Bex - 1969 - Le Jardin Gillet, Kisantu

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Le Jardin Botanique de Kisantu fut créé par le


R . F. Justin Gillet. de la Compagnie de Jésus. qui fut
longtemps une des figures les plus populaires du
Congo.
N é à Paliseul (Belgique) le 18 juin 1866. il en­
tra en Religion en 1886, partit pour l'Afrique en 1893
et mou rut à Kisantu, le 22 juill et 1943. quelques mois
avant de fêter ses cinquante ans de séjour au Congo.

C'était un d e ces botan istes congolais de la pre­


mière heure. un «dur à cuire». un de ces hommes secs.
coriaces. obstinés qui viennen t à bout de toutes les
diffic ultés. T ra vaillant dans des conditions que nous
avons peine à imaginer aujourd'hui. il a rendu d 'ines­
timables services à la Science et à son pays d'adop­
tion. Dans l'histoire de la Botanique et de l'Agricuture
C ongolaises, le Frère Gillet et son œuvre. le Jardin
de Kisantu, tiennent une place de tout premier plan.

t..e I}at~în ~' é$$aî$ ~e f(î$aniu

C'est a u début de 1900. q u'il s'installa à l' empla­


cement actueL quelq ues mois avan t la fonda tion du
Jardin Botanique d'Eala.
A côté de la culture des légumes, nécessaire à
la bonne santé des missionnaires, il entreprit aussitôt
d 'introduire et d 'acclima ter au C ongo, les plan tes
q u'il jugeait les plus intéressantes pour le pays. Ce
Jardin d'Essais prit ra,pidement une vas te extension.
D ès les débuts , il rèussit à se procurer de nom­
breuses variétés d 'A grumes et autres arbres fruitiers
tropicau x et c'est dans ses ric hes collections que la
Station F ruitière de l1néac à Mvua zi vint chercher
son matériel de départ. En 192 4, il récol tai t dé jà des
P êches et il acclimatait le Mangous tanier d' Indoné­
sie, dont le Jardin possède le verger le pl us importan t
d'Afrique.
Il expérimenta de nombreuses varié tés d e manioc ,
venu es de tou tes les parties d u mon de. Déjà alors, il
recommand ait tou t pa rticulièrement la variété «A ipin
valenca» qu 'il fit venir d'I n donésie et dont il envoya,
à partir des années 1925 , des millers de mètres de
boutures a u Gabon et dans les autres pays de l'ex ­
AEF . U ne variété d e manioc doux multipliée par lui.
la variété «mameya» connait un très vif succès dans
la région de Kisantu.
Le Paspalum notatum, le gazon que l'on trouve
dans tous les jardins du Congo est une de ses intro­
LE HEV . FREnE J USTIN GILL E~T , S .J .
d uctions les plus connu es.

