La Fraude Fiscale Au Maroc

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Mastère 

Spécialisé 
DROIT DE L’ENTREPRISE

THESE PROFESSIONNELLE : 
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC

Travail réalisé par : 
Melle Aïcha BELMANÇOUR 
 
Encadré par : 
Mr Mohamed AFREKOUS 

Novembre 2008 
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

SOMMAIRE
Remerciements
Sommaire
Abréviations
Bibliographie
INTRODUCTION GENERALE ...............................................................................................01
PREMIERE PARTIE : Fraude Fiscale : Definition – Causes – Procedes
Et Consequences ................................................................................................................08
INTRODUCTION DE LA 1ère PARTIE .................................................................................09
CHAPITRE 1 – TERMINOLOGIE DE LA NOTION DE FRAUDE FISCALE .........................10
Section 1 – Le concept de fraude fiscale ..........................................................................10
§ 1 : Définition de la fraude fiscale ........................................................................................10

§ 2 : Les éléments constitutifs de la fraude fiscale ................................................................12

Section 2 – La distinction entre Fraude fiscale et évasion fiscale .................................17


§ 1 : Les éléments communs ................................................................................................19

§2 : Les divergences .............................................................................................................20

CHAPITRE 2 – LES CAUSES DE LA FRAUDE FISCALE ...................................................22


Section 1 – Les causes imputables au contribuable .......................................................24
§1 : Les causes d’ordre culturel et historique .......................................................................24
§ 2 : Les causes psychologiques .........................................................................................30
Section 2 : Les causes non imputables au contribuable .................................................36
 §1 : Les causes afférentes aux systèmes politique, économique et financier marocain ......37
§ 2 : Les défaillances de l’administration fiscale ...................................................................47
CHAPITRE 3 – Les Procedes De La Fraude Fiscale Et Ses Consequences .......................56
Section 1 : Les fraudes sur l’impôt , sur les bénéfices et la TVA ....................................56
§ 1 : Les fraudes sur les comptes de gestion.........................................................................56
§ 2 : Les fraudes sur les comptes du bilan.............................................................................66
§ 3 : Les fraudes en matière des droits d’enregistrement .....................................................68
§ 4 : Autres formes de fraude.................................................................................................70
Section 2 : Les conséquences de la fraude fiscale...........................................................71
§ 1 : Les effets immédiats de la fraude fiscale .......................................................................71
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

§2 : Les effets différés de la fraude fiscale.............................................................................74


CONCLUSION DE LA 1ERE PARTIE....................................................................................77
DEUXIEME PARTIE :Les Moyens De Lutte Contre La Fraude Fiscale ............................79
INTRODUCTION DE LA 2ème PARTIE................................................................................80
CHAPITRE 1 : Les préalables à la lutte contre la fraude fiscale .....................................81
Section 1 : l’environnement social favorable ...................................................................81
§ 1 : Action sur le contribuable : l’acquiescement fiscal ........................................................81
§ 2 : Amélioration des rapports de l’administration fiscale avec le contribuable ....................85
Section 2 : L’environnement légal et réglementaire adéquat .........................................92
§1 : L’uniformisation et la simplification des règles fiscales ..................................................93
§ 2 : La simplification du système fiscal ................................................................................95
CHAPITRE 2 : La prévention de la fraude fiscale .................................................................96
Section 1 : Etendue et portée des moyens de prévention ...............................................97
§1 : Le contrôle fiscal ............................................................................................................97
§ 2 : La menace de redressement .........................................................................................102
Section 2 : Amélioration des moyens du contrôle fiscal .................................................104
§ 1 : Amélioration des moyens techniques du contrôle fiscal ................................................104
§ 2 : Amélioration des méthodes de travail ............................................................................108
CHAPITRE 3 : La répression de la fraude fiscale .................................................................114
Section 1 : Les sanctions prévues contre la fraude fiscale ...........................................114
§1 : Les sanctions fiscales ....................................................................................................115
§ 2 : Les sanctions civiles ......................................................................................................117
Section 2 : Institution des mesures de dissuasion...........................................................119
§ 1 : Renforcement des sanctions .........................................................................................119
§2 : Assouplissement des procédures ................................................................................121
CONCLUSION DE LA 2EME PARTIE ...................................................................................122
CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................123-124
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

INTRODUCTION GENERALE

L’impôt est au centre des rapports qui lient une société à l’état qui la gouverne.
Il est en effet un fait social intimement lié à l’évolution des sociétés,
notamment à celle de leurs institutions politiques, juridiques et économiques.
L’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789,
fonde le principe du consentement de l’impôt, règle le transfert du pouvoir
fiscal aux représentants du peuple et assoit la légitimité du prélèvement : "
Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs
représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir
librement d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le
recouvrement
et la durée. "

Néanmoins, dans tous les pays du monde, l’impôt n’a pas une bonne
réputation, cette caractéristique est d’autant plus accentuée si l’on se réfère
aux pays en voie de développement. De même, l’apparition de la fraude
fiscale remonte à la création de l’impôt, et depuis lors, fraude et impôt ne se
sont plus séparés.
C’est un phénomène qui se développe avec la fiscalité elle-même, à tel point
que certains financiers comme Von Gerloff ont pu formuler une loi de
résistance croissante à l’impôt qui apparaît comme le corollaire de la loi de
1
Wagner sur l’accroissement constant des dépenses publiques ( ).
La fraude constitue une réaction pacifique à l’impôt, celui –ci a toujours suscité
des réactions souvent très violentes à des moments précis de l’histoire.

1
–  P.M Gaudemet et J. Molinier : Finances publiques, Tome 2, fiscalité, 5ème édition, Montchretien, 
Paris 1992 
 
1
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

L’histoire du Maroc déborde de cas de révoltes contre l’impôt, Fadoul


GHARNIT écrivait avant le protectorat que le Maghzen se contente de plumer
le contribuable. Ali AL YOUSSI éminent « Alim » de Fès au dix huitième siècle
n’avait pas hésité à dénoncer dans une longue épître adressée au Sultan
Moulay Ismaïl, l’imposition écrasante et les extorsions des fonctionnaires de
2
l’état qui selon lui : « ont mangé la chair, bu le sang et sucer les os » ( ).

La séparation entre bled maghzen et bled siba se basait sur la soumission ou


non à l’impôt et nombre de harkas au dix neuvième siècle étaient destinés à
collecter l’impôt.

La fraude fiscale apparaissant comme une limite au pouvoir d’imposer et


contrariant la collecte des ressources étatiques, constitue un sujet d’inquiétude
pour les gouvernements à divers niveaux :
- Sur un niveau financier, la fraude génère une perte de ressources pour
le budget général de l’état, et grève les capacités des gouvernements à
faire face à leurs dépenses ;
- Sur un niveau de justice et d’équité, la fraude fiscale contrarie la
répartition équitable du fardeau du financement public entre les
contribuables en accroissant la charge de ceux qui demeurent
honnêtes ;
- Sur un niveau politique, la fraude fiscale contrarie en quelque sorte la
légitimité du pouvoir par le refus de l’impôt.

* PROBLEMATIQUE :

2
– AN NACIRI : Al Istiqsa, cité par El Mansour  .M : les oulemas et le Maghzen dans le Maroc 
précolonial,   le Maroc actuel éd.  
Du CNRS. Paris 1992 p.9 in la Fraude fiscale, Aboulhassan et autres.éd. ARABIAN AL Hilal 1993 p.14. 
 
2
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Depuis le temps immémoriaux, les groupes sociaux ont toujours été


confrontés au lancinant problème des dépenses à effectuer pour la survie et la
continuité du groupe.
Pour fonctionner toute société a besoin d’avoir des ressources susceptibles de
couvrir les besoins collectifs.

Par ailleurs, parmi les moyens d’avoir financier de l’Etat, nous avons les
dépenses publiques et les ressources publiques. Dans ces dernières nous
retrouvons les ressources définitives, celles de trésorerie et celles
extraordinaires.

Mais nous attirons toute notre attention aux ressources définitives parce
qu’elles comprennent les ressources fiscales.

Comme l’impôt est la principale source de revenu dans un Etat, on part de


l’idée que seule l’autorité politique peut satisfaire la demande de biens publics
comme la sécurité publique et la défense nationale, extension du concept de
tout ce que l’on appelle aujourd’hui « services publics ». L’Etat produit les
biens publics demandés par ses membres. Le coût de cette production
détermine le niveau nécessaire des prélèvements obligatoires :
tous profitant des biens publics, tous doivent contribuer à leur financement.

Si l’Etat cherche à lever des impôts maximum sans égard à la demande de


biens publics, s’il exploite les contribuables au profit d’une minorité qui reçoit
plus qu’elle ne paie, alors les contribuables se réfugient dans : La fraude
fiscale.

3
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

A cet effet, il faut souligner qu’aux inégalités mises en place par la loi fiscale
s’ajoutent les inégalités découlant des conditions d’application de la législation
fiscale. Certains impôts peuvent être plus facilement fraudés que d’autres, et
les moyens de prévention et de contrôle sont très inégalement efficaces. Il en
résulte que les différentes catégories sociales et professionnelles ne sont pas
dans une situation identique à l’égard de la fraude fiscale et ceci résulte assez
souvent de choix politiques délibérés.

Les salariés sont facilement contrôlés à, partir des déclarations faites par les
employeurs.

Par contre de nombreuses professions libérales, commerciales et industrielles


disposent de nombreuses possibilités de soustraire une partie de leurs
activités à l’impôt et les mesures nécessaires pour leur contrôle ne sont
délibérément pas mises en place.

Mais les interrogations que nous nous posons sont celles de savoir pourquoi
le gouvernement, le législateur ne fournissent pas assez d’effort pour lutter
contre la fraude fiscale au Maroc ? Comment le Maroc peut –il se développer
s’il ne met pas d’effort pour lutter pour ce manque à gagner qui est la fraude
fiscale ? Il y’a-t-il un contrôle efficace au Maroc pour la lutte contre la fraude
fiscale ?

4
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

*INTERET DU SUJET :

Tous les pays aussi bien ceux en voie de développement que ceux
industrialisés aspirent au développement, ce dernier est un idéal et en tant
que tel, il est comme une limite asymptotique. On le poursuit sans jamais
s’assurer de l’avoir atteint une fois pour toute.

Cependant, au moment où l’Etat a besoin de recettes pour assurer ce


développement et mener à bien son devoir de satisfaction du besoin collectif,
des personnes aussi bien morales que physiques font tout pour échapper au
paiement de l’impôt.

C’est ainsi que ce travail présente un intérêt pratique en ce sens qu’il apporte
certaines informations sur les causes qui poussent le contribuable à éluder
l’impôt, aussi sur les procédés utilisés pour frauder, et sur les conséquences
de la fraude fiscale qui font que l’effort pourtant attendu au développement du
Maroc, peut n’être qu’une illusion.
Il constituera en quelque sorte un cri d’alarme qui pourra nous amener à
cogiter sur les méthodes les plus adéquates pour combattre ce fléau social et
économique qu’est la fraude fiscale.

5
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

*METHODOLOGIE :

La méthodologie adoptée pour l’élaboration de la présente thèse


professionnelle s’articule autour des axes ci-après :

1. Choix du sujet de la thèse avec présentation de la cible, à savoir la


détermination des causes et conséquences et moyens de lutte la
fraude fiscale ;
2. Validation de la problématique ainsi que de la méthodologie de
recherche ;
3. Recueil des informations nécessaires à partir des ouvrages et rapports ;
4. Benchmarking établi entre le Maroc et d’autres pays étrangers en
matière de fraude fiscale ;
5. Développement stratégique de la thèse professionnelle à déterminer :

¾ Distinction entre la fraude et l’évasion fiscale


¾ Détermination des causes et procédés de la fraude fiscale
¾ Détermination des conséquences de la fraude
¾ Définir les moyens de lutte contre la fraude fiscale

6
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Par conséquent, cette thèse professionnelle sera scindée en deux axes de


recherche :

La première partie présentera une approche d’ensemble sur la fraude fiscale,


en faisant la distinction entre deux phénomènes qui prêtent souvent à
confusion l’évasion et la fraude fiscale et en déterminant les diverses causes
de cette dernière.

On évoquera aussi avec un grand intérêt les développements concernant les


procédés de fraude utilisés. Un recensement minutieux en est fait, tant sur le
terrain des bénéfices et de la TVA que des droits d’enregistrements.

De même que les conséquences de la fraude fiscale aussi bien sur le plan
social que sur le plan économique.

La deuxième partie viendra logiquement étudier les moyens dont dispose


l’Etat pour tenter d’endiguer la fraude fiscale.

7
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

PREMIERE PARTIE

FRAUDE FISCALE :

DEFINITION – CAUSES – PROCEDES


ET CONSEQUENCES

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LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

INTRODUCTION DE LA 1ère PARTIE

La fraude fiscale a comme objectif, et parfois donc comme résultat d’échapper


à tout ou partie de l’obligation fiscale. Cependant des comportements de
natures diverses peuvent amener à la même issue. Différencier, juridiquement
les divers types de comportements de refus de l’impôt se révèle très
complexe.

La complexité du phénomène de fraude fiscale transparaît dans la diversité du


vocabulaire qui lui est attaché et qui fait d’elle un concept difficile à cerner.

Nous avons relevé un ensemble conséquent de termes qui ont trait à la fraude
fiscale et aux divers comportements de refus de l’impôt qui lui sont proches,
ainsi en est-il de la fraude légale ou légitime, l’évasion légale ou au contraire
illégale, l’habileté fiscale, l’évitement de l’impôt, la fuite devant l’impôt etc.… .
Cet ensemble s’apparente aux délinquances fiscales, au refus de l’impôt, aux
résistances à l’impôt, aux manifestations d’un certain antifiscalisme, aux
comportements fiscaux négatifs, qu’il faut dissocier de la simple erreur
commise par le contribuable.

Avant de prendre en considération parmi l’éventail des termes existants, les


deux formes principales de la minimisation fiscale à savoir la fraude fiscale et
l’évasion fiscale, il convient en premier lieu de définir la fraude fiscale, pour
ensuite déterminer approximativement les causes, procédés et conséquences
propres à ce comportement, qui est la fraude fiscale.

9
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CHAPITRE 1 – TERMINOLOGIE DE LA NOTION DE FRAUDE FISCALE

La fraude fiscale est le chapitre de droit fiscal le plus étudié, par les fiscalistes
bien sûr, les théoriciens aussi et les journalistes régulièrement.

Mais curieusement, si l’on a tout écrit sur ses causes, ses modalités, son
ampleur, son contrôle ou ses sanctions, les mots qui la désignent sont
imprécis et le domaine qu’elle recouvre est incertain.

Section 1 – Le concept de fraude fiscale

Les termes désignant la fraude fiscale sont imprécis, cela provient de leur
diversité.

Si l’on parle en effet de fraude, on parle aussi de fraude légale ou légitime, de


fraude illégale, d’évasion internationale, d’évasion légale, d’évasion illégale, de
paradis fiscaux ou de refuge, d’abus de droit de fuite devant l’impôt , de libre
choix de la voie la moins imposée ou encore de sous- estimation fiscale , de
fraude à la loi ou d’économie souterraine . Devant cette ambigüité de la notion
de fraude fiscale nous allons essayer de son approcher juridiquement.

Paragraphe 1 : Définition de la fraude fiscale

Autour de la fraude fiscale gravite tout un kaléidoscope d’images et de mots


qui rend très difficile la compréhension du phénomène.

Le législateur marocain touché également par la confusion terminologique du


phénomène n’a pas expressément définis la fraude fiscale. Dans le titre

10
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

premier « sanctions en matière d’assiette » du Code Général des Impôts


Marocain, les seuls actes réprimés fiscalement sont :

- Le défaut ou retard dans les dépôts des déclarations du résultat fiscal,


des plus-values, du revenu global, des profits immobiliers, du chiffre
d’affaire, des actes et des conventions ;
- L’abstention de communication des documents ;
- La rectification, l’omission, l’insuffisance ou la minoration de la base
imposable, une nuance est néanmoins introduite à ce niveau, elle
entraîne l’application d’une majoration de 100 % au lieu de 15 % des
droits correspondants au bénéfice de l’exercice lorsque la mauvaise foi
du contribuable est établie ;
- La complicité de fraude, en effet l’article 187 " Sanctions pour fraude ou
complicité de fraude " du Code Général des Impôts stipule que : " Une
amende égale à 100 % du montant de l’impôt éludé est applicable à
toute personne ayant " participé aux manœuvres destinées à éluder le
paiement de l’impôt, assisté ou conseillé le contribuable dans
l’exécution desdites manœuvres, indépendamment de l’action
disciplinaire si elle exerce une fonction publique " , il est à signaler que
la répression prévue par cet article concerne le complice à la fraude
fiscale et non pas le contribuable fraudeur.

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LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

En droit comparé, plus précisément en droit français la fraude fiscale est


défini par l’article 1741 du Code Général des Impôts qui dispose que : "
quiconque s’est frauduleusement soustrait ou tenté de se soustraire
frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt,
soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais
prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une partie des sommes
sujettes à l’impôt, soit qu’il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par
d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt , soit en agissant de toute
autre manœuvre frauduleuse . "

Paragraphe 2 : Les éléments constitutifs de la fraude fiscale

En droit général, la qualification possible de la fraude fiscale fut fondée sur


trois éléments à savoir l’élément légal, l’élément matériel et l’élément
intentionnel.

a - L’élément légal :

La fraude fiscale est acte de mauvaise foi qui s’exerce à l’encontre d’un objet
en l’occurrence la loi, et n’existe que s‘il y’a une règle obligatoire à laquelle on
tente de se soustraire.
La loi constitue donc l’élément légal.

L’élément légal est une nécessité évidente. Le principe de la légalité des


incriminations offre au contribuable une garantie contre les abus toujours
possibles de l’Etat, puisque la répression n’est possible que sur la base d’un
texte législatif d’incrimination.

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LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

En droit marocain, bien que le législateur marocain n’invoque pas


expressément la fraude fiscale, nous pouvons dire que les articles 186 et 187
du Code Général des Impôts marocain constituent l’élément légal.

Par contre, en droit français l’élément légal est prévu fiscalement et


pénalement. La fraude fiscale en droit français fait l’objet d’une double
répression, l’article 1729 du Code Général des Impôts réprime la fraude
fiscale par des majorations fiscales. Au contraire, l’article 1741 institue une
répression pénale.

Face à cette dualité de textes et de sanctions en droit français, la question


s’est posée de savoir si la notion de fraude fiscale avait une unité. N’y’a-t-il
pas deux notions de fraude fiscale ? L’une pénale et l’autre fiscale ?

La doctrine française se prononce le plus souvent pour l’unité, les articles


1729 et 1741 du Code Général des Impôts réprimeraient le même délit de
fraude fiscale.

b - L’élément matériel :

La fraude ne doit pas être latente, pour être condamnable il faut qu’un fait
extérieur
la révèle : l’élément matériel. Ainsi les deux principales manifestations de la
fraude fiscale sont l’omission ou l’action.

- La fraude pour omission est très fréquente, surtout en matière de


TVA.
Elle représente en moyenne près de 50% des chefs de redressement
après vérification par l’administration fiscale. Elle peut prendre deux
formes : l’omission de déclaration ou l’omission d’un élément d’assiette.

13
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

1) L’omission de déclaration est constitutive du délit de fraude fiscale si


volontairement, elle permet de se soustraire au paiement de l’impôt.

2) L’omission d’un élément d’assiette est très courante. Surtout en matière de


droits d’enregistrement où l’on parle « d’insuffisance d’évaluation ».

- En général, la fraude par action conduit à des dissimulations en


matière imposable. Cette dissimulation peut être matérielle ou juridique.

1) La dissimulation matérielle porte notamment sur les bénéfices. Elle est


obtenue directement par la minoration de recettes ou de stocks et
indirectement par la majoration des charges.

