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Stratégies

d’internationalisation
Nouveaux enjeux d’ouverture
des organisations, des activités
et des territoires
management sup

Stratégies
d’internationalisation
Nouveaux enjeux d’ouverture
des organisations, des activités
et des territoires

3e é d i t i o n
entièrement refondue

Jean-Paul Lemaire
© Dunod, Paris, 2013
ISBN 978-2-10-056355-5
Table des matières

Mode d'emploi VII


Remerciements IX
Intro­­duc­­tion 1

Partie 1
Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale pour les
ter­­ri­­toires, les acti­­vi­­tés et les orga­­ni­­sa­­tions
1 L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale 17

Section 1 Por­­tée et limites de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale 25


Section 2 Le renou­­vel­­le­­ment des théo­­ries de l’échange inter­­na­­tional 46
Section 3 Intro­­duc­­tion au modèle PREST 59

2 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires 74

Section 1 Déve­­lop­­pe­­ment des ter­­ri­­toires : pro­­tec­­tion ou pro­­mo­­tion ? 83


Section 2 Positionnement dyna­­mique des ter­­ri­­toires 103
Section 3 La prise en compte du risque : « macro­risques »
et « micro­risques » 118

3 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés 148

Section 1 Por­­tée de la dis­­tinction « glo­­bal/local » dans la défi­­ni­­tion


des acti­­vi­­tés 158
Section 2 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des sec­­teurs : fac­­teurs de muta­­tion
intra-sec­­to­­riels 182

V
Stratégies d’internationalisation

Section 3 Les enjeux de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale pour les acteurs


et les par­­ties pre­­nantes des sec­­teurs 193

4 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions 206

Section 1 Les logiques du développement inter­­na­­tional


des orga­­ni­­sa­­tions 213
Section 2 Les déterminants internes et externes de la dyna­­mique
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions 237
Section 3 Les réponses internes de l’orga­­ni­­sa­­tion aux muta­­tions
de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional 259

Partie 2
L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions
5 Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 275

Section 1 Les étapes de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 281


Section 2 Du « modèle d’affaire » inter­­na­­tional aux pro­­blé­­ma­­tiques
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et à la déter­­mi­­na­­tion de l’espace
de réfé­­rence 299

6 Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence 316

Section 1 L’ana­­lyse des lignes de force dans l’espace géo-sectoriel


considéré 325
Section 2 Le posi­­tion­­ne­­ment concur­­ren­­tiel 341
Section 3 Les voies d’évo­­lu­­tion stra­­té­­gique 352

7 Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 365

Section 1 Le diag­­nos­­tic inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion 371


Section 2 La for­­mu­­la­­tion de la stratégie d’internationalisation 394

8 Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 416

Section 1 La dyna­­mique des modes d’approche 422


Section 2 Évolution des schémas orga­­ni­­sa­­tion­­nels et intégration
de la compo­­sante cultu­­relle 439

Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional 481


Bibliographie et cas de référence 495
Index des concepts et auteurs 513
Index des organisations, des activités et des territoires 519

VI
Mode d’emploi : Une
démarche renou­­ve­­lée
pour un envi­­ron­­ne­­
ment en muta­­tion
accé­­lé­­rée

D epuis les premi­ères édi­­tions de cet ouvrage, l’envi­­ron­­ne­­ment des flux d’échanges
et d’inves­­tis­­se­­ments internationaux s’est trouvé pro­­fon­­dé­­ment bou­­le­­versé, deve­
­nant, à la fois, plus ouvert et complexe, agité de convul­­sions plus fré­­quentes, plus vio­­
lentes et de plus grande ampleur. L’« ouver­­ture inter­­na­­tionale » déso­­riente, désor­­mais,
un nombre crois­­sant d’acteurs publics et privés, individuels et institutionnels qui, aupa­­
ra­­vant, rai­­son­­naient à par­­tir de bases moins incer­­taines. La vision holiste des macro­éco­
­no­­mistes cher­­chant des inter­­pré­­ta­­tions uni­­ver­­selles de la réa­­lité ne suf­­fit plus à l’expli­­quer
et à construire des réponses adap­­tées à cha­­cun. Cette approche venant « du haut » (top
down) serait à combi­­ner à une approche venant « du bas » (bottom up). Même si celle-­ci
est, par nature, par­­cel­­laire, elle met davan­­tage l’accent sur les signaux forts et, surtout,
les signaux faibles ren­­voyés par le ter­­rain, qui ouvrent à de nou­­velles impli­­ca­­tions, géné­
­rales et par­­ti­­cu­­lières, pour l’ana­­lyse et pour la déci­­sion.
C’est cette démarche, combi­­nant ces deux approches, que nous pro­­po­­sons ici, en
deux temps :
• Le temps de l’ana­­lyse de l’envi­­ron­­ne­­ment (1re par­­tie), sou­­ligne les trans­­for­­ma­­tions
rapides de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale (plu­­tôt que la « globalisation »), telle qu’elle
a évo­­lué depuis trois décennies. Nous consi­­dé­­re­­rons leur impact, non seule­­ment
sur les orga­­ni­­sa­­tions (entre­­prises, ONG, collectivités…), mais aussi sur les acti­­vi­
­tés (sec­­teurs ou indus­­tries) affec­­tées, les unes et les autres, de façon très dif­­fé­­rente,
ainsi que sur les ter­­ri­­toires, désor­­mais plus ouverts, sou­­cieux de leur pros­­pé­­rité et
de leur rayon­­ne­­ment.
• Le temps de la déci­­sion, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment pour les orga­­ni­­sa­­tions (2e par­­tie), pro­­
pose la struc­­ture d’un audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui mobi­­lise les concepts et les
outils (macro, meso et micro­éco­­no­­miques) déve­­lop­­pés pré­­cé­­dem­­ment. Cet audit

VII
Stratégies d’internationalisation

offre à chaque entité confron­­tée à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale – qu’elle la subisse et/


ou qu’elle compte en tirer parti, quelle que soit sa taille ou son acti­­vité – un pro­­
ces­­sus séquencé menant de l’ana­­lyse à la déci­­sion, autre­­ment dit, à la for­­mu­­la­­tion
et à la mise en œuvre de sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
En consé­­quence, ce peut être à dif­­fé­­rentes caté­­go­­ries de lec­­teurs et d’uti­­li­­sa­­teurs
que cet ouvrage s’adresse :
• Aux étu­­diants et par­­ti­­cipants à des pro­­grammes de for­­ma­­tion au déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional, ainsi qu’à leurs for­­ma­­teurs, il s’attache à pro­­po­­ser une démarche
péda­­go­­gique qui peut être déclinée en modules de dif­­fé­­rents « for­­mats », selon le
degré d’appro­­fon­­dis­­se­­ment recher­ché (que l’on peut scin­­der entre par­­tie 1 et par­­
tie 2) dans le cadre de dif­­fé­­rents pro­­grammes. Chaque cha­­pitre, qui peut don­­ner
lieu à une ou deux séances, s’appuie sur un cas intro­­duc­­tif qui per­­met de « dérou­
­ler » ensuite, concepts, outils, illus­­tra­­tions, pré­­ci­­sés par de nom­­breux « repères »,
« tableaux » et « exemples », autour de « figures » s’atta­­chant à syn­­thé­­ti­­ser les
situa­­tions clés et les approches pré­­sen­­tées. Il débouche sur un cas d’appli­­ca­­tion,
uti­­li­­sable comme tel ou sous forme déve­­loppée1.
• Aux pro­­fes­­sion­­nels des orga­­ni­­sa­­tions « pro­­fit » et « non pro­­fit » mais aussi des
orga­­ni­­sa­­tions ter­­ri­­toriales confron­­tées à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, il four­­nit des
outils d’ana­­lyse et d’aide à la déci­­sion, qui tiennent compte de la diver­­sité des
struc­­tures et des situa­­tions sus­­cep­­tibles d’être rencontré­es. La démarche d’audit,
long­­temps tes­­tée auprès des par­­ti­­cipants du Stege « Déve­­lop­­pe­­ment Inter­­na­­tional
de l’Entre­­prise » d’ESCP Europe, peut être adap­­tée à cha­­cune d’entre elles et uti­
­li­­sée en inter­­ac­­tion avec ses ins­­tances res­­pec­­tives de déci­­sion.
• Aux obser­­va­­teurs (inquiets et/ou curieux) des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­
­na­­tional et de ses mul­­tiples facettes, il pro­­pose, en par­­tant notam­­ment des « cas »,
des « exemples » ou des « repères », une « mise en situa­­tion », mais aussi une
« mise en perspec­­tive » de cette « ouver­­ture inter­­na­­tionale », aux carac­­té­­ris­­tiques
en per­­ma­­nente évo­­lu­­tion. Il leur per­­met­­tra de choi­­sir, en fonc­­tion de leurs centres
d’inté­­rêt et des inci­­dents cri­­tiques qui auront mobi­­lisé leur atten­­tion, leurs points
d’entrée dans ce jeu complexe d’inter­­ac­­tions dont on s’est atta­­ché ici à démê­­ler
(bien impar­­fai­­te­­ment) l’éche­­veau.

1. La plupart des cas introductifs et des cas d’application sont disponibles, en ver­­sion anglaise et en ver­­sion
fran­­çaise, à la Cen­­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques (CCMP), sous une forme plus ou moins développée
(moins de 10 p. en formule agrégée, de 20 à 30 p. en formule complète) accom­­pa­­gnés d’une fiche péda­­go­­gique
détaillée, d’un jeu de trans­­pa­­rents, de pro­­po­­si­­tions de sujets d’exa­­mens et de quiz d’éva­­lua­­tion.

