Feuilletage
Feuilletage
Feuilletage
d’internationalisation
Nouveaux enjeux d’ouverture
des organisations, des activités
et des territoires
management sup
Stratégies
d’internationalisation
Nouveaux enjeux d’ouverture
des organisations, des activités
et des territoires
3e é d i t i o n
entièrement refondue
Jean-Paul Lemaire
© Dunod, Paris, 2013
ISBN 978-2-10-056355-5
Table des matières
Partie 1
Évolutions et défis de l’ouverture internationale pour les
territoires, les activités et les organisations
1 L’intensification de l’ouverture internationale 17
V
Stratégies d’internationalisation
Partie 2
L’audit d’internationalisation des organisations
5 Structuration de la démarche d’audit d’internationalisation 275
VI
Mode d’emploi : Une
démarche renouvelée
pour un environne
ment en mutation
accélérée
D epuis les premières éditions de cet ouvrage, l’environnement des flux d’échanges
et d’investissements internationaux s’est trouvé profondément bouleversé, deve
nant, à la fois, plus ouvert et complexe, agité de convulsions plus fréquentes, plus vio
lentes et de plus grande ampleur. L’« ouverture internationale » désoriente, désormais,
un nombre croissant d’acteurs publics et privés, individuels et institutionnels qui, aupa
ravant, raisonnaient à partir de bases moins incertaines. La vision holiste des macroéco
nomistes cherchant des interprétations universelles de la réalité ne suffit plus à l’expliquer
et à construire des réponses adaptées à chacun. Cette approche venant « du haut » (top
down) serait à combiner à une approche venant « du bas » (bottom up). Même si celle-ci
est, par nature, parcellaire, elle met davantage l’accent sur les signaux forts et, surtout,
les signaux faibles renvoyés par le terrain, qui ouvrent à de nouvelles implications, géné
rales et particulières, pour l’analyse et pour la décision.
C’est cette démarche, combinant ces deux approches, que nous proposons ici, en
deux temps :
• Le temps de l’analyse de l’environnement (1re partie), souligne les transformations
rapides de l’ouverture internationale (plutôt que la « globalisation »), telle qu’elle
a évolué depuis trois décennies. Nous considérerons leur impact, non seulement
sur les organisations (entreprises, ONG, collectivités…), mais aussi sur les activi
tés (secteurs ou industries) affectées, les unes et les autres, de façon très différente,
ainsi que sur les territoires, désormais plus ouverts, soucieux de leur prospérité et
de leur rayonnement.
• Le temps de la décision, particulièrement pour les organisations (2e partie), pro
pose la structure d’un audit d’internationalisation qui mobilise les concepts et les
outils (macro, meso et microéconomiques) développés précédemment. Cet audit
VII
Stratégies d’internationalisation
1. La plupart des cas introductifs et des cas d’application sont disponibles, en version anglaise et en version
française, à la Centrale des Cas et des Moyens Pédagogiques (CCMP), sous une forme plus ou moins développée
(moins de 10 p. en formule agrégée, de 20 à 30 p. en formule complète) accompagnés d’une fiche pédagogique
détaillée, d’un jeu de transparents, de propositions de sujets d’examens et de quiz d’évaluation.
VIII
Remerciements
1. www.atlas-afmi.com
IX
Stratégies d’internationalisation
professionnels, cités au fil de cet ouvrage, avec lesquels j’ai développé des cas dans
leurs pays respectifs.
Tout comme les interactions avec les chercheurs et doctorants de notre groupe
« Management International » de l’ESCP Europe ont également contribué à stimuler
et préciser ma démarche : Jean-Louis Paré, Milena Viassone, Florence Gervais,
Karina Jensen, ainsi que Marc Hostert, Gérard Cazabat, Josiane O’Brian, Benédicte
Geraud et Cécile Montier.
