La Gestion Des Plantes Médicinales Chez Les Communautés Autochtones Nahuas de La Huasteca Potosina, Mexique
La Gestion Des Plantes Médicinales Chez Les Communautés Autochtones Nahuas de La Huasteca Potosina, Mexique
La Gestion Des Plantes Médicinales Chez Les Communautés Autochtones Nahuas de La Huasteca Potosina, Mexique
par
Nadja Palomo Contreras
Département de géographie
Faculté des arts et des sciences
Octobre, 2010
i i
Université de Montréal
Faculté des études supérieures et postdoctorales
Ce mémoire intitulé :
Présentée par :
Nadja Palomo Contreras
Christopher Bryant
président-rapporteur
Paul Comtois
directeur de recherche
Résumé
Abstract
Plant species can have different uses. However, medicinal purposes play a
central role in different cultures whether they are used for traditional medicine or for
commercialization. At present, medicinal plant species are under strong pressure.
This is due to their commercial uses and is related to the loss of their habitat. It is
imperative to find options that will allow the utilisation of medicinal plant species in a
sustainable way. Thus, it would allow a contribution to the socioeconomic well-being
of those communities that depend upon the plants. Similarly, it is also important to
understand the perception that communities have of their plants and their uses.
Therefore, the main objective of this research is to better understand the
relationships between traditional knowledge and the utilisation of medicinal plant
species among these local communities.
The result of the study describes a series of practices, values and social
representations. It relates to the use of medicinal plant species within a specific ethnic
group. The importance of this research is to highlight local practices and, thus, come
up with additional recommendations to the sustainable utilisation of medicinal plant
species.
Resumen
ABSTRACT..................................................................................................................................... II
RESUMEN..................................................................................................................................... III
INTRODUCTION .......................................................................................................................... 1
But et Contributions de la recherche ....................................................................................................................... 6
Structure du mémoire ..................................................................................................................................................... 7
TRADITIONNEL .................................................................................................................................................. 59
Liste de photos
PHOTO 6. PRODUITS FAITES ET OFFERTES PAR L’ENTREPRISE DE BETO RAMÓN ................................ 143
Remerciements
Après trois ans de travail, la liste de personnes qui j’aimerais remercier est devenue
très grande, cependant je tiens à remercier particulièrement:
Paul Comtois, directeur de ce mémoire, qui a cru en mon projet, qui nous a accueilli
chaleureusement à notre arrivée à Montréal, qui a su m’orienter dans les
particularités de l’ethnobotanique, et qui a rendu possible financièrement ce projet.
Thora Martina Herrmann, codirectrice de ce projet, qui a aussi cru en mon projet avec
beaucoup d’enthousiasme et confiance, pour son support académique, moral, et
financier et pour avoir, d’une manière généreuse, fourni tous ces efforts pour que je
puisse terminer ce projet.
Je dois aussi une grande reconnaissance à la Professeure Elena Lazos, qui pendant son
court séjour à Montréal m’a adopté comme l’une de ses étudiantes, qui a été une
excellente tuteure, et pour ses divers commentaires et critiques qui m’ont donné un
autre regard et qui a aussi contribué à développer mes compétences en matière de
recherche.
À mon père, Professeur Gerardo Palomo pour tous les commentaires, et discussions
fructueuses qui m’ont orientées dans ce parcours et qui ont contribuées à la
production de ce mémoire.
À tous mes amis de Montréal et du Mexique que d’une façon ou d’autre en contribué :
Julie S., Anna B., Paola M., Geneviève L., Cécile, Lauren, Rolando, Carla, Jean Baptiste,
Diana, …..
À Ma belle famille : mes grand parents, mes parents et ma sœur pour son soutien
inconditionnel et toujours fiers de mon parcours intellectuel et personnel.
11
Introduction 2
Les plantes, les animaux et les ressources naturelles qui constituent la diversité
biologique sont non seulement nécessaires au bien-être matériel de l'humanité, mais
répondent à ses aspirations culturelles et spirituelles. Beaucoup de médicaments
utilisés aujourd'hui sont tirés de plantes. Depuis quelques années les plantes
médicinales sont de plus en plus présentes dans la politique mondiale de
l’environnement et du développement. Leur utilisation et leur préservation sont des
thèmes trans-sectoriels englobant, outre les soins de santé, la protection de la nature
et la biodiversité, ainsi que la promotion économique, le commerce et divers aspects
juridiques (la propriété intellectuelle, par exemple). À l’heure actuelle, une grande
partie de la population mondiale utilise et dépend de la médecine traditionnelle et
donc de l’utilisation de plantes et d’extraits végétaux. C’est tout particulièrement le
cas des populations locales et autochtones dans les pays en développement : en effet,
les médicaments à base d’herbes sont non seulement meilleur marché que les
médicaments modernes, mais ils sont souvent les seuls disponibles dans les régions
isolées (selon l’Organisation Mondiale de la Sante -OMS, 80 % de la population
mondiale est dépendant des plantes médicinales). Parmi ces utilisations, les plantes
employées comme médicaments jouent un rôle central, non seulement pour satisfaire
la médicine traditionnelle de certaines cultures, mais aussi comme un objet de
commerce qui satisfait une demande de marchés souvent lointains.
Les plantes médicinales ont une importance tant médicale comme culturel, et
aussi au plan économique pour les pays en développement. La collecte des herbes
Introduction 3
médicinales est souvent la seule source de revenu pour ceux qui sont défavorisés aux
plans social et économique. Ces plantes normalement sont vendues à de petites
entreprises artisanales et industrielles, qui vont les transformer en tisanes, onguents
et teintures destinés au marché local. De plus, les plantes médicinales sont une partie
importante des cultures traditionnelles.
Cependant, dans de nombreux pays du monde, les habitats des plantes, comme
par exemple les forêts, sont menacés par l'exploitation abusive et les coupes sauvages.
Les plantes médicinales qui y poussent à l’état sauvage disparaissent donc aussi
rapidement, souvent pour toujours et la biodiversité s’en trouve considérablement
diminuée. Selon l’IUCN (2008), notre planète traverse la 6ème crise de disparition des
espèces de son histoire et le rythme actuel serait 100 à 1000 fois supérieur à ce qu'il a
été en moyenne sur des centaines de millions d'années. Triste première, cette crise est
la toute première de l’histoire causée par l’Homme et non pas par la Nature elle-
même, surtout à cause des nouvelles technologies que nous utilisons. La « Déclaration
du Millénaire » des Nations Unies (2000) a lancé un appel en faveur du respect de la
nature, considéré comme l’une des valeurs fondamentales de l’humanité:
Récemment, des nombreuses études ethnographiques ont été réalisées sur les
Nahuas de la Huasteca Potosina mais aucune recherche ethnobotanique ne nous
montre l’hétérogénéité des types de gestion et du savoir traditionnel de plantes
médicinales chez les communautés Nahuas de la Huasteca Potosina. Cette étude
abordera des aspects nouveaux de la culture Nahua. Les conclusions de cette
recherche fourniront un aperçu du rôle des acteurs sociaux locaux dans la façon dont
les plantes médicinales sont appropriées dans les communautés concernées.
Néanmoins, cette recherche ne démontrera pas les relations précises entre tous les
acteurs sociaux à différentes échelles.
Nous avons utilisé de diverses méthodes pour inciter les acteurs à documenter
eux-mêmes leur savoir ethnobotanique et leurs besoins. La valorisation,
l’enseignement et l’utilisation des connaissances des plantes médicinales peuvent
apporter des avantages aux communautés, y compris : le partage de la ressource entre
eux, la transmission des savoirs ethno-médicaux aux générations futures,
l’amélioration du système de santé, le développement de stratégies de gestion et
conservation pour les plantes médicinales, et sa prise en charge par des membres de
la communauté.
Structure du mémoire
Ce mémoire est construit autour de quatre parties :
comprendre les enjeux auxquels font face les plantes médicinales et le savoir
traditionnel au Mexique.
La deuxième partie est formée par un chapitre (III) qui présente les éléments
théoriques et conceptuels de la recherche. Une synthèse du lien entre nature et
société sera exposée. Il sera aussi abordé le concept de représentation sociale et son
importance pour la compréhension des relations société/nature. Ensuite, les rapports
sociaux qui déterminent la relation entre l’être humain et son milieu naturelle seront
aussi discutés. Pour finir, ce chapitre présente l’approche de l’ethnoécologie.
La quatrième partie est composée par les deux chapitres suivants qui se
trouvent au cœur de ce projet. Elle présente les divers résultats obtenus lors de notre
recherche. Le chapitre VI présente notre étude de cas. La zone d’étude est présentée
dans cette section, ainsi que les caractéristiques du milieu naturel et social. Le
chapitre V intitulé « Les plantes médicinales : acteurs sociaux et gestion » présentera les
corpus, c’est à dire les savoirs, les intérêts, et les besoins des acteurs sociaux par
rapport aux plantes médicinales. La praxis chez les communautés étudiées i.e. « the
practices that allow the producer to survive through time » (Toledo 1992) sera
également présentée. Ce chapitre fournira ainsi au lecteur le panorama des divers
types d’appropriation des plantes médicinales présents dans les communautés
Nahuas de la Huasteca Potosina.
médicinales ? Ainsi cette partie donnera une conclusion générale des résultats
obtenus et donnera des recommandations concrètes.
Première Partie. Définition de la
problématique
10
Chapitre I
L’intérêt pour les plantes médicinales : contexte
général
Au moins 35 000 espèces végétales sont utilisées dans le monde à des fins
médicales (Farnsworth et Soejarto 1991). Les plantes médicinales servent pour la
production de produits pharmaceutiques, thés, onguents, crèmes et autres produits
naturels (Farnsworth et Soejarto 1991). Environ 90 espèces servent à la production
des médicaments industriels les plus importants et les remèdes traditionnels utilisés
dans les pays en développement sont généralement élaborés à partir de mélanges
d'herbes issus de collectes sauvages (Farnsworth et Soejarto 1991). Ainsi, en
Indonésie, on traite près des trois quarts des maladies avec des mélanges d’infusions,
les « jamu », qui peuvent contenir jusqu’à 30 extraits végétaux obtenus à partir de
plantes séchées. Les plantes sont donc la source principale de substances actives, et
pas uniquement dans la médecine traditionnelle. Nous constatons que les plantes
médicinales jouent un rôle très important et primordial.
monde
Selon Lambert et al. (1997) la demande globale pour les plantes médicinales
est faite de quatre sources identifiables : les industries pharmaceutiques, les systèmes
de soins médicaux traditionnels, la santé traditionnelle individuelle et les femmes
dans les soins familiaux. Le tableau 1 (Lange 2006) montre l’échange des plantes
médicinales dans le monde, dans les 12 pays principaux d’importation et
d’exportation.
2 Produits traités.
Cependant, il est probable que le savoir des remèdes faits avec des herbes dans
les cultures traditionnelles s'est développé par essai et erreur au cours des siècles; et
les méthodes les plus efficaces ont été soigneusement transmises verbalement d'une
génération à l’autre. Les médicaments allopathiques modernes ont leurs racines dans
la médecine ancienne et il est probable que beaucoup de nouveaux remèdes
importants seront découverts et commercialisés dans l'avenir, grâce au savoir
traditionnel.
3 Savoir traditionnel écologique: « Les savoirs locaux et autochtones désignent les ensembles
cumulatifs et complexes de savoir, savoir-faire, pratiques et représentations qui sont perpétués et
développés par des personnes ayant une longue histoire d'interaction avec leur environnement naturel.
Ces systèmes cognitifs font partie d'un ensemble qui inclut la langue, l'attachement au lieu, la
spiritualité et la vision du monde. » UNESCO (2009). Learning and Knowing in Indigenous Societies
Today. Paris, UNESCO.
De plus, les procédures et rituels employés par les guérisseurs font aussi partie du
savoir traditionnel, c’est-à-dire qui récolte la plante, la partie utilisée, la saison de
cueillette, l’heure du jour, .... Tous ces éléments nous indiquent que les plantes par
elles-mêmes ne sont pas médicinales et que quelques-unes sont insérées dans un
système médical plus complexe. La médecine traditionnelle ou l’ethnomédecine est un
champ où le savoir traditionnel joue un rôle très important, comme nous pouvons
l’apercevoir dans la définition donnée par l’OMS :
De ce fait, pour la création du savoir botanique médical, il faut avoir une base
« saine » de ressources végétales ; et pour qu’une plante devienne un remède, il faut
avoir le savoir de son utilisation médicinale, à travers la pratique d’expérimentation et
le transfert aux générations futures. La durabilité de la médecine botanique
traditionnelle fait allusion au maintien des conditions sous lesquelles, tant l’écologie
des plantes médicinales comme le savoir créé de ces herbes, peuvent être produites
(créées, et innovées) et reproduites ou soutenues dans l’espace et le temps dans un
contexte de nouvelles tendances comme la globalisation (Toledo 2001; Toledo 2002;
Maffi 2005).
Cela nous indique que la protection des plantes médicinales doit être dirigée à
l’écosystème qui offre ces espèces ou services médicaux, en comprenant qu’un
écosystème englobe aussi les populations humaines présentes6.
5 En Inde, les systèmes médicaux codifiés utilisent environs 2,000 espèces de plante pour des fins
médicinales. Et les communautés tribales qui habitent à l’intérieur ou à la périphérie de forêts utilisent
environ 8,000 espèces de plante, la majorité inconnue à l’extérieur. Pushpangadan, P (2002).
Traditional Knowledge & Folklore -A benefit sharing model experimental in India. Conference
organized by the Commission on Intellectual Property Rights. London 21-22 February. p.5. Aussi, voir,
Shankar, D (1996). "Tribal and rural farmer-conservers." Agrobiodiversity and Farmers' Rights,
Swaminathan Research Foundation 14. Shankar, 1996, p. 170.
6 Dans les différents écosystèmes présents sur la Terre, il existe des écosystèmes avec une forte
présence humaine. Ces systèmes ont la particularité d’avoir être modelés en même temps par des
mécanismes biologiques et culturels et la biodiversité retrouvée dans ces écosystèmes est un résultat
Les plantes médicinales font face aux mêmes menaces que la diversité
biologique elle-même, car la majorité des espèces sont collectées dans des forêts
secondaires et primaires (Toledo et al. 1995; Hamilton 2004). La vitesse avec laquelle
avance la sixième extinction des espèces est de 1,000 à 10,000 fois plus fortes que les
extinctions naturelles. De nos jours, la Liste Rouge de l’UICN comprend 44,838
espèces, dont 16,928 sont menacées d’extinction (38%), 2% ont disparu ou disparu de
la vie sauvage (IUCN 2008). Au 4ème Congrès mondial de la nature (2008), on a
confirmé «la crise d’extinction des mammifères »: 20% des 5487 mammifères de la
planète sont menacés d’extinction et depuis l’année 1500, 76 espèces se sont
éteintes (IUCN 2008: 2). Par ailleurs, pour les amphibiens, 31% sont menacés ou
disparus (IUCN 2008: 2) et pour le cas des oiseaux (groupe le plus connu ou étudié)
un de sept (14 %) est menacé ou en voie de disparition (IUCN 2008: 2).
Les prévisions globales de perte de diversité végétale montrent que les plus
grandes pertes d'habitats et de diversité se produiront dans les écosystèmes
anthropogénique Posey, DA and Dutfield, G (1996). Beyond Intellectual Property: toward traditional
resource rights for indigenous peoples and local communities, International development research
centre.