VIII
Remerciements

A u-­delà du sou­­tien au quo­­ti­­dien de Myriam, Marie et Pauline, cette démarche


doit beau­­coup aux réac­­tions de mes deux re­lec­­teurs atten­­tifs, Eric Milliot et
Gérard Petit (sans que puissent, en aucune manière, leur être repro­­chées les fai­­
blesses de cet ouvrage) qui m’ont accom­­pa­­gné au cours de son pro­­ces­­sus de rédac­
­tion et de fina­­li­­sa­­tion.
Ma réflexion a pro­­fité aussi de ma longue compli­­cité avec Nathalie Prime dans le
cadre des ensei­­gne­­ments et des recherches que nous avons menés ensemble dans
cette ins­­ti­­tution si natu­­rel­­le­­ment inter­­na­­tionale qu’est l’ESCP Europe.
Elle doit aussi beau­­coup, depuis 2008, aux échanges avec mes col­­lègues et amis,
fon­­da­­teurs et admi­­nis­­tra­­teurs d’Atlas-­AFMI, Asso­­cia­­tion Fran­­co­­phone de Mana­­ge­­
ment Inter­­na­­tional1 : Ulrike Mayrhofer, Eric Milliot, Sophie Nivoix, Valentina Car­­
bone, Yvon Pesqueux, Jacques Jaussaud, Nathalie Prime, Philippe Véry et Nadine
Tour­­nois, ainsi que Tugrul Atamer, Bruno Amann, Jean-­François Chanlat, Gérard
Cli­­quet, Patrick Cohendet, Jean-­Pierre Dupuis, Pierre-Xavier Meschi et Jean-­Claude
Usunier. Sans oublier mes « compa­­gnons de route » Pierre-­Louis Dubois, Pierre-­
Bruno Ruffini, Erik Orsenna, Pervez Ghauri, Marc Benoun, Ramesh Mulye, et aussi
Stefan Schmid, Flo­­rence Pinot, Frédérique Even-­Horellou et Anne-­Gaëlle Jolivot.
M’ont aussi beau­­coup apporté mes col­­lègues du Centre Franco-­Vietnamien de
Ges­­tion (Nguyen Van Chan, Bui Lan Huong et Thang Truong Thi Nam), de l’IIM
Ahmedabad (Abraham Koshi et Errol D’Souza), de l’Université de Tsukuba (Rémy
Magnier-­Watanabe), ainsi que ceux de l’ESA Beyrouth, de l’ESAA Alger, de San
Andres de Buenos Aires, du TEC/Egade de Monterrey, de l’ISM Dakar, ainsi que les

1. www.atlas-­afmi.com

IX
Stratégies d’internationalisation

pro­­fes­­sion­­nels, cités au fil de cet ouvrage, avec les­­quels j’ai déve­­loppé des cas dans
leurs pays res­­pec­­tifs.
Tout comme les inter­­ac­­tions avec les cher­cheurs et doc­­to­­rants de notre groupe
« Mana­­ge­­ment Inter­­na­­tional » de l’ESCP Europe ont éga­­le­­ment contri­­bué à sti­­mu­­ler
et pré­­ci­­ser ma démarche : Jean-Louis Paré, Milena Viassone, Flo­­rence Gervais,
Karina Jensen, ainsi que Marc Hostert, Gérard Cazabat, Josiane O’Brian, Benédicte
Geraud et Cécile Montier.
Je ne veux pas oublier, à l’issue de ce pro­­ces­­sus, mes col­­lègues enseignants-­
chercheurs du corps pro­­fes­­so­­ral des cinq cam­­pus d’ESCP Europe, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­
ment du Dépar­­te­­ment Mar­­ke­­ting (Jean-Claude Andréani, Olivier Badot, Jérôme
Bon, Boris Durisin, Michaël Haënlein, Benoît Heilbrunn, Frédéric Jallat, Andreas
Kaplan, Allan Kimmel, Sandrine Macé, Delphine Manceau, Marcelo Nepomuceno,
Alain Olivier, Raphaëlle Pandraud, Elizabeth Tissier-Desbordes, Tom van Laer,
Luca Visconti, Fabrizio Zerbini), comme son équipe admi­­nis­­tra­­tive (An­na Walters
ainsi que Marilyn Pan­­zer et Svetlana Telman). Un grand merci aussi pour l’aide
constante apportée par l’équipe des bibliothécaires d’ESCP Europe, Valérie Aime-
Bourelly, Claire Le Peutrec, Béatrice Marchand, Isabelle Sergent, Ntahlie Trzon,
ainsi qu’Elizabeth Laparra, Thierry Coquery et Chantal Geudar-Delahaye. Avec une
pen­­sée, enfin, pour Chloé Abellan et Odile Marion, mes inter­­lo­­cu­­trices aux édi­­tions
Dunod.

X
Introduction

D ébut 2012, au sein d’un espace éco­­no­­mique lar­­ge­­ment décloi­­sonné entre


éco­­no­­mies matures et éco­­no­­mies émergentes, l’obser­­va­­tion sur quelques
semaines des enti­­tés pri­­vées (entre­­prises, orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales)
comme des enti­­tés publiques (États, col­­lec­­ti­­vi­­tés locales, ins­­ti­­tutions publiques
natio­­nales et inter-­gouvernementales) révèle l’éten­­due et la diver­­sité des muta­­tions,
bru­­tales ou plus pro­­gres­­sives, aux­­quelles ces orga­­nisations sont asso­­ciées et les défis
qu’elles ont à rele­­ver, remet­­tant en ques­­tion, comme le montrent les illus­­tra­­tions ci-­
dessous, un cer­­tain nombre de posi­­tions acquises :

Exemple I.1 – La roue tourne


Une nou­­velle redis­­tri­­bu­­tion durable des risques inter­­na­­tionaux ?
En marge de la dégra­­da­­tion de la note des États-­Unis, à l’automne 2011, et de celle de la
France, en janvier 2012, par l’agence de nota­­tion Stan­­dard & Poors, la carte mon­­diale des
risques inter­­na­­tionaux de la Co­face fait res­­sor­­tir1 que le risque pays s’accroît dans les
éco­­no­­mies matures, tan­­dis qu’il dimi­­nue dans les éco­­no­­mies émergentes2.
Le capi­­ta­­lisme libé­­ral triom­­phant remis en cause par la crise et le capi­­ta­­lisme d’État3?
À quelques jours d’inter­­valle, en marge du Forum éco­­no­­mique mon­­dial de Davos 2012,
The Economist et Time4, s’inter­­rogent simul­­ta­­né­­ment sur l’ave­­nir du capi­­ta­­lisme occi­

1. Telle qu’elle res­­sort de l’ana­­lyse pour 2012 de l’éco­­no­­miste en chef, de la Compa­­gnie Fran­­çaise d’Assu­­rance
pour le Commerce Exté­­rieur, Yves Zlotowski, La Tri­­bune, 17 jan­­vier 2012.
2. Cf. repère 1.3 « Le dilemme grec ».
3. Cf. repère 1.5 « Le libéralisme éco­­no­­mique remis en ques­­tion par ses plus ardents défen­­seurs ».
4. « The visible hand », The Economist, 21-23 jan­­vier 2012 ; « Capitalism under fire », Time, 6 février 2012.

1
Stratégies d’internationalisation

d­ en­­tal, en sou­­li­­gnant les inter­­ro­­ga­­tions qu’il sou­­lève, même chez cer­­tains libé­­raux,
depuis le déclen­­che­­ment de la crise mon­­diale, en 2008.
La Chine, plus rapi­­de­­ment que prévu dans la cour des grands1 ?
Ce n’est pas seule­­ment parce qu’elle a atteint le deuxième rang mon­­dial en termes de
pro­­duit natio­­nal brut, dépas­­sant le Japon, après l’Allemagne, et qu’elle est pro­­mise à
contester très vite la pre­­mière place des États-­Unis, que la mon­­tée en puis­­sance de la
Chine s’affirme ; c’est aussi parce qu’elle montre sa capa­­cité à étendre sa puis­­sance éco­
­no­­mique bien au-­delà de ses fron­­tières en commen­­çant à concré­­ti­­ser son ambi­­tion de
deve­­nir lea­­der tech­­no­­lo­­gique dans cer­­tains sec­­teurs clé2.
Les « cham­­pions inter­­na­­tionaux » des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide (ECR) capa­
bles de prendre très vite pied au cœur des éco­­no­­mies matures3 ?
Les acqui­­si­­tions d’entre­­prises occi­­den­­tales et, notam­­ment, euro­­péennes, par les entre­­
prises issues des ECR ne se démentent pas dans de nom­­breux sec­­teurs. Au-­delà des
opérations très média­­ti­­sées a­yant tou­­ché la sidé­­rur­­gie4 ou l’auto­­mo­­bile5, cer­­taines entre­
­prises clés d’autres acti­­vi­­tés, moins visibles, passent dans le giron de ces nou­­veaux
acteurs des ECR.

Face à ces exemples de bou­­le­­ver­­se­­ment de posi­­tions et de convic­­tions sup­­po­­sées


acquises pour long­­temps, comme la domi­­nance tra­­di­­tion­­nelle du capi­­ta­­lisme libé­­ral
ou celle des éco­­no­­mies occi­­den­­tales, une pro­­por­­tion crois­­sante d’orga­­ni­­sa­­tions se
trouve confron­­tée à une ouver­­ture inter­­na­­tionale deve­­nue pour la plu­­part d’entre
elles incontour­­nable.
Quelle que soit leur ori­­gine (éco­­no­­mie mature ou éco­­no­­mie émergente) ou leur
nature (pri­­vée ou publique, à but lucra­­tif ou non), leur taille et leur niveau d’enga­­
ge­­ment hors fron­­tières, il leur faut acqué­­rir les clés de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale.
Cette ouver­­ture les met au défi jusque dans leur espace éco­­no­­mique d’ori­­gine, tra­­
dui­­sant une accé­­lé­­ra­­tion de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation depuis trois décen­­nies, et tout par­
­ti­­cu­­liè­­re­­ment depuis le début des années 2000, selon une triple évo­­lu­­tion :
• Le décloisonnement des éco­­no­­mies et des mar­­chés : les entraves aux échanges
de biens, de ser­­vices, de capi­­taux de migrants et les obs­­tacles aux tran­­sac­­tions ont,
le plus sou­­vent, dimi­­nué, sans pour autant que de nom­­breuses dis­­pa­­ri­­tés, d’un pays
ou d’un sec­­teur à un autre, ne s’atté­­nuent ou ne s’accen­­tuent.

