DCB CM
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Examen : 4 notes : note de participation orale 20% / interrogation de cours 20% / DST 1 mercredi 10
novembre 14h-17h dissertation commentaire d’arrêt commentaire d’article ou questions de réflexion
20% / DST 2 40%
Introduction :
Nous allons étudier les droits réels (droit réels et droits personnels = droit patrimoniaux)
Dans une première approche le droit des biens désigne l’ensemble les règles juridiques qui régissent
les bien c’est une branche du droit objectif dont découle les droits subjectifs des individus, il existe un
droit des biens. Le problème se pose pour la définition des « biens » on doit donc cerner cette notion.
- La première c’est que dans le code civil il n’existe pas de définition légale de biens, le code classe
les biens meubles en 2 catégories : les biens meubles et immeubles, et puis le code évoque les
droits relatifs à ses bien par exemple le droit immobilier le droit foncier le droit de servitude …
- La seconde imperfection du code civile c’est que la lettre des textes entretiens une confusion
permanente entre la chose elle-même et le droit relatif à cette chose
Exemples 1 : articles 517 et suivants du code civil : relatif aux immeubles, on s’aperçois que les
immeubles peuvent être des choses comme des bâtiments des fond de terre mais aussi des droits qui
porte sur ses choses comme l’usufruit comme la servitude donc les immeubles peuvent être des
immeubles et des droits
Exemple 2 : article 527 : relatif aux meubles ; on s’y réfère aux meubles tel qu’une table une chaise
mais on se réfère aussi au droit
On ne sait donc pas si un bien c’est une chose un droit ou les deux, il y a plusieurs possibilités :
- 1 er possibilité :
Une chose est un droit : dans cette conception un bien serais polysémique, le terme peu ainsi évoquer
une chose ou un droit on trouve cette théorie sous certains auteurs selon Philippe Malaurie et Laurent
Aynès « les biens constituent toujours des droits évaluables en argent ; le bien est donc une chose
objet d’un droit ». Cette possibilité pose une véritable problématique car en matière de propriété, cette
analyse mène à une impasse, si on admet que le bien peut être à la fois un droit et une chose cela
signifie donc que le propriétaire a dans son patrimoine 2 choses différentes il a la chose et le
droit de propriété sur cette chose il a donc 2 biens pour une seule chose, ont abouti donc à une
sorte démultiplication des richesses infondé. Par conséquences si on dit que le bien est à la fois le
chose et le droit ont aboutie à une hérésie au niveau du droit de propriété. Il est certain à ce stade que
le terme de biens ne peut pas renvoyer à la chose et au droit relatif à cette chose.
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DROIT CIVIL DES BIENS
- 2 eme possibilité :
Le bien renvoie à la chose elle-même, il faut dire qu’une bonne partie de la doctrine considère que la
notion de bien renvoie à celle de chose, mais ses auteurs précisent immédiatement que si le bien est
une chose, toute chose n’est pas un bien, mais ils ne sont pas tous d’accord :
Cette doctrine pause une véritable difficulté, il y a très longtemps maintenant qu’il n’est plus a
démontrer que le droit de créance n’est pas simplement un lien de droit entre deux personnes mais
constitue également un bien c’est ce qu’indique l’article 529 et c’est pour ça qu’il existe la cession de
créance (cession d’un droit) dès lors si on dit que le bien est une chose comment expliqué que le
droit personnel est un bien ?
Tous ses auteurs sont obligés d’admettre que le bien c’est aussi un droit. Il y a eu un projet
d’article « sont des biens les choses corporelles ou incorporelles faisant l’objet d’une appropriation,
ainsi que les droit réels et personnels » au fond le terme bien vise à la fois la chose et le droit et donc
on achève sur la même conclusion sur le point précédent donc il n’est pas possible d’assimiler la chose
au bien.
- 3 eme possibilité qui consiste à dire qu’un bien ce n’est pas un une chose ou un droit mais
seulement un droit
Cette analyse est plus juste, en effet tous les biens qui appartiennent à une personne figurent dans son
patrimoine, or le patrimoine c’est une entité abstraite or il y aurait quelque chose de pas très logique de
faire apparaitre dans une entité abstraite quelque chose de réel en revanche dans se patrimoine abstrait
on peut faire y figurer un droit car un droit qu’il soit réel ou personnel il sera abstrait également.
A considéré que les biens sont des droits il se pose un problème de frontière : est-ce que tous les droits
sont des biens ? en réalité il faut répondre par la négative a cette question, les biens on vocation a entre
dans le patrimoine de la personne donc les droits doivent être évaluable en argent pour rentrer dans le
patrimoine, au contraire s’ils ne sont pas pécuniaires les droits ne sont pas des biens.
On fait la différence grâce au phénomène de la rareté et d'accaparement des richesses, autrement dit on
accapare le bien exemple un ordinateur est un bien pécuniaire qui ne peut être qu’a 1 personne.
Au contraire les droits de la personnalité tel que droit à l’image droit à la liberté etc sont des droits ex
patrimoniaux.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Dans le sens courant : pour parler du patrimoine on vise la richesse de la personne d’autres types de
patrimoine ça peut être génétique culturel …
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DROIT CIVIL DES BIENS
1er c’est la fiducie, par une loi de 2007 acte par lequel une personne
transmet des biens a une autre à charge quelle administre ses biens
dans un but particulier dans le model de fiducie a la française le
législateur a décider que celui qui reçois les biens a charge de les
administre doit les tenir séparé de son patrimoine propre ce qui signifie
que les bien mis en fiducie vont constituer un nouveau patrimoine et
donc celui qui reçois va avoir 2 patrimoine celui de la fiducie et son
patrimoine personnel
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’étude de l’histoire du des biens c’est l’étude de la propriété foncière c'est à dire celle des immeubles,
historiquement les immeubles ont toujours été considéré comme des biens plus importants que les
autres. Tout simplement parce que c’est a travers la conception qu’on se fait de la propriété qu’on se
fait de l’idée sur l’organisation de la civilisation. Cette histoire commence a l’époque romaine en
constant 3 points :
- Le droit romain connaissait certaines formes d’appropriation collective : c'est à dire que
certains biens appartenait à plusieurs personnes,
- Mais il existait également des propriétés individuelles tel que la propriété quiritaire c’est la
propriété du pater familias qui agissais sur les biens meubles et sur les personnes
- Progressivement le droit romain a fini par percevoir la différence qu’il y a entre la chose et
le droit qu’il y a sur la chose. On a distingué la chose comme objet du droit et le droit
comme pouvoir qu’il y a sur la chose, et donc le droit romain est arrivé à la conclusion
qu’une personne peut avoir la chose tant que l’autre détiens la propriété dans son patrimoine
Au début de l’ancien droit la propriété individuelle n’existait quasiment pas avant c’est des propriété
collectives et surtout le régime juridique des biens dans l’ancien droit constitue une transposition dans
l’organisation sociale, on transmet le système de la féodalité, il se traduit pour les immeuble par la
superposition de 2 droit de propriété diffèrent ce qu’on appelle le domaine émiant qui appartient au
seigneur et le domaine utile qui appartiens au fermier, et en vertu de cette décomposition le fermier
était tenu de lui verser des redevances et surtout il était tenu d’u certain nombre de corver qui était des
oligation de faire.
C’est sous l’ancien droit qu’on a assisté a la naissance d’une règle qui est spécifique a la matière
mobilière règle selon laquelle la possession vaux titre c'est à dire que le pouvoir de faite qu’une
personne va exercer sur une chose mobilière et la titularité d’une chose va finir par se confondre
autrement dit la possession vaux titre
A la suite de l’ancien droit arrive la Révolution française, qui voulais mettre fin au système féodale,
et la conséquence de cette suppression c’est la suppression du domaine imminent et domaine utile
grâce aux articles 2 et 17 de la DDHC dont il ressort que la propriété est un droit de l’homme
imprescriptible individuel et sacré. Le code civil a consolidé cet acquis révolutionnaire pour plusieurs
raisons :
Le code civil va reprendre cette idée et donc il est constitué autour de la propriété : notamment au livre
2 « des biens et des différentes modifications de la propriété » et 3 « des différentes manières dont on
acquière la propriété ».
Autre exemple sur le caractère central de la propriété : il y a des droits de jouissance qui permette a
une personne d’avoir l’usage et les fruits d’une propriété qui appartiens a une autre, le législateur a
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DROIT CIVIL DES BIENS
reduit le temps sur ses droit de jouissance pour limiter ce temps afin que le propriétaire reprenne sa
chose.
Les servitudes ou les services fonciers : le code civil dans son article 637 a été rédiger de tel façon a ce
que les individus ne puissent pas faire renaitre le système de la féodalité, il est impossible de faire
revivre cet ancien système et surtout l’ancien système des corvées.
L’époque contemporaine :
On a assister durant ses 2 siècles, a une modification des compositions des patrimoines : les fortunes
étaient essentiellement faites d’immeubles et de titres de société, on a assister à la naissance et à la
multiplications des biens corporels (ce sont des choses impalpables exemple brevets les marques et les
fonds d’exploitations) et a une époque encore plus ressente on voit apparaitre a nouveaux des biens
complètements différents comme les donner les information les quotas et les cryptos actifs.
De plus il y a un certain paradoxe qui entoure la propriété qui a été sacraliser par le code civil, a
l’époque contemporaine on a un double mouvement contraire :
- On assiste aussi à un renforcement du droit de propriété qui passe par la fonda mentalisation
du droit de propriété ce qui se traduit par une protection supra légale :
Elle est constitutionnelle puisque le conseil constit a hériter la défense constitutionnelle du
droit de propriété dans une décision de 1982 et elle a été renforcer en 2010 après la
création de la QPC qui permet de passer au crible toutes les disposition du code civil et en
particulier sur la propriété
Cette protection supra légale passe aussi par une protection internationale : art 1er du
Protocol additionnel de la CEDH, qui interdit au législateur national d’y porter des
atteintes. Le législateur peut intervenir en matière de propriété il a le droit de crée des
atteintes au droit de propriété mais l’atteinte doit être légitime, justifier et il faut que cette
atteinte soit proportionnelle au but établie.
- Les sources du droit des biens : la première source c’est le livre 2 du code civil, mais le
code présente un certain nombre d’inconvénients
1. La partie consacré au bien c’est celle qui fut le moins bien rédiger en 1804 elle est assez
faible sur les fondements mais elle rentre dans des détails assez inutiles
2. C’est une partie qui a été très peu modifier et qui est assez ancienne qui ne satisfait plus
les besoin pratique ce qui explique que le droit des biens c’est développer dans plusieurs
autres codes : code du patrimoine, dans le code rural et de la pèche maritime, dans le code
de l’urbanisme, code de la construction….
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DROIT CIVIL DES BIENS
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DROIT CIVIL DES BIENS
Le droit personnel c’est : le droit de créance c’est la face active d’un rapport d’obligation
personnel c’est un lien de droit entre 2 personnes en vertu duquel le créancier peut exiger une certaine
prestation du débiteur (le sujet passif). Dans une obligation personnelle on a toujours la réunion de 2
éléments : la prestation et le rapport de contrainte qui va permettre au créancier d’être désintéresser en
vertu de la défaillance du débiteur.
Du coter du droit réel les choses sont plus compliquer car le droit réel donne naissance à
plusieurs conceptions doctrinales différentes les unes des autres.
- La classique
- La personnaliste
- La néo personnaliste
C’est celle qui a eu cour tout au long du 19 eme siecle et qu’on retrouve chez un très grand nombre
d’auteur, dans cette conception le droit réel s’oppose au droit personnel qui le droit contre une
personne alors au contraire le droit réel c’est le droit sur une chose. Dans cette conception le droit réel
c’est un droit réel et immédiat sur une chose autrement dit le titulaire du droit réel va pouvoir accéder
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DROIT CIVIL DES BIENS
directement à la jouissance de la chose sans passer par le créancier on en déduit un caractère essentiel :
l’absolutisme, l’idée est la suivant le droit personnel est essentiellement relatif vu qu’il s’exerce sur
une personne et le droit réel s’impose a tous donc il est absolue.
La doctrine classique considère que le droit réel est doter de 2 attribues qu’on ne retrouve pas dans le
droit personnel :
- Le droit de préférence droit qui permet au titulaire de droit réel lorsqu’il est en conflit
avec le titulaire d’un droit personnel d’être systématiquement préféré.
Exemple : hypothèse dans laquelle un créancier personnel souhaite saisir un bien qui
appartient à une autre personne que son débiteur. Dans ce cas, cette autre personne va
pouvoir faire échapper ce bien à la saisie. Le propriétaire va donc être préféré au créancier
titulaire d’un droit personnel.
Exemple : le créancier personnel souhaite saisir un bien qui appartiens à son débiteur mais
sur lequel une autre personne a un droit tel que le droit d’usufruit cette tiers personne pourra
faire respecter son droit réel
Exemple : on a un conflit entre 2 créanciers d’un même débiteur qui veulent obtenir le
payement sur un bien si l’un des 2 a un droit réel de garantie tel qu’une hypothèque, il
pourra donc passer avant, il va être préféré a l’autre créancier.
- Le droit de suite : permet au titulaire du droit réel d’exercer son pouvoir sur la chose
en quelque main quelle passe ou quelle se trouve : c'est à dire une chose a vocation de
passer de main en main, celui qui a un droit réel sur la chose va pouvoir exercer son droit
réel même sil elle change de main
Exemple : le proprio d’une chose en est injustement dépossédé dans ce cas il va pouvoir
revendiquer sa chose c'est à dire la suivre entre les mains de qui elle se trouve
Exemple : une personne est propriétaire d’une chose et une autre personne a un droit réel
sur la chose : si le propriétaire transmet son droit réel a une autre personne l’autre personne
qui a un droit réel pourra continuer à l’exercer
En définitive dans cette théorie le droit réel c’est un droit direct sur une chose qui
s’impose à tous qui confère le droit de préférence et le droit de suite.
Cette conception est l’œuvre d’un juriste français à la fin du 20 eme siècle : PLANIOL. Le point de
départ est le suivant : le Droit c’est un instrument qui sert à régir les relations entre les personnes. Or,
les droits subjectifs sont issus de ce Droit. C’est le système juridique qui va conférer les droits aux
individus. Dès lors, les droits subjectifs ne peuvent se concevoir qu’entre des personnes. Il ne peut pas
y avoir de rapport de droit entre un sujet et un objet.
A partir de là, PLANIOL va rechercher dans le droit réel qui pourrait être cette autre personne qui
comme dans le droit personnel tiendrait la place de sujet passif. Une fois ce sujet passif trouvé, il
faudra se demander en quoi consiste son rôle.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Planiol va utiliser la distinction entre un droit personnel relatif et un droit réel absolue ; le droit
personnel est relatif parce qu’il s’impose à une seule personne le débiteur puisque le droit réel est
absolu il s’impose à tous, tous devenant ainsi le sujet passif.
Pour lui la différence entre le droit personnel et droit réel ; le sujet passif c’est une personne dans le
droit personnel et dans le droit réel c’est chaque individu de la collectivité.
Chacun doit s’abstenir de porter atteinte à ce droit réel, il considère que le rôle du sujet passif de ce
droit consiste à ne pas porter atteinte : c’est pour lui « l’obligation passive universelle ».
Fondamentalement tous les droits subjectifs présentent une structure identique et mettent en présence
un sujet actif et un passif.
Et il précise qu’on va retrouver le droit de suite et droit de préférence puisque le droit réel s’impose
a tous, étant donné que tout le monde est soumis à cette obligation passive universelle.
Erreur de PLANIOL :
En réalité, pour affirmer que les droits personnels et les droits réels présentent une structure identique,
PLANIOL a comparé ce qui n’est pas comparable.
En ce qui concerne le droit personnel, il a utilisé l’effet du droit. De fait, l’effet du droit personnel
est totalement relatif puisque seul le débiteur est tenu envers le seul créancier. Cet effet du droit ne
préjuge en rien de la situation des tiers vis-à-vis de ce droit. La situation des tiers c’est un problème
d’opposabilité, pas d’effet.
En matière de droit réel, ce qu’a démontré PLANIOL c’est que le droit réel est opposable à tous.
C’est un problème d’opposabilité du droit. On s’aperçoit que l’opposabilité ce n’est pas la marque des
droits réels mais des droits subjectifs en général. Un droit subjectif qui n’est pas opposable aux tiers
n’est plus un droit.
PLANIOL a confondu l’effet du droit entre les sujets et l’opposabilité du droit à l’égard des tiers. La
théorie de PLANIOL a été abandonnée aujourd’hui. Mais le point de départ de PLANIOL a donné
naissance à une autre conception : la conception néo personnaliste.
Le point de départ de cette théorie c’est de considérer que la propriété ne constitue pas un droit
réel, elle ne constitue pas non plus un droit personnel. Ce que l’on appelle propriété, c’est
simplement la relation d’appartenance qui existe entre un sujet et les droits ou les choses qui lui
appartiennent. On peut être propriétaire d’un immeuble, d’un ordinateur, de sa créance, de son droit
d’usufruit...
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DROIT CIVIL DES BIENS
Tous les droits réels qu’il reste ont une caractéristique commune : ils s’exercent toujours sur une
chose qui appartient à quelqu’un d’autre.
A partir de là, GINOSSAR va démontrer que ce droit sur la chose d’autrui ne présente pas les mêmes
conséquences vis-à-vis de tout le monde. Il va commencer par expliquer que vis-à-vis des tiers, ce
droit réel doit simplement être respecté, on ne peut pas y porter atteinte de façon illégitime. Le
droit réel est opposable.
Pour le propriétaire de la chose, le droit réel d’autrui n’est pas simplement opposable, il va avoir
une conséquence directe pour le propriétaire : le priver de certaines de ses prérogatives. C’est ce
qui explique que dans la théorie de GINOSSAR, le propriétaire de la chose peut être considéré comme
le sujet passif du droit réel.
GINOSSAR conçoit que tous les droits doivent contenir des sujets et il arrive à identifier dans le
droit réel un sujet passif, précis comme il l’est dans le droit personnel. Il va aller plus loin en
expliquant que vis-à-vis du propriétaire, on va retrouver la même idée que dans le droit personnel ⇒ le
propriétaire va souffrir une véritable obligation comme le débiteur est tenu d’une obligation.
Simplement, dans le droit personnel, l’obligation du débiteur c’est une obligation personnelle qui lui
incombe individuellement. Alors que dans le droit réel, l’obligation qui incombe au propriétaire c’est
une obligation dite réelle : qui lui incombe simplement parce qu’il est propriétaire. Si la qualité de
propriétaire change, la qualité de sujet passif va changer également. A chaque fois que la chose change
de patrimoine, l’obligation réelle change de patrimoine.
En définitive, GINOSSAR en arrive aux conclusions suivantes ⇒ tous les droits, qu’ils soient réels ou
personnels, sont opposables aux tiers. C’est l’opposabilité absolue des droits. Au niveau de l’effet du
droit, GINOSSAR explique que tous les droits, personnels comme réels, produisent leurs effets entre
deux personnes : le sujet actif et le sujet passif. Tous les droits ont un effet relatif : il ne se déploie
toujours qu’à l’égard d’une personne identifiée. La seule chose qui va changer entre le droit personnel
et le droit réel c’est la façon d’identifier le sujet passif. Dans le droit personnel le sujet passif est
identifié dans son identité. Dans le droit réel, le sujet passif est identifié par sa seule qualité de
propriétaire de la chose. Est sujet passif celui qui est propriétaire.
Quatre observations :
Il est certain que la situation du propriétaire ne peut pas être assimilée à celle d’un tiers.
Quand une personne a un droit réel sur la chose d’autrui, le propriétaire de cette chose n’est
pas n’importe quel autre tiers.
On comprend que le propriétaire peut être compris, vu comme étant le sujet passif du
droit réel.
Dans le code civil, l’article 543 dit « on peut avoir sur les biens ou un droit de propriété, ou
un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre » ⇒ la propriété
est mise sur le même plan que l’usufruit et les servitudes. Tous ces droits sont compris comme
des droits réels par le code civil. Dire que la propriété n’est pas un droit c’est méconnaitre
la lettre du code civil.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Sauf si on considère que la propriété n’est pas un droit, seule l’analyse classique permet de
rendre compte du droit de propriété. Lorsque l’on a une personne qui est propriétaire d’une chose,
on a bien techniquement une relation entre un sujet et une chose. EXEMPLE : Robinson Crusoé seul
sur son ile peut être propriétaire. Le droit de propriété c’est simplement la personne et l’objet.
Pour tous les autres droits réels, lorsqu’une personne a un droit réel sur la chose d’autrui, la situation
du propriétaire de cette chose n’est pas comparable à celle d’un tiers. On ne peut pas considérer
que ce droit réel est simplement opposable au propriétaire. A l’égard du propriétaire, le droit réel
d’autrui va venir produire un véritable effet en limitant ses prérogatives de propriétaire. A l’exception
du droit de propriété, tous les droits réels mettent bien en présence un sujet actif et un sujet
passif, seule change la façon de déterminer le sujet passif. EXEMPLE : R. Crusoé pourrait-il être
créancier ? NON, pour être créancier il faut un débiteur. Pourrait-il être usufruitier ? NON, l’usufruit
s’exerce sur la chose de quelqu’un d’autre. Sans propriété, aucun autre droit réel ne peut exister.
PLANIOL a quand même montré que les droits réels sont opposables à tous ce qui a permis de dire
que tous les droits sont opposables à tous. L’opposabilité du droit s’exerce erga omnes. Un droit qui
n’est pas opposable n’est pas un droit.
Paragraphe 2 : le critère de distinction des droits réel et des droit personnels
- Le droit de préférence qui permet donc toujours de l’emporter en cas de conflit pour le
titulaire du droit réel : en partis oui et non ; certains droit réel (ils sont peu) bénéficie d’un
réel droit de préférence c’est ce qu’on appelle les sureté réel préférentielles c’est une
garantie de payement assise sur un paiement (exemple une hypothèque) mais pour tous les
autres droit réel exemple usufruit etc n’existe pas le droit de préférence c’est simplement
une conséquence de l’opposabilité du droit au tiers.
Exemples :
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DROIT CIVIL DES BIENS
- Le droit de suite : on semble toucher du droit la réalité des choses, pour commencer il faut
avoir une bonne vision du droit de suite : c’est la faculté de continuer à exercer un droit réel
en dépit du changement de propriétaire de la chose. Et là on a une différence : si un droit
personnel transmet un bien à quelqu’un le créancier ne va pas suivre les biens il va
continuer a avoir un droit sur la personne, au contraire pour un droit réel, le droit de suite va
rester sur la chose et non pas sur le propriétaire de la chose.
Exemple : j’ai un terrain et le voisin veux passer dessus soit je lui cède un engagement
personnel de passer sur le terrain soit un engament réel sur le terrain, si c’est personnel alors
quand on vend le terrain on sera encore responsable contractuellement alors que si c’est réel
le voisin va exercer son droit face à la personne qui va acheter.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Même si on réfute la doctrine classique, c'est à dire même si on considère que le droit réel
n’est pas direct sur une chose il n’en demeure pas moins qu’un droit réel se rapporte toujours à une
chose. On se demande donc quelle sont les choses qui peuvent constituer l’assiette du droit réel.
L’assiette du droit réel doit être une chose susceptible d’appropriation mais ça peut être toute chose
susceptible d’appropriation.
Contrairement au droit de propriété ou le droit peut s’exercer seul tous les autres droits réels
ne peuvent s’exercer sans la préexistence de la propriété, donc la propriété c’est le 1er droit réel, donc
une chose ne peut être assiette du droit réel que si elle est susceptible d’être approprier par quelqu’un.
Une chose qui n’est pas appropriable ne pourra pas faire l’objet d’un droit de propriété, ni de tous les
autres droits réels. La chose doit être appropriable.
Il convient d’exclure du domaine de l’assiette du droit réel toutes les choses qui sont inappropriables
mais au contraire d’y inclure les choses inappropriées mais qui sont appropriables.
Article 714 du code civil qui parle de chose qui n’appartienne à personne et dont l’usage est commun
à tous c’est des « res communes » exemple l’air l’eau et la lumière. L’inapropriablité vise ses choses
en particulier mais en générale on ne peut pas devenir propriétaire de toute l’eau on peut
ponctuellement en avoir exemple : une bouteille d’eau pour 3 raison :
- C’est impossible
- C’est inutile
- C’est fondamentalement injuste parce que c’est nécessaire à la vie
Ces choses sont soumis à un régime particulier parce que tout le monde en a la jouissance qui sont
règlementer par des règles spéciales.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Choses qui ne sont pas susceptible de faire l’objet d’un contrat la raison profonde c’est quelles
échappe a la logique des droit patrimoniaux, elle le sont par la décision du législateur exemple corps
humains droit de votes produit illicites. Il interdit pour les des raisons de moralité publique et pour des
considération d’ordre public, on parle pas de commerce économique on parle de commerce juridique,
il ne peut pas faire objet d’un contrat juridique.
Il ne faut pas confondre les choses hors commerce avec les choses inaliénables, tous les deux ne
peuvent être cédé ou vendu : la chose hors commerce n’appartient à personne la chose inaliénable
appartiens a quelqu’un exemple le domaine publique
2 Catégorie :
Il en existe plusieurs :
Les choses sans maitres : c’est une chose qui n’a pas de propriétaire actuel mais qui pourrai en avoir
un dans le futur et qui a pu en avoir un dans le passer on en distingue 3 catégories :
Les res nulus : chose qui n’ont jamais appartenu à personne au part avant
Les res derelic tae : choses qui ont cessé d’appartenir à quelqu’un parce
qu’elles ont été abandonner
les biens des succession vacantes ou abandonée celles pour lesquelles il
n’y a pas d’héritier ou d’héritier connu.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Certaines de ses choses vont parfois se retrouver avec un maitre soit l’état ou une collectivité
territoriale comme les immeubles abandonnée.
Toutes les autres choses inapproprié mais appropriable peuvent devenir l’assiette du droit de propriété,
pour en devenir propriétaire il faut s’en emparé physiquement et avoir la volonté de devenir
propriétaire : c’est l’occupation.
B. Les trésors :
Un trésor ce n’est pas une res nulus parce que avant il a appartenu a quelqu’un ce n’est pas non plus
une res derelictae parce que ce n’est pas une chose abandonnée : il faut respecter 3 conditions :
- Possibilité 1 : (inventeur celui qui troue le trésor) l’inventeur trouve le trésor sur son propre
fond dans ce cas-là c’est pour lui
- Possibilité 2 : trouver sur le fond d’autrui : le trésor doit se répartir par moitié entre
l’inventeur et le propriétaire du fond
Section II. Peut-être l’assiette d’un droit réel toute chose susceptible d’appropriation
L’approriablilité d’une chose est sa vocation à devenir propriété s’est différent de ses caractéristiques
physiques, en effet peu importe ses caractéristiques physiques elle peut être approprié et une fois cela
fait ses caractéristiques physiques peuvent exercer une influence sur le régime juridique du droit
appliquer. Les droits réels ne vont pas se comporter de la même façon selon que la chose présente telle
ou telle caractéristique.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Article 516 du code civil : tous les biens sont meubles ou immeubles c'est à dire que la distinction des
meubles et des immeuble constitue la grande distinction qui concerne toute les choses sans exception.
- Il résulte de l'article 516 que là distinction des choses immobilières et des choses mobilières
constituent la subma divisio de la matière. En effet, toute chose quel qu’elle soit reçoit la
qualification de meubles où la qualification d'immeuble. Cette distinction présente des
implications considérables en droit des biens mais aussi au-delà du droit des biens.
- Le texte entretient la confusion entre la notion de chose et la notion de bien. On doit affirmer
d'un côté que ce sont bien les choses qui peuvent être immobilière où mobilière et de l'autre
côté ce sont les droits réels relatifs à ces choses qui vont suivre le régime des meubles ou des
immeubles. Les droits personnels c'est à dire les droits de créance et les droits intellectuels
constitue des biens meubles.
Cette distinction va rayonner dans un très grand nombre de branches du droit : droit international
privé, droit des suretés, droits des successions...
A. Présentation de la distinction
La distinction des meubles et des immeubles repose à titre principal sur un critère physique. Ce
critère physique c’est celui de la fixité des choses une chose fixe constitue un immeuble tandis
qu’une chose mobile non fixe constitue un meuble. Ce n’est pas le critère exclusif. Lorsqu’on
distingue les meubles et les immeubles on s’aperçoit que certaines choses qui sont fixes peuvent
parfois être qualifiées de meuble et à l’inverse que certaines choses qui sont mobiles sont parfois
qualifiées d’immeubles.
Il ressort de l’article 517 du Code civil qu’existent trois catégories d’immeuble : les immeubles par
nature, les immeubles par destination et les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent.
Les immeubles par nature sont ceux qui répondent au critère physique de la fixité. Constituent donc
des immeubles par nature à la fois le sol et tous les bâtiments qui y sont attachés. Ainsi, selon
l’article 518, sont des immeubles les fonds de terre et les bâtiments et selon l’article 520 sont
également des immeubles les récoltes pendantes par les racines ou par les branches.
Sont également considérées comme des immeubles par nature toutes les choses qui sont incorporées
à une construction et qui font corps avec elle les moulins, les tuyaux...
L’immeuble par nature conserve cette qualification tant qu’il n’est pas détaché du sol ou de la
construction. En revanche, à chaque fois qu’il y a séparation, le bien ou la chose va perdre son
critère de fixité et va donc devenir un meuble. EXEMPLE : tous les matériaux qui procèdent de la
déconstruction d’un bâtiment deviennent des meubles. Les récoltes, dès lors qu’elles sont réalisées
génèrent des meubles.
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DROIT CIVIL DES BIENS
De façon générale, on est ici en présence de choses qui pourraient être qualifiées de meuble en raison
de leur mobilité mais qui vont être qualifiées d’immeuble en raison du lien qu’elles entretiennent avec
un immeuble par nature. Cette catégorie remplie une fonction particulière qui consiste à assurer une
unité d’ensemble entre l’immeuble par nature et la chose qui lui est rattachée. On va donc
pouvoir soumettre au même régime juridique l’immeuble par nature et la chose qui s’y rattache.
EXEMPLE : si le propriétaire de l’immeuble par nature décide de vendre et immeuble, les immeubles
par destination seront considérés comme étant inclus dans la vente.
- Il doit exister un lien entre l’immeuble par nature et l’immeuble par destination ce lien
peut prendre deux formes différentes :
o Article 525 du Code civil : le lien matériel lorsqu’une chose est attachée à
perpétuelle demeure à l’immeuble par nature. Il s’agit de choses qui sont attachées
physiquement et pour longtemps à l’immeuble par nature de telle façon que l’on ne
peut plus détacher cette chose sans la détériorer ou sans détériorer l’immeuble par
nature. EXEMPLE : boiseries, miroirs, ornements... Il y a aussi attache à perpétuelle
demeure lorsque l’immeuble par nature et l’immeuble par destination ont été conçus
l’un pour l’autre et ce même s’il n’y a pas d’attache physique entre les deux.
EXEMPLE : constitue un immeuble par destination une statue lorsqu’une niche a été
faite dans l’immeuble par nature spécialement pour recevoir cette statue.
o Article 524 du Code civil : lien intellectuel procède de l’affectation d’une chose
à l’exploitation économique de l’immeuble par nature. Lorsqu’une chose mobile
est affectée à l’exploitation de l’immeuble par nature, cette chose devient immeuble
par destination. Il faut que l’exploitation de l’immeuble par nature soit une
exploitation économique : agricole, industrielle voire commerciale. A l’opposé, la
jurisprudence refuse de reconnaitre ce lien intellectuel lorsqu’une chose est affectée à
l’exploitation domestique d’un immeuble par nature. Lorsque l’immeuble par nature a
une fonction d’habitation, la CDC refuse le lien intellectuel. EXEMPLE : le
tracteur d’une ferme est fondamentalement une chose qui bouge mais dès lors qu’il est
affecté à l’exploitation agricole du fond il devient immeuble par destination.
- Il faut une unité de propriété une chose ne peut devenir immeuble par destination qu’à la
condition qu’elle appartienne au propriétaire de l’immeuble par nature. L’immeuble par nature et
l’immeuble par destination doivent avoir un seul et même propriétaire. Raison : sans cette
condition, l’immobilisation par destination ne pourrait pas remplir sa fonction. EXEMPLE : un
agriculteur propriétaire de son exploitation mais pas de son tracteur : si cet agriculteur vend son
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DROIT CIVIL DES BIENS
immeuble par nature, techniquement le tracteur ne peut pas être dans l’objet de la vente. L’unité
d’ensemble que l’on voulait assurer n’est pas réalisable.
Derrière cette volonté du propriétaire unique on retombe sur la première condition qui est celle du lien
intellectuel.
Article 526 du Code civil les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent formule qui signifie
que tous les droits et toutes les actions en justice qui se rapportent à un immeuble sont eux-mêmes des
immeubles. EXEMPLE : le droit d’usufruit d’un immeuble est un immeuble. L’action en
revendication d’un immeuble est un immeuble.
Problème : en faisant cela, le Code civil confond la chose, le droit et le bien. En réalité, lorsqu’on a un
droit ou une action qui porte sur un immeuble, ce droit ou cette action vont être soumis au régime
des immeubles mais sans pour autant qu’ils soient eux-mêmes des immeubles puisque le droit ou
l’action ne sont pas des choses.
Dans des cas très rares, cette catégorie d’immeuble peut trouver à s’appliquer en présence d’une
chose incorporelle qui se rattache à un immeuble. CDC : à propos d’une autorisation administrative
d’exploiter une source d’eau. Puisque la source d’eau est un immeuble, l’autorisation en tant que
chose incorporelle a été qualifiée d’immeuble.
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DROIT CIVIL DES BIENS
La catégorie des meubles est une catégorie par défaut toute chose qu’on ne peut pas qualifier
d’immeuble est forcément un meuble. Le critère physique tiré de la non-fixité des choses est un
critère essentiel. Mais, en matière de meubles, ce critère est parfois impossible à appliquer et d’autres
fois il est volontairement écarté. Comme à propos des immeubles, il n’existe pas un critère unique de
qualification mais plusieurs critères différents.
Il existe deux catégories de meubles qui sont visées à l’article 527 du Code civil. En réalité, il en
existe une troisième catégorie qui n’est pas prévue par le législateur mais qui a été consacrée par la
jurisprudence.
Les meubles par nature sont ceux qui sont déterminés par le critère physique de la mobilité.
Constitue un meuble une chose qui peut être déplacée d’un endroit à un autres. Cette catégorie de
meuble suppose trois observations :
- C’est une catégorie qui ne peut viser que des choses corporelles des choses palpables. Ces
choses corporelles on peut en effet les déplacer d’un endroit à un autre. Les choses incorporelles
ne peuvent pas être des meubles par nature parce que « ces choses sont partout et nulle part à
la fois ».
- Rentre dans cette catégorie toute chose mobile quelle que soit son importance et quel que soit
son régime juridique constituent des meubles par nature, les navires et les bateaux : article
531 du Code civil et aussi les aéronefs. Ces choses sont soumises à un régime de publicité qui
est identique à celui des immeubles. Pourtant, ce sont des biens meubles car on peut les déplacer.
Navire (navigation maritime dans les eaux salées) ≠ Bateau (navigation fluviale dans les eaux
douces)
- Cette catégorie des meubles par nature est indifférente à l’origine de la chose. Il y a des choses
qui dès l’origine sont des meubles. Sont aussi des meubles par nature toutes les choses qui
proviennent de la destruction d’un immeuble ou alors de la récolte.
L’article 529 du Code civil range dans cette catégorie toutes les rentes et les créances mobilières.
Mauvaise façon de procéder car les rentes et les créances mobilières sont simplement des droits de
créance, des droits personnels or le droit personnel n’est pas une chose à proprement parler donc n’est
ni meuble ni immeuble. Le droit personnel peut suivre le régime des meubles mais stricto census ce
n’est pas une chose mobilière.
L’article 529 du Code civil vise également « les actions ou les intérêts dans les compagnies de
finance, de commerce ou d’industrie » tous les titres qui sont émis par des sociétés, qu’il s’agisse
de parts sociales, d’actions ou encore d’obligations. Ces titres présentent la caractéristique d’être des
choses incorporelles.
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DROIT CIVIL DES BIENS
On rattache également à cette catégorie toutes les choses incorporelles qui ont été créées après le
code civil et qui par hypothèse ne pouvaient pas figurer dans le code civil des brevets de
fabrication, des marques, des logiciels, des universalités de fait : fonds de commerce, fonds agricoles.
Cette catégorie suppose une observation préalable : c’est une catégorie qui n’est pas prévue par le
législateur. Elle est issue de la jurisprudence mais sur ce point au moins la jurisprudence est
particulièrement paradoxale. D’un côté elle décide que la qualification juridique des choses échappe
au pouvoir de la volonté des parties. Si une chose est meuble, les parties ne peuvent pas dire que
c’est un immeuble. Dans le même temps, elle admet la catégorie des meubles par anticipation qui
consiste précisément à traiter un immeuble comme s’il était un meuble.
Meubles par anticipation choses qui sont immeubles par nature mais qui présentent une
particularité : elles ont vocation à plus ou moins court terme à devenir des meubles. EXEMPLE : les
matériaux qui doivent être extraits d’une carrière ou les récoltes pendantes par les branches ou les
racines.
La CDC autorise les parties à anticiper la nature mobilière de la chose pour que leur contrat soit
soumis au régime des contrats qui portent sur des meubles et non pas au régime des contrats qui
portent sur des immeubles.
Problèmes : lorsqu’il y a un conflit entre le titulaire d’un droit réel sur le fonds de terre et le
titulaire d’un droit réel sur le meuble par anticipation. EXEMPLE : je suis titulaire d’un champ
de blé et décide de vendre ma récolte en tant que meuble par anticipation à A et la terre à B. Comment
résoudre le conflit ?
La distinction des immeubles et des meubles présente une importance considérable. Importance
considérable dans de très nombreuses branches du droit : droit des sûretés, droit fiscal... Dans le droit
des biens lui-même :
- Il existe certains droits réels qui ne peuvent exister que sur des immeubles c’est le cas des
servitudes, de la mitoyenneté, ou encore des droits d’usage et d’habitation.
- Les modes d’opposabilité des droits réels aux tiers ne sont pas les mêmes en matière
immobilière et en matière mobilière :
o En matière immobilière : l’opposabilité d’un droit réel à tiers passe par une publicité
dans le fichier immobilier (hypothèques)
o En matière mobilière : l’opposabilité aux tiers passe par la possession celui qui
a la chose entre les mains va l’emporter. Pour les meubles incorporels on a des
publicités sur des registres particuliers.
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DROIT CIVIL DES BIENS
C’est le cas aussi en ce qui concerne l’accession. Il y a certains modes d’acquisition des droits
réels qui sont propres aux meubles tandis que d’autres sont propres aux immeubles.
Cette distinction n’était pas inconnue dans le code de 1804 mais elle y tenait une place
marginale. Le code de 1804 a été essentiellement conçu pour des choses corporelles et non pas pour
des choses incorporelles. La plupart des choses incorporelles ont été consacrées à partir de la fin
du XIXème siècle. Certaines choses que l’on peut se représenter par l’esprit peuvent avoir une valeur
marchande importante : pour pouvoir les vendre, les affecter en garantie, il fallait qu’elles soient
reconnues par le droit constat. Un certain nombre de lois successives tout au long du XXème
siècle ont consacré l’existence de choses incorporelles diverses. Malheureusement, la méthode
législative a été la plus mauvaise qu’il soit pour chaque chose incorporelle existe une loi
particulière avec un régime particulier. Il n’existe pas de régime d’ensemble pour toutes les choses
incorporelles. Le Code civil s’applique très difficilement aux choses incorporelles.
Les choses corporelles sont celles qui sont composées de matière physique, choses que l’on peut
attraper, porter, toucher, palper. EXEMPLE : ordinateur, code...
Les choses incorporelles sont celles qui n’existent que par la représentation que l’on s’en fait.
EXEMPLE : marque, fonds de commerce...