Je ne veux pas oublier, à l’issue de ce processus, mes collègues enseignants-
chercheurs du corps professoral des cinq campus d’ESCP Europe, et, particulière
ment du Département Marketing (Jean-Claude Andréani, Olivier Badot, Jérôme
Bon, Boris Durisin, Michaël Haënlein, Benoît Heilbrunn, Frédéric Jallat, Andreas
Kaplan, Allan Kimmel, Sandrine Macé, Delphine Manceau, Marcelo Nepomuceno,
Alain Olivier, Raphaëlle Pandraud, Elizabeth Tissier-Desbordes, Tom van Laer,
Luca Visconti, Fabrizio Zerbini), comme son équipe administrative (Anna Walters
ainsi que Marilyn Panzer et Svetlana Telman). Un grand merci aussi pour l’aide
constante apportée par l’équipe des bibliothécaires d’ESCP Europe, Valérie Aime-
Bourelly, Claire Le Peutrec, Béatrice Marchand, Isabelle Sergent, Ntahlie Trzon,
ainsi qu’Elizabeth Laparra, Thierry Coquery et Chantal Geudar-Delahaye. Avec une
pensée, enfin, pour Chloé Abellan et Odile Marion, mes interlocutrices aux éditions
Dunod.
X
Introduction
1. Telle qu’elle ressort de l’analyse pour 2012 de l’économiste en chef, de la Compagnie Française d’Assurance
pour le Commerce Extérieur, Yves Zlotowski, La Tribune, 17 janvier 2012.
2. Cf. repère 1.3 « Le dilemme grec ».
3. Cf. repère 1.5 « Le libéralisme économique remis en question par ses plus ardents défenseurs ».
4. « The visible hand », The Economist, 21-23 janvier 2012 ; « Capitalism under fire », Time, 6 février 2012.
1
Stratégies d’internationalisation
d ental, en soulignant les interrogations qu’il soulève, même chez certains libéraux,
depuis le déclenchement de la crise mondiale, en 2008.
La Chine, plus rapidement que prévu dans la cour des grands1 ?
Ce n’est pas seulement parce qu’elle a atteint le deuxième rang mondial en termes de
produit national brut, dépassant le Japon, après l’Allemagne, et qu’elle est promise à
contester très vite la première place des États-Unis, que la montée en puissance de la
Chine s’affirme ; c’est aussi parce qu’elle montre sa capacité à étendre sa puissance éco
nomique bien au-delà de ses frontières en commençant à concrétiser son ambition de
devenir leader technologique dans certains secteurs clé2.
Les « champions internationaux » des économies à croissance rapide (ECR) capa
bles de prendre très vite pied au cœur des économies matures3 ?
Les acquisitions d’entreprises occidentales et, notamment, européennes, par les entre
prises issues des ECR ne se démentent pas dans de nombreux secteurs. Au-delà des
opérations très médiatisées ayant touché la sidérurgie4 ou l’automobile5, certaines entre
prises clés d’autres activités, moins visibles, passent dans le giron de ces nouveaux
acteurs des ECR.
1. Cf. tableau 1.2 « Économies matures et émergentes : évolution de leur poids respectif dans l’économie mon
diale ».
2. Cf. cas introductif du chapitre 4 « Huawei la montée en puissance d’un leader technologique mondial ».
3. Cf. repères 4.4 à 4.11, « Les incitations à l’internationalisation pour les “champions internationaux” chinois,
indiens et brésiliens ».
4. Comme la prise de contrôle hostile du leader européen franco-hispano-luxembourgeois Arcelor par l’Indien,
après de longs affrontements boursier et même politiques en 2006.
5. Avec l’exemple, en 2010, du rachat du Suédois Volvo cars après un bref passage sous contrôle américain par
la firme automobile chinoise Geely quasi inconnue en Occident.
2
Introduction
sance rapide), de tailles beaucoup plus modestes, mais aux ressources et/ou à l’influ
ence sans commune mesure avec celles-ci, ont la possibilité de jouer un rôle
appréciable dans leur région comme à une échelle géographique beaucoup plus
large, comme le montrent l’exemple du Qatar4 ou celui du Luxembourg5. Comme
1. Ainsi, les organisations non gouvernementales ONG qui jouent un rôle croissant auprès de l’opinion et, aussi,
comme relai de nombreuses organisations gouvernementales, nationales et internationales. Cf. repère 1.9 « La montée
en puissance des organisations non gouvernementales internationales et de la société civile internationale ».
2. Les crises qui n’ont cessé de se succéder au cours des dernières années, et, particulièrement, la crise bancaire
et financière provoquée par la spéculation immobilière aux États-Unis, révélatrice de la crise de la dette souveraine
mettant, cette fois, en cause la crédibilité des États occidentaux (cf. repère 1.6 « De la crise des subprimes à la crise
de la dette souveraine »).