1. Cf. tableau 1.2 « Économies matures et émergentes : évo­­lu­­tion de leur poids res­­pec­­tif dans l’éco­­no­­mie mon­­
diale ».
2. Cf. cas introductif du chapitre 4 « Huawei la montée en puissance d’un leader technologique mondial ».
3. Cf. repères 4.4 à 4.11, « Les inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation pour les “cham­­pions inter­­na­­tionaux” chi­­nois,
indiens et bré­­si­­liens ».
4. Comme la prise de contrôle hos­­tile du lea­­der euro­­péen franco-­hispano-luxembourgeois Arcelor par l’Indien,
après de longs affron­­te­­ments bour­­sier et même poli­­tiques en 2006.
5. Avec l’exemple, en 2010, du rachat du Sué­­dois Volvo cars après un bref pas­­sage sous contrôle amé­­ri­­cain par
la firme auto­­mo­­bile chi­­noise Geely quasi inconnue en Occi­­dent.

2
Introduction

• La muta­­tion du rôle et l’impli­­ca­­tion crois­­sante des enti­­tés ter­­ri­­toriales (régions,


muni­­ci­­pa­­li­­tés), éta­­tiques ou multi-gou­­ver­­ne­­men­­tales, qui ont plei­­ne­­ment pris
conscience des enjeux que créent de nou­­veaux rap­­ports de force, internes et
externes, les enga­­geant à défendre leur poids éco­­no­­mique rela­­tif, garant de leur
influ­­ence poli­­tique, en main­­te­­nant – sinon en déve­­lop­­pant – le niveau de bien-­être
de leurs popu­­la­­tions et la crois­­sance qui l’assure, en s’appuyant sur la dyna­­mique
des orga­­ni­­sa­­tions locales comme sur l’afflux des inves­­tis­­seurs directs étran­­gers.
• La mon­­tée en puis­­sance consé­­cu­­tive de la concur­­rence entre la plu­­part des
orga­­ni­­sa­­tions qui s’affrontent (y compris celles qui s’étaient trou­­vées jusque-­là
pro­­té­­gées dans leur espace natio­­nal) :
–– s’agis­­sant des entre­­prises, pour la conquête des mar­­chés, pour l’accès aux res­­
sources tan­­gibles (matières pre­­mières, pro­­duits trans­­for­­més, compo­­sants…) ou
intan­­gibles (tech­­no­­logies, compé­­tences, image de marque…) ;
–– s’agis­­sant des États et des col­­lec­­ti­­vi­­tés locales, pour atti­­rer capitaux, emplois et
savoir-faire.
Au-­delà des entre­­prises, qui conti­­nuent à occu­­per une place cen­­trale dans l’ana­­
lyse des pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, les autres orga­­ni­­sa­­tions, publiques et pri­­
vées, doivent être en consé­­quence de plus en plus, prises en compte ; à la fois pour
l’influ­­ence qu’elles peuvent avoir sur le déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des entre­­
prises, mais aussi en tant qu’acteurs enga­­gés direc­­te­­ment dans un pro­­ces­­sus de déve­
­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional1.
Ces trans­­for­­ma­­tions de fond, comme les nom­­breuses crises conjonc­­tu­­relles qui
affectent les éco­­no­­mies et leurs rela­­tions mutuelles2, conduisent de facto à un élar­­gis­­
se­­ment des pro­­blé­­ma­­tiques tra­­di­­tion­­nelles de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Ces pro­­blé­­ma­­tiques
ont long­­temps été cen­­trées sur la conquête des mar­­chés exté­­rieurs, sur l’inter­­na­­tiona­­li­
­sation des orga­­ni­­sa­­tions et de leurs dif­­fé­­rentes fonc­­tions dans un contexte plus stable,
car orches­­tré et maîtrisé par les agents éco­­no­­miques issus de la Triade3.
Désor­­mais de nou­­veaux pays, en dehors des grandes ECR (économies à crois­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

sance rapide), de tailles beau­­coup plus modestes, mais aux res­­sources et/ou à l’influ­
­ence sans commune mesure avec celles-­ci, ont la pos­­si­­bi­­lité de jouer un rôle
appré­­ciable dans leur région comme à une échelle géo­­gra­­phique beau­­coup plus
large, comme le montrent l’exemple du Qatar4 ou celui du Luxembourg5. Comme

1. Ainsi, les orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales ONG qui jouent un rôle crois­­sant auprès de l’opi­­nion et, aussi,
comme re­lai de nom­­breuses orga­­ni­­sa­­tions gou­­ver­­ne­­men­­tales, natio­­nales et inter­­na­­tionales. Cf. repère 1.9 « La mon­­tée
en puis­­sance des orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales inter­­na­­tionales et de la société civile inter­­na­­tionale ».
2. Les crises qui n’ont cessé de se suc­­cé­­der au cours des der­­nières années, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, la crise ban­­caire
et financière pro­­vo­­quée par la spé­­cu­­la­­tion immo­­bi­­lière aux États-­Unis, révé­­la­­trice de la crise de la dette sou­­ve­­raine
met­­tant, cette fois, en cause la cré­­di­­bi­­lité des États occi­­den­­taux (cf. repère 1.6 « De la crise des sub­primes à la crise
de la dette sou­­ve­­raine »).
3. L’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon.
4. Cf. exemple 2.2 « Un nou­­veau venu très actif sur la scène inter­­na­­tionale : le Qatar ».
5. Cf. exemple 2.1 « Le Luxembourg en quête d’un nou­­veau modèle éco­­no­­mique ».

3
Stratégies d’internationalisation

les grands pays, ils tendent à mettre à pro­­fit, avec beau­­coup d’effi­­ca­­cité, les atouts
dont ils dis­­posent.
Le but recher­ché ici est, en par­­tant d’une ana­­lyse des ten­­dances fortes de l’envi­­
ron­­ne­­ment inter­­na­­tional et des dif­­fé­­rents types d’inci­­ta­­tions à l’ouver­­ture inter­­na­­
tionale, de proposer une démarche sys­­té­­ma­­tique à laquelle peuvent se rac­­cro­­cher la
plu­­part des orga­­ni­­sa­­tions, quels que soient leur acti­­vité, leurs carac­­té­­ris­­tiques
propres et leur niveau d’enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­tional.
Même si l’approche rete­­nue s’appuie sur des élé­­ments concep­­tuels et métho­­do­­lo­­
giques issus de divers champs dis­­ci­­pli­­naires de la gestion et des sciences humaines,
cette démarche ne se veut pas uni­­que­­ment théo­­rique : s’ins­­cri­­vant dans une perspec­
­tive déli­­bé­­ré­­ment opé­­ra­­tion­­nelle, elle vise à faci­­li­­ter la prise de déci­­sion dans ces
orga­­ni­­sa­­tions en trois temps :
––l’ana­­lyse des évo­­lu­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment, à carac­­tère conjonc­­tu­­rel aussi bien
que struc­­tu­­rel (mon­­dial, conti­­nen­­tal ou régio­­nal), dans lequel s’ins­­crit leur déve­­
lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ;
––le diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui peut leur être appli­­qué, puis la for­­mu­­la­­tion
de leur stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ;
––la mise en œuvre et le contrôle, tout en per­­met­­tant leur remise en cause et leur
redé­­fi­­ni­­tion pério­­dique.
Bien que les formes nou­­velles de compé­­tition qui résultent de l’ouver­­ture crois­­
sante des éco­­no­­mies n’affectent que pro­­gres­­si­­ve­­ment les posi­­tions acquises par les
orga­­ni­­sa­­tions dans leur espace éco­­no­­mique d’ori­­gine, celles-­ci, quelle que soit leur
taille, se trouvent d’ores et déjà confron­­tées à de nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés comme à de
nou­­velles menaces. Elles peuvent dif­­fi­­ci­­le­­ment envi­­sa­­ger leur déve­­lop­­pe­­ment à
moyen terme, ou, même, éva­­luer leur compé­­titi­­vité, si elles ne s’ins­­crivent pas dans
une logique qui place la dimen­­sion inter­­na­­tionale au cœur même de leur réflexion
stra­­té­­gique.
L’inter­­na­­tiona­­li­­sation appa­­raît comme une don­­née per­­ma­­nente des pré­­oc­­cu­­pa­­
tions stra­­té­­giques des orga­­ni­­sa­­tions. L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la concur­­rence et l’inter­­dé­
­pen­­dance des mar­­chés, dans un nombre crois­­sant de sec­­teurs et d’acti­­vi­­tés en font
une dimen­­sion incontour­­nable pour une pro­­por­­tion de plus en plus large d’entre
elles. Elle les oblige à sor­­tir du cadre régio­­nal ou natio­­nal, ou encore du cercle des
pays de proxi­­mité, dans lequel nombre d’entre elles ont pu long­­temps res­­ter can­­ton­
­nées, pour se pro­­je­­ter dans un espace éco­­no­­mique bien plus ouvert.

L’inter­­na­­tiona­­li­­sation, une dimen­­sion incontour­­nable


Depuis long­­temps, les orga­­ni­­sa­­tions, sur­­tout les plus impor­­tantes, ont mul­­ti­­plié
leurs points d’ancrage hors de leur pays d’ori­­gine : dès le début des années 1970, le
thème de la multi­natio­­na­­li­­sation a été lar­­ge­­ment rebattu dans l’opi­­nion, en même
temps qu’il fai­­sait l’objet de nom­­breuses publi­­ca­­tions.

