introduite par M. Eisen ne pouvait
être maintenue dans le cadre d'une action de classe faute de représentativité: United States District Court S. D.
New York. Sept. 27, 1966. EISEN v. CARLISLE & JACQUELIN. 41 F.R.D. 147. Held "the action could not be
maintained as a class action because the investor could not fairly and properly represent other members of the
class." L'ordonnance a été annulée en appel: United States Court of Appeals Second Circuit. March 8, 1968.
EISEN v.CARLISLE & JACQUELIN. 391 F.2d 555.
338
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
Le préjudice total allégué par M. Eisen était d'environ $70. Très spectaculairement, le juge Tyler
ordonne aux défendeurs de supporter 90% des frais de publication de la notice d'information et
estime pouvoir procéder à une évaluation globale du dommage préalablement à
l'enregistrement des demandes individuelles d'indemnisation. Les défendeurs opposaient qu'il
subsisterait en tout état de cause un important reliquat compte tenu de la modicité du
préjudice. Le juge Tyler a suggéré que les problèmes de distribution individuelle pouvaient être
résolus par une application de la doctrine cy-près en ordonnant une réduction des frais de
courtage jusqu'à épuisement (disgorgement) du profit illicite1142.
474. Le renversement en appel . Mais ce succès a été renversé en appel, par une
« interprétation mécanique et antipathique de la règle 23 »1143 constatant que l'action de classe était
irrecevable au motif que la distribution individuelle des dommages et intérêts éventuellement
obtenus serait impraticable, faute de pouvoir identifier les six millions de membres de la
classe1144. Le juge Medina souligne que dans l'affaire EISEN - à la différence de l'affaire des
ANTIBIOTIQUES - en l'absence de transaction, le problème qui se pose n'est pas celui de la
distribution mais de la responsabilité: « Ici, il n'y a aucun fonds, aucune transaction. Tous les points de
droits sont contestés et plaidés »1145.
475. Distribution fluide punitive. Pour le juge Medina, l'action de classe est
désespérément ingérable et la théorie de la réparation fluide n'a été utilisée qu'en dernier
recours pour essayer de sortir l'action de classe du « bourbier »1146. Le juge Medina réfute la
transposition de la réparation fluide dans l'affaire Eisen, tout simplement parce que la
distribution fluide revient en fait à octroyer au juge civil un pouvoir de régulation et de
1142
United States District Court, S. D. New York. April 7, 1971. EISEN v. CARLISLE & JACQUELIN. 52
F.R.D. 253.
1143
M. KAY KANE, «§ 1784: Problems in Administering Judicial Relief,», in Federal Practice & Procedure ,
sous la dir. de C. A. WRIGHT et A. R. MILLER, 3 éd., Westlaw, 2011.
1144
United States Court of Appeals, Second Circuit. May 1, 1973. EISEN v. CARLISLE & JACQUELIN. 479
F.2d 1005. "On appeal the Court of Appeals, Medina, Circuit Judge, held that odd-lot investor's treble damage
claim which he sought to maintain on behalf of himself and all other odd-lot investors dealing with New York
Stock Exchange, a class of approximately 6,000,000 persons of whom about 2,000,000 were easily identifiable,
was not maintainable as a class action under rules regardless of the fluid class recovery theory, and action was
not manageable."
1145
Court of Appeal Eisen (1973) préc. : "Judge Wyatt's extraordinary feat of judicial administration in carrying
out the terms of the one hundred million dollar settlement in the Drug Cases deserves all the praise it has
received. But it was a consensual affair made possible by the agreement of the parties and without objection to
the assumption by the District Court of jurisdiction to accept and administer the fund. Here we have no fund.
There is no settlement. Every issue is contested and litigated."
1146
Court of Appeal Eisen (1973) préc. : "the class action was hopelessly unmanageable. So Judge Tyler tried to
pull the case out of this morass by resorting to the “fluid recovery,” which had been used as a vehicle for
carrying out a voluntary settlement in the Drug Cases"
339
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
répression, qui appartient normalement à la Securities Exchange Commission (SEC) et qui n'a
rien à voir avec la réparation. Selon l'arrêt:
« le concept de réparation fluide est très simple. Ayant déterminé qu'aucune voie
concevable ne permettrait à un nombre substantiel de demandeurs individuels d'être
jamais payés, le concept de "classe dans son ensemble" est substitué aux six millions
de membres individuels qui la compose. D'une certaine manière, il sera possible
d'évaluer le dommage à "la classe dans son ensemble" et les défendeurs – comme cela
semble être supposé – paieront rapidement cette énorme somme d'argent à la Cour.
Avec l'argent en main, l'affaire commence à ressembler davantage au cas des
antibiotiques […] mais il est quelque peu évident qu'une large part des six millions
de demandeurs originels ne recevront rien et que beaucoup d'autres courtiers qui
n'ont eu aucune activité entre 1962 et 1966 recevront une indemnisation. À notre
connaissance, il n'y a jamais eu, et il ne pourra jamais y avoir, une estimation
fiable, ou seulement rationnelle, du nombre de courtiers qui opéraient durant cette
période et qui sont encore en activité après que dix ans se soient écoulés. Comme il
peut être présumé que peu de demandes individuelles de remboursement seront
introduites, le reliquat sera très important et devra être utilisé dans l'intérêts des
courtiers de lots fractionnés en général en réduisant les frais de courtage. Nous
sommes un peu perdu pour comprendre exactement comment il sera parvenu à ce
résultat. Nous considérons que le pouvoir de fixer les frais de courtage a appartenu
de tous temps à la Securities Exchange Commission. Aucun juge civil ne détient un
tel pouvoir ».
Cette solution a été critiquée au motif qu'elle négligeait le fait que l'entreprise auteur de
l'infraction en avait retiré un profit illicite. On trouve ainsi dans la Harvard Law Review l'idée
selon laquelle la distribution constitue un mécanisme de compensation indirecte qui ne sert
pas une fonction « purement compensatoire, mais qui peut être justifié comme une mesure
prophylactique de dissuasion des violations du droit de la concurrence »1147. Cet arrêt
condamne durablement le concept de distribution fluide qui refait surface une décennie plus
tard dans l'affaire Levi's.
1147
Harvard Law Review, «MANAGING THE LARGE CLASS ACTION: EISEN V. CARLISLE &
JACQUELIN», December 1973. «It should not be overlooked that by hypothesis the corporate defendant has
profited by illegal activity which has injured others. The rational connection between the group injured — prior
traders — and those who will benefit from the damage award — future traders — suggests that the fluid
recovery is justifiable as a compensatory mechanism even though the correlation between the two groups is
imperfect. Moreover, while compensatory damages are the norm in civil actions, it is recognized that such
actions may validly serve a deterrent function as well. Indeed, antitrust violations are considered serious enough
to merit punitive damages; thus, the fluid recovery, to the extent that it does not serve a purely compensatory
function, may be justified as a prophylactic measure to discourage violations».
340
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
A- Affaire Levi's
476. Cy-pres doctrine. La théorie de la distribution cy-pres est une théorie jurisprudentielle
de Common Law dégagée originellement en matière de trust. Lorsque l'objet du trust a cessé
d'être possible, le juge peut autoriser une modification « aussi près que possible » de l'objet initial.
Ainsi dans l'affaire séminale restée célèbre Jackson Vs. Phillips 1148, le testateur M. Jackson,
décédé en 1861, au début de la guerre de Sécession, avait confié une somme de dix mille dollars
à M. Phillips en vue de créer un sentiment favorable à l'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis
et l'aide aux esclaves fugitifs1149. Son souhait s'est réalisé quatre ans plus tard à la fin de la
guerre, avec l'adoption du treizième amendement à la Constitution 1150. Le changement des
circonstances laissait le trust sans objet. La Cour du Massachusetts statuant en Equity a décidé
que lorsque l'objet d'un trust ne pouvait plus être réalisé selon les souhaits du légataire en
raison du changement des circonstances postérieur à la mort du testateur, il peut être ordonné
en justice de nouvelles modalités d'exécution du trust, aussi près que possible des intentions
originelles du légataire1151. Ce raisonnement est transposable dans le contentieux des class actions
en matière d'infraction au droit de la concurrence, et dans le contentieux de la class action en
général.
1148
United States. Massachusetts Supreme Court. January 1867. EDMUND JACKSON vs. WENDELL
PHILLIPS & others. 96 Mass. 539. En ligne: http://masscases.com/cases/sjc/96/96mass539.html
1149
Le legs de M. Jackson stipule: «I give and bequeath to […] Wendell Phillips [...] ten thousand dollars […]
for the preparation and circulation of books, newspapers, the delivery of speeches, lectures, and such other
means, as, in their judgment, will create a public sentiment that will put an end to negro slavery in this country
[and] two thousand dollars […] for the benefit of fugitive slaves who may escape from the slaveholding states of
this infamous Union from time to time».
1150
Constitution des Etats-Unis d'Amérique. Treizième Amendement. 6 décembre 1865. En ligne:
http://www.archives.gov/exhibits/charters/constitution.html
1151
Arrêt préc. Recueil des arrêts Mass. Vol. 96 p. 540: "When a valid bequest to trustees for charitable purposes
described in the will cannot, by reason of a change of circumstances after the testator's death, be carried out
according to his directions, this court has jurisdiction in equity to order it to be executed as nearly as possible
according to his expressed intent".
1152
United States. Supreme Court of California. March 20, 1986. State v. Levi Strauss & Co. (41 Cal. 3d 460).
En ligne: http://law.justia.com/cases/california/cal3d/41/460.html
1153
La Federal Trade Commission (FTC) est une agence indépendante du gouvernement des États-Unis, créée en
1914 par le Federal Trade Commission Act, chargée de l'application du droit de la consommation et du contrôle
des pratiques anticoncurrentielle.
341
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
478. Transaction. Entre le mois de mars et juin 1978, le procureur général et Levi's ont
négocié une première transaction, pour un montant de $3,5 millions, devant être distribués aux
consommateurs au prorata du nombre de paires de jeans achetées. En juin 1978, le procureur
général a introduit une class action en réparation du dommage causé par la fixation du prix des
jeans sur la période 1972-1975, et notifié à la Cour l'accord transactionnel obtenu. Toutefois,
doutant des chiffres de vente fournis par Levi's, l'accord a été abandonné durant l'automne
1978, et le procureur a demandé une mesure de discovery. En janvier 1980, le procureur a
demandé la certification d'une classe consistant dans l'ensemble des résidents californiens ayant
acheté une paire de jeans de la marque Levi's entre 1972 et 1975. La classe était estimée
regrouper au moins 7 millions de consommateurs. Un deuxième accord a été trouvé prévoyant
qu'en cas de certification Levi's paierait $12.25 millions qui devraient faire l'objet d'une
distribution individuelle. La Cour a certifié la classe en juillet 1980 et le procureur a obtenu
l'homologation de la transaction. Les coûts de distribution étaient estimés à $2.2 millions. Le
procureur a été chargé de l'élaboration des modalités de distribution individuelle. En outre, il a
été décidé que le bureau du procureur recevrait $1.2 millions à titre d'honoraires.
1154
George Deukmejian a été élu Gouverneur de Californie en 1982 pour le parti Républicain. En ligne:
http://en.wikipedia.org/wiki/George_Deukmejian
342
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
480. Critiques. Le plan a été vivement critiqué par des intervenants volontaires à la
procédure, représentés par Robert Gnaizda, avocat fondateur de la firme Public Advocates 1155.
Robert Gnaizda demandait le rejet du plan du procureur Deukmejian principalement au motif
que la distribution individuelle n'assurait qu'une réparation modique pour des personnes dont il
était impossible de vérifier qu'ils avaient effectivement acheté une paire de jeans. La mise en
œuvre de mesures de vérification entraînerait un coût prohibitif, aboutissant en fait à distribuer
le remboursement à une large fraction de personnes n'ayant subi aucun préjudice. Bernice
Rothman Hasin souligne dans sa thèse que la mise en place de mesures de vérification est
impossible à une si large échelle pour un préjudice aussi minime, dans la mesure où leur coût
vient diminuer d'autant la masse des dommages et intérêts distribuables1156.
481. Contexte politique. À cette critique d'efficacité s'ajoute une critique politique. Le
procureur général George Deukmejian était sur le point d'annoncer sa candidature à l'élection
au poste de gouverneur de Californie pour le parti Républicain lorsqu'il propose son plan en
1981. Le plan de distribution fournissait une publicité politique gratuite – et quelque peu
démagogique – en mettant en scène le futur candidat à la télévision distribuant de "l'argent de
poche" à ses électeurs potentiels. Robert Gnaizda déclara en ce sens que le premier bénéficiaire
de la procédure était le procureur général Deukmejian qui se voyait offrir une publicité valant
des millions pour la course au gouvernorat 1157, outre les $1.2 millions reçus par son bureau à
titre d'honoraires.
1155
Public Advocates Incorporated est une structure d'exercice de la profession d'avocat fondée en 1970 par
Robert Gnaizda, J. Anthony Kline, Sid Wolinsky and Peter Sitkin. L'objectif de cette société est d'assurer la
représentation et l'accès au droit des pauvres et personnes de couleur. En ligne: http://www.publicadvocates.org
1156
B. ROTHMAN HASIN, Consumers, commissions, and Congress : law, theory, and the Federal Trade
Commission, 1968-1985, New Brunswick : Transaction Books, 1987, [University of California], 236 p.
(voir 200). ["Robert Gnaizda said there were no provisions to weed out bogus claims and that so many people
filed claims, the refunds will amount to about 33 cents each. Did anyone, it is tempting to wonder, ask how much
it would cost the taxpayer to weed out bogus claims?"]
1157
United Press International, «Judge approves Levi settlement», Lodi (California) News-Sentinel, 20 may
1981, p. 25, en ligne : <http://news.google.com>, accès : 08/09/2011. "Public Advocates attorney Robert L.
Gnaizda said after the ruling was made that "the primary beneficiary of the settlement is going to be the Attorney
General". Judge Brown's choice of Attorney General George Deukmejian's settlement plan will be worth
"millions in advertising" for the all but annouced candidate for governor, Gnaizda said. Consumer groups have
called the settlement a fraud, and asked Brown to approve an alternate plan, in which the funds would be used to
fight future consumer battles"
343
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
484. Approbation du plan Gnaizda . La Cour Suprême de Californie fut ainsi saisie par
Robert Gnaizda qui maintint sa demande d'affectation du reliquat des sommes non-distribuées
à un trust de défense des consommateurs. Par un arrêt spectaculaire du 20 avril 1986, la
décision rendue par Chief Justice Bird entérine la solution selon laquelle la distribution fluide -
par affectation à un trust - constitue une méthode disponible d'affectation des dommages et
intérêts dans le contentieux des class actions en droit de la concurrence, complémentairement à la
1158
Associated Press, «Levi's refund may not fill consumer pockets», Merced Sun Star, 6 avril 1981, p. 15. «A
novel scheme to refund overcharges in the price of Levi's jeans to consumers may lead to only a 33 cent refund
for each pair of jeans purchased, officials say. A letter sent by the state to all california residences had promised
up to two dollars per pair, but officials says so many requests for refunds have been received that the refund will
be as little as 33 cent. No proof of purchase is required to claim the refunds. "Some people are filing for 200 to
300 jeans" said Robert Gnaizda, a lawyer with Public Advocates. "People are just committing fraud, and the
State is encouraging it."»
1159
Selon les chiffres fournis par le bureau du procureur, 24% des demandes alléguaient l'achat de plus de 10
paires de jeans sur la période, 12% plus de 15, 5% plus de 21 et 1% plus de 35. Le procureur recommandait de
traiter comme suspect le 1% des demandes supérieurs à 35 comme suspectes et exclues de l'indemnisation. La
Cour Supérieure approuva la transaction par décision du 15 mai 1981 et retint que 5% des demandes supérieures
à 21 paires devaient être traitées comme suspectes.
1160
Public Advocates, «California Trust Offers Promising Weapon for Consumers (9 avril 1986)», Archives: in
the public interest, Ralph Nader Org., en ligne : <http://www.nader.org>, accès : 08/09/2011. "Gnaizda expects
other courts to place ill-gotten corporate gains into this or similar trust funds thereby creating strong,
permanently financed consumer protection institutions to deter or correct future corporate wrongdoing".
344
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
Selon les lignes directrices de Chief Justice Bird, dans le choix d'une méthode de distribution
appropriée, les tribunaux devraient tenir compte du montant global des dommages et intérêts
distribuables, du montant individuel des dommages et intérêts distribués, du montant des frais
de distribution, et du montant du « débordement » (spillover) des dommages et intérêts à
l'extérieur de la classe des victimes de l'infraction. La décision souligne que quoique
l'utilisation du reliquat de dommages et intérêts non-distribués soit à la discrétion des juges,
son affectation dans un trust de consommateurs destiné au financement d'actions futures
apparaît comme une solution opportune afin de fournir une « compensation indirecte » aux
membres silencieux de la classe tout en assurant l'efficacité du droit de la concurrence.
485. Portée politique. Politiquement, la décision de Chief Justice Bird a été interprétée
comme un camouflet personnel pour le Gouverneur Deukmejian 1163, et lui a valu d'être évincée
de la Cour Suprême de Californie 1164. Cette solution spectaculaire a également suscité l'ire d'une
partie de la doctrine américaine pourfendant « l'expansion consumériste du contentieux de la
1161
United States. Supreme Court of California. March 20, 1986. State v. Levi Strauss & Co. (41 Cal. 3d 460).
En ligne: http://law.justia.com/cases/california/cal3d/41/460.html
1162
Arrêt Levi's préc. : ["Today's ruling will serve as a source of guidance for both the trial court on remand and
for other courts in confronting the largely uncharted area of fluid recovery in consumer class actions […] In
choosing the appropriate method, they should consider the amount of compensation provided to class members,
the proportion of class members sharing in the recovery, the size and effect of the spillover to nonclass members,
and the costs of administration. The disposition of the residue on remand is a matter within the discretion of the
trial court. However, it should be noted that under the criteria set forth here, amici's suggestion that the residue
should be used to establish a consumer trust fund has considerable merit. Amici's consumer trust fund plan […]
would provide some indirect compensation for silent class members, while ensuring that the residue of the
recovery is used on projects designed to effectuate the aims of the Cartwright Act"]
1163
P. JACOBS, «Governor Fires Back After a Scolding by Justice Bird», Los Angeles Times, 22 mars 1986.
1164
Fait unique dans l'histoire californienne, Chief Justice Bird a été destituée quelques mois plus tard en
novembre 1986, à la suite de la perte des élections pour le renouvellement de son mandat à la Cour Suprême. Les
Républicains avaient mené une campagne "anti-Bird" axée sur son opposition catégorique à la peine de mort.
Rose Bird était ainsi une des figures les plus controversées de la politique californienne. Lors de son décès en
1999, le New York Times expliquait son éviction en rappelant que «après le rétablissement de la peine de mort
en Californie, le juge Bird n'a jamais soutenu une condamnation à mort, en votant 61 fois en faveur de
l'écartement de l'application de la peine. Elle a survécu à de multiples manœuvres pour la révoquer, mais a été
expulsée de son poste à la Cour Suprême après que le Gouverneur Deukmejian ait mené une campagne
républicaine agressive contre elle». Lire: T. PURDUM, «Rose Bird, Once California's Chief Justice, Is Dead at
63», Ney York Times, 6 décembre 1999. ["After the death penalty was reinstated in California in the late 1970's,
Judge Bird never upheld a death sentence, voting to vacate such sentences 61 times. She survived repeated
efforts to recall her, but was ousted after Governor George Deukmejian, a Republican, led an aggressive
campaign against her"]
345
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
class action »1165. L'avocat de Levi's a déclaré que la constitution d'un « trésor de guerre judiciaire » ne
contribuait qu'à augmenter la judiciarisation de la société américaine 1166.
L'affaire LEVI'S a ainsi marqué une étape importante en faveur du fonds consuméral de
financement judiciaire. Le juge Bird a invité les tribunaux à contribuer à la constitution d'un
trésor de guerre collectif des consommateurs leur permettant de lutter financièrement à armes
égales sur le terrain judiciaire. La constitution de trésors de guerre pour les associations de
consommateur contribue à une certaine moralisation des class actions1168. L'action
d'organisations à but non-lucratif soutenues financièrement par les victoires obtenues contre
les auteurs d'infraction assure une police économique plus efficace que l'appât du gain qui
motive les avocats, car elle permet de débusquer des pratiques qui échappent à l'action
publique.
B- Systématisation postérieure
487. La distribution fluide du gain illicite récupéré via une action de classe se justifie dans
trois hypothèses: lorsque il est impossible ou extrêmement onéreux d'identifier chacun des
1165
B. ROTHMAN HASIN, Consumers, commissions, and Congress : law, theory, and the Federal Trade
Commission, 1968-1985, New Brunswick : Transaction Books, 1987, [University of California], 236 p.
(voir 200). L'auteur dénonce la "stratégie de capture" de la FTC par les organisations consuméristes durant les
années 70, orchestrée par l'avocat et homme politique Ralph Nader, célèbre pour son engagement en faveur des
consommateurs et minorités.
1166
D. MORAIN, «Consumer Trust Fund Proposed : State Justices Support Idea in Levi Settlement», Los
Angeles Times, 21 mars 1986, en ligne : <http://articles.latimes.com/print/1986-03-21/news/mn-
5050_1_consumer-trust>, accès : 2011/09/08. «a lawyer for Levi Strauss & Co., M. Laurence Popfsky, said the
"notion that the money would be devoted to that kind of consumer trust--a litigation war chest--is likely to attract
opposition, potentially from Levi. We've had enough litigation in this society."»
1167
Harvard Law Review, «The Paths of Civil Litigation», 2000, n° Vol. 113, p. 1752 (voir p. 1834). "a
structural asymmetry in investments horizons underlies all mass injury litigation"
1168
H.-B. SCHAEFER, «The Bundling of Similar Interests in Litigation. The Incentives for Class Action and
Legal Actions taken by Associations», European Journal of Law and Economics, 2000, p. 183. "[class action]
creates more problems than it solves. […] the decisive actors are not the group members or the obligatory
representative plaintiff, but rather the lawyer […] He is able to create the demand for his services himself. Not
only the Economic Analysis of Law but also empirical studies […] indicate a large quota of strike suits and an
excessive inclination towards settlements. […] Compared to the class action legal actions taken by associations
are better suited to guarantee that lawsuits will be conducted by well reputed lawyers"
346
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
individus composant la classe, lorsque le montant individuel distribuable est si faible qu'il
dépasse les frais administratifs de distribution ou lorsque il subsiste un reliquat à l'issue de la
distribution individuelle.
489. Terminologie. Selon Newberg, la distribution fluide affecte les fonds non-distribués
au prochain meilleur usage alternatif à la distribution individuelle 1171. Il faudrait en fait préférer
1169
M. KAY KANE, «§ 1784: Problems in Administering Judicial Relief,», in Federal Practice & Procedure ,
sous la dir. de C. A. WRIGHT et A. R. MILLER, 3 éd., Westlaw, 2011. "courts await the adjudication of the
liability issue before adopting procedures requiring class members to come forward and assert their claims. This
approach has the obvious advantage of avoiding considerable paperwork and expense in cases in which no
liability is found"
1170
M. KAY KANE, «§ 1784: Problems in Administering Judicial Relief,», in Federal Practice & Procedure ,
sous la dir. de C. A. WRIGHT et A. R. MILLER, 3 éd., Westlaw, 2011. "Devising a plan to distribute a lump-
sum recovery is beneficial because it may eliminate the need for separate trials on damage issues. In a case
involving an extremely large plaintiff class whose members only have small individual claims, the savings in
time and expense for all will be considerable. Simplifying the process of establishing individual claims may be
the only way of making it economically feasible for class members to come forward and assert their rights"
1171
H. B. NEWBERG, W. RUBENSTEIN et A. CONTE, Newberg on Class Actions, 4 éd., Shepards/Mcgraw-
Hill, 2011. Spéc. Chapter 10. Proof and Distribution of Aggregate Class Damages § 10:17. "The cy pres
approach, then, puts the unclaimed fund to its next best compensation use, e.g., for the aggregate, indirect,
prospective benefit of the class (aggregate cy pres distribution). […] undistributed class funds may be used for
the prospective benefit of individual class members and others similarly situated, e.g., future class members who
engage in future transactions of the type involved in the class litigation (price reduction or market distribution).
[…]To avoid the past ambiguities relating to distributions of classwide recoveries that have used the term fluid
class recovery, this section uses the terms cy pres distributionand price reduction cy pres distribution as more
precisely descriptive of methods of allocating unclaimed common fund recoveries or portions thereof. A price
reduction distribution is a particular application of cy pres which is directed to individual distributions to persons
347
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
aux expressions de "réparation cy-près" et "réparation fluide", les termes plus descriptifs de
« distribution collective indirecte » et « distribution de marché par réduction de prix ». NEWBERG distingue
en ce sens entre la distribution cy-près agrégée (aggregate cy-pres distribution) au bénéfice indirect
prospectif de la classe, et la distribution sur le marché par réduction de prix (price reduction
distribution ou market distribution) pour le bénéfice direct d'individus engagés dans des
transactions futures similaires. Confondues à l'origine, une distinction doit être faite désormais
entre réparation cy-près (cy pres recovery) et réparation fluide (fluid recovery). La distribution cy-près
fait référence au versement des fonds non-distribués à une organisation caritative dont le
champ d'action peut être raccroché à la protection des intérêts des membres de la classe ou au
domaine du litige. La distribution fluide est affectée à l'inverse à la compensation indirecte de
personnes par approximation de la classe victime de l'infraction.
490. L’action de classe assume une fonction répressive parce qu’elle tend à assurer la
confiscation du gain illicite (I). Elle constitue en ce sens une action publique déguisée en forme
civile (II).
491. Le succès de la distribution fluide provient de ce qu'elle permet tout à la fois de garantir
l'effet dissuasif de l'action de classe et d'assurer une forme de compensation, à tout le moins
indirecte ou socialement utile. Ainsi sur la période 1974-2008, on recense 120 actions de classe
fédérales ayant eu recours à un mode de distribution fluide, soit par jugement, soit dans le cadre
d'une transaction homologuée 1172.
engaged in future transactions, in contrast to an aggregate distribution to a third-party entity for the indirect
benefit of the injured class as a whole."
1172
M. H. REDISH, P. JULIAN et S. ZYONTZ, «Cy Pres Relief And The Pathologies Of The Modern Class
Action: A Normative And Empirical Analysis», Florida Law Review, July 2010, n° Vol. 67, p. 617.
1173
S. R. SHEPHERD, «Damage Distribution in Class Actions: The Cy Pres Remedy», The University of
Chicago Law Review, winter 1972, vol. 39, n° 2, p. 448, en ligne : <http://www.jstor.org/pss/1599010>, accès :
15/09/2011. "Under revised rule 23 […] class action binds all class member who have not acted to exclude
themselves from the suit […] This assumption has created a problem in large class actions for damages where
348
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
class members remain silent even after a judgement or settlement in their favor has been reached and do not
attempt to collect their shares of the recovery. If the inaction of class members permits retention of the
uncollected damages by the defendant, the result may be the effective exclusion of a substantial number of small
claimants from the benefits of any class action, the dilution of the deterrent effect […] and the unjust enrichment
of the defendant [three different cy pres approaches in the class-action context]: “(1) distribution to those class
members who come forward to collect their damages, (2) distribution through the state in its capacity as parens
patriae or by escheat, and (3) distribution through the market"
1174
S. GARDNER, «National Association Of Consumer Advocates Standards And Guidelines For Litigating
And Settling Consumer Class Actions », in Commercial Law and Practice Course Handbook Series , Practising
Law Institute, April-May 1998. "deterrent effect is present regardless of the amount recovered by individual
class members. […] By including fee-shifting provisions, Congress and the state legislatures seek to encourage
enforcement of these consumer laws through a system of “private attorneys general,” even where the amount of
damages at stake would be too small to support litigation if the plaintiff had to absorb the cost of attorney's fees.
[…] the use of class actions to deter widespread consumer fraud is probably preferable to the only practical
alternative: punitive damage awards"
1175
M. KAY KANE, «§ 1784: Problems in Administering Judicial Relief,», in Federal Practice & Procedure ,
sous la dir. de C. A. WRIGHT et A. R. MILLER, 3 éd., Westlaw, 2011. "One of the main reasons for allowing
the institution of these private civil actions is that their availability acts as a deterrent to conduct proscribed by
federal statutes. Thus, to the extent that allowing a single damage recovery makes it feasible for representatives
to act as private attorneys general while at the same time affording them some relief, the procedure should be
encouraged"
1176
N. A. DEJARLAIS, «The Consumer Trust Fund: A Cy Pres Solution To Undistributed Funds In Consumer
Class Actions», Hastings Law Journal, April 1987, vol. 38, p. 729. "The trust fund is a cost-effective distribution
method that serves the goals of compensation, disgorgement of unlawful profits, and deterrence of future illegal
conduct"
1177
United States Court of Appeals. Seventh Circuit. Jan. 29, 2004. Mirfasihi v. Fleet Mortg. Corp. 356 F.3d
781. "That doctrine is based on the idea that the settlor would have preferred a modest alteration in the terms of
the trust to having the corpus revert to his residuary legatees. So there is an indirect benefit to the settlor. In the
class action context the reason for appealing to cy pres is to prevent the defendant from walking away from the
litigation scot-free because of the infeasibility of distributing the proceeds of the settlement (or the judgment, in
the rare case in which a class action goes to trial) to the class members. There is no indirect benefit to the class
from the defendant's giving the money to someone else. In such a case the “cy pres” remedy (badly misnamed,
but the alternative term-“fluid recovery”-is no less misleading) is purely punitive".
349
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de restitution du profit illicite, plutôt qu'au regard d'un objectif traditionnel de compensation
individuelle1178.
Toutefois, du point de vue de l'analyse économique, peu importe le montant des frais et la
fraction effectivement recouvrée individuellement par les victimes, du moment que l'auteur
de l'infraction est confronté au coût de l'infraction 1180. GILLES et FRIEDMAN1181 considèrent en
ce sens que le problème des frais de distribution constituent un « mirage » dès lors que la
finalité de l'action de classe n'est pas la compensation individuelle, mais la dissuasion pure et
simple des auteurs par « l'internalisation » du coût de l'infraction. Pour ces différents auteurs,
compte tenu de son très faible montant, l'indemnisation individuelle ne présente aucune utilité
sociale. Ils en concluent que les raisons qui poussent à dénoncer le développement d'une
industrie de l'action de classe et les honoraires exorbitants des avocats sont purement morales,
dès lors que les avocats-entrepreneurs motivés par le profit réalisent la finalité dissuasive de
l'action de classe. Il pourrait toutefois être objecté à cet argument qu'un résultat dissuasif
comparable pourrait être obtenu par déchéance du reliquat des sommes non-distribuées au
profit Trésor Public avec affectation à des programmes gouvernementaux déterminés.
1178
K. BARNETT, «Equitable Trusts: An Effective Remedy In Consumer Class Actions», Yale Law Journal ,
June 1987, p. 1591. "courts should weight the manageability of small claim consumer class actions against the
goals of disgorgement and deterrence, instead of against the traditional goal of compensation"
1179
M. H. REDISH, P. JULIAN et S. ZYONTZ, «Cy Pres Relief And The Pathologies Of The Modern Class
Action: A Normative And Empirical Analysis», Florida Law Review, July 2010, n° Vol. 67, p. 617. "Cypres
performs unconstitutional alchemy by effectively transforming the underlying substantive law from a
compensatory remedial model into a civil fine by means of nothing more powerful than a procedural joinder
device"
1180
R. POSNER, Economic Analysis of Law, 1 éd., Boston : Little Brown, 1973, p. 349. "the most important
point, on an economic analysis, is that the violator be be confronted with the costs of its violation […] not that he
pays them to his victims"
1181
M. GILLES et G. FRIEDMAN, «Exploding The Class Action Agency Costs Myth: The Social Utility Of
Entrepreneurial Lawyers. », University of Pennsylvania Law Review , november 2006, n° Vol. 155, p. 103 (voir
p. 105-106). "the so called "agency cost" problem is mostly a mirage […] Concerns with the undercompensation
of absent class members are totally misplaced […] there is generally non legitimate utilitarian reason to care
whether class members with small claims get compensated at all […] All that matters is whether the practice
causes the defendant-wrongdoer to internalize the social costs of its actions […] the deterrence of corporate
wrongdoing is what we can and should expect from class actions"
350
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
L'avantage supplémentaire réside dans l'appui sur les structures administratives existantes, qui
évite la duplication des coûts1182.
494. Panacée ou chantage. Pour les uns, l'action de classe américaine est une panacée.
Pour les autres, il s'agit d'un « monstre de Frankenstein »1183, elle est abusive1184 n'aboutissant qu'à
une forme de « chantage légal »1185, accusée de « convertir les palais de justice en casinos »1186. À la suite
de la doctrine américaine, des auteurs français décrivent le cauchemar d'une « alliance perverse
entre des jurys civils impressionnables et des avocats payés au pourcentage »1187. Le « fantasme de
l'américanisation » hante les juristes1188. Il convient toutefois de se garder d'un jugement trop
manichéen qui conduirait à exagérer les déficiences alléguées, en distinguant mythe et réalité de
l'action de classe1189.
La distribution fluide confère à l'action en réparation exercée par la classe une dimension
véritablement collective, en ce que le montant total des dommages et intérêts est
hypothétiquement identique à celui qui aurait pu être obtenu si chaque membre de la classe
avait exercé son action individuelle. L'action de classe n'est pas utile en tant qu'elle permettrait
1182
N. A. DEJARLAIS, «The Consumer Trust Fund: A Cy Pres Solution To Undistributed Funds In Consumer
Class Actions», Hastings Law Journal, April 1987, vol. 38, p. 729. "An advantage of the earmarked escheat
mechanism is that it minimizes distribution costs because the government has agencies in place that are
organized to manage programs beneficial to the public at large. By disposing of the entire settlement fund or
damages, earmarked escheat also realizes the goals of disgorgement of illegal profits and deterrence of future
illegal activities"
1183
A. MILLER, «Of Frankenstein monster and shining knights : Myth, reality and the class action problem»,
Harvard Law Review, 1979, vol. 92, p. 664.
1184
J. WEINSTEIN, «Some reflections on the abusiveness of class actions», Federal Rules Decisions, 1973,
vol. 58, p. 299.
1185
J. LANDERS, «Of legalized blackmail and legalized theft : consumer class actions and the substance-
procedure dilemma», Southern California Law Review, 1974, vol. 47, p. 842.
1186
W. SIMON, «Class Actions-Useful Tool Or Engine Of Destruction», Federal Rules Decisions, 1972, vol. 55,
p. 375. « The spectacle of lawyers reaping enormous profits from lawsuits which do not benefit their clients must
be a source of embarrassment to both the judiciary and the bar. […] The judiciary should not participate in
encouraging attorneys to become entrepreneurs who create business opportunities […] Massive class actions are
an inefficient, unfair, and undependable way of law enforcement. Surely the social benefits of class actions can
be provided by mechanisms which will be less injurious to the fundamental rights of the parties and have a less
detrimental effect on the integrity of the judiciary and the bar, which will not turn courthouses into casinos"
1187
M.-A. FRISON-ROCHE, «Les résistances mécaniques du système juridique français à accueillir la class
action : obstacles et compatibilités», Les Petites Affiches, 10 juin 2005, p. 22.
1188
D. HOUTCIEFF, «Rapport de synthèse», in Les class actions devant le juge français: rêve ou cauchemar
- Colloque de Paris du 18 novembre 2004, 10 juin 2005, vol. n°115, Paris : Les Petites Affiches.
1189
D. R. HENSLER, «Revisiting The Monster: New Myths And Realities Of Class Action And Other Large
Scale Litigation», Duke Journal of Comparative & International Law, spring/summer 2001, n° 11, p. 179. «there
is a need to distinguish class action myth from class action reality».
351
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
d'économiser des frais judiciaires, mais en tant qu'elle garantit la confiscation du surprofit
illicite. Les auteurs américains soulignent que l'action de classe marque l'abandon de l'objectif
de réparation individuelle et se transforme en un outil parapublic de confiscation du profit
illicite par des procureurs privés1190. Dans la mesure où il existe une infraction, la distribution
fluide marque une privatisation des poursuites normalement confiée au ministère public,
plutôt qu'à une industrie d'avocats spécialistes de la class action qui « cherche à se constituer des
rentes et n'agit dans l'intérêt du public que par accident »1191. Cette tension entre intérêt privé
égoïste de l'avocat et intérêt général est très prégnante aux Etats-Unis. La doctrine américaine
analyse ainsi le rôle de l'avocat dans la class action à travers les deux figures distinctes de
l'avocat-entrepreneur (entrepreneurial class action lawyers) et du procureur privé (private attorney
general).
495. L'avocat entrepreneur. Dans un article resté célèbre, John COFFEE soutenait qu'il est
plus exact d'analyser l'avocat du demandeur comme un « entrepreneur indépendant » que comme un
mandataire du client1192. Dans le même sens, Jonathan MACEY et Geoffrey MILLER soulignent
que la caractéristique la plus notoire de l'action de classe réside dans l'existence « d'avocats
entrepreneurs spécialisés »1193. L'investissement consenti pour la constitution de la classe est
rentabilisé par les dommages et intérêts obtenus. La Cour Suprême des Etats-Unis accrédite
cette vision en retenant que:
352
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
Les accusations portées contre la démoniaque action de classe sont peut être la meilleure
preuve de son efficacité. GILLES et FRIEDMAN soulignent ainsi que les grandes entreprises ont
un intérêt « hypocrite » à dénoncer les honoraires exorbitants perçus par les avocats et militer en
faveur de la réparation individuelle. Il s'agit pour ces groupes de pression de réduire l'efficacité
de l'action de classe par des mesures tendant à en faire un investissement moins attractif pour
des avocats-entrepreneurs1195. Plus radicalement toutefois, et c'est peut-être la critique la plus
valide, Deborah HENSLER s'interroge sur les effets pervers d'une judiciarisation qui prendrait
la place du débat démocratique. Elle rappelle que le développement de la société de
consommation crée un risque généralisé de dommages de masse appelant nécessairement une
réponse politique. La question centrale pour cet auteur consiste à se demander si l'action
judiciaire constitue le moyen adéquat de résoudre des problèmes collectifs dans une société
démocratique1196.
1194
United States Supreme Court. June 25, 1997. Amchem Prods. Inc. v. Windsor, 521 U.S. 591. Cf. p.617: «
The policy at the very core of the class action mechanism is to overcome the problem that small recoveries do
not provide the incentive for any individual to bring a solo action prosecuting his or her rights. A class action
solves this problem by aggregating the relatively paltry potential recoveries into something worth someone’s
(usually an attorney’s) labor ».
1195
M. GILLES et G. FRIEDMAN, «Exploding The Class Action Agency Costs Myth: The Social Utility Of
Entrepreneurial Lawyers. », University of Pennsylvania Law Review , november 2006, n° Vol. 155, p. 103 (voir
p. 163). "[a] reason for the primacy of compensation concerns […] is plain old-fashioned hypocrisy. Corporate
lobbyists regularly purport to stand up for the right of absent class members to receive money damages by
advocating rules that would severely limit the fees of class counsel […] the real motivation of corporate lawyers
is not plaintiffs' rights, but rather to disminish [the] efficacy of class actions by making them less attractive
investment opportunities to effective entrepreneurial lawyers"
1196
D. R. HENSLER, «Revisiting The Monster: New Myths And Realities Of Class Action And Other Large
Scale Litigation», Duke Journal of Comparative & International Law, spring/summer 2001, n° 11, p. 179. "If
there is a new “monster” at large, it is the rise of multi-national corporations and the development of a global
economy that bring with them the potential for large-scale injuries resulting from worldwide product
consumption. […] But the key question raised by this litigation is the appropriateness of using litigation as a
governance tool. When the goals of litigation include policy-making […] it is appropriate to ask how well
litigation conforms to our expectations of how policy ought to be made in a democratic society"
353
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
L'action de classe est une action publique privatisée, tendant principalement à la dissuasion et
accessoirement à la compensation individuelle. L'action de classe est en grande partie financée
par des avocats-entrepreneurs. Mais ce fait souvent présenté comme un repoussoir ne doit pas
occulter le développement de trust parapublics de consommateurs. La constitution d'une
force de frappe financière importante par distribution fluide sous le contrôle d'organisations
de consommateurs à but non–lucratif serait une piste de développement intéressante du
modèle européen.
« force est […] d'observer que la réparation la plus adéquate ne consistera pas
toujours en l'allocation de dommages et intérêts aux victimes, parce que le préjudice
individuel est minime […] certains systèmes étrangers admettent une sorte de
réparation en nature, ainsi par exemple en cas de […] surfacturation illégale, une
diminution corrélative, pendant un certain temps des tarifs pratiqués par l'opérateur
économique. Qui ne voit que la "réparation" prononcée ne profitera alors pas
nécessairement aux victimes réelles »1197.
Soraya AMRANI-MEKKI parvient à la même conclusion mais dénonce un usage « dévoyé » du
terme de réparation, car il s'agit de dommages et intérêts confiscatoires. Elle conclut par
conséquent que la procédure civile « perdrait son âme » dans l'action de groupe1198. On ne peut
que tomber essentiellement d'accord avec ces deux auteurs. Il est certain que la procédure
civile subirait une mutation radicale. La logique de nos institutions juridiques voudrait que la
dissuasion des infractions de concurrence soit assurée par le ministère public et par la sanction
pénale ou quasi-pénale.
1197
G. CANIVET, «Des obstacles juridiques à l'action de groupe», in Pour de véritables actions de groupe: un
accès efficace et démocratique à la justice, Colloque du 10 novembre 2005 organisé par UFC Que Choisir ,
en ligne : <courdecassation.fr>.
1198
S. AMRANI-MEKKI, «Le droit processuel de la responsabilité civile», in Liber Amicorum Geneviève Viney,
LGDJ, 2008, p. 1 (voir p. 21).
354
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
497. Philosophie du bricolage juridique . Soraya AMRANI-MEKKI demande « pitié pour les
justiciables », appelant à la « sobriété » législative sur la question du recours collectif 1199. En matière
de recours collectif, il convient de « se tenir en garde contre une manie de réforme »1200, et aborder la
question en « bricoleur »1201 pour recycler la matière existante de la procédure civile. Plutôt qu'une
hypothétique grande réforme, il faut privilégier « l'hyper technicité [afin] de concevoir et de mettre en
œuvre des petites réformes qui ont parfois de grands effets »1202. La question du recours collectif déchaîne
trop de passions, d'idéologies et d'intérêts divergents pour pouvoir aboutir législativement – au
plan national ou européen - dans un futur prévisible.
498. Échec du Livre Blanc. Les propositions de la Commission en faveur d'une action
représentative1203 constituait une tentative d'introduction par effraction d'un mécanisme d'opt-
1199
S. AMRANI-MEKKI, «Action de groupe et procédure civile», Revue Lamy Droit Civil, n°32 novembre
2006, 65.
1200
Jean-Baptiste TREILHARD. Exposé des motifs du code de procédure civile. 1806. Cité in LOCRÉ, Esprit
du Code de Procédure Civile, Didot, 1816, t. 1, p. 3. «Il [faut] se tenir en garde contre une manie de réforme […]
bien plus dangereuse encore quand elle s'empare d'une âme honnête, mais tourmentée d'une soif immodérée de
perfectibilité».
1201
C. LÉVI-STRAUSS, La pensée sauvage, Plon, 1962, p. 26. «Le bricoleur est apte à exécuter un grand
nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l'ingénieur, il ne subordonne pas chacune d'elles à
l'obtention de matières premières et d'outils, conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers
instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s'arranger avec les « moyens du bord », un ensemble à
chaque instant fini d'outils et de matériaux […] résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées
de renouveler ou d'enrichir le stock, ou de l'entretenir avec les résidus de constructions et de destructions
antérieures. L'ensemble des moyens du bricoleur n'est donc pas définissable par un projet […] il se définit
seulement par son instrumentalité, autrement dit et pour employer le langage même du bricoleur, parce que les
éléments sont recueillis ou conservés en vertu du principe que "ça peut toujours servir". […] Regardons-le à
l'œuvre : excité par son projet, sa première démarche pratique est pourtant rétrospective : il doit se retourner vers
un ensemble déjà constitué, formé d'outils et de matériaux ; en faire, ou en refaire, l'inventaire ; enfin et surtout,
engager avec lui une sorte de dialogue, pour répertorier, avant de choisir entre elles, les réponses possibles que
l'ensemble peut offrir au problème qu'il lui pose. Tous ces objets hétéroclites qui constituent son trésor, il les
interroge pour comprendre ce que chacun d'eux pourrait « signifier » […] ces possibilités demeurent toujours
limitées par l'histoire particulière de chaque pièce, et par ce qui subsiste en elle de prédéterminé, dû à l'usage
originel pour lequel elle a été conçue ou par les adaptations qu'elle a subies en vue d'autres emplois […] les
éléments que collectionne et utilise le bricoleur sont « précontraints »».
1202
P. BELLET, «Postface», in Mélanges offerts à Pierre Drai - Le juge entre deux millénaires, Dalloz, 2000,
p. 689. «Peu de grandes réformes en matière judiciaire ont été un succès: les participants intéressés au processus
réformateur sont trop nombreux, ont des intérêts trops divergents […] Le temps où l'on s'adressait au Parlement
pour élaborer de grandes réformes […] est révolu. Compétence, discrétion et hyper technicité sont aujourd'hui
les seules voies qui permettent de concevoir et de mettre en œuvre des petites réformes qui ont parfois des effets
importants au quotidien dans le domaine de la justice civile et commerciale».
1203
Commission Européenne, Livre Blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, 2 avril 2008, p. 5, COM(2008) 165 final. Qui
propose l'introduction «d'actions représentatives, intentées par des entités qualifiées telles que des associations de
consommateurs, des organismes publics ou des organisations professionnelles, au nom de victimes identifiées
ou, dans des cas plutôt restreints, identifiables».
355
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
out1204 qui est catégoriquement refusé 1205 au nom ou prétexte d'une certaine tradition
procédurale européenne et du spectre des dérives américaines.
Raymond MARTIN tempère cette lecture essentialiste en observant que « contrairement aux
apparences, l'action collective n'est pas en France une idée tout à fait nouvelle venue d'outre-Atlantique »1210.
La tradition processuelle individualiste se présente en réalité comme une parenthèse
1204
Le terme de victimes identifiables suppose en fait un mécanisme équivalent à une class action avec opt-out.
Rainer Becker, fonctionnaire de la DG Concurrence a déclaré explicitement en ce sens, lors du colloque de
l'AFEC autour du Livre Blanc que l'action représentative «vise des victimes identifiables et ne réclame donc pas
de mandat exprès». (Notes personnelles sur le colloque de l'AFEC. Ces propos n'ont pas été retranscrits dans les
actes du colloque Cf. R. BECKER, «Présentation du Livre Blanc», in Livre Blanc sur les actions en dommages
et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante,
Collège Européen de Paris - AFEC, 13 juin 2008, Revue Concurrences, 2-2009, p. 5.).
1205
H.-W. MICKLITZ, «Collective Private Enforcement in Antitrust Law: What is going wrong in the debate?»,
in Private Enforcement of Competition Law, Charles University (Prague), 26-27 juin 2009, édité par J.
BASEDOW, J. P. TERHECHTE et L. TICHÝ, Nomos, 2011. p. 101. «In june 2009 a proposal for a Council
Directive on rules governing damages actions for infringements […] was leaked to the press […] It provided for
an opt-out representative action and an opt-in group action […] The public awareness provoked, the obviously
intended, strong reactions of some of the Member States. There were even rumors that Member States made the
reelection of Barroso contingent upon the withdrawal of the proposal».
1206
S. GUINCHARD, «Propos conclusifs», in Les recours collectifs: étude comparée, Journée d'études du 27
janvier 2006, Société de Législation Comparée, 2006. p. 139.
1207
Ibid. «On ne peut se satisfaire de la non-indemnisation d'un préjudice, au motif qu'il est faible. C'est tout le
lien social qui est ici en cause […] l'ignorer en repoussant toute réforme, c'est prendre le risque de graves
désillusions. Aller trop loin à l'inverse, au mépris de notre enracinement culturel, serait prendre le risque d'un
rejet […] il n'est de bonne justice que celle qui s'enracine dans nos cultures, dans nos traditions, celles de la
vieille Europe […] qui doivent traduire dans le droit de nécessaires évolutions».
1208
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Sirey, 1961, t. 1, vol. 1. p. 105: «La théorie de l’action en
justice a été élaborée au XIXème siècle dans une perspective libérale et individualiste. Il était donc normal que la
généralisation des groupements de toutes sortes, qui est la marque de nos économies modernes, entraînât de
nombreux problèmes d’adaptation».
1209
J. CALAIS-AULOY, Vers un nouveau droit de la consommation, Rapport de la Commission de refonte du
droit de la consommation, La Documentation Française, juin 1984. p. 89. «Le droit judiciaire français
essentiellement fait pour les litiges individuels, n’apporte aux litiges collectifs que des solutions imparfaites».
1210
R. MARTIN, «Procédures judiciaires civiles de règlement des litiges de consommation», in JurisClasseur
Concurrence-Consommation, LexisNexis, 1994, Fasc. 1240.
356
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
historique, ouverte par la Révolution1211 avec l'abolition des corporations et refermée par la
IIIème République avec la reconnaissance des syndicats et associations. L'Ancien Droit recèle
ainsi une puissante tradition collective - pour ne pas dire collectiviste - liquidée par les
révolutionnaires: corporations, arrêts de règlement, ou biens communaux. La poussée
collective ne tarde pas à resurgir avec le droit de grève, le syndicalisme, les conventions
collectives et le droit d'association. Procéduralement, ces droits substantiels donnent naissance
à l'action de substitution syndicale 1212 - qui abolit un temps la règle Nul ne plaide par
procureur1213 - et aux diverses actions en défense de l'intérêt collectif de la profession, du
syndicat, des consommateurs et des grandes causes en général.
1211
P. ROSANVALLON, «Les corps intermédiaires dans la démocratie», Chaire d'Histoire moderne et
contemporaine du politique 2002-2003, Collège de France, en ligne : <www.college-de-france.fr>. p. 4. Qui
décrit le «basculement» des années 1880-1900: «Les facteurs sociaux vont peser de tout leur poids pour inviter à
reconsidérer la question des corps intermédiaires et de l’individualisme révolutionnaire».
1212
L’action de substitution a été créée comme le corollaire procédural de la négociation des conventions
collectives par les lois du 25 mars 1919 et du 12 mars 1920. L'article 31T de la loi du 25 mars 1919 disposait
que: «les groupements capables d'ester en jutice, liés par une convention collective de travail, peuvent, en leur
nom propre, intenter une action en dommages-intérêts […] à toutes personnes liées par la convention qui
violerait les engagements contractés». L’action de substitution de l'article 31T a été sortie du champ de la règle
Nul ne plaide par procureur par un arrêt de la Cour de Cassation Mines des Carmaux du 1er mai 1923 selon
lequel: «en n’exigeant aucun mandat formel pour permettre au groupement d’introduire l’action, l’article sus-
visé a par là-même exclu l’obligation d’indiquer expressément et d’énumérer dans l’assignation les ouvriers dans
l’intérêt desquels la demande est formée». La jurisprudence Mines des Carmaux a toutefois été renversée par un
arrêt de cassation du 3 novembre 1972: Cass. Soc. 3 nov. 1972, Syndicat général des ouvriers des industries
chimiques FO: Bull. 595. «Le syndicat demandeur, qui n’avait pas indiqué les noms de ses adhérents, n’avait
même pas precisé le nombre, la qualité exacte et la rémuneration de ceux de ses membres au nom desquels il
déclarait agir, ce qui rendait impossible la determination de leurs droits individuels, la vérification de ce qu’ils
avaient bien été avertis de l’exercice de l’action ainsi que le prononcé d’une condamnation au profit de chacun
d’eux». Jurisprudence figée depuis:
1213
Conseil Constitutionnel. Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989. Loi modifiant le code du travail et
relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion. «les modalités de mise en oeuvre
des prérogatives reconnues aux organisations syndicales doivent respecter la liberté personnelle du salarié qui,
comme la liberté syndicale, a valeur constitutionnelle […] l'acceptation tacite du salarié ne peut être considérée
comme acquise qu'autant que le syndicat justifie, lors de l'introduction de l'action, que le salarié a eu
personnellement connaissance de la lettre».
1214
Commission Européenne, Livre Vert sur les recours collectifs pour les consommateurs, DG SANCO, 27
novembre 2008, p. 4 pt.5, COM(2008)794.: «Le présent livre vert ne concerne pas les recours collectifs pour les
victimes d'infractions à la législation communautaire sur les ententes et les abus de position dominante, en raison
de la nature spécifique de cette législation et du champ plus large des victimes concernées, qui inclut également
les PME».
357
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Mais comme l'explique Laurence IDOT, « mais cette dualité d'interventions a suscité des inquiétudes »1215.
Le Parlement Européen notamment s'est interrogé sur l'opportunité de remplacer la
multiplication des initiatives sectorielles par une réflexion horizontale. Les directions générales
Justice, Consommateurs (DG SANCO) et Concurrence (DG COMP) ont engagé en
conséquence une initiative conjointe 1216, entrée dans une nouvelle phase - très prudente1217 - de
consultation publique.
