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Mémoire du Master Management & Organisations

AMBIDEXTRIE ORGANISATIONNELLE ET INCUBATEUR


CORPORATE : ETUDE DE CAS DE LA MAISON DES STARTUPS
LVMH

GRATAS Léo

2019/2020

Sous la direction de Madame Sonia Adam-Ledunois

1
L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire : ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

2
REMERCIEMENTS

J’adresse mes premiers remerciements à Madame Sonia Adam-Ledunois pour son


accompagnement et ses précieux conseils.

Je remercie également tous les professionnels et experts rencontrés dans le cadre de cette
recherche.

3
SOMMAIRE

1) Introduction 5

2) Revue littéraire 10

2.1) L’ambidextrie organisationnelle 10


2.2) L’incubateur corporate 20
2.3) Synthèse et grille de lecture théorique 23

3) Chapitre méthodologique 25

3.1) Design de recherche : justification de notre approche qualitative 25


3.2) Présentation du terrain de recherche : La Maison des Startups LVMH 26
3.3) Présentation de notre démarche d’échantillonnage intentionnel 28
3.4) Collecte des données qualitatives 30
3.5) Présentation de notre méthode d’analyse des données 31

4) Résultats 32

4.1) La Maison des Startups : une structure à part du groupe LVMH 32


4.2) La Maison des Startups : un lieu dédié à l’innovation collaborative 37
4.3) L’adoption des solutions des start-ups par les maisons du groupe LVMH : 46
une double perspective

5) Conclusion 54

5.1) Synthèse de la recherche 54


5.2) Contributions 56
5.3) Limites et prolongements possibles 59

6) Bibliographie 63

7) Annexes 67

7.1) Guides d’entretien 67


7.2) Grille de codage 76

8) Table des matières 78

4
1) Introduction
« L’idée que le succès à long terme de l’entreprise repose sur sa capacité à, non
seulement construire sur des compétences existantes et améliorer l’efficience de l’entreprise,
mais aussi à explorer des champs totalement nouveaux est largement répandue en théorie des
organisations » (Mothe et Brion, 2008). Dans leurs travaux, Mothe et Brion expliquent que
l’entreprise doit gérer une tension entre deux forces antagoniques : l’exploitation et
l’exploration. Le succès de l’entreprise à long terme dépend de la gestion optimale et
simultanée de ces deux forces qui répondent pourtant à des logiques différentes aussi bien
en termes de temporalité que de processus d’innovation.

Barlatier et Dupouët (2009) définissent de manière très simple ces deux concepts,
l’exploitation correspondant à une « amélioration incrémentale de l’existant » alors que
l’exploration répond à une logique de « création / apport de connaissances réellement
nouvelles pour l’entreprise et qui modifie radicalement des processus ou produits ». Ainsi,
l’exploitation et l’exploration correspondent à deux paradigmes et horizons temporels
différents. A court terme, l’entreprise doit conforter ses positions sur ses marchés historiques
et rentabiliser ses produits / services à travers de légères améliorations ou extensions de
l’offre déjà existante. Il s’agit ici de mettre en place des innovations d’exploitation (He et
Wong, 2004 ; Chanal et Mothe, 2004) ou innovations incrémentales (Benner et Tushman,
2003 ; O’Reilly et Tushman, 2004). D’autre part, une firme doit « assurer son avenir par la mise
en œuvre de changements plus radicaux » (Kacioui-Maurin, 2011). Ces changements peuvent
être de différentes natures : la proposition de nouveaux produits à des segments de clientèle
divers, la conquête de nouveaux marchés ou l’adoption de nouvelles technologies. Cette
logique d’exploration nécessite, quant à elle, l’adoption d’innovations d’exploration ou
innovations radicales (Benner et Tushman, 2003).

C’est ce caractère ambivalent qui définit le concept d’ambidextrie organisationnelle.


Cette notion, introduite pour la première fois par Duncan en 1976, souligne « la nécessité
d’adopter une structure duale » pour gérer ses activités d’exploitation et d’exploration (Garel
et Rosier, 2008). Plusieurs auteurs ont par la suite enrichi cette définition et notre revue
littéraire en rendra compte. Retenons pour l’instant la pensée de Tushman et O’Reilly (1996)
qui considère qu’une organisation ambidextre est une organisation capable de mettre en
œuvre simultanément des activités d’exploitation et d’exploration. Etre une organisation
ambidextre est donc avant tout un enjeu organisationnel, et l’ensemble des auteurs ayant
abordé ce sujet s’accordent pour dire qu’il est nécessaire pour les entreprises de cultiver cette
ambidextrie. Or, si cet objectif semble faire l’unanimité, les moyens à mettre en œuvre pour
y arriver divergent selon les auteurs.

En effet, la littérature académique recense trois formes d’ambidextrie


organisationnelle. L’ambidextrie structurelle (Tushman et O’Reilly, 1996) est définie par une
séparation stricte des structures chargées de l’exploitation de celles chargées de l’exploration
et par le rôle intégrateur des équipes dirigeantes. Là encore, nous renvoyons le lecteur à notre
revue littéraire pour obtenir une vision plus détaillée des concepts et des différents auteurs
les ayant définis. L’ambidextrie contextuelle (Gibson et Birkinshaw, 2004 ; Birkinshaw et
Gibson, 2004) est moins centrée sur les structures. Il s’agit ici de mettre en place un contexte
organisationnel permettant aux individus de mieux gérer le partage de leur temps entre

5
activité d’exploitation et activité d’exploration. Ces deux premières conceptions de
l’ambidextrie organisationnelle sont donc centrées sur des mécanismes intra-
organisationnels. Le dernier type d’ambidextrie est l’ambidextrie de réseau (McNamara et
Baden-Fuller, 1999). Il s’agit ici de concilier les activités d’exploitation et d’exploration à
travers un réseau de parties prenantes externes, via la collaboration par exemple. Ce modèle
élargit la gestion du dilemme entre exploitation et exploration au-delà des « frontières
traditionnelles de l’entreprise pour inscrire les activités d’innovation au sein de réseau
d’entreprises » (Kacioui-Maurin, 2011). Ce concept est donc tourné vers l’aspect inter-
organisationnel de l’ambidextrie organisationnelle et constitue en cela un changement de
paradigme.

La littérature académique est particulièrement riche en ce qui concerne les deux


premières approches de l’ambidextrie organisationnelle. Cependant, il nous apparaît que la
logique inter-organisationnelle a été quelque peu délaissée. A titre d’exemple, Barlatier et
Dupouët (2009) n’évoquent pas l’ambidextrie de réseau comme étant l’un des modes de
gestion du dilemme exploitation / exploration, préférant se concentrer sur l’ambidextrie
structurelle et contextuelle. L’objectif de notre mémoire sera de s’intéresser en profondeur à
cette logique inter-organisationnelle de l’ambidextrie à travers un objet d’étude : l’incubateur
corporate. Si l’incubateur corporate renvoie à la notion d’ambidextrie structurelle dans la
mesure où il existe une séparation entre structure d’exploitation et structure d’exploration, il
est aussi associé à l’ambidextrie de réseau. En effet, l’incubateur corporate rassemble un
ensemble de parties prenantes externes à l’organisation dans une optique d’exploration. Il
réunit, dans une démarche d’innovation ouverte (Chesbrough, 2003), un réseau d’entités
externes innovantes, les start-ups, au sein d’une même structure isolée dans le but de créer
des synergies exploratoires. Ce type de structure est un choix organisationnel fort consistant
à isoler les logiques d’exploration dans un microcosme externe à l’organisation mère, ce
microcosme étant composé à son tour d’une multitude d’organisations étrangères à
l’organisation mère. En ce sens, l’incubateur corporate est une combinaison de deux modes
de gestion du dilemme exploitation / exploration : il allie ambidextrie structurelle et
ambidextrie de réseau. Il convient alors d’expliquer l’intérêt de cet objet d’étude qui nous
permettra d’explorer une voie hybride de l’ambidextrie croisant les approches structurelle et
de réseau.

L’avènement de nouveaux acteurs disruptant des marchés traditionnels, à


l’instar d’Uber ou AirBnb, souligne à quel point l’innovation est source de réussite dans le
monde des affaires. A ce titre, Christensen (1997) montre comment de solides multinationales
sont amenées à perdre leur leadership face à de nouveaux entrants capables de mettre en
place des innovations de rupture (ou innovations disruptives).

Ces exemples mettent également en exergue les différences entre startups et grandes
entreprises, notamment en ce qui concerne leur capacité d’innovation. Les startups,
structurellement agiles et réactives, seraient plus enclines à innover. Au contraire, plusieurs
facteurs expliquent les difficultés que peuvent rencontrer les grandes entreprises lorsqu’il
s’agit de mettre en place une démarche d’innovation (Ferrary, 2003). Ces difficultés renvoient
notamment à la notion de configuration organisationnelle (Mintzberg, 1979). Des éléments,
tels que la taille grandissante de l’entreprise ou la dynamique environnementale, entraînent
une nécessité de structuration plus forte (Burns et Stalker, 1961 ; Lawrence et Lorsch, 1967 ;

6
Woodward, 1965 ; Blau et Schoenherr, 1971). Ce besoin d’une organisation plus stricte
engendrerait l’adoption d’une configuration organisationnelle manquant de souplesse,
résultant une capacité d’innovation moins importante.

En conséquence, nombre de grandes entreprises cherchent à collaborer avec des start-


ups avec comme objectif de stimuler leur capacité d’innovation (Weiblen et Chesbrough,
2015). Pour faciliter cette collaboration, de nombreux incubateurs et accélérateurs
d’entreprise ont été créés. Ces structures offrent un cadre à valeur ajoutée aux startups qui
se voient accompagnées sur des sujets divers et variés et bénéficient de nombreuses mises en
relation, en plus d’un espace de travail privilégié gratuit ou bon marché et, potentiellement,
d’un apport en capital. Comme indiqué précédemment, ces structures renvoient à la fois à
l’approche structurelle de l’ambidextrie via une séparation stricte entre entité exploitante et
exploratoire, et à l’ambidextrie de réseau via la mobilisation d’un panel d’entités externes, les
start-ups, au sein d’une même structure dans une optique d’exploration conjointe /
collaborative. Une nouvelle fois, notre revue de littérature inclura les diverses définitions
académiques d’un incubateur / accélérateur et particulièrement d’un incubateur /
accélérateur corporate.

Un exemple emblématique d’incubateur corporate est la structure d’accélération de


start-ups fondée par LVMH : La Maison des Startups. Cette structure créée en avril 2018 a
pour but de sélectionner et d’accueillir des start-ups opérant sur différentes thématiques clés
pour le groupe LVMH, et de les mettre en relation avec les maisons du groupe pour tirer parti
de leurs solutions. Il est intéressant de noter que La Maison des Startups n’est pas située
physiquement dans les bureaux de LVMH, mais à Station F. La structure d’incubation de LVMH,
dédiée à l’exploration, est donc à la lisière de l’organisation. Cela fait écho à la notion
d’ambidextrie structurelle. Globalement, cette initiative peut être reliée au concept
d’ambidextrie organisationnelle. En effet, LVMH est un groupe très performant en termes
d’exploitation. Cependant, le groupe doit aussi mettre en œuvre des activités d’exploration,
la création de cet incubateur répondant à cet enjeu à travers un prisme inter-organisationnel.
Le but de cette structure est effectivement de mettre en place une démarche d’exploration à
travers la mobilisation d’un réseau de parties prenantes externes. Ces parties prenantes
externes sont les start-ups qui sont réunies physiquement sur un même site dans une optique
d’exploration collaborative avec les maisons du groupe LVMH. Cela renvoie à la notion
d’ambidextrie de réseau. Dès lors, de nombreuses questions peuvent être posées.

Comment le groupe LVMH arrive-t-il à cultiver sa capacité d’innovation à la lisière de


son organisation et, simultanément, à exploiter ces innovations en les réintégrant dans son
organisation ? Quel est le degré de perméabilité de cet incubateur alors même qu’il doit avoir
une certaine autonomie pour conserver sa créativité mais, en même temps, permettre au
groupe LVMH d’exploiter cette créativité en alignement avec ses objectifs opérationnels ?
Quelles sont les modalités d’appropriation / adoption des solutions des start-ups incubées par
les différentes maisons du groupe LVMH ? Nous tenterons de répondre à ces questions que
nous avons modélisées sous la forme du schéma suivant, notre objet d’étude correspondant
à la flèche rouge :

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Etudier la manière dont une grande entreprise gère la tension entre exploitation et
exploration à travers la création d’un incubateur corporate permet d’appréhender un enjeu
organisationnel classique à travers un prisme original. Ainsi, notre sujet présente un double
intérêt académique et managérial. Sur le plan académique, nous appréhendons le concept
d’ambidextrie organisationnelle à travers l’étude de cas d’un incubateur corporate. Cette
approche n’a, à notre connaissance, jamais été adoptée par la littérature. D’autre part, notre
grille de lecture théorique sera une voie hybride combinant les approches structurelles et de
réseau de l’ambidextrie organisationnelle. Là encore, notre approche est originale dans la
mesure où, nous le verrons dans notre revue littéraire, la littérature académique a séparé de
manière stricte les trois modes de gestion du dilemme exploitation / exploration sans, à notre
connaissance, réellement chercher à les combiner. D’un point de vue managérial, ce sujet a
un intérêt dans la mesure où tout manager travaille dans une organisation faisant face au
dilemme exploitation / exploration. Il est donc utile pour tout manager, et particulièrement
pour ceux s’orientant vers la collaboration avec des start-ups, de comprendre les ressorts de
l’ambidextrie organisationnelle dans un contexte d’incubateur corporate. De plus, un nombre
croissant de grands groupes font le choix organisationnel de la création d’un incubateur
corporate. En effet, Mocker et al. (2015) indiquent qu’un tiers des accélérateurs européens
sont soutenus d’une manière ou d’une autre par une entité corporate. Il convient donc
d’éclairer cette pratique et d’apporter des éléments de réponse en ce qui concerne le rôle de
ces incubateurs dans la fertilisation des capacités d’innovation des grands groupes.

Nous adopterons dans ce travail une approche qualitative. Cette démarche nous
semble pertinente pour rendre compte de la manière dont LVMH gère la tension entre
exploitation et exploration à travers son incubateur corporate. Dans la mesure où nous
effectuons une étude de cas, l’approche quantitative ne paraît pas judicieuse. De fait, la
gestion d’un enjeu organisationnel ne peut que difficilement n’être appréhendée qu’au
prisme d’outils statistiques. Notre terrain de recherche sera donc l’incubateur corporate du
groupe LVMH : La Maison des Startups. Notre principal outil de collecte de données sera
l’entretien semi-directif. Nos entretiens seront menés auprès de start-ups accélérées à La
Maison des Startups. N’ayant pas pu nous entretenir directement avec les membres du staff
de l’incubateur, nous nous sommes également appuyés sur des données d’archive ainsi que
sur l’expertise d’un spécialiste des relations start-ups / grands groupes. Ainsi, il convient

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d’apporter une précision sur le périmètre de notre réflexion : notre analyse portera
centralement sur les représentations des start-ups, ce choix étant guidé par les contraintes
liées à l’accès au terrain (ici à l’obtention d’entretiens avec les membres du staff de La Maison
des Startups). Nous le précisons de manière plus détaillée dans notre chapitre
méthodologique. La méthode d’analyse des données que nous retenons est le codage. Nous
effectuerons tout d’abord un codage inductif / a posteriori de nos données. Ce premier
traitement nous permettra d’organiser et d’inventorier les données bruts recueillies. Par la
suite, un codage de deuxième niveau nous permettra de construire une grille d’analyse plus
conceptuelle.

Notre travail sera structuré de la manière suivante. Après l’introduction, une deuxième
partie est dédiée à la revue littéraire. Cette partie nous permettra de faire l’état des
connaissances disponibles sur notre sujet autour de deux concepts principaux : l’ambidextrie
organisationnelle et l’incubateur corporate. Notre troisième partie correspond au chapitre
méthodologique. Nous y justifierons notre approche qualitative et présenterons notre terrain
de recherche, notre démarche d’échantillonnage ainsi que notre méthode de collecte et
d’analyse de données. Notre quatrième partie est dédiée aux résultats de notre recherche et
sera organisée de manière thématique. Notre cinquième partie correspond à la discussion et
la conclusion de notre travail. Nous y synthétiserons les résultats de notre recherche et
présenterons les contributions, limites et prolongements possibles de notre mémoire. Enfin,
notre sixième et dernière partie correspond à notre bibliographie.

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2) Revue littéraire
L’objectif de ce chapitre est double. Tout d’abord, il s’agit de poser le cadre conceptuel
et théorique de notre devoir autour des deux aspects les plus importants de notre sujet :
l’ambidextrie organisationnelle et l’incubateur corporate. Dans cette optique, notre revue
littéraire aura pour but de faire l’état des connaissances actuelles disponibles concernant ces
deux notions. Précisons cependant qu’il nous est impossible de prétendre à une quelconque
exhaustivité. Notre revue littéraire s’appuiera néanmoins sur les travaux les plus importants
sur notre sujet et se voudra la plus complète et détaillée possible. Le deuxième objectif de ce
chapitre est de construire la grille d’analyse théorique qui nous accompagnera lors de notre
étude de terrain. In fine, ce travail nous permettra d’apporter notre contribution à la
connaissance disponible sur notre sujet de recherche.

2.1) L’ambidextrie organisationnelle

2.1.1) Le dilemme marchien : exploitation et exploration, vers une définition de


l’ambidextrie organisationnelle

« Le courant des travaux sur l’ambidextrie relève d’une approche organisationnelle du


dilemme « marchien » » (Garel et Rosier, 2008). Il apparaît que la notion de dilemme marchien
soit un point central à partir duquel nous pouvons partir afin de définir ce qu’est l’ambidextrie
organisationnelle. Ce dilemme fait référence à la nécessité, pour les entreprises, de gérer
simultanément deux forces antagoniques : l’exploitation et l’exploration. Cette double
problématique naît d’une concurrence toujours plus féroce, d’environnements toujours plus
mouvants et instables ainsi que d’une clientèle toujours plus exigeante. De fait, Mothe et
Brion (2008) expliquent que « Dans un nombre croissant d’industries, le niveau d’exigence des
clients est toujours plus élevé. Ceci implique pour l’entreprise une forte variété de produits, de
plus en plus personnalisés, voire uniques, et livrés rapidement et dans les délais impartis avec
un prix compétitif. En conséquence, la contrainte de combiner efficacité opérationnelle et
flexibilité stratégique devient nécessaire ».

C’est en fait March qui, en 1991, a théorisé de manière poussée les notions d’efficacité
opérationnelle et de flexibilité stratégique. Selon lui, l’efficacité opérationnelle répond à une
logique d’exploitation. L’exploitation peut, toujours selon March, être caractérisée par
l’implémentation, l’efficience de la production ou l’exécution des tâches. Ces capacités sont
« encastrées dans les processus, technologies, systèmes organisationnels et managériaux, et
personnes » (Mothe et Brion, 2008). D’autre part, la flexibilité stratégique est basée sur des
capacités d’exploration comme la recherche, la prise de risque ou l’expérimentation (March,
1991). De manière plus synthétique : « l’essence de l’exploitation est l’amélioration et
l’extension des compétences, technologies et paradigmes existants » alors que « L’essence de
l’exploration est l’expérimentation avec de nouvelles alternatives » (March, 1991). Barlatier et
Dupouët (2009) définissent par ailleurs l’exploitation comme étant une « amélioration
incrémentale de l’existant » par opposition à l’exploration qui, elle, correspond à la « création
/ apport de connaissances réellement nouvelles pour l’entreprise et qui modifie radicalement
des processus ou produits ».

10
Cette nécessité de cultiver aussi bien son efficacité opérationnelle que sa flexibilité
stratégique contraint les entreprises à « développer une capacité d’innovation continue duale
pour gérer tant les processus d’exploitation que d’exploration » (Mothe et Brion, 2008). En
effet, les entreprises doivent à la fois satisfaire la demande actuelle tout en prospectant de
nouvelles opportunités. Cette capacité duale à développer n’est pas sans poser des problèmes
organisationnels. De fait, l’exploitation et l’exploration répondent non seulement à des
logiques différentes mais aussi à des horizons temporels différents. A court terme, l’entreprise
doit conforter ses positions sur ses marchés historiques et rentabiliser ses produits / services
à travers de légères améliorations ou extensions de l’offre déjà existante. D’autre part, une
firme doit « assurer son avenir par la mise en œuvre de changements plus radicaux » (Kacioui-
Maurin, 2011). Ces changements peuvent être de différentes natures : la proposition de
nouveaux produits à des segments de clientèle divers, la conquête de nouveaux marchés ou
l’adoption de nouvelles technologies. Cette gestion optimale et simultanée de deux espaces
différents nécessite par ailleurs de ne pas privilégier l’un des deux aspects au détriment de
l’autre. March (1991) explique effectivement que l’orientation prioritaire vers l’exploitation
ou l’exploration engendre une sous-performance et un risque d’échec à long terme. Le
dilemme marchien correspond donc à la quête du point d’équilibre entre exploitation et
exploration.

D’autres auteurs ont étudié les logiques distinctes et parfois conflictuelles attachées à
l’exploitation et l’exploration. En théorie des organisations, Simon (1958) distingue deux types
de décisions : les « décisions programmables » ou « décisions familières » et les « décisions
non programmables » ou « décisions non familières ». Le premier type de décisions concerne
des « procédures répétitives et routinières (…) pour lesquelles les techniques de prise de
décision reposent (…) sur l’habitude, des procédures standard ou des structures
d’organisation (…), sur la recherche opérationnelle» (Fulconis et Kacioui-Maurin, 2013). Ces
décisions, qui correspondent à la grande majorité des décisions à prendre, sont relativement
simples et peuvent donc être rationalisées et programmées via des routines. A l’inverse, le
deuxième type de décisions se réfère à « des problèmes de gestion qualifiés de non-structurés,
nouveaux ou de grande importance » (Fulconis et Kacioui-Maurin, 2013). Ici, il n’existe pas de
techniques efficaces à mettre en place pour obtenir une solution optimale. La décision
s’appuie alors « sur le jugement, l’intuition ou la créativité » (Fulconis et Kacioui-Maurin,
2013). Autrement dit, les « décisions familières » répondent à une logique opérationnelle et
peuvent donc être rattachées à la notion d’exploitation alors que les « décisions non-
familières » se réfèrent à une logique stratégique et sont donc à rattacher à la notion
d’exploration.

Dans la littérature académique de la stratégie d’entreprise, Ansoff (1965) fait aussi


cette dichotomie. En effet, Ansoff (1965) oppose les « décisions administratives et
opérationnelles » aux « décisions stratégiques ». Les « décisions administratives » « sont
censées structurer les ressources pour obtenir une performance maximale » (Fulconis et
Kacioui-Maurin, 2013). Les « décisions opérationnelles », quant à elles, « doivent pour leur part
maintenir l’exploitation courante pour réaliser la performance prévue » (Fulconis et Kacioui-
Maurin, 2013). Ces deux types de décisions répondent à une logique opérationnelle et sont
donc à rattacher à la notion d’exploitation. Les « décisions stratégiques » renvoient par
opposition à la logique d’exploration. En effet, « elles consistent surtout à choisir les produits
et les marchés et s’avèrent être, pour l’entreprise, bien plus déterminantes que toutes autres

11
décisions dans ses relations avec un environnement de plus en plus variable et imprévisible »
(Fulconis et Kacioui-Maurin, 2013).