3
2) La dissimulation juridique par acte déguisé se ramène à l’abus de droit ( ).
Les parties s’entendent pour cacher la véritable nature du contrat.

Cependant, les manifestations de l’élément matériel peuvent tenir de la simple


tentative, l’article 1741 du Code Général des Impôts français sanctionne
« quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire
frauduleusement à l’établissement au paiement … des impôts ». Autrement
dit, la tentative de fraude est punissable.

Cette extension pose d’ailleurs un problème de frontière. Entre les actes


préparatoires à un délit, le commencement d’exécution et la consommation de
ce délit, où se situe en effet la tentative ?

3
C. Scailteur, le choix de la voie la moins imposée, Mélanges P. Sibille, Bruxelles, 1981,
P.799.

 
14
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

La jurisprudence considère que la tentative à la fraude se situe avant la date


de souscription de la déclaration fiscale, passé ce délai, pour la Cour de
Cassation, le délit de fraude fiscale est consommé.

Souvent, le problème de la définition de la tentative est facilité dans la mesure


où des actes qui préparent la fraude sont déjà érigés en délits distincts. Ainsi
l’article 1743 -1° du Code Général des Impôts Français punit de peines
pénales « quiconque a sciemment omis de passer …..des écritures ou a
passé des écritures inexactes aux livres comptables. »

Les manipulations comptables sont donc sanctionnées indépendamment de la


répression de la tentative de fraude.

c - L’élément intentionnel :

Enfin, la fraude fiscale suppose un acte intentionnel de la part du contribuable,


traduisant sa volonté de contourner de manière délibérée et intentionnelle la
loi, afin d’éluder le paiement de l’impôt. Pour reprendre une définition utilisée
par le Conseil Européen des Impôts en 1977, " il y’a fraude dés lors qu’il
s’agit d’un comportement délictuel délibéré ".

Malgré la définition précisée en sus, l’élément intentionnel reste l’élément le


plus délicat de la fraude fiscale. Il divise la doctrine, et le droit positif n’est pas
définitivement fixé.

1) L’analyse doctrinale :

Le droit pénal général distingue, les infractions matérielles, des infractions


intentionnelles. L’analyse vaut pour le délit de fraude fiscale qui fait l’objet de
deux appréciations différentes : objective et subjective.

15
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

- L’approche objective du délit de fraude fiscale conduit à se


désintéresser de son caractère intentionnel, l’élément matériel suffirait.
Dés lors qu’une norme fiscale a été violée peu importe l’intention, de
même que le fait de démontrer l’intention frauduleuse est en pratique
très délicat.

- L’approche subjective, elle exige du contribuable qui fraude une


double connaissance. Il doit savoir au moment de l’acte qu’il contrevient
à la loi fiscale, mais il doit vouloir en plus ce résultat et que son acte ait
été commis librement sans contrainte : la fraude fiscale devient là une
volonté consciente de commettre le fait prohibé par la loi.

2) Les solutions du droit positif :

En droit positif la thèse subjective s’est imposée à condition que les


autorités concernées en cas de fraude fiscale apportent la preuve du
caractère intentionnel de la soustraction au paiement des impôts.

L’élément intentionnel doit être montré par tous les modes de preuve
susceptibles de former l’intime conviction du juge, que l’infraction a été
commise intentionnellement, c'est-à-dire dans le dessein de se soustraire à
4
l’impôt ( ).

En dépit de la multitude des approches tendant à définir la fraude fiscale celle-


ci demeure ambiguë, et prête à confusion avec divers termes dont l’évasion
fiscale.

4
– J.P. Casimir, le libre annoté des procédures fiscales, 1982, P 191

 
16
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Section 2 – La distinction entre Fraude fiscale et évasion fiscale

En réalité, la distinction entre fraude fiscale et évasion fiscale n’est pas une
tache aisée aussi bien sur le plan pratique que théorique, à tel point que
l’association fiscale internationale réunie à Venise en 1983 a renoncé à en
proposer une définition. Après deux jours de travaux menés par nombre
5
d’auteurs cette quête a été abandonnée ( ).

Toutefois et pour des raisons de commodité, l’évasion fiscale dite fraude


légale ou légitime a d’abord désigné, entre les deux guerres la forme
6
internationale de la fraude. C’est le sens que lui donnaient M. Lerouge. ( )

Toutefois, le plus souvent l’évasion fiscale est entendue comme l’art d’éviter
de tomber dans le champ d’attraction de la loi fiscale.

Enfin dans un troisième sens, que lui donne notamment M. Duverger,


l’évasion fiscale devient un terme générique désignant l’ensemble des
manifestations de fuite devant l’impôt. La fraude légale lato sensu va alors
jusqu’à englober la fraude illégale.

Au sens intermédiaire le plus fréquemment retenu la fraude légale permet


d’éviter l’impôt selon trois modalités :

- Soit la loi fiscale aménage elle-même la fraude légale par un régime


fiscal de faveur, le contribuable prend connaissance de ce régime et en
bénéficie compte tenu de son activité.

5
– Voir Dictionnaire encyclopédique de finances publiques, Economica. Paris. 1991, P855
sous la direction de loie Philip

6
– Lerouge, Théorie de la fraude en droit fiscal, P.156
 
17
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

- Soit plus simplement, le contribuable s’abstient d’accomplir l’activité,


l’opération ou l’acte taxable.

- Soit enfin, la fraude légale se produit par la manipulation des failles du


système fiscal ce qui permet au contribuable de se soustraire à
certaines obligations en matière d’impôt sans contrevenir à la loi. Elle se
7
ramène à l’habilité fiscale ou au choix de la voie la moins imposée ( ).

Au vu de ce qui précède, la fraude légale se situant aux confins de la légalité,


fondée sur l’habileté fiscale et l’expression est synonyme d’évasion fiscale. La
définition, fournie par BARILARI et DRAPE éclaire ce point :

« Action visant à soustraire à l’impôt tout ou partie de la matière


imposable sans contrevenir formellement à la loi. En ce sens, l’évasion
fiscale se distingue de la fraude fiscale, qui implique un comportement,
actif ou passif, en infraction avec les règles fiscales. »

Concernant la fraude illégale, expression pléonastique, elle désigne la


violation directe et ouverte de la loi fiscale. Le terme fraude illégale est
employé en symétrie par rapport à l’expression fraude fiscale.

Malgré les diverses définitions apportées, la confusion entre les deux notions
ne s’efface que partiellement et il reste difficile de dépasser l’indétermination
des phénomènes, c’est pour cette raison que nous essaierons d’approcher les
deux comportements autrement, en analysant les points communs et les
divergences entre la fraude fiscale et l’évasion fiscale, sachant que l’une
comme l’autre aboutit à éluder la totalité ou une partie de l’impôt dû par le
contribuable.
7
– B. Navatte, la fraude et l’habilité en droit fiscal Dalloz 1951. Chronique P.87

 
18
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 1 : Les éléments communs

La fraude et l’évasion fiscale présentent un certain nombre de caractéristiques


communes.
La première de ces particularités est que toutes deux procurent un gain au
contribuable, donc une économie par rapport à la dette fiscale initiale du
contribuable : la motivation financière est donc présente dans les deux cas.

En second lieu, la fraude comme l’évasion fiscale découlent toutes les deux
de l’existence de l’intention préméditée d’éluder l’impôt.

La réaction négative face à l’impôt constitue également un élément en


commun entre la fraude et l’évasion fiscale, tout contribuable qui dans le but
d’échapper à l’impôt utilisera l’une ou l’autre des « méthodes ». Si la pratique
de l’évasion requiert de son auteur une connaissance très profonde de la
législation fiscale, et l’art de la détourner à son profit, la fraude fiscale suppose
un sens du risque.

En effet, si la fraude fiscale consiste en un acte isolé intervenant à posteriori,


l’évasion fiscale suppose une action organisée à priori consistant en une fuite
avant l’impôt, cette action peut intervenir au moment même de l’élaboration de
la loi fiscale, ainsi en France par exemple, à l’Assemblée Nationale,
"les attachés parlementaires délégués par les organisations les plus
puissantes défendent jalousement les intérêts de leur mandants. Leur rôle :
sur les dossiers qui les concernent, essayé de faire passer les amendements
rédigés par leurs soins aux différentes étapes de l’élaboration d’un projet de
loi. "

19
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : Les divergences

Les divergences entre la fraude fiscale et l’évasion fiscale seront analysées à


partir des éléments suivants :

- L’acte : Il s’agit d’évasion fiscale lorsque intentionnellement, le


contribuable utilise d’une manière abusive les lacunes du dispositif fiscal
national, et l’existence de systèmes fiscaux variables selon les différents
pays. Quant à la fraude fiscale, elle suppose un comportement
intentionnel consistant à dissimuler une partie des recettes ou à
majorer les charges.
- La légalité : Sur un plan juridique la légalité de l’acte constitue un critère
de séparation : la fraude est illégale car elle constitue une transgression
des dispositions fiscales, alors que l’évasion fiscale est aux regards de
la législation comme n’enfreignant pas la loi, elle est donc légale autant
qu’habile.
- La sanction : c’est la notion d’infraction qui sépare, en droit, la fraude et
l’évasion fiscale.

La qualité d’infraction ne s’applique qu’à la fraude fiscale qui est susceptible


de sanctions soit fiscales, soit pénales. Alors que l’évasion fiscale ne fait pas
l’objet de répression.

Donc, évasion et fraude fiscales se confondent : l’évasion serait une variante


de la fraude, puisque chercher à éluder l’impôt par quelque moyen que ce soit
revient à frauder.

20
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Dans la pratique, les contribuables qui s’offrent le luxe de frauder le fisc par le
canal de l’évasion fiscale sont peu nombreux, vu que cette pratique nécessite
des contribuables bien informés juridiquement et fiscalement ou du moins qui
ont les moyens de se payer les services des cabinets de conseil dans ce but.

En conclusion, dans la suite de notre développement, nous retiendrons


uniquement la notion de la fraude fiscale, étant entendu que comme soulignée
plus haut l’évasion fiscale ne constitue qu’une variante de la première.

21
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CHAPITRE 2 – LES CAUSES DE LA FRAUDE FISCALE

Pourquoi s’intéresser aux ressorts de la fraude fiscale ? La question peut se


poser dans la mesure où la fraude est d’abord un phénomène illégal, qui
pénalise les organismes publics, alourdit la charge de la contribution
commune pour l’ensemble des contribuables et vient rompre le principe
fondamental d’égalité devant l’impôt. Dans ces conditions,
le rôle des services en charge doit être de lutter contre ces comportements,
quelles qu’en soient les causes et les ressorts.

Pourtant, faute de comprendre les causes de la fraude fiscale, les autorités


publiques risquent en matière de lutte contre la fraude, de s’en tenir aux
symptômes sans en traiter les causes réelles au risque de mettre en place
des stratégies inadaptées.

En effet, les causes de la fraude fiscale « sont certainement multiples, c’est


pourquoi il serait hasardeux de se risquer à affirmer que tel ou tel facteur est
prédominant parmi la longue liste de ceux qui sont traditionnellement avancés
comme par exemple, l’inadaptation du système fiscal, le refus des contraintes,
l’idéologie, l’antiétatisme, les mentalités, le goût du risque, la conjoncture
8
économique, la pression fiscale, ou encore l’appât du gain » ( ). De même
qu’on ne saurait avancer que chacune des causes influe séparément sur le
contribuable et l’incite à frauder, il s’avère qu’en général, les diverses causes
s’imbriquent entre elles, se complètent et donnent en conséquence un aspect
complexe du phénomène de la fraude fiscale.

8
– BOUVIER : Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt L.G.D.J.2004 P
.154

 
22
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Certaines causes ne sont pas facilement perceptibles dès lors qu’elles


tiennent à des aspects psychosociologiques, d’autres par ailleurs, subissent
des fluctuations quant à l’importance de leurs effets en fonction des données
soit législatives, techniques, économiques ou conjoncturelles.
Ce qui semble sûr, c’est que les causes prévalant dans les pays avancés, ne
sont pas forcément identiques à celles qui engendrent la fraude fiscale au sein
des pays en voie de développement. Donc l’importance des causes et
explications du phénomène revêtent un caractère relatif dès l’instant où l’on se
place dans des environnements différents.

Ceci dit, Nous allons essayer d’aborder les différentes causes de la fraude
fiscale à travers une optique dualiste :

- Les causes imputables au contribuable en fonction des contraintes et


données d’ordre socio - psychologique ;
- Les interdépendances des systèmes politique, économique et financier ;
- Les causes imputables à l’Administration, en tant qu’une organisation
disposant d’un arsenal matériel, technique et réglementaire.

23
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Section 1 – Les causes imputables au contribuable

La fraude fiscale est le fait du contribuable .Ce dernier justifie ou explique son
geste par des facteurs culturels, historiques, psychologiques et économiques
qu’il subit, ou alors par son attitude à l’égard de l’environnement social et
institutionnel qu’il réprouve généralement.

Paragraphe 1 : Les causes d’ordre culturel et historique

D’une manière générale, tous les peuples ont été façonnés par des facteurs
culturels et historiques, de sorte qu’ils adoptent actuellement une attitude
variable à l’égard de l’impôt.
Le sentiment d’hostilité à l’égard de l’impôt ne date pas d’hier, et ce quelque
soit le contexte dans lequel on se place .Comme le souligne G.ARDANT, les
situations dans lesquelles s’opérait le prélèvement dans toute sa forme,
n’avaient pas pour préalable l’assentiment du contribuable, celui-ci supportait
9
sans autre moyen de détour la contrainte du prélèvement ( ).
Indépendamment de ces conditions, l’impôt donne l’impression d’être
« la contrainte la plus pénible » de par sa nature même. Cette attitude
négative et antagoniste vis-à-vis de l’impôt, a suscité des réactions violentes,
10
tel le mouvement POUJADE en France ( ).

9
– G.ARDANT : Théorie sociologique de l’Impôt.
10
 – Le poujadisme : Du nom de Pierre POUJADE, est un mouvement politique et syndical
français, apparu en 1953 dans le Lot et qui disparaît en 1958. Ce mouvement revendiquait la
défense des commerçants et des artisans, qu’il considérait mise en danger par le
développement des grandes surfaces dans la France de l’après guerre.  
24
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ce sentiment d’hostilité à l’égard de l’impôt, n’est pas présent uniquement


dans l’histoire des pays développés, il s’est également manifesté au sein des
pays en voie de développement sous de formes spécifiques.

Le Maroc a eu à connaître d’un système fiscal traditionnel jusqu’au début du


20ème siècle.
A l’instar des pays musulmans, la fiscalité marocaine comprenait d’une part un
système fiscal d’essence religieux, et d’autre part de nouvelles contributions
créés à l’initiative des sultans. On distinguait dans cette dernière catégorie les
impôts de souveraineté.

Les impôts à caractère religieux étaient la « ZAKAT » (impôt sur les troupeaux
d’animaux) et « l’ACHOUR » (impôt sur les récoltes ou le produit de la terre
productive) : ces impôts étaient dus par les musulmans uniquement.

Les impôts de souveraineté étaient constitués principalement par le


« KHARADJ » (impôt foncier auquel étaient soumis les non musulmans en
terre d’Islam), et la « JEZYA » (impôt de capitation).
A ces deux impôts s’ajoutaient à titre ponctuel, la « HEDYA », la« MOUNNA »,
la « SOUKHRA » et la « HARKA ».

25
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ce système tel qu’il était conçu, incitait à des formes différentes de résistance
selon u’il s’agissait des musulmans eux-mêmes, ou de non musulmans.

1) LES CONTRIBUABLES MUSULMANS :

L’institution des contributions de souveraineté était édictée par un souci de


combler le manque ressenti par le Trésor Chérifien suite aux insuffisantes
ressources procurées par les impôts d’origine religieuse. A leur tour ces
impôts suscitaient une attitude peu favorable de la part des contribuables
musulmans pour les raisons suivantes :

- Les contributions religieuses répandaient une sorte de discrimination


sociale, puisque des exemptions étaient prévues au profit d’une
catégorie de personnes, « les villes jouissaient d’un privilège fiscal
réel ». d’une manière générale, l’impôt dans sa totalité ne pesait que sur
les paysans à pratique, autrement dit ceux qui y étaient assujettis
relevaient des couches inférieures de la société d’où le caractère
humiliant de l’impôt pour cette tranche sociale.

- Les systèmes d’assiette et de répartition des contributions de


souveraineté particulièrement la « HEDYA » (donation faite par les
musulmans et les non musulmans aux souverains à l’occasion des
fêtes musulmanes) étaient si injustes qu’ils incitaient à la fraude.
Le montant de l’impôt était déterminé à l’avance, et il incombait aux
tribus de s’en acquitter une fois que l’autorisation eut été donnée aux
oumanas de procéder à son recouvrement.

26
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ce système avait des conséquences telles que quelques membres fuyaient


leur tribu pour échapper à l’impôt. Il s’en suivait que ceux qui y restaient,
étaient obligés de supporter les quotités des membres qui avaient fui.

- Les impôts religieux qui étaient imposés à l’époque se payaient en


nature. Cependant suite aux difficultés financières qu’avait connues le
Trésor en 1860, il fut décidé en 1865 de recouvrer la « ZAKAT » et
« l’ACHOUR » en argent et ce avec toutes les difficultés pratiques qui
s’en suivaient. Ainsi un autre système allait supplanter
le précèdent : « au lieu de calculer l’impôt sur le produit réel des terres
et des troupeaux, l’état va le fixer à forfait et en fonction de ses besoins
». D’un impôt religieux prélevé en nature, la « ZAKAT » et
« L’ACHOUR » vont se transformer en une taxe arbitraire, cette
mutation va entrainer de graves conséquences sur un équilibre déjà
précaire entre une catégorie de la population qui supporte réellement
l’impôt et l’état, car il faut souligner que la « ZAKAT » n’était pour les
habitants des villes qu’une « obligation religieuse dont ils s’acquêtaient
11
bénévolement sous forme d’aumônes ». ( )

A cela il faut ajouter le rôle de certains gouverneurs de tribus en tant que


complices des fraudeurs. Il appartenait en effet à ces gouverneurs d’effectuer
la répartition des impôts entre les tribus et au sein d’une même tribu.

11
 - G.AYACHE : Etudes d’histoire marocaine. Société Marocaine des Editeurs réunis 
27
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

2) LES CONTRIBUABLES NON - MUSULMANS :

Ils étaient assujettis aux deux contributions de souveraineté le «KHARAJ » et


la « JEZYA », ces deux types d’impôts formaient un système fiscal rigoureux –
du fait qu’ils étaient souvent l’objet de modification dans le sens de la hausse,
et dont la sanction était du ressort de l’autorité du Sultan.

Le caractère contraignant de ce système fiscal constituait un facteur parmi


d’autres de la conversion à l’Islam. Mais il s’avéra que cette conversion ne
changea rien à la condition des assujettis à ces deux contributions, puisque le
« KHARADJ » ne sera plus considéré comme une charge due par l’usager
mais par la terre elle-même.

L’application du « KHARADJ » devenait de plus en plus difficile, celle – ci se


heurtait à la résistance des nouveaux convertis, qui n’acceptèrent pas d’être
traité différemment du commun des anciens musulmans.

Donc, initialement les non musulmans s’étaient convertis à l’Islam pour


échapper au poids excessif de ces contributions, mais il s’avéra que ceux –ci,
étaient dans l’obligation de la supporter après, et ce à cause de la
discrimination dont ils étaient l’objet. C’est ainsi que le « KHARADJ » malgré
quelques réformes, sera abandonné et remplacé par la « NAIBA ».

Ce nouvel impôt allait connaître la même issue que le « KHARADJ ». En effet,


son recouvrement était aussi difficile et nécessitait souvent des expéditions
punitives. Cette résistance était aggravée par l’abus des agents chargés du
recouvrement et de la liquidation de la « NAIBA ».