501. Les résultats seront probablement décevants. Comme le souligne amèrement Alain
BAZOT, président de l'UFC Que Choisir, l'introduction d'un mécanisme d'action collective de
type opt-out bute sur le défaut de « volonté politique »1218. En février 2012, le Parlement Européen a
adopté une résolution excluant l'introduction d'un mécanisme de type opt-out, considérant que
l'action collective devait seulement tendre à « simplifier la procédure et réduire les coûts pour les parties
concernées »1219, conformément au rapport de Klaus-Heiner Lehne qui préconise que « seul un
groupe clairement identifié de personnes puisse participer aux actions représentatives et que l'identifica tion soit
terminée au moment où l'action est engagée »1220. Le Groupe Consultatif Européen des
Consommateurs (GCEC) qualifie pourtant l'introduction d'un mécanisme européen d'action
collective de type opt-out de facteur « critique »1221. L'approche européenne traduit une impasse
1215
L. IDOT, «Entre Livre Blanc et Livre Vert: à propos des actions collectives et des droits des
consommateurs», Revue Europe, avril 2009.
1216
Commission Européenne, Renforcer la cohérence de l’approche européenne en matière de recours collectif :
prochaines étapes, Note d'information de Mme REDING, M. ALMUNIA et M. DALLI, DG Justice, DG
SANCO, DG COMP, 5 octobre 2010..
1217
Commission Européenne, Document de travail des services de la commission. Consultation publique:
"Renforcer la cohérence de l'approche européenne en matière de recours collectifs", DG Justice, DG SANCO,
DG COMP, 4 février 2011, p. 6 pt.10, SEC(2011) 173 final. «L'adoption d'un cadre européen cohérent,
s'appuyant sur les différentes traditions nationales […] devrait définir des principes communs que toute initiative
(éventuelle) de l'Union en matière de recours collectifs devrait respecter, quel que soit le domaine concerné.
L'objectif est de garantir, dès le début, que toute proposition (éventuelle) en la matière, tout en visant à assurer
une application plus effective du droit de l'Union, s'inscrive bien dans la tradition juridique de l'Union et
l'ensemble des voies de recours déjà disponibles à cet effet».
1218
A. BAZOT, «Collective Redress: the law is becoming a paper tiger», Topic of the Month (April 2012),
Bureau Européen des Unions de Consommateurs, en ligne : <http://beuc50years.eu>. «As procedures to resolve
collective disputes in many Member States, including France, are not functioning, a range of legislation and
regulation allowing sanctions against abusive or illegal conduct are presently not applied. This scandalous legal
loophole results in consumers never seeing compensation for their loss and affords harming companies a
premium despite violation of the law. In short, the law is becoming a paper tiger. In order to remedy this current
denial of justice, the introduction of collective redress mechanisms at EU level is essential. It is a means to
restore the law’s effectiveness and improve consumer confidence in the economy. […] The details of what is
needed to be done are known, what remains to be seen is the political will of the Commission to implement this
long-awaited reform».
1219
Parlement Européen. Résolution du Parlement européen du 2 février 2012 «Vers une approche européenne
cohérente en matière de recours collectif». 2011/2089(INI).
1220
Parlement Européen. Commission des affaires juridiques. Rapport: "Vers une approche européenne
cohérente en matière de recours collectif". 12 janvier 2012. Rapporteur: Klaus-Heiner Lehne. n° 2011/2089(INI).
1221
European Consumer Consultative Group (ECCG), Opinion on private damages actions, DG SANCO,
Commission Européenne, nov. 2010, en ligne : <http://ec.europa.eu/consumers/empowerment/eccg_en.htm>. "".
358
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
502. Nouvelle approche en tant que peine privée . L'AFEC recommandait une réforme
« prudente » et l'utilisation des « mécanismes existants »1222. Dans cet esprit, il convient de
procéder au « perfectionnement »1223 de l'action en défense de l'intérêt collectif qui constitue
l'exact équivalent déjà existant de l'action de classe américaine. Le fonctionnement pratique du
modèle américain révèle que la réparation individuelle de masse est un objectif vain. Il n'est pas
matériellement possible d'assurer la réparation individuelle d'un préjudice massif et diffus. La
réparation collective présente une différence de nature et non de degré avec la réparation
individuelle, qui devrait conduire à récuser l'emploi du terme même de "réparation". Le
problème ne réside pas dans l'opposition stérile entre représentation et représentativité mais
dans la définition de l'objet de l'action collective.
Il est possible de montrer que l'action au nom des intérêts collectifs des consommateurs rend
inutile la création d'un recours collectif (§1) dès lors que les dommages et intérêts obtenus
sont analysés comme une peine privée (§2).
1222
Association Française d'Etude de la Concurrence, «Observations de l'AFEC en réponse au Livre Vert sur les
actions en dommages-intérêts», Actions for damages, en ligne : <www.ec.europa.eu>. «La question de savoir si
le droit français doit évoluer pour faciliter plus encore les actions collectives est aujourd'hui très controversée.
[…] En la matière, l'AFEC souhaite que l'on commence par utiliser les mécanismes existants et que l'on avance
sur la voie de la réforme avec la plus extrême prudence».
1223
A. CHASTEL (DU), « L'action de groupe ou le mythe de Sisyphe ?», Les Petites Affiches, 23 juin 2008, p. 6.
359
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
505. Arrêt du syndicat de la viticulture . Le fameux arrêt des chambres réunies du 5 avril
1913 a reconnu le droit du syndicat « de se porter partie civile relativement aux faits portant un préjudice
direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente »1224. Il ne s'agit en aucun cas d'un
principe général. L'action du syndicat repose sur l'habilitation législative issue de l'article 9 de la
loi du 29 juin 19071225. L'action du syndicat s'appuie ainsi sur une habilitation législative
expresse pour l'exercice de l'action civile devant les juridictions pénales et civile, en cas
d'infraction pénale.
Un retour sur les faits est nécessaire pour comprendre cette habilitation historique. La Cour
de cassation était saisie d'un pourvoi du sieur Perreau - marchand parisien de vins en gros -
contre un arrêt l'ayant condamné à payer des dommages et intérêts au Syndicat National de la
Viticulture Française en réparation du préjudice collectif subi par la profession. Le syndicat
s'était constitué partie civile dans la procédure engagée par le ministère public contre ce
marchand peu scrupuleux poursuivi du chef de falsification du vin par addition d'eau. Il ne
faut pas se fier à l'aspect trivial de l'affaire. La solution doit être située dans son contexte social
et politique. La pratique du "mouillage" du vin n'a rien d'anecdotique en septembre 1907,
lorsque sont entamées les poursuites publiques contre Perreau, en application de la nouvelle
loi anti-fraude votée en juin 1907 sous la pression de la révolte populaire du Midi Rouge.
506. Le Midi Rouge. Les vignerons du Midi protestent de longue date contre la
concurrence déloyale des vins mouillés et le sucrage. Une première manifestation à Montpellier
en décembre 1893 met en cause la fraude des vins falsifiés. Avec l'appui de Jaurès, les premières
coopératives du Midi Rouge se mettent en place afin de lutter contre la mévente du vin. En
1224
Cass. Ch. Réunies. 5 avril 1913. Perreau c. Syndicat National de la Viticulture Française. Rapport
Falcimaigne: D. 1914.1.65 et S 1920.1.49.
1225
Loi du 29 juin 1907 tendant à prévenir le mouillage des vins et les abus de sucrage. Son article 9 dispose que
«Tous syndicats, formés conformément à la loi du 21 mars 1884 pour la défense des intérêts généraux de
l'agriculture ou de la viticulture […] pourront exercer […] les droits reconnus à la partie civile […] relativement
aux faits de fraudes et falsifications des vins, ou recourir, s'ils le préfèrent, à l'action ordinaire devant le tribunal
de grande instance».
360
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
1903, le gouvernement autorise la chaptalisation 1226 des vins importés, dans un contexte de
faible récolte. Mais dès 1904, une grave crise de surproduction couve en raison d'une
météorologie favorable et d'importations massives de vins d'Algérie coloniale, qui arrivent par
le port de Sète. En 1905, Marcelin Albert lance une pétition avec pour mot d'ordre « Vive le vin
naturel! À bas les empoisonneurs! ».
Les cours s'effondrent en janvier 1907. Un comité de défense vinicole emmené par Marcelin
Albert est créé en mars qui demande à Clémenceau l'abrogation de la loi de 1903 autorisant la
chaptalisation. Le 12 mai, une manifestation réunit 150.000 personnes à Béziers. Joseph
Caillaux, ministre des finances de Clémenceau, dépose un projet de loi contre le sucrage le 22
mai. La manifestation du 9 juin 1907 à Montpellier réunit 800.000 personnes. Anatole de
Cabrières, évêque de Montpellier ouvre les portes de la cathédrale pour y faire dormir femmes
et enfants. Selon les observateurs, il s'agit de la plus grande manifestation de la IIIème
République.
L'arrestation des dirigeants du comité d'Argeliers le 19 juin met le feu aux poudres. La
préfecture de Perpignan est incendiée, les conseils municipaux appellent à la grève de l'impôt
et l'armée tire sur les émeutiers. Le 17ème régiment d'infanterie se mutine le 20 juin et vient
appuyer l'insurrection à Béziers. Clémenceau cède face à la révolte qui gronde et menace la
République. Le Parlement adopte la loi du 29 juin 1907 tendant à prévenir le mouillage des
vins et les abus de sucrage1227 qui habilite législativement les syndicats à poursuivre les
infractions portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession viticole.
« la mission des syndicats [ne se réduit pas] à la qualité de mandataires légaux des
individus qui les composent […] Entre l'intérêt de la société, en général, dont le
ministère public continuait à avoir seul la garde, et l'intérêt individuel, dont la
défense appartient à chaque citoyen, la loi a reconnu l'existence, à un degré
intermédiaire, d'un nouveau genre d'intérêt moins étendu que le premier, plus étendu
que le second, et qui est l'intérêt général ou collectif d'une profession déterminée […]
la loi n'aurait rien fait si pour assurer l'effet de cet article, elle n'avait pas […]
1226
Procédé nommé du nom de son inventeur le montpelliérain Jean-Antoine Chaptal (1756-1832) consistant à
ajouter du sucre au moût afin d'augmenter le degré alcoolique.
1227
Loi du 29 juin 1907 tendant à prévenir le mouillage des vins et les abus de sucrage. Toujours en vigueur:
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006071147&dateTexte=20110922
361
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
conféré aux syndicats le droit de poursuite judiciaire lorsque les intérêts qu'elle vise
sont lésés »1228.
On le voit, l’action syndicale est conçue dès l’origine par la Cour de cassation, comme une
concurrente de l’action publique. Michel HENRY écrit que « le syndicat devenait ainsi le procureur de
la légalité sociale »1229.
508. Diversité des habilitations. Cette concurrence génétique de l’action civile syndicale
n’a pas été sans poser quelques problèmes de délimitation entre intérêt collectif confié à la
garde des syndicats et intérêt général réservé au ministère public 1230. Le législateur est intervenu
dès 1915, par une habilitation spéciale en faveur des associations de lutte contre l’alcoolisme1231.
Le monopole du ministère public devient alors un principe mité progressivement par des
exceptions législatives formant un véritable « maquis textuel de plus en plus impénétrable »1232. Les
diverses habilitations sont distribuées anarchiquement entre l'inventaire à la Prévert des articles
2-1 et suivants du Code de Procédure Pénale et une multitude de textes épars.
1228
Cass. Ch. Réunies. 5 avril 1913. Perreau c. Syndicat National de la Viticulture Française. Rapport
Falcimaigne: D. 1914.1.65 et S 1920.1.49.
1229
M. HENRY, «L'action syndicale en exécution des conventions collectives», Droit Ouvrier, mars 2007,
p. 112 (voir p. 114).
1230
Cass. crim., 8 déc. 1987 : Bull. crim., n° 452 : irrecevabilité du pourvoi motif pris que « si un syndicat est
habilité par l'article L. 411-11 du Code du travail à exercer les droits réservés à la partie civile relativement aux
faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, il ne tient
d'aucune disposition de la loi le droit de poursuivre la réparation du dommage que porte une infraction aux
intérêts généraux de la société, cette réparation étant assurée par l'exercice de l'action publique ».
1231
Loi du 9 novembre 1915 sur les débits de boisson : « les associations constituées pour la lutte contre
l’alcoolisme ayant obtenu la reconnaissance d’utilité publique, pourront exercer les droits reconnus à la partie
civile… ou recourir s’ils préfèrent à l’action ordinaire devant le tribunal civil, en vertu des articles 1382 et s. du
code civil ».
1232
P. ALBERTINI, Rapport sur l'exercice de l'action civile par les associations, Office parlementaire de
l'évaluation de la législation, Assemblée Nationale, 6 mai 1999, en ligne : <www.assemblee-nationale.fr>.
1233
Lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (Art. 2-4 CPP), de la défense des intérêts
moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés (Art. 2-5 CPP) et des anciens combattants (Art. 2-11 CPP),
de la lutte contre les sectes et plus généralement de la défense de l’individu et des droits et libertés individuels et
collectifs (Art. 2-17 CPP ), de la protection des animaux (Art. 2-13 CPP), de la défense de la langue française
(Art. 2-14 CPP ), et de la protection des fouilles archéologiques et objets inscrits au patrimoine (Art. 2-21 CPP).
On trouve dans cette famille des habilitations non codifiées concernant la défense du droit à l'IVG (L. 2223-1 du
CSP ), la lutte contre l'alcoolisme (L3355-1 CSP anc. article 14 de la loi du 9 novembre 1915 sur les débits de
boissons) et le tabagisme (L3512-1 CSP), la défense des consommateurs (article L421-1 du Code de la
362
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
regroupe les associations dont l’action civile est subordonnée à la mise en mouvement de
l’action publique par le ministère public ou la partie lésée. 1234 Enfin, la troisième famille
d’habilitation, la plus stricte, regroupe les associations pour lesquelles l’exercice des droits
reconnus à la partie civile est subordonné à l’accord de la victime de l’infraction1235.
509. Une limite politique . L’absence d’habilitation générale a entraîné « une multiplication
de textes dénués de toute cohérence » 1236. Louis BORÉ explique que les craintes de la gauche
républicaine à l’égard des associations catholiques ont par la suite empêché l’adoption d’une
habilitation générale pour exercer les droits reconnus à la partie civile, en faveur des
associations agréées1237. La jurisprudence Amicale des Instituteurs Laïcs 1238 - dite des « grandes
causes »1239 - révèle la prudence de la Cour de Cassation qui protège le principe du monopole du
ministère public en affirmant l'absence d'existence de l'action en défense de l'intérêt collectif
hors habilitation législative spéciale. L'action des associations n'est qu'une exception strictement
encadrée au monopole. Selon l'arrêt rendu au visa de la loi du 1 er juillet 1901, la Cour retient
que:
« s'il est loisible aux associations régulièrement déclarées d'ester en justice […] il
faut que l'objet en vue duquel l'action a été intentée et qui a été prévu aux statuts ne
soit pas prohibé […] à la différence des syndicats professionnels, les associations ne
représentent pas de plein droit la profession de ceux qui en font partie ».
En l’espèce, dans le contexte de la bataille de l’école laïque, dans les premières années suivant
la loi de séparation de 1905, l’épiscopat français faisait diffuser un mandement attaquant
violemment les méthodes et la qualité de l’enseignement public, afin d’en écarter la masse des
consommation issu de l’art. 46 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973), des prostituées (Loi n° 75-229 du 9
avril 1975), des investisseurs en valeurs mobilières et en produits financiers (article L. 452-1 du Code monétaire
et financier), et de l'environnement (article L. 142-2 du Code de l'environnement).
1234
C’est le cas pour les associations dont l’objet social porte sur la lutte contre la maltraitance infantile (Art. 2-3
CPP), l’assistance aux victimes d’infractions (Art. 2-9 CPP), le regroupement des victimes d’accidents collectifs
(Art. 2-15 CPP), ou la lutte contre la toxicomanie (Art. 2-16 CPP).
1235
Il s’agit des domaines les plus sensibles, pour des infractions qui portent atteinte à la dignité de l’individu ou
à sa sphère intime, notamment, au profit d’associations en matière de lutte contre le racisme (Art. 2-1 CPP), de
lutte contre les violences sexuelles ou familiales (Art. 2-2 CPP), de lutte contre les discriminations sexuelles
(Art. 2-6 CPP) et le handicap (Art. 2-8 CPP), de lutte contre l’exclusion sociale et la pauvreté (Art. 2-10 CPP),
de lutte contre la délinquance routière (Art. 2-12 CPP), de défense des victimes d’accidents du travail ou de
maladies professionnelles (Art. 2-18 CPP), de défense des élus municipaux (Art. 2-19 CPP) , et de défense des
intérêts moraux et matériels des locataires, propriétaires et bailleurs d’immeubles collectifs (Art. 2-20 CPP).
1236
L. BORÉ, La défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives et
judiciaires, LGDJ, 1997. n° 52.
1237
Ibid.
1238
Cass. ch. Réunies. 15 juin 1923. Cardinal de Luçon c. Association fraternelle des institutrices et instituteurs
publics et laïques: S. 1924, 1, p. 49, note A. Chavanne; D. 1924, 1, p. 153, note L. Rolland.
1239
S. GUINCHARD, «L'action de groupe en procédure civile française», Revue Internationale de Droit
Comparé, 1990, p. 599.
363
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
fidèles. Une association d’instituteurs membres de la fonction publique avait formé une action
en réparation de l’atteinte porté à l’honneur de l’Éducation nationale. Le cardinal de Luçon
contestait la qualité pour agir de l’association et la question avait donc abouti devant les
chambres réunies de la Cour de cassation. Dans le cas très particulier des fonctionnaires, la
Cour de cassation a estimé qu’il n’appartenait qu’à l’État, à travers son ministère public, de
défendre l’intérêt général. Cette raison très politique a déterminé le rejet par la Cour du
principe général de recevabilité des associations pour agir en réparation de l'atteinte portée aux
intérêts collectifs qu'elles représentent. Fortement marquée par son époque, cette solution est
dorénavant confinée à la matière criminelle.
PÉNALE
510. L'habilitation législative pour l'exercice des droits reconnus à la partie civile confère la
faculté d'agir au pénal et au civil seulement en cas d'infraction. Or, une difficulté particulière
surgit en cas d'infractions au droit de la concurrence du fait de la dépénalisation de la matière.
Cette restriction a été levée par un aménagement de la jurisprudence des grandes causes
autorisant l'action au nom d'intérêts collectifs entrant dans l'objet social hors de toute infraction
(1°). Cet aménagement était rendu nécessaire, compte tenu du développement du droit pénal
administratif. L'action des associations en réparation du préjudice collectif causé par une
infraction est un auxiliaire de l'action publique (2°).
511. Il existe une différence procédurale fondamentale entre l'action des organisations
professionnelles et des associations de consommateurs en matière d'infractions au droit de la
concurrence. Les organisations professionnelles peuvent demander la réparation civile des faits
portant atteinte à l'intérêt collectif de la profession ou à la loyauté de concurrence, sur le
fondement de l'article L470-7 du Code de Commerce1240. En revanche, les associations de
consommateurs ne peuvent agir en défense de l'intérêt collectif qu'en cas d'infraction pénale.
L'article L421-1 du Code de la Consommation dispose en ce sens que « les associations
1240
Code de commerce. Art. L. 470-7 : «Les organisations professionnelles peuvent introduire l'action devant la
juridiction civile ou commerciale pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la
profession ou du secteur qu'elles représentent, ou à la loyauté de concurrence».
364
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si
elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un
préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ». La nécessité d'une infraction pénale
résulte du confinement de l'action aux « droits reconnus à la partie civile », ce qui suppose
l'existence d'une action publique. En l'absence d'infraction pénale, les associations de
consommateurs en sont réduites à agir par voie d'intervention volontaire, dans les litiges
introduits par des consommateurs isolés. La dépénalisation du droit de la concurrence ferme, de
facto, aux associations de consommateurs, la voie des tribunaux civils en cas d'infraction au
droit de la concurrence. Les inconvénients pratiques évidents de cette restriction procédurale
sont illustrés par le montage procédural alambiqué auquel a dû recourir l'association UFC Que
Choisir dans l'affaire CARTEL MOBILE1241.
512. L'action au nom des intérêts collectifs entrant dans l'objet social . La restriction à
l'exercice de l'action des associations de consommateurs en l'absence d'infraction pénale a
toutefois été abandonnée en matière civile depuis une série d'arrêts de la Cour de cassation
consacrant, le principe selon lequel « une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès
lors que ceux-ci entrent dans son objet social »1242, au visa de l'article 31 CPC 1243. Le revirement avait
été annoncé par un arrêt de rejet de 2004 qui renversait déjà « subrepticement »1244 la jurisprudence
des grandes causes.
513. Une cohérence rétablie. Nicolas DUPONT note une certaine « incohérence » tenant au
fait que « l'habilitation judiciaire se révèle être plus complète que l'habilitation législative »1245. En réalité, la
solution nouvelle rétablit la cohérence menacée par le développement du droit administratif
pénal. Il serait incohérent d'admettre d'une part l'action des associations pour des
contraventions pénales parfois mineures, tout en refusant d'autre part l'action des associations
1241
Cass. Civ. 1ère 26 mai 2011, UFC Que Choisir c. Bouygues Telecom, N° de pourvoi: 10-15676.
1242
Civ. 1ère 2 mai 2001, Association Les Petites Iles de France c. Comité régional de tourisme de Bretagne, N°
de pourvoi: 99-10709: Bull. 144 (Cassation); Civ. 2ème 27 mai 2004. Association de sauvegarde église de
Castels et château de Fages, n°02-15700 (Rejet); Civ. 2ème 5 octobre 2006, Association d'information et de
défense des riverains de la carrière de Luche-Thouarsais c. Carrière de Luche, N° de pourvoi: 05-17602: Bull.
255. (Cassation); Cass. Civ. 3ème 26 septembre 2007, société civile immobilière Les Chênes c. Union
départementale pour la sauvegarde de la vie et de la nature (UDVN), N° de pourvoi: 04-20636: Bull. 155.
(Cassation); Civ. 1ère 18 septembre 2008, Association française contre les myopathies c. Association Le Saint-
Nicolas, N° de pourvoi: 06-22038: Bull. 201. (Cassation); Civ. 3ème 4 mai 2011, Association Saint-James c.
Caisse des dépôts et consignations, N° de pourvoi: 10-11863. Non publié. (Cassation).
1243
Code de Procédure Civile. Art. 31: «L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou
au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes
qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé».
1244
E. LAMAZEROLLES, «Droit d'agir en justice d'une association», Recueil Dalloz , 2004, p. 2931.
1245
N. DUPONT, «Recevabilité de l'action en justice d'une association non habilitée à agir par la loi», La
Semaine Juridique édition Générale, 3 décembre 2008, n° 49, JCP G 2008, II, n° 10200.
365
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de consommateurs contre des ententes illicites qui ont une nature pénale au sens de l'article 6
CEDH mais n'ouvrent pas le prétoire pénal au regard de l'application de l'article L421-1 Code
de la Consommation. La cohérence processuelle de la nouvelle articulation est sans faille. Il y a
d'une part les infractions pénales soumises au monopole du ministère public sauf habilitation
législative. Et il y a d'autre part les infractions administratives non pénales, qui ne sont pas
soumises - par définition - au monopole du ministère public, et qui par conséquent ouvrent une
action civile en réparation du préjudice collectif entrant dans l'objet social, sans qu'une
quelconque habilitation soit logiquement nécessaire. La solution est une conséquence
immédiate des articles 31 CPC. Les délits purement civils ne font pas partie des cas dans
lesquels la loi attribue un droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou
combattre une prétention. Au contraire, l'arrêt COURAGE et la doctrine du private enforcement
imposent d'ouvrir le plus largement possible le prétoire civil aux actions délictuelles des
associations en réparation du préjudice causé par les infractions de concurrence aux intérêts
collectifs entrant dans leur objet social.
1246
J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 4 éd., Montchrestien, 2010.N°75
1247
C. DREVEAU, «Réflexions sur le préjudice collectif», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2011, p. 249. «Le
souci du législateur est en effet de permettre à des associations de défense de grandes causes de prendre le relais
de l'action publique».
1248
S. GUINCHARD, «Grandeur et décadence de la notion d’intérêt général : la nouvelle recevabilité des actions
civiles en cas d’infraction à la législation économique», in Mélanges Jean Vincent, Dalloz, 1981, p. 137. V. sur
ce point la controverse née de l’interprétation de l’article 46 de la Loi Royer du 27 déc. 1973 relatif à l’action en
justice des associations de consommateurs, not. À partir de Civ. 1ère, 16 jan. 1985 : D. 1985,317, note Aubert ;
JCP. 1985.II.20484, note Calais-Auloy ; Gaz. Pal. 1985, pan. 173, obs. Croze et Morel ; RTD civ. 1985,769, obs.
Normand.
366
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
de pseudo-procureurs demandant une sanction »1249. Certains auteurs parlent de « privilège dangereux »1250
faisant renaître le droit de punir des corporations. Ce que l’on craint c’est le « pullulement » des
actions, « l'éclatement de la société », le « dévoiement de l'intérêt général » conduisant à un « ramas de
féodalités anarchiques et dérisoires »1251. Les associations apparaissent comme « des concurrents du
ministère public pour la défense d’intérêts catégoriels si étendus qu’ils se confondent avec l’intérêt public saisi sous
l’un de ses aspects spéciaux »1252. L'action des associations « tend à se substituer à l'intérêt général sans en
présenter les garanties et transforme l'exercice des droits individuels en instrument de sanction »1253. La
doctrine dénonce régulièrement un risque d'encombrement1254 des tribunaux par des
« zorros »1255 illuminés abrités derrière le paravent de la personnalité morale de l’association.
516. Garde-fous. Ces critiques - sans doute fondées du point de vue du droit pénal général
– devraient être nuancées dans le cadre particulier des infractions au droit de la concurrence. Il
convient d'observer que les spécificités propres au droit de la concurrence ne permettent pas
d'envisager de manière réaliste l'exercice de l'action en réparation du surcoût avant une décision
préalable de l'autorité de concurrence. La contrainte de l'action de suivi rétablit de facto une
forme de monopole du ministère public, apte à déCOURAGEr les actions inutiles. L'action des
associations de consommateurs au nom des intérêts collectifs entrant dans leur objet social en
réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence ne vise pas à
« suppléer les carences de l'action publique » mais à « relayer les particuliers qui ne disposent pas des moyens
juridiques et financiers suffisants pour demander réparation d'un préjudice personnel »1256. La jurisprudence
1249
J. GRANIER, La partie civile au procès pénal, Rev. sc. crim. 1958.11 ; dans le même sens, mais qui qualifie
les associations habilitées de véritables procureurs : J. POULPIQUET, Le droit de mettre en mouvement l'action
publique : conséquence de l'action civile ou droit autonome ?, Rev. sc. crim. 1975.46.
1250
Ph. CONTE et P. MAISTRE du CHAMBON, Procédure pénale, Armand Colin, 3e éd., 2001, no 211.
1251
A. DECOCQ, «L'avenir funèbre de l'action publique», in Mélanges François Terré, Dalloz, 1999, p. 785
(voir p. 785).
1252
M. BANDRAC, «Vérification de la qualité pour agir», in Droit et pratique de la procédure civile, sous la dir.
de S. GUINCHARD, 2005/2006 éd., Dalloz..
1253
C. YOUNÈS, «L'action en justice des groupements: au nom de qui?», Revue de la Recherche Juridique, n°4
2006, p. 2303 (voir p. 2304).
1254
J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 3 éd., Montchrestien, 2006. n° 82 p. 78. «Il est très facile
de constituer une association qui se propose l’objet le plus large. Dès lors, si toute association pouvait agir pour
défendre les intérêts les plus généraux qu’elle se serait fixés, deux ou trois activistes, pourraient, sous le couvert
d’une association, se mêler de tout et de n’importe quoi, en lançant des actions à tout propos, qui ne tarderaient
pas à submerger les tribunaux et à rendre la vie impossible… Les associations ont toujours suscité en France une
réaction instinctive de méfiance […] l’objectif désintéressé de l’association fait toujours craindre, que derrière le
paravent de la gratuité, ne se dissimulent des visées condamnables […] Lorsque la loi vient ainsi déroger à la
règle de principe, elle fait de l’association un concurrent du ministère public».
1255
S. GUINCHARD, «Grandeur et décadence de la notion d’intérêt général : la nouvelle recevabilité des actions
civiles en cas d’infraction à la législation économique», in Mélanges Jean Vincent, Dalloz, 1981, p. 137.
1256
C. DREVEAU, «Réflexions sur le préjudice collectif», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2011, p. 249. «le
législateur a introduit l'action des associations comme un moyen de suppléer les carences de l'action publique qui
367
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
des chambres civiles de la Cour de Cassation sur l'action des associations au nom des intérêts
collectifs parachève le droit à réparation des victimes d'infractions au droit de la concurrence.
Prochainement peut être, un arrêt de la chambre commerciale viendra confirmer cette
évolution positive de notre procédure civile. On le constate, discrètement et efficacement, la
Cour de Cassation a mis sur pied une procédure réceptive aux intérêts collectifs, qui rend
inutile et oiseux l'adoption d'une procédure de recours collectif. Le problème ne se situe pas au
stade de l'intérêt à agir en représentation d'intérêts collectifs, mais au stade de la distribution
des dommages et intérêts obtenus par la voie de l'action en réparation du préjudice collectif.
517. ESMEIN affirme très explicitement que les dommages et intérêts en réparation du
préjudice causé à un intérêt collectif « constituent en réalité des peines privées »1257. Selon
HUGUENEY, la peine privée combine deux traits caractéristiques: d'une part elle n'est pas
mesurée par référence au préjudice subi mais au gain illicite réalisé (I), d'autre part elle « profite
à la victime »1258 (II).
518. L'action des associations au nom des intérêts collectifs des consommateurs peut
parvenir à la confiscation du gain illicite réalisé du fait d'une infraction de concurrence par la
voie de dommages et intérêts (A) et par voie d'injonction (B).
ne peut pourvoir à tout et de relayer les particuliers qui ne disposent pas des moyens juridiques et financiers
suffisants pour demander réparation d'un préjudice personnel».
1257
P. ESMEIN, «Les obligations (tome 6)», in Traité pratique de droit civil français, sous la dir. de M.
PLANIOL et G. RIPERT, 2 éd., LGDJ, 1952, vol. 1. §665. p. 933. «on ne voit pas comment peut être apprécié
dans son montant le dommage à l'intérêt collectif de la profession. Les indemnités allouées par les tribunaux
constituent en réalité des peines privées. Et c'est d'après la gravité de la faute que peut être dosée l'indemnité. En
même temps, les tribunaux peuvent émettre des ordres ou des défenses».
1258
L. HUGUENEY, L'idée de peine privée en droit contemporain, [Doctorat : Droit : Dijon : 1904]. p.10 et 17.
«le trait dominant et véritablement spécifique de la peine privée» réside dans l'idée d'une peine qui «profite à la
victime». Et p.25-26. ce que l'auteur appelle le critère objectif «il n'y aura plus réparation mais peine privée
lorsque, un dommage étant causé, l'indemnité à verser par l'auteur à la victime différera pour le montant de celui
du tort éprouvé». L'auteur exclut du domaine de la peine privée, les actions populaires – dans lesquelles
l'individu agit pour la sauvegarde d'un intérêt public – et «ces hypothèses où l'Etat au lieu de recueillir lui-même
le bénéfice de la peine en attribue le profit à un établissement de bienfaisance».
368
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
A- Dommages et intérêts
La fonction compensatoire des dommages et intérêts est ainsi devenue « purement théorique »1262
et il conviendrait en conséquence de procéder à la « reconnaissance d'une forme nouvelle de dommages
et intérêts qui tendraient à la restitution par le responsable des profits que lui a procurés son activité
illicite »1263. Camille DREVEAU assène:
1259
G. VINEY, «L'influence de l'admission d'une action de groupe sur la réparation des atteintes aux intérêts
collectifs», Revue Lamy Droit Civil, Décembre 2006, p. 60 (voir p. 61). «L'action de groupe s'attaque […] à des
dommages qui ne seraient pas réparés si elle n'existait pas, tout simplement parce qu'ils sont insignifiants au
niveau individuel […] dans les systèmes qui connaissent de véritables actions de groupe, les condamnations
prononcées […] présentent des différences importantes avec celles que prononcent ordinairement les juges saisis
d'actions individuelles en responsabilité. La réparation ordonnée – pour autant qu'il s'agisse d'une réparation – est
affectée de particularités notables».
1260
J. SIMON, «L'action de groupe: panacée ou cheval de Troie?», Revue Concurrences, n°2 2008, p. 25.
1261
S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, LGDJ, [Paris-I : 1995], n°189.
1262
G. VINEY, «Quelques propositions de réforme du droit de la responsabilité civile», Recueil Dalloz, 2009,
p. 2944.
1263
G. VINEY, «Quelques propositions de réforme du droit de la responsabilité civile», Recueil Dalloz, 2009,
p. 2944.
1264
C. DREVEAU, «Réflexions sur le préjudice collectif», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2011, p. 249.
1265
J. FRANCK, «Pour une véritable réparation de préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs», in
Etudes de droit de la consommation - Mélanges Jean Calais-Auloy, Dalloz, 2004, p. 409 (voir p. 414).
369
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
520. Problème du trésor de guerre . Pour Serge GUINCHARD, « le danger est lié au retour à
l'idée de vengeance privée […] l'action civile ne doit pas conduire certaines associations à se constituer un
véritable "trésor de guerre" pour des procès futurs »1271. Raymond MARTIN reprend identiquement que
les dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à un intérêt collectif « ne réparent pas vraiment
un préjudice, ils ne vont pas aux membres du groupement qui ont peu subir un dommage; ils vont grossir le
trésor de guerre de l'association en vue de luttes futures »1272. Louis BORÉ avance une explication
1266
Cass. Crim. 25 février 1986 [Bull. 1978]
1267
CA Versailles (14ème ch.) 14 mars 2001 [Rev. Communication Commerce Electronique. Mai 2001 n°48]
1268
CA Dijon 25 avril 2002 [cité in J. Franck. "pour une véritable réparation du préjudice causé à l'intérêt
collectif des consommateurs" Mél. Calais-Auloy. Dalloz. 2004. P.414 note de bas de page n°25]
1269
CA Orléans 18 mai 1987 [cité par A. Morin, "l'action dans l'intérêt collectif exercée par les organisations de
consommateurs avant et après la loi du 5 janvier 1988", Revue Européenne de Droit de la Consommation 1991,
p.3]
1270
J. NORMAND, «Chronique de jurisprudence française en matière de droit judiciaire privé», Revue
Trimestrielle de Droit Civil, 1985, p. 765.
1271
S. GUINCHARD, «Grandeur et décadence de la notion d’intérêt général : la nouvelle recevabilité des actions
civiles en cas d’infraction à la législation économique», in Mélanges Jean Vincent, Dalloz, 1981, p. 137 (voir
p. 152s).
1272
R. MARTIN et J. MARTIN, «L'action collective», La Semaine Juridique, doctrine 1984, 3162. «la vocation
de l'association dans le domaine judiciaire nous paraît autre que la représentation d'intérêts individuels groupés
[…] Quand l'association obtient des dommages-intérêts [en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif]
ceux-ci ne réparent pas vraiment un préjudice, ils ne vont pas aux membres du groupement qui ont peu subir un
dommage; ils vont grossir le trésor de guerre de l'association en vue de luttes futures. Le juge fixe arbitrairement
370
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
psychologique tenant à ce que « la majorité des magistrats répugnent encore à leur accorder des dommages
et intérêts punitifs importants qui les enrichissent, et cette hostilité persistera tant que le législateur n’aura pas
consacré officiellement l’existence de cette fonction répressive »1273.
Le problème n'est pas conceptuel mais bien pratique. Comme le souligne Camille DREVEAU,
« s'agissant du préjudice collectif, il est impératif de déterminer à quels usages seront affectées les sommes
allouées »1274. Il faut ainsi mettre en place un dispositif procédural permettant de redistribuer les
sommes obtenues par l'association de consommateurs, afin d'éviter l'effet « trésor de guerre ».
Jérôme FRANCK esquisse en ce sens les traits d'une procédure désirable:
leur montant […] l'action associationnelle n'est qu'auxiliaire à l'action publique, une voie détournée de l'ordre
public. Elle colmate une faille de l'appareil d'Etat».
1273
L. BORÉ, La défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives et
judiciaires, LGDJ, 1997. n° 322. «Si les victimes individuelles peuvent se contenter du flou existant, leur action
répressive s’abritant plus facilement derrière le paravent de la réparation, le caractère occulte de la fonction
répressive de la responsabilité civile gêne beaucoup plus les associations dont l’action est plus nettement, plus
visiblement à but répressif. La majorité des magistrats répugnent encore à leur accorder des dommages-intérêts
punitifs importants qui les enrichissent, et cette hostilité persistera tant que le législateur n’aura pas consacré
officiellement l’existence de cette fonction répressive».
1274
C. DREVEAU, «Réflexions sur le préjudice collectif», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2011, p. 249.
1275
J. FRANCK, «Pour une véritable réparation de préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs», in
Etudes de droit de la consommation - Mélanges Jean Calais-Auloy, Dalloz, 2004, p. 409 (voir p. 419).
371
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
[du] procureur de l'intérêt collectif »1276, pour disjoindre l'initiative de l'action collective et son
bénéfice.
522. Évaluation. La cessation de l'illicite suppose de restituer le gain illicite aux victimes de
l'infraction. L'injonction de faire tend à la mise en place d'un programme amiable
d'indemnisation des clients par l'entreprise auteur de l'infraction. Le débat judiciaire entre
l'association agissant en défense de l'intérêt collectif et l'auteur de l'infraction permet de fixer le
montant total des profits illicites et d'établir une liste de clients victimes, entre lesquels il
convient de répartir une enveloppe globale d'indemnisation. La détermination de ces éléments
pourra s'appuyer sur la production forcée des pièces pertinentes détenues par l'entreprise et des
mesures d'expertise demandées par l'association. Ces informations permettraient d'établir une
enveloppe globale de dotation du fonds d'indemnisation interne. Des mesures d'expertise
subséquentes permettraient de détailler le surcoût facturé pour chaque client.
523. Contrôle de l'exécution. À l'issue du débat judiciaire, une fois établi la dotation du
fonds d'indemnisation volontaire, le juge pourra ordonner à l'auteur de l'infraction d'adresser à
chacun de ses clients victimes, un courrier personnalisé d'information mentionnant la
condamnation de l'auteur par l'autorité de concurrence, le montant du gain illicite, et la mise en
place d'un programme amiable d'indemnisation. L'injonction pourrait également préciser les
1276
O. BERG, «Le dommage objectif», in Liber Amicorum Geneviève Viney, LGDJ, 2008, p. 63 (voir p. 72).
372
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
525. La seconde solution consiste à rester dans le cadre formel des dommages et intérêts en
réparation du préjudice collectif, tout en aménageant leurs conditions de redistribution directe
ou indirecte au profit des consommateurs lésés. Dans un article passionnant, Geneviève VINEY
esquisse des perspectives d'évolution de l'action en défense de l'intérêt collectif, proposant de
« réserver une partie de ces dommages et intérêts au Trésor public ou à un fonds qui est en charge des intérêts
auxquels la faute a porté préjudice »1277. Cette approche guide la stratégie adoptée. L'affectation du
1277
G. VINEY, «Quelques propositions de réforme du droit de la responsabilité civile», Recueil Dalloz, 2009,
p. 2944.
373
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
gain illicite confisqué au bénéfice de catégories objectivement identifiées d'individus peut être
réalisée par la constitution de fonds de dotation (I) ou de la fiducie (II).
374
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
A- Technique de la fondation
526. Fondement. La fondation est définie à l'article 18 de la loi du 23 juillet 1987 comme
« l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens,
droits ou ressources à la réalisation d'une œuvre d'intérêt général et à but non lucratif »1278. Le texte
fondamental a été complété par diverses lois visant à encourager fiscalement le développement
des fondations et notamment le mécénat d'entreprise 1279.
527. Formes. Parmi les huit formes existantes de fondations, quatre seulement sont
susceptibles de servir de véhicule pour l'affectation au bénéfice des consommateurs 1280: la
fondation d'utilité publique (personnalité morale), la fondation sous égide dite "fondation
abritée" (sans personnalité morale), la fondation d'entreprise, et le fonds de dotation créé en
2008 par la loi de modernisation de l'économie. À l'exception de la fondation sous égide qui est
abritée par une fondation d'utilité publique préexistante, la constitution de la fondation entraîne
la création d'une nouvelle personne morale.
528. Formalités. La principale distinction réside toutefois dans les modalités de création. La
fondation d'utilité publique est la plus contraignante. Elle suppose un décret de reconnaissance
de l'utilité publique pris par le ministère de l'intérieur après avis du Conseil d'État. Le ministre
exerce un contrôle de l'opportunité. Les autres formes sont plus légères. La fondation
d'entreprise requiert une autorisation préfectorale qui exerce un contrôle de la seule légalité.
Ces formalités peuvent être évitées par le recours à une fondation abritée. Dans ce cas il ne
s'agit pas de créer une personne morale mais simplement de confier la gestion opérationnelle de
la dotation à une fondation d'utilité publique sur délibération de son conseil d'administration.
Les fondations d'utilité publique, telles que la Fondation de France, offrent ainsi un service
d'hébergement patrimonial relativement flexible.
529. Fonds de dotation. De l'avis des observateurs toutefois, le fonds de dotation, soumis
à une simple déclaration préfectorale, et bénéficiant d'une liberté statutaire complète, constitue
1278
Art. 18. Loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
1279
Chronologiquement: Loi n°90-559 du 4 juillet 1990 créant les fondations d'entreprise et modifiant les
dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat relatives aux fondations;
Loi n°2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche; Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative
aux libertés et responsabilités des universités; Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie;
et Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires.
1280
Les quatre autres formes ont un champ plus spécifique: fondation de coopération scientifique, fondation
partenariale, fondation universitaire et fondation hospitalière.
375
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
la forme la plus simple et souple. Selon Colas AMBLARD, « le fonds de dotation se crée comme une
association et se finance comme une fondation »1281. Fiscalement, le fonds de dotation cumules les
avantages reconnus aux autres formes d'institutions sans but lucratif. Les dotations apportées
par une entreprise sont déductibles à 60% de l'impôt sur les sociétés, avec une déduction
plafonnée à 0,5% du chiffre d'affaires. Le fonds de dotation est totalement exonéré d'impôts s'il
prévoit une dotation non consomptible. Au vu de ces caractéristiques, Colas AMBLARD qualifie
le fonds de dotation de « personne morale refuge »1282. Sandrine QUILICI, conseillère en
ingénierie patrimoniale estime ainsi que « le fonds de dotation vient révolutionner le paysage du mécénat
français en mettant en place un outil dédiée à la générosité privée, dont la souplesse de mise en place et de
fonctionnement n'a aucun égal »1283. Le dispositif est inspiré des endowment funds américains.
530. Principe de spécialité. Le régime du fonds de dotation est établi par l'article 140 de la
Loi de Modernisation de l'Économie de 20081284 et un décret du 11 février 2009 1285. Aucune
restriction légale n'existe relativement au nombre et à la qualité des fondateurs. Le fonds est
créé par une ou plusieurs, personne physiques ou personnes morales. Associations et
entreprises peuvent créer un fonds de dotation dans le respect du principe de spécialité 1286. La
création du fonds doit être utile pour la réalisation de l'objet social. La création d'un fonds de
dotation ayant pour objet la distribution fluide du profit illicite tiré d'une infraction au droit de
la concurrence au profit des consommateurs participe incontestablement de l'objet social des
associations de consommateurs. Ainsi par exemple, les statuts de l'Union Fédérale des
Consommateurs prévoient que « l'association a essentiellement pour objet de promouvoir, d’appuyer et de
relier entre elles, dans un cadre régional, les actions individuelles ou collectives des consommateurs, usagers,
contribuables tendant à garantir la reconnaissance et le respect de leurs droits, la libre expression de leurs
1281
C. AMBLARD, «Le fonds de dotation : une nouvelle personne morale dans le monde des institutions sans
but lucratif», Revue Lamy Droit Civil, Juillet-Août 2010, n° 73, 3892, p. 50.
1282
C. AMBLARD, «Fonds de dotation : interview de Maître Colas Amblard», Note d'analyse mensuelle
AssetFi Management Services (juillet 2010), ISBL Consultants, en ligne : <http://www.isbl-consultants.fr>,
accès : 12/10/2011. V. égal: C. AMBLARD, Fonds de dotation : Une révolution dans le monde des institutions
sans but lucratif, 1 éd., Wolters Kluwer Lamy Associations, 2010.
1283
S. QUILICI, «Un nouvel outil pour le mécénat : le fonds de dotation», Les Nouvelles Fiscales, 23 octobre
2009.
1284
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Art. 140: "Le fonds de dotation est une
personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute
nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la
réalisation d'une œuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à
but non lucratif dans l'accomplissement de ses œuvres et de ses missions d'intérêt général".
1285
Décret n° 2009-158 du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation.
1286
P. MACQUERON et D. GATUMEL, Associations - Fondations - Fonds de dotation, Memento Pratique
Francis Lefebvre, 2010-2011, p. 1198 n°80560.
376
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
opinions et la défense de leurs intérêts tant individuels que collectif »1287. La distribution fluide contribue
manifestement à garantir la reconnaissance des droits des consommateurs et à protéger leurs
intérêts collectifs.
1287
Art. 3. Statuts de l'UFC Que Choisir. En ligne: http://www.ufcquechoisir-iledefrance.org/images/statur.pdf
377
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
B- Technique de la fiducie
533. Comme le rappelle Bernard GOUTHIÈRE, « l'introduction de la fiducie en droit français était très
attendue »1288. Mais Claude CHAMPAUD plus critique estime que « [les parlementaires] ont tué dans
l'œuf une réforme souhaitée depuis longtemps en droit français » et de s'interroger: « On peut se demander
quelle utilité peut bien avoir la loi du 19 février 2007 »1289.
Le contrat de fiducie est susceptible toutefois de constituer une solution intéressante pour la
distribution fluide. Le schéma est le suivant: l'association de consommateurs introduit l'action
et demande une injonction de restitution du gain illicite en prévoyant que les sommes
obtenues seront logées dans une fiducie au bénéfice d'une catégorie déterminée de
consommateurs lésés par l'infraction. L'utilisation de la fiducie à des fins de distribution fluide
répond en outre au souhait du législateur de
« ne pas figer dans la loi les modalités que peut revêtir la technique fiduciaire […]
Il ne saurait être exclu que, au fur et à mesure de son développement, la fiducie
prenne des formes nouvelles […] en poursuivant un but non encore découvert à ce
jour mais que l’ingéniosité des professionnels de la finance ne tardera pas à lui
assigner »1290.
1288
B. GOUTHIÈRE, La fiducie: mode d'emploi, Francis Lefebvre, 2007, p. 11.
1289
C. LARROUMET, «La loi du 19 février 2007 sur la fiducie: propos critiques», Recueil Dalloz, 2007,
p. 1350.
1290
X. ROUX (DE), Rapport fait au nom de la Commission des Lois sur la proposition de Loi n° 3385 adoptée
par le Sénat instituant la fiducie, N° 3655, ASSEMBLÉE NATIONALE, 1er février 2007, p. 30.
378
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
Il est suggéré de désigner cette forme nouvelle de fiducie sous l'expression de fiducie-judiciaire
ou fiducie-fluide, sur le modèle des expressions de fiducie-sûreté et fiducie-gestion.
Le Titre XIV du Livre III du Code Civil, créé par la loi n°2007-211 du 19 février 2007,
réglemente la fiducie et consacre la notion de patrimoine d'affectation 1291. L'article 2011 en
fournit la définition suivante: « la fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs
constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de
droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de
leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs
bénéficiaires ». Dans l'hypothèse de la restitution du gain illicite dans le cadre d'une action en
défense de l'intérêt collectif, le constituant serait l'association de consommateurs
demanderesse. Dans la mesure où la fiducie est créée sur la base d'un jugement ordonnant la
restitution, le droit transféré par l'association est un droit présent déterminé et non
simplement éventuel. Reste la question du fiduciaire et des bénéficiaires.
1291
Loi 2007-211 du 19 février 2007 art. 12 : les éléments d'actif et de passif transférés dans le cadre de
l'opération mentionnée à l'article 2011 forment un patrimoine d'affectation. Les opérations affectant ce dernier
font l'objet d'une comptabilité autonome chez le fiduciaire. V. égal: X. ROUX (DE), Rapport fait au nom de la
Commission des Lois sur la proposition de Loi n° 3385 adoptée par le Sénat instituant la fiducie, N° 3655,
ASSEMBLÉE NATIONALE, 1er février 2007. «Les biens mis en fiducie […] constituent un patrimoine
d’affectation séparé du patrimoine personnel du fiduciaire»
1292
Article 2018 Code civil.
1293
X. ROUX (DE), Rapport fait au nom de la Commission des Lois sur la proposition de Loi n° 3385 adoptée
par le Sénat instituant la fiducie, N° 3655, ASSEMBLÉE NATIONALE, 1er février 2007.
379
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
fiducie est valide s'il « fixe les règles de détermination des bénéficiaires »1294. Comme l'écrit Xavier DE
ROUX dans son rapport pour la Commission des Lois de l'Assemblée Nationale:
« Dans les faits, le Sénat a souhaité permettre une désignation des bénéficiaires en
cours d’exécution du contrat, et non lors de sa signature. Cette souplesse apparaît
bienvenue, surtout qu’elle se trouve encadrée par des garanties quant aux modalités
et aux critères de désignation qui devront figurer dans le contrat en cas d’absence de
bénéficiaires nommément désignés »1295.
Similairement, Henri DE RICHEMONT, rapporteur du texte au Sénat observe que
« Il convient […] par souci de souplesse, d’autoriser les parties à stipuler en faveur
de bénéficiaires qui seraient déterminés après la conclusion du contrat de fiducie.
Toutefois, pour éviter la constitution de fiducies dites « en trou noir », dans lesquelles
le bénéficiaire est inconnu, il serait obligatoire que les critères de déterminateur du ou
des bénéficiaires soient précisément définis au contrat »1296.
En pratique, l'association de consommateurs demanderesse présente un projet de fiducie
accompagnant la demande. La partie adverse discute les termes de la mission et les règles de
désignation des bénéficiaires. Le contrat de fiducie doit être enregistré dans un délai d'un mois
au service des impôts du siège du fiduciaire. Tout acte ultérieur de désignation d'un
bénéficiaire doit être enregistré dans les mêmes conditions 1297. La liberté contractuelle permet
d'adapter la fiducie à la configuration particulière du litige en dessinant un mode de
distribution fluide apte à réparer le dommage collectif.
536. Financement d’actions judiciaires. Il est également possible d'imaginer une fiducie
visant au financement d'actions judiciaires futures. Le contrat peut être établi pour une durée
1294
P. MARINI, Proposition de loi instituant la fiducie, Texte n° 178, Sénat, 8 février 2005.
1295
X. ROUX (DE), Rapport fait au nom de la Commission des Lois sur la proposition de Loi n° 3385 adoptée
par le Sénat instituant la fiducie, N° 3655, ASSEMBLÉE NATIONALE, 1er février 2007, p. 40.
1296
H. RICHEMONT (DE), Rapport fait au nom de la Commission des Lois sur la proposition de loi instituant
la fiducie, N°11, Sénat, 11 octobre 2006, p. 57.
1297
Article 2019 Code civil.
1298
Article 2015 Code civil.
380
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
maximale de 99 ans. Dans ce cas, le choix d'un ou plusieurs avocats pourrait apparaître plus
intéressant, afin d'apprécier la pertinence des demandes de financement judiciaire au regard de
la mission. Un décret d'application1299 est venu préciser les conditions d'exercice des avocats en
tant que fiduciaire. L'avocat doit déclarer préalablement son activité de fiduciaire auprès du
Conseil de l'Ordre et attester de la souscription d'assurances spéciales 1300. Le décret alourdit
l'obligation d'assurance responsabilité civile 1301 et d'assurance au profit de qui il appartiendra 1302.
L'association peut désigner « un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts dans
le cadre de l'exécution du contrat » qui dispose des pouvoirs du constituant 1303. Le contrat de
fiducie définit les conditions dans lesquelles le fiduciaire rend compte de sa mission au
constituant1304. À l'instar des règles prévues en matière de représentation sociale, dans ses
rapports avec les tiers, le fiduciaire est réputé disposer des pouvoirs les plus étendus sur le
patrimoine fiduciaire, à moins qu'il ne soit démontré que les tiers avaient connaissance de la
limitation de ses pouvoirs1305. En outre, les frais administratifs de distribution et d'exécution de
la mission du fiduciaire devrait faire l'objet d'une demande au titre de l'article 700, qui vient
renforcer la capacité dissuasive de l'action en défense de l'intérêt collectif. Se poseront
néanmoins des problèmes certains d'évaluation des frais, qui relèvent du pouvoir d'appréciation
du juge.
Cet examen rapide des potentialités du contrat de fiducie ne fait apparaître aucun obstacle
légal pour l'utilisation de cette technique à des fins de distribution fluide. Il y a en outre u ne
certaine ironie – intellectuellement plaisante - à procéder au détournement de ce rejeton du
trust américain1306 au profit de la lutte contre les infractions au droit de la concurrence, comme
1299
Décret n° 2009-1627 du 23 décembre 2009 relatif à l’exercice de la fiducie par les avocats
1300
Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Article 123.