4
Introduction

Cer­­tains auteurs expli­­quaient le carac­­tère quasi iné­­luc­­table du phé­­no­­mène par la


recherche de « l’avan­­tage compa­­ra­­tif » ou par la néces­­sité de suivre le « cycle de vie
inter­­na­­tional du pro­­duit » ; d’autres l’expli­­quaient – au moins par­­tiel­­le­­ment – par la
recherche de « l’opti­­mi­­sation fis­­cale ». Dans la des­­crip­­tion du fonc­­tion­­ne­­ment de
l’entre­­prise inter­­na­­tionale, on s’inté­­res­­sait beau­­coup aux pro­­blèmes du « contrôle »
et des rela­­tions entre maison-­mère et filiales ; l’accent était mis sur les contraintes
finan­­cières et orga­­ni­­sa­­tion­­nelles. Ce qui n’a pas empê­­ché cer­­taines des plus solides
mul­­ti­­natio­­nales, comme Kodak, de se trou­­ver confron­­tées à des remises en ques­­tions
radi­­cales1.
Nombre d’auteurs se sont inté­­res­­sés aux consé­­quences économiques, sociales et
poli­­tiques de la multi­natio­­na­­li­­sation des firmes. Leurs ouvrages2 n’étaient d’ailleurs
guère des­­ti­­nés aux décideurs, publics ou pri­­vés, mais plu­­tôt à atti­­rer l’atten­­tion d’un
large public sur la mon­­tée en puis­­sance d’un phé­­no­­mène, dont bon nombre sou­­li­­
gnaient les dan­­gers. Ce n’est qu’à la lumière de réflexions plus récentes, au cours
des années 1980-1990, dans le domaine de la stra­­té­­gie, que l’on s’est atta­­ché au phé­
­no­­mène de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, en termes « d’avan­­tage compé­­titif » ou d’« avan­­
tage spé­­ci­­fique » et que l’on a su en tirer un cer­­tain nombre de pres­­crip­­tions,
notam­­ment en matière de loca­­li­­sa­­tion opti­­male des opé­­ra­­tions pour les entre­­prises,
ou de fac­­teurs d’attractivité pour les ter­­ri­­toires.
Par ailleurs, à côté des mul­­ti­­natio­­nales, déjà lar­­ge­­ment déployées géo­­gra­­phi­­que­­
ment et coor­­don­­nées sur la base de pro­­cé­­dures dûment muries, d’une expé­­rience et
d’une pra­­tique de l’inter­­na­­tional bien éta­­blies, l’ana­­lyse du développement inter­­na­­
tional des PME s’appuyait essen­­tiel­­le­­ment sur une vision ex­port (commerce inter­­
na­­tional ou mar­­ke­­ting inter­­na­­tional). Elle se concen­­trait sur un cer­­tain nombre
d’outils et de fonc­­tions propres à faci­­li­­ter les ventes hors fron­­tières. Ces enti­­tés de
tailles plus modestes n’étaient pas, le plus sou­­vent, aidées à envi­­sa­­ger une démarche
struc­­tu­­rée, leur per­­met­­tant de faire des choix rai­­son­­nés, afin de déter­­mi­­ner au mieux
leurs pays cibles, leurs modes de pré­­sence et d’orga­­ni­­sa­­tion à l’inter­­na­­tional ; et,
encore moins, à les faire évo­­luer au fil du temps, en réponse aux suc­­cès et aux échecs
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ren­­contrés.
Dans le cas des entreprises mul­­ti­­natio­­nales (EMN) comme dans celui des PME, le
carac­­tère limité de ces approches res­­pec­­tives se jus­­ti­­fiait encore lar­­ge­­ment, en dépit de
la pro­­gres­­sion déjà remar­­quable des flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments, par l’ouver­
­ture encore réduite des éco­­no­­mies natio­­nales, par le carac­­tère encore domi­­nant des
rela­­tions éco­­no­­miques bila­­té­­rales entre les pays et, donc, par le volume et l’éven­­tail
plus res­treints des opé­­ra­­tions. Qui plus est, un grand nombre de pays – en par­­ti­­cu­­lier,
parmi ceux qui connaissent actuel­­le­­ment la pro­­gres­­sion la plus remarquable – était
encore fermé et/ou encore figé à un stade de déve­­lop­­pe­­ment très élé­­men­­taire.

1. Cf. l’exemple 4.1 sur la lente déconfi­­ture de Kodak, au bord de la faillite en jan­­vier 2012, « Kodak au bord de
l’ago­­nie », ou, à un moindre degré, celle de Nokia, faute d’avoir su prendre à temps le tour­­nant du smatphone.
2. A. Sampson, ITT, l’État sou­­ve­­rain, Alain Moreau, 1973.

5
Stratégies d’internationalisation

Les évo­­lu­­tions des trente der­­nières années ont sen­­si­­ble­­ment bou­­le­­versé la donne
avec l’abais­­se­­ment des bar­­rières de tous ordres iso­­lant ces éco­­no­­mies, pour beau­­
coup, pro­­gres­­si­­ve­­ment gagnées au libé­­ralisme ; mais, aussi, du fait de l’expan­­sion
très rapide des tech­­no­­logies de commu­­ni­­ca­­tion et de trai­­te­­ment de l’infor­­ma­­tion, du
trans­­port et de la cir­­cu­­la­­tion des capi­­taux qui ont for­­te­­ment contri­­bué aussi à accen­
­tuer ce désen­­cla­­ve­­ment.

La recherche de réponses concrètes


Il s’agira donc, en se pla­­çant du point de vue de l’entre­­prise et des autres orga­­ni­­
sa­­tions – et jus­­qu’aux ter­­ri­­toires –, concer­­nées par l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, de se
poser quelques ques­­tions simples, aux­­quelles on tentera de répondre sur un mode
ordonné, en y appli­­quant dif­­fé­­rents outils théo­­riques et métho­­do­­lo­­giques.
À l’heure actuelle, l’impli­­ca­­tion « hors fron­­tières » de la grande majo­­rité des orga­
n­ i­­sa­­tions, situées au-­delà d’un stade de déve­­lop­­pe­­ment pure­­ment régio­­nal ou natio­­
nal de leurs acti­­vi­­tés, ne se mani­­feste plus seule­­ment à tra­­vers l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
des ventes, en cher­­chant à « tirer » les volumes vers le haut et à trou­­ver des relais de
crois­­sance exté­­rieurs. Elle dépasse éga­­le­­ment le souci d’amé­­lio­­rer la compé­­titi­­vité
prix par l’abais­­se­­ment des coûts des appro­­vi­­sion­­ne­­ments. Au-­delà de la diver­­si­­fi­­ca­­
tion de leurs mar­­chés, très nom­­breuses sont celles qui cherchent aussi constam­­ment
à opti­­mi­­ser les étapes de leur pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion et d’approvisionnement
(supply chain), en délocalisant leurs struc­­tures de pro­­duc­­tion, en fai­­sant appel plus
sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment à des sous-­traitants étran­­gers, ou, au contraire, en rapa­­triant leurs
acti­­vi­­tés dans leur espace éco­­no­­mique d’ori­­gine, au gré de l’évo­­lu­­tion des mar­­chés
et des coûts de pro­­duc­­tion, comme de celui des compo­­sants1.
Cette impli­­ca­­tion hors fron­­tières et cette recherche d’une plus grande flexi­­bi­­lité
s’expriment donc désor­­mais au niveau de la struc­­ture des organisations, puisque
l’enjeu est devenu plus clai­­re­­ment le ren­­fon­­ce­­ment de leur posi­­tion glo­­bale dans la
compé­­tition, par la recherche d’une répar­­tition géo­­gra­­phique sans cesse amé­­lio­­rée
de leurs loca­­li­­sa­­tions et d’un déploie­­ment opti­­mal de cha­­cun des stades de leur pro­
­ces­­sus de pro­­duc­­tion et de leurs prin­­ci­­pales fonc­­tions (achats/logis­­tique, recherche/
déve­­lop­­pe­­ment, pro­­duc­­tion/sous traitance, mar­­ke­­ting/vente, finance/contrôle, etc.).
Cette quête d’une compé­­titi­­vité accrue par une meilleure confi­­gu­­ra­­tion et une
loca­­li­­sa­­tion opti­­mi­­sée et évo­­lu­­tive de ses acti­­vi­­tés implique pour cha­­cune d’elles :
––de par­­tir d’une éva­­lua­­tion pré­­cise de la nature de celle-­ci, de la soli­­dité de sa posi­
­tion stra­­té­­gique, ainsi que du niveau de ses res­­sources ;

1. Cf. exemple 1.2, « Région toulousaine : par­­tir, reve­­nir ? ». Voir aussi sur les délocalisations et re­loca­­li­­sa­­tions,
C. Mercier Suissa et al., Entre délocalisations et re­loca­­li­­sa­­tions Mobi­­lité des entre­­prises et attractivité des ter­­ri­­
toires, HEM-­Karthala-IAE de Lyon, 2011.

6
Introduction

––de reconsi­­dérer sa struc­­ture d’ensemble, pre­­nant en compte l’éven­­tail des


contraintes de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation de ses opé­­ra­­tions, comme des trans­­for­­ma­­tions
per­­ma­­nentes de son envi­­ron­­ne­­ment.

c Repère I.1
Les ques­­tions que se posent le plus sou­­vent les orga­­ni­­sa­­tions
dans le contexte de leur ouver­­ture inter­­na­­tionale1
••Quelles sont les rai­­sons qui nous poussent, dans le contexte de nos acti­­vi­­tés ou de nos
mis­­sions :
––à ini­­tier, accen­­tuer ou inflé­­chir ;
––à repous­­ser, ralen­­tir ou res­treindre notre déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ?
••Dans quelle mesure pouvons-­nous l’assu­­mer :
––de quels moyens disposons-­nous ?
––quelles sont nos forces et fai­­blesses face aux enjeux de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ?
••Quelle place devrons-nous accor­­der, res­­pec­­ti­­ve­­ment :
––aux oppor­­tu­­ni­­tés externes ;
––à nos caractéristiques propres, dans la défi­­ni­­tion de notre stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional ?
••Quelles seront :
––les prin­­ci­­pales options stra­­té­­giques rete­­nues (enti­­tés/loca­­li­­sa­­tions cibles, choix de nos
modes d’entrée/de nos modes d’accueil, etc.) ?
––les étapes suc­­ces­­sives de leur mise en œuvre, au-­delà de leur iden­­ti­­fi­­cation et de leur
sélec­­tion ?
•• Quelles contraintes fonc­­tion­­nelles (finan­­cières, juri­­diques, fis­­cales, logis­­tiques, etc.)
devront être alors prises en compte, de quelle manière et dans quel cadre ?
••Comment, ensuite, conviendra-­t-il :
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––de les tra­­duire en actions suc­­ces­­sives à enga­­ger et en objec­­tifs à atteindre ?