Marchesnay et al. (1984) poursuivent dans ce sens en rendant compte du fait que les
entreprises doivent, à travers leur management, prendre en compte de manière simultanée
un horizon temporel de court terme « reposant sur une logique d’optimisation dans la
réalisation des objectifs définis par le système de finalisation de l’entreprise et dans l’utilisation
des ressources dont elle dispose » et un horizon temporel de long terme « fondé sur une
logique d’innovation pouvant concerner l’ensemble des composantes de l’entreprise, y compris
sa structure organisationnelle et son système de finalisation » (Marchesnay et al., 1984). Là
encore, on note l’importance de la gestion simultanée de deux espaces correspondant à des
logiques et horizons temporels différents dans une optique de recherche de compétitivité.

Enfin, Martinet (1993) résume lui aussi de manière synthétique l’idée selon laquelle
les entreprises doivent être en mesure de gérer deux types d’activités antithétiques. Ces deux
types d’activités répondent à deux « modes fondamentaux du management » (Martinet,
1993). Selon Martinet, le « mode opérationnel » répond à une logique d’exploitation dont le
but est l’optimisation des actions dans une optique d’efficience. Le « mode stratégique »
répond, lui, à une logique d’exploration à travers une démarche entrepreneuriale, de
conception, d’innovation. Cette dichotomie peut être illustrée grâce à ce tableau :

Source : Fulconis et Kacioui-Maurin (2013, p.21), d’après Martinet (1993, p.202).

C’est ce caractère ambivalent qui définit le concept d’ambidextrie organisationnelle.


C’est Duncan qui, en 1976, introduit ce concept. Selon lui, l’ambidextrie organisationnelle
renvoie à la nécessité, pour les entreprises, d’adopter une « structure duale » (Duncan, 1976)
pour gérer à la fois leurs activités d’exploitation et d’exploration. Ainsi, à l’origine, « une
organisation peut être qualifiée d’ambidextre lorsqu’elle structure de manière différente ses
activités d’innovation d’exploration et d’exploitation » (Kacioui-Maurin, 2011). Cette première
définition repose notamment sur la littérature en management de l’innovation selon laquelle
l’exploitation et l’exploration sont mutuellement exclusives et doivent, en conséquence, être
gérées de manière séparée (Burns et Stalker, 1961 ; Porter, 1980 ; March, 1991). Tushman et
O’Reilly (1996) ont par la suite enrichi cette définition. Selon eux, une organisation ambidextre

12
est une organisation capable de mettre en œuvre et d’articuler simultanément des activités
d’exploitation et d’exploration (Tushman et O’Reilly, 1996). Par ailleurs, il s’agit pour ces
organisations de « jongler » (Tushman et O’Reilly, 1999) entre ces deux logiques en « visant
l’efficience sur le court terme et la prise de risques garantissant l’avantage concurrentiel de
l’entreprise sur le long terme » (Kacioui-Maurin, 2011). Une organisation ambidextre est donc
confrontée à deux horizons temporels et doit mêler des actions aux enjeux distincts mais aux
performances interdépendantes (Tushman et O’Reilly, 1999 ; He et Wong, 2004).

Bien d’autres auteurs ont par la suite développé cette notion. Ainsi, l’ambidextrie
organisationnelle renvoie à l’idée que l’entreprise doit, pour assurer sa pérennité, mener
parallèlement des activités ayant pour but de conforter ses positions et des les rentabiliser sur
ses marchés historiques tout en recherchant de nouveaux débouchés et développant de
nouvelles offres (Birkinshaw et Gibson, 2004 ; O’Reilly et Tushman, 2004 ; Lambourdière et
al., 2011). Birkinshaw et Gibson (2004) insistent sur la notion d’équilibre optimal à trouver
entre l’alignement opérationnel et l’adaptabilité de l’entreprise. L’on parle également de
coexistence entre des unités focalisées sur l’exploration de nouvelles opportunités et d’unités
entièrement dédiées à l’exploitation des produits actuels de l’entreprise (Ben Mahmoud-
Jouini et al., 2006). Brion, Favre-Bonté et Mothe (2007) définissent l’ambidextrie
organisationnelle comme la capacité d’une entreprise à être à la fois compétitive sur ses
marchés matures et sur les nouveaux marchés émergents. Aussi, l’ambidextrie
organisationnelle est-elle définie comme la capacité de l’organisation à être en même temps
efficace dans la gestion des demandes actuelles de son activité tout en étant adaptative aux
changements de son environnement (Raisch et Birkinshaw, 2008). Les deux tableaux suivants
permettent d’obtenir une vue synthétique des différentes définitions de l’ambidextrie
organisationnelle :

Source : Fulconis et Kacioui-Maurin (2013, p.22), d’après Kacioui-Maurin (2011, p.66).

13
Source : Kacioui-Maurin (2011, p.66).

Enfin, l’ambidextrie organisationnelle peut se définir comme « l’ensemble des moyens,


structures, et arrangements organisationnels mis en œuvre par une entreprise et/ou un réseau
d’entreprises pour mener simultanément des innovations d’exploitation et d’exploration visant
à rentabiliser les positions de l’entreprise (ou de la chaîne de valeur) sur ses marchés actuels
d’une part, tout en assurant sa survie par la création de ruptures d’autre part » (Kacioui-
Maurin, 2011). C’est à cette caractérisation de l’exploitation et de l’exploration en fonction du
type d’innovation qui y est rattaché que nous allons maintenant nous intéresser.

2.1.2) Exploitation et exploration : deux logiques rattachées à des types d’innovation


différents

Les notions d’exploitation et d’exploration peuvent également être définies à partir


des types d’innovation qui leur sont attachés. Dans ce cadre, l’exploitation est associée à
l’innovation d’exploitation (He et Wong, 2004 ; Chanal et Mothe, 2004) ou innovation
incrémentale (Benner et Tushman, 2003 ; O’Reilly et Tushman, 2004) alors que l’exploration
est rattachée à l’innovation d’exploration (He et Wong, 2004 ; Chanal et Mothe, 2004) ou
innovation radicale (Benner et Tushman, 2003).

14
En premier lieu, comme nous l’avons précédemment expliqué, l’entreprise doit
s’inscire dans un horizon temporel de court terme en stabilisant et rentabilisant ses positions
sur ses marchés ou segments de clientèles historiques. Cette approche s’appuie sur une
logique d’exploitation qui peut être reliée à un type d’innovation. L’innovation d’exploitation
(He et Wong, 2004 ; Chanal et Mothe, 2004) ou innovation incrémentale (Benner et Tushman,
2003 ; O’Reilly et Tushman, 2004) consiste en « la réalisation de légères améliorations et/ou
extensions de l’offre existante (liées aux produits/services, aux processus, aux technologies, à
son organisation etc.) sur des marchés où l’entreprise est déjà présente » (Kacioui-Maurin,
2011). D’autres auteurs ont défini cette notion. Loilier et Tellier (1999) indiquent ainsi que
l’innovation incrémentale ou de continuité consiste pour une entreprise à procéder à « une
amélioration progressive des performances de l’offre existante et n’exige pas des nouveaux
savoir-faires ». En résumé, il s’agirait de « jouer avec les facteurs clés de succès en vigueur »
(Le Loarne et De Margerie, 2009).

D’autre part, la démarche d’exploration s’inscrit dans le long terme et a pour but
d’assurer la pérennité de l’entreprise à travers des changements plus significatifs. L’innovation
d’exploration (He et Wong, 2004 ; Chanal et Mothe, 2004) ou innovation radicale (Benner et
Tushman, 2003) consiste en des changements « révolutionnaires qui pourront se traduire par
l’introduction d’une nouvelle offre, de nouvelle(s) technologie(s) sur des nouveaux marchés
et/ou auprès de nouvelles cibles » (Kacioui-Maurin, 2011). Loilier et Tellier (1999) parlent
d’innovation de rupture qui consiste à « utiliser des savoirs et savoir-faires nouveaux pour
augmenter les performances de l’offre ». Il s’agit ici de « casser le périmètre d’activité et les
FCS existants » (Le Loarne et De Margerie, 2009). La différenciation entre exploitation et
exploration à partir des types d’innovation leur étant associés peut être résumée dans le
tableau suivant :

15
Source : Kacioui-Maurin (2011, p.56).

2.1.3) Les trois formes d’ambidextrie organisationnelle

Il existe, au sein de la littérature académique, un consensus pour dire que l’entreprise


se doit d’être ambidextre. Elle doit, pour assurer sa pérennité, être capable de mettre en
oeuvre simultanément des activités d’exploitation à travers des innovations incrémentales
pour assurer ses intérêts à court terme et des activités d’exploration à travers des innovations
radicales dans le but de préparer son avenir. Néanmoins, si cet objectif fait l’unanimité, les
moyens à déployer pour l’atteindre font l’objet de discussions. La littérature académique
distingue trois formes d’ambidextrie organisationnelle, ou trois moyens de gérer la tension
entre exploitation et exploration. Kacioui-Maurin (2011) explique que les différences entre
ces trois formes « portent sur la structure des entités, séparées vs intégrées, le rôle des équipes
dirigeantes, l’importance du contexte organisationnel et le fait que l’entreprise innove seule
ou en interaction avec ses partenaires ». Présentons ces trois formes d’ambidextrie
organisationnelle.

16
Le « modèle standard » (Birkinshaw et Gibson, 2004) est l’ambidextrie structurelle. Ce
concept a été originellement développé par Tushman et O’Reilly en 1996, et peut être défini
par la séparation stricte entre les structures dédiées à l’exploitation et celles dédiées à
l’exploration. D’après ces auteurs, seule cette séparation rigoureuse et structurelle permet de
mener à bien simultanément des activités d’exploitation et d’exploration de manière
optimale. Un autre élément central de l’ambidextrie structurelle est l’importance du rôle des
équipes dirigeantes. En effet, elles sont « garantes à la fois de la séparation physique,
culturelle, processuelle des équipes et de leur intégration » (Kacioui-Maurin, 2011). Ainsi,
Tushman et O’Reilly, dans leur modèle de l’ambidextrie structurelle, incombent aux managers
et équipes dirigeantes le rôle d’intégrateur. Ce rôle d’intégration est absolument nécessaire
après la séparation structurelle des unités exploitantes et explorantes. D’autres auteurs ont
par la suite enrichi cette définition, apportant plus de détails concernant les caractéristiques
de chacune des structures. Ainsi, les entités explorantes doivent avoir une taille limitée, être
décentralisées et avoir aussi bien des processus de travail, une organisation et une culture
libres (Benner et Tushman, 2003 ; Tushman et O’Reilly, 1999). Par ailleurs, ces entités sont
qualifiées de « structures organiques » (He et Wong, 2004). Selon He et Wong (2004), ces
entités doivent bénéficier d’une grande autonomie leur permettant d’inventer, d’innover,
d’improviser, de créer. D’autre part, les entités exploitantes doivent maximiser le rendement
à court terme ainsi que le contrôle : ces structures sont de plus grandes tailles, elles sont
centralisées et se doivent d’avoir des processus, une culture et une organisation strictes
(Benner et Tushman, 2003 ; Tushman et O’Reiily, 1999). He et Wong (2004) les qualifient alors
de « structures mécanistes » : renvoyant à la littérature en théorie des organisations, ces
structures ont, entre autres caractéristiques, un degré de contrôle et de standardisation élevé.

L’ambidextrie contextuelle est moins centrée sur les structures. Ce deuxième modèle,
introduit par Birkinshaw et Gibson en 2004, se concentre sur le facteur humain dans un
processus d’innovation. L’ambidextrie est alors envisagée au niveau individuel. Ainsi, « Afin
d’articuler au mieux les phases d’exploration et d’exploitation, l’entreprise devrait construire
un contexte organisationnel encourageant les individus à prendre leur propre décision sur la
manière de partager leur temps entre alignement et adaptabilité » (Kacioui-Maurin, 2011).
Kacioui-Maurin explique de manière claire et synthétique les termes clés rattachés à la notion
d’ambidextrie contextuelle. Dans cette optique, « Le management des performances consiste
à stimuler le personnel pour qu’il donne des résultats de qualité tout en les rendant
responsables (Birkinshaw et Gibson, 2004). Le contexte social consiste à assurer la sécurité,
l’assistance et la lattitude nécessaires au personnel pour qu’en retour, il soit au maximum de
leur capacité. L’alignement vise à assurer la cohérence parmi les modèles d’activité dans les
unités d’affaires. L’adaptabilité renvoie à la capacité de reconfigurer rapidement les activités
pour rencontrer une nouvelle demande dans des environnements instables. Il s’agit là de créer
un contexte encourageant la prise d’initiatives et l’autonomie, permettant d’accroître les
performances » (Kacioui-Maurin, 2011). L’ambidextrie contextuelle est donc centrée sur le
contexte mis en place dans l’entreprise favorisant l’autonomie, l’innovation, la créativité et la
prise d’initiatives au niveau individuel. Garel et Rosier (2008) expliquent alors que les
différents projets, orientés vers l’exploitation ou l’exploration dans une démarche de court
terme ou de long terme, sont tous gérés au sein d’une même unité d’affaires. Le leadership
s’inscrit alors au niveau individuel et plus seulement au niveau du top management
(Birkinshaw et Gibson, 2004).

17
Ces deux premiers modèles sont axés sur l’aspect intra-organisationnel de
l’ambidextrie organisationnelle. En effet, on essaye de déterminer quelle est la meilleure
manière de s’organiser à l’intérieur d’une organisation pour gérer la tension entre exploitation
et exploration. Le troisième modèle constitue un changement de paradigme dans la mesure
où il aborde le concept d’ambidextrie organisationnelle sous son prisme inter-organisationnel.
Nous parlons alors d’ambidextrie de réseau (McNamara et Baden-Fuller, 1999). Cette notion
« rend compte de la manière dont l’entreprise s’organise pour gérer la tension entre les
activités d’exploration et d’exploitation au niveau inter-organisationnel » (Kacioui-Maurin,
2011). Ce modèle « s’attache aux relations qu’entretient l’entreprise avec ses partenaires et à
la manière dont elle articule simultanément, dans le réseau, des logiques d’exploitation et
d’exploration (McNamara et Baden-Fuller, 1999) » (Fulconis et Kacioui-Maurin, 2013). Notons
que cette gestion simultanée d’activités d’exploitation et d’exploration via un réseau externe
de partenaires peut prendre différentes formes. En effet, il peut s’agir d’une externalisation
pure et simple des activités d’exploration auprès d’organisations externes à l’entreprise
(Ferrary, 2008). Il peut aussi s’agir d’une collaboration entre plusieurs acteurs partageant alors
leurs ressources et compétences pour innover conjointement. Toujours est-il que ce modèle
élargit la gestion du dilemme entre exploitation et exploration au-delà des « frontières
traditionnelles de l’entreprise pour inscrire les activités d’innovation au sein de réseau
d’entreprises » (Kacioui-Maurin, 2011). Il s’agit ici de bénéficier de l’expertise d’acteurs
externes, de leur capacité d’innovation plus élevée ou de leur plus grande agilité dans le but
de créer des synergies. Néanmois, l’ambidextrie de réseau n’est pas sans poser quelques
problématiques évoquées par Kacioui-Maurin (2011) telles que « la sélection des partenaires
avec lesquels l’entreprise innove, l’appropriation des ressources et compétences qui en
résultent, la reproductibilité des innovations, la répartition des tâches, des rôles et des gains,
la place et le rôle occupés par chacun des acteurs dans la chaîne de valeur ». Les différences
entre ces trois types d’ambidextrie organisationnelle sont résumées dans les tableaux
suivants :

Source : Kacioui-Maurin (2011, p.79).

18
Source : Fulconis et Kacioui-Maurin (2013, p.23), d’après Kacioui-Maurin (2011, p.68).

Source : Kacioui-Maurin (2011, p.68).

19
L’un des choix organisationnels possibles pour les grands groupes afin de gérer la
tension entre exploitation et exploration est la création d’un incubateur corporate. C’est la
raison pour laquelle nous allons aborder ce concept dans la deuxième sous-partie de notre
revue littéraire.

2.2) L’incubateur corporate

2.2.1) L’incubateur : une structure d’accompagnement pour les jeunes entreprises


innovantes

Avant de nous concenter sur la notion d’incubateur corporate, il nous semble


primordial d’expliciter ce qu’est un incubateur. Nous adopterons donc une démarche dite « en
entonnoir » en partant du terme général, l’incubateur, avant de nous concentrer sur une
catégorie particulière d’incubateurs : l’incubateur corporate. Aussi, nous ne distinguerons pas
dans ce devoir les notions d’incubateur et d’accélérateur. En effet, même si certains auteurs
font cette distinction, elle ne nous semble pas fondamentale dans le cadre de notre travail.
Nous parlerons ainsi de la même manière d’incubateurs ou d’accélérateurs, corporate ou non.

Latouche (2008) explique que l’incubation « renvoie aux différentes approches mises
en œuvre pour aider les entrepreneurs dans la création et le développement de leur
entreprise ». La NBIA (National Business Incubation Association) définit donc l’incubateur
comme « un organisme qui aide des entreprises naissantes en fournissant divers services de
support tels que l’assistance dans la préparation de développement et du plan marketing, la
construction de l’équipe de gestion, l’obtention de capital et l’accès à d’autres gammes de
services professionnels plus spécialisés. En outre, il fournit un espace flexible, des équipements
partagés et des services administratifs en commun ».

Le terme d’incubateur vient en fait à l’origine du jargon biologique et médical. Benaziz


et Koubaa (2019) expliquent que ce terme « désigne en biologie un outil utilisé pour
développer des cultures microbiologiques, alors qu’il renvoie en médecine à un instrument
servant à accueillir les enfants prématurés dans un environnement contrôlé et à les protéger
durant les premiers instants de leur vie ». Cette définition a ensuite été adaptée au domaine
du management et de l’entrepreneuriat, l’incubateur d’entreprises jouant alors le rôle de
couveuse auprès de jeunes sociétés (Allen et Rahman, 1985). Allen et Rahman (1985)
poursuivent en définissant l’incubateur à partir de quatre grandes caractéristiques : un réseau
apportant une aide aux sociétés accompagnées, la localisation géographique de la structure
sur un même site, des services de conseil sur des questions opérationnelles et un support
administratif partagé avec les autres sociétés accompagnées.

D’autre part, Benaziz et Koubaa (2019) expriment la pensée de Gassmann et Enkel


(2004) sur l’incubateur en ces termes : « Ce type de structure vise à fournir un environnement
favorable aux créateurs, permettant de faire grandir et pérenniser leur jeune entreprise (ou
start up), grâce à un soutien avant et durant la période de démarrage voire même après cette
phase ». Barbero et al. (2012) et Brooks (1986) voient eux l’incubateur comme un « assistant
qui aide les entrepreneurs en leur fournissant des conditions contrôlées en termes de service
de secrétariat, d’assistance administrative, d’installation et de soutien des entreprises en
management, finance et comptabilité » (Benaziz et Koubaa, 2019). Cooper (1985) et Freeman

20
(1984) définissent également l’incubateur, celui-ci étant « un établissement multi-locataire
qui fournit aux entrepreneurs : des contrats de location flexibles pour de petits espaces peu
coûteux ou gracieux ; un ensemble de services de soutien partagés afin de réduire les frais
généraux ; une certaine forme d’assistance professionnelle et managériale, et un accès ou une
assistance dans l’acquisition de capitaux d’amorçage ».

Bien d’autres auteurs ont travaillé sur ces structures d’accompagnement préférant
parler d’accélérateurs. Cohen et Hochberg (2014) définissent les accélérateurs comme des
structures qui aident les jeunes entreprises sur plusieurs aspects tels que la construction de
leurs produits initiaux, l’identification de leurs segments de clientèle clés ou encore l’accession
à des ressources comme des capitaux : « programs that help ventures define and build their
initial products, identify promising customer segments, and secure resources, including capital
and employees » (Cohen et Hochberg, 2014). D’autre part, les accélérateurs fournissent un
accès à des mentors et à des sessions de networking (Cohen et Hochberg, 2014). Ces
structures sont également caractérisées par les capitaux d’amorçage et les locaux qu’ils
peuvent fournir aux entreprises, et par la restriction temporelle (généralement trois ou six
mois) du programme d’accélération auquel participent les jeunes sociétés par groupe /
promotion (Heinemann, 2015). Les accélérateurs concluent généralement cette période par
ce qu’on appelle communément un demo day lors duquel les start-ups accélérées pitchent
leur solution devant une communauté d’investisseurs (Heinemann, 2015).

Dempwolf et al. (2014) rassemblent tous ces éléments dans leur définition de
l’accélérateur : « business entities that make seed-stage investments in promising companies
in exchange for equity as part of a fixed-term, cohort-based program, including mentorship
and educational components, that culminates in a public pitch event, or demo day »
(Dempwolf et al., 2014). La restriction temporelle de ces programmes permet d’éviter la
situation de dépendance mutuelle entre start-up et accélérateur mais aussi de stimuler la
croissance des sociétés accélérées sur une courte période (Cohen, 2013). D’autre part, cela
permet d’obtenir un retour rapide de la part du marché concernant la viabilité de l’idée
(Cohen, 2013) et de maximiser les bénéfices de l’accélérateur qui peut alors accueillir plus de
start-ups (Dempwolf et al., 2014). Le fonctionnement par promotion / groupe de start-ups
accélérées pour chaque période permet, entre autres, d’encourager un apprentissage croisé
et mutuel entre les différentes sociétés (Cohen, 2013). Par ailleurs, Heinemann (2015) donne
sa propre définition de l’accélérateur : ce sont des programmes ayant des objectifs souvent
financiers qui aident de jeunes start-ups de différentes manières, principalement via du
mentorat et de la mise en relation avec des investisseurs, et prennent une participation
minoritaire à leur capital au cours d’une période d’accélération inférieure à un an dont les
sociétés participantes sont séléctionnées de manière très stricte et par goupe / promotion.

Comme le lecteur peut le constater, les définitions proposées par la littérature pour le
concept d’incubateur (ou d’accélérateur) sont légion. En conclusion, retenons cette définition
synthétique et générale : « Les incubateurs sont des structures d’appui à la création
d’entreprises. Ils réunissent des ressources spécialisées dédiées à l’accompagnement et
l’assistance des entreprises avant leur création ou dans les premières années de leur vie. Ils
comprennent, en général, un hébergement immobilier souple, des services administratifs, des
actions de conseil et de mise en relation avec les réseaux d’affaires notamment financiers »
(Albert, Bernasconi et Gaynor, 2002).

21
2.2.2) L’incubateur corporate : un moyen pour les grandes entreprises de collaborer
avec des start-ups dans une démarche d’innovation ouverte

L’avènement de nouveaux acteurs disruptant des marchés traditionnels, à l’instar


d’Uber ou AirBnb, souligne à quel point l’innovation est source de réussite dans le monde des
affaires. A ce titre, Christensen (1997) montre comment de solides multinationales sont
amenées à perdre leur leadership face à de nouveaux entrants capables de mettre en place
des innovations de rupture (ou innovations disruptives).

Ces exemples mettent également en exergue les différences entre start-ups et grandes
entreprises, notamment en ce qui concerne leur capacité d’innovation. Les start-ups,
structurellement agiles et réactives, seraient plus enclines à innover. Au contraire, plusieurs
facteurs expliquent les difficultés que peuvent rencontrer les grandes entreprises lorsqu’il
s’agit de mettre en place une démarche d’innovation (Ferrary, 2003). Ces difficultés renvoient
notamment à la notion de configuration organisationnelle (Mintzberg, 1979). Des éléments,
tels que la taille grandissante de l’entreprise ou la dynamique environnementale, entraînent
une nécessité de structuration plus forte (Burns et Stalker, 1961 ; Lawrence et Lorsch, 1967 ;
Woodward, 1965 ; Blau et Schoenherr, 1971). Ce besoin d’une organisation plus stricte
engendrerait l’adoption d’une configuration organisationnelle manquant de souplesse,
résultant une capacité d’innovation moins importante.