1301
Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Art. 205: "Tout avocat exerçant
en qualité de fiduciaire doit être couvert contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile
professionnelle, en raison des négligences et fautes commises dans l'exercice de ces fonctions, par la
souscription, à titre personnel, d'une assurance propre à cette activité. Les contrats d'assurance ne doivent pas
comporter une limite de garantie inférieure à 1 500 000 euros par année pour un même assuré. Ils ne doivent pas
prévoir de franchise à la charge de l'assuré supérieure à 10 % des indemnités dues, dans la limite de 3 050 euros.
La franchise n'est pas opposable aux victimes"
1302
Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Art. 209-1: "Tout avocat exerçant
en qualité de fiduciaire doit avoir souscrit une assurance au profit de qui il appartiendra, propre à son activité, et
garantissant la restitution des biens, droits ou sûretés concernés. Les contrats d'assurance ne doivent pas
comporter une limite de garantie inférieure à 5 % de la valeur des biens immeubles et à 20 % de la valeur des
autres biens, droits ou sûretés. Ces seuils ne préjudicient pas à la souscription volontaire, par l'avocat fiduciaire,
d'une garantie financière supplémentaire".
1303
Article 2017 Code civil.
1304
Article 2022 Code civil.
1305
Article 2023 Code civil.
1306
F. BARRIÈRE, La réception du trust au travers de la fiducie, Litec, 2004, [Paris-II]. «l'analyse comparative
permet de pleinement assimiler le trust et la fiducie»
381
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
une sorte d'écho historique au détournement qu'en avait fait ROCKEFELLER dans la
constitution de son empire de la distribution pétrolière, à l'origine de la naissance du droit
antitrust1307. Ainsi pourrait s'accomplir la prophétie de CAPPELLETTI qui prédit le « déclin d’une
conception individualiste du procès et de la justice »1308 au profit d'un accès collectif à la justice. La
technique de l'affectation combinée à l'action en défense de l'intérêt collectif réalise le souhait
d'un « combat pour le droit [qui ne serait] plus la lutte solitaire pour le droit subjectif d’un individu contre
la violation commise par un autre individu, mais plutôt la lutte de classes et de catégories, dont la partie en
justice n’est que le porte-parole ou le représentant idéologique »1309.
1307
C. CHAMPAUD et D. DANET, «Origines et vicissitudes de la résurrection législative d'une très ancienne
institution mise hors la loi depuis 181 ans», Revue Trimestrielle de Droit Commercial, 2007, p. 728. «Moins d'un
siècle plus tard, sur les conseils de l'avocat Todt, John D. Rockefeller recouru au trust, version anglaise de la
substitution fidéicommissaire, pour tourner la prohibition des holdings (interdiction pour une SA de détenir des
actions d'autres sociétés) afin de concentrer la production pétrolière du New Jersey. […] La modification du droit
US permettant de créer des sociétés holding produira au dépérissement de cette technique concentrationiste des
entreprises aux USA. Toutefois, le trust n'étant qu'un avatar de la substitution fidéicommissaire son usage
rockeffelerien condamné par le Sherman act, la fameuse loi anti-trust américaine, n'a pas contribué à restaurer
l'image des transmissions fiduciaires dans l'opinion française, bien au contraire»
1308
M. CAPPELLETTI, «La protection d'intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (Métamorphoses de
la procédure civile)», Revue Internationale de Droit Comparé, 1975, p. 571 (voir p. 596).
1309
M. CAPPELLETTI, «La protection d'intérêts collectifs et de groupe dans le procès civil (Métamorphoses de
la procédure civile)», Revue Internationale de Droit Comparé, 1975, p. 571 (voir p. 591).
382
CHAP. 6 : PROCUREURS PRIVÉS
1310
Y. BENHAMOU, «Vers une inexorable privatisation de la justice», Recueil Dalloz, 2003, p. 2771.
1311
J. VOLFF, «La privatisation rampante de l'action publique», Revue Procédures, janvier 2005, p. 7.
1312
X. PIN, «La privatisation du procès pénal», Revue de Sciences Criminelles, 2002, p. 245.
383
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
538. La class action américaine est fondée sur le mécanisme de l'opt-out. Les consommateurs
victimes bénéficient du jugement sur l'action de classe sauf à manifester leur volonté expresse
d'exclusion dans un délai déterminé. Le mécanisme de l'opt-out ne règle pas le problème de
l'identification individuelle des bénéficiaires de l'indemnisation qui est seulement déplacé, en
aval, au stade de la distribution des dommages et intérêts. L'étude empirique révèle que l'inertie
des victimes à se manifester reste très forte, malgré une simplification extrême des formalités
de recouvrement individuel, une information utilisant tous les moyens de communication
moderne, et une quasi-gratuité de la procédure.
540. Il est possible de transposer cette approche – à droit constant – dans le système
juridique français en procédant à l'optimisation de l'action des associations de consommateurs
dans l'intérêt collectif. Une telle action ne se fonde pas sur l'article L421-1 du Code de la
Consommation, qui est subordonnée à l'existence d'une infraction pénale, mais sur la
jurisprudence de la Cour de Cassation reconnaissant l'intérêt à agir des associations selon un
principe de spécialité, au nom des intérêts collectifs entrant dans leur objet social, sur le
fondement de l'article 31 CPC. L'action dans l'intérêt collectif donnerait lieu au versement de
dommages et intérêts au profit d'un fonds de dotation ou d'une fiducie, institués « aussi près
que possible » au bénéfice des consommateurs lésés par l'infraction. Les traits
caractéristiquement punitifs d'une telle procédure conduisent toutefois à envisager la poursuite
d'un résultat équivalent par des formes plus naturellement répressives.
384
Titre II LA COMPÉTENCE DES AUTORITÉS DE CONCURRENCE
SUR LES RECOURS COLLECTIFS EN FORME PUBLIQUE
541. Les solutions collectives d'indemnisation des victimes d'infraction ne peuvent pas être
rattachées au régime de la responsabilité délictuelle ou à la notion de réparation, ni même à un
quelconque mécanisme de droit civil. L'initiative privée s'évapore au profit d'une catégorie
intermédiaire d'acteurs collectifs. La notion de dommages et intérêts est remplacée par la
confiscation du gain illicite. La collectivisation de la procédure altère complètement la
substance même des droits et sanctions mis en œuvre. Soraya AMRANI-MEKKI constate en ce
sens que « l’objectif de l’action n’est pas la réparation mais la poursuite d’une sanction privée pour la
moralisation des comportements »1313.
Que reste-t-il de la réparation et du droit civil? Pas grand-chose sans doute. Seule la notion de
peine privée pénale permet de rendre compte de cette punition paradoxale profitant à des
personnes privées. Au terme de cette étude, il convient d'interroger la prémisse et le postulat
même du private enforcement du droit de la concurrence.
L'argument budgétaire ne saurait en effet justifier à lui seul le désengagement des pouvoirs
publics, car la privatisation du contentieux indemnitaire permet seulement une externalisation
1313
S. AMRANI-MEKKI, «Inciter les actions en dommages-intérêts en droit de la concurrence: Le point de vue
d'un processualiste», in Le Livre Blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction au règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, Collège Européen de Paris - AFEC, 13
juin 2008, Revue Concurrences, 2-2009, p. 11.
1314
J. KORTMANN, «The tort law industry», European Review of Private Law, n°5 2009, p. 789 (voir p. 805).
«Those who argue in favour of [private enforcement] tend to point to the limitations and shortcomings of public
enforcement. Public enforcement agencies have limited resources […] To fill the void […] we should consider
privatizing enforcement […] If there are areas in which public enforcement is clearly in a "state of under
development", then we may have to consider improving public enforcement […] there is no clear necessity to
supplement our system of public enforcement with instruments of private enforcement […] for a lack of better
alternative».
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
des frais de fonctionnement judiciaire vers les entreprises privées. À rebours de la privatisation
du droit de la concurrence, la dévolution de la mission d'indemnisation des victimes aux
autorités de concurrence permet d'envisager la rationalisation et l'économie des moyens
judiciaires.
1315
A. KOMNINOS, «Relationship between Public and Private Enforcement: Quod Dei Deo, Quod Caesaris
Caesari», in Integrating public and private enforcement of competition law: Implications for courts and
agencies, European University Institute,16th Annual EU Competition Law and Policy Workshop, 17 juin 2011,
Social Science Research Network, en ligne : <papers.ssrn.com>. «Private enforcement primarily serves the
restorative compensatory objective-function, since private actions ensure compensation for those harmed by anti-
competitive conduct. However in such cases, the role of public enforcement is not inexistent […] a competition
authority's action may in effect amount to redress in specific cases: the competition authority may impose on the
wrongdoer or accept commitments from him to put in place a compensatory scheme. In addition, some
competition regimes give powers to certain public authorities to claim damages, acting on behalf of the victims
[…] There are also cases where the public agency […] may even take into account the injury to specific victims
of an anti-competitive practice and impose on the wrongdoer the obligation to compensate those persons. Indeed,
the public agency may pursue this informally, for example through a settlement. In addition some competition
regimes also provide a role for the state in claiming damages, acting on behalf of the victims».
1316
A. SANCHEZ PRESEDO, Rapport 2006/2207(INI) en réponse au Livre Vert intitulé « Actions en
dommages et intérêts pour infractions aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position
dominante », Commission des Affaires Economiques et Monétaires, Parlement Européen, 10 avril 2007.
386
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
544. Parallèlement au bricolage d'une action de classe privée à partir de l'action en défense de
l'intérêt collectif, il est possible d'envisager le développement d'une action de classe publique
tendant à l'indemnisation des victimes directes de cartel, à partir des dispositions existantes du
droit des pratiques restrictives de concurrence.
Là encore, le droit américain illustre les potentialités de cette approche, avec le développement
spectaculaire de l'action en disgorgement (Section 1). Un équivalent – certes plus timide - peut
être trouvé dans l'action en répétition de l'article L442-6 du Code de Commerce (Section 2).
387
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
545. De manière de plus en plus fréquente, les agences de régulation « imitent l'action de classe
en collectant d'importantes sommes d'argent pour le compte des victimes »1317. Mimétisme à front renversé,
puisque l'action de classe assure une fonction répressive déléguée à des procureurs privés
(private attorney general), tandis que l'action en restitution poursuivie par un procureur public
acquiert une fonction indemnitaire 1318.
1317
A. ZIMMERMAN, «Distributing justice», New York University Law Review, may 2011, p. 500. «Regulatory
agencies mimic class actions by collecting big monetary judgments on behalf of victims. […] For years, private
lawsuits in the United States have been the primary tool used to ensure that culpable parties pay damages to
those they harm. […] Recently, another body of law -administrative law - has begun to assume the same
compensatory role as private aggregate litigation. Over the past decade, agencies have collected over $10 billion
to compensate people hurt by massive frauds […] agencies face new challenges as they increasingly seek to
balance their traditional regulatory role with the new task of providing compensation for those harmed by
regulatory violators».
1318
V. WINSHIP, «Fair Funds and the SEC's Compensation of Injured Investors», Florida Law Review,
Décembre 2008, vol. 60, p. 1103. «The starting point for the “public class counsel” concept is the analogy to the
“private attorney general.” Securities laws have long been enforced through both public and private actions […]
the field of securities law actions [is] occupied by two principal categories of players-the private attorney general
and the public class counsel-both of whom serve deterrent and compensatory functions».
1319
La notion n'est pas inconnue en langue française. La locution "Faire rendre gorge à quelqu'un" se définit
comme le fait d'obliger une personne à restituer ce qu'il a acquis par des moyens illicites.
388
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
peuvent être « clairement reliés » à des biens ou des fonds en possession du défendeur 1320. La
doctrine américaine oppose ainsi la restitution qui est le fait de rendre une somme indûment
perçue (giving back) au disgorgement qui est le fait d'abandonner le gain illicite (giving up)1321. Si
techniquement, restitution et disgorgement ne sont donc pas exactement synonymes en Equity, en
pratique les deux termes sont employés de manière indifférenciée lorsque l'action est engagée
par une autorité publique pour le compte d'autrui.
Les juridictions du fond avaient rejeté la demande de remboursement comme ne faisant pas
partie des sanctions expressément prévues par les dispositions législatives applicables. Aux
termes de la loi, dans l'hypothèse où le locataire n'aurait pas agi personnellement en réparation
du dommage dans un délai de 30 jours, l'Office pouvait introduire une action en
responsabilité au nom des Etats-Unis, les dommages et intérêts obtenus étant logiquement
versés au Trésor Public.
La Cour Suprême a renversé le refus opposé par les juridictions du fond au motif que
l'injonction de remboursement du loyer excessif était « nécessaire et appropriée » afin de « donner
effet » à la politique décidée par le législateur 1324 destinée à lutter contre l'inflation en temps de
1320
American Law Institute, «Disgorgement», in Restatement (Third) of Restitution & Unjust Enrichment, 3 éd.,
2011, chap. 7 Remedies §51. «Equitable restitution allows recovery where money or property identified as
belonging in good conscience to the plaintiff could clearly be traced to particular funds or property in the
defendant's possession».
1321
D. RENDLEMAN, «Measurement of restitution: coordinating restitution with compensatory damages and
punitive damages», Washington and Lee Law Review, Fall 2011, vol. 68, p. 973.
1322
United States Supreme Court, 3 juin 1946, Office of Price Administration v. Warner Holding, 328 U.S. 395.
1323
Emergency Price Control Act of 1942 (EPCA).
1324
Supreme Court, 3 juin 1946, préc. : «It may be considered as an order appropriate and necessary to enforce
compliance with the Act. […] The problem of formulating these orders has been left to the judicial process of
adapting appropriate equitable remedies to specific situations. In framing such remedies under s 205(a), courts
389
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
guerre. L'Office des prix se trouvait par-là muni d'une action lui permettant de poursuivre
collectivement l'indemnisation des infractions à la réglementation des loyers, sans qu'il soit
nécessaire pour les différents locataires d'un même propriétaire d'intenter chacun séparément
pour leur compte des actions individuelles redondantes.
must act primarily to effectuate the policy of the Emergency Price Control Act and to protect the public interest
while giving necessary respect to the private interests involved. The inherent equitable jurisdiction […]
authorizes a court, in its discretion, to decree restitution of excessive charges in order to give effect to the policy
of Congress. And it is not unreasonable for a court to conclude that such a restitution order is appropriate and
necessary to enforce compliance with the Act and to give effect to its purposes».
1325
United States Supreme Court, 16 janvier 1960, Mitchell v. Robert De Mario Jewelry, 361 U.S. 288.
1326
United States Court of Appeals (6th Circ.), 13 septembre 1999, United States of America v. Universal
Management Services, 191 F.3d 750. Commercialisation d'un allume-gaz électrique présenté comme
"stimulateur de points d'acupuncture".
1327
United States Court of Appeals (2nd Circ.), 10 juin 1971, Securities and Exchange Commission v. Texas Gulf
Sulphur, 446 F.2d 1301. Délit d'initié concernant la découverte d'une mine d'or.
1328
United States District Court District of Columbia, 7 juillet 1999, Federal Trade Commission v. Mylan
Laboratories.
1329
La SEC est installée à la suite du Krach de 1929, dans le contexte politique du New Deal par le Securities
and Exchange Act de 1934.
390
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
administratives. Au civil, outre l'injonction de cessation de l'infraction (cease and desist order)1330, la
SEC peut poursuivre le prononcé d'une amende civile (civil penalty)1331 versée au Trésor et le
disgorgement of profit restitué aux victimes. La faculté pour le juge d'ordonner la restitution du
profit illicite à la demande de la SEC a été reconnue pour la première fois en 1971 dans l'affaire
Texas Gulf Sulphur1332.
Il convient de souligner – mais ce point sera développé dans le chapitre suivant - que la SEC
n'est pas cantonnée dans une position de procureur public devant les juridictions judiciaires.
Son pouvoir de répression administratif duplique ses pouvoirs de poursuite au civil. En vertu
de ses pouvoirs propres de sanction administrative, la SEC peut imposer une sanction
pécuniaire (money penalty)1333 et le disgorgement1334.
550. Fonction compensatoire des FAIR funds . Le rôle compensatoire de la SEC a été
renforcé dans le contexte de l'éclatement de la bulle internet du début des années 2000. À la
suite des scandales énormes provoqués par la faillite de Enron et de WorldCom 1335, la section
308 du Sarbanes-Oxley (SOX) Act de 2002 a consacré législativement la faculté pour la SEC de
collecter des fonds dans le cadre des poursuites civiles, en vue de leur restitution aux
investisseurs lésés par une infraction. L'objectif indemnitaire de la section 308 est renforcé par
la possibilité nouvelle d'affecter le produit des amendes civiles à la compensation des
victimes1336, qui viennent s'additionner au profit illicite dégorgé. Les sommes obtenues à titre
d'amendes et de dégorgement sont récoltées dans des fonds d'indemnisation ad hoc (dits FAIR
1330
United States Codes. Title 15 Section 78u-3: Cease-and-desist proceedings.
1331
United States Codes. Title 15 Commerce and Trade. Section 78u-1 Civil penalties for insider trading.
1332
United States Court of Appeals (2nd Circ.), 10 juin 1971, Securities and Exchange Commission v. Texas Gulf
Sulphur, 446 F.2d 1301. Délit d'initié concernant la découverte d'une mine d'or. La redistribution des fonds est
opérée via un compte séquestre (escrow). «The district court required [defendants] to pay to TGS the profits they
had derived from their TGS stock […] The payments are to be held in escrow in an interest-bearing account for a
period of five years, subject to disposition in such manner as the court might direct upon application by the SEC
or other interested person, or on the court's own motion. At the end of the five years any money remaining
undisposed of would become the property of TGS. To protect the appellants against double liability, any private
judgments against these appellants arising out of the events of this case are to be paid from this fund».
1333
Pouvoir de sanction administrative d'abord reconnu dans le cas précis du manquement d'initié: Insider
Trading Sanctions Act of 1984 (codifié 15 U.S.C. § 78u), Insider Trading and Securities Fraud Enforcement Act
of 1988 (codifié 15 U.S.C. § 78u-1). Généralisé à tous les cas de violation de la loi, aussi bien dans les
procédures civiles qu'administratives par: Securities Enforcement Remedies and Penny Stock Reform Act of
1990.
1334
Securities Enforcement Remedies and Penny Stock Reform Act of 1990.
1335
D. CARRILLO, «Disgorgement plans under the FAIR funds provision of the Sarbanes-Oxley act of 2002:
are creditors and investors truly being protected?», DePaul Business & Commercial Law Journal, Winter 2008.
p. 315.
1336
Sarbanes-Oxley Act of 2002 To protect investors by improving the accuracy and reliability of corporate
disclosures made pursuant to the securities laws. Section 308. Codifié: United States Codes 15 US 7246 Fair
funds for investors.
391
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
funds: Federal Account for Investors Restitution) qui organisent la redistribution individuelle. La
création du fonds est accompagnée d'un plan déterminant les personnes éligibles à
l'indemnisation, les mesures de publicité adéquates, et les mesures d'affectation du reliquat des
sommes non distribuées1337.
551. Les FAIR funds ont ainsi un effet comparable à la class action. Cet effet de substitution
est d'ailleurs explicitement reconnu par la Cour Suprême qui – selon le principe des vases
communicants – a refusé d'étendre les cas d'ouverture d'une class action sur le fondement du
Securities and Exchange Act en observant que l'action privée n'était pas nécessaire dès lors que
la SEC était suffisamment bien armée pour agir au civil en restitution dans l'hypothèse en
cause1338. Et en effet, l'efficacité redoutable de l'action en disgorgement de la SEC peut
difficilement être niée. Les montants reversés aux victimes via les FAIR funds sont très
importants: $2.1 milliards en 2009 1339, $2.8 milliards en 20101340 et $1.97 milliards en 2011 1341.
Soit au total, depuis l'entrée en vigueur du SOX Act, sur la période allant de 2002 à 2011, près
de 13 milliards de dollars restitués aux victimes d'infractions boursières.
1337
United States Securities and Exchange Commission. Rules of Practice and Rules on Fair Fund and
Disgorgement Plans. January 2006. Rule 1100 et s. p. 103. «a plan for the administration of a Fair Fund or a
disgorgement fund shall include […] (2) Specification of categories of persons potentially eligible to receive
proceeds from the fund; (3) Procedures for providing notice to such persons of the existence of the fund and their
potential eligibility to receive proceeds of the fund; (4) […] a cut-off date for the making of claims; (5) […]
provision for the disposition of any funds not otherwise distributed».
1338
United States Supreme Court, 15 janvier 2008, Stoneridge v. Scientific-Atlanta, 552 U.S. 148. Cf. p. 166: «
the § 10(b) private right should not be extended beyond its present boundaries […] The enforcement power is
not toothless. Since September 30, 2002, SEC enforcement actions have collected over $10 billion in
disgorgement and penalties, much of it for distribution to injured investors».
1339
Securities and Exchange Commission, Performance and accountability report, United States, 2009. p. 11.
1340
Securities and Exchange Commission, Performance and accountability report, United States, 2010. p. 11.
1341
Securities and Exchange Commission, Performance and accountability report, United States, 2011. p. 2.
392
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
investisseurs qui ont acheté des titres surévalués. Du point de vue de la préservation de la
confiance des investisseurs, elle constitue une menace bien plus grave que le délit d'initié.
Dans ce type de cas, la compensation offerte par la voie publique est secondaire,
l'indemnisation principale résultant de l'action privée, comme le montrent les affaires ENRON
et WORLDCOM.
553. Affaire ENRON. Avant sa faillite en novembre 2001, Enron était un des leaders
mondiaux du secteur de l'énergie, avec un chiffre d'affaires allégué de $100 milliards. Dans le
contexte de la dérégulation du marché de l'énergie des années 90, Enron s'était diversifié et
avait multiplié les fraudes comptables destinées à dissimuler ses pertes, avec la complicité du
cabinet d'audit Arthur Andersen, et diverses banques notamment JP Morgan et Citigroup. Le
cours d'Enron a atteint un pic à $90 en 2000, puis a perdu progressivement sa valeur jusqu'à
l'effondrement de la cotation à $0.61 le 28 novembre 2001. Le préjudice global subi par les
détenteurs de titres du fait de la fraude est évalué à $40 milliards. Les $2 milliards investis
comme pensions de retraite des 20.000 employés d'Enron ont été totalement volatilisés. Les
victimes ont introduit une class action qui s'est conclue en 2006 par diverses transactions pour un
montant global de $7.2 milliards 1342, soit la plus importante indemnité jamais obtenue aux Etats-
Unis. Parallèlement, la SEC a engagé diverses poursuites civiles et administratives 1343 ayant
abouti en 2003 à la constitution d'un FAIR fund d'approximativement $450 millions, soit 6% à
peine de l'indemnisation obtenue par l'action privée.
1342
Homologation de la transaction principale: United States District Court Houston, 22 février 2006, Mark
Newby et al. v. Enron Corp. [In re Enron Corporation Securities & ERISA Litigation]. Civil Action n° H-01-
3624. Notice of pendency and partial settlements of class action. Pour une vue de l'ensemble des transactions
intervenues, consulter le site du cabinet Gilardi ayant administré l'action: <www.gilardi.com/enron/securities>.
1343
Pour une synthèse des différentes actions engagées, consulter le site de la SEC:
<www.sec.gov/spotlight/enron.htm>.
1344
Sarbanes-Oxley Act of 2002. Section 308. «If in any judicial or administrative action brought by the
Commission under the securities laws […] the Commission obtains an order requiring disgorgement […] and the
Commission also obtains […] a civil penalty […] the amount of such civil penalty shall, on the motion or at the
393
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
direction of the Commission, be added to and become part of the disgorgement fund for the benefit of the
victims of such violation».
1345
P. S. ATKINS et B. J. BONDI, «Evaluating the mission: a critical review of the history and evolution of the
SEC enforcement program», Fordham Journal of Corporate and Financial Law , 2008, vol. 13, p. 367. «In
many instances, the SEC has avoided - some argue circumvented - the requirements of Section 308 by assessing
a “nominal” disgorgement amount of $1 in order to obtain the “hook” to justify seeking a large corporate penalty
to put into aFair Fund for distribution. As a result, the Fair Fund provision […] has been used as a justification
for obtaining large corporate penalties».
1346
United States District Court New York, 21 septembre 2005, In re WorldCom Securities Litigation.
1347
Conclusions de la SEC tendant à l'homologation de la transaction, 6 juin 2003, Securities and Exchange
Commission v. WorldCom. Civ n° 02-CV-4963 (JSR). «The largest financial fraud in history merits the largest
civil penalty ever imposed in an SEC action. […] The proposed Judgment also provides for a nominal amount
of disgorgement to be paid by WorldCom. The inclusion of that nominal disgorgement figure would allow the
$500 million penalty payment to be distributed to victims of the fraud pursuant to Section 308(a) of the
Sarbanes-Oxley Act of 2002». En ligne: <www.sec.gov/spotlight/worldcom/wcombrief060603.pdf>.
1348
United States District Court New York, 7 juillet 2003, Securities and Exchange Commission v. WorldCom.
1349
Securities and Exchange Commission, Report Pursuant to Section 308(c) of the Sarbanes-Oxley Act of 2002,
United States, 24 janvier 2003, en ligne : <www.sec.gov/news/studies/sox308creport.pdf>. Cf. p. 20: «while the
Fair Fund provision may facilitate investor compensation in some cases, in other cases private litigation remains
the best mechanism for investor recovery of losses».
1350
A. DAVIS EVANS, «The investor compensation fund», Journal of Corporation Law, Fall 2007, vol. 33,
p. 223. « the securities class action provides more compensation for investors than any other means».
394
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
556. En cas de défaillance de la class action privée, l'action publique passe toutefois du rôle de
complément, au rôle de suppléant, avec des résultats spectaculaires. La Securities and Exchange
Commission (I), les Attorney General des États (II), la Federal Trade Commission et le
Department of Justice (III) assument une mission subsidiaire d'indemnisation massive des
victimes lorsque l'action privée s'avère inefficace.
557. Une action sans précédent. Le risque systémique d'effondrement bancaire causé par
la crise des subprimes a conduit la SEC à dépasser sa politique d'intervention complémentaire
afin de restaurer la liquidité du marché par une indemnisation massive. En février 2008, le
marché des Auction Rate Securities (ARS)1351 s'est effondré, volatilisant $330 milliards de capitaux
investis par des dizaines de milliers d'épargnants. Considérant qu'il y avait eu une information
trompeuse sur les risques du produit, la SEC a immédiatement engagé une action en restitution
contre les différentes banques opérant sur le marché ARS afin d'obtenir le remboursement des
clients. L'action s'est terminée par une série de transactions conclues entre août 2008 et juin
2009, prévoyant le rachat des titres sans perte pour les investisseurs, pour un montant global de
$67 milliards1352. Comme l'a souligné le directeur de la SEC's Enforcement Division :
1351
Les Auction Rate Securities sont des produits financiers à long terme dont le rendement est révisé
périodiquement par un système d'enchères nécessitant l'arrivée permanente de nouveaux investisseurs. La
contraction brutale du marché immobilier a provoqué le krach du marché ARS, générant un nouveau risque de
contagion.
1352
E. B. WALTER, Testimony Concerning Securities Law Enforcement in the Current Financial Crisis Before
the United States House of Representatives Committee on Financial Services, Securities and Exchange
Commission, 20 mars 2009, en ligne : <www.sec.gov/news/testimony>. «Through the collective efforts of SEC
Enforcement, state regulators and FINRA, over the past year tens of thousands of ARS investors have received,
or will receive, over $67 billion of liquidity. […] The ARS settlements involve the largest settlement sums in the
history of the SEC».
1353
L. CHATMAN THOMSEN, Testimony Concerning The SEC’s Recent Actions With Respect to Auction
Rate Securities Before the Committee on Financial Services U.S. House of Representatives, Division of
Enforcement, Securities and Exchange Commission, 18 septembre 2008, en ligne :
<www.sec.gov/news/testimony.shtml>. «This relief is virtually unprecedented in type, magnitude and timing
[…] The goal of the SEC in these matters has been to return as much liquidity to investors as quickly as
possible».
395
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
558. Analyse des transactions . La SEC alléguait l'emploi par les banques de manœuvres
frauduleuses dans les ventes d'ARS à des investisseurs trompés sur les risques d'illiquidité du
produit en violation des obligations réglementaires1354. L'indemnisation s'est déroulée de
manière extra-judiciaire, par transactions sur des engagements (undertakings) de rachat des titres,
n'impliquant aucune reconnaissance des allégations de la SEC 1355.
Formellement, il s'agit de conventions portant sur une obligation de faire, et non pas sur le
paiement d'une somme d'argent à titre de dommages et intérêts. Le résultat est pourtant
substantiellement équivalent. La transaction définit les investisseurs éligibles au rachat des
titres, la forme de la notice d'information individuelle, et la période durant laquelle les victimes
peuvent faire une demande (opt-in) de rachat, de manière comparable à un plan de distribution
du produit d'une class action1356. La transaction extrajudiciaire sur un engagement de rachat
aboutit à l'indemnisation des victimes, exactement de la même manière qu'une distribution de
dommages et intérêts dans le cadre d'une class action privée ou d'une action publique en
disgorgement.
1354
Securities and Eschange Act of 1934. Section 15C. Codifié: §15 USC 78 o: «Use of manipulative or
deceptive devices: No broker or dealer shall make use of the mails or any means or instrumentality of interstate
commerce to effect any transaction in, or to induce or attempt to induce the purchase or sale of, any security […]
by means of any manipulative, deceptive, or other fraudulent device or contrivance».
1355
Les principales transactions en volume: UBS (31 octobre 2008 pour $22.7 milliards), CitiGroup (13 octobre
2008 pour $7 milliards), Wachovia (5 février 2009 pour $7 milliards), Merrill Lynch (22 août 2008 pour $7
milliards) et Bank of America (3 juin 2009 pour $4.5 milliards). Pour une vue d'ensemble des transactions
conclues avec les différents opérateurs: www.sec.gov/investor/ars.htm.
1356
Voir par exemple la transaction UBS: www.sec.gov/news/press/2008/2008-290-ubsconsent.pdf.
396
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
559. Clone public de la class action. Il existe une seconde famille d'actions des autorités
publiques, substantiellement équivalente à une class action, permettant d'aboutir à
l'indemnisation massive des victimes: l'action parens patriae des États. Par l'action parens patriae,
les procureurs généraux des États (State attorneys general) peuvent demander des dommages et
intérêts pour le compte des personnes physiques résidentes de l'État. L'action parens patriae
présente des propriétés « analogues »1357 à une class action en ce sens qu'elle permet d'agréger des
demandes individuelles en une seule instance afin d'obtenir une réparation collective indirecte.
560. L'action parens patriae trouve son origine en Common Law qui reconnaît la qualité de
l'État à agir in loco parentis, c'est-à-dire en lieu et place des parents en faveur des mineurs et
incapables, parce que ceux-ci ne sont pas en mesure d'agir pour eux-mêmes1358. Mais c'est une
opinion du juge HOLMES dans un arrêt rendu en matière de dommage environnemental en
1907 qui fixe la doctrine moderne de l'action parens patriae en retenant l'intérêt « quasi-
souverain »1359 de l'État à obtenir une injonction civile. Et par la suite, la Cour Suprême a reconnu
l'intérêt « quasi-souverain » de l'État à agir au civil en injonction sur le fondement du Clayton Act,
contre une entente anticoncurrentielle causant un « dommage à l'économie »1360.
561. Hart-Scott-Rodino Act de 1976 . L'action parens patriae a adopté une dimension
indemnitaire avec la réforme des class actions de 19661361, parce qu'elle offrait une alternative au
régime restrictif issu de l'arrêt EISEN imposant la notification individuelle des membres de la
1357
M. H. LEMOS, «Aggregate litigation goes public: representative suits by state attorneys general», Harvard
Law Review, 2012, vol. 126. «Damages class actions are not unique; they have an analogue in the public sphere.
Public litigation by government actors plays a role similar to that of the private class action, collecting many
claims into one suit and pursuing recovery for all».
1358
J. RATLIFF, «Parens Patriae: an overview », Tulane Law Review , juin 2000, vol. 74, p. 1847.
1359
United States Supreme Court, 13 mai 1907, State of Georgia v. Tennessee Copper: 206 U.S. 230. Était en
cause une injonction civile de cessation des rejets d'acide sulfurique dans l'air par une usine d'extraction du
cuivre. «This is a suit by a state for an injury to it in its capacity of quasi-sovereign. In that capacity the state has
an interest independent of and behind the titles of its citizens, in all the earth and air within its domain.[…] The
alleged damage to the state as a private owner is merely a makeweight».
1360
United States Supreme Court, 23 avril 1945, State of Georgia v. Pennsylvania Railroad Co. & others: 324
U.S. 439. Action civile en injonction de mettre fin à l'entente sur les tarifs du fret ferroviaire: «Georgia is not
confined to suits designed to protect only her proprietary interests. The rights which Georgia asserts, parens
patriae, are those arising from an alleged conspiracy of private persons whose price-fixing scheme, it is said, has
injured the economy of Georgia […] the interests of the State are not confined to those which are proprietary;
they embrace the so-called ‘quasi-sovereign’ interests […] Georgia may maintain this suit as parens patriae
acting on behalf of her citizens […] Georgia is a ‘person’ entitled to enforce the civil sanctions of the anti-trust
laws».
1361
Rule 23 Federal Rules of Civil Procedure autorisant une personne privée à agir pour le compte des membres
de la classe qui n'auraient pas expressément demander leur exclusion.
397
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
classe1362. Ainsi, l'affaire des antibiotiques a été introduite simultanément comme une action de
classe et une action parens patriae, mais finalement jugée sur le fondement de la Rule 23
FRCP1363. Les arrêts STANDARD OIL1364 et FRITO-LAY1365 ont toutefois fermé la voie de l'action
parens patriae en réparation en droit antitrust. Le législateur est donc intervenu par le Hart-
Scott-Rodino Act de 1976 (HSR) pour fonder textuellement l'action parens patriae en
réparation en prévoyant que:
« le procureur général de l'État peut introduire une action civile au nom de l'État,
en tant que parens patriae, pour le compte des personnes physiques résidentes de
l'État, devant les juridictions civiles (district court) compétentes du domicile du
défendeur, afin d'obtenir une réparation pécuniaire (monetary relief) »1366.
En application du HSR Act, les State Attorneys General peuvent intenter une action en
dommages et intérêts triples du fait des violations du Sherman Act, à titre de parens patriae
pour le compte des personnes physiques résidentes de l'État. William RUBENSTEIN -
professeur de procédure civile à Harvard - explique que l'action parens patriae a été élaborée
afin de « fournir une alternative pratique aux class actions massives intrinsèquement ingérables
[unmanageable] introduites pour le compte de nombreux individus »1367. Aux termes de l'intitulé du HSR
Act, le législateur américain a explicitement visé à « améliorer et faciliter la mise en œuvre rapide et
efficace des lois antitrust », afin de remédier au « vide procédural » 1368 laissé par l'arrêt EISEN.
1362
United States District Court New York, 27 septembre 1966, Eisen v. Carlisle & Jacquelin: 41 F.R.D. 147.
«both the Rule [23] and concepts of due process require individual notice for the class members who can be
identified and notice amounting to more than a ‘mere gesture’ for those who cannot be identified».
1363
United States Court of Appeals (2nd Circ.), 29 mars 1971, State of West Virginia v. Pfizer: 440 F.2d 1079.
«While in our view the court below might well have considered making use of a parens patriae theory in the
present case, Judge Wyatt made it quite clear that he was proceeding solely on the basis of a Rule 23 class
action, and therefore evaluation of the parens patriae doctrine by this court is unnecessary».
1364
United States Supreme Court, 1er mars 1972, State of Hawaii v. American Oil: 405 U.S. 251. «Parens patriae
actions may, in theory, be related to class actions, but the latter are definitely preferable in the antitrust area. Rule
23 provides specific rules for delineating the appropriate plaintiff-class, establishes who is bound by the action,
and effectively prevents duplicative recoveries».
1365
United States Court of Appeals (9th), 7 février 1973, State of California v. Frito-Lay, 474 F.2d 774. «If the
state is to be empowered to act in the fashion here sought we feel that authority must come not through judicial
improvisation but by legislation and rule making […] the authority of the state to act here as representative of its
citizens cannot be founded on its common-law capacity as parens patriae».
1366
Hart - Scott - Rodino Antitrust Improvements Act of 1976. An Act to improve and facilitate the expeditious
and effective enforcement of the antitrust laws. Section 301: Parens patriae actions by State attorneys general.
Codifiée: United States Code 15 USC §15c: «Any attorney general of a State may bring a civil action in the
name of such State, as parens patriae on behalf of natural persons residing in such State, in any district court of
the United States having jurisdiction of the defendant, to secure monetary relief».
1367
W. B. RUBENSTEIN, «Parens patriae suits», in Newberg on Class Actions, sous la dir. de A. CONTE, édité
par H. B. NEWBERG, 4 éd., 2008, chap. 18 Antitrust Class Actions (§18:55). «The Hart-Scott-Rodino Act was
designed to provide a practical alternative to inherently unmanageable massive class actions brought on behalf of
numerous individuals»
1368
S. HARRIMAN, «Parens Patriae Actions on Behalf of Indirect Purchasers: Do They Survive Illinois
Brick?», Hastings Law Journal, septembre 1982, vol. 34, p. 179. «The decisions in Frito-Lay and Eisen and the
398
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
562. Distribution fluide . Les résultats obtenus sur le fondement du HSR Act montrent le
« rôle important »1369 - alternatif à la class action - joué par l'action parens patriae en matière
antitrust. L'action parens patriae fonctionne comme un substitut aux class actions privées, dans
les hypothèses où celles-ci ne sont pas viables, notamment en cas de dommages diffus. La
consécration des mesures de distribution fluide par l'arrêt LEVI'S1370, a permis aux actions
parens patriae de devenir un « outil puissant »1371 d'indemnisation des consommateurs, du fait
de l'utilisation intensive de mécanismes de réparation cy pres. Un autre facteur d'efficacité réside
dans la coordination des actions publiques impliquant plusieurs dizaines d'États voire la
totalité d'entre eux (Multi-district ou Multi-state litigation). Ainsi, dans l'affaire NINTENDO, les
cinquante États américains agissant conjointement ont obtenu la distribution de coupons de
réduction d'un montant de $5 dollars au profit de 5 millions de consommateurs1372. Dans
l'affaire des CHAUSSURES DE SPORT pour un surcoût estimé à moins de $4 dollars par paires,
Reebok et Keds ont versé une somme globale de $16.7 millions dont $13.7 millions au profit
d'organismes à but non-lucratif en faveur des enfants1373. Le juge approuve une méthode de
distribution « pragmatique » car - s'il fallait procéder à une distribution individuelle - « le jeu n'en
vaudrait pas la chandelle »1374.
impracticality of an individual consumer's bringing a Clayton section 4 action left the consumer with no effective
means by which to enforce the Sherman Act. It was this deficiency that Congress sought to remedy with the
passage of title III of the Hart-Scott-Rodino Act […] designed to fill a procedural vacuum».
1369
H. FIRST, «Delivering Remedies: The Role of The States in Antitrust Enforcement», in Pyrrhic Victories?
Reexamining the Effectiveness of Antitrust Remedies in Restoring Competition and Deterring
Misconduct, Symposium 23 mars 2001, George Washington University Law School - Washington D.C, George
Washington Law Review, October / December 2001, n° 69, p. 1004. «the history of state enforcement and the
current record of state enforcement results demonstrate that the states do play an important role in antitrust
enforcement today. That role features the pursuit of remedies that benefit consumers, particularly monetary
remedies […] when compared to private enforcement, state antitrust enforcers have stronger jurisdictional tools.
The main advantage is that although the federal parens patriae claim for damages under the Hart-Scott-Rodino
Act has procedural protections similar to those provided under Rule 23 for class members, such actions need not
meet Rule 23's requirements».
1370
United States. Supreme Court of California. March 20, 1986. State v. Levi Strauss & Co. (41 Cal. 3d 460).
1371
S. B. FARMER, «More Lessons from the Laboratories: Cy Pres Distributions », Fordham Law Review, 4
August 2008, n° Vol.68, Penn State Legal Studies Research Paper No. 11-2008, p. 361, en ligne :
<http://ssrn.com/abstract=1207602>. «Expansive application of cy pres distributions in parens patriae antitrust
actions brought on behalf of a state-wide or national group of consumers is a powerful tool that can serve the
laudable legislative goal of opening courts to consumers in antitrust cases [and] an efficient alternative to
consumer class actions».
1372
United States District Court New-York, 17 octobre 1991, State of New-York et al. v. Nintendo: 775 F.Supp.
676.
1373
United States District Court New-York, 20 octobre 1995, State of New-York et al. v. Reebok: 903 F.Supp.
532. United States District Court New-York, 21 mars 1994, State of New-York et al. v. Keds: 1994 WL 97201
(S.D.N.Y.).
1374
State of New-York et al. v. Keds: «The method of distribution of the settlements funds is pragmatic and
sensible in the circumstances. The evidence shows that the overcharges caused by the alleged illicit agreements
were in the range of $1.00 to $1.25 per pair of shoes. As noted, over five million pairs were sold. Even assuming
that some consumers bought more than one pair, the amount of damages per consumer is small. Furthermore, it
399
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
563. Subsidiarité de l’action parens patriae à l’égard de la class action . L'action parens
patriae ne joue pourtant qu'un rôle subsidiaire, en ce sens que l'action des autorités publiques
tendant à l'indemnisation des consommateurs suppose une défaillance exceptionnelle de la voie
normale de l'action privée. L'action parens patriae est un « paradoxe juridictionnel » qui se développe
aux limites, sur les friches abandonnées par la class action. Son élément déclencheur est
l'indignation de l'opinion publique qui réclame la sanction du coupable. Deux conditions
exceptionnelles doivent être réunies pour créer un scandale suffisant: un comportement
immoral lucratif et l'impunité résultant d'un échec persistant des actions judiciaires privées
ordinaires.
564. Affaire des VITAMINES. L'affaire des VITAMINES illustre particulièrement bien cette
conjonction entre l'élément moral et la réponse insatisfaisante du système judiciaire. Le cartel
des vitamines avait été présenté par la Division Antitrust du Department of Justice comme « le
complot criminel anticoncurrentiel le plus insidieux et nocif jamais découvert »1375. Dès novembre 1999, les
sept fabricants de vitamines ont transigé sur la class action engagée par les acheteurs directs 1376
pour un montant de $1.1 milliard1377, ce qui constituait toujours la plus importante
indemnisation jamais obtenue en matière antitrust. Mais alors même que l'Attorney General
KLEIN soulignait que « virtuellement chaque américain » avait été la victime du cartel, les
consommateurs se trouvaient en pratique dépourvu de tout recours viable, compte tenu de la
faiblesse du préjudice individuel, de la quasi-impossibilité d'estimer la répercussion du surcoût,
et surtout de la jurisprudence ILLINOIS BRICK. Du point de vue des acheteurs indirects, le cartel
des vitamines présentait bien un caractère scandaleux d'impunité, puisque les consommateurs –
victimes ultimes du cartel – n'obtiendraient rien, tandis que les acheteurs directs qui avaient eu
la possibilité de répercuter le surcoût se répartiraient $1 milliard.
would be difficult if not impossible to trace individual consumers. Unlike purchasers of large electronic
appliances, there are no warranty cards or other documents to assist in that task. I am satisfied that the efforts to
locate and correspond with individual consumers of Keds shoes would, to the extent successful at all, cost
amounts sufficient to wipe out any economic benefit of the settlements. The game, in short, would not be worth
the candle»
1375
J. I. KLEIN, Statement of Assistant Attorney General, Communiqué de presse, Antitrust Division,
Department of Justice, 20 mai 1999, en ligne : <www.justice.gov/atr/public/press_releases/1999/2451.htm>.
«The vitamin cartel is the most pervasive and harmful criminal antitrust conspiracy ever uncovered. The criminal
conduct of these companies hurt the pocketbook of virtually every American consumer […] This cartel was truly
extraordinary. It lasted almost a decade and involved a highly sophisticated and elaborate conspiracy to control
everything about the sale of these products. […] The enormous effort that went into maintaining this conspiracy
reflects the magnitude of the illegal revenues it generated as well as the harm it inflicted on the American
economy».
1376
United States District Court, District of Columbia, 31 mars 2000, In re Vitamins Antitrust Litigation: 2000
WL 1737867 (D.D.C.), 2000-1.
1377
D. BARBOZA, «$1.1 Billion To Settle Suit On Vitamins», New York Times, 4 novembre 1999.
400
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
Les obstacles à l'indemnisation des consommateurs ont été contourné par l'action parens patriae
introduite conjointement par 24 États pour le compte des acheteurs indirects et des
consommateurs qui a permis de parvenir à une indemnisation totalisant $335 millions1378.
Dans l'État de New-York, $19 millions ont fait l'objet de distribution fluide au profit de plans
de nutrition. Ayant engagé une action parens patriae séparée, l'État de Californie a obtenu une
transaction de $80 millions, dont $38 millions au profit des acheteurs indirects 1379. Du fait de
l'impossibilité pratique de la distribution individuelle, les sommes ont été restituées au
consommateur par affectation des sommes à divers organismes caritatifs 1380. L'action parens
patriae se révèle ainsi plus efficace que n'importe quel autre mécanisme pour procurer une
indemnisation de masse1381. L'initiative publique combinée à la distribution fluide est seule à
même d'assurer une indemnisation substantielle des consommateurs.
565. Le cas de la SEC et de l'action parens patriae montrent que l'action publique est un
véhicule performant pour l'indemnisation de masse, à la fois par le volume des sommes
distribués, par la rapidité de la procédure et par son coût. Le recours à l'indemnisation publique
massive est toutefois limité aux hypothèses les plus critiques d'échec de l'indemnisation privée.
L'indemnisation publique massive est exceptionnelle en ce sens qu'elle n'est politiquement
réalisable que dans des situations de crise - financière comme dans le cas des ARS, ou sanitaire
dans le cas du tabac - particulièrement graves, lorsque l'impunité des auteurs crée un trouble
majeur dans l'opinion publique. Ces conditions sont difficilement réunies en matière antitrust.
Les infractions de concurrence demeurent largement invisibles ou insensibles, en deçà du seuil
liminaire d'indignation de la conscience anesthésiée des consommateurs, ne provoquant guère
1378
H. FIRST, «The Vitamins Case: Cartel Prosecutions And The Coming Of International Competition Law »,
Antitrust Law Journal, vol. 68, p. 711. Cf. p. 718 note 27.
1379
B. LOCKYER, Attorney General Lockyer Announces $80 Million Antitrust Settlement Involving Alleged
International Vitamins Price-fixing Scheme, Communiqué de presse, Office of the Attorney General, State of
California Department of Justice, 10 octobre 2000, en ligne : <www.oag.ca.gov/news/press-releases>.
1380
B. LOCKYER, Attorney General Lockyer Announces Distribution of Price-fixing Settlement Funds to
Charity Food Groups, Communiqué de presse, Office of the Attorney General, State of California Department of
Justice, 11 novembre 2004, en ligne : <www.oag.ca.gov/news/press-releases>.
1381
F. CENGIZ, «The Role of State Attorneys General in U.S. Antitrust Policy: Public Enforcement Through
Private Enforcement Methods», Centre for Competition Policy Working Paper , November 2006, 06-19,
en ligne : <http://ssrn.com/abstract=963992>. «Parens patriae actions prove to be more advantageous than any
other mechanism in providing relief to a mass».
401
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
d'émois au dehors du cercle restreint des juristes spécialisés. Ceci explique le contraste
saisissant entre le rôle indemnitaire massif de la SEC et des Attorney General et le rôle modeste
de la Federal Trade Commission et du Department of Justice en matière antitrust.
Politique plus agressive mais qui ne signifie pas une banalisation de l'action de la FCT en
matière antitrust. Comme le souligne un des avocats de la FTC, l'action en disgorgement offre un
remède comparable à une class action1386. Par conséquent, afin d'éviter l'engagement des
ressources - limitées - de la Commission, dans des affaires pouvant être résolues par voie
d'action privée, la Commission a clairement établi dans ses lignes directrices le caractère
« exceptionnel » et subsidiaire du recours à ce type de mesures, notamment lorsque les
victimes semblent dans l'incapacité d'obtenir une indemnisation par voie d'action privée 1387. La
1382
Par exemple: United States Court of Appeals (11 th Circ.), 9 juillet 1996, Federal Trade Commission v. Gem
Merchandising, 87 F.3d 466. Pratiques commerciales déloyales de telemarketing. La Cour ordonne le
remboursement aux consommateurs d'une somme de $487,500 et le versement au Trésor Public dans la mesure
où le remboursement du reliquat des sommes n'est pas possible en pratique.
1383
Deux affaires en matière de fixation des prix: restitution de $300.00 au profit de l'Etat de Puerto Rico (United
States District Court Puerto Rico, 2 octobre 1997, FTC v. College of Physicians-Surgeons of Puerto Rico, n°
Civ. 97-2466 HL) et restitution de $25.000 au profit des consommateurs (United States District Court Ohio,
1983, FTC v. Joseph Dixon Crucible Co).
1384
United States District Court District of Columbia, 7 juillet 1999, Federal Trade Commission v. Mylan
Laboratories. Restriction de concurrence sur le marché des médicaments génériques (lorazepam et clorazepate):
«It is true that the plain language of § 13(b) does not authorize the FTC to seek monetary remedies. The FTC
argues, however, that monetary relief is a natural extension of the remedial powers authorized under § 13(b).
Although courts are generally disinclined to find remedies beyond those that Congress has expressly granted, the
equitable jurisdiction of a federal agency such as the FTC must be read in light of the principles articulated in
Porter v. Warner Holding Co. (1946). In that case, the Supreme Court upheld the district court's authority to
refund the illegal rent overcharges».
1385
United States District Court District of Columbia, 14 décembre 2001, Federal Trade Commission v. First
Data Bank. Distribution aux clients lésés qui avait acquitté un prix excessif du fait de l'abus de position
dominante sur le marché des bases de données médicales: «Not later than three (3) days after entry of this Final
Order, Defendants shall pay to an escrow fund, to be identified by the Plaintiff to the Defendants, a sum for
disgorgement of profits equal to $19,000,000 (nineteen million and 00/100 dollars), until it can be distributed pro
rata to eligible parties alleging harm».
1386
S. CALKINS, «An enforcement official's reflections on antitrust class actions», Arizona Law Review,
Summer 1997, vol. 39, p. 413. «Class action-type relief».
1387
Federal Trade Commission, 25 juillet 2003, Policy Statement on Monetary Equitable Remedies in
Competition Cases: «we do not view monetary disgorgement or restitution as routine remedies for antitrust
cases. In general, we will continue to rely primarily on more familiar, prospective remedies, and seek
disgorgement and restitution in exceptional cases […] when practical or legal difficulties are likely to preclude
402
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
doctrine majoritaire approuve ce rôle subsidiaire qui évite la « duplication »1388 des poursuites
publiques et privées. L'action publique en restitution apparaît en général particulièrement
opportune lorsque l'action privée est « impraticable »1389 ou « improbable »1390. Une doctrine
minoritaire regrette toutefois cette attitude restrictive, en souhaitant une utilisation plus
systématique du disgorgement1391, afin de remédier à la « chaotique multiplicité » des class actions
tendant à l'indemnisation des acheteurs indirects 1392.
compensation for those injured by a violation who in equity should be made whole, we may seek restitution for
them».
1388
D. BALTO, «Returning to the Elman vision of the Federal Trade Commision», Antitrust Law Journal, 2005,
n° Vol.72, p. 1113 (voir p. 1120). «In recent years, the FTC [..] with increasing frequency, has tried to duplicate
the role of private and state antitrust enforcers by seeking disgorgement or restitution under Section 13(b) of the
FTC Act […] the combination of state, federal, and private enforcers simultaneously seeking monetary relief
creates an incoherent system of remedies».
1389
H. FIRST, «The case for antitrust civil penalties», Antitrust Law Journal, 2009, vol. 76, p. 127. «The case for
restitutionary civil penalties is strongest when there is no practical way for victims to recover their damages from
the violator».
1390
R. H. LANDE, Comments On The Federal Trade Commission 's Use Of Disgorgement in Antitrust Matters,
March 29, 2002, American Antitrust Institute, 2002. «There are additional reasons why disgorgement is likely to
be in the public interest. There are occasions when no private follow-up suit is likely to occur».
1391
E. ELHAUGE, «Disgorgement as an antitrust remedy», Antitrust Law Journal, 2009, vol. 76, p. 79.
«Disgorgement is an antitrust remedy that is legally available, enormously powerful, but seldom used».
1392
J. LOPATKA et W. PAGE, «Indirect purchaser suits and the consumer interest. », Antitrust Bulletin ,
Summer 2003, n° Vol. 48 Issue 2, p. 531 (voir p. 569). «The abject failure of indirect purchaser class actions to
provide either compensation or rational deterrence calls for some kind of reform […] The United States would
be allowed to recover damages in civil actions, even if it suffered no loss in its own property. The shaky
statutory authority of the FTC in obtaining disgorgement of ill-gotten monopoly profits would be legislatively
ratified. And the damage multiple for both agencies would be increased, say to 10, and expressed as a ceiling,
with the multiple in any given case set by reference to the probability of detection ex ante under the
circumstances […] This kind of enforcement sheme offers the potential of achieving optimal deterrence in a
single action, rather than the current reality of haphazard enforcement in a multiplicity of actions».
