PB 02-22 Tayebi
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Policy Brief
J a n v i e r
La politique étrangère de
la République démocratique
du Congo sous la présidence
Tshisekedi : entre ambition
de refonte et volontarisme
diplomatique
Par Oussama Tayebi
PB - 02/22
La rupture souhaitée par le président Tshisekedi avec cet isolement s’est manifestée par une
ouverture diplomatique tous azimuts. Ce recentrage s’explique en grande partie par des
considérations politiques internes. L’accent ainsi mis en début de mandat sur les questions
de politique extérieure est dû pour beaucoup au blocage observé dans les négociations
pour la formation du gouvernement et, par la suite, à la difficile cohabitation entre le
président et le gouvernement Ilunga, formé en majorité par des ministres apparentés à la
plateforme politique de l’ancien président Kabila. Les nombreux blocages institutionnels
provoqués par cette difficile cohabitation ont poussé le président à multiplier les initiatives
diplomatiques.
Par ailleurs, l’activisme diplomatique impulsé par le président avait au début pour principal
objectif de dissiper les doutes exprimés par des organisations régionales et certains
partenaires de la RDC sur la légitimité du processus électoral et des résultats officiels de
l’élection présidentielle du 30 décembre 2018. Il est important de rappeler que l’annonce
des résultats avait été contestée par le candidat de la plateforme Lamuka Martin Fayulu
et que l’UA avait émis « des doutes sérieux sur la conformité des résultats provisoires »1
proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le président
rwandais, Paul Kagame, qui assurait la présidence tournante de l’organisation continentale
avait ainsi convoqué une réunion de haut niveau sur la situation post-électorale en RDC.
Cette réunion, à laquelle avaient pris part plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que
des représentants des principales organisations sous-régionales africaines avait demandé
dans son communiqué final « la suspension de la proclamation des résultats définitifs des
élections ». Il était également prévu qu’une délégation de haut niveau conduite par le
président rwandais et le président de la Commission de l’UA se déplace à Kinshasa pour
discuter de ces questions. Une situation complexe que le président congolais a pu dépasser
1. Communique of the High-Level Consultative Meeting of Heads of State and Government on the situation in the Democratic Republic of
the Congo https://au.int/en/pressreleases/20190117/communique-high-level-consultative-meeting-heads-state-and-government
• Engager une politique plus ambitieuse au sein de l’UA afin que la RDC
puisse contribuer au développement de l’Afrique et à la renaissance
africaine.
• Finaliser l’adhésion effective de la RDC au protocole créant le Conseil de
Relations entre
Paix et de Sécurité de l’UA ainsi qu’aux statuts d’autres organisations sous-
la RDC et l’UA
régionales (non spécifiées).
• Continuer à mettre en application les engagements auxquels la RDC a
souscrits au terme de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013 et
autres traités et accords régionaux (non spécifiés).
• Redynamiser les relations avec l’UE dans le respect des principes sacro-
saints qui fondent l’ONU.
• Echange d’ambassadeurs entre la RDC et l’UE.
Relations avec l’UE
• Finaliser les discussions entamées avec la partie européenne pour la
restructuration et la réactivation de la Maison Schengen.
• Appel à la levée de sanctions visant certains responsables congolais.
Les grandes lignes de la vision exposée par le président dans ces deux discours fondateurs
ont été récemment reprises dans le Plan d’action du gouvernement d’Union sacrée pour
la période 2021-2023. Le troisième pilier de ce programme gouvernemental, intitulé «
redynamisation de la diplomatie et réhabilitation de l’image de marque du pays », a fixé six
principaux objectifs à l’action du gouvernement en matière de politique étrangère. Parmi
ces objectifs, il y a lieu de citer le renforcement de la présence de la RDC sur les scènes
régionales et internationales, redorer l’image de marque du pays à l’extérieur de manière
à accroître sa capacité de négociation, ouvrir davantage la RDC au monde de sorte à créer
des opportunités de coopération internationales fructueuses.
