FISCALITE

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Master : Economie, Finance et Emergence Economique

Matière : Fiscalité et émergence économique

Contribution à la rationalisation du systè me des


dé penses fiscales au Maroc

Encadré Par : Mr SADDOUGHI

Réalisé Par :
 RAHMANI Chaymae
 ZNASSNI ISLAM
 GRARI YOUSRA
 AMROUS LAMYAE
 GUERROUJ RACHID
 RABHI MOHAMMED

Année Universitaire :2020/2021


Sommaire

Table des principales abréviations....................................................................................................3


Introduction Générale.......................................................................................................................5

Chapitre I : L’analyse des dépenses fiscales marocaines contemporaines........................................8


Section I - La gestion marocaine des dépenses fiscales...................................................................10
1 – Le cadre général des dépenses fiscales marocaines...............................................................11
2 - La démarche méthodologique marocaine dans la gestion des dépenses fiscales...................30
Section II : La rationalisation hypothétique des dépenses fiscales depuis les Assises nationales sur
la fiscalité (2013 à 2019)...................................................................................................................44
1 - Les modalités de la rationalisation des incitations fiscales dans les lois de finances successives
de 2013 à 2019.............................................................................................................................47
2 - Le bilan de la rationalisation des dépenses fiscales.................................................................65
Conclusion du Chapitre I...................................................................................................................84

Chapitre II - La nécessaire réforme générale du régime incitatif marocain actuel............................86


Section I - Les critiques formulées à l’encontre du régime incitatif marocain..................................87
1. Une nécessaire clarification des critères de la notion de dépenses fiscales.............................88
2. Une évaluation encore sujette à caution................................................................................106
Section II - Les voies de réforme préconisées pour le régime incitatif marocain............................119
1 - L’élaboration d’un nouveau cadre méthodologique des dépenses fiscales...........................122
2 - L’inscription du cadre normatif des dépenses fiscales dans la gestion budgétaire globale...137
Conclusion du Chapitre II................................................................................................................166

Conclusion Générale......................................................................................................................168
Listes des Annexes:........................................................................................................................169
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................178
Table des matières........................................................................................................................186

2
Table des principales abréviations

 ADII: Administration des Douanes et des Impôts Indirects


 AE: Auto Entrepreneur
 ANRT: Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications
 BAM: Bank Al Maghrib
 BCP: Banque Centrale Populaire
 CESE: Conseil Economique Social et Environnemental
 CGEM: Confédération Générale des Entreprises Marocaines
 CGI: Code Général des Impôts
 CIH: Crédit Immobilier et Hôtelier
 CLT: Commission Locale de Taxation
 DEPF: Direction des Etudes et des Prévisions Financières
 DET: Droits d’Enregistrement et de Timbre
 DH: Dirhams
 DTFE: Direction du Trésor et des Finances extérieures
 DGI: Direction Générale des Impôts
 FMI: Fonds monétaire International
 GPEEC: Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences
 IBP: Impôt sur les bénéfices professionnels
 IGR: Impôt Général sur les Revenus
 IR: Impôt sur le Revenu
 IS: Impôt sur les Sociétés
 LOLF: Loi Organique de Loi de Finances
 LF: Loi de Finances
 MDH: Millions de Dirhams
 OCDE: Organisme de Coopération et de Développement Economique
 OCP: Office Chérifien de Phosphate
 OMC: Organisation Mondiale du Commerce
 OPCI: Organisme de Placement Collectif en Immobilier
 PEFA: (Public Expenditure and Financial Accountability)

3
 PLF: Projet de Loi de Finances
 PIB: Produit Intérieur Brut
 PME: Petites et Moyennes Entreprises
 REC: Référentiel des Emplois et des Compétences
 SA: Société Anonyme
 SARL: Société A Responsabilité Limitée
 TVA: Taxe sur la Valeur ajoutée

4
Introduction Générale

Devant la grande fortune internationale qu’a connue le concept des dépenses fiscales
dans la majorité des pays de l’organisation de coopération et de développement
économique (OCDE)1, le Maroc s’est vite inspiré de leur expérience en la matière. Ainsi,
l’acclimatation marocaine de la notion s’est faite par la publication annuelle d’un rapport sur
les dépenses fiscales adossé, depuis l’année 2005, au projet de la loi de finances dont
l’objectif est d’assurer une meilleure gestion des aides indirectes. Ces dernières sont
octroyées par l’instrument fiscal qui fournit un cadre favorable à la mise en œuvre des
réformes du système fiscal envisagé par les autorités. Ce rapport représente un recueil
englobant l’ensemble des dérogations fiscales avec une estimation de leur coût respectif par
type d’impôt et secteur.

