Decrypter Les Gens

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Décrypter les gens

Lorsque nous interagissons avec une autre personne, notre premier réflexe pour comprendre ce
qu’elle pense ou ce qu’elle ressent consiste à scruter attentivement son visage. En effet, avant
même que nous soyons conscient de la présence de l’autre, notre ‘système interne’ élabore un
jugement en fonction de la forme et des expressions de son visage. Il nous faut à peine un
dixième de seconde pour avoir une ‘réaction instinctive’ (instantanée et inconsciente) lorsque
que nous rencontrons une personne pour la première fois. Sentiment de recul ou au contraire de
confiance, cette première impression s’avère bien souvent juste. Dans un délai de
0,5 à 10 secondes, notre système interne formule un jugement conscient souvent identique au
premier jugement, et qui viendra valider celui-ci. Rapide, cette première impression s’inscrit dans
la durée. Elle est de l’ordre des ‘réactions viscérales’, en référence aux réactions intenses des
tissus nerveux de notre système digestif face aux émotions. Toutefois, même si nous devons
tenir compte de nos réactions, nous devons également prêter attention à nos ‘jugements
instantanés’ ou nos préjugés, en essayant de les dépasser pour mieux évaluer notre
interlocuteur.

« L’idée que le caractère des gens est inscrit sur leur visage n’est pas
nouvelle. »

La forme et les proportions du visage jouent également un rôle important dans le processus de
décryptage de votre interlocuteur. Les découvertes scientifiques ont révélé qu’il existait une
caractéristique spécifique du visage déterminant le caractère d’une personne : les personnes au
visage large et aux pommettes proéminentes sont ‘plus dominatrices, plus agressives et moins
honnêtes’ que les personnes dotées d’un visage plus fin. D’autres expériences ont indiqué que
des hommes ayant un visage ‘plus large que long’ étaient plus ambitieux, avaient davantage de
chances de remporter des élections politiques et avaient l’étoffe de leaders. La symétrie du
visage donne quant à elle des informations sur le passé et la personnalité d’un individu. Des
traits dissymétriques pourraient indiquer une ‘enfance défavorisée’, alors qu’un visage plus
symétrique serait le signe d’une éducation et d’une enfance plus avantagées.
« Les individus ayant un visage plus symétrique avaient reçu une
éducation plus privilégiée et connu une enfance plus facile que les
personnes au visage asymétrique. »

Les yeux sont également un élément fondamental pour décrypter les pensées de votre
interlocuteur. Les variations émotionnelles provoquent des modifications de la taille de la pupille,
alors que la couleur et la forme de l’iris indiquent des traits de caractère spécifiques. Certaines
études ont révélé, par exemple, que les personnes aux yeux foncés seraient plus ‘dominatrices’
que celles aux yeux clairs. De même, des personnes dont l’iris est ‘lisse et homogène’ seraient
extraverties, alors que celles dont l’iris est plus ‘densément lamellé’ font davantage preuve de
méfiance et d’impulsivité. Ces affirmations sont toutefois à nuancer, car si le patrimoine
génétique joue indéniablement un rôle très important, de nombreux autres facteurs tels que
l’environnement peuvent également influencer le comportement des individus.
Nous émettons tous des signaux, conscients ou non, pour envoyer des messages à nos
interlocuteurs. Le fait que la plupart de ces signaux soient ‘délibérés’ n’empêche pas qu’ils
puissent être autant sincères que mensongers. Les six expressions universelles communes à
toutes les cultures sont ‘le dégoût, la peur, la tristesse, la joie, la colère et la surprise’.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces émotions ne sont pas des sentiments, mais
plutôt des modifications corporelles qui nous rapprochent – ou nous éloignent – de ce qui
pourrait être nécessaire à notre survie. Lorsque vous ressentez du dégoût pour quelque chose,
par exemple, vous fermez la bouche, rétrécissez vos narines et froncez le nez. Vous le faites
inconsciemment pour empêcher des éléments toxiques de pénétrer dans votre organisme.
Lorsque nous ne cherchons pas à feindre nos émotions, nous produisons des ‘macro-
expressions’. Celles-ci s’impriment momentanément sur notre visage, car les changements
faciaux qu’elles génèrent sont complexes à contrôler. En revanche, lorsque nous essayons de
dissimuler nos véritables sentiments et pensées, nous produisons des ‘micro-expressions’.
Celles-ci sont extrêmement fugaces. Identifier ces différents signaux vous permettra de
déterminer si une personne est sincère ou non.
« Lorsque l’on plonge son regard dans les yeux de quelqu’un, on voit son
esprit – c’est-à-dire son cerveau. »

Le langage du corps est généralement ‘plus révélateur qu’un visage car il est toujours
inconscient’. Décrypter le langage corporel d’une personne est complexe parce qu’il faut tenir
compte d’informations parfois inaccessibles (telles que sa personnalité). En revanche, il est
généralement possible de percevoir ses émotions en examinant sa posture, ses mouvements ou
sa façon de marcher. Une étude réalisée sur 2000 négociations commerciales a ainsi révélé que
si une des deux parties avait croisé les jambes au cours de la négociation, aucun n’accord
n’avait été conclu. La position de vos pieds transmet également un signal fort : vos pieds
pointeront vers la direction que vous souhaitez prendre ou vers la personne à laquelle vous vous
intéressez. Si, au contraire, vos pieds pointent vers une autre direction que votre interlocuteur,
cela peut être un signe d’ennui.