28
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Généralement, les facteurs culturels ont pour effet de pousser le contribuable


des pays en voie de développement à adopter une attitude qui légitime
la fraude fiscale.

D'autres éléments renforcent cette attitude. Dans le passé récent de certains


pays, l'impôt prélevé sous la colonisation était la manifestation même de
l’oppression. Les grève de l’impôt, pratiquées sous l'influence des nationalistes
représentaient une des manifestations de résistance contre le colonisateur,
« certains dirigeants de mouvements nationalistes avaient laissé croire
à la population qu’elle n’aurait plus d’impôt à payer après l’indépendance,
d’autres l’avaient promis formellement tel était le cas à Madagascar du parti de
masse, puisque le Mouvement Démocratique de la Rénovation Nationale ,
crée en 1946 , garantissait à ses membres une totale immunité fiscale après
l’indépendance. »

Ceci dit, que « d'arme de combat », la grève de l'impôt a été dénaturée en


un instrument de démagogie ". De tels agissements ont sans doute eu une
incidence négative sur la conception de l'impôt par le contribuable des pays en
voie de développement, mais bien plus, leur effet s'est aggravé et a incité les
citoyens à l'incivisme fiscal, surtout dans les états nouvellement crées.

On conçoit ainsi que la fraude fiscale qui sévit au sein des pays en voie de
développement, y compris le Maroc, s’explique par des causes plus au moins
abstraites mais qui sont ancrées dans l’inconscient des citoyens. Ces causes
façonnent fatalement un contribuable dont le profil répond parfaitement à celui
dont les actes antifiscaux ne sont pas réprouvés par sa propre conscience.

29
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : Les causes psychologiques

On a souvent insisté sur la primauté de la mentalité du contribuable pour


expliquer le phénomène de la fraude fiscale. L’ensemble des facteurs qui
concourent à façonner cette mentalité du contribuable sont appelés causes
psychologiques.

Il est sûr que toute fiscalité produit des effets sur le contribuable quelque soit
son niveau.

Pris isolément le contribuable peut avoir une perception favorable à l’égard de


l’impôt ou au contraire en ressentir une répugnance.

De même que la société au sein de laquelle le contribuable évolue, peut


adopter une attitude sévère ou indulgente envers le contribuable fraudeur.

Il ne serait pas exagéré de dire, que dans n’importe quelle société, se


manifeste, ne serait ce que tacitement, un sentiment d’indulgence envers la
fraude fiscale et les fraudeurs.

Cette attitude est plus accentuée au sein des pays en voie de développement.

Il vient à l’esprit à ce niveau de tenter la comparaison suivante : le fraudeur


est-il un voleur ?

Ce n’est pas le cas, surtout au sein d’une société où la propriété privée est
sacrée.
On réprime donc sévèrement le vol, mais on ne l’apparente pas à la fraude
fiscale.

30
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

En effet, Pour un grand nombre de citoyens la conscience fiscale est moins


rigoureuse que la conscience morale. Beaucoup de contribuables n’ont pas le
sentiment de commettre une faute morale de la même gravité en soustrayant
au fisc la matière imposable qu’en dévalisant leurs voisins ou en puisant
directement dans les caisses publiques.

On relève une boutade d’un auteur anglais du 19ème siècle qui a écrit : « le
fraudeur fiscal me plaît, c’est un voleur honnête, car il ne vole que l’état qui
12
n’est qu’une abstraction. » ( )

Dés lors que la société adopte une telle attitude, le fraudeur se sent en
quelque sorte cautionné, et protégé « civilement ». Il agira et se vantera de
ses exploits au su de tout le monde.

Ceci nous conduit à nous pencher sur la notion de morale telle qu’elle est
conçue en matière fiscale au sein d’une société. La définition que nous
proposons nous parait répondre à cette question sans équivoque : « la morale
fiscale est l’attitude d’un groupe ou de la totalité des contribuables
devant le problème de l’accomplissement ou de la négligence de leurs
13
obligations fiscales. » ( )

Par extension, la morale fiscale débouche sur une appréciation morale du délit
en matière fiscale : le contribuable approuve t-il ou non le délit en question ?

La réponse à cette question se fait en partant de la hiérarchisation du délit


fiscal au sein d’une société déterminée. Ainsi, SCHMOLDERS en se basant
sur les sondages qu’il a entrepris sur une certaine population, est arrivé à la
conclusion suivante : « le délit en matière fiscale n’est nullement considéré
comme un « délit », mais un coup réussi par un commerçant débrouillard.»

12
 – B.TADDEI : La fraude fiscale. Librairie technique 1979 
13
– SCHMOLDERS : Psychologie des Finances et de l’Impôt .Coll. Sup. P.U.F
 
31
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Cette conception en matière de délit fiscale est encore vérifiée lorsqu’on


constate « qu’un citoyen honorable ne perd rien de l’estime qu’on peut lui
porter s’il commet une fraude fiscale. »

Dés lors, frauder est une opération dont les conséquences sociales sont
pratiquement neutres, sinon favorables, du moment que la morale sociale ne
la réprouve pas.

Le Maroc connaît également l’existence de cette échelle de valeurs, en vertu


de laquelle le fraudeur du fisc est jugé comme un homme qui s’adapte
aisément à un système, qui réussit dans la société, et qui remplit dès lors
toutes les conditions pour s’offrir en exemple.

A ce niveau on est enclin à nous demander, quels sont les soubassements de


cette morale fiscale, et où trouve t- elle sa justification au regard du
contribuable et de l’opinion publique ?

Les auteurs sont partagés quant à cette question, certains avancent des
arguments objectifs, d’autres mettent l’accent sur des applications d’ordre
subjectif.

32
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

a-Les facteurs objectifs :

En effet, pour un certain nombre d’auteurs, tel M. GAUDUMET, la tendance à


ne pas respecter la loi fiscale réside dans ses propres caractéristiques. Ce
constat découle d’une approche comparative avec la loi en général.

Selon M. GAUDUMET, la valeur de la loi en général tient aux trois points


suivants :

1) Sa généralité
2) Sa permanence
3) Son impartialité

Or, selon le même auteur, la loi fiscale ne remplie pas ces conditions.
Premièrement, elle n’est pas générale, dans la mesure où il y a une tendance
à personnaliser l’impôt : la loi fiscale essaie d’adapter la charge fiscale à
chaque situation individuelle. Cette même loi est souvent source de
discrimination, créant des positions privilégiées pour certains contribuables.

Deuxièmement, la loi fiscale n’est pas permanente, elle est souvent sujette
à des remaniements : tel acte ou tel cas aujourd’hui taxé est exonéré au bout
de quelque temps. M. KTIRI reconnaît concernant la loi fiscale marocaine que
« le propre de la fiscalité marocaine est d’être continuellement retouchée,
manipulée, triturée dans l’intervalle d’une loi de finances qui supprime, corrige
14
précise et complète ». ( )

14
 – EL KTIRI .M : Fiscalité et développement au Maroc .Rabat, éd. Maghrébines ,1982 
33
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Enfin, elle manque d’impartialité, « l’application de la loi fiscale est imposée


par l’état législateur et par l’état juge a son propre profit ». De telle sorte que
les liens qui s’établissent entre le contribuable et l’administration fiscale
reposent sur un jeu du plus rusé contre le plus fort.

Ces critiques adressées à la loi fiscale appellent à plusieurs remarques. Il est


souhaitable de parvenir à une certaine stabilité de la règle fiscale, encore faut
– il que cela ne nuise pas aux impératifs de justice et de lutte contre la fraude :
c'est-à-dire que la loi fiscale devrait se situer dans un juste milieu.

b-Les facteurs subjectifs :

Le consensus social anti –fiscal peut également s’expliquer pour des raisons
subjectives :

L’utilisation des fonds publics peut constituer une légitimation de la fraude


fiscale. Faisant référence à des enquêtes qu’il a entrepris, M.DUVERGE, note
que « les motifs ont tous trait au mauvais emploi fait par l’état du produit des
impôts ».

Cette idée peut germer dans l’esprit du contribuable à partir des expériences
auxquelles s’est livré l’état, mais sa conception diffère bien entendu selon qu’il
s’agisse de contribuable détenteurs de gros revenus ou ceux détenteurs de
faibles revenus. Ainsi pour les premiers, « la paupérisation par l’impôt » est
ressentie de manière différente de la seconde catégorie de contribuables.

34
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

S’agissant des contribuables de gros revenus, on relate à cet égard


la réflexion d’un industriel Sud-Américain qui dit que : « la croissance de notre
pays est fondée sur le fait que nous ne payons pas d’impôt. Si nous le
payions, le gouvernement les dépenserait dans de stupides entreprises, telles
que …. ».

Donc le contribuable aisé des pays en voie de développement préfère garder


l’équivalent de la grande part de l’impôt au lieu de la verser à l’état, en
considérant que l’épargne faite sur la base de l’impôt non payé servira à
d’autres projets d’investissement.

Le contribuable détenteur de faible revenu lui est convaincu en plus du fait


qu’il y’a un gaspillage des deniers publics, qu’il ne profite pas équitablement
du fruit de l’impôt qu’il paye, un sentiment de frustration et d’injustice le
conduira à adopter une position hostile à la communauté. Il érigera par
conséquent la fraude fiscale comme une réaction légitime contre une société
où il se sent exclu.

Donc, en général le contribuable attend de sa contribution un « juste retour »,


s’il estime que les pouvoirs publics font trop peu avec les recettes qu’ils
perçoivent, ou que lui-même ne reçoit pas assez de biens et services publics
par rapport à sa contribution, ceci influencera négativement sa volonté de
respecter ses obligations fiscales et créera une tolérance de la fraude fiscale
par l’opinion publique.

35
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Section 2 : Les causes non imputables au contribuable

Pour certains auteurs, la fraude fiscale traduit un réflexe habituel du


contribuable qui se croit surimposé. Il est, généralement, admis que la fraude
à l’impôt constitue pour ce dernier une soupape de sûreté et le moyen le plus
efficace de défense contre une pression fiscale excessive résultant , le plus
15
souvent , d’un accroissement permanent des dépenses publiques. ( )

A ce titre, André .MARGAIRAZ fait observer que : « la soustraction fiscale a


augmenté encore avec le développement des impôts synthétiques établis
d’après les déclarations des contribuables. Elle s’est accrue surtout avec
l’augmentation des taux, les difficultés économiques, l’inflation qui bouleverse
16
les évaluations et l’insuffisance du contrôle fiscal » .( )

A cet effet, il nous appartient d’intégrer dans cette approche explicative de la


fraude fiscale une hypothèse qui paraît plausible concernant les causes non
imputables au contribuable, et qui sont relativement liées à son environnement
politique, économique et financier.

15
 – CHOTIN.R : Le fisc, la petite entreprise et l’expert comptable : jeux d’acteurs et
stratégies judicieuses. LGDJ 1994 P.165. 
16
– MARGAIRAZ op.cit.p. 12
 
36
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 1: Les causes afférentes aux systèmes politique,


économique et financier marocain

Au-delà des causes historiques et psychologiques, ce sont souvent les causes


politiques, économiques et financières qui ont une incidence décisive sur le
comportement du contribuable, et précisément le contribuable marocain.

En effet, la fraude fiscale en tant que phénomène social complexe peut être
appréhendée dans sa totalité, à travers les interdépendances des systèmes
politique, économique et financier.

a-La pression fiscale excessive :

Depuis l’indépendance, les caractéristiques principales des exigences du


système politique marocain résidaient dans la volonté d’assurer la sécurité de
l’état au moyen du renforcement de son appareil administratif et la sauvegarde
du pouvoir d’achat de la grande masse de la population par la subvention des
produits de large consommation ou stratégique.
En effet, les besoins de la défense nationale du fait de la récupération des
provinces sahariennes sont devenus des facteurs d’importance croissante qui
ont pesé lourdement sur le financement intérieur : La courbe des dépenses
militaires n’a pas cessé d’augmenter.

37
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Durant cette même période, le rôle de l’Etat dans le domaine de


l’investissement s’est fortement accru. Pour une grande part, cette
participation a pris la forme de transfert du trésor aux entreprises publiques ou
semi publiques destinés au financement de leur investissement et parfois à la
couverture de leur déficit de fonctionnement.

Il est à préciser également que le taux démographique de la population


marocaine a progressé d’une façon extrêmement rapide, causant ainsi :

- Au niveau de la répartition des revenus, une grande disparité entre les


classes sociales ;
- Au niveau de la consommation des ménages, la paupérisation d’une
grande partie des ménages marocains en milieu urbain et rural.

Sous l’effet combiné de ces deux facteurs, les pouvoirs publics ont procédé
par une politique de subvention au maintien des prix des produits alimentaires,
c’est ainsi que grâce à une subvention moyenne annuelle de l’ordre d’un
milliard de dirhams, les prix du pain , du sucre et de l’huile n’ont connu qu’une
faible hausse , alors que les prix unitaires de ces mêmes produits à
l’importation ont été multipliés par quatre.

Ces options stratégiques, qui s’inscrivent dans la logique de l’état providence


ont fini par engendrer un dysfonctionnement du système politique en terme de
politique du financement et de déficit du trésor.

38
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Cependant, malgré les recommandations des organisations internationales


concrétisées par le PAS, la période 1980 – 2002, a enregistré une tendance à
la hausse de la part des dépenses ordinaires dans les dépenses totales au
détriment de celles de l’investissement.

En parlant d’investissement, les différents codes d’encouragement des


investissements qui se sont succédés depuis l’indépendance ont engendré un
manque à gagner non négligeable pour les caisses de l’Etat suite aux diverses
exonérations octroyées, sans pour autant réussir à attirer les capitaux là où on
l’escomptait. L’expérience dans un nombre de pays a démontré que les
facteurs qui incitent les investisseurs à s’installer dans tel ou tel pays ne sont
pas souvent de nature fiscale mais ils ont plutôt trait à la stabilité politique,
à la souplesse des administrations, et à l’existence de mains d’œuvre
qualifiée.

Pour essayer de remédier aux diverses difficultés budgétaires de cette


période, l’état avait mis une politique qui s’était engagée dans une approche
d’augmentation des taux d’imposition et de création de nouveaux impôts.

La conséquence normale de cette transformation fiscale était l’accroissement


du phénomène de la fraude fiscale, ce qui a encore rendu le système fiscal
inopérant et incapable de répondre aux exigences du système politique en
termes de financement public et de développement économique.

39
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Actuellement, si l’on compare le Maroc à des pays voisins et à niveau de


développement économique quasi-similaire la Tunisie ou encore l’Egypte, on
peut affirmer que la pression fiscal au Maroc est une contrainte très pesante
pour les acteurs économiques, en l’occurrence :
- Les entreprises, selon leur nature juridique et leur importance
économique (grande entreprise, PMI, PME) ;
- Les salariés ;
- Les ménages en tant que cellule de dépense

En effet, l’IR applicable aux revenus des personnes physiques (généralement


salaires des particuliers) et aux sociétés de personnes (société en nom
collectif, société en commandite simple et société en participation) varie de
25% pour les revenus de 1.500 à 3.750 dirhams, à 42% pour les revenus
supérieurs à 10.000 dirhams, en passant par un taux de 35% pour
les revenus compris entre 3.750 et 5.000 dirhams et 40% pour ceux situés
entre 5.000 et 10.000 dirhams.
L’IR est calculé sur le salaire brut et prélevé tous les mois et directement des
salaires.

40
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Les sociétés de personnes doivent encore s’acquitter d’un autre IR, dit sur le
revenu annuel, et ce en fin d’année avec une cotisation minimale de 0,25 à
0,5% du chiffre d’affaires.

L’IS de 35% des bénéfices, s’applique à toutes les sociétés de capitaux, aux
établissements publics et aux autres personnes morales et, sur option, aux
sociétés de personnes. En plus de ces deux principaux impôts, toute personne
physique ou morale, de nationalité marocaine ou étrangère qui exerce une
profession ou un commerce, doit s’acquitter de la patente.

D’autres taxes dites locales atterrissent dans les coffres du Trésor Public
comme la taxe urbaine (3 ou 4%), la taxe d’édilité (6 ou 10%).

Finalement, la TVA de 20% (et pour certaines activités, de 7, 10 ou 14%) est


en fait supportée par le consommateur final, l’entreprise servant en quelque
sorte de simple collecteur pour l’Etat.

Il revient à dire que la classe moyenne et les petites et moyennes entreprises


qui sont les premiers touchés par cette pression fiscale, malgré les dernières
révisions à la baisse de l’IR introduites par la loi de finances de 2007.

Cette réalité nous montre que les taux marginaux excessifs incitent à la fraude
fiscale, en particulier dans un système fiscal déclaratif dépourvu de moyens
approprié de contrôle, notamment des petites et moyennes entreprises.

41
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

b-L’existence des lobbies :

Pour faire face au poids des prélèvements fiscaux, les contribuables agissent :
- Individuellement au moyen de la fraude fiscale. Elle peut exprimer un
désaccord sur les options politiques d’un gouvernement considéré, et
peut devenir en quelque sorte une sanction du consentement à l’impôt.
En effet la motivation politique ou idéologique de la fraude fiscale est
difficile à établir lorsqu’elle est individuelle.
Toutefois, la Cour d’appel de Grenoble en France a eu à connaître en date du
30 Septembre 1982, d’un cas concrétisant cette motivation politique de la
fraude fiscale : un maître assistant de la faculté de droit de Perpignan
refusait depuis 1969 de déclarer ses revenus au motif qu’il ne voulait
pas « collaborer à l’exercice d’un pouvoir national illégitime qui ne
17
correspond plus aux nécessités de la collectivité ». ( )
- Collectivement, par des groupes organisés, officiellement connus, qui
défendent leurs intérêts par l’utilisation d’un moyen légal tel que le
«lobbysme ».
« C’est le processus, par lequel un groupe d’intérêt ou une entreprise
tente d’influencer la politique du gouvernement. Il décrit les activités de
ceux qui recherchent les faveurs du gouvernement en approchant les
hommes politiques dans les couloirs des édifices gouvernementaux. Il a
ensuite évolué pour décrire le processus par lequel les groupes d’intérêt
prennent contact avec des personnes (proches) du monde politique
18
pour que celles-ci interviennent en faveur de leurs objectifs ». ( )

17
 – Jean –Claude MARTINEZ : La Fraude Fiscale Que sais je ? 
18
– Heuverswyn J.Van Schuybrok j.p. Le Lobbying : une ancienne profession redécouverte.
Gestion 2000 Oct.-Nov.1999 n° 5 P.133
 
42
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

C’est ainsi qu’au Maroc, pour consolider l’option libérale et faire entendre les
thèses de l’entreprise, le secteur privé s’appuie sur des structures
représentatives organisées telles que :

- Les chambres de Commerce, d’Industrie, d’Artisanat, de Service et


Maritimes ;
- Les différentes associations professionnelles regroupant les chefs
d’entreprises et œuvrant pour la consolidation de l’esprit de l’entreprise
et la défense de leurs intérêts. Au centre de ce réseau il y’a la
Confédération Générale des Entreprises du Maroc (C.G.E.M) qui a une
fonction capitale et joue un rôle catalyseur.

En fait, il est certain que les actions des différentes associations ne sont pas
toujours très fortes devant les actions du gouvernement, mais leur véhémence
revendicative, en revanche, n’est pas du reste en matière fiscale tout
particulièrement.

Malgré les dispositions draconiennes de la constitution et la loi organique des


finances qui minimisent le rôle du parlement en matière financière, celui-ci, par
l’intermédiaire
de la commission des finances exerce des pressions sur le gouvernement
pour ne pas adopter certaines dispositions financières ou pour en éloigner
l’exécution dans le temps, ou pour les supprimer tout simplement.
Les membres de la commission des finances jouent donc le rôle de lobby pour
défendre, dans le cadre du jeu démocratique, les intérêts de certains groupes
professionnels.