Le rapport sur les dépenses fiscales est un outil conçu spécialement pour répertorier
l’ensemble des dispositions dérogatoires parsemant le système fiscal marocain. A priori, ce
travail d’assemblage se fait, sans difficulté majeure, dans la mesure où il suffit, tout
bonnement, de se référer à la définition préétablie du concept de dépense fiscale. Pour y
parvenir, l’approche marocaine, et en dépit de l’absence d’une définition claire et concise de
la notion de dépense fiscale, a déterminé quelques éléments de définition, servant de fil
conducteur, afin de qualifier une mesure dérogatoire de dépense fiscale. Il n’en demeure
pas moins qu’il existe un autre élément aussi déterminant à démontrer, au préalable, afin de
pouvoir procéder au tamisage permettant de répertorier les mesures qualifiées de
dépenses fiscales. Il importe de déterminer, à cet effet, le périmètre du système fiscal
marocain de référence afin de pouvoir, en conséquence, distinguer l’authentique dépense
fiscale de l’ivraie.

Au-delà du volet relatif à la recension des différentes dispositions dérogatoires, le


rôle premier assigné au rapport sur les dépenses fiscales est de mettre en exergue

1
L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a, en 1961, succédé à l'Organisation
européenne de coopération économique (OECE), fondée en 1948 pour gérer l'aide américaine d'après-guerre
(plan Marshall). L'OCDE regroupe plus d'une trentaine de pays: toute l'Europe occidentale et l'Amérique du
nord, plus le Japon, l'Australie, la Nouvelle- Zélande, la Corée et, depuis 1995 et 1996, certains pays d'Europe
centrale (République tchèque, Hongrie, Pologne) et, depuis 2010 le Chili, la Slovénie, Israël, et l'Estonie. L'OCDE
est le principal rassembleur de statistiques sur les pays développés. L'OCDE siège à Paris

5
l’impact budgétaire occasionné par l’institution des mesures préférentielles fiscales qui ne
cessent de s’étoffer chaque année avec l’avènement de chaque loi de finances. La
conception de ce rapport n’est, absolument, pas une fin en soi, ce dernier, n’est, en fait,
qu’un outil technique dont le but principal est de « rendre comparables, les interventions
gouvernementales émanant de la politique fiscale et celles réalisées par l’intermédiaire des
dépenses budgétaires »2.

Toutefois, il faut reconnaître que le rapport sur les dépenses fiscales a pu jouer, entre
autres, au moins un double rôle informationnel. Depuis 2005 marquant l’avènement du
premier rapport marocain, les dépenses fiscales sont devenues un fait connu de la part des
décideurs marocains. Les données contenues dans le rapport ont alerté, au moins 3, les
pouvoirs publics sur la manne budgétaire importante volatilisée et non comptabilisée dans le
compte général des dépenses budgétaires et avoir, en concomitance, une idée
approximative sur le coût du produit de l’impôt, délibérément, non collecté. Cette prise de
conscience leur permettra, indéniablement, de mesurer le degré de déperdition de la
matière imposable afin de pouvoir en rationaliser, en bon père de famille, l’usage qu’on fait
de l’impôt, comme un instrument de politique publique.

Sans oublier, notamment, de rappeler la finalité première incombant au concept de


dépense fiscale telle qu’elle a été préconisée par son bâtisseur Stanley Surrey, ce rapport
devrait a priori, permettre d’établir un comparatif entre les dépenses ordinaires et les
dépenses fiscales. Ceci étant dit, ce document contribuera à repenser l’ensemble du chantier
de la fiscalité dérogatoire au Maroc, afin de stopper l’érosion d’assiette et de revoir, de fond
en comble, le dispositif dérogatoire mis en place, pour une réforme globale des dépenses
fiscales marocaines.