––d’en répar­­tir la res­­pon­­sa­­bi­­lité au sein et en dehors de l’orga­­ni­­sa­­tion ?
––d’en arrê­­ter le calen­­drier de réa­­li­­sa­­tion ?
••Comment s’assu­­rer, dans la pra­­tique, que ces déci­­sions et leur mise en œuvre seront cor­
­rec­­te­­ment effec­­tuées et abou­­ti­­ront aux meilleurs résul­­tats ?

Une telle démarche s’ins­­crit, bien sûr, dans la durée. Elle commande tout autant à
l’orga­­ni­­sa­­tion de faire preuve de réac­­ti­­vité face aux chocs conjonc­­tu­­rels, comme de

1. Ce qui sup­­pose d’adap­­ter constam­­ment leur modèle éco­­no­­mique et leur por­­te­­feuille d’implan­­ta­­tions dans un
envi­­ron­­ne­­ment ouvert et tur­­bulent (cf. exemple 4.16 « Dentressangle : de la recherche de la masse cri­­tique à celle
des spé­­cia­­li­­tés por­­teuses à l’inter­­na­­tional »).

7
Stratégies d’internationalisation

tirer parti d’effets d’aubaine1. Ses diri­­geants devront aussi anti­­ci­­per, en se mon­­trant
proactifs, les phases du déve­­lop­­pe­­ment futur, face aux enjeux qui se des­­sinent, en
fixant de nou­­veaux objec­­tifs qui pren­­dront le relais de ceux pré­­cé­­dem­­ment atteints
(ou remis en cause, en cas d’échec)2.

Au-­delà des approches tra­­di­­tion­­nelles : de l’horizontalisation


à la verticalisation
Il res­­sort de ce qui pré­­cède que l’inter­­na­­tiona­­li­­sation n’est plus essen­­tiel­­le­­ment
une ques­­tion de conquête de nou­­veaux mar­­chés ou de nou­­velles parts de mar­­chés
(horizontalisation)3, les orga­­ni­­sa­­tions « dupli­­quant » des acti­­vi­­tés iden­­tiques dans les
dif­­fé­­rents espaces éco­­no­­miques où elles s’implantent, en pri­­vi­­lé­­giant la fonc­­tion
mar­­ke­­ting, même si d’autres fonc­­tions y sont asso­­ciées pour mieux satis­­faire les
besoins de la clien­­tèle locale.
Elles visent de plus en plus à répar­­tir entre dif­­fé­­rents espaces éco­­no­­miques leur
chaîne de pro­­duc­­tion et d’approvisionnement (verticalisation)4 pour tirer le meilleur
parti des fac­­teurs qu’ils offrent res­­pec­­ti­­ve­­ment, en combi­­nant ses étapes suc­­ces­­sives
de la manière la plus effi­­cace et la moins coû­­teuse pour ser­­vir leur clien­­tèle de
manière opti­­male, où qu’elles sou­­haitent la satis­­faire.
De même, et à la dif­­fé­­rence de ce que pro­­po­­saient il n’y a pas si long­­temps les
manuels de stra­­té­­gie, en consi­­dé­­rant l’inter­­na­­tiona­­li­­sation comme une option de
déve­­lop­­pe­­ment parmi d’autres, et en l’oppo­­sant à telle ou telle autre forme de diver­
­si­­fi­­ca­­tion, elle tend à deve­­nir l’axe cen­­tral de son déve­­lop­­pe­­ment, au fil de l’ouver­­
ture inter­­na­­tionale et de l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la compé­­tition, sur­­tout lorsque celle-­ci
la touche de plein fouet5.
C’est dans un nou­­vel envi­­ron­­ne­­ment hau­­te­­ment instable où les tech­­no­­logies se dif­­fusent
à un rythme accé­­léré, la logis­­tique et la commu­­ni­­ca­­tion s’amé­­liorent sans cesse, que se
déve­­loppe un cli­­mat de concur­­rence plus intense stimulée par une transparence accrue
alors que nombre d’entre­­prises sont tenues de maxi­­mi­­ser leur retour sur inves­­tis­­se­­ment
pour l’action­­naire. Cette nou­­velle dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation6 se mani­­feste :
––par la recherche d’une opti­­mi­­sation des filières de pro­­duc­­tion et de dis­­tri­­bu­­tion,
les condui­­sant à faire plus lar­­ge­­ment appel à des four­­nis­­seurs de pays à bas

1. « Lors­­qu’un acteur éco­­no­­mique s’efforce d’inci­­ter les autres acteurs à agir de telle manière, il les appâte en
géné­­ral en leur offrant un avan­­tage s’ils se comportent de la façon sou­­hai­­tée : par exemple baisse de prix, prime,
cadeau, etc. Il y a effet d’aubaine si l’acteur qui béné­­fi­­cie de cet avan­­tage avait eu, de toute façon, l’inten­­tion d’agir
ainsi même si l’avan­­tage n’avait pas été accordé », www.alternatives-­économiques.fr, 22 jan­­vier 2010.
2. Cf. exemple 2.14 « Duralex, le retour d’une PME « his­­to­­rique » à la conquête de mar­­chés exté­­rieurs.
3. Voir Markusen, 1984, Glass, 2008.
4. Voir Helpman, 1984, cf. figure 4.9. La crois­­sance « écla­­tée » (l’exemple de GHCL) (1) et exemple 4.15
GHCL, la struc­­ture « écla­­tée ».
5. Cf. exemple 3.9 « L’Europe peut elle pas­­ser à côté de la révo­­lu­­tion de l’éclai­­rage ? ».
6. Cf. figure 1.1 « Impact des grandes muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional sur les orga­­ni­­sa­­tions ».

8
Introduction

niveaux de salaires et/ou à haut niveau de savoir-­faire, en délocalisant tout ou par­


­tie de leur pro­­duc­­tion dans le but de béné­­fi­­cier de ces avan­­tages compé­­titifs
incontour­­nables (prix et inno­­va­­tion), ou, encore, de se rap­­pro­­cher des grandes
zones de consom­­ma­­tion exis­­tantes ou en crois­­sance rapide ;
––par le souci de minimi­­ser le risque de change ou la pres­­sion fis­­cale, à tra­­vers une
orga­­ni­­sa­­tion plus flexible, combi­­nant de la façon la plus effi­­cace la domi­­ci­­lia­­tion
du siège, la répar­­tition des implan­­ta­­tions, le sta­­tut juri­­dique choisi pour cha­­cune,
comme les modes de fac­­tu­­ra­­tion inter filiales et les cir­­cuits de paie­­ment internes
mis en place ; sou­­vent au grand dam des gou­­ver­­ne­­ments des pays d’ori­­gine ou
d’accueil ;
––par la volonté de mieux répar­­tir son por­­te­­feuille d’actifs1 et de se consti­­tuer une
image de soli­­dité, propre à don­­ner confiance, non seule­­ment aux clients et aux
fournisseurs, mais aussi aux action­­naires et aux bailleurs de fonds – inves­­tis­­seurs,
ins­­ti­­tutions finan­­cières et par­­te­­naires poten­­tiels –, tant sur le plan local, dans chaque
zone d’implan­­ta­­tion, qu’au niveau des mar­­chés inter­­na­­tionaux de capi­­taux.
Dès lors, l’obser­­va­­tion des orga­­ni­­sa­­tions, au cours des der­­nières années, sou­­ligne
que les approches tra­­di­­tion­­nelles du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, sans rien perdre
de leur bien fondé, doivent être complé­­tées, car elles ne reflètent qu’une part des
voies du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional et des contraintes qui s’y appliquent.
Par ailleurs, l’ouver­­ture hors fron­­tières deve­­nant une compo­­sante essen­­tielle,
voire incontour­­nable, de la stra­­té­­gie d’ensemble de l’entre­­prise, elle se doit d’être
prise en compte, dès l’ori­­gine de la démarche visant à défi­­nir celle-ci.
Comment éta­­blir un diag­­nos­­tic de compé­­titi­­vité en négli­­geant, à court terme, la
concur­­rence issue de l’exté­­rieur dans son propre espace éco­­no­­mique ou, à plus
long terme, la mon­­tée en puis­­sance d’orga­­ni­­sa­­tions issues d’espaces éco­­no­­miques
plus loin­­tains ? Comment ima­­gi­­ner a fortiori une stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment inter­
­na­­tional qui ne s’ins­­cri­­rait pas de manière très stricte dans la stra­­té­­gie d’ensemble
de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée ?
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Le déve­­lop­­pe­­ment des orga­­ni­­sa­­tions devrait dès lors s’entendre de plus en plus,


comme on s’atta­­chera à le faire ici, dans un envi­­ron­­ne­­ment en cours d’ouver­­ture
rapide, de manière plus trans­­ver­­sale, en pre­­nant en compte les dif­­fé­­rentes fonc­­tions
de l’entre­­prise, dans le cadre d’une démarche d’ensemble, à par­­tir de laquelle
puisse s’ordon­­ner un pro­­ces­­sus de déci­­sion et de mise en œuvre asso­­ciant la plu­­part
d’entre elles.