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Les Bana niers J'intéressaient très for t, aussi bien
les variétés à fruits comestibles q ue les variétés orne-
mentales à graines. Il en avait une collection de plus
de cinquante variétés et c'est grâce à ses sélections
q ue le Bananier se répandit dans tout le. Bas-Congo.
où il é tait à peine cultivé. C'est par les envois de t.tzS 7Jlal1t~s O'tn~HI€ntaltzs
Kisantu, - que nous contin uons encore maintenant
- que d es firmes réputées , comme Vilmorin-Andrieu x
à P aris (Fral1Ce). Darnman à Teducc10 ( Italie ) et D e tempéramen t, le F. Gillet était horticulteur et
Van Houtte à Gand (Belgique ), ont p u mettre sur g rand ama teur de plantes ornementales. Bien que le
le ma rché des graines de Bananiers ornementaux à C on go ne soit pas spécialement riche en plantes hor-
grand s uccès , comme le Musa arn.aldiana, Musa gil­ ticoles, certaines variétés qu 'il exporta en E urope sont
Zetii, Musa mbronerv.ata, Musa ruandensis . en trées d ans le commerce courant. Citons la Sansiv ie­
Quand au R iz , il en avai t d e nombreuses variétés ra laurentii var. panachée, qui est la pl us connue et
en expérimenta tion: Ory za sa tiva, O . montana, O. dont il existe d e grosses e xploitations en Floride et
S ativa var. Mochi, d e Birmanie, O . Sativa var. gluan­ aux Iles Canaries. D'autres Pla n tes ont été grâce à
te du Japon . etc. Dès les an nées 1920. il lançait la lui, importées en E u rope et en Amériq ue: les E nce­
culture d u Riz de mon tagne dans le Ba s-Congo, cul- phalart'Ûs lau ren tianus et lemarinellus , les H aeman­
ture qui allait se répandre rapidement dans tou te la hus, Ne phtytis p,icturata, P.alisota p ynaertii, les Fi­
P rovin ce d e Léopoldville. cus d rye pondtianus et lyra ta, les Dracaena d eremen­
Après d'innombrables essais. il pa rvint à fixer sis, g'odse ffian a, goldiea,na, les Gloriosa superba et
une va riété de Pommes de Terre. qu 'il appela «va- l' A nsellia africa na, un e d es seules Orchidées con go-
rié té de Kisantu» et qui connu t un vi f succès dans la laises de quelqu' impor tance horticole.
région. A partir d e 1921 , il envoyait chaque année
plusieurs tonnes d e tubercules de plantation à la Di-
rection de l'Aq-ricult ure à Borna, a lors ca pitale du
C ongo.
Arrêton s ici cette é n umération et d isons en bref
que le Congo est redeva ble au F. Gillet d'un grand
nombre de va riétés de M a nioc. d'Ignames, d e Bana-
niers et autres plan tes alimentaires, de fru its tropi-
caux, d'Eucalyptus, de Résineux, d e P lantes à Caout-
chouc, d'Essences de reboisement, de Plantes orne-
mentales. A lui revient l'honneur d 'avoir fait les pre-
miers essais d e Quinquinas et P la n tes Chaulmoogri-
ques pour la lutte contre. la malaria et la lèpre.
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d édié. D ans le «Syllog e Florae Congolanae» de T h.
D ura nd , son nom apparaît presqu 'à chaque page. E n
4e /}azJin ?3ctaniq-ue ~e Kisantu 1900 et en 1901, les Botanistes Th, D urand et E. De
\ Vildeman déd ièren t au Fr. Gillet une publication
sous le nom de «Plan tae G illetianae» dont la paru~
Passionné comme il était , pou r tou t ce qui re ~ tion à G enève (Suisse) fut arrêtée lors d u lancemen t
garde les plantes, le F. Gillet n'a vait évidement pas
ta rdé à doubler son Jardin d 'Essais d'un Jardin Bo ~
1 de!' «Annales du M usée de T ervueren».

tani que proprement dit, qui a fai t connaître le nom


d e Kisant u dans le monde entier.
Non content de récolter des spécimens d'her~
biers, il transplantai t dans son Jardin les plantes les
plus caractéristiq ues de la Flore locale. Ses connais ~
san ces approfondies en Botanique Congola ise le mi­
rent en relation avec de nombreux spécialistes belg es
et étrang ers ainsi qu'avec lous les granJ s Jardins
Bota niques des régions tropicales : Buiten zorg en Qu~lq-u~s ~ppzéeiaticns suz le
Indonésie, Pajandenyia à Ceylan , Bombay et Ca lcut­
ta aux Indes, Rio de Ja neiro au Brésil. Il enrichissait
a insi ses collections par d es échanges de graines et
7-. Cjill~t et scn œuoz~
d e plantes con gol aises, mais son principal pourvoyeur
Les app reClatlons élogeuses sur ce travail de
Iut, de loin, le Jardin de Laeken (Bel gique) dont le
pionnier, à une époqu e où tou t était à créér, ne man­
Directeur. MI' Kinds , était lié au Frère Gillet par les
quèren t point.
iens d'une vieille et profonde amitié.
Le Botaniste Emile Laurent disait de Kisantu :
C 'est ainsi que l' œ uv re propremen t scientifique
«C'est à la loi un vrai Jardin Botanique Tropical et
réaliSée pa r lui est é galem ent des plus consid érables. un C entre ag ricole de tout premier ordre. Le F . G il~
Il ,P ublia trois Ca talogues : en ] 909. 19 13 et ] 927 . let S.J. est un de ceux qui a le plus fa it pour la con­
C es C a ta logues marquent les étapes du développe­ naissance des végéta ux africains» .
men t d u Ja rdin Botanique. Alors que le Catalogue de
1909 compta it environs 600 espèces et variétés cul ·­ En 1913, le Botaniste françaiS Au g. Chevalier.
Uvées celui de 1927 en comp ta it plus d e 1700 . Pro fesseur au Museum de P aris. à son retour d 'un
Durant sa carrière con golaise, le F . Gillet ex ~ voyage en Afrique, au cours duq uel il avait fai t l.m
pédia au Jard in Botaniq ue de Bru xelles. plus de 6.000 long séj our à Kisantu, proposa à ses collèg ues de la
n" d 'herbier. U n genre nouveau «Gilletiella» lui fut «Sociébé d' A cclimatation de France» de décerner au