3. L’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon.
4. Cf. exemple 2.2 « Un nouveau venu très actif sur la scène internationale : le Qatar ».
5. Cf. exemple 2.1 « Le Luxembourg en quête d’un nouveau modèle économique ».
3
Stratégies d’internationalisation
les grands pays, ils tendent à mettre à profit, avec beaucoup d’efficacité, les atouts
dont ils disposent.
Le but recherché ici est, en partant d’une analyse des tendances fortes de l’envi
ronnement international et des différents types d’incitations à l’ouverture interna
tionale, de proposer une démarche systématique à laquelle peuvent se raccrocher la
plupart des organisations, quels que soient leur activité, leurs caractéristiques
propres et leur niveau d’engagement à l’international.
Même si l’approche retenue s’appuie sur des éléments conceptuels et méthodolo
giques issus de divers champs disciplinaires de la gestion et des sciences humaines,
cette démarche ne se veut pas uniquement théorique : s’inscrivant dans une perspec
tive délibérément opérationnelle, elle vise à faciliter la prise de décision dans ces
organisations en trois temps :
––l’analyse des évolutions de l’environnement, à caractère conjoncturel aussi bien
que structurel (mondial, continental ou régional), dans lequel s’inscrit leur déve
loppement international ;
––le diagnostic d’internationalisation qui peut leur être appliqué, puis la formulation
de leur stratégie d’internationalisation ;
––la mise en œuvre et le contrôle, tout en permettant leur remise en cause et leur
redéfinition périodique.
Bien que les formes nouvelles de compétition qui résultent de l’ouverture crois
sante des économies n’affectent que progressivement les positions acquises par les
organisations dans leur espace économique d’origine, celles-ci, quelle que soit leur
taille, se trouvent d’ores et déjà confrontées à de nouvelles opportunités comme à de
nouvelles menaces. Elles peuvent difficilement envisager leur développement à
moyen terme, ou, même, évaluer leur compétitivité, si elles ne s’inscrivent pas dans
une logique qui place la dimension internationale au cœur même de leur réflexion
stratégique.
L’internationalisation apparaît comme une donnée permanente des préoccupa
tions stratégiques des organisations. L’intensification de la concurrence et l’interdé
pendance des marchés, dans un nombre croissant de secteurs et d’activités en font
une dimension incontournable pour une proportion de plus en plus large d’entre
elles. Elle les oblige à sortir du cadre régional ou national, ou encore du cercle des
pays de proximité, dans lequel nombre d’entre elles ont pu longtemps rester canton
nées, pour se projeter dans un espace économique bien plus ouvert.
4
Introduction
rencontrés.
Dans le cas des entreprises multinationales (EMN) comme dans celui des PME, le
caractère limité de ces approches respectives se justifiait encore largement, en dépit de
la progression déjà remarquable des flux d’échanges et d’investissements, par l’ouver
ture encore réduite des économies nationales, par le caractère encore dominant des
relations économiques bilatérales entre les pays et, donc, par le volume et l’éventail
plus restreints des opérations. Qui plus est, un grand nombre de pays – en particulier,
parmi ceux qui connaissent actuellement la progression la plus remarquable – était
encore fermé et/ou encore figé à un stade de développement très élémentaire.
1. Cf. l’exemple 4.1 sur la lente déconfiture de Kodak, au bord de la faillite en janvier 2012, « Kodak au bord de
l’agonie », ou, à un moindre degré, celle de Nokia, faute d’avoir su prendre à temps le tournant du smatphone.
2. A. Sampson, ITT, l’État souverain, Alain Moreau, 1973.
5
Stratégies d’internationalisation
Les évolutions des trente dernières années ont sensiblement bouleversé la donne
avec l’abaissement des barrières de tous ordres isolant ces économies, pour beau
coup, progressivement gagnées au libéralisme ; mais, aussi, du fait de l’expansion
très rapide des technologies de communication et de traitement de l’information, du
transport et de la circulation des capitaux qui ont fortement contribué aussi à accen
tuer ce désenclavement.
1. Cf. exemple 1.2, « Région toulousaine : partir, revenir ? ». Voir aussi sur les délocalisations et relocalisations,
C. Mercier Suissa et al., Entre délocalisations et relocalisations Mobilité des entreprises et attractivité des terri
toires, HEM-Karthala-IAE de Lyon, 2011.