A. La portée de la distinction
Les choses incorporelles sont relativement hostiles à l’application des règles du droit des biens qui
figurent dans le Code civil. C’est ce qui explique que pour la majorité des auteurs, si les choses
incorporelles sont évidemment susceptibles d’appropriation, c’est une propriété très particulière et
très originale. Les caractéristiques physiques de la chose vont imprimer un régime particulier au droit
de propriété.
Les choses incorporelles sont totalement rétives à un mécanisme essentiel du droit des biens la
possession. Dans ce mécanisme, il est nécessaire qu’une personne exerce une emprise physique et
matérielle sur une chose : le corpus. La possession ne peut pas s’appliquer aux choses incorporelles.
Certains auteurs ont tenté de défendre la possession des choses incorporelles. Ils l’ont fait aux prix
d’acrobaties juridiques, ce qui montre bien que même si on parle de possession des choses
incorporelles ce ne sera jamais la même possession que pour les choses corporelles. CDC, 2006
un fonds de commerce parce qu’il est une chose incorporelle n’est pas susceptible de possession.
Les sûretés réelles : garanties de paiement qui sont assises sur un bien. Or, pour ces sûretés réelles, le
législateur utilise une terminologie différente selon que la chose qui en est l’objet est corporelle ou
incorporelle. Lorsque cette sûreté réelle porte sur une chose corporelle elle se dénomme le gage.
Lorsqu’elle porte sur une chose incorporelle : le nantissement.
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DROIT CIVIL DES BIENS
B. Relativisation de la distinction
- La terminologie des sûretés réelles est différente mais le régime juridique est sensiblement
comparable. Entre le gage et le nantissement on a une distinction verbale qui tient compte de la
corporalité ou de l’incorporalité mais ce n’est pas une distinction juridique car elle ne produit pas
beaucoup de conséquences.
- Il existe des choses qui sont intermédiaires entre le corporel et l’incorporel choses qui sont
fondamentalement incorporelles mais qui vont pouvoir bénéficier d’un support matériel.
o EXEMPLE 1 : les titres au porteur documents qui constatent l’existence d’une
créance.
o EXEMPLE 2 : les fichiers numériques qui peuvent être contenus dans un ordinateur
ou dans une clé USB. Fichier incorporel mais qui va bénéficier d’un support matériel.
- Il existe au moins une chose qui est parfois corporelle et parfois incorporelle l’argent
o L’argent prend une forme corporelle lorsqu’il s’agit d’argent fiduciaire les
pièces et les billets.
o L’argent prend une forme incorporelle lorsqu’il est scriptural se traduit par une
ligne d’écriture sur un compte.
Un corps certain est une chose qui est strictement individualisée et qui ne peut pas être
confondue avec une chose semblable. EXEMPLE : un immeuble par nature, un tableau de maitre, un
bijou de famille.
Les choses de genre/les choses fongibles sont des choses qui n’ont pas d’individualité propre mais
qui se définissent simplement par leur nature et leur quantité. EXEMPLE : toutes les matières
premières, tous les biens industriels produits en grande masse...
- Au regard du pouvoir de libération du débiteur lorsque celui-ci est tenu d’une obligation de
délivrer une chose ou une obligation de restituer une chose.
o Lorsque cette obligation du débiteur porte sur un corps certain, le débiteur ne peut
valablement se libérer qu’en fournissant la chose même.
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DROIT CIVIL DES BIENS
o Lorsque l’obligation porte sur une certaine quantité de choses fongibles, cela peut
être l’une ou l’autre, peu importe.
En matière de contrat de prêt, le Code civil distingue le prêt à usage (le commodat) et le prêt de
consommation. Le prêt à usage est celui qui porte sur un corps certain et il oblige l’emprunteur à
restituer la chose prêtée. Le prêt de consommation porte sur des choses fongibles et donc il oblige à
restituer pas forcément la quantité de chose prêtée mais une quantité de chose identique.
o Lorsque le contrat porte sur des choses fongibles, le transfert de propriété ne peut
pas se réaliser tant que la quantité de choses cédées n’a pas été individualisée. Le
cédant reste propriétaire tant qu’il n’a pas procédé à l’individualisation.
o Lorsqu’une personne est créancière de la restitution d’une chose qui a été remise
temporairement et de façon précaire à une autre personne :
- La fongibilité d’une chose est souvent qu’un état temporaire très souvent une chose est
fongible à un certain moment de son existence et bascule parmi les corps certains après.
EXEMPLE : un ordinateur à la Fnac vu qu’il y en a beaucoup est une chose fongible mais dès
lors qu’on l’achète c’est un corps certain
- La fongibilité ne produit ses conséquences que lorsqu’une quantité de chose est mélangée
dans une quantité plus grande de la même chose si vous avez une quantité de choses
fongibles qui reste individualisée tout le temps alors pas de perte de la propriété. EXEMPLE :
billet dans un portefeuille ne perd pas la propriété du billet. Article 2341 du Code civil.
- Dans des cas exceptionnels, le législateur a reconnu au créancier d’une certain quantité de
choses fongibles le droit de les revendiquer : se comporter comme étant un véritable propriétaire
même si ce droit de propriété a été perdu : clause de réserve de propriété clause en vertu de
laquelle le vendeur reste propriétaire de la chose vendue tant que l’acquéreur n’a pas
complètement payé le prix.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Paragraphe 4 : La distinction des choses consomptibles et des choses non consomptibles
On appelle une chose consomptible une chose qui se consomme par le premier usage que l’on en fait.
C’est donc une chose qui va disparaitre dès que l’on en fait usage. EXEMPLE : bouteille d’eau,
cigarettes, l’argent...
A l’opposé, les choses non consomptibles sont celles qui ne se consomment pas par le premier usage.
Ce sont des choses qui peuvent s’user par l’usage mais qui ne disparaissent pas par l’usage.
EXEMPLE : la voiture.
Très souvent, mais pas systématiquement, les choses consomptibles sont également des choses
fongibles et inversement, très souvent le non consomptible est également non fongible. On peut
avoir des choses consomptibles non fongible et inversement des choses non consomptibles
fongibles. EXEMPLE : une bouteille de vin unique : chose consomptible non fongible. / Un stock de
produits manufacturés : chose non consomptible mais fongible.
A. La portée de la distinction
Cette distinction présente un intérêt essentiel pour déterminer les droits d’une personne qui a
simplement la jouissance de la chose. La chose consomptible va avoir cette caractéristique de se
détruire par l’usage. Or, ce pouvoir de destruction d’une chose est un pouvoir qui appartient
exclusivement au propriétaire de la chose. Pour pouvoir avoir l’usage d’une chose consomptible il
faut forcément en être propriétaire.
On trouve la traduction de cette conséquence dans deux éléments différents en droit positif :
- En droit des contrats lorsque le code fait la distinction entre le prêt à usage et le prêt de
consommation. Dans le prêt à usage, la chose prêtée c’est un corps certain qui est non
consomptible. Cela signifie que pendant tout le temps du prêt, le prêteur reste propriétaire de la
chose. Alors que, dans un prêt de consommation, pour que l’emprunteur ait l’usage de la chose,
il faut que le prêteur lui transfert la propriété de cette chose. En matière de prêt de
consommation, on est en présence d’un contrat de prêt qui est translatif de propriété.
- L’usufruit est un droit réel qui confère la jouissance d’une chose à son titulaire. La chose
appartient à son propriétaire et sur cette chose une autre personne a un droit de jouissance.
L’usufruit peut porter sur toute espèce de bien. Pour conférer la jouissance d’une chose non
consomptible on peut le faire en conservant la propriété. Pour conférer la jouissance d’une
chose consomptible, on ne peut pas le faire sans transférer la propriété. L’usufruitier devient
propriétaire de la chose à charge pour lui à la fin de l’usufruit de rendre une même quantité de
choses : on parle de quasi-usufruit : usufruit qui porte sur des choses consomptibles.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Le droit réel dans l’absolu c’est simplement un outil juridique qui va permettre aux individus
d’appréhender les caractéristiques d’une chose. Cette appréhension des caractéristiques d’une chose a
pour but la satisfaction des besoins. Ce qui va changer d’un droit réel à l’autre, ce sont les
caractéristiques de la chose qui vont être appréhendées.
Certains droits réels ont pour objet d’appréhender les utilités de la chose les droits réels
principaux : le droit de propriété, le droit d’usufruit, le droit d’usage et d’habitation ou encore les
servitudes.
A l’opposé, d’autres droits réels ne s’intéressent pas aux utilités de la chose mais simplement à sa
valeur. Ce sont des droits réels qui ont une fonction particulière de garantie de paiement. On les
appelle les droits réels accessoires car ils constituent l’accessoire de la créance qui est garantie : le
gage, le nantissement, l’hypothèque.
- Elle est importante au niveau du droit de préférence (ne constitue pas un critère du droit réel).
Le droit de préférence n’existe pas dans les droits réels principaux car il se confond
purement et simplement avec l’opposabilité du droit aux tiers. Malgré tout, dans les droits
réels accessoires, il existe effectivement un droit de préférence. Ainsi, lorsque sont en conflit un
créancier sans garantie et un créancier qui est titulaire d’une hypothèque sur l’immeuble du
débiteur, tous les deux vont vouloir se partager le prix de cet immeuble, l’un pour le droit de gage
général, l’autre pour l’hypothèque, parce que l’hypothèque est dotée d’un droit de préférence, son
titulaire sera payé par priorité.
- La libre création des droits réels par la volonté des parties : le pouvoir des volontés
individuelles peut permettre de créer des droits réels nouveaux qui ne sont pas prévus par le
législateur. Ce pouvoir n’existe que pour les droits réels principaux. Les droits réels accessoires
quant à eux ne peuvent pas être créés ex nilo par les parties en vertu d’une règle essentielle selon
laquelle il n’y a pas de privilège sans texte.
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DROIT CIVIL DES BIENS
- Prérogatives du titulaire du droit réel le droit réel principal a pour fonction de saisir les
utilités matérielles concrètes de la chose. Tout titulaire d’un tel droit dans les limites de son
droit a le droit d’utiliser et de jouir de la chose. A l’opposé, les droits réels accessoires ne
s’intéressent qu’à la valeur de la chose. C’est ce qui explique qu’en principe le titulaire d’un droit
réel accessoire même s’il a la chose entre ses mains n’a pas le droit de l’utiliser pour son usage
personnel.
Cette distinction doit être bien comprise parce que certains droits réels principaux sont également
accessoires. Premièrement : il y a des droits réels principaux qui ne sont pas l’accessoire d’une
créance mais l’accessoire d’un autre droit réel. EXEMPLE : les servitudes ou la mitoyenneté sont
des accessoires de la propriété de sorte que le propriétaire d’un fonds sera également titulaire par
accessoire du droit de mitoyenneté ou de servitude.
Il arrive également que la propriété devienne l’accessoire d’une créance. Dans certains cas, le droit de
propriété est en quelque sorte détourné de sa fonction pour remplir une fonction de garantie. Dans
ce cas, le créancier est propriétaire d’une chose mais à titre de garantie de sorte que la seule chose qui
lui importe c’est la valeur de cette chose et non pas ses usages. On a un droit réel principal qui va
basculer dans le camp des droits réels accessoires.
Le droit de propriété constitue le seul, l’unique, droit réel à mettre en présence le titulaire du
droit directement avec la chose. Conception classique du droit réel dans laquelle le titulaire a un
pouvoir direct et immédiat sur la chose. Dans la propriété, il n’y a pas de sujet passif.
A l’opposé, tous les autres droits réels s’exercent nécessairement sur une chose qui appartient à
quelqu’un d’autre. Ces autres droits réels ont naturellement une structure différente puisqu’ils
mettent en relation non plus le titulaire du droit avec la chose mais le titulaire du droit avec le
propriétaire de la chose : conception néo personnaliste du droit réel.
- Le droit de propriété constitue le premier des droits réels puisque sans ce droit, les autres ne
peuvent pas exister. Tant qu’il n’y a pas un propriétaire, il ne peut pas avoir de droit réel sur la
chose d’autrui.
- Certains modes d’acquisition des droits réels sont réservés à la seule propriété. Ce sont des
modes d’acquisition qui ne permettent pas d’acquérir d’autres droits réels que la propriété. Il en va
ainsi de l’occupation, de l’accession et de l’apparence.
- Puisque le droit de propriété est le premier des droits réels, et puisque son titulaire l’exerce seul, le
droit de propriété c’est également le droit le plus complet. C’est celui qui permet
d’appréhender toutes les caractéristiques de la chose sans aucune distinction. Alors que les droits
réels sur la chose d’autrui sont forcément des droits réels plus restreints puisqu’ils ne
permettent d’appréhender que certaines caractéristiques de la chose.
- Puisque le droit de propriété est le droit le plus complet, c’est celui qui confère les
prérogatives les plus étendues. Le propriétaire avec sa chose peut tout faire lorsqu’il ne
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DROIT CIVIL DES BIENS
transgresse pas les lois d’ordre public et les contraintes sociales. Dans le droit de propriété, tout
ce qui n’est pas interdit est permis. Dans les droits réels sur la chose d’autrui, le titulaire du
droit ne peut accomplir que les prérogatives qui sont incluses dans son droit. Ces prérogatives
sont limitatives. Le titulaire ne peut faire que ce qui est permis. Le titulaire d’un droit réel sur la
chose d’autrui, outre qu’il doit respecter l’ordre public, les contraintes sociales, doit également
respecter le droit du propriétaire.
Cette dernière conséquence doit être tempérée. Le propriétaire a le droit de faire tout ce qui n’est pas
interdit mais cela concerne uniquement la situation du propriétaire d’une chose sur laquelle
personne d’autre n’a un droit. En revanche, lorsque le propriétaire doit cohabiter avec le titulaire
d’un droit réel sur sa chose, les prérogatives du propriétaire vont être considérablement réduites.
EXEMPLE : Lorsqu’il existe sur une même chose un droit de propriété et un droit d’usufruit, le
propriétaire n’a plus la jouissance de sa chose.
Le critère de distinction entre ces deux types de droits réels dépend de l’assiette du droit. Lorsque le
droit réel porte sur un immeuble c’est un droit réel immobilier, lorsque le droit réel porte sur un
meuble c’est un droit réel mobilier.
Naturellement, toutes les conséquences qui s’attachent à cette distinction sont exactement les mêmes
que celles qui s’attachent à la distinction des meubles et des immeubles. Cela concerne l’opposabilité
du droit réel aux tiers : en matière immobilière c’est la publicité au fichier immobilier, en
matière mobilière c’est la possession.
En ce qui concerne les modes d’acquisition de ces droits réels : certains modes d’acquisition sont
propres au droit réel immobilier, d’autres sont propres aux droits réels mobiliers. Même
lorsqu’on a un mode d’acquisition commun aux deux on peut avoir des régimes juridiques différents
selon que le droit réel est mobilier ou immobilier.
28
DROIT CIVIL DES BIENS
- Parmi ces caractères généraux du droit réel, il faut observer que certains sont effectivement
propres aux droits réels en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas aux droits personnels tandis que
d’autres sont communs au droit réel et au droit personnel.
- Un même caractère général peut donner lieu à des règles différentes selon la nature du droit
réel concerné. Ainsi, en matière d’usucapion qui s’applique à tous les droits réels, les règles sont
différentes selon que le droit réel est mobilier ou immobilier.
- Ce n’est qu’un droit commun des droits réels. Or, un droit commun n’a vocation qu’à
s’appliquer qu’à défaut de règles spéciales. Le spécial chasse le général. Certaines institutions
qui relèvent du droit commun peuvent ne pas être applicables dans telles ou telles circonstances à
propos de tel ou tel droit réel. Il peut y avoir des dérogations sur l’application des règles générales.
On observe que les droits réels sont soumis à quatre caractères différents : susceptibles de possession,
susceptible de création, susceptible de disposition et susceptible d’indivision.
- La possession c’est une situation de pur fait situation dont on verra qu’elle peut parfaitement
ne pas coïncider avec la situation de droit.
- Dans la possession, une personne se comporte en acte et en intention comme le titulaire d’un
droit réel elle fait ce que fait le titulaire d’un droit réel.
29
DROIT CIVIL DES BIENS
possession va produire un certain nombre d’effets qui vont être à l’avantage du possesseur. De ce
point de vue, la possession est un mécanisme particulier parce que en tant que situation de pur fait,
elle va permettre au possesseur d’être protégé en tant que tel et même à certaines conditions de
devenir le titulaire du droit réel.
En tant que mécanisme puissant, la possession repose sur des justifications très importantes qui sont au
nombre de 4 :
Il existe deux types de conditions : une condition d’existence et des conditions d’efficacité.
La possession est définie à l’article 2255 du Code civil mais dans des termes confus et
maladroits. Ce texte dispose : « la possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un
droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-même ou par un autre qui la tient ou qui
l’exerce en notre nom ». De cette formule on déduit généralement que la possession pour pouvoir
exister requiert deux éléments cumulatifs que sont le corpus et l’animus.
A. Le corpus
Le corpus constitue fondamentalement l’exercice d’un pouvoir matériel sur une chose. C’est le fait
d’avoir une chose entre les mains et de l’utiliser la détention. Le corpus permet de délimiter la
possession. Pour pouvoir exercer une emprise matérielle sur une chose, il faut non seulement que cette
chose soit corporelle mais aussi que l’on ait cette chose entre les mains. Par voie de conséquence, on
peut procéder à une double exclusion en matière de possession :
30
DROIT CIVIL DES BIENS
- Première exclusion concerne les choses incorporelles : par définition une chose incorporelle
n’est pas susceptible d’emprise matérielle et à ce titre, elle échappe à la possession. C’est ainsi que
la Cour de cassation, a décidé qu’il n’y a pas de possession d’un fonds de commerce. La
doctrine et la jurisprudence sont parfois sensibles à la possession des choses incorporelles. Cette
possession des choses incorporelles est toujours reconnue au prix d’une adaptation du corpus
ce qui montre bien que ce n’est pas un corpus véritable et que ce n’est donc pas une possession
véritable. Même si on admet la possession des choses incorporelles, il faut convenir que ce n’est
pas une vraie possession.
- Seconde exclusion concerne les droits réels qui s’exercent sans aucune emprise sur les choses.
Il en va ainsi par exemple de certaines servitudes ou encore de certains droits réels accessoires.
EXEMPLE : l’hypothèque. Ces droits réels s’exercent alors même que leur titulaire n’a pas la
chose entre ses mains et n’accomplit donc aucun acte matériel sur celle-ci. Il en résulte qu’à
défaut de corpus ces droits réels ne sont pas susceptibles de possession. On peut être
possesseur de la propriété, de l’usufruit mais pas d’une hypothèque.
Première question qui concerne le corpus est relative à son acquisition. L’acquisition du corpus
repose sur une appréhension physique de la chose et plus précisément sur l’accomplissement d’actes
matériels et licites sur cette chose.
- Actes licites le corpus ne peut pas s’acquérir par l’accomplissement d’actes matériels
prohibés. EXEMPLE : l’exploitation d’un atelier en contravention avec les règles sur les
établissements insalubres.
- Le corpus peut être exercé par le possesseur lui-même dans ce cas, c’est le possesseur qui
accomplit lui-même les actes matériels et licites sur la chose. EXEMPLE : c’est le possesseur
qui habite dans l’immeuble qui utilise l’ordinateur.
- Le corpus peut également être exercé par l’intermédiaire d’un tiers possession corpore
alieno il s’agit d’une hypothèse dans laquelle un tiers va avoir la détention de la chose mais il
n’a pas la volonté de se comporter comme le titulaire d’un droit réel sur cette chose. Le tiers se
dénomme alors le détenteur précaire. Le tiers a donc le corpus sur la chose mais il n’a pas le
corpus pour lui-même mais pour le compte du possesseur auquel il est tenu en vertu de son titre
de rendre la chose à terme. EXEMPLE : l’emprunteur, le locataire qui exerce le corpus de la
chose pour le compte du bailleur ou du prêteur. Puisque le détenteur précaire n’est pas lui-même
31
DROIT CIVIL DES BIENS
Cet élément s’il est nécessaire pour la possession n’est pas suffisant puisqu’il ne permet pas de
distinguer le possesseur d’un détenteur précaire. Celui qui est possesseur a en plus l’animus.
B. L’animus
1. La preuve de l’animus
L’animus est un élément psychologique, c’est la raison pour laquelle il peut être difficile à prouver.
Or, si l’animus n’est pas prouvé, il n’y a pas de possession. Ainsi, pour éviter que la possession
reste lettre morte en raison d’un problème de preuve, l’article 2256 du Code civil pose une double
présomption.
- Présomption selon laquelle le corpus présume l’animus celui qui a le corpus actuellement
est présumé avoir l’animus.
- L’animus est présumé être celui d’un propriétaire on parle d’animus domini pour indiquer
que le droit réel possédé est présumé être le droit de propriété.
Ces présomptions constituent des présomptions simples elles peuvent être renversées par une
preuve contraire. Le renversement de la première présomption se fait par la preuve que celui qui a la
chose entre les mains n’est qu’un détenteur précaire. Il suffit de rapporter le titre qui oblige cette
personne à restituer la chose. EXEMPLE : en rapportant le contrat de prêt ou de bail on prouve que
celui qui a le corpus ne peut pas avoir l’animus car il n’est qu’un détenteur précaire tenu à restitution.
La seconde présomption peut être renversée par la preuve que le possesseur entend se comporter
comme le titulaire d’un autre droit réel que le droit de propriété. L’hypothèse est rarissime.
EXEMPLE : le possesseur peut avoir un animus d’usufruitier et non pas de propriétaire. Dans ce cas,
si la preuve est rapportée il sera considéré comme possesseur mais possesseur de l’usufruit.
2. L’acquisition de l’animus
Il résulte de l’article 2256 du Code civil qu’en principe le corpus et l’animus s’acquièrent de
façon concomitante. En effet, puisque le corpus présume l’animus, au moment où le corpus est
acquit, l’animus est présumé être acquis également. Cette règle souffre certaines exceptions puisqu’il
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DROIT CIVIL DES BIENS
arrive que l’animus s’acquière non pas avec le corpus mais plus tard en cours de détention
précaire. EXEMPLE : une personne a le corpus sans l’animus et au cours de cette détention elle va
acquérir l’animus et devenir un possesseur.
En principe, celui qui a commencé à posséder pour autrui est présumé posséder au même titre jusqu’au
bout : article 2257 du Code civil. Cette présomption peut être renversée par une preuve contraire, il
s’agit de la preuve d’une interversion de titre, article 2268 du Code civil il existe de façon
générale deux hypothèses d’interversion de titre :
- Celle dans laquelle l’interversion de titre procède du fait d’un tiers qui donne au détenteur
précaire un titre qui lui permet d’acquérir l’animus. EXEMPLE : le cas lorsque le tiers se
prétend titulaire d’un droit réel sur la chose et accepte de céder ce droit au détenteur précaire. A
compter de la cession, le détenteur va croire avoir acquis le droit, il aura donc désormais le corpus
et l’animus, il va se comporter comme un véritable possesseur.
- Celle qui résulte du fait du détenteur précaire lui-même. Il en va ainsi lorsque le détenteur
précaire apporte une contradiction au droit dont se prétend titulaire le possesseur. Ainsi, du jour au
lendemain et pour n’importe quelle raison le détenteur va prétendre être le titulaire d’un droit
réel sur la chose, il va donc prétendre devenir possesseur à l’encontre de celui qui avait cette
qualité jusqu’à présent. Il va refuser de rendre la chose à l’ancien possesseur.
- L’interversion de titre doit être connue du véritable possesseur afin que celui-ci soit en mesure
de réagir afin de protéger sa propre possession.
3. La permanence de l’animus
Le corpus est nécessaire pour faire naitre l’animus soit parce que l’animus va naitre en même
temps que le corpus, soit parce que l’animus va s’acquérir en cours de corpus par l’interversion de
titre.
Il faut observer qu’une fois que l’animus est né, il permet de conserver à lui seul la possession. On
parle alors de possession solo animo par le seul animus. Dans cette hypothèse, le possesseur cesse
d’accomplir des actes matériels sur la chose mais le maintien de son animus est suffisant pour
maintenir la possession. Dans ce cas, la possession va durer aussi longtemps qu’elle n’est pas
interrompue par un tiers.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Exceptionnellement, il arrive qu’une personne perde son animus au profit d’une autre personne
mais sans perdre pour autant le corpus. Il va y avoir une dissociation du corpus et de l’animus, le
corpus va rester où il est tandis que l’animus va passer vers une autre personne le constitut
possessoire. EXEMPLE : lorsque le vendeur d’une chose ne livre pas immédiatement la chose
vendue à l’acheteur. Avant la vente, le vendeur est possesseur du droit de propriété, il a le corpus et
l’animus. Au moment de la vente, le vendeur sait qu’il perd son droit de propriété et l’acheteur de son
côté sait qu’il acquiert le droit de propriété. A compter de la vente, le vendeur pers son animus et c’est
l’acquéreur qui va avoir l’animus. Pour autant, tant que la chose n’est pas livrée à la chose le corpus
continue d’être exercé par le vendeur mais il s’agit alors d’une possession corpore alieno : le vendeur
exerce le corpus pour le compte de l’acheteur.
Très souvent, la réunion de ces deux éléments n’est pas suffisante. Certes la possession existe, mais
pour pouvoir être efficace, elle doit remplir d’autres conditions. Ce sont les conditions d’efficacité de
la possession.
Une chose est de savoir si la possession est existante, autre chose est de savoir si elle est efficace.
L’existence de la possession c’est simplement la réunion du corpus et de l’animus. L’efficacité de la
possession en revanche, suppose que cette possession présente certains caractères particuliers. Lorsque
ces caractères sont réunis, on dit que la possession est utile. En revanche, lorsque ce n’est pas le cas,
lorsque la possession ne revêt pas ces caractères la possession est viciée. Ces conditions
d’efficacité de la possession sont énumérées à l’article 2261 du Code civil. Selon ce texte, « pour
pouvoir prescrire il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non
équivoque et à titre de propriétaire ». Ce texte est mal rédigé pour au moins deux raisons :
Cet article permet de dégager les 4 caractères de la possession utile : ses 4 conditions d’efficacité :
Cette première condition d’efficacité de la possession s’applique au corpus. Dans une première
approche, elle signifie que le possesseur doit accomplir des actes matériels par lui-même ou corpore
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DROIT CIVIL DES BIENS
alieno non pas de façon permanente mais de façon régulière. La possession est dite continue
lorsque le possesseur exerce régulièrement des actes matériels sur la chose.
Cette notion de continuité semble s’articuler difficilement avec la possession solo animo. Dans la
possession solo animo la possession se maintient par le seul animus c’est-à-dire sans corpus, c’est-à-
dire sans acte matériel. Comment une possession solo animo peut être considérée comme étant
continue ? En réalité, dans la possession solo animo, la condition de continuité signifie que le
possesseur même s’il n’accomplit pas d’actes matériels doit demeurer en mesure de le faire à
tout moment. Il y aura continuité à chaque fois que le possesseur ne sera pas empêché de façon
anormale d’accomplir des actes matériels.
La difficulté avec la continuité concerne sa preuve. Parce qu’il peut être difficile de démontrer
qu’une possession n’a pas été interrompue spécialement lorsque cette possession s’étale sur une très
longue période. La preuve est naturellement très difficile et c’est la raison pour laquelle l’article 2264
du Code civil pose une présomption selon laquelle celui qui a possédé autrefois et qui possède
aujourd’hui est présumé avoir possédé dans tout le temps intermédiaire. Cette présomption est
simple toute personne peut prouver que la possession a été interrompue durant ce temps
intermédiaire. Si cette preuve est rapportée, la possession va redevenir continue mais uniquement à
partir du moment où elle a recommencé à s’exercer jusqu’à aujourd’hui. L’interruption va mettre fin
à toute la possession qui a eu lieu antérieurement de sorte que la continuité ne va s’appliquer que
pour la possession qui a eu lieu après la possession.
B. La paisibilité
La possession est dite paisible lorsqu’elle s’exerce sans force ni violence. C’est une condition qui
s’apprécie au moment de l’acquisition de la possession et non pas pour sa conservation et sa
protection : article 2263 du Code civil. Une possession peut être violente en raison de son acquisition
mais elle ne devient pas violente quels que soient les faits accomplis pour sa protection ou sa
conservation.
- Un vice temporaire la violence n’affecte l’efficacité de la possession que pour autant qu’elle
dure dans le temps. Dès lors que la violence cesse, la possession redevient paisible et elle
redevient donc utile. Elle peut désormais produire des effets : article 2263 alinéa 2.
C. La publicité
Le caractère public de la possession signifie que son exercice est visible de tous, il se manifeste aux
yeux de tout le monde. Parmi toutes ces personnes se trouve en particulier le véritable titulaire du droit
réel. Parce que si la possession devait être cachée au véritable titulaire du droit réel, celui-ci ne serait
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DROIT CIVIL DES BIENS
pas en mesure de réagir. Si l’on veut que la possession produise ses effets, il faut qu’elle soit
publique en particulier aux yeux du véritable titulaire du droit réel. Lorsque la possession est dite
clandestine, lorsqu’elle est cachée, lorsqu’elle s’exerce en toute intimité, la possession est viciée et ne
produit donc pas ses effets. Le vice de clandestinité est un vice temporaire et relatif. C’est un vice
temporaire puisque la clandestinité n’affecte l’efficacité de la possession que pour autant qu’elle dure
dans le temps. A compter du jour où la possession cesse d’être clandestine et qu’elle apparait aux
yeux des tiers elle devient utile et peut produire ses effets. Par ailleurs, la clandestinité est un vice
relatif puisqu’elle prive la possession de son efficacité qu’à l’égard des personnes auxquelles elle
est cachée. Vis-à-vis de toutes les autres personnes aux yeux desquelles la possession se manifeste, la
possession est utile et peut donc produire ses effets.
D. L’univocité
L’univocité désigne une possession dans laquelle les actes accomplis par le possesseur ne peuvent pas
s’expliquer autrement que par sa volonté de se comporter comme le titulaire d’un droit réel. La
possession est univoque lorsque cette volonté est le seul moyen d’expliquer les actes matériels. A
contrario, s’il existe un doute sur la raison véritable pour laquelle la personne accompli ses actes, la
possession devient équivoque et perd son efficacité. EXEMPLE : en matière de cohabitation entre
deux personnes. Lorsque deux personnes cohabitent, elles sont amenées à accomplir des actes
matériels sur les choses qui se trouvent dans le lieu de la cohabitation. Naturellement, il y a deux
bonnes raisons d’expliquer ces actes matériels : parce que son auteur a la volonté de se comporter
comme le titulaire d’un droit réel sur la chose mais l’acte matériel peut également s’expliquer par
les contraintes et les nécessités de la cohabitation. Dans ce cas il y a un doute sur la raison
profonde pour laquelle la personne accomplit l’acte matériel, sa possession devient équivoque, elle
devient viciée.
Lorsque ces conditions d’existence et d’efficacité sont réunies, la possession va pouvoir produire ses
effets.
Lorsque la possession existe et qu’elle est utile, elle est susceptible de produire deux types d’effets.
D’un côté elle peut produire des effets probatoires et d’un autre côté elle peut produire des effets
acquisitifs.
La possession présente un effet probatoire en ce sens qu’elle permet de présumer la titularité du droit
réel possédé. Autrement dit, le possesseur est présumé être le véritable titulaire du droit réel. Cette
présomption s’explique parce que l’on appelle le plerumque fit la présomption correspond au cas
le plus fréquent en pratique. En pratique, dans la très grande majorité des cas, le possesseur est
également le véritable titulaire du droit réel. Par voie de conséquence, il n’est pas difficile de
présumer la titularité du droit à partir de la possession. Cette présomption est totalement
indépendante de la bonne ou mauvaise foi du possesseur. Le possesseur est présumé être le titulaire du
droit réel même s’il sait pertinemment que ce n’est pas vrai. Le possesseur est présumé avoir la
titularité du droit même s’il sait qu’il n’est pas le véritable titulaire. Il s’agit d’une simple règle de
preuve : présomption simple.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Si la présomption était irréfragable, elle s’apparenterait à une véritable règle de fond qui reviendrait à
dire que le possesseur est le titulaire du droit réel. Puisqu’il s’agit d’une règle de preuve, la
présomption est simple ce qui signifie que toute personne peut rapporter la preuve contraire.
Certes une personne a la possession mais on peut prouver que le véritable titulaire du droit réel est une
autre personne.
L’article 2276 en tant que règle de preuve s’applique uniquement aux meubles corporels à
l’exclusion des meubles incorporels puisque seuls les meubles corporels sont susceptibles de
possession. Dans sa fonction probatoire, l’article 2276 est totalement indifférent à la bonne ou
mauvaise foi du possesseur. Le texte va pouvoir s’appliquer dans sa fonction probatoire même lorsque
le possesseur est de mauvaise foi.
En réalité, lorsque la possession porte sur un meuble corporel, celui qui veut renverser la présomption
de titularité du droit ne doit pas simplement prouver que c’est lui le véritable titulaire du droit réel,
il doit prouver également que le possesseur n’a aucun titre pour conserver la chose, il doit
prouver que le possesseur doit rendre la chose. Cette preuve contraire va être rapportée en démontrant
que le prétendu possesseur n’est en réalité qu’un détenteur précaire qui est tenu à restitution. Le
véritable titulaire du droit réel doit non seulement prouver son droit mais il doit également
prouver le contrat qui oblige le possesseur à restituer la chose. S’il ne rapporte pas cette seconde
preuve il ne pourra pas récupérer sa chose.
Quel que soit le domaine, la présomption de titularité du droit qui résulte de la possession emporte
deux conséquences essentielles qui sont extrêmement favorables au possesseur :
- Lorsque les éléments de preuve rapportées par le demandeur sont insuffisants pour emporter
la conviction du juge, lorsqu’ils laissent subsister un doute, le doute profite au possesseur
puisque la charge de la preuve incombe au demandeur, le demandeur doit être débouté lorsque la
preuve est insuffisante. Le possesseur va conserver la chose.
L’effet acquisitif de la possession se produit lorsque le possesseur n’est pas à l’origine le véritable
titulaire du droit réel. En d’autres termes, pour que se produise l’effet acquisitif, il faut une
discordance entre la situation de fait et la situation de droit. Dans une telle situation, la possession
est susceptible d’emporter deux effets acquisitifs différents :
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DROIT CIVIL DES BIENS
- Dans le code civil de 1804, la prescription acquisitive comme forme de prescription reposait sur
l’écoulement du temps. Pour pouvoir prescrire le droit réel possédé il fallait toujours une certaine
durée de possession. Toutes les prescriptions reposaient sur l’écoulement du temps. Une loi du 17
juin 2008 est venue réformer la prescription extinctive mais aussi la prescription acquisitive à
l’occasion de cette loi, l’article 2276 du Code civil a été classé parmi les modes de prescription
acquisitive. Cet article permet une acquisition des droits réels mobiliers par l’effet de la
possession qui est une acquisition instantanée. Il s’agit depuis la loi de 2008 d’une prescription
acquisitive qui se produit sans écoulement du temps. C’est donc la raison pour laquelle
l’écoulement du temps ne figure plus dans la définition de la prescription acquisitive telle
qu’elle ressort de l’article 2258 du Code civil.
Cette usucapion est a priori un mécanisme relativement étrange. Il permet à une personne
d’acquérir un droit réel en raison d’une situation de pur fait et au détriment du véritable
titulaire de ce droit. Ce que le possesseur va acquérir, le véritable titulaire du droit réel va le perdre.
Pour explique ce mécanisme, 3 considérations essentielles :
- L’usucapion sanctionne le véritable titulaire du droit réel qui est négligent en refusant
d’exercer son droit et même de protéger son droit contre le possesseur parallèlement la
prescription acquisitive récompense le possesseur qui accepte de mettre la chose en valeur en
l’exploitant et qui accepte également d’en supporter toutes les charges et tous les risques.
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DROIT CIVIL DES BIENS
ce qui signifie pour la propriété du sol de remonter jusqu’à la nuit des temps. La preuve parfaite
de la propriété serait une preuve impossible.
Grâce à l’usucapion il est possible de prouver avec certitude qu’à un certain moment une
personne même si à l’origine elle n’était pas propriétaire l’est nécessairement devenu. Si une
personne a acquis sa propriété d’un non-propriétaire, elle pourra grâce à la prescription acquisitive
garantir que c’est bien elle désormais le propriétaire. C’est pour cela qu’à chaque vente d’immeuble on
va rechercher si les conditions de la prescription acquisitive sont remplies et à quel moment elles ont
été remplies.
L’usucapion est également un mécanisme dangereux qui fait perdre à une personne son droit réel non
seulement sans indemnité mais en plus dans un but purement privé. A certains égards, l’usucapion
pourrait s’apparenter à une expropriation totalement contraire à l’article 545 du Code civil.
Au niveau international, l’usucapion a été confronté à l’article 1er du 1er protocole additionnel à la
convention européenne des droits de l’Homme. Texte qui concerne la protection des biens et
notamment de la propriété. Il s’agit d’une affaire portée devant la CEDH qui ne concernait pas la
France mais qui concernait la G.B qui connait un mécanisme analogue à l’usucapion français. La
CEDH a tout d’abord considéré que l’usucapion est contraire à l’article 1er du 1er protocole : décision
du 15 novembre 2005. La G.B a demandé le renvoi de l’affaire devant la grande chambre de la Cour
européenne, laquelle à une très courte majorité des juges a considéré que l’usucapion ne constitue pas
une atteinte illégitime à la protection des biens. Même s’il s’en est fallu de peu, l’usucapion a été
sauvé.
L’usucapion repose sur un certain nombre de règles générales applicables tout le temps mais aussi
sur des règles spéciales qui varient selon que l’on se trouve en matière immobilière ou en matière
mobilière.
Pour qu’il puisse y avoir prescription acquisitive il faut qu’il y ait une véritable possession car seul le
possesseur peut usucaper. D’une part, l’usucapion ne peut pas fonctionner en raison d’actes de
pure faculté ou d’actes de simple tolérance qui ne fondent pas une possession : article 2262 du
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DROIT CIVIL DES BIENS
Code. EXEMPLE : si une personne laisse passer son voisin sur son fonds, il s’agit d’une simple
tolérance qui ne fait pas du voisin un possesseur si bien qu’aucune usucapion n’est possible.
Puisque la possession est nécessaire, ne peuvent acquérir le droit par prescription ni le détenteur
précaire, si ses héritiers. C’est ce qui ressort des articles 2266 et 2267 du Code civil. Cette exclusion
ne vaut que tant qu’il n’y a pas d’interversion de titre.
Par ailleurs, il faut que la possession soit utile être en présence d’une possession exempte de vice.
Étant rappelé que les vices de violence et de clandestinité sont des vices temporaires et relatifs, ils
n’empêchent pas la prescription acquisition.
C’est de façon particulière la condition de continuité qui va se poser toutes les fois où la prescription
acquisitive repose sur l’écoulement du temps. Le cours de la prescription acquisitive est soumis aux
mêmes causes de suspension et aux mêmes causes d’interruption que le cours de la prescription
extinctive. L’article 2259 du Code civil renvoie aux articles 2233 et suivants.
Par ailleurs, il faut observer que le cours de la prescription acquisitive en plus d’être soumis aux
causes d’interruption et aux causes de suspension de la prescription acquisitive est soumis à une cause
d’interruption particulière qui est prévue à l’article 2271 du Code civil vise l’hypothèse dans
laquelle le possesseur est privé de la chose soit par le propriétaire soit par un tiers pendant plus
d’un an. Dans ce cas, on peut estimer que l’absence de protection de la possession de la part du
possesseur équivaut à une volonté d’abandonner sa possession actuelle. Il y a donc interruption de la
possession si bien que si elle recommence à courir elle recommencera à 0.