403
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
l'analyse livrée par le très influent juge Richard POSNER, alors qu'il assurait la médiation des
négociations dans l'affaire MICROSOFT. Son intervention lors du colloque de l'American Bar
Association en septembre 2000 intitulée « Antitrust in the New Economy » vise à esquisser des
solutions aux « problèmes institutionnels » de la mise en œuvre du droit de la concurrence. Dans
cette intervention, Richard POSNER soutient que le hiatus existant entre le temps de l'économie
et le temps judiciaire est aggravé par un « effet de bombe à fragmentation » (Cluster bomb effect), qui
complexifie la mise en œuvre du droit de la concurrence en créant de multiples instances pour
un même litige:
« Aussitôt la Division Antitrust a-t-elle engagé des poursuites, il est fort probable
que les États et maintenant l'Union européenne vont se joindre à la bagarre, suivis
à quelque distance par les avocats spécialistes des class actions en antitrust. […]
Une réponse partielle possible à l'effet de bombe à fragmentation serait de conférer la
faculté au Justice Department d'introduire l'action en dommages et intérêts pour le
compte des personnes lésées et de procéder à la distribution du produit de l'action
entre les victimes »1393.
Observant que le contentieux collectif privé des dommages et intérêts vient à la remorque de
l'action publique, Richard POSNER propose tout simplement de rationaliser la réponse
judiciaire en concentrant le contentieux objectif et subjectif au sein d'une même instance
d'initiative publique. Une opinion aussi radicale, de la part d'un juge aussi expérimenté – et
peu suspect de jacobinisme - mérite certainement d'explorer les avantages d'une telle approche
dans le contexte français et européen.
1393
R. A. POSNER, «Antitrust in the New Economy», in AU/ABA Conference, Sept. 14, 2000, Antitrust Law
Journal, 2001, n° Vol. 68, p. 925. «[there is a] tendency of antitrust litigation to create multiple lawsuits out of a
single dispute; call this the cluster-bomb effect. No sooner does the Antitrust Division bring a case, but the states
and now the European Union are likely to join the fray, followed at a distance by the antitrust plaintiffs’ class
action bar. The effect is to lengthen out the original lawsuit, complicate settlement, magnify and protract the
uncertainty engendered by the litigation, and increase litigation costs […] A possible, partial solution to the
delay and cluster-bomb problems would be to empower the Justice Department to bring antitrust suits for
damages by whomever suffered and to parcel out the proceeds of the suit among the victims».
404
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
568. L'article L442-6 III du Code de Commerce se caractérise par la variété des sanctions
disponibles:
1394
Code de Commerce. Article L442-6 III.
1395
G. W. HEGEL, La Raison dans l'histoire : introduction à la philosophie de l'histoire (Die Vernunft in der
Geschichte), Union Générale d'Editions, 1971.
1396
G. CANIVET, «La convergence de systèmes juridiques du point de vue du droit privé français», in 16ème
congrès international de droit de Brisbane, Revue Internationale de Droit Comparé, 1-2003, vol. 55, p. 7,
en ligne : <http://www.persee.fr>.
405
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1397
Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
1398
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
1399
J.-P. DE LA LAURENCIE et L. GIVRY, «Loi NRE: Régulation de la concurrence», Revue Lamy Droit des
Affaires, supplément juin 2001, n° 40, p. 1.
1400
J. GALLOT, «L’intervention du Ministre devant le juge civil en matière de relations commerciales»,
in Atelier de droit de la concurrence: Le juge civil, le juge commercial et le droit de la concurrence, 1999,
Ministère de l'Economie et des Finances - DGCCRF. En ligne: http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Les-ateliers-
de-la-concurrence-1199
1401
TGI Paris (référé), 24 mars 1992, Ministre de l'Economie c. Intermarchandises France. Réf. n° 3153/92.
1402
Cass. Com. 5 déc. 2000.
406
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
La décision a été confirmée en appel, la Cour prenant soin de préciser que « le préjudice subi
par le partenaire économique ne peut être réparé que par l'annulation des ventes
litigieuses »1404. La nullité - qui n'est pas expressément prévue par l'article 36 de l'Ordonnance -
1403
TGI Châlon-sur-Saône, 21 juin 1994, Ministre de l'Economie c. SA SODIMONT (Centre Leclerc): RJDA
11/94 n° 1160 p. 903. «le prix obtenu par [le distributeur] était très inférieur au prix normal et n'a pas été
pratiqué à l'égard d'autres clients [du fournisseur] […] les contreparties invoquées […] ne constituaient pas des
contreparties réelles aux conditions d'achat obtenues par le centre Leclerc dans la mesure où elles auront été
notablement inférieures au montant des avoirs obtenus […] que la somme de 644.204,73 Fr. n'est pas discutée
par [le distributeur] et résulte des pièces régulièrement versées […] qu'il sera donc fait droit aux demandes du
directeur départemental de la concurrence, y compris celle de dommages-intérêts […] Par ces motifs […] dit que
les prix obtenus par [le distributeur] auprès [du fournisseur] sont constitutifs de pratiques discriminatoires […]
en conséquence prononce la nullité des ventes litigieuses, condamne [le distributeur], après compensation, à
payer [au fournisseur] la somme de 644.204,73 Fr., condamne in solidum [le distributeur et le fournisseur] à
payer au directeur départemental de la concurrence la somme de 1Fr. à titre de dommages-intérêts».
1404
CA Dijon, 4 janvier 1996: RJDA 4/1996 n° 520. «Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que la
SA Peutin a vendu à la SA SODIMONT: - 0.45F le kilo de pomes qu'elle avait acquis 1.95F – 1.89F le kilo de
bananes qu'elle avait acquis 5.50F […] Attendu qu'il ne peut être sérieusement discuté que le fournisseur n'avait
pas la possibilité d'appliquer le même prix à ses autres clients […] Attendu que le caractère artificiel et illicite de
407
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
est ainsi astucieusement rattachée sur la disposition textuelle qui « engage la responsabilité de
son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé »1405. La solution n'a pas été cassée, quoique
la chambre commerciale n'ait pas eu à se prononcer explicitement sur la régularité de
l'annulation au regard du texte de l'Ordonnance 1406. De manière significative, l'arrêt de rejet n'a
pas été publié au bulletin, révélant une certaine mauvaise conscience de la Cour.
573. Affaire SOVIBA. Le fondement de la nullité a ainsi connu une certain instabilité. Le
Tribunal de Commerce de Versailles a adopté une stratégie différente - en recherchant le
fondement de la nullité en dehors du cadre de l'article 36 de l'Ordonnance - par qualification
combinée de pratique restrictive et de pratique anticoncurrentielle. Les juges versaillais ont
considéré que les modalités d'achats discriminatoires constituaient une pratique restrictive ayant
« pour objet de permettre d'effectuer des actes anticoncurrentiels », afin de prononcer la nullité de la
convention « se rapportant à une pratique prohibée » par application de l'article L420-3 Code de
Commerce1407. Le jugement a constaté la nullité absolue des conventions en cause, mais sans
ordonner la restitution.
la manœuvre est encore démontré par le fait que les factures ne mentionnaient pas le prix réel de l'opération mais
un prix proche de celui de l'achat par Peutin, le prix effectivement payé par SODIMONT résultant de la
différence entre le montant des factures et des celui des avoirs qui lui étaient consentis […] Attendu que le
tribunal a dès lors justement considéré que les prix de vente obtenus par la SA SODIMONT auprès de la SA
Peutin étaient constitutifs de pratiques discriminatoires sans contreparties réelles au sens de l'article 36 de
l'Ordonnance du 1er décembre 1986; Que la société appelante doit en conséquence être condamnée à réparer le
préjudice subi par le partenaire économique; Attendu que ce préjudice ne peut être réparé que par l'annulation
des ventes litigieuses; Attendu que la marchandise ne pouvant être restituée en nature, la restitution doit
intervenir pour le montant de sa valeur au jour de la vente, c'est-à-dire le prix payé auquel doit s'ajouter le
montant des avoirs soit 691.231F; Attendu que la SA Peutin doit restituer le prix encaissé de sorte qu'après
compensation pour ce montant, la somme de 644.204F reste due au fournisseur; Attendu que la necessité de faire
respecter l'ordre public économique ne permet pas à la société appelante de faire obstacle à cette restitution en
invoquant la règle nemo auditur».
1405
Ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Art. 36.
Devenu article L442-6 Code de Commerce.
1406
Cass. Com. 27 janvier 1998, SODIMONT c. Ministre de l'Economie. N° de pourvoi: 96-12205. Non publié
au Bulletin.
1407
Tribunal de Commerce de Versailles (4ème ch.). 7 mars 1997. Ministre de l'Economie c. Auchan: RJDA 8-
9/97 n° 1053 p. 723. «Auchan et Soviba on volontairement organisé un système de remises cumulatives résultant
d'un surpaiement systématique à chaque livraison, Auchan étant en situation créancière du trop-perçu et
récupérant sa créance par compensation du trop-perçu accumulé lors de multiples opérations d'achat sous forme
d'avoir porté sur une unique livraison, et obtenant ainsi un prix de facturation anormalement faible lui permettant
un prix de revente imbattable; qu'un tel procédé est destiné à contourner la revente à perte en obtenant
néanmoins un prix artificiellement bas […] et destiné d'autre part, à obtenir un avantage concurrentiel déloyal
[…] que ce procédé a donc pour effet d'entraîner des réactions troublant l'ordre public et que le Tribunal en
conséquence, dira que la convention […] constitue une modalité d'achat discriminatoire au sens de l'article 36 de
l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui a pour objet de permettre d'effectuer des actes anticoncurrentiels.
Attendu que le tribunal, faisant application de la combinaison des articles 9, 7 et 8 de l'ordonnance du 1 er
décembre 1986, prononcera la nullité absolue de ladite convention».
408
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
Les magistrats ont - semble-t-il - été sensibles à ces critiques, puisque l'annulation a été
infirmée en appel1411, la cour de cassation approuvant le rejet de la demande de restitution au
motif que:
« l'action introduite par le ministre sur le fondement de l'article 36, alinéa 1.1 , de
l'ordonnance du 1er décembre 1986 est une action en réparation et non en
annulation ne lui donnant pas le pouvoir de saisir directement une juridiction de
l'ordre judiciaire pour demander la nullité d'une convention à laquelle il n'est pas
partie, que le pouvoir d'agir du ministre dans l'exercice de sa mission de gardien de
l'ordre public économique ne peut tendre qu'au rétablissement dudit ordre public
économique par la seule cessation des pratiques illicites et ne lui donne pas la faculté
de se substituer aux victimes des pratiques discriminatoires pour évaluer, à leur
place, le préjudice causé par les agissements restrictifs de concurrence et en solliciter la
réparation, que les dispositions légales applicables ne lui donnent pas davantage le
pouvoir de solliciter la restitution des prix et valeurs des biens en cause, aux lieu et
place des victimes »1412.
1408
Tribunal de Commerce de Paris. 25 novembre 1996. Ministre de l'Economie c. Inter Marchandises (ITM).
RG n°1994046156: LPA 4 juin 1997 p. 17. «Si on suivait l'argumentation de la défenderesse qui ne veut voir
dans [les dispositions de l'article L442-6 III C. Com.] que la possibilité de demander la seule cessation des
pratiques prohibées, on viderait le texte d'une partie de sa substance, car on ruinerait la tendance nouvelle du
législateur qui a cherché à assurer l'exécution de ses prescriptions par des sanctions civiles plutôt que par des
sanctions pénales […] en donnant le droit d'agir aux pouvoirs publics à la place des victimes elles-mêmes, le
législateur de 1986 a pris en compte que certaines d'entre elles n'oseraient pas engager elles-mêmes l'action […]
l'annulation des clauses litigieuses, soutien des paiements indus, entraîne la remise des parties dans l'état
antérieur à la conclusion des accords annulés».
1409
Soit un total de : 55.228.331 F entre: William Saurin : 6.075.000, Delacre : 3.000.000, Perrier : 403.331,
Jacques Vabre : 9.000.000, Buitoni : 9.900.000, Panzani : 12.060.000, Rivoire et Carret : 14.790.000.
1410
V. SÉLINSKY et J. PEYRE, «La répression des pratiques discriminatoires. Note sous Versailles, 24 octobre
1996 et Trib. com. Paris, 25 novembre 1996», Les Petites Affiches, 4 juin 1997, n° 67, p. 17.
1411
CA Paris. 9 juin 1998. Inter Marchandises (ITM) c. Ministre de l'Economie: BRDA 12/98 p. 13. Revue
Contr. Conc. Conso. 1998, n°116, obs. Malaurie-Vignal.
1412
Cass. Com. 5 décembre 2000. Ministre de l'Economie c. Inter Marchandises (ITM). N° 98-17705.
409
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
575. Le législateur a mis fin à la controverse par la loi NRE modifiant l'article L442-6 III
Code de Commerce afin de prévoir explicitement la possibilité pour le ministre de demander la
nullité et la répétition de l'indu1413. L'article L442-6 III prévoit que le ministre peut demander la
nullité des clauses ou conventions illicites « pour toutes » pratiques restrictives, notamment
celle consistant à « soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre
significatif dans les droits et obligations des parties ».
576. Application de l'article L420-3 Code de Commerce. Un pouvoir similaire n'est pas
explicitement prévu en faveur du président de l'Autorité de la concurrence. Dans l'hypothèse
d'une qualification de pratique restrictive découlant d'une pratique anticoncurrentielle, la nullité
découle également de l'application de l'article L420-3 Code de Commerce. Le schéma proposé
consiste à faire saisir la juridiction civile suite à une décision de condamnation d'un cartel, en
vue d'ordonner la restitution du profit illicite. Il a été démontré que la décision de
condamnation avait autorité de la chose jugée sur la procédure civile en suivi. Le juge saisi
d'une demande de restitution par le Président de l'Autorité de la concurrence en vertu de
l'article L442-6 III n'aura pas d'autre choix que de constater la nullité des contrats de vente « se
rapportant » à une pratique prohibée sur le fondement de l'article L420-3 Code de Commerce.
Malgré la rédaction cryptique de l'article L442-6 III Code de Commerce qui semble distinguer
entre les pouvoirs conférés au ministre de l'Économie et ceux conférés au président de
l'Autorité de la concurrence, le détour par l'article L420-3 Code de Commerce rétablit la
symétrie des actions ouvertes à l'un et à l'autre.
577. L'action publique de l'article 442-6 III Code de Commerce fournit un véhicule
procédural à l'action en nullité des ventes se rapportant à une pratique anticoncurrentielle de
l'article L420-3, en fondant une action autonome du ministre indépendante du consentement
des personnes lésées par l'infraction.
1413
Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Art. 56. ««Lors de cette
action, le ministre chargé de l’économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie
d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques,
faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l’indu et le prononcé d’une
amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d’euros. La réparation des préjudices subis peut
également être demandée».
410
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
578. Evacuation du passing-on. S'agissant d'une action pour le compte d'acheteurs directs
en restitution du surcoût, l'effectivité de l'action dépend de l'aptitude à parer au moyen de
défense tiré de la répercussion du surcoût. Tout l'intérêt de l'action de la nullité de l'article
L442-6 III du Code de Commerce, consiste à se placer sur le terrain de la répétition de l'indu
de préférence au terrain de la responsabilité délictuelle qui supposerait la démonstration du
préjudice.
580. Au stade de l'introduction de l'action, l'article L442-6 III Code de Commerce est
susceptible d'être utilisée comme un véhicule procédural en vue de la restitution du profit
illicite réalisé par l'auteur d'une infraction au droit de la concurrence, en vertu du pouvoir
conféré au ministère public, au ministre de l'Économie et au président de l'Autorité de la
concurrence d'initier une action indemnitaire au profit des victimes de pratiques restrictives.
L'habilitation législative des associations agissant comme procureurs privés est ici remplacée
par la qualité pour agir reconnue aux autorités publiques. L'initiative de l'action se déplace de la
sphère privée vers la sphère publique, afin d'obtenir un jugement condamnant les auteurs de
l'infraction à un montant global d'indemnisation au profit d'un certain nombre de victimes
identifiées ou d'une catégorie objectivement identifiable.
411
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
substitution. Qu'elle soit reconnue à une association jouant le rôle d'un procureur privé ou à un
procureur public, la qualité pour agir au nom d'une classe de victimes identifiables ne fait que
déplacer le problème en aval, au stade de la distribution individuelle de l'indemnisation.
582. La distribution individuelle peut être résolue par médiation publique, sur le modèle de
ce qui est fait en matière de pratiques restrictives. Le montant global de l'indemnisation au
profit des victimes est versé au Trésor Public, à charge pour l'administration de répartir la
masse entre les bénéficiaires. Le Trésor Public joue alors un rôle équivalent à celui d'un fonds
ad hoc destiné à loger les dommages et intérêts.
1414
L. IDOT, «Rapport de synthèse», in Potentialité et réalité de l'action au civil en matière de concurrence,
La réparation du préjudice causé par une pratique anti-concurrentielle en France et à l’étranger : bilan et
perspectives. Grand' Chambre de la Cour de Cassation. 17 octobre 2005, en ligne : <www.courdecassation.fr>.
1415
N. DORANDEU, «La concurrence des procédures en droit de la concurrence», in Etudes sur le droit de la
concurrence et quelques thèmes fondamentaux - Mélanges en l'honneur de Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 131.
1416
C. LUCAS DE LEYSSAC, «Rapport de synthèse», in Les sanctions judiciaires des pratiques
anticoncurrentielles, Paris-I, 29 avril 2004, Les Petites Affiches, 20 janvier 2005, n° 14, p. 65 (voir p. 68).
1417
S. AMRANI-MEKKI, «Action de groupe et procédure civile», Revue Lamy Droit Civil, n°32 novembre
2006, 61. « à force de créer des procédures moulées aux nécessités d’une matière, ne risque t-on pas de les
défigurer ? on peut même se demander s’il appartient à d’autres qu’à l’État de poursuivre ces comportements
[…] Autrement dit, ne pourrait-on admettre une action du ministère public qui pourrait être déclenchée par des
personnes privées ? Le ministère public aurait le choix de l’opportunité des poursuites civiles, aidé par des
personnes qui l’auraient alerté ».
1418
Décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009 relatif à la spécialisation des juridictions en matière de pratiques
restrictives de concurrence.
412
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
1419
S. GUINCHARD, Droit Processuel, Dalloz, 2000, p. 920. «La qualité de partie est le vêtement procédural de
la prétention».
1420
Le véhicule est une chose servant à transporter une autre chose. Un contenant qui déplace un contenu. Au
sens figuré, ce qui permet de communiquer un contenu notionnel, un médium. La notion de véhicule est utilisée
en ingénierie financière pour décrire l'opération de titrisation. Lire: F. BURNAT et J. CHARTIER, «Titrisation à
la française et securitisation à l'anglaise: étude de droit comparé après l'ordonnance du 13 juin 2008», Revue de
Droit des Affaires Internationales, Février 2010, n° 2, p. 143. «La titrisation est une opération par laquelle une
personne morale cède des créances qu'elle détient à une entité ou un véhicule ad hoc, communément appelé
special purpose vehicle ou SPV qui en financera l'acquisition par l'émission de valeurs mobilières».
1421
D. SIMON, «Les exigences de la primauté du droit communautaire: continuité ou métamorphoses?», in
L’Europe et le droit: Mélanges Boulouis, 1991, p. 481.
1422
L. NICOLAS-VULLIERME, «Fasc. 290 : Pratiques restrictives sanctionnées civilement: Article L. 442-6 du
Code de commerce», in JurisClasseur Concurrence - Consommation, LexisNexis, juillet 2010.
413
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
adopté une nouvelle notion particulièrement compréhensive dans un souci « d'effectivité »1423 afin
de casser l'interprétation stricte de la notion de dépendance économique gouvernant
l'application de l'article L442-6 dans sa précédente rédaction. Martine BEHAR-TOUCHAIS
souligne en ce sens le risque que la notion devienne un « outil fourre-tout, une machine à
chasser l'abus, une bonne à tout faire du droit des pratiques restrictives »1424. La question qu'il
convient de résoudre est celle de savoir si une majoration anticoncurrentielle du prix résultant
d'un cartel serait susceptible de constituer un déséquilibre significatif au sens de l'article L442 -6.
L'avocat Jean-Claude FOURGOUX souligne l'interprétation « ténébreuse » du nouveau critère
calqué sur le droit de la consommation 1425. La doctrine ne manque pas de souligner les
difficultés d'interprétation 1426.
1423
P. ARHEL, «Loi de modernisation de l'économie : une nouvelle réforme du droit de la concurrence», Les
Petites Affiches, 7 août 2008, n° 158, p. 3.
1424
M. BEHAR-TOUCHAIS, «Première sanction du déséquilibre significatif dans les contrats entre
professionnels : l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce va-t-il devenir une machine à hacher le droit ?»,
Revue Lamy de la Concurrence, avril/juin 2010, n° 23, RLC n°1584, p. 43. Cf. p. 44.
1425
J.-L. FOURGOUX, «La loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, une révolution prometteuse mais
ténébreuse», Gazette du Palais, 16 septembre 2008, p. 2.
1426
A. BERG-MOUSSA, «Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales : précisions et
questionnements», La Semaine Juridique - Edition Entreprises, JCP E 2012, 1. ; B. LAURIN, «L'interprétation
de la notion de déséquilibre significatif dans les relations fabricant-distributeur», La Semaine Juridique - Edition
Entreprise, JCP E 2011, 553.
1427
Code de la Consommation. Article L132-1.
1428
X. LAGARDE, «Qu'est-ce qu'une clause abusive ?», La Semaine Juridique Edition Générale, 8 fév. 2006,
n° 6, JCP (G) I, 110.
1429
Code de la Consommation. Article L132-1, alinéa 7.
1430
J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, Droit de la consommation, Dalloz, 2003. n° 182.
414
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
1431
D. FERRIER, «La réforme des pratiques commerciales (Loi n° 2008-776 du 4 août 2008)», Recueil Dalloz,
2008, p. 2234. Selon les auteurs «[En droit de la consommation] n'est pas pris en considération le déséquilibre
économique entre le produit ou le service et leur prix […] La solution se comprend dans la relation
professionnel-consommateur dès lors que, au plan juridique, la lésion n'est pas sanctionnée […] Elle appelle des
réserves dans la relation entre professionnels où s'impose la prise en compte de l'économie du contrat».
1432
R. SAINT-ESTEBEN, «L'introduction par la loi LME d'une protection des professionnels à l'égard des
clauses abusives : un faux ami du droit de la consommation», Revue des Contrats, 2009, n° 3, p. 1275.
1433
M. BEHAR-TOUCHAIS, «De la sanction du déséquilibre significatif dans les contrats conclus notamment
avec la grande distribution», Revue Lamy de la Concurrence, oct./déc. 2008, n° 17, RLC n°1204, p. 45.
1434
M. BÉHAR-TOUCHAIS, «Que penser de l'introduction d'une protection contre les clauses abusives dans le
Code de commerce ?», Revue des Contrats, juillet 2009, n° 3, p. 1258.
1435
M. MALAURIE-VIGNAL, «Le nouvel article L. 442-6 du Code de commerce apporte-t-il de nouvelles
limites à la négociation contractuelle ?», Contrats Concurrence Consommation, Dossier: Moderniser l'économie
nov. 2008, n°11.
1436
M. CHAGNY, «Une (r)évolution du droit français de la concurrence ? À propos de la loi LME du 4 août
2008», La Semaine Juridique JCP(G), 2008, I, 196. «La principale mesure consiste à remplacer la prohibition de
l'abus de la relation de dépendance par une règle qui, inspirée de l'article L132-1 du Code de la consommation,
n'emporte pas pleinement la conviction. S'il est vrai que l'ancien texte a pâti – lorsqu'il était invoqué ! – de
l'interprétation restrictive retenue pour la condition préalable de relation de dépendance, l'assujettissement de
l'intervention judiciaire à une inégalité accusée entre les contractants professionnels n'en apparaît pas moins
souhaitable. Or, la nouvelle règle, abandonnant tout filtre, ouvre la voie à un contrôle sans limite des contrats
entre professionnels, ce alors que la définition de la pratique sanctionnée, assise sur le résultat recherché ou
obtenu – la création d'« un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » – est très, voire
trop, compréhensive. Contrairement au dispositif consumériste dont il emprunte la rédaction, le texte concerne,
non seulement les stipulations les plus diverses, mais encore l'économie centrale du contrat, consacrant un
élargissement de la lésion sanctionnée par le droit. L'attitude des juges – à supposer bien sûr qu'ils soient saisis –
sera décisive du devenir de cette règle comme de la force contraignante de la loi des parties : entre immixtion et
415
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
590. Pratique jurisprudentielle . Les décisions rendues par les juridictions du fond sur le
contrôle du déséquilibre significatif confirment la prise en compte par le juge de l'adéquation
entre le prix facturé et la valeur de la prestation commerciale du distributeur. Ainsi par exemple
dans un litige opposant le groupe Carrefour à la Compagnie des Salins du Midi. Suite à la
rupture brutale des relations commerciales avec la centrale d'achat, le fournisseur demande le
remboursement d'une partie des marges arrières s'élevant à 46% du chiffre d'affaires. Pour la
demanderesse, le reversement au distributeur de la moitié du chiffre d'affaires au titre de la
coopération commerciale, correspond à des services fictifs ou surévalués caractérisant un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties La Cour d'Appel de Paris fait
droit à la demande et ordonne le remboursement de 2,9 millions d'euros, au motif que les tarifs
de la coopération commerciale:
inhibition, entre ferment de dissolution des contrats ou « sabre de bois », une interprétation médiane du texte
reste à trouver».
1437
Assemblée Nationale. XIIIe législature. Intervention de M. Jean-Paul Charié. Rapporteur de la commission
des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Deuxième séance du mardi 17 juin 2008.
Explications de vote et vote sur l’ensemble du projet de loi de modernisation de l’économie.
1438
CEPC, avis 22 déc. 2008, DGCCRF n° 08112808.
1439
Code de Commerce. Art. L442-6 I 1°: «Engage la responsabilité de son auteur […] le fait […] d'obtenir d'un
partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement
rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu
416
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
591. L’action publique constitue la meilleur réponse au problème posé par l’inertie de
victimes, au stade de l’introduction de l’action, mais également au stade de la distribution. Le
procureur public dispose d’une action autonome qui n’est pas soumis au phénomène d’apathie
rationnelle des victimes (I). Les services de l’Etat disposent par ailleurs des capacités
administratives suffisantes pour procéder à la distribution collective (II).
1440
CA Paris (5-4), 19 janvier 2011, Compagnie des Salins du Midi c. Carrefour. n° 07/22152: «si certains
postes paraissent correspondre à un service réel, […] l'évaluation des services, telle qu'elle résulte des annexes,
déterminant les taux de coopération selon les années, révèlent une disproportion manifeste entre la rémunération
d'INTERDIS et la valeur du service commercial effectivement rendu par elle, et des déséquilibres significatifs
entre les droits et obligations des parties ; qu'ainsi le poste classification, sélection, assortiment des produits ne
saurait valoir 25 à 26 % du chiffre d'affaires selon les années - soit toujours de l'ordre du quart - ni la mise en
avant en magasins 14,30 %, la différence entre les deux types de prestations étant d'ailleurs peu claire ; qu'en
réalité les facturations n'étaient pas faites en considération des prestations effectuées avec paiement à la
prestation, mais qu'un taux était défini globalement avant les prestations, même si leur valeur effective n'y
correspondait pas; que ces taux étaient certes négociés, mais que des taux très élevés étaient imposés par
INTERDIS, dont un document comparatif de tarifs SALINS et ESCU son concurrent, mentionne que "pour
obtenir des prix relativement compétitifs par rapport à son concurrent il est nécessaire de mettre 50 % d'accord
de coopération commerciale"; que ce taux était mis en fonction d'une politique tarifaire globale et
indépendamment de la réalité, en tous cas de la valeur effective, des prestations de coopération commerciale».
417
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1441
Y. AUGUET, «Nouvelles régulations économiques et nouveaux contentieux du droit de la concurrence
devant les tribunaux de commerce», Les Petites Affiches, 2 septembre 2004, n° 176, p. 11..
1442
J. GALLOT, «L'intervention du ministre devant le juge civil en matière de relations commerciales», Revue
Concurrence Consommation (DGCCRF), mai/juin 2000, p. 35. En ligne: http://www.economie.gouv.fr
1443
C. NOURISSAT, «Bref retour sur les actions des autorités publiques devant les juridictions civiles ou
commerciales», Revue Lamy de la Concurrence, Mai/Juillet 2005, p. 74 (voir p. 75).
1444
J.-C. FOURGOUX, «La liberté et son contrôle dans le cadre de l’ordonance du 1er décembre 1986», Gazette
du Palais, doctr. 1987, p. 772.
1445
A. DECOCQ et M. PEDAMON, «L'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la
concurrence», Juris-Classeur Concurrence Consommation, n° spécial 1bis 1987, p. 27.
418
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
est quasi-unanime. L'action du ministre est moquée pour son « étrangeté »1446, sa « bizarrerie »1447
ou son « incongruité »1448, diagnostiquée monstrueuse1449 et brûlée comme « hérétique »1450. L'action
en nullité ouverte au ministre serait « complètement hétérogène de notre droit »1451, constituerait une
« perturbation processuelle »1452, méconnaîtrait « la cohérence de notre système juridique »1453 en
portant une « atteinte profonde et juridiquement injustifiable » au droit de ne pas agir en justice 1454, et à
la règle Nul ne plaide par procureur1455. Elle procèderait d'un dangereux « mélange des genres »1456
et irrémédiablement « mauvaise, car on ne peut créer ainsi des mécanismes processuels qui bafouent tous les
principes de notre système juridique »1457.
1446
J.-M. MOUSSERON, D. FERRIER et V. SÉLINSKY, «Le mort saisit le vif: Commentaire de l'Ordonnance
du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence», La Semaine Juridique - Entreprises,
n°14840 n°1-2 1987, p. 1 (voir p. 17).
1447
C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLÉANI, Droit du marché, PUF coll. Thémis, 2002, p. 975.
1448
C. GAVALDA et C. LUCAS DE LEYSSAC, «Commentaire de l’ordonnance du 1er décembre 1986»,
Recueil Dalloz, Actualités législatives 1988, p. 47.
1449
L. IDOT, «La deuxième partie de la loi NRE ou la réforme du droit français de la concurrence», La Semaine
Juridique, doctrine 343 2001, p. 1609.
1450
M. CHAGNY, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Dalloz, 2002, p. 517 n°523.
1451
M. AMADIO, «Le ministre plaideur au titre de l'article 36 de l'ordonnance du 1er déc. 1986», in Propos
impertinents de droit des affaires - Mélanges Gavalda, Dalloz, 2001, p. 5..
1452
M. BEHAR-TOUCHAIS, «Chronique Pratiques Restrictives», Revue Lamy de la Concurrence, Janvier-Mars
2006, RLC 442, p. 40.
1453
J. RAYNARD, «Le ministre, le juge et le contrat: Réflexions circonspectes à propos de l'article L. 442-6-III
du Code de commerce», La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, 5 juillet 2007, p. n°1864.
1454
D. DE BÉCHILLON et C. JAMIN, «La Convention européenne des droits de l'homme au supermarché (de
l'immixtion du ministre de l'Economie dans la coopération commerciale)», Recueil Dalloz, 2007, p. 2313.
1455
M. BEHAR-TOUCHAIS et D. FERRIER, «Les pratiques restrictives de concurrence», Cahiers de Droit de
l'Entreprise - Supplément à La Semaine Juridique édition Entreprise et Affaires, 4 octobre 2001, n° 40, p. 18. Cf.
p. 24.
1456
J. ROCHFELD, «Nouvelles Régulations Economiques», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 2001, p. 671.
1457
M. BEHAR-TOUCHAIS, «Chronique Pratiques Restrictives», Revue Lamy de la Concurrence, Janvier-Mars
2006, RLC 442, p. 40. Obs. sous T. com. Nanterre. 15 novembre 2005. Ministre de l'Economie. c. GALEC. Cf.
p. 42.
1458
Articles 422 et 423 du Code de Procédure Civile.
419
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
l'intervention en tant que partie jointe, en vertu de laquelle: « au civil, les commissaires du Roi
exercent leur ministère, non par voie d'action, mais seulement par celles de réquisitions dans les procès dont les
juges auront été saisis »1459.
La faculté d'action civile reconnu par la loi de 1810 a engendré une longue querelle entre une
doctrine partisane d'une interprétation restrictive - considérant que le ministère public ne
pouvait pas agir à titre principal au civil sans habilitation législative expresse1460 - et un pouvoir
exécutif souhaitant conserver des marges de manœuvres en inférant du second alinéa un droit
d'action général en cas d'atteinte à l'ordre public1461. La solution de ce problème « obscur »1462 a
donné lieu à jurisprudence « fuyante et incertaine »1463 reconnaissant le droit d'action du ministère
public « dans les cas où l'ordre public est directement et principalement intéressé, à l'occasion de faits qui y
portent une grave atteinte, sans léser aucun intérêt rival »1464. L'article 423 du Code de Procédure Civile
reprend ce principe général remontant à la source napoléonienne. Il est donc gravement
erroné de présenter l'action de l'article L442-6 III Code de Commerce comme une aberration
législative incongrue dans notre paysage juridique. Un flux constant d'actions en annulation de
mariage introduites par le Parquet - dans une matière aussi délicate et touchant si
profondément à la vie privée - témoigne du contraire1465.
1459
Loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire.
1460
E. GLASSON et A. TISSIER, Traité théorique et pratique de procédure civile, 3 éd., Sirey, 1925, t. 1. N°
187 et s. Cf. p. 455-456: «dans certains cas exceptionnels, le ministère public peut agir d'office en matière civile.
À côté de l'action ouverte aux particuliers intéressés existe l'action du ministère public. Peu importe que les
particuliers intéressés n'agissent pas. Ils ne peuvent par leur inaction, empêcher l'action du ministère public qui
est indépendante, libre, spontanée et dépend de la seule appréciation des magistrats auxquels l'exercice en est
confié» et Cf. p. 460: «il n'est pas rationnel que le ministère public puisse prendre l'initiative de procès privés
[…] à la différence des procès criminels, les procès civils n'ont trait qu'à des intérêts privés; ils ne mettent en
question que les droits privés; c'est aux intéressés de les faire valoir. […] Ce n'est que dans les cas exceptionnels
où le législateur a constaté que l'intérêt général le commande, l'ordre public étant très certainement et gravement
engagé, que le ministère public peut agir au civil. Il faut un texte de loi. Il y aurait danger à lui donner un pouvoir
plus grand. […] Sous prétexte d'ordre public, on donnerait aux magistrats du ministère public […] un pouvoir
d'inquisition intolérable».
1461
En ce sens: R. JAPIOT, «Jurisprudence française en matière de procédure civile: action principale du
ministère public en matière civile», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1915, p. 207. Cf. p. 219
1462
R. JAPIOT, «Jurisprudence française en matière de procédure civile: action principale du ministère public en
matière civile», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1915, p. 207. Cf. p. 208.
1463
E. GLASSON et A. TISSIER, Traité théorique et pratique de procédure civile, 3 éd., Sirey, 1925, t. 1. N°
188 p. 462.
1464
Cass. Civ. 17 décembre 1913, Honoré Bodin c. Ministère public: D.P. 1914. I. 261; S. 1914. I. 153. (Un
obscur arrêt concernant la réintégration dans la nationalité française des alsaciens-lorrains suite au Traité de
Versailles semble adopter une formulation plus décisive: Cass. Civ. 15 décembre 1924, Weil c. Ministère public:
D.P. 1926. I. 160. «le ministère public a le droit d'action directe dans toutes les circonstances qui intéressent
l'ordre public)».
1465
Le ministère public lutte essentiellement contre la polygamie: Civ. 21 mai 1856, Procureur général de
Rennes c. Pottier: DP 1856. 1. 208. «la disposition de la loi qui défend de contracter un second mariage avant la
dissolution du premier intéresse l'ordre public au plus haut degré». Plus récemment, le législateur a considéré
que le ministère public pouvait agir en nullité contre les mariages forcés. Code Civil. Art. 180 (loi n° 2006-399
420
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
595. L'action civile du ministre n'est qu'un cas particulier, du principe général posé par
l'article 422 du Code de Procédure Civile, héritier d'une loi remontant à 1810. Et avant même
l'adoption de l'Ordonnance du 1 er décembre 1986, Robert BADINTER – qui n'était pas alors
Garde des Sceaux – entrevoyait déjà l'ouverture du « champ de l'ordre public économique » à
l'action du ministère public comme partie principale1466. La dépénalisation de 1986 n'a jamais
signifié que l'État renonçait à poursuivre des pratiques commerciales illicites, mais simplement
que les poursuites se feraient selon les formes du droit privé 1467. L'action du ministre n'est que
la continuation de la guerre pénale contre les pratiques restrictives de concurrence par les voies
civiles. Le ministre de l'Économie et le ministère public sont dans un rôle classique - quoique
marginal – de police civile des atteintes à l'ordre public économique. Il s'agit d'un contentieux
objectif1468, indépendant de l'inertie de la victime (A) ou de son consentement à l'action
publique (B).
du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple): «le mariage qui a été
contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou
par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public». Dans cette dernière
hypothèse, la faculté conférée au ministère public d'introduire l'action sans la participation de la victime
s'explique comme en matière de pratiques restrictives par l'idée de protection d'une partie faible contre les
pressions et menaces de l'autre partie.
1466
R. BADINTER, «Le procureur et le consul», in Conférence prononcée le 17 novembre 1980 devant
l'association Droit et Commerce, Revue de Jurisprudence Commerciale, juillet 1981, p. 245. Cf. p. 249.
1467
G. VIRASSAMY, «Le nouveau régime des pratiques restrictives entre professionnels», Recueil Dalloz,
1988, Chron., p. 113. Cf. n° 24. «c’est sans doute la volonté de compenser cette réduction de chances de faire
sanctionner l’illicite qu’entraîne la dénépénalisation, qui justifie l’octroi par l’article 36 alinéa 2, au parquet, au
ministre chargé de l’économie ou au président du Conseil de la concurrence, du droit d’introduire la nouvelle
action au civil. Cette solution ne peut guère s’expliquer autrement».
1468
T. CLAY, «Chronique de Droit Judiciaire Privé», La Semaine Juridique, 29 octobre 2008, n° 44, I 206. «Ici,
la qualité pour agir est légalement attribuée au ministre pour la défense de l'intérêt général […] le contentieux est
alors quasiment objectif».
1469
Tribunal de Commerce de Paris. 25 novembre 1996. Ministre de l'Economie c. Inter Marchandises (ITM).
RG n°1994046156. « il est également admis qu'en donnant le droit d'agir aux pouvoirs publics à la place des
victimes elles-mêmes, le législateur de 1986 a pris en compte que certaines d'entre elles n'oseraient pas engager
elles-mêmes l'action […] l'annulation des clauses litigieuses, soutien des paiements indus, entraîne la remise des
parties dans l'état antérieur à la conclusion des accords annulés ».
421
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
créer une action « d'ordre public dérogatoire au droit commun »1470 conférant au ministre un « pouvoir
propre qui n'est pas subordonné à la volonté des personnes lésées d'obtenir en justice la réparation de leur
préjudice »1471. Et la chambre commerciale de la Cour de cassation a finalement consacré
l'autonomie de l'action de l'article L442-6 III par deux arrêts de 2008 en retenant que:
1470
Tribunal de Commerce de Créteil, 24 oct. 2006, min. Éco. c/ SAS Système U centrale nationale, RG n°
2005F00025. «La possibilité, en particulier, de demander l’annulation des contrats et la répétition de l’indu […]
est expressément prévue par l’article L442-6 qui est d’ordre public et dérogatoire au droit commun. Cette
possibilité s’inscrit bien dans la volonté du législateur de conférer au ministre un pouvoir propre, non
subordonné à la volonté des personnes lésées d’obtenir en justice la réparation de leur préjudice». Lire: M.
CHAGNY, «Droit spécial de la concurrence et droit commun : nouvelle rencontre... Obs. sous T. com. Créteil.
24 octobre 2006», Revue Lamy du Droit de la Concurrence, n°11 avril 2007.
1471
TGI Paris 6 juin 1989: CCC. Juillet-août 1989 n° 50; D. 1990, Somm. 107. «Lorsqu'il prend l'initiative de
l'action qui lui est ouverte par l'art. 36 de l'ordonnance de 1986, dans ce rôle de partie principale qui doit lui être
reconnu, et qui correspond à une des hypothèses où une dérogation est apportée au principe posé par l'art. 1er
NCPC, le ministre dispose d'un pouvoir propre qui n'est pas subordonné à la volonté des personnes lésées
d'obtenir en justice la réparation de leur préjudice, et qui lui permet effectivement de solliciter une injonction
visant à la cessation de pratiques illicites».
1472
Cour de cassation chambre commerciale. 8 juillet 2008 N°: 07-16761 Publié au bulletin; Cour de cassation
chambre commerciale . 8 juillet 2008 N°: 07-13350 Non publié au bulletin
1473
J. RAYNARD, «Le ministre, le juge et le contrat: Réflexions circonspectes à propos de l'article L. 442-6-III
du Code de commerce», La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, 5 juillet 2007, p. n°1864.
1474
F. JENNY, «L’ordonnance du 1er décembre 1986 : raisonnement économique et équilibre des pouvoirs», La
Semaine Juridique - Cahiers de Droit de l'Entreprise, 19 mars 1987, p. 2 (voir p. 4). F. Jenny – rapporteur dans
l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 8 juillet 2008 - considérait pourtant en 1987 que l'obligation de l'auteur
d'une pratique restrictive de réparer le préjudice subi n'impliquait pas « que ces pratiques soient considérées
comme contraires à l'ordre public économique ».
422
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
597. L'action de l'article 442-6 III Code de Commerce possède en réalité les mêmes
propriétés qu'une action publique ordinaire de nature pénale pour laquelle la plainte de la
victime n'est pas en principe une « condition nécessaire »1475. Comme le constate la Commission
d'Examen des Pratiques Commerciales, « la nature répressive de cette amende civile paraît difficilement
contestable »1476. Pourtant, malgré un régime identique à celui de l'action répressive, la doctrine
répugne à reconnaître une qualification publique à l'action de l'article L442-6 III Code de
Commerce. La doctrine s'en tient à des figures processuelles civiles. Monique BANDRAC qualifie
l'action de « substitution forcée »1477, sur le modèle de l'action syndicale de substitution. Frédéric-
Jérôme PANSIER et Cyrille CHARBONNEAU proposent une « hypothèse exceptionnelle de représentation
d'intérêts privés, sans mandat exprès, par une autorité publique »1478. Les concepts de la procédure civile,
organisés autour de la notion de représentation, obscurcissent le raisonnement. La
ressemblance purement superficielle avec l'action de substitution ne permet pas de rendre
compte des solutions jurisprudentielles. Rapprochement plus net avec l'action publique pour
Caroline ROUGEAU-MAUGER qui retient une « habilitation à agir en défense de l'intérêt général »1479 de
préférence à une action de substitution, sans rattachement à la théorie du mandat implicite1480.
Mais en réalité, une habilitation à agir en défense de l'intérêt général n'est pas autre chose
qu'une action publique. L'action de l'article L442-6 III du Code de Commerce est une action
publique parce qu'elle se comporte comme telle. La jurisprudence montre qu'il faut abandonner
1475
Code de Procédure Pénale. Article 6: « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint […] en cas de
retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite ».
1476
CEPC, Rapport annuel d'activité, Commission d'Examen des Pratiques Commerciales, 2010/2011. Cf. p. 52.
1477
M. BANDRAC, «L'action donnée au ministre de l'Economie face à l'article 6 de la Convention EDH»,
Recueil Dalloz, 2007, p. 2433. «S'il s'agit de l'action de la supposée victime, exercée, sinon en son nom, en tout
cas pour son compte, on pourrait faire valoir que la victime n'est pas privée de son droit d'agir, mais seulement
soumise, lorsqu'elle s'abstient d'agir elle-même, à une substitution légale et forcée dans l'exercice de ce droit, tout
comme la commune dans la procédure exposée plus haut, qui refuse ou néglige d'exercer des actions dont elle
n'est pas privée ».
1478
F.-J. PANSIER et C. CHARBONNEAU, «La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations
économiques (3ème partie)», Les Petites Affiches, 23 mai 2001, p. 14 (voir p. 20).
1479
C. ROUGEAU-MAUGER, «Réflexion sur la nature juridique de l'action en justice du ministre de l'économie
en matière de pratiques restrictives de concurrence», Revue Trimestrielle de Droit Commercial, 2010, p. 653.
1480
Il faut opposer les figures de la représentation et de la substitution qui repose sur le consentement de la partie
à l'action. En représentation le consentement doit être exprès. En substitution le consentement est tacite si le
bénéficiaire de l'action n'a pas déclaré s'y opposer. Quoique exerçant une action propre, le syndicat ne peut pas
excéder les limites de l'action du salarié. À ces deux modalités de l'action privée s'oppose l'action publique qui
est une action autonome exercée dans l'intérêt général indépendamment du consentement de la victime qui ne
bénéficie pas de l'action. L'action est exercée pour défendre la société dans son ensemble. C'est le modèle
archétypal de l'action pénale. Deux exception viennent perturber cette apparente simplicité conceptuelle. D'une
part, pour certaines infractions telles que la diffamation ou l'atteinte à l'intimité de la vie privée, le ministère
public ne peut engager et maintenir les poursuites publiques que sur la plainte de la victime. Hypothèse
dérogatoire à l'indisponibilité des poursuites qui fait tomber l'action publique dans le champ procédural civil du
principe dispositif.
423
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
la thèse défendue par la doctrine majoritaire selon laquelle « le droit d'action du ministre ne peut
s'interpréter comme lui permettant de demander seul la nullité du contrat […] contre le consentement des
prétendues victimes »1481. Cette thèse n'était qu'une stratégie des distributeurs pour contrecarrer
l'application de l'article L442-6 III Code de Commerce après son renforcement par la loi NRE.
La Cour de Cassation a soutenu la volonté du législateur en cassant les arrêts d'appel ayant
retenu l'irrecevabilité de l'action du ministre exercée contre le consentement des personnes
lésées. Et le Conseil Constitutionnel, ainsi que la Cour Européenne des Droits de l'Homme,
n'ont pas déclaré cette solution incompatible avec la liberté de ne pas agir en justice.
Dans cette affaire, le groupe Leclerc (GALEC) avait eu connaissance des conditions
commerciales consenties à la société CARREFOUR par ses fournisseurs de produits
alimentaires frais. Estimant avoir fait l'objet d'une discrimination, GALEC avait transigé avec
les fournisseurs concernés pour un montant global de 23 millions d'euros. Le ministre avait
alors engagé – contre le consentement des fournisseurs sous la pression du GALEC - une
action tendant à la nullité des transactions et la restitution des sommes versées.
L'action du ministre en nullité contre ces transactions fait pleinement ressortir le conflit entre
régime procédural civil et régime pseudo-pénal de l'article L442-6. En principe, en procédure
civile, la transaction étant le contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou à
1481
M. BEHAR-TOUCHAIS et D. FERRIER, «Les pratiques restrictives de concurrence», Cahiers de Droit de
l'Entreprise - Supplément à La Semaine Juridique édition Entreprise et Affaires, 4 octobre 2001, n° 40, p. 18.
1482
CA Reims, 5 novembre 2007, Ministre de l'Economie c. SCAPEST. RG n° 06/01898. Recevabilité de
l'action en annulation du ministre.
424
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
naître, elle a « entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort »1483. À retenir la
qualification d'action de substitution, l'action du ministre sur le fondement de l'article L442-6
III du Code de Commerce devrait se heurter à l'exception de chose jugée opposable à la partie
substituée. GALEC prétendait en ce sens que l'action du ministre était soumise à toutes les
exceptions opposables aux fournisseurs eux-mêmes, en tant qu'il s'agissait d'une action
exercée par le ministre en substitution des fournisseurs. Le ministre contestait la qualification
de transaction, les accords conclus recouvrant « en réalité des contrats de coopération commerciale
rétroactifs ne correspondant à aucun service rendu », et partant interdit par l'article L442-6 II Code de
Commerce.
La décision a cependant été cassée au motif que « l'action du ministre chargé de l'économie,
exercée en application [de l'article 442-6 III Code de Commerce] est une action autonome de
protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au
consentement ou à la présence des fournisseurs »1488, condamnant donc explicitement la thèse
1483
Code Civil. Article 2052: « Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier
ressort ».
1484
CA Versailles (1-12). 29 octobre 2009. S.A. Cooperative Groupements d'Achats des Centres Edouard
Leclerc (GALEC) c. Ministre de l'économie et des finances. N°: 08/07356.
1485
Tribunal de Commerce de Nanterre (7ème ch.), 15 novembre 2005, Ministre de l'Economie c. Groupements
dAchats des Centres Leclerc (GALEC). RG n° 2004 F 01493.
1486
Cour d'Appel de Versailles (2-12), Groupements d'Achats des Centres Leclerc (GALEC) c. Ministre de
l'Economie. RG n° 05/09223. « Considérant donc que le Ministre de l'économie, grâce à cette habilitation
législative, dispose d'un pouvoir et d'une qualité propres à agir à ces fins ; que néanmoins, il exerce alors cette
action par substitution à la victime des pratiques en cause dont il met en oeuvre les droits privées et non de
manière autonome ; […] l'exercice de cette action de substitution par le Ministre doit naturellement et
nécessairement se conformer aux principes fondamentaux protecteurs de la liberté des personnes […] qu'en
l'espèce, le Ministre de l'économie a introduit l'action de substitution sans en informer les fournisseurs titulaires
des droits et qu'il a poursuivi la procédure sans les y associer alors que, de surcroît, dix-sept d'entre eux avaient
expressément exprimé leur volonté contraire ; considérant qu'il suit de là que l'action ainsi exercée par le
Ministre de l'économie, en violation de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, doit être
déclarée irrecevable ».
1487
Dans le même sens: CA Angers, 29 mai 2007, FINAMO c. Ministre de l'Economie. RG n° 06/00563. CA
Grenoble, 6 mars 2008, Ministre de l'Economie c. Baguyled-Intermarché. RG n° 06/02022.
1488
Cass. com., 8 juill. 2008, n° 07-16.761, Min. Éco. c/ Galec : JurisData n° 2008-044791 et Cass. com., 8 juill.
2008, n° 07-13.350, ITM c/ Min Éco. : JurisData n° 2008-044848. JCP G 2008, I, 218, n° 18, obs. M. Chagny
425
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de la substitution processuelle 1489. Le ministre exerçant une action qui lui est propre, n'est pas
soumis aux exceptions opposables aux titulaires des droits.
La Cour de Versailles en renvoi a accueilli l'action du ministre, mais sans tirer toutefois toutes
les conséquences de l'autonomie consacrée par la Cour de Cassation. En effet, il découle
nécessairement de l'autonomie de l'action de l'article L442-6 III que le défendeur ne peut pas
opposer à l'action du ministre les exceptions qu'il pourrait opposer à ses propres
cocontractants. Le ministre n'était ainsi pas soumis aux cas limitatifs de nullité des transactions
prévus par le Code Civil. La Cour de renvoi a cependant préféré contourner l'obstacle de
l'exception de chose jugée en écartant la qualification transactionnelle, plutôt que d'annuler
directement les transactions sur le fondement de l'article L442-6 II Code de Commerce. La
Cour retient ainsi que:
« peu important la qualification qui en a été faite, les actes litigieux, faute de
comporter des concessions réciproques, s'analysent en des accords, permettant le
bénéfice rétroactif de coopération commerciale, prohibés à peine de nullité par les
dispositions d'ordre public de l'article L442-6- II du Code de commerce »1490.
La requalification apparaît inutile car tout se passe comme si l'action de l'article L442-6 III
Code de Commerce se comportait comme une action publique. L'action du ministre adopte
en réalité - de manière parfaitement banale - le régime d'indisponibilité de l'action publique,
selon lequel la transaction intervenue entre les parties reste sans effet sur l'action déclenchée
par le ministère public. L'article 2046 Code Civil prévoit en ce sens, que les parties peuvent
« transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit » sans empêcher « la poursuite du ministère
public »1491. La transaction intervenue entre les parties n'éteint pas l'action autonome
appartenant au ministre pour la protection du marché, soit que l'on écarte la qualification de
transaction, soit que l'on fasse jouer l'article 2046 du Code Civil.
1489
La solution de la Cour de Cassation a été rapidement suivie par les juridictions du fond: CA Rennes (2ème
ch.), 12 novembre 2008, Ministre de l'Economie c. DISTRILEG. RG n° 07/05426. Infirme: Tribunal de
Commerce de Brest, 20 juillet 2007. CA Rennes (2ème ch.), 20 janvier 2009, SCAOUEST c. Ministre de
l'Economie. RG n° 07/07013. CA Rennes (2ème ch.), 20 janvier 2009, DINANDIS c. Ministre de l'Economie.
RG n° 08/00246.
1490
CA Versailles (1-12). 29 octobre 2009. S.A. Cooperative Groupements d'Achats des Centres Edouard
Leclerc (GALEC) c. Ministre de l'économie et des finances. N°: 08/07356.