6
Introduction
c Repère I.1
Les questions que se posent le plus souvent les organisations
dans le contexte de leur ouverture internationale1
••Quelles sont les raisons qui nous poussent, dans le contexte de nos activités ou de nos
missions :
––à initier, accentuer ou infléchir ;
––à repousser, ralentir ou restreindre notre développement international ?
••Dans quelle mesure pouvons-nous l’assumer :
––de quels moyens disposons-nous ?
––quelles sont nos forces et faiblesses face aux enjeux de l’internationalisation ?
••Quelle place devrons-nous accorder, respectivement :
––aux opportunités externes ;
––à nos caractéristiques propres, dans la définition de notre stratégie de développement
international ?
••Quelles seront :
––les principales options stratégiques retenues (entités/localisations cibles, choix de nos
modes d’entrée/de nos modes d’accueil, etc.) ?
––les étapes successives de leur mise en œuvre, au-delà de leur identification et de leur
sélection ?
•• Quelles contraintes fonctionnelles (financières, juridiques, fiscales, logistiques, etc.)
devront être alors prises en compte, de quelle manière et dans quel cadre ?
••Comment, ensuite, conviendra-t-il :
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Une telle démarche s’inscrit, bien sûr, dans la durée. Elle commande tout autant à
l’organisation de faire preuve de réactivité face aux chocs conjoncturels, comme de
1. Ce qui suppose d’adapter constamment leur modèle économique et leur portefeuille d’implantations dans un
environnement ouvert et turbulent (cf. exemple 4.16 « Dentressangle : de la recherche de la masse critique à celle
des spécialités porteuses à l’international »).
7
Stratégies d’internationalisation
tirer parti d’effets d’aubaine1. Ses dirigeants devront aussi anticiper, en se montrant
proactifs, les phases du développement futur, face aux enjeux qui se dessinent, en
fixant de nouveaux objectifs qui prendront le relais de ceux précédemment atteints
(ou remis en cause, en cas d’échec)2.
1. « Lorsqu’un acteur économique s’efforce d’inciter les autres acteurs à agir de telle manière, il les appâte en
général en leur offrant un avantage s’ils se comportent de la façon souhaitée : par exemple baisse de prix, prime,
cadeau, etc. Il y a effet d’aubaine si l’acteur qui bénéficie de cet avantage avait eu, de toute façon, l’intention d’agir
ainsi même si l’avantage n’avait pas été accordé », www.alternatives-économiques.fr, 22 janvier 2010.
2. Cf. exemple 2.14 « Duralex, le retour d’une PME « historique » à la conquête de marchés extérieurs.
3. Voir Markusen, 1984, Glass, 2008.
4. Voir Helpman, 1984, cf. figure 4.9. La croissance « éclatée » (l’exemple de GHCL) (1) et exemple 4.15
GHCL, la structure « éclatée ».
5. Cf. exemple 3.9 « L’Europe peut elle passer à côté de la révolution de l’éclairage ? ».
6. Cf. figure 1.1 « Impact des grandes mutations de l’environnement international sur les organisations ».
8
Introduction
1. Cf. exemple 3.7 « Grande consommation : mondialisation à marche forcée des géants de la bière et de la
mode. »
9
Stratégies d’internationalisation
1. Initiées, notamment, dans le courant des années 1980, par Robinson et Root (voir bibliographie).
10
Introduction
1. MACROÉCONOMIQUE
ANALYSE DE L’ ENVIRONNEMENT POLITICO
Accélération RÉGLEMENTAIRE,
Instabilité ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, TECHNOLOGIQUE
Intégration pressions externes observées à court, moyen et long terme
Croissantes de l’environnement impactant l’espace géographique pertinent
Global ËRégional pour l’organisation concernée
2. MESOÉCONOMIQUE
Évolution DYNAMIQUE SECTORIELLE
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
J.-P. Lemaire
11
Stratégies d’internationalisation
12
Partie
1
L’intensification de l’ouverture internationale Chapitre 1
Dynamique internationale des territoires Chapitre 2
Dynamique internationale des activités Chapitre 3
Dynamique internationale des organisations Chapitre 4
Évolutions et défis
de l’ouverture
internationale pour
les territoires, les activités
et les organisations
1. Ce modèle a été développé à partir de 1992-1993 dans le cadre des enseignements dispensés par l’auteur à
l’EAP, puis mobilisé plus particulièrement pour le secteur bancaire européen dans l’ouvrage Vers l’Europe Bancaire
(J.-P. Lemaire et P.-B. Ruffini, Dunod, 1993, p. 77, avant d’être appliqué à tous les secteurs dès la première édition
du présent ouvrage, en 1997) et, désormais, à tous les espaces géo-sectoriels.