En conséquence, nombre de grandes entreprises cherchent à collaborer avec des start-


ups avec comme objectif de stimuler leur capacité d’innovation (Weiblen et Chesbrough,
2015). L’un des moyens qu’ont les grandes entreprises pour faciliter cette collaboration avec
des start-ups dans une démarche d’innovation ouverte (Chesbrough, 2003) est la création d’un
incubateur (ou accélérateur) corporate. Il apparaît d’ailleurs que la création de ce type de
structures soit particulièrement d’actualité. En effet, Mocker et al. (2015) indiquent qu’un
tiers des accélérateurs européens sont soutenus d’une manière ou d’une autre par une entité
corporate. Il convient donc de définir le concept d’incubateur (ou accélérateur) corporate.

Hochberg (2015) décrit l’accélérateur corporate comme un type particulier


d’accélérateur étant le résultat de l’initiative d’une entreprise qui a pour objectif d’améliorer
ses capacités d’innovation et sa visibilité sur des technologies nouvelles : « The emergence of
corporate accelerator appears to have arisen from a desire by many companies to bring
themselves closer to innovation and gain access to windows on emerging technology »
(Hochberg, 2015). Cependant, leur fonctionnement serait très semblable à celui d’un
accélérateur classique (Hochberg, 2015). Une caractéristique particulière de l’accélérateur
corporate serait néanmoins la volonté d’incorporer les innovations externes à l’intérieur de
l’organisation principale : « A corporate accelerator is structurally similar to a business, seed
or startup accelerator but focuses on insourcing external innovation » (Richter et al., 2017).
Par ailleurs, Richter et al. (2017) indiquent que l’objectif principal d’une telle structure est bien
d’ouvrir le processus d’innovation de l’entreprise et de lui permettre de profiter des capacités
d’innovation des jeunes entreprises accélérées : « The main goal for the use of an accelerator
program by an established corporation is to open up the innovation process and actively profit
from the innovative capacity of new ventures » (Richter et al., 2017).

22
Dempwolf et al. (2014) définissent l’accélérateur corporate à travers un autre prisme :
celui du management d’un portefeuille de start-ups complémentaires. En effet, même si
l’accélérateur corporate rassemble les caractéristiques d’un accélérateur classique, il consiste
en la gestion d’un portefeuille de start-ups capable d’accélérer le processus d’innovation et
de gagner un avantage compétitif, cet objectif étant traduit par cette citation : « grow and
manage portfolios of complementary startups to accelerate innovation and gain a competitive
advantage » (Dempwolf et al., 2014). D’autre part, ces auteurs insistent sur le fait que
l’accélérateur corporate a des motivations et un business model différents des accélérateurs
classiques. En effet, les accélérateurs corporate, avant d’être guidés par la quête du profit via
l’investissement dans les start-ups accélérées, doivent avant tout répondre aux objectifs
opérationnels de leur organisation mère (Dempwolf et al., 2014). La démarche adoptée par
un accélérateur corporate n’est donc pas la même que celle d’un accélérateur classique.

Kohler (2016) définit l’accélérateur corporate en utilisant la métaphore du pont entre


deux mondes différents, celui de la grande entreprise et celui de la start-up : « The promise of
corporate accelerators lies in bridging the gap between corporations and start-ups » (Kohler,
2016). Ce pont permettrait alors de combiner le meilleur des deux mondes, mettant en
lumière des avantages partagés pour chacune des parties en fonction des ressources et
compétences qu’ils peuvent mettre à disposition : « Effective corporate accelerators combine
the best of two worlds : the scale and scope of large, established corporations and the
entrepreneurial spirit of small startup firms » (Kohler, 2016). Kohler rappelle aussi dans sa
définition que les accélérateurs corporate rassemblent les principales caractéristiques des
accélérateurs classiques : la période d’accélération limitée, la sélection par groupe /
promotion de start-ups ou encore les services de mentoring et de conseil opérationnels.

Comme pour les accélérateurs classiques, le lecteur peut constater qu’il existe une très
grande quantité de définitions pour caractériser l’accélérateur corporate. Là encore, nous
concluerons en retenant une définition générale et synthétique de ce concept : « les
accélérateurs corporate sont des structures qui offrent des services adaptés
d’accompagnement à la croissance des nouvelles entreprises, et dont l’objet est de préempter
des innovations par l’investissement et ou de commercialiser des innovations auprès des
clients par des partenariats commerciaux » (Latouche, 2008).

2.3) Synthèse et grille de lecture théorique

Nous avons donc, dans cette revue littéraire, traité des connaissances théoriques
actuelles sur notre sujet en deux parties. Nous avons tout d’abord centré notre revue sur le
concept d’ambidextrie organisationnelle. Nous avons défini cette notion en partant du
dilemme auquel doivent faire face les entreprises : celui qui oppose les activités d’exploitation
et d’exploration. Nous avons également explicité les caractéristiques de ces deux logiques
ainsi que les types d’innovation qui leur correspondent. Par la suite, nous avons mis en lumière
les trois modes de gestion du dilemme exploitation / exploration que recense la littérature
académique : l’ambidextrie structurelle, l’ambidextrie contextuelle et l’ambidextrie de réseau.

La deuxième partie de notre revue littéraire définit le concept d’incubateur /


accélérateur et d’incubateur / accélérateur corporate. Un nombre croissant de grands
groupes font le choix organisationnel de la création d’un incubateur corporate. En effet,

23
Mocker et al. (2015) indiquent qu’un tiers des accélérateurs européens sont soutenus d’une
manière ou d’une autre par une entité corporate. Il convient donc d’éclairer cette pratique et
d’apporter des éléments de réponse en ce qui concerne le rôle de ces incubateurs dans la
fertilisation des capacités d’innovation des grands groupes. D’autre part, ces structures
renvoient à la fois à l’approche structurelle de l’ambidextrie via le rôle intégrateur des équipes
dirigeantes et la séparation stricte entre entité exploitante et exploratoire, et à l’ambidextrie
de réseau via la mobilisation d’un panel d’entités externes, les start-ups, au sein d’une même
structure dans une optique d’exploration conjointe / collaborative. La grille de lecture
théorique que nous adopterons tout au long de ce devoir sera donc une voie hybride
combinant les approches structurelles et de réseau de l’ambidextrie organisationnelle. Ce pré-
modèle conceptuel s’inscrit dans une démarche exploratoire adaptée à la méthodologie
qualitative que nous allons adopter et justifier dans notre prochaine partie.

24
3) Chapitre méthodologique
Ce chapitre a pour objectifs de clarifier nos choix méthodologiques pour ce devoir et
de justifier leur cohérence. Le lecteur aura ici accès aux méthodes de travail et techniques
utilisées pour mener notre étude. Dans cette optique, ce chapitre est divisé en cinq parties.
La première partie est destinée à la présentation du design de notre recherche. Nous y
justifierons l’adéquation de l’approche qualitative à notre devoir et expliciterons notre choix
d’une méthode standard : l’étude de cas. Nous présenterons ensuite en détail notre terrain
de recherche : l’incubateur corporate du groupe LVMH nommé La Maison des Startups. Il
s’agira, dans une troisième partie, d’expliciter notre démarche d’échantillonnage avant de
présenter la manière dont nous avons collecté nos données dans une quatrième partie. Enfin,
nous aborderons la méthode d’analyse des données que nous avons adoptée.

3.1) Design de recherche : justification de notre approche qualitative

Les méthodes quantitatives et qualitatives sont opposées à bien des égards. Kalika et
al. (2018) expliquent les différences fondamentales entre ces deux approches. « Les méthodes
quantitatives reposent sur des données qui se présentent essentiellement sous la forme de
chiffres et qui sont basées sur des procédures d’analyse statistiques. Elles visent à mesurer un
phénomène » (Kalika et al., 2018). La nature de la donnée est donc chiffrée, numérique, et la
démarche consiste ici à mesurer, tester, vérifier un phénomène. Les techniques statistiques
sont utilisées et la recherche est alors inscrite dans un cadre stricte, rigide et peu flexible. A
l’inverse, « Les méthodes qualitatives reposent (…) sur des données qui se présentent
essentiellement sous la forme de mots ou d’images. Elles visent à comprendre un phénomène.
(…) Les méthodes qualitatives permettent d’étudier les phénomènes en profondeur et dans
leur contexte (c’est-à-dire de prendre en considération l’environnement) » (Kalika et al., 2018).
Dans cette approche, la nature de la donnée n’est donc pas numérique. D’autre part, la
démarche adoptée consiste à étudier un phénomène de manière exploratoire. Le cadre de
l’étude est logiquement plus souple et flexible.

Il apparaît donc naturel de choisir, dans le cadre de notre devoir, une approche
qualitative. En effet, notre objet d’étude est un sujet complexe qu’il convient d’étudier en
profondeur. Nous souhaitons éclairer la pratique de création d’incubateur corporate à travers
le prisme de l’ambidextrie organisationnelle. Notre démarche est exploratoire et, dans ce
cadre, seule une approche qualitative peut nous permettre de rendre compte des
phénomènes et situations étudiés en profondeur tout en prenant en compte l’environnement
/ le contexte dans lequel s’inscrivent les parties prenantes. En effet, nous ne cherchons pas à
mesurer ou tester un phénomène à l’aide d’outils chiffrés, nous cherchons à comprendre ce
phénomène. La gestion d’un enjeu organisationnel ne peut que difficilement n’être
appréhendée qu’au prisme d’outils statistiques. Une approche qualitative s’appuyant sur des
données tels que des mots semble bien plus adaptée.

D’autre part, nous choisissons ici une méthode standard en particulier : l’étude de cas.
« La méthode des cas vise l’étude en profondeur d’un ou plusieurs cas qui exemplifient un
phénomène que l’on veut étudier » (Giroux, 2003). Nous l’expliquerons dans la partie dédiée
à la présentation de notre terrain de recherche, mais l’incubateur corporate du groupe LVMH
est un objet d’étude tout à fait à pertinent compte tenu de notre sujet et de notre

25
problématique. En effet, les grands groupes font de plus en plus le choix organisationnel de
l’incubateur corporate dans l’optique de la gestion de la tension entre exploitation et
exploration. LVMH, groupe très performant en termes d’exploitation, a également choisi cette
option organisationnelle dans une optique de fertilisation de ses capacités d’exploration.
L’étude de son incubateur corporate est donc un exemple cohérent pour l’étude du
phénomène qui nous intéresse. Enfin, Kacioui-Maurin (2011) expose la pensée de Yin (2003)
selon laquelle « l’étude de cas doit être retenue comme méthode lorsque les trois conditions
suivante sont réunies : 1. La question de recherche est du type « comment ? » ou
« pourquoi ? » ; 2. Le chercheur a peu ou pas de prise de contrôle sur les évènements et les
comportements qu’il observe ; 3. L’étude porte sur un phénomène contemporain en opposition
aux phénomènes historiques » (Kacioui-Maurin, 2011). Notre devoir répond à ces trois
critères, nous estimons en conséquence que l’étude de cas est particulièrement appropriée
dans le cadre de notre étude. Maintenant que nous avons acté le choix de cette méthode, il
convient de présenter le terrain de recherche qui fera l’objet de notre étude de cas.

3.2) Présentation du terrain de recherche : La Maison des Startups LVMH

Notre terrain de recherche est donc l’incubateur corporate du groupe LVMH : La


Maison des Startups. Cette structure a été inaugurée en avril 2018 à Station F, le plus grand
campus de start-ups au monde situé à Paris. Station F accueille en effet plus de 1000 start-ups
à travers plus de 30 programmes d’incubation / accélération (dont beaucoup sont des
programmes corporate) sur un campus de 51 000 mètres carrés. Station F accueille également
des administrations publiques et des fonds d’investissement, et organise de très nombreux
évènements. Le campus intègre aussi des bureaux de mentorat, des cafés et restaurants, une
salle de sport ainsi que le plus grand espace de co-living d’Europe avec 600 chambres dédiées
aux entrepreneurs. Mais revenons à La Maison des Startups.

LVMH indique que sa politique d’innovation s’appuie sur deux grands piliers : un
programme d’intrapreneuriat nommé DARE et un programme d’accélération de start-ups
nommé La Maison des Startups. Cette seconde initiative correspond à une démarche
d’innovation ouverte (Chesbrough, 2003). L’objectif de cette structure est de permettre au
groupe de nourrir un dialogue entre tradition et modernité, la tradition étant une valeur
centrale de l’industrie du luxe et la modernité étant matérialisée par les innovations des start-
ups. L’incubateur accueille chaque année 50 start-ups qui ont accès à de nombreuses
opportunités d’affaires avec les 75 maisons du groupe. Les start-ups sélectionnées opèrent
autour de 9 grandes thématiques correspondant à des enjeux importants pour le groupe
LVMH : l’expérience post-achat / le soin apporté au consommateur, la veille / exploration, le
clienteling / la gestion CRM, la data, l’e-commerce / l’omnicanalité, l’expérience en boutique,
la logistique / livraison, la personnalisation de l’expérience et enfin une dernière catégorie
rassemblant les autres éventuelles problématiques du groupe. Les start-ups bénéficient aussi
d’une confrontation au système de valeur et à la philosophie du groupe LVMH qui se basent
sur une vision de long terme et la conciliation entre créativité et excellence. La période
d’accélération s’étale sur 6 mois et permet aux start-ups de mieux appréhender les différentes
fonctions du groupe LVMH ainsi que de rencontrer certains collaborateurs clés du groupe. Les
start-ups bénéficient également de l’écosystème Station F : un accès privilégié aux fonds de
capital-risque, à des conférences, des sessions de mentoring et un réseau d’entrepreneurs.

26
La mission de La Maison des Startups est explicitée à travers un objectif : « We want
our brands to stay true to their origins, but reinvent them so they stay relevant to our current
and future customers » (Antonio Belloni, directeur général délégué de LVMH). Profitons de
cette citation pour remarquer qu’elle reflète bien l’idée d’une tension entre exploitation et
exploration. La Maison des Startups est une structure ouverte aux collaborateurs du groupe
LVMH. En effet, plus de 150 évènements y sont organisés chaque année et plus de 150 équipes
du groupe visitent chaque année l’incubateur afin d’y trouver des solutions innovantes pour
leurs problématiques métiers. Les visites peuvent prendre deux formes : une demo-session
pendant laquelle une sélection de start-ups peuvent pitcher leur solution devant les équipes
du groupe, ou un workshop plus informel permettant aux équipes de LVMH de discuter
librement avec les start-ups. Le site internet de l’incubateur indique d’ailleurs que la mission
de la structure est de nouer des conversations entre les start-ups et les collaborateurs du
groupe. Ces conversations débouchent bien souvent sur des collaborations : 57 ont été
signées au cours de l’année 2019. Les start-ups incubées sont également encouragées à se
rencontrer et s’inspirer mutuellement, elles peuvent aussi co-construire des projets et des
preuves de concept avec des interlocuteurs du groupe LVMH. D’un point de vue de la
sélection, les start-ups candidatent tout au long de l’année sur le site internet de l’incubateur.
Elles sont ensuite choisies deux fois par an : chaque promotion de start-ups correspond alors
à une « saison » du programme d’accélération. Au terme de cette période d’incubation, les
start-ups ont la possibilité de faire partie d’un programme Alumni.

Ce terrain de recherche est particulièrement adapté à notre sujet, à notre


problématique et au phénomène que nous souhaitons étudier. En effet, nous l’avons expliqué,
le groupe LVMH adopte, à travers la création d’un incubateur corporate, un choix
organisationnel pour gérer le dilemme exploitation / exploration. Beaucoup d’autres grands
groupes font également ce choix : Mocker et al. (2015) indiquent qu’un tiers des accélérateurs
européens sont soutenus d’une manière ou d’une autre par une entité corporate. Il convient
donc d’éclairer cette pratique et d’apporter des éléments de réponse en ce qui concerne le
rôle de ces incubateurs dans la fertilisation des capacités d’innovation des grands groupes.
Dès lors, ce terrain est particulièrement représentatif du phénomène que nous souhaitons
étudier et constitue donc une étude de cas cohérente. En effet, ce terrain est le lieu
cristallisant les enjeux inter-organisationnels de l’ambidextrie organisationnelle pour LVMH
dans la mesure où il réunit, dans une démarche d’innovation ouverte (Chesbrough, 2003), un
réseau d’entités externes innovantes, les start-ups, au sein d’une même structure isolée dans
le but de créer des synergies exploratoires. Ce terrain sera donc particulièrement adapté à
notre analyse basée sur une double grille de lecture théorique combinant les approches
structurelle et de réseau de l’ambidextrie. Rappelons à ce titre, à l’aide de ce schéma, notre
objet d’étude et la cohérence de notre terrain de recherche en fonction de cet objet d’étude
matérialisé par la flèche rouge :

27
De plus, ce terrain de recherche est relativement accessible. Ayant effectué un stage
dans une start-up incubée au sein de La Maison des Startups LVMH, ce terrain m’est facile
d’accès. Les données à collecter seront donc accessibles dans la mesure où le contact avec les
start-ups incubées est déjà établi. En revanche, précisons qu’il est plus difficile de s’entretenir
directement avec les membres du staff de La Maison des Startups. Il convient dès lors
d’exposer la démarche d’échantillonnage mise en place dans ce devoir.

3.3) Présentation de notre démarche d’échantillonnage intentionnel

Comme l’expliquent Kalika et al. (2018), « il est rarement possible d’appréhender le


terrain de façon exhaustive. Cette contrainte nécessite donc la mise en place de critères
d’échantillonnage permettant de sélectionner les individus ou les cas étudiés au sein d’une
population plus large » (Kalika et al., 2018). Cette partie sera donc dédiée à l’explication de
notre démarche d’échantillonnage.

Nous avons opté pour une approche qualitative. Notre démarche ne peut donc pas
s’appuyer sur des principes tels que l’échantillon représentatif d’une population qui se basent
sur la représentativité statistique des données. A l’inverse, nous devons adopter une
démarche d’échantillonnage intentionnel. Il s’agit ici d’effectuer « une sélection délibérée
d’informations riches et pertinentes par rapport aux objectifs de la recherche (Patton, 2015) »
(Kalika et al., 2018). Dès lors, il nous est apparu que l’incubateur corporate du groupe LVMH
comportait en réalité deux types d’acteurs, c’est-à-dire deux grandes sources d’informations :
les membres du staff de l’incubateur et les start-ups y étant incubées. Dans l’idéal, notre
échantillon devrait donc être constitué de ces deux grandes catégories d’acteur.

Dans cette optique, nous avons contacté deux program managers de La Maison des
Startups LVMH. Leur rôle est de gérer le programme d’accélération notamment à travers la
sélection des start-ups incubées, d’organiser la vie au sein de l’incubateur, d’assurer le lien
entre les start-ups et les maisons du groupe en alignement avec leurs besoins opérationnels
et problématiques métiers et de gérer les différents évènements et visites se déroulant à
l’incubateur. Ils sont donc au cœur de la gestion quotidienne de la structure d’accélération du

28
groupe LVMH et sont en contact direct avec les start-ups ainsi qu’avec les parties prenantes
du groupe LVMH et de ses différentes maisons. Ils sont donc des acteurs privilégiés prenant
part au phénomène que nous souhaitons étudier. Cependant, les program managers n’ont
pas souhaité nous accorder d’entretien directement. Ils nous ont toutefois fourni un ensemble
de données d’archive internes (livrets de présentation de La Maison des Startups, decks de
présentation des différentes promotions de l’incubateur, dossiers de communication sur la
création de l’incubateur) susceptibles d’apporter des réponses à nos questions. De plus, ils
nous ont mis en relation avec un expert des relations entre start-ups et grands groupes. Nous
avons pu nous entretenir avec ce spécialiste pour aborder les points qui nous intéressaient.
D’autre part, notre échantillon est constitué de six start-ups différentes incubées à La Maison
des Startups. Nos interlocuteurs sont principalement des co-fondateurs de ces start-ups ou
des collaborateurs clés amenés à être directement et régulièrement en contact avec les
program managers de l’incubateur et avec les équipes des différentes maisons du groupe
LVMH.

En dépit des difficultés que nous avons rencontrées, cette diversité de sources de
données nous semble cohérente et à même de nous fournir une diversité de points de vue
intéressante ainsi qu’une vision relativement complète des phénomènes et situations que
nous souhaitons étudier. Si notre échantillon est majoritairement composé de start-ups, cela
est dû au fait que le staff de La Maison des Startups LVMH est une équipe de petite taille avec
peu de collaborateurs et donc de program managers. De surcroît, ils n’ont pas souhaité
s’exprimer directement. A l’inverse, il existe une grande diversité de start-ups incubées au
sein de cette structure. Notre démarche d’échantillonnage s’appuie donc sur un principe de
diversité de points de vue et de sources de données. Elle s’appuie également sur la sélection
d’informateurs occupant des positions clés dans le groupe que nous souhaitons étudier. Enfin,
elle repose sur des données d’archive fournies par les acteurs et sur l’expertise d’un spécialiste
des relations start-ups / grands groupes. Voici un tableau récapitulatif des différents
interlocuteurs avec qui nous avons mené nos entretiens semi-directifs. Pour des raisons de
confidentialité formulées par les interlocuteurs, nous avons anonymisé leurs noms ainsi que
ceux de leur structure d’appartenance.

Nom de code de
Organisation Fonction de l’interlocuteur
l’interlocuteur
Interlocuteur n°1 Startup n°1 Sales Director
Interlocuteur n°2 Startup n°2 CEO - Co-founder
Directeur Grands Comptes /
Interlocuteur n°3 Startup n°3 Chargé du partenariat avec
La Maison des Startups
Account Executive - Team
Interlocuteur n°4 Startup n°4
Leader
Interlocuteur n°5 Startup n°5 CEO - Founder
Interlocuteur n°6 Startup n°6 CCO - Co-founder
CEO - Founder / Expert des
Interlocuteur n°7 RaiseLab relations start-ups / grands
groupes

29
Maintenant que notre démarche d’échantillonnage est explicitée et que nos
interlocuteurs sont présentés, détaillons la manière dont nous avons collecté nos données.