La computation des délais : la prescription acquisitive se compte en jours, article 2288 du Code
civil, sans tenir compte du dies a quo mais jusqu’à l’écoulement complet du dies ad quem. Le dies a
quo c’est le jour auquel le possesseur est entré en possession. Dans ce cas, ce jour n’est pas
comptabilisé et le délai de prescription commence à courir le lendemain à 0 heures. Le dies ad quem
c’est le dernier jour de la prescription qui doit être complètement révolu pour que la prescription soit
acquise. Il faut attendre la toute fin du dernier jour pour que la prescription soit acquise. L’article
2265 du Code civil prend en compte l’hypothèse dans laquelle au cours de l’écoulement du délai c’est
une autre personne que le possesseur initial qui va entrer en possession. La question qui se pose est
de savoir si l’ayant-cause va pouvoir joindre à sa propre possession celle de son auteur, c’est-à-
dire celui qui a transmis.
Il faut ici distinguer suivant la qualité de l’ayant-cause. Lorsque l’ayant-cause est un ayant-cause
universel ou à titre universel : lorsqu’il recueille tout ou partie du patrimoine de l’auteur il continue
la personne de son auteur. Cela signifie donc que l’ayant-cause va prescrire dans les mêmes conditions
que son auteur même s’il ne remplit pas lui-même les conditions de cette prescription.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Pour les ayants-causes à titre particulier : celui qui détient un droit en particulier de la part de son
auteur. Il faut distinguer selon la position de l’auteur. Lorsque l’auteur prescrivait selon le droit
commun, l’ayant-cause à titre particulier peut poursuive la même prescription et opérer la jonction
ou alors il peut engager sa propre prescription spéciale mais alors il ne peut pas procéder à la jonction.
Lorsque l’auteur prescrivait selon le droit spécial : la jonction peut toujours avoir lieu mais
l’ayant-cause particulier ne peut poursuivre la même prescription spéciale que s’il en remplit lui-même
les conditions, il pourra opérer la jonction selon le droit commun.
Les conditions spéciales de l’usucapion varient selon que l’on se trouve en matière immobilière ou en
matière mobilière.
L’usucapion immobilière
La prescription de droit commun est prévue à l’article 2272 alinéa 1er du Code civil. Cette
prescription suit uniquement les conditions générales de l’usucapion. Elle s’opère par l’écoulement
d’un délai de 30 ans, après 30 ans de possession, le possesseur devient titulaire du droit réel
immobilier.
La prescription abrégée est prévue à l’article 2272 alinéa 2 du Code civil. Dans le code civil de
1804, la prescription abrégée pouvait être de 10 ou de 20 ans selon le lieu où se situait l’immeuble par
rapport au domicile du véritable titulaire du droit réel. Cependant, en raison des développements des
moyens de transport et des moyens de communication, le législateur a décidé de mettre fin à cette
dualité de délai. Depuis la loi du 17 juin 2008 seul subsiste le délai de 10 ans. Le possesseur va
pouvoir acquérir le droit réel immobilier au bout de 10 ans et non pas au bout de 30 ans. Pour cela,
encore faut-il que ce possesseur remplisse deux conditions particulières qui viennent s’ajouter aux
conditions de droit commun :
- La bonne foi pour bénéficier de la prescription abrégée, le possesseur doit croire qu’il est le
véritable titulaire du droit réel. Cette bonne foi est toujours présumée ce qui signifie que c’est à
celui qui la conteste de prouver la mauvaise foi. S’il y parvient, on reviendra sur le délai de 30
ans. La bonne foi s’apprécie en une seule fois au moment de l’entrée en possession. A contrario, la
bonne foi ne s’apprécie pas de façon continue tout au long de la possession. Même s’il devient de
mauvaise foi plus tard, la condition de bonne foi reste remplie car elle ne s’apprécie qu’au moment
de l’entrée en possession.
- Le juste titre se définit comme un acte juridique valable translatif ou constitutif de droits réels
qui aurait investi l’ayant-cause du droit qu’il possède si son auteur avait été habile juridiquement à
le lui conférer. EXEMPLE : ce sera le cas à chaque fois que se produire une acquisition a non-
domino : acquisition d’un non-propriétaire.
o On s’aperçoit que le juste titre c’est un acte juridique qui établi un rapport
d’auteur à ayant-cause. Ne constituent donc pas des justes titres des acquisitions
réalisées dans un cadre successorale puisque ces acquisitions ne reposent pas sur un
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DROIT CIVIL DES BIENS
acte juridique mais sur un fait juridique : le décès d’une personne. De même, ne
constitue pas un juste titre ce que l’on appelle le titre putatif l’acte juridique qui
n’existe que dans l’esprit du possesseur.
o Le juste titre est un acte qui a vocation à transmettre ou à créer un droit réel. Ne
sont donc pas des justes titres les actes qui donnent uniquement naissance à des droits
personnels. Et ne sont pas non plus des justes titres les actes qui ne transfèrent pas un
droit, qui ne créent pas un droit réel mais qui se contentent de déclarer l’existence
d’un droit. Les actes déclaratifs ne sont pas des justes titres. Il en va ainsi de l’acte de
partage d’une indivision qui ne fait que constater les droits préexistants des
copartageants.
o Le juste titre est un acte valable ce qui signifie qu’il n’est infecté d’aucune autre
cause de nullité que celle qui résulte de l’absence de droits de l’auteur. Il ressort de
l’article 2273 du Code civil que si l’acte souffre un vice de forme il ne peut pas
constituer un juste titre.
Pour échapper au délai de droit commun de 30 ans en matière immobilière il est possible de
bénéficier d’un délai de 10 ans pour prescrire mais il faut que le possesseur soit de bonne foi et qu’il
bénéficie d’un juste titre conditions cumulatives.
L’usucapion mobilière
La première chose qui frappe lorsqu’on ouvre le code civil c’est qu’il existe une incertitude en ce qui
concerne le délai de prescription du droit commun. Dans le code civil de 1804, le délai de 30 ans
était un délai de droit commun, un délai général qui s’appliquait à défaut de délais plus courts aussi
bien en matière immobilière qu’en matière mobilière. Dans le code de 1804, le délai de prescription de
droit commun en matière mobilière était un délai de 30 ans.
La loi du 17 juin 2008 a obscurci considérablement les choses. D’un côté on trouve les articles 2272
et les articles 2224. L’article 2272 pose le délai de 30 ans mais il réserve ce délai à la prescription
acquisitive immobilière. L’article 2224 décide que les actions mobilières se prescrivent par 5 ans.
On serait tenté de dire que le délai de droit commun en matière mobilière c’est un délai de 5 ans. D’un
autre côté, on trouve deux éléments :
Les textes sur la prescription acquisitive ne permettent pas de savoir si le délai de droit commun en
matière mobilière est un délai de 30 ans ou de 5 ans. En matière mobilière, le délai de droit commun
n’a pas beaucoup d’importance. Peu importe de savoir si le délai est de 5 ans ou de 30 ans en
matière de bien meuble, dans la grande majorité des cas, l’usucapion ne repose pas sur
l’écoulement du temps, elle se réalise de façon instantanée. Cette usucapion instantanée repose sur
l’article 2276 du Code civil utilisé comme une règle de fond. C’est la présence de ce texte dans le
chapitre du Code consacré à la prescription acquisitive qui explique que cette prescription acquisitive
n’est plus définie par référence à l’écoulement du temps.
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’article 2276 du Code civil, « en fait de meuble la possession vaut titre » doit être rapproché de
l’article 1198 du Code civil. L’article 1198 prévoit qu’en cas de conflit entre acquéreurs
successifs d’un même meuble doit l’emporter celui qui est entré en possession de bonne foi.
L’article 1198 n’est qu’une déclinaison de l’article 2276.
En tant que règle de fond, l’article 2276 du Code civil s’applique en cas de transmission ou de
constitution de droits réels a non-domino. On est dans une situation comparable à celle qui résulte
d’un juste titre en matière immobilière. Par ailleurs, l’article 2276 n’est applicable qu’en matière de
meuble corporel puisque seuls les meubles corporels sont susceptibles de possession. Pour que
l’article 2276 puisse jouer en tant que règle de fond, il faut que le possesseur soit de bonne foi. Là
encore, la bonne foi est toujours présumée mais la mauvaise foi peut être prouvée par le véritable
titulaire du droit réel notamment lorsque la chose manifeste elle-même l’identité de son propriétaire.
Comme en matière immobilière, la bonne foi s’apprécie en une seule fois au moment de l’entrée en
possession puisque c’est dès cet instant que l’usucapion va se réaliser.
En matière mobilière, lorsque le possesseur entre en possession de bonne foi, in so facto il va être
reconnu comme le titulaire du droit réel. Cette règle d’acquisition instantanée souffre une exception
prévue à l’article 2276 alinéa 2 : si la chose avait été précédemment perdue ou volée le véritable
propriétaire conserve son action en revendication pendant un délai de 3 ans à partir de la perte
ou du vol. Même si le possesseur entre en possession de bonne foi, il devra s’incliner face au véritable
propriétaire si celui-ci fait la preuve de son droit. En principe, le véritable propriétaire qui revendique
sa chose ne doit aucune indemnité au possesseur. Il en va simplement différemment lorsque le
possesseur a acquis la chose auprès d’un marchand de chose pareille (antiquaire) auquel cas, il a
le droit au remboursement du prix.
Il faut observer que l’article 2276 tient une place essentielle en droit français et permet la sécurité
juridique des transactions en matière mobilière. Que l’acquéreur d’un meuble l’acquière ou non du
véritable propriétaire, sa possession le protégera souvent et lui permettra d’éliminer le véritable
propriétaire.
- Il s’agit d’une acquisition désirée le possesseur même après l’écoulement du délai requit ne
devient pas le titulaire du droit réel de plein droit. Il n’en devient le titulaire que s’il le souhaite et
qu’il l’invoque. Il peut l’invoquer de deux façons différentes :
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DROIT CIVIL DES BIENS
de l’usucapion et qui va pouvoir ensuite être publié au fichier immobilier pour que le
droit du possesseur devienne opposable aux tiers.
- Il s’agit d’une acquisition originaire le possesseur n’est pas l’ayant-cause de l’ancien titulaire
du droit réel. Le possesseur va acquérir un droit réel nouveau de même nature que celui de
l’ancien titulaire mais corrélativement le droit de cet ancien titulaire va s’éteindre. Il n’y a donc
pas de rapport de droit entre le possesseur et l’ancien titulaire du droit réel. Plusieurs
conséquences :
o Le possesseur devient titulaire d’un droit réel purgé de tous ses vices avec ses
propres caractéristiques les vices et les caractéristiques du titulaire de l’ancien
droit réel ne se retrouvent pas dans le nouveau droit réel du possesseur.
o Il permet de consolider tous les actes qui ont été accomplis par le possesseur
durant le temps de sa possession tant qu’il n’avait pas prescrit, ces actes ont été
accomplis par quelqu’un qui n’avait pas le droit de le faire
En matière de possession il existe un autre effet acquisitif, l’acquisition de la propriété des fruits. De
façon générale, un fruit c’est une chose qui est générée par une autre chose mais sans qu’il soit porté
atteinte à la substance de cette dernière. EXEMPLE : sont des fruits les pommes de l’arbre, sont
également des fruits tous les revenus financiers qui peuvent être tirés de l’exploitation d’une chose :
les loyers.
Lorsque le possesseur acquiert le droit par prescription acquisitive il est propriétaire à la fois des
fruits à venir mais aussi des fruits passés parce que l’usucapion produit un effet rétroactif. Il est
également possible pour le possesseur de devenir propriétaire des fruits alors même qu’il ne réalise pas
la prescription acquisitive. Hypothèse où une personne va posséder, va récolter des fruits et quelques
temps plus tard le véritable titulaire du droit réel va revendiquer son droit et récupérer la chose.
Question de savoir quel est le sort des fruits qui ont été perçus par le possesseur pendant toute une
période alors que l’on sait que durant cette période il n’avait pas de droit pour recueillir ces
fruits. Ce sort dépend selon l’article 549 du Code civil de la bonne ou mauvaise foi du possesseur.
44
DROIT CIVIL DES BIENS
Selon ce texte, c’est le possesseur de bonne foi qui fait les fruits sien. Lorsque le possesseur recueille
des fruits en étant de bonne foi, ces fruits lui sont définitivement acquis. En revanche, s’il acquiert les
fruits de mauvaise foi, il devra les restituer au véritable titulaire du droit réel. Cette bonne foi en
matière d’acquisition des fruits suppose deux observations :
La bonne foi est décrite à l’article 550 du Code civil où elle est présentée comme résultant
d’un titre translatif dont le possesseur ignorait les vices. Ce texte semble renvoyer à la
condition du juste titre telle qu’on la connait dans la prescription immobilière abrégée.
Pourtant, dans l’article 550 le juste titre ne constitue pas une condition autonome. La seule
chose qui importe : savoir si le possesseur est de bonne foi ou non. Il peut être de bonne foi
en raison d’un juste titre mais aussi pour d’autres raisons. La bonne foi du possesseur a pu être
reconnue sur le fondement d’un titre putatif.
Cette bonne foi s’apprécie ici non pas à un moment déterminé, elle se détermine de façon
continue ⇒ c’est sur toute la durée de la possession qu’il va falloir rechercher si le possesseur
est de bonne ou mauvaise foi. Tous les fruits qui seront perçus de bonne foi lui seront acquis
mais dès l’instant où il deviendra de mauvaise foi il deviendra comptable des fruits vis-à-
vis du véritable titulaire du droit réel. EXEMPLE : le possesseur croit être le propriétaire
et un jour il reçoit une assignation, action en revendication du véritable propriétaire. A
compter de cette action le possesseur cesse d’être de bonne foi et à compter de ce moment
tous les fruits qu’il va recueillir de la chose il devra les restituer au véritable propriétaire.
Lorsque le possesseur recueil des fruits de mauvaise foi et qu’il en est comptable vis-à-vis du
propriétaire du droit, il doit les restituer en principe en nature et s’il ne le peut pas il doit le faire en
valeur.
La possession c’est une situation de pur fait. Cette situation de pur fait est protégée en elle-
même, pour elle-même, même si elle ne correspond pas à la situation de droit et même si le possesseur
est de mauvaise foi. La protection de la possession va ainsi permettre d’atteindre les objectifs de la
possession : protéger la situation de droit, permettre d’assurer l’ordre et la paix publique et permettre à
terme de remettre en conformité le fait avec le droit et d’assurer la sécurité juridique.
L’étendue de la protection possessoire dépend du rôle essentiel que l’on souhaite assigner à la
possession. Sur ce point, il existe deux conceptions :
La première conception est dite subjective et a été défendue par SAVIGNY et s’inspire de la
philosophie de Kant. Dans cette conception, la possession a pour fonction principale de
protéger un intérêt individuel, l’intérêt de celui qui accepte d’exploiter le bien, qui
accepte de mettre le bien en valeur. L’élément central de la possession c’est l’animus. Dans
cette conception, la protection de la possession est réservée au véritable possesseur. Celui qui
a à la fois le corpus et l’animus.
La conception objective défendue par IHERING et s’est inspiré de la philosophie de EGLE,
la possession a pour rôle essentiel de préserver l’ordre et la paix publique qui sont des
intérêts généraux. La possession a pour principal objectif d’éviter la force et la violence. Or,
cette force et cette violence sont susceptibles de s’exercer à l’encontre de toute personne qui a
45
DROIT CIVIL DES BIENS
la chose entre ses mains. C’est donc le corpus qui est ici déterminant si bien que la protection
possessoire doit bénéficier autant au véritable possesseur qu’à un simple détenteur précaire.
Dans le code civil de 1804, la protection possessoire n’était accordée qu’au véritable possesseur
(subjective), de sorte que lorsqu’un détenteur précaire subissait un trouble de la part d’un tiers, il ne
pouvait pas agir lui-même, il devait en référer au possesseur à charge pour ce dernier d’agir lui-même.
En 1975, le législateur est intervenu et a glissé vers la conception objective de la possession. Depuis
1975, peuvent bénéficier de la protection possessoire autant le véritable possesseur que le simple
détenteur précaire. Si le détenteur est troublé il peut agir lui-même sur le fondement de la
protection possessoire.
Pendant très longtemps, la protection possessoire passait par des actions en justice spécifiques, des
actions en justice spéciales qui étaient au nombre de trois :
Ces actions possessoires étaient d’assortie d’une règle de non-cumul entre le possessoire et le
pétitoire (le fond du droit). Les règles de procédure applicables aux actions possessoires étaient
conçues de telle manière que ces actions puissent être traitées sans aucunes interférences du fond du
droit. Ce système a évolué en raison de deux facteurs :
On s’est aperçu au début des années 2000 qu’en pratique un très faible nombre d’actions
possessoires étaient engagées chaque année.
La CDC a admis que le possesseur peut s’il le souhaite protéger sa possession sur le
fondement du droit commun à savoir l’action en référé. Le référé comme les actions
possessoires ne permet pas de traiter du fond du droit.
Le législateur en février 2015 a supprimé toutes les actions possessoires et donc les règles du non-
cumul du possessoire et du pétitoire. Aujourd’hui, pour protéger la possession il n’y a qu’une voie
possible : l’action en référé.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Le principe c’est qu’il n’existe pas de numerus clausus. Par principe, les volontés individuelles
peuvent créer des droits réels nouveaux, innommés par le législateur. Ce pouvoir de la volonté est
enfermé dans des limites étroites de telle sorte qu’il est assez difficile de créer de nouveaux droits
réels.
Le législateur nomme et réglemente un très grand nombre de droits réels qu’il s’agisse de
droits réels principaux comme la propriété, l’usufruit, les servitudes ... ou de droits réels accessoires,
les garanties de paiement, qu’il s’agisse de la fiducie sûreté, de l’hypothèque ... La question de savoir
si en dehors de ces droits réels on peut en créer de nouveaux ne se pose pas de la même façon pour
les droits réels principaux et pour les droits réels accessoires.
La question ne se pose pas pour les droits réels accessoires ⇒ ou bien le droit réel accessoire confère
une exclusivité au créancier et ce droit réel c’est alors le droit de propriété ou bien alors il s’agit
d’un droit réel accessoire qui confère un droit de préférence au créancier dans ce cas il n’y a pas
de privilège sans texte.
Le fond du problème provient d’un texte de l’article 543 du Code civil : « on peut avoir sur les
biens ou un droit de propriété ou un simple droit de jouissance ou seulement des services fonciers à
prétendre (les servitudes) ». Ce texte a divisé la doctrine dans son interprétation.
Pour certains auteurs il s’agit d’un texte qui est doté d’un véritable caractère normatif et plus
précisément qui vient limiter les droits réels à ceux qui sont énumérés. On aurait donc une liste fermée
de droits réels posée par l’article 543. Ces auteurs font valoir deux choses :
Une raison historique : l’article 543 avait pour but d’empêcher que par un contrat on puisse
faire renaitre la propriété féodale.
Le droit des biens serait une matière essentiellement d’ordre public parce qu’elle intéresse
beaucoup plus les tiers que le droit des contrats.
D’autres auteurs au contraire considèrent qu’en réalité l’article 543 n’a pas de contenu normatif.
C’est un texte qui se contente d’annoncer les différents droits qui vont être traités dans le code civil.
Ces auteurs expliquent que même si l’origine historique du texte est vraie, aujourd’hui cette origine
47
DROIT CIVIL DES BIENS
n’a plus de raison d’être. Par ailleurs, ces auteurs observent que le texte emploie une formule
affirmative « on peut avoir » et non pas une formule négative « on ne peut avoir que », c’est la formule
négative qui traduit le caractère limitatif, ici on a une formule affirmative dont on ne peut pas déduire
le caractère limitatif du texte. Ils disent encore qu’au fond permettre la multiplicité des droits réels
c’est augmenter l’utilité qu’on peut tirer des choses et c’est bien pour tous.
L’enjeu du problème : comment fait-on en droit pour exploiter les utilités d’une chose ? On a deux
instruments : le droit personnel et le droit réel. Si les droits réels sont en nombre limité, en dehors de
ces droits on ne peut utiliser que le droit personnel. Mais, le droit personnel présente une faiblesse
essentielle, il n’est assorti d’aucun droit de suite. Si le propriétaire consent un droit personnel à
quelqu’un d’autre, le jour où il cède sa propriété, le titulaire du droit personnel ne pourra rien réclamer
à l’acquéreur. Si on peut utiliser la technique du droit réel on va pouvoir avoir le droit de suite.
La réponse jurisprudentielle à la question du numerus clausus a été apportée par la CDC dans un arrêt
de 1834, CAQUELARD ⇒ la CDC a affirmé que sous réserve de respecter l’ordre public les
parties à un contrat peuvent créer des droits réels qui ne sont pas prévus par la loi.
A la suite de cet arrêt, pendant près de 150 ans, la CDC n’a jamais été aussi claire. Pendant près de
150 ans en effet, lorsqu’elle a été confrontée à des droits réels nouveaux, la CDC en a reconnu la
validité mais simplement de façon tacite, implicite. A la fin du XXème siècle on pouvait se
demander si l’arrêt CAQUELARD était toujours d’actualité.
2009, avant-projet de réforme du droit des biens, association Capitant ⇒ on trouvait un droit réel
nouveau qui n’existait pas jusqu’à présent : droit réel de jouissance spéciale. Ce droit réel de
jouissance spéciale n’a jamais vu le jour dans la loi, ça reste un droit réel innommé, ce n’est pas un
droit réel réglementé par le législateur.
Il a vu le jour dans la jurisprudence en tant que droit réel nouveau créé par la volonté des parties :
arrêt du 31 octobre 2012, Maison de Poésie ⇒ la CDC reconnait la validité du droit réel de
jouissance spéciale créé uniquement par la convention des parties. Elle repose le principe que les
parties peuvent créer les droits réels de leur choix sous réserve de respecter l’ordre public.
Arrêt du 28 janvier 2015, arrêt du 8 septembre 2016 Maison de Poésie 2, arrêt de 2019, arrêt de
mars 2021.
Le droit réel de jouissance spéciale a été reconnu consacré par la CDC en tant que droit réel nouveau.
Aujourd’hui, il n’existe pas de numerus clausus des droits réels. La volonté des parties peut créer un
droit réel nouveau, un droit réel sui generis, un droit réel innommé. Cette possibilité de créer un droit
réel nouveau fait globalement l’unanimité en doctrine. Là où il y a des dissonances c’est concernant
les limites de ce principe.
C’est une chose de dire que les parties peuvent créer un nouveau droit réel, c’est tout autre chose que
de déterminer quelle est la marge de manœuvre exacte de la volonté des parties.
48
DROIT CIVIL DES BIENS
Lorsqu’on lit les arrêts de la CDC on s’aperçoit qu’elle ne vise toujours que la limite de l’ordre
public. En réalité, avant l’ordre public il en existe une autre.
La vraie, la première des limites c’est que le droit réel créé par les parties doit véritablement être
un droit réel nouveau. Par son contenu, par les prérogatives qu’il confère, le droit réel ne doit pas
correspondre à une figure juridique connue du législateur.
Négativement, cela signifie aussi que la nouveauté de ce droit réel ne doit pas simplement résider
dans un aménagement du régime juridique d’un droit réel existant. La vraie nouveauté du droit
réel ne peut pas résider dans le régime juridique de ce qui existe mais dans les prérogatives du titulaire
du droit.
Deuxième limite : l’ordre public. Cette limite correspond effectivement à l’ordre public général tel
qu’on le connait en droit des contrats. Mais, il y a aussi ce que l’on appelle l’ordre public des biens
qui est un peu + délicat à définir, deux manifestations principales :
La notion de servitude : pour des raisons historiques, la servitude est définie comme une
charge imposée à un fond pour l’usage d’un autre fond. La servitude n’est concevable qu’entre
deux immeubles par nature. On ne peut donc pas imaginer un droit réel nouveau qui constitue
une charge entre un immeuble et un meuble, entre deux meubles et même pire au bénéfice ou
à la charge d’une personne.
La CDC, arrêt 24 mai 2000 ⇒ a eu à connaitre d’une servitude qui prenait toute la jouissance de la
chose. La CDC a dit que cette servitude est nulle car on ne peut pas à la fois vider la propriété de sa
substance et faire en sorte que ça dure très longtemps.
Dans l’arrêt Maison de poésie, le droit qui avait été consenti ressemblait beaucoup à un droit
d’usufruit. Ce droit avait été consenti à une personne morale. Par voie de conséquence, si on avait
qualifié ce droit d’usufruit, il aurait dû s’éteindre au bout de 30 ans. La CDC a dit qu’en réalité le
droit litigieux n’est pas un usufruit mais un droit réel de jouissance spéciale si bien qu’il n’est pas
limité à 30 ans. A partir du moment où le droit présentait les caractères de l’usufruit il devait être
soumis à la limite de 30 ans, la CDC a changé la qualification pour déroger à une règle d’ordre public.
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’arrêt de 2015 (droit d’usage) : la CDC a dit que c’était un droit réel de jouissance spéciale donc pas
de limite de 30 ans. Souvent, la CDC consacre un prétendu droit réel nouveau qui n’est simplement
qu’un droit réel connu du législateur mais pour l’amputer à une règle de droit public.
Chapitre 3 : Un droit susceptible de disposition
Porter sur la chose elle-même : dans ce cas on parle d’abusus matériel, consiste à altérer
profondément la chose. Cet abusus matériel est une prérogative qui ne peut appartenir qu’au
seul propriétaire. C’est la marque de la propriété.
Porter sur le droit lui-même : l’abusus juridique : n’est pas propre au droit de propriété, il
concerne tous les droits aussi bien les droits réels que les droits personnels. Il consiste à
pouvoir accomplir des actes que l’on appelle des actes de dispositions par opposition aux actes
d’administration et aux actes conservatoires.
Cet abusus juridique trouve son assise dans l’article 537 du Code civil : « les particuliers ont la libre
disposition des biens qui leur appartiennent sous les modifications établies par les lois ». Trois
observations :
Le texte est limité aux particuliers : aux personnes de droit privé. Les personnes de droit
publique relèvent du CGPB.
Le texte vise les biens sans distinction ce qui montre que la libre disposition porte
indistinctement sur les droits réels que les droits personnels. EXEMPLE : la cession de
créance relève de la libre disposition
Le texte indique également que cette liberté est encadrée, qu’elle est soumise à certaines
limites.
La libre disposition peut prendre plusieurs formes, elle peut consister dans la transmission d’un droit
préexistant, elle peut consister également dans la création d’un droit nouveau, et elle peut aussi
prendre la forme d’une renonciation à un droit.
On peut distinguer deux grandes formes de disposition : les dispositions au bénéfice d’autrui
(transmission, constitution) et les dispositions sans bénéficiaire (renonciation).
Disposer d’un droit au bénéfice d’autrui c’est conférer à autrui les utilités et les avantages que l’on
peut retirer d’une chose. Pour se faire, on utilise l’acte juridique.
50
DROIT CIVIL DES BIENS
Il est également possible de créer un droit réel nouveau directement dans le patrimoine
d’autrui. Il s’agit d’un droit réel sur la chose d’autrui qui peut être un droit réel principal ou
un droit réel accessoire.
Dans cette disposition, il y a toujours à l’origine une manifestation de volonté. L’instrument c’est
l’acte juridique. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas libre disposition lorsque la transmission ou
la constitution d’un droit procède d’une cause involontaire. EXEMPLE : le décès d’une
personne.
Il n’y a pas non plus libre disposition pour tous les droits réels qui naissent de l’autorité seule de
la loi. EXEMPLE : l’usufruit des parents sur les biens de leur enfant mineur.
Il existe une très grande variété d’actes juridiques qui permettent de disposer du droit réel.
Le titulaire d’un droit réel peut choisir de disposer ou de ne pas disposer : la libre
disposition va s’appuyer sur deux autres principes : la liberté contractuelle et la liberté
testamentaire.
La possibilité de choisir les modalités de l’acte de disposition : elles sont nombreuses mais
deux principales nous intéresse :
51
DROIT CIVIL DES BIENS
Il s’agit ici de s’interroger à un triple point de vue sur le droit qui est consenti au bénéficiaire de la
disposition.
Son étendue : la réponse à cette question est dictée par une règle selon laquelle l’ayant-cause
ne peut jamais avoir + de droits que n’en avait son auteur. L’acte de disposition va réaliser
une acquisition dérivée du droit où toutes les limites qui s’imposaient à l’auteur vont
s’imposer à l’ayant-cause. Nemo dat quod non habet : nul ne peut donner ce qu’il n’a pas.
Nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet : on ne peut pas transférer plus
de droits que l’on en a soi-même.
Reportée dans le temps par la volonté des parties. EXEMPLE : les parties peuvent
stipuler un terme suspensif, elles peuvent stipuler aussi une clause de réserve de
propriété qui permet au vendeur de rester propriétaire tant que l’acheteur n’a pas
complètement payé le prix.
Reportée dans le temps par la nature des choses : lorsque le droit réel porte sur des
choses futures, le bénéficiaire ne peut acquérir son droit qu’au moment où la chose
devient présente. On peut assister à un report dans le temps de l’acquisition lorsque le
droit réel porte sur des choses fongibles. Dans ce cas, tant que la quantité de chose n’a
pas été individualisée, le bénéficiaire ne peut pas acquérir son droit.
En matière de disposition à cause de morts, les choses sont différentes car le légataire ne devient
propriétaire qu’au moment où les héritiers lui délivrent son lègue. Le problème c’est que le légataire
ne tient pas son droit des héritiers mais directement du défunt. Or, entre le moment du décès et le
moment de la délivrance peut s’écouler un certain temps durant lequel a priori plus personne n’est
propriétaire. Ici, l’acquisition de son droit par le légataire va opérer rétroactivement au jour du décès.
Son opposabilité : cette opposabilité pose une difficulté particulière lorsque deux personnes
sont en conflit pour tenir d’un même auteur des droits réels concurrents et incompatibles entre
eux. EXEMPLE : vend un immeuble à A et le lendemain le même immeuble je le vend à B. Il
va falloir distinguer suivant l’assiette du droit :
52
DROIT CIVIL DES BIENS
premier bénéficiaire.
Le droit a pour assiette un meuble corporel ⇒ c’est l’article 2276 qui va jouer à
savoir que c’est le premier bénéficiaire entré en possession de bonne foi qui
l’emportera sur l’autre. Lorsque c’est le second bénéficiaire en date qui entre en
possession il doit être de bonne foi. S’il est de mauvaise foi, le premier bénéficiaire
pourra faire valoir l’antériorité de son titre pour pouvoir récupérer la chose.
Les limites à la libre disposition présentent des caractères différents. Certaines limites sont
consenties, elles sont voulues et acceptées par le disposant. D’autres limites en revanche lui sont
imposées soit par le législateur, soit par une décision de justice. Certaines limites portent des
atteintes ponctuelles au principe de libre disposition tandis que d’autres portent des atteintes plus
substantielles.
Certaines limites sont justifiées par des considérations d’intérêts général tandis que d’autres au
contraire sont justifiées par des considérations particulières. Toutes ces limites sont susceptibles
d’affecter les trois dimensions du principe de libre disposition : la liberté de disposer ou de ne pas
disposer, la liberté de choisir le bénéficiaire de la disposition et la liberté de choisir les modalités de
l’acte de disposition.
Hypothèses dans lesquelles une personne peut soit être tenue de disposer de son droit, soit au contraire
peut être interdite de disposer de son droit, c’est l’interdiction de disposer.
1. L’obligation de disposer
Situations dans lesquelles une personne va être contrainte de disposer de son droit réel au profit d’une
autre personne. D’un point de vue théorique, cette hypothèse est réglée par l’article 545 du Code civil
relatif à l’expropriation. Selon ce texte, l’expropriation suppose la réunion de trois conditions : une
cause d’utilité publique, une indemnité juste et une indemnité préalable.
A ces trois conditions il y a une possibilité d’expropriation sachant que ce droit d’exproprier appartient
aux personnes publiques car c’est elles qui sont en charge de l’intérêt général.
On s’aperçoit qu’il existe des cas dans lesquels une personne peut être contrainte de disposer de
son droit en dehors des conditions de l’article 545.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Article 661 du Code civil, concerne les murs séparatifs entre deux fonds : l’un des propriétaires peut
contraindre l’autre à lui céder la mitoyenneté de ce mur.
2. L’interdiction de disposer
Parfois, cette interdiction de disposer est une interdiction partielle. EXEMPLE : la personne n’a pas
le droit de disposer vis-à-vis de telle autre personne mais elle peut disposer au profit d’une autre.
Parfois également, c’est la constitution de certains droits qui est interdite par le législateur.
EXEMPLE : on ne peut pas constituer une hypothèque sur un meuble.
Problème : les interdictions de disposer totales. Elles supposent d’être analysées d’un triple point de
vue.
a. La source de l’inaliénabilité
Procède de la loi elle-même qui l’attache à certains biens. EXEMPLE : sont inaliénables les
droits d’usage et d’habitation et surtout sont inaliénable les biens du domaine public.
Procède du jugement : une décision du juge mais le juge ne peut prononcer une telle mesure
que sur le fondement d’une autorisation légale et qu’à la condition de limiter la mesure dans le
temps. EXEMPLE : en droit des entreprises en difficulté.
Procède de l’acte extra judiciaire : certains actes extra judiciaires ont en effet pour
conséquence de rendre une chose inaliénable. EXEMPLE : tous les actes de saisie. Lorsque la
saisie est pratiquée la chose et les droits sur la choses deviennent indisposables pour leur
propriétaire.
Procède d’un acte juridique : l’inaliénabilité peut procéder de la seule volonté. C’est ce que
l’on appelle les clauses d’inaliénabilité.
Dans le code de 1804 il n’existait aucuns textes sur les clauses d’inaliénabilité. La jurisprudence
avait considéré que de telles clauses sont nulles pour deux raisons : parce qu’elles sont contraires au
principe de libre disposition et parce que les rédacteurs du Code civil avaient souhaité faire disparaitre
ce que l’on appelait les biens de main morte de l’ancien droit ⇒ biens affectés durablement à une
institution et qui à ce titre étaient rigoureusement inaliénable.
Dans un deuxième temps, la CDC fini par en admettre la validité mais à deux conditions : il fallait que
la clause soit justifiée par un intérêt légitime et il fallait que la clause soit limitée dans le temps.
Une loi de 1971 a consacré les clauses d’inaliénabilité dans le code civil à l’article 900-1. Ce texte
reprend exactement les conditions de validité qui avaient été dégagées par la jurisprudence.
Ces clauses d’inaliénabilité on les rencontre essentiellement dans les actes à titre gratuit, dans les
libéralités. Dans les actes à titre onéreux elle est beaucoup plus rare car celui qui verse un prix pour
acquérir un droit n’entend pas être limité dans la disposition de ce droit. On les rencontre aussi parfois
dans les opérations de crédit où elle est stipulée par le débiteur au profit du créancier. De cette façon,
54
DROIT CIVIL DES BIENS
le créancier va s’assurer que le bien restera dans le patrimoine du débiteur et qu’il pourra le saisir le
moment venu. On les rencontre aussi en droit des sociétés où elles permettent de stabiliser
l’actionnariat d’une même société, les actionnaires vont être tenus de ne pas céder leurs titres pendant
une durée.
Même si elles sont stipulées pour une certaine durée il est possible judiciairement d’y mettre fin. La
personne assujettie à la clause peut en effet obtenir du juge une autorisation d’aliéner en dépit de la
clause. Il faut qu’une condition soit remplie : soit que l’intérêt qui a justifié la clause ait disparu,
lorsque l’intérêt qui a justifié la clause existe toujours mais qu’un intérêt supérieur est né. Cette
demande d’autorisation judiciaire d’aliéner est strictement réservée à la personne assujettie à la
clause.
b. La portée de l’inaliénabilité
La portée doit être appréciée d’abord au regard de la personne assujettie à l’inaliénabilité et ensuite au
regard des tiers.
Pour les tiers et spécialement pour les créanciers de la personne, l’inaliénabilité d’une chose
emporte également son insaisissabilité. Le créancier d’une personne ne peut pas avoir sur les biens
de cette personne + de droits qu’elle n’en a elle-même. Par voie de conséquence, si la personne est
soumise à une clause d’inaliénabilité son créancier ne peut pas avoir le droit de saisir et de faire vendre
le bien. Cette solution ne convainc pas complètement la doctrine lorsqu’il s’agit d’une clause
d’inaliénabilité parce que la solution contrevient à l’effet relatif des contrats. La clause est stipulée
entre deux personnes et on va lui faire produire un effet entre une tierce personne. Lorsque
l’inaliénabilité est conventionnelle certains auteurs voudraient que le bien reste saisissable.
Si l’inaliénabilité emporte l’insaisissabilité, la réciproque n’est pas vraie. On peut avoir des biens
insaisissables mais parfaitement aliénables par le débiteur.
c. Leurs sanctions
La question qui se pose est de savoir quelles sanction doit s’appliquer lorsqu’une personne dispose
de son droit au méprit d’une clause d’inaliénabilité ? Pour répondre à cette question il faut
distinguer suivant la source de l’inaliénabilité.
55
DROIT CIVIL DES BIENS
Source extrajudiciaire : procède d’un acte d’huissier : sa violation est sanctionnée par
l’inopposabilité de l’acte au créancier saisissant. L’acte passé par le débiteur est
parfaitement valable, il produit ses effets normalement mais du point de vue du créancier cet
acte est censé ne pas exister. Pour le créancier saisissant le bien est toujours dans le patrimoine
de son débiteur, il peut donc continuer sa saisie, faire vendre la chose et se faire payer sur le
prix. En matière de meubles corporels, celui qui a acquis son droit du débiteur au mépris de
l’inaliénabilité peut se réfugier derrière l’article 2276 pour faire échec aux droits du créancier
saisissant.
Une inaliénabilité conventionnelle : distinguer suivant que le tiers est de bonne foi ou de mauvaise
foi :
Si le tiers acquiert son droit de bonne foi (en ignorant la clause d’inaliénabilité), sa bonne
foi doit le protéger. Dans ce cas, les sanctions ne peuvent intervenir qu’entre le créancier de
la clause et son débiteur. Deux sanctions : engager la responsabilité contractuelle ou
obtenir la résolution du contrat qui comporte la clause.
Si le tiers acquiert son droit de mauvaise foi (en ayant connaissance de la clause), il devient
possible d’envisager des sanctions à son encontre. Dans ce cas, on peut engager sa
responsabilité extracontractuelle parce que le tiers s’est rendu complice de la violation de la
clause. Par ailleurs, il est également possible pour le créancier de la clause d’obtenir la
nullité de l’acte qui contrevient à la clause : faire revenir le bien dans le patrimoine de la
personne assujettie à la clause. On peut encore envisager la résolution du contrat qui
comporte la clause et qui dans ce cas va pouvoir se répercuter contre lui : resoluto jur dantis
resolvitur jus accipientis.
Une personne peut disposer au profit de la personne de son choix. Parfois, cette liberté n’existe pas,
soit parce que le bénéficiaire est interdit, soit parce qu’il est imposé.
1. Le bénéficiaire interdit
Il existe des cas dans lesquels une personne a sans doute le droit de disposer de son droit mais elle ne
peut pas le faire au profit de certaines personnes. Ces hypothèses ont tantôt une source légale, tantôt
une source volontaire. EXEMPLE : une personne est frappée d’une incapacité de jouissance
spéciale, cette personne peut ne pas être en mesure de bénéficier d’un acte de disposition de la part
d’une autre personne. EXEMPLE : les personnes travaillant dans des établissements psychiatriques
ne peuvent pas recevoir de la part des pensionnaires.
Certains droit réels sont parfois réservés à une catégorie de personnes déterminées. Le droit
d’habitation ne peut appartenir qu’à une personne physique : il ne peut pas être constitué au profit
d’une personne morale.
Lorsque l’interdiction procède de la loi, sa violation est sanctionnée par la nullité de l’acte. En
revanche, lorsque l’interdiction a une source conventionnelle il va falloir distinguer suivant que le
56
DROIT CIVIL DES BIENS
bénéficiaire était ou non de bonne foi. On va retrouver le même régime qu’en cas de violation d’une
clause d’inaliénabilité.
2. Le bénéficiaire imposé
Une personne veut disposer mais elle doit le faire au profit d’une personne nommée. Lorsqu’une
personne est titulaire d’un droit de préemption : droit reconnu par le législateur et qui permet à son
titulaire d’acquérir par priorité un bien. Parfois le droit de préemption protège un intérêt particulier.
