3 - Habermas
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3 - Habermas
« Dans ce qui suit, je jouerai le rôle apologétique d’un participant occidental au débat
interculturel sur les droits de l’homme et partirai de l’hypothèse selon laquelle ces critères
sont dus au moins à l’arrière-plan culturel particulier de la civilisation occidentale qu’à une
tentative de répondre aux défis spécifiques d’une modernité sociale aujourd’hui mondialisée.
Quelle que soit notre appréciation de ces conditions de départ modernes, elles représentent
aujourd’hui pour nous un fait qui ne nous laisse pas le choix et n’appelle ni n’admet de
justification rétrospective. Dans la querelle sur l’interprétation appropriée des droits de
l’homme, ce n’est pas le caractère souhaitable ou non de la condition moderne qui est en jeu,
mais une interprétation des droits de l’homme qui rendent justice au monde moderne, y
compris du point de vue d’autres cultures[…]La thèse selon laquelle les vieilles cultures de
l’Asie tout comme les cultures tribales d’Afrique privilégient la communauté par rapport aux
individus et ignorent toute séparation rigoureuse entre droit et éthique, est au cœur du
débat[…]Hors, il me semble que, du fait de cette référence aux différences culturelles, le
débat est en train de faire fausse route. On peut, certes, déduire la fonction du droit moderne
de sa forme. Les droits subjectifs sont une sorte d’enveloppe protectrice de la conduite de vie
privée de chaque personne […] L’attaque lancée contre l’individualisme des droits de
l’homme est dirigée contre un aspect du concept sous-jacent d’autonomie, à savoir contre les
libertés garanties aux citoyens privés par rapport aux appareils d’Etat et aux tiers. Mais au
sens politique, les citoyens ne sont autonomes que s’ils se donnent eux-mêmes leurs lois. Le
modèle de l’assemblée constituante ouvre la voie à une conception constructiviste des droits
fondamentaux. »
Il n’est pas question de remettre en question l’origine occidentale des droits de l’homme
puisque ce constat est existentiel à ces droits. D’ailleurs, l’évolution de ces droits remonte aux
siècles des lumières avec la panoplie de textes philosophiques élaborés autour de cette
question. A titre d’exemple, Jean-Jacques Rousseau dans le contrat social était à l’origine du
développement de la notion d’égalité qui est en parfaite corrélation avec la liberté. John Locke
a développé le concept de droit de propriété qui est l’un des fondements de la liberté
économique. Baruch Spinoza a développé l’idée de la liberté d’opinion qui est nécessaire pour
ériger un Etat démocratique quant à Montesquieu la liberté politique représente l’un des
visages de la liberté moderne. Plus tard les Déclarations des droits de l’homme proclamés par
certains Etats en Europe et en Amérique concrétiseront les idées défendues par ces
philosophes des lumières. Ce processus permet clairement de reconnaître l’origine occidentale
des droits de l’homme qui n’est pas remise en question aujourd’hui. L’omniprésence du
modèle juridique et social occidental est factuelle et n’exige pas de justification particulière.
Néanmoins, l’universalisme est-il forcément occidental ce qui paraît assez paradoxal dans les
propos tenus ici ? L’universalisme implique la participation, la représentation et la promotion
de toutes les valeurs culturelles, religieuses et politiques de ce monde. En effet, universalisme
ne rime pas forcément avec occidentalisme puisqu’il serait dangereux aujourd’hui de soutenir
une telle idée. Cette pensée peut conduire à des dérives et à des positions réactionnaires en
raison de l’impérialisme idéologique sous-jacent à la notion. Il serait préférable de distinguer
clairement universalisme et civilisation occidentale afin d’intégrer toutes les composantes
actuelles de la communauté internationale qui se caractérise par son multiculturalisme.
La contestation culturelle mis en avant par certaines civilisations hostiles aux droits de
l’homme réside dans la vision péjorative de certains penseurs occidentaux à l’égard de ces
Etats. Pour Habermas, il serait erroné de continuer à développer le débat autour des
différences culturelles. L’absence de séparation entre l’éthique et le droit n’est pas contraire
aux droits de l’homme même en adoptant une position purement positiviste. Il est clair que si
l’éthique et le droit sont conjointent reconnus par le droit positif ce débat devient dès lors
anachronique. Les droits de l’homme s’adressent à toutes les cultures et toutes les
civilisations, leur message demeure la protection de la personne humaine. La dignité humaine
n’a pas de religion ni de culture ainsi toute référence à une opposition culturelle n’est qu’une
volonté de créer une dissension au sein de la famille humaine. Ces oppositions entre le
communautarisme et l’individualisme portées par les droits de l’homme est une polémique
désuète en raison de la composition hybride de ce corpus normatif de droits collectifs et de
droits individuels. La tendance individualiste n’est qu’une lecture partielle de la véritable
représentation de ces droits. Le droit moderne est représenté principalement par les droits
subjectifs qui ont pour mission de protéger la conduite humaine selon l’auteur. Il est certain
que malgré les différences culturelles, religieuses et idéologiques tout un chacun espère que sa
vie privée, sa propriété ou bien son intégrité physique seront garantis. Le besoin éprouvé par
les humains de vivre dignement dans le respect de leur condition est devenu vital. Cette
condition sine qua non se transforme en une norme qui recèle un élément commun à toutes les
personnes humaines vivant dans ce monde. Cette dernière est incarnée dans la préservation de
la condition humaine à l’époque de la globalisation multiculturelle effrénée opposée à une
certaine haine multiculturelle décomplexée.