3.4) Collecte des données qualitatives

Nous avons, au cours de ce devoir, utilisé une méthode principale de collecte de


données : l’entretien semi-directif. Il nous est apparu que ce type de collecte de données était
le plus adapté à notre travail. « L’entretien constitue une des méthodes de collecte les plus
utilisées par les chercheurs adoptant une perspective qualitative. (…) L’entretien semi-directif
constitue le type d’entretien le plus couramment utilisé par les chercheurs en sciences de
gestion (…). Il permet au chercheur d’amener un répondant à livrer des informations riches et
détaillées sur les thématiques couvertes par la recherche » (Kalika et al., 2018). Ainsi, nous
l’avons déjà expliqué, nous adoptons une approche qualitative et une démarche exploratoire
nécessitant une étude approfondie de notre sujet ainsi que des phénomènes et situations s’y
rattachant. En ce sens, l’entretien semi-directif constitue une réponse adaptée à nos objectifs
de recherche. Il nous permettra d’obtenir une compréhension profonde et détaillée de l’enjeu
organisationnel que nous souhaitons étudier en prenant en compte l’environnement, le
contexte dans lequel s’inscrivent nos interlocuteurs. Ces derniers pourront exprimer
librement leurs idées dans un cadre que nous aurons préalablement défini. Nous avons à cet
effet construit trois guides d’entretien semi-directifs, un pour chaque type d’interlocuteur
(start-up, membre du staff de La Maison des Startups et spécialiste des relations start-ups /
grands groupes). Ces guides d’entretien sont à retrouver en annexe de ce mémoire. Même si
nous n’avons pas pu nous entretenir directement avec des membres du staff de La Maison
des Startups, nous avons décidé d’inclure le guide d’entretien qui leur était dédié en annexe.
En effet, cela donnera au lecteur un aperçu des informations que nous avons pu collecter
indirectement à travers les données d’archive fournies par le staff de l’incubateur. Précisons
que tous nos entretiens ont été réalisés en visioconférence via des outils tels que Zoom ou
Google Hangouts. Cela est dû au confinement engendré par le coronavirus. Voici un tableau
de synthèse des entretiens réalisés :

Nom de code
Fonction de Date de Durée de
de Organisation
l’interlocuteur l’entretien l’entretien
l’interlocuteur
Interlocuteur
Startup n°1 Sales Director 08/04/20 18min18s
n°1
Interlocuteur CEO - Co-
Startup n°2 08/04/20 23min48s
n°2 founder
Directeur
Grands
Comptes /
Interlocuteur
Startup n°3 Chargé du 14/04/20 35min17s
n°3
partenariat
avec La Maison
des Startups
Account
Interlocuteur
Startup n°4 Executive - 15/04/20 22min55s
n°4
Team Leader

30
Interlocuteur
Startup n°5 CEO - Founder 17/04/20 19min30s
n°5
Interlocuteur CCO - Co-
Startup n°6 18/04/20 25min41s
n°6 founder
CEO - Founder /
Expert des
Interlocuteur
RaiseLab relations start- 22/04/20 20min26s
n°7
ups / grands
groupes

Par ailleurs, afin de compenser l’absence d’entretiens avec les membres du staff de La
Maison des Startups, nous avons eu recours à des données d’archive directement fournies par
ces acteurs (livrets de présentation de La Maison des Startups, decks de présentation des
différentes promotions de l’incubateur, dossiers de communication sur la création de
l’incubateur). Ces données permettent d’apporter des éléments de contexte utiles pour
comprendre et restituer les spécificités de notre terrain. Elles nous permettent également de
compléter les informations obtenues lors de nos entretiens. Enfin, elles ne soufffrent pas des
mêmes biais que les données collectées dans le cadre d’entretiens semi-directifs.

Nous avons présenté la manière dont nous avons collecté nos données qualitatives.
Après la collecte vient l’analyse, présentons donc la méthode d’analyse que nous avons
retenue.

3.5) Présentation de notre méthode d’analyse des données

La première étape préalable à notre analyse des données est la retranscription de nos
entretiens semi-directifs. Nous avons ainsi d’abord retranscrit à l’écrit l’ensemble de nos
entretiens, et ce dans la journée suivant l’entretien. Nous avons également analysé les
données d’archive fournies par les membres du staff de La Maison des Startups afin de
sélectionner les informations qui nous intéressaient. Dans un second temps, la méthode
d’analyse de données que nous avons choisi est le codage thématique des données. Plus
spécifiquement, nous avons réalisé un codage inductif / a posteriori. En se basant sur les
retranscriptions de nos entretiens et sur nos données d’archives, nous avons construit une
grille d’analyse conceptuelle divisée en thèmes. Ces thèmes permettent de relier nos données
brutes recueillies avec les concepts importants de notre sujet. Cette organisation des données
a par la suite permis de rédiger de manière organisée notre chapitre dédié aux résultats de
notre recherche. Notre grille de codage thématique est à retrouver en annexe de ce mémoire.

31
4) Résultats
Ce chapitre a pour but de présenter les résultats de notre mémoire, issus de notre
recherche empirique. L’objectif de ce chapitre est évidemment de répondre à la
problématique de notre mémoire. Rappelons à ce titre que notre prpblématique tourne
autour de plusieurs aspects. Nous cherchons à savoir comment le groupe LVMH arrive à
cultiver ses capacités d’innovation à la lisière de son organisation et, simultanément, à
exploiter ces innovations en les réintégrant dans son organisation. Nous cherchons également
à savoir quel est le degré de perméabilité de La Maison des Startups alors même qu’elle doit
avoir une certaine autonomie pour conserver sa créativité mais, en même temps, permettre
au groupe LVMH d’exploiter cette créativité en alignement avec ses objectifs opérationnels.
Enfin, nous souhaitons comprendre les modalités d’appropriation / adoption des solutions des
start-ups incubées par les différentes maisons du groupe LVMH.

Dans cette optique, notre chapitre de résultats est décomposé en trois sous-parties.
Tout d’abord, nous centrerons notre analyse sur l’enjeu structurel de notre sujet en expliquant
en quoi La Maison des Startups est une entité à part du groupe LVMH. Dans un second temps,
nous étudierons en profondeur l’organisation de l’activité à l’intérieur de La Maison des
Startups et les relations entre les différents acteurs de cette structure. Enfin, nous nous
concentrerons sur le processus d’adoption des solutions de start-ups par les maisons du
groupe LVMH en mettant en lumière la double perspective court terme / long terme d’une
telle collaboration.

4.1) La Maison des Startups : une structure à part du groupe LVMH

Un des éléments les plus saillants de notre recherche concerne l’aspect structurel de
La Maison des Startups qui semble être une structure à part du groupe LVMH. Nous pouvons
tout d’abord l’affirmer du fait de la localisation de l’accélérateur à Station F, en dehors des
bureaux de LVMH. Cette localisation géographique nous a semblé être une caractéristique
importante à étudier. Il apparait que différents facteurs aient motivé cette séparation
structurelle vis-à-vis de LVMH et plus particulièrement cette implantation à Station F. Un
premier facteur concerne l’aspect marketing / communication. En effet, Station F est le plus
grand incubateur de start-ups au monde, il réunit un ensemble d’acteurs du milieu de
l’entrepreneuriat et de l’innovation : aussi bien des fonds d’investissement en capital risque
que des accélérateurs corporate ou des programmes de mentoring. Il s’agit d’un véritable hub
de l’innovation, un melting pot pour toutes les parties prenantes de l’écosystème
entrepreneurial : investisseurs, corporates, entrepreneurs, etc. Ainsi, l’implantation d’un
incubateur / accélérateur corporate à Station F représente une formidable opportunité
marketing / communicationnelle pour un grand groupe. Le communiqué publié par LVMH à
l’occasion de l’inauguration de La Maison des Startups illustre d’ailleurs cet aspect : « En
installant La Maison des Startups dans le plus grand incubateur de startups au monde, le
Groupe réaffirme ainsi ses valeurs d’innovation, d’esprit entrepreneurial et d’excellence, piliers
qui fondent sa réussite ». Il ressort de nos différents entretiens avec des start-ups et avec un
expert de la relation start-ups / grands groupes que cet aspect marketing / communication
n’est pas à minimiser et constitue une des explications de la localisation de La Maison des
Startups à Station F plutôt que dans les bureaux de LVMH :

32
« Ah je pense que ça fait partie de l’image en fait… On a une image beaucoup plus start-up,
plus dynamique du fait d’être à Station F plutôt qu’à Avenue Montaigne quoi. C’est vraiment
une problématique d’image start-up et de dynamisme, de réactivité » (Interlocuteur n°5, CEO
& Founder, start-up n°5).

« Je pense que c’est un peu marketing… Station F, c’est là que ça se passe tu vois. Station F est
divisée en deux parties. T’as une partie qui est pas ouverte au public dans laquelle t’as surtout
les fonds d’investissement français qui ont un desk à Station F. Et dans l’autre partie t’as les
bureaux qui sont loués, et c’est là que t’as tous les accélérateurs : celui de Facebook, Microsoft,
Google, Plug & Play euh… mais t’as aussi Adidas, t’as L’Oréal, t’as TF1. Et donc voilà c’était
normal que si LVMH faisait cette initiative là ça avait du sens de s’implanter à Station F »
(Interlocuteur n°6, CCO & Co-founder, start-up 6).

« Ensuite côté marketing pour les start-ups et niveau désirabilité c’était quand même assez
stylé d’aller à Station F et de de pouvoir dire on est dans le plus grand incubateur du monde,
on y lance un programme d’accélération » (Interlocuteur n°7, expert des relations start-ups /
grands groupes, CEO & Founder, RaiseLab).

Outre l’argument purement marketing permettant de véhiculer une image agile et


innovante, l’implantation d’un incubateur / accélérateur corporate à Station F répond aussi à
une logique business. En effet, Station F offre un cadre privilégié et des ressources précieuses
aux start-ups accueillies. Station F est un espace de 51 000 mètres carrés accueillant plus de
1000 start-ups. Plus de 30 programmes d’incubation / accélération (corporates entre autres)
sont hébergés à Station F. En outre, 40 fonds d’investissement parmi les plus reconnus en
Europe et dans le monde y sont implantés ainsi que quatre bureaux de mentorats avec des
experts dans divers domaines. Les entrepreneurs peuvent donc networker et entretenir leur
réseau avec les autres start-ups incubées, avoir un accès privilégié aux capitaux des fonds de
capital risque ainsi qu’aux conseils de mentors prestigieux pour régler des problématiques
opérationnelles. 600 évènements sont organisés chaque année à Station F, permettant aux
entrepreneurs d’assister à diverses conférences sur des sujets variés ou de participer à des
workshops plus informels. Plus de 30 administrations publiques sont également présentes et
sont autant de clients potentiels pour les start-ups. Les entrepreneurs peuvent également
bénéficier de logements sur place et de réductions négociées par Station F sur des services
divers : outils CRM (Hubspot), Cloud (Google Cloud, AWS), comptes bancaires (Qonto),
assurances (Alan), etc. Le site internet de La Maison des Startups met d’ailleurs en avant les
bénéfices pour les start-ups d’une localisation à Station F : « The startups get a lot of benefits
from taking part of the Station F ecosystem, where we provide them with desks. Through
Station F campus, the startups gain access to a lot of conferences, to a privileged access to
VCs, to mentoring sessions with the biggest names in the industry (Google, Amazon, Apple,
etc.), and to a network of 3000 entrepreneurs ». Les start-ups interviewées mettent également
en avant les bénéfices d’une localisation à Station F :

« Il faut savoir que le fait d’être à Station F nous fait aussi bénéficier de tous les avantages de
Station F. Et puis à Station F il y a un écosystème énorme et des possibilités auxquelles on aurait
pas accès si on était chez LVMH » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

33
Enfin, il semblerait que la séparation géographique entre le groupe LVMH et sa
structure d’incubation / accélération de start-ups soit motivée par un dernier élément : la
volonté de créer un cocon pour les start-ups, un environnement indépendant des logiques de
fonctionnement des grands groupes et conservant un esprit agile et innovant. Il s’agit ici d’une
volonté d’indépendance vis-à-vis de l’organisation mère. Cette indépendance serait plus à
même de permettre à l’incubateur / accélérateur de préserver les capacités d’innovation des
start-ups et leur esprit créatif. L’expert des relations entre start-ups et grands groupes insiste
sur ce point :

« Concernant la localisation t’as trois possibilités : chez le corpo, dans un tiers lieu et enfin le
corpo seul mais ailleurs (…) Quand tu vas ailleurs, que ce soit dans un tiers lieu ou que ce soit
dans un lieu que tu prends toi-même pour y implanter ton accélérateur, tu le fais en te disant
j’ai envie de fonctionner comme une structure ad-hoc et que mes start-ups se sentent plus chez
elles que chez nous, qu’on ait une certaine indépendance dans notre manière de prendre des
décisions, dans les programmes qu’on va mettre en œuvre euh… que ce soit moins sclérosé et
qu’il y ait moins d’inertie avec le groupe parce-qu’on va être une équipe un peu plus réduite
dans un endroit à nous donc on va pouvoir accueillir les start-ups comme on veut et bosser
avec elles avec leurs codes et pas forcément ceux du groupe » (Interlocuteur n°7, expert des
relations start-ups / grands groupes, CEO & Founder, RaiseLab).

Au-delà de la séparation géographique de La Maison des Startups vis-à-vis de son


organisation mère, d’autres éléments nous permettent d’affirmer qu’il s’agit d’une structure
à part du groupe LVMH. A ce titre, il est important de rappeler que LVMH est une holding,
c’est-à-dire un regroupement de participations dans différentes entreprises. Le rôle de cette
holding est de gérer son portefeuille de participations et d‘assurer une unité de direction mais
pas d’agir de manière intrusive dans la gestion quotidienne des différentes maisons. Pour ce
faire, LVMH a misé depuis sa création sur un modèle organisationnel décentralisé laissant
beaucoup d’autonomie et de liberté à chacune des maisons dans leur gestion opérationnelle.
Cette stratégie est d’ailleurs mise en avant sur le site corporate du groupe LVMH. Le groupe
promeut son « modèle opérationnel unique reposant sur six piliers » dont l’un est « une
organisation décentralisée » : « Notre mode de fonctionnement garantit autonomie et forte
réactivité aux Maisons. C’est ce qui nous permet d’être au plus près de nos clients, d’assurer
une prise de décision rapide, efficace, juste et de motiver durablement nos collaborateurs en
les incitant à exercer leur esprit entrepreneurial ». Le groupe explique par ailleurs qu’il « a pour
vocation d’assurer le développement de chacune de ses Maisons dans le respect de leur
identité et de leur autonomie en mettant à disposition toutes les ressources nécessaires à la
création, à la fabrication et à la distribution sélective de leurs produits et services ». D’autre
part, « l’organisation décentralisée du Groupe favorise l’efficacité et la réactivité. Elle stimule
les initiatives individuelles en confiant des responsabilités importantes à chacun ». Ce rappel
sur le modèle organisationnel du groupe LVMH est très important dans la mesure où son
incubateur / accélérateur corporate est considéré comme une maison à part entière du
groupe. Ainsi, La Maison des Startups bénéficie d’une liberté totale d’action et d’une
autonomie complète en termes d’organisation et de gestion. Comme expliqué
précédemment, il s’agit de décentraliser le pouvoir de telle sorte que les maisons puissent
conserver leur identité, le groupe ayant alors pour fonction de contrôler les résultats des
maisons et de leur apporter toutes les ressources nécessaires à leur réussite. Pour La Maison
des Startups, il s’agit donc d’assurer une liberté à cette structure pour lui permettre de

34
respecter l’identité, les codes et méthodes de travail des start-ups dans une optique de
préservation de leurs capacités d’innovation. Il ressort de nos entretiens que La Maison des
Startups est bien une structure autonome vis-à-vis de LVMH :

« Il faut savoir que La Maison des Startups c’est une maison à part entière du groupe, donc
totalement indépendante. En fait La Maison des Startups propose des innovations aux autres
maisons, mais il n’y a pas de relations particulières (…) La Maison des Startups c’est comme
une autre maison du groupe » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

« J’ai senti le groupe très distinct des marques au sein du groupe, et je pense que ça fait partie
de leur politique. C’est-à-dire que les marques ont leur indépendance tu vois (…) le groupe c’est
pas leur day-to-day enfin, c’est pas leur problème » (Interlocuteur n°6, CCO & Co-founder,
start-up 6).

« LVMH c’est un holding, c’est une logique un peu différente, son rôle c’est d’animer et de
lancer les dynamiques (…) Le fait de créer une structure ad-hoc avec sa propre gouvernance,
ses propres cycles de décision et tout : 1 ça rassure la start-up et 2 ça te permet d’agir plus vite.
Sur l’accélérateur corporate je pense juste que c’est toujours pareil, pour attirer les start-ups
aujourd’hui il faut respecter leurs codes. Donc si tu veux respecter leurs codes c’est plus facile
d’être dans les quartiers où elles sont etc » (Interlocuteur n°7, expert des relations start-ups /
grands groupes, CEO & Founder, RaiseLab).

Notons cependant que, bien que La Maison des Startups bénéficie d’une grande liberté
/ autonomie, elle se doit, comme toute autre maison du groupe, de rendre des comptes à la
direction du groupe LVMH. En effet, la structure d’incubation / accélération doit être en
mesure de prouver à son organisation mère qu’elle est bénéfique pour les différentes maisons
du groupe. Il ne s’agit pas ici de témoigner de performances financières dans la mesure où La
Maison des Startups n’a pas pour vocation de dégager des bénéfices. Il s’agit de démontrer
que les innovations développées par les start-ups accueillies sont adoptées par les maisons du
groupe et qu’elles ont un intérêt opérationnel concret pour elles. La Maison des Startups met
à ce titre en avant, sur son site internet, le nombre de collaborations signées entre les start-
ups de l’accélérateur et les maisons du groupe : 59 en 2019. Les entretiens que nous avons
réalisés témoignent également de cette nécessité pour la structure d’incubation de rendre
des comptes concernant son efficacité :

« D’un point de vue programme les indicateurs de performance c’est le nombre de projets ou
de contrats qui vont être signés entre les start-ups et les maisons. C’est ça qui permet de
mesure l’efficacité du programme » (Interlocuteur n°1, Sales Director, start-up 1).

« Après bien évidemment il y a un regard de la part de LVMH. Là par exemple sur la saison 3
dont je fais partie, il y a eu présentation à Bernard Arnault des résultats des start-ups. Donc La
Maison des Startups doit rendre des comptes, mais comme toutes les maisons du groupe,
forcément ils ont des indicateurs à valider pour montrer qu’il y a un vrai intérêt à continuer à
financer cette maison (…) Alors c’est pas un retour financier parce-que c’est pas une maison
qui va faire du bénéfice mais c’est un retour du point de vue développement des innovations »
(Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

35
Enfin, le dernier élément démontrant le caractère particulier de La Maison des Startups
par rapport au reste du groupe LVMH est la culture mixte régnant dans ce lieu. La Maison des
Startups est effectivement une structure porteuse d’une double culture : la culture start-up
et la culture LVMH. La culture du groupe LVMH s’articule autour de trois valeurs principales
mises en avant sur le site corporate du groupe. Tout d’abord, la créativité et l’innovation : « La
créativité et l’innovation sont inscrites dans nos gènes. Elles ont, au fil du temps, assuré le
succès de nos Maisons et assis leur légitimité. Socle de nos Maison, ce tandem créativité-
innovationest au cœur d’une délicate équation : renouveler notre offre et être résolument
tournés vers l’avenir, tout en s’inscrivant dans le respect de notre patrimoine ». Ensuite,
l’excellence : « Au sein du Groupe, aucun compromis n’est possible sur la qualité. Parce-que
nous incarnons l’univers de l’artisanat en ce qu’il a de plus noble et de plus abouti, nous portons
une attention minutieuse aux détails et à la perfection : du produit au service, c’est dans cette
quête d’excellence que nous cultivons notre différence ». Enfin, l’esprit d’entreprise qui «
stimule les initiatives individuelles en confiant des responsabilités importantes à chacun » et
« facilite la prise de risque et encourage la persévérance ». Il s’avère que cette culture du
groupe LVMH trouve un écho au sein de La Maison des Startups qui cherche à donner aux
start-ups incubées l’opportunité de s’inspirer des valeurs et de la philosophie du groupe
LVMH. Il est important de préciser que cette volonté de permettre aux start-ups de
s’imprégner de la culture de LVMH n’est pas intrusive ni obligatoire. En effet, La Maison des
Startups est avant tout une structure se voulant innovante et adoptant les codes propres aux
start-ups en les laissant libres. Ainsi, il ressort de nos divers entretiens une diversité de points
de vue lorsqu’il s’agit de la prégnance de la culture de LVMH au sein de sa structure
d’incubation / accélération. Toutes les start-ups n’ont pas eu le même ressenti sur cet aspect,
certaines ayant eu le sentiment d’être réellement impactées par le système de valeur de
LVMH, d’autres ayant eu le sentiment d’avoir été relativement peu impactées par la culture
du groupe :

« C’est pas intrusif. Après c’est comme tout hein, vous êtes dans un programme donc c’est à
vous de prendre ce qui vous intéresse et de le faire fructifier (…) Chez LVMH il y a vraiment la
culture de l’excellence, et ça en effet c’est quelque chose chose qui est remarquable et dont
peuvent s’inspirer les start-ups (…) Mais après chacun fait comme il veut vous voyez ce que je
veux dire ? Il y a des start-ups qui sont peut-être totalement hermétiques à ce genre de
choses » (Interlocuteur n°1, Sales Director, start-up n°1).

« LVMH a une culture interne qui lui est propre, avec des valeurs enfin des trucs comme ça…
et nous on arrive dans cet accélérateur et on est là aussi pour s’intégrer dans leurs valeurs pour
essayer de coller à leurs valeurs quoi » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-founder, start-up n°2).

« Alors ça c’est assez extraordinaire, en fait ils communiquent avec toutes les start-ups comme
si on était une des maisons du groupe. On a tous les communiqués de Bernard Arnault qui sont
retranscrits (…) et je crois qu’il n’y a pas une journée qui commence sans que les valeurs du
groupe soient reflétées » (Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du
partenariat avec La Maison des Startups, start-up n°3).

« Je pense que ça dépend de comment chaque start-up a géré son incubation avec La Maison
des Startups. T’avais des start-ups qui ont très certainement été influencées par La Maison des
Startups et par le groupe en lui-même. Nous il y a pas eu d’influence particulière du groupe par

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rapport à notre façon de faire. Ils nous ont donné un certain nombre de conseils pour pouvoir
essayer d’entrer le plus facilement possible dans les différentes maisons par rapport la culture
des différentes maisons, l’histoire des différentes maisons et donc ils nous ont apporté des
billes là-dessus mais on a pas changé notre stratégie par rapport à ça quoi. Ils ont pas un rôle
d’éducateur entre guillemets, ils ont vraiment un rôle d’accompagnant » (Interlocuteur n°4,
Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

« Alors on est forcément un peu influencés parce-qu’effectivement on a plusieurs


présentations de plusieurs personnes de différents pôles du groupe. La communication qui est
faite sur la philosophie, les axes de développement, donc c’est des choses dont tu t’imprègnes
au fur et à mesure du temps. Donc c’est sûr que ça rentre aussi dans ta philosophie propre.
Après LVMH c’est un groupe qui est vraiment basé sur la liberté, on a très très peu de
contraintes » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

Ainsi, nous avons montré dans cette sous-partie en quoi La Maison des Startups est
une structure à part du groupe LVMH, aussi bien à travers sa localisation à Station F que de
par son autonomie opérationnelle ou encore sa particularité culturelle. Cette séparation
structurelle vis-à-vis de son organisation mère permet à La Maison des Startups d’assurer la
conservation de la créativité et des capacités d’innovation des start-ups qui peuvent continuer
à évoluer dans un environnement fidèle à leurs codes. De nombreuses questions restent
cependant en suspens comme l’activité et les relations à l’intérieur de La Maison des Startups
ou encore la réintégration des innovations développées par les start-ups à l’intérieur des
différentes maisons du groupe. En ce sens, notre prochaine sous-partie consistera à étudier
l’intérieur de La Maison des Startups, à en ouvrir la boîte noire.

4.2) La Maison des Startups : un lieu dédié à l’innovation collaborative

Avant de mettre en lumière l’organisation de l’activité à l’intérieur de La Maison des


Startups ainsi que les relations qu’entretiennent les différents acteurs de cette structure, il
nous paraît important d’éclairer au préalable un aspect crucial : le processus de sélection des
start-ups incubées. En effet, il est important de s’intéresser à la manière dont LVMH identifie
et sélectionne les start-ups à accueillir au sein de son incubateur corporate. Il apparaît que le
staff de La Maison des Startups adopte plusieurs approches / stratégies différentes pour
effectuer ce travail.

Une première manière d’intégrer La Maison des Startups est, pour une start-up, de
candidater directement sur le site de l’incubateur. Toute start-up souhaitant postuler au
programme d’accélération est la bienvenue et est invitée à remplir un dossier de candidature
directement sur le site de La Maison des Startups. Ce dossier doit contenir un ensemble
d’informations classiques : le nom de l’entreprise, son domaine d’activité, un « use case »
possible avec l’une des maisons de LVMH, un lien vers le site internet de la start-up, un pitch
deck de la société ou encore les coordonnées des co-fondateurs de la start-up :

« Alors t’as un process de sélection classique où tu postules etc, tu mets un dossier avec ce que
c’est que ta start-up euh… ce que ça fait, tes clients, ton équipe, un truc assez classique. Et
après c’est eux qui font le tri et qui choisissent les start-ups » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-
founder, start-up n°2).