Le rapport marocain sur les dépenses fiscales adossé, chaque année, à la loi de
finances, a été conçu en 2005, et depuis, beaucoup de choses ont changé dans
l’architecture fiscale marocaine à une exception près, celle relative aux dispositions

2
L. GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit., p. 108.
3
A savoir que le champ du périmètre reste encore entaché de plusieurs imperfections et marqué par une
information souvent tronqué loin de donner une idée exacte sur l’impact économique et budgétaire de la
mesure préférentielle objet de chiffrage .

6
dérogatoires. Chaque loi de finances apporte son lot de nouveautés concernant les
avantages fiscaux. Une multiplicité de mesures intarissables que le rapport est censé
prendre, perpétuellement, en charge dans l’inventaire annexé à la loi de finances de chaque
année budgétaire. En quoi consiste donc cette rationalité des dépenses fiscales prônée lors
des assises sur la fiscalité ?

A la lumière de ce qui précède, et au vu des objectifs assignés, généralement, à un


compte de dépenses fiscales et, afin d’approcher la gestion marocaine en la matière, nous
analyserons les principales mesures dérogatoires marocaines prévues dans le code général
des impôts (Chapitre I), avant de pouvoir procéder à diverses propositions destinées à
améliorer le système actuel d'incitations fiscales (Chapitre II).

7
Chapitre I : L’analyse des dépenses fiscales marocaines
contemporaines
Les dépenses fiscales, en leur qualité d’instrument de politique publique,
s’imposent « comme des outils de substitution aux dépenses classiques, afin d’encourager un
certain nombre de secteurs d’activités ou des catégories de contribuables prédéfinies. A cet
égard, elles peuvent, donc, impacter, significativement, le budget de l’Etat »4. Ainsi et
compte tenu de leur impact sur les finances publiques, l’évaluation des dépenses fiscales
n’est plus un effet de mode mais, plutôt, une impérieuse nécessité « pour réaliser une
transparence financière effective du budget général et pour assurer plus de rationalisation
en matière d’allocation des ressources »5.

D’après les différents rapports publiés au Maroc, depuis 2005, les dépenses fiscales, objet
d’évaluation, sont, en réalité, des dérogations fiscales. Cette appellation laisse entendre que
l’approche marocaine renvoie, en premier lieu, à la notion de norme ou de règle générale sous-
jacente, pour qualifier une dépense fiscale. A ce titre, ne sont assimilées à ce type de dépenses que
les dispositions fiscales qui s’écartent d’un régime fiscal de référence, préalablement, défini6.

Le système fiscal de référence regroupe les régimes fondamentaux des différents


impôts, souvent désignés sous le vocable de droit commun. Les dépenses fiscales
représentent, alors, les écarts quantifiés par rapport au référentiel admis, comme autant
de manque à gagner consenti par la collectivité. Ces dispositions fiscales, de par leur
caractère dérogatoire, « représentent un enjeu budgétaire important. Elles constituent un
manque à gagner pour le Trésor et leur effet, sur ce budget, est comparable à celui des
dépenses publiques »7. C’est la raison pour laquelle elles sont appelées dépenses
fiscales8 , subventions fiscales ou aides fiscales. Ces deux derniers qualificatifs les placent,
expressément, dans une approche comparative avec les dépenses budgétaires directes.
4
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 », p.
3.
5
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2006 »,
6
Une démarche appelée par le rapport d´information ( fait au nom de la commission des finances sur les
allègements de prélèvements obligatoires n°553, Sénat session ordinaire de 2010-2011) une approche par le
haut, consistant à partir d’un système fiscal de référence « large » explicitement défini, tout allégement par
rapport à ce système étant considéré comme une dépense fiscale (cas des Etats-Unis, du Canada et de
l’Australie).
7
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2017 », p.
1.
8
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2006 », op.
cit., p. 4.