43
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Le lobbysme fait naître une discrimination en matière fiscale, ce qui ne fait


qu’enraciner le problème de la fraude fiscale dans le tissu économique
marocain.

A cet égard, on peut citer l’exemple d’un impôt édifiant qui a bien été défendu
par son lobby, c’est l’impôt agricole.

En 1970, le gouvernement ayant constaté le faible rendement de l’impôt


agricole instauré en 1961 à la place du « Tertib », a proposé une réforme
introduisant la notion d’impôt sur le revenu qui est égale au rendement par
hectare en tenant compte de la qualité de l’exploitation et de la nature de la
culture. Le lobby agricole a mobilisé la majeure partie de la commission des
finances et le projet a été abandonné.

Le gouvernement revient à la charge dans le cadre du projet de loi des


finances pour 1980 en proposant le doublement de recettes de l’impôt agricole
par l’actualisation des revenus virtuels à l’hectare par arrêté du Ministre des
Finances.

Le lobby agricole a pu mobiliser la majeure partie des députés de la


commission des finances pour bloquer le vote de la loi de finances, sous
réserve que le gouvernement s’engage à ne pas prendre l’arrêté d’application
nécessaire à l’exécution effective de l’augmentation inscrite dans le projet de
loi de finances.

44
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Suite à l’engagement pris par le gouvernement, les députés ont voté le projet
de loi des finances et le ministre des finances n’a jamais pris l’arrêté en
question.

La dernière forme de pression exercée par le lobby agricole avait concerné le


rejet de l’introduction du régime de la comptabilité pour la détermination du
revenu agricole, dans le cadre de reforme fiscale promulguée en avril 1984.
Cette fois-ci l’action des agriculteurs notamment les grands propriétaires
aboutit à l’exonération des revenus agricoles jusqu’à 2000 par Décision
Royale. D’ailleurs compte tenu du poids du lobby agricole, cette exonération
qui a été donc consommée en 2000, a été reconduite par Décision Royale et
entérinée par la loi de finances pour l’année 2001, jusqu’au 2010 et puis
jusqu’à fin 2013 au motif d’encourager le secteur agricole (secteur qui
représente 16% du PIB : totalisant près de 70 Milliards dollars, emploie 40%
de la population active, soit plus de 4 Millions de personnes) .

En conséquence, on peut souligner que l’existence des lobbys constitue une


incitation à la fraude fiscale dans la mesure où le contribuable faible qui ne
peut défendre ses intérêts dans le cadre d’un lobby puissant, n’a comme
seule issue que la fraude fiscale et ce pour alléger d’une part la pression
fiscale et d’autre part pour se venger contre l’injustice fiscale dont il se sent
victime.

45
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

c-La conjoncture économique :

Les considérations économiques sont décisives en matière de fraude fiscale.


En effet, la balance entre les avantages et les inconvénients tirés d’une fraude
est une question économique. D’une part, la situation personnelle du
contribuable commande souvent son comportement vis-à-vis de
l’administration fiscale. Si le contribuable se trouve dans une situation
économique prospère il a tendance à payer ses impôts pour ne pas courir le
risque que ferait peser sur lui la tentative de dissimulation du revenu. S’il se
trouve dans une situation difficile, il pensera que le paiement de l’impôt
aggravera sa situation.

D’autre part, le rôle de la conjoncture économique influe sur la fuite devant


l’impôt. D’abord lorsque la conjoncture facilite la répercussion de l’impôt, elle
freine le phénomène :
le contribuable n’est pas porté à frauder puisqu’il est sûr de pouvoir rejeter le
poids de l’impôt sur les autres. C’est l’effet recherché à travers la TVA et
qu’elle produit largement. Au contraire, en période de dépression économique,
les commerçants n’ayant pas cette possibilité ont tendance à éluder l’impôt.
Donc, il existe une certaine corrélation entre les périodes de récession
économique et l’amplification de la fraude fiscale. Le contribuable trouve qu’il
est difficile de s’acquitter d’un impôt afférent à un revenu réalisé en période
prospère, alors qu’il traverse une phase pénible.

46
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Par ailleurs, l’existence d’une économie informelle constitue aussi une zone de
fuite devant l’impôt dans la mesure où dans ce secteur qui est à l’abri de
l’administration fiscale, ni les bénéfices, ni les salaires, ni les transactions ne
sont soumis à l’impôt ce qui engendre de fortes pertes fiscales.
M.GAUDMET observe que « l’existence de marché parallèle dans les périodes
de pénurie, accentue de l’ampleur de la fraude : les transactions réalisées sur
19
ce marché occulte échappent nécessairement à l’administration fiscale ». ( )

Paragraphe 2 : Les défaillances de l’administration fiscale

Si un contribuable a la possibilité de ne pas se conformer à ses obligations


fiscales et s’il considère qu’il n’a qu’un risque minime d’être contrôlé et partant
sanctionné, il y’a de fortes chances qu’il prendra ce risque. L’étendue de la
fraude fiscale dépend donc en partie de la « peur du gendarme », c'est-à-dire
de la crainte que l’administration fiscale inspire aux contribuables.

Ainsi, les insuffisances sur le plan humain et organisationnel, de


l’administration fiscale facilite la tâche du fraudeur, de même que son attitude
laxiste à l’égard de la fraude encourage la prolifération de ce phénomène.

a - Les moyens humains :

À l’instar des pays en voie de développement, l’administration fiscale


marocaine se caractérise sur le plan du personnel administratif par la
faiblesse de son effectif.

19
– P.M GUADEMET : Précis de Finances Publiques .Ed. Montchretien.
 
47
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

1) La sous-administration

Il est évident que, l’insuffisance quantitative des agents de l’administration


fiscale au niveau des services d’assiettes et au niveau des brigades de
vérifications peut avoir des effets néfastes sur le travail de l’administration
fiscal en général.

En effet, le nombre des dossiers contrôlés par an par les services de


vérification reste trop faible pour permettre un contrôle vraiment satisfaisant et
systématique de tous les contribuables. Ainsi, l’agent incapable de toucher
tous les contribuables qui relèvent de son secteur se contente pour certains
dossiers de reconduire les anciennes bases, bien que celles-ci aient subi des
changements importants.

Cette situation de sous-effectif de l’administration fiscale marocaine ne fait que


confirmer la situation qui prévaut dans tous les pays en voie de
développement ou presque toutes les administrations souffrent de carence de
fonctionnaires. Les causes clamées, tiennent au fait que ces pays manquent
de personnes qualifiées pour étoffer leurs administrations, alors qu’on assiste
au sein de ces pays à un chômage des intellectuels.

48
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Cependant, la cause essentielle du sous-effectif dans l’administration fiscale


semble résider dans l’intérêt des contribuables influents et détenteurs de
pouvoir « lobbysme », qui empêchent la volonté politique d’agir en ce sens.
Ces derniers s’acharnent à bloquer tout projet gouvernemental d’augmenter le
20
nombre des agents de l’administration fiscale. ( )

2) « Le mal de l’administration »

De nombreux auteurs sont unanimes à dire que « le mal de l’administration


fiscale » serait le fait de deux fléaux qui dévastent les administrations fiscales
des pays en voie de développement, il s’agirait de l’incompétence des agents
et de la corruption.

La non qualification des agents de l’administration fiscale s’explique par la


tendance de l’administration fiscale à recruter des cadres de bas niveaux alors
que paradoxalement il existe un chômage des intellectuels au sein de ces
pays. Pour prendre l’exemple du Maroc, un recrutement massif de licenciés en
économie suivi d’une formation poussée en fiscalité serait bénéfique pour
l’administration fiscale marocaine.

20
– P.NGAOSYVATHN : Rôle de l’impôt dans les pays en voie de développement .L.G.D.J
1978

 
49
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

De même que l’attribution des fonctions de responsabilité au sein des


administrations fiscales des pays en voie de développement obéit souvent à
des critères subjectifs.

Il apparaît donc que l’incompétence des agents de l’administration fiscale n’est


pas perçue comme un déséquilibre conjoncturel dû au niveau de
développement, mais plutôt comme une option délibérée que l’Etat paye cher,
puisque plus les agents sont incompétents moins les entrées fiscales sont
importantes.

La deuxième cause de la défaillance de l’administration fiscale est la

corruption. En effet d’après les Nations Unies (20) les causes de la corruption
dans les administrations des pays en voie de développement sont au nombre
de cinq :

- L’insuffisance du contrôle des fonctionnaires disposant de pouvoirs très


étendus ;
- Le parasitisme familial
- Le mauvais exemple des politiciens
- Un traitement insuffisant
- L’environnement social tolérant

50
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Nous voudrions insister sur les deux derniers éléments :

Le traitement insuffisant des agents de l’administration fiscale, légitime en


quelque sorte la corruption. On se rapporte à la citation suivante : « l’Etat à le
devoir de réserver un traitement spécial à la catégorie particulière de
fonctionnaires qui, non seulement engagent leur responsabilité morale dans
leur métier, mais encore sont professionnellement les mieux placés pour juger
21
de l’inégalité des conditions. » ( )
Quant au second élément, il a trait au climat social des pays en voie de
développement où la pratique de la corruption revêt une caractéristique
particulière.
En effet, la réalité voudrait que tout fonctionnaire qui accomplit un devoir
envers une tierce personne soit en droit de réclamer une rémunération, le
service rendu est considéré comme une faveur, qui appelle forcément une
contrepartie.
Dés lors, une société où les critères de relations entre l’administration et
l’administré se basent sur de pareilles réalités, constitue inéluctablement un
champ où la corruption se développe s’accepte et s’enracine. Ceci est
d’autant, plus vrai, qu’aucune volonté de punir les agents corrompus n’est
manifestée.

21
– P.NGAOSYVATHN : Rôle de l’impôt dans les pays en voie de développement .L.G.D.J
1978
 
51
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

En conséquence, la corruption n’est plus le fait d’une catégorie déterminée de


fonctionnaires, mais elle touche pratiquement toute la hiérarchie.
« La corruption est démocratique, parce qu’elle s’étend du ministre jusqu’au
22
planton. » ( )
En somme les insuffisances sur le plan humain handicapent sérieusement
l’administration fiscale, et des lacunes sur le plan organisationnel viennent
amplifier ces défaillances.

b – Les défaillances d’ordre organisationnel :

La défaillance de l’administration fiscale sur le plan organisationnel s’articule


en général autour des points suivants :

1) Absence de coordination entre les services du Ministère des Finances

La collaboration entre les services du Ministère des Finances et le service des


impôts laisse beaucoup à désirer. Ces différents services (Enregistrement,
Douanes, Trésorerie Générale) disposent conjointement de renseignements
dont l’exploitation et la circulation peuvent conduire les services des impôts à
une appréhension plus exacte de la matière imposable.

22
– P.NGAOSYVATHN : Rôle de l’impôt dans les pays en voie de développement .L.G.D.J
1978
 
52
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Elles constituent de surcroit, un élément de recoupement susceptible


d’éclairer les services d’assiette au moment de la vérification des déclarations
faites par les contribuables, on peut citer à titre d’exemples dans le domaine
de l’immobilier, les informations que peut communiquer le service
d’enregistrement et du timbre au service des impôts quand il s’agit d’apprécier
les prix de cession des biens immobiliers.

2) Inexistence d’une structure efficace de l’information

Les objectifs de rendement et de justice fiscale dépendent essentiellement de


la manière d’appréhension de la matière imposable, de la définition du
redevable et du recoupement de ses biens et de son patrimoine.

Ces opérations demeurent largement tributaires de la structure et du circuit de


l’information dont dispose l’administration fiscale. L’importance de l’information
se manifeste invariablement tant au niveau de l’assiette qu’à celui du contrôle.

L’information fiscale est reçue par l’administration par deux voies


complémentaires,
le recensement et la déclaration. Le premier moyen caractérisé par son aspect
partiel et comportant des risques d’erreurs donne des résultats insatisfaisants
en raison du manque de moyens humains.

Quant aux informations acheminées par le biais de la déclaration, elles sont


présumées être exactes jusqu’à preuve du contraire. Elles ne peuvent être
remises en question qu’à l’occasion d’un contrôle par la brigade de
vérifications.

53
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

C’est à ce niveau qu’intervient la brigade des recherches, son but est de


collecter systématiquement des recoupements nécessaires au contrôle fiscal.

Cependant cette dernière ne dispose en fait que d’informations parcellaires


qu’elle envoie à la demande des vérificateurs chargés d’un dossier de
vérification . Alors qu’elle est censée répondre aux demandes émanant de
toutes les brigades de vérification du Maroc.

En général, la carence en matière d’information place l’administration fiscale


dans une position de faiblesse à l’égard du contribuable vérifie, qui est assuré
que l’administration est incapable de déceler ses manœuvres frauduleuses et
par conséquent déjouer sa tentative de frauder.

54
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

APPROCHE GLOBALE DE LA FRAUDE FISCALE

Approche  Psychologique 

Fraude Fiscale
Approche Economique Approche Politique

Approche Historique

55
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CHAPITRE 3 – LES PROCEDES DE LA FRAUDE FISCALE ET


SES CONSEQUENCES

Après avoir étudié les diverses causes de la fraude fiscale tant celles
imputables au contribuable que celles qui ne le sont pas, le prochain but
recherché est d’exposer les procédés de la fraude fiscale constatés lors des
vérifications des comptabilités. Pour en déterminer ultérieurement les
conséquences.

Section 1 : Les fraudes sur l’impôt , sur les bénéfices et la TVA


L’inventaire des contrôles fiscaux, mettant en relief les types de fraudes
courantes constatés par les inspecteurs vérificateurs en tant qu’irrégularités
graves dans les écritures comptables des entreprises, permet de les classer
en deux catégories :

- Les fraudes sur les comptes de gestion


- Les fraudes sur les comptes du bilan

Paragraphe 1 : Les fraudes sur les comptes de gestion

Le résultat fiscal de chaque exercice comptable est déterminé d’après


l’excédent des produits d’exploitation, profits et gains provenant des
opérations de toute nature effectuées par la société ou l’entreprise individuelle
imposée selon le régime de la comptabilité, sur les charges engagées ou
supportées pour les besoins de l’exploitation.

56
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Pour les sociétés et les entreprises individuelles, la fraude fiscale prend


la forme dans la grande majorité des cas :

a- De minoration de produits :

Le compte ventes et recettes, constitue le poste pour lequel les dissimulations


sont les plus fréquentes dans les redressements du résultat fiscal de
l’entreprise.

Ce type de fraude est plus facile à réaliser chez les prestataires de services
que chez les industriels. Il est plus pratiqué par les entreprises individuelles
que pour les sociétés de capitaux.

Ainsi, les principales irrégularités observées lors du contrôle du poste chiffre


d’affaires concernent tout particulièrement :

1) La dissimulation des recettes au moyen de vente sans facture assortie


le plus souvent d’une minoration corrélative des achats afin d’éviter une
réduction apparente du pourcentage du bénéfice brut qui constitue un
clignotant pouvant attirer l’attention du vérificateur. En effet, la vente
sans facture, procédé courant dans les transactions commerciales entre
les petites entreprises, traduit généralement une situation d’accord ou
de connivence entre l’acheteur et le vendeur.

Cependant, dans le cas où l’acheteur réclame une pièce justificative, le


commerçant lui délivre une pièce détachée d’un facturier spécial ou sur un
carnet à « bons » ;

57
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

2) L’imputation irrégulière des produits de vente en espèces dans le


compte courant d’associés. Le procédé de fraude réside dans le fait de
détourner des recettes de leur compte de produits ;
3) L’atténuation des ventes par des réfactions irrégulières sous forme de
remise et d’avoirs fictifs.

b- La manipulation frauduleuse des achats :

La vérification du compte « achat » fait apparaître deux principales


irrégularités : majoration ou minoration des achats.

1) La majoration des achats : Elle a pour but de diminuer le bénéfice


imposable et d’obtenir des déductions supplémentaires. Elle peut revêtir
plusieurs formes :
- La non comptabilisation d’avoirs, ristournes, rabais, escomptes obtenus
du fournisseur ;
- L’inscription de la même facture à deux dates différentes ou la
comptabilisation de la facture originale et de son duplicata ;
- La comptabilisation d’achats fictifs ;
- La modification du millésime de la facture et sa comptabilisation
ultérieure ;
- La comptabilisation des immobilisations en achats ce qui une incidence
directe sur le bénéfice imposable. En effet par ce biais, l’entreprise
cherche à substituer l’amortissement échelonné par une déduction
totale et immédiate de sa dépense affectant dans le sens de la baisse le
bénéfice de l’exercice de leur acquisition.
Elle concerne en particulier les achats d’emballages récupérables qui
normalement doivent être immobilisés ;

58
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

- La comptabilisation de fausses factures, ce procédé de fraude a


tendance à prendre de l’ampleur par la création de sociétés écrans. Il se
base sur le mécanisme du taxi qui est un prête nom dont la seule
fonction est d’être inscrit au registre de commerce pour pouvoir établir,
sur du papier commercial à en tête, des factures de ventes fictives.
Autrement dit, il dirige une entreprise de pure façade « sociétés
écrans », chargée d’émettre des documents commerciaux
correspondant à des opérations fictives passées avec des entreprises
réelles et d’apparence irréprochable en leur permettant par ces factures
de complaisance d’obtenir des imputations ou des remboursements
indus d’impôts en matière de TVA .

Dans ce cadre la fraude est possible dans la mesure où le contrôle des


déductions est opéré sur la base de documents comptables en
l’occurrence la facture et non sur les opérations réelles.

59
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

LES « TAXIS » ET LA TVA SCHEMA D’UNE FRAUDE INDUSTRIELLE :

Vente toutes taxes

Avec diminution frauduleuse


Fournisseur Vente « TAXI » DETAXEUR de la TVA due
(Réel ou fictif) sans TVA sur les autres transactions

Exportation
Paiement réél hors TVA
(ou paiement avec TVA Vente en
suivi de la restitution
Remboursement du crédit fictif
du montant de la TVA)
de TVA

TRESOR PUBLIC
Dossier
 
de remboursement de

Source : Conseils des Impôts 1983

60
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

2) Les minorations des achats :

Cette forme de dissimulation des achats a pour but une minoration corrélative
des ventes.
Elle permet de rétablir un coefficient de bénéfice brut apparemment normal
malgré la dissimulation d’une fraction des recettes. Par ce procédé, la
comptabilité évite de présenter des écarts disproportionnés entre les achats et
les ventes afin de paraître régulière en la forme.

Cette fraude se manifeste sous différentes formes :


- Des omissions répétées de comptabilisation de factures régulièrement
établies par le fournisseur ;
- Le règlement des achats au comptant sans facture, c’est une pratique
qui ne rencontre aucune difficulté ni opposition en raison de l’intérêt
commun des deux parties. une situation idéale pour le vendeur
désintéressé qui n’accorde aucune importance à l’identité de son
acheteur des lors que le paiement est effectué en liquide et que la
marchandise est livrée.
La mention de « comptant », tenant lieu de nom, assure l’anonymat total
qui correspond au désir du partenaire. Pour donner à l’opération plus de
garantie l’espèce sera préférée au chèque ou à tout autre moyen de
paiement. Il n’est pas fait usage des bons de commandes ou de
livraison afin d’écarter toute éventualité de preuve pouvant établir
l’existence d’opérations clandestines.
- Les achats comptabilisés en frais généraux : imputation comptable
irrégulière qui peut être utilisée à des fins frauduleuses ;
- Les achats en détail et non comptabilisé.

61
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

c- L’évaluation fictive des stocks et travaux en cours :

Les stocks, constitués pat l’ensemble des matières premières entrant dans le
processus de production des produits finis destinés à la commercialisation, et
les travaux en cours sont pris en compte dans la détermination du résultat
comptable de l’entreprise. Les irrégularités commises sur ces deux postes
comptables ont pour but de minorer le résultat fiscal.