EXEMPLE : en matière de baux d’habitation, si le bailleur veut vendre le locataire a un droit de
préemption.
D’autres fois le droit de préemption a une justification d’intérêt général : droit de préemption des
communes sur certains biens...
Dans tous les cas, on s’aperçoit qu’une personne qui souhaite disposer de son droit va être privée de
la possibilité de choisir le bénéficiaire. La sanction de la méconnaissance d’un droit de préemption
c’est la nullité de l’acte.
Parfois, le libre choix de l’acte peut être contrarié par le législateur. EXEMPLE : lorsqu’on veut
disposer à titre gratuit on peut être limité par l’ordre public successoral et la réserve héréditaire ⇒
quote-part de succession qui doit revenir impérativement à certains héritiers de sorte que si certaines
donations portent atteinte à cette réserve les donataires doivent rendre la valeur aux héritiers.
Entre vifs, on ne peut pas céder tout ou partie du patrimoine car le patrimoine est une émanation de la
personnalité juridique.
Enfin, le disposant peut également être limité dans son choix de disposer à cause de morts en
présence de droits viagers. Si son droit doit s’éteindre à son décès, il ne peut pas décider de le
transmettre par testament.
Les modalités de l’acte doivent coïncider avec la nature du droit, avec l’assiette du droit et le cas
échéant avec des règles d’ordre public.
Lorsqu’on dit qu’une personne dispose de son droit sans bénéficiaire on veut simplement indiquer
qu’il s’agit en réalité pour le titulaire du droit d’abdiquer ce droit, c’est-à-dire d’y renoncer. En ce
qui concerne les immeubles, cette faculté de renoncer au droit réel se dénomme le
déguerpissement. L’abandon du droit réel peut dans certains cas favoriser une tierce personne.
EXEMPLE : le titulaire d’un droit réel sur la chose d’autrui, s’il renonce à son droit, cette
renonciation aura pour conséquence de restaurer le propriétaire dans ses prérogatives.
Même si la renonciation, l’abandon profite à un tiers, ce profit n’est pas voulu, il n’est pas
recherché. Il n’y a pas une volonté de favoriser le propriétaire, il s’agit simplement d’un effet
contingent, mécanique. Ce que cherche l’auteur de l’abandon c’est simplement à se débarrasser de son
droit réel.
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’abandon d’un droit réel constitue un acte juridique c’est-à-dire une manifestation de volonté en vue
de produire des effets de droit. En l’occurrence, l’effet de droit recherché c’est l’extinction d’un
droit réel. On est donc en présence d’un acte juridique extinctif qui ne doit pas se confondre avec les
hypothèses où la perte du droit réel se réalise de façon involontaire. EXEMPLE : le droit réel
disparait en cas de perte de la chose qui en fait l’objet, il ne s’agit pas d’un abandon car la perte est un
fait juridique. De la même façon, une personne peut perdre son droit réel parce qu’une autre va
l’acquérir par prescription acquisitive.
Il s’agit d’un acte juridique unilatéral. L’auteur de l’abandon va pouvoir éteindre son droit réel par
sa seule volonté et en particulier lorsqu’il s’agit d’un droit réel sur la chose d’autrui, sans avoir à
recueillir le consentement du propriétaire. Il s’agit là d’une différence avec les droits personnels
puisque l’abandon d’un droit personnel prend la forme d’une remise de dette, laquelle doit être
acceptée par le débiteur. En matière de droit réel la volonté du titulaire du droit est suffisante pour
faire disparaitre ce droit.
Il s’agit d’un acte juridique unilatéral abdicatif ⇒ il s’agit d’une renonciation. L’abandon du droit
réel obéit aux conditions générales des actes de renonciation qui sont au nombre de deux :
La renonciation doit être expresse : la volonté ne peut pas être exprimée de façon tacite et ne
peut pas être présumée
La renonciation doit être non équivoque : il ne doit exister aucun doute sur la volonté
abdicative de son auteur.
B. La justification de l’abandon
Au premier abord, il peut sembler curieux qu’une personne veuille renoncer à son droit réel. Les
raisons peuvent être variables à l’infini mais l’une des raisons réside dans la volonté de l’auteur de se
décharger de certaines obligations réelles positives. Les obligations réelles positives ce sont des
obligations de faire qui incombent à une personne uniquement parce qu’elle est titulaire d’un droit
réel. EXEMPLE : on a la mitoyenneté d’un mur séparatif on a l’obligation de l’entretenir.
L’obligation n’incombe à la personne que parce qu’elle est titulaire du droit réel. Cette obligation
réelle positive va suivre le sort du droit réel lui-même. Lorsque le droit réel est transmis, l’obligation
est transmise de plein droit mais lorsque le droit réel est abandonné, l’obligation réelle est abandonnée
de plein droit. EXEMPLE : vous êtes propriétaire d’un appartement, il faut payer les charges de
copropriété : soit on vend l’appartement soit on abandonne le droit réel et on n’est plus tenu des
charges.
C. La portée de l’abandon
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DROIT CIVIL DES BIENS
La personne renonce à un droit réel sur la chose d’autrui : la renonciation au droit réel va
restaurer le propriétaire dans ses prérogatives. EXEMPLE : vous êtes propriétaire d’une
chose mais un autre a la jouissance par un usufruit, l’autre renoncer à son droit donc on
retrouve la jouissance de la chose.
L’utilité de la chose ⇒ dans certains cas, la chose revêt une utilité particulière pour le titulaire
du droit de telle sorte qu’il ne peut pas renoncer à son droit. EXEMPLE : la mitoyenneté,
lorsqu’on a un mur séparatif entre deux fonds il peut être mitoyen mais en théorie il est
possible d’abandonner la mitoyenneté. Cela n’est pas possible lorsque celui qui voudrait y
renoncer utilise le mur mitoyen parce qu’une construction y est accolée.
La protection des tiers ⇒ en aucun cas la renonciation au droit réel ne peut être voulue par
son auteur dans le but de frauder les tiers et en particulier de frauder les créanciers. Si la
renonciation apparait comme étant frauduleuse, pour empêcher les créanciers de saisir, les
créanciers vont pouvoir faire déclarer inopposable à leur encontre l’acte de renonciation par
une action paulienne.
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’indivision se définie comme une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes (physiques ou
morales) sont simultanément titulaires d’un même droit réel qui porte sur une même chose ou un
même ensemble de choses. Cette première approche requiert six observations :
L’indivision constitue une spécificité des droits réels : en matière de droit personnel,
lorsqu’il existe plusieurs co-titulaires de l’obligation, cette obligation en principe se divise.
Elle se divise non seulement lorsqu’elle est conjointe mais aussi lorsqu’elle est solidaire en cas
de transmission universelle ou à titre universel. Le seul cas où l’obligation personnelle ne se
divise pas c’est précisément lorsqu’elle est indivisible. En matière de droit réel le principe
c’est l’indivision.
Limitée au droit réel, l’indivision est un mécanisme à la fois large et restreint : large car il
a vocation à s’appliquer à n’importe quel droit réel. Le plus souvent, l’indivision s’applique à
la propriété mais l’indivision peut parfaitement s’appliquer à l’usufruit, à une servitude ou
encore à une hypothèque. Tous les droits réels sont susceptibles d’indivision. C’est un
mécanisme restreint car l’indivision pour exister suppose toujours qu’au moins deux
personnes soient titulaires d’un droit de même nature sur la chose.
Ce sont les indivisaires eux-mêmes qui ont le pouvoir de gérer les biens
indivis
Tout le passif, toutes les dettes qui concernent l’indivision ce sont des dettes
des indivisaires eux-mêmes.
L’indivision présente un caractère collectif qui va exercer une influence directe sur les
prérogatives des indivisaires : par définition, les prérogatives de chaque indivisaire sont
forcément limitées par le droit des autres indivisaires. Un indivisaire ne peut pas faire ce que
le titulaire unique d’un droit réel pourrait faire. La principale manifestation de cette idée réside
dans les actes juridiques qui peuvent être accomplis relativement au bien indivis : en
principe, ces actes juridiques ne peuvent être pris qu’à l’unanimité des indivisaires. Le
propriétaire seul peut vendre sa chose, un indivisaire seul ne peut pas vendre la chose
indivise.
L’indivision n’exclut pas toute dimension individuelle : certes l’indivision c’est un collectif
mais la part d’individualisme reste présente car, si le droit réel sur la chose appartient
collectivement à tous les indivisaires, chacun est en revanche titulaire de façon privative,
exclusive, individuelle d’une quote-part dans l’indivision. Le droit réel appartient à tous mais
chacun a sa propre quote-part.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Le droit romain connaissait déjà des formes d’appropriation collective des richesses. Le droit
romain faisait une distinction selon que l’appropriation collective était véritablement voulue par les
personnes ou alors était subie par ces personnes. Lorsque l’appropriation collective des richesses était
voulue, le régime applicable ressemblait à une société, il y avait une vocation à une certaine durée. En
revanche, lorsque l’appropriation collective était subie, le droit romain considérait que très rapidement
cette situation devait cesser et que chacun puisse repartir avec une propriété individuelle.
L’appropriation collective était transitoire et devait donner lieu à un partage de l’indivision pour
que chacun recueille sa part de droit privatif.
Sous l’Ancien droit les formes d’appropriation collectives se développent considérablement : régime
de la féodalité.
Durant le XIXème siècle et le XXème siècle, les faits vont offrir une résistance à la théorie. Là où le
législateur en théorie voit une situation pathologique et temporaire dans l’indivision, la pratique va
maintenir les indivisions dans le temps et va même superposer les indivisions : c’est vrai en Corse. Le
système normatif s’est retrouvé impuissant face à ces situations et impuissant notamment à régler les
problèmes d’organisation de l’indivision.
C’est la jurisprudence qui est intervenue pour permettre à certains indivisaires de passer des actes sans
le concours des autres indivisaires et en se fondant sur un mécanisme de représentation. Considérait
que celui qui a agi avait reçu expressément le pouvoir des autres d’agir.
Dans un second temps, le législateur est intervenu, loi du 31 décembre 1976 et a doté l’indivision
d’un certain nombre de règles de structuration et d’organisation et a fait reculer la règle d’unanimité.
Le législateur est intervenu une seconde fois par la loi du 23 juin 2006 et là encore il a fait reculer un
petit peu plus la règle d’unanimité pour favoriser la passation des actes.
En réalité, les réformes successives de l’indivision ont fait apparaitre que dans la loi désormais
l’indivision peut être une situation stable et durable, ce que l’on appelle la masse indivise est
désormais doté d’une certaine autonomie de fonctionnement, de plus en plus les actes sont pris à la
majorité des indivisaires et par ailleurs, le législateur invite régulièrement à prendre en compte
l’intérêt commun des indivisaires ⇒ marqueurs de la personnalité morale ⇒ lorsque ces éléments sont
réunis il devient possible de considérer une personnalité morale.
La loi : l’indivision est dite légale lorsque plusieurs personnes se retrouvent co-titulaires d’un
même droit réel sans l’avoir voulu. EXEMPLE : lorsqu’une personne décède en laissant
plusieurs héritiers, dans ce cas les héritiers vont être en indivision sur tous les biens de la
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DROIT CIVIL DES BIENS
succession.
La volonté : hypothèses dans lesquelles les parties à un contrat s’entendent pour qu’il y ait
indivision entre eux : la situation d’indivision est recherchée. EXEMPLE : lorsque deux
personnes achètent un même bien en commun. Cette répartition des droits dans l’indivision est
indépendante du financement.
L’indivision n’a pas la personnalité juridique donc le seul moyen d’étudier le régime de l’indivision
c’est de passer par la situation des indivisaires eux-mêmes qui ont une double position : des droits et
des obligations.
Le fait que les indivisaires soient en situation de concurrence va leur donner deux types de droits
différents. D’un côté, chacun va être titulaire de droit propre mais d’un autre côté ils vont également
être titulaires de droits partagés.
Par ailleurs, l’indivision est une situation précaire qui a donc vocation à s’éteindre. C’est ce qui
explique que chaque indivisaire a également pour droit propre le droit de demander le partage de
l’indivision.
Les indivisaires sont titulaires ensembles du droit réel mais ils sont titulaires chacun de leur propre
quote-part indivise. Cette quote-part indivise présente deux caractéristiques :
C’est elle qui permet de déterminer l’étendue des droits de chaque indivisaire dans
l’indivision. Cette étendue peut naturellement varier d’une indivision à une autre voire au sein
d’une même indivision d’un indivisaire à l’autre. EXEMPLE : si vous avez une indivision à 3
personnes, chacun peut avoir une quote-part d’1/3 mais l’un pourrait avoir une quote-part
d’1/2 tandis que les autres auraient une quote-part d’1/4.
Pendant tout le temps de l’indivision, l’assiette de la quote-part indivise est une assiette
indéterminée : on ne sait pas pendant l’indivision sur quel bien ou quelle fraction de bien
portera le droit de l’indivisaire. Il faut attendre le partage pour savoir sur quel bien ce droit va
venir se fixer. EXEMPLE : pour un gâteau, tant qu’on n’a pas coupé le gâteau on ne sait pas
quelle part on a.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Lorsque la disposition de la quote-part est relative à des biens déterminés, l’opération devient
aléatoire. Dans ce cas en effet, il est nécessaire d’attendre le résultat du partage pour voir si le
bénéficiaire de la disposition va pouvoir bénéficier de son droit ou non. Il faut alors distinguer deux
hypothèses :
Si le bien en question est mis dans le lot de l’auteur de la disposition, le bénéficiaire peut
bénéficier de son droit
Si le bien litigieux est mis dans le lot d’un autre indivisaire, le bénéficiaire n’aura droit à
rien
Si l’indivisaire a la gestion exclusive de sa quote-part, cette quote-part s’insère dans un ensemble plus
grand. Or, l’indivision c’est un club fermé : elle existe entre les indivisaires et les autres indivisaires
n’ont pas forcément intérêt à ce qu’un tiers entre dans l’indivision. C’est précisément ce qui pourrait
se produire si un indivisaire pouvait disposer de sa quote-part sans aucune limitation.
C’est la raison pour laquelle le législateur a mis en place un droit de préemption au profit des autres
indivisaires : il a vocation à jouer lorsque l’un des indivisaires souhaite céder sa quote-part à titre
onéreux et avec un prix à une personne extérieur à l’indivision. Dans ce cas, chacun des autres
indivisaires dispose d’un droit de préemption qui va lui permettre de racheter par priorité la
quote-part du sortant.
Difficulté peut apparaitre lorsque la quote-part ne fait pas l’objet d’une vente amiable mais d’une
vente forcée, c’est-à-dire d’une vente par adjudication. Dans ce cas, le prix de la quote-part n’est pas
déterminé en amont, il est déterminé en aval après la vente aux enchères. Dans ce cas le droit de
préemption ne peut pas jouer. C’est la raison pour laquelle dans cette hypothèse il n’y a pas de droit de
préemption mais un droit de substitution : l’indivisaire qui le souhaite peut se substituer à
l’adjudicataire pour reprendre cette quote-part au prix fixé par la mise aux enchères.
Si d’aventure, plusieurs indivisaires souhaitent exercer leur droit de préemption ou leur droit de
substitution, ils vont pouvoir acquérir la quote-part indivise en proportion des droits qu’ils
disposent dans l’indivision.
B. Le droit au partage
Même si le législateur est intervenu en 1976, en 2006 pour doter l’indivision d’un certain nombre de
règles de gestion, l’indivision reste par principe une situation précaire. Hier comme aujourd’hui,
l’article 815 du Code civil autorise chaque indivisaire à demander le partage à tout moment. Ce
partage va permettre à chacun des indivisaires d’obtenir des droits privatifs sur une fraction des biens
indivis. Le partage met fin à l’indivision.
1. La réalisation du partage
a. L’étendue du partage
Parfois, le partage est un partage total ce qui signifie qu’il porte sur la totalité des biens indivis.
Lorsque le partage est total, il met effectivement fin à la situation d’indivision. Mais dans certains cas,
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DROIT CIVIL DES BIENS
le partage peut n’être que partiel ce qui signifie qu’il ne met pas complètement fin à l’indivision.
Ces hypothèses sont au nombre de trois :
Il peut y avoir partagé partiel des fruits et des revenus tirés des biens indivis : les fruits et
les revenus ont vocation à tomber dans l’indivision et à accroitre la masse indivise. Chaque
indivisaire a le droit, s’il le souhaite, de demander sa part dans ses fruits et revenus de
façon annuelle. Le cas échéant, si ce ne sont pas tous les indivisaires qui demandent leur part
annuelle, il sera tenu compte de ce qui a déjà été versé à certains au moment du partage totale
de l’indivision.
Une avance en capital : hypothèse dans laquelle l’un des indivisaires souhaite recevoir une
avance sur le partage. Il veut une fraction de sa part de façon anticipée. ATTENTION : dans
certains cas, l’avance en capital s’analyse en un partage partiel, dans d’autres cas elle
s’analyse simplement en un prêt.
- Lorsque l’avance en capital est consentie par les autres indivisaires sa qualification dépend de
la volonté des parties
- Lorsque l’avance en capital est décidée par un juge, la CDC considère qu’elle constitue toujours
un prêt
Le principe d’égalité : l’égalité constitue l’âme des partages. A titre exceptionnel, la lésion est une
cause de nullité. Si l’un des indivisaires a été lésé de plus du quart, l’acte de partage peut être annulé.
Il reste que l’égalité n’est pas une égalité absolue c’est une égalité relative puisque chaque
indivisaire ne doit pas recevoir la même part, chaque indivisaire doit recevoir sa part.
Le partage peut avoir lieu soit en nature soit en valeur. Il a lieu en nature lorsque les indivisaires se
partagent les droits indivis eux-mêmes. Il n’est pas toujours possible et voulu. C’est la raison pour
laquelle le principe demeure le partage en valeur : les indivisaires ne vont pas forcément recevoir
uniquement des droits indivis, leur part peut être constituée en toute ou partie par une somme
d’argent qui n’était pas indivise au départ. Deux mécanismes :
La licitation : vente aux enchères du bien indivis avec partage du prix entre les indivisaires.
La soulte : somme d’argent que doit l’un des indivisaires aux autres lorsqu’il reçoit un bien
d’une valeur supérieure à sa part.
Le partage peut être soit conventionnel soit judiciaire. Le partage est conventionnel lorsqu’il repose
sur le seul accord de volonté des indivisaires qui se mettent d’accord non seulement sur la
composition des lots mais aussi sur la répartition des lots. S’il y a le moindre obstacle soit dans la
composition soit dans l’attribution il ne peut pas y avoir partage conventionnel et on passe alors sur un
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DROIT CIVIL DES BIENS
partage judiciaire. Dans ce cas, s’il y a un problème sur la composition des lots, le juge va nommer
un tiers pour composer les lots. S’il y a en plus un problème sur l’attribution des lots, ces lots sont
attribués par tirage au sort.
Un effet attributif en ce sens que les copartageants vont recevoir des droits privatifs c’est-à-dire des
droits qui n’appartiennent qu’à eux.
Le partage est un acte déclaratif : il ne fait que constater les droits de chacun des indivisaires. Ce
qui veut dire que les indivisaires qui procèdent au partage ne sont pas les ayant-cause les uns des
autres, ils ne tiennent pas leur droit de l’un ou de l’autre. Le partage ne fait que déclarer des droits
qui sont censés avoir existés depuis la naissance de l’indivision.
L’effet déclaratif va également emporter un effet rétroactif : chaque indivisaire sera regardé comme
étant titulaire du droit réel qu’il a reçu depuis l’origine, depuis le début de l’indivision. C’est ce qui
explique que le sort de certains actes accomplis pendant l’indivision va être déterminé par le résultat
du partage. Rétroactivement, on va observer que tel droit a toujours appartenu à tel indivisaire
mais que ce même droit en même temps n’a finalement jamais appartenu aux autres. Si un
indivisaire a conclu pendant l’indivision un contrat avec un tiers, s’il ne reçoit pas le bien on va dire
que l’acte a été passé sur la chose d’autrui depuis l’origine.
Il n’existe qu’un seul obstacle au partage : le sursis au partage. Cet obstacle peut avoir deux
origines différentes.
Le sursis au partage peut être prononcé par un juge mais uniquement dans deux hypothèses
particulières :
- Hypothèse dans laquelle un partage immédiat s’il avait lieu risquerait de porter atteinte à la
valeur des biens indivis
- Hypothèse où dans une succession se trouve une entreprise et que l’indivisaire qui doit la
reprendre n’est pas encore en mesure de le faire.
Lorsque le sursis est judiciaire, son étendue quant au bien est laissée à l’appréciation du juge et
surtout, ce sursis judiciaire ne peut jamais excéder une durée de deux ans.
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DROIT CIVIL DES BIENS
En supposant que les droits indivis confèrent le plus grand nombre de prérogatives, les droits partagés
vont pouvoir concerner la valeur, la gestion et la jouissance de la chose indivise.
Une indivision peut durer plus ou moins longtemps. Plus elle dure longtemps, plus les biens qui la
composent sont susceptibles de changer de valeur. Des biens peuvent prendre de la valeur, des biens
peuvent perdre de la valeur. Ces variations de valeur peuvent avoir une origine fortuite. EXEMPLE :
l’évolution du prix du marché, ou peuvent avoir aussi le comportement des indivisaires.
En valeur, les droits de chacun dans l’indivision sont évalués au moment du partage. Toutes les
variations de valeur vont être supportées ou vont bénéficier aux indivisaires. Plus les biens prendront
de la valeur, plus les indivisaires en profiteront.
2. La subrogation réelle
La subrogation réelle c’est un mécanisme par lequel un bien est remplacé par un autre bien pour
suivre le même régime que ce dernier. Au sein d’une masse indivise, la subrogation réelle va pouvoir
jouer : certains biens vont venir remplacer des biens indivis pour devenir eux-mêmes des biens indivis.
Deux hypothèses :
Subrogation réelle de plein droit : hypothèse dans laquelle une indemnité vient en
remplacement d’un bien indivis. Il peut s’agir d’une indemnité d’assurance lorsque le bien
indivis a été détruit par cas fortuit mais il peut s’agir aussi d’une indemnité versée par le
responsable lorsque c’est lui, par sa faute qui a détruit ou dégradé le bien indivis.
Lorsque l’indivision porte sur une chose frugifère (qui génère des fruits), les fruits ont vocation à
tomber dans l’indivision. Les fruits augmentent la masse indivise, ils profitent donc à tous les
indivisaires en proportion de leurs droits dans l’indivision. Ces fruits sont susceptibles d’un partage
partiel puisque chaque indivisaire peut demander sa part annuelle dans ses fruits.
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DROIT CIVIL DES BIENS
C’est la question de savoir à quelle condition les indivisaires peuvent accomplir des actes juridiques
relatifs aux biens indivis.
Cette question des actes juridiques en pose trois plus restreintes : la question de l’étendue des pouvoirs
des indivisaires, la question de la sanction des dépassements de pouvoir et enfin la question de
l’aménagement des pouvoirs.
L’évolution du droit de l’indivision depuis 1804 est marquée par un phénomène de déclin du
principe d’unanimité. Ce déclin s’explique simplement par le fait que l’unanimité confère à chacun
un droit de veto : le droit de veto, jus prohibendi est susceptible de créer des situations de blocage.
Dans un premier temps c’est la jurisprudence qui est intervenue en considérant que des actes passés
par certains indivisaires pouvaient engager les autres sur le fondement de la représentation.
L’indivisaire en agissant seul a agi pour lui-même mais aussi en représentant les autres, tous étaient
considérés comme partie à l’acte.
Le législateur est intervenu pour faire en sorte que certains indivisaires seulement puissent
accomplir des actes qui soient opposables aux autres mais qui ne les engagent pas, c’est-à-dire
sans mécanisme de représentation.
Les actes conservatoires : actes qui visent à préserver la valeur d’un bien indivis sans
compromettre le droit des indivisaires. Pendant longtemps, pour qu’un acte soit qualifié de
conservatoire le législateur exigeait un péril imminent. Cette condition a été supprimée en
2006. Cet acte peut être accompli par un indivisaire seul et il est opposable de plein droit
aux autres indivisaires.
Parce que l’acte conserve la valeur du bien indivis, il ne profite pas simplement à celui qui l’a
passé mais à tous les indivisaires. C’est la raison pour laquelle ils doivent tous contribuer à
son financement en proportion des droits qu’ils ont dans l’indivision. Deux façons de
réaliser ce financement :
- Celui qui passe l’acte utilise des deniers indivis pour financer l’acte
Existe une présomption de pouvoir vis-à-vis du tiers sur ses deniers
Si l’indivisaire utilise des deniers indivis, mécaniquement cela permet de
faire contribuer tous les autres à concurrence de leurs droits dans
l’indivision
- Peut procéder d’un financement personnel de celui qui passe l’acte : celui qui a agi dispose
d’un recours contre les autres indivisaires, chacun à concurrence de sa part et généralement, cette
créance de recours est inscrite dans un compte d’indivision qui est soldé au moment du
partage. En revanche, puisqu’il n’y a qu’un seul indivisaire qui a agi, le tiers n’a pas le droit de
poursuivre les autres indivisaires.
Les actes d’administration : en matière d’indivision sont définis comme des actes de gestion
courante qui correspondent à une exploitation normale. Depuis 2006, les actes
d’administration peuvent être passés par des indivisaires qui représentent au moins 2/3 des
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DROIT CIVIL DES BIENS
droits indivis. Dans ce cas les 2/3 peuvent passer seuls l’acte. L’acte ne va pas lier les autres
mais il leur sera opposable à compter du moment où ils en seront informés.
Par hypothèse, le dépassement de pouvoir ne peut concerner que les actes d’administration et de
disposition puisque pour les actes conservatoires un indivisaire peut agir seul.
La jurisprudence part du constat que le droit réel indivis est partagé entre les indivisaires. Celui ou
ceux qui ont agis n’étaient pas complètement dépourvus de droit pour agir. Mais, celui ou ceux qui ont
agis n’avaient pas suffisamment de droits pour agir. A partir de ce constat la CDC décide deux
choses :
Parce que ceux qui ont agi n’étaient pas complètement dépourvus de droit, l’acte conclu ne
peut pas être nul parce qu’il est au moins valable pour la quote-part des droits de ceux
qui ont agis. A concurrence des droits de ceux qui ont agi l’acte est valable.
Puisque celui ou ceux qui ont agi n’avaient pas de droit suffisant, l’acte doit être considéré
comme étant inopposable aux autres indivisaires : les autres indivisaires vont pouvoir faire
comme si l’acte n’existait pas. Ce qui explique que le sort de cet acte va dépendre directement
des résultats du partage. Si le bien concerné par l’acte est mis dans le lot de l’un de ceux qui
ont agis, l’acte retrouve rétroactivement sa pleine efficacité. Si le bien est placé dans le lot
d’un indivisaire qui n’a pas passé l’acte, cet acte va rétroactivement être considéré comme
ayant été passé sur la chose d’autrui. Il est nécessaire de distinguer selon que l’acte porte sur
des droits réels ou se limite à créer des obligations personnelles
- Acte créé des obligations personnelles : cet acte est valable mais en raison de l’effet relatif des
contrats il est insusceptible de produire effet à l’égard de l’indivisaire qui a reçu le bien. Le seul
recours pour le tiers c’est donc d’agir en responsabilité contractuelle contre l’indivisaire qui a
passé cet acte.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Le mécanisme d’autorisation : peut intervenir parfois pour sauver l’intérêt commun des
indivisaires, d’autres fois sans aucun égard pour cet intérêt commun :
- Sauver l’intérêt commun : hypothèse dans laquelle le consentement d’un indivisaire est
nécessaire pour passer un acte mais cet indivisaire refuse de consentir ce qui met en péril l’intérêt
commun. Si toutes ces conditions sont réunies, le juge peut autoriser les autres indivisaires à
passer l’acte nécessaire. Celui qui a refusé de consentir n’est pas représenté à l’acte. Précisément,
parce qu’il a refusé de consentir, il ne peut pas être lié par l’acte. Parce que l’acte a été autorisé par
le juge il va devenir opposable à celui qui n’a pas consenti, ce dernier ne pourra donc pas en
ignorer l’existence ni les effets.
- Sans égard pour l’intérêt commun : cas de figuré créé par la loi de simplification du droit de
2009 : pour que des indivisaires puissent accomplir un acte de disposition alors qu’ils ne
représentent que 2/3 des droits indivis, ils doivent être autorisés préalablement par un juge. L’acte
de disposition va être opposable à ceux qui n’ont pas consentis.
Le juge a le droit de prendre toute mesure urgente que requiert l’intérêt commun des
indivisaires. EXEMPLE : le juge peut nommer un séquestre pour conserver l’argent, le juge
peut nommer l’un des indivisaires en qualité d’administrateur de l’indivision.
b. L’aménagement conventionnel
Que l’indivision ait sa source dans la loi ou sa source dans un contrat, les indivisaires ont toujours le
droit d’aménager conventionnellement leur indivision conformément aux articles 1873-1 et suivants
du Code civil. Ces conventions d’indivision ont pour but d’une part d’assurer la stabilité de
l’indivision et de fluidifier sa gestion.
Cette convention d’indivision peut être à durée déterminée de 5 ans maximum mais renouvelable ou
peut être à durée indéterminée. Dans tous les cas, va en résulter une certaine stabilité puisque la
possibilité d’obtenir le partage va se retrouver encadrée. Pour une convention à durée déterminée il
faut un juste motif et pour une convention à durée indéterminée le partage est possible mais pas de
mauvaise foi et pas de contretemps.
Par ailleurs, la convention d’indivision va permettre aux indivisaires de nommer parmi eux ou
alors en dehors d’eux un gérant de l’indivision. C’est donc ce gérant qui va administrer l’indivision
et qui va pouvoir accomplir pour le compte des indivisaires tous les actes conservatoires et tous les
actes d’administration. En revanche, les actes de disposition continuent de relever du pouvoir des
indivisaires eux-mêmes.
Il faut ici supposer que le droit réel indivis soit un droit qui par nature permet d’avoir la
jouissance d’une chose. Ce sera le cas en particulier du droit de propriété ou alors du droit d’usufruit.
Dans ce cas, puisque le droit réel est partagé entre tous les indivisaires, chacun peut prétendre avoir
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DROIT CIVIL DES BIENS
la jouissance personnelle de la chose indivise. Le cas échéant, si plusieurs indivisaires veulent cette
jouissance, ils doivent saisir le président du tribunal judiciaire qui tranchera.
Cette jouissance va naturellement avantager un indivisaire par rapport aux autres. Cette jouissance en
principe est une jouissance à titre onéreux. Il y a deux façons pour l’indivisaire de s’acquitter de
cette onérosité : soit de verser une indemnité entre les mains de ses co-divisaires, soit alors
d’inscrire la dette de l’indivisaire dans le compte d’indivision.
Ce principe d’onérosité de la jouissance n’est pas un principe d’ordre public. Si les autres indivisaires
sont d’accord, la jouissance peut être octroyée à titre gratuit. ATTENTION : en pratique on est très
souvent en présence d’une jouissance à titre onéreux qui se transforme en jouissance à titre gratuit
parce que l’un des indivisaires va jouir de la chose et les autres ne vont pas réclamer régulièrement
l’indemnité de jouissance.
La jouissance par l’indivisaire est nécessairement encadrée de trois façons : l’indivisaire qui a la
jouissance de la chose doit respecter la destination de cette chose. EXEMPLE : s’il occupe une
maison à usage d’habitation il ne peut pas y ouvrir un fonds de commerce. Deuxième limite : celui qui
a la jouissance doit également respecter le droit des autres indivisaires ce qui l’oblige à conserver et
à entretenir la chose. Enfin, il doit respecter aussi les actes qui ont pu être pris par les autres
indivisaires relatifs à la chose concernée. Si les autres indivisaires ont décidé de louer la maison à un
tiers, celui qui en avait la jouissance devra se retirer.
Les indivisaires comme toute personne sont susceptibles d’être débiteurs. Ils sont susceptibles d’être
débiteurs de deux types de dettes différentes. Tout d’abord ils peuvent l’être vis-à-vis de tierces
personnes : le passif externe. Ensuite, ils peuvent être également débiteurs, les uns envers les autres
en raison de l’indivision : le passif interne.
De façon générale, le sort de ces dettes s’articule autour de deux considérations distinctes. Première
considération : puisque l’indivision n’a pas la personnalité juridique, ses dettes qui sont relatives à
l’indivision sont en réalité des dettes personnelles aux indivisaires. Au stade de l’obligation à la
dette, dans les rapports entre le créancier et le débiteur, le créancier peut faire valoir son droit de gage
général sur tous les biens de chacun des indivisaires, aussi bien les biens indivis que les biens
personnels des indivisaires
Seconde considération : puisque la dette est relative à l’indivision, elle doit incomber à titre
définitif à l’ensemble des indivisaires, chacun pour sa part et portion dans l’indivision. Cela
signifie donc qu’au stade de la contribution à la dette, dans les rapports entre codébiteurs, celui qui a
payé plus que sa part dispose d’un recours contre les autres, chacun pour sa part et portion.
70
DROIT CIVIL DES BIENS
Des dettes qui se retrouvent dans la masse indivise mais qui préexistaient à l’état
d’indivision : c’est le cas en particulier de toutes les dettes que le défunt laisse à son décès.
Pour ces dettes, au stade de l’obligation à la dette, les droits du créancier sont relativement
étendus :
- Possibilité de saisir directement les biens indivis sans avoir au préalable à faire provoquer le
partage de l’indivision. Deux avantages :
MAIS, il ne faut pas oublier que la dette est une dette personnelle des indivisaires. Toujours au stade
de l’obligation à la dette, le créancier a la possibilité de poursuivre individuellement chacun des
indivisaires sur ses biens personnels. Dans ce cas, le créancier est en principe tenu de diviser ses
poursuites et de ne poursuivre chaque indivisaire que pour sa part et portion dans la dette. Il en
va ainsi, y compris lorsque l’obligation est solidaire. La raison en est qu’à la différence des droits
réels, les droits personnels se divisent de plein droit. La seule exception à cette règle de division c’est
lorsque l’obligation est indivisible, soit parce que son objet est lui-même indivisible, soit parce que
l’obligation a été stipulée indivisible. Dans ce cas-là, l’indivisibilité va permettre au créancier de
poursuivre chaque indivisaire pour la totalité de la dette.
Au stade de la contribution à la dette, si un indivisaire a payé plus que sa part, il peut exercer son
recours contre les autres, chacun à concurrence de ses droits dans l’indivision.
Des dettes qui vont naitre pendant l’indivision à raison de la gestion de l’indivision.
EXEMPLE : d’un acte conservatoire sur les biens indivis. Au stade de l’obligation à la dette,
parce que la dette est relative à l’indivision, le créancier a le droit de saisir directement les
biens indivis sans avoir à provoquer le partage au préalable. Cependant, puisque
l’indivision n’a pas la personnalité juridique, ces dettes sont personnelles aux indivisaires de
sorte que le créancier peut également saisir ou faire valoir son droit de gage général sur les
biens personnels des indivisaires. ATTENTION : en raison de l’effet relatif des contrats, le
créancier ne peut agir que contre les indivisaires qui ont été parties au contrat. Ce qui veut dire
à contrario que pour les indivisaires auxquels l’acte est simplement opposable, ils ne peuvent
pas être poursuivis personnellement par le créancier.
Il faut observer que lorsque le créancier agi contre les indivisaires personnellement, le régime de
l’obligation est celui qui résulte de l’acte juridique lui-même. Autrement dit, si l’obligation est
conjointe, le créancier devra diviser ses poursuites et ne poursuivre chacun des indivisaires que
pour sa part dans le contrat. A l’inverse, si l’obligation est solidaire, le créancier va pouvoir
poursuivre chacun des indivisaires pour la totalité de la dette : force obligatoire du contrat. De la
même façon, si l’obligation est indivisible, le créancier ne va pouvoir poursuivre chaque indivisaire
pour la totalité de la dette. Il est probable qu’un indivisaire s’acquitte d’une part + importante de la
dette que la part qu’il doit supporter. C’est la raison pour laquelle au stade de la contribution à la
71
DROIT CIVIL DES BIENS
dette, il dispose d’un recours contre tous les autres indivisaires et chacun pour sa part et portion
dans l’indivision.
On est ici en présence de dettes qui sont dues à un tiers mais qui sont dues par un seul indivisaire
indépendamment de sa qualité d’indivisaire. Sur le plan des principes, le traitement de ce passif est
assez simple. Seul l’indivisaire débiteur est tenu de la dette tant au stade de l’obligation qu’au stade
de la contribution. Le créancier ne devrait pas avoir le droit de saisir les biens indivis parce que son
droit de gage général ne porte que sur les biens qui appartiennent privativement à son débiteur.
En revanche, il trouve dans le patrimoine de son débiteur sa quote-part indivise qui elle fait bien
l’objet d’une appropriation privative.
En réalité, les solutions qui sont admises en droit positif sont sensiblement différentes. A cet égard il
faut distinguer selon que l’indivision est légale ou au contraire conventionnelle.
Lorsque le créancier fait provoquer le partage, il agit toujours par la voie oblique : en
réalité il va faire provoquer le partage au nom et pour le compte de son débiteur via un
mécanisme de représentation parfaite.
Dans la mesure où le créancier ne peut pas saisir directement les biens indivis et qu’il doit
faire provoquer le partage au préalable, il sera systématiquement primé par les créanciers
dont le droit est relatif à l’indivision. Le créancier dont le droit est relatif à l’indivision va
pouvoir prendre un bien dans l’indivision, si bien qu’une fois que le bien est sorti, lorsqu’on
partagera il n’y sera plus.
Les autres indivisaires s’ils ne veulent pas du partage ont la possibilité d’acquitter la dette
qui est due par l’un d’entre eux et de se faire rembourser par prélèvement sur la masse
indivise. Ce qui permet le maintien de l’indivision.
Ou bien le débiteur n’a pas le droit de demander le partage, dans ce cas, pour ne pas contre
venir aux droits du créancier, la quote-part indivise du débiteur redevient saisissable. Dans
72
DROIT CIVIL DES BIENS
ce cas, les autres indivisaires pour éviter l’arrivée d’un tiers dans l’indivision peuvent exercer
soit un droit de préemption, soit un droit de substitution si la quote-part est vendue aux
enchères publiques.
L’existence d’une indivision est très souvent susceptible de générer des rapports d’obligation
personnels entre les indivisaires. Un certain nombre de créances et de dettes vont naitre entre eux
et qui n’existeraient pas sans l’indivision. EXEMPLE : lorsqu’un indivisaire a engagé des dépenses
de conservation ou d’amélioration des biens indivis. En sens inverse ; c’est le cas aussi lorsqu’un
indivisaire par sa faute a détériorer, dégradé ou même détruit un bien indivis, dans ce cas il en est
comptable vis-à-vis des autres.
D’autres fois, il est nécessaire que les indivisaires s’acquittent de la rémunération de l’un d’entre eux
pour la gestion de l’indivision. Il est possible que l’un des indivisaires parce qu’il a la jouissance des
biens indivis soit redevable d’une indemnité aux autres. Enfin, il est possible qu’un indivisaire soit
tenu de rembourser une avance en capital qui a pris la forme d’un prêt.
Par principe, toutes ces dettes qui existent entre les indivisaires ne sont pas réglées
immédiatement, elles sont inscrites dans le compte d’indivision qui a pour objet de venir fondre
dans un solde unique l’ensemble des dettes que se doivent les indivisaires les uns envers les autres.
C’est ce solde qui va donner lieu à un règlement au moment du partage de l’indivision mais pas un
règlement en valeur, un règlement via l’opération de partage. Celui qui est débiteur va recevoir un
petit peu moins que sa part et celui qui est créancier va recevoir un peu plus.
On observe que les droits réels sont relativement nombreux et ils sont relativement variés. En
effet, la nature et le régime juridique des droits réels est susceptible de varier en fonction de
l’assiette du droit, en fonction des prérogatives que confère le droit, et également en fonction de la
durée du droit, un usufruit ou une servitude n’ont pas la même durée.