1. Cf. exemple 3.7 « Grande consom­­ma­­tion : mon­­dia­­li­­sa­­tion à marche for­­cée des géants de la bière et de la
mode. »

9
Stratégies d’internationalisation

Une démarche sys­­té­­ma­­tique


Dans cette perspec­­tive, l’approche pro­­po­­sée s’appuie sur une ana­­lyse struc­­tu­­rée
per­­met­­tant d’explo­­rer, pour chaque orga­­ni­­sa­­tion concer­­née, l’éven­­tail des pos­­si­­bi­­li­
­tés et solu­­tions pra­­ti­­cables, dans les meilleures condi­­tions, pour effec­­tuer les choix
suc­­ces­­sifs néces­­saires à la défi­­ni­­tion ou à la révi­­sion de sa stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­
ment inter­­na­­tional1 (SDI).
Dans une pre­­mière par­­tie, on s’atta­­chera à mesu­­rer l’impact, pour l’orga­­ni­­sa­­tion,
de quelque nature qu’elle soit, des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional :
––en met­­tant en évi­­dence l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, en s’inter­
­ro­­geant sur la por­­tée et les limites de cette évo­­lu­­tion pour les orga­­ni­­sa­­tions (cha­
­pitre 1) ;
––en iden­­ti­­fiant les déter­­mi­­nants de l’attractivité des ter­­ri­­toires, ainsi que les fac­­
teurs qui leur per­­mettent de s’insé­­rer le mieux pos­­sible dans les flux d’échanges
et d’inves­­tis­­se­­ments (cha­­pitre 2) ;
––en distinguant les sec­­teurs, les acti­­vi­­tés et les indus­­tries, et en fai­­sant res­­sor­­tir la
diver­­sité de leur expo­­si­­tion à cette ouver­­ture, comme à son évo­­lu­­tion, tout en cher­
­chant à en iden­­ti­­fier les spé­­ci­­fici­­tés (cha­­pitre 3) ;
––en s’atta­­chant, pour les orga­­ni­­sa­­tions elles-mêmes, aux déter­­mi­­nants de leur
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional et aux condi­­tions sus­­cep­­tibles de faci­­li­­ter le suc­­cès
de leur démarche (cha­­pitre 4).
La deuxième par­­tie, consa­­crée au diag­­nos­­tic, à la for­­mu­­la­­tion et à la mise en
œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions, s’atta­­chera alors à
opérationnaliser dans un cadre dyna­­mique et pro­­gres­­sif les élé­­ments et les outils
d’ana­­lyse de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale mis en évi­­dence dans la pre­­mière par­­tie :
––en pré­­ci­­sant le cadre de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation par­­tant de l’ana­­lyse jus­­qu’à
la prise de déci­­sion, appli­­cable à la plus grande variété pos­­sible d’orga­­ni­­sa­­tions,
en défi­­nis­­sant ses étapes suc­­ces­­sives (cha­­pitre 5) ;
––en déve­­lop­­pant pour chaque orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée, une ana­­lyse de la dyna­­
mique sec­­to­­rielle dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion qu’elle a retenu,
pour mettre en évi­­dence les fac­­teurs clés de suc­­cès qu’il lui fau­­dra maî­­tri­­ser
(cha­­pitre 6) ;
––en formulant (ou en reformulant) sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, en par­­tant du
diag­­nos­­tic pour abou­­tir à la défi­­ni­­tion de ses priori­­tés stra­­té­­giques (cha­­pitre 7) ;
––en envi­­sa­­geant les moda­­li­­tés de la mise en œuvre de cette stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­
­li­­sation, au niveau des prin­­ci­­pales fonc­­tions concer­­nées au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion
(fonc­­tions de base, fonc­­tions sup­­ports, fonc­­tions de struc­­ture) ainsi que son schéma
orga­­ni­­sa­­tion­­nel et les rela­­tions inter­cultu­­relles qui s’y déve­­loppent (cha­­pitre 8).

1. Ini­­tiées, notam­­ment, dans le cou­­rant des années 1980, par Robinson et Root (voir biblio­­gra­­phie).

10
Introduction

Se réfé­­rant à une grande diver­­sité de situa­­tions tout en s’appuyant sur divers


concepts théo­­riques, la démarche pro­­po­­sée s’attache donc à four­­nir, un pro­­ces­­sus
d’ana­­lyse propre à favo­­ri­­ser la déci­­sion des diri­­geants de dif­­fé­­rentes orga­­ni­­sa­­tions,
publiques et pri­­vées, grandes ou petites, déjà très inter­­na­­tiona­­li­­sées ou à l’amorce de
leur déve­­lop­­pe­­ment hors fron­­tières.
Elle pourra suivre trois étapes, selon les hori­­zons que l’orga­­ni­­sa­­tion s’est fixé
(proches ou loin­­tains) et les acti­­vi­­tés dans les­­quelles elle opère :
––en par­­tant de l’ana­­lyse des muta­­tions « macro­éco­­no­­miques », à carac­­tère conjonc­
­tu­­rel ou struc­­tu­­rel, qui affectent l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional politico-­
règlementaire, économique et social comme tech­­no­­lo­­gique ;
––en mesu­­rant, ensuite, l’impact de ces muta­­tions, au niveau « mésoéconomique »
de son acti­­vité dans l’« espace de réfé­­rence » qu’elle vise dans sa dyna­­mique
d’expan­­sion, en tenant compte de l’inten­­sité concur­­ren­­tielle et de la crois­­sance
poten­­tielle qu’elle doit y envi­­sa­­ger ;
––pour for­­mu­­ler (ou re-­formuler) à un niveau « microéco­­no­­mique », ses prin­­ci­­pales
priori­­tés et arti­­cu­­ler les réponses clés aux ques­­tions aux­­quelles elle doit répondre
pour défi­­nir (ou re-­définir) ses choix stratégiques : Quoi ? Où ? Quand ? Comment ?

Passer de l’analyse de l’environnement


à la prise de décision stratégique

1. MACROÉCONOMIQUE
ANALYSE DE L’ ENVIRONNEMENT POLITICO
Accélération RÉGLEMENTAIRE,
Instabilité ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, TECHNOLOGIQUE
Intégration pressions externes observées à court, moyen et long terme
Croissantes de l’environnement impactant l’espace géographique pertinent
Global ËRégional pour l’organisation concernée

2. MESOÉCONOMIQUE
Évolution DYNAMIQUE SECTORIELLE
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permanente des DANS L’ESPACE DE RÉFÉRENCE VISE


secteurs et des identification des défis consécutifs pour
espaces économiques l’industrie/le secteur/l’activité
considéré dans cet espace
considérés
3. MICROÉCONOMIQUE
Ajustement continu CHOIX DE LA STRATÉGIE
des objectifs, D’INTERNATIONALISATION
des activités pour l’entreprise retenue
et des structures en fonction de ses atouts
et des stratégies
des organisations
envisageables
impliquées

J.-P. Lemaire

Figure I.1 – L’approche pro­­gres­­sive de la for­­mu­­la­­tion


de la stratégie d’internationalisation

11
Stratégies d’internationalisation

Mais, même s’il offre un cadre de réfé­­rence sus­­cep­­tible de s’appli­­quer à de très


nom­­breuses orga­­ni­­sa­­tions, ce pro­­ces­­sus est des­­tiné à s’adap­­ter aux dif­­fé­­rents
contextes d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, ainsi qu’à la variété des acti­­vi­­tés et des struc­­tures
qui s’y déploient. De plus, il doit être revu en per­­ma­­nence pour tenir compte des
évo­­lu­­tions et per­­mettre les ajus­­te­­ments néces­­saires.
Le but recher­ché est donc de pro­­po­­ser au lec­­teur, au-­delà de l’approche de la
complexité d’un envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional en constante trans­­for­­ma­­tion, une
démarche pas à pas lui per­­met­­tant :
––quelle que soit l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née, sa nature, sa taille, ses atouts comme ses
han­­di­­caps ;
––dans un contexte d’ouver­­ture et de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional donné, le plus
sou­­vent sou­­mis à des muta­­tions rapides ;
––d’abou­­tir au diag­­nos­­tic, à la for­­mu­­la­­tion et à la mise en œuvre de la stra­­té­­gie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, la mieux adap­­tée à ce contexte comme à son orga­­ni­­sa­­
tion.

12
Partie
1
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale Chapitre 1
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires Chapitre 2
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés Chapitre 3
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions Chapitre 4
Évolutions et défis
de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale pour
les ter­­ri­­toires, les acti­­vi­­tés
et les orga­­ni­­sa­­tions

C ette pre­­mière par­­tie se pro­­pose de répondre à trois ques­­tions essen­­tielles :


• En quoi une ouver­­ture inter­­na­­tionale accrue a-t-elle aug­­menté l’insta­­bi­­lité et en
quoi affecte-t-elle, posi­­ti­­ve­­ment et néga­­ti­­ve­­ment, le déve­­lop­­pe­­ment des orga­­ni­­sa­­
tions (entre­­prises, ONG, ins­­ti­­tutions publiques…) ?
• À quels défis, risques, menaces, et à quelles oppor­­tu­­ni­­tés consé­­cu­­tives, sont sus­­
cep­­tibles d’être confron­­tées ces orga­­ni­­sa­­tions dans ce nou­­veau contexte, au niveau
où elles opèrent ou pro­­jettent d’opé­­rer ?
• Dans quelle mesure leurs ter­­ri­­toires et leurs sec­­teurs de pré­­di­­lec­­tion, peuvent s’en
trou­­ver plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment affec­­tés et avec quelles impli­­ca­­tions ?
L’obser­­va­­tion, dans le cadre de cette pre­­mière par­­tie, des muta­­tions de l’envi­­ron­­
ne­­ment inter­­na­­tional, au cours des trois der­­nières décen­­nies, s’appuiera sur un
modèle – le modèle PREST1 – qui sui­­vra la logique, « macro », « meso », « micro »
pré­­sen­­tée dans l’intro­­duc­­tion, allant de l’ana­­lyse de l’envi­­ron­­ne­­ment à la prise de
déci­­sion au sein des orga­­ni­­sa­­tions dési­­reuses de tirer parti de cette dyna­­mique
d’ouver­­ture inter­­na­­tionale :