Dans ce contexte, le danger auquel fait face la flore médicinale a été récemment
l’objet de préoccupations internationales de la part des scientifiques et des différents
groupes de la population (World Wildlife Fund for Nature 1992; IUCN 2008). Après la
validation de la médecine traditionnelle par l’Organisation Mondial de la Santé (OMS)
en 1978, l’OMS a souligné le besoin de protéger les habitats naturels des plantes
médicinales surtout celles qui ont un intérêt commercial (OMS 1979). En 1988, l’OMS,
l’UICN (Union mondiale pour la nature) et la WWF (World Wildlife Fund for Nature)
ont organisé une consultation internationale sur la conservation des plantes
médicinales, qui s’est tenue à Chiang Mai, Thaïlande. La consultation a réuni pour la
7 Chiang Mai Declaration: -Recognize that medicinal plants are essential in primary health care, both in
self-medication and in national health services; are alarmed at the consequences of loss of plant
diversity around the world; view with grave concern the fact that many of the plants that provide
traditional and modern drugs are threatened; draw the attention of the United Nations, its agencies and
Member States, other international agencies and their members and non-governmental organizations
to :
The vital importance of medicinal plants in health care; the increasing and unacceptable loss of these
medicinal plants due to habitat destruction and unsustainable harvesting practices; the fact that plant
resources in one country are often of critical importance to other countries; the significant economic
value of the medicinal plants used today and the great potential of the plant kingdom to provide new
drugs; the continuing disruption and loss of indigenous cultures, which often hold the key to finding
new medicinal plant that may benefit the global community; the urgent need for international
cooperation and coordination to establish programs for conservation of medicinal plants to ensure that
adequate quantities are available for future generations (Chiang Mai, Thailand 1988)
8 Banglore (1998). Declaration of the International Conference on Medicinal Plants held at Bangalore,
9Comisión nacional para el conocimiento y uso de la biodiversidad, CONABIO (2006). Capital Natural y
Bienestar Social. . Comisión Nacional para el Conocimiento y Uso de la Biodiversidad. Mexico, D.F.
10 Miranda, José. Obras Completas de Francisco Hernández, México. Tomo I, Cap. V UNAM, 1960. Cité
par Lascurain, Maite 1988.
11 Dìaz-Thomé, Hugo. Franscisco Cercantes de Salazar y su Crónica de la Conquista de la Nueva España.
Le marché de Tlatelolco, fut le marché le plus grand trouvé par les espagnols ;
Bernardino de Sahagún le décrit avec détail et montre son étonnement et son
admiration (Sahagun de 1880). Les marchés et les tianguis préhispaniques ont
souffert de nombreuses transformations pendant l’époque coloniale ; cependant ils
ont survécu jusqu’à maintenant.
Pour les populations préhispaniques, les maladies pouvaient avoir une origine
divine, magique, ou naturelle. Il existait un fort lien entre les divinités et une maladie
spécifique. Par exemple, les maladies rhumatisantes étaient liées à Tlaloc, dieu de
l’eau (Austin 2000; Prioreschi 2002). Encore aujourd’hui, par exemple pour les
Nahuas, la conception des maladies réside dans un déséquilibre du patient avec son
milieu social et naturel(Austin 2000; Tiedje 2002).
maladies, que les différents peuples indigènes et ruraux ont accumulé de génération en génération, et
qui a été fondé dans une cosmovision d’origine préhispanique. Les peuples indigènes ont par la suite
Les guérisseurs traditionnels ont été poursuivis pendant des décennies (Page
Pliego 2002). L’histoire des premières nations au Mexique, depuis la conquête, a été
marquée par le mot domination, ainsi que par des diverses politiques orientés vers la
désarticulation de leurs systèmes socioculturels traditionnels. Le cas des systèmes
traditionnels médicaux l’illustre bien (Page Pliego 2002; Jorand 2008). Cette
répression ce traduisait notamment en persécution et la disqualification; cette
dernière reste encore visible aujourd’hui. Bien qu’ils existent de politiques officielles
de rapprochement et de reconnaissance des pratiques médicales traditionnelles, les
relations entre les deux systèmes demeurent ambigües. Bien souvent le discours
officiel envers une médicine interculturelle contraste avec l’attitude négative du
personnel de la santé envers les pratiques de la médecine traditionnelle et les
guérisseurs traditionnels. Les conséquences de ce rejet des guérisseurs traditionnels
de la part de la biomédecine mexicaine, en disant qu’il s’agit des méthodes du passé
ou des pratiques primitives, la persécution, et le manque de reconnaissance ont
entraîné un abandon de diverses pratiques traditionnelles (Smith-Oka 2008).
Cependant, la médicine traditionnelle continue à avoir une importance primordiale
pour la population mexicaine marginalisée, pour qui elle représente des fois l’unique
alternative (Page Pliego 2002). Ce fait est confirmé par les statistiques suivantes :
seulement 15% des médicaments sont d’origine pharmaceutique (Toledo et al. 1995).
Dans les endroits ruraux, la population dépend des plantes collectées et dans les
endroits urbains, elle dépend des plantes séchées qui viennent de milieux ruraux
(Hersch-Martínez 1996). Il y a de quatre à cinq médecins traditionnels pour un
médecin allopathe (Lozoya 1990). Selon le Ministère de Santé, 90% de la population
utilise des plantes médicinales pour se soigner (Muñetón Perez 2009). De ce
incorporé des éléments d’autres systèmes médicaux, comme la médicine espagnole, la médicine
africaine et la médicine occidentale (Secretaría de Salud, México).
15 Le taux de mortalité de 2000 à 2007 représente : 26,6%, 13%, 3%, 17% et 20% respectivement
(Secretaria de Salud 2008).
16 Entretien avec le Dr. Erick Estrada Lugo directeur de la Société Latino-Américaine de la Médecine
Naturelle et Traditionnelle. Muñetón Perez, P (2009). "Plantas medicinales: un complemento vital para
la salud de los mexicanos. Entrevista con Dr. Erick Estrada Lugo." Revista Digital Universitaria 10(9).
La demande, donc, est aujourd’hui régulée par le marché national mais aussi
international qui peuvent être liés ou non aux processus d’industrialisation (Hersch-
Martínez 1999). Pour le cas des plantes médicinales sans processus, la consommation
se fait par : a) la population à bas revenus économiques du milieu rural et urbain ; et
b) la population qui choisit des remèdes naturistes, marché qui grandit actuellement.
17 Entretien avec le Dr. Erick Estrada Lugo directeur de la Société Latino-Américaine de la Médecine
Naturelle et Traditionnelle. Ibid.
18 Ibid.
Au Mexique, pour la plus grande partie des groupes ethniques19 qui habitent la
forêt tropicale, les plantes médicinales sont obtenues principalement de la forêt
secondaire et des jardins domestiques (Toledo 2003; Angel Perez et Mendoza 2004;
Monroy-Ortiz et al. 2009). L’obtention, donc, des plantes médicinales est faite, non
seulement, de divers endroits (du solar20, de la milpa-cafetál21, de la forêt primaire et
secondaire, des chemins, de la communauté et des marchés), mais aussi les types de
plantes sont différents (plantes sauvages/semi-domestiqués/cultivées). Cette
combinaison fait la richesse des plantes médicinales. Il faut remarquer que les plantes
des solares ou jardins domestiques et des milpas, peuvent être sauvages. Les gens
vont laisser les plantes s’établir s’ils en trouvent l’usage. À ce moment ils vont s’en
occuper ou faire attention à elles (semi-domestiqués) ou encore ils vont commencer à
les cultiver.
Chez les Mixes et Zapotecas d’Oaxaca l’obtention des plantes médicinales se fait
dans diverses zones: au solar, dans la communauté, dans les chemins, à la milpa-
cafetál, dans la forêt (primaire et secondaire) ou aux marchés. De ces zones les plus
utilisées par les Mixes sont : le solar, la communauté et les chemins. Par contre, pour
les Zapotecas les zones sont : la milpa-cafetál et la forêt (Frei et al. 2000). Cette
différence est due au fait que les Zapotecas ont un accès plus facile aux diverses zones
de végétation où ils exploitent la diversité végétale de manière plus intense. En
19 Les ethnies incluses dans l’analyse étaient : Teeneks, Totonacas, Otomies, Nahuas, Popolucas, Zoques,
Mayas, Lacandones et Chujs Toledo, VM (2003). "The Multiple Use of tropical forests by indigenous
Peoples in Mexico: a Case of Adaptive Management." Conservation Biology 7(3).
20 Solar : Jardin domestique autour de la maison. Frei, B, Sticher, O and Heinrich, M (2000). "Zapotec
and Mixe use of tropical habitats for securing medicinal plants in Mexico." Economic Botany 54(1): 73-
81.
21 Milpa-cafetál : zones de terres où existent différents types de gestion qui servent pour la culture de
En plus, depuis les années 70, le taux d’érosion du sol s’est accéléré de façon
spectaculaire, il est d’ailleurs maintenant reconnu comme l’un des problèmes
cruciaux du pays(CONABIO 1998). Environs 15% des terres sont touchées par une
érosion complète, 26% par une érosion avancée (‘advanced erosion’), et 24% par une
érosion modérée (Klein-Robbenhaar 1995 cité par Stoleson et al. 2005). De plus, le
22«Land degradation in arid and semiarid regions, with loss or reduction of biological or economic
productivity and complexity of natural ecosystems, croplands and pastures ».
Dans divers cas, les nouveaux cueilleurs n’utilisent pas les techniques
traditionnelles permettant le renouvellement des populations végétales. De plus, les
études montrent un accroissement de la demande de plantes médicinales, souligné
déjà dans les sections antérieures. Cet accroissement a eu un impact dans les
populations de plantes médicinales de diverses zones du Mexique. Il est possible de
percevoir cet impact (Hersch-Martínez 1999; Toledo 2003; Monroy-Ortiz et al. 2009)
dans quelques communautés de l’état de Puebla, par exemple, où la hausse du taux de
collecte a eu un impact dévastateur.
En résumé, les populations végétales soumises à une forte pression sont celles
qui sont collectées à des fins commerciales, car elles sont cueillies dans les forêts
secondaires. Les groupes autochtones qui utilisent les plantes à des fins médicales
obtiennent normalement les spécimens dans leurs jardins domestiques. Nous
pouvons conclure que l’augmentation drastique et abrupte de cueilleurs due à
l’intégration des groupes et communautés autochtones aux marchés régionaux,
nationaux et globaux (Toledo et al. 2003), est une autre variable à tenir en compte car
elle provoque de forts taux de déforestation et menace la sauvegarde des populations
de plantes médicinales.
Dans la section 1.2, nous avons mentionné que le savoir traditionnel médical
fait partie de systèmes culturels médicaux, lesquels sont construits à partir de la
nécessité vitale de donner une explication originale à l’expérience de la maladie, la
douleur, la souffrance et la mort. Ils visent à assurer la survie et la reproduction
biologique, le développement socioculturel et environnemental d’un groupe humain
particulier par la compréhension et le soutien de la santé. La construction et
l’ajustement des savoirs médicaux sont nécessaires pour la spécialisation et le
développement technologique, ou pour l’interculturalisme médical (Kleinman 1980;
Menéndez 1994; Antweiler 1998). Autrement dit, le processus
maladie/santé/attention est un processus universel, structurel et différencié pour
chaque ensemble social. Les souffrances et les réponses à celles-ci sont structurelles
dans tout système, et généreront des représentations et des pratiques, ainsi que des
savoirs pour faire face, et guérir les souffrances. Selon le groupe culturel, les
représentations et les pratiques, la transformation et le dynamisme des pratiques
seront une constante.
Pour le cas du Mexique, les deux systèmes culturels médicaux qui existent sont
le traditionnel ou local et l’allopathique. Le système culturel traditionnel rejoint de
manière systématique et holistique les croyances du groupe social (Fabrega 1974 cité
parPelto et Pelto 1997). Le mot traditionnel se réfère aux groupes considérés
« traditionnels » a priori. Ainsi, les groupes traditionnels qui désignent la médecine
comme traditionnelle pourraient être les groupes ethniques amérindiens, les paysans
métis ou autochtones, les groupes « folk », une partie des citadins marginalisés.
Néanmoins, certains seront plus traditionnels que d’autres (Menéndez 1994). Nous
nous concentrerons sur les groupes ethniques amérindiens au Mexique et en
Amérique centrale, qui sont au nombre de 100.
Figure 1. Cette carte combine la distribution du Mexique de diversité biologique avec la distribution
des régions autochtones. Les différentes régions avec une présence autochtone peuvent contenir un ou
plusieurs ethnies. Les zones sud et sud-est du pays sont les parties avec le plus de concentration de la
population autochtone (INEGI 2000).
La perte des savoirs traditionnels est liée non seulement à la perte de l’habitat
et la déforestation, comme Benz et al. l’ont proposé pour le cas de la Sierra de
Manantlan dans le nord-ouest du Mexique: « the traditional knowledge among the
people of Manantlan has eroded with the loss of the indigenous language » (2000 : 190).
Une autre étude menée dans des communautés Nahuas de Veracruz (Smith-
Oka 2008)montre que le savoir traditionnel par rapport aux plantes médicinales
utilisées pour la santé reproductive des femmes, par les femmes, a été affecté par
l’introduction de cliniques biomédicales et les hôpitaux. Elles utilisent maintenant
plus souvent la médecine allopathique que les plantes médicinales impliquant une
perte du savoir chez les jeunes femmes. Avec l’introduction de la biomédecine, les
sages -femmes ont dû négocier leur position au sein de ce nouveau système de santé.
Beaucoup d’entre elles ont été certifiées par le gouvernement, et elles ont introduit de
nouvelles techniques empruntées à la biomédecine. Elles ont aussi diversifié leurs
pratiques et elles ont établi de nouvelles collaborations et développé leurs réseaux.
Les plantes continuent d’être cruciales dans leur pratique. Toutefois, plusieurs sages-
femmes prescriront des médicaments allopathiques ou d’injections à leurs patients
Conclusion
24 Dans le texte de Garret Hardin, 1968, intitulé « The tragedy of the Commons » il décrit comment
l’accès libre à une ressource limitée pour laquelle la demande est forte mène inévitablement à la
surexploitation de cette ressource et finalement à sa disparition. Hardin, G (1968). "The tragedy of the
commons."
43
Chapitre III
Les rapports société – nature
25Les premières nations, qui conservent de pratiques primaires qui se font à une petite échelle, sans
techniques de production de masse et leur identité ne sont pas le résultat du processus de la
globalisation (processus qui orientent les identités vers la consommation) Berkes, F (2008). Sacred
ecology. New York, Routledge.
Nous avons tendance à oublier que les écosystèmes et, par conséquent, la
nature ont été forgés par les sociétés sur une longue période et de manière très
subtile. C’est le cas également des espaces utilisés par des sociétés nomades qui ont
été transformés. Le naturalisme moderne, dissocie à tort nature et culture, humain et
non-humain. Les deux sont étroitement liés et s’influent mutuellement. Comme le
souligne un leader des Jawoyn du Territoire du Nord :
« Le parc national Nitmiluk n’est pas un espace sauvage […] c’est un produit de
l’activité humaine. C’est une terre façonnée par nous au long de dizaines de
millénaires –à travers nos cérémonies et nos liens de parenté, par le feu de
brousse et par la chasse. » (Cité par Déscola 2004:20).
Il est certain que nous entretenons des relations avec la nature, mais pour
comprendre les liens ou les relations et leur gestion, il faut d’abord définir la notion de
nature ce qui nous conduira à la définition de la notion de culture.
« Culture et Civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendu, est ce
tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le
droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en
tant que membre de la société »Tylor 1871, p 1 cité par Cuche 2004, p 16).
Cette définition reprend l’idée de Tylor, donnant une définition claire et simple
purement descriptive et objective (Cuche 2004).
27 Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques
culturelles, Mexico City, 26 juillet-6 août 1982.
société/nature
« des systèmes de valeurs, des idées et des pratiques dont la fonction est double :
en premier lieu, établir un ordre qui permettra aux individus de s’orienter et de
maîtriser leur environnement matériel, ensuite faciliter la communication entre
les membres d’une communauté en leur procurant un code pour désigner et
classifier les différents aspects de leur monde et de leur histoire individuelle et
de groupe ».