––Le chapitre 1 évaluera, au niveau macroéconomique, « l’intensification de
l’ouverture internationale », autrement dit, les transformations profondes de
l’environnement international ayant conduit à une ouverture internationale accrue,
au cours des trente dernières années, remettant, du même coup en question, les
grilles de lecture communément admises, en proposant une première caractérisa
tion des « pressions externes », politico-réglementaires, socioéconomiques et tech
nologiques, traduisant ces mutations.
––Le chapitre 2, à l’articulation du macroéconomique et du mesoéconomique,
appréciera « la dynamique internationale des territoires » en mettant en évi
dence l’impact de ces pressions externes (PREST, niveau 1), qui favorisent ou
contrarient l’insertion des territoires, désormais acteurs à part entière de l’ouver
ture internationale, dans les flux d’échanges et d’investissements, en mesurant
l’attractivité qu’ils peuvent présenter pour les autres acteurs.
–– Le chapitre 3 étendra, la démarche au niveau mesoéconomique, à « la dynamique
internationale des activités », en soulignant l’hétérogénéité qui caractérise ces acti
vités comme celle des acteurs qui y opèrent face aux défis – d’adaptation, de
redéploiement, de concurrence – (PREST, niveau 2), résultant des mutations de
l’environnement international.
––Le chapitre 4, enfin, s’attachera à « la dynamique internationale des organisa
tions » en faisant ressortir les facteurs qui soutiennent et stimulent leur dynamique
d’internationalisation respective ainsi que les leviers – innovation, profitabilité,
structuration – (PREST, niveau 3), sur lesquels elles peuvent agir pour déployer
avec succès leurs activités hors frontières.
Chapitre
L’intensification
1 de l’ouverture
internationale
c Repère 1.1
opèrent.
Mondialisation/Globalisation ou Décloisonnement/Régionalisation ?
Les facteurs de convergence politico-réglementaires, socio-économiques et technolo
giques n’ont cessé de se multiplier et de se renforcer dans le monde au fil des vingt der
nières années, surtout depuis la chute du mur de Berlin, en 1991 (tableau 1.1). Ils ont pu
contribuer à la diffusion de la conviction largement partagée que le monde, était, désor
mais, « plat »1, accréditant l’utilisation généralisée des termes « mondialisation » et
« globalisation », comme qualificatifs les plus courants de phénomènes d’intégration
déjà amorcés au cours des périodes précédentes : intégration intra-zone (comme l’Union
européenne) ou inter-zones (à une échelle plus large ; encouragés notamment en
cela par l’augmentation du nombre des pays adhérents à l’Organisation mondiale du
commerce (OMC).
Il n’est qu’à se référer en effet :
––d’un point de vue politico-réglementaire, à l’adhésion d’un certain nombre de nou
veaux adhérents clés, comme la Chine, en 2001, ou le Vietnam, en 2007, venus
rejoindre, après la création de l’Organisation mondiale du commerce en 1994, les
membres du GATT2 auquel il faisait suite ; tout comme la création de nouvelles
☞
1. Comme en témoigne le succès mondial de librairie de l’ouvrage de Thomas Friedman, La Terre est plate, une
brève histoire du XXIe siècle, (2006), vendu à quatre millions d’exemplaires, paru en France aux éditions Saint
Simon.
2. General Agreement on Tariffs and Trade, conclu en 1947, et rassemblant une vingtaine d’États-membres à
l’issue du second conflit mondial, et reposant sur la conviction que le développement du libre commerce serait le
meilleur garant de la paix universelle.