« Les micro-expressions sont des ombres fantomatiques de ces macro-


expressions. »

Notre mode vestimentaire véhicule également un signal fort sur notre personnalité. Attention,
toutefois, à ne pas juger une personne sur sa tenue lorsque vous la rencontrez pour la première
fois. En général, les individus, hommes ou femmes, s’habillent pour impressionner les autres,
aussi l’image qu’ils projettent n’est pas toujours fidèle à la réalité. Une étude réalisée sur la
manière dont les individus s’habillent pour un rendez-vous amoureux a démontré que les
hommes choisissaient leur tenue en fonction de sa faculté à projeter une image d’aisance
financière, alors que les femmes optaient pour des vêtements qui mettent en avant leur
physique. Il est également possible de manipuler les autres grâce à la tenue vestimentaire.
Porter des vêtements de couleur rouge pour les femmes serait, selon une idée communément
admise, le signe que celles-ci seraient ‘sexuellement disponibles et plus amicales’. Une étude a
révélé que des serveuses portant un tee-shirt rouge obtiennent un pourboire 26 % supérieur à
celles portant un haut de couleur différente.
En associant des groupes de mots à des comportements, le psychologue Raymond Cattell est
parvenu à distinguer cinq grands modèles de comportement (les Big Five), également connus
sous l’acronyme OCEAN : Ouverture, Conscience, Extraversion, Amabilité et Névrosisme. Le
test des Big Five est utilisé en psychométrie pour obtenir une représentation schématique de
votre personnalité, et évaluer vos points forts et vos compétences. Connaître les différentes
facettes de la personnalité d’un individu permettra non pas de modifier son comportement, mais
plutôt de mieux comprendre celui-ci. Les tests psychométriques sont souvent utilisés et exploités
par les ressources humaines lors du processus de recrutement. Pour décrire la personnalité
d’un individu, on peut également faire appel aux systèmes de typologie qui classent les individus
dans différentes catégories. Le plus célèbre est le Myers-Briggs Type Indicator (MBTI) qui
repose sur la psychologie jungienne et permet de dégager un profil en fonction de 16 types de
personnalité.
« Nous sommes facilement influencés par l’assurance des autres, et l’on
donne trop d’importance aux étalages de confiance. »
Si nous avons tous une personnalité dominante, il n’est pas rare que nous ayons plusieurs
‘personnalités mineures’ qui émergent dans certains contextes particuliers. Ainsi, nous
possédons en moyenne sept ‘moi mineurs’. Pour la psychologue Patricia Linville, les individus
ayant une ‘personnalité multidimensionnelle’ sont mieux protégés contre les maladies, le stress
ou la douleur. En effet, un événement stressant aura moins d’influence sur un individu ayant une
personnalité à facettes, car cet événement n’affectera qu’une seule – ou quelques-unes – de
ses différentes personnalités, les ‘zones non contaminées’ (ses autres personnalités) agissant
‘comme des amortisseurs’. Comme pour les autres tests de personnalité, il est possible
d’analyser vos personnalités mineures ou celles des autres en utilisant un ‘cadre de référence’,
c’est-à-dire en vous imaginant dans un rôle particulier et en répondant aux questions de ce point
de vue uniquement. Les changements de personnalité sont liés au phénomène de ‘mémoire
dépendante de l’état’. C’est-à-dire que l’individu se qui retrouve dans le même état d’esprit qu’il
avait lors de l’expérience d’origine s’en souviendra mieux. Lors d’une expérience, les chercheurs
ont demandé à deux groupes de mémoriser une série de mots. L’un des deux groupes était
alcoolisé. Le lendemain, les deux groupes ont bu de l’alcool avant de restituer les mots
mémorisés la veille. Les personnes du groupe alcoolisé de la veille ont obtenu de meilleurs
résultats que les individus du groupe sobre.
Analyser la façon dont des personnes discutent, et modifier légèrement leurs réponses, permet
d’améliorer leur communication entre elles ou de résoudre les conflits entre des individus aux
personnalités opposées. C’est tout l’enjeu de l’analyse transactionnelle (AT), développée par
Éric Berne au cours des années 1950. Pour ce psychologue, lors de ses interactions avec autrui
chaque individu est influencé par les ‘trois états du moi’ : l’adulte (qui ‘gère la réalité de l’instant
présent’), le parent (dont les pensées et comportements sont influencés par ses parents ou
d’autres figures d’autorité) et l’enfant (dont les pensées et comportements sont ceux du petit
garçon ou de la petite fille qu’il ou elle a été). Ainsi, la communication est optimale lorsque votre
moi adulte tente de communiquer avec le moi adulte d’une autre personne, et qu’il obtient de
celle-ci une réponse de moi adulte. En revanche, l’interaction peut ne mener nulle part si vous
obtenez une réponse du moi parent. Berne pense en outre que la majorité des individus
‘développent un état de moi adulte, mais, au fond d’eux, gardent un moi parent et un moi enfant’.
« Tenter de décrypter les gens sans tenir compte de leur société serait
comme essayer de comprendre une abeille hors de sa ruche. »