Cette pensée est reprise par d’autres auteurs qui ajoutent qu’à partir de ces
représentations les individus agiront sur leur milieu naturel (Godelier 1984; Nazarea
1999; Lazos et Paré 2000). Ainsi, ils mettent en avant l’importance de comprendre la
perception de la nature pour comprendre le mode d’exploitation des « biens
communs ». Nous avons retrouvé ce lien chez les Nahuas de la Huasteca Potosina, qui
ont « un attachement spirituel à la terre, qui est vu comme leur ‘patrimoine culturel’.
Aujourd’hui les Nahuas voient la terre et l’ejido comme le pilier de leur vie
communautaire et de leur survie culturelle comme peuple» (traduction personnelle
Tiedje 2004: 178 ). Tiedje (2004: 218) affirme aussi que « for Nahuas, their physical
Ignold (1987) explique que pour qu’un objet du milieu naturel devienne une
ressource, celui doit servir une fin spécifique. Alors le choix sera normalement relié à
un système de valeurs et à un système techno-économique (Godellier 1984, Alcorn
2000). Chez le Nahuas de la Huasteca ils ont continué, après la conquête Espagnole, à
obtenir leur subsistance à travers l’agriculture de maïs et des haricots .Comme société
agricole sédentaire, les Nahuas « develop ecological relationships with land through
daily practices, such as farming, hunting, and fishing » (Tiedje 2004 : 219). Pour Hunn
(1999), cependant, l’activité agro-culturelle des Nahuas « should be understood as a
long-term relationship between community and its land and resource base, rather than
as a strictly economic activity » (Hunn 1999 : 30). Comme Tiedje et Hunn, nous avons
pu observer sur le terrain que les Nahuas de la Huasteca Potosina développent un
rapport écologique avec la terre et la nature à travers diverses activités plutôt qu’un
rapport économique. Leur rapport à longue terme mentionné par Hunn peut être
perçu à travers la gestion traditionnelle et l’usage traditionnel des plantes médicinales
par exemple. Le choix que les sociétés font entre les ressources naturelles et leur
utilisation produira différents types d’interaction entre l’être humain et
l’environnement.
Godellier (1984) ajoute par ailleurs que pour bien comprendre la réalité, il faut
tenir compte du fait que
C’est dire que les dimensions surnaturelles sont également importantes pour la
compréhension des relations société/nature. Dans divers sociétés, ainsi souligne
Godellier (1984) la nature est « la demeure de puissances surnaturelles bienveillantes
ou malveillantes censées contrôler les conditions de reproduction de la nature et de la
société » (1984 :54). Nous l’avons aperçu chez les Nahuas où de forces surnaturelles
peuvent influencer la santé d’une personne, et aussi son comportement vers la nature
sa gestion et son usage.
L’étude réalise par Lazos & Paré (2000), auprès des Nahuas du Sud du
Veracruz au Mexique, a montré une grande diversification dans la perception de la
l’ethnoécologie
Ces dernières années, les chercheurs ont davantage développé une approche
écologique en introduisant des études concernant l'action réciproque entre
l'environnement naturel et les humains. Balick (1996) explique : « the science has
evolved from listing useful plants to a multidisciplinary attempts to understand the
relationship between people and plants, and recent ethnobotanical work is also
developing ties with government and other agencies ». La méthodologie
ethnobotanique reconnaît, donc, la nature réciproque et la dynamique des relations
entre humains et plantes. Les relations peuvent être sociales, économiques,
écologiques, symboliques, religieuses, commerciales, ou artistiques (entre autres).
28H.C. Conklin introduit le terme ethnoécologie quarante ans auparavant, dans son œuvre classique,
«An ethnoecological approach of a shifting agriculture » où il essaie de comprendre la nature des
techniques utilisées en agriculture comme : « shifting agriculture », « slash and burn », dans l’ile de
Mindoro aux Philippines avec les Yagaw Hanunoo.
Figure 2. Les domaines utilisés pour la compréhension de l’appropriation de la nature par l’être humain.
29
Traduction libre de: « As a cumulative body of kowledge, practice, and belief evolving by adaptive
processes and handed down through generations by cultural transmission, about the relationship of
living beings (including humans) with one another and with their environment. »
Holistique Réductionniste
Tableau 2. Les différences identifiées entre le savoir scientifique et le savoir écologique traditionnel
(Berkes 1993; Huntington 2000; Berkes 2008).
Pratique
Spirituel
-Usages : alimentaire, commercial, médicinal,
religieux -Cosmovision
-Gestion : Techniques, Outils -Perceptions
-Système de croyances
-Significations
Savoirs symboliques, éthiques,
religion
-Identification d’espèces,
-Êtres vivants : taxonomie,
histories de vie,
comportements, distribution
Pour conclure cette partie nous pouvons dire que la résurgence de l'étude du
savoir écologique local ou traditionnel a mené à la redéfinition de l'ethnoécologie. Elle
est maintenant perçue comme l'étude des relations entre le cosmos (une croyance et
des représentations symboliques), le corpus (savoir environnemental), et la pratique
(le comportement qui mène à l'appropriation de la nature) (Toledo 1992). Elle se
concentre donc sur le savoir écologique des peuples autochtones et des agronomes
traditionnels. Bien que la plupart des recherches soient conduites dans des régions
rurales, quelques études – telles que les descriptions d'animaux ou des plantes vendus
dans les marchés urbains – sont réalisées dans les villes. Les ethnoécologistes
adressent des questions théoriques à propos du rapport entre les humains et leur
environnement et les réponses contribuent au développement rural, au soulagement
de la pauvreté, aux soins de santé et à la conservation(Toledo 2002).
Conclusions
Les savoirs et les pratiques sont les parties d’un tout qui vont déterminer la façon
dont l’être humain utilise et gère le milieu naturel. C’est la raison pour laquelle nous
avons consacré ce chapitre aux représentations sociales, aux savoirs écologiques et à
l’approche pour les aborder, car ils sont à la base du lien entre la nature et les êtres
humains.
Cette partie présente les questions et les objectifs de cette recherche que nous
avons déjà introduits dans les deux premiers chapitres. Dans le chapitre qui suit nous
présenterons la démarche méthodologique basée sur une approche ethnoécologique
transdisciplinaire.
Notre objectif est de mieux comprendre les interactions entre les populations
humaines et les plantes médicinales (corpus et praxis) comprenant l’association entre
savoir traditionnel ou local et la gestion des plantes médicinales. La compréhension
de ces interactions est la base du développement d’un plan de gestion
communautaire participatif.
Objectifs spécifiques :
- Analyser la composante pratique (utilisation et gestion) du savoir traditionnel
4.1.1 L’ethnoécologie
L’ethnoécologie (Conklin 1954; Toledo 1992; Berkes 1993; Toledo 2002; Reyes
García et Martí Sanz 2007) sert à analyser, à travers l’étude du savoir traditionnel
écologique, la cognition et la représentation de l’environnement ainsi que les valeurs,
la cosmogonie et l’identité culturelle locale. La mise en valeur du savoir traditionnel
écologique à travers son caractère endogène, sa capacité d’adaptation
environnementale et socioculturelle sont les prémisses de l’ethnoécologie.
Sous cette approche, la clé est d’explorer les liens entre le répertoire des
symboles, des concepts, et des perceptions de la nature ainsi que l’ensemble des
pratiques par lesquelles l’appropriation matériel de la nature a lieu (Toledo 2002). Il
faut donc tenir compte du contexte où les composants intellectuelles et pratiques des
individus ou populations ont lieu. Ce processus de production est un processus
d’appropriation de la nature par lui même (Godelier 1984). De cette façon, comme
Toledo (1992; 2002) le fait remarquer, l’ethnoécologie englobe les trois aspects
fondamentaux du paysage : la nature, la production et la culture. Le résultat sera une
approche interdisciplinaire.
Notre intention est d'étudier les activités pratiques et les activités de la vie
quotidienne des individus (Garfinkel 1967) reliées aux plantes médicinales, sans
donner des explications causales sur leurs comportements, mais en tenant compte des
personnes comme des sujets (partenaires) dans un processus coopératif de création
de connaissance, et non en prenant les individus comme objets de recherche
(Davidson-Hunt 2000). L’objectif sera donc de décrire comment les membres d’une
société utilisent, expliquent et justifient l’ordre de leurs comportements (Garfinkel
1967) ; objectif partagé avec l’interprétativisme ou la phénoménologie. L’étude
ethnoécologique cherche à décrire ce que les Nahuas savent de leur milieu naturel
quant à la recherche de plantes médicinales, et comment ils utilisent leurs
connaissances ethno-scientifiques des plantes pour les exploiter et survivre dans leur
environnement.
Tant l’ethnoécologie que l’écologie culturelle sont des disciplines qui ont une
approche ethnographique proche de nos objectifs, raison pour laquelle nous avons
abordé nos questions de recherche selon ces deux approches.
Les limites de cette méthode sont que les résultats sont difficilement
reproductibles. Par conséquent il y a peu de possibilités que des études comparables
soient faites. Autrement dit, la généralisation de résultats devient difficile (Stake
2005). Cependant, Gagnon, affirme que ces limites peuvent être éliminées « par un
recours complémentaire aux méthodes quantitatives de recherche » (Gagnon 2005 : 4).
Pour promouvoir la mise en place d’un projet de gestion durable (p. ex. gestion
participative) des plantes médicinales, nous devons d’abord connaître les acteurs
sociaux impliqués dans l’utilisation des plantes médicinales. L’analyse de chaque
intervenant est nécessaire pour connaître et mieux comprendre les diverses relations
(spirituelles, culturelles, écologiques) envers la ressource, ainsi que les valeurs,
représentations et intérêts associés à cette ressource.
Selon, Freeman (1984) les acteurs sociaux sont des groupes ou des personnes
pouvant influencer la réalisation des objectifs d’une société ou être influencés par elle.
Pour Grimble et al.(1995) l’acteur social est défini comme étant, « les personnes ou les
particuliers, de même que les groupes et les organisations qui ont des intérêts dans un
système ou y prennent une part active ». Les acteurs vont agir sur l’espace par rapport
à leurs valeurs et leurs représentations de l’espace. C’est donc un « individu qui agit
selon ses propres desseins, selon ses propres motivations » (Ansart, 1999).
L’acteur social peut être motivé par des actions traditionnelles, liées à la
coutume, par un sentiment ou par les passions (douleur, colère), et par le rationnel
(McCallum 2000; Ramirez 2001). Ainsi, la participation des acteurs dans la gestion
peut prendre de nombreuses formes, qu’elles soient formelles ou informelles. Cette
participation servira à établir des compromis qui avantageront certains groupes et en
pénaliseront d’autres.
- Spécialistes : gens qui utilisent les plantes médicinales dans leur vie professionnelle,
tel que les médecins traditionnels, les guérisseurs (curanderos, chamans, ‘brujos’), et
les cueilleurs commerciaux.
- Consommateurs ou familles de paysannes: ceux qui n’utilisent pas les plantes
médicinales dans leur vie professionnelle. Cependant, dans certains cas, ils peuvent
utiliser les plantes médicinales pour une consommation familiale.
- Institutions sociales: correspondent à la capacité des individus à s’organiser entre
eux.
Les entrevues faites avec les informateurs clés identifiés étaient semi-dirigées
et de type « histoire de vie ». L’objectif de ces dernières était de mieux comprendre
l´histoire de vie de la personne et par conséquent celle de la communauté à travers le
point de vue de cet individu. L’entretien semi-dirigé est une discussion guidée par le
chercheur, néanmoins, la direction de l’entretien suit la ligne de pensée de
l’informateur (Huntington 1998). En suivant la méthode décrite par Huntington
(1998), nous n’avons pas utilisé un questionnaire fixe, mais une liste de sujets qui
nous a guidée pour s’assurer de traiter des sujets importants lors de nos
conversations avec l’interviewé, tout en laissant les informateurs libres de s’exprimer
davantage dans le sujet où ils ont le plus d’expérience. Selon le type d’activité de
Pour cette étude, la forme passive a prédominé. Nous avons pris part, autant
que possible, aux conversations et aux activités des Nahuas des villages visités. Nous
avons accompagné les guérisseurs, sages-femmes, herboristes ou informateurs dans
leurs activités journalières (cueillette des plantes, travaux dans les jardins de plantes
Cette dernière technique nous a permis de mieux cerner la réalité des acteurs
au quotidien, de connaître les méthodes de cueillette, les zones de cueillette, les
plantes cueillies, et de mieux comprendre le niveau de dépendance et le niveau de
spécialisation. Cette technique est un complément aux entrevues effectuées sous la
forme de récits de pratiques.
4.2.4 Ethnobotanique
Les communautés étudiées ont été choisies pendant le séjour sur le terrain et
selon les contacts obtenus par le biologiste Alejandro Galindo30. Au total, neuf
30 Biologiste Alejandro Galindo vit dans la ville de Xilitla depuis 7 ans. Depuis son arrivé à la Huasteca,
il démontra un intérêt pour sa culture, ainsi que pour la conservation environnementale. Alejandro
Galindo est reconnu pour être très respecté dans ces communautés car, depuis 2 ans, il continue à
lutter pour des services (éclairage public, routes, ....) pour les communautés voisines. Il développa ainsi
[...]
«De fois les guérisseurs ne reçoivent pas beaucoup de gens, car ils n’ont pas de
résultats, mais le monsieur que vous avez visité ce mercredi, lui a toujours des
personnes, toujours, mais il ne charge rien, uniquement une donation. On voit qu’il fait
conjointement avec les communautés un plan de développement économique, comprenant entre autres
la création d’une coopérative des producteurs agricoles.
«Il a soigné une personne puis une autre, d’ici de la région, ainsi sa réputation a
commencé à se diffuser au village et il est venu plus de gens, d’abord de la commune,
puis de d’autres endroits et c’est comme ça que sa réputation a même été reconnu à
l’extérieur de l’état de San Luis Potosi. […] Il venait des personnes des diverses villes
pour le chercher et elles ont été soignées par lui, c’est comme ça que sa réputation
s’est propagéeii […] »
[Ahuacatitla, juillet 2008.]
Figure 4. Carte des communautés Nahuas étudiées au sud de la Huasteca Potosina. La communauté
trouvée dans la partie plus haute est San Pedro Huitzquilico avec 940 m. et la plus basse est Ahuacatitla
et Axtla de Terrazas avec 100 m. Les communautés en rouge sont elles avec des spécialistes de la santé
traditionnels.
À part les thèmes et questions soulignés dans la section 3.2.2, les entretiens
sont porteurs de plusieurs types de contenu : pratiques de travail diverses, mais aussi
divers sujets allant de la critique politique à des discussions sur les pratiques rituelles
et les croyances; aux souvenirs et aux anecdotes les plus diverses; à des descriptions
de procédures d’héritage, de déménagement ou de préparation de plats typiques; des
thèmes plus personnels, dont les difficultés conjugales, alcoolisme; descriptions de
modes de vie, énoncés d’opinion sur les pratiques agricoles, .... Il est important ici de
mentionner que ces contenus sont relatifs à des descriptions faites par les personnes
Par rapport aux techniques utilisées, nous devons faire la distinction entre
celles de construction de données et celles d’analyse. Les premières dépendent de la
méthode utilisée (observation ou entretiens-analyse). L’analyse quant à elle s’élabore
sous une approche d’analyse des réponses des répondants.