1491
Code Civil. Article 2046: « On peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit. La transaction
n'empêche pas la poursuite du ministère public ».
426
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
constitutionnalité critiquant une violation de la liberté de ne pas agir en justice. Les sages ont
considéré que:
« à la condition que l'intéressé ait été mis à même de donner son assentiment en
pleine connaissance de cause et qu'il puisse conserver la liberté de conduire
personnellement la défense de ses intérêts et de mettre un terme à cette action »1493.
Le parallélisme instauré par le Conseil Constitutionnel entre l'action de substitution syndi cale
et l'action de l'article L442-6 III est toutefois critiquable1494, car le régime des deux actions est
profondément différent. L'obligation d'information du bénéficiaire de la procédure est en fait
privée de toute portée, puisque la victime malgré elle n'a pas la possibilité de mettre un terme
à l'action engagée par les autorités publiques. L'information des parties au contrat est une pure
formalité sans aucune incidence sur la validité ou la recevabilité de la procédure. L'absence
d'information n'a pas pour effet de vicier la procédure. Le Conseil Constitutionnel formule
une réserve d'interprétation en trompe l'œil, sans aucune portée, et qui ne permet pas de
rattacher l'action de l'article L442-6 III au régime de la substitution processuelle privée.
Au surplus, l'inanité de l'obligation d'information a été confirmée par la Cour Européenne des
Droits de l'Homme dans l'affaire GALEC qui retient la compatibilité de l'action du ministre
qui « agit avant tout en défense de l’ordre public économique » sans que « le défaut d'information cause un
préjudice quelconque au regard du procès équitable »1495. L'action de l'article 442-6 III ne peut tout
1492
Conseil Constitutionnel. Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011. Considérant n° 9.
1493
Conseil Constitutionnel. Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989. Loi modifiant le code du travail et
relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion. §24.
1494
Contra: A.-M. LUCIANI, «Constitutionnalité du pouvoir conféré au ministre de l'Économie pour faire cesser
les pratiques restrictives de concurrence», La Semaine Juridique, 20 juin 2011, p. 717. Qui estime que «
L'introduction d'une réserve semble bienvenue ».
1495
CEDH 17 janvier 2012, Groupement d’Achat Leclerc (Galec) c. France. Req. n° 51255/08. « Le ministre, par
son action, n’exclut pas les cocontractants lésés par la relation commerciale puisque ces derniers restent en droit
d’engager eux-mêmes une action en justice […] Il y a donc lieu de rejeter l’argument de la requérante selon
lequel le ministre aurait agi en substitution des fournisseurs, ceux-ci disposant d’un droit de recours autonome à
celui du ministre et vice versa. […] la requérante ne rapporte pas la preuve que l’action du ministre aurait
entaché le procès d’iniquité. La Cour note que le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation […]
quant à la constitutionnalité de l’article L. 442-6, tenant à ce que les victimes soient informées de l’introduction
427
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
simplement pas être une action de substitution dès lors que - à la différence de celle-ci - le
bénéficiaire de l'action ne peut pas mettre fin à l'instance. Force est de constater que l'action
de l'article L442-6 III est une action publique exercée par un procureur public sur un substrat
civil.
Un autre arrêt constitutionnel confirme la nature pénale de l'action de l'article L442-6 III
Code de Commerce. La décision porte sur la loi de modernisation de l'économie 1496 qui a
remplacé « l'abus de la relation de dépendance » par le fait « de soumettre ou de tenter de
soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans
les droits et obligations des parties »1497. La question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
critique la nouvelle notion sur le terrain du droit constitutionnel pénal en alléguant une
violation du principe de légalité des délits et des peines, dès lors que les poursuites engagées
par les autorités publiques ont un objet pénal en ce qu'elles tendent au prononcé d'une
amende civile.
d’une action en justice par le ministre. Cependant, la Cour observe que cette obligation d’information des
cocontractants est justifiée par un impératif de protection des fournisseurs. Or, en l’espèce, quand bien même
cette condition n’aurait pas été remplie à l’égard des fournisseurs, il n’est pas démontré que cela aurait causé un
préjudice quelconque dans le chef de la requérante au titre des garanties de l’article 6§1 dans la mesure où la
requérante était libre d’attirer ses cocontractants à l’instance ».
1496
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Nombreux commentaires: M. BÉHAR-
TOUCHAIS, «Que penser de l'introduction d'une protection contre les clauses abusives dans le Code de
commerce ?», Revue des Contrats, juillet 2009, n° 3, p. 1258. ; M. CHAGNY, «Une (r)évolution du droit
français de la concurrence ? À propos de la loi LME du 4 août 2008», La Semaine Juridique JCP(G), 2008, I,
196. ; J.-L. FOURGOUX, «La loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, une révolution prometteuse
mais ténébreuse», Gazette du Palais, 16 septembre 2008, p. 2. ; D. FERRIER, «La réforme des pratiques
commerciales (Loi n° 2008-776 du 4 août 2008)», Recueil Dalloz, 2008, p. 2234. ; R. SAINT-ESTEBEN,
«L'introduction par la loi LME d'une protection des professionnels à l'égard des clauses abusives : un faux ami
du droit de la consommation», Revue des Contrats, 2009, n° 3, p. 1275.
1497
Code de Commerce. Article L.442-6 I 2°.
1498
A. DADOUN, «Faut-il avoir peur du déséquilibre significatif dans les relations commerciales?», Les Petites
Affiches, 13 avril 2011, n° 73, p. 17.
1499
Conseil Constitutionnel. Décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011. Darty. « [il est loisible au législateur]
d'assortir la violation de certaines obligations d'une amende civile à la condition de respecter les exigences des
articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines
qui lui impose d'énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le
manquement ; […] le législateur s'est référé à la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties qui figure à l'article L. 132-1 du code de la consommation […] ; qu'en référence à cette
notion, dont le contenu est déjà précisé par la jurisprudence, l'infraction est définie dans des conditions qui
428
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
du principe de légalité des délits et des peines. Les pratiques restrictives se muent en
incriminations pénales au sens de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789
lorsqu'elles sont poursuivies publiquement afin d'infliger une peine d'amende, fut-elle civile.
Le contentieux des pratiques restrictives est ainsi soumis à un régime variable: civil lorsque
l'action est introduite par la victime, et pénal lorsque l'action est introduite par les autorités
publiques. La coloration pénale ou civile du litige est déterminée par la qualité de l'auteur des
poursuites.
600. Passivité des bénéficiaires de l'action . La substitution des autorités publiques aux
personnes privées victimes de pratiques restrictives ne règle cependant pas définitivement le
problème de l'inertie de la victime. En supposant l'action pour le compte de victimes absentes
du procès couronnée de succès comment procéder effectivement à leur indemnisation? Nous
retrouvons ici l'hypothèse de la distribution fluide du produit de l'action de classe – ce qui est
inévitable puisque l'action d'un procureur public pour le compte des victimes n'est rien d'autre
qu'une action de classe.
permettent au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique d'arbitraire ; […] qu'eu
égard à la nature pécuniaire de la sanction et à la complexité des pratiques que le législateur a souhaité prévenir
et réprimer, l'incrimination est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le
principe de légalité des délits ».
1500
V. SÉLINSKY, «La répression des pratiques discriminatoires», Les Petites Affiches, 4 juin 1997, p. 17. «La
décision du Tribunal de commerce de Paris lors de l'affaire Intermarché, en ordonnant la restitution aux
fournisseurs de plus de 58 millions de francs de sommes indûment versées et discriminatoires, soulève le délicat
problème de l'exécution des décisions […] rendues sur demande ministérielle en faveur de « victimes » muettes
qui se sont prudemment gardées d'intervenir. […] Il est d'ailleurs fort peu vraisemblable que les fournisseurs
exigent le paiement […] Aucune disposition ne permettant au ministre chargé de l'Economie de demander
l'exécution lui-même, on peut alors craindre que la décision reste lettre morte. L'autorité administrative pourrait
ainsi être condamnée à perdre la face à l'issue de la procédure […] il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions
pour mettre en place un dispositif juridique satisfaisant et efficace».
429
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
tenu des représailles évidentes dont il serait immédiatement l'objet »1501. Pour éviter le risque de
représailles, l'administration a donc imaginé d'utiliser le canal du Trésor Public pour faire
transiter l'indemnisation. Dans l'affaire GALEC, le ministre de l'Économie a ainsi formulé une
demande tendant à ce que « les sommes payées aux fournisseurs soient liquidées au profit du
Trésor Public ». Le Tribunal – approuvé par la Cour d'appel1502 - a fait droit à la demande au
motif que:
Michel-Edouard LECLERC rapporte ainsi dans son blog que « la Cour a pu acter que 17
fournisseurs ont manifesté, par écrit, leur volonté de ne pas demander la restitution de ces sommes puisqu’ils
s’estiment engagés par la négociation »1505. Par lettres du 29 novembre 2010 envoyées aux
fournisseurs, GALEC écrivait :
« nous vous remercions de bien vouloir nous préciser si vous avez été destinataire du
reversement de ces fonds par le Trésor Public […] Si tel est le cas, l’engagement que
vous avez pris à l’égard du GALEC par courrier par lequel vous nous avez
indiqué que votre société n’entendait obtenir ni remboursement ni restitution, prend
son plein effet. Dès lors. Il nous apparaît que les fonds que vous avez reçus du
1501
J.-C. GRALL, «Transaction et restitution: le débat est ouvert (note sous T. Com. Nanterre 15 nov. 2005 Min.
Eco c. GALEC)», Meffre & Grall: la lettre du cabinet, mars 2006, p. 4.
1502
CA Versailles (1-12). 29 octobre 2009. S.A. Cooperative Groupements d'Achats des Centres Edouard
Leclerc (GALEC) c. Ministre de l'économie et des finances. N°: 08/07356.
1503
Tribunal de Commerce de Nanterre (7ème ch.), 15 novembre 2005, Ministre de l'Economie c. Groupements
dAchats des Centres Leclerc (GALEC). RG n° 2004 F 01493.
1504
J.-C. GRALL, «Transaction et restitution: le débat est ouvert (note sous T. Com. Nanterre 15 nov. 2005 Min.
Eco c. GALEC)», Meffre & Grall: la lettre du cabinet, mars 2006, p. 4.
1505
M.-E. LECLERC, «Ministère des Finances c/ E. Leclerc : exégèse», Blog 5 novembre 2009, De Quoi Je Me
M.E.L: la tribune de Michel-Edouard Leclerc, en ligne : <www.michel-edouard-leclerc.com>.
430
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
Trésor Public, doivent lui être restitués, puisque votre société n’en est plus
créancière ».
En conséquence, GALEC a assigné le Ministre de l'Économie en mars 2011 devant le juge de
l'exécution du TGI de Paris en vue d'obtenir la preuve de la restitution des sommes aux
fournisseurs et d'ordonner, le cas échéant, le reversement des sommes non-restituées. Le
ministre a fait valoir qu'il avait été procédé à la restitution le 22 septembre 2010 au profit de
tous les fournisseurs, à l'exception d'un seul qui avait refusé de communiquer ses coordonnées
bancaires. La somme de 910.000 euros lui revenant ayant été alors consignée à la Caisse des
Dépôts. Le juge a décidé que la décision du tribunal de commerce de Nanterre se bornait à
donner acte au ministre d'un simple engagement qui n'était pas exécutoire.
À la suite de cette décision, le ministre de l'Économie a assigné GALEC en août 2011 sur le
fondement de l'article L442-6 Code de Commerce afin de voir prononcer une amende civile.
Le Tribunal de Commerce de Paris a fait droit à l'action du ministre en retenant que le
caractère abusif des pressions exercées par GALEC sur ses fournisseurs « au mépris d’une
décision de justice » et l'a condamné au paiement d'une amende de 1 million d'euros1506. La
technique de la restitution au Trésor Public à charge de reversement au personnes lésées est
désormais bien ancrée en jurisprudence, pour des montants allant de quelques dizaines de
milliers d'euros à plusieurs dizaines de millions1507.
602. Vitalité de l'action du ministre . Quel que soit le jugement politique porté sur l'action
du ministre, force est de constater que son existence en droit positif a été confirmée par les
législateurs successifs et que cette action constitue un outil important pour l'administration. Les
statistiques de la DGCCRF montrent un accroissement de l'activité contentieuse civile du
1506
Tribunal de Commerce de Paris. 22 novembre 2011. Ministre de l'Economie c. Cooperative Groupements
d’Achats des Centres Leclerc (GALEC). RG n° 2011058173.
1507
Tribunal de Commerce de Nanterre (7ème ch.), 15 novembre 2005, Ministre de l'Economie c. Groupements
d'Achats des Centres Leclerc (GALEC), RG n° 2004 F 01493 (23 313 681 €); TGI Strasbourg (2ème ch. Com,),
25 novembre 2005, Ministre de l'Economie c. LIDL, RG n° 04/00454 (343 509 €); Tribunal de commerce de
Créteil (2e ch.), 24 octobre 2006, Ministre de l'Economie c. Système U, RG n° 2005F00025 (76 871 390 €); CA
Paris (5A), 20 décembre 2006, Ministre de l'Economie c. Intermarché (ITM), RG n° 05/24361 (3 514 297 €); CA
Bastia, 30 septembre 2009, Ministre de l'Economie c. Hypermarché Corsaire, RG n° 07/00993: JurisData 2009-
012994 (49 344 €); CA Nîmes (2B), 25 février 2010, Ministre de l'Economie c. Carrefour Hypermarchés, RG n°
07/00606 (160 006 €); CA Rennes (2ème ch.), 12 novembre 2008, Ministre de l'Economie c. DISTRILEG, RG
n° 07/05426 (84 711 €); CA Rennes (2ème ch.), 20 janvier 2009, SCAOUEST c. Ministre de l'Economie, RG n°
07/07013 (145 025 €); CA Rennes (2ème ch.), 20 janvier 2009, DINANDIS c. Ministre de l'Economie, RG n°
08/00246 (26 392 €); CA Amiens, 20 octobre 2011, Ministre de l'Economie c. SCA Produits Regionaux Nord,
RG n° 07/03077: JurisData 2011-025784, (mais appel irrecevable pour défaut de pouvoir DGCCRF); CA Nîmes
(2B), 26 janvier 2012, Ministre de l'Economie c. Auzon-Ventoux, RG n° 09/05026: JurisData 2012-008057 (12
823 €); CA Paris (5-5), 2 février 2012, Carrefour Hypermarchés c. Ministre de l'Economie, RG n° 09/22350:
JurisData 2012-008517 (17 193 755 €).
431
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
ministre de l'économie1508. Selon la DGCCRF « en matière civile les décisions sont de plus en plus
nombreuses et certaines sont significatives au regard des montants de condamnation prononcés »1509. Le bilan
2008 décrivait une « montée en puissance progressive des procédures civiles » depuis 2004, avec une
vingtaine d'actions annuelles 1510. Le montant des amendes civiles prononcées marque une
progression nette: € 0.3 million en 2005, € 1.5 million en 2008 et € 4.5 millions en 2009 1511. Le
goût de l'action publique en restitution s'est également emparé de l'Autorité de la concurrence
1512
qui en a fait usage pour la première fois en 2010 dans l'affaire des JOUETS .
L'autorité de la concurrence adopte une décision d'infraction et utilise ses pouvoirs d'enquête
pour recueillir les pièces permettant d'identifier l'ensemble des ventes réalisées sur la période
concernée pour le produit en cause, et l'identité de l'acquéreur direct. La décision d'infraction
emporte la nullité des contrats de vente « se rapportant » à la pratique anticoncurrentielle
prohibée sur le fondement de l'article L420-3 Code de Commerce. Le Président de l'Autorité
1508
DGCCRF, Bilan de l'activité contentieuse civile, Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation
et de la Répression des Fraudes, Ministère de l'Economie, 2010. DGCCRF, Bilan de l'activité contentieuse,
Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Ministère de
l'Economie, 2009. DGCCRF, Bilan de l'activité contentieuse, Direction Générale de la Concurrence, de la
Consommation et de la Répression des Fraudes, Ministère de l'Economie, 2008. DGCCRF, Bilan de l'activité
contentieuse, Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes,
Ministère de l'Economie, 2007. En ligne: http://www.dgccrf.bercy.gouv.fr
1509
DGCCRF, Bilan de l'activité contentieuse, Rapport annuel, DGCCRF, Ministère de l'Economie, 2005.
1510
Soit: 19 actions en 2004, 16 actions en 2005, 21 action en 2006, 29 actions en 2007, 28 actions en 2008, 21
actions en 2009 et 21 actions en 2010.
1511
CEPC, Rapport annuel d'activité, Commission d'Examen des Pratiques Commerciales, 2009/2010.
1512
Tribunal de commerce d'Évry. 21 avril 2010. Président de l'Autorité de la Concurrence c. Carrefour
Hypermarchés. RG n°2008F00689. Retrait du rôle. Tribunal de commerce d'Évry. 18 novembre 2009. Président
de l'Autorité de la Concurrence c. Carrefour Hypermarchés. RG n°2008F00689. V. égal. Tribunal de commerce
de Lisieux du 10 juillet 2009 RG n° 09.283, et Tribunal de commerce de Créteil du 13 octobre 2009 RG n°
2008F00629. V. Autorité de la Concurrence. Décision 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques
mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets.
432
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
La réparation du dommage subi par les clients directs et indirects est paralysée par le droit à
réparation des consommateurs et le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût,
contraignant à la mise en place de mécanismes d'actions collectives d'initiative privée ou
publique. Il est irréaliste et impossible de faire prospérer une action réunissant plusieurs
milliers ou dizaines de milliers de victimes agissant en leur nom. Dès lors, l'efficacité de
l'action collective dépend de sa capacité à surmonter l'inertie des consommateurs, tout à la fois
au stade de l'introduction de l'action par la représentativité, et au stade de l'exécution, par la
distribution fluide.
Ce faisant, c'est la réparation même qui change de nature. La collectivisation du litige lui
confère une coloration répressive. Parce qu'il faut recourir à des procureurs privés ou publics
agissant dans l'intérêt général. Et parce que la sanction n'entretient qu'un rapport ésotérique
avec la compensation du préjudice individuel. Les dommages et intérêts ne pouvant
433
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
434
CHAP. 7 : PROCUREURS PUBLICS
604. Le succès du private enforcement du droit américain de la concurrence est souvent illustré
par l'idée que 90% du contentieux serait constitué par des actions privées introduites sous
forme de class actions. L'hégémonie apparente masque en réalité le rôle moteur des autorités
publiques, l'action de classe venant simplement à la remorque du constat public d'infraction.
Bien souvent d'ailleurs, les class actions sont engagées par des personnes publiques en réparation
de leur préjudice personnel, que l'on songe aux affaires emblématique Illinois Brick ou
Antibiotiques. L'initiative privée apparaît marginalisée par l'activisme des autorités publiques.
En outre, l'action en disgorgement et l'action parens patriae prennent le relais de l'initiative
privée lorsque celle-ci est défaillante, avec des résultats spectaculaires d'indemnisation de masse.
La plus importante transaction jamais obtenue suite à une class action s'élève à $7.2 milliards
dans le scandale Enron. Résultat presque ridicule en comparaison des $67 milliards dégorgés
par les banques dans l'affaire des ARS, ou $200 milliards payés par les fabricants de cigarettes
suite à une action parens patriae. Les actions en restitutions publiques américaines sont des
concurrentes significatives de la class action, et pourtant totalement ignorées ou négligées par la
doctrine européenne.
605. La même logique est à l'œuvre dans l'histoire tourmentée de l'action en répétition du
ministre de l'article L442-6 Code de Commerce. Son utilisation est certes plus modeste, mais
des signes d'intérêts ont été montrés ces dernières années par les autorités, y compris l'Autorité
de la concurrence. Une telle action serait très utile en cas de cartel de fixation des prix et
partage des marchés, pour forcer la restitution du surcoût aux acheteurs directs, en court-
circuitant le moyen de défense tiré de la répercussion du surcoût. Il est remarquable de
constater que la jurisprudence et l'administration fiscale ont mis en place spontanément des
procédures de restitution des sommes obtenues par l'intermédiaire du Trésor Public. Une telle
solution pourrait être systématisée et développée. Les actions publiques en restitution ne sont
toutefois pas aptes à apporter une réponse pour l'indemnisation des consommateurs. Il faut
alors envisager des méthodes plus radicales.
435
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« dans leur très grande majorité, les membres de l'AFEC […] n'approuvent pas
l'idée selon laquelle la fonction exercée par le juge judiciaire devrait être assurée à
l'avenir par l'autorité de concurrence »1516.
Le problème est posé comme s'il s'agissait nécessairement de remplacer un juge par un autre.
Formulé en ces termes, la réponse ne peut être que négative parce que – de lege lata - l'Autorité
de la concurrence n'est pas une juridiction. Claude LUCAS DE LEYSSAC dénonce un « faux
dualisme juridictionnel »1517 et Gerasimos SOFIANATOS souhaite « relancer le débat sur la
1513
CA Paris (1H). 30 mars 2004. Semiacs : BOCCRF. 15 juin 2004. «le Conseil de la concurrence peut
prononcer sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, des sanctions pécuniaires lorsqu'il constate des pratiques
ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de la
compétence parallèlement reconnue aux juridictions judiciaires de droit commun […] qui seules ont le pouvoir
d'annuler le contrat ou l'acte constitutif d'une pratique anticoncurrentielle, et d'allouer le cas échéant des
dommages-intérêts en réparation des dommages résultant de ces pratiques».
1514
Conseil de la Concurrence. Décision n° 05-D-39 du 5 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre
dans le secteur des pompes funèbres. Pt. 33. p. 8.
1515
F. G. JACOBS, «Civil enforcement of EEC antitrust law», Michigan Law Review, vol. 82 avril-mai 1984,
p. 1364 (voir p. 1367). «[the Commission] has no jurisdiction to compensate the victim».
1516
AFEC, Réponse au Livre Vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et les abus de position dominante, sous la direction de Daniel Fasquelle,
Association Française d'Etude de la Concurrence, 2006.
1517
C. LUCAS DE LEYSSAC, «La réparation du dommage à l'économie», in L'ordre public économique,
Atelier DGCCRF du 3 novembre 1994, Revue de la concurrence et de la consommation, janvier-février 1995,
n° 83, p. 67. Cf. p. 70. ««La doctrine a depuis longtemps dénoncé ce faux dualisme juridictionnel qui oblige à
aller d'abord devant le Conseil de la concurrence et puis ensuite seulement devant les juridictions civiles pour
obtenir la réparation du préjudice. Les délais procéduraux sont tels qu'il faudra au moins six ans pour avoir une
décision définitive sur la réparation. Ce n'est pas un état de droit satisfaisant et je crois qu'il faudrait réfléchir au
moyen de donner au Conseil la possibilité d'indemniser les victimes directement, de tirer les conséquences
civiles sur les préjudices»».
436
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
juridictionnalisation des autorités de concurrence »1518. Mais les rares auteurs à s'être prononcés en
faveur de l'attribution d'un rôle indemnitaire à l'autorité de concurrence 1519, se sont placés sur
le terrain de l'opportunité de lege ferenda.
1518
G. SOFIANATOS, Injonctions et engagements en droit de la concurrence, LGDJ, 2009, [Doctorat : Droit :
Paris-I]. §333 à 335 p. 300-302. «La question qui se pose cependant est de savoir si les autorités peuvent
enjoindre à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle d'indemniser sa victime. En d'autres termes on s'interroge
sur la possibilité d'envisager les mesures correctives comme un substitut aux dommages-intérêts. […] Les
avantages d'une telle substitution seraient indéniables. La double procédure, dans un premier temps devant les
autorités administratives, puis devant le juge civil, avec les contraintes de temps qu'elle implique est évitée. […]
Mais quel serait le fondement d'une telle pratique? […] La possibilité d'accepter des engagements par les parties
tendant à payer une somme d'argent, peu étudiée par la doctrine, ne semble pas gagner son approbation. Cette
opinion se heurte à plusieurs écueils, car elle déroge complètement au régime de la responsabilité civile. […]
Nous pensons que la réparation doit rester l'affaire des parties […] la possibilité pour les autorités de contourner
l'absence de pouvoir d'ordonner des sanctions civiles paraît dans une certaine mesure présenter les traits d'un
excès de pouvoir. Il serait abusif de leur permetre de s'approprier des pouvoirs qui ne sont pas les leurs. Sauf
changement de nature des autorités administratives, ce pouvoir ne peut leur être reconnu. De l'autre côté, force
est de constater qu'étant donné qu'on accepte que les autorités réparent en nature le préjudice concurrentiel
individuel dans la mesure où sa réparation est nécessaire pour effacer le préjudice concurrentiel collectif, pour
leur reconnaître le droit de procéder à la réparation par équivalent, il n'y a qu'un pas. On hésitera cependant à le
franchir. De lege lata, on ne conçoit pas qu'imposer des obligations tendant à la réparation du préjudice
individuel par des dommages-intérêts soit acceptable. La question est cependant posée et elle a le mérite de
relancer le débat sur la juridictionnalisation des autorités de concurrence. Elle reflète selon nous la
reconnaissance d'une erreur et la nécessité d'y remédier. L'erreur consiste à fractionner le contentieux de la
concurrence et à attribuer au marché un juge qui n'a pas tout le pouvoir qu'il faudrait pour remplir sa mission. Ou
bien il fallait attribuer le contentieux de la concurrence aux autorités de concurrence, mais en leur donnant les
moyens nécessaires pour accomplir leur mission […] Ou bien on n'aurait pas dû retirer ce contentieux à son juge
naturel, mais le former à cette discipline et l'assister avec des organes d'instruction et de poursuites capables de
mener à bien les enquêtes».
1519
J.-L. FOURGOUX et J.-C. FOURGOUX, «La concurrence des compétences en matière de droit de la
concurrence interne et communautaire», JCP (E), n°4 1994, p. 57.
1520
W. VAN BOOM et M. LOOS, in Collective enforcement of consumer law: securing compliance in Europe
through private group action and public authority intervention, Publication à partir des rapports et travaux d'un
congrès organisé à Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen à Amsterdam le 15 septembre 2006,
Groningen : Europa Law Publishing, 2007.
1521
R. NERUDA, «Private or Public Enforcement of Competition Law?», in Private Enforcement of
Competition Law?, Charles University (Prague), 26-27 juin 2009, édité par J. BASEDOW, J. P. TERHECHTE
et L. TICHÝ, Nomos, 2011. p. 230. Cf. p. 246-247. «Probably the most common form of public incentives to
compensate damages is to take already conducted indemnification into account when calculating the fine. […]
This could be a practical approach in a situation where anticompetitive conduct harmed many consumers, who
have small and fragmented claims for damages, and where separate private actions for damages are inefficient
and therefore unlikely. Before a functioning system of private enforcement of antitrust law is established, the
437
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
autorités de régulation de pouvoirs pour régler les litiges entre consommateurs et opérateurs
constituerait une alternative à la class action permettant d'apporter « une réponse pragmatique plutôt
que de se lancer dans des constructions procédurales complexes dont les exemples étrangers nous montrent les
nombreux dangers »1522.
activity of a competition authority can constitute a reasonable functioning substitute […] in this transitional
period, the competition authorities should deal with compensation very carefully, only where the estimation of
the scope of the damage does not require excessive use of additional resources [and] only in cases of fragmented
damages claims of final consumers, rather than as a mean of achieving indemnity for the competitor or the only
affected business partner».
1522
B. MARAIS (DU), «Les fonctions de médiation des autorités de régulation, alternative à la class action?»,
Gazette du Palais, 27 mars 2007, p. 22.
1523
K. BERNARD, «Making victims whole: A restitution approach to cartel damages», Revue Concurrences,
février 2012, n° 1. «the Commission should consider adopting a system of government controlled restitution. By
keeping the system under government control, the Commission would assure that it: (1) could meet the goal of
maintaining European culture and traditions expressed by several Commissioners, and (2) could minimize
collateral damage to other important EU policies, such as the leniency doctrine […] Setting up a system of
restitution for victims of cartel violations under current law would be neither simple nor uncontroversial. It
clearly stretches some legal concepts although not, we believe, to the breaking point»
1524
C. CANENBLEY et T. STEINVORTH, «Effective Enforcement of Competition Law: Is There a Solution to
the Conflict Between Leniency Programmes and Private Damages Actions?», Journal of European Competition
Law & Practice, 2011, n° Vol. 2 Issue 4, p. 315.
1525
K. BERNARD, «Making victims whole: A restitution approach to cartel damages», Revue Concurrences,
février 2012, n° 1. «By adopting a system of restitution, the Commission would be choosing the simplest, most
direct way to make cartel victims whole, and one which causes minimal harm to other important values Handing
over the issue of compensating victims to private parties […] is more complicated that necessary […] A
government controlled restitution system is relatively simple, consonant with European values, preserves the role
of government in developing the law, and minimally impacts the leniency program».
438
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
des Etats-Unis - l'Europe est en train de construire un système d'indemnisation à partir d’une
tabula rasa, lui permettant de choisir la meilleure alternative possible. L'auteur souligne le coût
induit par le contentieux judiciaires, en termes de frais et honoraires d'avocats. Les frais de
notification des victimes, d'administration et de distribution des fonds pourraient être réduits
au minimum par l'externalisation en confiant ces tâches à des prestataires de services
spécialisés. Surtout, à la différence de l'approche contentieuse qui suppose que les demandeurs
fassent l'avance des frais, l'approche publique permet de faire supporter le coût administratif
de l'indemnisation à l'auteur de l'infraction. Il considère cependant que l'introduction d'un tel
système serait « controversée », impliquant de « forcer » certains concepts juridiques. Il se contente
de fonder l'approche publique sur les principes généraux établis aux articles 17 et 103, §2
TFUE.
1526
A. EZRACHI et M. IOANNIDOU, «Public Compensation as a Complementary Mechanism to Damages
Actions: From Policy Justifications to Formal Implementation», Journal of European Competition Law &
Practice, 21 juin 2012.
1527
Ibid. p. 4: «While the proposal to formalise a channel for Public Compensation may seem far-reaching, it
merely forms an extension of incidental practice already carried out by the European Commission and
competition authorities of the Member States.A bird’s eye view of the EU and Member States’ case law reveals
instances in which public enforcement served a secondary compensatory function».
439
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
par un cartel - répressive et collective dans son régime – n'est tout simplement pas une action
privée en responsabilité civile délictuelle. Il faut en réalité faire appel à la notion d’arrêt de
règlement et la notion de peine privée, qui permettent de penser plus clairement et plus
simplement la question de l’indemnisation des dommages causés par une infraction au droit de
la concurrence, en dehors du cadre de la responsabilité civile. L'indemnisation collective des
victimes d'infraction au droit de la concurrence relève de la compétence de l'autorité de
concurrence, précisément parce qu'elle présente un caractère règlementaire et punitif.
611. Plan. D'un point de vue procédural, la décision d'une autorité de concurrence se
prononçant sur l'indemnisation collective est un arrêt de règlement, c'est-à-dire UNE DÉCISION
440
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
612. L'indemnisation collective du surcoût entraîné par une infraction de concurrence relève
par nature de l'autorité de concurrence parce que la décision collective n'a pas un caractère
juridictionnel. L'étude de la class action américaine montre que l'action collective ne débouche
pas sur une décision individuelle de réparation du préjudice causé. Le juge ne rend pas une
décision individuelle de réparation pour chacune des victimes virtuellement présente dans
l'instance. Un jugement sur une class action détermine des règles abstraites d'éligibilité au
bénéfice d'un plan global d'indemnisation. Partant, il ne peut s'agir que d'une décision à
caractère règlementaire et non d'une décision juridictionnelle.
La question du rôle indemnitaire de l'autorité de concurrence est donc en réalité mal posée,
car elle ne distingue pas entre réparation individuelle et indemnisation collective. Il ne s'agit
pas de substituer l'Autorité de la concurrence au juge civil, mais de faire la part entre les
formes individuelles de la réparation qui reviennent aux juridictions civiles, et les formes
collectives de l'indemnisation qui incombent naturellement à l'autorité administrative.
Il convient de montrer, dans un premier temps, que l'action de classe présente un caractère
règlementaire (§1), avant de montrer dans un second temps, que les décisions des autorités
administratives indépendantes sont la résurgence moderne des arrêts de règlement (§2).
441
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
616. Critère du cas particulier. La Cour régulatrice prononce ainsi la cassation au visa
combiné de l'article 5 du Code civil et de la loi des 16-24 aout 1790 attendu que les juges qui ne
sauraient prononcer par voie de dispositions générales et règlementaires doivent « statuer
1528
C.-J. FERRIERE (DE), Dictionnaire de droit et de pratique, Paris : Veuve Brunet, 1769, p. 116. V° Arrêt de
règlement. «La marque qu'un arrêt est un arrêt de règlement, c'est quand il est dit à la fin qu'il servira de
règlement & qu'il sera lu & publié à cet effet».
1529
B. BEIGNIER, «Arrêts de règlement», Revue Droits, 9-1989, p. 45. Et P. PAYEN, Les Arrêts de règlement
du Parlement de Paris au XVIIIème siècle, PUF, 1997.
442
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
uniquement sur des cas particuliers »1530, en procédant à « l'examen de la situation particulière » des
parties au procès1531. Sont systématiquement cassées les décisions motivant l'appréciation
souveraine des faits qui leur sont soumis, sur une « jurisprudence bien établie », ou par renvoi à
« une décision rendue dans un autre litige »1532, ou encore « sur des causes ayant un objet identique, mais sans
que soient réunies les conditions de l'autorité de la chose jugée »1533, ou qui se fondent sur des barèmes
abstraits, car les juges « ne sauraient se référer, dans une espèce déterminée, à des règles établies à l'avance
pour justifier leur décision »1534. Ont un caractère particulier, les constatations et énonciations
« propres à la situation concrète »1535 soumise aux juges du fond concernant des individus
« déterminés ». Par opposition, ont un caractère général et règlementaire, les décisions procédant
par « catégorie »1536 « pour éviter un lourd contentieux au cas par cas »1537. Le juge français ne doit pas se
fonder sur le précédent, conformément au principe de relativité de la chose jugée; puisque
l'autorité de la chose jugée est subordonnée à l'identité des parties. L'activité juridictionnelle du
juge civil consiste à apprécier l'application d'une règle de droit générale et règlementaire à un
cas particulier individuel concret.
1530
Cass. Civ. 2ème, 18 octobre 1961: Bull. n° 662.
1531
Cass. Civ. 2ème, 13 juillet 1960: Bull. n° 475.
1532
Cass. Soc. 25 février 1993; N° de pourvoi: 90-21552.
1533
Cass. Civ. 2ème, 22 octobre 2009, N° de pourvoi: 08-18694.
1534
Cass. Crim. 4 février 1970: Bull. n° 49.
1535
Cass. Civ. 3ème, 27 mars 1969: Bull. n° 267.
1536
Cass. Soc. 2 février 1966: Bull n° 138.
1537
Cass. Soc. 25 novembre 1992: Bull. n° 574.
443
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
618. Positions doctrinales contestables. Les tentatives doctrinales pour tenter de faire
échapper l'action représentative à l'interdiction des arrêts de règlement apparaissent peu
convaincantes. Marie-Anne FRISON-ROCHE soutient que:
« le jugement obtenu par class action, s'il peut froisser l'autorité relative de la chose
jugée, n'apparaît tout simplement pas comme un arrêt de règlement. Si l'on reprend
la définition de ce qu'est un arrêt de règlement, celui-ci lie non seulement d'autres
personnes que les parties identifiées à l'instance particulière mais encore, et le critère
est cumulatif, choisit une solution qui vaut pour l'avenir puisque celle-ci sera
obligatoirement reprise pour des cas ultérieurs. Or le jugement obtenu sur class action
ne joue pas pour les situations à venir, il est très classiquement un acte juridictionnel
qui apure le passé, qui fait les comptes du passé, certes à l'égard de multiples et
anonymes personnes mais en n'ayant d'effet que sur des situations déjà passées ».
Stratégie argumentative identique pour Michel VERPEAUX qui observe que:
« non seulement un arrêt de règlement lie d'autres personnes que les parties
identifiées à l'instance particulière mais en outre, et cette condition est cumulative, le
jugement vaut pour l'avenir puisque celui-ci sera obligatoirement repris pour des cas
ultérieurs. Or, dans le cadre d'une action de groupe, la décision relative à cette action
collective, aussi générale soit-elle, ne vise que des situations passées et ne saurait en
conséquence avoir d'effets pour l'avenir. Le jugement relatif à une class action à la
française ne peut donc être assimilé à un arrêt de règlement »1538.
Il n'est pas possible de souscrire à cette argumentation parce que la définition de l'arrêt de
règlement retenue par les auteurs et le caractère cumulatif des critères ne reposent sur aucune
base en droit positif. Selon Marie-Anne FRISON-ROCHE et Michel VERPEAUX, l'arrêt de
règlement est celui qui lie d'autres personnes que les parties identifiées à l'instance. La
définition assimile l'interdiction des arrêts de règlement au principe de relativité de la chose
jugée. Alléguant du caractère cumulatif des critères, les auteurs s'abstiennent de vérifier la
compatibilité d'un « jugement obtenu à l'égard de multiples et anonymes personnes » avec la solution de
principe de la Cour de Cassation rendue au visa de de l'article 5 du Code civil et de la loi des
16-24 aout 1790 selon laquelle une décision présente un caractère général et règlementaire
lorsqu'elle ne statue pas sur un « cas particulier ». Marie-Anne FRISON-ROCHE et Michel
VERPEAUX admettent implicitement que la décision collective présente le caractère de
généralité visé par l'article 5 du Code civil, mais prétendent la soustraire à l'interdiction parce
1538
M. VERPEAUX, «L'action de groupe est-elle soluble dans la Constitution ?», Recueil Dalloz, 2007, p. 258.
444
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
qu'elle n'aurait pas d'effet pour l'avenir. À défaut de talents paranormaux divinatoires, il est
dans la nature des choses qu'un jugement « ne joue pas pour les situations à venir ». Mais l'on ne
voit pas très bien comment un jugement obtenu « à l'égard de multiples et anonymes personnes » -
définies abstraitement puisque leur situation particulière est par hypothèse inconnue - pourrait
constituer « très classiquement » un acte juridictionnel et non un acte à caractère règlementaire.
La démonstration est inopérante, parce que la Cour de Cassation n'a jamais posé de
conditions cumulatives pour déclencher l'interdiction de l'article 5 du Code Civil, la
condamnation des solutions valant pour l'avenir n'étant qu'un corollaire du grief de généralité.
En se fondant sur une règle « établie à l'avance », le juge motive nécessairement sa décision
par des considérations qui ne sont pas propres à la situation concrète qui lui est soumise sans
procéder à un examen de la situation particulière de la personne déterminée présente à
l'instance. La formule de la « règle établie à l'avance » n'est qu'une autre manière de dire que le
juge a tranché le litige par référence à une décision « rendue dans une autre affaire ». Le critère
ne réside pas l'établissement d'un critère pour l'avenir. Les décisions fondées sur des « règles
établies à l'avance » sont cassées non pas parce qu'elles statuent pour l'avenir, mais parce
qu'elles renvoient à des solutions antérieures qui ne peuvent donc pas concerner la situation
particulière soumise au juge. Marie-Anne Frison-Roche se trouve d'ailleurs obligée de
reconnaître que le jugement aurait une « portée générale » exprimant un « pouvoir
normatif »1539 mais sans en tirer les conséquences logiques quant à l'application de
l'interdiction faite aux juges de statuer par voie de dispositions générales et règlementaires.
1539
M.-A. FRISON-ROCHE, «Les résistances mécaniques du système juridique français à accueillir la class
action : obstacles et compatibilités», in Les class actions devant le juge français : rêve ou cauchemar ?,
colloque du 18 novembre 2004, Les Petites Affiches, 10 juin 2005, n° 115, p. 22. «l'on connaît l'hypocrisie du
mantra de la prohibition des arrêts de règlement et l'équivalence de situation avec des arrêts de principe […] On
ne peut pourtant faire tout à fait l'économie de cet argument de la prohibition des arrêts de règlement, parce que
la class action opère comme un dévoilement. En effet, la class action révèle ce que l'arrêt de principe laisse sous
couvert, à savoir le pouvoir normatif».
445
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« le jugement dont la portée serait générale laisse entier le droit pour une personne
appartenant au groupe de personnes visées mais n'ayant pas expressément exprimé
sa volonté d'y figurer, de saisir au besoin la justice pour son compte propre, si le
contenu du jugement auquel aura abouti la class action ne le satisfait pas »1540.
L'argument est astucieux, à ceci près qu'il ne s'agit plus d'une class action puisque les membres
de la classe doivent manifester expressément leur volonté d'être liés par le jugement. Il s'agit
d'un classique mandat de représentation ad litem, tel qu'il existe en droit positif sous la forme
de l'action en représentation conjointe, dont l'inefficacité est attestée et dont personne ne
prétend qu'elle constituerait une class action.
620. Pouvoirs régaliens. Les arrêts portant règlement sont - au sens littéral - des décisions
régaliennes. Les arrêts de règlement sont rendus par le Roi en sa Cour du Parlement sur requête
du procureur général ou dans le cadre d'un litige entre personnes privées. Lorsque un litige
particulier révèle un problème d'intérêt général pour lequel les règles existantes apparaissent
inadaptées, le souverain en sa Cour, sort de sa fonction juridictionnelle pour adopter une
capacité règlementaire. La Cour de Parlement adopte un règlement applicable erga omnes.
1540
M.-A. FRISON-ROCHE, «Les résistances mécaniques du système juridique français à accueillir la class
action : obstacles et compatibilités», in Les class actions devant le juge français : rêve ou cauchemar ?,
colloque du 18 novembre 2004, Les Petites Affiches, 10 juin 2005, n° 115, p. 22.
1541
Article L. 461-1, I, du code de commerce.
446
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
621. Régulation économique . Le dépouillement des arrêts offre l'image d'une régulation
sectorielle vivante, extrêmement réactive et sensible aux préoccupations des acteurs concernés.
Régulation de l'ouverture des débits de boisson 1542, du monopole de boulangerie1543, du
contrôle1544 et de la vente de farine1545, de sel1546, de pois et fèves1547, de la teinturerie1548, de la
plomberie1549, de la pharmacie1550, de l'activité des huissiers commissaires-priseurs1551 ou encore
de l'assiduité aux cours et aux examens des professeurs de la faculté de droit de Reims 1552.
622. Avantages des arrêts de règlement . Les arrêts portant règlement sont la forme
procédurale ancienne de la régulation économique. Malgré la « hantise » 1553 judiciaire des arrêts
de règlements, certains auteurs se sont interrogés pour savoir s'il ne fallait pas les
« ressusciter »1554. Le Garde des Sceaux Jean FOYER considérait que leur proscription avait été
une « erreur historique »1555. Comme le souligne Jean-Paul DOUCET :
« ces règlements avaient bien quelques avantages; par exemple ils épargnaient aux
parties des procès inutiles »1556.
Pour Pierre DECHEIX :
1542
Lettres patentes sur arrest portant règlement pour la fermeture des caves ouvertes contre la disposition des
statuts du corps des marchands de vins de Paris, rendu le 13 juin 1746.
1543
Arrest de la Cour de Parlement portant règlement pour la communauté des maîtres Boulangers de la ville et
faubourgs de Paris et les Boulangers forains, rendu le 10 juillet 1760.
1544
Arrêt de la Cour de Parlement portant règlement entre les officiers mesureurs-visiteurs et contrôleurs des
grains et farines de la ville de Paris et la communauté des maîtres Boulangers, rendu le 1er juin 1770.
1545
Arrest de la Cour du Parlement portant règlement pour les facteurs de la Halle aux farines, rendu le 19 juin
1779.
1546
Arrest de la Cour de Parlement portant règlement en faveur des marchands de Salines contre les compteurs
de marée, rendu le 15 décembre 1716.
1547
Arrest de la Cour du Parlement rendu en faveur du corps des marchands épiciers et apoticaires-épiciers de
Paris contre les jurés et communauté des maitres et maitresses Grainiers de Paris portant règlement au sujet de la
vente tant en gros qu'en détail des Pois, Fèves, Lentilles et autres Légumes sèches, du 23 février 1740.
1548
Arrest de la Cour de Parlement portant règlement entre les Drappiers & les Taincturiers de draps de la ville
de Troyes, rendu le 24 mai 1631.
1549
Arrest de la Cour de Parlement portant règlement pour la communauté des maîtres Plombiers, Massons,
Charpentiers, Couvreurs, Menuisiers, Serruriers ou autres employez aux bâtimens, rendu le 6 septembre 1727.
1550
Arrest de la Cour de Parlement de Bretagne portant règlement entre les médecins et apoticquaires de Rouen,
rendu le 14 décembre 1657.
1551
Arrest de la Cour de Parlement portant règlement entre les Six Corps Marchands de la Ville de Paris et les
Huissiers-Commissaires-Priseurs au Châtelet de Paris au sujet des ventes de fonds de boutiques, marchandises et
meubles neufs, du 17 juin 1777.
1552
Arrest de la Cour de Parlement portant règlement pour la faculté de droit en l'Université de Reims, du 5
septembre 1710.
1553
P. DRAI, «Allocution d'ouverture», in L'image doctrinale de la Cour de cassation, La Documentation
Française, 1994.
1554
A. AUDINET, «Faut-il ressusciter les arrêts de règlement ?», in Mélanges Brethe de La Gressaye, p. 104.
1555
J. FOYER, «Allocution du Garde des Sceaux», in Conférence générale des présidents et membres des
tribunaux de commerce, Gazette du Palais, 15-18 août 1964.
1556
J.-P. DOUCET, La loi pénale, Litec, 1986. n° 20.
447
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
« un retour mesuré aux arrêts de règlement, système qui a quand même fait ses
preuves pendant des siècles, permettrait d'accélérer le cours de la justice »1557.
623. Résurgence moderne. Il est cependant possible de considérer que les arrêts de
règlement n'ont pas totalement disparu avec la consécration révolutionnaire du principe de
séparation des pouvoirs. Les « tendances régressives dans l'évolution du droit »1558 conduisent à la
« résurgence »1559 moderne des arrêts de règlement sous la forme de la régulation exercée par les
Autorités Administratives Indépendantes (AAI). La nature juridique de l'Autorité de la
concurrence pose un problème1560. Le vide conceptuel induit par le tabou règlementaire fulminé
par l'article 5 du Code Civil fait des AAI un « objet juridiquement non identifié »1561, « un quatrième
pouvoir, non théorisé par Montesquieu »1562, échappant au « schéma unitaire du modèle bureaucratique
classique »1563. Les AAI réalisent une « confusion »1564 organique du pouvoir règlementaire et du
pouvoir juridictionnel1565 qui « heurte à l'évidence notre sensibilité, notre culture juridique et politique,
toutes imprégnées et façonnées qu'elles sont, depuis deux siècles et demi, par la doctrine de la séparation des
pouvoirs »1566. Dès l'origine, la doctrine a souligné que le Conseil de la concurrence apparaissait
comme une « juridiction incomplète ou innomée »1567. Les décisions de l'Autorité de la concurrence
comme les arrêts portant règlement présentent le caractère paradoxal de la « vraie nature de la
1557
P. DECHEIX, «Suggestions hérétiques pour une justice moins lente», Recueil Dalloz, 1991, p. 49.
1558
B. OPPETIT, «Les tendances régressives dans l'évolution du droit contemporain», in Mélanges dédiés à
Dominique Holleaux, Litec, 1990, p. 317. L'idée se trouve déjà chez: A. ESMEIN, Mélanges d'histoire du droit
et de critique, Larose & Forcel, 1886. Parlant du «phénomène de renaissance des anciennes coutumes». Et plus
nettement chez: L. HUGUENEY, L'idée de peine privée en droit contemporain, [Doctorat : Droit : Dijon : 1904].
Voir la conclusion consacrée à «l'évolution régressive» du droit.
1559
H. SINAY, «La résurgence des arrêts de règlement», Recueil Dalloz, 1958, Chron., p. 85 .
1560
R. Poesy. La nature juridique de l'Autorité de concurrence. Actualité Juridique Droit Administratif - AJDA
2009, n° 7, ét., page 347
1561
P. GÉLARD, Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié ,
Office parlementaire d'évaluation de la législation, Assemblée Nationale et Sénat, 15 juin 2006.
1562
R. DOSIÈRE et C. VANNESTE, Les autorités administratives indépendantes, Rapport d'information n°
2925, Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, Assemblée Nationale, 28 octobre 2010.
1563
M.-A. LAFORTUNE, «Les autorités indépendantes de régulation à l'épreuve des principes processuels
fondamentaux», Gazette du Palais, 25 septembre 2001, n° 268, p. 12.
1564
Q. EPRON, «Le statut des autorités de régulation et la séparation des pouvoirs», Revue Française de Droit
Administratif, novembre 2011, n° 5, p. 1007. «Les compétences accordées aux autorités de régulation impliquent
une certaine confusion des pouvoirs».
1565
Cf. CE, ass., 12 déc. 1953, De Bayo, Lebon, p. 544: RDPA 1954. 3; AJDA 1954. 138. Lire: R. Chapus,
Qu'est-ce qu'une juridiction ?, in Mélanges Eisenmann, Cujas, 1975, p. 265, O. Gohin, Qu'est-ce qu'une
juridiction pour le juge français, Revue Droits 1989, n° 9, p. 93, P. Klausen, Réflexions sur la définition de la
notion de juridiction dans la jurisprudence du Conseil d'État, LPA 30 juill. 1993, p. 22.
1566
J.-F. DAVIGNON, «Quelle place pour la repression administrative dans notre ordonnancement juridique ?»,
Les Petites Affiches, 11 juillet 1997, n° 83, p. 5.
1567
D. DANET, «Le Conseil de la Concurrence: juridiction incomplète ou juridiction innommée?», Revue
Internatione de Droit Economique, 1991, p. 3.
448
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
La généalogie qui fait remonter la « spécificité fonctionnelle »1569 des AAI aux arrêts de règlement
permet de considérer d'un œil nouveau le problème de la class action. Comme il a été montré,
l'indemnisation collective est une décision à caractère général et règlementaire au sens de
l'article 5 du Code civil. La conclusion s'impose d'elle-même: la mission règlementaire
d'indemnisation collective appartient par nature à l'Autorité de la concurrence.
1568
M. GENTOT, «Marchés et Autorités administratives Indépendantes», in La puissance publique,
l'organisation et le contrôle du marché, Colloque de l'Association Droit et Démocratie, Palais du Luxembourg,
22 janvier 2001, Les Petites Affiches, 17 septembre 2001, n° 185, p. 10. Citant J. FONTAINE (DE LA), Fables,
Didot l'aîné, 1813. Livre II, fable 5 p. 38: «Une chauve-souris donna tête baissée Dans un nid de belettes ; et sitôt
qu'elle y fut, L'autre, envers les souris de longtemps courroucée, Pour la dévorer accourut. «Quoi ! vous osez,
dit-elle, à mes yeux vous produire, Après que votre race a tâché de me nuire! N'êtes-vous pas souris ? Parlez sans
fiction. Oui, vous l'êtes, ou bien je ne suis pas belette. - Pardonnez-moi, dit la pauvrette, Ce n'est pas ma
profession. Moi souris ! Des méchants vous ont dit ces nouvelles. Grâce à l'auteur de l'univers, Je suis oiseau :
voyez mes ailes. Vive la gent qui fend les airs ! » Sa raison plut, et sembla bonne. Elle fait si bien qu'on lui
donne Liberté de se retirer. Deux jours après, notre étourdie Aveuglément se va fourrer Chez une autre belette,
aux oiseaux ennemie. La voilà derechef en danger de sa vie. La dame du logis, avec son long museau S'en allait
la croquer en qualité d'oiseau, Quand elle protesta qu'on lui faisait outrage : « Moi, pour telle passer ! Vous n'y
regardez pas. Qui fait l'oiseau? C'est le plumage. Je suis souris : vivent les rats! Jupiter confonde les chats ! » Par
cette adroite repartie Elle sauva deux fois sa vie.»
1569
Q. EPRON, «Le statut des autorités de régulation et la séparation des pouvoirs», Revue Française de Droit
Administratif, novembre 2011, n° 5, p. 1007. «Les compétences accordées aux autorités de régulation impliquent
une certaine confusion des pouvoirs».
1570
H. GLENN, «À propos de la maxime nul ne plaide par procureur», Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1988,
p. 59. Cf. p. 67.
1571
R. SAINT-ESTEBEN, «Pour ou contre les dommages-intérêts punitifs», Les Petites Affiches, n°14 20 janvier
2005, p. 53. Cf. p. 60: «à trop privilégier l'action privée en transférant sur celle-ci une mission qui, normalement,
relève et doit relever de l'autorité publique, on risquerait d'affadir et, finalement, d'affaiblir celle-ci, ce qui est
contraire au but recherché. Les actions en dommages-intérêts ne pourraient ni ne devraient se substituer à l'action
des autorités publiques»
449
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1572
Conseil de la Concurrence. Avis du 21 septembre 2006 relatif à l’introduction de l’action de groupe en
matière de pratiques anticoncurrentielles. «Le système doit reposer sur une mise en oeuvre du droit de la
concurrence dans un cadre public fort, même si son efficacité peut être améliorée ou renforcée par une action
privée maîtrisée».