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Les candidatures sont ouvertes tout au long de l’année, mais la sélection est effectuée
deux fois par an : il existe donc deux batchs de start-ups par an, deux « saisons » de 6 mois
chacune pour reprendre la terminologie de La Maison des Startups. Cette sélection est
effectuée par les membres du staff de La Maison des Startups en fonction de l’intérêt de la
solution de la start-up pour les maisons du groupe. Dans cette optique, neuf enjeux
stratégiques ont été identifiés. Les start-ups sélectionnées doivent opérer autour de ces 9
grandes thématiques correspondant à des enjeux importants pour le groupe LVMH :
l’expérience post-achat / le soin apporté au consommateur, la veille / exploration, le
clienteling / la gestion CRM, la data, l’e-commerce / l’omnicanalité, l’expérience en boutique,
la logistique / livraison, la personnalisation de l’expérience et enfin une dernière catégorie
rassemblant les autres éventuelles problématiques du groupe. Cette approche de sélection
des start-ups peut être qualifiée d’approche pull ou outside-in dans la mesure où, dans le
cadre de cette démarche, La Maison des Startups laisse les jeunes pousses venir vers la
structure d’incubation / accélération via une candidature spontanée.

D’autre part, le staff de La Maison des Startups met aussi en œuvre une approche push
ou inside-out qui consiste à sourcer activement les start-ups prometteuses et cohérentes par
rapport aux enjeux des maisons du groupe LVMH. Ce sourcing passe par trois voies principales.
Tout d’abord, les start-ups ayant participé (ou postulé) au salon Viva Technology sur le stand
de LVMH, le Luxury Lab, sont souvent recontactées pour intégrer le programme de La Maison
des Startups :

« En fait j’ai pas postulé à La Maison des Startups. J’avais postulé en 2019 pour participer à
Viva Technology sur le stand de LVMH. Donc j’ai déposé un dossier, j’ai pas été retenue, donc
ils m’ont pas retenue pour le stand, par contre euh… à partir de mi-juin / début juillet ils m’ont
contacté pour me dire que si je voulais, j’étais sélectionnée pour rejoindre La Maison des
Startups » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

Le communiqué de LVMH publié à l’occasion de la création de La Maison des Startups


indique ainsi que « Les startups intégrées au programme sont issues, pour plus de la moitié
d’entre elles, de l’événement Viva Technology qui a permis au Groupe d’accueillir plus de 80
startups sur son stand, en 2016 et 2017, notamment dans le cadre de l’Innovation Award de
LVMH ». Pour rappel, le salon Viva Technology est un rendez-vous annuel consacré à
l’innovation technologique et aux start-ups. Il se tient annuellement à Paris et est un rendez-
vous incontournable de la scène tech. Le groupe LVMH est partenaire de l’évènement depuis
sa création en 2016 via son stand, le Luxury Lab, un espace de 500 mètres carrés entièrement
dédié au secteur du luxe. Ce stand permet d’accueillir des start-ups répondant aux enjeux des
acteurs du luxe, celles-ci pouvant alors présenter leurs solutions via des sessions de pitch et
de démonstration. La start-up jugée la plus prometteuse gagne alors le LVMH Innovation
Award.

D’autre part, beaucoup de start-ups intègrent La Maison des Startups à partir de mises
en relation effectuées via d’autres instances du groupe LVMH dédiées à l’innovation / la
transformation digitale. Cette manière d’intégrer La Maison des Startups témoigne de la
grande richesse des initiatives de transformation digitales mises en place par le groupe LVMH,
ainsi que de leur bonne communication / coordination. Ainsi, il s’agit ici pour La Maison des

38
Startups de se nourrir du riche écosystème digital mis en place en interne par le groupe LVMH
pour sourcer ses start-ups :

« C’est LVMH qui nous a contactés. Ils identifient des start-ups ou des sociétés pour les
présenter à ce qu’ils appellent euh… je crois que c’est le e-commerce committee, qui a lieu à
Station F, qui regroupe les différents directeurs digitaux des différentes maisons. Et au cours
de cette session ils présentent des start-ups qu’ils ont identifiées qui leur paraît avoir du… de
la valeur ou du sens en tout cas dans l’activité de ces maisons. Et parallèlement à ça ils se sont
dit tiens ce serait bien aussi qu’ils puissent candidater, enfin de les intégrer à La Maison des
Startups. Donc ils nous ont demandé de candidater, et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé
dans le programme » (Interlocuteur n°1, Sales Director, start-up n°1).

« Alors en fait, pour la petite histoire, on travaille historiquement avec certaines maisons de
LVMH (…) et en fait il y a deux ans, quand Ian Rogers est arrivé à la tête de la division digitale
du groupe, il a mis en place ce qu’on appelle l’Optimisation Lab, qui est une instance digitale
qui a vocation à pouvoir aider les maisons à prendre le pas sur le digital. Et à partir de là ils ont
sourcé on va dire trois quatre sujets qui étaient prioritaires pour les maisons, avec des acteurs
qui pouvaient accompagner les maisons sur ces sujets là (…) donc voyant cette initiative si tu
veux, La Maison des Startups nous a contactés via l’Optimisation Lab puisqu’ils échangent pas
mal. Donc en fait l’Optimisation Lab m’a envoyé le lien pour postuler à La Maison des
Startups » (Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec La
Maison des Startups, start-up n°3).

« En fait nous on dialoguait avec le directeur des partenariats de LVMH depuis un bon moment
pour leur vendre notre solution. Et c’est lui qui nous a dit en juillet dernier ou juin dernier euh…
bah en accélérateur on peut vous proposer d’entrer dans l’incubateur La Maison des Startups.
Pour ça on avait un dossier de candidature à compléter et notre dossier de candidature a été
retenu. Donc c’est comme ça qu’on pris connaissance de cet incubateur et qu’on l’a rejoint »
(Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

Enfin, le dernier chemin identifié pour intégrer La Maison des Startups est le
programme d’intrapreneuriat de LVMH nommé DARE. En effet, bien que quelques start-ups
seulement intègrent l’accélérateur corporate du groupe LVMH via cette voie, DARE constitue
une porte d’entrée pour La Maison des Startups. Le communiqué publié par LVMH à l’occasion
de la création de La Maison des Startups indique ainsi que « quelques collaborateurs de LVMH,
gagnants des différentes éditions de l’initiative « DARE LVMH » dédiée au développement de
l’intrapreneuriat dans le luxe, y sont également accueillis pour lancer leurs projets ».

Après l’étude du processus de sélection des start-ups incubées vient l’étude des
relations qu’entretiennent les différents acteurs internes à La Maison des Startups. Ces
relations sont révélatrices d’une certaine organisation de l’activité mise en place au sein de La
Maison des Startups, elle-même révélatrice du rôle de cet incubateur corporate. Une
première relation à mettre en lumière est celle qui lie les start-ups et le staff de l’incubateur.
Il est tout d’abord à noter qu’une très grande liberté est accordée aux start-ups incubées par
le staff de La Maison des Startups. Les sociétés sont autonomes et gèrent leur activité de
manière libre sans aucune contrainte, restriction, orientation ou guidage de la part du staff de
La Maison des Startups. L’incubateur / accélérateur corporate du groupe LVMH n’a donc pas

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pour vocation d’orienter l’activité, le prototypage, la R&D ou encore la stratégie produit des
start-ups qui bénéficient d’une liberté totale d’action au sein de l’incubateur. Toutes les start-
ups se rejoignent sur ce point :

« On est complètement libres, il y a aucune contraintes de travail imposées » (Interlocuteur


n°1, Sales Director, start-up 1).

« Ils nous laissent très libres, ça c’est sûr » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-founder, start-up n°2).

« Le degré de liberté est hyper large, on a pas vraiment de restrictions. Mais bon, moi je vois
ça plus comme un partenariat donc comme avec tout partenaire je vais pas communiquer sur
notre incubation à La Maison des Startups sans avoir eu l’aval de La Maison des Startups »
(Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec La Maison des
Startups, start-up n°3).

« Ah bah on fait ce qu’on veut ! On fait ce qu’on veut, en fait La Maison des Startups ils sont
pas là pour nous imposer un cadre, ils sont là pour nous accompagner dans notre
développement business et être un accélérateur pour pouvoir entrer dans les maisons du
groupe. Donc du coup ils sont pas du tout un vecteur de répression » (Interlocuteur n°4,
Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

Nous y reviendrons plus tard, mais cette très grande liberté d’action accordée aux
start-ups est en fait révélatrice du rôle du staff de La Maison des Startups (et de l’incubateur
lui-même). Le rôle, la mission de La Maison des Startups est, comme nous le verrons, surtout
de créer du lien entre les start-ups et les maisons du groupe, pas de guider ou de mentorer
les sociétés incubées. Cette grande liberté est toutefois conditionnée par un respect de deux
réglements intérieurs : celui de Station F et celui de La Maison des Startups. Ces règlements
contiennent avant tout des règles de vie en communauté tout à fait classiques. Certaines
règles concernent cependant d’autres aspects comme la communication :

« Alors t’as deux réglements intérieurs, t’as le règlement intérieur de Station F et après t’as un
règlement au niveau de La Maison des Startups spécifiant pas mal de règles parce-qu’on
représente, en fait, le groupe LVMH. Donc on a certaines règles à respecter pour que notre
mode de fonctionnement et de travail ne dégrade en rien l’image du groupe. T’as des règles
sur la communication, t’as des règles sur l’espace de vie assez basiques sur la propreté… t’as
un règlement intérieur à signer en entrant » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team
Leader, start-up n°4).

Outre cette grande liberté accordée aux start-ups, la relation avec le staff de
l’incubateur consiste en une démarche collaborative très suivie et régulière. Les échanges sont
fréquents, journaliers, avec des points mensuels ayant pour but de suivre l’avancement de
l’adoption des solutions des start-ups par les maisons du groupe. Cette relation suivie est
permise par la présence sur place d’une équipe dédiée à l’accompagnement des start-ups. Les
sujets abordés au quotidien peuvent être très variés. Même s’ils semblent être surtout
orientés vers la mise en relation business entre les start-ups et les maisons du groupe, le staff
de l’incubateur est aussi disponible pour d’autres aspects : aides et conseils pour les levées de
fonds des start-ups, aides et conseils plus opérationnels par exemple en ce qui concerne le

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recrutement. Ainsi, le staff de La Maison des Startups est un support pour les sociétés
incubées, même s’il occupe avant tout une fonction de liant, de pont entre les start-ups et les
maisons du groupe :

« On a des échanges réguliers (…) c’est vrai qu’en permanence on est en communication avec
les gens du programme » (Interlocuteur n°1, Sales Director, start-up 1).

« Donc les gens de l’accélérateur, bah on les voit au quotidien, et ils sont là pour nous aider
dans nos tâches, mais c’est surtout en fait pour nous aider à avoir des rendez-vous de demo
avec les marques » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-founder, start-up n°2).

« Bah en fait t’as un suivi, t’as un suivi qui est réalisé euh… on doit avoir à peu près un point
mensuel (…) Et après un point sur les avancées business qu’on pouvait avoir avec les différentes
maisons du groupe (…) Il y a une relation très suivie et on pouvait les déranger pour n’importe
quel sujet tu vois, le contact était facile. Au niveau de l’incubateur la relation est collaborative,
chacun s’aide » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

« Alors en fait on a tout le temps deux personnes qui sont sur site à Station F, ils sont tout le
temps là, donc on les voit tout le temps, à la moindre question, enfin peu importe ils sont
présents. Après la direction passe hyper régulièrement, allez j’ai envie de dire au moins
minimum une fois par semaine. On est carrément dans une relation collaborative, c’est clair
qu’on est pas du tout dans une relation client / fournisseur dans La Maison des Startups. Eux
leur mission c’est de te mettre en relation avec les bonnes personnes le plus rapidement
possible. On travaille surtout autour de la relation, l’évolution des contacts, savoir si ça signe
ou si ça signe pas mais après c’est aussi au quotidien voilà euh… si vous avez une nécessité
d’embauche ils peuvent vous accompagner euh, la levée de fonds enfin il y a toute la
problématique autour du développement de la start-up qui est aussi abordée quoi »
(Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

Il nous semble important d’insister sur un point saillant de cette relation entre les start-
ups et le staff de l’incubateur. Ce point concerne le rôle, la mission principale de La Maison
des Startups et de son staff. La mission de l’incubateur / accélérateur corporate du groupe
LVMH est d’initier la collaboration entre les start-ups incubées et les maisons du groupe en
fonction de leurs enjeux opérationnels et problématiques métiers. Cet objectif est notamment
mis en avant sur le site internet de La Maison des Startups : « Our mission is to start
conversations between our talents and our entrepreneurs, so these could blossom into
wonderful collaborations ». Le communiqué du groupe LVMH publié à l’occasion de
l’inauguration de La Maison des Startups insiste aussi sur la mission principale de la structure :
« Avec pour objectif d’accélérer la collaboration entre ses Maisons et les startups liées au
secteur du luxe, La Maison des Startups offre aux entrepreneurs un point d’entrée de premier
plan dans l’écosystème unique des 70 Maisons du Groupe ». Les start-ups sont également
unanimes sur cet aspect :

« Le but hein c’est de rencontrer un maximum de maisons, pour nous et pour eux hein, parce-
que d’un point de vue programme les indicateurs de performance c’est le nombre de projets
ou de contrats qui vont être signés entre les start-ups et les maisons. C’est ça qui permet de
mesure l’efficacité du programme. Et pour ce faire l’objectif de ce programme là c’est de

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mettre en relation les start-ups avec les maisons. Et ça veut dire quoi concrètement, ça veut
dire organiser des rendez-vous entre les interlocuteurs des maisons qui sont susceptibles de
gérer les problématiques que l’on adresse et nous » (Interlocuteur n°1, Sales Director, start-up
1).

« Ils sont plus là pour faciliter euh… enfin les gens de l’accélérateur, faciliter les échanges entre
les start-ups et les gens de LVMH (…) Parce-que c’est ça finalement ce qu’on veut nous (…) Ils
jouent le rôle de navette, de facilitateur ou organisateur de rencontres sous différents
formats » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-founder, start-up n°2).

« On t’ouvre les portes au groupe euh… à l’ensemble des maisons, donc euh… donc « qu’est-
ce-que je peux faire pour t’aider et pour accélérer ton entrée dans les différentes maisons ? »
c’est vraiment ça leur mission » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-
up n°4).

Cette mission se traduit dans les tâches principales du staff de La Maison des Startups
qui consistent à mettre en place des passerelles pour mettre en relation les start-ups avec les
maisons du groupe LVMH. Différents formats existent pour permettre cette initiation de la
relation start-up / maison. Tout d’abord, des petits-déjeuners sont organisés à Station F par le
staff de l’incubateur. Ces petits-déjeuners consistent à inviter à Station F quelques maisons
du groupe LVMH sur des thématiques particulières. Ces thématiques correspondent à des
besoins / enjeux opérationnels actuels des maisons du groupe. Le staff propose ensuite aux
différentes start-ups incubées de participer au petit-déjeuner en fonction de l’adéquation de
la solution de la start-up avec le thème adressé lors de l’évènement. Le petit-déjeuner est
alors organisé comme un workshop informel. Il constitue une occasion pour les start-ups
d’entamer un dialogue avec des interlocuteurs des maisons qui deviendront peut-être de
futurs clients. Un autre format de rencontre est la demo session. Ces évènements consistent
à faire venir des maisons du groupe LVMH à Station F. Une sélection de start-ups pitch alors à
tour de rôle, après quoi des échanges libres et informels sont organisés entre les start-ups et
les interlocuteurs des maisons. D’autres formats sur-mesure sont également proposés aux
maisons comme des speed datings lors desquels chaque maison peut échanger avec
différentes start-ups. Le choix des start-ups invitées à ces évènements se fait en concertation
entre les différentes maisons invitées et le staff de La Maison des Startups. Il s’agit de
sélectionner les start-ups à qui il sera proposé de participer en fonction de la pertinence de
leur solution par rapport aux problématiques des maisons traitées lors de l’évènement. Enfin,
au terme de la période d’accélération, un grand évènement est organisé par La Maison des
Startups. Il s’agit du demo day de l’incubateur : le Startup Day LVMH. Toutes les maisons du
groupe sont représentées lors de cet évènement. Station F est privatisé pour l’occasion durant
une journée entière. Des stands sont attribués aux start-ups, les collaborateurs des différentes
maisons pouvant ainsi naviguer de start-up en start-up comme dans un salon. Chaque société
est également invitée à pitcher sa solution devant l’ensemble des invités. Ces différents
formats de rencontre ont été évoqués par les start-ups lors de nos entretiens :

« Vous avez un Loro Piana par exemple à qui l’incubateur va soumettre les noms des
différentes start-ups qui sont dans le batch euh… avec une petit peu de contenu et en fonction
de ça la maison va choisir les start-ups qu’elle souhaite rencontrer au sein de La Maison des
Startups et donc des rendez-vous vont être organisés dans ce cadre là. Donc les membres du

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staff de l’incubateur jouent vraiment le rôle de navette, d’intermédiaire » (Interlocuteur n°1,
Sales Director, start-up 1).

« Ils jouent le rôle de navette, de facilitateur ou organisateur de rencontres sous différents


formats. C’est-à-dire que ça va être soit euh… des petits déjeuners sur certaines thématiques,
soit t’as carrément une espèce de speed dating où t’as des tables et où chaque start-up
présente et puis hop après ça tourne et tout. T’as des demo sessions assez classiques où t’as 5
start-ups qui pitchent les unes après les autres. Donc t’as différents formats » (Interlocuteur
n°2, CEO & Co-founder, start-up n°2).

« Une fois par semaine il y a des salariés des maisons de LVMH qui viennent rencontrer les
start-ups, ça s’appelle des demo sessions, et donc nous on est invités à venir pitcher devant ces
maisons là (…) Chaque mois le staff de l’incubateur nous envoie un webinar en nous disant
voilà il y a ces maisons qui sont censées venir (…) donc nous on a dû participer à 5 ou 6 demo
sessions comme ça » (Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat
avec La Maison des Startups, start-up n°3).

« Il y a 3 formes. La première c’est des petits-déjeuners donc t’as une maison qui vient et là
t’as toutes les start-ups qui veulent venir qui peuvent être là et puis ensuite c’est informel. Le
deuxième c’est ce qu’ils appellent les demo sessions donc là c’est des slots horaires de cinq
minutes à une demi-heure où la maison va rencontrer cinq start-ups qu’elle a acceptées de
rencontrer. Et le troisième c’est des évènements où là ils font venir euh… c’est le demo day
LVMH où ils font venir toutes les maisons, je crois qu’il y avait plus de 600 personnes la dernière
fois où ils ont fait ça, ils privatisent tout Station F sur la journée. Et là toutes les start-ups ont
leur temps donc les maisons peuvent venir voir les start-ups » (Interlocuteur n°3, Directrice
Grands Comptes et chargée du partenariat avec La Maison des Startups, start-up n°3).

« Et après ils organisent aussi pas mal d’évènements à Station F. Des petits déjeuners ou des
rencontres avec les différentes maisons. On avait en gros un événement par semaine auquel
on pouvait participer si on le souhaitait (…) Et puis ils organisaient aussi un truc qui s’appelle
le Startup Day qui est en fait la grande messe de La Maison des Startups où des représentants
de chaque maison sont présents pour qu’on puisse leur présenter sur un pitch de trois minutes,
devant 300 personnes, notre solution (…) T’as ces petits-déjeuners, ces rendez-vous qui sont
organisés par La Maison des Startups qui nous permettent d’entrer en relation avec les
différentes maisons (…) Les rencontres sont groupées. Les petits-déjeuners c’est ils vont faire
venir j’en sais rien moi… Dom Pérignon ou Moët pour parler d’une thématique, et ensuite ils
proposent cette thématique là aux start-ups et si les start-ups sont intéressées par la
thématique elles s’inscrivent et en règle générale c’est des petits groupes tu vois on est une
quinzaine. En règle générale ils font venir deux ou trois maisons et donc après t’as un petit
déjeuner donc t’as des échanges informels qui se font où tu présentes ta solution et tu pitches
les mecs. Et après t’as cet évènement qui est le Startup Day où t’as toutes les maions qui sont
représentées avec plusieurs corps de métier donc t’as le marketing, t’as la logistique etc… et là
toi t’as un espace demo qui est prévu où tu viens présenter ta solution. Et t’as aussi cette prise
de parole donc t’as 2min30 ou 3min de pitch à faire en anglais devant 300 personnes où tu
dois expliquer ce que fait ta solution et quelle serait la valeur ajoutée pour les différentes
maisons qui sont présentes » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up
n°4).

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« Donc en fait l’incubateur, l’accélérateur va lui nous mettre en relation via ce qu’on appelle
une demo session. Donc on présente notre société et on trouve des contacts. Et après tout
bascule vers la maison qu’on a rencontrée. Donc ensuite la relation se fait directement entre
la start-up et la maison et l’accélérateur n’intervient plus directement (…) Tous les échanges
sont faits à Station F, donc en fait on a des représentants des maisons qui viennent à Station F
et donc ils rencontrent 5 ou 6 start-ups à chaque fois selon le thème qu’il souhaitent explorer,
selon leur besoin du moment. C’est vraiment aligné au besoin que la maison va exprimer, et
donc après La Maison des Startups va sélectionner les start-ups qui peuvent répondre à ce
besoin » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

Outre ce rôle de créateur de passerelles entre start-ups et maisons du groupe LVMH,


le staff de La Maison des Startups est également chargé du suivi de l’avancement des
signatures de contrat entre les start-ups et les maisons. Cet avancement de la collaboration
peut également être facilité par le staff qui peut, sur demande des start-ups, relancer les
interlocuteurs des maisons ou faire des introductions par mail. La relation entre les start-ups
et le staff de l’incubateur est donc très orientée vers cet aspect commercial. Les start-ups
doivent en ce sens effectuer un travail de construction de documents / supports à
communiquer au staff de La Maison des Startups. Ces documents sont ensuite utilisés par le
staff pour promouvoir les solutions des start-ups auprès des différentes maisons. Ces deux
aspects sont illustrés par les données brutes suivantes :

« Et puis aussi les alimenter, les alimenter en informations, c’est-à-dire être capable de leur
mâcher le boulot pour les aider à vendre la start-up aux maisons. Donc il y a un vrai travail de
formalisation, de préparation de documents pour qu’ils puissent avoir tous les supports pour
pouvoir pitcher en lieu et place de la start-up auprès des maisons. Ils ont presque un rôle de
commercial pour nous » (Interlocuteur n°1, Sales Director, start-up 1).

« On partage énormément les supports qu’on partage avec les maisons. Donc pareil, à chaque
fois que je mets à jour mon deck de présentation bah je leur partage aussi pour qu’ils puissent
se l’envoyer soit me faire des retours (…) Ensuite au niveau du suivi La Maison des Startups fait
énormément de suivi des gens avec qui ils nous ont mis en relation, ils nous font des mails
d’intro avec les personnes qui sont les plus pertinentes dans la boîte et après à nous d’essayer
d’aller voir ces personnes » (Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du
partenariat avec La Maison des Startups, start-up n°3).