1. Ce modèle a été déve­­loppé à par­­tir de 1992-1993 dans le cadre des ensei­­gne­­ments dis­­pen­­sés par l’auteur à
l’EAP, puis mobi­­lisé plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment pour le sec­­teur ban­­caire européen dans l’ouvrage Vers l’Europe Ban­­caire
(J.-P. Lemaire et P.-B. Ruffini, Dunod, 1993, p. 77, avant d’être appliqué à tous les secteurs dès la pre­­mière édi­­tion
du présent ouvrage, en 1997) et, désormais, à tous les espaces géo-sectoriels.
––Le cha­­pitre 1 éva­­luera, au niveau macro­éco­­no­­mique, « l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de
l’ouver­­ture inter­­na­­tionale », autre­­ment dit, les trans­­for­­ma­­tions pro­­fondes de
l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional ayant conduit à une ouver­­ture inter­­na­­tionale accrue,
au cours des trente der­­nières années, remet­­tant, du même coup en ques­­tion, les
grilles de lec­­ture commu­­né­­ment admises, en pro­­po­­sant une pre­­mière carac­­té­­ri­­sa­­
tion des « pres­­sions externes », politico-régle­­men­­taires, socioéconomiques et tech­
­no­­lo­­giques, tra­­dui­­sant ces muta­­tions.
––Le cha­­pitre 2, à l’arti­­cu­­lation du macroéco­­no­­mique et du mesoéco­­no­­mique,
appré­­ciera « la dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires » en met­­tant en évi­­
dence l’impact de ces pres­­sions externes (PREST, niveau 1), qui favo­­risent ou
contra­­rient l’inser­­tion des ter­­ri­­toires, désor­­mais acteurs à part entière de l’ouver­­
ture inter­­na­­tionale, dans les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments, en mesurant
l’attractivité qu’ils peuvent pré­­sen­­ter pour les autres acteurs.
–– Le cha­­pitre 3 éten­­dra, la démarche au niveau mesoéconomique, à « la dyna­­mique
inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés », en sou­­li­­gnant l’hété­­ro­­gé­­néité qui carac­­té­­rise ces acti­
­vi­­tés comme celle des acteurs qui y opèrent face aux défis – d’adap­­ta­­tion, de
re­déploie­­ment, de concur­­rence – (PREST, niveau 2), résul­­tant des muta­­tions de
l’envi­­ron­­ne­­ment international.
––Le cha­­pitre 4, enfin, s’atta­­chera à « la dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­
­tions » en fai­­sant res­­sor­­tir les fac­­teurs qui sou­­tiennent et sti­­mulent leur dyna­­mique
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation res­­pec­­tive ainsi que les leviers – inno­­va­­tion, profitabilité,
struc­­tu­­ra­­tion – (PREST, niveau 3), sur les­­quels elles peuvent agir pour déployer
avec suc­­cès leurs acti­­vi­­tés hors fron­­tières.
Chapitre
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion
1 de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale

E n quoi l’ouver­­ture inter­­na­­tionale s’est-­elle inten­­si­­fiée ? Dans quelle mesure


peut-­on par­­ler d’ouver­­ture et de décloisonnement de l’éco­­no­­mie mon­­diale ?
Quelles en sont les causes ? Pour­­quoi le mou­­ve­­ment tend-­il à s’accé­­lé­­rer depuis
une ving­­taine d’années ? En quoi cela modifie-­t-il la donne entre les zones géo­­gra­
­phiques et les acteurs ? En quoi l’insta­­bi­­lité et les crises deviennent-­elles des phé­­
no­­mènes per­­ma­­nents et omni­­pré­­sents à prendre en compte pour les orga­­ni­­sa­­tions,
où qu’elles se trouvent ? Quelles en sont les mani­­fes­­ta­­tions et les limites ?
L’ana­­lyse des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional consiste suc­­ces­­si­­ve­­
ment à :
––rap­­pe­­ler la por­­tée du phé­­no­­mène d’ouver­­ture inter­­na­­tionale et de décloisonnement
des éco­­no­­mies (plu­­tôt que de par­­ler de « globalisation » ou de « mon­­dia­­li­­sa­­tion »),
à tra­­vers ses causes et ses prin­­ci­­pales mani­­fes­­ta­­tions, sur un plan éco­­no­­mique et
géo­stra­­té­­gique (sec­­tion 1) ;
––sou­­li­­gner les limites des approches théo­­riques de l’échange inter­­na­­tional comme
de la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale qui ont long­­temps fourni le cadre expli­­ca­­tif
commu­­né­­ment admis de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation (sec­­tion 2) ;
––intro­­duire les trois grands types de pres­­sions – politico-­réglementaires, éco­­no­­
miques et sociales, tech­­no­­lo­­giques –, qui se sont inten­­si­­fiées et conju­­guées au
cours de la période récente, (sec­­tion 3) et dont il fau­­dra mesu­­rer ulté­­rieu­­re­­ment
l’impact sur les « espaces de réfé­­rence géo­­gra­­phiques et sec­­to­­riels » dans les­­quels
évo­­luent, hors de leurs fron­­tières d’ori­­gine, les orga­­ni­­sa­­tions.
Partie 1 ■ Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Ainsi, à la faveur du décloisonnement politico-régle­­men­­taire entre zones géo­­gra­­


phiques et de la pro­­gres­­sion du libé­­ralisme éco­­no­­mique, les struc­­tures socio-­
économiques natio­­nales, régio­­nales, conti­­nen­­tales, etc., se sont pro­­fon­­dé­­ment
trans­­for­­mées. Elles favo­­ri­­sent, à la fois, un dépla­­ce­­ment et un rap­­pro­­che­­ment pro­­
gres­­sifs de l’offre et de la demande, au niveau local et à une échelle géo­­gra­­phique
plus large. Cette conver­­gence ainsi que l’inté­­gra­­tion des éco­­no­­mies ont été favo­­ri­­
sées par l’évo­­lu­­tion tech­­no­­lo­­gique qui se mani­­feste à tra­­vers les pro­­grès réa­­li­­sés
dans le trai­­te­­ment et la trans­­mis­­sion des don­­nées, dans la logis­­tique et le trans­­port
des biens, comme à tra­­vers l’accé­­lé­­ra­­tion de la dif­­fu­­sion des tech­­niques et le rap­­pro­
­che­­ment des stan­­dards, ne ces­­sant de rac­­cour­­cir les dis­­tances phy­­siques, psy­­chiques
et tech­­niques entre agents éco­­no­­miques.
Mais, dans le même temps, l’insta­­bi­­lité et les crises, longtemps can­­ton­­nées à des
espaces natio­­naux ou régio­­naux plus cloi­­son­­nés qui limi­­taient leur pro­­pa­­ga­­tion, ont
quelque peu brouillé cette dyna­­mique de conver­­gence pro­­duit de l’ouver­­ture inter­­na­
­tionale. Elles sont deve­­nues des don­­nées per­­ma­­nentes que les dif­­fé­­rentes orga­­ni­­sa­­
tions doivent désor­­mais inté­­grer, quel que soit le niveau géographique – régio­­nal
(pays de proxi­­mité), conti­­nen­­tal, inter­­conti­­nen­­tal ou mon­­dial – auquel elles

c Repère 1.1
opèrent.

Mon­­dia­­li­­sa­­tion/Globalisation ou Décloisonnement/Régio­­na­­li­­sa­­tion ?
Les fac­­teurs de conver­­gence politico-réglementaires, socio-éco­­no­­miques et tech­­no­­lo­­
giques n’ont cessé de se mul­­ti­­plier et de se ren­­for­­cer dans le monde au fil des vingt der­
­nières années, sur­­tout depuis la chute du mur de Berlin, en 1991 (tableau 1.1). Ils ont pu
contri­­buer à la dif­­fu­­sion de la convic­­tion lar­­ge­­ment par­­ta­­gée que le monde, était, désor­
­mais, « plat »1, accré­­di­­tant l’uti­­li­­sation géné­­ra­­li­­sée des termes « mon­­dia­­li­­sa­­tion » et
« globalisation », comme qua­­li­­fi­­ca­­tifs les plus cou­­rants de phé­­no­­mènes d’inté­­gra­­tion
déjà amor­­cés au cours des périodes pré­­cé­­dentes : inté­­gra­­tion intra-­zone (comme l’Union
euro­­péenne) ou inter-­zones (à une échelle plus large ; encou­­ra­­gés notamment en
cela par l’aug­­men­­ta­­tion du nombre des pays adhé­­rents à l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du
commerce (OMC).
Il n’est qu’à se réfé­­rer en effet :
––d’un point de vue politico-­réglementaire, à l’adhé­­sion d’un cer­­tain nombre de nou­­
veaux adhé­­rents clés, comme la Chine, en 2001, ou le Vietnam, en 2007, venus
rejoindre, après la créa­­tion de l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce en 1994, les
membres du GATT2 auquel il fai­­sait suite ; tout comme la créa­­tion de nou­­velles

1. Comme en témoigne le suc­­cès mon­­dial de librai­­rie de l’ouvrage de Thomas Friedman, La Terre est plate, une
brève his­­toire du XXIe siècle, (2006), vendu à quatre mil­­lions d’exem­­plaires, paru en France aux édi­­tions Saint
Simon.
2. General Agreement on Tariffs and Trade, conclu en 1947, et ras­­sem­­blant une ving­­taine d’États-­membres à
l’issue du second conflit mon­­dial, et repo­­sant sur la convic­­tion que le déve­­lop­­pe­­ment du libre commerce serait le
meilleur garant de la paix uni­­ver­­selle.