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F. Gillet, en reconnaissance des services rendus à
la Botanique Africaine, la grand e Médaille à r effi­
gie de Geoffroy Saint-Hilaire. t..e 7Jèze +tu6ezl. Callens s. 1­
Sur les conseils d'Aug. Chevalier, le Professeur
Emile Perrot de l'Académie de Médecine de France, L'œuvre commencée par le F . Gillet fut continuée
vint passer une quinzaine de jours à Kisantu. Il fut par son successeur le P . Hubert Callens S.J.
tellement fra ppé par l'œuvre accomplie qu'il fit en
séance de la Société Botanique d e F rance. une com­ Celui-ci annexa au Jard in une Ecole Profession­
munication sur «L'œuvre scientifique et sociale de la nelle d'Horticulture, q ui devait dans l'esprit de son
Mission de Kisantu. Les enseignements qu'elle com­ fondateur, continuer les trava ux du F . Gillet dans le
porte pour la colonisation du Congo». domaine des cu ltures potagères et a limentaires et dif­
fus er la culture des légumes, qui est devenue une
Le Professeur Leplae, Directeur Général de l' A ­ des spéculations les plus p rofitables de la région de
griculture, écrivait encore en 1927. dans la P réface Kisantu .
du troisième «Catalogue des Plan tes du Jardin de Ki­
san tu» : «Kisantu, c'est depuis un quart de siècle, le E tant d onné les richesses forestières considéra­
règne d e la méthode et de l'effort. Kisantu, c· est le bles que possède le C ongo, le P . Callens entreprit
triomphe d e l'initiative de quelques hommes en face l'étude systématiqu e des Bois Congolais. Il créa non
des réa lisations coûteuses et des fréquen ts échecs des seul emen t une collection très complète d'échantillons
entreprises officielles et spéculatives. Kisantu, c'est de bois d ' œuvre mais aussi un Arboretum qui contient
aussi le F. Gillet et son Jardin Botanique. Tous deu x près de 200 espèces et va riétés d'arbres, choisies par­
ont une réputation presque mondiale». mi celles qui présentent le plus d 'utilité pour le reboi­
sement et l'enrichissement des Forêts tropicales.
Le Gouvernement Belge avait reconnu les émi­
nents services rendus par le F. Gillet à l'Agricuture Pour les collections de pla ntes ornementales aux ~
et à la Botaniq ue Congolaises en lui d ecernant la quelles il portait aussi un très vif intérêt. il cOllstrui~
Croix d e Chevalier de l'Ordre du Lion et le Botaniste sit une série de pergolas qui ont p resque quintuplé
E . De \iVildeman a consacré à la vie et à l'œuvre du la surface sous ombra ge. Notons to ut particulière­
F. G ill et. un volume intitulé: «Justin Gillet S. J. et ment la serre à Cactacées qui abrite 147 variétés de
le Ja rdin d'Essais de K~santu». (Séries de l'Institut plantes grasses.
C olonial Belge. 1946).
Il commença également une collection de Pal­
miers qui, e'n 1960, comptait dé jà près de 92 variétés
différentes.