Une autre relation nous a paru importante à analyser au sein de La Maison des
Startups : celle qui lie les différentes start-ups incubées entre elles. En effet, il convient de
nous intéresser aux échanges que peuvent avoir les différentes sociétés accélérées : une place
importante est-elle accordée à la co-construction / au co-développement de produits /
innovations entre les start-ups ? Ces échanges sont-ils encouragés par l’incubateur ? Il ressort
de nos entretiens que La Maison des Startups encourage les échanges, notamment informels,
entre les différentes start-ups accélérées. Il apparaît cependant que le staff de l’incubateur
n’insiste pas intensément sur cet aspect et laisse les start-ups en liberté / autonomie sur ce
point. D’autre part, les échanges entre les jeunes pousses semblent surtout tourner autour
d’une entraide à finalité business. En effet, il ressort de nos entretiens que les échanges de
contacts et les mises en relation croisés avec des interlocuteurs des maisons du groupe LVMH

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soient une pratique courante entre les start-ups. La finalité de cette entraide est donc de
s’échanger des opportunités commerciales. Le co-développement de solutions n’est pas une
pratique commune au sein de La Maison des Startups, et ce pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, les entrepreneurs nous expliquent que chacune des start-ups est concentrée sur le
développement de sa propre activité. En ce sens, personne n’essaye réellement de
développer conjointement des produits avec une autre société car la priorité est l’accélération
commerciale et non la co-innovation. D’autre part, il n’existe pas toujours une
complémentarité entre les start-ups leur permettant de co-construire des solutions. Voici
quelques extraits de nos entretiens illustrant ces aspects de notre sujet :

« Ça fait parti du rôle du staff de l’incubateur et ils le font parfois en nous disant « tiens tu
devrais aller parler à un tel parce-que je sais qu’il a développé tel truc » donc ils sont là pour
faire le lien donc ouais ils le font aussi ouais » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-founder, start-up
n°2).

« Ouais, t’as pas mal d’échanges tu vois, quand t’as besoin d’informations et que tu sais que
telle ou telle start-up bosse avec telle ou telle maison et que t’as besoin d’un coup de main ou
alors d’informations sur les différentes maisons t’as pas mal d’échanges qui sont faits (…) On
a énormément échangé avec les différentes start-ups de l’incubateur d’une pour essayer de
comprendre ce qu’ils faisaient, de voir si on pouvait se recommander les uns aux autres et
essayer d’échanger. On est tous dans le même bateau, l’objectif c’est de créer de la valeur et
du business donc si on peut filer un coup de main on le fait car quand tu donnes un coup de
main tu sais que t’as un retour, t’as une aide qui sera faite derrière, et plus tu donnes plus tu
reçois » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

« Alors l’incubateur encourage vivement les échanges entre les différentes start-ups. L’espace
est ouvert justement pour essayer de favoriser au maximum les échanges et les contacts. Après
c’est peut-être ce qui est le plus compliqué en fait, on se rend compte que c’est pas si simple
d’échanger avec les autres sociétés. Il y a des échanges informels mais de là à créer des
synergies c’est pas si simple car on est dans un monde de start-ups et clairement l’objectif de
chacun c’est de développer son business donc tout le monde est très focus sur le
développement de son business et on prend pas forcément le temps » (Interlocuteur n°5, CEO
& Founder, start-up n°5).

« Faut noter que toujours, toi, quand tu gères ta boîte euh… t’as pas le temps quoi (rires). Moi
j’ai pas forcément le temps d’essayer de trouver euh… enfin voilà quoi et puis l’autre truc c’est
la collaboration possible. C’est-à-dire qu’il y a pas forcément de match toujours entre les start-
ups. Après on est derrière les mêmes clients, et donc il y a clairement un intérêt à faire des
échanges de bons procédés (…) Après commencer à développer des produits ensemble euh…
c’est pas comme ça que ça marche. T’as pas les ressources pour et puis ça prend du temps et
puis en général quand tu crées une boîte tu focalises toute ton énergie sur un truc qui est
développer ton produit et se disperser est pas forcément une bonne idée » (Interlocuteur n°6,
CCO & Co-founder, start-up 6).

Nous nous sommes donc concentrés, dans cette sous-partie, sur les relations
qu’entretiennent entre elles les différentes parties prenantes de La Maison des Startups. Nous
avons mis en lumière la manière dont les start-ups sont séléctionnées, la manière dont elles

45
travaillent en relation avec le staff de l’incubateur ainsi qu’avec les autres sociétés accélérées.
Maintenant que nous avons montré en quoi La Maison des Startups est une structure à part
du groupe LVMH et que nous avons « ouvert la boîte noire » de cette structure, il nous paraît
essentiel d’éclaircir un dernier aspcet de notre sujet : la réintégration des innovations issues
de La Maison des Startups dans les différentes maisons du groupe LVMH. Nous nous
concentrerons donc, dans la sous-partie suivante, sur le processus d’adoption des solutions
des start-ups par les maisons du groupe une fois la mise en relation effectuée par La Maison
des Startups, ainsi que sur les possibilités de co-innovation start-up / maison et sur la double
perspective court terme / long terme de ces collaborations.

4.3) L’adoption des solutions des start-ups par les maisons du groupe LVMH : une double
perspective

L’un des points importants de notre précédente sous-partie était l’étude des
passerelles mises en place par le staff de La Maison des Startups pour faciliter la mise en
relation entre les maisons du groupe LVMH et les start-ups susceptibles d’adresser leurs
problématiques opérationnelles. Il apparaît maintenant nécessaire de s’intéresser à ce qui se
passe après cette mise en contact. Notre étude montre qu’une fois la mise en relation
effectuée, c’est à la start-up de l’utiliser à bon escient, d’exploiter la passerelle qui a été mise
en place pour obtenir des rendez-vous et persuader la maison d’entamer un processus
d’adoption de la solution de la start-up. Ainsi, la seule mise en relation ne garantit en rien la
signature d’un contrat et il incombe donc à la start-up d’effectuer un travail classique de
business development. Avant de détailler les spécificités de ce processus d’adoption, il nous a
paru important d’insister sur le changement de paradigme impliqué par l’après mise en
relation effectuée par La Maison des Startups. En effet, du point de vue de la start-up, la
relation est collaborative avec le staff de l’incubateur et relativement informelle avec les
maisons lors des évènements de rencontre organisés à Station F. Une fois cette mise en
relation effectuée, le staff de La Maison des Startups se met en retrait et laisse les start-ups
exploiter la passerelle qui a été mise en place. Dès lors, une bascule relationnelle s’effectue :
les start-ups se dirigent vers une relation client / fournisseur tout à fait classique avec les
maisons. Du point de vue de la start-up, ces deux idées de changement dans la nature de la
relation vis-à-vis de LVMH et de nécessité d’effectuer un travail de business development
classique après la mise en relation ressortent de nos entretiens :

« Le staff de La Maison des Startups est là pour nous mettre en relation et ensuite c’est à nous
de prendre le relai » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-founder, start-up n°2).

« Après c’est à nous d’essayer d’aller voir ces prospects » (Interlocuteur n°3, Directrice Grands
Comptes et chargée du partenariat avec La Maison des Startups, start-up n°3).

« C’est un accélérateur et une aide mais après c’est à toi d’être débrouillard (…) eux ils font la
mise en relation et après c’est à nous d’être bons et persuasifs pour obtenir des rendez-vous et
essayer d’accélérer avec les différentes maisons (…) Au niveau des maisons on est dans une
relation client / fournisseur. C’est-à-dire que le fait d’être à La Maison des Startups est un
accélérateur pour pouvoir obtenir des rendez-vous, mais le rendez-vous business s’organise
exactement de la même façon qu’avec une société autre type Carrefour ou SFR. Donc pour moi
t’as deux relations différentes : t’as vraiment une relation d’accompagnement côté La Maison

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des Startups et après t’as une relation business simple avec les maisons » (Interlocuteur n°4,
Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

« Donc en fait l’incubateur va nous mettre en relation et derrière en fait tout bascule vers la
maison. Donc après les relations se font directement entre la start-up et la maison, et
l’accélérateur n’intervient plus directement. Dès que la relation est mise en place c’est des
relations business traditionnelles » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

L’un des aspects fondamentaux de cette nouvelle relation client / fournisseur est la
roadmap / le processus d’adoption de la solution de la start-up par la maison. Il apparaît que
ce processus est très variable d’une maison à l’autre : il n’existe pas de roadmap / process
d’adoption de solutions standardisé / uniformisé au niveau du groupe LVMH. Fidèle à son
modèle organisationnel décentralisé, le groupe laisse chaque maison fonctionner à sa
manière, et cela est aussi vrai concernant l’adoption des solutions des start-ups. Ce point est
intéressant dans la mesure où il fait l’objet de certaines critiques de la part des start-ups. En
effet, cette non-uniformisation entraîne une complexification du processus d’adoption pour
les start-ups qui ont autant de process que de maisons cibles. Ce problème de démultiplication
des process pourrait, selon certaines start-ups, être réglé si une procédure standard
d’adoption des solutions était adoptée au niveau du groupe LVMH. Notre analyse montre que
la forme et la durée du processus d’adoption de la solution sont liées à deux variables : la
nature de la solution de la start-up et l’agilité / la réactivité de la maison. En effet, si la solution
de la start-up touche à des questions sensibles, par exemple à de la donnée client, alors le
processus d’adoption peut être long du fait des procédures de validation légales, de sécurité
et de confidentialité requises. Cela est d’autant plus vrai lorsque la maison est peu agile /
réactive. Si la solution de la start-up ne touche pas de domaine particulièrement sensible et si
la maison se montre réactive, alors l’adoption de la solution peut être beaucoup plus rapide.
Ainsi, nos entretiens mettent en lumière cette grande variabilité des processus d’adoption des
solutions en fonction des maisons :

« Nous c’est quasiment du plug & play. Il y a pas du tout de set-up technique à faire si ce n’est
juste poser un tag sur un site internet. Donc si t’as de l’agilité ça peut être fait dans la journée
et deux heures plus tard tu peux commencer à utiliser la solution. Si t’es un très grand groupe
qui doit attendre une mise en prod’ ça peut prendre potentiellement quelques semaines pour
le mettre vraiment en place. Donc nous le set-up, il n’y en a pas beaucoup » (Interlocuteur n°3,
Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec La Maison des Startups, start-up
n°3).

« Alors nous, comme on touche à la base de donnée du client, on a tout un process de


validation légale et sécurité à cocher avant de pouvoir espérer avancer sur un éventuel contrat.
Donc on a un process hyper séquencé avec des accords de confidentialité à signer, des audits
de sécurité à faire, des validations d’utilisation de la donnée qu’on peut avoir. Donc c’est hyper
processé ouais (…) Nous le process prend entre 3 et 4 mois de validation juridique, légale,
sécurité de la donnée » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

« C’est pas unifié, chaque maison a son mode de fonctionnement. Et ça c’est un travail qu’on
a suggéré à La Maison des Startups, en tout cas pour ceux qui travaillent sur de la donnée
client, c’est de pouvoir potentiellement avoir un check au moment où on entre dans le

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programme pour qu’on aie une validation niveau groupe et que derrière ça nous permette
d’accélérer dans les différentes maisons parce-qu’on aura été validé au niveau groupe. Sinon
tu repars à zéro avec chaque maison » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader,
start-up n°4).

« Après ces relations business elles vont dépendre de la maison parce-qu’elles sont toutes
différentes, toutes avec des process et des vitesses de réaction qui sont différentes. Donc il y a
des maisons avec lesquelles on a eu des relations il y a quelques mois et on a toujours pas signé
et il y a des maisons avec qui on a signé en un mois. Il y a des process vraiment différents en
fonction des maisons » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

Une fois le contrat signé, ou tout du moins le processus d’adoption de la solution bien
avancé, des spécificités concernant la solution et son utilisation par les équipes des maisons
peuvent faire l’objet de discussions entre la start-up et la maison concernée. Par exemple, des
modifications sur-mesure de la solution peuvent être effectuées par la start-up dans le but de
répondre à des besoins spécifiques de la maison. Notons toutefois que toutes les start-ups ne
réalisent pas ces modifications à la marge de leur produit :

« Dans le cadre de Givenchy nous on a développé un module pour répondre à un besoin


spécifique de Givenchy » (Interlocuteur n°1, Sales Director, start-up 1).

« L’outil est le même pour tout le monde, aucun de nos clients n’a une fonctionnalité technique
dédiée. Après il y a des fonctionnalités qu’on peut décider d’activer ou pas puisqu’on a des
offres à tiroir, mais de base tout le monde a accès à la même offre de services » (Interlocuteur
n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec La Maison des Startups, start-
up n°3).

Cependant, toutes les start-ups semblent s’accorder sur la nécessité d’un


accompagnement des équipes des maisons en ce qui concerne l’utilisation de la solution
nouvellement adoptée. Les start-ups prévoient ainsi des formations à l’utilisation de leur
solution, des procédures d’onboarding permettant aux équipes des maisons de s’approprier
la solution et de mieux la maîtriser :

« On a un système de Customer Success Management, CSM, qui vient faire le support de notre
solution. On laisse pas un client sans avoir une formation au service, parce-que c’est un outil
qui est quand même assez, pas complexe à utiliser, mais qui va être utilisé quotidiennement
par les équipes donc on a des systèmes d’onboarding qui vont de 1 à 3 jours en fonction de ce
que veut faire le client et de la maturité qu’il veut donner à son équipe. Et ensuite on a des
systèmes de pilotage de l’outil où en fait on propose des prestations de CSM au client. On va
dire qu’en moyenne c’est 1 jour par mois, mais ça peut monter jusqu’à 6/7 jours par mois pour
certains clients » (Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec
La Maison des Startups, start-up n°3).

« T’as un accompagnement qui est prévu avec un Customer Success Manager. Donc t’as un
accompagnement au quotidien et des rendez-vous et des bilans qui sont prévus avec les
maisons » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

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Un autre aspect de la relation start-up / maison nous a paru important à étudier : les
possibilités de co-innovation / co-conception / co-développement de solutions. En effet, au-
delà de l’adoption de solutions développées par les start-ups, il est intéressant de comprendre
quelle est la place de la co-innovation dans le cadre du programme d’accélération du groupe
LVMH. Il semble que la construction / le développement collaboratif entre les start-ups et les
maisons soit encouragé par La Maison des Startups et le groupe LVMH lui-même. Le site
internet de La Maison des Startups insiste sur cet aspect : « We will also open doors to offer
them the opportunity to network with a lot of different talents inside the Maisons and co-
construct with them some POC and projects. Together with the maison, they can build the
future of Luxury ». Le communiqué publié par le groupe LVMH à l’occasion de l’inauguration
de La Maison des Startups témoigne aussi de cette volonté de co-construction de solutions :
« Le projet s’inscrit dans une logique de co-conception entre les Maisons du Groupe et les
startups, pour inventer de nouveaux services et produits innovants sur le marché ». En
pratique, il semble cependant que peu de co-développement de produits / solutions soit
effectué entre les start-ups et les maisons. La logique du programme consiste surtout en une
adoption des solutions développées unilatéralement par les start-ups :

« J’en ai pas vu moi, pas dans le cadre de La Maison des Startups » (Interlocuteur n°1, Sales
Director, start-up 1).

« C’est possible mais je pense pas que ça arrive très fréquemment honnêtement. J’ai pas
d’exemple en tête » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-founder, start-up n°2).

« Euh je sais pas du tout… je pense que c’est encouragé parce-que ça aurait un intérêt aussi
bien pour la start-up que pour la maison, donc je pense que oui mais nous on a pas été
confronté à ce type de sujet là donc je sais pas s’ils le font. Après pour te donner un ordre
d’idée, t’intègres l’incubateur en septembre tu le quittes en mars / avril. Donc en gros c’est six
mois. Donc je sais pas si sur six mois t’as le temps. Tu peux initier très certainement des
discussions mais est-ce-que t’as le temps de construire un véritable projet je suis pas sûr »
(Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

Notons toutefois qu’une autre structure a été créée par le groupe LVMH, plus adaptée
aux logiques de co-développement de produits / solutions : le Retail Lab LVMH. Cette
structure est un lieu dédié à la co-construction de solutions initialement développées par des
partenaires externes (souvent des start-ups) puis adaptées de manière collaborative avec des
maisons du groupe LVMH. Il s’agit de tester de manière itérative différentes solutions afin
d’atteindre un proof of concept. La Maison des Startups peut alors jouer le rôle
d’intermédiaire, mettant en relation les start-ups incubées avec le Retail Lab LVMH :

« Par contre je sais qu’ils ont créé un studio LVMH Avenue Montaigne où en gros ils ont essayé
de faire un magasin connecté pour essayer d’expliquer les expériences du futur et là ils mettent
en avant justement les produits qui sont développés par les start-ups. Donc c’est plutôt vers
eux qu’il faut que tu te tournes parce-que je sais que du coup les collaborateurs viennent, font
des retours sur le produit et là on est dans une logique un peu de co-développement »
(Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec La Maison des
Startups, start-up n°3).

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« Alors en fait il faut savoir que le groupe LVMH a un Lab qui est au siège, et effectivement La
Maison des Startups va favoriser la présentation des innovations sélectionnées au Lab. Et après
le Lab va essayer de développer une innovation concrète en collaboration avec une maison.
Donc il y a effectivement des possibilités de co-développer des produits qui peuvent être mis
en situation pour avoir un use case en fait, et qui ensuite sera déployé pour la totalité du
groupe puisque le Lab est accessible à la totalité des personnes du groupe » (Interlocuteur n°5,
CEO & Founder, start-up n°5).

Le dernier point saillant de notre étude est une prise de recul par rapport à l’adoption
des solutions des start-ups par les maisons du groupe LVMH. En effet, nous souhaitons
maintenant comprendre les attentes du groupe LVMH en ce qui concerne cette initiative de
création d’un incubateur / accélérateur corporate. LVMH souhaite-t-il collaborer avec des
start-ups dans une logique d’amélioration à court terme des opérations de ses maisons ?
S’agit-il plutôt d’une logique de long terme consistant à sourcer des technologies ou des
méthodes de travail potentiellement disruptives pour le marché du luxe dans les prochaines
années ? Un premier point à éclaircir est le suivant : le groupe LVMH ne cherche aucunement
à faire l’acquisition des start-ups accélérées au sein de son incubateur corporate. En effet, il
ressort de nos entretiens que LVMH n’acquiert que des marques de luxe et reste ainsi centré
sur son cœur de métier. La posture adoptée par le groupe est donc bien collaborative avec les
start-ups, il s’agit de nouer des partenariats et non pas d’entrer au capital des start-ups :

« Il n’y a pas de volonté de rachat de start-up. C’est vraiment une logique de partenariat (…)
Eventuellement, des maisons elles-mêmes pourraient faire l’acquisition de services qu’elles
utilisent. Donc éventuellement que les maisons elles-mêmes fasse des acquisitions car elles
bénéficieraient de presque 80% du business model d’une start-up et que ça soit un partenariat
techno qui aurait du sens why not, mais je vois pas LVMH le faire » (Interlocuteur n°3,
Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec La Maison des Startups, start-up
n°3).

« On est pas du tout dans une logique de rachat. Ce que rachète LVMH c’est plutôt des marques
que des technologies » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up n°5).

Cela étant dit, nous devons maintenant exposer un résultat important de notre
recherche : le groupe LVMH adopte en réalité une double posture d’exploitation à court terme
/ d’exploration à long terme en ce qui concerne sa collaboration avec les start-ups. Le groupe
a davantage mis en avant une posture de long terme concernant son initiative. Cela se traduit
notamment par les propos tenus par Ian Rogers, CDO de LVMH, à l’occasion de l’inauguration
de La Maison des Startups : « L’innovation est une obsession quotidienne chez LVMH, elle est
cruciale au maintien de notre position de leader sur le long terme. Collaborer avec des startups
nous permet de rester à l’affût des opportunités de business et des nouveaux modes de
travail ». Ainsi, l’initiative du groupe LVMH est ici à interpréter comme un moyen de détecter
le plus tôt possible des technologies, opportunités d’affaires où méthodes de travail
susceptibles de remodeler en profondeur le marché du luxe dans les prochaines années. Il
s’agit donc d’une démarche s’inscrivant sur le long terme permettant au groupe LVMH de
mieux réagir et s’adapter aux grandes tendances futures susceptibles d’impacter le marché
du luxe. La collaboration avec les start-ups est donc un moyen d’explorer conjointement ces
nouvelles tendances. Elle est nécessaire pour le groupe dans la mesure où le cœur de métier

50
de LVMH n’est pas réellement l’innovation. Ces idées sont également reflétées par certains
de nos entretiens :

« Le but c’est de rester à la pointe de l’innovation en détectant des start-ups qui pourraient les
aider, leur faire gagner du temps. Parce-que eux en fait ils ont leur business du quotidien et
c’est pas leur métier de faire de la recherche donc ça leur permet un peu de déléguer cette
partie innovation presque en externe. Parce-que c’est un point très important pour eux
aujourd’hui avec le digital. Si on prend un train de retard ça peut être assez embêtant quoi (…)
Je pense qu’on est plus sur une logique d’exploration sur du long terme plutôt qu’une vision
ROI à court terme. Parce-que c’est tellement un grand groupe LVMH que je pense pas qu’en
intégrant une solution d’une des start-ups ça leur change la vie » (Interlocuteur n°2, CEO & Co-
founder, start-up n°2).

Outre la détection d’opportunités ou de facteurs potentiellement disruptifs pour le


marché du luxe sur le long terme et leur exploration conjointe avec les start-ups, La Maison
des Startups permet également d’initier un changement culturel de long terme pour le groupe
LVMH. En effet, le groupe est constitué de maisons pluriséculaires dont l’héritage historique
a toujours été un frein à l’innovation / l’adoption de nouveautés. La direction du groupe, à
travers sa collaboration avec les start-ups et la création d’un lieu qui lui est dédié à Station F,
cherche à initier un changement culturel : il s’agit d’inculquer aux équipes des différentes
maisons les bienfaits de l’innovation et de l’adoption de solutions nouvelles. Le site internet
de La Maison des Startups traduit d’ailleurs cette idée : « These interactions with new
innovative projects are also crucial for LVMH. It fosters an entrepreneurial spirit within our
Group and allows our talents to get inspired and think outside of the box. It pushes themselves
past their comfort zone to deliver excellence everyday while remaining innovative and creative
». Dans cette optique, La Maison des Startups est donc là encore une démarche de long terme,
facteur de changement culturel pour le groupe LVMH. Cette notion d’acculturation ressort
également de notre entretien avec l’expert en relation start-ups / grands groupes qui
considère que le retour sur investissement de cette initiative est avant tout culturel :

« Aujourd’hui la vérité c’est qu’ils ont un ROI acculturation et non pas un ROI business. Ils te
diront ce qu’ils veulent mais dans les faits c’est ça » (Interlocuteur n°7, expert des relations
start-ups / grands groupes, CEO & Founder, RaiseLab).

Cette volonté de faire évoluer les mentalités des collaborateurs du groupe LVMH sur
le long terme est également traduite par un autre entretien avec une start-up. Notre
interlocuteur nous explique ici que ce changement culturel a en fait été initié par le
recrutement de Ian Rogers, et que la création de La Maison des Startups s’inscrit dans ce
processus de long terme :

« Ce que LVMH cherche c’est de l’agilité. De l’agilité, de l’innovation. Ce sont des groupes qui
sont très archaïques, qui sont très réticents à essayer de faire des choses un peu nouvelles.
C’est encore plus vrai depuis qu’on a été touchés par le covid : tous les magasins de LVMH
étant fermés, c’est le digital qui va permettre de prendre la relève pendant cette période. Donc
ils veulent faire un accompagnement digital. D’ailleurs il faut savoir que Ian Rogers était quand
même le CDO d’iTunes, donc c’était un peu le CDO de référence aux Etats-Unis. Donc qu’un
groupe comme LVMH fasse l’acquisition du CDO le plus en vogue au niveau techno de la boîte

51
la plus tech de la Silicon Valley ça veut vraiment dire que LVMH veut faire ce tournant. Et une
initiative comme La Maison des Startups va complètement dans cette conversion de
mentalité » (Interlocuteur n°3, Directrice Grands Comptes et chargée du partenariat avec La
Maison des Startups, start-up n°3).