Un autre aspect visible de cette nouvelle stratégie d’ouverture a été le nombre important
de déplacements internationaux effectués par le président Tshisekedi. Celui-ci a en effet
effectué pas moins de 54 voyages à l’étranger (voir carte ci-dessous) au cours des trois
premières années de sa présidence.
Ces déplacements, critiqués par une partie de l’opinion publique pour leur fréquence et
leur coût, auraient eu selon le président des motivations économiques et politiques. Le
président a ainsi déclaré lors de son discours sur l’état de la Nation prononcé en décembre
2019 que chacun de ses déplacements est « dicté par des impératifs nationaux ». Il a par
ailleurs souligné que ses déplacements constituaient « un prix à payer » pour réaliser un
certain nombre d’objectifs de politique étrangère notamment :
D’un point de vue politique, ces déplacements ont permis un renforcement des liens et
une relance de la coopération, notamment sécuritaire, avec plusieurs pays voisins. Le
président Tshisekedi, qui a effectué des visites officielles dans 8 des 9 pays limitrophes de
la RDC, a conclu avec ces derniers un nombre important d’accords visant à promouvoir la
coopération bilatérale. Le chef de l’Etat a également présenté au cours de ses visites son
« plan de rétablissement de la paix » visant à faire de l’intégration régionale un levier de
« stabilité et de développement » pour la sous-région et une réponse aux défis sécuritaires
posés par l’activité des groupes armés. Le souhait émis par le président Tshisekedi de voir
la RDC intégrer la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) procède de cette conception.
Le rapport de la mission de vérification de l’EAC en RDC a d’ailleurs récemment obtenu
l’approbation5 du conseil des ministres de l’organisation pour un examen prochain par les
chefs d’Etat des pays membres. Le passage, avec succès, de cette étape augure d’une issue
2. [1] Émission spéciale: RDC: le ministre Patrick Muyaya face aux auditeurs, RFI, 05/11/2021
https://www.rfi.fr/fr/podcasts/appels-sur-l-actualit%C3%A9/20211105-1-%C3%A9mission-sp%C3%A9ciale-rdc-le-ministre-patrick-muyaya-face-aux-
auditeurs
3. Discours programme du premier ministre, sama lukonde, à l’Assemblée nationale 26/04/2021
https://www.primature.cd/public/wp-content/uploads/2021/05/DISCOURS-DE-SON-EXCELLENCE-MONSIEUR-LE-PREMIER-MINISTRE.pdf
4. Les Services du FMI ont abouti à un accord de facilité élargie de crédit avec la République du Congo (ou RCD), Communiqué de presse
FMI 08/11/2021
https://www.imf.org/fr/News/Articles/2021/11/07/IMF-Staff-Reaches-Staff-level-Agreement-Extended-Credit-Facility-Arrangement-Republic-Congo
5. EAC Council of Ministers green-light Report on DRC Verification Mission for consideration by EAC Heads of State 23/11/2021
https://www.eac.int/press-releases/2288-eac-council-of-ministers-green-light-report-on-drc-verification-mission-for-consideration-by-eac-heads-of-state
Les déplacements à l’étranger du président sont également, par le choix des destinations,
l’expression d’une volonté de travailler à la diversification des partenaires internationaux
de la RDC. Les visites officielles effectuées ont concerné à la fois des pays considérés
comme des partenaires traditionnels de la RDC (Belgique, France, Etats-Unis, etc.) et des
pays avec lesquels les relations sont moins dynamiques. Le président s’est ainsi rendu
au Japon, en Russie, en Serbie et en Israël avec pour objectif déclaré de développer les
relations bilatérales avec ces pays. Ces visites consacrent le principe « d’ouverture sans
exclusive » promu par le chef de l’Etat dans sa vision de politique étrangère.