18
L’intensification de l’ouverture internationale ■ Chapitre 1
☞
structures économiques régionales facilitant les échanges de biens et de services à
l’image de l’Union européenne (comme le Mercosur, l’Alena, l’Apec, etc.)1 ;
––d’un point de vue socio-économique, à l’intensification des flux d’échanges et d’inves
tissements et au rapprochement de certaines pratiques de production et de consomma
tion par un nombre croissant de clients et de fournisseurs, traduisant un phénomène
plus large de diffusion des cultures, comme le redéploiement international sans précé
dent des chaînes de valeur des entreprises comme des réseaux de distribution ;
––d’un point de vue technologique, à la généralisation des transferts de technologie, à
l’évolution de la diffusion et du traitement de l’information, les améliorations conti
nues des modes de transport aérien, maritime, ferroviaire, routier, comme le trans
port combiné multimodal 2, et le développement – certes laborieux – de normes
propres à faciliter la distribution et la diffusion des produits et des services, tout en
préservant un environnement de plus en plus menacé par ce surcroît d’activité.
Cependant, ces phénomènes qui semblent suggérer une convergence, voire une har
monisation des modes de production, de consommation, sinon des références cultu
relles, ne doivent pas faire perdre de vue le caractère fondamentalement dissymétrique
de cette intégration : certaines zones géographiques s’ouvrent plus vite que d’autres3,
et, même celles qui semblent s’être engagées résolument dans ce processus – qu’il
s’agisse d’économies émergentes ou d’économies matures4 – peuvent tarder à remplir
leurs engagements, voire les remettre purement et simplement en question.
Pankaj Ghemawat5, démontre d’ailleurs, chiffres à l’appui, que le phénomène de
« globalisation » est encore, dans l’absolu, très circonscrit, en soulignant que les éco
nomies nationales demeurent très largement « domestiques ». En se référant à l’appré
ciation de l’ouverture internationale que fournit le ratio d’internationalisation
Export+Import/PIB il observe que la moyenne mondiale ne représente pas plus de
20 %, tandis que le ratio d’investissement étranger IDE/FBCF6 n’atteint pas 10 % ; ne
dépassant pas de beaucoup, les niveaux record atteints lors de la « première mondia
lisation7 », juste avant la Première Guerre mondiale.
☞
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
19
Partie 1 ■ Évolutions et défis de l’ouverture internationale
☞
Il souligne également que les communications téléphoniques internationales ne repré
sentent que 2 % du trafic global et que 18 % seulement du trafic Internet traverse les
frontières nationales. Il précise également qu’en ramenant les flux d’immigration à
leurs vraies proportions, seulement 3 % de la population mondiale vit dans un pays
différent de son pays de naissance… Et de conclure que « les échanges commerciaux
entre deux pays sont inversement proportionnels à la distance qui les sépare1 ».
Sans doute, ces chiffres gagneraient à être précisés en soulignant la dynamique d’évo
lution, qui caractérise certains d’entre eux, particulièrement au cours des deux ou trois
dernières décennies. Mais ils conduisent d’ores et déjà à considérer que l’ouverture
internationale indéniable du monde d’aujourd’hui est fragmentée et fluctuante, d’un
pays et d’une zone à l’autre. Ainsi, est-elle susceptible de régresser lorsque des crises
comme la crise mondiale qui sévit encore affectent les flux d’échanges2 comme
d’investissements3.
1. Il ajoute même (p. 21) : « toutes choses égales par ailleurs, les échanges entre deux pays sont 42 % supérieurs
s’ils se font dans la même langue, 47 % plus élevés s’ils se font à l’intérieur du même bloc commercial, 114 % plus
importants s’ils s’effectuent dans la même monnaie et 118 % si, à un moment de leur histoire, un des pays partie
prenante à l’échange a colonisé l’autre. »
2. Par exemple, de juillet à août 2012, les exportations chinoises vers l’Europe ont baissé de 5 %, alors que les
importations ont également fléchi : ces exportsations ont ainsi diminué de 7,9 % vers l’Allemagne, de 8,6 % vers la
France… et de 26 % vers l’Italie ! (J.J. Mével, « Un sommet Europe-Chine sous tension », Le Figaro Economie,
20/9/2012).
3. De leur côté les grands fonds souverains qui gèrent les investissements chinois à l’étranger ont limité leurs
opérations d’acquisition en Europe au cours de l’année 2011, n’y investissant que 3,1 milliards d’euros alors qu’ils
disposent de réserves qui dépassent les 3 000 milliards (ibidem).
4. Comme la théorie économique nous l’enseigne, le bâtiment suit des fluctuations à moyen terme, intermé
diaires entre les cycles courts de quelques mois à quelques années et les cycles longs qui peuvent dépasser plusieurs
dizaines d’années.
20