Dernière preuve que cette initiative s’inscrit dans une logique de long terme : La
Maison des Startups a créé un programme Alumni qui rassemble les start-ups ayant participé
aux saisons précédentes du programme d’accélération. Ces Alumnis peuvent continuer à
entretenir leur réseau et peuvent même venir aux évènements de rencontre organisés par le
staff de l’incubateur lorsque leurs solutions correspondent aux besoins des maisons invitées.
Cette perpétuation de la relation avec les start-ups au-delà de leur période d’accélération
montre bien l’orientation à long terme de la démarche du groupe LVMH. Le site internet de
La Maison des Startups insiste d’ailleurs sur ce point : « Once the program is finished,
everything is not over. You can be invited to be part of our Alumni program that will give you
access to some of our events so you can keep pursuing the discussions you already started as
well as give you new opportunities to network ». Cette idée ressort également de nos
entretiens :

« En rentrant dans La Maison des Startups, ils ont créé un Alumni, donc tu rentres dans un
réseau » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team Leader, start-up n°4).

« On est pas sur une démarche à court terme, on est plutôt sur une démarche de long terme.
La preuve en est que les start-ups des saisons précédentes qui ont terminées le programme
restent très actives, participent encore quelques fois à des demo sessions parce-qu’ils sont
rappelés par La Maison des Startups parce-qu’ils proposent une solution qui correspond
vraiment aux problématiques actuelles des maisons. Donc on est vraiment sur quelque chose
qui est une relation à bâtir sur le long terme » (Interlocuteur n°5, CEO & Founder, start-up
n°5).

D’autre part, il ne faut pas négliger la posture court-termiste d’une telle initiative pour
le groupe LVMH. En effet, rappelons que les start-ups sont sélectionnées en fonction de
l’alignement de leurs solutions avec certains grands enjeux opérationnels pour les maisons du
groupe. Rappelons également que les évènements de rencontre organisés à Station F par les
membres du staff de l’incubateur tournent autour des problématiques et besoins du moment
des maisons. Nous avons également montré précédemment que peu de proof of concept ou
de co-innovation / co-développement étaient lancés via La Maison des Startups, la logique du
programme étant plutôt de faire matcher un besoin opérationnel d’une maison avec une
solution d’une start-up incubée. Dans cette optique, La Maison des Startups est une initiative
qui permet au groupe LVMH d’obtenir un ROI opérationnel à court terme pour les maisons
qui utilisent les solutions des start-ups. Certains de nos interlocuteurs ont d’ailleurs mis en
avant cet aspect court-termiste :

« Il y a déjà un premier niveau qui consiste à identifier les start-ups qui ont des solutions
pertinentes (…) Les gens du programme connaissent les problématiques des maisons, et donc
doivent sélectionner ces start-ups en fonction des problématiques qu’elles peuvent adresser.
Et c’est le but du programme : mettre en relation un besoin avec une solution. Le but c’est
d’aller identifier des solutions innovantes qui pourraient leur faire gagner du temps et de

52
l’argent (…) C’est bien d’innover pour penser à l’avenir mais il faut aussi adresser les affaires
courantes et donc il faut avoir des solutions qui sont suffisamment mûres pour pouvoir être
implémentées rapidement et générer des retours sur investissement rapides » (Interlocuteur
n°1, Sales Director, start-up 1).

« On est sélectionnés sur dossier et sur l’intérêt de la solution qu’on propose. Et donc leur
objectif c’est de bénéficier finalement des innovations de ces start-ups là pour permettre au
groupe de continuer à grandir et d’accélérer (…) T’as deux logiques et ça va dépendre du besoin
de chaque maison. T’as des maisons qui vont avoir des besoins très précis sur des thématiques
très précises et auxquelles certaines start-ups peuvent répondre à l’instant T. Et t’en as d’autres
qui vont pas avoir la même maturité et qui vont garder ça comme perspective ou projection à
1, 2 ou 3 ans et qui t’activeront bien plus tard » (Interlocuteur n°4, Account Executive & Team
Leader, start-up n°4).

53
5) Conclusion
Pour conclure notre mémoire, revenons dans un premier temps sur la démarche que
nous avons suivie tout au long de ce travail. Nous poursuivrons en évoquant les contributions
théoriques et managériales de notre devoir avant de discuter de ses limites et prolongements
possibles.

5.1) Synthèse de la recherche

La première partie de notre mémoire est notre introduction qui a eu pour but de cadrer
notre sujet et d’amener la problématique de notre travail. Dans cette partie, nous
introduisons les différentes notions et concepts centraux de notre devoir tels que
l’ambidextrie organisationnelle ou l’incubateur corporate. Nous explicitons l’articulation entre
ces différents concepts pour dégager un sujet et un objet d’étude. Nous mettons en lumière
le fait que les entreptises sont tiraillées entre des logiques opposées d’exploitation et
d’exploration. Or, l’un des choix organisationnels les plus en vogue chez les grandes
entreprises pour gérer cette tension est la création de structures d’incubation / accélération
corporate. Nous expliquons alors que notre devoir consiste en une étude de cas : celle de La
Maison des Startups, l’incubateur / accélérateur corporate du groupe LVMH. Plus
spécifiquement, nous nous intéressons au dispositif organisationnel qu’est l’incubateur /
accélérateur corporate et nous l’étudions à travers le prisme théorique qu’est l’ambidextrie
organisationnelle. Notre problématique consiste alors à nous questionner sur la manière dont
le groupe LVMH arrive à cultiver sa capacité d’innovation à la lisière de son organisation via
son incubateur et, simultanément, à exploiter ces innovations en les réintégrant dans son
organisation. Notre problématique questionne également les modalités d’adoption des
solutions des start-ups par les différentes maisons du groupe ou encore les degrés de
perméabilité et d’autonomie de l’incubateur vis-à-vis de son organisation mère. Nous avons
modélisé l’ensemble de ces questions par la flèche rouge du schéma suivant :

54
La deuxième partie de notre mémoire définit le cadre théorique de notre devoir. Notre
revue littéraire a rempli deux fonctions principales : nous y avons posé le cadre conceptuel de
notre travail afin de pouvoir, dans un deuxième temps, construire la grille d’analyse théorique
qui nous a par la suite accompagné lors de notre étude de terrain. Nous avons dans un premier
temps centré notre revue sur le dilemme exploitation / exploration en définissant ces deux
types de logique notamment à travers les types d’innovation s’y rattachant. Cette explication
du « dilemme marchien » (Garel et Rosier, 2008) nous a peu à peu amené à définir le concept
qu’il sous-tend : l’ambidextrie organisationnelle. L’étude attentive des différents travaux
portant sur ce concept nous a permis de mettre en lumière les trois types d’ambidextrie / les
trois modes de gestion du dilemme exploitation / exploration : l’ambidextrie structurelle
(Tushman et O’Reilly, 1996), contextuelle (Birkinshaw et Gibson, 2004) et de réseau
(McNamara et Baden-Fuller, 1999). Par la suite, nous avons défini les concepts d’incubateur /
accélérateur et d’incubateur / accélérateur corporate. Nous avons notamment montré que ce
dernier type de structure d’accompagnement de start-ups est très courant chez les grandes
entreprises et qu’il était donc nécessaire d’apporter des éléments de réponse sur cette
pratique. En conclusion de notre revue littéraire, nous avons montré en quoi l’incubateur /
accélérateur corporate relevait simultanément des approches structurelles et de réseau de
l’ambidextrie organisationnelle. Cette voie hybride, et à notre connaissance jamais empruntée
par la littérature pour étudier les structures d’incubation / accélération corporate, constitue
alors notre pré-modèle conceptuel.

La troisième partie de notre mémoire est notre chapitre méthodologique. Il expose


nos choix méthodologiques et en justifie la cohérence. Nous y justifions dans un premier
temps la méthode qualitative adoptée. Nous inscrivant dans une démarche exploratoire et
étudiant un phénomène complexe qu’il convient d’examiner en profondeur, le design de
recherche qualitatif est particulièrement adapté. Cette approche permet en effet de rendre
compte des phénomènes et situations étudiés en profondeur tout en prenant en compte
l’environnement / le contexte dans lequel s’inscrivent les parties prenantes. Nous présentons
par la suite en détail notre terrain de recherche : La Maison des Startups LVMH. Nous
démontrons également la cohérence de ce terrain de recherche par rapport à notre sujet et à
notre problématique. Cette présentation du terrain étudié nous permet d’amener les choix
effectués en matière d’échantillonnage, de collecte et d’analyse des données. Nous justifions
la mise en place d’une démarche d’échantillonnage intentionnel nous permettant d’obtenir
une diversité de points de vue à travers trois grandes catégories d’acteurs : les start-ups
incubées, les membres du staff de La Maison des Startups (à travers les données d’archives
fournies) et le spécialiste des relations start-ups / grands groupes. Nous expliquons alors que
la méthode de collecte de données retenue est principalement l’entretien semi-directif. En
complément, nous avons mobilisé des données d’archive. Nous justifions ce choix avant de
présenter notre méthode d’analyse des données qualitatives : le codage inductif / a posteriori.

Enfin, la quatrième partie de notre devoir, qui précède notre partie de discussion /
conclusion, est notre chapitre de résultats. Nous y présentons les résultats de notre recherche
empirique en mobilisant les données brutes recueillies et en les analysant de manière
structurée. Dans un premier temps, nous nous concentrons sur l’enjeu structurel de notre
sujet en expliquant en quoi La Maison des Startups est une structure à part du groupe LVMH.
Différents facteurs tels que la localisation de cet incubateur à Station F plutôt que dans les
bureaux de LVMH, la grande autonomie laissée à l’accélérateur considéré comme une maison

55
à part entière du groupe, le rôle intégrateur du staff ou encore la culture mixte régnant dans
ce lieu nous permettent d’affirmer, comme nous le verrons plus tard, que La Maison des
Startups relève de l’approche structurelle de l’ambidextrie organisationnelle. Dans un second
temps, nous ouvrons la « boîte noire » de La Maison des Startups en étudiant en profondeur
l’organisation de l’activité et les relations qu’entretiennent les différentes parties prenantes à
l’intérieur de cet incubateur. Nous mettons notamment en lumière la mobilisation et
l’animation d’un réseau de parties prenantes externes au sein de La Maison des Startups, nous
permettant ainsi d’affirmer, comme nous le verrons dans nos contributions théoriques, que
cette structure relève également d’une ambidextrie de réseau (McNamara et Baden-Fuller,
1999). Enfin, nous nous intéressons au processus d’adoption des solutions des start-ups par
les maisons du groupe LVMH en mettant en lumière la double perspective court terme / long
terme d’une telle collaboration. Cette sous-partie nous permet notamment de montrer en
quoi La Maison des Startups relève d’une ambidextrie contextuelle (Birkinshaw et Gibson,
2004), comme nous l’expliciterons dans notre section dédiée aux contributions théoriques.

5.2) Contributions

5.2.1) Contributions théoriques

Avant d’expliciter les apports théoriques de notre mémoire, il convient de rappeler


succintement l’état actuel des connaissances sur notre sujet. La littérature académique a
toujours considéré l’ambidextrie organisationnelle et l’incubateur corporate comme étant
deux objets d’étude séparés. D’un côté, les notions d’incubateur / accélérateur et notamment
d’incubateur / accélérateur corporate ont déjà très bien été définis par la littérature
académique à travers les différents éléments caractéristiques de ces structures. Des
typologies d’incubateurs et accélérateurs, corporate ou non, ont d’ailleurs été construites par
les divers auteurs qui se sont intéressés à ces structures. D’autre part, le dilemme exploitation
/ exploration et le concept qu’il sous-tend, l’ambidextrie organisationnelle, ont eux aussi fait
l’objet de recherches poussées et de définitions claires. Dans cette perspective, la littérature
a identifé trois types d’ambidextrie / de mode de gestion du dilemme exploitation /
exploration : l’ambidextrie structurelle (Tushman et O’Reilly, 1996), contextuelle (Birkinshaw
et Gibson, 2004) et de réseau (McNamara et Baden-Fuller, 1999). Notons cependant que ces
trois modes ont, à notre connaissance, toujours été envisagés comme étant mutuellement
exclusifs. Ainsi, les concepts d’incubateur / accélérateur corporate et d’ambidextrie
organisationnelle ont fait l’objet de recherches poussées. Cependant, ces concepts n’ont que
très rarement été croisés. D’autre part, il n’a été que très rarement envisagé par la littérature
académique qu’une même structure (ici l’incubateur corporate) puisse relever de plusieurs
types d’ambidextrie en même temps. C’est en ce sens que les résultats de notre recherche
apportent des connaissances nouvelles par rapport aux connaissances disponibles sur notre
sujet.

Tout d’abord, nos résultats montrent que les concepts d’incubateur / accélérateur
corporate et d’ambidextrie organisationnelle peuvent être croisés. Il est possible d’étudier
l’un à travers l’étude de l’autre. Plus spécifiquement, les structures d’incubation / accélération
corporate peuvent être analysées au prisme théorique de l’ambidextrie organisationnelle.
D’autre part, cet angle d’étude permet d’enrichir aussi bien la littérature sur l’innovation
(notamment l’innovation ouverte (Chesbrough, 2003)), la littérature s’intéressant

56
spécifiquement aux structures d’incubation / accélération corporate à travers l’adoption d’un
nouveau prisme théorique (l’ambidextrie organisationnelle) et la littérature centrée sur
l’ambidextrie organisationnelle à travers l’adoption d’un nouvel objet d’étude (l’incubateur
corporate). En effet, nos résultats mettent en relation ces concepts à deux niveaux. En premier
lieu, l’incubateur / accélérateur corporate est un choix organisationnel fait par l’organisation
mère pour gérer la tension entre exploitation et exploration. Ce choix organisationnel s’inscrit
dans une démarche d’innovation ouverte (Chesbrough, 2003) à travers une collaboration avec
des start-ups ayant pour but de créer des synergies exploratoires et de fertiliser les capacités
d’innovation de la grande entreprise. D’autre part, à l’intérieur même de cette structure
dédiée à l’exploration, il existe une tension entre exploitation à court terme des solutions des
start-ups et exploration / prospection de nouvelles technologies / opportunités dans une
perspective de long terme. L’incubateur corporate n’est donc, lui aussi, pas à l’abri de l’enjeu
de l’ambidextrie organisationnelle.

Notre devoir apporte une deuxième contribution théorique. Nos résultats montrent
qu’il est en fait possible de considérer l’incubateur / accélérateur corporate comme étant une
structure relevant simultanément des trois modes de gestion du dilemme exploitation /
exploration. Il convient donc d’expliquer en quoi ce type de structure peut à la fois relever des
approches structurelle, contextuelle et de réseau de l’ambidextrie.

Tout d’abord, l’incubateur / accélérateur corporate est un choix organisationnel


pouvant être assimilé à une approche structurelle de l’ambidextrie. En effet, il ressort de notre
étude que La Maison des Startups est une structure clairement séparée de son organisation
mère, le groupe LVMH. Cet accélérateur fonctionne de manière indépendante vis-à-vis du
groupe et des ses différentes maisons. Rappelons à ce titre que le groupe LVMH a une
organisation très décentralisée. Une autonomie presque complète est accordée à chacune des
75 maisons du groupe. Seuls certains aspects sont gérés au niveau du groupe lui-même pour
l’ensemble des maisons : les achats d’espaces publicitaires ou de matières premières par
exemple, afin de réaliser des économies d’échelle. La Maison des Startups ne déroge pas à
cette gestion décentralisée : elle est considérée comme l’une des maisons du groupe et a ainsi
une complète autonomie de gestion. La Maison des Startups est donc une structure dédiée à
des activités d’exploration et elle est strictement séparée des autres structures du groupe
LVMH dédiées à l’exploitation (les maisons et le groupe lui-même). Cette séparation est même
matérialisée par la localisation de la structure à Station F, en dehors des bureaux de LVMH.
L’incubateur corporate du groupe LVMH peut donc être considéré comme une entité
explorante dans la mesure où il a une taille limitée, est décentralisé et a aussi bien des
processus de travail, une organisation et une culture libres (Benner et Tushman, 2003 ;
Tushman et O’Reilly, 1999). On peut le qualifier de « structure organique » (He et Wong, 2004)
car il bénéficie d’une grande autonomie lui permettant d’inventer, d’innover, d’improviser, de
créer. Cette séparation avec les autres entités dédiées à l’exploitation est caractéristique de
l’ambidextrie structurelle (Tushman et O’Reilly, 1996). Un autre élément que l’on retrouve à
La Maison des Startups nous permet d’affirmer que cette structure peut être assimilée à une
forme d’ambidextrie structurelle (Tushman et O’Reilley, 1996). Il s’agit du rôle intégrateur des
équipes. En effet, la séparation stricte des unités dédiées à l’exploration de celles dédiées à
l’exploitation rend nécessaire le travail de réintégration des innovations développées. Dans
notre cas, ce travail est réalisé par les membres du staff de La Maison des Startups dont le rôle
principal est de créer des passerelles entre les start-ups et les différentes maisons du groupe.

57
Ces passerelles permettent de mettre en relation les maisons avec les start-ups pour leur
permettre d’adopter / d’intégrer les solutions / innovations des start-ups en fonction de leurs
besoins opérationnels et de leurs problématiques métiers.

Nos résultats montrent qu’il est aussi possible d’envisager La Maison des Startups
comme étant une structure relevant d’une ambidextrie de réseau (McNamara et Baden-Fuller,
1999). En effet, l’incubateur / accélérateur corporate s’inscrit dans une démarche
d’innovation inter-organisationnelle ou encore d’innovation ouverte (Chesbrough, 2003). Il
s’agit ici de gérer la tension entre exploitation et exploration à travers la mobilisation d’un
réseau de parties prenantes externes à l’organisation mère. Dans notre cas, ces parties
prenantes externes sont les start-ups, et elles sont réunies au sein de La Maison des Startups
afin de créer des synergies exploratoires dans une optique collaborative. L’ambidextrie de
réseau (McNamara et Baden-Fuller, 1999) « rend compte de la manière dont l’entreprise
s’organise pour gérer la tension entre les activités d’exploration et d’exploitation au niveau
inter-organisationnel » (Kacioui-Maurin, 2011). Ce modèle « s’attache aux relations
qu’entretient l’entreprise avec ses partenaires et à la manière dont elle articule
simultanément, dans le réseau, des logiques d’exploitation et d’exploration (McNamara et
Baden-Fuller, 1999) » (Fulconis et Kacioui-Maurin, 2013). Nous montrons dans ce devoir que
les start-ups et les membres du staff de La Maison des Startups entretiennent des relations
collaboratives avec une liberté presque totale laissée aux start-ups. D’autre part, les start-ups
entretiennent plutôt des relations clients / fournisseurs avec les différentes maisons du
groupe. Nous montrons également que les innovations conjointes / co-développées entre
start-ups incubées mais aussi entre une start-up et une maison du groupe LVMH sont
encouragées par La Maison des Startups. Ainsi, nos résultats rendent bien compte d’une
mobilisation d’un réseau de parties prenantes externes et de la collaboration entre les
différents acteurs partageant leurs ressources et compétences. Nos résultats montrent donc
que l’incubateur / accélérateur corporate relève également de l’approche réseau de
l’ambidextrie organisationnelle.

Enfin, nous pouvons également considérer qu’un incubateur / accélérateur corporate


relève de l’ambidextrie contextuelle (Birkinshaw et Gibson, 2004). Précisons que nous ne nous
attendions pas à arriver à cette conclusion avant notre étude car il nous semblait qu’une
structure d’incubation / accélération corporate relevait principalement des approches
structurelle et de réseau de l’ambidextrie, d’où notre double grille de lecture théorique basée
sur ces deux conceptions de l’ambidextrie. Cependant, il ressort de nos recherches empiriques
que La Maison des Startups présente des éléments caractéristiques de l’ambidextrie
contextuelle (Birkinshaw et Gibson, 2004). En effet, cette approche est centrée sur le contexte
mis en place dans l’entreprise favorisant l’autonomie, l’innovation, la créativité et la prise
d’initiatives au niveau individuel. Il s’agit entre autres de responsabiliser le collaborateur en
ce qui concerne le partage de son temps de travail entre activité d’exploitation et activité
d’exploration. Or, il apparaît que la création de La Maison des Startups et la possibilité pour
les équipes des différentes maisons du groupe LVMH de visiter cet incubateur, de rencontrer
et d’échanger avec les start-ups crée un contexte favorable à l’innovation, la créativité,
l’autonomie et la prise d’initiative. Les collaborateurs des différentes maisons de LVMH sont
amenés à partager leur temps entre des activités d’exploitation (dans les bureaux de leurs
maisons respectives) et des activités d’exploration en collaboration avec les start-ups (à
l’incubateur du groupe LVMH situé à Station F). En ce sens, il est donc possible de considérer

58
un incubateur / accélérateur corporate comme relevant de l’approche contextuelle de
l’ambidextrie organisationnelle.

5.2.2) Contributions managériales

Notre mémoire a aussi un intérêt pratique pour les professionnels. En premier lieu, il
convient de rappeler qu’un nombre croissant de grandes entreprises font le choix
organisationnel de la création d’un incubateur / accélérateur corporate. En effet, Mocker et
al. (2015) indiquent qu’un tiers des accélérateurs européens sont soutenus d’une manière ou
d’une autre par une entité corporate. Tous les secteurs économiques sont concernés. En
France, hormis LVMH, des entreprises telles que la SNCF, Orange, Airbus, Total, Renault ou
encore EDF ont mis en place ce type d’initiative. Dans ce contexte de multiplication
d’incubateurs / accélérateurs corporate, notre étude permet d’éclairer cette pratique aux
yeux des praticiens et de leur permettre de mieux comprendre ce phénomène. Notre
mémoire permet notamment aux professionnels d’appréhender une des manières possibles
de fertiliser les capacités d’innovation d’une entreprise dans une perspective collaborative et
inter-organisationnelle à travers la mobilisation d’un réseau de start-ups. Notre recherche est
également susceptible de faire réfléchir les praticiens sur l’enjeu de l’ambidextrie
organisationnelle et de la tension qu’elle implique entre activités d’exploitation et
d’exploration. Plus spécifiquement, notre devoir s’est concentré sur l’étude d’un dispositif
organisationnel (l’incubateur / accélérateur corporate) permettant de gérer cette tension. En
ce sens, notre étude donne donc aux professionnels une vision sur un mode de gestion de
l’incubateur / accélérateur corporate : le mode de gestion adopté par LVMH. Ce mode de
gestion est caractérisé par différents éléments comme le degré de liberté laissé aux start-ups,
le rôle / les fonctions du staff de l’incubateur ou encore la manière de créer du lien entre les
start-ups et les équipes du groupe ainsi qu’entre les start-ups incubées. Ce mode de gestion
peut constituer un exemple intéressant voire même une inspiration pour les membres du staff
d’autres incubateurs / accélérateurs corporates et même pour d’autres collaborateurs de
grandes entreprises, par exemple ceux travaillant dans les départements de transformation
digitale. Notre étude peut aussi éclairer les équipes métiers des grandes entreprises sur un
sujet bien particulier : la manière dont les start-ups d’un incubateur corporate peuvent les
aider, à travers leurs solutions, à relever certains enjeux opérationnels / résoudre certaines
problématiques métiers. Enfin, notre devoir est susceptible d’éclairer les start-ups sur les
aspects positifs d’un passage dans un incubateur / accélérateur corporate. Ces aspects positifs
concernent notamment le développement d’un réseau de relations avec d’autres
entrepreneurs et l’opportunité business que constitue l’accès aux équipes métiers de
l’organisation mère.