1573
M.-A. FRISON-ROCHE, «Comment mieux répondre aux attentes des consommateurs et/ou des
actionnaires?», in Faut-il ou non une class action à la française ?, Colloque MEDEF - CCIP du 13 avril 2005,
Les Petites Affiches, 13 septembre 2005, n° 182, p. 3.
1574
A. TERCINET, «Royaume-Uni: le refus du gouvernement d'introduire un droit à l'action collective
généralisé», Revue de Droit des Affaires Internationales, janvier 2010, n° 1, p. 76. «Le gouvernement encourage
l'innovation afin de répondre aux spécificités de chaque secteur, par exemple en autorisant le régulateur à
ordonner le versement d'une indemnité compensatrice […] la class action menée aux Etats-Unis à l'encontre de
British Airways et de Virgin Atlantic, par plus de 211.000 passagers du transport aérien dont 170.000
ressortissants britanniques qui se considèrent victimes du cartel, laisse à penser qu'il y aurait matière à réformer
le droit indemnitaire au Royaume-Uni».
1575
Ministry of Justice, Government's Response to the Civil Justice Council's Report: Improving Access to
Justice through Collective Actions, Ministry of Justice, United Kingdom Government, July 2009, en ligne :
<http://www.judiciary.gov.uk>. §17 à §19. p. 7. «In principle, regulatory solutions would appear to have a
number of advantages over private civil litigation as a route to compensation in cases of widespread abuse. They
may have the capacity to deal with matters in a holistic and relatively inexpensive and timely way. […] Where
regulatory bodies exist and are in a position to act on behalf of consumers or other groups they could for
example be given power to order compensation to be paid to consumers in addition to or instead of a financial
penalty. The decision on whether to adopt what might be termed a 'regulation plus' model would be for the
Government Department responsible for the relevant sector, but it might be a more cost-effective way of dealing
with cases involving a large number of small claims. […] That would be far less expensive and risky than a
collective action, especially where the individual amounts at stake are very small. This approach could be
achieved in some cases without further legislation».
450
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
451
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
L'action en écrémage n'existe pas toutefois, dans le domaine voisin du droit de la concurrence.
En vertu du §34 de la Loi relative aux restrictions de concurrence (GWB) 1578 réserve à
l'autorité de concurrence la faculté d'ordonner l'écrémage du profit illicite (Vorteilsabschöpfung),
seulement dans la mesure où l'auteur de l'infraction n'a pas déjà versé une somme équivalente
à titre d'amende ou de dommages et intérêts. On retrouve ici la notion d'écrémage
(Abschöpfung) du profit (Vorteil synonyme de Gewinn) mais sans ouverture de l'action aux
associations de consommateurs. Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire reconnu à l'autorité de
concurrence. Hans MICKLITZ – directeur du laboratoire de Droit de l'European University
Institute – estime que si l'action en écrémage n'est pour le moment rien d'autre qu'un « tigre de
papier », elle pourrait théoriquement être élargie pour résoudre des litiges collectifs 1579.
1578
Gesetz gegen Wettbewerbsbeschranküngen (GWB 7ème amendement : envigueur 1 er juillet 2005). § 34
Skimming off of Benefits by the Cartel Authority : « (1) If an undertaking has intentionally or negligently
violated a provision of this Act, Article 81 or 82 of the EC Treaty or a decision of the cartel authority and
thereby gained an economic benefit, the cartel authority may order the skimming off of the economic benefit and
require the undertaking to pay a corresponding amount of money. (2) Paragraph 1 shall not apply if the economic
benefit has been skimmed off by the payment of damages, or the imposition of a fine, or an order of forfeiture.
To the extent payments pursuant to sentence 1 are made by the undertaking only after the skimming off of
benefits, the undertaking shall be reimbursed its funds in the amount of the proven payments ». Version anglaise
officielle: www.bundeskartellamt.de.
1579
H.-W. MICKLITZ, «Collective Private Enforcement of Consumer Law: the key questions», in Collective
Enforcement of Consumer Law: Securing compliance in Europe through Private Group Actions and Public
Authority Intervention, Collective Consumer Interests and How they are best served in Europe, Amsterdam, 15
sept. 2006, édité par W. VAN BOOM et M. LOOS, Europa Law Publishing, 2007. p. 11. Cf. p. 18. «In theory, it
is possible to expand skimming off proceedings in such ways as to be also suited for collective mass events.
However […] the law as it stands in its present form is nothing more than a nice colourful paper tiger […] only
suited for minor and scattered damages».
1580
R. SAINT-ESTEBEN, «Pour ou contre les dommages-intérêts punitifs», Les Petites Affiches, n°14 20 janvier
2005, p. 53.
1581
P. COLLINS, «Public and private enforcement challenges and opportunities», in Speech to the Law
Society's European Group, 2006, Office of Fair Trading, London. «It has also been suggested that the OFT
could assist potential claimants by seeking to quantify the loss caused by infringements of competition law and
to set out its conclusions in its published decisions. However, although this may at first sight appear attractive, I
have some reservations. In particular, quantifying the loss or damage caused is not an assessment which the OFT
452
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
Le constat est peut-être encore plus dramatique en France. Les moyens de l'Autorité de la
concurrence restent « ridiculement bas »1582. En 2005, le Conseil de la concurrence disposait de
8,5 millions d'euros et employait 110 personnes. L'Autorité de la concurrence a certes connu
une augmentation sensible de ses effectifs et de son budget 1583 depuis 2008, grâce à la loi de
modernisation de l'économie (LME)1584. La transformation institutionnelle visant à accroître
les capacités d'enquête de l'autorité s'est concrétisée par un accroissement significatif de son
personnel. Le nombre d'équivalent temps plein a atteint 175 personnes en 2009 1585, avec un
objectif de 190 en fin de période de transition 1586 en 2010. Le budget de fonctionnement a
connu une progression similaire, avec un doublement entre 2005 et 2009, pour passer de 2.7
millions d'euros en 2005, à 5,5 millions d'euros en 2009 1587. Mais le renforcement des moyens
matériels et humains étant effectué par transferts de postes budgétaires en provenance
d’autres administrations, notamment la DGCCRF, il « n’implique donc aucune charge budgétaire
nouvelle […] compte tenu du contexte budgétaire extrêmement serré »1588. Et en tout état de cause, ces
moyens restent dérisoires par comparaison à ceux dont disposent ses homologues
britanniques ou allemands. L'OFT emploie ainsi plus de 600 personnes, pour un budget
annuel oscillant entre 83 millions d'euros pour l'année 2006, et 68 millions d'euros pour
l'exercice 20091589.
is required to carry out in order to establish an infringement. To do so would be a complex and resource
intensive exercise that would ultimately reduce the number of public cases that we can pursue».
1582
N. BRAFMAN, «Le Conseil de la Concurrence voudrait voir ses pouvoirs accrus», Le Monde, 20 septembre
2005, p. 18.
1583
Avis n° 08-A-05 du 18 avril 2008 relatif au projet de réforme du système français de régulation de la
concurrence.
1584
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. JORF 5 août 2008 p. 12471
1585
Autorité de la concurrence. Rapport Annuel 2009. p.38.
1586
Conseil de la Concurrence. Rapport Annuel 2008. p.61.
1587
Autorité de la Concurrence. Rapport Annuel 2009, p.38; Conseil de la Concurrence. Rapport Annuel 2008,
p.62; Conseil de la Concurrence. Rapport Annuel 2007, p.29; Conseil de la Concurrence. Rapport Annuel 2006,
p.28; Conseil de la Concurrence. Rapport Annuel 2005, p.31.
1588
Consel de la Concurrence. Rapport Annuel 2008. p.13.
1589
Office of Faire Trading. Annual Report 2008-09. Resource Accounts. p.68; Office of Faire Trading. Annual
Report 2009-10. Resource Accounts. p.60. S'agissant des effectifs: Office of Faire Trading. Annual Report 2005-
06. p.79; Office of Faire Trading. Annual Report 2006-07. p.68; Office of Faire Trading. Annual Report 2007-
08. P.64; Office of Faire Trading. Annual Report 2008-09. P.49; Office of Faire Trading. Annual Report 2009-
10. P.4. En ligne: www.oft.gov.uk
453
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
à l'encouragement des actions privées1590. En 1984, le futur avocat général Francis JACOBS
mettait déjà en garde contre la justification budgétaire du développement du private enforcement :
1590
M. HAZELHORST, «Private enforcement of EU competition law: why punitive damages are a step too far»,
European Review of Private Law, n°4 2010, p. 757 (voir p. 769). ["in the EU there is no such deterrence or
enforcement gap. […] if some infringements are not prosecuted, this is not the result of a policy decision, but a
lack of resources, which is not something that cannot be fixed by other means than increased private
enforcement […] The reasons that made the introduction of treble damages in the United States necessary do
therefore not exist in the EU"].
1591
F. G. JACOBS, «Civil enforcement of EEC antitrust law», Michigan Law Review, vol. 82 avril-mai 1984,
p. 1364 (voir p. 1376). ["The principal argument in favor of private damages claims is that they will lead to more
effective enforcement of the antitrust provisions. While a powerful deterrent already exists in the heavy fines
currently imposed by the Commission, that deterrent is lessened by the selective nature of enforcement by the
Commission, whose resources are notriously overstretched […] One of the considerations, explicit or implicit,
underlying [the Commission's support for private enforcement] is that private actions in national courts could
ensure the effective enforcement of the antitrust provisions in the same way that private actions in national courts
against national authorities have served to secure the respect of the member States for their Community
obligations […] it seems doubtful that the lack of resources at Community level is itself a sufficient, or even a
relevant, reason for settling a major issue of principle […] it will rarely be appropriate, however, for national
courts to take final decision leading to an award of damages. It cannot be suggested that such a course is never
appropriate […] one example might be a case where the commission has already found the existence of a breach.
However, national courts should proceed with caution. Serious anomalies will otherwise arise in the enforcement
of Community law, and it is idle to pretend that such anomalies can be ironed out by measures of harmonization.
A preferable solution may be to increase the resources of the Commission"]
1592
N. MONNET et I. SIMIC, «The indemnification of the victims of anti-competitive practices: time will sort
things out!», International Business Law Journal, 2006, p. 386. Cf. p. 402. «In this matter, one has to be patient!
One has to refrain from turning everything upside down only because judges still hesitate to award damages or
because victims do not dare to chance such claims».
454
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
455
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Mais que reste-t-il de privé dans l'action collective en dommages et intérêts contemplée par la
Commission, hormis la compétence des juridictions civiles? Il a été montré que le
développement du contentieux de la réparation des infractions au droit de la concurrence ne
pouvait se faire qu'au prix d'une transformation radicale des principes fondamentaux du droit
de la responsabilité et de la procédure civile. La lutte contre les infractions lucratives aboutit à
imprimer au procès civil des caractéristiques nettement répressives, à l'image des dispositifs
existants en matière de contrefaçon 1595. Il ne s'agit pas de remettre en question la dichotomie
de la réparation et de la répression, mais de montrer que l'action tendant à récupérer
collectivement le surcoût est en réalité une peine privée parce qu'elle poursuit la récupération
du gain illicite et non la compensation du préjudice individuel. La responsabilité civile est
ontologiquement incapable d'offrir une solution satisfaisante au problème de l'infraction
lucrative, parce qu'elle considère le seul préjudice subi par la victime et non le gain illicite
réalisé par le délinquant. L'indemnisation collective du surcoût est fondamentalement
répressive et non compensatoire et entre donc par nature, dans la mission des autorités de
concurrence.
1593
L. IDOT, Droit communautaire de la concurrence: le nouveau système communautaire de mise en oeuvre
des articles 81 et 82, Bruylant, 2004. p. 19. «hors dérogation prévue par les textes, les ANC n'ont pas le pouvoir
d'attribuer des dommages-intérêts aux victimes de pratiques anticoncurrentielles. Le droit britannique issu du
competition act de 2002 fait exception à la règle, puisque dans certaines circonstances, le nouveau Competition
Appeal Tribunal peut accorder des dommages-intérêts».
1594
Autorité de la concurrence, Communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions
pécuniaires. §27 et §30 p. 7.
1595
Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. Code de la Propriété intellectuelle.
Article L521-7: «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences
économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le
contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte. Toutefois, la juridiction peut,
à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme
forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur
avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte».
456
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
1596
G. CANIVET, «Introduire l'action collective est une évolution inéluctable», La Tribune, 16 mai 2006.
1597
Commission Européenne, Livre Vert sur les recours collectifs pour les consommateurs, DG SANCO, 27
novembre 2008, COM(2008)794. §44 p. 13. « La Commission a consulté le réseau de coopération en matière de
protection des consommateurs (CPC) de manière informelle; il en ressort que dans une grande majorité des États
membres, les autorités publiques chargées de veiller à l’application de la législation n’ont pas le pouvoir
d’enjoindre les professionnels ayant commis une infraction communautaire de dédommager les consommateurs.
Dans un petit nombre de pays seulement, ces autorités ont le droit d’attaquer les contrevenants en justice au
nom des consommateurs afin d’obtenir réparation ».
1598
R. DEMOGUE, De la réparation civile des délits, [Doctorat : Droit : Paris : 1897]. Cf. p. 162-167. «Nous
avons constaté le mal: l'insuffisance de notre législation en matière de réparation civile des délits, il faut
maintenant rechercher les remèdes appropriés […] Cette idée nouvelle de l'amende au profit de la partie lésée
jouit, à l'heure actuelle, d'une certaine faveur […] Nous sommes ici en présence d'une notion nouvelle et
complètement dégagée, ce n'est plus ici une simple action en indemnité, mais une institution ayant un effet
séparé, distinct et indépendant, une véritable peine privée […] Dans tous ces cas, la personne qui a été lésée jouit
d'un avantage qui sera souvent hors de proportion avec le dommage subi. Mais la peine privée apparaît encore
beaucoup mieux en droit français dans les cas où la confiscation joue le rôle d'une réparation civile. Les produits
contrefaits qui sont remis à la victime de la contrefaçon, peuvent constituer pour elle un véritable bénéfice».
457
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1599
A. SANCHEZ PRESEDO, Rapport 2006/2207(INI) en réponse au Livre Vert intitulé « Actions en
dommages et intérêts pour infractions aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position
dominante », Commission des Affaires Economiques et Monétaires, Parlement Européen, 10 avril 2007. Exposé
des motifs pt.5: Promotion de la concurrence et non pas de la judiciarisation.
1600
Résolution du Parlement européen du 25 avril 2007 sur le Livre vert intitulé "Actions en dommages et
intérêts pour infractions aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante"
(2006/2207(INI)). La version anglaise de la résolution contient la même confusion entre le vocabulaire dela
sanction et le vocabulaire de la réparation: "Calls, with a view to promoting competition rather than litigation,
for the promotion of swift and amicable out-of-court settlements and the facilitation of plea agreements in claims
for damages arising from anti-competitive behaviour and points out that in the event that the party that is alleged
to have infringed competition rules claims and proves that the damage has been compensated before the
conclusion of the proceedings, this could be regarded as mitigating factor in setting the amount of damages to be
awarded".
1601
Par ex. 87/406/CEE: Décision de la Commission du 10 juillet 1987 relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CEE (IV/31.192 - Tipp-Ex) §78.
1602
Par ex. 85/617/CEE: Décision de la Commission du 16 décembre 1985 relative à une procédure d'application
de l'article 85 du traité CEE (IV/30.839 - Sperry New Holland) §62.
458
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
atténuante tenant à la compensation volontaire des tiers ayant subi un préjudice dans les
affaires GENERAL MOTORS1603 et NINTENDO1604.
459
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Ces affaires montrent que le dédommagement volontaire des victimes directes d'une entente
sur le marché européen peut justifier une réduction de l'amende au titre des circonstances
atténuantes. Il serait aisé de formaliser la pratique décisionnelle de la Commission en la
matière, par une révision des lignes directrices pour le calcul des amendes 1610 intégrant la
dimension indemnitaire. Les lignes directrices révisées pourraient prévoir, par exemple, que la
Commission peut réduire le montant de l'amende lorsque l'auteur de l'infraction démontre
avoir effectivement réparé les conséquences du cartel par le versement volontaire d'une
somme d'argent proportionnée au profit illicite réalisé au profit des tiers lésés identifiés, ou
d'une classe de personnes identifiables potentiellement affectées par l'infraction.
1608
Tribunal UE (3ème ch.), 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland, aff. T-59/02. §353 à 355. «ADM
considère cependant que, en ne tenant pas compte des dommages et intérêts versés à des acheteurs d'acide
citrique établis dans l'EEE en tant que circonstance atténuante, la Commission enfreint le principe d'égalité de
traitement en ce qu'elle s'écarte de sa pratique suivie dans des affaires similaires. Le Tribunal observe, à cet
égard, qu'ADM fonde l'existence d'une telle pratique sur une seule affaire, à savoir l'affaire dite des «conduites
précalorifugées». Or, l'invocation d'une seule affaire ne permet pas de démontrer l'existence d'une pratique de la
Commission et ADM reste en défaut de démontrer le caractère comparable des deux affaires. En effet, ADM
n'indique nullement en quoi son dédommagement en l'espèce serait du même ordre que celui en cause dans
l'affaire précitée, à savoir important et limité à un des producteurs du secteur et à son propriétaire. En outre […]
le seul fait que la Commission ait apprécié, dans le cadre de sa pratique décisionnelle antérieure, un
comportement d'une certaine manière n'implique pas qu'elle soit obligée de porter la même appréciation à
l'occasion de l'adoption d'une décision ultérieure. Partant, le grief tiré de la violation du principe d'égalité de
traitement en ce que la Décision s'écarterait d'une pratique selon laquelle les dommages et intérêts versés à des
acheteurs du marché en cause constitueraient une circonstance atténuante doit être rejeté».
1609
TPICE (2ème ch.) 29 avr. 2004, [Électrodes de graphite]. aff. T-236/01. §348. «dans la mesure où UCAR se
prévaut des transactions de droit civil conclues aux Etats-Unis et au Canada, ces dernières ne changent rien à la
gravité de l'infraction commise et ne peuvent donc pas être prises en considération comme circonstances
atténuantes. Si la Commission a tenu compte, dans la décision Conduites Pré-calorifugées, du dédommagement
payé à un concurrent dont l'élimination du marché communautaire avait constitué un des principaux objectifs de
l'entente, ce concurrent était établi dans la Communauté et comptait donc parmi les opérateurs économiques
protégés par le droit communautaire de la concurrence. Cette circonstance n'oblige pas la Commission à tenir
compte, en faveur d'UCAR, du dédommagement de clients aux Etats-Unis et au Canada, en raison de pertes
subies sur ces marchés. Les transactions en cause sont sans influence sur l'infraction commise par UCAR dans
l'EEE».
1610
Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 23, paragraphe 2, sous a),
du règlement (CE) n° 1/2003: Journal officiel n° C 210 du 01/09/2006 p. 2.
460
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
l'indemnisation volontaire versée ne devrait jamais être inférieure au gain illicite multiplié par la
probabilité de détection. L'obstacle pratique consiste à déterminer avec une marge d'erreur
raisonnable la valeur du gain illicite et de la probabilité de détection. La question des méthodes
de calcul de la sanction pécuniaire est excessivement complexe, et incombe largement aux
économistes. Il suffit d'observer que la réduction de l'amende peut être purement nominale.
L'effet dissuasif est préservé si la Commission majore le montant des amendes prononcés du
fait de l'absence d'indemnisation volontaire, et octroie une réduction équivalente lorsque
l'entreprise démontre avoir versé un dédommagement. La distinction entre réduction et
majoration - Fine Plus et Fine Minus dans le vocabulaire de EZRACHI et IOANNIDOU – n'est pas
véritablement pertinente, parce que les circonstances atténuantes d'indemnisation volontaire et
les circonstances aggravantes d'absence d'indemnisation des victimes sont en réalité les deux
faces d'une même monnaie. La prévision d'une réduction d'amende du fait de l'indemnisation
volontaire doit être équilibrée par le principe symétrique d'une majoration de l'amende du fait
de la conservation du profit illicite.
B- Immunité d'amende
637. Une deuxième voie pour inciter les auteurs à l'indemnisation des personnes lésées par
l'infraction passe par la modification des programmes de clémence européens. À l'image du
programme de clémence américain, il est possible de subordonner l'immunité totale ou partielle
d'amende à l'indemnisation volontaire des victimes.
1611
United States. Department of Justice. Antitrust Division. Corporate Leniency Policy. 10 août 1993. ["
Leniency will be granted to a corporation reporting illegal activity before an investigation has begun, if the
following six conditions are met: 1. At the time the corporation comes forward to report the illegal activity, the
Division has not received information about the illegal activity being reported from any other source; 2. The
corporation, upon its discovery of the illegal activity being reported, took prompt and effective action to
terminate its part in the activity;3. The corporation reports the wrongdoing with candor and completeness and
provides full, continuing and complete cooperation to the Division throughout the investigation; 4. The
confession of wrongdoing is truly a corporate act, as opposed to isolated confessions of individual executives or
officials; 5. Where possible, the corporation makes restitution to injured parties; and 6. The corporation did
not coerce another party to participate in the illegal activity and clearly was not the leader in, or originator of, the
activity."] En ligne: www.justice.gov/atr/public/guidelines/0091.pdf
461
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
victime à laquelle l'infraction aurait causé un dommage »1612. L'indemnisation reste toutefois largement
théorique dans la mesure où le DoJ n'a appliqué cette condition que dans des cas exceptionnels.
639. Affaire des Bons Municipaux américains . Il n'existe qu'un seul cas recensé dans
lequel le DoJ a exigé l'indemnisation des victimes du candidat à la clémence. Les Municipal Bonds
(couramment appelés Muni Bonds ou Munis) désignent génériquement les emprunts réalisés par
les collectivités locales américaines sous forme d'obligations négociables. Les Muni Bonds sont
des obligations souveraines faisant partie de la dette publique. Les emprunts servent à financer
toutes sortes de projets publics, ou alimenter des besoins de trésorerie. En décembre 2011, la
Securities and Exchange Commission (SEC) évalue l'encours global des Muni Bonds à $3700
milliards [$3.7 trillion]1613. Dans le sillage de la crise des prêts hypothécaires (subprimes), les
défauts sur les Municipal Bonds ont considérablement augmenté en 2008 pour un montant total
de $8.2 milliards1614, faisant craindre l'implosion du marché.
C'est dans ce contexte dramatique que Bank of America a dénoncé au DoJ, le truquage des
appels d'offres pour le réinvestissement des Munis. En effet, la collectivité publique qui émet
l'obligation reçoit une somme d'argent en contrepartie du remboursement et du paiement d'un
taux d'intérêt déterminé. Afin de payer ce taux d'intérêt, dans l'attente de la dépense effective,
la législation américaine impose que les sommes levées soient placées « à la juste valeur du
marché ». La valeur du marché est déterminée par appel d'offres. Bank of America a révélé que
l'industrie financière s'était concertée sur les appels d'offres afin de répartir les parts de marché
et servir un taux d'intérêts artificiellement bas.
Bank of America a obtenu l'immunité mais sous la condition de restitution intégrale du profit
illicite réalisé au détriment des collectivités américaines 1615. Au total, Bank of America et ses
1612
United States. DoJ, Antitrust Division, Model Amnesty Letter, November 19, 2008. [" making all reasonable
efforts, to the satisfaction of the Antitrust Division,to pay restitution to any person or entity injured as a result of
theanticompetitive activity being reported, in which Applicant was aparticipant. However, Applicant is not
required to pay restitution to victimswhose antitrust injuries are independent of any effects on United
Statesdomestic commerce proximately caused by the anticompetitive activitybeing reported."] En ligne:
www.justice.gov/atr/public/criminal/239524.pdf
1613
Securities and Exchange Commission, Report on the Municipal Securities Market, Elisse B. Walter (dir.), 31
juillet 2012, en ligne : <www.sec.gov>. Par comparaison, fin 2011, la dette publique française - c'est-à-dire
l'ensemble des emprunts contractés par l'Etat, les collectivités territoriales et organismes publics - s'élevait à
€1688 milliards, soit $2120 milliards.
1614
Ibid. p. 23.
1615
Department of Justice, Bank of America Agrees to Pay $137.3 Million in Restitution to Federal and State
Agencies as a Condition of the Justice Department’s Antitrust Corporate Leniency Program, Communiqué de
presse, Office of Public Affair, Antitrust Division, 7 décembre 2010, en ligne : <www.justice.gov>. «As a
condition of its admission into the Department of Justice’s Antitrust Corporate Leniency Program, Bank of
America was required to be the first entity to self report the anticompetitive conduct, acknowledge its
462
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
co-conspirateurs, UBS1616, Wachovia1617, JP Morgan & Chase1618 et General Electric 1619 ont
versé $743 millions à titre de restitutions aux collectivités locales américaines.
640. Un tournant historique . C'est la première fois que le DoJ subordonne le bénéfice de
l'immunité à l'indemnisation des victimes 1620. Cette affaire est tout à fait exceptionnelle, et
marque un tournant dans l'affirmation de la dimension indemnitaire du DoJ. Le montant des
restitutions obtenues dans l'affaire des obligations municipales est à lui seul supérieur au total
des montants collectés pendant toute la période antérieure 1621. À la différence de la SEC ou
d'autres agences américaines - le DoJ a rarement demandé la restitution au profit des victimes
d'infractions de concurrence. De 1990 à 2007, le montant cumulé des amendes criminelles
obtenues par le DoJ s'est élevé à $4.1 milliards. Sur la même période, les restitutions au profit
des victimes se sont limitées à la somme de $118 millions - exclusivement dans des cas de
surcoût subi par des entités gouvernementales 1622. La volonté politique de l'administration
OBAMA a changé ce « modèle historique » 1623. En 2011, les amendes criminelles ne représentent
wrongdoing, provide ongoing cooperation in the investigation and make full restitution to the victims of the
conspiracy».
1616
Department of Justice, UBS AG admits to anticompetitive conduct by former employees in the municipal
bond investments market and agrees to pay $160 million to federal and state agencies, Communiqué de presse,
Financial Fraud Enforcement Task Force, Antitrust Division, 4 mai 2011.
1617
Department of Justice, Wachovia Bank n.a. admits to anticompetitive conduct by former employees in the
municipal bond investments market and agrees to pay $148 million to federal and state agencies, Communiqué
de presse, Financial Fraud Enforcement Task Force, Antitrust Division, 8 déc. 2011.
1618
Department of Justice, JPMorgan & chase admits to anticompetitive conduct by former employees in the
municipal bond investments market and agrees to pay $228 million to federal and state agencies, Communiqué
de presse, Financial Fraud Enforcement Task Force, Antitrust Division, 7 juillet 2011.
1619
Department of Justice, GE Funding Capital Market Services inc. admits to anticompetitive conduct by
former traders in the municipal bond investments market and agrees to pay $70 million to federal and state
agencies, Communiqué de presse, Financial Fraud Enforcement Task Force, Antitrust Division, 23 déc. 2011.
1620
S. P. MURPHY, «Restitution and the Antitrust Division's Corporate Leniency Program», Global Regulatory
Enforcement Law Blog, Reed Smith, en ligne : <www.globalregulatoryenforcementlawblog.com>. «The
Antitrust Division of the Department of Justice announced that for the first time it was requiring actual
restitution by a company as a condition of the company's participation in the Division's Corporate Leniency
Program».
1621
D. BALTO, Reinvigorating Antitrust Enforcement: The Obama Administration’s Progressive Direction on
Competition Law and Policy in Challenging Economic Times, Center for American Progress, juillet 2011,
en ligne : <www.americanprogress.org>. «the three restitution payments collected so far as part of the municipal
bond market investigation under the Obama administration significantly exceed the total of all restitution
received during the entire Bush administration in antitrust cases».
1622
R. H. LANDE et J. P. DAVIS, «Comparative Deterrence from Private Enforcement and Criminal
Enforcement of the US Antitrust Laws», Brigham Young Law Review, 2011-5, p. 315.
1623
P. ALEXIADIS, et al., «2011 year-end Criminal Antitrust Update», Publications, Gibson Dunn, en ligne :
<www.gibsondunn.com>. «In past years, the vast majority of payments secured by the Antitrust Division came
in the form of criminal fines. For the first time this past year, this historic pattern has changed due to the number
of recent non-prosecution agreements and the growing trend toward multi-agency investigations. […] The total
criminal fines obtained or agreed upon by the Antitrust Division in FY 2011 decreased from the prior fiscal year
by slightly more than $30 million, to $523 million. However, the amount of monetary assessments secured from
offenders for restitution, disgorgement, and various penalties exploded in FY 2011 to more than $500 million--
driven by settlements in the municipal bond bid-rigging cartel cases».
463
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
plus que 52% du total des sanctions pécuniaires avec un montant de $523 millions, contre 48%
versés au titre de la restitution aux victimes pour un montant de $509 millions, dans la seule
affaire des Muni Bonds1624.
Figure 4: évolution de la part des amendes et des restitutions dans l'action du DoJ
Source: Gibson Dunn, « 2011 year-end Criminal Antitrust Update », Publications, en ligne :
<www.gibsondunn.com>.
1624
Le montant total de $743 millions comprend les diverses transactions conclues avec la SEC et les AGs, ce
qui explique que seul le montant de $509 millions soit pris en compte dans les résultats du DoJ.
464
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
642. L'approche européenne. Contrairement à ce qui est pratiqué aux Etats-Unis, les
programmes européens de clémence ne subordonnent pas le bénéfice de l'immunité à
l'indemnisation des personnes affectées par l'infraction. La communication de la Commission
1625
United States Department of Justice, «Vigorous Civil Enforcement Program», Division Update Spring 2011:
Civil Program, en ligne : <http://www.justice.gov/atr/public/division-update/2011/civil-program.html>.
1626
Voir en ce sens l'intervention de Sharis Pozen - Acting Assistant Attorney General, U.S. Department of
Justice, Antitrust Division – lors du colloque de l'ABA: S. POZEN, «Roundtable Conference with ENforcement
Officials», in American Bar Association Section of Antitrust Law Spring Meeting, Washington, 30 mars
2012, Antitrust Source, juin 2012. «I can tell you our priorities in the Antitrust Division were set four years ago
by the President of the United States. Barack Obama announced that if he was elected there was going to be a
reinvigoration of antitrust enforcement. That is the promise he made, and that's the promise that we believe we
have kept».
1627
United States, Annual Report on Competition Policy Developments in the United States, Competition
Committee, Organisation de Coopération et de Développement Economiques, 7 août 2012. §24: «In FY 2011,
the Division placed a strong emphasis on the pursuit and development of antitrust cases in markets critical to the
nation’s economic recovery, including the financial services and real estate markets. The Division will continue
to prioritize those efforts throughout FY 2012 in support of the Department’s comprehensive battle against
financial fraud».
1628
J. L. HIMES et S. R. GASSMAN, «No Rest(itution) for the weary: Crime victims and treble damages in
Antitrust cases», Antitrust & Trade Regulation Report, Bureau of National Affairs Bloomberg BNA, 18 nov.
2011, en ligne : <www.bna.com>. « From the perspective of civil plaintiffs who are actively litigating against
the settling banks and their many co-conspirators, these settlements are sweetheart deals, which allow the banks
to avoid treble-damage exposure for the injury that they have caused […] however well-intentioned the federal
restitution provisions may be, it is unrealistic to suggest that the Antitrust Division could replicate the private
bar’s ability to redress the economic injury to the victims of antitrust violations».
465
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de 2006 octroie l'immunité d'amende au seul fait qu'une entreprise est la première à fournir des
renseignements et des éléments de preuve permettant de constater une infraction 1629.
1629
Communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires
portant sur des ententes. Journal officiel n° C 298 du 08/12/2006 p. 17.
1630
Nederlandse Mededingingsautoriteit. http://www.nma.nl
1631
Nederlands. Beleidsregels van de Minister van Economische Zaken voor het opleggen van bestuurlijke
boetes door de NMa. [Politique du ministère des Affaires économiques pour l'imposition d'amendes
administratives de la NMa]. 11 september 2009. WJZ/9150320. Staatscourant [Gazette officielle] 22 septembre
2009. N°14079. https://www.officielebekendmakingen.nl/staatscourant
1632
"Artikel 14. Boeteverlagende omstandigheden zijn in ieder geval: a. de omstandigheid dat de overtreder
anders dan in het kader van de Richtsnoeren Clementie verdergaande medewerking aan de NMa heeft verleend
dan waartoe hij wettelijk gehouden was; b. de omstandigheid dat de overtreder de overtreding uit eigen
beweging heeft beëindigd, waarbij meer gewicht toekomt aan het uit eigen beweging beëindigen van de
overtreding voordat de NMa een onderzoek is begonnen dan nadat het onderzoek is gestart; c. de omstandigheid
dat de overtreder uit eigen beweging degenen aan wie door de overtreding schade is berokkend, schadeloos heeft
gesteld".
1633
G. CUMMING et M. FREUDENTHAL, Civil procedure in EU competition cases before the English and
Dutch courts, Kluwer Law, 2010, p. 176. "There might be possible implications of using plea-bargaining and
private enforcement. To make it more attractive, the NMa decided to have the infringing companies voluntarily
pay compensation to the victims of infringements". [Il pourrait être envisagé une interaction entre procédure
négociée et compensation des victimes. Afin de la rendre plus attractive, la NMa a décidé d'encourager les
auteurs d'infractions à payer volontairement une compensation aux victimes].
466
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
commerce dispose que l'avis de clémence « précise les conditions auxquelles est subordonnée
l'exonération envisagée ». À l'instar de ce qui est pratiqué aux Etats-Unis, l'Autorité de la
concurrence pourrait annoncer qu'elle entend désormais subordonner l'immunité d'amende à
l'indemnisation volontaire des victimes de l'infraction, lorsqu'une telle indemnisation est
possible en pratique.
645. Lorsque les conditions de l'immunité d'amende ne sont pas réunies, il est encore
possible d'envisager une réduction de la sanction pécuniaire selon la procédure de non-
contestation des griefs (NCG). L'article L.464-2 III du Code de commerce dispose que:
« Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui
sont notifiés, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence, qui
entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable
d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de
l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue
est réduit de moitié. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier
son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de
la concurrence d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la
sanction ».
646. Recours aux engagements . Le communiqué de procédure relatif à la non-
contestation des griefs du 10 février 2012 précise que la prise d'engagements revêt un aspect
« facultatif » au regard de la renonciation à contester la réalité et la qualification des pratiques en
cause1634. Les engagements justifient une réduction d'amende supplémentaire allant au-delà de la
réduction obtenue du fait de l'absence de contestation des griefs. Les engagements doivent être
substantiels, crédibles et vérifiables1635. L'indemnisation volontaire des victimes peut être
intégrée à la procédure de non-contestation des griefs par l'adoption d'engagements
comportementaux tendant à la mise en place d'un plan de remboursement des clients victimes
1634
Autorité de la concurrence. Communiqué de procédure du 10 février 2012 relatif à la non contestation des
griefs. §18 et s.
1635
M. KOEHLER DE MONTBLANC et K. BIANCONE, «La procédure de transaction devant le Conseil de la
concurrence», La Semaine Juridique Entreprise et Affaires , 1 septembre 2005, n° 35, JCP (E) I, 1222. §13: Les
engagements «devront impérativement être substantiels, réels, sincères, crédibles, et vérifiables. […] On observe
à cet égard, un certain parallèle entre les critères exigés dans le cadre d'une procédure de transaction et ceux
relatifs aux engagements souscrits lors d'une procédure de concentration économique, pour lesquels ces
caractères de crédibilité et de vérifiabilité sont indispensables pour évaluer la qualité des engagements
proposés».
467
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de l'infraction, soit par le versement de sommes d'argent, soit par l'émission d'un avoir à valoir
sur des achats futurs, soit par une baisse tarifaire équivalente au surcoût subi.
Dans une lettre ouverte adressée à l'OFT, le secrétaire général de l'Independent Schools
Council (ISC) avait dénoncé une situation « kafkaïenne » et un « scandaleux gaspillage d'argent
public »1639. Il mettait en avant le statut caritatif des écoles qui n'étaient pas soumises au droit de
la concurrence avant la levée de l'exemption par le Competition Act de 1998 sans qu'elles
1636
Règlement (CE) n° 622/2008 de la Commission du 30 juin 2008 modifiant le règlement (CE) n° 773/2004 en
ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente.
1637
Communication C-167/01 de la Commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de
l'adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil dans les affaires
d'entente: JO 2 juillet 2008. §33. «Lorsque des entreprises ayant demandé à bénéficier de mesures de clémence
sont parties prenantes à une affaire ayant abouti à une transaction, la réduction de l'amende qui leur est accordée
au titre de la transaction s'ajoutera au montant de la récompense accordée au titre de la clémence».
1638
M. TAYLOR, R. EVANS et R. SMITHERS, «Top 50 independent schools found guilty of price-fixing to
push up fees», The Guardian, 10 novembre 2005.
1639
J. SHEPHARD, «letter sent on 23rd September 2005 to Vincent Smith, Director of Competition
Enforcement at the OFT», Press Release 9 november 2005: OFT investigation a 'scandalous waste of public
money', Independent Schools Council, en ligne : <www.isc.co.uk>.
468
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
soient consultées ou informées. Le statut caritatif implique que tous les bénéfices réalisés par
les écoles doivent être utilisés dans un but respectant l'objet social non-lucratif. En outre, le
directeur de l'ISC soulignait qu'il avait été mis fin aux échanges d'information avant
l'ouverture de la procédure, dès que l'ISC avait eu conscience de l'applicabilité des règles de
concurrence. Selon lui, l'OFT se trouvait contrainte d'obtenir un résultat pour préserver sa
crédibilité, alors que les sanctions pécuniaires éventuelles seraient immanquablement
répercutées sur les frais de scolarité acquittés par les parents d'élèves. Pour sortir de l'impasse,
le représentant de l'ISC invitait l'OFT à « envisager activement l'acceptation d'engagements »1640.
649. Cette argumentation a visiblement porté ses fruits. L'OFT a rendu une décision
d'infraction en novembre 2006, sur la base d'une transaction [agreed resolution] avec l'ISC. Les
écoles ont obtenu une importante réduction des amendes infligées en contrepartie de la
reconnaissance de la participation à une infraction et du versement d'une somme de £3 millions
à un trust établi au profit des élèves ayant fréquenté les écoles durant la période de
l'infraction1641. Les amendes infligées sont quasiment symboliques. Les cinquante écoles ont été
condamnées chacune à une amende de £10,000 à l'exception de six d'entre elles qui ont obtenu
une réduction variant entre 20 et 50% au titre de la clémence, pour un montant total de la
condamnation s'élevant à £467,500. L'OFT a souligné le caractère « inhabituel » de la
compensation volontaire versée par les écoles. La décision de novembre 2006 prend soin de
protéger les écoles contre d'éventuelles actions de suivi, puisque la transaction stipule
1640
Ibid. «Following an article in The Sunday Times on 27 April 2003, the Independent Schools' Bursars
Association (ISBA) was alerted by its solicitors on the following day that the Competition Act 1998 could apply
to independent schools. Immediate action was taken […] All of the schools being investigated are charities.
There is no possibility of personal gain or profiteering even if there has been a breach of competition law,
because all surpluses remain within the charity and must be used in pursuance of the charity's objects […] Given
all of this, and given what can justifiably be called a monumental failure to consult, and given also that any
penalty imposed on the charities can only damage the charities themselves or the fee-paying parents in whose
interests OFT is acting, it does seem a case where OFT might actively consider accepting binding
commitments».
1641
Office of Fair Trading, 20 novembre 2006, Exchange of information on future fees by certain independent
fee–paying schools, Case CE/2890-03. Cf. §1427 p. 444: «Relevant features of the present case that the OFT
considers justify departure from the penalties guidance: 1427. Firstly, the OFT notes the voluntary admission on
behalf of the Participant schools in the terms set out in paragraph 1402 above. Secondly, and unusually, the OFT
notes that the Participant schools agreed to make an ex gratia payment to fund a £3 million educational trust fund
for the benefit of pupils who attended the Participant schools during the academic years in respect of which fee
information was exchanged, thus indirectly benefiting those whose interests the Act is designed to protect.
Thirdly, the OFT also notes that the Participant schools are all non–profit making charitable bodies. The OFT
also notes that the Participant schools ceased the infringement immediately on becoming aware that participation
in the Sevenoaks Survey was unlawful […] The OFT considers that the agreement by the Participant schools to
fund the educational trust referred to above also underlines the schools’ acceptance of responsibility for the
infringement […] Having regard to all of the above factors, the OFT considered that it would be appropriate, as
part of the agreed resolution, to depart from the penalties guidance and limit the financial penalty it imposed to a
nominal amount of £10,000 per Participant school».
469
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
651. Pour les infractions les moins graves, l'indemnisation volontaire peut encore être
obtenue en dehors d'une transaction sur la réduction de l'amende, par acceptation
d'engagements mettant fin aux poursuites. La procédure d'engagements devant la Commission
est prévue par l'article 9 du règlement 1/2003 1646. Sous les mêmes conditions, l'Autorité de la
concurrence « peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à
mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées »1647. Les
dispositions existantes sont suffisamment souples pour fournir une base juridique à
l'indemnisation volontaire.
652. Il existe une pratique décisionnelle substantielle de clôture des poursuites par
acceptation d'engagements tendant à l'indemnisation volontaire des victimes de la pratique
1642
Ibid. §36 p. 33: « each school would admit that it had committed an infringement […]no admission would be
made by any of the Participant schools as to whether the exchange of information had had any effect on fee
Levels».
1643
Netherlands Competition Authority, «NMa herziet boetes banken en Interpay», Press Release 22 December
2005). En ligne: www.nma.nl.
1644
M. SPOEK, «The Dutch Competition Authority considers cooperation and joint selling of network services
for PIN-transactions to be an infringement of the cartel prohibition (Interpay)», Antitrust Case Law e-Bulletin,
Revue Concurrences, 21 décembre 2005, en ligne : <www.concurrences.com>.
1645
Cité in: A. EZRACHI et M. IOANNIDOU, «Public Compensation as a Complementary Mechanism to
Damages Actions: From Policy Justifications to Formal Implementation», Journal of European Competition Law
& Practice, 21 juin 2012. Note de bas de page n° 42 p. 5.
1646
Règlement n° 1/2003 CE. Art. 9: «Lorsque la Commission envisage d'adopter une décision exigeant la
cessation d'une infraction et que les entreprises concernées offrent des engagements de nature à répondre aux
préoccupations dont la Commission les a informées dans son évaluation préliminaire, la Commission peut, par
voie de décision, rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises».
1647
Code de Commerce. Art. L464-2.
470
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
653. Affaire MACRON. La Commission avait ouvert une procédure contre Angus Fire
Armons - en position dominante sur le marché britannique des tuyaux d'incendie avec 70% des
parts - sur plainte de son concurrent Macron qui alléguait une pratique abusive de prix
prédateurs destinés à l'évincer du marché. La Commission a fait savoir qu'elle envisageait de
constater un abus de position dominante. Face à une condamnation inéluctable, Angus Fire
s'est engagé à cesser de pratiquer des prix inéquitables, et à compenser financièrement Macron
qui a retiré sa plainte. La Commission a clos l'instruction sans adopter de décision
d'infraction1648. Cette affaire montre que la menace d'une procédure d'infraction est
virtuellement substituable à une action individuelle en dommages et intérêts.
654. Affaire ROVER. Dans l'affaire Rover, il s'agissait d'un taux de remise imposé par le
fabricant à ses concessionnaires. Entre 1986 et 1990, Rover avait plafonné les remises pouvant
être offertes à l'acheteur de certains modèles de véhicules. La rémunération des distributeurs
agréés comportait une marge fixe de 15% et une marge variable de 2%, sous condition de ne
pas excéder le plafond de remise. En cas de manquement, la marge du distributeur était donc
amputée de 2%.
1648
Commission Européenne, XVIIème rapport sur la politique de concurrence 1987. §81 p. 79: «La
Commission ayant estimé que le comportement d'Angus pouvait conduire à un abus, Angus s'est engagée à se
conformer désormais aux règles de concurrence du traité et, en particulier, à éviter des prix inéquitables. Après
qu'Angus lui a versé une compensation financière, Macron a retiré formellement sa plainte, de telle sorte que
l'instruction a pu être clôturée sans décision».
471
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
compte tenu des « circonstances », « après discussion » avec Rover, qui a accepté de verser £1
million pour le financement de projets bénéficiant aux acheteurs de véhicules britanniques.
656. France. Dans une des nombreuses procédures visant les NMPP, le Conseil a accepté
des engagements tendant à la revalorisation de la rémunération des diffuseurs de presse et la
mise en place d'un plan de rémunération complémentaire 1651. S'agissant des dépositaires de
presse, le Conseil a pris acte d’une charge d’accès facturable au système informatique de gestion
de la diffusion se situant dans une fourchette de 600 000 à 700 000 euros 1652. Similairement en
matière de distribution d'électricité 1653, le Conseil a validé des engagements fournis par EDF
afin de déterminer un tarif n'induisant pas d'effet de ciseau tarifaire et garantissant la
1649
Commission Européenne, XXIIIème Rapport sur la politique de concurrence 1993. §228 p. 147-148: «In
order to remedy the situation Rover informed its dealers that the discounting policy previously pursued had been
abandoned. Furthermore, the Rover Group undertook to reimburse dealers any margin which has been withheld
from them. Finally, after discussions with the Commission, Rover agreed to contribute the sum of UKL 1 million
to the funding of two projects designed to benefit consumers who pruchased vehicles in the United-Kingdom.
However, this does not affect the right of individual consumers to claim compensation against Rover or any
Rover dealer, or prevent the UK authorities from taking action under national law».
1650
Bundeskartellamt, Preismissbrauchsverfahren gegen Gasversorger weitgehend abgeschlossen (Press Release,
1.12.2008). www.bundeskartellamt.de: «In the 33 pending cases up to today 29 companies monetary
commitments totaling EUR 127 million have given the benefit of the customers.About half of which related to
bonus payments and credits in the next annual statement or final account of customers. The remaining amount
will be forwarded by shifting from price increases or price reductions to customers. The above amounts are net,
ie the customer is also correspondingly relieved of taxes and fees. Moreover, the relevant gas suppliers have
waived this year to pass on higher gas procurement costs to a considerable extent».
1651
Conseil de la Concurrence. 07-D-32. Décision du 9 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par
la société les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) et la société Auxiliaire pour l’Exploitation
des Messageries Transport Presse (SAEM-TP)
1652
Conseil de la Concurrence. 08-D-04. Décision du 25 février 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par
les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP)
1653
Conseil de la Concurrence. 07-D-43. Décision du 10 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre
par Electricité de France
472
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
658. Les moyens de contraintes dont disposent les autorités de concurrence en vertu de leurs
pouvoirs de sanction pécuniaire et d'injonction permettent de négocier l'indemnisation
volontaire des victimes d'une infraction, mais ils permettent également de forcer
l'indemnisation par restitution du gain illicite.
1654
Conseil de la Concurrence, Rapport Annuel - Pratique décisionnelle, 2007.
473
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
1655
A. EZRACHI et M. IOANNIDOU, «Public Compensation as a Complementary Mechanism to Damages
Actions: From Policy Justifications to Formal Implementation», Journal of European Competition Law &
Practice, 21 juin 2012. «The first option is the most appealing as the competition authority retains control over
the process and determines the compensation. Public Compensation could be incorporated in the Fine Guidelines
as a certain percentage of the fine imposed on the infringing undertaking. Since Public Compensation is to be
viewed as part of the fine, legislative amendment of Regulation 1/2003 may not be called for. While the ‘Fine
Plus’ approach views compensation as an addition to the fine, the competition authority may view voluntary
compensation as a mitigating circumstance, and adopt de facto a ‘Fine Minus’ approach.».
1656
K. BERNARD, «Making victims whole: A restitution approach to cartel damages», Revue Concurrences,
février 2012, n° 1.
1657
Le néologisme "restitutif" est également attesté chez E. DURKHEIM, De la division du travail social, Alcan,
1893, [Doctorat : Sociologie : Paris]. Cf. p. 78: «Tout droit écrit a un double objet : prescrire certaines
obligations, définir les sanctions qui y sont attachées. Dans le droit civil, et plus généralement dans toute espèce
de droit à sanctions restitutives, le législateur aborde et résout séparément ces deux problèmes. Il détermine
d'abord l'obligation avec toute la précision possible et c'est seulement ensuite qu'il dit la manière dont elle doit
être sanctionnée».
1658
Terme également attesté chez: E. JOLY-SIBUET, La restitution en droit pénal: de la dimension nouvelle
d'un concept classique, [Doctorat : Droit : Lyon-III : 1990]. «L'objet de cette thèse est de mettre en exergue la
dimension nouvelle que recouvre, en droit pénal, le concept de restitution. La restitution est en effet
classiquement considérée comme une notion civiliste, tout au moins une notion qui s'inscrit dans le cadre de
l'action civile. Mais cette notion doit être également envisagée aujourd'hui par rapport au trouble social résultant
de l'infraction. […] la nature juridique de la restitution permet l'évolution actuelle de la sanction vers une mesure
restitutive à la fois corrective et contraignante»
1659
Terme encore attesté chez: A. JAULT, La notion de peine privée, LGDJ, 2005, [Doctorat : Droit : Paris XII].
Par ex. §67 p. 40: «La consécration d'une peine privée de nature mixte ne permettrait pas de distinguer avec
clarté le volet répressif de l'aspect restitutif de la condamnation».
474
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
660. Dommage à l'économie . Juridiquement, le gain illicite ne fait pas partie en tant que
tel des critères législatifs de détermination de la sanction pécuniaire. Le gain illicite se rattache
au dommage causé à l'économie. Initialement, l'ordonnance du 1 er décembre 1986 ne fixait
qu'un plafond maximal de la sanction sans indiquer de critères permettant d'en déterminer le
montant. Sous la pression du Conseil Constitutionnel qui a imposé aux autorités
administratives indépendantes jouissant d'un pouvoir répressif de respecter la nécessité des
peines1660, la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris a dégagé la première le principe selon
lequel
« s'il existe une proportionnalité entre la peine prononcée et la gravité des faits
relevés et le dommage porté à l'économie du marché de référence »1662.
L'article L464-2 du Code de commerce pose que l'amende doit être établie en fonction de
quatre critères: la gravité des faits, l'importance du dommage causé à l'économie, la situation
de l'entreprise et l'éventuelle réitération des pratiques. Le critère du dommage à l'économie
poursuit un objectif de dissuasion et c'est en ce sens qu'il est intimement lié à l'évaluation du
profit illicite.
475
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
devrait représenter le double du gain illicite, lorsque l'auteur de l'infraction avait une chance sur
deux d'échapper à la sanction, le triple lorsque la probabilité était de une sur trois, etc. Si la
probabilité de sanction de l'infraction est de 1/n, alors l'amende devrait être supérieure à n fois
le gain illicite.
1665
G. CANIVET et L. VOGEL, «Le dommage à l'économie, critère d'évaluation de l'amende en droit français
de la concurrence », Revue de Jurisprudence de Droit des Affaires, août-septembre 1993, n° RJDA 8-9/1993,
p. 599. Cf. p. 602.
1666
Autorité de la concurrence, Communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions
pécuniaires. §23 p. 6.
1667
Ibid.
1668
Commission Européenne, Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article
23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003: Journal officiel n° C 210 du 1/09/2006 p. 2.
1669
The United States Sentencing Commission (USSC) est une autorité administrative indépendante
(Independent Agency) de la branche judiciaire du gouvernement, dont la fonction est de mettre en place des
lignes directrices pour la détermination des sanctions pour les délits fédéraux. En ligne: <www.ussc.gov>
476
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
montant de base de 20% du chiffre d'affaires du marché en cause parce qu'il plus difficile de
déterminer le profit illicite réalisé par l'entreprise1670.
663. Surcoût moyen d'un cartel. La proportion retenue s'appuie empiriquement sur les
estimations économétriques du surcoût moyen engendré par un cartel. Le rapport OXERA1671
sur la quantification des dommages et intérêts retient un surcoût médian de 18% et un surcoût
moyen de 20%. CONNOR et LANDE dans une étude récente1672 constatent un surcoût médian de
22 à 25% - variant de 19% pour les cartels nationaux à 33% pour les cartels internationaux - et
un surcoût moyen allant de 31 à 49%. Marcel BOYER et Rachid KOTCHONI trouvent un surcoût
médian de 14% et un surcoût moyen de 17.5% 1673. Malgré l'incertitude, on constate que
l'estimation du surprofit illicite est comprise entre 10% et 30%, ce qui correspond à la
fourchette retenue pour établir le montant de base de l'amende entre 15% et 30% du volume
des ventes affectées. La notion de gain illicite constitue le fondement théorique et pratique de la
dissuasion. L'amende vise en pratique à confisquer le gain illicite retiré de l'infraction.
1670
United States Sentencing Commission, Federal Sentencing Guidelines Manual 2011 p. 312-313: «It is
estimated that the average gain from price-fixing is 10 percent of the selling price. The loss from price-fixing
exceeds the gain because, among other things, injury is inflicted upon consumers who are unable or for other
reasons do not buy the product at the higher prices. Because the loss from price-fixing exceeds the gain,
subsection (d)(1) provides that 20 percent of the volume of affected commerce is to be used in lieu of the
pecuniary loss. The purpose for specifying a percent of the volume of commerce is to avoid the time and expense
that would be required for the court to determine the actual gain or loss. In cases in which the actual monopoly
overcharge appears to be either substantially more or substantially less than 10 percent, this factor should be
considered in setting the fine within the guideline fine range […] Tying the offense level to the scale or scope of
the offense is important in order to ensure that the sanction is in fact punitive and that there is an incentive to
desist from a violation once it has begun. The offense levels are not based directly on the damage caused or
profit made by the defendant because damages are difficult and time consuming to establish. The volume of
commerce is an acceptable and more readily measurable substitute».