La RDC a, en outre, réussi à obtenir, dans le cadre des efforts diplomatiques déployés
pour le renforcement de sa présence au sein des CER, la présidence tournante de la
Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) pour la période 2022-2023
et celle de la Communauté Economique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) pour la
même période. L’obtention de ces présidences confèrera à la RDC un rôle important
dans la conduite d’initiatives de médiation et dans l’examen des principales questions
économiques, politiques et sécuritaires de ces deux sous-régions. Elle répond, de surcroît,
à la vision du chef de l’Etat visant à capitaliser sur la position géostratégique de la RDC
6. Discours d’acceptation de S.E. M. Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président entrant de l’Union africaine et Président de la République
démocratique du Congo à la 34ème Session Ordinaire de la Conférence de l’UA 06/02/2021
https://au.int/fr/speeches/20210206/discours-dacceptation-de-se-m-felix-antoine-tshisekedi-tshilombo-president-entrant
L’action diplomatique menée dans le cadre de cette stratégie a permis l’élection d’experts
et de diplomates congolais au sein de plusieurs organisations internationales. La RDC a
ainsi été élue à la présidence de la Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples, au poste de commissaire à la promotion du Genre, Développement Humain
et Social de la CEEAC et en tant que membre de la Commission du droit international
de l’Organisation des Nations unies. La nomination de la congolaise Nadège Tandu au
poste de directrice des ressources humaines de la Commission de l’Union africaine (CUA)
constitue une illustration des efforts déployés pour accroître la représentation de la RDC au
sein des différentes organisations internationales.
CONCLUSION
La nouvelle vision de politique étrangère promue par le président Tshisekedi a eu, par
l’ambition des objectifs fixés et l’engagement fort de l’exécutif pour sa mise en œuvre,
un impact indéniable sur l’action diplomatique de la RDC au cours des trois dernières
années. Le volontarisme qui a caractérisé l’action de la RDC sur les plans continental et
international a permis de briser l’isolement auquel faisait face la RDC et de mobiliser une
partie des ressources nécessaires à la conduite du programme de réformes porté par
l’exécutif. La politique d’ouverture tous azimuts initiée dans le cadre de cette stratégie,
visible notamment dans la fréquence des déplacements du président à l’étranger et dans
l’intensification des contacts avec plusieurs pays voisins, a contribué à la promotion du
rôle de la RDC en tant qu’acteur régional incontournable sur plusieurs questions d’ordres
politique, économique et sécuritaire. Le renforcement de la présence de la RDC au sein des
différentes CER et organisations internationales a en outre contribué à l’amélioration du
bilan à mi-mandat du président en matière de politique étrangère. Un bilan qu’il convient
toutefois de nuancer du fait de l’échec de plusieurs initiatives diplomatiques, le retard dans
le paiement de contributions statutaires pour des organisations internationales, l’existence
de dysfonctionnements dans la gestion de certaines représentations diplomatiques ainsi
que les problèmes liés aux conditions de travail et de prise en charge du personnel
7. RDC : A Kigali, Félix Tshisekedi insiste sur l’importance d’adhérer à l’East African Community, ACTUALITE.CD, 09/12/2019
https://actualite.cd/2019/12/09/rdc-kigali-felix-tshisekedi-insiste-sur-limportance-dadherer-least-african-community
8. Gestion des diplomates et consuls /Christophe Lutundula, Aimé Boji et Nicolas Kazadi s’engagent à trouver des solutions, La Prospérité,
10/08/2021
https://laprosperiteonline.net/2021/08/10/nation/gestion-des-diplomates-et-consuls-christophe-lutundula-aime-boji-et-nicolas-kazadi-
sengagent-a-trouver-des-solutions/
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d'accompagner, par ses travaux, l'élaboration des politiques publiques en Afrique, et de donner la parole
aux experts du Sud sur les évolutions géopolitiques qui les concernent. Ce positionnement, axé sur le
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