1) Les fraudes sur les stocks :

Abstraction faite des erreurs matérielles, fréquentes et difficilement évitables,


les stocks sont sources de falsifications volontaires, conduisant soit à une
majoration, soit à une diminution de la valeur réelle du stock à la clôture de
l’exercice.

La majoration de la valeur du stock permet de faire apparaître un pourcentage


de bénéfice brut normal alors que des recettes minorées l’auraient fait
apparaître anormalement faible, l’exercice suivant.

Le redevable peut enregistrer ses recettes réelles pour ne pas être amené à
une nouvelle majoration du stock.

La diminution de la valeur du stock entraîne la diminution des résultats


d’exploitation, mais elle ne peut être que limitée, car le stock ne peut être
indéfiniment réduit et inefficace à long terme car se répercutant d’une manière
inverse sur les résultats de l’exercice suivant.

62
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

La diminution de la valeur du stock cache des ventes sans factures. Parfois il


peut s’expliquer, en totalité ou en partie, selon l’importance de la minoration,
par du vol ou des prélèvements en nature.

2) La minoration frauduleuse des travaux en cours :

La fraude sur les travaux en cours est un procédé généralement utilisé par les
entreprises des travaux publics et du bâtiment en l’occurrence les entreprises
de plomberie, de menuiserie, climatisation, bâtiment, peinture etc ……..

Du fait que les travaux en cours figurent à l’actif du bilan pour leur coût au jour
de l’inventaire, l’entreprise pourrait avoir intérêt à minorer le montant de ses
travaux en cours pour diminuer son bénéfice. Cette minoration peut revêtir
deux formes :

- La minoration quantitative :

A ce niveau, la fraude prend la forme d’une omission ou suppression totale, à


l’inventaire,
d’un ou plusieurs chantiers en cours, dans un but de dissimulation de la
recette correspondante ou pour échapper à la taxation dans le cadre de la
livraison à soi même.

La minoration évaluative :

Le procédé de fraude réside dans l’évaluation à un montant inférieur au prix


de revient réel par minoration d’un ou plusieurs éléments constitutifs de ce prix
de revient (Matières premières, matériaux, main d’œuvre etc. …)

63
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

d- La comptabilisation de charges fictives ou non liées à l’exploitation

Pour la détermination du bénéfice imposable, les dépenses, admises en


déduction, sont celles qui sont exposées dans l’intérêt de l’exploitation de
l’entreprise et qui remplissent les deux conditions suivantes :

1) Les frais et charges doivent correspondre à des paiements réels ou


des compensations entre les membres d’un groupe de sociétés
adjudicataires d’un même marché et appuyés de pièces justificatives ;

2) Ils doivent être rattachés à l’exercice au cours duquel ils ont été
engagés.

La prise en compte, à titre de frais généraux, de dépenses fictives ou non liées


à l’exploitation constitue un moyen commode et courant dont usent les
entreprises pour réduire le résultat fiscal. En effet l’imprécision sur la nature de
ces frais déductibles offre aux contribuables une large marge d’action. A ce
titre les procédés sont extrêmement nombreux et variés.

On peut citer, la majoration d’achat ou de charges :


- A l’aide de factures fictives, ou de factures ou de relevés faisant double
emploi ;
- Par l’inscription de postes pour lesquels il n’existe aucune pièce
justificative ;
- Par le paiement des salaires et honoraires ou exagérés ;
- Enregistrer dans les comptes d’achats ou les comptes de frais, des
dépenses ne concernent pas l’entreprise, mais qui profitent directement
ou indirectement aux propriétaires ou aux actionnaires de celle –ci.

64
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Les redressements opérés sur les comptes de charges concernent tout


particulièrement :

- Les honoraires, commissions, redevances ou indemnités versés à des


tiers ou à des dirigeants et actionnaires de la société et qui ne
correspondent pas à un travail effectif ;
- La comptabilisation des frais de mission, de réception et de voyage
personnels ou familiaux en tant que charges d’exploitation ;
- Des immobilisations comptabilisées dans le compte des frais généraux.

Généralement, au niveau des entreprises individuelles et en particulier des


professions libérales, il est fréquent de relever lors du contrôle des
comptabilités des situations où il n’est pas fait de distinction entre les
dépenses personnelles et les charges liées à l’exploitation.

En définitive, les postes de frais généraux sont source d’irrégularités,


d’anomalies voire même de manœuvres frauduleuses.

65
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : Les fraudes sur les comptes du bilan

Le bilan, état représentatif de la situation patrimoniale de l’entreprise à une


date donnée, décrit :
- Au passif, l’origine juridique des ressources de l’entreprise ;
- A l’actif, leur destination économique ou emploi.
De ce fait, toute anomalie ou irrégularité frauduleuse portant sur les
composantes du bilan affecte le résultat net et par voie de conséquence le
bénéfice imposable.
A ce titre, les minorations du bénéfice imposable par les manipulations les
plus fréquentes des comptes du bilan concernant généralement la diminution
de l’actif et l’augmentation de certains comptes du passif. On citera à titre
d’exemple, les anomalies et les irrégularités à caractère frauduleux suivantes
qui sont relevés lors des vérifications de comptabilités des entreprises.

a- Les anomalies et irrégularités de l’actif

L’application de taux d’amortissement plus élevés que ceux admis par nature
de biens immobilisés et par l’usage et la pratique de l’activité ou la profession
concernée ;

1) L’inscription dans l’actif des immobilisations fictives, ce qui donne lieu à la


constitution de dotations aux amortissements déductibles du résultat fiscal ;
2) pas aux conditions légales de déductibilité ; le plus souvent, la constitution
de ce type de provisions est la résultante de l’encaissement de ventes en
noir encaissées par les dirigeants de l’entreprise ;
3) L’octroi de prêts aux actionnaires qui dissimulent en fait des actions
frauduleuses sous forme de distribution de bénéfices occultes.

66
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

b- Les anomalies et irrégularités du passif

Les anomalies et irrégularités qui pourraient être qualifiées de fraude et qui


concernent, tout particulièrement, les provisions et les comptes courants
d’associés sont les suivantes :
1) Dans beaucoup de cas, les provisions pour pertes et charges comme
les provisions Pour dépréciation, sont rejetées par le vérificateur parce
que considérées comme non justifiées, sans objet, détournées de leur
objet ou ne satisfaisant pas aux diverses conditions exigées. Cette
situation résulte souvent du fait que ces conditions soulèvent des
problèmes divergents d’interprétation. D’autant plus que
les provisions constituent un élément important du cash – flow des
entreprises et peuvent servir de moyen pour diminuer le résultat fiscal
en constituant des réserves occultes.
2) Comptes courants des associés, dettes et autres créanciers. Ces postes
constituent souvent une source fréquente de fraude sous la forme de
dissimulation du chiffre d’affaires et de recettes et de distributions faites
aux actionnaires et dirigeants sous la forme de libéralités qu’ils
reversent en partie ou en totalité à l’entreprise sous forme d’apports en
comptes – courants.

En conséquence les différentes formes de fraude pouvant être pratiquées au


niveau de ce compte, ont pour but de diminuer le résultat fiscal par le biais de
la diminution du résultat net du bilan. Elles consistent à gonfler artificiellement
les éléments du débit (pertes sur exercices antérieurs, pertes exceptionnelles
…) et à réduire ceux du crédit (Profits sur exercices antérieurs, profits
exceptionnels …).

67
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Au vu de ce qui précède, nous apportons en tant que jurisprudence,


l’affaire des laboratoires DELAGRANGE, terminée en 1967 par un
jugement de condamnation du Tribunal de la Seine, qui avait offert à
l’époque une large gamme de procédés de fraude. On y trouvait la non
comptabilisation des recettes, de produits ou de profits. Par exemple, un
service de la société vendait directement et de façon occulte aux
pharmaciens. Les écritures comptables n’enregistraient pas les
opérations.

Par contre, des dépenses personnelles, faites par les familles des
prévenus, étaient inscrites en comptabilité comme « frais d’étude du
23
marché ». ( )

Paragraphe 3 : Les fraudes en matière des droits d’enregistrement

La fraude en matière d’enregistrement, revête des formes variées qui peuvent


être classées en deux catégories :

- La non présentation des actes ou non déclaration des mutations

- La minoration des bases de l’impôt : omission dans les déclarations de


succession, dissimulation du véritable caractère des conventions et la
dissimulation de prix.

23
– G.TIXIER, J.M Robert, Droit pénal fiscal, Dalloz, 1980, p.41-42

68
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

La dissimulation de prix est une fraude consistant à minorer, dans les actes et
déclarations présentés à la formalité de l’enregistrement, les prix ou les
soultes exprimées par rapport aux sommes réellement convenues.

Cette intention de fraude distingue la dissimulation de l’insuffisance de prix.

Dans le cas d’insuffisance de prix, le contribuable n’a pas une intention de


frauder dans la mesure où l’opération immobilière a été, bel et bien, réalisée
au prix stipulé par le contrat de vente. A ce titre, l’administration fiscale, tout en
remettant pas en cause le caractère sincère de la convention, considère que
le prix est inférieur à la valeur de référence dans le périmètre où l’opération a
été réalisée.

En fait, dans la pratique, et devant la difficulté de prouver la dissimulation,


l’administration se limite, dans la régularisation de la situation fiscale,
d’évoquer l’insuffisance de prix.

Ce procédé de fraude par dissimulation consiste pour l’acheteur à verser en


espèce une partie du prix de vente au vendeur et à n’inscrire dans le contrat
de vente que la différence.

Pratiquement, la quasi – totalité des entreprises individuelles de promotion


immobilière dont les programmes de réalisation sont effectués par
autofinancement, fraudent par dissimulation d’une partie du prix de la vente
avec l’accord de l’acheteur.

69
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ce procédé de fraude a pour incidence :

- La minoration du résultat fiscal et du montant de la TVA acquitté en


faveur du vendeur ;

- La minoration du prix d’achat se traduisant par une réduction des droits


d’enregistrement pour l’acheteur.

Paragraphe 4 : Autres formes de fraude

a- La simulation

La simulation appelée aussi « dissimulation du véritable caractère du


contrat » consiste à présenter une convention sous les apparences de
stipulations donnant ouverture à des droits moins élevés (exemple : donation
déguisant une vente, marché de travaux dissimulant une mutation d’immeuble,
cession d’un fonds de commerce peut être dissimulée sous la forme d’un
apport en société suivi de la cession des parts sociales, etc.….

b- L’indication inexacte du degré de parenté

L’indication inexacte dans un acte de donation entre vifs ou d’inventaire après


décès du lien ou de degré de parenté entre donateur et le donataire ou entre
le défunt et ses héritiers ou légataires.

70
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Section 2 : Les conséquences de la fraude fiscale

La fraude fiscale constitue un facteur de dysfonctionnement des structures


économiques et un blocage sérieux à l’amélioration des ressources de l’Etat
alors que les exigences, en termes de dépenses publiques pèsent lourdement
sur les moyens de financement de l’Etat.

C’est au niveau des conséquences qu’on s’aperçoit aisément des effets nocifs
de la fuite devant l’impôt. On distingue des effets qui se manifestent
immédiatement et d’autres sont font observer ultérieurement.

Paragraphe 1 : Les effets immédiats de la fraude fiscale

Parmi les effets immédiats de la fraude fiscale, on retiendra les effets sur les
recettes fiscales, et les effets sur la justice fiscale.

a- Le rendement de l’impôt :

Il est clair que la principale conséquence de la fraude fiscale est le manque à


gagner pour le trésor public ; l’importance de ce manque varie
proportionnellement à celle de la fraude fiscale dans un pays donné.

Dés lors, quand on sait à quel niveau stupéfiant se situe la dimension de la


fraude fiscale dans les pays en voie de développement, on n’a pas du mal à
imaginer l’ampleur de l’hémorragie causée aux finances publiques au sein de
ces pays. Pour illustrer ce fait, on se réfère au cas de la Colombie, « où une

71
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

augmentation de la pression fiscale de 2%, permettait d’augmenter de 50%


24
les dépenses de l’Etat affectées au développement économique ». ( )
Signalons que la pression fiscale dans ce pays atteint à peine 12% du produit
national brut.
On s’aperçoit que les gouvernements des pays en voie de développement, où
l’ampleur de la fraude est grande, sont incapables d’augmenter le niveau des
investissements publics par leurs propres ressources : leur développement
économique et social s’en trouve compromis.
Comme palliatif à cette situation, les responsables en matière de fiscalité, sont
amenés pour assurer un niveau de recettes fiscales à augmenter les taux des
impôts existants compte tenu de la fraude ce qui aggrave davantage la
situation : « l’incitation à la fraude est d’autant plus grande que ces taux sont
plus élevés ».
On remarque à quel point, la fraude fiscale contribue de manière sensible à
contraindre
les pays du Tiers – Monde à dépendre de plus en plus des moyens de
financement extérieurs.

b-La justice fiscale :

Bien avant les effets de la fraude, tout impôt comporte un élément d’injustice.
L’introduction du phénomène de la fraude fiscale ne fait qu’accentuer
l’injustice, en ce sens que les contribuables qui ne fraudent pas supportent
une charge fiscale plus lourde puisqu’ils doivent compenser pour ceux qui
s’adonnent à la fraude.

24
– NGAOSYVATHN : Article Revue problèmes économiques.
 
72
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

L’injustice fiscale est également ressentie par les contribuables dont l’impôt
est prélevé à la source et qui n’ont aucune possibilité de l’éluder, il s’agit
essentiellement des salariés. Certains fiscalistes expliquent la situation de ces
contribuables par la faiblesse des taux d’imposition pour cette catégorie de
contribuables.

La tendance à accentuer l’injustice fiscale entre catégories de contribuables


est davantage prononcée par les dispositions que sont amenés à prendre les
responsables fiscaux.
Ces dispositions, comme on l’a vu plus haut ont pour but d’assurer un volume
donné aux recettes fiscales compte tenu de l’existence de la fraude ; ces
dispositions aboutissent généralement à créer un cercle vicieux.

A ce niveau, on est enclin à faire une remarque : la fraude fiscale est – elle en
fin de compte une cause ou une conséquence de l’injustice fiscale ? La ligne
de démarcation n’est pas facile à tracer, dés lors il faudrait savoir sur quel
critère repose le principe de la justice fiscale dans un système déterminé.

La réponse à cette question a suscité tellement de controverses parmi les


auteurs par la multitude des critères invoqués par chacun d’eux.

73
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : Les effets différés de la fraude fiscale

Les effets différés de la fraude fiscale ont trait à l’impôt en tant qu’instrument
de politique, économique et sociale, et en tant que facteur agissant sur des
structures économiques ou sociales.

a- La concurrence économique

Dans une économie de marché, la fraude fiscale porte atteinte au libre jeu de
la concurrence. En effet, les entreprises qui s’adonnent à la fraude fiscale
mènent une concurrence déloyale à celles qui ne fraudent pas. En faussant
les conditions de la concurrence loyale, la fraude « permet la survie non pas
des plus aptes, des plus utiles à la collectivité, des mieux équipés et des
25
mieux organisés, mais des plus fraudeurs ». ( )
Ceci est vrai dans la mesure où toutes les entreprises appartenant à un
même secteur, et ayant des dimensions semblables ne s’adonnent pas toutes
à la fraude.
Or généralement, lorsqu’il existe au sein d’un secteur une manie de frauder
celle –ci est généralement pratiquée par toutes les entreprises.
Par ailleurs, et ceci est d’autant plus vrai au sein des pays en voie de
développement, la fraude fiscale constitue un facteur d’improductivité. G.
Ardant cite à ce propos : « les possibilités de fraude ont pour premier effet de
détourner l’activité de certains individus ou de certaines entreprises de
l’orienter vers des travaux inutiles à la collectivité ».

25
– G.ARDANT : Théorie sociologique de l’Impôt. Bibliothèque Générale de l’Ecole Pratique
des Hautes Etudes.
 
74
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ainsi on remarque souvent le « déplacement » vers les secteurs où le gain est


réputé plus facile et plus rapide de la part des investissements des pays
envoie de développement, ces facilités découlent surtout des possibilités de
fraude qu’offrent certaines activités.

Les distorsions causées par la fraude fiscale ne sont pas propres uniquement
au domaine économique, des répercussions aussi graves sont ressenties au
niveau social.

b-La fraude fiscale et morale

La résistance à l’impôt est un comportement humain qui découle du sentiment


naturel et inné de vouloir protéger jalousement son patrimoine contre toute
forme de spoliation, que tout citoyen essaie de combattre par un sentiment de
civisme fiscal et partant un devoir fiscal envers la patrie.

Cependant, chez bon nombre de citoyens il n’a y’a pas de devoir fiscal, il n’y’a
que des obligations fiscales de simple portée juridique édictées par une
administration oppressante et tentaculaire, dont le souci majeur est de
renflouer les caisses de l’Etat, par les contributions fiscales du contribuable qui
selon lui n’en reçoit aucune contrepartie.
Ceci sape chez le contribuable le principe du : « donnez à l’Etat et l’Etat vous
le rendra ».

75
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

A ce niveau il est plus difficile de savoir si ce manque de rigueur morale fiscale


est la cause (cause psychologique) ou la conséquence de la fraude fiscale. En
effet, les premiers contribuables à entreprendre des actes frauduleux,
couronnés de succès avec l’assurance d’une impunité, s’offrent en exemple,
aux autres contribuables. La voie est alors facile à la prolifération du
phénomène : « la fraude appelle à la fraude ». Bien plus, il n’est pas étonnant
de constater le renversement des choses, la morale veut maintenant que tout
contribuable soit un fraudeur.

C’est au niveau moral que toutes les répercussions de la fraude se


manifestent avec plus d’acuité. En effet, c’est à ce niveau que les
conséquences sont les plus graves car bien plus que des « pertes » en
ressources publiques, un acte frauduleux, entraîne un autre acte, et constitue
de ce fait le premier maillon d’un processus difficile à contenir.

76
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CONCLUSION DE LA 1ERE PARTIE

Au Maroc les aspects politique, économique et financier de la fraude fiscale


trouvent leur raisons d’être dans la logique de l’Etat providence caractérisée
par :
- Un accroissement important des dépenses publiques ;
- Une incapacité du système fiscal à répondre aux exigences qui est mise
en évidence par :
1) Un faible taux de couverture des dépenses publiques par les recettes
fiscales ;
2) Une incohérence de la décision fiscale caractérisée par : des
augmentations des taux d’imposition marginaux et des avantages
fiscaux en faveur de certains secteurs d’activités et un recours à des
mesures conjoncturelles pour financer le budget de l’Etat en
l’occurrence l’institution de nouveaux impôts et l’application de trois
amnisties fiscales en contrepartie du paiement d’une contribution
libératoire du contrôle fiscale pour les exercices prescrits.
Dans cette perspective, les motivations qui expliquent l’acte de frauder sont
liées :
- Au poids excessif de la pression fiscale individuelle qui pénalise les
entreprises, les salariés et décourage la consommation ;
- Aux avantages fiscaux accordés à certain secteurs d’activités
économiques sous la pression des lobbys sectoriels. S’ajoute à ceci,
d’autres motivations d’ordre sociologiques – culturelles et
psychologiques imputables au contribuable.