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D ans le Labora toire q u'il fit édifier, une grande
salle fu t prévue p our a briter les herbiers. Beaucoup
d' exemplaires récoltés par le F . Gillet dans les condi­
tions primitives de l' époq ue. avait été lort endomma ­ Seitznee et 7Jut(Ja~ijaticn
gés. T o us ceux-ci furent recommencés et en plus , près
de 4.000 spécimens nouvea ux fu rent ajoutés à la col­
lection .
Dans la plupart des pays du monde, les Gou­
Il é quipa aussi un Laboratoire de Recherches vernements ont toujours attaché un e grande impor­
ch imiques sur les p lan tes médicinal es, dont le Ja rdin tance au x Jardins Botaniques. C'est que, non seule­
possède de très nombreux spécimens. C'est à Ki sant u ment, ils y voient un excellent moyen cl'in téresser le
que des chercheurs de la Société d e Prod uits Phar­ grand p ublic à la connaissance de la Nature, mais
maceutiques CI BA de Bâle (Suisse ) , al ertés par des aussi pa rce qu 'ils les considèrent comme un des meil­
envois d 'échantillons, découvrirent la qualité SUp.2­ leurs instruments pour l' E tude de la Botanique P ure
rieure du Raul70lfia congolais (R . vomitoria ) et sa et A ppliquée.
richesse en réserpine (alcaloide spécifique de l' hyper­ Ils se rendent compte en eHet, que dans l'in finie
tension) . Cette d écouverte eut un retentissement C0 11 ­ variété de Plantes qui couvrent le globe. il y a encore
sidéra ble et permit d 'organiser méthodiquement la énormément à d écouvrir et que l'étude scientifique
récolte des racines dans tout le Con go. Jusq u'en 1960 d es végétaux peut a pporter d 'importantes cont ribu­
des centaines d e tonnes étaient exportées chaque tions , soit aux Sciences de la vie (Biologie, G éné­
année vers la Suisse, l'AlJemagne, l'Amériq ue. tique) soit à l'amélioration du niveau de la vie des
populations ( plantes vivrières et fruitières) soit au
Le P . Callens, la santé fon délabrée. d ut quitter d éveloppemen t industriel (plantes à latex, plantes à
le Jardin en 1959 . fibres ) à la sa nté publique (pla ntes médicinales ) ou
en fi n à l'agrément du milieu où vit la population
(Horticulture , Arch itecture des Ja rdins).
Pour remplir cette mission. un Jardin Botanique
doit évidemment comporter en tout premier lieu des
collections d e plantes vivantes, qui rendront a ux cher­
cheurs d 'inappréciables services, parce qu'elles grou­
pent en un même endroit, plusieurs variétés d'une
même espèce. (Collections de plantes médicinales, p.
ex . de Rauvolfia, de Stropha ntus ). Ils pourront y
trouver, sur place, à portée de main , des éléments de
base pour d es études approfondies sur l' E cologie ou
la croissance et le développement de ces plantes, ou
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encore des matériaux frais pour des trava ux sur l'ana­ encore modeste pour des recherches de microscopie.
tomie, la physiologie ou sur la composition chimique Ajoutons aussi une très belle collection d e spécimens
(alcaloïdes etc) . d e bois d'œuvre et d'ébénisterie.
C es collections vivantes doivent aussi être com­ Voilà sommairement esquissés, quelques traits
pletées par d'autres collections d'échantillons conser­ de la physionomie du Jardin Bota nique de Kisantu .
vés en herbiers. Ces spécimens récoltés au cours Tous ceux qui J'ont visité et ont admiré la richesse de
d'explorations botaniques, sont avant tout des docu­ ses collections, ne pourront manquer de rendre un
ments authentiques qui permettent d 'étudier la vé­ vibran t hommage à cet Ardennais dont la ténacité a
gétation de régions plus éloignées ainsi que la com­ s u faire d' un coin d e brousse sauva ge, un Jardin Bo­
position floristique de différents groupements végé­ taniquedont la réputation s'est répandue dans le
taux. Ils sont a ussi indispensables pour la détermina­ monde entier et qui a su tirer d' un ma rais inculte, un
tion du nom exact des différentes variétés déco uver­ «Monument National» dont le Congo peut légitime:­
tes. ment s' enorgueillir.
A ces collections de plantes vivantes ou conser­
vées en herbiers, doit naturellement s'a jouter une bi­
bliothèque spécia lisée ~ livres et revues ~ où les R- de Laminne d e Bex s.J.
chercheurs pourront trouver les renseignements né­
cessaires pour compléter leur documentation.
Disons enfin, qu'un Jardin Bota nique moderne,
doit aussi être équipé de laboratoires où s'effectueront
d es recherches dans le cadre d e l'orientation générale
des travaux entrepris au Jard in, recherches de sys­
téma tique, d'anatomie ou de physiologie végétales.
A Kisantu, nous nous semmes résolumen t enga­
gés dans cette voie, car nous possédons les éléments
de base pour faire du Ja rdin un excellent instrument
de recherches scientifiques et de large vulgarisation.
Nous avons en effet, comme collections vivantes,
plus de 2200 variétés en culture. Les herbiers comptent
plus de 5.000 spécimens récoltés surtout dans les ré­
gions avoisinantes du Bas...Congo et du Kwango et
la Bibliothèque spécialisée en ouvrages de référence
et en Bota niq ue des ré gions tropicales compte environ
3.000 volumes. Nous possédons aussi un laboratoire
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