5.3) Limites et prolongements possibles

Cette sous-partie est donc dédiée à l’identification des limites de notre devoir et à ses
prolongements possibles. Nous souhaitons souligner que nous ne séparerons pas dans deux
parties différentes nos limites et nos prolongements. En effet, chaque limite de notre travail
nous a inspiré un prolongement possible que nous expliciterons directement après la limite à
laquelle il est rattaché.

59
La première limite que nous avons identifiée est d’ordre méthodologique. Il est
important de noter que notre étude ne porte que sur un seul cas, celui de La Maison des
Startups, l’accélérateur corporate du groupe LVMH. Dès lors, notre travail n’est représentatif
que d’un mode de gestion de la tension entre exploitation et exploration à travers la création
d’un accélérateur corporate : le mode adopté par le groupe LVMH. Il est alors indispensable
de rappeler que la gestion adoptée par LVMH ne peut pas être systématiquement étendue
aux autres accélérateurs corporate. Il est clair que la manière de gérer le dilemme exploitation
/ exploration, d’assurer l’indépendance et l’autonomie des start-ups et de la structure
d’accélération vis-à-vis de l’organisation mère tout en étant en alignement avec ses objectifs
opérationnels varie d’un accélérateur corporate à un autre. De même, le degré de
perméabilité de l’incubateur corporate vis-à-vis de son organisation mère, l’influence de la
culture du groupe sur cette structure et les start-ups qu’elle accueille, la manière d’organiser
le travail, le degré de liberté laissé aux start-ups ou encore les modalités d’adoption des
solutions des start-ups par l’organisation mère varient aussi grandement en fonction des
accélérateurs corporate. Notre devoir n’a donc pas la prétention de représenter de manière
exhaustive la manière dont tous les grands groupes gèrent le dilemme exploitation /
exploration via un réseau de partenaires externes rassemblés au sein d’une structure
d’accélération corporate.

Un prolongement possible de notre travail pourrait donc consister en la réalisation


d’une étude comparative d’une multitude d’incubateurs / accélérateurs corporate en
adoptant la méthodologie que nous avons utilisée pour notre étude de La Maison des
Startups. Cela permettrait de mettre en lumière les différentes manières dont les grands
groupes utilisent leurs structures d’accélération de start-ups pour fertiliser leurs capacités
d’innovation et gérer la tension entre exploitation et exploration dans une perspective inter-
organisationnelle. Une telle étude montrerait la diversité des modes de gestion d’un
accélérateur corporate et pourrait donc prétendre à une plus grande exhaustivité concernant
l’étude des situations et phénomènes qui nous intéressent tout en prenant en compte les
différences de contexte et d’environnement propres à chaque structure. Une telle étude
comparative pourrait également permettre de mettre en lumière des best practices à
recommander aux professionnels concernant la gestion de leur accélérateur corporate, ou
permettre de construire une typologie d’accélérateurs corporate basée sur leur mode de
gestion.

Un autre point méthodologique constitue une limite de ce devoir, il s’agit de la


méthode de collecte des données. En premier lieu, il est possible de parler du nombre
d’entretiens réalisés. En effet, les sept entretiens que nous avons effectués ne permettent pas
d’établir des constats irréfutables quant aux phénomènes étudiés tels que l’organisation au
sein de l’accélérateur, l’influence de la culture de LVMH au sein de La Maison des Startups ou
encore le degré de liberté laissé aux start-ups par les membres du staff de l’accélérateur. Du
côté des start-ups, nous n’avons pas pu nous entretenir avec l’ensemble des 50 sociétés
accélérées chaque année depuis 2018. Nous n’avons pas non plus pu interviewer directement
les membres du staff de La Maison des Startups LVMH. Cela constitue une limite importante
de notre devoir : ces acteurs étant centraux dans la structure étudiée, recueillir directement
leur point de vue nous aurait permis de le croiser avec celui des start-ups. En définitive, le
nombre restreint d’entretiens ne nous permet pas de prétendre à une quelconque
exhaustivité des données collectées auprès de tous les acteurs de l’accélérateur. En outre, les

60
entretiens semi-directifs laissent beaucoup de place aux perceptions individuelles qui peuvent
être très variables d’un interlocuteur à l’autre pour un même phénomène ou une même
situation. A titre d’exemple, tous les entrepreneurs n’avaient pas exactement le même
ressenti concernant l’influence de la culture de LVMH au sein de l’accélérateur. Or, ayant
principalement utilisé l’entretien semi-directif comme outil de collecte de données, nos
résultats se trouvent tributaires de ces différences de perception individuelles.

Ainsi, un prolongement possible de notre travail pourrait consister en une étude basée
sur un échantillon plus large pour la collecte des données se basant sur un principe
d’exhaustivité des données recueillies. Il faudrait alors, sur la base d’entretiens semi-directifs,
récolter les données auprès de l’ensemble des acteurs de l’accélérateur : tous les employés
de toutes les start-ups accélérées présentes au quotidien à La Maison des Startups et
l’ensemble des membres du staff de La Maison des Startups afin de pouvoir croiser les regards
/ points de vue. Dans cette optique, une autre catégorie d’acteurs aurait pu faire l’objet d’une
attention particulière : les équipes des différentes maisons du groupe LVMH qui viennent à
l’accélérateur pour rencontrer les start-ups et adopter leurs solutions si elles répondent à
leurs problématiques métiers et enjeux opérationnels. En effet, ce type d’acteur est aussi en
contact avec les membres du staff de l’accélérateur et sont donc une des parties prenantes
d’un phénomène qui nous intéresse : l’adoption des solutions des start-ups, leur réintégration
au sein des différentes maisons du groupe à partir de l’accélérateur corporate. Une autre grille
d’analyse aurait pu alors être introduite, davantage orientée vers l’ambidextrie contextuelle
(Birkinshaw et Gibson, 2004) dans la mesure où l’accélérateur constitue, pour les
collaborateurs des différentes maisons du groupe, un contexte stimulant leur capacité
d’innovation et leur permettant de concilier des activités d’exploitation (dans les bureaux de
LVMH) et d’exploitation (à La Maison des Startups). Enfin, un autre prolongement intéressant
pourrait consister à réaliser une observation, participante ou non, pour enrichir les données
recueillies. Ce type de collecte de données permettrait alors de prendre du recul et de la
hauteur par rapport aux perceptions et discours des acteurs et d’adopter une posture plus
critique et réflexive.

Il nous apparait deux autres prolongements possibles. Tout d’abord, si nous


considérons que notre objet d’étude principal est l’ambidextrie organisationnelle ou plus
spécifiquement la manière dont les grandes entreprises gèrent le dilemme exploitation /
exploration, alors il nous faut préciser que nous ne nous sommes concentrés dans ce devoir
que sur un seul des choix organisationnels permettant de relever ce défi dans une perspective
inter-organisationnelle. Cela constitue une limite. En réalité, bien d’autres choix peuvent être
effectués par les grandes entreprises pour relever ce défi. Dans une perspective intra-
organisationnelle de l’ambidextrie, un objet d’étude intéressant serait par exemple les
programmes d’intrapreneuriat. D’ailleurs, notons que LVMH a lancé un tel programme
prénommé DARE (Disrupt, Act, Risk to be an Entrepreneur) ayant pour but de permettre aux
collaborateurs porteurs d’idées de lancer leur projet avec l’appui du groupe. Cette étude d’un
autre dispositif organisationnel permettant de répondre aux enjeux de conciliation d’activités
d’exploitation et d’exploration serait un prolongement tout à fait complémentaire de notre
travail. Une telle étude permettrait de rendre compte d’un autre choix organisationnel adopté
par les grands groupes pour stimuler leurs capacités d’innovation dans une optique
exploratoire. La grille d’analyse conceptuelle serait alors différente de la nôtre et, au lieu de

61
combiner les approches structurelle et de réseau de l’ambidextrie, pourrait explorer une voie
hybride entre ambidextrie structurelle et ambidextrie contextuelle.

D’autre part, si nous considérons que notre objet d’étude principal est la structure
d’incubation / accélération corporate des grands groupes, alors il nous faut préciser que nous
avons adopté dans ce devoir une grille d’analyse théorique tournant autour d’un thème en
particulier : l’ambidextrie organisationnelle, et plus spécifiquement ses approches structurelle
et de réseau. Il s’agit ici d’un parti pris, d’un angle d’étude conceptuel que nous avons choisi.
Or, il aurait été possible d’adopter un autre angle d’attaque théorique pour aborder l’objet
d’étude qu’est l’accélérateur corporate. Là où l’ambidextrie organisationnelle est avant tout
un enjeu organisationnel, nous aurions pu choisir un cadre théorique différent s’appuyant par
exemple sur la littérature académique en management de l’innovation ou en stratégie
d’entreprise. Une telle approche à partir d’un autre angle théorique / conceptuel pourrait
constituer un prolongement intéressant de notre étude sur l’accélérateur corporate.

62
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66
7) Annexes
7.1) Guides d’entretien

Guide d’entretien pour les start-ups

Thèmes Questions Relances


 Candidature spontanée / mise en
 Comment avez-vous intégré La Maison des relation / sourcing de la part de
Startups ? (Question introductive). LVMH ?

 Le staff oriente-t-il l’activité de R&D


ou de prototypage des start-ups ?
 Relation client/fournisseur ou plutôt
 Comment s’organise l’activité en relation avec collaborative ?
le staff de La Maison des Startups ?  Fréquence des échanges avec les
Vie quotidienne dans l’incubateur / membres du staff ? Sur quels sujets
Organisation du travail dans ces échanges portent-ils ?
l’incubateur
 Degré de liberté des start-ups ?
 Le staff de l’incubateur vous impose-t-il
certaines contraintes dans votre travail ?  Existence d’un règlement intérieur ?
 Prédominance de la « culture / esprit
start-up » ou de la « culture / esprit
grand groupe / LVMH » ?
 Dans quelle mesure avez-vous l’impression
 Si influence il y a, comment se
d’être influencé par le fonctionnement, les
manifeste-t-elle ?
pratiques ou la philosophie de LVMH ?
 La start-up agit-elle pour adhérer à
cette culture ? Si oui, comment ?

67
 L’incubateur encourage-t-il les
échanges, les temps informels ou les
 Quelles relations entretenez-vous avec les collaborations entre start-ups ?
autres start-ups incubées chez LVMH ?  Modalités, apports et limites de ces
échanges ?
 Forme et modalités de ces échanges ?
 Quelles sont vos relations avec les équipes des Fréquence de ces échanges ? Où ont
différentes maisons de LVMH, en dehors du lieu ces échanges (à l’incubateur ou
staff de l’incubateur ? dans les bureaux des maisons) ?

 Avez-vous des contacts fréquents / récurrents  Si influence il y a, porte-t-elle sur les


avec des clients potentiels du groupe LVMH ? produits / solutions de la start-up, sur
Ces rencontres influencent-elles votre sa stratégie, son positionnement ?
orientation de développement ?
 Roadmap précise pour l’adoption ?
Adoption des solutions des start-ups
 Sollicitations des maisons pour
incubées par le groupe LVMH
l’onboarding ? Accompagnement des
 Comment vos solutions sont-elles adoptées équipes ? Formations sur l’utilisation
par les équipes des différentes maisons ? de la solution ?
 Modification / personnalisation de la
solution sur-mesure ?
 Si oui, quelle forme prennent ces
 Des rencontres / rendez-vous à l’incubateur rencontres ? Sont-elles formelles /
sont-ils organisés entre les start-ups et des informelles ? Rencontre individuelle
managers des maisons du groupe (susceptibles pour chaque start-up ou rencontre
d’adopter les solutions des start-ups) ? groupée ?

68
 Les membres du staff de La Maison des
 Si oui, comment cela se manifeste-t-
Startups ont-ils un rôle de facilitateur pour
il ? Modalités de la mise en relation ?
l’adoption de votre solution par les maisons du
groupe ?

 Si oui, y a-t-il des tensions concernant


la propriété intellectuelle /
 L’incubateur encourage-t-il les innovations
industrielle des innovations créées
conjointes (start-up X LVMH) ?
conjointement ?

 Logique d’amélioration de ses


opérations à court terme ? Volonté de
stimuler ses propres capacités
 D’après vous, qu’attend LVMH de sa d’innovation ? Logique
collaboration avec les start-ups ? d’externalisation de sa R&D ? Volonté
de rachat des start-ups les plus
prometteuses ?

Attentes de LVMH vis-à-vis des start-  Est-ce une logique d’amélioration de


ups leur activité à court terme ou un
 Selon vous, comment LVMH appréhende-t-il investissement de long terme pour
l’apport de votre solution ? aller au-delà de ce que maîtrise
actuellement LVMH ?
 Si oui, quelle est la forme de cette
 Avez-vous le sentiment que LVMH attende un exigence ? Une simple satisfaction des
ROI à court terme de sa collaboration avec équipes quant à la solution ou un ROI
vous ? précis et chiffré ?

69
 Volonté d’indépendance par rapport à
l’organisation mère ? Volonté d’être
 Selon vous, pourquoi a-t-il été décidé
stimulé par l’écosystème Station F ?
d’installer La Maison des Startups à Station F
Volonté de créer un « cocon » externe
et pas dans les bureaux de LVMH ?
à LVMH pour les start-ups ?
 Eventuelle ingérence de LVMH dans la
gestion de l’accélérateur ? Si oui,
 Savez-vous quel est le degré d’intégration de
comment se manifeste-t-elle ?
l’incubateur au sein du groupe LVMH ?
L’incubateur fonctionne-t-il de manière  Comment ressentez-vous cette
indépendante vis-à-vis du groupe ? ingérence ? D’après vous, est-ce un
Enjeu structurel de l’incubateur
aspect positif ou négatif ?

 Comment le staff de l’incubateur arrive-t-il à  Eventuel conflit entre ces deux


concilier l’autonomie des start-ups / de aspects ? Actions mises en place pour
l’incubateur et l’alignement avec les objectifs résoudre ce conflit ?
opérationnels du groupe LVMH ?

 Quelles sont les passerelles mises en place par  Nature / caractéristiques de ces
le staff de l’incubateur entre les start-ups et passerelles ?
les maisons du groupe LVMH ?

70
Guide d’entretien pour les membres du staff de l’incubateur

Thèmes Questions Relances


 Volonté d’indépendance par rapport à
l’organisation mère ? Volonté d’être
 Pourquoi a-t-il été décidé d’installer La Maison des
stimulé par l’écosystème Station F ?
Startups à Station F et pas dans les bureaux de
Volonté de créer un « cocon » externe à
LVMH ?
LVMH pour les start-ups ?
 Prédominance de la « culture / esprit
start-up » ou de la « culture / esprit grand
 La culture de LVMH est-elle très présente au sein groupe / LVMH » ?
de l’incubateur et influence-t-elle les start-ups ?  Volonté de faire déteindre la culture
Ou au contraire veillez-vous à ce que la culture LVMH sur les start-ups ou au contraire
« grand groupe » soit la moins présente possible volonté de s’inspirer de la culture start-up
au sein de l’incubateur ? pour influencer les maisons du groupe
Enjeu structurel de l’incubateur LVMH ?
 Eventuelle ingérence de LVMH dans la
gestion de l’accélérateur ? Si oui,
 Quel est le degré d’intégration de l’incubateur au comment se manifeste-t-elle ?
sein du groupe LVMH ? Fonctionnez-vous de  Comment ressentez-vous cette
manière indépendante vis-à-vis du groupe ? ingérence ? D’après vous, est-ce un
aspect positif ou négatif ?

 Comment conciliez-vous l’autonomie des start-ups  Eventuel conflit entre ces deux aspects ?
Actions mises en place pour résoudre ce
et celle de votre incubateur et l’alignement avec
conflit ?
les objectifs opérationnels du groupe LVMH ?

71
 Quelles sont les passerelles que vous mettez en  Nature / caractéristiques de ces
place entre les start-ups de l’incubateur et les passerelles ?
maisons du groupe ?
 Par candidature spontanée / mise en
 Comment les start-ups incubées sont-elles
relation / sourcing de la part de LVMH ?
sélectionnées ?
 Orientez-vous l’activité de R&D ou de
prototypage des start-ups ?
 Relation client/fournisseur ou plutôt
 Quelles relations entretenez-vous avec les start- collaborative ?
ups incubées ?  Fréquence des échanges avec les start-
Vie quotidienne dans l’incubateur / ups ? Sur quels sujets ces échanges
Organisation du travail dans portent-ils ?
l’incubateur
 Quel est le degré de liberté que vous accordez aux  Existence d’un règlement intérieur ?
start-ups dans leur travail ?
 Nature et objet de ces contraintes ?
 Leur imposez-vous certaines contraintes ?
 L’incubateur encourage-t-il les échanges,
les temps informels ou les collaborations
 Encouragez-vous les collaborations entre les start-
entre start-ups ?
ups incubées pour qu’elles innovent
conjointement ?  Modalités, apports et limites de ces
échanges ?
 Le processus d’adoption suit-il un schéma
Adoption des solutions des start-ups  Comment se déroule le processus d’adoption des
précis / une succession d’étapes
incubées par le groupe LVMH solutions des start-ups par les différentes maisons
intermédiaires ?
du groupe LVMH ?

72
 Si oui, quels sont les formats de ces
 Organisez-vous des rencontres / rendez-vous à
rencontres ? Sont-elles formelles /
l’incubateur entre les start-ups et des managers
informelles ? Sont-elles individuelles pour
des maisons du groupe (susceptibles d’adopter les
chaque start-up ou groupées ?
solutions des start-ups) ?

 Avez-vous un rôle de facilitateur pour l’adoption


 Si oui, comment cela se manifeste-t-il ?
des solutions des start-ups par les maisons du
groupe ?

 Si oui, y a-t-il des tensions concernant la


 Encouragez-vous les innovations conjointes (start- propriété intellectuelle / industrielle des
up X LVMH) ? innovations créées conjointement ?

 Logique d’amélioration des opérations à


court terme ? Volonté de stimuler vos
 Quelles sont les attentes du groupe LVMH d’une propres capacités d’innovation ? Logique
telle collaboration avec des start-ups au sein de d’externalisation de votre R&D ? Volonté
son propre incubateur ? de rachat des start-ups les plus
prometteuses ?

Attentes de LVMH vis-à-vis des start-  Appréhendez-vous les solutions des start-ups
ups comme des améliorations de l’activité des  Logique de court terme ou de long
maisons à court terme ? Ou considérez-vous ces terme ?
solutions comme des investissements pour
l’avenir ?
 Si oui, quelle est la forme de cette
exigence ? Une simple satisfaction des
 Attendez-vous un ROI à court terme de votre
équipes quant à la solution ou un ROI
collaboration avec les start-ups incubées ?
précis et chiffré ?

73
Guide d’entretien pour l’expert en relations start-ups / grands groupes

Thèmes Questions Relances


 Volonté d’indépendance par rapport à
l’organisation mère ? Volonté d’être
 Selon vous, pourquoi a-t-il été décidé d’installer La
stimulé par l’écosystème Station F ?
Maison des Startups à Station F et pas dans les
Volonté de créer un « cocon » externe à
bureaux de LVMH ?
LVMH pour les start-ups ?
 Prédominance de la « culture / esprit
start-up » ou de la « culture / esprit grand
 Selon vous, la culture de LVMH est-elle très groupe / LVMH » ?
présente au sein de l’incubateur et influence-t-elle  Volonté de faire déteindre la culture
les start-ups ? Ou au contraire y a-t-il une volonté LVMH sur les start-ups ou au contraire
de limiter la présence de la culture « grand volonté de s’inspirer de la culture start-up
Enjeu structurel de l’incubateur groupe » au sein de l’incubateur ? pour influencer les maisons du groupe
LVMH ?
 Eventuelle ingérence de LVMH dans la
 Savez-vous quel est le degré d’intégration de gestion de l’accélérateur ? Si oui,
l’incubateur au sein du groupe LVMH ? comment se manifeste-t-elle ?
Fonctionne-t-il de manière indépendante vis-à-vis  D’après vous, est-ce un aspect positif ou
du groupe ? négatif ?

 Selon vous, comment les équipes de La Maison  Eventuel conflit entre ces deux aspects ?
des Startups arrivent-elles à concilier l’autonomie Actions mises en place pour résoudre ce
des start-ups / de l’incubateur et l’alignement conflit ?
avec les objectifs opérationnels du groupe LVMH ?

74
 Logique d’amélioration des opérations à
court terme ? Volonté de stimuler ses
 Selon vous, quelles sont les attentes du groupe propres capacités d’innovation ? Logique
LVMH d’une telle collaboration avec des start-ups d’externalisation de sa R&D ? Volonté de
au sein de son propre incubateur ? rachat des start-ups les plus
Attentes de LVMH vis-à-vis des start- prometteuses ?
ups
 Est-ce une logique d’amélioration de leur
activité à court terme ou un
 Selon vous, comment LVMH appréhende-t-il investissement de long terme pour aller
l’apport des solutions des start-ups ? au-delà de ce que maîtrise actuellement
LVMH ?

75
7.2) Grille de codage

Thèmes Sous-thèmes

Raisons de la localisation de La Maison des


Startups en dehors des bureaux de LVMH

Degré d’intégration de l’incubateur dans


LVMH

Indépendance des start-ups / de


Enjeu structurel de l’incubateur l’incubateur vs alignement avec les objectifs
opérationnels de LVMH

Passerelles entre les start-ups et les


maisons du groupe LVMH

Culture LVMH vs Culture Start-Up au sein


de l’incubateur

Processus de sélection des start-ups

Vie quotidienne dans l’incubateur / Relations entre les start-ups et le staff de


Organisation du travail dans l’incubateur l’incubateur

Relations entre les start-ups incubées

Relations entre les start-ups et les maisons


du groupe LVMH

Rôle de l’incubateur et de son staff dans les


relations entre les start-ups et les maisons
Adoption des solutions des start-ups du groupe LVMH
incubées par le groupe LVMH

Processus d’adoption des solutions des


start-ups par les maisons du groupe LVMH

Innovations conjointes start-ups X LVMH

76
Logique d’exploitation à court terme vs
Logique d’exploration de long terme
Attentes de LVMH vis-à-vis des start-ups

ROI

77
8) Table des matières
1) Introduction 5

2) Revue littéraire 10

2.1) L’ambidextrie organisationnelle 10

2.1.1) Le dilemme marchien : exploitation et exploration, 10


vers une définition de l’ambidextrie organisationnelle

2.1.2) Exploitation et exploration : deux logiques 14


rattachées à des types d’innovation différents

2.1.3) Les trois formes d’ambidextrie organisationnelle 16

2.2) L’incubateur corporate 20

2.2.1) L’incubateur : une structure d’accompagnement 20


pour les jeunes entreprises innovantes

2.2.2) L’incubateur corporate : un moyen pour les grandes 22


entreprises de collaborer avec des start-ups dans une démarche
d’innovation ouverte

2.3) Synthèse et grille de lecture théorique 23

3) Chapitre méthodologique 25

3.1) Design de recherche : justification de notre approche qualitative 25

3.2) Présentation du terrain de recherche : La Maison des Startups LVMH 26

3.3) Présentation de notre démarche d’échantillonnage intentionnel 28

3.4) Collecte des données qualitatives 30

3.5) Présentation de notre méthode d’analyse des données 31

4) Résultats 32

4.1) La Maison des Startups : une structure à part du groupe LVMH 32

4.2) La Maison des Startups : un lieu dédié à l’innovation collaborative 37

4.3) L’adoption des solutions des start-ups par les maisons du groupe LVMH : 46
une double perspective

78
5) Discussion et conclusion 54

5.1) Synthèse de la recherche 54

5.2) Contributions 56

5.2.1) Contributions théoriques 56

5.2.2) Contributions managériales 59

5.3) Limites et prolongements possibles 59

6) Bibliographie 63

7) Annexes 67

7.1) Guides d’entretien 67

7.2) Grille de codage 76

8) Table des matières 78

79

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