77
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Au vu de l’ensemble de ces causes, le contribuable a développé des procédés


par lesquels il élude l’impôt, il peut s’agir de :
- Fraudes sur les comptes de gestion
- Fraudes sur les comptes du bilan
- Fraudes en matière des droits d’enregistrement

78
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

DEUXIEME PARTIE

LES MOYENS DE LUTTE CONTRE

LA FRAUDE FISCALE

79
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

INTRODUCTION DE LA 2ème PARTIE

Les déclarations de politiques générales marocaines des différents


gouvernements et les exposés des lois de finances insistent sur la lutte contre
la fraude fiscale.
Cette prise de conscience des effets néfastes de la fraude fiscale intervient à
point nommé, pour attirer les feux de la rampe sur un mal qui prend des
proportions ravageuses. Et pour cause, la fraude fiscale n’est pas un
phénomène isolé. Loin s’en faut. Cette pratique est l’apanage de la société
toute entière, tous fraudent : du petit trafiquant de « BAB SEBTA »
au même titre que le gros commerçant et/ou industriel « casablancais »,
chacun selon ses moyens, fuit devant ses obligations fiscales.
Aussi, la lutte contre la fraude fiscale devient une nécessité impérieuse pour
équilibrer le budget général de l’Etat qui va de surcroît être privé, après
l’entrée en vigueur des accords commerciaux du GATT, d’une bonne partie
des recettes douanières suite à la suppression d’un certain nombre de taxes à
l’importation.
Est-ce à dire que la fraude fiscale qui a longtemps été tolérée par les pouvoirs
publics devienne aujourd’hui la pratique à bannir pour sortir le pays de la
26
situation de laxisme où il se trouve ? ( )
Toutefois, dans les faits, la fraude fiscale a tendance à prendre de plus en
plus d’importance. Ce qui pose la question de l’efficacité des moyens de lutte
qui lui sont opposés.

26
– Le gouvernement avait décrété, à la veille de l’entrée en vigueur de la réforme fiscale,
une prescription anticipée invitant ainsi les contribuables contrevenants à faire table rase du
passé et à repartir sur de nouvelles bases.
 
80
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CHAPITRE 1 : Les préalables à la lutte contre la fraude fiscale

La lutte contre la fraude fiscale repose sur l’existence d’un certain nombre
d’éléments dont le but est d'éliminer ou de contrecarrer les facteurs
engendrant la fraude fiscale, ces éléments constituent le fondement des
relations saines et de collaboration entre le contribuable et l’administration
fiscale. Elles consistent principalement en un environnement social favorable
et un cadre légal adéquat.

Section 1 : l’environnement social favorable

L’environnement social constitue une condition favorable en vue d’instaurer un


état d’esprit du contribuable dans les pays en voie de développement. Tout
contribuable doit voir en l’impôt un moyen normal de contribution aux charges
de la collectivité.

Pour ce faire, il faudrait assurer les conditions d’un acquiescement fiscal, et


entreprendre une opération visant à éduquer le contribuable.

Paragraphe 1 : Action sur le contribuable : l’acquiescement fiscal

L’impôt relève du domaine de la loi. L’article 17 de la Constitution énonce


« tous supportent en fonction de leurs facultés contributives, les charges
publiques, que seule la loi peut, dans les formes prévues par la présente
constitution, créer et répartir ».

81
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ainsi la loi fiscale autorisée, par un vote parlementaire s’impose au fisc


comme elle s’impose au contribuable. L’administration fiscale ne peut opérer
que les prélèvements autorisés par le parlement lors du vote annuel de la loi
des finances.

Or, en définitive, la loi fiscale marocaine est surtout l’œuvre de l’exécutif qui
dispose d’un vaste pouvoir réglementaire en matière financière.

En effet l’accroissement des compétences fiscales de l’administration a


entraîné par ailleurs le déclin des compétences parlementaires en matière
27
fiscale. ( )

Il en découle que déjà l’émanation de l’impôt est à elle-même source de


résistance à la fiscalité alors que l’initiative fiscale doit en définitive rester entre
les mains du parlement en sa qualité de représentant légitime de tous les
contribuables.

En conséquence, la notion d’acquiescement fiscal du contribuable devrait être


érigée comme objectif à atteindre par l’administration fiscale.

27
– Pour le seul code des douanes et impôts indirects datant de 1977 nous comptons 2
dahirs contre plus de 30 textes d’application sans compter le nombre important de
circulaires et d’instructions internes qui ne font pas l’objet de publication au BO.
 
82
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Une des premières actions à faire dans ce sens, consiste à montrer à la


grande masse des contribuables que les recettes fiscales seront utilisées à
bon escient, et les pousser, ainsi à prendre conscience que par
l’accomplissement de leurs obligations fiscales ils vont permettre à l’Etat de
financer de grands projets d’intérêt général et de créer des emplois pour
résorber le chômage. C’est à partir de l’opinion qu’ils se feront sur les
réalisations faites sur la base de ces recettes fiscales que les contribuables
adhéreront spontanément et consciencieusement à l’impôt.

Une vaste opération de sensibilisation de la société civile aux problèmes


d’intérêt général et plus particulièrement aux conséquences graves de la
dérobade du citoyen devant le paiement de l’impôt sera certainement d’une
grande efficacité pour réduire la masse des contribuables fraudeurs. Il faudrait
que « tous, fonctionnaires et contribuables, soient animés par l’esprit de
sauvegarde des intérêts de l’Etat et des administrés qui doit présider à toute
28
action fiscale ». ( )

Cette mesure se ferait par le biais d’une ressuscitation de la morale fiscale, qui
condamnerait donc toute fuite devant l’impôt.

Il faut ainsi lutter contre l’idée dominante que l’administration se situe au


dessus des individus et que le contribuable se trouve cantonné dans une
situation de subordination par rapport au fisc qui lui impose ses règles et ses
29
choix d’où une envie cachée de révolte. ( )

28
– EL KTIRI.M : fiscalité et développement au Maroc .Rabat, éd. Maghrébines, 1982
 
29
– SEDJARI, A Etat et administration : tradition ou modernité, Rabat, éd. Guessous, 1995
 
83
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Au-delà des opérations ponctuelles de sensibilisation, il s’avère utile d’axer le


travail sur l’éducation du contribuable en vue de lui faire prendre conscience
de l’importance de la chose publique. Ce travail qui doit viser toute les
couches de la population, devrait être mené en collaboration avec les
instances représentatives des citoyens tels que les partis politiques, les
syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG), les communes
etc. L’éducation civique des masses est un travail de longue haleine qui
requiert la participation de toutes les forces vives de la nation.

Ainsi développer le sens civique chez le contribuable et lui rendre confiance


dans le système est certainement la meilleure gageure pour recueillir
l’acceptation de la fiscalité en dépit des contraintes psychologiques et
financières.

Le sentiment frustrant que l’argent comme disait Sacha Guitry « est une
chose qui vous frôle un instant les doigts avant de finir dans la caisse du
percepteur » doit être acceptée quand on est sûr de la destination des
sommes collectées.

Enfin et surtout il faut user de tous les moyens pour moraliser le contribuable
et lui faire admettre que frauder c’est voler et qu’en se soustrayant à
l’obligation fiscale c’est comme s’il puisait directement dans les caisses
publiques et qu’il se soustrait ainsi à « l’honorable obligation de contribuer
30
aux charges publiques » ( )

30
– COSSON, J. Op. cit. P.184
 
84
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Bien plus, dans le cas d’une attitude favorable à l’impôt, l’administration


fiscale, s’efforcerait de maintenir cette attitude en essayant de nouer des
relations avec les contribuables.

Le contribuable incarnera le rôle d’un contrôleur à l’égard de l’administration


fiscale en tant qu’unité de conception et d’application de la fiscalité.
L’administration fiscale gagnerait donc à avoir en face d’elle un contribuable
qui collabore par ses orientations critiques du système fiscal qui lui est
appliqué.

A côté de ces dispositions à caractère permanent, l’administration doit opérer


certaines mesures complémentaires.

Paragraphe 2 : Amélioration des rapports de l’administration fiscale avec


le contribuable

L’image d’une administration qui incarne, au nom de l’intérêt général le


pouvoir, qui réglemente, impose, recouvre, et sanctionne doit être modifiée
dans le sens de la clarté et de la transparence de ses actions ainsi que du
respect des droit du contribuable.

85
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

a - Amélioration de l’image de l’administration fiscale :

« Le comportement des contribuables connaît des changements, plus


informés et moins soumis, les citoyens deviennent plus exigeants mais aussi
31
plus conscients.» ( )
De la nécessité d’être traités par l’administration entant que partenaire qui, à
travers le paiement de ses propres charges fiscales contribue dans une
certaine mesure aux charges plus globales de l’Etat.

Au Maroc, « les relations administration – administrés animent tout un


discours réformateur mais sans actions concrètes au moment même où
32
l’administration est critiquée par les différentes courants d’opinions. » ( )

En effet, il n’existe à notre connaissance aucun texte législatif ou


réglementaire qui définit ces relations. De temps en temps des circulaires
viennent inviter, timidement, les administrations fiscales à améliorer l’accueil
réservé au public.

Dans d’autres pays par contre, des efforts louables ont été opérés dans le
sens de l’ouverture de l’administration sur son environnement social et
économique.

31
 – LASSERE .B et LENIOR .N : la transparence administrative. PUF .PARIS 1987 
32
 – SEDJARI, A .Op .cit .p 47 
86
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Cette ouverture est indispensable pour permettre à l’administration d’être à


l’écoute de l’usager et de pouvoir tenir compte de sa réaction avant de prendre
33
les décisions qui le concernent. ( )

Un rapport de la Banque Mondial sur le fonctionnement de l’Administration au


Maroc en fait également un constat négatif. Il lui reproche son hermétisme et
sa torpeur.
Il préconise alors un certain nombre de mesures dont la plus intéressante à ce
propos, est celle relative à la création d’un système de recueils périodiques de
l’opinion des usagers.

En effet l’Administration fiscale marocaine a besoin d’une réforme en


profondeur au niveau des méthodes de travail et au niveau des
comportements.

1) Dialogue, information et accueil :

L’image de l’administration autoritaire et opaque doit céder le pas à une


administration service public afin de lui permettre de renter en contact avec le
public et d’instaurer le dialogue et la concertation dans le but d’améliorer la
qualité de ses décisions. L’administration fiscale est alors conviée à adopter
d’autres valeurs et d’autres paradigmes où la notion d’autorité s’éclipse en
faveur de nouveaux concepts tels que la collaboration et le partenariat. Pour
ce faire il va falloir assurer :

33
– A titre d’illustration, la France a depuis 1978, entrepris une vaste réforme des rapports
administration / citoyens par l’adoption de trois lois qui constituent une révolution en la
matière. Il s’agit de la loi sur la communication des documents administratifs, la loi sur les
archives et la loi sur l’informatique
 
87
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

- Des conditions d’accueil meilleures, ce qui nécessite d’abord la


formation du personnel chargé de l’accueil des contribuables afin de le
sensibiliser aux nouvelles valeurs de l’information. Cette formation doit
être assurée dés les premiers mois de recrutement et doit se poursuivre
avec des stages de perfectionnement et l’établissement des manuels de
référence. Ce personnel doit faire l’objet d’évaluation périodique;
- Un processus de socialisation, ce processus doit être réalisé et
maintenu par l’établissement de rencontres et de programmes et de
programmes visant à renforcer l’allégeance des contribuables à
l’administration fiscale. L’information du contribuable doit se faire dans
un langage simple et accessible, cela suppose dans tous les cas une
simplification de la terminologie fiscale de manière à la rendre plus
intelligible. Il est recommandé de tenir compte à ce niveau de la
structure subjective de chaque contribuable car parler à un contribuable
instruit diffère du discours à tenir avec un citoyen analphabète. En effet
la manière dont chacun d’eux perçoit l’impôt diffère incontestablement
selon le cas ;
- Témoigner de la cordialité et du respect envers le contribuable quelque
soit son statut social pour le sécuriser ;
- Aménager des salles ou des bureaux d’accueil pour éviter les fils
d’attente dans des couloirs très peu accueillants ;
- Organiser un service de renseignement par téléphone et confier les
réponses à une pléiade d’inspecteurs qui selon un système de relais se
succéderait pour répondre aux appels des contribuables ;
- Editer des guides telle qu’une charte du contribuable devant l’aider à
connaître et à faire face à toutes ses obligations fiscales ;

88
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

- Organiser des journées d’étude et des séminaires avec à chaque fois


une population de contribuables cibles relevant de la même catégorie
socioprofessionnelle ;
- Organiser des débats télévisés et radiodiffusés pour expliquer au public
les méfaits de la fraude fiscale et la nécessité de coopérer avec
l’administration pour régler les problèmes fiscaux qui se posent.

Il revient à dire que cette activité d’accueil, d’information et concertation ne


pourrait réussir à rapprocher le contribuable de l’Administration que si cette
dernière procède à un véritable check up afin de déceler ses propres
défaillances et procéder aux corrections qui s’imposent.

2) Assainissement et transparence :

Pour être efficace dans la lutte contre la fraude fiscale l’administration fiscale
doit devenir une « maison de verre ». Elle est tenue pour y arriver de
commencer par un véritable assainissement de sa gestion et de ses procédés.
En effet, certaines pratiques ont longtemps terni l’image de l’administration du
fisc et ont en quelque sorte contribué à la prolifération du phénomène de la
fraude fiscale. Les fraudeurs ont dans ce contexte, longtemps bénéficié
impunément du laxisme de l’administration fiscale et de son incapacité à faire
respecter la loi.

Le phénomène de la fraude fiscale, est étroitement lié à l’absence d’intégrité


morale de certains agents du fisc qui trouvent dans ce domaine, un moyen
facile d’enrichissement au détriment de l’intérêt de l’Etat. Cependant cela a
démontré qu’il est important d’entreprendre d’une politique d’assainissement
de longue envergure où les maitres mots seraient la transparence, la
rationalité et l’efficacité pour assurer la relance économique.

89
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

b-Respect des garanties accordées aux contribuables :

Le système fiscal marocain comme celui de tous les pays démocratiques offre
aux citoyens un ensemble très développé de garanties et de voies de recours.

Leur observation par l’administration est de nature à instaurer un climat de


confiance. Le contribuable qui se rend compte en effet que ses démarches
sont prises au sérieux par l’administration fiscale cherchera mieux à accepter
34
l’impôt et cherchera moins à l’éluder. ( )

Le contribuable invite l’administration à rectifier soit des erreurs matérielles


soit à tenir compte de nouveaux éléments intervenus en cours d’année. Le
droit de réclamation n’est pas toutefois systématique. Cette procédure ne peut
être engagée qu’à la suite d’une imposition d’office ou lorsque le pouvoir
devant la commission d’arbitrage n’est plus possible. Le succès d’une telle
démarche dépend de l’attitude de l’administration à reconnaître, lorsque c’est
le cas « qu’elle s’est trompée et de procéder alors aux dégrèvements ou
restitution d’office afin de réparer rapidement et sans formalisme,
35
les erreurs ou les oublis commis au détriment des contribuables. ( )

34
– La réclamation est une demande adressée par le contribuable aux services des impôts
pour obtenir la réparation d’une erreur ou le bénéfice d’un droit. Elle constitue un préalable
nécessaire à tout recours contentieux ultérieur éventuel devant les tribunaux.
 
35
 – EL GADI.A Traité de Droit Fiscal marocain. Rabat .Al Maârif  
90
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Elle est tenue également de motiver en droit et en fait sa position et d’ouvrir un


dialogue avec le contribuable. Ce dialogue peut se poursuivre dans le cadre
des voies de recours qui lui sont ouvertes devant la commission locale de
taxation dans un délai de 30 Jours à partir de la deuxième notification du
redressement.

La décision de la commission locale peut être à son tour contestée auprès de


la commission nationale de recours fiscal. Lorsque la décision de la
commission nationale ne lui donne pas satisfaction, le contribuable peut saisir
dans un délai de 60 jours à partir de la notification de cette décision ; les
tribunaux compétents, de son dossier. Ce recours qui peut être introduit
auprès des Tribunaux administratifs n’est par contre accordé à l’administration
que dans le cas ou il est estimé que la commission nationale a statué sur les
questions de droit.

Par ailleurs l’administration ne doit pas exagérer l’exercice de son droit de


communication et l’étendre à une période déjà vérifiée ni notifier de nouveaux
rappels ni enfin rehausser ceux opérés lors du premier contrôle.

En cas de vérification d’une comptabilité régulière, l’administration ne peut


reconstituer le chiffre d’affaire que si elle arrive à prouver elle-même que le
chiffre déclaré est insuffisant. Elle doit enfin veiller au respect des
prescriptions.

Le droit de visite tel qu’il est prévu par la législation fiscale douanière est
assorti, également, d’un certain nombre de garanties. Il ne peut s’exercer en
définitive qu’après accord de l’occupant des lieux et pendant les heures
légales (entre 5 h du matin et 21 h)

91
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Eu égard à ce qui précède, il semblerait que la fraude fiscale n’est pas chose
aisée. Loin s’en faut. Le mal est tellement enraciné que son ablation requiert
des efforts considérables pour agir sur ses causes profondes qui sont à la fois
d’ordre psychologique, économique et social. Cependant et à l’instar de toutes
les maladies, le meilleur moyen de le combattre reste la prévention

Section 2 : L’environnement légal et réglementaire adéquat

Il est admis que l’attitude du contribuable est fonction d’une fiscalité donnée,
celle –ci constitue l’élément objectif dans cette relation. En effet, c’est en
fonction de son degré d’efficacité que la fiscalité produit un effet favorable ou
non sur le redevable.
On peut avancer que pour certains contribuables du moins, « la fraude est le
36
fruit le plus immédiat d’une fiscalité mal reçue ». ( )

Au plan du système fiscal marocain, la réforme fiscale ayant instituée les trois
grands impôts (IS, TVA et IGR) au lieu et place du système cédulaire, n’a pas
accordé une priorité à l’unicité des règles et des procédures de gestion du
système fiscal dans sa globalité. En effet, la méthodologie de réformer impôt
par impôt n’était pas la voie appropriée pour garantir l’unicité, simplicité et
transparence des règles fiscales.

Dans ce cadre, nous essayons de relever certaines insuffisances en la


matière, et de formuler, par voie de conséquence, des améliorations dans le
sens de l’uniformisation et simplification des règles fiscales.

36
 – BROCHIER ET TABATONI : Economie Financière.  
92
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 1 : L’uniformisation et la simplification des règles fiscales

L’efficacité du système fiscal synthétique dépend du degré d’unicité des règles


fiscales. En effet la diversité desdites règles constitue un véritable blocage au
contrôle fiscal.
a-L’unicité du seuil d’imposition TVA/IR :

En matière de TVA, les commerçants dont le chiffre d’affaires est égal ou


supérieur à 2.000 000 dirhams sont obligatoirement assujettis à la TVA,
Article 89 du Code Général des Impôts. Par conséquent ceux qui réalisent un
chiffre inférieur à ce seuil ne le sont pas.

Par contre, au titre de l’impôt sur le revenu, les commerçants qui réalisent un
chiffre d’affaires inférieur à un 1 000 000 dirhams peuvent opter pour le
régime forfaitaire.

Pour uniformiser le champ d’assujettissement des commerçants à la fois à la


TVA et à l’impôt sur le revenu sous le régime de la comptabilité il y’a lieu de
fixer le seuil à 1 000 000 dirhams.

b-La généralisation du régime de la facturation :

En matière des impôts directs, le fait générateur est la facturation. Alors que
pour la TVA, ledit fait générateur est constitué par l’encaissement du prix des
marchandises, des travaux ou des services. Les redevables peuvent, toutefois
opter pour le régime du débit, et acquitter, en conséquence, la taxe lors de
facturation, ou de l’inscription de la créance en comptabilité.

93
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Au plan de la cohérence du système fiscal cette dualité du traitement


comptable vis-à-vis de la taxation à la TVA, à l’impôt sur les sociétés pose les
difficultés suivantes :

- Fonder le fait générateur de la TVA sur les encaissements et non sur la


facturation complique les opérations du contrôle fiscal notamment pour
les activités commerciales. En effet, l’expérience montre que le fait
générateur comme la livraison des biens et/ou l’émission des factures
sont des évènements beaucoup plus facilement vérifiables que le
paiement, en particulier dans les petites et moyennes entreprises où le
paiement est souvent réalisé en espèces.
- Du fait que pour un même dossier fiscal le fait générateur pour l’impôt
sur les sociétés est la facturation alors que pour la TVA c’est
l’encaissement, le contrôle de la cohérence de l’ensemble du dossier se
révèle complexe et peu fiable.