Les données ont été recueillies, retranscrites, examinées ligne après ligne et les
variables ou catégories suivantes ont été générées :
• type d’activité,
• type d’exploitation des plantes médicinales (appropriation sociale de la
ressource)
• niveau de dépendance aux plantes
4.5 Limites
Pendant notre séjour sur le terrain nous avons été confrontés à plusieurs
contraintes. Certaines vont du côté des sources d’information et de la disponibilité de
références scientifiques; d’autres sont reliées aux problèmes rencontrés pendant la
réalisation des entrevues dans la population locale.
Par rapport aux sources documentaires nous avons eu des problèmes liés á la
disponibilité des documents sur place. Cependant, la bibliothèque du Centre de
recherche et études Supérieures en Anthropologie Sociale (CIESAS)31 de la ville de
Mexico nous a aidé à retrouver quelques documents.
Les caractéristiques culturelles de la société Nahua nous ont fait créer une
stratégie spécifique d’entretien selon la personne interviewée. Ma condition féminine
sous-tendait de nombreux rapports sociaux. L’aide des informateurs clés, comme le
Une contrainte possible liée à l’observation participante est l’influence sur les
comportements des gens, surtout de ceux interviewés, dû à notre présence dans les
communautés. Les circonstances dans lesquelles les observations se sont déroulées
doivent être considérées pour être démontrées ou répétées.
86
Chapitre V
Étude de cas : Les Nahuas de la Huasteca Potosina
La Huasteca est le mot utilisé pour définir un espace, une culture particulière,
et une civilisation d’au moins quatre millénaires, retrouvée dans la partie nord-est du
Mexique (figure 5). La région est délimitée au nord par la rivière Pánuco, au sud par la
rivière Cazones, la partie Est par le Gulf du Mexique, et l’Ouest par la Sierra Madre
Oriental. Ce territoire était occupé par une mosaïque de cultures et peuples qui
partagent une histoire et un espace géographique commun.
Les siècles suivants (XVIIe à XVIIIe) ont été caractérisés par le dépouillement
de terres communales autochtones, transformées en haciendas32. Pour les
autochtones, le contrôle de leur espace communal ne représentait pas uniquement
l’appropriation de leurs ressources, mais aussi une appropriation de leur culture, de
leur identité, et de leurs liens de parenté. Les autochtones travaillaient sans salaire
dans les haciendas où ils pratiquaient l’agriculture, travaillaient à la construction ou
encore comme domestiques. Ils avaient droit à de petits morceaux de terre, en
échange de tributs (Huasteca Colonial). Le maïs, l’haricot, la canne au sucre, le poivre
noir, le coton, le chili étaient des produits cultivés à la Huasteca au XVIIIe siècle.
32Les haciendas ont été des espaces de terre avec une exploitation de type latifundia. L’origine des
haciendas est à travers des concessions faites à la noblesse. Au Mexique ce système commence en 1529,
quand la couronne espagnole concède à Hernan Cortes le titre de Marques del Valle de Oaxaca, donnant
une portion de terre qui aujourd’hui correspond à tout l’état de Morelos. La concession incluait, aussi,
tous les autochtones vivants dans le territoire ainsi que le pouvoir sur leur vie. Lockhart, J (1969).
"Encomienda and Hacienda: The evolution of the Great Estate in the Spanish Indies." The Hispanic
American Historical Review 49(3): 411-429.
L’histoire de la Huasteca est marquée par des luttes constantes des peuples
autochtones de la région. La préservation de leur espace politique et territoriale a
caractérisé ces luttes, exprimées par de nombreux conflits et rébellions. La
configuration des activités agricoles et non agricoles des localités, les réseaux qui
relient les localités avec l’extérieur et la situation agraire ont été défini selon les
interactions entre le territoire et la population.
33 Observations personnelles
3
34 Victor Toled
do, 1995 “Caraacterización de
d la Huastecaa potosina” SA
AGAR
o Multizone.
En ce qui concerne les sols, la région est caractérisée par des sols de
« rendzina » (Batalla et al. 1977) produit de la roche calcaire, connus par le nom de
La région présente deux provinces floristique : Sierra Madre Orientale, et Costa del
Golfo de Mexico. La variation des conditions climatiques fait que la végétation
caractéristique de la Huasteca Potosina soit surtout formée par la forêt tropicale
perennifolée (evergreen tropical forest), qui, avec la partie de la Huasteca
Veracruzana, forment la portion tropicale la plus septentrionale du continent
(Rzedowski 1978). Cette forêt est la plus riche et complexe de toutes les
communautés végétales décrites par Rzedowsky (Rzedowski 1978). Ce type de
forêt a des sols riches en matière organique, et il est localisé dans les zones
présentant un degré d’inclinaison. Les sols sont généralement sommaires, une
Dans les zones hautes, il existe des mélanges de forêts tropicales et des arbres
de climat tempéré (chêne, noyer, frêne). Ces forêts sont présentes dans toute la partie
montagneuse de la zone. Enfin les plus hautes zones sont formées de forêts de
pinacées.
Les divers groupes autochtones partagent aussi le territoire avec des métisses,
mais dans ce cas les relations sont, à la différence de celles entre les groupes
autochtones, caractérisées inégales, tant par la discrimination sociale que la
domination de la population autochtone dans les domaines politique et économique
(Tiedje 2004).
Notre étude de cas est centrée sur le groupe autochtone Nahua, l’ethnie la plus
nombreuse avec une population totale d’environ 250,000 (INEGI 2005). Ce groupe
habite un écosystème unique et très fragile, à savoir la forêt néo tropicale la plus
septentrionale du continent américain. De plus, les Nahuas constituent une ethnie très
marginalisée qui dépend fortement des ressources végétales pour satisfaire ses soins
médicaux. Nous n’avons pas trouvé d’études scientifiques menées auparavant sur la
gestion de plantes médicinales auprès des Nahuas de la Huasteca Potosina.
Les municipalités nahuas sont retrouvées dans deux régions: la Sierra Alta
cafetalera et la Sierra Baja citricola. Il y a 193 ejidos et communautés Nahuas
occupant 230 000 hectares, 97% étant des terres agricoles et 2% sont d’irrigation
(Avila et Gonzalez 2000). Les Nahuas de la Huasteca Potosina ont partagé le territoire
avec les ethnies Teneek et Pame depuis l’époque pré-hispanique, et ils maintiennent
de fortes relations entre-elles.
Il reste difficile de retracer l’origine des Nahuas de cette région, mais les
excavations réalisées dans la région dans les années 60 par la Mission Archéologique
La première migration remonte aux années 800 AD. Il se peut que des
Chichimecas de langue nahuatl, qui sont venus du Nord pour se sédentariser dans la
vallée du Mexique central et fonder l’empire aztèque, soient passés par la région et
qu’ils aient pris contact avec les peuples sédentaires. Stresser-Péan précise que “les
aztèques de l’époque archaïque ne se distinguent guère de la masse de tribus dites
‘chichimèques’, c’est à dire ‘barbares’, qui ont peuplé tout le nord du Mexique jusqu’au
dix-huitième siècle” (Stresser-Péan 1953). La deuxième migration a eu lieu lors de
l’expansion mexica vers 1400 AD. Les Mexicas ont soumis la région de la Huasteca à
leur empire pendant la “guerre fleurie”, xochiyaoyotl, la guerre sacrée des mexicas,
“qui semble avoir pris forme après la terrible famine qui désola le Mexique central en
1450” (Soustelle 1955). Les recherches archéologiques menées au centre de la
Huasteca indiquent que les Mexicas avaient conquis la région autour de Xilitla,
Tamuin et Ciudad Valles entre 1469 et 1481. Les Nahuas occupaient alors déjà la
région quand les Espagnols y sont arrivés au 16e siècle (1522; Stresser-Péan 1953).
Mexico-Tenochtitlan, cité des Mexicas dans la vallée de Mexico, tomba entre les
mains des conquistadors et de Hernan Cortes en août 1521. Dès lors, commence
l’humiliation et l’anéantissement de la culture des peuples indiens du Mexique.
L’irruption des colonisateurs au Mexique et le choc culturel dévastateur
37 Empire Azteca
Pendant l’époque coloniale, les Nahuas ont été évangélisés, et ils sont devenus
esclaves, ou travailleurs au service du gouverneur de la commune (cabildo). Les
autochtones travaillaient pour payer une contribution à la Couronne et en échange, ils
pouvaient cultiver un petit morceau de terre. Après l’indépendance de la Nouvelle
Espagne, le type d’organisation par Cabildos a disparu, les indigènes ont été reconnus
comme citoyens mais ils étaient encore très marginalisés, obligés de travailler de
longues journées dans les Haciendas et très mal payés (Arroyo et al. 2003). Après la
Révolution Mexicaine (1910), il y eu peu de changements importants dans le structure
de domination et d’exploitation des peuples autochtones. Au contraire, ils ont perdu
leur autonomie, car ils ont perdu la reconnaissance institutionnelle des gouvernants
autochtones. C’était dans la reforme agraire des années 30 et 40 que les peuples
autochtones (quelques-uns) ont récupéré une partie de leurs terres au titre de Terres
Communales ou Ejidos. Cependant, la représentation politique locale se faisait à
travers les communes, et au cours des années 40 et 50 les autorités gouvernementales
(municipales) ont commencé à ignorer la désignation légale des autorités
Depuis les années 1980, les inégalités et l’exclusion sociale ainsi que la
pauvreté se sont accentuées. L’État mexicain, qui a été l’organisateur de la société et le
principal producteur de biens et services, rentre en crise après son adoption du
modèle néolibéral. Les principes de l’économie capitaliste et les efforts de l’État pour
se moderniser ont mis en péril le milieu rural et les communautés autochtones. Et la
Huasteca n’a pas échappé à cette situation.
Aujourd’hui les communautés Nahuas dans la Huasteca Potosina sont l’un des
peuples les plus marginalisés du Mexique, marquées par de luttes agraires,
répression, décès et cacicazgos40. Généralement les communautés ne comptent pas
d’eau potable, d’électricité, de services sanitaires (drainage), de services de santé ou
de voies de communication adéquates. Comme activité principale, ils pratiquent
l’agriculture traditionnelle diversifiée pour l’autoconsommation. La culture du maïs,
café et chile sont les plus importantes. Comme activité économique, ils cultivent le
café, les agrumes, et la canne à sucre41. La migration fait aussi partie des activités
économiques importantes, et les jeunes qui migrent vers les grandes villes (Mexico,
38 http://www.cdi.gob.mx/ini/perfiles/regional/huasteca/
39 Idem.
40 Territoires des caciques
41 Nahuas de la Huasteca, Pueblos Indígenas del México Contemporáneo. www.cdi.gob.mx
Le thème de la médicine Nahua ne sera pas traité complètement ici car il est
très vaste. Nous donnerons les grands traits qui caractérisent la compréhension
nahua de la santé et la maladie. Les Nahuas de la Huasteca Potosina font partie de
cultures mésoaméricaines. Même si après la colonie ils ont été fortement influencés
par le catholicisme, ils ont gardé comme d’autres groupes ethniques de l’ancien
Mésoamérique, un corpus de croyances et pratiques rituelles. Lopez Austin (2000)
présente ce phénomène comme un instrument de résistance produit d’une histoire
d’oppression et de pénétration idéologique. L’élément ponctuel et unificateur de la
culture mésoaméricaine qui reste de nos jours est la culture du maïs.
Le corps doit aussi se trouver dans un équilibre entre le froid et le chaud. Ces
deux polarités, chaudes et froides, sont de caractéristiques que présentent tous les
êtres vivants. L’altération, donc, de cet équilibre entre le froid et le chaud causera un
état pathologique, comme la perturbation des autres équilibres. Troche (1994), dans
son étude sur les nahuas de la Sierra de Puebla, explique que la partie supérieure est
réputée plus chaude et la partie inférieure plus froide. Le haut du corps est lié aux
forces supérieures (ciel, soleil) et la partie du bas établit le contact avec le monde
souterrain et par conséquent le froid (Troche 1994 : 358). Il y a donc une gradation de
température des pieds à la tête. Une différence majeure atteint l’être humain selon
son sexe : l’homme a une composition corporelle plus chaude, alors que la femme est
considérée plus froide (Troche 1994; Baez 2008). Aussi les émotions ont une valeur
calorique et peuvent affecter la personne. Le maintien de cet équilibre est un travail
constant qui se traduit par des nombreux préceptes rattachés à toutes les activités de
la vie. Par exemple, une femme enceinte présente un changement organique très
significatif. L’absence de sa période menstruelle lui fait accumuler une grande
quantité de chaleur, phénomène dangereux pour certaines choses, comme pour la
milpa. « L’air émané par cette rétention de chaleur abîme les plantes » (Baez 2008 :
212). La plupart des informateurs dans l’étude menée par Beaucage et al. (1997)
attribuent la maladie « à une rupture de l’équilibre corporel en direction du
chaud » (p.25).
L'étude fait par Tiedje (2008) auprès des nahuas de la Huasteca Potosina, nous
montre le regroupement des maladies par les guérisseurs en trois grandes catégories:
les maladies physiques, les maladies de causalité indirecte ou non intentionnelle et
celles provoquées par la sorcellerie ou par la transgression du milieu naturel. Cette
classification reprend la division entre le naturel et le surnaturel. Il y a aussi une
relation entre les humains et les non-humains, comme le souligne Tiedje (2008).
Tiedje mentionne une interdépendance entre l’humain et le non-humain, ou esprit
ancestraux, à travers des rencontres avec les Teyome, petites déités qui gardent le
milieu naturel. Les Teyome peuvent blesser les humains s’il y a une transgression du
milieu naturel mais aussi par l’envie des Teyome vis-à-vis les êtres humains (Tiedje
2008). Pour les Nahuas, la transgression du milieu naturel est un acte sacré car ces
petites déités font partie du milieu naturel, comme le souligne Tiedje (2008) dans son
étude. Le respect pour l’environnement est un précepte qui devient la clé pour le
maintien des relations de réciprocité avec la nature. Dans la nature on retrouve aussi
les Teyotzitzin, petites déités qui surveillent l’environnement. Alors, pour les Nahuas,
il existe des maladies à cause des transgressions à l’environnement ou à cause des
êtres qui habitent la nature (Baez 2008; Tiedje 2008).
Conclusion
de plantes médicinales
Nous avons décidé de faire une analyse de tous les acteurs sociaux pour mieux
comprendre l’ensemble ou les complexités liés à l’utilisation des plantes médicinales.
Par analyse des acteurs sociaux nous comprenons « an approach for understanding a
system by identifying the key actors or stakeholders in the system, and assessing their
respective interests in that system » (Grimble R et al. 1995). Nous avons pris comme
108
Chapitre VI. Acteurs sociaux, gestion, utilisation et exploitation 108
base, pour cette analyse, les étapes proposées par Ramirez R. dans « Analyse des
intervenants et gestion des conflits » et celles de Grimble et collaborateurs dans « Trees
and trade-offs : a stakeholder approach to natural resource management ». Dans un
premier temps, nous avons donc identifié les acteurs sociaux. L’identification a été
faite en considérant la définition d’acteur social donné par Grimble et collaborateurs
(1995) (voir page : 58) :
sociaux
43 Plantes medicinales
44 Secretaría de Medio Ambiente y Recursos Naturales
L’acteur social présent, dans toutes les communautés étudiées a été celui formé
du public en général, ou consommateurs. Nous avons décidé de le mentionner de
manière générale dans notre discussion.
Dans un premier temps, nous allons présenter les localités où nous avons
trouvé les acteurs sociaux spécialistes de la santé. Après, nous présenterons les
localités avec les autres types d’acteurs sociaux.