1671
OXERA et A. KOMNINOS (DIR.), Quantifying antitrust damages: Towards non-binding guidance for
courts, Study prepared for the European Commission, December 2009, en ligne : <www.ec.europa.eu>.
1672
J. M. CONNOR et R. H. LANDE, «Cartel overcharges and optimal cartel fines», in Issues in competition
law and policy, sous la dir. de S. W. WALLER, ABA section of antitrust law, 2008, p. 2203.
1673
M. BOYER et R. KOTCHONI, «The Econometrics of Cartel Overcharges», CIRANO - Scientific
Publication N° 2011s-35, Social Science Research Network, mars 2011, en ligne : <papers.ssrn.com>.
477
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de sombres légendes »1674. L'observation pénétrante de HUGUENEY reste valable un siècle plus tard.
Les légendes qui obscurcissent la notion de peine privée sont le produit du désintérêt des
criminalistes et de l'intense activité doctrinale civiliste visant à « l'officialisation »1675 de la
« fonction »1676 punitive de la responsabilité civile.
665. Doctrine criminelle: disparition de la peine privée pénale. Pour les pénalistes, la
peine privée représente un état archaïque. Elle serait une trace fossile des origines vindicatives
de la répression pénale, définitivement dépassée après la séparation révolutionnaire de l'action
publique ayant pour objet de punir et de l'action civile ayant pour objet la réparation du
dommage1677. Malgré la « survivance exorbitante et dérogatoire »1678 du « double-visage »1679 de l'action
civile devant la juridiction répressive , la doctrine criminelle condamne la notion de peine
privée au nom de la dichotomie stricte de la réparation et de la punition.
La notion de peine privée est si effacée en droit pénal, que le mot lui-même vient à manquer.
Ainsi, Bertand PAILLARD qui consacre sa thèse à la réfutation de la « fonction réparatrice de la
répression pénale », se garde bien de tout « parallèle séduisant mais inexact avec la responsabilité civile
dans sa fonction de peine privée »1680. Pour cet auteur, la peine privée est nécessairement une
sanction civile, prononcée par le juge civil. Même cécité théorique chez Elisabeth JOLY-
SIBLUET qui explore la notion de « restitution en droit pénal », sans jamais caractériser les « mesures
restitutives » prononcées par le juge pénal au bénéfice de la victime comme une peine privée 1681.
Le législateur lui-même se trouve frappé d'une incapacité à nommer, lorsqu'il (ré)invente en
2007 la peine de « sanction-réparation » consistant dans l'indemnisation du préjudice de la
1674
L. HUGUENEY, L'idée de peine privée en droit contemporain, [Doctorat : Droit : Dijon : 1904]. p.1.
1675
S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, LGDJ, [Paris-I : 1995].
1676
B. STARCK, Essai d'une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de
garantie et de peine privée, [Doctorat : Droit : Paris : 1947].
1677
Code des Délits et des Peines du 3 Brumaire An IV (1795). Art. 5: «L'action publique a pour objet de punir
les atteintes portées à l'ordre social. Elle appartient essentiellement au peuple. Elle est exercée en son nom par
des fonctionnaires spécialement établis à cet effet». Et Art. 6: «L’action civile a pour objet la réparation du
dommage que le délit a causé. Elle appartient à ceux qui ont souffert ce dommage». Que se retrouvent dans les
dispositions en vigueur du Code de Procédure Pénale. Art. 1 er: «L'action publique pour l'application des peines
est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la
loi». Et Article 2: «L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention
appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction».
1678
F. HÉLIE, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du Code d'instruction criminelle, 2 éd., Hingray,
1866. Tome I, §423.
1679
A. D'HAUTEVILLE, «La problématique de la place de la victime dans le procès pénal», Archives de
politique criminelle, 2002/1, n° 24, p. 7. «La doctrine a souligné dans les années 70 le « double visage » d’une
action civile […] L’action civile en réparation peut être qualifiée aussi d’action « vindicative », à fin répressive».
1680
B. PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression pénale, LGDJ, 2007, [Doctorat : Droit : Paris-II].
§11 p. 5.
1681
E. JOLY-SIBUET, La restitution en droit pénal: de la dimension nouvelle d'un concept classique,
[Doctorat : Droit : Lyon-III : 1990].
478
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
1682
Code Pénal. Article 131-8-1 (issu de la Loi n°2007-297 du 5 mars 2007, art. 64): «Lorsqu'un délit est puni
d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place ou en même temps que la peine
d'emprisonnement, la peine de sanction-réparation. Il en est de même lorsqu'un délit est puni à titre de peine
principale d'une seule peine d'amende. La sanction-réparation consiste dans l'obligation pour le condamné de
procéder, dans le délai et selon les modalités fixés par la juridiction, à l'indemnisation du préjudice de la victime.
Avec l'accord de la victime et du prévenu, la réparation peut être exécutée en nature. Elle peut alors consister
dans la remise en état d'un bien endommagé à l'occasion de la commission de l'infraction ; cette remise en état
est réalisée par le condamné lui-même ou par un professionnel qu'il choisit et dont il rémunère l'intervention».
1683
Par ex.: M.-E. ROUJOU DE BOUBÉE, Essai sur la notion de réparation, LGDJ, 1974. Et: C. GRARE,
Recherches sur la cohérence de la responsabilité délictuelle: l'influence des fondements de la responsabilité sur la
réparation, Dalloz, 2005, [Paris-II].
1684
G. VINEY, «Introduction à la responsabilité», in Traité de droit civil, sous la dir. de J. GHESTIN, 2 éd.,
LGDJ, 1995, p. 122. N°74-3: Le développement de la peine privée. Et en dernier lieu: G. VINEY, «Introduction
à la responsabilité», in Traité de droit civil, sous la dir. de J. GHESTIN, 3 éd., LGDJ, 2008, p. 175. n°74-5. «de
son côté le droit civil a lui aussi accompli des pas significatifs vers le droit pénal en consacrant parfois
officiellement, mais plus souvent de manière dissimulée, des condamnations qui sont en réalité de véritables
peines privées».
1685
Y. PICOD, «Plaidoyer pour une consécration législative de la concurrence déloyale», in Mélanges en
l'honneur d'Yves Serra: études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Dalloz, 2006,
p. 370. «les tribunaux se situent autant dans une logique de répression que de réparation : le développement du
caractère punitif de l’action en concurrence déloyale conduit parfois nos tribunaux pour calculer le montant des
dommages-intérêts, à se référer non plus au préjudice subi mais au profit réalisé par l’auteur des agissements
déloyaux. […] L’instauration de dommages-intérêts punitifs […] serait susceptible de dissuader efficacement les
comportements déloyaux et de permettre à l’action en concurrence déloyale de jouer un rôle disciplinaire
accentué, certaines entreprises espérant tirer des agissements déloyaux des profits supérieurs à l’indemnisation
du préjudice à laquelle elles pourraient être condamnées».
1686
P. LE TOURNEAU, «Introduction», in Droit de la responsabilité et des contrats, sous la dir. de P. LE
TOURNEAU, Dalloz, 2006/2007, p. 1. n° 45 et s. p. 21-24. Et en dernier lieu: P. LE TOURNEAU,
«Introduction», in Droit de la responsabilité et des contrats, sous la dir. de P. LE TOURNEAU, Dalloz,
2010/2011, p. 31-34. n°45 et s. «le droit doit être efficace : l’est-il encore lorsque des personnes peuvent
impunément le bafouer».
479
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
réparation intégrale à résoudre le problème de la faute lucrative 1688. Suzanne CARVAL dénonce
une « excessive rigidité de la condamnation à dommages et intérêts [qui] dessert l'efficacité du droit de la
responsabilité dans de nombreux domaines »1689. Pour Muriel CHAGNY, les dommages et intérêts
punitifs constituerait une réforme opportune qui « permettrait d'améliorer le résultat de l'action
en responsabilité civile »1690. Daniel MAINGUY estime que les dommages et intérêts punitifs sont
particulièrement opportuns dans l'hypothèse d'un dommage de masse diffus, qui rend
l'indemnisation du préjudice « ridicule voire inutile »1691. Marie DUMARÇAY observe ainsi que « le
recours au mécanisme des dommages et intérêts punitifs ou exemplaires raviverait les attraits jusqu'alors ternis
des actions civiles »1692.
668. Ne bis in idem. Sans prendre position sur ce débat, il convient de remarquer que
l'introduction des dommages et intérêts punitifs en cas d'infraction au droit de la concurrence
se heurterait à de délicats problèmes de coordination des sanctions. Une action civile tendant
au prononcé de dommages et intérêts punitifs introduite en suivi d'une décision préalable de
condamnation crée potentiellement une situation de cumul de sanctions à caractère punitif. Les
juridictions britanniques, américaines et françaises ont une approche très différente du
problème.
1687
C. LUCAS DE LEYSSAC et G. PARLÉANI, Droit du marché, PUF coll. Thémis, 2002, p. 980. «la nature
des choses rend la règle de droit traditionnelle inadaptée à la réalité nouvelle qu'elle doit régir […] Dès lors,
pourquoi ne pas adopter un système de peine privée un peu innovant».
1688
B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Obligations - Responsabilité délictuelle, Litec, 1996. n° 1335:
«Sont qualifiées de fautes lucratives «des fautes, qui, malgré, les dommages-intérêts que le responsable est
condamné à payer – et qui sont calquées sur le préjudice subi par la victime – laissent à leur auteur une marge
bénéficiaire suffisante pour qu'il n'ait aucune raison de ne pas les commettre». Selon A. JAULT, La notion de
peine privée, LGDJ, 2005, [Doctorat : Droit : Paris XII]. §8 p. 4. «c'est sans doute le développement des fautes
lucratives qui a le plus contribué à réhabiliter l'idée de peine privée en France […] de nombreux auteurs estiment
aujourd'hui qu'une augmentation des dommages-intérêts permettrait d'assurer efficacement la répression des
fautes».
1689
S. CARVAL, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, LGDJ, [Paris-I : 1995]. §123 p. 129.
1690
M. CHAGNY, «La notion de dommages et intérêts punitifs et ses répercussions sur le droit de la
concurrence: Lectures plurielles de l'article 1371 de l'avant-projet de réforme du droit des obligations», La
Semaine Juridique, 21 juin 2006, vol. doctrine, n° 149. «sans constituer la mesure idéale, habile à obvier à toutes
les difficultés, l'institution des dommages-intérêts punitifs - éliminant sous conditions l'obstacle lié au principe
de réparation intégrale - permettrait d'améliorer le résultat de l'action en responsabilité civile». V. égal. M.
CHAGNY, «Faut-il prendre en compte les objectifs du droit de la concurrence dans les actions en dommages et
interets ?», Revue Lamy du Droit des Affaires, n°12 janvier 2007. «la consécration des dommages-intérêts
punitifs serait opportune car utile. Elle permettrait, comme une amende, d’infliger un désavantage financier
suffisamment substantiel à l’auteur d’une pratique anticoncurrentielle et partant, servirait l’impératif d’efficacité
de la règle de concurrence. Il importe d’éviter, en effet, que la violation de celle-ci profite au contrevenant».
1691
D. MAINGUY, «L'introduction en droit français des class actions», Les Petites Affiches, 22 Décembre 2005,
p. 6.
1692
M. DUMARÇAY, La situation de l'entreprise victime dans les procédures de sanction des pratiques
anticoncurrentielles. Etude des procédures française et communautaire d'application du droit communautaire des
pratiques anticoncurrentielles, [Doctorat : Droit : Montpellier-I : 2008], 518-519 n°426.
480
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
1693
La réparation intégrale est de principe en Common Law. Hors les cas où des dommages exemplaires peuvent
être obtenus, les tribunaux doivent allouer une somme d'argent qui replace la victime dans la situation qui aurait
été la sienne si elle n'avait pas subi de dommage. Mais l'équité admet la possibilité pour le demandeur d'obtenir
la condamnation du défendeur à des dommages-intérêts punitifs dits exemplaires. Sur le principe de réparation
intégrale: United Kingdom. House of Lords. Livingstone v. Rawyards Coal Co (1880). Lord Blackburn: The
general principle is that the court should award "that sum of money which will put the party who has been
injured, or who has suffered, in the same position as he would have been in if he had not sustained the wrong for
which he is now getting his compensation or reparation".
1694
United-Kingdom. High Court (Ch.) 19 october 2007. Devenish Nutrition Ltd & Others v/. Sanofi-Aventis
SA & Others. [2007] EWHC 2394 (Ch). §48 et 52. "In my judgment in anti-trust cases the imposition of fines
and an award of exemplary damages serve the same aim: namely to punish and deter anti-competitive behaviour
[…] therefore, the principle of non bis in idem precludes the award of exemplary damages in a case in which the
defendants have already been fined (or had fines imposed and then reduced or commuted) by the European
Commission".
1695
United-Kingdom. Court of Appeal (Civil Div.) 14 october 2008. Devenish Nutrition Ltd & Others v/. Sanofi-
Aventis SA & Others. [2008] EWCA Civ 1086. §112. "it [is] unnecessary for me to consider […] that a
restitutionary award would be penal in nature and therefore offend the Community law principle of non bis in
idem. I would, however, add that in my judgment it would be relevant to consider, in determining whether it was
just to order an account of profits in the circumstances of this case, whether on its true interpretation the fines
imposed by the 2001 decision had already required the respondents to account for their profits obtained as a
result of the cartel"
1696
United States. Constitution. Fifth Amendment: «nor shall any person be subject for the same offense to be
twice put in jeopardy of life or limb».
481
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
671. France. Enfin, en France, la garantie contre le cumul de peines – au sens matériel
extensif de l'article 6 CEDH - est fondée sur l'article 8 de la Déclaration de 1789 dans le cadre
du principe de proportionnalité. Dans l'hypothèse d'un cumul d'une sanction pénale et d'une
sanction administrative, le Conseil Constitutionnel retient que le principe de proportionnalité
« ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais
s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a
laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle […] si
l’éventualité d’une double procédure peut ainsi conduire à un cumul de sanctions, le
principe de proportionnalité implique, qu’en tout état de cause, le montant global des
sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une
des sanctions encourues »1698.
Le Conseil refuse de consacrer formellement la valeur constitutionnelle de la règle ne bis in
idem, mais consacre dans un second temps, sur le fondement du principe de proportionnalité,
un principe substantiellement identique limitant le cumul par confusion des peines. Le Conseil
Constitutionnel valide le dédoublement des poursuites, en le limitant par la confusion des
1697
United States. Supreme Court. 15 May 1989. U.S. v. Halper. 490 U.S. 435. p. 449 : «a defendant who has
already been punished in a criminal prosecution may not be subjected to an additional civil sanction to the extent
that the second sanction may not fairly be characterized as remedial, but only as deterrent or retribution, without
violating the double jeopardy clause».
«sous l'empire de la clause de double jeopardy, un défendeur qui a déjà été puni dans le cadre d'une poursuite
criminelle ne peut pas être soumis à une sanction civile additionnelle, dans la mesure où la seconde sanction ne
pourrait pas être raisonnablement caractérisée comme compensatoire [remedial], mais seulement comme
dissuasive et punitive [deterrent or retribution]». Justice Blackmum qui a délivré l'opinion de la Cour précise
que: «la décision n'interdit pas au Gouvernement d'obtenir à la fois une peine civile et la gamme complète des
peines criminelles prévues par la loi, dans la même procédure. Dans une procédure unique, la question de la
multiplication des peines est limitée à la garantie que la peine globale infligée n'excède pas ce qui est autorisé par
la loi […] rien dans la présente décision ne s'oppose à ce qu'une partie privée introduise une action civile tendant
à l'allocation de dommages-intérêts contre une personne ayant déjà fait l'objet d'une poursuite et d'une
condamnation ciminelle. La protection contre le double jeopardy n'est pas déclenchée par un litige entre
personnes privées. En d'autres mots, le présent arrêt interdit seulement que le Gouvernement poursuive un
défendeur, impose une peine criminelle, et ensuite, introduise une action civile séparée fondée sur les mêmes
faits, et obtienne un jugement qui n'est pas rationellement en relation avec l'objectif de réparation intégrale».
1698
Conseil Constitutionnel. 28 juillet 1989. Décision N° 89-260 DC. Loi relative à la sécurité et à la
transparence du marché financier [COB]. Solution réitérée dans une autre hypothèse de cumul de sanctions
administratives et pénales: Conseil Constitutionnel. 30 décembre 1997. Décision n° 97-395 DC. § 41. Et
s'agissant du cumul de sanctions pénales: Conseil Constitutionnel. 12 janvier 2002. Déc. n° 2001-455 DC. Loi de
modernisation sociale: RSC. 2002. p. 674. Obs. V. Bück. §85 et 86. « en vertu de l’article 8 de la Déclaration de
1789, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires […] le principe de
proportionnalité qui en découle implique que, lorsque plusieurs dispositions pénales sont susceptibles de fonder
la condamnation d’un seul et même fait, les sanctions subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus
élevé».
482
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
peines1699. La multiplication des actions à finalité répressive est admise, dès lors qu'elle
n'aboutit pas à un cumul indéfini des peines.
Si l'on admet que des dommages et intérêts punitifs font partie de la matière pénale, alors le
montant global cumulé de l'amende administrative et de la peine civile ne devrait pas excéder
le maximum légal de 10% du chiffre d'affaires prévu à l'article L464-2 du Code de
commerce1700. Au regard de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence très en-deçà
de ce plafond, il est vraisemblable de penser que le juge civil conserverait une latitude
suffisante pour prononcer des dommages et intérêts. Le véritable obstacle tient à ce que
contrôle du cumul des peines supposerait inévitablement la jonction dans une seule instance
de toutes les demandes civiles sur une même affaire. Ainsi, dans le cas d'un cartel condamné
par la Commission Européenne, il faudrait réunir devant une seule juridiction et coordonner
une multitude de procédures éparpillées dans divers États membres.
1699
J. LELIEUR-FISCHER, La règle ne bis in idem: du principe de l'autorité de la chose jugée au principe
d'unicité d'action répressive (étude à la lumière des droits français, allemand et européen), [Paris-I : 2005]. p. 32.
n° 22. Juliette Lelieur-Fisher commente ce mouvement jurisprudentiel en observant que l'interdiction du cumul
des sanctions tend à devenir autonome à l'égard de l'interdiction du cumul des poursuites. Selon elle,
l'interdiction du cumul des sanctions «ne peut avoir pour fonction que de limiter les effets pervers du cumul des
poursuites en termes de proportionnalité de la répression […] Une limite est posée au cumul des sanctions pour
qu'il reste compatible avec l'exigence de proportionnalité des peines. Mais il s'agit bien d'un encadrement du
cumul de sanctions et non de la prohibition complète de ce cumul […] Ce n'est que lorsque le cumul de
qualifications permet le cumul disproportionné de sanctions qu'il mérite la réprobation».
1700
Article L. 464-2 Code de commerce: « Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 %
du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis
l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ».
1701
La Commission a abandonné le principe même des dommages-intérêts punitifs. Comparer: Commission
Européenne, Document de travail des services de la Commission annexé au Livre Vert sur les actions en
dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position
dominante, DG COMP, 19 décembre 2005, SEC(2005) 1732. p. 44. Et Commission Européenne, Livre Blanc sur
les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de
position dominante, 2 avril 2008, COM(2008) 165 final. p. 3. L'option 16 du Livre Vert prévoyait le
«doublement des dommages et intérêts dans le cas des ententes horizontales». La Commission indiquait que si
«la plupart des États membres excluent les dommages et intérêts exemplaires ou punitifs […] il importe de
483
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
déterminer s’il conviendrait de permettre aux juridictions nationales d’octroyer plus que de simples dommages et
intérêts dans le cas des infractions les plus graves aux règles antitrust, ce qui permettrait par ailleurs
incontestablement d’inciter les demandeurs potentiels à introduire une action en dommages et intérêts». L'option
disparaît complètement du Livre Blanc qui souligne en introduction que «l'indemnisation intégrale des victimes
est, de loin, le premier principe directeur» de l'action civile en dommages-intérêts.
1702
M. CHAGNY, «contentieux des dommages concurrentiels : l’action de groupe vue par le Conseil de la
concurrence : oui, mais…», Revue Lamy du Droit de la Concurrence, n°10 mars 2007.
1703
F. DUPUIS-TOUBOL, «Action civile en matière de pratiques anti-concurrentielles : éléments de
problématique», in La réparation du préjudice causé par une pratique anti-concurrentielle, colloque 17
octobre 2005 - Cycle Droit et Economie de la Concurrence, en ligne : <www.courdecassation.fr>.
1704
F. BÉLOT, «L'évaluation du préjudice économique subi par une entreprise nouvelle ou innovante», Recueil
Dalloz, 2008, p. 1569.
1705
M. BEHAR-TOUCHAIS, «L'amende civile est-elle un substitut satisfaisant à l'absence de dommages-
intérêts punitifs?», Les Petites Affiches, 20 novembre 2002, p. 36 (voir p. 44).
1706
G. CANIVET, «Introduire l'action collective est une évolution inéluctable», La Tribune, 16 mai 2006.
1707
B. PAILLARD, La fonction réparatrice de la répression pénale, LGDJ, 2007, [Doctorat : Droit : Paris-II].
§64 p. 34.
484
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
L'annexion de la notion de peine privée par la doctrine civiliste en tant que métaphore
explique la croyance générale selon laquelle elle serait une sanction civile appartenant
exclusivement au juge civil. Mais sa nature punitive la rattache historiquement à la sanction
pénale. Et tous les auteurs s'accordent pour considérer que la peine privée se définit
indépendamment du juge qui la prononce: civil ou pénal. Le critère organique n'est pas un
critère pertinent de qualification de la peine privée. Partant, l'autorité de concurrence apparaît
naturellement mieux placée que le juge civil pour accueillir et utiliser ce nouvel instrument
punitif.
675. Critère objectif et critère téléologique de la peine privée. La notion de peine privée
administrative permet de formuler la thèse selon laquelle le contentieux collectif du surcoût
résultant d'une infraction de concurrence appartient à l'autorité répressive parce qu'il
ne s'agit pas en réalité d'une action en responsabilité civile. Il a été amplement montré
qu'une action collective tendant à la compensation du surcoût résultant d'un cartel possède un
caractère punitif et non compensatoire. La somme des surcoûts individuellement soufferts par
les consommateurs est strictement égale au gain illicite retiré par l'auteur de l'infraction. Les
dommages et intérêts sont déterminés - en réalité - en fonction du gain illicite et non en
fonction du préjudice individuel, ce qui trahit leur nature pénale et non civile. Une telle action
est punitive par nature.
Le fait que les dommages et intérêts soient versés aux victimes privées de l'infraction ne remet
pas en cause cette nature pénale. Il s'agit de la définition même d'une peine privée. Selon
Hugueney - dans sa thèse de référence sur cette question obscure et oubliée - « le trait dominant
et véritablement spécifique de la peine privée » réside dans l'idée d'une peine qui profite à la victime »1708.
Versée directement à la victime et non au Trésor Public, elle se distingue en cela de la
réparation qu'elle n'est pas « à la mesure du dommage souffert »1709. HUGUENEY propose une
qualification de la peine privée fondée sur la « multiplicité des indices » par la réunion d'un
critère objectif et d'un critère téléologique. Selon lui:
« on se trouvera en présence d'une peine privée et non plus d'une réparation lorsque
l'intention du législateur aura été, en donnant action contre l'auteur d'un tort, moins
1708
L. HUGUENEY, L'idée de peine privée en droit contemporain, [Doctorat : Droit : Dijon : 1904]. p.10 et 17.
L'auteur exclut du domaine de la peine privée, les actions populaires – dans lesquelles l'individu agit pour la
sauvegarde d'un intérêt public – et «ces hypothèses où l'Etat au lieu de recueillir lui-même le bénéfice de la peine
en attribue le profit à un établissement de bienfaisance».
1709
Ibid. p.25-26. C'est ce que l'auteur appelle le critère objectif «il n'y aura plus réparation mais peine privée
lorsque, un dommage étant causé, l'indemnité à verser par l'auteur à la victime différera pour le montant de celui
du tort éprouvé».
485
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
de venir en aide au lésé que de réprimer un agissement coupable […] pour mériter le
nom de peine privée, il suffira point qu'une indemnité diffère quant à sa quotité du
montant du préjudice, s'il ne s'y joint cette autre considération que la différence […]
se justifie par l'intention de frapper plus sûrement ou plus lourdement l'auteur du
fait dont il s'agit »1710.
De même pour ALEXIS JAULT, « l'attribution du montant de la peine à la victime apparaît clairement
comme un critère essentiel de qualification » de la peine privée1711, définie comme « une sanction civile
indépendante de toute idée réparatrice, infligée à l'auteur d'une faute qui lui est moralement imputable, au
profit exclusif de la victime qui peut seule en demander l'application »1712. L'erreur consiste ici à postuler
que la peine privée est une sanction civile, et non pénale, en contradiction même avec la
définition adoptée qui écarte le critère organique.
La définition de HUGUENEY est plus la claire et la plus satisfaisante. La peine privée est - de
manière générale - une sanction pécuniaire versée à la victime, dont le montant est calculé
indépendamment de son préjudice. S'agissant d'une peine, elle devrait être en principe
prononcée par un juge pénal. C'est la peine privée au sens propre telle qu'elle se retrouve en
droit positif sous la forme de la sanction-réparation de l'article 131-8-1 du Code pénal. Elle est
également connue des juridictions civiles, mais prononcée le plus souvent de manière
clandestine sous le couvert de la responsabilité civile. Le critère téléologique s'applique
parfaitement à la situation de la réparation collective des infractions de concurrence.
1710
Ibid. p.27.
1711
A. JAULT, La notion de peine privée, LGDJ, 2005, [Doctorat : Droit : Paris XII]. §274 p.179.
1712
Ibid. §415 p.273.
486
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
l'autorité de concurrence dans une compétence civile des juridictions judiciaires. Il suffit de
rappeler la décision COB du Conseil Constitutionnel considérant que:
677. Versement de la peine privée dans un fonds collectif. Reste la question pratique
des modalités concrètes d'exécution de la peine privée d'indemnisation des victimes de
l'infraction au droit de la concurrence. La décision d'infraction de l'autorité de concurrence
infligeant une peine privée doit identifier les bénéficiaires de la sanction. La décision devrait
donc indiquer les coordonnées bancaires permettant de procéder au virement. Une telle
publication d'informations bancaires devient rapidement impraticable dans l'hypothèse d'une
infraction massive et diffuse. Cela supposerait un fastidieux travail de collecte individuelle
d'informations auprès des victimes.
Une telle solution n'est pas satisfaisante. Il convient donc de procéder collectivement et non
pas individuellement, en s'inspirant des solutions adoptées en matière de distribution du
produit d'une class action. L'autorité de concurrence ne se préoccupe pas des droits subjectifs
des victimes. Elle se contente d'établir une peine, sur la base de critères légaux, en établissant
des règles générales et abstraites d'éligibilité au versement d'une portion de la peine privée. En
pratique, il convient de créer un fonds ad hoc de collecte de la sanction pécuniaire, qui sera
chargé de procéder à la distribution de la sanction pécuniaire aux victimes individuelle. C'est à
ce point que le pouvoir d'injonction au fond de l'autorité de concurrence doit prendre le relais
du pouvoir de sanction pécuniaire, afin de faire peser les frais administratifs de traitement de
la distribution sur l'auteur de l'infraction.
1713
Conseil Constitutionnel. Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989. Loi relative à la sécurité et à la
transparence du marché financier. §6.
487
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
678. Fondements textuels. En droit interne, l'article L464-2 dispose que « l'Autorité de la
concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans
un délai déterminé ou imposer des conditions particulières ». L'article L.464-2 offre une base
juridique suffisante pour fonder le pouvoir de l'Autorité de la concurrence d'ordonner
l'indemnisation des victimes, sous forme d'injonction de faire, soit par l'adoption de mesures
commerciales, soit par le versement de sommes d'argent à des personnes déterminées ou
déterminables. En droit communautaire, l'article 7 du Règlement 1/2003 prévoit que la
Commission Européenne peut « imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou
comportementale, qui soit proportionnée à l'infraction commise et nécessaire pour faire cesser
effectivement l'infraction ». Ces bases textuelles sont suffisantes pour fonder le pouvoir
d'injonction indemnitaire de l'Autorité de la concurrence et de la Commission Européenne.
Une illustration éclatante de l'émergence d'un pouvoir d'injonction indemnitaire est fourni par
une décision allemande dans l'affaire STADWERKE UELZEN. L'autorité de concurrence de
Basse-Saxe a enjoint à un distributeur local de gaz de rembourser le prix excessif à ses clients.
La sanction a été confirmée par la Cour Suprême 1714.
1714
Bundesgerichtshof, 10 décembre 2008, Stadtwerke Uelzen n° KVR 2/08. La Cour Suprême a cassé l'arrêt
d'appel de l'OLG Celle du 10 janvier 2008 (n° WuW / E DE-R 2249) qui avait annulé la décision de l'autorité de
concurrence ordonnant le remboursement des consommateurs à hauteur de 0,5 centimes par kilowattheure.
1715
Lamy Droit Economique, Lamy, 2011. n° 1764.
488
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
681. L'Autorité a cumulé sanction pécuniaire et injonction dans les affaires: TARIFS
1716
BANCAIRES , PORT DU HAVRE1717, PIERRE FABRE DERMO-COSMÉTIQUES1718, JEFF DE
1716
Autorité de la Concurrence. Décision 10-D-28 du 20 septembre 2010 relative aux tarifs et aux conditions
liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins
d’encaissement. L'Autorité a infligé une amende à onze établissements bancaires, pour un montant total de
384.920.000 euros. En sus de l'amende, la décision enjoint aux établissements condamnés de procéder à la
révision du montant des commissions «sur la base du coût de traitement des opérations auquel parvient la banque
la plus efficace, tel que vérifié par une étude de coûts réalisée auprès d’un échantillon représentatif de banques et
vérifiée par un expert indépendant».
1717
Autorité de la Concurrence. Décision 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans
le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre. p. 92. L'Autorité a infligé une
amende pour un montant total de 595.000 euros. Outre l'amende, l'Autorité a enjoint aux entreprises
«d'appliquer la clause de non-concurrence qu’elle ont signée le 18 mai 2004 de telle manière qu’elle permette à
Terminal Porte Océane de faire des offres à des lignes qui ne font pas escale sur des terminaux de Terminal
Normandie».
1718
Autorité de la Concurrence. Décision 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre
dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils
pharmaceutiques. Articles 3, 4 et 5. p. 20: La modeste amende de 17.000 euros est complétée par diverses
injonctions. 1°: suppression des mentions équivalant à une interdiction de vente sur Internet de produits
cosmétiques. 2°: transmission à l’ensemble de ses points de vente d'une lettre annonçant les modifications
apportées aux contrats de distribution sélective avec résumé de la décision.
1719
Autorité de la Concurrence. Décision 07-D-04 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par
le réseau de franchise Jeff de Bruges. Le franchiseur se voit infliger une amende de 50.000 euros et l'obligation
d'envoyer un courrier à ses franchisés indiquant que les prix indiqués dans le contrat de franchise sont des prix
maximum conseillés.
1720
Décision 06-D-36 du 6 décembre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre par la société civile de
moyens Imagerie Médicale du Nivolet. L'Autorité de la concurrence enjoint à la clinique d'édicter «des critères
clairs, objectifs et non discriminatoires pour l’octroi des vacations de scanner et d’IRM aux médecins non
membres de la SCM», outre la condamnation à une amende de 15.000 euros.
1721
Décision 06-D-03 du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de
chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation. §1282 p. 313: l'Autorité de Concurrence inflige une sanction
pécuniaire à 76 entreprises pour un montant cumulé de 26.101.000 euros, et enjoint aux fabricants de «supprimer
les clauses qui ont pour objet ou pour effet de réserver la revente des produits de chauffage aux installateurs
professionnels».
1722
Autorité de la Concurrence. Décision 06-D-06 du 17 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans
le secteur de l’hébergement touristique en gîtes ruraux et en chambres d’hôtes. La Fédération nationale des Gîtes
489
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
684. Fonds de dotation. Un fonds de dotation peut être créé par un ou plusieurs
fondateurs personnes physiques ou morales, qui sont la ou les entreprises condamnées par
de France a été condamnée à une amende de 10.000 euros et une injonction de supprimer «la clause soumettant à
l’accord préalable du relais départemental la publicité sur d’autres supports que ceux édités par le réseau».
1723
Autorité de la concurrence. Décision 05-D-37 du 5 juillet 2005 relative à l’exécution de la décision n° 03-D-
03 du 16 janvier 2003 concernant des pratiques mises en œuvre par le barreau des avocats de Marseille en
matière d'assurances. L'Ordre des avocats est condamné à une amende de 50.000 euros et il lui est enjoint de
supprimer du contrat collectif d'assurance souscrit au titre de la responsabilité civile professionnelle, les clauses
de garantie des objets et vêtements déposés dans les vestiaires de l'Ordre.
1724
Autorité de la Concurrence. Décision 04-D-49 du 28 octobre 2004 relative à des pratiques
anticoncurrentielles dans le secteur de l’insémination artificielle bovine.
1725
Autorité de la Concurrence. Décision 04-D-44 du 15 septembre 2004 relative à une saisine présentée par le
Ciné-Théâtre du Lamentin dans le secteur de la distribution et de l’exploitation de films. Outre l'amende de
50.000 euros infligée aux sociétés distributrices de films, il leur est enjoint de supprimer les clauses interdisant
aux exploitants de salle de traiter avec des distributeurs concurrents, de publier un catalogue de film disponibles
à une fréquence correspondant au rythme de la programmation.
1726
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Art. 140: «Le fonds de dotation est une
personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute
nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la
réalisation d'une œuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à
but non lucratif dans l'accomplissement de ses œuvres et de ses missions d'intérêt général». Et Décret n° 2009-
158 du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation.
1727
Code civil. Livre III - Titre XIV créé par la loi n°2007-211 du 19 février 2007.
1728
Loi 2007-211 du 19 février 2007 art. 12 : les éléments d'actif et de passif transférés dans le cadre de
l'opération mentionnée à l'article 2011 forment un patrimoine d'affectation. Les opérations affectant ce dernier
font l'objet d'une comptabilité autonome chez le fiduciaire. V. égal: X. ROUX (DE), Rapport fait au nom de la
Commission des Lois sur la proposition de Loi n° 3385 adoptée par le Sénat instituant la fiducie, N° 3655,
ASSEMBLÉE NATIONALE, 1er février 2007. «Les biens mis en fiducie […] constituent un patrimoine
d’affectation séparé du patrimoine personnel du fiduciaire»
1729
Article 2018 Code civil.
1730
Article 2015 Code civil.
490
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
l'autorité de concurrence. L'injonction de création du fonds de dotation doit préciser les règles
d'éligibilité à l'indemnisation incorporées dans les statuts. La peine privée constitue la dotation.
L'injonction devrait préciser que l'entreprise condamnée supporte les frais de fonctionnement
du fonds de dotation. Dans l'attente de la distribution effective, le montant de la dotation
pourrait faire l'objet de placements financiers sans risques, afin de couvrir en partie les frais de
fonctionnement.
685. Publicité de la décision . Afin d'assurer une information suffisante des bénéficiaires
potentiels de la peine privée, la décision de condamnation devrait prévoir également des
mesures de publicité, dans divers organes de presse et médias appropriés, internet ou
audiovisuel. Notamment, la décision devrait ordonner la mise en ligne par l'entreprise
condamnée d'un site dédié à l'information des victimes sur la procédure d'indemnisation. Le
site internet devrait comprendre un formulaire en ligne de demande d'indemnisation. Il
conviendrait de limiter les exigences de pièces justificatives afin de ne pas déCOURAGEr les
demandes d'indemnisation et réduire les frais postaux. Dans tous les cas, la communication de
pièces justificatives devrait être effectuée aux frais de l'entreprise condamnée, sans imputation
sur la dotation d'indemnisation.
686. Reliquat. Pour la fiducie, comme pour le fonds de dotation, l'injonction de création
devrait préciser les délais d'indemnisation, en précisant des dates impératives pour la création
du fonds, le début des opérations de distribution, la date limite de demande d'indemnisation, et
la date de fin des opérations de distribution. S'il apparaît que la peine privée n'a pas été
entièrement distribuée passé un certain délai, les statuts du fonds de dotation ou le contrat de
fiducie devrait prévoir une distribution fluide proximale à des associations œuvrant dans le
secteur concerné par l'infraction. Il pourrait également être prévu que passé un certain délai, le
fonds poursuivent un objet social secondaire tendant à l'information des consommateurs, le
financement de litiges individuels, ou l'aide à des mesures alternatives de règlement des litiges
entre les consommateurs et les professionnels.
491
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
688. Enfin, le pouvoir d'injonction de l'autorité de concurrence peut être utilisé dans une
dernière hypothèse, indépendamment de la condamnation à une peine privée, en ordonnant
une indemnisation en nature des personnes affectées par l'infraction. Il s'agit là d'une mesure
corrective comportementale plus classique visant à compenser le dommage subi par un
avantage commercial équivalent, dans le cadre de la poursuite de la relation existant entre
l'auteur de l'infraction et ses clients. En pratique, il s'agirait d'enjoindre à l'entreprise
condamnée de consentir des bons d'achat, ou des avoirs à une classe de clients déterminés.
Cette méthode peut être adaptée lorsque le surcoût subi est extrêmement faible, et
l'identification des consommateurs concernés impossible. Dans un tel cas, plutôt que de mettre
en place une structure d'indemnisation générant des frais de fonctionnement importants pour
une très faible compensation individuelle, il serait admissible de prévoir une indemnisation
générale de l'ensemble des clients, sans aucune règle d'éligibilité. Par exemple, un opérateur
pourrait offrir des minutes de communication gratuite à l'ensemble de ses abonnés 1731. De telles
mesures doivent être toutefois adoptées avec précaution, puisqu'elles sont susceptibles d'altérer
directement les conditions du marché.
1731
Agence France Presse, «Orange propose à ses clients une journée de gratuité pour s'excuser de la panne», 6
juillet 2012. «Les clients prépayés bénéficieront d'un jour de textos gratuits. Quant aux titulaires d'un compte
illimité, ils vont obtenir un gigaoctet de capacité supplémentaire pour utiliser leur téléphone multifonctions. […]
Une décision saluée par l'association de défense des consommateurs UFC-Que choisir, qui déplore toutefois le
calendrier contraignant de la mesure - une journée unique en septembre, estimant que des minutes de
communication ou des SMS utilisables à n'importe quel moment auraient été préférables.».
492
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
CONCURRENCE
690. Nature de peine privée de la restitution du gain illicite. En premier lieu, la notion
de peine privée fournit un cadre conceptuel opératoire pour penser l'indemnisation en dehors
de la responsabilité civile. Assumée à titre de peine privée, la fonction indemnitaire de
l'Autorité de la concurrence n'apparaît plus comme un empiètement sur la mission de l'autorité
judiciaire. C'est bien parce qu'il s'agit d'une peine que la confiscation du gain illicite échoit
constitutionnellement aux autorités de concurrence. La peine privée permet de rendre compte,
d'expliquer et justifier, la tension latente entre le caractère punitif des sanctions civiles
prononcées contre les auteurs d'infraction et la fonction compensatoire de l'indemnisation
allouée aux victimes privées qui empoisonne le débat autour du private enforcement de la
concurrence. La double nature de la peine privée, à la fois punitive et restitutive, permet
d'assurer l'indemnisation des victimes, par la confiscation du gain illicite, sans violation du
principe de réparation intégrale et sans tomber dans l'inextricable question de la répercussion
du surcoût.
493
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
La proposition soutenue dans la présente thèse est inverse. Il convient de souligner avec force
que la proposition selon laquelle les autorités de concurrence européennes devraient assurer
l’indemnisation collective des dommages subis du fait d’une infraction ne tend aucunement à
leur reconnaître une nature juridictionnelle. C’est exactement le contraire. C'est bien parce
que l'Autorité de la concurrence est une autorité administrative et non une juridiction,
qu'elle est l'organe naturellement compétent pour statuer en forme collective.
1732
D. PRINCE, Response to Consultation Paper, Green Paper on Consumer Collective Redress, Which?, 2 july
2009. « Regulators and enforcers may currently be reluctant to play what they see as a dual role in enforcing as
well as compensating. But again, it is necessary for such a dual role to be supported and championed so that
resources that are currently available are used fully. Receiving compensation through the actions of an enforcer
regulator seems far more sensible to most consumers than requiring consumers to organize themselves into a
claimant group and either join in ADR or participate in court proceedings after an investigation has been
conducted. Whilst the regulator may require additional resource, to the vast majority of consumers it would be a
logical small step for the enforcer/regulator to order compensation rather than for affected consumers to be
expected to mount a separate action requiring additional organization and financing».
1733
V. MILUTINOVIC, The right to damages under EU competition law: from Courage v. Crehan to the White
Paper and beyond , Kluwer Law International, 2010, [Doctorat : Droit : European University Institute]. p. 358-
362. «To a large extent, the problems outlined above could be alleviated or even resolved through a reform of the
institutional framework […] One may conceive the introduction of a Unified Competition Litigation System
(UCLS). […] A small number of UCLS courts of first instance (European Competition Courts of First Instance -
ECCFIs) would be set up […] An additional court, the European Competition Court of Appeal (ECCA) would
be set up in Brussels. […] ECCFIs would have exclusive competence in their territorial jurisdiction to hear cases
brought by National Competition Authorities aimed at proving the existence of an infringement [and] to hear
cases brought by interested parties aimed at proving an infringement where the value of dispute exceeds € 2.000.
[…] Appeals from the ECCA would lie before the Court of Justice […] the courts would be competent to award
damages, whether upon the initiative of a private plaintiff who launched the claim, or to private plaintiffs who
subsequently joined proceedings launched by the Commission/NCA. […] A very significant advantage for all
cases would be that public and private enforcement would become one».
494
CHAP. 8 : INDEMNISATION PUBLIQUE
495
CONCLUSION GÉNÉRALE
CONCLUSION GÉNÉRALE
1734
U. BÖGE et K. OST, «Up and Running, or is it? Private Enforcement: the situation in Germany and Policy
Perspectives», European Competition Law Review, 2006, p. 197. «Private antitrust enforcement is gaining
ground in Europe. The recent and imminent changes to legislation in Germany and other European countries will
reinforce this trend even more. It is currently difficult to assess whether more far-reaching harmonisation is
required and in which areas it should take place. Particularly with a view to the Member States' substantive laws
this is at least not evident. New instruments must be examined with respect to their necessity, i.e. in particular
with respect to what kind of progress they are likely to bring to the overall system of antitrust enforcement. The
smaller this progress is the lesser one will be able to justify frictions with established legal traditions».
1735
V. MILUTINOVIC, The right to damages under EU competition law: from Courage v. Crehan to the White
Paper and beyond , Kluwer Law International, 2010, [Doctorat : Droit : European University Institute]. p. 324.
«Legislating the right to damages. Necessity or the "No, thank you we are doing fine" argument. A recurrent
theme in comments addressed directly and indirectly by German public authorities […] is that, in the context of
actions for damages, Germany is doing fine and that as a result, it needs no help from the Commission, in the
shape of Union legislation».
1736
Sebastian PEYER, « Myths and untold stories – Private antitrust enforcement in Germany », Centre for
Competition Policy, Working Papers 10-12, july 2010. «It seems that private antitrust actions complement rather
than duplicate public enforcement efforts because of the overwhelming proportion of stand-alone claims and the
amount of actions based on the abuse of market power. Only a small number of litigants asked for the
compensation of loss suffered from anticompetitive conduct. […] the paper suggests that the European
Commission and other stakeholders may have misunderstood the nature of private actions in Germany (and
maybe Europe) and, consequently, asked the wrong question, focusing on compensation. Expensive damages
actions for the breach of the antitrust rules might not be as important as commonly assumed. » En ligne :
http://competitionpolicy.ac.uk/documents/107435/107587/1.170085!ccp10-12.pdf
1737
H.-W. MICKLITZ, «Collective Private Enforcement in Antitrust Law: What is going wrong in the debate?»,
in Private Enforcement of Competition Law, Charles University (Prague), 26-27 juin 2009, édité par J.
BASEDOW, J. P. TERHECHTE et L. TICHÝ, Nomos, 2011. p. 101. Cf. p. 104-106. «The regulation of antitrust
injuries and more generally of consumer collective actions began with the launching of an empirical study
focused on gathering evidence on the role and function of private litigation in the Member States' legal systems.
[…] The European Commission could build its Green and White Papers on an obviously impressive set of
empirical data. The four studies put together exceed a thousand pages. However, a closer look reveals that one
might seriously doubt whether the research undertaken adequately supports the conclusion drawn by the
European Commission […] a closer look at the different projects is needed in order to show the deficiencies and
the shaky empirical basis on which the Commission operates […] What is missing is more comprehensive and
much deeper empirical research on the existing antitrust cases».
et des solutions proposées, mais encore – et en premier lieu – de revoir le constat même de
l'inefficacité.
696. Autorité de la chose décidée . La valeur probatoire contraignante des décisions des
autorités de concurrence sur les juridictions civiles saisies en suivi existe de facto. Et en outre,
elle peut être justifiée théoriquement, à droit constant.
697. Spécialisation des juridictions . Des progrès sensibles peuvent être réalisées dans le
domaine de la spécialisation des juridictions et des juges, mais de telles mesures relèvent de
l'administration judiciaire, sans nécessité d'une intervention législative, encore moins
européenne. Les présidents de juridictions du TCP et de la Cour d'Appel de Paris devraient
veiller à formaliser l'attribution du contentieux indemnitaire de la concurrence à une chambre
unique, bien identifiée. À la Cour d'Appel de Paris, l'attribution du contentieux indemnitaire à
la chambre 5-7 constituerait une mesure souhaitable, équivalente à la création du Competition
Appeal Tribunal au Royaume-Uni.
497
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
qu'il n'est pas exigé du demandeur de fournir une évaluation rigoureusement exacte et
dépourvue de toute incertitude. Les lignes directrices annoncées par la Commission
apparaissent comme une mesure suffisante pour assurer une certaine cohérence, qui devrait
être opportunément complétée par l'organisation de séminaires ouverts aux juges et experts
européens ayant à connaître du contentieux, afin de favoriser le consensus et l'échange des
points de vue.
702. Opt-in. Il n'y a absolument rien à attendre des recours collectifs basés sur un
mécanisme d'opt-in. Leur inefficacité ne provient pas de la lourdeur procédurale induite par le
mandat de représentation exprès, mais de l'apathie rationnelle du consommateur. Le
développement des moyens de publicité et d'information pour la sollicitation des mandats –
outre les questions déontologiques qu'il soulèverait – apparaît impuissant à vaincre le
phénomène comme le démontrent les affaires Cartel Mobile en France et Replica Football Kits
au Royaume-Uni. Le récent projet français d'action de groupe annoncé par le Gouvernement
498
de M. Ayrault n'apportera vraisemblablement aucun progrès sur la question, puisque M.
Hamon a annoncé l'exigence d'un mandat de représentation exprès 1738.
703. Opt-out. La proposition faite par le Livre Blanc d'instaurer une action représentative
en faveur de victimes identifiables est intéressante, mais semble pour le moment paralysée. Le
Livre Blanc a négligé toutefois d'expliciter les mécanismes de distribution individuelle du
montant global de dommages et intérêts obtenus au nom de la classe. L'expérience américaine
enseigne que le recours à des méthodes de distribution fluide et indirecte est indispensable.
704. Class action à a française à droit constant. Il est possible de développer une forme
d'action collective représentative à droit constant en droit français, sur la base de l'action des
associations au nom d'intérêts collectifs entrant dans leur objet social. L'action collective de
l'association devrait être combinée avec des techniques d'affectation de patrimoine, afin de
réaliser une distribution fluide et indirecte aussi près que possible de la classe des
consommateurs lésés. Les régimes de la fondation, du fonds de dotation et de la fiducie sont
adaptés à une telle utilisation judiciaire. Le juge civil dispose de pouvoirs d'injonctions et
d'évaluation souveraine des dommages et intérêts suffisants pour instaurer prétoriennement
une action collective « à la française » d'une efficacité équivalente à la class action américaine,
sans pervertir notre tradition procédurale civile.
1738
B. HAMON, «Intervention de clôture», in Quarante ans du droit de la consommation, Centre de Droit de
la Consommation et du Marché, Univ. Montpellier-1, 29 septembre 2012, (à paraître).
499
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
pourrait être obtenu – à droit constant – sur le fondement de l'action en répétition du ministre
de l'article L442-6 II Code de Commerce, en matière de restitution du surcoût aux acheteurs
directs de produits cartellisés.
500
708. Peine privée. Deuxièmement, aucun texte n'interdit à la Commission Européenne ou
à l'Autorité de la concurrence d'affecter une fraction des amendes qu'elles infligent au bénéfice
direct ou indirect des consommateurs lésés par l'infraction condamnée. Le montant global de
l'enveloppe affectée à la redistribution individuelle et fluide pourrait être établi en fonction
d'une estimation du gain illicite retiré par l'auteur de l'infraction. En conservant la maîtrise de
l'indemnisation collective des consommateurs dans le cadre de leurs pouvoirs propres de
sanction, les autorités de concurrence peuvent moduler la sanction au cas par cas et décider des
affaires qui réclament une dimension indemnitaire.
709. Distribution du gain illicite. Les techniques d'affectation du patrimoine telles que le
fonds de dotation français ou le trust britannique permettraient de loger les sommes dédiées à
l'indemnisation collective. L'administration des fonds seraient confiées à des personnalités
indépendantes extérieures et des représentants des associations de consommateurs, dans le
cadre d'un cahier des charges déterminé par la décision d'infraction. Les frais administra tifs de
mise en place et fonctionnement du fonds seraient imputés à l'auteur condamné, sur la base du
pouvoir d'injonction des autorités de concurrence, de manière comparable à une injonction de
mise en place d'un programme de conformité (compliance).
501
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
502
Bibliographie
1. Ouvrages
2. Mélanges
3. Thèses
4. Colloques
5. Articles de périodiques
6. Rapports et documents officiels
7. Documentation en ligne
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
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INDEX DES DÉCISIONS CITÉES
6) Autorités de concurrence
COMMISSION EUROPÉENNE
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
7) Juridictions administratives
8) Juridictions étrangères
Allemagne
Royaume-Uni
Etats-Unis
COUR DE JUSTICE
CJCE/CJUE
CJCE 5 février 1963, Van Gend & Loos c. Administration fiscale néerlandaise, Aff. 26/62:
Rec. 3.
CJCE 9 décembre 1965. Société Anonyme des Laminoirs. Aff. 29/63. Rec. p.1123
CJCE 11 février 1971, Fleischkontor, Aff. 39/70, Rec. 49.
CJCE 30 janvier 1974, Belgische Radio en Televisie et Société belge des auteurs, compositeurs et
éditeurs c. SABAM : Rec. p. 51.
CJCE 16 décembre 1976, Rewe, Aff. 33/76, Rec. 1989, et Comet, Aff. 45/76, Rec. 2043,
conclusions Warner.
CJCE 5 juillet 1977, Bela-Mühle et autres, Aff. 116/76, 119/76 et 1144/76. (3 arrêts)
CJCE 19 octobre 1977, Albert Ruckdeschel & Co et Diamalt c. Hauptzollamt Itzehoe, Aff.
117/76
CJCE 19 octobre 1977, Moulins & Huileries de Pont-à-Mousson c. Office national
interprofessionnel des céréales, Aff. 124/76
CJCE 25 octobre 1977, Metro c. Commission, Aff. 26-76, Rec. p. 1875.
CJCE 14 février 1978, United Brands c. Commission, Aff. 27/76, Rec. p. 0207
CJCE 23 mai 1978. Hoffmann-La Roche AG c. Centrafarm. Aff. 102/77. Rec. p. 1139
CJCE 25 mai 1978, Bayerische HNL [Lait en poudre]. Aff. 83/76 Conclusions de l'Avocat
Général Capotorti du 1er mars 1978
CJCE 4 octobre 1979, Ireks-Arkady [Quellmehl]. Aff. 238/78 Conclusions de l'Avocat
Général Capotorti du 12 septembre 1979.
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TRIBUNAL
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Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987. Loi transférant à la juridiction judiciaire le
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Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989. Loi modifiant le code du travail et relative à la
prévention du licenciement économique et au droit à la conversion
Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989. Loi relative à la sécurité et à la transparence du
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Décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997.
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674. Obs. V. Bück
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Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011. Système U.
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Cass. Civ 2éme 28 oct. 1954: JCP 1955.II.8765
565
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Cass. Civ. 2éme. 28 oct. 1954: JCP 1955. II. 8765. note R. Savatier ; et RTD civ. 1955. 324.
obs.H. Mazeaud et L. Mazeaud
Cass. Civ. 1ère 22 décembre 1954. Arnaud c. Veuve Gaudion: D. 1955. 254
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Cass. Com. 10 mars 1992: RJDA 4/1992 n° 361.
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Cass. Civ. 2éme 10 févr. 1993. n° 91-18.675: Bull. civ. n° 61.