Cela étant, lorsqu’on observe les droits réels en particulier, il existe toujours une différence
irréductible entre d’un côté le droit de propriété, d’un autre côté tous les autres droits réels : les
droits réels sur la chose d’autrui.
TITRE I : LA PROPRIÉTÉ
73
DROIT CIVIL DES BIENS
En France, la notion de propriété fait débat. Pour certains auteurs, la propriété n’est pas un droit,
c’est simplement la relation d’appartenance qui existe entre d’un côté le sujet de droit et de l’autre
toutes les choses et tous les droits qui lui appartiennent. Pour d’autres auteurs, la propriété constitue
un véritable droit et elle constitue même le premier des droits réels, celui sans lequel les autres ne
peuvent pas exister. Cette seconde analyse est sans doute beaucoup plus en phase avec les dispositions
du code civil.
On envisagera ici la propriété comme étant un véritable droit réel. Cela étant, la propriété est
susceptible de différentes approches, pas forcément des approches juridiques, des approches
philosophiques et des approches politiques qui dépendent essentiellement de la conception et de
l’organisation d’une société. Tout d’abord, on peut distinguer la propriété individuelle et la
propriété collective.
La propriété individuelle c’est celle qui existait en droit romain, celle qui a été consacrée par
la Révolution française et celle qui a été consacrée par le code civil de 1804. Cette propriété
individuelle est même renforcée par sa protection supra-légale, constitutionnelle par les articles 2
et 17 de la DDHC et protection internationale par la CEDH. Certains auteurs estiment même que
cette propriété individuelle relève fondamentalement du droit naturel et même au-delà du droit de
l’ordre naturel des choses. CARBONNIER expliquait que la propriété individuelle relève de
l’instinct, il en prenait pour preuve les jeunes enfants qui ne veulent pas prêter leurs jouets et il en
prend également pour preuve les animaux qui marquent et défendent leur territoire. Cette propriété
individuelle repose en réalité sur deux considérations :
Cette propriété est le meilleur rempart contre les troubles à l’ordre publique, celui qui
craint de perdre quelque chose menace beaucoup moins l’ordre public, celui qui n’a plus rien à
perdre devient une menace. EXEMPLE : les gilets jaunes
C’est celle qui permet la meilleure exploitation des choses. Celui qui est propriétaire
individuellement, parce que c’est sa chose va toujours rechercher le meilleur équilibre entre
rentabilité de la chose et préservation de la chose.
La propriété collective était très largement rependue dans l’ancien droit et est ensuite
tombée en désuétude avant de connaitre une seconde jeunesse au début du XXème siècle avec
l’avènement politique des théories marxistes. La France est globalement restée hermétique à ces
théories. Au début du XXème siècle, un grand auteur de droit public, Léon DUGUIS avait soutenu
l’idée que la propriété individuelle en France n’était qu’un état transitoire et qu’à terme elle allait se
collectiviser puis disparaitre. De façon plus modérée, un autre auteur JOSSERAND avait une analyse
beaucoup plus nuancée. Il considérait que la propriété doit être attribuée individuellement aux
personnes, mais ces personnes devaient exercer leur droit de propriété dans l’intérêt de la société
tout entière. C’est ce que l’on a appelé la théorie de la fonction sociale des droits. Dans cette
conception de la propriété collective, la propriété est essentiellement comprise comme étant garante de
l’égalité. A partir du moment où les richesses appartiennent à tous, personne n’est plus riche que les
autres.
La propriété viagère c’est celle qui a vocation à s’éteindre au décès de la personne. C’est une
propriété qui est essentiellement conçue comme étant la contrepartie du travail. Mais, c’est une
74
DROIT CIVIL DES BIENS
conception qui présente un risque majeur, un risque de surexploitation des biens et de mauvais
entretien.
Lorsque la propriété est héréditaire, elle a vocation à être transmise par succession. Parce
qu’on sait qu’on va transmettre on va trouver le point d’équilibre entre exploitation et préservation. Ce
système a pour conséquence de maintenir la consécration des fortunes. Les fortunes ne se
répartissent pas dans la société.
Entre toutes ces conceptions, en droit français, la propriété est d’abord une propriété individuelle et
elle est ensuite une propriété héréditaire : les deux éléments qui conduisent à la meilleure
exploitation possible des choses. Cette conception est héritée de 1804. En réalité les choses ont
beaucoup changé. La seconde moitié du XXème siècle est largement marqué par une très forte
limitation des prérogatives des propriétaires. De + en + le propriétaire voit ses prérogatives limitées
par des considérations d’ordre public. On s’aperçoit aujourd’hui, qu’au moins pour les personnes
physiques les rapports à la propriété individuelle sont en train de muter. Pas pour les propriétés
foncières mais pour les propriétés mobilière son s’aperçoit qu’elle est de + en + rejetée au profit du
contrat de bail ou par le partage.
Il y a deux types d’éléments : les prérogatives que le droit confère à son titulaire, et l’assiette du droit
de propriété.
75
DROIT CIVIL DES BIENS
Le droit de propriété c’est le droit le plus complet qui soit. C’est celui qui confère les plus
grandes prérogatives à son titulaire, pourvu néanmoins que ces prérogatives ne soient pas conférées à
une autre personne titulaire d’un droit réel sur la chose d’autrui. Lorsque le propriétaire est seul, le
droit de propriété c’est le droit qui offre le plus grand nombre de prérogatives. Pour autant,
certaines prérogatives lui ont été refusé.
Les prérogatives que confère le droit de propriété sont prévues à l’article 544 du Code civil, texte
selon lequel « le droit de propriété c’est le droit de jouir et de disposer des choses ». La jouissance se
décompose en deux prérogatives : l’usage, l’utilisation de la chose et le droit de percevoir les fruits
de la chose. Il y a en réalité trois grandes prérogatives du propriétaire : l’usus, le fructus et l’abusus.
1. L’usus
L’usus peut être défini tant d’un point de vue positif que négatif. Positivement, l’usus c’est le droit
d’utiliser la chose pour son propre profit et pour satisfaire ses propres besoins. Négativement, l’usus
c’est également le droit de ne pas utiliser sa chose. La raison en est que le droit de propriété est
imprescriptible, il ne se perd pas par le non-usage prolongé. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que le
propriétaire ait la possibilité de ne pas utiliser sa chose.
L’usus se confond avec l’abusus (pouvoir de disposer) lorsque la chose est consomptible.
Dans ce cas, l’usus c’est la prérogative exclusive du propriétaire car l’abusus ne peut
appartenir qu’au propriétaire.
Parfois entre l’usus et le fructus il est nécessaire de choisir. Très souvent, lorsque le
propriétaire décide d’utiliser lui-même la chose il s’empêche d’en recueillir des fruits.
Inversement, si le propriétaire décide de recueillir des fruits il s’interdit souvent d’utiliser lui-
même la chose pour son propre profit.
Il existe un certain nombre de choses dont l’usus soit n’existe pas vraiment, soit prend
une coloration tout à fait particulière. Ce sont généralement des choses incorporelles et en
particulier les parts et les actions de société.
2. Le fructus
Le fructus c’est la prérogative qui permet de récolter et de s’approprier les fruits de la chose.
D’emblée, il faut observer que le fructus peut connaitre certaines limites :
Il existe des choses qui ne sont pas frugifères, qui ne produisent donc aucun fruit.
EXEMPLE : boite de conserve de petits pois.
Il arrive parfois que les fruits de la chose ne reviennent pas au propriétaire de cette chose.
- Lorsqu’une autre personne a un droit de jouissance sur la chose, c’est cette personne qui a le
droit au fruit
76
DROIT CIVIL DES BIENS
De façon générale, le fruit désigne une chose qui est générée par une autre chose et qui, une fois
perçue peut mener une existence autonome. Dès lors, celui qui a le fructus d’une chose va acquérir la
propriété des fruits, il va donc s’agir d’un nouveau droit de propriété. Ce mécanisme se dénomme
l’accession par production.
Classiquement, la qualification de fruit est présentée comme reposant sur deux éléments cumulatifs :
La périodicité : élément selon lequel un fruit est généré à échéance régulière mais quelle que
soit la fréquence de cette échéance. Le fruit peut être généré par mois, année... toujours de
façon périodique
EXEMPLE : sur les coupes d’arbres, lorsque c’est des arbres plantés pour être récoltés dans ce cas ils
constituent des fruits, lorsque ce n’est pas le cas, lorsqu’on les coupe ils deviennent des produits.
- Il existe des fruits qui peuvent être perçus à des fréquences totalement irrégulières.
EXEMPLE : des dividendes que verse une société à ses associés. Pour qu’un dividende soit versé,
il faut d’abord que la société ait réalisé un bénéfice, et il faut ensuite que l’assemblée générale des
associés décide la distribution de ce bénéfice. Ces deux conditions font que le dividende peut être
perçu de façon très irrégulière dans le temps.
- Il existe des choses qui peuvent ne générer un fruit qu’une seule fois de façon exceptionnelle.
Ainsi, si le propriétaire d’une voiture décide de la louer exceptionnellement à quelqu’un, il va
percevoir un loyer, ce loyer est un fruit alors qu’il ne sera perçu qu’une fois.
77
DROIT CIVIL DES BIENS
Les articles 547 et 582 du Code civil permettent de mettre en lumière trois catégories de fruits que
l’on appelle les fruits naturels, les fruits industriels et les fruits civils. Cette présentation est
doublement imparfaite :
La distinction des fruits naturels et des fruits industriels est une distinction purement
verbale, purement esthétique car il n’en résulte aucune conséquence juridique. Que le fruit
soit qualifié de naturel ou d’industriel il va toujours suivre le même régime juridique.
Derrière ces trois catégories de fruits il en existe un quatrième non visé par le législateur.
Les fruits naturels et industriels
Ces fruits présentent la caractéristique commune d’être produits par l’effet de la nature. Le fruit est
dit naturel lorsqu’il est produit spontanément par la nature alors qu’il est dit industriel lorsqu’il est
produit par la nature grâce à l’intervention humaine.
C’est le même régime juridique. Les fruits naturels et industriels se perçoivent une seule fois lors de
leur maturité donc au moment de la récolte. C’est donc celui qui a le droit au fruit au moment de la
récolte qui va devenir propriétaire des fruits.
Le fruit civil peut être défini comme un revenu pécuniaire tiré d’une chose. EXEMPLE : un loyer,
des intérêts d’une somme d’argent... Tout revenu financier est un fruit civil.
Le fruit civil présente la caractéristique de se percevoir au jour le jour. Le fruit est acquis pro rata
temporis. Ce qui fait que si on a un changement de propriétaire pour une chose louée, il va falloir
répartir le loyer entre la période durant laquelle c’est le cédant qui était propriétaire et la période
durant laquelle c’est le cessionnaire qui était propriétaire.
Le cas particulier des dividendes versés par une société. A priori, le dividende ressemble beaucoup à
un fruit civil. C’est un revenu financier qui est tiré des parts ou des actions de la société. Mais, le mode
de perception de ce fruit n’est pas celui des fruits civils. Le dividende se perçoit en une seule fois au
moment où l’AG des associés vote la mise en distribution. Par voie de conséquence, c’est celui qui est
associé au jour de ce vote qui a droit au dividende. Ce mode de perception empêche de retenir la
qualification de fruit civil.
A propos des dividendes, la CDC décide « qu’ils participent de la nature des fruits » : ce sont bien des
fruits mais ils ne rentrent pas dans une catégorie connue.
3. L’abusus
L’abusus juridique c’est le pouvoir de disposer de son droit et cet abusus n’est absolument pas
propre au droit de propriété. L’abusus juridique vaut aussi pour les autres droits réels et il vaut
également pour les droits personnels.
78
DROIT CIVIL DES BIENS
Il arrive dans certains cas que le propriétaire, tout en ayant toujours son abusus matériel ne puisse pas
l’exercer. Dans certains cas l’abusus matériel est paralysé, il l’est à chaque fois qu’une autre
personne a un droit réel sur la chose. En effet, le propriétaire doit respecter le droit réel de l’autre
personne, il ne peut donc pas porter atteinte à la substance de la chose tant que ce droit réel existe.
La question qui s’est posée à la CDC a été celle de savoir si le propriétaire d’une chose et plus
précisément d’une chose corporelle, en pratique d’une chose immobilière, avait un droit exclusif sur
l’image de sa chose. Droit qui lui permettrait de s’opposer à ce qu’un tiers utilise cette image sans son
autorisation. Ce droit a été reconnu :
1/ la première fois par un arrêt de la première chambre civile du 10 mars 1999, Café Gondrée :
des clients touristiques avaient pris en photo le café et la CDC a reconnu le droit exclusif à l’image de
son bien au propriétaire.
2/ Dans un deuxième temps, la CDC a semblé tempérer sa jurisprudence en décidant que Arrêts 25
janvier 2000 / 2 mai 2001 le propriétaire peut s’opposer à l’exploitation de l’image de son bien
que si cette exploitation lui cause un trouble dans sa jouissance.
La CDC considère que le propriétaire d’une chose n’a pas un droit exclusif sur l’image de
cette chose. Des tiers même s’ils ne sont pas autorisés par le propriétaire peuvent capter
l’image et la reproduire.
La CDC pose une limite à ces droits des tiers d’utiliser l’image qui résulte dans le trouble
anormal de jouissance que pourrait souffrit le propriétaire. Lorsque l’exploitation de l’image
par un tiers cause un trouble anormal au propriétaire, il peut réagir en faisant interdire
l’exploitation de l’image et le cas échéant en demandant des dommages-intérêts.
La protection du propriétaire ressemble trait pour trait à ce qui existe en matière de troubles anormaux
de voisinage. Ce qui veut donc dire vraisemblablement, d’abord que le propriétaire peut être
protégé même si le fait du tiers qui est à l’origine du trouble est un fait licite. Cela veut dire aussi
que le seul critère pour protéger le propriétaire c’est le caractère anormal du trouble. Si le
propriétaire souffre un trouble normal, il ne peut pas s’en plaindre. Cela veut dire aussi que
79
DROIT CIVIL DES BIENS
lorsque le propriétaire demande réparation pour un trouble anormal subi, seule la partie anormale du
trouble doit être réparée. Les troubles anormaux de voisinage ont initialement été créés pour
protéger le propriétaire. Mais, progressivement ils ont été étendus à tout occupant d’un immeuble.
La question est donc de savoir si cette théorie en matière d’image des choses va également pouvoir
profiter à une autre personne que le propriétaire.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’assiette du droit de propriété est très souvent difficile à
déterminer pour au moins deux raisons :
A l’assiette initiale il convient d’ajouter les accessoires de cette assiette : les accessoires
vont rentrer dans l’assiette de la propriété par le mécanisme de l’accession.
L’accession c’est un mode d’acquisition de la seule propriété. L’accession est un mode originaire
d’acquisition de la propriété en ce sens que le propriétaire va acquérir un droit de propriété
nouveau qui n’appartenait pas auparavant à une autre personne. En matière d’accession il n’y a
donc pas de rapports entre un auteur et un ayant-cause. L’accession va permettre d’acquérir la
propriété de deux types d’accessoires : les accessoires par production ⇒ ceux qui sont produits par
l’assiette principale, les fruits. Il y a aussi les accessoires par incorporation ⇒ choses qui vont être
intégrées à l’assiette principale. A partir de là, elle a vocation par accession à devenir la propriété du
propriétaire de l’assiette principale.
Le phénomène d’accession peut jouer indifféremment en matière mobilière ou en matière immobilière.
Mais, en matière immobilière, elle présente un relief beaucoup plus important. Au-delà de
l’accession, la délimitation de l’assiette de la propriété immobilière est beaucoup plus complexe qu’en
matière mobilière.
L’assiette de la propriété immobilière a toujours pour point de départ le sol ⇒ c’est-à-dire une
certaine superficie qui fait l’objet d’un recensement dans ce que l’on appelle le cadastre. Cette surface
va poser deux problèmes : problème de limite horizontale, et puis un problème de limite verticale.
La délimitation horizontale de la propriété immobilière pose trois questions : comment sont fixées ces
limites horizontales, comment sont matérialisées ces limites, quelle est l’étendue de ces limites lorsque
deux fonds sont séparés par des cours d’eau.
80
DROIT CIVIL DES BIENS
La fixation des limites de la propriété immobilière, du sol, par rapport à la propriété voisine passe par
une opération : le bornage ⇒ opération qui consiste à apposer des bornes aux angles de la propriété de
telle manière qu’entre chaque bornes la ligne droite marque la frontière.
Il est rigoureusement interdit de déplacer des bornes. L’opération de bornage est régie par le code
civil dans la partie consacrée aux servitudes légales qui découle de la situation de voisinage.
ATTENTION : le bornage n’a rien à voir avec une servitude.
Il y a bornage amiable lorsque les deux propriétaires voisins acceptent de borner ou de reborner
leur terrain et sont parfaitement d’accord sur le tracé de la frontière.
Lorsque le bornage amiable n’est pas possible il y a lieu de passer sur le bornage judiciaire qui est
régi à l’article 646. Hypothèse où l’un des voisins souhaite borner sa propriété cependant que l’autre
refuse soit le principe du bornage, soit la localisation des bornes. Dans ce cas, il n’y a pas d’autre
possibilité que de saisir le juge afin que celui-ci ordonne le bornage judiciaire. Le but de l’action
consiste simplement à fixer la frontière entre les deux fonds. Ce qui signifie à contrario que l’action
en bornage n’est pas une action en revendication. On veut juste faire établir la limite de sa
propriété. C’est la raison pour laquelle, même lorsque le jugement de bornage est définitif et qu’on ne
peut plus revenir dessus, l’action en revendication reste ouverte.
Même si le bornage n’est pas une action en revendication, l’action en bornage suit le même régime.
Elle est attachée à la propriété et elle va suivre le même régime que le droit de propriété. Cela
signifie en particulier que comme le droit vc est imprescriptible.
Ce bornage judiciaire a toujours lieu à frais communs. C’est dans l’intérêt des deux propriétaires
voisins.
Les ouvrages séparatifs vont permettre de matérialiser, d’extérioriser la frontière horizontale qui existe
entre deux fonds. Ces ouvrages séparatifs ne sont que la traduction d’un droit prévu à l’article 647 du
code civil, le droit pour chaque propriétaire de clore son héritage. Ce droit existe
systématiquement sauf s’il porte atteinte aux droits des tiers. EXEMPLE : un propriétaire ne peut pas
valablement se clore en ignorant une servitude de passage sur son fond.
L’ouvrage séparatif est édifié à frais communs entre les deux propriétaires voisins : le
principe c’est que dans les villes et les faubourgs, chaque propriétaire peut imposer à son
voisin la construction d’un ouvrage séparatif à frais communs. Dans ce cas, l’ouvrage est à
81
DROIT CIVIL DES BIENS
cheval sur les deux propriétés et il est mitoyen, c’est-à-dire qu’il appartient collectivement
aux deux propriétaires. Cela dit, le propriétaire voisin à qui on demande de participer
financièrement a le droit d’échapper à cette obligation mais pour cela il doit abandonner
gratuitement la bande de terrain sur laquelle portera l’ouvrage. Si tel est le cas, cela veut
dire que l’ouvrage va être bâti sur la propriété de celui qui finance et à l’aplomb de la
propriété de celui qui ne finance pas. Un tel ouvrage appartient exclusivement à celui qui
l’a financé.
L’édification de l’ouvrage à frais propres de l’un des deux voisins : il faut distinguer trois
hypothèses :
- L’ouvrage est construit entièrement sur le fond de A : l’ouvrage appartient privativement à
celui qui l’a construit mais son voisin a la possibilité de le forcer à lui céder la mitoyenneté de
l’ouvrage.
- L’ouvrage est construit par A mais à cheval sur la propriété voisine : présence d’un
empiètement sur le fond voisin. En principe, en cas d’empiètement, la victime a toujours le droit
de demander la destruction de l’ouvrage pour être restaurée dans ses droits. Mais, la CDC refuse la
destructions au motif que l’ouvrage aurait pu être construit de la même façon en appliquant
l’article 663. Mais, dans la mesure où l’auteur de la construction n’a pas fait une demande de frais
préalables à son voisin, il doit supporter seul, à titre définitif le coût de la construction. L’ouvrage
appartient à celui qui l’a édifié mais son voisin peut en acquérir la mitoyenneté.
- L’ouvrage va se trouver complètement sur le terrain de B : on est dans une construction sur le
fond d’autrui qui relève de l’article 555 du CC.
`
L’appartenance des ouvrages séparatifs
- En cas de mitoyenneté, chacun des copropriétaires de l’ouvrage peut retirer un usage direct et
exclusif de cet ouvrage. EXEMPLE : s’il s’agit d’une haie, chacun des copropriétaires peut
récolter les produits de cette haie et notamment le bois mort. S’il s’agit d’un mur, chacun des
copropriétaires a le droit d’y adosser une construction et chacun a également le droit d’exaucer le
mur.
82
DROIT CIVIL DES BIENS
- Parce que l’ouvrage est mitoyen, son entretien se fait à frais communs : toutes les dépenses de
réparation, de reconstruction doivent être partagées entre les propriétaires mitoyens chacun pour sa
part et portion.
L’ouvrage séparatif n’est pas mitoyen : il appartient exclusivement à l’un des deux
propriétaires voisins. Dans ce cas, les choses sont simples, puisque l’ouvrage n’appartient qu’à
un seul des deux, seul son propriétaire a le droit d’en retirer un usage personnel, direct,
exclusif mais il doit également seul en supporter la charge.
L’ouvrage est mitoyen et peut devenir privatif : c’est possible parce que le titulaire d’un
droit réel a la faculté d’abandonner son droit. Par voie de conséquence, le titulaire de la
mitoyenneté a le droit d’abandonner sa mitoyenneté notamment pour échapper à
l’obligation d’entretien de l’ouvrage qui doit se faire à frais communs. En cas d’abandon,
l’ouvrage devient la propriété exclusive du propriétaire voisin. Cette faculté d’abandon est
strictement encadrée :
- Interdite lorsque celui qui veut l’exercer utilise l’ouvrage séparatif dans son propre intérêt.
EXEMPLE : le propriétaire ne peut pas abandonner la mitoyenneté du mur si sa maison est
adossée au mur.
- Elle ne permet pas au propriétaire de s’exonérer des frais qui sont liés directement à sa
faute : si c’est par sa faute que l’ouvrage séparatif a besoin d’être entretenu, il devra supporter les
frais de cette entretien et l’abandon n’y changera rien. L’abandon n’est pas un moyen de
s’exonérer de sa faute.
L’ouvrage est privatif et peut devenir mitoyen : c’est l’hypothèse dans laquelle l’un des
propriétaires voisins qui n’a pas la mitoyenneté à l’origine va contraindre le propriétaire de
l’ouvrage à lui céder la mitoyenneté. On est ici en présence d’une cession forcée, puisqu’on
va forcer le propriétaire à céder une chose qui lui appartient (pas entièrement). Cette cession
intervient à titre onéreux sachant que cette contrepartie à la cession doit comprendre non
seulement la moitié de la valeur de l’ouvrage mais aussi la moitié de la valeur de la bande
de terrain sur laquelle l’ouvrage repose.
La cession de mitoyenneté peut être que partielle. On est typiquement dans un cas d’expropriation
pour cause d’utilité privée. C’est directement contraire à l’article 545 du Code civil.
a. Le principe général
Verticalement, la propriété ne s’arrête pas au sol parce qu’il résulte de l’article 552 du Code civil
que la propriété du sol emporte propriété de tout ce qui se trouve en dessous et propriété de tout
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DROIT CIVIL DES BIENS
ce qui se trouve au-dessus. Ce qui veut dire que le propriétaire du sol n’est pas propriétaire d’un
espace en deux dimensions mais d’un espace en trois dimensions : une forme de cône qui part du
centre de la terre et qui va aux confins de l’univers.
Cette règle de l’article 552 du Code civil emporte deux types de conséquences : des conséquences
substantielles et des conséquences probatoires.
D’un point de vue substantiel, puisque le propriétaire du sol est le propriétaire du dessus, il a
vocation à être propriétaire de tous les ouvrages et de toutes les plantations qui sortent du sol :
mécanisme d’accession par incorporation. De la même façon, parce que le propriétaire du sol est
propriétaire du sous-sol, il a vocation à être propriétaire de toutes les constructions qui s’y trouvent
et il a également le droit de pratiquer les fouilles de son choix et de s’accaparer le produit de ses
fouilles. Ces droits du propriétaire doivent s’articuler d’abord avec l’ordre public et aussi avec les
droits des tiers.
- Présomption d’origine : les constructions et les plantations qui se trouvent sur un fond sont
présumées avoir été faites par celui qui était propriétaire au moment de leur édification ou de leur
plantation.
- Présomption de propriété : les ouvrages, les plantations qui se trouvent sur le sol sont présumées
appartenir au propriétaire actuel du sol.
Le vrai problème c’est que toutes ces présomptions sont des présomptions simples et donc sont
susceptibles d’être renversées. Elles supportent la preuve contraire.
b. Difficultés d’application
Cette hypothèse est celle dans laquelle les constructions ou plantations ont bien été effectuées par le
propriétaire du sol mais elles l’ont été avec des matériaux dont il est prouvé qu’ils appartenaient à
un tiers au moment où ils ont été utilisés. Cette hypothèse est visée à l’article 554 du Code civil. Son
régime juridique tient en deux propositions :
- Le fait que les matériaux appartenaient à un tiers ne constitue pas un obstacle au droit
d’accession du propriétaire le propriétaire du sol va devenir par voie d’accession propriétaire
des matériaux qu’il a utilisé et plus généralement de la construction ou de la plantation. Il n’y a
pas ici de rapport d’auteur à ayant-cause. Le droit de propriété du tiers sur les matériaux s’éteint et
le propriétaire du sol devient propriétaire des matériaux par un droit de propriété nouveau.
Puisque le droit d’accession fonctionne et que le propriétaire du sol devient propriétaire des
matériaux, le tiers ne peut pas exiger de récupérer ses matériaux.
84
DROIT CIVIL DES BIENS
Cette hypothèse est celle dans laquelle la construction ou la plantation est réalisée par une
personne avec ses propres matériaux, à ses propres frais mais sur un terrain, un sol qui
appartient à autrui. C’est l’hypothèse visée à l’article 555 du Code civil.
Le domaine d’application
- Quant aux travaux : l’article 555 ne s’applique qu’à des constructions ou des plantations
nouvelles, ce qui interdit son application pour des conservations ou des améliorations d’ouvrages
existants. En outre, il faut que cette construction ou cette plantation soit totalement implantée sur
le fonds d’autrui. Lorsque l’implantation n’est que partielle on est en présence d’un cas
d’empiètement qui relève d’un autre régime juridique. Cet article 555 est naturellement exclu
pour tous les ouvrages qui sont soumis au régime de la mitoyenneté.
- Quant aux personnes concernées : l’article 555 s’applique toujours dans les rapports entre le
propriétaire du sol et une tierce personne qui est possesseur de la construction ou de la plantation.
Positivement, cela renvoie à deux cas de figure classiques :
Celui dans lequel une personne qui a acquis le terrain a édifié une
construction après quoi son titre d’acquisition a été anéanti rétroactivement
soit par une nullité, soit par une résolution il apparait alors rétroactivement
que celui qui a réalisé la construction n’était pas le véritable propriétaire du sol.
L’article 555 ne joue pas lorsque la construction a été réalisée par un copropriétaire ou un indivisaire.
Dans ce cas, la construction n’est pas l’œuvre d’un tiers mais l’œuvre d’une personne qui a au moins
une fraction de droits sur le sol. De la même façon, l’article 555 ne trouve pas à s’appliquer dans les
rapports entre usufruitier et nu-propriétaire ni dans des rapports entre époux.
Ce régime général repose sur la bonne ou mauvaise foi de l’auteur de la construction. Mais, en
toute hypothèse, la règle de l’accession va jouer au profit du propriétaire du sol. Même si la
construction est l’œuvre d’un tiers, elle appartiendra au propriétaire du sol.
85
DROIT CIVIL DES BIENS
- Le tiers est de mauvaise foi : le tiers est considéré de mauvaise foi lorsqu’au moment où il a
effectué la construction, il savait qu’il le faisait sur un fonds qui ne lui appartient pas. Il avait une
pleine connaissance de la situation. Dans ce cas, le propriétaire du sol bénéficie d’une option à
deux branches :
- Le tiers est de bonne foi : le tiers est de bonne foi lorsqu’il ignore au moment où il réalise la
construction ou la plantation que le fonds appartient à une autre personne. Dans ce cas, le
véritable propriétaire du fonds perd son option. Il va bénéficier de l’accession et il va être tenu
d’indemniser le tiers. En aucune manière il ne peut exiger du tiers la destruction de l’ouvrage
ou de la plantation. Puisque le propriétaire du fonds est devenu par accession propriétaire de la
construction, il peut, comme tout propriétaire, détruire la construction. Il le fait à ses frais et
non pas aux frais du tiers.
Le cas particulier
Le cas particulier n’est pas visé par l’article 555 et relève de la jurisprudence. Hypothèse dans
laquelle il existe entre le propriétaire du fonds et l’auteur de la construction un contrat en vertu
duquel directement ou indirectement la construction ou la plantation a été réalisée. Dans cette
hypothèse, il faut distinguer deux hypothèses :
- Le contrat règle directement le sort de la construction : il peut le faire par des règles propres
mais il peut également le faire par renvoie à l’article 555. Dans ce cas, c’est toujours la règle
conventionnelle qui doit s’appliquer. EXEMPLE : lorsque le propriétaire du sol demande à un
entrepreneur de réaliser une construction moyennant le paiement d’un prix, c’est ce prix qui doit
s’appliquer à l’exclusion de l’article 555. De même, il arrive également que lorsqu’il existe un
contrat de bail entre le propriétaire du fonds (bailleur) et l’auteur de la construction (locataire), ce
contrat peut prévoir ses propres modalités d’indemnisation du locataire au moment où il quittera
les lieux. L’article 555 est supplétif de volonté.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Elle n’est pas prévue par le code civil. Le propriétaire du sol est présumé être propriétaire de tous les
ouvrages qui s’élèvent sur le sol et de tous ceux qui sont sous le sol. Cette présomption étant simple,
cela signifie qu’il est possible de démontrer que celui qui est propriétaire du sol n’est pas le
propriétaire de la construction ou de la plantation. Il est donc possible de démontrer une
dissociation de la propriété entre le sol et la construction.
Le droit de propriété sur les constructions ou les plantations se dénomme le droit de superficie.
Le propriétaire des constructions ou des plantations se dénomme le superficiaire et le propriétaire des
fonds se dénomme le tréfoncier. Ce droit de superficie n’est pas régi par le code civil, il a été imaginé
par la pratique et consacré par la CDC au XIXème siècle. C’est une hypothèse toute simple d’un droit
réel sui generis encore que fondamentalement c’est simplement de la propriété. Il n’y a pas entre le
superficiaire et le tréfoncier d’indivision et le superficiaire n’est pas usufruitier ou titulaire d’un droit
réel sur la chose d’autrui tout simplement parce que le droit de chacun des protagonistes a sa propre
assiette.
Puisqu’il s’agit de deux droits de propriété distincts, la CDC applique au droit de superficie le
régime juridique de la propriété. Elle applique au droit de superficie l’imprescriptibilité qui est
attachée au droit de propriété et qui signifie que le droit de propriété ne se perd pas par le non-
usage prolongé. Même si le superficiaire n’exerce pas son droit de propriété pendant un temps très
long, il conservera ce droit de propriété. Dans la majorité des hypothèses, le droit de superficie est
un droit temporaire. C’est une propriété qui a vocation à disparaitre à court ou moyen terme. Il
en va ainsi parce que le droit de superficie procède le plus souvent d’un contrat et plus
particulièrement d’un contrat de bail. En matière de bail, l’accession du propriétaire est reportée à
la fin du bail. Pendant toute la durée du bail, le locataire va être traité comme un superficiaire et le
bailleur sera le tréfoncier. Au moment où le bail va s’arrêter, l’accession va jouer de sorte que le
propriétaire du fonds va devenir par accession propriétaire de la construction ou de la plantation. Le
locataire va perdre son droit de superficie.
Le problème, c’est que le droit de superficie présente une certaine faiblesse. Non seulement, il est
parfois temporaire, mais surtout il n’existe que pour autant que subsiste la construction ou la
plantation. Si la construction ou la plantation disparait, le droit de superficie n’a plus d’assiette et une
propriété sans assiette c’est un droit qui s’éteint. C’est pour remédier à cette difficulté que la pratique a
imaginé une autre forme de dissociation entre la propriété du sol et la propriété de ce qui s’élève
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DROIT CIVIL DES BIENS
dessus ou ce qui se trouve dessus : la théorie des volumes il s’agit par un contrat de découper la
propriété en trois dimensions par différents cubes, différents volumes.
Le code civil est relativement contrasté lorsqu’on compare la matière immobilière à la matière
mobilière. La délimitation de l’assiette en matière immobilière est régie par un très grand nombre de
règles plus ou moins impératives. En matière mobilière, il y a très peu de règles et ces règles ne
sont pas du tout obligatoires.
La délimitation de l’assiette de la propriété mobilière n’est pas en soit très compliquée. L’assiette de
la propriété mobilière c’est la chose meuble elle-même. La difficulté apparait lorsque plusieurs
meubles sont regroupés les uns aux autres pour créer un ouvrage composite. Le problème se pose
lorsque les différents meubles qui sont regroupés n’appartiennent pas à une même personne.
EXEMPLE : un beau diamant, le voisin a une quantité d’or, on fait une bague : à qui appartient la
bague ? C’est le problème de l’accession en matière mobilière.
Pour répondre à cette question, l’article 565 du Code civil s’en remet à l’équité naturelle : c’est au
cas par cas que le juge pourra trancher l’appartenance de la chose. Le législateur a prévu quelques
guides pour le juge, mais ces guides ne sont absolument pas impératifs. Ils ne s’imposent pas au juge.
La seule chose qui gouverne le juge c’est l’équité. Trois exemples :
- La règle de l’accessoire : lorsqu’un meuble est mis au service d’un autre meuble, il en
devient l’accessoire et la propriété du tout revient au propriétaire du principal
- La valeur respective des choses utilisées : la propriété du tout reviendra alors à celui qui a
fourni la chose ayant la valeur la plus élevée.
- La licitation de la chose et répartir le prix à due concurrence entre les deux anciens
propriétaires.
Article 544 du Code civil : « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la
manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ».
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DROIT CIVIL DES BIENS
aucune limite. Là où il y a des limites, il n’y a plus d’absolutisme. Après avoir parlé d’absolutisme,
les rédacteurs ont immédiatement prévus des limites : l’usage prohibé par les lois et les règlements.
Cela nous amène à nous interroger sur ce que signifie exactement cette notion d’absolutisme de la
propriété.
A. La signification de l’absolutisme
Pour décrire l’absolutisme du droit de propriété il faut commencer par indiquer ce qu’il n’est pas avant
de pouvoir étudier ce qu’il est.
- L’absolutisme c’est aussi le principe de permissivité : le droit de propriété constitue le seul droit
réel qui n’énumère pas limitativement les prérogatives de son titulaire. Dans la propriété, le
propriétaire a le droit de tout faire sauf ce qui est interdit. Dans les autres droits réels, les
prérogatives des titulaires sont limitativement énumérées.
Ces limites apportées au droit de propriété sont de deux ordres : certaines relèvent de l’ordre public,
d’autres relèvent de l’ordre social.
1. L’ordre public
Les limites d’ordre public apportées au droit de propriété sont expressément visées à l’article 544, il
réserve l’utilisation prohibée par les lois et les règlements. Cet ordre public désigne l’ensemble des
normes qui encadrent, qui soumettent à condition, qui restreignent ou interdisent l’exercice du
droit de propriété dans toute sa plénitude. Historiquement, ces limites étaient assez peu présentes
durant tout le XIXème siècle. Le XIXème siècle surfait encore sur la vague de la propriété sacralisée.
Ces règles d’ordre public se sont multipliées à partir du début du XXème siècle. Il est impossible de
toutes les énumérer.
Mais elles posent une question de hiérarchie des normes. Le droit de propriété, s’il est défini par la
loi, il est également protégé par le bloc de constitutionnalité et il est également protégé au niveau
international, la CEDH. Les règles d’ordre public qui limitent le droit de propriété devraient
avoir une source supra légale. Toute limite ayant une source légale pourrait apparaitre comme étant
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DROIT CIVIL DES BIENS
2. L’ordre social
Il s’agit ici, pour le propriétaire, d’avoir à souffrir les contraintes de la vie en société. Ces
contraintes supposent de la part du propriétaire de respecter autrui, de respecter les tiers. Ce respect
part dans deux directions :
- Le respect des droits des tiers : le droit subjectif est opposable aux tiers voire produit son effet
contre une personne déterminée. Le propriétaire, tout propriétaire qu’il est, doit respecter ces
droits qui appartiennent à autrui, quand bien même ce ne serait pas lui qui serait à l’origine de ces
droits. EXEMPLE : si une tierce personne a l’usufruit de la chose, si elle est locataire de la chose,
le propriétaire doit respecter ses droits, il doit souffrit les limites apportées à son droit de propriété.
- Le respect du devoir général de ne pas nuire à autrui : afin de protéger les tiers, la
jurisprudence a élaboré deux théories qui viennent restreindre, amputer, limiter les prérogatives du
propriétaire. Ce qui est remarquable c’est que ces deux théories initialement conçues pour le droit
de propriété, ont par la suite été étendues à beaucoup d’autres droits réels comme personnels.
Entre ces deux conceptions, la CDC a choisi la seconde, la conception restrictive, arrêt Clément
Baillard de 1915. D’un point de vue probatoire, ce qui caractérise l’abus c’est l’intention de nuire qui
peut être difficile à prouver. La CDC considère que l’intention de nuire peut se déduire du simple fait
que l’acte accompli par le propriétaire ne présente aucun intérêt pour lui. Si le propriétaire
accompli un acte matériel qui n’a aucun intérêt pour lui, c’était pour nuire aux autres. Ce qui signifie
aussi, a contrario, que, si l’acte du propriétaire présente le moindre intérêt pour lui, il n’est plus
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DROIT CIVIL DES BIENS
susceptible d’être qualifié d’abus. Lorsque la victime peut emprunter cette voie, elle va bénéficier d’un
régime de responsabilité pour faute, la faute étant l’abus, ce qui va lui permettre d’obtenir réparation
de la totalité de son préjudice.
La responsabilité encourue repose exclusivement sur l’anormalité du trouble causé à autrui. Il importe
donc peu que le fait qui est à l’origine du trouble soit un fait fautif ou non fautif. La responsabilité
est encourue pour des faits qui ont été préalablement autorisés par l’administration. Ce n’est pas parce
que l’auteur du trouble était là le premier qu’il ne sera pas responsable. La jurisprudence considère en
effet, que nul n’a de droit acquis à causer un trouble anormal de voisinage : la théorie de la
préoccupation ne joue pas. Sauf dans un cas interprété très strictement par la CDC : au profit des
entreprises commerciales, industrielles et agricoles... La préoccupation est encadrée très strictement.
Peu importe aussi la nature du trouble, ce peut être des odeurs, des bruits, des vibrations, des
privations d’ensoleillement...
La normalité du trouble s’apprécie in concreto, c’est-à-dire au cas par cas par le juge. La seule
directive que pose la CDC c’est que dans cette appréciation in concreto, le juge du fond doit prendre
en compte les circonstances de lieu et les circonstances de temps. EXEMPLE : un bruit peut plus
probablement causer un trouble anormal lorsqu’il a lieu la nuit ou à la campagne.
L’exclusivisme du droit de propriété ne repose sur aucuns textes du Code civil. Il s’agit d’un caractère
du droit de propriété qui procède directement de la notion de propriété. Parce que la propriété est ce
qu’elle est, elle est exclusive.