Nous avons décidé de regrouper les localités qui ont comme acteur social des
spécialistes de la sante : médecins traditionnels ou sages femmes ou guérisseurs, car
nous avons trouvé des similarités dans les variables analysées. D’abord, nous
présenterons les contextes ou caractéristiques de chaque localité et ensuite nous
Ville de Xilitla
Xilitla, mot nahuatl qui signifie l’endroit de bigorneaux, est la ville centre de la
commune du même nom. Elle est retrouvée à 600 m. à l’altitude aux coordonnées
suivantes : 21°23'10" N, 98°59'25" O. La ville de Xilitla fut habitée par des peuples
semi-sédentaires d’origine chichimeca. L’endroit était connu sous le nom de Taziol
(nom utilisé par les indigènes Teneek). Les habitants de la région auraient souffert de
l’invasion des Mexicas aux environs de 1455, au commandement de Moctezuma I, qui
les soumirent et les obligèrent à payer des tributs. Pendant l’époque coloniale les
habitants de Xilitlán ont devenus esclaves ou travailleurs au service du gouverneur
(voir p.84). Depuis la conquête, on a assisté à la dépossession croissante des
autochtones de leur territoire. À l’arrivée des Augustins, lesquels ont fondé des
couvents à différents endroits de la Huasteca, dont le couvent de Xilitla en 1550. La
ville de Xilitla fut fondée aux environs de 1557 (Meade de Angulo 1983 : 96). Le
couvent de Xilitla fut attaqué par les chichimecas (pames y jonases) plusieurs fois, et
en 1587 un incendie le détruisit en partie45. Aujourd’hui les terrains occupés à
Photo 1. Rue principale de la Ville de Xilitla, San Luis Potosí (Source: Nadja Palomo 2008).
Pendant notre séjour d’étude nous avons identifié différents acteurs sociaux
dans la ville de Xilitla, lesquels appartiennent tant à l’échelle locale que régionale
(Matrice I). C’est la raison pour laquelle la ville de Xilitla représente une zone très
importante pour notre étude. À une échelle régionale (Matrice I), les acteurs sociaux
identifiés sont :
Et à une éch
helle locale :
• spéccialistes de la
l santé (méédecins trad
ditionnels, herboristes
h et sages-fem
mmes) :
entre cinq à dix ; et
• non spécialistess (familles).
• Les spécialistes
s trouvés dans cette localité sont d’’origine Nah
hua ou sanss origine
conn
nu (mestizo
o). Nous av
vons interviiewé deux spécialistess de la san
nté dans
cettee communau
uté (voir tab
bleau 5).
La localité suivante
s estt la localité de la Herraadura, situéée dans la commune
c dee Xilitla,
San Luis Po
otosí (figure 4) à 2km de la municip
palité.
Ejido de Limontitla
Les acteurs sociaux identifiés par rapport à l’utilisation des plantes médicinales
sont :
Tlamimil
La lo
ocalité a 24
46 habitantss d’origine nahuatl. Lees habitantss de Tlamim
mil font
l
l’agriculture
e de subsistance, notaamment le maïs,
m le chilli, et l’hariccot. Comme culture
économique, ils font laa culture du café. Le caffé est une culture
c saisonnière quii pousse
à l’ombre de quelqu
ues arbres dans la fo
orêt. Cepeendant l’acctivité écon
nomique
p
principale dans
d le secteur et celle de la consttruction dan
ns la ville dee Xilitla ou San
S Luis
Potosí.
Par rapport
r auxx acteurs sociaux liés à l’utilisation
n des plantees médicinalles nous
a
avons trouv
vé, comme dans
d les localités précéédentes: dess spécialistees de la santté et des
non spéciallistes (les particuliers ou familles)). Pour le caas des spéccialistes de la santé
nous avonss identifié trois
t guérissseurs. Un des trois était
é la fem
mme d’un médecin
m
t
traditionnel qui venaitt de mourir,, quelques mois
m avant. Elle a appriis grâce à so
on mari.
[…]
« Beaucoup de gens vont avec elle et ils lui demandent des médicaments, alors elle,
comme mon compère est mort, elle peut nous appuyé avec son savoir. Nous savons
qu’elle connaît les médicaments […]»iii
Photo 4. Communauté San Pedro Huitzquilico, photo prise du jardin de l’école primaire. (Source: Nadja
Palomo)
Axtla de Terrazas située à 100 m. d’altitude48 (figure 4), est considérée comme
un centre urbain et est la ville centre de la commune du même nom. La localité est
présente dans la partie plane de la commune. Le climat qui caractérise cette région est
chaud-humide, avec une température de 22°C. et des précipitations du mois de juin à
septembre. Le période sèche s’étend d’octobre à mai. Le pacage est la végétation qui
caractérise la région. Cependant il y a encore quelques traces de la forêt tropicale
moyenne subperennifoliée, végétation indigène de la zone (Puig 1991). La ville d’Axtla
de Terrazas a 6270 habitants, dont 20% sont d’origine nahuatl (INEGI 2000). Les
activités économiques principales de cette localité appartiennent aux secteurs du
commerce, des prestations de service, et de la construction.
Pour cette localité nous avons identifié comme acteurs sociaux liés à
l’utilisation de plantes médicinales des spécialistes et des consommateurs. Comme
spécialistes, nous avons distingué des médecins traditionnels et des consommateurs,
des familles. Il a été difficile de définir combien de médecins traditionnels sont
présents dans ce village, car le nombre varie selon nos différents informateurs clés.
Nous avons conclu à approximativement quatre médecins traditionnels reconnus.
L’inclusion de cette localité dans notre étude est dû au fait quelle est aussi un centre
urbain, comme Xilitla ; et présente des acteurs sociaux régionaux comme la présence
du marché du dimanche, où il y a un échange de plantes médicinales. Cependant à
différence de la ville de Xilitla, Axtla n’est pas un centre d’interaction entre les
diverses guérisseurs.
Nous avons distingué deux types d’acteurs sociaux pour cette localité Nahua,
(tableau 5) :
51 Les noms ont été changés pour protéger la confidentialité des personnes interviewés.
52 Le « mal aire » est une maladie provoquée par la transgression grave à une zone dangereuse comme
une cave, un puits d’eau. Baez, L (2008). Saberes y prácticas terapéuticas entre los nahuas de Naupan,
Puebla. Curanderos y Médicina tradicional en la Huasteca. P. G. Arias. México, Programa del desarrollo
cultural de la huasteca: 209-237.(voir p.219).
53 « Cette maladie est due à une chute dans une flaque d’eau, dans un chemin, dans une rivière, dans un
puits, .... Tous ces endroits sont considérés dangereux car ils se trouvent en dehors l’espace de
socialisation des humains, ils appartiennent à la nature. La personne accidentée, souffre donc d’un choc
(susto) pour l’impression d’un événement imprévu, lequel cause la sortie du tonalli (esprit) du corps et
puis le tonalli reste dans l’endroit de l’incident » (Baez 2008 : 218).
54 Le “mal de ojo” est une maladie provoquée par des regards vers un enfant. Normalement les regards
sont inconscients, c’est à dire sans aucun sens ou objectif, mais comme les enfants sont en termes
symboliques plus vulnérables, les regards rentrent donc dans l’enfant en lui causant du mal. Les
symptômes présents dans l’enfant sont de la fièvre, de la transpiration et des pleurs. Baez, L (2008).
Saberes y prácticas terapéuticas entre los nahuas de Naupan, Puebla. Curanderos y Médicina
tradicional en la Huasteca. P. G. Arias. México, Programa del desarrollo cultural de la huasteca: 209-237.
[…]
« Moi j’ai eu le don à ma naissance parce que mon grand père fut un guérisseur.
J’apprenais les herbes médicinales dans mes rêves, comme maintenant je te donne
[les noms de plantes].C’est comme ça que j’apprends c’est comme ça que je demande
les plantes et ils les amènent (aux personnes qu’ils les achètent) »iv.
[Ejido Limontitla, août, 2008].
Quand le choix est à travers une maladie, comme quand des évanouissements,
délires et fièvres se présentent dans un jeune âge, un guérisseur traditionnel est
consulté pour confirmer si le malade est un élu pour s’engager dans la pratique de la
médicine.
« Pour moi le plus important sont les remèdes naturels, parce que ils ne font pas de
mal, alors moi j’essayais. Quand je me suis fait opérée, j’ai pris tous mes médicaments
qu’ils m’ont donnés et ils m’ont fait mal. J’avais mal au ventre, comme une brûlure.
Donc j’ai fait bruler le madura zapote la racine et avec ça je me suis sentie mieux, je
n’ai plus eu la sensation de brûlure »v.
C’est par les types d’engagement culturel/spirituel vis à vis la terre que nous
avons apprécié le système complexe d’entente avec la nature. Le rôle d’un spécialiste
de la santé n’est pas restreint uniquement à la santé mais intègre aussi
l’environnement physique de l’être humain, l’environnement (nature, cosmos) et tous
les autres êtres qui forment l’environnement, comme Baez (2008) l’a également
souligné. Une transgression à l’environnement peut se manifester par une maladie ou
une sècheresse dans les champs de culture de la personne, par exemple. Comme un
interviewé nous explique :
« La nature est tout. Si tu lui fais mal, elle te fera mal. Par exemple, mon compère, lui il
voulait plus d’argent, donc il a mis plus de produits [fertilisants] dans sa milpa et oui il
Le remerciement à la terre se fait à travers des prières ou des rituels faits par
les spécialistes dans les guérisons, comme le guérisseur Carlos de l’Ejido de Limontitla
nous dit :
« Il est, donc, la bénédiction de notre Dieu, il y a (de plantes) bénies mais elles ne
servent pas pour les remèdes, ça veux dire qu’elles n’ont pas sont d’esprit (de Dieu).
C’est la même chose pour nous si nous l’aimons il va nous donner ce que nous voulons
et sinon il ne nous donne rien. Moi j’ai promis et je demande à dieu qu’il m’enseigne
plus. Je donne la promesse et le cœur du poulet il faut l’enterrer pour la grâce de la
terre, n’importe quel jour, mais pas le lundi, jeudi, et vendredi parce que sont les jours
des sorciers, ces sont les jours de méchanceté […] comme les médecins disent, la terre
est comme notre mère car elle nous donne et nous a donné du maïs pour faire des
tortillas, des bananes, elle nous donne de l’eau, c’est comme ça qu’ils disent. Moi avant
je ne savais pas, alors j’ai demandé à un guérisseur qui a comme 90 ans […] moi je lui
ai demandé […] aujourd’hui j’ai rêvé qu’une mère très haute d’environ 50 m
d’hauteur, elle me parla et me donna sa main, mais j’ai jamais vu cette mère noire et
ses cheveux longs, puis elle m’a dit, « fils tu dois, tu me dois parce que tu as eu
beaucoup de médicaments, de l’eau, de la nourriture et tu ne m’as rien donné, aucune
grâce », […] donc je lui ai demandé « comment ça va sortir? ». Et lui il m’a dit « moi je
suis vieux déjà, il faut respecter la terre, tu as rêvé avec la terre parce qu’elle était
noire. Et elle t’a demandé quoi ? Uniquement un coq, le cœur d’un coq, il faut semer
son cœur. J’ai fait comme ça, et elle m’a appris plus de médicine, j’ai connu plus de
remèdes et plus rapidement. Avant je ne connaissais pas de remèdes pour la douleur
« [La cueillette de plantes se fait] quand la lune est terne. Quand elle vient de finir
nous ne devons pas faire la cueillette de plantes, parce que si tu as une plante que tu
as plantée elle va se sécher, elle se sèche parce que la lune est finie. Il faut être avant
que la lune soit remplie pour qu’elle ne se sèche pas. C’est comme ça que nous savons
quand nous ne pouvons pas collecter les plantes»viii.
« Nous [les nahuas] avons beaucoup d’intérêt [à la nature]. Nous savons quand la lune
est tendre, quand la lune est décroissante, quand il faut semer, quand il ne faut pas
semer. Il ne faut pas couper un arbre pour ta maison, si la lune est tendre parce que si
la lune est tendre ce bois va se rompre, tout ça c’est vrai il que ça arrive. Alors, il faut
le couper quand la lune n’est pas tendre, c’est comme ça qu’il faut faire, et cette
coutume nous l’avons encore »ix,
55Reconnu aussi par Báez (2008) avec les Nahuas de Naupan, Puebla et par Tiedje (2008) avec les
Nahuas de la Huasteca Potosina
Nous avons observé deux formes d’interaction : une gestion in situ ou ex situ. La
gestion in situ implique des interactions dans le lieu occupé par les populations des
herbes et plantes sauvages. A ce niveau les humains peuvent prendre des produits de
la nature sans perturbations significatives, comme dans certains types de collecte
(Tuxill & Nabhan 2001).
Dans un premier temps, nous avons classifié les types de gestion in situ en nous
basant sur le travail fait par Casas et al. 1996. Les types de gestion in situ que nous
avons trouvés pour ces localités sont :
Nous avons classifié les types de gestion ex situ en nous basant sur le travail
fait par Casas et al. 1996. Les types de gestion ex situ que nous avons trouvés pour ces
localités sont :
Le tableau 6 nous montre les diverses formes ou stratégies de gestion dans ces
différentes localités, celles qui révèlent l’existence de diverses formes et intensités par
lesquelles les spécialistes Nahuas gèrent et choisissent leurs ressources végétales
médicales. L’utilisation des plantes médicinales, dans les différentes localités
présentées est pour fin médicale.
Cette localité a été choisie, car, à notre arrivée à la ville de Xilitla, diverses
personnes nous ont mentionné l’existence d’une grande usine de médicaments à base
Le consortium de Domingo Beto Ramón est formé par une usine/entreprise qui
commercialise un grand éventail de produits ou remèdes qui vont des savons,
teintures, sirops, crèmes, pommades, capsules et shampooings tous faits à base de
plantes. Les remèdes servent à combattre divers maux, tels que les maladies
cardiovasculaires, les problèmes du système respiratoire, du foie, du système
nerveux, les maladies du système urinaire, de la peau, du cancer, les maux
musculaires, et d’articulations, entre autres. Il y a aussi une petite clinique où le fils du
Domingo Beto Ramón donne des consultations. La vente de plantes médicinales
sèches se fait uniquement aux patients qui vont à la clinique.
L’entreprise a été fondée par le médecin nahua Domingo Beto Ramón en 1955.
Il recevait de patients et inventait des nouvelles recettes de plantes pour créer des
remèdes plus efficaces pour les diverses maladies. Au début, cette entreprise ne
servait pas uniquement d’endroit pour la fabrication et la vente de remèdes à base de
plantes mais aussi de laboratoire.
« Je me rappelle que quand j’avais environ 10 ans […], il allait se coucher vers une
heure ou deux du matin parce qu’il étudiait les maladies et les herbes pour guérir le
« Même les garçons qui connaissent les plantes et qui, des fois voudraient faire une
autre traitement, ils ne le font pas, parce que nous croyons que si nous le faisons les
gens vont perdre confiance en nous, c’est à dire [les gens vont dire] : maintenant ce
sont les fils qui font les traitements [ce ne sont pas ceux faits par] Beto Ramón. [C’est
la raison pour laquelle] il n’y a pas de produits nouveaux, même si lui il le faisait
toujours, nous avons arrêté de produire de nouvelles choses »xi.
Photo 6. Listes de quelques produits faits et offerts par l’entreprise de Beto Ramón (Source : Nadja
Palomo 2008).
58L’interviewé n’a pas voulu donner les espèces de plantes ou les noms de plantes des différents
régions.
« [….] il a commencé à demander des livres de plantes, il les a cherchés [les livres] et
les a étudiés, et comme ça il s’est enrichi du savoir botanique. Il soignait non
seulement des maladies simples mais il cherchait des herbes dans d’autres endroits,
donc des plantes que ne sont pas des herbes de la région […] les plantes nous sont
envoyées depuis la ville de Guadalajara et México et Chiapas […]xii »
Un autre aspect à souligner est le fait que l’entreprise ne réalise pas la collecte
de spécimens. Elle achète les plantes aux particuliers. Si l’un des espèces de plante
n’est pas livrée par les cueilleurs locaux, elle sera demandée en dehors de la
communauté, ou sinon à l’extérieur de la région de la Huasteca dans les principales
villes de Mexique, comme par exemple les villes de México, Guadalajara entre autres.