566
Cass. Soc. 25 février 1993. N° de pourvoi: 90-21552.
Cass. Civ. 2éme 17 novembre 1993. Parfums Chanel. N°: 92-12922.
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Cass. Com. 26 nov. 1996. N° 94-16432. Bull. civ. n°293
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Cass. Com. 16 juin 1998. Coffima c. SRIM. N°: 96-20182. Bull. civ. n°192
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Cass. Civ. 1ère 2 mai 2001. Association Les Petites Iles de France c. Comité régional de
tourisme de Bretagne. N° de pourvoi: 99-10709: Bull. 144 (Cassation)
Cass. Civ. 2éme. 19 juin 2003. N°: 00-22302. Publié au bulletin
Cass. Com. 1er juillet 2003: Rev. Propriété Industrielle 2003. N°96. obs. Schmidt-Salewski
Cass. Civ. 1ère 20 janv. 2004 : Bull. civ. 2004. I. n° 17; JCP G 2004. II. 10033. concl. Sainte-
Rose
Cass. Civ. 2éme 27 mai 2004. Association de sauvegarde église de Castels et château de
Fages. n°02-15700 (Rejet);
Cass. Civ. 1ère 29 juin 2004. n° 03-14.841. Cne Villenave d'Ornon. N° de pourvoi: 03-
14841: Juris-Data n° 2004-024478.
Cass. Civ. 2éme 23 septembre 2004. AGF et autres c. Volvo Trucks France [Incendie du
Tunnel du Mont-Blanc] N°: 02-15782: Bull. civ. N° 428; JCP 2004. IV. 3050.
Cass. Com. 25 janvier 2005. Syndicat des copropriétaires "les sommets de l'Anse Mitan".
N°: 03-14693. Bull. civ. n°13
Cass. Civ. 1ère 30 mars 2005. N°: 02-20429: non publié au bulletin.
Cass. Civ. 2éme 19 mai 2005. d'Orgeville c. Fonds d'Indemnisation des Victimes de
l'Amiante. n° 04-06.028 : JurisData n° 2005-028535 ; Bull. civ. n° 125.
Cass. com. 14 juin 2005. n° 03-12339. Nullité pour réticence dolosive d'une de cession de
parts sociales sous-évaluées.
Cass. Civ. 1ère 21 juin 2005. Site internet d’aide aux victimes d’AZF. N°: 03-13633; Cour
d’appel de Toulouse. 10 février 2003. Site internet d’aide aux victimes d’AZF. N°:
2002/02213.
Cass. Civ. 3éme 22 juin 2005. Simco c/ Saint-Pray. n° 04-10415
Cass. Com. 28 juin 2005. Garage Gremeau c. Daimler Chrysler. N° 04-15.279.
Cass. Civ. 1ère 10 janv. 2006. n° 03-17.839: RTD civ. 2006. 552. obs. J. Mestre et B. Fages.
Defrénois 2006. 597. obs. E. Savaux; Dr. et proc. 2006. 147. obs. E. Putman; LPA 31 oct.
2006. note G. Mécarelli.
Cass. Civ. 2éme 8 février 2006. Aegis c. KR media. N°: 05-14198. Bull. civ. n°44
Civ. 1ère 28 février 2006, Perquin c. Société Universal, n°: 05-15824 : Bull. 126
Cass. Com. 7 mars 2006. Daimler Chrysler c. Garage Gremeau. N° 04-15300.
Cass. Crim. 14 juin 2006. N° de pourvoi: 05-82900: Bull. 181
567
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Cass. Civ. 2éme 5 octobre 2006. Association d'information et de défense des riverains de la
carrière de Luche-Thouarsais c. Carrière de Luche. N° de pourvoi: 05-17602: Bull. 255.
(Cassation);
Cass. Civ. 1ère 24 oct. 2006. n° 04-10.231: RDC 2007. 291. obs. G. Viney; RTD civ. 2007.
122. obs. J. Mestre et B. Fages. V. égal. Cass. civ. 2éme 17 déc. 2009 : Bull. civ. 2009. II. n°
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Cass. Com. 29 juin 2007. Décision relative au secteur de la téléphonie mobile. n° 07-10303
Cass. Civ. 3éme 26 septembre 2007. société civile immobilière Les Chênes c. Union
départementale pour la sauvegarde de la vie et de la nature (UDVN). N° de pourvoi: 04-
20636: Bull. 155. (Cassation);
Cass. Crim. 20 février 2008. [Lycées région Ile de France]. n° 02-82.676: Bull. 44.
Civ. 1ère 19 juin 2008, Perquin c. Société Universal, n°: 07-14277.
Cass. com. 8 juill. 2008. ITM c/ Min Éco. n° 07-13.350: JurisData n° 2008-044848. JCP G
2008. I. 218. n° 18. obs. M. Chagny
Cass. com. 8 juill. 2008. Min. Éco. c/ Galec n° 07-16.761: JurisData n° 2008-044791
Cass. Civ. 1ère 18 septembre 2008. Association française contre les myopathies c.
Association Le Saint-Nicolas. N° de pourvoi: 06-22038: Bull. 201.
Cass. Civ. 1ère 13 novembre 2008. UFC Que Choisir c. Free. n° de pourvoi: 07-15.000:
JurisData n° 2008-045832
Civ. 2éme. 4 juin 2009. pourvoi n°08-15837
Cass. Civ. 1ère 8 octobre 2009. Télécom Italia (ALICE). n° 08-17179
Cass. Civ. 2éme. 22 octobre 2009. N° de pourvoi: 08-18694.
Cass. Com. 19 janvier 2010. SEMAVEM c. JVC. n° 08-19761
Cass. Com. 15 juin 2010. Ajinomoto Eurolysine c. Doux Aliments [Lysine]. n° 09/15816.
Cass. Soc. 12 janvier 2011. Euroguard. n° 08-45280
Cass. Civ. 3éme 4 mai 2011. Association Saint-James c. Caisse des dépôts et consignations.
N° de pourvoi: 10-11863.
Cass. Civ. 1ère 26 mai 2011. UFC Que Choisir c. Bouygues Telecom. N° de pourvoi: 10-
15676
Cass. Civ. 1ère 26 mai 2011. Union fédérale des consommateurs et a. c/ Sté Bouygues
Telecom. n° 10-15676.
Cass. Civ. 2éme 26 mai 2011. Sté SOVAL c. Sté Marcadet. N°: 10-20048
Cass. Com. 2 novembre 2011. Marquage Moderne c. Libell. N° 10-26936
Cass. Com. 10 janvier 2012. N° de pourvoi: 10-26837
Cass. Civ. 3éme 11 janvier 2012. N°: 10-23141: Publié au bulletin.
Cass. Crim. 7 février 2012. N° de pourvoi: 11-83131
Cass. Crim. 11 avril 2012. N° de pourvoi: 11-83007
568
Juridictions du second degré
COUR D’APPEL DE PARIS
Paris. 29 juill. 1882. S. 1882. 2. 223
Paris 1er mars 1913: D. 1913. 2. 372
Paris. 4 mars 1975 : RTD civ. 1975. 780. obs. R. Perrot
Paris 21 mai 1990: BOCC 1er janvier 1990 p. 201
Paris (1A). 8 juillet 1991. Rolex c. SOFIDI. RG n° 91/9140. JurisData : 1991-025254
Paris (4B) 31 octobre 1991. Barichella c. Rolex. RG n° 89/19610
Paris (1A). 19 mai 1993. Mors c. Labinal: Rev. l'Arbitrage 1993. n°4. p. 645-663;
Paris (1A) 31 octobre 1994. UGAP c. CAMIF. RG n° 1993/09481
Paris. 23 mai 1995: Juris-Data n° 022481
Paris 12 décembre 1996. France Abonnements c. Office Universitaire Presse (OFUP): JCP
(E) 1997. II. 953
Paris. 6 mai 1997. Bouygues S.A. et autres c. SNCF: BOCCRF 8 juill. 1997. p. 440
Paris. 16 mai 1997: Juris-Data n° 021391
Paris (1A) 13 janvier 1998. UGAP c. CAMIF. RG n° 1993/09481
Paris. 9 juin 1998. Inter Marchandises (ITM) c. Ministre l'Economie: BRDA 12/98 p. 13
Revue Contr. Conc. Conso. 1998. n°116. obs. Malaurie-Vignal
Paris (1A). 30 septembre 1998. Mors c. Labinal. RG n° 92/20943 : RTD Com. 1998. p. 763
Paris (1A). 22 octobre 2001. UGAP c. CAMIF. RG n° 93/09481
Paris (25A). 28 juin 2002. Philippe Streiff Motorsport c. Speedy: Juris-Data n° 2002-
186210
Paris (1H). 30 mars 2004. Semiacs : BOCCRF. 15 juin 2004
Paris (4B) 22 avril 2005. Perquin c. Société Universal. RG n°04/14933 : Juris-Data n°
2005-268600, JCP E 2005, 1052 ; D. 2005, p. 1573, note C. Castets-Renard.
Paris (5A). 20 décembre 2006. Ministre de l'Economie c. Intermarché (ITM). RG n°
05/24361
Paris (5B) 7 juin 2007. Garage Gremeau c. Daimler Chrysler. n° 05/17909
Paris (4B). 18 avril 2008. SARL PMC Distribution c. SAS Pacific Distribution. RG n°
07/04360
Paris (5-4). 10 juin 2009. Doux Aliments c. CEVA Santé Animale et Ajinomoto Eurolysine
[Cartel la Lysine]. RG n°07/10478
Paris. (5-7). 29 octobre 2009. Pierre Fabre Dermo-Cosmétique. 2008/23812
Paris (5-4). 2 décembre 2009. Auto 24 c. Land Rover. RG n° 08/06680
Paris (5-4). 19 janvier 2011. Compagnie des Salins du Midi c. Carrefour. n° 07/22152
Paris (5-4) 16 février 2011. Coop. Le Gouessant et SOFRAL c. Ajinomoto Eurolysine. RG
n° 08/08727
Paris (5-4). 14 décembre 2011. Cie Emirates c. CHADEP. RG n° 09/20639
Paris (5-5). 2 février 2012. Carrefour Hypermarchés c. Ministre l'Economie. RG n°
09/22350: JurisData 2012-008517
569
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
570
Juridictions du premier degré
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
(Liste exhaustive pour la période 1999-2012 des décisions sur les assignations
formulant une demande de dommages-intérêts fondée sur la violation des règles de
concurrence)
571
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
573
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
574
TCP (19ème Ch.) 13 Octobre 2005. Forum Kinepolis c. Majestic Nimes Caisrg N°Ues. RG
N° 2004085855.
TCP (15ème Ch.) 14 Octobre 2005. Brightpoint c. Groupe Xalis. RG N° 2003027421.
TCP (10ème Ch.) 21 Octobre 2005. Phébus Voyages c. Nouvelles Frontieres Distribution.
RG N° 2004000740.
TCP (10ème Ch.) 21 Octobre 2005. Carpe Voyages c. Nouvelles Frontieres Distribution.
RG N° 2004000740.
TCP (10ème Ch.) 21 Octobre 2005. Chelmarne c. Nouvelles Frontieres Distribution. RG
N° 2004000750.
TCP (1ère Ch.) 24 Octobre 2005. Arte c. Médiamétrie. RG N° 2004048154
TCP (15ème Ch.). 28 Octobre 2005. Neuf Telecom c. France Telecom. RG N°
2005048834.
TCP (Référé) 8 Novembre 2005. France Telecom c. 118 218. RG N° 2005076473
TCP (21ème Ch.) 23 Novembre 2005. Tenor Conseil c. Peugeot. RG N° 2004009948
TCP (15ème Ch.). 25 Novembre 2005. Nerim c. France Telecom. RG N° 2004014154.
TCP (20ème Ch.). Edipost c. La Poste. RG N° 2004039665.
TCP (15ème Ch.). 9 Décembre 2005. Neuf Telecom c. France Telecom. RG N°
2005048834.
TCP (15ème Ch.) 6 Janvier 2006. Tps c. Free. RG N° 2005073192
TCP (15ème Ch.) 6 Janvier 2006. Free c. Tf1 Et M6. RG N° 2005081001
TCP (8ème Ch.) 25 Janvier 2006. M6 c. Endemol Et Tf1. RG N° 2001087363
TCP (15ème Ch.). 13 Février 2006. Banque Chabrieres c. Doremi. RG N° 2005051995.
TCP (Référé). 14 Février 2006. Et Plus c. Eurotunnel. RG N° 2005087782.
TCP (15ème Ch.). 30 Mars 2006. Seddac c. Forns. RG N° 2002077163.
TCP (1b). 27 Mars 2006. Génergie c. Edf Et Dalkia. RG N° 2004054414.
TCP (Référé) 21 Avril 2006. Sfr c. France Telecom. RG N° 2006027619.
TCP (4ème Ch.). 4 Mai 2006. Planete Telecom c. debitel France. RG N° 2003009324.
TCP (15ème Ch.) 12 Mai 2006. Air France c. Ryanair. RG N° 2004057223
TCP (15ème Ch.) 9 Juin 2006. delta Concept c. Seddif. RG N° 2005055684.
TCP (Référé) 12 Juin 2006. Syndicat des Casinos Modernes de France c. La Française des
Jeux. RG N° 2006033465
TCP (10ème Ch.). 16 Juin 2006. Bio7 c. Body One. RG N° 2006029228.
TCP (15ème Ch.). 23 Juin 2006. France Telecom c. Virginmega. RG N° 2005078444.
TCP (1b). 15 Septembre 2006. Delta Concept c. Seddif. RG N° 2005055684.
TCP (15ème Ch.). 15 Septembre 2006. Canal+ c. European Rugby Cup Et France
Télévisions. RG N° 2006038880.
TCP (7ème Ch.) 19 Septembre 2006. Protektor c. Point P. RG N° 2003094444
TCP (15ème Ch.). 29 Juin 2006. Unilever France c. S Cema. RG N° 2005021507.
TCP (11ème Ch.). 2 Octobre 2006. Almet Moto Corbeil c. Aprilia World Service Bv. RG
N° 2002060445.
TCP (6ème Ch.) 2 Octobre 2006. Pescanova c. Casino. RG N° 2004033435
TCP (1b). 6 Novembre 2006. SLR France c. Logirest. RG N° 2004053716.
TCP (3ème Ch.). 15 Novembre 2006. Multi Tv Afrique c. Antennes Electronic. RG N°
2004050259.
TCP (15ème Ch.). 8 Décembre 2006. Presse Communication International c. S Elsevier
Masson. RG N° 2005056006.
TCP (15ème Ch.). 8 Décembre 2006. Direct Energie c. Edf. RG N° 2006020709.
575
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
TCP (1ère Ch.) 18 Décembre 2006. Pompes Funebres Marbrerie Regis Et Fils c. L'union
Nationale des Entreprises de Services Funeraires Syndicat Professionnel. RG N°
2006036547.
TCP (5ème Ch.) 22 Décembre 2006. Desvignes c. Comexpo. RG N° 2005043003
TCP (3ème Ch.) 26 Janvier 2007. Laboratoires Juva c. Roche Vitamins Europe Et
Hoffmann La Roche Ag. [Cartel des Vitamines]. RG N° 2003048044
TCP (Référé) 31 Janvier 2007. Eurotrading c. Acushnet. RG N° 2006076830
TCP (8ème Ch.). 7 Février 2007. Inca Production c. Emi Music France. RG N°
2006006622.
TCP (15ème Ch.). 15 Février 2007. Pacific Création c. Pmc Distribution. RG N°
2006073063.
Tc Paris 29 Mai 2007. Idexx Laboratories Inc c. Mano Medical 2006072651
TCP (7ème Ch.). 29 Mai 2007. Doux Aliments c. Ceva Sante Animale Et Ajinomoto
Eurolysine. RG N° 2006073999.
TCP (15ème Ch.) 21 Juin 2007. Dufry c. Nouvelles Messageries Parisiennes. RG N°
2005049045.
TCP (1b) 4 Juillet 2007. Arcelor c. Edf. RG N° 2007005328
TCP (16ème Ch.). 3 Septembre 2007. Kelkoo c. Multi Epass. RG N° 2006046758.
TCP (8ème Ch.). 19 Septembre 2007. Neuf Cegetel c. France Telecom. RG N°
2007051060.
TCP (2ème Ch.). 25 Septembre 2007. Casty delphes c. S Rolex France. RG N°
2006039461.
TCP (5ème Ch.). 12 Octobre 2007. Jothe c. Magnard. RG N° 2006084050.
TCP (15ème Ch.). 25 Novembre 2005. Nerim c. France Telecom. RG N° 2004014154.
TCP (15ème Ch.). Monsieur Sébastien Amblard et 1538 Autres c. Bouygues Telecom. RG
N° 2006057440.
TCP (7ème Ch.). 22 Janvier 2008. Coopérative Le Gouessant c. Ajinomoto Eurolysine. RG
N° 2005063513.
TCP (7ème Ch.). 22 Janvier 2008. Sofral c. Ajinomoto Eurolysine. RG N° 2005063515.
TCP (1a). 28 Janvier 2008. Monsieur Bruno Galloyer Et 53 Autres c. Euronext Paris. RG
N° J2008005235.
TCP (Référé) 29 Janvier 2008. Fédération Nationale des Transports Routiers c. Sncf. RG
N° 2008006325
TCP (8ème Ch.). 6 Février 2008. Sun Beauty Poissy c. Alizés Diffusion. RG N°
2004070945.
TCP (10ème Ch.). 8 Février 2008. Eas Fret c. S Dhl Express. RG N° 2006046931.
TCP (7ème Ch.). 19 Février 2008. Prodoom c. Veolia Eau- Cge. RG N° 2007078542.
TCP (2ème Ch.). 26 Février 2008. Coty France c. Pmc Distribution. RG N° 2007071536.
TCP (2ème Ch.). 11 Mars 2008. Mademoiselle Laure Angot Et UFC Que Choisir et 4087
Autres Intervenants Volontaires c. SFR. RG N° 2006057417.
TCP (20ème Ch.). 12 Mars 2008. Ufex c. La Poste. RG N° 96072418.
TCP (15ème Ch.). 13 Mars 2008. Turbo Europe c. Automobiles Peugeot. Automobiles
Citroën et Renault. RG N° 2006008432.
TCP (13ème Ch.) 7 Mai 2008. Munter & Fils c. Bmw. RG N° 2007075443
TCP (Référé) 7 Mai 2008. Philippe Almet c. S Suzuki. RG N° 2008028427.
TCP (15ème Ch.). 25 Novembre 2005. Nerim c. France Telecom. RG N° 2004014154.
TCP (16ème Ch.) 26 Mai 2008. Vernouillet c. Suzuki. RG N° 2008000938
576
TCP (Référé) 29 Mai 2008. Fraikin c. France Telecom. Bnp Paribas Lease Et Artegy. RG
N° 2008015500
TCP (2ème Ch.). 3 Juin 2008. Beauté Prestige International c. Pmc Distribution. RG N°
2007045745.
TCP (17ème Ch.). 3 Juin 2208. Century 21 c. Europe Immobilier. RG N° 2007060747.
TCP (8ème Ch.). 11 Juin 2008. Adar Fax Phone Mobile c. Sfr. RG N° 2007032317.
TCP (1b) 30 Juin 2008. Parfums Christian Dior E Autres c. Ebay. RG N° 2006065217
TCP (7ème Ch.). 2 Septembre 2008. Mano Médical c. Idexx Laboratories Inc ( de L'etat
Du delaware). Idexx. Idexx Europe Bv. Ortho Clinical Diagnostics Inc ( de L'etat de New-
York). RG N° 2006072651.
TCP (6ème Ch.). 16 Septembre 2008. Brightpoint c. Xalis. RG N° J2008003184.
TCP (2ème Ch.). 23 Septembre 2008. Aldebert c. S Rolex France. RG N° 2007034907.
TCP (15ème Ch.) 25 Septembre 2008. Panzani c. Heinz. RG N° 2008018072
TCP (15ème Ch.) 25 Septembre 2008. Ris Optique c. Santeclair. RG N° J2008006591
TCP (19ème Ch.) 23 Octobre 2008. Dalkia c. Segap. RG N° J2008005312
TCP (16ème Ch.). 27 Octobre 2008. Bassam Mehri c. de Presse Paris Services. RG N°
2006033534.
TCP (2ème Ch.). 18 Novembre 2008. Laboratoires de Biolo Vegetale Yves Rocher c.
2007038218. RG N° 2007038218.
TCP (20ème Ch.). 19 Novembre 2008. France Telecom c. Numericable. RG N°
2008011884.
TCP (15ème Ch.). 20 Novembre 2008. Noirot c. Jp Outillages. RG N° 2005058271.
TCP (15ème Ch.). 20 Novembre 2008. LB Associés c. La Monnaie de Paris. RG N°
2007044186.
TCP (Référé). 25 Novembre 2008. Denon c. Rue Du Commerce. RG N° 2008053564.
TCP (1b). 1er Décembre 2008. Ne Varietur c. Gaz de France. RG N° J2008006565.
TCP (15ème Ch.) 4 Décembre 2008. Rti c. France Télécom. RG N° 2006075319
TCP (7ème) 9 Décembre 2008. Falken c. Proliman. RG N° 2006050644
TCP (15ème Ch.) 18 Déc. 2008. Balnora. Socplast c. Valorplast. Eco-Emballages. RG N° :
2006035668.
TCP (19ème Ch.) 12 Février 2009. Normandie Mercerie c. Dollfus Mieg. RG N°
J2008006676
TCP 23 Février 2009. Free et Neuf Cegetel c. France Telecom. RG N° J2008006957.
TCP (19ème Ch.) 12 Mars 2009. Western Telecom c. France Telecom. RG N°
2005047500.
TCP (15ème Ch.). 20 Mars 2009. Marie Michaud Creations c. S Cartier Joaillerie
International. RG N° 2006085759.
TCP (1ère Ch.). 23 Mars 2009. Selarl Bourdeleix Et Serrailler c. Cfeb Sisley. RG N°
2007038808.
TCP (5ème Ch.). 29 Mai 2009. Central Color c. Eyeda. RG N° 2007069376.
TCP (15ème Ch.) 29 Mai 2009. E-Box c. La Poste. RG N° 2008060409.
TCP (19ème Ch.). 18 Juin 2009. Roy Agencements c. Système U. RG N° 2007055370.
TCP (8ème Ch.). 24 Juin 2009. Astre Sud Est Logistic c. Carrefour France. RG N°
J2008006360.
TCP (Référé) 26 Juin 2009. Ocito c. Neolane. RG N° 2009039766.
TCP (1ère) 29 Juin 2009. Heurgon et Huguenin c. Audemars Piguet. RG N° 2007017577
TCP (1ère Ch.). 29 Juin 2009. Arcelormittal France c. Edf. RG N° 2008016446.
577
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
578
TCP (1ère Ch.) 8 Novembre 2011. Outremer Telecom c. Orange Caraïbe. RG N°
2010073867.
TCP 8 Décembre 2011. Ebizcuss.Com c. Apple Sales International. RG N°2011077206.
TCP 15ème Ch. 31 Janvier 2012. Bottin Cartographe c. Google. RG N° 2009061231.
TCP 1a. 31 Janvier 2012. Air France c. Equilib . RG N° 2011030421
TCP 15ème Ch. 16 Mars 2012. Ma Liste de Courses c. Highco. RG N° 2011014911.
TCP 15ème Ch. 16 Mars 2012. Dkt International c. Eco-Emballages. RG N° J012000109.
TCP (Référé) 6 Juin 2012. Vente-Privée c. Brandalley. RG N° 2012022489
TCP (15ème Ch.) 16 Juillet 2012. E-Box c. La Poste. RG N° 2008060409
AUTRES JURIDICTIONS
Trib. Civ. Abbeville. 2 février 1875. Dufour c. Dufrien: Journal du Palais. 1877. p. 115
TGI Marseille. 20 févr. 1974. Gaz. Pal. 1974. 2. 544
TGI Paris (référé). 24 mars 1992. Ministre de l'Economie c. Intermarchandises France.
Réf. n° 3153/92.
TGI Châlon-sur-Saône 21 juin 1994. Ministre de l'Economie c. SA SODIMONT (Centre
Leclerc): RJDA 11/94 n° 1160 p. 903
TGI. Paris 30 avril 2004. Perquin c. Société Universal. RG n°03/8500
TGI Strasbourg 25 novembre 2005. Ministre de l'Economie c. LIDL. RG n° 04/00454
TGI Paris 6 décembre 2005 UFC Que Choisir c. Classaction.fr: JCP (G). 2006. II. 10019.
p. 270-273 note R. Martin et D. 2006. p. 141. note Avena-Robardet
TGI Paris (référé) 15 janvier 2009. Région IDF c. société Bouygues et autres [marchés
publics des lycées de la région Ile-de-France]. RG n° 08/55030
Juridictions administratives
CONSEIL D’ETAT
CE 14 décembre 1923, Grands Moulins de Corbeil, Rec. 852: Gaz. Pal. 1924, 1, 118
CE (Ass.) 12 déc. 1953, De Bayo, Lebon, p. 544: RDPA 1954. 3; AJDA 1954. 138.
CE 19 décembre 2007, Campenon-Bernard. n° 268918
CE (sous-sections réunies) 19 décembre 2007, Campenon Bernard. N° 268918: RDP. 20
août 2008, p. 1174. Concl. N. Boulouis
579
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS
TA Bastia 6 février 2003, SARL Autocars Mariani, n° 0100231: J-Cl. Droit administratif.
Mai 2003. Comm. 104 p. 21
TA Paris (6-1), 27 mars 2009, Société Nationale des Chemins de Fer Français [TGV Nord].
n° 9709158
Autorités de Concurrence
COMMISSION EUROPÉENNE
75/75/CEE: Décision de la Commission, du 19 décembre 1974, relative à une procédure
d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/28 851 - GENERAL MOTORS CONTINENTAL)
78/155/CEE: Décision de la Commission, du 23 décembre 1977, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne
(IV/29.146/BMW SA Belgium et concessionnaires belges BMW).
79/68/CEE: Décision de la Commission, du 12 décembre 1978, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/29.430 - Kawasaki)
82/267/CEE: Décision de la Commission, du 6 janvier 1982, relative à une procédure au
titre de l'article 85 du traité CEE (IV/28.748 - AEG-Telefunken).
85/617/CEE: Décision de la Commission du 16 décembre 1985 relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/30.839 - Sperry New Holland)
87/406/CEE: Décision de la Commission du 10 juillet 1987 relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.192 - Tipp-Ex) [IV/31.507 - Tipp-Ex
(contrat type)].
88/172/CEE: Décision de la Commission du 18 décembre 1987 relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.503 - Konica).
88/86/CEE: Décision de la Commission du 18 décembre 1987 relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.017 - Fisher-Price/Quaker Oats Ltd -
Toyco).
89/205/CEE: Décision de la Commission du 21 décembre 1988 relative à une procédure
au titre de l'article 86 du traité CEE (IV/31.851, Magill TV Guide/ITP, BBC et RTE)
91/532/CEE: Décision de la Commission, du 5 juin 1991, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (Aff. n° IV/32.879 - Viho/Toshiba).
92/426/CEE: Décision de la Commission, du 15 juillet 1992, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (Aff. n° IV/32.725 - Viho/Parker Pen)
93/403/CEE: Décision de la Commission du 11 juin 1993 concernant une procédure en
application de l'article 85 du traité CEE (IV/32.150 - UER/Système de l'Eurovision)
580
94/987/CE: Décision de la Commission, du 21 décembre 1994, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CE (IV/32.948 et IV/34.590 - Tretorn et autres).
98/273/CE: Décision de la Commission du 28 janvier 1998 relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.733 - VW)
98/513/CE: Décision de la Commission du 11 juin 1998 relative à une procédure
d'application de l'article 86 du traité (IV/35.613 - Alpha Flight Services/Aéroports de
Paris).
2000/400/CE: Décision de la Commission du 10 mai 2000 relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE (Aff. nº IV/32.150 - Eurovision)
2001/146/CE: Décision de la Commission du 20 septembre 2000 relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE (Aff. COMP/36.653 — Opel)
2001/418/CE: Décision de la Commission du 7 juin 2000 relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Aff.
COMP/36.545/F3 — Acides aminés)
2001/711/CE: Décision de la Commission du 29 juin 2001 dans une procédure prévue par
l'article 81 du traité CE (Aff. COMP/F-2/36.693 — Volkswagen).
2002/190/CE: Décision de la Commission du 21 décembre 2000 relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE (Aff. COMP.F.1/35.918 — JCB)
2002/271/CE: Décision de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE — Aff.
COMP/E-1/36.490 — Électrodes de graphite
2002/742/CE: Décision de la Commission du 5 décembre 2001 relative à une procédure
au titre de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Aff. COMP/E-
1/36.604 — Acide citrique)
2002/758/CE: Aff. COMP/36.264 — Mercedes-Benz: Decision de la Commission du 10
octobre 2001 relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE.
2003/2/CE: Décision de la Commission du 21 novembre 2001 relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Aff. COMP/E-
1/37.512 — Vitamines).
2003/675/CE: Décision de la Commission, du 30 octobre 2002, relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (COMP/35.587
PO Video Games, COMP/35.706 PO Nintendo Distribution et COMP/36.321 Omega —
Nintendo).
2006/1766/CE : Décision du 3 mai 2006 relative à une procédure d'application de l'article
81 du traité (Aff. COMP/F/39.620 Hydrogen Peroxide).
2006/895/CE: Décision de la Commission du 26 mai 2004 relative à une procédure
d'application de l'article 81 du traité CE (Aff. COMP/C-3/37.980 — Souris/Topps)
581
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Avis n° 96-A-13 du 17 décembre 1996 relatif à une demande d’avis de la cour d’appel de
Paris au sujet de l’activité de l’Union des Groupements d’Achat Publics (U.G.A.P
Décision 97-D-56 du 2 septembre 1997 relative à une saisine présentée par la société
Action Funéraire Libreportant sur des pratiques imputables aux sociétés Roblot, Pompes
funèbres généraleset Omnium de gestion financière
Décision 97-D-76 du 21 octobre 1997 relative à des pratiques relevées dans le secteur des
pompes funèbres à Gonesse et dans les communes limitrophes et dans le secteur de la
marbrerie funéraire dans le département du Val d'Oise
Décision n° 99-D-85 du 22 décembre 1999 relative à des pratiques de la société Télévision
Française 1 (TF1) dans le secteur de la production, de l’édition et de la publicité des
vidéogrammes
Décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures
conservatoires présentée par la société 9 Télécom Réseau.
Décision n° 01-D-65 du 10 octobre 2001 relative à la saisine de l'Association Nationale de
Défense des Intérêts des Marchands de Presse (ANDIMAP).
Décision 01-MC-06 du 19 décembre 2001 relative à une demande de mesures
conservatoires présentées par les sociétés Télé 2 et Cégetel.
Décision n° 03-D-09 du 14 février 2003 relative à la saisine de la société Tuxedo relative à
des pratiques constatées sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public
aéroportuaire
Décision 04-D-44 du 15 septembre 2004 relative à une saisine présentée par le Ciné-
Théâtre du Lamentin dans le secteur de la distribution et de l’exploitation de films.
Décision 04-D-49 du 28 octobre 2004 relative à des pratiques anticoncurrentielles dans le
secteur de l’insémination artificielle bovine
Décision 05-D-21 du 17 mai 2005 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur
de la prévoyance funéraire
Décision 05-D-37 du 5 juillet 2005 relative à l’exécution de la décision n° 03-D-03 du 16
janvier 2003 concernant des pratiques mises en œuvre par le barreau des avocats de
Marseille en matière d'assurances.
Décision n° 05-D-39 du 5 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur des pompes funèbres.
Décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées dans le
secteur de la téléphonie mobile
Décision n° 05-D-75 du 22 décembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la
Monnaie de Paris.
Décision 06-D-03 du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur
des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation
Décision n°06-D-04 bis du 13 mars 2006 relative à des pratiques de prix relevées dans le
secteur de la parfumerie de luxe
Décision 06-D-06 du 17 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur
de l’hébergement touristique en gîtes ruraux et en chambres d’hôtes
Décision 06-D-11 du 16 mai 2006 relative à une saisine de la société Turbo Europe.
Avis du 21 septembre 2006 relatif à l’introduction de l’action de groupe en matière de
pratiques anticoncurrentielles
Décision 06-D-36 du 6 décembre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre par la
société civile de moyens Imagerie Médicale du Nivolet.
Décision 07-D-04 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par le réseau
de franchise Jeff de Bruges.
582
Décision n° 07-D-12 du 28 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur du chèque-cinéma.
Décision n° 07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les
marchés publics relatifs aux lycées d'Ile-de-France
Décision n° 07-D-32 du 9 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la
société les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) et la société Auxiliaire
pour l’Exploitation des Messageries Transport Presse (SAEM-TP)
Décision n° 07-D-43 du 10 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par
Electricité de France
Décision 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur de la distribution de jouets.
Décision n° 08-D-04 du 25 février 2008 relative à des pratiques mises en œuvre par les
Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP)
Avis n° 08-A-05 du 18 avril 2008 relatif au projet de réforme du système français de
régulation de la concurrence.
Décision 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur
conseils pharmaceutiques.
Décision 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur
de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre
Décision 10-D-28 du 20 septembre 2010 relative aux tarifs et aux conditions liées
appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques
remis aux fins d’encaissement.
Décision n° 10-D-29 du 27 septembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par les
sociétés ECO-EMBALLAGES et VALORPLAST dans le secteur de la reprise et de la
valorisation des déchets d'emballages ménagers plastiques.
Avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité
en ligne
Décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le
secteur de la signalisation routière verticale.
Juridictions étrangères
ALLEMAGNE
Landgericht Mannheim. 29/04/2005. ORWI [Carbonless paper]. N° 2 O (Kart) 74/04
Landgericht Düsseldorf. 09/03/2006. Cartel Damage Claims c. Cemex. 34 O (Kart)
147/05.
Oberlandesgericht Düsseldorf. 03/05/2006. Cartel Damage Claims c. Cemex e.a. 34 O
(Kart) 147/05.
Oberlandesgericht Düsseldorf. 14/05/2008. Cemex e.a c. Cartel Damage Claims. 34 O
(Kart) 147/05
Bundesgerichtshof. 10/12/2008. Stadtwerke Uelzen. KVR 2/08.
Bundesgerichtshof. 07/04/2009. Cemex e.a c. Cartel Damage Claims. KZR 42/08
583
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
ROYAUME-UNI
Court of Appeal (Queen's Bench). 20 décembre 1882. Compagnie Financiere du Pacifique
v. Peruvian Guano Company. (1882) 11 QBD 55
Court of Appeal, 22 mai 1974, Application des Gaz SA v. Falks Veritas : Common Market
Law Review, 1974, vol. 2 p.75
Court of Appeal, 18 mai 1982, Garden Cottage Foods v. Milk Marketing Board: Common
Market Law Review 1982, vol. 2 p. 1114.
House of Lords, 23 juin 1983, Garden Cottage Foods v. Milk Marketing Board: Appeal
Cases Law Reports 1984 p. 130
High Court (Ch.) 19 october 2007. Devenish Nutrition Ltd & Others v/. Sanofi-Aventis
SA & Others. [2007] EWHC 2394 (Ch)
Court of Appeal (Civil Div.) 14 october 2008. Devenish Nutrition Ltd & Others v/.
Sanofi-Aventis SA & Others. [2008] EWCA Civ 1086
Court of Appeal. 18 november 2010. Emerald Supplies Ltd and another v. British Airways.
[2010] EWCA Civ 1284.
ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE
Cour Suprême fédérale des Etats-Unis
584
Cours suprêmes étatiques
Circ. Court Rhode Island. Nov. 1820. William West v. Job Randall and Jeremiah Phillips.
Court of appeal (7th Circ.). 22 juin 1976. State of Illinois v. Ampress Brick Co. 536 F2d
1163
Court of Appeals (2nd Circ.). 10 juin 1971. Securities and Exchange Commission v. Texas
Gulf Sulphur. 446 F.2d 1301.
Court of Appeals (2nd Circ.). 25 June 1979. Berkey Photo v. Eastman Kodak Company.
603 F.2d 263.
Court of Appeals (2nd Circ.). 29 mars 1971. State of West Virginia v. Pfizer: 440 F.2d 1079.
Court of Appeals (3rd Circ.). 11 avril 1967. Hanover Shoe v. United Shoe Machinery. 377
F.2d 776
Court of Appeals (6th Circ.). 13 septembre 1999. of America v. Universal Management
Services. 191 F.3d 750
Court of Appeals (9th Circ.). 7 février 1973. State of California v. Frito-Lay. 474 F.2d 774
Court of Appeals. Second Circ.. 29 mars 1971. STATE OF WEST VIRGINIA v. CHAS.
PFIZER & CO. 440 F.2d 1079
Court of Appeals. Second Circ.. May 1. 1973. EISEN v. CARLISLE & JACQUELIN. 479
F.2d 1005
Court of Appeals. Seventh Circ.. Jan. 29. 2004. Mirfasihi v. Fleet Mortg. Corp. 356 F.3d 781
District Court District of Columbia. 7 juillet 1999. Federal Trade Commission v. Mylan
Laboratories.
District Court of Columbia. 31 mars 2000. In re Vitamins Antitrust Litigation: 2000 WL
1737867 (D.D.C.). 2000-1.
District Court District of Columbia. 14 décembre 2001. Federal Trade Commission v. First
Data Bank.
District Court Houston. 22 février 2006. Mark Newby et al. v. Enron Corp. [In re Enron
Corporation Securities & ERISA Litigation]. Civil Action n° H-01-3624
District Court Massachusetts. Feb. 18th 1953. v. United Shoe Machinery Corp. 110 F.Supp.
295
District Court New York.. 27 Septembre. 1966. Eisen v. Carlisle & Jacquelin: 41 F.R.D. 147
585
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
District Court. S.D. New York. June 24. 1970. STATE OF WEST VIRGINIA v. CHAS.
PFIZER & CO. [antibiotic drug antitrust actions]. 314 F.Supp. 710
District Court. S. D. New York. April 7. 1971. EISEN v. CARLISLE & JACQUELIN. 52
F.R.D. 253
District Court. April 29th 1975. State of Illinois v. Ampress Brick Co. 67 FRD 461
District Court. S.D New-York. 16 june 1978. Berkey Photo v. Eastman Kodak Company.
457 F.Supp. 404
District Court New-York. 17 octobre 1991. State of New-York et al. v. Nintendo: 775
F.Supp. 676.
District Court New-York. 20 octobre 1995. State of New-York et al. v. Reebok: 903
F.Supp. 532
District Court New York. 21 septembre 2005. In re WorldCom Securities Litigation.
District Court Pennsylvania. Feb. 12th 1960. Hanover Shoe v. United Shoe Machinery. 185
F.Supp. 826
District Court Pennsylvania. Aug. 12th 1965. Hanover Shoe v. United Shoe Machinery. 245
F.Supp. 258
586
JURISPRUDENCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
Décisions sur une demande de dommages-intérêts du fait d'une
infraction au droit de la concurrence
(1er janvier 2000- 31 décembre 2010)
Les tables annexées recensent les décisions adoptées par le Tribunal de Commerce de Paris sur
les demandes formulant explicitement ou implicitement une demande de dommages-intérêts sur
le fondement de l'article 1382 du Code civil en combinaison avec les articles L420-1 et L420-2
Code de Commerce et/ou articles 101 et 102 TFUE. En pratique, les assignations visent la
plupart du temps indistinctement l'interdiction des ententes et abus de position dominante. Afin
de faciliter la lecture, seul le fondement le plus pertinent a été retenu.
1
Décisions faisant droit à une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
2
Décisions faisant droit à une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
3
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
4
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
5
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
6
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 13 juin Action
36 Fond Demande Principal Dommages-intérêts 2 286 736,00 € L.420-2 al.1 Déboute cocontractant éviction
2003, Megamix c. CORA, RG n° 2001047644 . indépendante
7
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
8
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
9
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
10
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
11
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
12
Décisions rejetant une demande de réparation du préjudice causé par une infraction
13
Décisions constatant le désistement d'action en réparation
14
BV, RG n° 2002060445.
Décisions constatant le désistement d'action en réparation
15
SMOB c. STIME, RG n° 2008046880.
Décisions constatant le désistement d'action en réparation
16
Actions de suivi en réparation (faisant suite à une décision préalable d'une autorité de concurrence)
Objet de la Fondement de
Affaire type action type décision Montant demande Résultat Montant alloué
prétention la prétention
17
Actions de suivi en réparation (faisant suite à une décision préalable d'une autorité de concurrence)
18
Actions de suivi en réparation (faisant suite à une décision préalable d'une autorité de concurrence)
19
Actions de suivi en réparation (faisant suite à une décision préalable d'une autorité de concurrence)
20
Demandes d'amicus curiae auprès d'une autorité de concurrence ou régulation
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.) 26 novembre 2004, Autorité de régulation des
Action
3 Télé2 c. Universal Telecom et MCI Worldcom, RG n° ADD Demande Principal Amicus Curiae art. 143 CPC télécommunications (ARCEP Fait Droit
indépendante
2003059454 ex ART)
21
Demandes d'amicus curiae auprès d'une autorité de concurrence ou régulation
Tribunal de Commerce de Paris (15ème ch.), 8 décembre 2006, Action art. 15 régl.
15 Fond Demande Principal avis Commission Européenne Désistement
Direct Energie c. EDF, RG n° 2006020709. indépendante 1/2003
Tribunal de Commerce de Paris (7ème ch.), 2 septembre 2008, Action art. 15 régl.
18 Fond Demande Subsidiaire avis Commission Européenne Désistement
Mano Médical c. IDEXX Laboratories, RG n° 2006072651. indépendante 1/2003
Tribunal de Commerce de Paris (7ème ch.), 2 septembre 2008, Action art. 15 régl.
19 Fond Demande Subsidiaire Amicus Curiae Commission Européenne Désistement
Mano Médical c. IDEXX Laboratories, RG n° 2006072651. indépendante 1/2003
22
Demandes de sursis à statuer
Objet de la Fondement de
Affaire type action Position Résultat
prétention la prétention
23
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
JurisData : 1993-043882
1
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
3
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
4
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
5
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2000013992
6
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
7
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
8
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2002018462.
9
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
Parisienne, RG n° 2002001150
10
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
11
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
RG n° 2002046027.
12
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
13
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
14
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
15
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2002036730
16
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
17
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2004027072.
18
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2001081610
19
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
20
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
21
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
22
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
23
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
24
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2005008769.
25
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
26
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
27
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
28
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2002084280
29
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2003027421.
30
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2004078165-1
31
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2004014154.
32
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2005051995.
33
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
34
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2005078444.
35
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2005021507.
36
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
37
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
38
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2006073063.
39
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
40
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2006039461.
41
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
Telecom, RG n° 2006057440.
42
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
RG n° J2008005235.
43
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
SFR, RG n° 2006057417.
44
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
n° 2006008432.
45
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
n° 2006008432.
46
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
47
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
48
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
49
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
J2008006591
50
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
n° 2008011884.
51
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
Emballages, RG n° : 2006035668.
52
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
53
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
Sisley, RG n° 2007038808.
54
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
France, RG n° J2008006360.
55
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
56
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
canadien, RG n° 2009037636.
57
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
canadien, RG n° 2009037636.
58
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
59
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
60
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2007054040.
61
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2008011737.
62
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
63
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
64
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
2008025991.
65
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
66
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
67
type Ordre des Objet de la Montant Fondement de la
Affaire type action Position Résultat Montant alloué Préjudice
décision demandes prétention demande prétention
68
INDEX THÉMATIQUE
Les numéros renvoient aux paragraphes
INTRODUCTION .............................................................................................. 3
CHAPITRE 1 - LA DÉPENDANCE EN DROIT DES ACTIONS DE SUIVI : L’AUTORITÉ SUR LA FAUTE ____ 32
Section 1 - L’absorption substantielle de la faute délictuelle par l’infraction .............................. 34
Paragraphe 1 - Un régime de responsabilité formellement délictuel ...................................... 34
I- Le fondement communautaire du droit à réparation ..................................................... 34
II- Le rôle auxiliaire du droit interne de la responsabilité.................................................... 36
Paragraphe 2 - Un régime de responsabilité substantiellement communautaire ................... 41
I- Une responsabilité unilatérale: le critère de la responsabilité significative .................... 42
II- Une infraction unilatérale: l'accord vertical imposé ....................................................... 44
Section 2 - La dépendance procédurale des actions civiles en suivi à l’égard des décisions des
autorités de concurrence ............................................................................................................... 51
Paragraphe 1 - Le risque de contradiction des actions indépendantes ................................... 53
I- Le contentieux de la concurrence déloyale .................................................................... 54
A- Les allégations de cartels .......................................................................................... 54
1°) Affaire Speedy: un succès peu significatif ............................................................ 55
2°) Affaire Eurovision: un échec logique.................................................................... 56
B- Les allégations d’abus de position dominante ........................................................... 59
1°) Preuve de la domination ...................................................................................... 61
a) Délimitation du marché .................................................................................... 62
b) Caractérisation de la domination ..................................................................... 63
c) Cas particulier des opérateurs historiques ........................................................ 70
2°) Preuve de l'abus .................................................................................................. 72
a) L'abus rejeté: affaire de la SUBSTANTIFIQUE MOELLE ............................................. 72
b) Fuite du contentieux vers des qualifications de substitution ............................ 76
c) L'abus admis: affaire Google Maps ................................................................... 79
II- Le contentieux du contrat .............................................................................................. 81
A- Entrée dans le réseau ................................................................................................ 82
B- Sortie du réseau ........................................................................................................ 86
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
588
TITRE II LES LIMITES TENANT À LA MESURE DU PRÉJUDICE : L’APORIE COMPENSATOIRE DU PRÉJUDICE
185
CHAPITRE 1 - LE PRÉJUDICE D’ÉVICTION : L’IMPRÉCISION TOLÉRÉE ____________________ 187
Section 1 - Précision impossible ................................................................................................ 188
Section 2 - Approximation raisonnable ..................................................................................... 196
Paragraphe 1 - La liberté du juge .......................................................................................... 196
I- L'appréciation souveraine des juges du fond en fait ..................................................... 196
II- Techniques d'approximation en droit ........................................................................... 200
A- La perte de chance .................................................................................................. 200
B- Souplesse du préjudice moral ................................................................................. 204
1°) Le préjudice inchiffrable .................................................................................... 204
2°) Le préjudice nécessaire ..................................................................................... 208
Paragraphe 2 - La conviction du juge .................................................................................... 213
I- Crédibilité des experts .................................................................................................. 214
II- Volontarisme des juges ................................................................................................ 218
A- Le rôle déterminant de Guy CANIVET ........................................................................ 219
B- Améliorer la formation ............................................................................................ 225
Conclusion n° 3: L'absence d'obstacle juridique à l'évaluation du préjudice ................................ 228
589
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
TITRE I LES PROPRIÉTÉS PUNITIVES DES RECOURS COLLECTIFS EN FORME PRIVÉE...................... 298
CHAPITRE 1 - LES LIMITES MATÉRIELLES DES TECHNIQUES D ’AGRÉGATION DE LITIGES INDIVIDUELS : LES
MARCHANDS DE PROCÈS _________________________________________________ 299
Section 1 - Limites de la cession de créances ............................................................................ 300
Paragraphe 1 - Limites du modèle juridique ......................................................................... 300
I- Illicéité tenant à l'objet ................................................................................................ 301
A- Cessibilité des créances délictuelles qui ne sont pas attachées à la personne ......... 301
B- Régime du retrait des droits litigieux....................................................................... 306
II- Illicéité tenant à la profession ...................................................................................... 307
A- Absence de principe général d'interdiction ............................................................. 308
B- Déontologie de la profession d'avocat .................................................................... 310
Paragraphe 2 - Limites du modèle économique .................................................................... 313
I- Mécanique de la transaction ........................................................................................ 313
A- Bilan judiciaire incertain .......................................................................................... 314
B- Tropisme extrajudiciaire assumé ............................................................................. 316
II- Ciblage des acheteurs directs ....................................................................................... 320
Section 2 - Limites de l'action en représentation conjointe ....................................................... 323
590
Paragraphe 1 - Obstacle apparent du démarchage juridique ................................................ 323
Paragraphe 2 - Phénomène d'apathie rationnelle ................................................................ 325
Conclusion n° 5: L'échec prévisible des techniques d'agrégation .................................................. 331
CHAPITRE 2 - LES LIMITES JURIDIQUES DES TECHNIQUES FONDÉES SUR LA REPRÉSENTATIVITÉ : LES
PROCUREURS PRIVÉS ___________________________________________________ 332
Section 1 - L'imperfection de la class action .............................................................................. 333
Paragraphe 1 - Une indemnisation approximative ................................................................ 334
I- Indétermination des bénéficiaires ................................................................................ 334
A- Affaire des antibiotiques ......................................................................................... 334
B- Affaire Eisen v. Carlisle & Jacquelin ......................................................................... 338
II- Distribution fluide ........................................................................................................ 340
A- Affaire Levi's ............................................................................................................ 341
B- Systématisation postérieure .................................................................................... 346
Paragraphe 2 - Une fonction répressive ................................................................................ 348
I- La confiscation du gain illicite ....................................................................................... 348
II- Une action publique déguisée ...................................................................................... 351
Section 2 - L'optimisation de l'action dans l'intérêt collectif ..................................................... 355
Paragraphe 1 - Inutilité du recours collectif .......................................................................... 359
I- L'action en défense des intérêts collectifs en cas d'infraction pénale ........................... 359
A- La lutte syndicale pour l'habilitation législative ....................................................... 360
B- Maquis des habilitations législatives ....................................................................... 362
II- L'action au nom des intérêts collectifs en l'absence d'infraction pénale ...................... 364
A- Revirement sur l'action des associations de consommateurs .................................. 364
B- Rôle supplétif des associations de consommateurs ................................................. 366
Paragraphe 2 - Fonction de peine privée .............................................................................. 368
I- Confiscation du gain illicite ........................................................................................... 368
A- Dommages et intérêts ............................................................................................. 369
B- Injonction pour autrui ............................................................................................. 372
II- Affectation au bénéfice des consommateurs ............................................................... 373
A- Technique de la fondation....................................................................................... 375
B- Technique de la fiducie ........................................................................................... 378
Conclusion n° 6: Une action de classe à la française à droit constant ........................................... 384
TITRE II LA COMPÉTENCE DES AUTORITÉS DE CONCURRENCE SUR LES RECOURS COLLECTIFS EN FORME
PUBLIQUE 385
CHAPITRE 1 - LES PROCUREURS PUBLICS _____________________________________ 387
Section 1 - L'action publique en disgorgement en droit américain ............................................ 388
Paragraphe 1 - Une voie complémentaire d'appoint ............................................................ 388
591
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
592
OUVRAGES __________________________________________________________ 504
MÉLANGES__________________________________________________________ 512
THÈSES ____________________________________________________________ 515
COLLOQUES _________________________________________________________ 518
ARTICLES ___________________________________________________________ 526
RAPPORTS ET DOCUMENTS OFFICIELS _________________________________________ 551
DOCUMENTS D'UN SITE WEB ______________________________________________ 558
593
L’INEFFICACITÉ DE L’ACTION CIVILE EN RÉPARATION DES INFRACTIONS AU DROIT DE LA CONCURRENCE
Etude du contentieux français devant le Tribunal de Commerce de Paris (2000-2012)
Le Livre Vert et le Livre Blanc de la Commission Européenne sur les actions en dommages-
intérêts en cas d'infraction au droit communautaire de la concurrence ont constaté l'inefficacité
de l'action en réparation et identifié certains obstacles. L'étude empirique remet partiellement en
cause ce constat. Les actions en réparation du préjudice d'éviction engagées entre concurrents
apparaissent raisonnablement efficace. Les réformes proposées en matière probatoire pour l'accès
aux documents n'apporteraient aucun progrès sensible, pas plus que l'adoption d'un instrument
non-contraignant sur la quantification du préjudice. En revanche, les actions en réparation du
préjudice de surcoût engagées par les acheteurs directs ou indirects paraissent vouées à l'échec
dans le cadre actuel de la responsabilité civile, en l'absence de recours collectif. La réflexion est
engagée au niveau national et européen. Toutefois les options envisagées ne paraissent guère
convaincantes. À partir des enseignements de l’expérience américaine en matière de class actions
et actions parens patriae, il est proposé un mécanisme public de recours collectif basé sur une
révision à droit constant de la politique de sanction des Autorités Nationales de Concurrence et
de la Commission Européenne. Notamment s’agissant de l’Autorité française de la Concurrence -
dans le cadre des limites légales de son pouvoir de sanction et du pouvoir d’appréciation qui lui
est légalement reconnu – il serait possible selon les circonstances : soit de prononcer des
injonctions de faire tendant à la création de fonds ad hoc d’indemnisation collective, soit
d’affecter une partie du produit des amendes à l’indemnisation des consommateurs via un fonds à
titre de peine privée, soit de conditionner le bénéfice du programme de clémence à
l’indemnisation préalable des victimes de l’infraction.
MOTS-CLÉS : Droit de la concurrence - Art. 101 ou 102 TFUE – article 1382 Code civil –Responsabilité
civile - Union européenne – Procédure civile - Dommages-intérêts – Concurrence déloyale - Recours
collectifs –Class actions – Actions de groupe – Autorité de la concurrence – Commission européenne –
Politique de clémence – Politique de sanction – Amendes.