Pour ces raisons, il est recommandé de fonder le fait générateur de la TVA sur
la facturation.

94
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : La simplification du système fiscal

Tout système fiscal dit avoir comme première caractéristique, la simplicité,


celle –ci facilite la compréhension et partant l’acceptation de l’impôt par une
grande masse des contribuables.

Cependant, le système fiscal marocain, pris comme exemple, souffre d’une


grande faiblesse qui est sa complexité due à la multiplicité des impôts et
taxes perçues soit au profit de l’Etat, soit au profit des collectivités locales. Cet
état de fait se fait ressentir au niveau du rendement.

Dés lors qu’il y’a une variété de modes d’assiettes et de liquidation dont profite
les contribuables malhonnêtes, la conséquence est l’instauration d’une
injustice fiscale qui peut déclencher à son tour un effet de multiplication et
d’amplification de la fraude.

95
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CHAPITRE 2 : La prévention de la fraude fiscale

Le système fiscal marocain est un système essentiellement déclaratif qui


implique que le contribuable (personne physique ou personne morale) est
maître d’établir sa propre base imposable. La déclaration est destinée à porter
à la connaissance de l’administration fiscale l’existence de la matière
imposable, son montant et tous éléments nécessaires à la taxation.
Un tel système requiert une grande maturité et un sens civique développé
ainsi qu’une parfaite connaissance de la législation fiscale. Par ailleurs il incite
le contribuable peu scrupuleux à éluder l’impôt.
En effet tout un chacun va chercher à réduire sa base imposable à fin de
payer moins d’impôt. Ainsi conçu, ce système serait parfait pour le
contribuable si la loi n’avait pas toutefois , conféré à l’administration fiscale un
large pouvoir de contrôle et de vérification suffisamment structuré pour
dissuader les fraudeurs éventuels d‘ignorer leurs obligations fiscales . Ces
moyens qui tendent à prévenir la fuite devant l’impôt, peuvent constituer
lorsqu’ils sont appliqués, des garde-fous dissuasifs à la prolifération de la
fraude fiscale.

96
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Section 1 : Etendue et portée des moyens de prévention


Le législateur confère à l’administration fiscale de larges prérogatives
d’investigation destinées à prévenir la fuite devant l’impôt. Le meilleur moyen
reste le contrôle fiscal. Ainsi « dans la mesure où le contribuable sait que le
contrôle fiscal est perfectionné et que la fraude a toutes les chances d’être
37
démasquée, il s’abstiendra de frauder » ( )

Paragraphe 1 : Le contrôle fiscal

La particularité des systèmes fiscaux synthétiques réside dans le fait que le


contribuable déclare ses revenus, calcul les droits dus et verse spontanément
le montant de l’impôt.

A priori les déclarations souscrites par les contribuables sont présumées


sincères. Cependant, l’administration fiscale se réserve le droit de contrôler
leur caractère probant.
A ce titre, les règles de procédure du contrôle fiscal concernent :

- Les modalités du droit de communication, les dispositions régissant le


droit
à la vérification et le droit de visite ;
- Les redressements

37
– LAMBERT, T. Contrôle fiscal. PUF. Coll., Droit fondamental, 1991 in GAUDEMET, PM,
op.

 
97
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

a -Droit de communication :

Il permet à l’administration fiscale de prendre connaissance sur place (siège


de l’entreprise) des documents nécessaires à la détermination de l’assiette, au
contrôle et au recouvrement des sommes dues par le contribuable.

Le droit de communication concerne le contribuable, objet du contrôle mais il


peut afin de confronter les informations dont dispose l’administration fiscale,
s’exercer également à l’égard des tiers non concernés par la vérification mais
qui se trouvent être en relation avec le contribuable vérifié.

Les documents qui sont susceptibles d’être réclamés à une entreprise dans le
cadre de l’exercice du droit de communication sont tous les documents
comptables, livres de recettes et de dépenses, les rapports moraux et
financiers remis aux actionnaires peuvent être une source d’information
importante à cet égard.

Les entités soumises au droit de communication ne peuvent opposer le secret


professionnel aux agents des impôts habilités à cet effet.

En ce qui concerne les professions libérales dont l’exercice implique le respect


du secret Professionnel (avocat, notaire, comptable, conseillers juridiques), le
droit de communication ne peut porter sur une communication globale des
dossiers des clients ; en d’autres termes, le droit de communication ne peut
porter que sur des renseignements précis ou des documents pré-identifiés
ayant une relation avec les activités imposables des clients.

98
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ce droit de communication ne s’exerce pas inopinément mais il est


obligatoirement précédé d’un « avis de passage » sous forme de demande
écrite adressée à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de
réception.

b- Les formes du contrôle fiscal :

Le contrôle fiscal peut prendre deux formes communément connues, à savoir :


le contrôle sur pièces et le contrôle sur place. Afin de bien comprendre la
différence entre les deux, il est utile d’apporter un éclaircissement à ces deux
notions.

1) Le contrôle sur pièces :

Le premier acte de contrôle fiscal effectué par les agents des services
d’assiette de l’administration, pour s’assurer de la sincérité des déclarations
des contribuables, est constitué par des travaux élémentaires, regroupés sous
l’appellation de contrôle sur pièces.

Le contrôle sur pièces est essentiellement un travail de bureau qui consiste


d’une part, à s’assurer que toutes les obligations déclaratives ont été remplies
par les contribuables, dans les formes et délais prévus par la loi. Et d’autre
part, que les déclarations souscrites ne comportent pas d’erreurs ou
incohérences.

99
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ainsi, au cours de l’examen d’une déclaration, l’attention de l’inspecteur est


portée en premier lieu sur les pièces justificatives des versements des
paiements pour s’assurer que le versement global effectué par le contribuable
correspond bien au montant de l’impôt exigible d’après les résultats déclarés.
L’inspecteur se penchera ensuite sur les divers documents joints à la
déclaration.

En effet, au cours du contrôle sur pièces, il n’est pas rare de trouver des
erreurs de bonne foi, ou d’interprétation erronée de la loi. Mais à côté de ces
erreurs qui conservent un caractère matériel, l’inspecteur peut détecter de
véritables fraudes.

A la suite de la vérification de la déclaration effectuée depuis son bureau, et


lorsque les rectifications portent sur des erreurs de calcul apparentes,
l’inspecteur d’assiette invite le contribuable à souscrire une déclaration
rectificative ou le cas échéant, proposer le dossier fiscal en vérification de
comptabilité dans le cadre du contrôle externe.

2) Le contrôle sur place :

Le contribuable peut être soumis également à un contrôle plus approfondi. Il


s’agit en l’occurrence de la vérification de la régularité de la comptabilité que le
contribuable est obligé d’organiser de part la loi.

Cette technique ne peut s’exercer que dans les cas où les impositions sont
établies à partir de documents comptables (par exemple le cas de l’IS). Le
vérificateur, cherchera à y déceler des éléments de comparaison avec la
déclaration afin de s’assurer de leur exactitude ou pas. L’agent du fisc ne peut
exercer sa vérification qui doit obligatoirement se dérouler sur le lieu

100
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

d’exploitation, qu’à l’expiration d’un délai de 15 jours après l’envoi d’un avis de
vérification. « Cette obligation d’exercer la vérification sur place est très
importante car elle doit permettre au vérificateur et au contribuable de
38
dialoguer ». ( )

La vérification peut donner lieu à un rejet pur et simple de la comptabilité qui


s’avère entachée d’erreurs, omissions ou inexactitude graves et répétées
pouvant résulter d’une intention délibérée de frauder, soit à une régularisation
des écritures lorsque la vérification ne fait ressortir que des irrégularités sans
gravité ( absence de pièces justificatives ) .
La législation en vigueur précise les conditions et les modalités de la tenue par
les commerçants (personnes physiques et morales) de leur propre
comptabilité.
Cette obligation est probablement animée par des visées fiscales. Elle tend en
définitive à faciliter tout contrôle fiscal éventuel.

Outre la comptabilité, la vérification peut porter sur tous les actes de gestion
pour en déceler les plus anormaux tels que les déficits de caisse importants et
répétés conduisant à dégager un solde de caisse créditeur, les prélèvements
en nature non comptabilisés, etc.

38
– VIROL. E, Fiscalité : manuel pratique. Coll.ESG, éd. 92-93
 
101
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Dés lors qu’une comptabilité ne présente pas un caractère probant,


l’administration procédera aux rectifications nécessaires afin de reconstituer
de manière extracomptable toute ou partie de la base imposable. La méthode
de calcul de la base imposable n’est pas fixée par la réglementation en
vigueur. Par conséquent, l’agent du fisc « dispose d’une liberté de manœuvre
pour utiliser la méthode la plus appropriée selon les circonstances du
39
contribuable vérifié ». ( )

3) Examen de l’ensemble de la situation fiscale du contribuable :

Il s’agit en définitive d’un contrôle plus large qui permet aux agents du fisc
d’apprécier les déclarations souscrites par le contribuable assujettis à l’IR ou à
l’IS en tenant compte de sa situation patrimoniale d’ensemble. Il tend en effet
à vérifier la cohérence entre les revenus déclarés et le train de vie du
contribuable en procédant à un recoupement du revenu déclaré avec
certaines dépenses. Cet examen peut intervenir à la suite d’un contrôle sur
pièces ou d’une vérification de comptabilité.

Paragraphe 2 : La menace de redressement

Les opérations de contrôle fiscal donnent souvent lieu à des redressements


destinés à corriger les erreurs ou les insuffisances des déclarations souscrites
par les contribuables. Ces compléments d’impôts sont réclamés selon des
procédures particulières mais qui garantissent aux contribuables le bénéfice
d’un débat contradictoire permettant la négociation et même la contestation
des redressements qui lui sont réclamés, soit par la voie d’échange d’écrits,
soit par les voies de recours contentieux.

39
– RAZKI.M : La fiscalité marocaine de l’entreprise
 
102
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Il y’a lieu d’observer que ces deux procédures basées sur un certain dialogue
entre les parties concernées ne s’appliquent que dans le cas ou le
contribuable se soumet à toutes les exigences requises (respect des délais,
présentation des pièces comptables etc.…).

Par contre l’administration hausse le ton quand elle se retrouve face à un


contribuable insoumis qui refuse de montrer ses documents comptables ou qui
se dérobe purement et simplement au contrôle fiscal. Agissements
condamnables car porteurs d’une intention manifeste d’éluder l’impôt.
L’administration procède alors et unilatéralement à la taxation d’office en
faisant fi de toute procédure contradictoire mais en veillant à tenir compte
de certains paramètres (capacité de production, effectif du personnel,
importance des immobilisations etc.…..) pour procéder au redressement
envisagé.

Il convient de noter à cet égard que la connaissance du nombre des


redressements décidés chaque année par l’administration du fisc aurait pu
nous aider à chiffrer, quoique approximativement la fraude fiscale.
Malencontreusement, une telle perspective est difficile à entreprendre face au
mutisme de l’administration fiscale et à l’impossibilité d’accéder à cette
information qui, ne fait l’objet, de surcroît, d’aucun travail d’analyse et de
recoupement par les services concernés.

103
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Section 2 : Amélioration des moyens du contrôle fiscal

Le contrôle fiscal tel que présenté constitue un moyen indispensable pour


contrecarrer le phénomène de la fraude fiscale et partant instaurer une justice
fiscale entre les contribuables et un climat de concurrence loyale entre les
entreprises.
Cependant, le contrôle fiscal doit être accompagné d’autres mesures afin d’en
faire un moyen incontournable de lutte contre la fraude fiscale.

Paragraphe 1 : Amélioration des moyens techniques du contrôle fiscal

La réussite du contrôle fiscal nécessite une amélioration des moyens


techniques prévus à son égard. Ces moyens doivent être clairement définis
pour faciliter la tâche de l’inspecteur vérificateur qui a besoin de toutes les
armes pour affronter les manœuvres des contribuables frauduleux.
Ainsi le choix des dossiers à vérifier doit se baser sur des critères rationnels et
des études pertinentes afin d’aboutir sur des redressements appréciables. De
même le vérificateur doit non seulement être assisté par la Brigade des
recoupements mais il doit avoir entre les mains des documents utiles lui
apportant aides et soutiens pour mener à bien sa mission.

1) Rationalisation du choix des dossiers à vérifier


La Direction des impôts est contrainte d’effectuer un nombre de vérification
par un effectif d’agents affectés à cette tâche. Or il s’avère que le nombre de
dossiers à vérifier est grand et que les agents du contrôle sont en nombre
réduit d’où la nécessité d’opérer un choix en donnant la priorité à certains
dossiers qui présentent le plus les symptômes de la fraude, c’est pourquoi la
rationalité du choix des dossiers se pose.

104
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Cette rationalisation doit passer par la proposition en priorité à la vérification


des sociétés déficitaires. Au Maroc un grand nombre des sociétés déclarent
depuis longtemps des déficits sans être contrôlées. Ces sociétés ne sont
déficitaires que fiscalement, la réalité est autre en témoigne le standing de vie
de leurs dirigeants : les moyens ne manquent pas de faire échapper les profits
à l’impôt (voir les divers procédés de la fraude fiscale).

La rationalisation des choix à vérifier doit être accompagnée par une


amélioration des méthodes de sélection des dossiers et des techniques de
contrôle.

En effet, les méthodes de sélection permettent de choisir les dossiers les plus
intéressants et les plus rentables du point de vue de redressements.

L’utilisation à cette fin de l’approche financière axée sur le calcul des ratios et
des moyennes peut être fructueuse. Elle offre des possibilités énormes pour
les choix des déclarations à proposer à la vérification. En effet, l’analyse
financière des données issues des déclarations déposées par les
contribuables et une interprétation minutieuse des différents postes permettent
sans conteste de donner une idée précise sur la structure financière
des contribuables et de leurs gestions.

Cette méthode l’avantage de permettre de tracer l’évolution de l’activité de


l’entreprise ou du contribuable (personne physique) et de déceler les difficultés
qu’ils rencontrent.
Elle permet en outre de faire une comparaison significative de cette entreprise
avec les entreprises similaires en grandeur ou située dans le même secteur
d’activité.

105
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Dans ce cadre, une moyenne doit être définie par l’administration des impôts
pour déterminer les entreprises qui se situent au dessous de la normale et qui
doivent être vérifiées.

Cette méthode permet par conséquent à l’administration de vérifier les


sociétés qui sont mal gérées ou qui déclarent un bénéfice critiquable, car il est
insensé que les sociétés qui sont bien gérées et qui contribuent largement
aux charges de l’état sont celles qui sont sélectionnées pour la vérification.

2) Performance du service des études sectorielles et des monographies :

La tâche du vérificateur est délicate. Elle nécessite à la fois du temps pour la


recherche de l’information et l’investigation pour détecter les foyers de la
fraude et des efforts pour pouvoir faire de bons redressements sans léser ni
les intérêts du Trésor public ni ceux des contribuables vérifiés.

Dans ce cadre, l’agent du contrôle doit avoir les outils de travail nécessaires
lui facilitant la tâche .Parmi ces outils, l’édition des monographies élaborées
par la Direction des impôts .C’est dans ce sens que la création d’un service
chargé de procéder à des études sectorielles et de confectionner des
monographies par type d’activité est nécessaire.

Ces études permettent ainsi au vérificateur d’avoir une idée précise sur les
activités de l’entreprise à vérifier. Ses problèmes, son marché, ses clients et
ses fournisseurs, ses procédés de fabrication, les types de machines à utiliser
et éventuellement leur prix. L’utilisation de ces machines, les matières
premières utilisées et les produits ou articles fabriqués.

106
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Le service pourra établir des taux de marge brute par secteur d’activité ou par
branche, ce qui permet de procéder à des comparaisons fondées sur des
données réelles pour l’appréciation des entreprises.

Ces renseignements sont précieux pour le vérificateur car ils lui permettent
d’être en position de force vis-à-vis du contribuable, à contrario. L’absence de
ceux-ci fait perdre à l’Etat des recettes fiscales qui lui reviennent de plein droit.

En somme, ce service pourra également collecter des statistiques sur le


nombre des vérifications effectuées au cours d’une année et le montant total
des redressements réalisés. Ces statistiques seront bénéfiques afin d’identifier
les catégories de contribuables qui se donnent plus à éluder l’impôt.

En France, la Direction Générale des Impôts publie annuellement des chiffres


relatifs au nombre des vérifications de comptabilité et d’examens approfondis
de la situation fiscale des contribuables réalisés et la fréquence des
interventions des inspecteurs vérificateurs.
Les résultats obtenus permettent de conclure sur la marche des services des
vérifications et leur rendement.

107
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : Amélioration des méthodes de travail

Mais l’amélioration du rendement des services de contrôle ne peut être


obtenue que grâce au renforcement des moyens humains et matériels de
l’administration des impôts.

1) Création d’une banque de données :

La collecte des informations et leur traitement est un élément important pour


lutter contre la fraude fiscale. Cet objectif peut réussir par l’intensification de
l’informatisation des services fiscaux et l’assurance de leur liaison avec le
service central des impôts afin que tous les renseignements et informations
relatifs à un contribuable puissent être facilement retrouvés et utilisés à des
fins de rendement de l’impôt.

Cette informatisation doit concerner surtout les services de recoupement qui


ont un rôle de premier plan pour fournir aux services de gestion de l’impôt les
informations nécessaires sur le territoire national. Ce service doit être relié à
toutes les sous direction régionales afin d’obtenir les renseignements, de les
regrouper et de transmettre des nouveaux recoupements dans un temps
record.

L’agent du contrôle peut réaliser des redressements importants s’il arrive à


obtenir ce genre de recoupements sur les achats et les ventes des
contribuables ou sur l’origine de leurs revenus.

108
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Ainsi, à titre d’exemple les directions qui peuvent être d’une grande utilité pour
fournir des informations sur les contribuables sont l’Administration des
douanes et des impôts indirects et la Trésorerie générale du Royaume.

En effet, les douanes peuvent fournir des renseignements de grande utilité


à l’administration des impôts aussi bien en ce qui concerne les importations et
les exportations des marchandises qu’au niveau du train de vie des
contribuables : fichiers des bateaux , registre des entrées et sorties des
navires dans les ports , importations et exportations d’œuvres d’art ou
d’antiquité , infractions à la législation des changes etc…

2) Motivation des agents de l’administration fiscale :

Les agents des impôts sont des fonctionnaires de l’Etat. Ils sont régis par le
statut de la fonction publique quant à leur grade, leur promotion, et leur
rémunération.
Or, ils devraient en fait avoir un statut particulier vu qu’ils exercent un métier à
risque dont la technicité est élevée et qui exige du temps, de la patience et de
la formation personnelle continue (auto-formation). De même ils méritent de
bénéficier d’avantages particuliers et des rémunérations.

109
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

a- La formation des inspecteurs vérificateurs :

Les inspecteurs vérificateurs ont certes des diplômes de l’université ou des


grandes écoles. Mais ceci parait à nos yeux insuffisant pour exercer le métier
de vérificateur sans avoir une formation en la matière et ceci pour plusieurs
raisons :

- Tout d’abord, la fiscalité est une matière complexe et les lois fiscales
utilisent des langages difficiles à comprendre même par les plus initiés ;
- Ensuite, la comptabilité est une technique difficile ayant des règles qui
exigent une formation et surtout un recyclage périodique ;
- En dernier lieu, le vérificateur commence à faire face à une nouvelle
donne à savoir l’existence de la comptabilité sur des supports
magnétiques qu’il est contraint de contrôler d’où son besoin d’une
formation poussée en informatique ;

Pour ces raisons, la formation des agents de contrôle s’avère une nécessité,
elle peut revêtir la nature de recyclage, de séminaires, ou même des cours
théoriques et pratiques dés leur recrutement.