« Nous l’achetons dans les marchés de la Ville de México, comme dans le marché de
Sonora. Il y a un endroit qui s’appelle Ville del Maiz, qui est un endroit désertique,
alors ici il n’y a pas ces plantes donc on les amène de là. Celles qui sont médicinales et
d’ici, chaque mercredi les personnes d’ici nous les amènent et nous les achetons
[…]xiii »
Les deux aspects que nous venons d’expliquer nous font conclure que le niveau
de dépendance par rapport aux stocks végétaux régionaux, n’est pas très fort, car, ils
achèteront les plantes à ceux qui peuvent les collecter sans égard pour le lieu où elles
sont collectées ou amenées.
“[…] Nous essayons que leurs coutumes ne disparaissent pas. Par exemple […] la
bénédiction aux herbes va être bientôt, dans 15 jours environ. Cette tradition il nous
l’a laissée, et il faut remercier la mère nature pour tout les choses qu’elle nous donne,
donc nous sortons tout les choses que nous avons comme les produits médicaux de
toutes les plantes, nous sortons aussi les animaux qui soignent […] nous sortons tous
les animaux et nous faisons un autel qui est rempli par des fleurs d’ici, de bougies et
d’encens (copal). Nous appelons un vieil homme, un des plus vieux qui savent parler
au dieu père, à la nature, au dieu soleil, au dieu de l’eau. Il prie en nahuatl et lui parle
et lui remercie. Et cette tradition nous la faisons chaque année. C’est comme un
remerciement à la mère nature pour ce qu’elle nous donne […] »xiv
L’information que nous venons de voir, nous indique la présence de deux types
d’intérêt de cet acteur social : premier le commercial, et deuxièmement le médicinal.
Un autre intérêt pas très évident pour cet acteur social serait celui de sécuriser
l’approvisionnement des plantes médicinales, c’est à dire une exploitation durable.
L’influence que l’entreprise peut avoir sur la communauté est grande car c’est
un lieu qui offre des emplois : les personnes qui y travaillent sont de Ahuacatitla, et les
cueilleurs de plantes d’environ 100 familles qui viennent d’Ahuacatitla et d’autres
communautés voisines pour vendre les plantes collectées.
La construction
n du complexe de l’en
ntreprise prrésente à paart l’usine où sont
f
fabriqués lees remèdess, un centree de consulltation, un dortoir pou
ur les patieents qui
v
viennent dee loin et une petite chaapelle. Un autre aspectt à mentionn
ner est la présence
p
de diversess sculpturess religieusees distribuées dans less rues de laa communau
uté. Ces
sculptures furent payéées par le médecin Beeto Ramón (comm. peersonnel. Allejandro
Galí, juillet 2008). Cet aspect nous montre laa puissance en premierr lieu monétaire de
l famille Ramón et aussi l’inflluence que cette perssonne pouv
la vait avoir dans la
p
population.
.
Ce groupe
g est composé de
d diverses familles (environs 20) paysann
nes. La
p
plupart d’en
ntre elles so
ont des cueiilleurs habittuels et non
n pas sporad
diques. C’estt-à-dire,
qu’ils exerccent cette activité réggulièrementt. Cependan
nt, il peut y avoir au
ussi des
cueilleurs sporadiques
s s. Les planttes sont ven
ndues au co
onsortium de
d D. Beto Ramón.
L’activité dee cet acteurr est donc commercial et nous pou
uvons inféreer que le niveau de
Nous distinguons divers intérêts, dans ce groupe : un intérêt pour les produits
forestiers d’utilisation médicale, évidemment ; mais aussi un intérêt pour l’accès aux
endroits de collecte et pour la vente des produits végétaux médicaux. Les paysans
cueilleurs sont des personnes dédiées à cette activité, à cause de la crise agricole et du
59 Carte topographique 1:50 000 Ahuacatlán F14C39, Síntesis de Información Geográfica del Estado de
San Luis Potosí, INEGI 2005.
60 Idem.
Pour notre analyse nous avons distingué un acteur social uniquement dans
cette communauté : la coopérative de femmes. Nous avons demandé l’existence de
spécialistes dans la localité mais la réponse donnée était qu’ils n’y avaient plus de
spécialistes de la santé. Comme, Mme. Sabina Felicitas explique :
61 En 1989 est formée une coopérative appelé « Société Agropecuaire Coopérative : L’égalité de Xilitla
(Sociedad Agropecuaria Cooperativa : La Igualdad de Xilitla) avec 268 membres de 13 communautés
rurales de la commune de Xilitla. En 1990 les membres commencent à travailler dans des projets de
diversification de semences pour la culture de café organique et d’autres projets, en ayant comme
objectif final l’ouverture de divers magasins avec leurs produits. Donc le groupe les femmes n’étaient
pas officiellement dans le projet, cependant elles travaillaient dans les magasins. En 1991 elles
constituent une organisation semi-indépendante : l’Union Paysanne des Femmes de Xilitla (pour plus
d’information référant à l’histoire et les racines de la coopérative, consulter le travail de Tiedje, K
(2002). "Gender and ethnic identity in rural grassroots development: an outlook from The Huasteca
Potosina, Mexico." Urban Anthropology 31(3-4).
On n’a pas trouvé aucun cueilleur commercial dans cette localité. Les
personnes de la localité ne reconnaissent aucun comme cueilleur fréquent. Nous
avons décidé d’étudier uniquement la coopérative de femmes, car c’est l’unique acteur
visible lié aux plantes médicinales.
62 Le SEDEPAC est une organisation civile mexicaine, crée en 1983, elle met de l’avant et promeut
d’initiatives sociales et environnementales pour améliorer le bien-être collectif.
63 Agastache mexicana
En ce qui concerne le type d’obligation culturelle à la terre nous avons constaté les
suivantes :
«Lorsque nous prenons une plante médicinale nous disons, en premier lieu, nous
disons Dieu, parce que Dieu a laissé toutes les choses dans ce monde, les choses
« Lorsque [la lune] est tendre et finie il ne faut pas ramasser les plantes, parce que si
vous avez une plante que vous avez semée, elle sèche, la plante se sèche parce que la
lune est terminée. Elle doit être [coupée] avant que la lune soit pleine pour qu’elle ne
se sèche pas. C’est comme ça que nous savons que nous ne pouvons pas couper […]
Après que la lune soit finie tu peux couper les plantes jusqu’à qu’elle soit pleine.
Quand la lune est pleine, les plantes commencent à mûrir, les feuilles sont solides,
elles se tournent jaunes parce qu’elles vont tomber, les nouvelles plantes
commencent »xviii,
« D’abord ils vont remercier pour pouvoir utiliser le maïs, c’est comme ça que je
voyais qu’ils le faisaient. Après ils vont faire des tamales de maïs, ils cuisent les maïs et
nous mangeons. S’il y avait des enfants, ils les donnaient, aux copains, aux voisins, à
La fête que l’on nous raconte est la fête de la première récolte de maïs
(Xantlacualiztli), cette fête est fait dans la première récolte de l’année (Tiedje 2004).
Le dernier facteur qualitatif à analyser est celui des intérêts par rapport aux
plantes médicinales. Après l’analyse de nos données nous avons conclu que l’intérêt
principal est commercial. Les personnes interviewées ont exprimé leur désir d’avoir
plus de matériel pour la vente, c’est à dire, des flacons pour mettre les teintures ou
pommades, car, il est difficile de les trouver. Le projet a commencé avec le but de faire
des produits pour la vente et aider l’économie familiale. Les femmes continuent à
penser comme ça. Elles nous ont partagé leur besoin d’aide par rapport à la diffusion
de ces produits, l’obtention plus facile de flacons, et la création d’étiquettes.
La localité du Barrio d’Ajuate est une localité avec une gestion des plantes
médicinales très particulière. La disparition des spécialistes de la santé et la formation
de la coopérative font d’elle une localité où l’appropriation ou gestion des plantes
médicinales diffère de l’antérieur. Dans cette localité le savoir a été développé avec un
but spécifique, nous pourrions dire que l’appropriation ou la gestion de la ressource
Normalement les familles vont avoir des remèdes « typiques » ou usuels dans
leurs jardins domestiques. Des fois ils vont les cueillir le long des chemins ou dans la
forêt secondaire, selon leurs besoins. Nous concluons que la gestion des plantes
médicinales de cet acteur social se fait avec un but médical. La présence de cet acteur
social dans toutes les communautés nous montre que même s’il n’y a plus de
guérisseur dans la localité, comme pour le cas d’Ajuate, ou lorsque la pression de
l’église est fortement contre l’utilisation des plantes comme médicaments, comme
pour le cas de la Herradura, l’utilisation des plantes à de fins médicales est forte dans
les localités des nahuatls de la Huasteca Potosina.
Dans le présent projet nous avons voulu démontrer les interactions multiples
qui existent entre les populations humaines et les plantes médicinales (corpus et
praxis) au sein des communautés autochtones nahuas de la Huasteca Potosina au
Mexique. Dans un premier temps, nous avons identifié les acteurs sociaux impliqués à
différentes échelles sociogéographiques. L’utilisation, les intérêts, et la gestion des
plantes médicinales ont été décrites pour chacun des acteurs sociaux locaux des
communautés étudiées. Pour avoir une bonne compréhension de la réalité actuelle
d’utilisation et gestion des plantes médicinales chez les Nahuas de la Huasteca
Potosina nous avons pris en compte des communautés qui habitent ce territoire.
Nos résultats révèlent une utilisation constante par les populations des plantes
médicinales, tant pour des raisons de santé ou économiques, avec un taux
d’exploitation qui diffère d’une communauté à l’autre. En outre, les résultats de cette
recherche démontrent un changement dans la perception de la ressource dans
quelques communautés, ce qui se traduit par différents types de gestion et
d’appropriation sociale de la ressource pour chacune de ces communautés. À cela
s’ajoutent les facteurs de capitalisation et de globalisation qui modifient le contexte
dans lequel s’inscrivent la gestion et l’appropriation des « biens communs » aux
échelles locale, régionale et nationale. Cette transformation ajoute de nouvelles
préoccupations quant à la conception et gestion des plantes médicinales. La
perception des plantes médicinales en tant que ressource économique (capital) qui
caractérise la communauté d’Ahuacatitla (consortium de Beto Ramón et cueilleurs) en
est un exemple.
160
Discussion et conclusion 160
Dans les communautés étudiées les résultats ont révélé la présence de deux
types d’interaction avec les plantes médicinales : les interactions pratiques (utilisation
et gestion) et les interactions liées aux savoirs (ethnomédicaux). Les caractéristiques
de ces deux types d’interactions sont fortement liées aux pratiques d’accès et de
gestion de cette ressource ou bien commun64 ainsi qu’au type d’activité réalisé, aux
intérêts et aux besoins des populations. Ils dépendent aussi des facteurs liés à la
culture Nahuatl comme les croyances liées aux esprits et aux ancêtres. Celles-ci
peuvent avoir une influence directe sur la gestion des plantes médicinales. Les
rapports comprennent : l’utilitaire, le culturel et le spirituel, l’économique et le
commercial, et l’écologique.
Pour ce qui est de la gestion de plantes médicinales dans le cas d’une utilisation
médicale nous avons identifié une gestion in situ et ex situ (voir tableau 6). Nous avons
trouvé les mêmes types de gestion (in situ et ex situ) pour l’utilisation commerciale
collective ; dans le cas de l’utilisation commerciale privée la gestion est inexistante
(figure 7).
L’utilisation de bien commun en lieu de ressource enlève la connotation économique qui implique le
64
mot ressource.
Ex situ: Inexistante.
Gestion Ex situ: In situ:
In situ : Transplanta- Plantes
Transplanta- Protection achetées aux
Protection, tion,
rotation, tion, plantation ou cueilleurs.
amélioration ou plantation ou culture
augmentation culture
Figure 7. Le type d’utilisation, d’exploitation et de gestion dans les différentes communautés étudiées.
65 carrizo
Nous avons pu relever que chaque acteur social impliqué dans l’utilisation des
plantes médicinales donne une valeur qui peut différer d’un acteur à un autre. Ces
valeurs sont souvent influencées par la mondialisation et les flux et réseaux financiers
globalisés, par les produits pharmaceutiques arrivant de l’extérieur, ainsi que par les
pratiques médicales occidentales.
Les pratiques liées à l’utilisation des herbes médicales au sein des diverses
communautés étudiées nous révèlent différents types de représentation sociale de ce
bien commun. Nous concluons que les aspects politico-économiques et historiques
sont les déterminants des représentations sociales et des pratiques envers les plantes
médicinales dans un espace-temps déterminé. C’est-à-dire le type d’approche aux
tendances politico-économiques du Mexique : les politiques néolibérales et la
globalisation des marchés. Les aspects historiques font référence à l’histoire de
domination vécue par les peuples autochtones après la conquête et aux politiques
répressives vers leur système de santé, où les plantes médicinales faisaient et font
partie intégrante de celui-ci.
66À travers les diverses formations données par l’ONG les plantes médicinales acquièrent dans la
coopérative une valeur économique/commerciale.
Le rapport utilitaire avec les plantes médicinales chez les Nahuas est évident.
Nous avons vu que l’utilisation des plantes médicinales pour soigner une maladie est
une pratique très habituelle dans les communautés y compris dans la ville de
Xilitla.Une partie de la santé dans les communautés Nahuas dépend directement des
plantes médicinales, c’est-à-dire selon la gravité et la nature de la maladie seront
utilisés les plantes médicinales, ainsi que des aspects socio-économiques. On a
constaté également l’utilisation de plantes médicinales pour la vente. Ceux qui
utilisent ce bien commun pour la vente commerciale, le font normalement sous forme
de produits tels que des pommades, des teintures, des sirops …, à base de plantes.
L’extraction des plantes médicinales dépendra du marché, ce qui pourrait mettre en
péril les populations végétales, raison pour laquelle de travaux plus approfondis en
relation à l’extraction des plantes médicinales seront nécessaires.
Les croyances associées à la santé et aux maladies chez les Nahuas font partie
des relations spirituelles et culturelles. Le symbolisme autour de ces croyances fait
des ces plantes médicinales des outils essentiels. Les rituels, les limpias, quelques
remèdes pour rétablir le tonalli ou faire la paix avec les esprits/des êtres surnaturels
et rétablir la santé sont tous à base d’herbes. Ceci donne aux herbes médicales ou
« magiques » un fort poids symbolique qui est le produit des représentations sociales
envers la ressource. Quelques plantes ont un symbole purificateur : elles sont des
outils pour les limpias ou les barridas qui aideront les guérisseurs à nettoyer l’esprit et
l’âme de la personne.