A. La signification de l’exclusivisme
Négativement, l’exclusivisme du droit de propriété ne doit pas être confondu avec l’opposabilité de
la propriété aux tiers. Le droit de propriété est opposable aux tiers, en ce sens que les tiers sont tenus
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DROIT CIVIL DES BIENS
d’en respecter l’existence et qu’ils seraient responsables s’ils portaient une atteinte illégitime à ce
droit. L’opposabilité n’est pas la marque du droit de propriété, elle concerne tous les droits, qu’il
s’agisse des autres droits réels mais aussi des droits personnels.
L’exclusivisme ne doit pas être confondu avec l’exercice solitaire des prérogatives qui sont
conférées par le droit de propriété. Il est évident que pour exercer les prérogatives de son droit, le
propriétaire n’a besoin de personne. Le propriétaire exerce bien ses prérogatives en solitaire. Mais, cet
exercice solitaire se retrouve dans d’autres droits que le droit de propriété : dans d’autres droits réels.
EXEMPLE : usufruit : l’usufruitier n’a besoin de personne pour exercer son droit de jouissance. Le
propriétaire ne doit strictement rien à l’usufruitier. L’usufruitier n’a besoin de personne. De la même
façon, dans les droits personnels, le créancier peut exercer certaines prérogatives en solitaire.
Certes, pour obtenir la prestation le créancier a besoin du concours du débiteur, il faut que le débiteur
exécute l’obligation pour que le créancier obtienne satisfaction. Mais, dans les droits personnels le
créancier peut également obtenir satisfaction de façon forcée, hypothèse dans laquelle il va se passer
du concours du débiteur.
Positivement, l’exclusivisme du droit de propriété désigne le fait que le droit de propriété est le
seul droit à ne s’exercer contre personne.
B. La portée
Le droit de propriété ne s’exerce contre personne, ne met pas en présence du propriétaire un sujet
passif. Il n’y a aucune difficulté à admettre que le propriétaire puisse toujours profiter de son droit en
nature. A la différence des autres droits qui s’exercent contre une personne et qui peuvent se traduire
par de simples dommages-intérêts, le propriétaire lui peut toujours prétendre à exercer son droit
de façon concrète, en nature. La manifestation de cette idée réside dans la sanction du droit de
propriété, sanction que constitue l’action en revendication action en justice qui consiste pour le
propriétaire d’une chose à récupérer cette chose entre les mains d’un possesseur, de bonne ou
mauvaise foi, pour pouvoir à nouveau exercer son droit en nature. Pour les autres droits, le titulaire du
droit devra se contenter de dommages et intérêts. Cette action en revendication est originale et cette
originalité explique la vigueur de l’action en revendication. L’action en revendication est + vigoureuse
que toute autre, ce qui se manifeste tout particulièrement dans l’hypothèse de l’empiètement
situation dans laquelle un ouvrage réalisé sur un fonds déborde sur le fonds voisin. Suppose que le
propriétaire qui en est victime soit restauré dans ses droits : requiert la destruction de l’ouvrage qui
empiète sur son fonds. Pour empêcher la destruction, de nombreuses pistes ont été explorées :
- Certains auteurs ont proposé d’utiliser l’article 552 et de renverser ce texte. Au lieu de dire que la
propriété du sol emporte la propriété du dessus ou du dessous, il faudrait dire que la propriété du
dessus ou du dessous emporte propriété du sol.
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DROIT CIVIL DES BIENS
- On a également envisagé que la victime de l’empiètement soit tenue de céder la bande de terrain à
son voisin auteur de l’empiètement : se heurte à l’article 545 du Code civil, expropriation pour
cause d’utilité privée
- On a également imaginé que l’empiètement s’il dure un certain temps peut permettre à son auteur
d’acquérir sur le fonds voisin une servitude. Si la CDC a un temps admis cette solution, elle l’a
finalement condamné, considérant qu’une servitude ne peut pas avoir pour seul objet
l’empiètement sur le fonds voisin.
Tous les fondements qui ont été invoqués pour essayer de sauver l’ouvrage ont été ou doivent être
rejetés. C’est la raison pour laquelle la CDC admet systématiquement ou presque, que la victime de
l’empiètement par son action en revendication doit être réintégrée dans son droit en nature. A
chaque fois que la destruction est nécessaire, elle doit être ordonnée par le juge. Il importe peu que
l’empiètement soit infime ou l’auteur de l’empiètement ait été de bonne foi.
Dans son dernier état, la CDC semble avoir fait preuve d’un infléchissement. Elle a en effet accepté
que le juge saisi de l’action en revendication puisse procéder à un contrôle de proportionnalité
entre le dommage souffert par la victime et le coût que la démolition représente pour l’auteur. Si
la disproportion est trop manifeste, le juge pourrait rejeter l’action en revendication.
A. La signification de la perpétuité
Négativement, la perpétuité n’est pas synonyme d’éternité. Le droit de propriété n’a vocation à
durer au mieux qu’au temps où dure son assiette. Le jour où l’assiette disparait, le droit de propriété
disparait également. On pourrait dire que le droit de propriété a au moins vocation à l’éternité. Tant
que dure l’assiette, dure le droit. Cette vocation à l’éternité, le droit de propriété la partage avec la
servitude qui elle aussi a vocation à durer aussi longtemps que dure son assiette.
B. La justification de la perpétuité
A priori, l’imprescriptibilité du droit de propriété a quelque chose de curieux. Il est curieux de laisser à
une personne un droit qu’elle n’exerce plus. A quoi bon lui laisser la propriété si elle n’exerce pas son
droit de propriété. Derrière ce paradoxe, la perpétuité repose sur deux considérations :
- Les prérogatives du droit de propriété : le droit de propriété confère à son titulaire le droit de
jouir de la chose. Ce droit, c’est également une liberté. Par voie de conséquence, dans cette
jouissance de la chose, parce qu’elle est libre, le propriétaire ne doit souffrir d’aucune
93
DROIT CIVIL DES BIENS
contrainte. Or, le propriétaire souffrirait une contrainte si son absence de jouissance lui faisait
perdre son droit. Pour ne pas perdre son droit il serait obligé d’exercer la jouissance.
Le code civil de 1804 ne comportait aucun texte qui affirmait la perpétuité ou l’imprescriptibilité du
droit de propriété. En 1804, on n’avait que deux textes : article 2 et 17 de la DDHC. Dans le code
civil rien. La seule chose que l’on trouvait c’était l’article 2262 du code qui affirmait que toutes les
actions se prescrivent par 30 ans. Deux problèmes : comment affirmer que la propriété est
imprescriptible ? Si elle est imprescriptible, qu’en-est-il de l’action en revendication qui sanctionne la
propriété ?
La question s’est déplacée sur l’action. Si toutes les actions se prescrivent par 30 ans, l’action en
revendication se prescrit par 30 ans. Il ne servirait à rien de dire que le droit de propriété est
imprescriptible si passé 30 ans le propriétaire ne peut plus revendiquer. La CDC a également admis
que l’action en revendication comme le droit de propriété lui-même est imprescriptible.
Depuis 2008, les choses sont plus simples car d’un côté l’article 2227 du Code civil dispose que le
droit de propriété est imprescriptible. Depuis 2008, il existe un fondement légal à
l’imprescriptibilité de la propriété. Mais, cet article 2227 est mal rédigé pour deux raisons :
- Il continue d’affirmer (comme autrefois) que les actions réelles immobilières se prescrivent
par 30 ans : le texte dit que cette prescription de l’action réelle immobilière c’est une dérogation à
l’imprescriptibilité de la propriété. Ce qui tend à signifier que l’action en revendication (en
matière immobilière) doit se prescrire par 30 ans alors que le droit de propriété est
imprescriptible.
D’une part, on ne sait pas si la propriété mobilière est prescriptible ou imprescriptible et on ne sait pas
non plus quel est le délai de prescription. L’imprescriptibilité du droit de propriété ne vise que la
prescription extinctive. La propriété est susceptible de prescription acquisitive. Or, si le non-usage
prolongé ne fait pas s’éteindre le droit de propriété, l’usage par une autre personne peut faire
acquérir à cette autre personne la propriété et donc la faire perdre au propriétaire initial.
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DROIT CIVIL DES BIENS
Il existe deux formes de propriété que l’on peut aborder : la propriété fiduciaire et la propriété
apparente.
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DROIT CIVIL DES BIENS
plusieurs biens à une autre personne que l’on appelle le fiduciaire pour un certain temps et dans
un certain but. C’est donc une propriété qui présente deux caractéristiques majeures complètement
dérogatoires à la propriété ordinaire.
La propriété fiduciaire c’est une propriété temporaire alors que la propriété ordinaire a vocation à
durer. C’est une propriété temporaire car à la fin de la fiducie, le fiduciaire est tenu de retransférer la
propriété soit au constituant, soit à une tierce personne que l’on appelle le bénéficiaire.
Il s’agit d’une propriété finalisée qui doit être exercée dans un certain but tandis que la propriété
ordinaire peut être exercée librement par son titulaire. Ce but de la propriété fiduciaire peut, dans
l’absolu, être de trois ordres :
- La fiducie peut être instituée dans un but de gestion : il s’agit de demander au fiduciaire de
garer les biens pendant un certain temps
- La fiducie peut être instituée dans un but de garantie : il s’agit de permettre au bénéficiaire de
la fiducie qui est en même temps créancier de bénéficier d’une sûreté qui repose sur le droit de
propriété et non pas sur le droit de préférence
- La fiducie peut être instituée dans un but de libéralité : l’opération consiste pour une personne
à se dépouiller de ses biens entre les mains d’un fiduciaire, à charge pour ce dernier de les gérer
potentiellement, mais surtout de les transmettre gratuitement au bénéficiaire
La fiducie est un mécanisme qui était connu en droit romain. Mais, elle n’existait pas dans le code de
1804, sans doute parce que pour les rédacteurs il n’y a que la propriété ordinaire. Pendant très
longtemps, le droit français a été relativement hostile à la fiducie. Pendant très longtemps on avait
quelques textes qui concernaient des hypothèses particulières où le mécanisme fiduciaire était utilisé.
En dehors de ces textes, la CDC se montrait particulièrement intransigeante et requalifiait les fiducies
qui se présentaient à elle. Loi du 19 février 2007 qui a inséré aux articles 2011 et suivants du Code
civil un régime général de la fiducie.
Le législateur a voulu un mécanisme concurrent au trust anglo-saxon. Idée d’attirer des capitaux
étrangers. Le législateur a eu peur de la fiducie. Il a craint deux choses : que la fiducie puisse
permettre de contourner la fiscalité qui est applicable aux libéralités. De fait il y avait un véritable
risque. La seconde crainte, que la fiducie soit une machine à blanchir les capitaux.
Cette double crainte explique que la fiducie a été très strictement encadrée par le législateur. On
observe que dans la loi 2007, la fiducie libéralité est prohibée. On observe aussi que dans la loi de
2007 les personnes qui pouvaient être parties au contrat de fiducie étaient limitativement
énumérées par le législateur.
La fiducie à la française est une fiducie particulière. Dans le mécanisme romain de la fiducie, le
fiduciaire devenait propriétaire de la chose mais ce droit de propriété venait se fondre dans son
patrimoine. La fiducie française est une fiducie avec un patrimoine d’affectation le fiduciaire
va être placé à la tête d’un second patrimoine, il va avoir son patrimoine personnel et son
patrimoine fiduciaire.
Depuis 2007, le législateur n’a pas cessé d’intervenir pour modifier, corriger les articles 2011 et
suivants. Il a également adopté des textes spéciaux qui sont applicables exclusivement à la fiducie
sûreté. On s’aperçoit aussi que le législateur depuis 2007 a maintenu et créé des fiducies spéciales
qui ne sont pas soumises aux articles 2011 et suivants. Ce sont donc des fiducies qui portent sur une
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DROIT CIVIL DES BIENS
assiette particulière et qui présentent la caractéristique de ne pas répondre aux conditions de validité
du droit commun de la fiducie et de ne pas être soumises au patrimoine d’affectation.
L’ordonnance du 15 septembre 2021 a créé deux fiducies : la cession de somme d’argent à titre de
garantie et la cession de créance de droit commun à titre de garantie.
Le législateur en 2007 a été frileux en matière de fiducie puisqu’il a craint que l’on puisse frauder le
fisc, blanchir des capitaux. Il a très fermement encadré les conditions de la fiducie. Ces conditions
concernent aussi bien le fond que la forme.
On peut distinguer les conditions relatives aux parties et les conditions relatives au bien.
Ces conditions témoignent de la frilosité du législateur même si ces conditions ont rapidement évolué
au bénéfice de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. S’agissant du constituant
(celui qui transfère), initialement il ne pouvait s’agir que de personnes morales qui étaient soumis à
l’impôt sur les sociétés.
La LME a élargi le domaine de la fiducie et l’a ouvert à toute personne, personne morale comme
personne physique, personne assujetties à l’impôt société ou personne assujetties à l’impôt sur le
revenu des personnes physiques (IRPP). Lorsque la fiducie porte sur des biens communs à deux
époux, ou qu’elle porte sur des biens indivis, elle requiert toujours le consentement unanime soit
des époux, soit des indivisaires. Un époux seul, ou certains indivisaires seulement ne peuvent pas
valablement constituer une fiducie.
Rares sont les personnes à pouvoir être fiduciaires. A l’origine, dans la loi de 2007, la qualité de
fiduciaire était réservée aux établissements de crédit, aux entreprises d’investissement et aux
compagnies d’assurance. En 2008 le législateur a ajouté une catégorie de personne les avocats. En
dehors de cette liste, aucune personne ne peut endosser la qualité de fiduciaire dans le cadre de cette
fiducie de droit commun.
Le bénéficiaire peut être n’importe quelle personne physique ou morale y compris le constituant
lui-même ou le fiduciaire lui-même. Lorsque le constituant est bénéficiaire, on est dans le cadre
d’une fiducie gestion. Inversement, lorsque c’est le fiduciaire qui est le bénéficiaire, on se trouve
dans une fiducie sûreté.
Le législateur s’agissant des biens a eu une vision relativement large de la fiducie puisqu’il a accepté
que celle-ci puisse porter sur des droits réels comme sur des droits personnels et y compris sur des
sûretés.
97
DROIT CIVIL DES BIENS
En revanche, le législateur n’a pas souhaité que la fiducie puisse être utilisée pour transférer des
dettes. On peut mettre en fiducie des éléments d’actif mais on ne peut pas mettre des éléments de
passif.
Ces biens qui sont transmis au fiduciaire peuvent indifféremment constituer des biens isolés ou
constituer un véritable ensemble. De la même façon, la fiducie peut porter sur des biens futurs mais
à la condition que ces biens soient déterminables au moment de la conclusion du contrat.
Au titre de la forme, il faut distinguer d’abord la forme de l’acte lui-même et ensuite les mesures de
publicité de cet acte.
Le contrat de fiducie constitue un contrat solennel qui requiert donc un écrit à peine de nullité. Cette
solution n’est pas expressément mentionnée dans le code civil, mais elle résulte de l’article 2018
lequel énumère des mentions obligatoires. Il s’agit de l’identification des biens mis en fiducie,
l’identification du constituant et du bénéficiaire, l’identification ou le mode de détermination du
bénéficiaire, la durée du contrat de fiducie qui peut aller jusqu’à 99 ans, et de l’étendue de la
mission et des pouvoirs reconnus au fiduciaire.
Toutes ces mentions sont obligatoires et imposent la rédaction d’un écrit mais il importe peu que cet
écrit soit un acte sous seing privé, un acte contresigné par un avocat ou alors un acte authentique.
Parfois, l’exigence de forme est renforcée en ce sens que la fiducie pour être valable requiert
nécessairement la rédaction d’un acte authentique. Il en va ainsi dans trois cas : lorsque la fiducie
porte sur des droits immobiliers, lorsque la fiducie porte sur un bien commun à deux époux, et
lorsque la fiducie porte sur un bien indivis. Dans ce cas il n’est pas possible de recourir à l’acte sous
seing privé ou contresigné par un avocat, seul l’acte authentique permet la validité du contrat.
Le contrat de fiducie fait l’objet d’une très large publicité qui témoigne tout particulièrement de la
crainte du législateur.
Le contrat de fiducie doit faire l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration fiscale. Cet
enregistrement doit avoir lieu impérativement dans le mois qui suit le contrat de fiducie et ce à peine
de nullité. Le contrat de fiducie doit également être publié sur un registre national des fiducies.
En fonction de la nature des biens transférés, il y aura lieu à respecter certaines publicités pour
rendre le transfert opposable aux tiers. EXEMPLE : ainsi, si la fiducie porte sur un immeuble elle
devra être publiée au fichier immobilier. Si la fiducie porte sur un fonds de commerce elle devra être
publiée au RCS.
98
DROIT CIVIL DES BIENS
Il faut s’interroger sur les effets en cours de fiducie et aussi s’interroger sur les effets à l’expiration de
la fiducie.
Entre les parties, les effets de la fiducie sont dominés par les limites qui sont apportées au droit de
propriété du fiduciaire. Ces limites sont tellement importantes que l’on peut douter que le
fiduciaire soit un véritable propriétaire.
Lorsqu’il agit il doit toujours agir en qualité de fiduciaire ⇒ lorsqu’il conclut un acte relatif
à la fiducie, il doit mentionner sa qualité de fiduciaire.
Le fiduciaire est encore tenu de rendre compte de sa mission au constituant dans les
conditions définies au contrat ⇒ solution originale parce qu’un propriétaire ordinaire ne
rend jamais compte de sa mission à personne. Ici, le propriétaire fiduciaire doit des comptes
au constituant.
Le fiduciaire engage sa responsabilité personnelle sur son actif personnel pour toutes les
fautes commises vis-à-vis du constituant ⇒ généralement le propriétaire lorsqu’il agit ne
doit de compte à personne, ici c’est surprenant.
Il en va de même si l’on s’intéresse à la situation du constituant. Le constituant dispose de deux
prérogatives :
Le constituant peut désigner un tiers pour veiller à la fiducie, sur la gestion du fiduciaire
⇒ le fiduciaire va se retrouver sous le regard d’un tiers dont la mission est de le surveiller.
Il y a des tiers avec lesquels le fiduciaire va passer des actes relatifs à la fiducie. Il y a des tiers qui
sont les créanciers des parties.
Le fiduciaire dispose d’une présomption de pouvoir qui lui permet de passer toute acte
d’administration ou de disposition. L’intérêt est de permettre au tiers de valider tous les actes que le
99
DROIT CIVIL DES BIENS
fiduciaire passerait en exerçant ses pouvoirs. Le pouvoir du fiduciaire fait l’objet d’une présomption
alors que le pouvoir du propriétaire existe.
La présomption de pouvoir cesse dès lors qu’il est démontré qu’au moment où il a passé l’acte, le
tiers avait connaissance du dépassement de pouvoir commis par le fiduciaire. Le législateur ne
prévoit pas quelle est la sanction de cette mauvaise foi du tiers. Cela signifie-t-il que l’acte encourt la
nullité ou alors que l’acte est simplement inopposable au constituant ? Vraisemblablement, c’est la
sanction de l’inopposabilité qui doit s’appliquer parce qu’à partir du moment où le fiduciaire est
propriétaire, même s’il n’a pas tous les pouvoirs on ne voit pas pourquoi l’acte devrait être annulé.
C’est à propos de ces créanciers que se révèle l’idée du patrimoine d’affectation. L’existence de ce
patrimoine d’affectation suppose de distinguer trois catégories de créanciers :
Les créanciers du constituant : comme tout créancier, ils sont soumis aux fluctuations du
droit de gage général que leur offre leur débiteur ⇒ à partir du moment où les biens mis en
fiducie sont sortis du patrimoine du constituant, qu’ils ont été transférés au fiduciaire et que ce
transfert a été rendu opposable aux tiers, les créanciers du constituant n’ont plus le droit de
les saisir.
Exception : il peut y avoir des créanciers titulaires d’une sûreté réelle sur l’un des
biens mis en fiducie : ils ont le droit de suite : ils continuent d’avoir le droit de saisir
le bien.
Les créanciers personnels du fiduciaire : par hypothèse n’ont de droit que sur les biens
personnels du fiduciaire. Ce qui signifie qu’ils n’ont pas le droit de saisir les biens qui sont
compris dans la fiducie. C’est la théorie du patrimoine d’affectation, puisque les biens
fiduciaires sont dans un autre patrimoine, ils n’entrent pas dans le droit de gage général des
créanciers personnels du fiduciaire. Il e va ainsi y compris lorsque le fiduciaire fait l’objet
d’une procédure collective, le patrimoine d’affectation demeure isolé.
Les créanciers du fiduciaire mais au titre de la gestion de la fiducie : ceux qui ont conclu
un contrat avec le fiduciaire pour les besoins de la fiducie. On retrouve la théorie du
patrimoine d’affectation. Ces créanciers n’ont en principe de droits que sur les biens qui se
trouvent dans la fiducie. Ils n’ont donc pas de droit sur les biens personnels du fiduciaire.
MAIS, lorsque les biens fiduciaires sont insuffisants pour désintéresser ces créanciers, les
créanciers ont le droit de saisir d’autres biens : les biens du constituant.
Ces effets supposent à titre préalable de s’interroger sur les causes d’expiration de la fiducie. La
fiducie prend fin de différentes manières, par la survenance de son terme, par le décès du
constituant si c’est une personne physique, lorsque le fiduciaire a réalisé le but de la fiducie avant
le terme, si le bénéficiaire renonce à la fiducie, et elle s’éteint encore lorsque le constituant
révoque la fiducie (le constituant ne peut révoquer la fiducie que tant que le bénéficiaire ne l’a pas
accepté. Dès lors que le bénéficiaire accepte la fiducie elle cesse d’être révocable par le constituant ⇒
ressemble au mécanisme de la stipulation pour autrui).
Il y a deux hypothèses :
100
DROIT CIVIL DES BIENS
Lorsque la fiducie cesse, les biens qui en faisaient l’objet sont transmis au bénéficiaire :
on a un deuxième transfert vers le tiers bénéficiaire.
La fiducie prend fin et les biens font retour au constituant : dans les fiducies sûretés
lorsque le débiteur a correctement payé sa dette.
Dans tous les cas, puisque la fiducie prend fin, le patrimoine d’affectation disparait. Les biens
vont rentrer dans l’actif personnel du bénéficiaire ou du constituant, ils pourront donc être saisis par
tous leurs créanciers.
De façon générale, l’apparence constitue un mécanisme qui permet de constituer une situation de
droit à partir d’une réalité de fait qui est trompeuse. Ce mécanisme est parfois consacré par le
législateur, il l’applique en matière de mandat et aussi en matière de paiement des obligations avec le
paiement qui est fait à un créancier apparent.
Au-delà de ces applications visées par le législateur, la jurisprudence utilise l’apparence de façon plus
générale et en particulier en matière de propriété. Dans cette matière, la théorie de l’apparence va
permettre de valider un acte qui est passé par un propriétaire apparent dans le seul but de
protéger le cocontractant. C’est en particulier le cas en cas d’acquisition a non-domino.
La propriété apparente va permettre de protéger un tiers, mais en même temps que l’on protège ce
tiers on va mécaniquement porter atteinte au droit du véritable propriétaire. La protection du tiers
par l’apparence ne peut être accordée que si elle apparait comme étant pleinement légitime et
pleinement justifiée. Les conditions de la propriété apparente sont des conditions strictes.
Il faut une erreur : une fausse représentation de la réalité. Le tiers pensait avoir à faire au
propriétaire alors que ce n’était pas le cas. Cette erreur n’est pas suffisante car elle doit être à la fois
commune et invincible. Le caractère invincible signifie que l’erreur n’était pas susceptible d’être
détectée par des moyens d’investigation normaux.
Pour pouvoir bénéficier de la propriété apparente, le tiers doit avoir effectivement ignoré qu’il
n’avait pas à faire au véritable propriétaire. S’il est démontré qu’il connaissait la situation, il serait
de mauvaise foi et ne pourrait plus prétendre à la protection de l’apparence.
101
DROIT CIVIL DES BIENS
Cette condition de bonne foi explique que la propriété apparente joue principalement voire
exclusivement en matière immobilière. En effet, en matière mobilière, si le tiers est de bonne foi, il
est déjà protégé par l’article 2276 du Code civil.
De façon générale, la propriété apparente va permettre de valider l’acte dont entend bénéficier le
tiers. Autrement dit, elle va conduire à reconnaitre à ce tiers le droit dont il prétend avoir été investi
par le contrat mais parallèlement, l’apparence va avoir pour effet de faire perdre ce droit au
véritable propriétaire. Il faut observer que cet effet de l’apparence se produit instantanément,
c’est-à-dire sans aucun délai. L’apparence ne peut donc pas être assimilée à une prescription
acquisitive.
Ces effets de l’apparence ne dispensent pas de s’interroger sur la légitimité du mécanisme. En réalité,
on peut avoir de sérieux doutes sur l’application de l’apparence en matière de droits de propriété.
Le premier doute provient justement des règles qui sont posées à propos de l’usucapion. Si le
législateur permet d’obtenir la propriété de l’immeuble au bout de 10 ans voire au bout de 30 ans, c’est
que à contrario, il n’accepte pas que l’on puisse obtenir cette propriété de façon immédiate. La
règlementation de l’usucapion immobilière pourrait parfaitement être interprétée comme
interdisant l’apparence en matière de propriété immobilière.
Au-delà de ça, l’apparence a pour effet de faire perdre immédiatement son droit de propriété au
véritable propriétaire, cette perte se fait sans indemnités et pour une cause purement privée. On
peut se demander si l’apparence en matière immobilière n’est pas contraire à l’article 545 du code
civil.
Le droit de propriété est protégé par la loi mais également par des normes supra-légales : les normes
constitutionnelles et des normes internationales, article 1 du premier protocole additionnel à la
er
CEDH. Il n’est pas certain que le mécanisme de l’apparence résiste à ces normes internationales.
A propos des droits réels sur la chose d’autrui, il est possible de retenir la conception néo-
personnaliste du droit réel, celle qui voit dans le droit réel un rapport entre le titulaire du droit et le
propriétaire. A l’instar du droit personnel, le droit réel comporte lui aussi un sujet actif et un sujet
passif. Ce sujet passif, le propriétaire, est désigné uniquement dans sa qualité de propriétaire ce qui
explique que si la propriété est transmise à une autre personne, le sujet actif peut exercer un droit de
suite, c’est-à-dire continuer à faire valoir son droit contre le sujet passif, le nouveau sujet passif.
Dans le code civil, les droits réels sur la chose d’autrui se décomposent en deux catégories, c’est
l’article 545, d’un côté les droits de jouissance et de l’autre les services fonciers. Il est possible aux
parties à un contrat d’imaginer d’autres droits réels pourvu qu’elles respectent l’ordre public et en
particulier l’ordre public des biens qui non seulement doit protéger la propriété individuelle, mais
en plus établi un rapport entre l’étendue substantielle et l’étendue temporelle des droits réels sur
la chose d’autrui. Plus le droit réel prend de la substance, moins il peut durer longtemps.
102
DROIT CIVIL DES BIENS
Comme leur nom l’indique, les droits de jouissance constituent des droits réels qui confèrent
à leur titulaire la jouissance d’une chose qui appartient à une autre personne. Le code civil connait
deux formes de droit de jouissance : l’usufruit qui constitue le droit de jouissance de référence,
article 578 et suivants, et il y a les droits d’usage et d’habitation régis par les articles 625 et
suivants et qui sont fondamentalement un diminutif de l’usufruit. Les droits d’usage et d’habitation
sont globalement soumis au même régime juridique que l’usufruit, sauf sur certains points particuliers.
Notamment, à la différence de l’usufruit, les droits d’usage et d’habitation sont en principe
inaliénables. Ils sont attachés à la personne de leur titulaire parce qu’ils présentent une fonction
alimentaire très marquée.
En dehors du code civil, il existe d’autres droits de jouissance. C’est le cas des droits de jouissance qui
sont issus de certains contrats de bail. Le bail n’a pas pour effet de créer des droits réels, il ne créé
que des droits personnels entre les parties. Mais, certains baux particuliers ont pour effet de créer
au profit du locataire un droit réel sur la chose du bailleur. EXEMPLE : le bail emphytéotique
régi par le code rural et de la pêche maritime, le bail à construction régi par le code de la construction
et de l’habitation, le bail réel immobilier régi par le code de la construction et de l’habitation.
Au-delà de ces droits réels qui figurent dans des textes hors du code civil, il ne faut pas oublier le
droit réel de jouissance spéciale qui est en train d’acquérir son autonomie devant la CDC. On est en
présence d’un droit de jouissance qui ne se confond pas avec ce qui existe déjà.
L’usufruit est régi par les articles 578 et suivants du code civil. Pour bien comprendre comment
fonctionne ce droit d’usufruit, il faut raisonner en deux temps en distinguant tout d’abord la notion
d’usufruit et ensuite le régime de l’usufruit.
L’usufruit est défini à l’article 578 du code civil de la manière suivante : « l’usufruit est le droit de
jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même mais à charge d’en
conserver la substance ». Ce texte permet de cerner certains caractères de l’usufruit mais il ne permet
pas de les cerner tous. Ces caractères sont au nombre de quatre :
Positivement, cela signifie que l’usufruit confère à son titulaire l’usus et le fructus de la chose. Le
texte indique que cet usus et fructus sont comparables à ceux d’un propriétaire. Cela permet de
comprendre que pendant toute la durée de l’usufruit, le propriétaire est totalement dépossédé de sa
jouissance. L’usufruit ne créé pas un partage de jouissance il confère exclusivement toute la jouissance
au seul usufruitier. On appelle parfois le propriétaire le nu propriétaire et on parle de nue-propriété.
103
DROIT CIVIL DES BIENS
Au niveau du fructus, le droit de jouissance signifie que l’usufruitier a droit aux fruits de la chose mais
que ce droit aux fruits se traduit par une acquisition de la pleine propriété de ces fruits. L’usufruitier
a l’usufruit de la chose frugifère mais il a la propriété des fruits. Ce qui signifie à contrario que
tous les fruits qui sont produits par la chose ne viennent pas accroitre l’assiette de l’usufruit.
L’usufruitier n’a droit qu’aux seuls fruits qui peuvent être perçus pendant la durée de son droit. Il
faut alors distinguer suivant la nature des fruits.
Négativement, parce que l’usufruit est un droit de jouissance, il ne confère pas à l’usufruitier
l’abusus de la chose. Cela signifie que l’usufruitier est tenu de conserver la chose ce qui lui interdit
de la modifier, de la transformer, d’en modifier la destination, de la détruire ou encore de
prélever les produits de la chose. La substance échappe complètement à l’usufruitier. Cette absence
appelle trois remarques :
Le seul abusus dont l’usufruitier est privé c’est l’abusus matériel : celui relatif à la
chose. En revanche, l’usufruitier dispose pleinement de son abusus juridique, il a
le droit de disposer de son droit d’usufruit. Il peut le céder, il peut le grever de certains
droits réels et il peut y renoncer.
Lorsque l’usufruit a pour assiette une chose consomptible, l’usus se confond alors
avec l’abusus matériel. Pour que l’usufruitier puisse avoir l’usus, il doit avoir
également l’abusus matériel. C’est la raison pour laquelle, cet usufruit va avoir pour
effet de conférer la propriété de la chose à l’usufruitier : quasi-usufruit.
Parce que l’usufruit est un droit réel, il doit être soigneusement distingué du droit du locataire qui a lui
aussi la jouissance de la chose mais une jouissance par le truchement d’un droit personnel. Cela
signifie que l’usufruitier à la différence d’un locataire peut appréhender directement la
jouissance de la chose sans rien attendre mais aussi sans rien pouvoir exiger de la part du nu-
propriétaire. Autrement dit, à la différence d’un bailleur, le nu propriétaire n’est pas tenu
personnellement de conférer la jouissance de la chose à l’usufruitier.
Par ailleurs, l’usufruit a pour conséquence de conférer un droit de suite à l’usufruitier. En d’autres
termes, si le nu propriétaire cède son droit à une autre personne, cette autre personne va devenir
le sujet passif contre qui l’usufruitier pourra continuer de faire valoir et d’exercer son droit. La
situation est totalement différente dans un contrat de bail. Si le bailleur cède la propriété de la chose
louée, il continue d’être personnellement tenu envers le locataire. Cela signifie donc que le locataire
104
DROIT CIVIL DES BIENS
n’a aucun droit contre l’acquéreur. Le locataire ne pourra qu’agir en responsabilité contre son bailleur.
Sauf dans le cadre de l’article 1743 du code civil qui permet et organise en cas de vente de
l’immeuble loué une cession légale du contrat de sur la tête de l’acquéreur de l’immeuble. L’acquéreur
de l’immeuble va ainsi de plein droit devenir bailleur et il sera donc tenu de continuer à fournir la
jouissance de la chose au locataire.
On peut concevoir que l’usufruit puisse naitre autrement que par un contrat. A côté du contrat, il
existe d’autres sources de l’usufruit que sont d’un côté la prescription acquisitive, et d’un autre
côté la loi. A l’opposé, puisque le contrat de bail génère des obligations personnelles, et qu’une
personne ne peut être obligée que si elle l’a voulu, le bail ne peut naitre que d’une convention.
L’usufruit constitue un droit temporaire ce qui signifie qu’il a toujours vocation à s’éteindre
autrement que par le non-usage prolongé. L’usufruit a toujours vocations à s’éteindre autrement
que par la prescription extinctive.
La justification de ce caractère
L’usufruit a pour effet de conférer toute la jouissance de la chose à l’usufruitier. Pendant la durée de
l’usufruit, non seulement le propriétaire n’a pas cette jouissance de sa propre chose, mais en plus
son abusus matériel est mis en sommeil. Par voie de conséquence, l’atteinte que l’usufruit porte au
droit de propriété est une atteinte considérable. C’est la raison pour laquelle cette atteinte ne peut
durer qu’un certain temps afin de ne pas vider le droit de propriété de toute sa substance. Si l’usufruit
devait durer très longtemps, la propriété ne serait qu’une coquille vide sans aucune utilité pour le
propriétaire.
L’usufruit constitue un droit à vocation essentiellement alimentaire : droit qui a pour fonction de
préserver les intérêts essentiels, vitaux de son titulaire. Ce caractère alimentaire de l’usufruit
explique que lorsque le nécessiteux n’en a plus besoin, l’usufruit doit disparaitre (lorsqu’il
décède) : le droit d’usufruit est un droit par essence viager.
Ses manifestations
Pour mesurer les manifestations de ce caractère temporaire, il faut distinguer selon que l’usufruit
appartient à une personne morale ou à une personne physique.
Le problème des personnes morales c’est qu’elles peuvent avoir une durée de vie excessivement
longue. Les sociétés peuvent être constituées pour une durée de 99 ans mais qui au demeurant peuvent
être prorogées, sachant qu’en cas de prorogation c’est la même personnalité juridique qui continue. Si
l’usufruit est consenti à une personne morale, son caractère temporaire interdit que l’usufruit soit
simplement viager. On ne peut pas attendre la disparition de la personne morale pour faire cesser
l’usufruit. Le législateur a posé une limite temporelle aux usufruits consentis à des personnes
morales. En l’occurrence, l’usufruit consenti à une personne morale ne peut pas excéder 30 ans :
article 619. Première sanction envisageable : la nullité de l’usufruit. Deuxième sanction : réduction de
l’usufruit à 30 ans. (Pas de jurisprudence sur ce sujet). Si la personne morale vient à disparaitre
avant le délai de 30 ans, l’usufruit disparaitra avec elle.
L’usufruit des personnes physiques, s’il est constitué sans terme, il aura pour terme le décès de
l’usufruitier. En revanche, si l’usufruit a été constitué avec un terme, il a vocation à s’éteindre à
l’échéance de ce terme mais aussi de façon prématurée si l’usufruitier décède avant le terme.
105
DROIT CIVIL DES BIENS
Sa portée
Quelle est la portée du caractère viager de l’usufruit des personnes physiques ? Ce caractère viager de
l’usufruit des personnes physiques constitue à la fois la faiblesse et la force de l’usufruit.
- Il existe toujours un aléa, un doute sur le moment exact auquel l’usufruitier va décéder et donc
auquel l’usufruit prendra fin. L’utilisation de l’usufruit dans un cadre prévisionnel, un cadre
programmatif, est excessivement délicate parce que précisément, on ne peut pas anticiper l’avenir.
Dans le projet de réforme du droit des biens de 2009 on a proposé la création du droit de
jouissance spécial pour avoir un droit de jouissance qui ne soit pas viager.
- A partir du moment où le droit d’usufruit est un droit viager, à partir du moment où l’usufruit
s’éteint au décès de la personne, il ne peut jamais être transmis à cause de mort. Ce qui dans
certains cas, notamment pour des couples mariés qui veulent se protéger l’un, l’autre, pose une
véritable difficulté. La pratique a créé les usufruits successifs, des clauses de réversion
d’usufruit : il s’agit pour le propriétaire de créer deux usufruits sur sa chose qui ont
vocation à se succéder dans le temps. Lorsque le premier usufruit s’éteint par le décès de son
titulaire, immédiatement va naitre un second usufruit au profit d’un autre titulaire.
- La valeur de l’usufruit est très difficile à déterminer. Dans la mesure où l’usufruit a une durée
de vie inconnue, il est très difficile d’évaluer le droit d’usufruit. Si l’usufruitier cède son droit à
titre onéreux, comment calculer le prix ? En droit civil, l’évaluation de l’usufruit reste totalement
libre. En revanche, du point de vue fiscal, il existe des règles qui sont impératives. Pour calculer
l’imposition qui peut être due, le législateur fiscal a prévu deux règles à l’article 669 du code
général des impôts.
> Première hypothèse : celle dans laquelle l’usufruit n’est pas assorti d’un terme, il dépend
uniquement de la durée de vie de l’usufruitier. Dans ce cas, il faut regarder l’âge de
l’usufruitier, à partir de cet âge le texte fixe un pourcentage de la valeur de la pleine
propriété pour déterminer la valeur de l’usufruit. EXEMPLE : jusqu’à 21 ans, usufruit =
90%, nue-propriété = 10%. Jusqu’à 31 ans, usufruit = 80% et nue-propriété = 20%, jusqu’à 41
ans, usufruit = 70% et nue-propriété = 30%.
> Pour les usufruits constitués avec un terme, la valeur fiscale de l’usufruit correspond à 23%
de la valeur totale de la pleine propriété par tranche de 10 ans. EXEMPLE : usufruit de
20 ans = 46%, usufruit de 30 ans = 69%.
Le caractère viager de l’usufruit est également une force pour deux raisons :
Même si on ne sait pas quand l’usufruitier va décéder, on sait très précisément quelle sera la
situation au décès. Au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint et la pleine propriété se reconstitue. Le
nu propriétaire va retrouver toutes ses prérogatives sur la chose.
Si l’usufruit est viager, il ne se transmet pas à cause de mort. Cela signifie que l’usufruit est
toujours hors successions. Parce que l’usufruit n’est pas transmis par voie successorale, il ne génère
aucun impôt. Il est en dehors de l’assiette fiscale, et donc ne génère pas d’impôt. EXEMPLE : on a un
parent qui a un bien qui vaut 100. Il décède, impôt sur 100 : pleine propriété qui se transmet par voie
106
DROIT CIVIL DES BIENS
successorale. Imaginons le parent qui a un usufruit qui vaut 30 sur les 100, il a son héritier qui est nu
propriétaire du même bien à 70%. Au moment du décès du parent, l’usufruit s’éteint donc impôt sur 0.
Dans le cadre d’un quasi-usufruit, non seulement il n’y a rien qui va être transmis aux héritiers mais en
plus la succession du défunt va être grevée d’une dette de restitution.
C’est un droit réel sur la chose d’autrui qui permet de comprendre deux choses.
Parce que l’usufruit s’exerce sur la chose d’une autre personne, l’usufruitier pendant
toute la durée de son droit va être tenu de conserver et d’entretenir la chose. Au
demeurant, sauf exceptions, pour entrer en jouissance, l’usufruitier est en principe
tenu de fournir au nu propriétaire un engagement de caution pour garantir la bonne
conservation de la chose. Si la chose n’a pas été bien conservée, le propriétaire pourra
exercer un recours contre la caution et obtenir des dommages intérêts.