En France ; les nouvelles recrues, ayant une licence en droit ou en économie,


regagnent dés leur recrutement l’Ecole Nationale des Impôts pour suivre des
études avancées en Droit, Fiscalité, Comptabilité et Informatique pendant une
année. Au Maroc, cette formation doit constituer à la fois un complément aux
disciplines déjà acquises par le nouvel inspecteur et un supplément pour lui
enseigner les techniques fiscales, les méthodes d’assiette, de contentieux, et
de la vérification, les comportements et la déontologie du métier.

110
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Parmi les disciplines que la formation devrait comprendre, on peut citer :


3) Le Droit commercial
4) Le Droit des sociétés
5) La gestion financière des entreprises
6) La fiscalité marocaine
7) La comptabilité générale et analytique
8) Les mathématiques financières
9) L’Informatique de gestion
Ces études devraient insister sur le côté pratique en sensibilisant les nouvelles
recrues à réfléchir sur les problèmes qu’ils auront à rencontrer et à confronter
et d’en trouver les solutions. De même ils devraient suivre des séances de
perfectionnement afin d’être au courant des différentes infractions que les
entreprises commettent fréquemment dans les domaines de la comptabilité et
de la fiscalité.
Une organisation de la formation continue à l’attention des anciens agents des
impôts en général et des vérificateurs en particulier devrait également être
programmée sérieusement afin de leur permettre d’être au courant des
nouvelles dispositions fiscales sans pour autant perturber le travail des
services.

b- L’amélioration de la situation des agents de l’administration fiscale :

La motivation des agents du contrôle fiscal peut avoir deux objectifs


d’importance égale. D’un côté, l’incitation de ces agents à travailler plus et à
réaliser des redressements significatifs au moment où le Trésor du royaume
passe par des moments difficiles et d’un autre côté de les aider à se former ou
leur assurer une formation comme préalablement précisé, pour avoir une
compétence meilleure afin de faire face aux experts comptables employés par
les contribuables pour dresser leurs comptes et établir leurs déclarations.

111
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

En effet , il est à souligner que le rendement des services de vérification


dépend incontestablement de la rigueur des agents du contrôle et de leur
habilité à démasquer la fraude fiscale cachée d’une part et d’autre part de
l’importance des moyens mises à leur disposition par les pouvoirs publics.

Ainsi, la motivation des agents des impôts devrait revêtir trois éléments
importants :
- D’une part, les agents des impôts devraient avoir un statut particulier ;
- D’autre part, ils ne doivent pas être lésés par les décideurs quant à leur
avancement, leur promotion et leur indemnisation ;
- En dernier lieu, ces agents devraient réfléchir pour constituer un
syndicat national des impôts sans couleur politique ayant pour
préoccupation essentielle de défendre les intérêts de ses adhérents.
Les inspecteurs vérificateurs méritent une attention plus particulière en raison
du rôle qu’ils jouent dans la collecte de fonds pour le Trésor public. Ces
agents méritent au moins d’être remboursés pour les frais de déplacement ou
leur accorder des indemnités en ce sens, vu que le vérificateur est obligé de
se déplacer pour chercher les informations et faire son travail dans les sièges
des sociétés qui se trouvent dans la plupart des cas à l’extrémité des villes.

Il est nécessaire également de veiller à l’amélioration des conditions


matérielles du travail qui doit concerner à la fois le lieu où travaille le
vérificateur à son bureau ou à la société.
En effet, celui-ci passe plus de temps au siège de l’entreprise qu’il contrôle
qu’à son bureau. C’est pourquoi la loi doit exiger de celle-ci de lui réserver un
local respectueux airé et bien éclairé. Certaines sociétés adoptent à l’égard de
l’agent des impôts une attitude non compréhensible en lui offrant à titre
d’exemple un local sombre, sale profitant du silence des textes de loi à ce
sujet.

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LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

c - Rationalisation de la gestion des ressources matérielles :

La disponibilité des moyens matériels est un élément crucial de la réussite de


toute stratégie fiscale et à la bonne entreprise des services de vérification.

Ainsi pour assurer un bon rendement et une motivation des services fiscaux,
les décideurs doivent mettre à la disposition de la Direction des Impôts :

- Des locaux bien construits à usage de bureaux et non des appartements


à usage d’habitation afin d’améliorer les conditions du travail des agents
des impôts et l’image de marque de l’administration ;
- Des moyens de transport des agents du fisc en général et des
vérificateurs en particulier car ceux-ci effectuent des opérations de
recensement, de contrôle sur place, et d’investigations dans des régions
lointaines que même les moyens de transport public n’atteignent pas.

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LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CHAPITRE 3 : La répression de la fraude fiscale

Parce que comme dit l’adage romain « la fraude vicie tout » : « fraus omina
corrumpit » qu’il va falloir la combattre avec toute la fermeté requise pour
préserver les deniers de l’Etat. Ne dit-on pas que « la grandeur ne peut avoir
40
qu’un temps, la décadence guette ceux qui relâchent leur fermeté ? » ( )

Ce nous amène à poser la question suivante, dans quelle mesure la législation


fiscale marocaine est- elle ferme dans la répression de la fraude fiscale ?
Pour pouvoir répondre nous exposerons les différentes sanctions fiscales et
civiles prévues par la législation marocaine, ce qui nous permettra après de
juger de leur force dissuasive et de leur capacité à radier un mal dont la
réputation est d’être suffisamment enraciné dans la société pour en être
extirper par la seule dissuasion.

Section 1 : Les sanctions prévues contre la fraude fiscale

Le respect de la règle de droit trouve son fondement dans le principe que


l’inobservation d’une disposition légale doit être sanctionnée afin d’assurer la
primauté du droit.

Dans ce cadre, le principe du droit fiscal réside dans le fait que le non –
respect d’une obligation fiscale doit être sanctionné. A ce titre, les sanctions
applicables, en matière fiscale, se subdivisent en deux catégories :

- Les sanctions fiscales


- Les sanctions civiles

40
– COSSON.J op.cit. P 195
 
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Paragraphe 1 : Les sanctions fiscales

Les sanctions fiscales se traduisent par des pénalités en sus de l’impôt déjà
payé, dont les montants varient en fonction de la nature de l’acte frauduleux
commis. Elles ont à la fois un caractère répressif et un caractère réparateur
pour le Trésor public.

a- Les sanctions pour infraction au droit de contrôle :


La législation en vigueur assortit la panoplie des sanctions qu’elle prévoit d’un
certain nombres de garanties destinées à protéger le contribuable contre les
abus éventuels de l’administration fiscale . Ainsi, les textes instituant la TVA,
l’IS et l’IR prévoient avant de permettre à l’administration de décider d’une
quelconque sanction, d’inviter par lettre recommandée, le contribuable
récalcitrant à se conformer dans un délai de 15 jours à l’obligation de
présenter les documents comptables ou de se soumettre au contrôle fiscal. Ce
n’est qu’en cas de refus qu’une amende de 2.000 DH dans le cas d’une fraude
à la TVA ou à l’IS et de 500 DH à 2.000 DH lorsqu’il s’agit de l’IR est
prononcée avec une nouvelle possibilité de se rattraper, dans les deux cas,
dans un nouveau délai de 15 jours. Lorsque passé le deuxième délai de 15
jours, le contribuable ne s’exécute toujours pas, ou n’arrive pas à justifier
l’absence de sa comptabilité, il est alors soumis à une imposition d’office sans
notification préalable. Cette imposition d’office peut être contestée
conformément à la procédure en vigueur devant la commission locale de
taxation puis auprès de la commission nationale en deuxième recours .Si le
contribuable n’arrive pas à obtenir satisfaction il peut alors recourir en dernier
lieu au tribunal administratif, si le défaut de présentation des documents
comptables n’a pas été justifié. Le contribuable peut être sommé, dans tous
les cas, de payer une astreinte de 100 DH par jour de retard dans la limite de
1.000 DH.

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LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

b- Infractions aux règles de prévention de la fraude fiscale :


L’entreprise assujettie à l’IS doit souscrire plusieurs déclarations relatives
notamment à son existence et au transfert de son siège social en cas de
changement d’adresse.
Elle est tenue également de déclarer périodiquement, son résultat fiscal ou le
chiffre d’affaires réalisé ainsi que les rémunérations allouées à des tiers. Le
non respect de l’obligation de déclaration donne lieu aux sanctions suivantes :
- Le défaut de déclaration d’existence ou le dépôt d’une déclaration
inexacte est passible d’une amende de 1.000 DH ;
- La non déclaration du transfert du siège social est punie d’une amende
de 500 DH ;
- Le défaut ou le retard dans la déclaration du résultat fiscal ou du chiffre
d’affaires est sanctionnée par une majoration égale à 15% des droits
correspondants au bénéfice de l’exercice comptable. Dans tous les cas,
le montant de la majoration ne peut être inférieur à 500 DH ;
- Lorsque la société ne produit pas dans le délai prescrit la déclaration
des rémunérations allouées à des tiers, il est réintégré dans son résultat
fiscal 25% du montant desdites rémunérations.
En outre, si la déclaration produite est insuffisante ou incomplète,
l’entreprise encourt une amende de 100 DH par omission ou
inexactitude relevée, sans que cette amende, émise par voie de rôle,
puisse excéder 1000 DH.
c – De la complicité :
La réglementation fiscale en vigueur réprime également la complicité en
matière de fraude fiscale. Ainsi, elle condamne toute personne s’étant rendu
complice de manœuvres destinées à éluder l’impôt, ou ayant conseillé ou
assisté le contribuable dans l’exécution desdites manœuvres, au paiement
d’une amende égale à 100% de l’impôt éludé, indépendamment de l’action
disciplinaire si elle exerce une fonction publique.
116
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : Les sanctions civiles

Les sanctions civiles concernent essentiellement les privilèges accordés à


l’administration victime de manœuvres frauduleuses, de se faire dédommager
des torts qui lui sont causés. Entrent dans cette catégorie notamment, le droit
de préemption de l’administration.
Le droit de préemption est à rapprocher des sanctions fiscales précitées, il
concerne plus particulièrement les infractions aux droits d’enregistrement. Ces
droits relèvent essentiellement de la fiscalité personnelle car ils frappent les
mutations de la fortune des particuliers, soit entre vifs (vente, location des
biens immeubles etc.…) soit à cause de mort (succession, legs). C’est
pourquoi le principe admis est que les droits perçus soient calculés sur la base
des prix et des valeurs fixés par les contractuels et contenus dans les textes
des contrats. Ils doivent en effet correspondre au prix du marché en fonction
de l’offre et de la demande et relater en principe la valeur réelle des biens,
objet de la transaction.
Or, cette concordance entre les montants des prix déclarés et l’argent
réellement perçu n’a lieu que rarement. En effet les contractuels tendent
souvent à minimiser les prix déclarés afin de réduire l’assiette et par
conséquent éluder le paiement de ces droits d’enregistrements et de timbre.
Il est en effet communément admis que la fraude fiscale des droits
d’enregistrements est très répandue en raison du caractère quelque peu
particulier des transactions qui sont soumises à ce prélèvement, « d’aucuns
sont convaincus que la matière d’enregistrement est la plus sujette aux
41
dissimulations et dérobades des contribuables » ( )

41
– EL KTIRI.M op.cit. p 91
 
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C’est pourquoi l’article 21 du Code des droits d’enregistrement a prévu des


sanctions. Ainsi, signalons à titre indicatif que les insuffisances de prix ou
d’évaluation constatées dans les actes et conventions subissent une pénalité
fixée à 15 % du montant des droits complémentaires exigibles.

Lorsque l’administration constate qu’un contrat entre particuliers dissimule le


montant réel d’un transfert de revenus ou de bénéfices afin d’échapper aux
droits d’enregistrements normalement dus. Elle est en droit de requalifier le
contrat.

Cependant , en application du principe admis en droit civil selon lequel « la


preuve incombe au demandeur » elle est tenue de prouver l’existence à la fois
d’un accord secret entre les contractants tendant à dissimuler le prix réel et
d’un préjudice imminent pour le Trésor public . Sur le plan civil, l’acte secret
est frappé de nullité, mais même si cette nullité n’était pas prononcée, le
Trésor peut réclamer le recouvrement des droits complémentaires dus
sur la partie du prix dissimulée ainsi que de la pénalité y afférente.

Lorsqu’elle n’arrive pas à prouver l’existence d’un accord secret entre les
contractants elle peut purement et simplement exercer le droit de préemption
qui lui est accordée et qui lui permet de se porter acquéreur au lieu et place de
l’acquéreur initial au prix indiqué dans l’acte de vente, majoré de 1/10ème. En
définitive cette sanction s’avère d’application difficile car prouver l’existence
d’un accord secret entre les contractants n’est pas toujours aisée. En effet,
l’administration n’a commencé à user de ce privilège qu’au cours des dix
42
dernières années. ( )

42
 – ESSAFI .Yahya : Précis de la théorie et pratique du droit d’enregistrement et du timbre
au Maroc, Rabat, AL HILAL.  
118
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Section 2 : Institution des mesures de dissuasion

Afin d’assurer une élimination plus au moins totale de la fraude fiscale, il est
recommandé de renforcer les sanctions prévues à l’égard de ce mal social.

Paragraphe 1 : Renforcement des sanctions

Pour atténuer l’importance de la fraude fiscale et obliger les contribuables à ne


pas se laisser emporter par le désir de fuir l’impôt, il est nécessaire de
raffermir les sanctions. Ce raffermissement passe à la fois par l’augmentation,
le renforcement des sanctions en vigueur et par la pénalisation des
manœuvres frauduleuses.

a- Les sanctions pécuniaires :

La législation ne définit pas expressément l’infraction « fraude fiscale » mais


elle se contente de réprimer certaines situations qui peuvent présumer de
l’existence d’une fraude.

Le législateur a institutionnalisé des mesures sous forme de sanctions


pécuniaires à l’encontre de toutes personnes ayant commis une action pour
éluder l’impôt ou ayant assisté ou conseillé un contribuable dans manœuvres
en ce sens. Toutefois, les montants de ces amendes fiscales qui se situent
entre 2000 DH et 5000 DH ainsi que celui des astreintes de retard (100 DH
sans dépasser un montant maximum de 1000 DH) ne paraissent pas
suffisamment élevées pour être parfaitement dissuasives.

119
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Normalement, ces sanctions doivent être plus sévères pour obliger les
contribuables à ne plus éluder l’impôt. En effet, tant qu’elles sont dérisoires,
elles ne pourront pas jouer le rôle de dissuasion, au contraire elles seront
l’occasion de pousser les plus honnêtes à vouloir « jouer avec le fisc ».

b-Les sanctions administratives :

A côté des sanctions pécuniaires, le législateur devrait instituer des sanctions


administratives, il s’agit des mesures strictes obligeant indirectement les
contribuables de s’acquitter de leurs dettes fiscales pour bénéficier de certains
avantages accordés par l’Etat.

Les exemples sont nombreux, on peut se contenter de citer quelques uns tels
que le bénéfice de certains services publics, l’acquisition de certaines
autorisations des pouvoirs publiques (l’exercice du commerce, l’acquisition
d’un passeport, départ à l’étranger etc.…)

c-La pénalisation de la fraude fiscale :

A côté des sanctions prévues contre la fraude fiscale, il est nécessaire de


réviser les procédures et les délais du recours fiscal pour obliger les
contribuables à respecter les lois fiscales en vigueur.

120
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

Paragraphe 2 : Assouplissement des procédures

Le contrôle fiscal débouche dans la majorité des cas, sur des redressements
que le contribuable doit verser au trésor public et sur la base desquels sont
calculés les majorations et les pénalités de retard.

Pour sauvegarder les intérêts des contribuables et les prévenir contre les abus
de l’Administration, la loi a institué les procédures de recours devant les
commissions locales et nationales, puis devant les tribunaux en dernier lieu.
Or, ces procédures sont longues et peuvent durer des années. Une telle
situation a des effets négatifs au niveau :

- Des caisses de l’Etat car une fois la procédure terminée, l’argent


remboursé par le contribuable peut, sous l’effet de l’inflation être
dévalué même si on applique les pénalités et les majorations de retard.
- De l’agent vérificateur, car avec le temps celui-ci oublie les détails du
dossier vérifié qui a la charge de défendre devant les commissions
sachant qu’il n’a pas que ce dossier et qu’entre temps il a été chargé de
vérifier d’autre sociétés.

D’où la nécessité de réactiver les commissions que ce soit les commissions


locales de taxation ou la commission nationale du recours fiscal afin de
redonner à ces institutions l’importance assignée par le législateur, car il est
insoutenable de voir un dossier trainé pendant plusieurs années entre ces
deux juridictions alors qu’il suffit de trois séances ou quatre au maximum pour
arrêter une décision définitive. Il faut se rappeler sans cesse que c’est l’argent
du Trésor qui est en jeu.

121
LA FRAUDE FISCALE AU MAROC                                    

CONCLUSION DE LA 2EME PARTIE

Sous la pression des exigences financières de l’Etat, du poids de la fraude


fiscale et du contexte interne et international favorisent le développement de la
fraude. Ainsi au terme de ce constat, il semble que la lutte contre la fraude
fiscale nécessite une volonté mobilisatrice des différents acteurs de la société.
Cet engagement devrait se concrétiser par les actions suivantes :

- La sensibilisation du contribuable face aux dangers de la fraude fiscale


sur l’équilibre économique, politique et social, en créant chez ce
contribuable un acquiescement fiscal volontaire ;
- L’amélioration des rapports entre contribuable et administration fiscale ;
- La simplification du système fiscal ;
- L’élaboration d’un plan managérial de lutte contre la fraude fiscale, en
agissant sur les problèmes que rencontrent l’administration fiscale en
tant qu’organe préventive, aussi bien sur le plan ressources humaines
que sur le plan organisationnel et information ;
- Adopter une stratégie répressive adéquate pour enrayer radicalement le
fléau de fraude fiscale.

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CONCLUSION GENERALE

A l’instar de nombreux pays en voie de développement, la fraude fiscale au


Maroc est un phénomène très présent. Seulement on n’a pas fini de recenser
définitivement tous les aspects et les formes qu’elle peut revêtir. Ce qui
demeure certain, c’est que tous les contribuables qui ont la possibilité de
frauder, le font chacun selon ses capacités.

Les effets nocifs de la fraude fiscale ne sont plus à démontrer. L’administration


fiscale est désormais consciente de ce fléau qui dévaste les finances de l’état,
celui-ci ayant atteint des dimensions inquiétantes.

La fraude se caractérise par la complexité de ses causes. La panoplie des


facteurs engendrant ce fléau est très étendue. Si l’absence de morale fiscale
chez le contribuable en est la cause majeure, les stratégies politiques et
fiscales, ainsi que la situation actuelle de l’administration fiscale contribuent
de manière directe à l’aggravation de cette fraude fiscale. Bien plus,
l’administration par le biais de ses agents, est complice avec les fraudeurs.
Les liens de cause à effet entre la fraude et la corruption des agents de
l’administration ne font plus de doute.

Dés lors, et aux fins d’enrayer la fraude, quel est l’aspect qui méritent le plus
d’attention ? L’aspect politico-sociologique ou l’aspect purement administratif ?

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Si le premier aspect nécessite des efforts de longue haleine, le second


suppose une prédisposition de l’administration fiscale à agir dans ce sens.

Il s’avère alors que l’action la plus efficace, consisterait à user des moyens de
contrainte, en renforçant le contrôle effectué par les agents de l’administration
fiscale, et en consolidant son action par un arsenal de règles répressives et
dissuasives devant toute tentative de fuite devant l’impôt.

Les résultats ne sont pas sûrs à priori, du moins pour certains contribuables,
pour qui la fraude serait une réaction à un état de fait.

Il semble alors qu’il faut de nouveau penser le rôle de l’impôt en particulier, et


celui des finances publiques en général.

Bien au-delà, la fonction remplie par les finances publiques est-elle optimale
compte tenu de la contribution de chacun ? La réponse à cette préoccupation
fournirait à mon avis, les éléments de base pour nouvelle définition du sens
civique.

124

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