Nous avons constaté également que les variations du savoir écologique ethno-
médical au sein des différentes communautés rendent compte de son dynamisme et
reflète un changement continu. Nous concordons avec d’autres auteurs qui
remarquent que le savoir endogène évolue; cependant cela peut impliquer une perte
et un réductionnisme (Argueta 2001 : 152). Cette évolution peut être associée à
diverses variables, comme au manque d’intérêt de jeunes générations, comme Smith-
Oka (2008) a trouvé chez les jeunes femmes Nahua du nord de Veracruz. Nous avons
vu que, dans certaines communautés, le savoir ethno-médical des spécialistes a
presque disparu (communauté d’Ajuate par exemple). Nous faisons également le
même constat concernant la différenciation par sexe et activité. Cependant, même s’il
existe une différenciation, le savoir présente un caractère collectif. Normalement,
dans les peuples autochtones, le savoir est pour la collectivité et non pour le bénéfice
exclusif de l’individu. Cependant, cet aspect ne se retrouve pas dans la totalité des
communautés étudiées. En effet, comme le montrent nos résultats, dans la
communauté d’Ahuacatitla, le consortium de Beto Ramón utilise les formules et le
savoir liés aux propriétés curatives des plantes de la région et d’autres régions, qu’il a
développés pour le bénéfice exclusif de sa famille et d’un profit monétaire. La défense
de la biodiversité et des plantes médicinales doit avoir comme prémisses que les
Ce sont surtout les spécialistes de la santé qui auront ce savoir qui sera gardé
et transmis uniquement à quelques personnes qu’ils auront identifiées. La protection
de ce savoir devient donc très complexe : il n’implique pas un individu mais la
collectivité. C’est pour cette raison que les plantes médicinales sont considérées
comme un bien commun ou communautaire ayant une valeur sociale (Anderson
2000) différente de celle donnée par la société industrialisée qui les conçoivent
souvent comme marchandises. Nous avons pu observer la contradiction entre ces
valeurs dans notre étude (valeur sociale vs. valeur économique). Cette contradiction
amène des problèmes tant pour la conservation des populations des plantes
médicinales que pour celle du savoir ethno-médical.
Suite aux résultats et analyses effectuées dans notre étude, nous pouvons
conclure qu’il faudrait nécessairement une coordination des actions, tant pour le
maintien de populations végétales importantes pour la médicine traditionnelle, que
pour la protection du savoir traditionnel. La connaissance et la compréhension des
relations entre les divers acteurs des différentes communautés permettront de
construire un plan de gestion participatif qui apparaît comme fortement recommandé.
l’identification des lacunes et les mesures possibles pour les combler ; par
exemple l’absence d’une structure locale forte pour quelques régions et,
la reconnaissance des conflits entre les intérêts locaux et d’autre part, les
règlements et politiques du gouvernement. »
Les plans de gestion devraient être basés sur le savoir local. Les acteurs
sociaux devraient être capables de contribuer, par leurs connaissances,
à la formulation de plans de gestion. Cette forme de connaissance aide à
identifier les plantes dominantes, les plantes médicinales, les espèces de
bois à brûler, et toutes les espèces utilisées. La participation locale
contribuera à l’identification des parties prenantes, des sources de
moyens d'existence et des conflits entre les cueilleurs, les institutions et
les guérisseurs.
Les résultats qu’apporte cette étude sont intéressants pour systématiser une
approche permettant une compréhension évaluative de la gestion des plantes
médicinales dans la région Nahua de la Huasteca Potosina, ainsi que de la complexité
et de l’hétérogénéité des pratiques. Ainsi, cette étude peut servir de porte d’entrée
facilitant la compréhension pour des projets de gestion de plantes médicinales. Nous
avons vu avec une spécialiste de la santé de Xilitla qui, à partir de notre intérêt et de
notre motivation, a décidé de fonder un jardin botanique médicale ouvert au
tourisme. Les opportunités sont nombreuses pour le développement local de ces
communautés, mais elles doivent être motivées par les institutions locales.
D’autres aspects de caractère plus ethnologiques qui n’ont pas pu être analysés
en profondeur dans le cadre de cette étude auraient pu être intéressants. Par exemple,
de mener une étude ethnologique approfondie sur le rôle du contexte spirituel et
religieux (cosmovision, système de croyances, perception, significations symboliques,
Angel Perez, ALd and Mendoza, MA (2004). "Totonac homegardens and natural
resources in Veracruz, Mexcio." Agriculture and Human Values 21: 329-346.
Angulo, MMd (1983). La Huaxteca Potosina en la época colonial siglo XVI. Mexico D.F.,
Academia Potosina de Ciencias y Artes.
Ankli, A, Sticher, O and Heinrich, M (1999). "Yucatec Maya Medicinal Plants Versus
Nonmedicinal Plants: Indigenous Characterization and Selection." Human
Ecology 27(4).
Anzures and Bolaños, C (1981). Medicina Tradicional Mexicana. México, Editorial SEP.
Arroyo, A, Román Güemes, Juan Manuel Pérez and Ramirez, GA (2003). La Huasteca:
Una aproximación Histórica. Pachuca, INAH.
174
Bibliographie 174
Austin, A (1984). Cuerpo huamono e ideología. Las concepciones de los antiguos nahuas.
México, UNAM.
Baez, L (2008). Saberes y prácticas terapéuticas entre los nahuas de Naupan, Puebla.
Curanderos y Médicina tradicional en la Huasteca. P. G. Arias. México,
Programa del desarrollo cultural de la huasteca: 209-237.
Balick, MJ (1996). "Transforming ethnobotany for the new millennium." Annals of the
Missouri Botanical Garden 83(1): 58-66.
Benz, BF, Cevallos, J, Santana, F, Rosales, J and Graf, S (2000). "Losing Knowledge about
plant use in the sierra de Manantlan Biosphere reserve, Mexico." Economic
Botany 54(2): 183-191.
Bibliographie 175
CDI (2005) "Diagnóstico de los pueblos Indígenas de la Huasteca." DOI:
http://www.cdi.gob.mx/ini/perfiles/regional/huasteca/
Coombe, RJ (2005) "Legal claims to culture in and against the market: neoliberalism
and the global proliferation of meaningful difference." Law, Culture and the
Humanities 1, 35-52.
Cuche, D (2004). La notion de culture dans les sciences sociales. Paris, La Découverte.
Cunningham, AB, Shanley, P and Laird, S (2008). Health, Habitats and medicinal plant
use. Human Health and forests: A global overview of issues, practice and policy.
London, Earthscan.
Bibliographie 176
Drew, JA (2005). "Use of traditional ecological knowledge in marine conservation "
Conservation Biology 19(4): 1286-1293.
Elio, NM, Franco Enriquez, JG, Montoya Ruiz, A, Garduño Andrade, MdlA and al, e
(2009). "Deterioration of health and working conditions in Mexico." Salud de los
Trabajadores 17(1): 61-68.
Frei, B, Sticher, O and Heinrich, M (2000). "Zapotec and Mixe use of tropical habitats for
securing medicinal plants in Mexico." Economic Botany 54(1): 73-81.
Gadgil M., BF, & Folke C. (1993). "Indigenous Knowledge for biodiversity
conservation." AMBIO 22(2): 151-156.
Gagnon, Y-C (2005). L'étude de cas comme méthode de recherche: guide de réalisation.
Québec, Presses de l'Université du Québec.
Bibliographie 177
Giovannini, P and Heinrich, M (2009). "Xki yoma' (our medicine) and xki tienda (patent
medicine)-Interface between traditional and modern medicine among the
Mazatecs of Oaxaca, Mexico." Journal of Ethnopharmacology 121.
Grimble R, Chan Man-Kwun, and, AJ and Julian, Q (1995). Trees and Trade-Offs: A
Stakeholder Approach to Natural Resource Management. Gatekeeper Series,
International Institute for Environment and Development.
Hamilton, AC, Shengji, P, Kessy, J, Khan, AA, Lagos-Witte, S and Shinwari, ZK (2003).
"The purposes and teaching of applied ethnobotany." People and plants working
paper march.
Bibliographie 178
Hunn, E (1999). The Value of Subsistence for the Future of the World. Ethnoecology
Situated Knowledge/Located lives. V. Nazarea. Tucson, University of Arizona
Press.
Ingold, T (1987). The appropriation of nature: Essays on human ecology and social
relations. Iowa, University of Iowa Press.
Lazos, E and Paré, L (2000). Miradas Indígenas sobre una Naturaleza entristecida:
Percepciones del deterioro ambiental entre nahuas del sur de Veracruz. Mexcio,
UNAM.
Bibliographie 179
Leyva-Flores, R, Kageyama, MdlL and Erviti-Erice, J (2001). "How people respond to
illness in Mexico: self-care or medical care?" Health policy 57(1): 15-26.
Lipp, FJ (1991). The Mixe of Oaxaca: Religion, Ritual, and Healing. Texas, Munro S.
Edmonson.
Lockhart, J (1969). "Encomienda and Hacienda: The evolution of the Great Estate in the
Spanish Indies." The Hispanic American Historical Review 49(3): 411-429.
Maffi, L (1998). Language: A Resource for Nature. Sustainable Agriculture and Food. J.
Pretty, Earthscan. 1.
McCallum, D (2000). Stakeholder Identification and Mobilisation: Draft Tool for the
Local-EPM Phase One Toolkit.
Miguel Ángel Martínez Alfaro, Virginia Evangelista Oliva, Myrna Mendoza Cruz,
Gustavo Morales García, Olazcoaga, GT and León, AW (1995). Catálogo de
plantas útiles de la Sierra Norte de Puebla. Mexico, Instituto de Biología,
Universidad Nacional Autónoma de México.
Bibliographie 180
Mexico." International Journal of Sustainable Development & World Ecology
16(6): 381-391.
Ostrom, E (1990). Governing the commons :The evolution of institutions for collective
action. Cambridge, Cambridge University Press.
Oviedo, P (2001). Les îles Galapagos: La gestion des conflits dans le secteur de la
conservation et de la gestion durable des ressources. Cultiver la Paix: Conflits
et collaboration dans la gestion des ressources naturelles. B. Daniel, Centre de
recherches pour le développement international.
Page Pliego, JT (2002). Política sanitaria dirigida a los pueblos indígenas de México y
Chiapas 1857-1995. Mexico, D.F., UNAM.
Pelto, PJ and Pelto, GH (1997). "Studying Knowledge, Culture, and Behavior in Applied
Medical Anthropology." Medical Anthropology Quarterly 11(2): 147-163.
Pionetti, C (2005). Sowing Autonomy: Gender and seed politics in semi-arid India,
Interntational Institute for Environment and Development.
Bibliographie 181
Posey, DA (1999). Cultural and spiritual values of biodiversity. Nairobi.
Ramirez, R (2001). Analyse des intervenants et gestion des conflits. Cultiver la Paix:
Conflits et collaboration dans la gestion des ressources naturelles. B. Daniel,
Centre de recherches pour le développement international.
Reyes García, V and Martí Sanz, N (2007). "Etnoecología: Punto de encuentro entre
naturaleza y cultura." Ecosistemas XVI(003): 45-54.
Roué, M and Nakashima, D (2002). "Des savoirs "traditionnels" pour évaluer les impacts
environnementaux du développement moderne et occidental." Revue
internationale des sciences sociales 173(3): 377-387.
Ruvalcaba, J and Pérez, JM (1996). La Huasteca en los albores del tercer milenio. Mexico
D.F., CIESAS.
Ryan, GW (1998). "What do sequential behavioral patterns suggest about the decision-
making process?: Modeling home case management of acute illnesses in a rural
Cameroonian Village." Social Science and Medicine 46: 209-225.
Bibliographie 182
Schippmann, U, Leaman, DJ and Cunningham, AB (2006). A comparison of cultivation
and wild collection of medcinal and aromatic plants under sustainability
aspects. Medicinal and Aromatics Plants. R. J. Bogers, L. E. Craker and D. Lange.
Netherlands.
Scotland, RW and Wortley, AH (2003). "How many species of seed plants are there?"
Taxon 52(1): 101-104.
Smith, DA, Herlihy, PH, Kelly, JH and Viera Ramos, A (2009). "The certification and
privatization of Indigenous Lands in Mexico." Journal of latin American
Geography 8(2): 175-207.
Bibliographie 183
Strauss, A and Corbin, J (1990). Basics of Qualitative Research: Techniques and
procedures for Developing Grounded Theory.
Tiedje, K (1998). Le Rôle de la Femme Nahua en Changement. Les Voix de Six Femmes
Indiennes de la Huasteque Potosine au Mexique. Departament de Sociologie et
Anthropologie. Lyon, Université de Lyon 2. Maitrise en Ethnologie.
Tiedje, K (2004). Mapping Nature, Constructing Culture: The Cultural Politics of Place
in the Huasteca, Mexico. Anthropology Department. Oregon, University of
Oregon. PhD.
Toledo, VM, Batis, AI, Becerra, R, Martinez, E and Ramos, CH (1995). "La selva útil:
Etnobotánica cuantitativa de los grupos indígenas del trópico humedo de
México." Interciencia 20(4): 177-187.
Bibliographie 184
Troche, V (1994). Le syndrome diarrhéique chez les enfants nahuas du Mexique, une
approche culturelle, diététique et médicale. Departement d'anthropologie.
Montréal, Université de Montréal. thèse de doctorat.
UNESCO (2009). Learning and Knowing in Indigenous Societies Today. Paris, UNESCO.
van Vuuren, DP, Sala, OE and Pereira, HM (2006). "The Future of Vascular Plant
Diversity Under Four Global Scenarios." Ecology and Society 11(2): 25.
Vandebroek, I, Van Damme, P, Puyvelde, LV, Arrazola, S and De Kimpe, N (2004). "A
comparison of traditional healers' medicinal plant knowledge in the Bolivian
Andes and Amazon." Social Science and Medicine 59(4): 837-849.
World Wide Fund for Nature, UNE, Scientific and Cultural Organization, Royal Botanic
Gardens Kew (1992) "Peoples and plant initiative." DOI:
http://peopleandplants.org/whatweproduce/handbooks/handbook1/internat
ional.htm
World Wildlife Fund for Nature, UNE, Scientific and Cultural Organization, Royal Botanic
Gardens Kew (1992) "Peoples and plant initiative." DOI:
http://peopleandplants.org/whatweproduce/handbooks/handbook1/internat
ional.htm
Bibliographie 185
xiii
Xilitla
Nom commun Nom nahuatl Nom Partie Maladies Partie Endroit Saison
scientifique Utilisé collecté trouvé disponible
Hierba mora Solanum Feuilles De bains pour Feuilles Achetée et Pas toute l’année
nigrescens la douleur cultivée dans
le jardin
domestique
Mohuite verde Justicia Branches Hypertension Feuilles Culture dans le Toute l’année
ou muicle spicigera artérielle, jardin
« susto » domestique.
Hierba del Solanum Branches Pour les rêves Branches Culture dans le
Muerto pubigerum et Feuilles avec de morts jardin
Dunal (barridas) domestique.
Albahacar de Ocimum Branches Barridas Branches Culture dans le
monte micranthum limpias jardin
domestique
Cordoncillo Piper sp. Branches « Barridas » et Branches Jardin
pour de bains, , feuilles Domestique,
hémorragies forêt
post-partum secondaire
Annexe I. xiii
xiv
Annexe I. xiv
xv
Annexe I. xv
xvi
La Herradura
Nom Nom Nahuatl Nom Partie Maladies Partie Endroit trouvé Saison
Espagnol scientifique Utilisé collecté disponible
Flor de Peña Texochitl Selaginella Fleurs Le cœur Branches Dans les Tout le temps
sp. chemins ou
achetée
Caña agria o de Xucucoatl Feuilles, Vessie, Toute la Forêt
puerco Branches problèmes plante secondaire
pour uriner
Cola de Caballo Feuilles Vessie Feuilles Dans la rivière Tout le temps
et
Branches
Maiz Zea mays cheveux Vessie Milpa
Mohuite Justicia Branches Barridas, Branches Jardin Tout le temps
spicigera limpias domestique
Annexe I. xvi
xvii
Ejido de Limontitla
Nom Nom Nahuatl Nom Partie Maladies Partie Endroit trouvé Saison
Espagnol scientifique Utilisé collecté disponible
Siete dedos Feuilles Attaques Achète les
feuilles sèches.