8
La tradition de publication d’un rapport a commencé aux Etats-Unis qui ont été les
premiers à rédiger des rapports annuels sur les dépenses fiscales (Tax Expéditeurs) avant que
la plupart des pays de l’OCDE leur emboîtent le pas. De très nombreux gouvernements se
sont engagés, en effet, dans la même voie, à commencer par la France, et plus précisément,
son Conseil des impôts9 en 1979 qui s’est chargé de l’étude de la notion de dépenses fiscales
dans l’Hexagone. Une année après, le Parlement a adopté la démarche dans le cadre de la
Loi de finances de 1980.

C’est ainsi que « la publication des données relatives aux dépenses fiscales s’est
imposée, par la loi, dans au moins neuf pays de l’OCDE. Une enquête menée en 1999 indique
que la plupart des pays membres de cette organisation communiquent, régulièrement, des
informations sur les dépenses fiscales »10.

Le gouvernement marocain s’est, donc, rallié à la tendance, en rejoignant les pays


qui ont décidé « d’intégrer le processus d’évaluation des dépenses fiscales dans ses
instruments de gestion des politiques publiques »11.

Ainsi, à partir de 2005, le Maroc a publié son premier rapport sur les dépenses
fiscales12 dont l’architecture a pris l’allure d’un document comportant l’évaluation d’une
grande partie du dispositif dérogatoire fiscal. Pour parvenir à montrer comment le Maroc a
tenté de rationaliser ses dépenses fiscales depuis les Assises nationales sur la fiscalité de
2013 (section II), il convient tout d’abord de définir les éléments nécessaires permettant la
bonne maîtrise de la gestion des dépenses fiscales (section I).
Section I - La gestion marocaine des dépenses fiscales

9
CONSEIL DES IMPOTS, « Rapport au Président de la République relative à l’impôt sur le revenu », 1979, p. 105.
10
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2005 », p. 10.
11
Ibid
12
La présentation de rapports sur les dépenses fiscales est considérée comme une pratique exemplaire à
l’échelle internationale en matière de transparence budgétaire et financière des gouvernements, et un nombre
croissant de pays adoptent cette pratique. La portée et l’étendue des rapports sur les dépenses fiscales varient
selon le pays. Certains pays fournissent des renseignements uniquement pour des catégories restreintes de
mesures fiscales, comme les « dispositions fiscales préférentielles » ou les « subventions fiscales ». La plupart
des pays ont toutefois adopté la pratique de présenter des rapports sur un plus grand nombre de mesures
fiscales qu’ils considèrent comme s’écartant d’un régime fiscal de référence. Cette pratique contribue à la
transparence en établissant un fondement objectif pour la sélection des mesures fiscales présentées.

9
A s’en tenir au rapport adossé au projet de loi de finances13, pour l’année
budgétaire 201814, le nombre des dépenses fiscales répertoriées a dépassé, depuis deux
années, la barre des quatre cent pour atteindre en 2017 le nombre de quatre cent dix-huit,
alors que les mesures dérogatoires évaluées ont dépassé, également, la barre des trois cent
pour atteindre exactement trois cent neuf dans la même année15 .

D’un point de vue purement économique, toute dépense fiscale est une affectation
de ressources pour atteindre un objectif de politique publique bien défini. A ce titre, chaque
disposition dérogatoire traduit un choix gouvernemental voulant recourir au système fiscal
mis en place pour réaliser un programme de politique publique, au même titre que les
autres instruments classiques que sont les dépenses budgétaires, sauf que ces dernières
sont, souvent, soumises à une procédure de contrôle et de suivi draconienne, alors que les
dépenses fiscales, et nonobstant la croissance incontrôlée de leur manque à gagner
budgétaire, peinent toujours à trouver un encadrement rationnel et efficient digne d’un
instrument de politique publique. A cette fin, et dans l’optique d’instaurer un cadre propice
qui permettrait d’assurer un suivi permanant des dépenses fiscales marocaines et de mieux
maitriser leur enjeu budgétaire pour une grande transparence dans leur gestion, la loi
organique n°130-1 relative à la loi de finances de l’année 2015 a imposé un cadre légal à la
présentation annuelle d’un rapport sur l’évolution des dépenses fiscales.