Parce que l’usufruit est un droit réel sur la chose d’autrui, la situation juridique du
nu propriétaire et de l’usufruitier ne peut pas être assimilée à une indivision.
Usufruitier et nu propriétaire ne sont pas indivisaires de la chose car pour qu’il y ait
indivision il faut qu’il y ait partage d’un droit de même nature. Or, le droit d’usufruit
et le droit de propriété ne sont pas des droits de même nature.
B. L’assiette de l’usufruit
Lorsqu’on lit le code civil qui date de 1804, on s’aperçoit que le droit d’usufruit est un droit qui a été
conçu par le législateur comme devant porter sur des immeubles. La majorité des textes sur
l’usufruit traitent de l’usufruit des immeubles. La raison en est qu’en 1804, la majorité des fortunes
étaient composées par des immeubles. Pourtant, même si le code est conçu pour les usufruits
d’immeuble, l’article 580 du code civil permet de faire porter l’usufruit sur tout type de bien
aussi bien des immeubles que des meubles. Cet article emporte deux conséquences :
L’usufruit en tant que droit réel peut tout aussi bien être un droit réel immobilier qu’un
droit réel mobilier.
Dès lors que l’usufruit peut porter sur tout type de bien, sans aucune restriction, cela signifie
que les caractéristiques physiques d’une chose ne sont pas un obstacle à l’existence de
l’usufruit. Pour autant, les caractéristiques physiques de la chose, si elles n’empêchent pas la
reconnaissance de l’usufruit sont néanmoins susceptibles d’imprimer au droit d’usufruit un
régime juridique original, un régime juridique particulier. On parle fréquemment d’usufruit
atypique pour désigner des usufruits qui parce qu’ils portent sur des choses particulières vont
présenter des singularités par rapport aux règles du droit commun.
4 usufruits atypiques :
L’usufruit des choses incorporelles : un usufruit peut valablement porter sur des
choses incorporelles. EXEMPLE : un fonds de commerce, des valeurs mobilières,
des droits intellectuels et même sur des créances. Or, ces usufruits présentent parfois
un relief particulier. Certaines choses incorporelles n’ont pas à proprement parler
d’usus. Ce sont donc des usufruits dans lesquels c’est essentiellement le fructus qui
constitue la substance du droit d’usufruit. EXEMPLE : l’usufruit d’une créance de
107
DROIT CIVIL DES BIENS
somme d’argent n’a pas d’autre intérêt pour l’usufruitier que de percevoir les intérêts
de cette somme. Lorsqu’il porte sur des choses incorporelles et notamment des fonds
d’exploitation, l’usufruit va contraindre les protagonistes à une certaine collaboration,
collaboration qui apparait comme étant contre nature dans le droit commun de
l’usufruit. L’usufruitier et le nu propriétaire sont indépendants l’un de l’autre.
L’usufruit d’une universalité de fait : lorsqu’on est en présence d’un usufruit d’une
universalité de fait, il faut voir que l’usufruit porte sur l’universalité elle-même et non
pas sur chacune des choses qui composent cette universalité. L’usufruit porte sur
l’ensemble, il ne porte pas sur l’individuel. C’est ce qui a permis à la CDC de
dégager des règles originales dans le cas particulier où l’usufruit porte sur un
portefeuille de valeur mobilière. Dans ce cas, la CDC a considéré que l’usufruitier doit
uniquement préserver la substance de l’universalité elle-même. Ce qui signifie que
pour chaque chose, chaque valeur mobilière qui compose l’universalité,
l’usufruitier a le droit d’en disposer puisque cette disposition correspond à un
acte de gestion courante.
L’usufruit des droits sociaux : les parts et les actions de société. Cet usufruit va
présenter des caractéristiques particulières, en particulier poser trois questions :
Par ailleurs, l’usufruit peut également être soit à titre particulier soit à titre universel soit universel.
L’usufruit à titre particulier, c’est celui qui porte sur une ou plusieurs choses déterminées. Lorsque
l’usufruit est à titre particulier, l’usufruitier n’est pas tenu des dettes du propriétaire, il est
simplement tenu des dettes qui vont lui échoir en cours d’usufruit. Lorsque l’usufruit est à titre
universel ou universel, il porte sur une fraction ou sur la totalité d’un patrimoine. Dans ce cas,
108
DROIT CIVIL DES BIENS
l’usufruitier va être non seulement tenu des dettes qui vont lui échoir pendant l’usufruit mais il va être
également tenu des dettes qui appartenaient au propriétaire à due concurrence des droits qu’il reçoit.
L’usufruit en tant que droit réel est naturellement susceptible de possession. Si une personne a le
corpus de la chose et l’animus d’un usufruitier, elle sera possesseur du droit réel d’usufruit. Il peut y
avoir prescription acquisitive du droit d’usufruit : l’acquisition du droit soit par l’écoulement du
temps soit par le mécanisme de l’article 2276 du Code civil.
Les hypothèses de prescription acquisitive d’usufruit sont rares. Ce sont des hypothèses rares car le
plus souvent, le possesseur n’aura pas l’animus d’un usufruitier mais l’animus d’un propriétaire.
Par voie de conséquence, le droit réel qui va être prescrit par le possesseur ce ne sera pas le droit
d’usufruit mais le droit de propriété.
L’article 5579 du Code civil envisage deux sources de l’usufruit : la loi et la convention. Par une
interprétation à contrario de l’article, l’usufruit ne peut pas avoir en principe une source judiciaire. Le
juge n’a pas le pouvoir de créer un usufruit au profit d’une personne. Il n’a pas ce pouvoir
excepté lorsque le législateur le lui confère de façon expresse. EXEMPLE : en matière de
prestation compensatoire, le juge peut décider que cette prestation prendra la forme d’un usufruit. Il ne
peut le faire qu’en raison d’un texte spécial.
1. L’usufruit légal
- L’usufruit des pères et mères sur les biens de leur enfant mineur jusqu’à ses 16 ans
- L’usufruit légal du conjoint survivant sur tout ou partie des biens de la succession
Cet usufruit légal présente la particularité de naitre de plein droit en se passant totalement de la
volonté du propriétaire de la chose. Le propriétaire n’a pas à accorder cet usufruit, le propriétaire ne
peut pas non plus refuser cet usufruit, il est tenu de le supporter sur ordre de la loi. Ces usufruits de
source légale présentent parfois des particularités au niveau de leur régime juridique.
Ainsi, lorsque l’usufruit légal porte sur un immeuble, il est opposable de plein droit sans avoir à
être publié au fichier immobilier. La raison en est que nul n’est censé ignorer la loi.
De la même façon, très souvent en matière d’usufruit légal, l’usufruitier est dispensé de l’obligation
de fournir caution avant son entrée en jouissance. L’usufruitier légale n’est pas tenu de constituer
la garantie requise par le législateur afin de protéger le nu-propriétaire.
109
DROIT CIVIL DES BIENS
2. L’usufruit conventionnel
C’est plus généralement l’acte juridique, la volonté. On est en présence d’une volonté émise par le
propriétaire de la chose et qui a pour objet de créer un droit d’usufruit sur sa chose au profit
d’une tierce personne.
Cet acte juridique peut prendre la forme d’un acte juridique unilatéral lorsque l’usufruit est consenti
par une disposition testamentaire. Par testament, il est possible à une personne de léguer un usufruit
à une autre personne, sachant que ce lègue peut-être un lègue à titre particulier, un lègue à titre
universel ou un lègue universel. La particularité c’est que ce lègue constitue un acte à titre gratuit, il
n’y a pas de contrepartie.
A côté de l’acte juridique unilatéral, la volonté peut également créer un usufruit en empruntant l’acte
juridique multilatéral, le contrat. Le contrat peut être à titre gratuit ou à titre onéreux. Le futur
usufruitier peut s’engager dans le contrat à fournir une contrepartie au droit qui lui est conféré.
Tantôt une opération qui s’apparente à une vente, tantôt à une donation. Par contrat, la constitution de
l’usufruit se fait toujours à titre particulier : sur un ou plusieurs biens déterminés, car le patrimoine est
incessible entre vifs. Du point de vue de la technique juridique, il existe deux façons de créer un
usufruit par contrat :
B. Le fonctionnement de l’usufruit
L’usufruit c’est un droit de jouissance. C’est un droit qui confère toute la jouissance de la chose à
l’usufruitier. Pendant toute la durée de l’usufruit, le nu-propriétaire est incité à se désintéresser
totalement de la chose. C’est ce qui explique notamment que le nu-propriétaire n’a aucun intérêt à
faire les travaux qui s’imposent.
110
DROIT CIVIL DES BIENS
Très souvent, l’usufruit est utilisé dans un cadre familial. Or, au sein d’une même famille on va
retrouver une forme de collaboration entre usufruitier et propriétaire. Au sein d’une même famille,
on ne va pas avoir une vision à court terme mais une vision à long-terme.
L’usufruitier est doté d’un certain nombre de prérogatives mais il est également soumis à certains
devoirs.
Les prérogatives que l’usufruitier tire de son droit sont relativement nombreuses et dispersées. De
façon générale, on peut les regrouper en deux grandes catégories. Il existe des prérogatives relatives
à la chose elle-même et des prérogatives qui sont relatives au droit d’usufruit.
Naturellement, les prérogatives relatives à la chose sont directement liées à la nature, au contenu du
droit d’usufruit, au fait que l’usufruit est un droit de jouissance. Pour autant, il est nécessaire d’en
distinguer deux types puisqu’il y a d’un côté des prérogatives matérielles sur la chose, d’un autre
côté des prérogatives juridiques relatives à la chose.
Les prérogatives matérielles : supposent d’analyser le droit de jouissance à la fois dans son
contenu, dans son étendue et dans ses modalités :
L’usus : l’usufruitier a le droit d’utiliser la chose dans son propre intérêt et pour son propre profit.
Puisque l’usufruitier a le droit d’user de la chose, il n’est pas comptable vis-à-vis du propriétaire de
l’usure normale. A la fin de l’usufruit, même si la chose est usée, l’usufruitier ne doit rien au
propriétaire pour cette usure. En revanche, il est évident que si l’usure est anormale, si elle procède de
la faute de l’usufruitier, il sera responsable vis-à-vis du propriétaire.
Le fructus : le droit de percevoir les fruits, les fruits appartiennent à l’usufruitier en pleine
propriété. Les fruits ne viennent pas augmenter l’assiette de l’usufruit. Ils appartiennent au seul
usufruitier. L’usufruitier a le droit à tous les fruits de la chose mais uniquement les fruits, il n’a pas le
droit aux produits. L’usufruitier n’a droit qu’aux fruits qui peuvent être perçus pendant la durée
de son droit et qui sont effectivement perçus pendant la durée de son droit. Tous les fruits qui doivent
être perçus avant l’usufruit ou qui peuvent être perçus après, n’appartiennent pas à l’usufruitier mais
au propriétaire. L’usufruitier n’a droit qu’aux fruits qu’il a effectivement perçu. Tous les fruits que
l’usufruitier a omis de percevoir ne lui sont pas dus par le propriétaire à l’extinction de l’usufruit.
L’usufruitier n’a droit à aucune indemnité pour tous les fruits qu’il aurait dû percevoir mais qu’il n’a
pas perçu.
111
DROIT CIVIL DES BIENS
Le droit de jouissance de l’usufruitier porte sur l’assiette de l’usufruit. Il porte donc sur la chose qui
fait l’objet de ce droit d’usufruit. Mais, le droit d’usufruit a vocation à s’étendre à tous les
accessoires, qu’il s’agisse d’accessoires matériels ou d’accessoires juridiques. Au titre des accessoires
matériels, l’usufruitier a vocation à profiter de toutes les choses qui sont incorporées à la chose
principale pendant la durée de l’usufruit.
Si l’usufruit porte sur un fonds dominant, l’usufruitier pourra jouir du droit de servitude qui porte sur
le fonds servant.
Le code civil énonce que l’usufruitier doit jouir de la chose comme le propriétaire lui-même.
L’usufruitier doit avoir la même jouissance que celle du propriétaire juste avant la naissance de
l’usufruit. Pendant toute la durée de l’usufruit, l’usufruitier n’a pas le droit de modifier la
destination de la chose.
L’usufruitier doit jouir de la chose de façon raisonnable, ce qui suggère que l’usufruitier ne
doit pas commettre un abus de jouissance : excéder les prérogatives que lui confère son droit. Si
l’usufruitier se rend coupable d’un abus de jouissance, il encourt la déchéance de son droit.
Les prérogatives juridiques : les actes juridiques, les contrats que l’usufruitier est susceptible de
conclure en vertu de son droit de jouissance.
De façon générale, tous les actes juridiques qui concernent la seule jouissance de la chose, peuvent
être valablement conclus par l’usufruitier seul. EXEMPLE : l’usufruitier a le droit de prêter la chose à
une autre personne.
Parmi ces contrats, il en est un qui pose plus de difficultés que les autres : le contrat de bail : contrat
par lequel l’usufruitier s’engage à conférer la jouissance de la chose à une autre personne
moyennant le versement d’un loyer. La question n’est pas de savoir si l’usufruitier a le droit de
consentir un bail. La réponse à cette question est affirmative dans la mesure où l’usufruitier a
droit aux fruits de la chose donc aux fruits civils que constituent les loyers. La vraie question
consiste à articuler la situation juridique du locataire avec celle du propriétaire au moment de
l’extinction de l’usufruit. Sur cette question, la logique juridique se heurte aux contraintes pratiques :
112
DROIT CIVIL DES BIENS
On renverse la perspective article 595 du code civil : pour protéger le locataire, on décide que le bail
à la fin de l’usufruit va s’imposer au propriétaire. Si le propriétaire devient le bailleur, il va être soumis
à toutes les clauses du bail. Ce bail peut être long et donné un droit au renouvellement au locataire ce
qui empêcherait le propriétaire de récupérer la jouissance de sa chose. Distinguer trois types de bail
distincts :
A partir du moment où le propriétaire participe l’acte sans s’engager personnellement, il se place dans
une situation où le contrat de bail va pouvoir produire tous ses effets à son encontre. Le propriétaire ne
sera plus en droit d’ignorer l’existence du bail parce qu’il a participé à sa conclusion.
Le concours du nu-propriétaire à la conclusion du bail n’est requis que pour les baux
commerciaux et les baux ruraux. Le défaut de concours est sanctionné par la nullité du bail. En cas
de refus injustifié du propriétaire, l’usufruitier peut demander en justice à passer outre ce refus. En
dehors de ces baux, rien n’interdit à l’usufruitier de s’attacher le concours du propriétaire pour
conclure le contrat de bail. Si de lui-même, l’usufruitier va rechercher le concours du propriétaire pour
ces baux, on va retomber dans le même régime juridique que pour les baux ruraux et commerciaux. A
l’expiration de l’usufruit, le contrat de bail va s’imposer au propriétaire.
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’usufruitier est le plein titulaire de son droit d’usufruit. Il ne partage pas sa qualité d’usufruitier avec
le nu-propriétaire. Il n’y a pas d’indivision entre les deux. L’usufruitier est le seul maitre à bord, ce qui
lui permet non seulement de disposer de son droit mais aussi de le protéger.
Parce qu’il est plein titulaire de son droit, l’usufruitier a le droit d’en disposer librement sans le
concours du nu propriétaire. L’usufruitier exerce seul son abusus juridique, son abusus relatif à son
droit. Il peut donc conclure des actes à titre onéreux ou des actes à titre gratuit. Il peut conclure
également des actes translatifs de l’usufruit ou des actes constitutifs d’un autre droit réel
compatibles avec son droit d’usufruit. EXEMPLE : l’usufruitier peut vendre son droit d’usufruit mais
peut également créer un droit d’usage et d’habitation, il peut également constituer une sureté réelle sur
son droit d’usufruit.
o Lié au caractère viager du droit d’usufruit : puisque l’usufruit est un droit viager,
l’usufruitier ne peut pas en disposer à cause de morts. Il peut en disposer entre
vifs, mais jamais par testament.
L’usufruitier a cédé son droit à une autre personne : cette autre personne est
devenue usufruitière, elle a la jouissance de la chose. Par hypothèse, puisque
cette autre personne ne peut pas avoir plus de droits que n’en avait son auteur,
son droit d’usufruit s’éteint pour les causes qui affectent l’auteur lui-
même.
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’usufruitier peut défendre son droit contre les tierces personnes, il peut le faire aussi bien en défense
qu’en demande.
En défense, cela vise l’hypothèse dans laquelle l’usufruitier a la chose entre les mains, mais une autre
personne conteste l’existence du droit d’usufruit pour pouvoir récupérer la chose. Cette action dirigée
contre l’usufruitier et qui vise à nier l’existence de l’usufruit : action négatoire d’usufruit.
L’usufruitier est admis à faire valoir son droit par tout moyen de preuve adéquat.
En demande, cela vise l’hypothèse dans laquelle l’usufruitier ne peut plus exercer son droit de
jouissance parce qu’une autre personne empêche cet exercice, généralement parce qu’une autre
personne s’est emparée de la chose. L’usufruitier peut défendre son droit, mais c’est lui qui sera à
l’origine de la demande, il va former une action confessoire d’usufruit : but de faire reconnaitre le
droit de l’usufruitier.
Les devoirs de l’usufruitier sont directement dépendants de la nature du droit d’usufruit. Ils sont
commandés par le fait que l’usufruit est un droit réel, que l’usufruit est un droit temporaire sur la
chose d’autrui et que l’usufruit est un droit de jouissance.
- L’usufruit en tant que droit réel : explique que le propriétaire et l’usufruitier sont
globalement des étrangers l’un à l’égard de l’autre. Le nu-propriétaire, parce qu’il n’est pas
obligé personnellement, ne doit strictement rien à l’usufruitier. L’usufruitier a le droit de
prendre la jouissance mais il n’a pas à attendre qu’on lui donne cette jouissance. Cette règle se
manifeste au moment de l’entrée en jouissance de l’usufruitier, puisque l’usufruitier est alors
tenu de prendre la chose dans l’état dans lequel elle se trouve. Il ne peut pas exiger du nu-
propriétaire une remise en l’état ≠ avec le bail.
- L’usufruit en tant que droit temporaire sur la chose d’autrui : c’est un droit qui a vocation
à générer une obligation de restituer la chose entre les mains du propriétaire à l’expiration de
l’usufruit. C’est ce qui permet de comprendre que l’usufruitier est tenu d’un certain
nombre de devoirs dont la finalité réside dans la protection du propriétaire à tous les stades
de l’usufruit.
o Avant même l’entrée en jouissance, l’usufruitier est en principe tenu de faire dresser
un inventaire des meubles et un état des immeubles qui sont soumis à son droit. Cet
inventaire va permettre de comparer ce qui a existé lors de l’entrée en jouissance
avec ce qui sera restitué à l’expiration de l’usufruit. Ces actes doivent être
effectués aux frais de l’usufruitier et de façon contradictoire, c’est-à-dire en
présence du propriétaire ou à tout le moins que le propriétaire ait été appelé.
115
DROIT CIVIL DES BIENS
Les charges des fruits / les charges usufructuaires : toutes les dépenses
courantes qu’engagerait un plein propriétaire à partir de ses revenus
sans toucher au capital. EXEMPLE : le code civil parle des frais de procès
qui est relatif à la jouissance de la chose. Les impôts : il est logique que
l’usufruitier supporte la fiscalité relative à la jouissance de la chose. On
comprend ainsi que l’usufruitier soit tenu de la taxe d’habitation ou soit
imposé sur le revenu pour tous les fruits civils qu’il perçoit. Problème : le
droit fiscal jouit d’une autonomie par rapport au droit civil. Le principe
d’autonomie du droit fiscal permet au législateur fiscal d’adopter des
solutions qui ne sont pas conformes aux solutions du droit privé. C’est ainsi
qu’en matière d’usufruit, l’usufruitier se retrouve à payer des impôts qui sont
généralement considérés comme le contrepartie de la propriété et non pas de
la jouissance. EXEMPLE : en matière immobilière, l’usufruitier est tenu de
payer la taxe foncière qui est la contrepartie de la propriété et il est tenu de
l’impôt sur la fortune immobilière.
116
DROIT CIVIL DES BIENS
chose. Cette catégorie des dépenses d’entretien est une catégorie très large.
Pour le législateur, article 606, constitue une dépense d’entretien, toute
dépense qui n’est pas une grosse réparation limitativement énumérée par
l’article 606. En principe, l’usufruitier n’est pas tenu des grosses
réparations. ATTENTION : si l’usufruitier, en qualité d’usufruitier, n’est
pas tenu des grosses réparations, il peut en être tenu en qualité de bailleur
lorsqu’il loue la chose à un locataire. A partir du moment où les grosses
réparations sont limitativement énumérées dans le code, on trouve dans les
dépenses d’entretien, des dépenses qui sont susceptibles d’affecter le capital
lui-même. La jurisprudence a décidé que le ravalement d’une façade
constitue une dépense d’entretien. Naturellement, le propriétaire est
directement intéressé par ces dépenses. Si l’usufruitier engage les dépenses, le
propriétaire est protégé, mais si l’usufruitier ne les engage pas, le propriétaire
court un risque de dépréciation de sa chose. C’est la raison pour laquelle,
même en cours d’usufruit, le nu-propriétaire a toujours le droit de contraindre
l’usufruitier à engager les dépenses d’entretien ou alors d’encourir la
déchéance de son droit.
Bien que la propriété soit nue, elle constitue néanmoins un droit de propriété. C’est la raison pour
laquelle il convient de lui appliquer les caractères généraux de la propriété, et en particulier
l’absolutisme et l’imprescriptibilité.
L’absolutisme signifie que lorsque la charge que représente l’usufruit prendra fin, c’est le
propriétaire qui a vocation à récupérer la plénitude des pouvoirs sur la chose.
L’imprescriptibilité signifie que quelle que soit la durée de l’usufruit, quoi qu’il se passe, le nu-
propriétaire reste propriétaire.
Le nu-propriétaire n’en a pas beaucoup, parce que d’un côté toute la jouissance de la chose est
conférée à l’usufruitier, d’un autre côté, si le nu-propriétaire conserve l’abusus matériel, il est
largement privé de l’exercice de cet abusus parce qu’il ne peut pas en cours d’usufruit porter
atteinte au droit de l’usufruitier. Si le nu-propriétaire pouvait exercer son abusus matériel, il
porterait atteinte à l’assiette de l’usufruit, il porterait donc atteinte au droit d’usufruit.
117
DROIT CIVIL DES BIENS
De façon exceptionnelle, il peut arriver que le nu propriétaire bénéficie de son abusus matériel en
cours d’usufruit : lorsque les produits de la chose ont été détachés de cette chose par un cas
fortuit. Dans ce cas, la vente de ces produits doit bénéficier au propriétaire, le prix de vente doit
revenir au propriétaire. EXEMPLE : une tempête qui arrache les arbres de haute futée.
Comme l’usufruitier, le nu-propriétaire ne partage pas son droit avec l’usufruitier. Le propriétaire
dispose librement de son droit sans avoir à obtenir le concours, l’accord, l’aval de l’usufruitier.
La libre-disposition
En principe, le nu-propriétaire, comme tout titulaire d’un droit a le droit de le céder que ce soit à
titre-gratuit ou à titre-onéreux, que ce soit entre vifs ou à cause de mort. Néanmoins, ce principe de
libre-disposition rencontre un obstacle puisque par définition, le nu-propriétaire ne peut pas conférer à
autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même.
En principe, lorsque le nu-propriétaire cède son droit de propriété, l’ayant-cause ne devient pas
plein-propriétaire, il devient nu-propriétaire. L’usufruitier, parce qu’il est titulaire d’un droit réel, va
pouvoir exercer son droit de suite à l’encontre de l’acquéreur de la chose.
Le nu-propriétaire peut également constituer des droits réels au profit d’une autre personne, il
faut que ces droits réels soient compatibles avec le droit d’usufruit. C’est ce qui explique que dans la
très grande majorité des cas, le droit réel conféré par le propriétaire ne sera valable qu’à la condition
qu’il prenne effet au moment de l’extinction de l’usufruit. Si en revanche, le droit réel est censé
prendre effet alors que l’usufruit existe encore, dans 99% des cas, ce droit réel portera atteinte au droit
de l’usufruitier, il pourra ignorer ce droit pourvu que le droit de l’usufruitier soit opposable aux tiers.
De façon générale, ce n’est pas parce qu’il existe un usufruit sur la chose, que le nu-propriétaire
perd le droit de protéger sa chose. C’est ce qui explique que même pendant l’usufruit, le nu-
propriétaire peut continuer à exercer des actions en revendication, des actions en bornage, ou encore
des actions relatives à la mitoyenneté ou aux servitudes. Toutes les actions du propriétaire continuent
de pouvoir être exercées pendant l’usufruit.
Le propriétaire peut exercer également un certain nombre d’actions dirigées directement contre
l’usufruitier. Si l’usufruitier procède à une interversion de titre, le nu-propriétaire peut exercer son
action en revendication. Si l’usufruitier se rend coupable d’un abus de jouissance, le nu-propriétaire va
pouvoir agir contre lui, soit en responsabilité, soit en déchéance d’usufruit. De la même façon encore,
lorsque l’usufruitier conclu seul un bail commercial ou un bail rural, le nu-propriétaire peut agir en
nullité de ce contrat contre l’usufruitier.
Les devoirs du nu-propriétaire pendant la durée de l’usufruit sont marqués par deux idées essentielles :
118
DROIT CIVIL DES BIENS
o En cours d’usufruit, cette idée se manifeste d’un côté au regard des charges
extraordinaires, d’un autre côté au regard des grosses réparations.
C. L’extinction de l’usufruit
Dans la mesure où l’usufruit absorbe toute la jouissance de la chose, il s’agit d’un droit nécessairement
temporaire pour que ce droit ne vide pas la propriété de sa substance. Il faut qu’à moyen terme, le
propriétaire puisse retrouver ses prérogatives sur la chose. L’usufruit a toujours vocation à
s’éteindre y compris lorsqu’il est exercé régulièrement par l’usufruitier. Ces causes d’extinction
sont différentes : certaines sont naturelles, d’autres sont accidentelles. Certaines sont communes à tous
les droits réels, d’autres sont spécifiques à l’usufruit. Toutes emportent des conséquences classiques
119
DROIT CIVIL DES BIENS
mais certaines emportent des conséquences spécifiques. Lorsque l’usufruit s’éteint, il va y avoir
reconstitution de la pleine propriété sur la tête du propriétaire.
Les principales causes sont énumérées aux articles 617 et 618 du code civil. L’usufruit s’éteint ainsi
par le décès de l’usufruitier, par le terme de l’usufruit, par la consolidation, par la réunion des
qualités d’usufruitier et de nu-propriétaire, par la prescription extinctive, par la perte de la
chose et par la déchéance. D’autres tirées du droit commun : la nullité ou la résolution de l’acte
constitutif de l’usufruit. De la même façon, l’usufruit peut disparaitre par une renonciation de la
part de l’usufruitier.
L’arrivée du terme : cette cause ne concerne que les usufruits qui sont assortis d’un terme
express, soit par une disposition légale, soit par une disposition conventionnelle. Dans tous les cas, il
n’y a que lorsque l’usufruit est consenti à une personne morale que le terme est obligatoire.
L’usufruit constitué sur la tête d’une personne morale ne peut pas excéder 30 ans. Lorsque l’usufruit
est constitué sur la tête d’une personne physique, le terme n’est pas obligatoire puisque l’usufruit
devra s’éteindre au décès de l’usufruitier.
120
DROIT CIVIL DES BIENS
La perte de la chose suppose une double analyse : les conditions et les effets.
- Condition positive : pour que la perte de la chose emporte extinction de l’usufruit, il faut que
cette perte soit totale. En effet, si la perte de la chose n’est que partielle, l’usufruit va
continuer d’exister sur la fraction de chose qui subsiste. Si la perte n’est que partielle il y a
simplement réduction de l’assiette de l’usufruit mais pas extinction de l’usufruit.
Les effets concrets de la perte : la perte de l’usufruit s’explique de façon très simple. L’usufruit
comme tout droit réel a besoin d’une assiette pour exister. Dès lors que le droit n’a plus d’assiette, le
droit a vocation à disparaitre. La perte de la chose va également emporter perte du droit de nue-
propriété. Ces conséquences signifient à contrario qu’en cas de perte de la chose, l’usufruitier doit
souffrir la perte de son droit, il ne peut donc pas exiger du nu-propriétaire qu’il lui fournisse une
autre chose en remplacement. Au-delà de ces effets généraux, il en existe d’autres plus particuliers
puisque la perte de la chose est susceptible d’emporter le paiement d’une indemnité. Dans certains
cas, cette indemnité sera due soit par un tiers responsable de la perte de la chose, soit par l’assureur
de la chose. Dans ces hypothèses, l’indemnité qui est due a vocation à remplacer la chose qui a été
détruite, perdue. La question qui se pose est alors celle de savoir si doit s’opérer le mécanisme de la
subrogation réelle ? L’indemnité doit-elle en remplacement de la chose faire l’objet de l’usufruit ?
Sur ce point, le législateur n’apporte pas de réponse. On peut sans doute raisonner comme dans
l’hypothèse où sont cédés simultanément l’usufruit et la nue-propriété. Chacun a vocation à
récupérer une fraction du prix qui correspond à la valeur de son droit, mais usufruitier et nu-
propriétaire peuvent convenir d’un report d’usufruit sur le prix de la vente. Ici, avec l’indemnité,
on peut très certainement retenir la même solution, à savoir qu’en principe l’indemnité doit se
121
DROIT CIVIL DES BIENS
La déchéance constitue une véritable peine civile qui explique qu’elle est strictement
encadrée. Tout d’abord, la déchéance n’est encourue qu’à la condition que l’usufruitier ait adopté
pendant le cours de l’usufruit un comportement fautif. Ces fautes peuvent être de deux ordres :
- L’abus de jouissance qui consiste pour l’usufruitier à excéder les limites de son droit :
procéder à une jouissance déraisonnable voire à porter atteinte à la substance de la chose. A
partir du moment où l’usufruitier dépasser son droit il se rend coupable d’un abus de
jouissance.
Ces effets sont globalement de trois ordres. Il y a d’abord la reconstitution de la pleine propriété, il
y a ensuite une obligation de restitution de la chose, et il y a enfin la nécessité de procéder à une
reddition des comptes.
122
DROIT CIVIL DES BIENS
Dans la mesure où le droit de l’usufruitier s’éteint, et qu’il n’est donc pas transmis au propriétaire,
tous les droits réels que l’usufruitier avait pu constituer pendant son usufruit ont vocation à
s’éteindre en même temps que le droit d’usufruit. Les titulaires de ces droits réels ne peuvent
absolument pas continuer à les faire valoir à l’encontre du propriétaire. Les titulaires de ces droits
réels ne peuvent pas exercer un droit de suite.
A l’opposé, pour les droits personnels consentis par l’usufruitier, la situation est légèrement
différente. Les droits personnels engagent la personne de l’usufruitier et subséquemment engagent ses
héritiers, ses ayant-cause à titre universel ou universel. La disparition de l’usufruit n’a pas vocation à
emporter la disparition de ces droits personnels. Les droits personnels consentis par l’usufruitier
continuent de l’engager ou alors d’engager ses héritiers. Par hypothèse, puisque l’usufruitier n’a
plus son droit de jouissance, il n’est plus en mesure d’exécuter correctement les obligations
personnelles qui lui incombent. La seule chose qui subsistera c’est une responsabilité contractuelle.
Sauf à propos du contrat de bail : article 595.
Dès lors que l’usufruitier perd son droit d’usufruit, il n’a plus aucun titre pour conserver la chose entre
ses mains. Cela signifie donc concrètement qu’à compter de l’extinction de l’usufruit, l’usufruitier
doit restituer la chose à son propriétaire. Cette restitution doit s’opérer en nature ce qui signifie
que c’est la chose même qui était soumis à l’usufruit qui doit être restituée. En théorie, la
restitution de la chose doit se faire dans le même état que la chose présentée au moment de la
naissance de l’usufruit. Simplement, il faut tenir compte de l’usure normale de la chose dont on
sait que l’usufruitier n’en est pas comptable vis-à-vis du propriétaire. L’usufruitier doit rendre la chose
dans le même état que celui qui était le sien au moment de la naissance de l’usufruit, sauf à tenir
compte de son usure normale.
C’est pour cette raison qu’au moment de l’entrée en jouissance, il est nécessaire de procéder à un état
des lieux pour pouvoir comparer l’état de la chose au moment de la naissance de l’usufruitier à l’état
de la chose au moment de la restitution.
Exceptionnellement, lorsque la restitution en nature n’est pas possible, la restitution doit alors se
faire en valeur. On va utiliser ici ce que l’on appelle le mécanisme de la dette de valeur qui consiste
123
DROIT CIVIL DES BIENS
à évaluer la valeur de la chose au jour de l’extinction de l’usufruit mais dans l’état qui était le
sien au jour de l’entrée en jouissance. Permet au nu-propriétaire d’éviter d’avoir à souffrit l’érosion
monétaire.
D’un côté, l’usufruitier doit compte au propriétaire de tous les fruits qu’il aurait perçu
injustement, soit parce qu’ils auraient été perçus avant l’usufruit, soit parce qu’ils ont été perçus après
l’usufruit. Lorsque l’usufruitier a continué de percevoir les fruits après l’extinction de son droit, la
situation s’apparente à une perception de fruit par un possesseur de mauvaise foi.
Du côté du nu-propriétaire, celui-ci peut être tenu d’indemniser l’usufruitier pour les charges
extraordinaires et les grosses réparations que l’usufruitier aurait supporté pendant l’usufruit. Celles-
ci sont à la charge du nu-propriétaire. Mais, l’usufruitier ne peut jamais contraindre le propriétaire à
engager ces dépenses. Si c’est l’usufruitier qui les engage spontanément, il peut en obtenir
remboursement mais à la fin de l’usufruit seulement.
Par ailleurs, il faut relever une règle prévue à l’article 599 du code civil, selon laquelle si
l’usufruitier a apporté des améliorations à la chose, le nu-propriétaire à la fin de l’usufruit ne lui
doit aucune indemnité pour ces améliorations. L’usufruitier est moins bien traité qu’un locataire ou
qu’un simple possesseur.
Les services fonciers c’est ce que l’on appelle les servitudes. Ces services fonciers sont
régis par les articles 637 et suivants du code civil. Dans une première approche, on peut dire que la
servitude est un procédé qui consiste à mettre l’une des utilités d’un immeuble au service d’un
autre immeuble. La servitude va établir un rapport entre deux immeubles différents, l’un va être
affecté à l’autre. L’immeuble qui est affecté, celui sur lequel pèse la servitude : le fonds servant.
L’immeuble qui profite de la servitude : le fonds dominant.
Historiquement, les servitudes constituent un droit réel très ancien puisqu’on les rencontrait déjà en
droit romain et elles étaient largement connues sous l’ancien droit. Cette histoire a été scindée,
arrêtée, coupée avec le code civil de 1804. Avec les servitudes, les rédacteurs du code civil ont eu la
124
DROIT CIVIL DES BIENS
crainte que l’on puisse faire revivre la propriété féodale qui venait d’être fraichement abolie par la
révolution. En d’autres termes, pour consolider les acquis de la révolution et pour sacraliser la
propriété individuelle, les rédacteurs du Code civil ont strictement encadré les servitudes. Cet
encadrement qui s’apparente à un véritable carcan n’est pas sans susciter des difficultés aujourd’hui.
Incontestablement les servitudes présentent de réelles utilités :
- Utilité économique : permettent de maximiser les utilités que l’on peut retirer d’une même
chose
- Utilité sociale : très souvent, elles existent dans des rapports de voisinage pas forcément des
fonds contigus mais des fonds qui sont assez proches l’un de l’autre. Naturellement, le fait que
les rapports entre ces fonds soient régis par le droit permet dans une certaine mesure de
fluidifier les rapports entre voisins.
Mais, le carcan législatif de 1804 les dote d’un régime juridique excessivement rigide. Ce carcan
législatif avait pour but d’empêcher de faire renaitre la propriété féodale et par la même occasion
d’empêcher de faire renaitre le système des corvées. Fondamentalement aujourd’hui, ces
justifications ont disparu. Qui craint aujourd’hui la renaissance de la propriété féodale ? Qui craint la
renaissance des corvées ? La raison du carcan a disparu avec le temps. Les servitudes présentent des
potentialités immenses mais qui restent totalement inexploitées aujourd’hui. EXEMPLE :
lorsqu’un commerçant souscrit une clause de non-concurrence, il le fait envers un autre commerçant
mais il le fait à titre personnel et non pas par le biais d’une servitude. Celui qui s’engage à ne pas faire
concurrence ne crée par une charge sur son fonds de commerce mais sur sa propre personne. La
conséquence est la suivante : si le débiteur de la chose cède son fonds de commerce, l’acquéreur n’est
pas tenu par la clause. Les servitudes n’existent que sur des immeubles, or, le fonds de commerce est
un meuble.
La notion de servitude n’est pas toujours très simple à comprendre car outre certains stigmates du
passé, certains des aspects de la servitude sont techniquement complexes. Pour autant, on peut essayer
d’y voir plus clair en distinguant d’abord la nature juridique des servitudes, ensuite les caractères des
servitudes.
Les servitudes présentent une triple nature juridique. Une servitude est en effet un droit réel, un droit
immobilier et enfin un droit accessoire.
A. Un droit réel
Pour conférer l’utilité d’une chose à une autre personne, on peut utiliser soit le droit personnel, soit
le droit réel. En l’occurrence, la servitude utilise la technique du droit réel mais il faut garder à
l’esprit que tous les objets d’une servitude pourraient parfaitement être l’objet d’une obligation
125
DROIT CIVIL DES BIENS
personnelle. Parce que la servitude emploie la technique du droit réel, il en résulte plusieurs
avantages qui sont au nombre de deux :
- La servitude en tant que droit réel n’a pas forcément pour seule source la volonté : parce
qu’elle est un droit réel, la servitude peut naitre d’un autre événement que la volonté.
EXEMPLE : la loi ou l’usucapion.
- Le droit réel va offrir à la servitude une beaucoup plus grande stabilité que le droit
personnel. Cette plus grande stabilité s’observe à un triple point de vue :
o Puisque la servitude est un droit réel elle confère à son titulaire un droit de suite :
même si le fonds servant change de propriétaire, le titulaire de la servitude va pouvoir
continuer à l’exercer, il l’exercera contre l’acquéreur du fonds servant. Celui qui
acquière la propriété du fonds servant devient le sujet passif du droit réel de servitude.
o Parce que la servitude est un droit réel, elle est indivisible : cela signifie concrètement
que quelles que soient les divisions qui sont souffert par le fonds servant ou par le
fonds dominant, la servitude continue d’exister.
Première hypothèse dans laquelle c’est le fonds servant qui est divisé en
plusieurs fonds distincts : chaque fonds issu de la division doit en principe
souffrir la servitude dans sa totalité.
o C’est parce que la servitude est un droit réel qu’elle peut avoir vocation à la
perpétuité : si elle avait été un droit personnel, elle aurait été soumise à la prohibition
des engagements perpétuels.
Le fait que la servitude soit un droit réel emporte également certains inconvénients :
- Une servitude ne peut pas être constituée a non-domino : pour pouvoir constituer une
servitude il faut être propriétaire du fonds servant.
- A partir du moment où la servitude est un droit réel et un droit immobilier, son opposabilité
aux tiers n’existe pas de plein droit, elle est soumise à la publicité foncière. En va-t-il ainsi
pour les servitudes d’origine conventionnelle. La création volontaire d’une servitude n’est
opposable aux tiers qu’à compter du jour où elle a été publiée au fichier immobilier. En
revanche, si la servitude est d'origine légale, son opposabilité existe de plein droit puisque nul
n'est censé ignorer la loi.
B. Un droit immobilier
La servitude est également un droit immobilier. Cette nature immobilière du droit de servitude
procède directement de la définition de la servitude à l’article 637 du code civil. Selon ce texte, « la
126
DROIT CIVIL DES BIENS
servitude est une charge imposée sur un héritage ». Le terme héritage n’a strictement rien à voir avec
les successions, ce que l’on appelle ici héritage c’est un immeuble. La servitude est une charge
imposée sur un immeuble, ce qui fait que techniquement la servitude constitue toujours un droit réel
immobilier. La servitude ne peut porter que sur des immeubles par nature. Il ne peut pas y avoir de
servitude sur des meubles ou des immeubles par destination.