Eucalipto Eucalyptus Feuilles Toux Feuilles Forêt Toute l’année
globolus secondaire ou
chemins
Raspa Petrea Écorce Pour l’utérus Achète les
sombrero flor volubilis L. post-partum feuilles sèches.
morada
Madura Hamelia Racines Arthrites, Toute la Jardin Tout le temps
Zapote patens ulcère plante domestique,
forêt secondaire
Escobetilla Feuilles Diarrhée Achète les
Annexe I. xvii
xviii
feuilles sèches,
vient de
Querétaro
Cuculmeca Cusulnacatl Feuilles Pour l’utérus Ils achètent les Tout le temps
le dégonfler, et feuilles sèches.
brûler la
graisse
Lengua de Inenepi Toux Cultivée jardin
tlacoache tlacoachi domestique
Perlas de la Icus la Virgen Feuilles Espanto, Susto Cultivée jardin Tout le temps
virgen domestique
Palma Apachtli Camote Hémorragie et Cultivée jardin Tout le temps
dysenterie domestique
Nido de Cnidoscolus sp. Feuilles et Température Racines, Cultivée jardin Tout le temps
Papan racines et espanto et domestique
feuilles
Lengua de Inenepi Opuntia SP. Feuilles Vomissement Feuilles
Vaca Cuacatl et
Branches
Kuetlaxochitl Euphorbia feuilles Éruption feuilles Achetée pour
hirta cutanée faire la culture,
marché
Huichihuayan
Chaya, feuilles Diabètes, feuilles Cultivée jardin
Hypertension domestique
Annexe I. xviii
xix
artérielle
Nopal Nopalea sp. Diabètes Achetée ou
cultivée
Hierba nimm Azadirachta Feuilles Hypertension Feuilles Achetée et
indica artérielle, mal cultivée à
à la tête, Huichihuayan
Diabètes
Hierba Totopoxiutl Tecoma Feuilles Constipation Feuilles Cultivée jardin
Tronadora stans (L.) et domestique
Branches
Cuamuro, Quiquizcuauatl Feuilles Hypertension Feuilles Forêt Pas tout le temps
artérielle secondaire
Chile piquín Capsicum Racines Impuissance Racines Jardin Tout le temps
annuum domestique
Mala mujer Racines Impuissance Racines Cultivée jardin
ou ortiga domestique
pequeña
Aguacatillo, auakachixkuau Nectandra Racines et Morsure de Racine, Jardin
itl globosa écorce vipère écorce domestique
Hierba Chichixiuitl Racines Morsure de Racine Forêt
amarga, vipère secondaire
Guaco chichixiuitl Mikania aff. Morsure de Forêt
Houstoniana vipère secondaire
Annexe I. xix
xx
Annexe I. xx
xxi
Tlamimil
Nom Nom Nahuatl Nom Partie Maladies Partie Endroit trouvé Saison
Espagnol scientifique Utilisé collecté disponible
Eztafiate Iztaiat Ambrosia Feuilles vomissement, Feuilles
artemisiifolia douleur de
l’estomac
Kimishcacali douleur de
l’estomac
Annexe I. xxi
xxii
Annexe I. xxii
xxiii
enceintes domestique
Température Jardin Tout le temps
Dinero Cuatomi Feuilles Feuilles domestique
Bocconia Désenflammassi Jardin Tout le temps
Mano de Leon frutescens Feuilles ons du ventre Feuilles Domestique
Madura Hamelia Diarrhée, mal Jardin Tout le temps
Platano patens Feuilles digestives Feuilles domestique
Toronjil Agastache Feuilles Pour la tristesse Toute la Forêt secondaire À la forêt tout le
mexicana du cœur. plantes ou cultivée temps
racines
aussi
Floripondio Santa Maria Brugmansia Feuilles Douleur, parties Feuilles Communauté Au printemps
Chiquichica candida gonfler
Pers.
Annexe I. xxiii
xxiv
tomatillo Xixictumatl racines Toux et pour la racines et Forêt secondaire, tout le temps
température Feuilles par tout
Annexe I. xxiv
xxv
Axtla de Terrazas
Nom Nom Nahuatl Nom Partie Maladies Partie Endroit trouvé Saison
Espagnol scientifique Utilisé collecté disponible
Tzinzot Cissampelos Feuilles Diarrhée, Feuilles Essaie de la Avril, mai et juin
pareira L indigestion, cultiver, très
douleur de difficile de la
l’estomac trouver dans la
forêt secondaire
Contra Koapatli Ruta sp Racines, Piqures de Toute la Forêt Tout le temps
hierba Feuilles, scorpion et de plante secondaire,
branches vipère forêt primaire,
mais difficile à
trouver
Naranjillo, Uitzijietotl Feuilles Problèmes Feuilles Milpa Tout le temps
arból con respiratoires,
espinas bronchite,
asthme
Cuauijietotl, es Feuilles Problèmes Feuilles Forêt Avril, mai, juin,
quia respiratoires secondaire juillet
Chi’chitle, Écorce ulcères, Écorce Forêt Tout le temps
árbol muy améliore la secondaire
grande, digestion et
madera dura reins
Semilla de semences Amibes Achetée
calabaza
Annexe I. xxv
xxvi
Jalpilla
Nom Nom Nom Partie Maladies Partie Endroit trouvé Saison
Espagnol Nahuatl scientifique Utilisé collecté disponible
Ishguaken Feuilles Diarrhée ou Feuilles Monte (forêt
dysenterie secondaire)
Flor de Feuilles Diarrhée, Feuilles Monte (forêt
Castilla indigestion secondaire)
Xonote Heliocarpus Feuilles Diarrhée Feuilles Partout Tout le temps
sp.
Tzinsacaquili Vomissement Monte (forêt
ch Espanto secondaire)
Sauco Écorce Démangeaison Écorce Monte (forêt
s vaginales et secondaire)
rectales
Cihuapatli Montanoa sp. Hémorragies Monte (forêt
secondaire)
Annexe I. xxvi
xxvii
Annexe I. xxvii
xxviii
i A veces no le llegan muchos clientes porque no les hace provecho, pero al señor que fueron a
ver el miércoles ese diario le está llegando pero él no les cobra, sino sólo lo que puedan dar, y ve
que uno les hace provecho y entonces ellos invitan a mi me hizo provecho es como usted, que me
conoció por un recomendado y bueno entonces empiezan a ir porque saben que es bueno. »
La Herradura, agosto 2008.
ii «Curó a uno, luego a otro, de aquí mismo de la región, luego su fama se fue extendiendo al
pueblo y llegaron más gente, luego al municipio, y del municipio a otros lugares y así salió su
fama fuera del estado de San Luis Potosí … gente de las ciudades que venían a buscarlo y aquí
con el encontraban su salud y así fue como se fue extendiendo su fama. »
Belem Ramón Pozos, julio 2008.
iii « Mucha gente va [con ella] y le pide medicamento entonces ella como ya falleció mi compadre,
entonces ella está apoyando con lo poquito que sabe ella, entonces sabemos que ella conoce el
medicamento. »
Agosto 2008.
iv « Yo traigo de mi nacimiento del don porque [su abuelo curaba] venía aprendiendo la hierbas
medicinas porque me enseñan en el sueño como ahorita yo te estoy dando, así me enseñan
entonces así yo consigo o pregunto si lo conoces y entonces me dicen si si y entonces me lo traen
[las plantas] pues porque aquí no hay. »
Ejido de Limontitla, agosto 2008.
v “Para mí lo más importante son las medicinas naturales, porque ese no hace daño y yo lo he
calado a mi cuando me operaron yo me tomé todas las patillas que me dieron y me hizo daño,
[porque me hizo daño] después me arde la panza y yo herví el maduro zapote la raíz hervido y
con ese más sentí mejor con ese se me quito todo el ardor lo que me picaba. »
Limontitla Agosto 2008.
vii Pues es que es por bendición a nuestro diosito hay unos benditos también pero no hacen
curaciones [algunas plantas] quiere decir no tiene su espíritu [el de dios], es igual como nosotros
si amamos diosito nos da lo que queremos y si no pues no nos da nada. Yo doy promesa y pido
diosito que me enseñe más, da promesa y el corazón de pollo hay que enterrar para la gracia de
la tierra, en cualquier día, menos los lunes, jueves y viernes porque son el día del brujo cuando
hacen la maldad. […]como dicen los médicos, esa tierra has de cuenta que es como nuestra
madre porque ella nos ha dado maíz para hacer tortilla, plátano nos ha dado agua así dicen
porque yo antes no sabía yo le pregunté a un médico, ya tiene como 90 años [...] yo le preguntaba
yo le dije mira, oiga doctor yo te voy hacer una pregunta haber dime, pues yo hoy en la mañana
soñé que una madre y grande como 50 mts de su altura y me habló y me dio su mano pero esa
madre yo nunca visto, negro pero negro, y su cabello largo, entonces ya me dijo mira hijo mío
pus tu debes me debes porque te ha dado tantas medicinas te ha dado agua te ha dado de comer
y no me ha dado una gracia bueno entonces ya así le pregunté, pues como va salir esto. Dice :
mira pues yo ya estoy viejo mira hay que respetar ese tierra ese es tierra lo que tu soñaste
porque es negro dice ni modo hay que dar porque yo le digo que yo le riego, hay que darse y
pues que te pido, pues yo le pregunté que que quiere no pus con un gallito que lo doy na más el
corazón del gallito así me dijo, hay que quitar el pollo y hay que sembrar su corazón y pues así
hice y pues ahí ya empecé mas como que me enseñó mas medicina, conocí más medicina y
rápido porque antes pues de veras no conocía medicina para dolor del estómago solo usaba
romero, epazote y hoja de aguacate oloroso, es todo ya sé esa medicina para el dolor de
estómago y para lombrices yo le doy esa hierba de zorrillo y también lo machaco un diente de
ajo lo hiervo y le da uno tomado y todos salen pa fuera na más así empecé no sabía nada y ahora
no un montón de medicina conozco. »
Ejido de Limontitla, Agosto 2008.
viii [La colecta de las plantas se da] en la luna cuando esta tierno o acabada la luna no se puede
recolectar las plantas, porque si tú tienes una mata que lo que la has plantado se seca, se seca la
planta porque la luna está acabada. Tiene que ser antes de que se haga llena par que no se seque,
así nosotros sabemos que no se puede cortar »
Jalpilla, juinio 2008.
ix « Nosotros [los nahuas] ponemos mucho interés [a la naturaleza] sabemos cuándo es la luna
tierna, el cuarto menguante cuando hay que sembrar cuando no hay que sembrar, no puedes
cortar un árbol si es para tu casa cuando la luna esta tierna, porque si la luna esta tierna, ese
madera se va a deshacer y si es cierto si pasa. Entonces hay que cortarla cuando la luna esta ya
que no esté tierna, entonces así se hace y esa costumbre la seguimos utilizando »,
Axtla de Terrazas, agosto 2008.
x «Yo me acuerdo que yo ya era grande yo tenía como 10 años y el dormía, se iba a dormir como
a la una o dos de la mañana por que el estaba estudiando las enfermedades y que hierbas curan
el cáncer o la leucemia, y así se la pasaba y luego iba y buscaba las hierbas y las preparaba el
solito él solito preparó sus productos »
Belem Ramón Pozos, Ahuacatitla, julio 2008.
xi «A pesar de que los muchachos que saben y conocen de hierbas y que de repente quisieran
hacer otro tratamiento nuevo no lo hemos hecho pensamos que si lo hacemos la gente va a
empezar a perder la confianza, es decir ha caray entonces sus hijos ya se dedican a hacerlo ya no
lo hizo Beto Ramón y no entonces aunque ya no hay productos nuevos, por que el siempre hacia
productos ahí dejamos de producir cosas nuevas. »
Belem Ramón Pozos, Ahuacatitla, julio 2008.
xii « […] empezó a pedir libros de botánica, los buscó, los estudió y así fue como fue
enriqueciéndose él en el saber de la botánica, ya no nada más empezó a curar enfermedades
sencillas sino que buscó hierbas por otros lugares y retirados, ya no son hierbas que se dan aquí
en la región […] las hierbas a nosotros nos la mandan de la Ciudad de Guadalajara y Ciudad de
México [y] de Chiapas […]»
Belem Ramón Pozos, Ahuacatitla, julio 2008.
xiii «En la ciudad de México la compramos en los mercados en el mercado de sonora, en la ciudad
de México, aquí hay un lugar que se llama Ciudad del maíz de aquí del ciudad de maíz, que es un
lugar desértico que no hay esas plantas no hay aquí entons nos las trae de ahí, y las que son
curativos de aquí de la región cada miércoles los lugareños la traen y se las compramos […]»
Belem Ramón Pozos, Ahuacatitla, julio 2008.
xiv «Sus tradiciones nosotros tratamos de que no desaparezcan por ejemplo[…]la bendición a las
hierbitas eso ya se va hacer en unos 15 días, esa es una tradición que el nos dejó que hay que
agradecerle a la madre naturaleza por todo lo que nos da, entonces nosotros sacamos todo de
todo lo que tenemos allá arriba de los productos medicinales de todas las hierbitas, sacamos
hasta de los animalitos que curan [...] todos los animalitos se sacan se hace un altar se llena con
flores de aquí del lugar, y veladores y el incienso que es el copal y se trae a un viejito a uno de los
mas viejitos que saben hablarle al dios padre, a la naturaleza al dios sol, al dios agua, si, entonces
se hace esa tradición y el empieza a rezar en nahua y a hablarles y a agradecerles. Y esa
tradición la hacemos cada año, es como un agradecimiento a lo que nuestra madre naturaleza
nos da. Se ha cambiado [la fecha], antes era cada año el mismo día, ahora no […]»
Ahuacatitla, julio 2008.
xv « Al morir el médico [tradicional] ya no hubo nadie que siguió, nosotros ahora vamos a la
clínica ahí en Petatillo. La que sabe de plantas es Chimina»,
Ajuate, Julio 2008.
xvi « Mañana voy a la clínica por que sufro de presión alta y ahí me curan me dan medicina.
También tomo hierba, toronjil, pero la medicina es buena, sirve bien. Pero cuando no tengo pues
tomo la hierba »,
Ajuate, Julio 2008.
xvii « Cuando nosotros tomamos agarramos una planta medicinal en primer lugar decimos
primeramente dios porque dios todo dejó en este mundo las cosas benditas entonces pus
sabemos que nos va a servir las plantas que están en el mundo, porque nadie ha hecho sino que
es dios lo que hizo, por eso todas las cosas en primer lugar es encomendar a dios. »
xviii « Cuando [la luna] está tierno o acabada la luna no se puede recolectar las plantas, porque si
tu tienes una mata que lo que la has plantado se seca, se seca la planta porque la luna está
acabada. Tiene que ser antes de que se haga llena par que no se seque, así nosotros sabemos que
no se puede cortar. […] Cuando ya después la luna acabada después ya tu puedes cortar las
plantas hasta que se haga llena, también cuando ya esta cuando la luna ya hizo llena para
delante se sazona las plantas las hojas ya están macizas como que ya se están amarilleando es
porque ya se va a caer las hojas, tan las plantas nuevas ,
Ajuate, juillet 2008.
xix « Primero van a agradecer para poder ocupar ese elote, así yo veía que lo hacían, después van
hacer tamales de elotes, cocían elotes y a comer. Si habían niños les daban a los niños le
mandaban al compadre, a la vecina, al vecino a todos, tamalitos de elote porque ese es la primera
vez que van a tener. Ya después si pueden ir a traer dos o tres elotes ya se pueden porque ya le
agradecieron a dios y luego cuando va a ir a cosechar primero cosechan todo el maíz todos ya
terminan una milpa entonces ya empiezan a hacer tamales o pachatles o tamalitos chiquitos van
a traer el maíz y los más grandes y ese maíz el mazorca le ponen una florecita y le amarran un
listón. Entonces si quieren hay música y tocan y bailan. Y después ese maíz lo inciensan. Ya no se
hace aquí porque no hay milpa ».
Ajuate, juillet 2008.