18
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale ■ Chapitre 1


struc­­tures éco­­no­­miques régio­­nales faci­­li­­tant les échanges de biens et de ser­­vices à
l’image de l’Union euro­­péenne (comme le Mercosur, l’Alena, l’Apec, etc.)1 ;
––d’un point de vue socio-­économique, à l’inten­­si­­fi­­ca­­tion des flux d’échanges et d’inves­
­tis­­se­­ments et au rap­­pro­­che­­ment de cer­­taines pra­­tiques de pro­­duc­­tion et de consom­­ma­
­tion par un nombre crois­­sant de clients et de four­­nis­­seurs, tra­­dui­­sant un phé­­no­­mène
plus large de dif­­fu­­sion des cultures, comme le re­déploie­­ment inter­­na­­tional sans pré­­cé­
­dent des chaînes de valeur des entre­­prises comme des réseaux de dis­­tri­­bu­­tion ;
––d’un point de vue tech­­no­­lo­­gique, à la géné­­ra­­li­­sa­­tion des trans­­ferts de tech­­no­­logie, à
l’évo­­lu­­tion de la dif­­fu­­sion et du trai­­te­­ment de l’infor­­ma­­tion, les amé­­lio­­ra­­tions conti­­
nues des modes de trans­­port aérien, mari­­time, fer­­ro­­viaire, rou­­tier, comme le trans­­
port combiné multimodal 2, et le déve­­lop­­pe­­ment – certes labo­­rieux – de normes
propres à faci­­li­­ter la dis­­tri­­bu­­tion et la dif­­fu­­sion des pro­­duits et des ser­­vices, tout en
pré­­ser­­vant un envi­­ron­­ne­­ment de plus en plus menacé par ce sur­croît d’acti­­vité.
Cepen­­dant, ces phé­­no­­mènes qui semblent sug­­gé­­rer une conver­­gence, voire une har­­
mo­­ni­­sa­­tion des modes de pro­­duc­­tion, de consom­­ma­­tion, sinon des réfé­­rences cultu­­
relles, ne doivent pas faire perdre de vue le carac­­tère fon­­da­­men­­ta­­lement dis­­sy­­mé­­trique
de cette inté­­gra­­tion : cer­­taines zones géo­­gra­­phiques s’ouvrent plus vite que d’autres3,
et, même celles qui semblent s’être enga­­gées réso­­lu­­ment dans ce pro­­ces­­sus – qu’il
s’agisse d’éco­­no­­mies émergentes ou d’éco­­no­­mies matures4 – peuvent tar­­der à rem­­plir
leurs enga­­ge­­ments, voire les remettre pure­­ment et sim­­ple­­ment en ques­­tion.
Pankaj Ghemawat5, démontre d’ailleurs, chiffres à l’appui, que le phé­­no­­mène de
« globalisation » est encore, dans l’absolu, très cir­­conscrit, en sou­­li­­gnant que les éco­­
no­­mies natio­­nales demeurent très lar­­ge­­ment « domes­­tiques ». En se réfé­­rant à l’appré­
­cia­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale que four­­nit le ratio d’internationalisation
Export+Import/PIB il observe que la moyenne mon­­diale ne repré­­sente pas plus de
20 %, tan­­dis que le ratio d’investissement étranger IDE/FBCF6 n’atteint pas 10 % ; ne
dépas­­sant pas de beau­­coup, les niveaux record atteints lors de la « pre­­mière mon­­dia­­
li­­sa­­tion7 », juste avant la Pre­­mière Guerre mon­­diale.

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1. Cf. repère 1.3 « La ‘résis­­tible’ pro­­gres­­sion du décloisonnement à l’échelle régio­­nale ».


2. Combi­­nai­­son de modes de trans­­port dif­­fé­­rents pour effec­­tuer un par­­cours donné, comme le fer­­rou­­tage
(comme il se pra­­tique en Suisse, notam­­ment, qui comporte le char­­ge­­ment des camions sur un train pour une par­­tie
de la traversée du pays) ; mobi­­li­­sant aussi des plateformes mul­­ti­­mo­­dales faci­­li­­tant le trans­­fert d’un mode de trans­­
port à un autre, généralisant aussi l’uti­­li­­sation de conte­­neurs de dimen­­sions stan­­dar­­di­­sées (20 et, sur­­tout 40 pieds)
sus­­cep­­tibles d’être char­­gés sur un camion, sur un train, sur un cargo porte conte­­neurs… et faci­­le­­ment dépla­­cés à
l’aide de moyens de levage et de char­­ge­­ment, spé­­cia­­le­­ment conçus pour leur manu­­ten­­tion ; des sys­­tèmes de ges­­tion
et de suivi en temps réel, sou­­vent relayés par satel­­lite, per­­met­­tant une par­­faite traçabilité de chaque « boîte » tout
au long de leur par­­cours, de l’entre­­pôt de départ à l’entre­­pôt d’arri­­vée.
3. Cf. repère 1.2 « La Russie finit par rejoindre d’OMC ».
4. Ibid.
5. Ghemawat P, « Why the World isn’t flat », Foreign Policy n°159 Mars-­Avril 2007 et « Dis­­tance still matters :
the hard reality of glo­­bal expan­­sion », Harvard Busi­­ness Review,vol 79 (8), 2001.
6. Inves­­tis­­se­­ment Direct Étranger / For­­ma­­tion Brute de Capi­­tal Fixe (total de l’inves­­tis­­se­­ment réa­­lisé au cours
d’une année dans un pays donné).
7. Ibid.

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Partie 1 ■ Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Il sou­­ligne éga­­le­­ment que les commu­­ni­­ca­­tions télé­­pho­­niques inter­­na­­tionales ne repré­
­sentent que 2 % du tra­­fic glo­­bal et que 18 % seule­­ment du tra­­fic Inter­­net tra­­verse les
fron­­tières natio­­nales. Il pré­­cise éga­­le­­ment qu’en rame­­nant les flux d’immi­­gra­­tion à
leurs vraies pro­­por­­tions, seule­­ment 3 % de la popu­­la­­tion mon­­diale vit dans un pays
dif­­fé­­rent de son pays de nais­­sance… Et de conclure que « les échanges commer­­ciaux
entre deux pays sont inver­­se­­ment pro­­por­­tion­­nels à la dis­­tance qui les sépare1 ».
Sans doute, ces chiffres gagne­­raient à être pré­­ci­­sés en sou­­li­­gnant la dyna­­mique d’évo­
­lu­­tion, qui carac­­té­­rise cer­­tains d’entre eux, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment au cours des deux ou trois
der­­nières décen­­nies. Mais ils conduisent d’ores et déjà à consi­­dé­­rer que l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale indé­­niable du monde d’aujourd’hui est frag­­men­­tée et fluc­­tuante, d’un
pays et d’une zone à l’autre. Ainsi, est-elle sus­­cep­­tible de régres­­ser lorsque des crises
comme la crise mon­­diale qui sévit encore affectent les flux d’échanges2 comme
d’inves­­tis­­se­­ments3.

L’exemple de l’entre­­prise cimentière Cemex, « cham­­pion inter­­na­­tional » mexi­­


cain, qui a connu un déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional spec­­ta­­cu­­laire depuis une ving­­taine
d’années, au point de se poser en chal­­len­­ger des deux lea­­ders mon­­diaux du sec­­teur
– le Suisse Holcim et le Français Lafarge –, est signi­­fi­­ca­­tive d’une expan­­sion désor­
­mais faci­­li­­tée, mais qui peut bru­­ta­­le­­ment se trou­­ver remise en cause.
Les trans­­for­­ma­­tions favo­­rables dont cette entre­­prise a béné­­fi­­cié dans son envi­­ron­
­ne­­ment natio­­nal et inter­­na­­tional expliquent, tout autant que la vision de ses diri­­
geants, le niveau d’expan­­sion auquel elle est par­­ve­­nue. Elles font aussi res­­sor­­tir les
contraintes et les aléas aux­­quels elle s’est trou­­vée confron­­tée dans un laps de temps
très court.
Dans un sec­­teur ou se suc­­cèdent des périodes d’expansion et de récession, sui­­vant
les fluc­­tua­­tions du cycle du bâti­­ment4 et des poli­­tiques d’infra­­struc­­ture, cette entre­­
prise a dû, en effet, en l’espace de quelques mois, faire face à une conjonc­­tion de
per­­tur­­ba­­tions, remet­­tant bru­­ta­­le­­ment en cause sa spec­­ta­­cu­­laire mon­­tée en puis­­sance
au cours des décen­­nies pré­­cé­­dentes ; et, ce, en dépit d’un por­­te­­feuille géo­­gra­­phique
multiconti­­nen­­tal déjà étendu qui aurait dû en limi­­ter les consé­­quences.

1. Il ajoute même (p. 21) : « toutes choses égales par ailleurs, les échanges entre deux pays sont 42 % supé­­rieurs
s’ils se font dans la même langue, 47 % plus éle­­vés s’ils se font à l’inté­­rieur du même bloc commer­­cial, 114 % plus
impor­­tants s’ils s’effec­­tuent dans la même mon­­naie et 118 % si, à un moment de leur his­­toire, un des pays par­­tie
pre­­nante à l’échange a colo­­nisé l’autre. »
2. Par exemple, de juillet à août 2012, les expor­­ta­­tions chi­­noises vers l’Europe ont baissé de 5 %, alors que les
impor­­ta­­tions ont éga­­le­­ment flé­­chi : ces exportsations ont ainsi dimi­­nué de 7,9 % vers l’Allemagne, de 8,6 % vers la
France… et de 26 % vers l’Italie ! (J.J. Mével, « Un som­­met Europe-­Chine sous ten­­sion », Le Figaro Economie,
20/9/2012).
3. De leur côté les grands fonds sou­­ve­­rains qui gèrent les inves­­tis­­se­­ments chi­­nois à l’étran­­ger ont limité leurs
opé­­ra­­tions d’acqui­­si­­tion en Europe au cours de l’année 2011, n’y inves­­tis­­sant que 3,1 milliards d’euros alors qu’ils
dis­­posent de réserves qui dépassent les 3 000 milliards (ibi­­dem).
4. Comme la théo­­rie éco­­no­­mique nous l’enseigne, le bâti­­ment suit des fluc­­tua­­tions à moyen terme, inter­­mé­­
diaires entre les cycles courts de quelques mois à quelques années et les cycles longs qui peuvent dépas­­ser plu­­sieurs
dizaines d’années.

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