Le langage n’est pas notre seul outil de communication. Nous utilisons en effet des signes
inconscients ‘physiques et comportementaux’ pour nous présenter aux autres. Comprendre et
reconnaître ceux-ci permet de les utiliser comme ‘outils sociétaux’. Ainsi, on a souvent tendance
à croire que les personnes qui montrent beaucoup d’assurance ont un statut socioéconomique
élevé et qu’elles jouissent d’une situation professionnelle enviable. Pourtant, il existe une forte
corrélation entre un niveau de confiance élevé et un niveau de compétence faible, c’est ce qu’on
appelle ‘l’effet Dunning-Kruger’, en vertu duquel les individus les moins qualifiés dans un
domaine surestiment souvent leurs compétences. Toujours est-il que les personnes qui font
preuve d’assurance sont celles qui nous influencent le plus, car nous accordons trop
d’importance aux manifestations extérieures de confiance.

« Notre besoin d’appartenance à un groupe est si fort que nous modifions


régulièrement nos perceptions et opinions pour nous conformer à la
majorité. »

L’influence et la persuasion sont deux démarches distinctes. La première est une ‘façon
indirecte, cognitivement complexe, d’atteindre nos objectifs’. Elle est enracinée dans notre
inconscient. Quant à la seconde, souvent apparentée à la manipulation psychologique, elle vise
à changer notre comportement ou notre perception, et appelle à la réciprocité. N’avez-vous
jamais reçu des appels aux dons d’associations caritatives accompagnés de petits cadeaux ?
Cette tactique pousse un grand nombre d’entre nous à nous sentir obligés de ‘donner quelque
chose en retour’. Pour Robert Cialdini, psychologue spécialiste de la persuasion, vos
interlocuteurs seront plus réceptifs s’ils vous sont ‘redevables’ d’un service que vous leur avez
rendu dans le passé. La persuasion utilise également l’engagement comme stratégie visant à
favoriser l’adhésion à une idée particulière.
Pour qui souhaite décrypter le comportement de ses congénères, il est indispensable de tenir
compte des différentes ‘strates de regroupements humains’ suivantes :
•Le groupe : en tant qu’êtres humains, nous avons besoin des autres, parce que nous
sommes incapables de faire face seuls à nos besoins fondamentaux. Le type de groupe
privilégié par les êtres humains est la ‘meute’. Dans une meute, chaque relation sociale
active des connexions neuronales spécifiques dans le cerveau d’une personne, mais le
nombre des informations sociales que peut gérer le gros néocortex est limité. Le nombre
de relations approfondies que peut entretenir un individu est donc restreint. Pour
l’anthropologue Robin Dunbar, une meute doit compter au maximum 150 personnes.
Parfois, notre besoin d’appartenance à un groupe nous pousse à modifier nos opinions et
nos convictions. Ce mécanisme est connu sous le nom de ‘pensée unique’. Appliqué
dans des situations politiques ou militaires, il peut avoir des conséquences désastreuses.
•La famille : il s’agit du groupe social le plus uni et il est ‘universel’. L’ocytocine est le
transmetteur hormonal libéré par le cerveau des individus qui se sentent proches. Son
taux s’élève en présence de l’être cher et diminue en cas d’éloignement. Il est
indispensable dans la conservation de l’unité familiale. La fonction la plus fondamentale
de l’ocytocine consiste à donner aux bébés le sentiment de sécurité qui les aidera à
développer une ‘base émotionnelle’ optimale dans la vie.
•La foule : dans la foule les comportements extrêmes peuvent apparaître. Un
attroupement paisible peut rapidement virer à l’insurrection. Comprendre une foule est
important pour prévoir son comportement. Pour que la situation dégénère, il faut qu’au
moins deux des facteurs suivants soient présents : paroxysme des émotions, présence
d’une menace extérieure, ‘antagonisme’ ou ‘opposition externe’, et phénomène
d’imitation.

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