C. Un droit accessoire
En matière de droit réel, on distingue classiquement les droits réels principaux des droits réels
accessoires. Les droits réels principaux sont ceux qui permettent de saisir les utilités de la chose,
tandis que les droits réels accessoires sont ceux qui permettent de saisir la valeur de la chose. Les
droits réels accessoires constituent donc des garanties de paiement des sûretés. C’est précisément
parce qu’ils sont des sûretés qu’ils sont qualifiés d’accessoire parce qu’ils sont les accessoires de la
créance dont ils garantissent le paiement. EXEMPLE : une hypothèque c’est l’accessoire de la
créance garantie.
La servitude dans cette nomenclature constitue un droit réel principal précisément parce qu’elle ne
s’intéresse pas à la valeur de la chose, elle s’intéresse aux utilités de la chose. La servitude est un
droit réel principal et est aussi un droit réel accessoire. A la différence des autres droits réels
accessoires, elle n’est pas l’accessoire d’une créance, elle est l’accessoire du droit de propriété sur
le fonds dominant. Parce que ce droit réel de servitude qui pèse sur le fonds servant va être mis au
service du fonds dominant. Par voie de conséquence, il y a cette idée d’affectation, la servitude est
affectée au fonds dominant, aux services du fonds dominant donc elle en devient l’accessoire.
Puisque la servitude est l’accessoire de la propriété du fonds dominant, elle a vocation à suivre le sort
de cette propriété.
D’une part, en cas de transmission de la propriété du fonds dominant, la servitude a vocation à être
transmise de plein droit à l’acquéreur. D’autre part, tous les droits réels sur la chose d’autrui qui
viennent grevés le fonds dominant, ont vocation à grever également la servitude. C’est ce qui
explique que si un usufruit existe sur le fonds dominant, l’usufruitier a également la jouissance des
servitudes. Mais il en va de même si le fonds dominant fait l’objet d’une hypothèque. L’hypothèque
porte sur le fonds dominant mais aussi sur la servitude.
Parce que la servitude est l’accessoire du fonds dominant, elle ne se conçoit pas sans le support du
fonds dominant. Cela signifie donc que la servitude ne peut pas être transmise de façon isolée,
sans le fonds dominant lui-même. De la même façon, la servitude ne peut pas être affectée en
garantie de façon isolée. Il faut faire porter la garantie sur le fonds dominant pour qu’elle s’étendre à
la servitude.
Les caractères des servitudes sont relativement nombreux mais ils peuvent être regroupés en deux
catégories : il y a d’un côté des caractères généraux que l’on retrouve dans toutes les servitudes et
qui correspondent aux éléments de définition de la servitude. A côté de cela on a des caractères
plus spéciaux qui sont susceptibles de varier d’une servitude à une autre et qui permettent de dresser
une typologie des servitudes.
127
DROIT CIVIL DES BIENS
Les caractères généraux de la servitude sont directement issus de la définition de la servitude par
l’article 637 du code civil. Selon cet article, une servitude est une charge imposée sur un héritage
pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire. Il y a quatre
caractères : une charge, imposée sur un héritage, pour l’usage et l’utilité d’un autre héritage, qui
appartient à une autre personne.
Certaines de ces charges sont des charges positives parce qu’elles permettent au propriétaire du
fonds dominant de retirer directement l’utilité du fonds servant. Sont ainsi des charges positives
les servitudes de passage, qui permettent de passer sur le fonds d’autrui, les servitudes de puisage, les
servitudes de pacage (laisser paitre ses animaux), les servitudes d’aqueduc.
D’autres charges sont des charges négatives parce qu’elles ont simplement pour objet de geler le
fonds servant de l’une de ses utilités mais sans conférer cette utilité au propriétaire du fonds
dominant. EXEMPLE : les servitudes de non-construction : la servitude non aedificandi ; la
servitude non altius tollendi : interdiction de construire au-delà d’une certaine hauteur.
En tout état de cause, la charge qui fait l’objet de la servitude doit être en adéquation avec la
vocation à la perpétuité de la servitude. L’ordre public des biens commandent une certaine
corrélation entre l’étendue matérielle et l’étendue temporelle d’un droit réel sur la chose d’autrui. Plus
l’étendue matérielle est élevée, plus l’étendue temporelle est faible et inversement. En l’occurrence,
les servitudes ont vocation à la perpétuité. Elles ont donc une dimension temporelle qui est
considérable. C’est la raison pour laquelle elles ne peuvent pas avoir une étendue matérielle,
substantielle qui soit trop importante. C’est ce qui explique que la CDC annule les contrats qui
instituent des servitudes qui absorbent la quasi-totalité des usages et des utilités du fonds dominant.
- La charge doit peser sur le fonds servant lui-même et non pas sur le propriétaire du fonds
servant : la prohibition des servitudes personnelles. La servitude engage la chose, elle
n’engage pas la personne. Cette interdiction des servitudes personnelles s’explique
naturellement par l’abolition des corvées à la révolution. Autoriser la servitude personnelle
c’était prendre le risque de faire renaitre les corvées.
128
DROIT CIVIL DES BIENS
- Une charge imposée sur un héritage signifie également que le propriétaire du fonds servant
doit simplement souffrir l’existence de la servitude mais il ne doit rien au titulaire de la
servitude : c’est ce que l’on appelle la prohibition des servitudes in faciendo : des
servitudes de faire. Une servitude ne peut jamais avoir pour conséquence de contraindre le
propriétaire du fonds servant à faire quelque chose au profit du propriétaire du fonds
dominant. La servitude ne peut avoir pour objet qu’une abstention de la part du
propriétaire du fonds servant. Cela explique par exemple que si l’exercice de la servitude
requiert la réalisation de certains aménagements, ces aménagements doivent être effectués par
le propriétaire du fonds dominant et non pas par le propriétaire du fonds servant.
Cela étant, cette règle n’est pas complètement absolue. Il est évident que la charge en elle-même ne
peut jamais constituer en une charge de faire, en une charge in faciendo. Pour autant, il est possible
à certaines conditions qu’en plus de la charge et pour en améliorer l’utilité soient créées certaines
obligations de faire. Ces obligations peuvent exceptionnellement être mises à la charge du
propriétaire du fonds servant. EXEMPLE : il peut s’agir d’une obligation d’entretenir le chemin
qui sert la servitude de passage, cette obligation peut être mise à la charge du propriétaire du fonds
servant mais à la condition que ce propriétaire accepte cette obligation.
On retient de telles obligations une analyse particulière, originale. Ces obligations de faire qui peuvent
être mises à la charge du propriétaire du fonds servant avec son consentement, n’ont pas d’autre but
que de renforcer l’utilité de la servitude. Elles n’ont pas d’autre but que de mieux permettre
l’exercice de la servitude. Elles sont complètement affectées à la servitude. C’est la raison pour
laquelle ces obligations vont perdre leur nature personnelle pour emprunter la nature réelle des
servitudes. On parle alors d’obligations propter rem : en considération de la chose. Ces obligations
vont être soumises au même régime juridique que le droit réel, à contrario, elles ne sont plus
soumises au régime juridique des obligations personnelles. En pratique, cela signifie que de telles
obligations ont vocation à se transmettre de plein droit à tous les acquéreurs successifs du fonds
servant. L’acquéreur du fonds servant va se retrouver tenu de plein droit de cette obligation qui vient
renforcer la servitude.
- Puisque la servitude a pour finalité l’usage et l’utilité d’un autre immeuble, cela signifie
qu’elle permet de satisfaire des intérêts individuels. C’est ce qui permet de comprendre
qu’il ne peut pas y avoir servitude au sens technique du terme lorsqu’une charge pèse sur un
immeuble mais dans un but collectif. EXEMPLE : ce que l’on appelle les servitudes
administratives ne sont pas de véritables servitudes parce que si elles constituent bien des
charges, ces charges profitent à l’intérêt général et pas à un fonds dominant en particulier.
- La servitude doit profiter au fonds dominant lui-même et non pas à son propriétaire :
cette règle c’est le pendant de la précédente, celle selon laquelle la servitude pèse sur le fonds
servant et non pas sur le propriétaire du fonds servant. Celui qui profite matériellement de la
servitude c’est le propriétaire du fonds dominant. Le bénéfice de la servitude doit être
totalement indépendant des qualités personnelles du propriétaire du fonds dominant. La
servitude doit présenter la même utilité quel que soit le propriétaire du fonds dominant.
En revanche, il ne peut pas y avoir de servitude dès lors que l’utilité est propre au propriétaire
129
DROIT CIVIL DES BIENS
actuel du fonds dominant mais qu’elle ne bénéficiera pas à une autre personne. C’est en cela
que la servitude doit profiter au fonds et non pas profiter à la personne. En raison de cette
caractéristique, on peut admettre que la servitude se transmet de plein droit à tous les
acquéreurs successifs du fonds dominant. Puisque la servitude doit profiter de la même
façon à n’importe quel propriétaire du fonds dominant, elle peut se transmettre à tous les
acquéreurs de ce fonds.
- La charge permette de renforcer l’usage et l’utilité du fonds dominant : Il faut qu’il y ait
une raison valable : il ne peut pas y avoir de servitude uniquement pour des considérations
d’esthétisme. Cette condition d’usage et d’utilité est entendue de façon relativement large par
la CDC puisqu’elle considère qu’il peut y avoir servitude dès lors que la charge améliore
le fonds dominant et accroit sa valeur économique.
Il est nécessaire que le fonds dominant et le fonds servant appartiennent à deux personnes
différentes : nemini res sua servit : nul ne peut assujettir sa propre chose. Cette règle emporte avec
elle un certain nombre de conséquences :
On appelle les caractères spéciaux des servitudes des caractères qui sont variables d’une servitude à
une autre. Ces caractères vont permettre de distinguer et de classer les servitudes afin de les soumettre
à des régimes juridiques différents.
Il existe certains caractères spéciaux qui méritent d’être exclus pour des raisons différentes :
- Distinction entre les servitudes positives et les servitudes négatives : la servitude positive
c’est celle qui permet de retirer directement l’utilité du fonds servant tandis que la servitude
130
DROIT CIVIL DES BIENS
négative c’est celle qui consiste à geler, à stériliser une utilité du fonds servant. Cette
distinction n’existe pas dans le code civil dont doit être écartée.
- Distinction des servitudes urbaines et des servitudes rurales : la servitude urbaine c’est
celle qui est destinée à l’usage des bâtiments tandis que la servitude rurale c’est celle qui est
destinée à l’usage des fonds de terre. On retrouve cette distinction à l’article 687 mais pour
autant, sa portée juridique est quasiment nulle. Elle ne présente pas vraiment d’intérêt.
En revanche, il y a deux autres distinctions qui présentent un vrai intérêt et qui sont prévues par le
législateur :
Première distinction : servitudes continues et servitudes discontinues. Cette distinction trouve son
siège dans l’article 688 du code civil et repose sur la façon dont s’exerce la servitude.
On appelle servitude continue celle qui s’exerce sans aucune activité particulière du propriétaire
du fonds dominant et qui s’exerce de façon permanente. EXEMPLE : servitude de non-
construction, servitude de vue.
La servitude discontinue c’est celle qui s’exerce par une activité particulière du propriétaire du
fonds dominant et qui s’exerce donc de façon intermittente. EXEMPLE : la servitude de passage.
Deuxième distinction : servitudes apparentes et servitudes non apparentes. Cette distinction trouve
son siège dans l’article 689 du code civil et elle dépend de la façon dont la servitude se manifeste
au monde extérieur.
On appelle servitude apparente une servitude qui se manifeste au regard extérieur par la
présence d’ouvrages qui attestent son existence. EXEMPLE : la servitude d’aqueduc.
Sont des servitudes non apparentes celles qui ne se manifestent pas au regard extérieur parce
qu’elles ne requièrent aucun ouvrage particulier. EXEMPLE : la servitude de non-construction.
Aucune servitude n’échappe aux caractères spéciaux. Toute servitude est forcément continue ou
discontinue. Toute servitude est forcément apparente ou non apparente. En réalité, lorsqu’on combine
les caractères spéciaux, on parvient à dégager quatre types de servitudes : les servitudes continues et
apparentes, les servitudes continues et non-apparentes, les servitudes discontinues et apparentes,
et les servitudes discontinues et non apparentes. Certaines servitudes ne vont pas être soumises au
même régime juridique que les autres.
131
DROIT CIVIL DES BIENS
- Tient à l’acquisition des servitudes par destination du père de famille : sur cette question,
deux textes du code civil semblent contradictoires :
o Article 692 du code civil : limite la destination du père de famille aux seules
servitudes continues et apparentes
o Article 694 du code civil : autorise la destination du père de famille pour toutes les
servitudes apparentes y compris si elles sont discontinues
Quel est le domaine d’application exact de la destination du père de famille ? La CDC a tranché la
difficulté en considérant que la destination du père de famille concerne toutes les servitudes
apparentes qu’elles soient continues ou discontinues. L’articulation entre l’article 692 et l’article
694 repose simplement sur des questions de preuve. Lorsqu’on est en présence d’une servitude
continue et apparente, c’est à celui qui conteste la servitude de prouver que le propriétaire
commun initial n’a pas eu la volonté de la créer en divisant ses fonds. A l’inverse, lorsque la servitude
est discontinue et apparente, c’est à celui qui invoque la servitude de prouver que le propriétaire
unique initial n’a pas eu la volonté d’écarter cette servitude lorsqu’il a divisé les fonds.
Paragraphe 1 :
132
DROIT CIVIL DES BIENS
Les sources des servitudes sont au nombre de quatre mais à l’instar du code civil on peut les regrouper
en deux catégories : les servitudes légales et les servitudes du fait de l’Homme.
Comme leur nom l’indique, les servitudes légales sont créées de plein droit par le législateur, elles
existent sur l’ordre de la loi ce qui signifie d’une part que le propriétaire du fonds servant n’a pas à
exprimer sa volonté pour créer ces servitudes, d’autre part que le propriétaire du fonds servant ne peut
pas s’opposer à l’existence de ces servitudes.
Ces servitudes légales ont pour caractéristiques commune d’exister dans des relations de voisinage
voire des relations de contiguïté entre deux fonds. Ces servitudes légales présentent des
caractéristiques différentes :
Certaines sont des servitudes négatives en ce sens qu’elles ne font que paralyser une utilité
du fonds servant. Lorsqu’il en est ainsi, les servitudes légales présentent la caractéristique
d’être générale : de porter sur n’importe quel fonds. Par voie de conséquence, ce sont des
servitudes qui sont également réciproques en ce sens que chaque fonds sera à la fois un fonds
dominant et un fonds servant.
Certaines sont des servitudes positives, elles permettent à leur titulaire de saisir directement
l’une des utilités du fonds servant. Elles ont la caractéristique d’être spéciales. Elles ne
profitent qu’à certains fonds et elles ne grèvent que certains fonds. Chaque fonds n’est pas à la
fois servant et dominant. Un fonds en particulier peut être servant, un autre peut être dominant
mais il n’y a pas de généralité et de réciprocité de ces servitudes.
Ces servitudes légales sont au nombre de quatre : la servitude d’écoulement des eaux, articles 640 et
suivants, la servitude de distance, article 674, la servitude de vue, articles 675 et suivants et pour
finir la servitude de passage, articles 682 et suivants.
Pour que cette servitude existe, il est nécessaire que l’on soit en présence d’un fonds dit supérieur et
d’un fonds dit inférieur. Le fonds supérieur surplombe le fonds inférieur. Le fonds supérieur va
ainsi constituer le fonds dominant tandis que le fonds inférieur va constituer le fonds servant. Cette
servitude, qui concerne aussi bien les eaux pluviales que les eaux de sources, oblige le fonds servant
à supporter l’écoulement des eaux qui proviennent du fonds dominant. Le propriétaire du fonds
servant ne peut rien faire qui empêche cet écoulement des eaux. EXEMPLE : la construction d’une
digue.
Elle est renforcée par une autre règle qui concerne la façon dont les toitures des bâtiments doivent être
conçues. En effet, pour ne pas porter une atteinte trop importante au fonds servant, les toitures
doivent être conçues de telle façon que les eaux pluviales s’écoulent prioritairement voire
exclusivement sur le fonds dominant ou mieux encore sur la voie publique.
Ce régime de la servitude d’écoulement des eaux tel qu’il est prévu par le code est très incomplet car il
ressort pour l’essentiel du code rural.
133
DROIT CIVIL DES BIENS
2. La servitude de distance
L’idée générale de cette servitude c’est que les constructions et les plantations qui seraient trop
près de la ligne séparative des deux fonds pourraient causer une gêne au propriétaire du fonds
sur lequel ces constructions et plantations ne sont pas implantées. C’est la raison pour laquelle, la
servitude de distance impose de construire et de planter à une certaine distance de la ligne séparative.
Dans le code civil, cette servitude de distance concerne exclusivement les plantations. En ce qui
concerne les constructions, ce sont les règles d’urbanisme qui ont vocation à s’appliquer. En matière
de plantations, les plantations doivent être plantées à une distance soit prescrite par les règlements,
à défaut, prescrite par des usages constants et à défaut suivant les règles du code : pour les
plantations qui dépassent deux mètres de haut, elles doivent être plantées au minimum à 2 mètres de la
ligne séparative, pour les plantations qui sont inférieures à 2 mètres de haut, elles doivent être plantées
au minimum à 50 cm de la ligne séparative.
Cette servitude de distance est complétée en ce sens que le propriétaire du fonds dominant a la
possibilité de demander à ce que soient arrachées les plantations qui ne respectent pas les distances
et il a même la possibilité de contraindre son voisin à couper toutes les branches, toutes les racines qui
seraient trop longues. En plus de cela, le propriétaire du fonds dominant a également le droit de couper
lui-même tout ce qui dépasse sur son fonds.
On s’est demandé si le droit de faire arracher les plantations n’était pas contraire au préambule de la
chart de l’environnement. La question a été jugée suffisamment sérieuse par la CDC et a été
renvoyée au CC. En 2014, le CC a décidé que ce droit de faire arracher les plantations n’est pas
contraire à la charte de l’environnement.
3. La servitude de vue
C’est une servitude qui vise à assurer l’intimité du fonds dominant en interdisant d’aménager le
fonds servant de telle manière qu’il puisse permettre de voir trop facilement sur le fonds
dominant. Ce qui est en cause ici, c’est l’ouverture de fenêtres dans des murs qui ne seraient pas
mitoyens. Distinction entre servitude de vue et servitude de jour.
Les servitudes de jour sont celles qui laissent simplement passer la lumière mais qui ne
permettent pas de voir. Les jours sont parfaitement autorisés.
En revanche, les vues qui permettent de voir sur le fonds dominant sont encadrées par la servitude.
Il faut distinguer selon que la vue litigieuse est une vue droite ou une vue oblique. La vue droite ne
peut pas être créée à moins de 1m90 de la ligne séparative des deux fonds. La vue oblique pour sa
part doit être pratiquée à une distance minimale de 60 cm de la ligne séparative.
4. La servitude de passage
Comme son nom l’indique, la servitude de passage est celle qui permet au propriétaire du fonds
dominant de passer sur le fonds servant. Pour que cette servitude existe légalement plusieurs
conditions doivent être remplies.
134
DROIT CIVIL DES BIENS
Première condition, il faut que le fonds dominant soit dans une situation dite d’enclave : à chaque
fois que le fonds dominant ne bénéficie pas d’un accès direct suffisant à la voie publique. Il faut
observer que dans le code civil, la situation d’enclave doit concerner l’exploitation commerciale,
industrielle ou agricole du fonds enclavé ou doit concerner la réalisation d’opérations de
construction. En dehors de ces hypothèses, la servitude de passage n’est pas censée exister. Mais, la
CDC apprécie ces conditions de façon tellement large qu’au fond, la seule situation d’enclave est
suffisante.
L’enclave en elle-même ne préjuge pas de l’existence de la servitude. Une autre condition est relative
à l’origine de la situation d’enclave. Pour que la servitude légale de passage, il ne faut pas que la
situation d’enclave procède du fait du propriétaire du fonds enclavé. Celui qui s’est enclavé tout
seul ne peut pas prétendre ensuite obtenir un passage. C’est ce qui explique que lorsque l’enclave
résulte d’une division d’un même fonds, le passage doit prioritairement être pris sur les fractions de
fonds qui sont issus de cette division.
Lorsque les situations de la servitude sont réunies, la servitude doit être fixée dans son assiette, il
convient de déterminer exactement où se trouve le passage. Pour déterminer cette assiette, il est
nécessaire de respecter deux règles : le passage doit être établi au trajet le plus court jusqu’à la
voie publique mais qui soit en même temps le moins dommageable pour le fonds servant. Ce point
d’équilibre peut être trouvé soit par un accord entre les propriétaires, à défaut par une décision de
justice et à défaut encore par le mécanisme de l’usucapion.
Il convient d’observer encore que cette servitude est discontinue qui permet au propriétaire du fonds
dominant de passer sur le propriétaire du fonds servant. C’est une servitude assez attentatoire au
propriétaire du fonds servant. C’est la raison pour laquelle elle présente la caractéristique d’être à
titre onéreux. Pour bénéficier de cette servitude, le propriétaire du fonds dominant doit verser une
indemnité au propriétaire du fonds servant. Cette indemnité doit demeurer une obligation
personnelle si bien qu’elle ne dépend pas de la propriété du fonds dominant. Elle pèse sur le
propriétaire lui-même dans son identité et non pas dans sa qualité de propriétaire. En tant
qu’obligation personnelle, cette obligation de payer une indemnité est soumise à la prescription
quinquennale, si le propriétaire du fonds servant ne réclame pas le paiement pendant plus de 5 ans,
l’obligation est prescrite. Cette prescription ne remet pas en cause l’existence de la servitude.
Les servitudes du fait de l’homme sont au nombre de trois. On distingue la servitude qui va
naitre par usucapion, la servitude qui va naitre par la volonté : le titre, et enfin la servitude qui
va naitre par destination du père de famille.
1. L’usucapion
Selon l’article 690 du code civil, même si la solution est contestée par la doctrine, seules les
servitudes continues et apparentes peuvent faire l’objet d’une prescription acquisitive.
L’usucapion en tant que source des servitudes ne concerne pas les servitudes discontinues et/ou les
135
DROIT CIVIL DES BIENS
servitudes non apparentes. Cette usucapion suppose naturellement l’écoulement d’un certain délai et
en la matière la CDC se montre relativement stricte.
L’article 690 du code civil évoque un délai de 30 ans si bien qu’en la matière, la CDC refuse
d’appliquer le délai abrégé de 10 ans quand bien même le propriétaire du fonds dominant pourrait
se prévaloir d’un juste titre et serait de bonne foi. La servitude ne peut jamais s’acquérir autrement que
par un délai de 30 ans. Ce délai commence à courir au jour où se manifeste la servitude, c’est-à-dire
au jour où apparait l’ouvrage qui permet l’exercice de la servitude.
2. Le titre
On appelle titre l’acte juridique par lequel le propriétaire d’un fonds accepte de grever ce fonds
d’une charge au profit d’un autre fonds. C’est donc une création volontaire et qui émane
toujours du propriétaire du fonds servant. Puisque la servitude constitue un droit réel, la
constitution volontaire d’une servitude constitue toujours un acte de disposition.
Ces servitudes bénéficient d’une assez grande liberté. Liberté quant à l’acte juridique, quant à la
charge.
L’acte juridique tout d’abord car il peut indistinctement être un acte multilatéral passé entre vifs (un
contrat entre le propriétaire du fonds servant et le propriétaire du fonds dominant), mais cette volonté
peut également s’exprimer dans un acte juridique unilatéral à cause de mort (testament). Cet acte
juridique peut indistinctement être à titre gratuit ou à titre onéreux. EXEMPLE : les parties peuvent
convenir que le propriétaire du fonds dominant devra verser une indemnité au propriétaire du fonds
servant.
L’article 686 du code civil autorise à créer toute servitude quelle qu’elle soit, quel que soit son objet,
son assiette, pourvu néanmoins de respecter l’ordre public qui interdit trois choses : interdit les
servitudes qui absorbent toutes les utilités du fonds servant, qui interdit les servitudes
personnelles, qui interdit les servitudes in faciendo.
Cette servitude créée par la volonté, en ce qu’elle constitue un droit réel immobilier, est soumise à la
publicité foncière pour être opposable aux tiers. Concrètement, si la servitude n’est pas publiée, elle
ne pourra pas s’imposer à l’acquéreur du fonds servant.
Dans un premier temps, le propriétaire unique d’un même fonds ou de deux fonds différents va
procéder à un aménagement de telle sorte qu’une fraction du fonds ou que l’un des fonds soit
affecté à l’utilité de l’autre fraction ou à l’utilité de l’autre fonds. Cet aménagement se traduit par
l’existence d’un ouvrage ce qui explique que la destination du père de famille ne concerne que les
servitudes apparentes. A ce stade il ne peut pas y avoir servitude car il y a unité de propriété : nemini
res sua servit.
Le second temps consiste précisément à diviser cette propriété unique entre des personnes
distinctes. Plusieurs hypothèses :
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DROIT CIVIL DES BIENS
Le propriétaire unique cède l’un des fonds ou l’une des fractions de fonds à une tierce
personne
Le propriétaire unique cède les deux fonds ou les deux fractions de fonds à des personnes
différentes
A l’arrivée il n’y a plus l’unité de propriété. A cet instant, l’adage nemini res sua servit ne s’oppose
plus à l’existence de la servitude. A ce moment précis, on va pouvoir reconnaitre la véritable
existence de la servitude.
Ce mécanisme repose sur une présomption de volonté du propriétaire unique initial. L’idée est la
suivante : ce propriétaire parce qu’il avait aménagé les fonds ou les deux parties de fonds, est présumé
avoir eu la volonté de créer une servitude lorsqu’il a divisé ses fonds ou ses parties de fonds. Lorsque
la volonté de ce propriétaire est clairement exprimée, il n’y a plus destination du père de famille. Deux
possibilités :
La destination du père de famille a vocation à jouer lorsque le propriétaire unique n’exprime pas
sa volonté quant à l’existence de la servitude. C’est alors que l’on distingue deux hypothèses :
La servitude est continue : la présomption de volonté de créer une servitude est considérée
comme étant particulièrement forte. C’est la raison pour laquelle c’est à celui qui conteste la
servitude de prouver que le propriétaire initial a voulu en écarter l’existence.
La servitude est discontinue : la présomption de volonté est regardée comme moins forte.
C’est à celui qui invoque la servitude de prouver que le propriétaire unique n’a pas voulu en
écarter l’existence.
Les règles qui gouvernent le fonctionnement des servitudes sont prévues par le législateur au titre des
servitudes du fait de l’Homme et plus précisément encore des servitudes constituées par titre.
Néanmoins, il a toujours été admis que sous réserve de règles dérogatoires, ces règles de
fonctionnement concernent toutes les servitudes quelles que soient leur source. Ces règles de
fonctionnement sont assises sur un principe que l’on appelle le principe de fixité des servitudes : la
servitude n’a pas vocation dans son objet, son assiette ou encore dans son mode d’exercice à évoluer
avec le temps. Elle n’a pas vocation à être modifiée, augmentée ou diminuée.
Ce principe de fixité est en réalité un principe très relatif. Parce que, dans les faits, les servitudes sont
susceptibles d’évoluer avec le temps soit en raison de l’ordre de la loi, soit en raison d’un accord
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DROIT CIVIL DES BIENS
de volonté entre le propriétaire du fonds dominant et le propriétaire du fonds servant, soit en raison
de la prescription acquisitive qui est susceptible de venir modifier l’assiette des servitudes.
1. Les prérogatives
Les prérogatives du propriétaire du fonds dominant sont de deux ordres selon qu’elles concernent la
chose elle-même ou le droit de servitude.
Le propriétaire du fonds dominant est le plein titulaire du droit de servitude. Il a le droit d’en
disposer et le droit de le protéger.
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DROIT CIVIL DES BIENS
La possibilité de protéger son droit contre des personnes qui adopteraient un comportement de fait
ou un comportement de droit visant à nier l’existence de la servitude. Pour protéger son droit de
servitude, propriétaire du fonds dominant a deux actions différentes :
2. Les devoirs
Au titre des devoirs, le propriétaire du fonds dominant est toujours tenu d’un devoir général et il est
parfois tenu d’un devoir supplémentaire. Le devoir général qui pèse sur tous les titulaires d’une
servitude c’est le devoir de ne pas aggraver la servitude : article 702. La servitude constitue un
droit réel sur la chose d’autrui, par voie de conséquence, il est nécessaire de prendre en compte les
intérêts du propriétaire de cette chose et d’éviter que les intérêts de ce propriétaire soient
bafoués. Le titulaire de la servitude ne doit pas l’aggraver dans son objet, ses modalités d’exercice ou
son assiette.
Ce devoir est entendu strictement par la CDC. La CDC accepte que le propriétaire du fonds dominant
puisse faire évoluer sa servitude y compris lorsqu’elle a pour source un titre. Autrement dit, la
servitude peut évoluer au mépris de la force obligatoire des contrats. S’il en est ainsi, c’est parce que
les servitudes peuvent avoir une durée de vie très longue et qu’il est parfois nécessaire de les remettre
au gout du jour. EXEMPLE : une servitude de passage qui aurait existée au début du XIXème siècle
autorisait certainement à passer avec une charrette et des animaux, aujourd’hui c’est désuet.
Certaines titulaires sont en plus tenus d’un devoir plus spécial : consiste, lorsque la loi ou la
convention le prévoit, à devoir indemniser le propriétaire du fonds servant. L’indemnité est une
indemnité personnelle qui incombe au propriétaire du fonds dominant, non pas en sa qualité de
titulaire de servitude mais dans son identité. Même si le titulaire de la servitude cède cette servitude
avec le fonds dominant, ou s’il renonce à la servitude, il restera tenu de l’indemnité qu’il devait au
propriétaire du fonds servant.
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DROIT CIVIL DES BIENS
1. Les prérogatives
Les prérogatives du propriétaire du fonds servant sont de façon générale au nombre de deux. Il y en a
une qui est évidente et une qui est beaucoup plus surprenante. Prérogative évident puisque la servitude
ne retire pas au propriétaire du fonds servant son droit de propriété sur le fonds. Par voie de
conséquence, le propriétaire du fonds servant conserve toutes ses prérogatives sur son droit de
propriété. Il y a aussi une prérogative surprenante : le propriétaire du fonds servant n’est pas le
titulaire de la servitude, il en est le sujet passif. Et pourtant, la servitude elle-même va lui conférer
une prérogative.
Tous les actes de disposition du droit de propriété du fonds servant sont nécessairement
limités par l’existence de la servitude. C’est une application de l’adage nemo plus juris, nul
ne peut conférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même. En cas de transmission de la
propriété du fonds servant, l’ayant-cause sera soumis de plein droit à la servitude, ce qui est
une autre façon de dire que le titulaire de la servitude pourra exercer un droit de suite contre
l’acquéreur du fonds servant. La constitution de droits réels sur le fonds servant ne pourra
jamais conférer au bénéficiaire un droit qui méconnaitrait l’existence de la servitude.
EXEMPLE : en cas de constitution d’un usufruit, l’usufruitier devrai souffrit l’existence de la
servitude.
Prérogative surprenante car le droit de servitude ne se trouve pas dans le patrimoine du propriétaire du
fonds servant mais dans le patrimoine du propriétaire du fonds dominant. Pourtant, le propriétaire du
fonds servant va bénéficier d’une prérogative relative à la servitude. Elle s’explique par le fait que la
servitude s’exerce sur le fonds servant et qu’elle est donc susceptible de nuire au propriétaire de ce
fonds. En cours de servitude, le propriétaire du fonds servant a le droit d’imposer au titulaire de
la servitude un changement de son assiette. Cela étant, les conditions de ce changement d’assiette
sont relativement strictes car il ne faut pas non plus que la décision du propriétaire du fonds servant se
retourne contre les intérêts du titulaire de la servitude. Deux conditions :
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DROIT CIVIL DES BIENS
Le changement d’assiette ne peut être invoqué que s’il présente un intérêt réel pour le
propriétaire du fonds servant. Ce sera le cas notamment lorsque l’assiette actuelle est
devenue beaucoup trop incommode ou qu’elle empêche la réalisation de travaux nécessaires.
Lorsque ces conditions sont réunies, le changement d’assiette peut naturellement procéder d’un
accord de volonté entre le propriétaire du fonds servant et le propriétaire du fonds dominant . Le
propriétaire du fonds servant a la possibilité de demander en justice le changement d’assiette, c’est-à-
dire d’imposer ce changement au propriétaire du fonds dominant.
2. Les devoirs
Les devoirs du propriétaire du fonds servant peuvent être définis d’un point de vue négatif et d’un
point de vue positif.
Négativement, le propriétaire du fonds servant ne doit rien faire qui porterait atteinte au droit
de servitude. Il importe peu que cette atteinte soit directe ou indirecte, ou qu’elle concerne l’objet, le
mode d’exercice voire l’assiette de la servitude. Ainsi, le propriétaire du fonds servant ne peut pas
accomplir d’actes qui seraient directement contraires à la servitude. EXEMPLE : le propriétaire
du fonds servant ne peut pas élever une construction en présence d’une servitude de non-construction.
De même, le propriétaire du fonds servant ne peut pas accomplir d’actes qui porteraient atteinte
indirectement à la servitude. EXEMPLE : en présence d’une servitude de vue, le propriétaire du
fonds servant ne peut pas élever un mur juste devant le fenêtre du voisin. Enfin, le propriétaire du
fonds servant ne peut pas accomplir d’actes qui viendraient réduire l’utilité de la servitude pour
le fonds dominant. EXEMPLE : en cas de servitude de puisage, le propriétaire du fonds servant ne
peut pas détourner une partie de l’eau pour empêcher le fonds dominant d’en profiter.
Positivement, le propriétaire du fonds servant doit accomplir toutes les prestations qui sont à sa
charge comme par exemple l’entretien de l’assiette de la servitude. Il faut ici remarquer que de telles
charges, parce qu’elles sont positives, supposent nécessairement au préalable qu’elles aient été
acceptées par le propriétaire du fonds servant. Sans quoi on heurterait la prohibition des servitudes
in faciendo. Ces charges parce qu’elles sont intimement liées à la propriété du fonds servant, vont se
transformer en obligation propter rem. Ce ne sont pas des obligations qui incombent au propriétaire du
fonds servant à titre personnel, elles ne lui incombent qu’en sa qualité de propriétaire, si bien que
si le propriétaire du fonds servant perd cette qualité de propriétaire, il est de plein droit déchargé de ses
obligations. Lorsque le fonds servant est transmis à une autre personne, cette obligation propter rem
va se transmettre de plein droit à l’acquéreur du fonds.
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DROIT CIVIL DES BIENS
L’extinction présente un intérêt essentiellement en ce qui concerne les causes d’extinction. Elles
peuvent être tirées du droit commun des contrats. EXEMPLE : pour une servitude conventionnelle,
l’anéantissement rétroactif du contrat qui a constitué la servitude aura pour effet d’anéantir la
servitude. L’essentiel réside dans les causes particulières d’extinction des servitudes qui sont prévues
aux articles 703 et suivants : l’impossibilité d’usage, la prescription extinctive, la confusion, la
renonciation et la perte de la chose.
A. L’impossibilité d’usage
L’impossibilité d’usage désigne la situation dans laquelle les choses sont dans un tel état que la
servitude ne peut plus être exercée. EXEMPLE : une servitude de puisage lorsque le puit est à sec.
La jurisprudence adopte une conception stricte de cette impossibilité d’usage. La CDC refuse de
considérer qu’il y a impossibilité d’usage lorsque la servitude est simplement devenue inutile
pour le fonds dominant. Lorsque la servitude devient inutile, elle ne s’éteint pas immédiatement, mais
parce qu’elle va cesser d’être exercée, elle se perdra par la prescription extinctive.
L’impossibilité d’usage n’emporte extinction de la servitude que pour autant qu’elle a bien une cause
naturelle. Si l’impossibilité d’usage procède d’un fait illicite d’une autre personne (notamment le
propriétaire du fonds servant), dans ce cas la servitude ne s’éteint pas et il appartient au titulaire de la
servitude de faire respecter son droit.
Elle est assortie d’un tempérament : il se peut que l’impossibilité d’usage ne soit pas définitive mais
simplement temporaire. Lorsque l’impossibilité d’usage n’est que temporaire, elle a pour
conséquence non pas d’éteindre la servitude mais simplement de la mettre en sommeil. Autrement dit,
la servitude pourra sortir de sa torpeur au moment où l’impossibilité d’usage va cesser. ATTENTION,
si l’impossibilité d’usage dure plus de 30 ans, la prescription fera son œuvre et éteindra la
servitude.
B. La prescription extinctive
La servitude constitue un droit accessoire au droit de propriété du fonds dominant. Mais, pour
autant, bien qu’étant accessoire d’un droit de propriété, la servitude reste un droit réel sur la chose
d’autrui. Même en étant accessoire, la servitude ne peut pas emprunter à la propriété son
imprescriptibilité.
La prescription extinctive ne se heurte pas à la règle selon laquelle les servitudes ont vocation à la
perpétuité. Les servitudes ont vocation à la perpétuité à la condition qu’elles soient effectivement
exercées. La vocation à la perpétuité n’est pas un obstacle à la perte du droit par son non-usage.
Quelles que soient les caractéristiques de la servitude, c’est un droit prescriptible. Il faut observer qu’à
la différence de la prescription acquisitive qui ne concerne que les servitudes continues et apparentes,
la prescription extinctive concerne toutes les servitudes.
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DROIT CIVIL DES BIENS
La servitude discontinue s’exerce par intermittences avec l’activité humaine. Dans ce cas, le
point de départ est très simple : la prescription commence à courir au jour où a eu lieu le
dernier acte d’exercice de la servitude
C. La confusion
La confusion désigne l’hypothèse dans laquelle une seule et même personne devient propriétaire
du fonds dominant et du fonds servant de façon concomitante. Trois cas :
Dans tous les cas, à l’issue de l’opération il n’y a plus qu’un seul propriétaire : il manque une
condition pour que puisse continuer d’exister la servitude : nemini res sua servit. La portée extinctive
de la confusion n’est pas absolue. En réalité, la servitude n’est que mise en sommeil. Parce que, si les
deux fonds servant ou dominant viennent à nouveau à appartenir à deux propriétaires distincts, la
servitude va pouvoir renaitre. A moins que la réunion des deux fonds ait duré plus de 30 ans.
D. La renonciation
Cette renonciation emporte un effet extinctif définitif à moins que l’acte juridique de renonciation soit
anéanti de façon rétroactive. EXEMPLE : si la renonciation est à titre onéreux et que le propriétaire
du fonds servant ne verse pas l’indemnité promise, le propriétaire du fonds dominant pourra faire
résoudre le contrat ce qui aura pour effet de faire renaitre rétroactivement la servitude.
Cette renonciation va avoir pour conséquence de libérer le titulaire de la servitude de toutes les
obligations qui lui incombaient en cette qualité. EXEMPLE : si c’était le propriétaire du fonds
dominant qui devait entretenir l’ouvrage, le fait de renoncer à la servitude va le libérer de son
obligation d’entretien.
E. La perte de la chose
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La perte matérielle de la chose : hypothèse dans laquelle le fonds servant va disparaitre par
cas fortuit. Ce qui techniquement, ne constitue jamais une cause d’extinction des
servitudes. Si la servitude porte sur le sol, la perte de la chose est inconcevable. Si la
servitude porte sur un bâtiment ou un ouvrage, l’ouvrage peut se perdre par cas fortuit. Ce qui
va causer la perte de la servitude, ce n’est pas la perte de la chose, c’est l’impossibilité
d’usage. Pas besoin de passer par la perte matérielle de la chose pour expliquer la disparition
de la servitude.
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