Pour pouvoir analyser la manière dont les pouvoirs publics marocains sont parvenus
à appréhender leurs dépenses fiscales, il importe, d’une part, de bien resituer le cadre
général du système dans lequel il s’intègre, et, d’autre part, de décrire la démarche
méthodologique qu’ils ont adoptée.

1 – Le cadre général des dépenses fiscales marocaines

13
Conformément aux dispositions de l’article 48 de la loi organique130-13 relative à la loi de finances : Le
projet de loi de finances de l'année est déposé sur le bureau de la Chambre des représentants, au plus tard le
20 octobre de l'année budgétaire en cours
14
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de Finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 2.
15
Il importe, néanmoins, de souligner que ces statiques ont été relevées avant l’amorce du projet de
refonte, initié par la Direction générale des impôts, se basant sur une relecture globale du système fiscal
marocain.

10
L’analyse de l’architecture marocaine de dépenses fiscales requiert de définir, de
prime abord, quelques notions conceptuelles, permettant de cerner l’approche
méthodologique utilisée afin de mesurer le coût du manque à gagner des mesures évaluées.

Comme il a été souligné par les ateliers sur les dépenses tenus à Rabat les 9-11 mars
200516, l’approche méthodologique en matière de dépenses fiscales dépend de la définition
apportée à ce concept qui varie selon que l’on adopte une démarche académique ou que
l’on retienne une analyse pragmatique des implications de certaines dispositions fiscales qui
consacrent l’abandon budgétaire de recettes définitives comme un moyen de politique
économique et sociale.

Cette situation a caractérisé la politique des dépenses fiscales depuis les années
1970, politique marquée notamment par la prolifération des codes des investissements, ce
qui n’avait pas manqué de mettre les finances publiques en mauvaise posture.

A la fin des années 1980, il est apparu impératif, afin de mobiliser plus de
ressources fiscales, de procéder, en premier lieu, à la réduction de la durée du quantum des
avantages fiscaux prévus par les différents codes d’investissements, pour pouvoir, ensuite,
entamer une politique progressive tentant de réduire les taux d’imposition afférents aux
différents impôts et taxes, en concomitance avec une démarche visant l’élargissement de la
matière imposable.

On peut relever, à ce stade, la prise de conscience de la difficulté, voire


l’impossibilité de maintenir une politique d’exonération, en poursuivant en même temps
l’objectif de la baisse de la pression fiscale.

16
Ces ateliers ont constitué les travaux inauguraux consacrés pour une large part à la méthodologie qui sera
adoptée pour procéder aux évaluations des dépenses fiscales, des Aides directes et à leurs impacts sur les plans
budgétaire et économique L’objectif de cette initiative est d’impulser les actions menées par les directions
concernées par ce projet, en vue de l’élaboration d’un document de synthèse faisant état des dépenses fiscales
qui sera annexé au projet de loi de finances 2006.
Les conclusions de cet atelier ont été capitalisées dans le cadre de la réforme fiscale, composante essentielle de
la modernisation de nos finances publiques qui bénéficie de l’appui de nos partenaires de l’Union Européenne.
La libéralisation de nos échanges a introduit une mutation importante dans la structure du financement des
recettes du budget général de l’Etat.

11
Dans cette perspective, la charte de l’investissement 17 adoptée en 1995, a préconisé
une nouvelle vision focalisée sur l’encouragement de l’acte d’investir, la réduction du coût
de l’investissement, l’allègement de la charge fiscale sur les revenus, essentiellement, par la
baisse des taux d’imposition de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt général sur le revenu,
ainsi qu’une meilleure répartition de la charge fiscale et une plus grande neutralité fiscale
par la limitation des exonérations sur les revenus.

Cependant, assez rapidement, on a pu assister à une résurgence des avantages


fiscaux dédiés à des secteurs spécifiques qui ont porté atteinte à la cohérence du système
fiscal, sans que des réponses claires et précises aient été apportées à des interrogations
essentielles : l’objectif de l’exonération a-t-il été formulé de façon claire ? L’arbitrage entre
l’opportunité d’une subvention fiscale et celle d’une aide budgétaire directe a-t-il été
effectué ? Les effets des exonérations ont-ils été mesurés ?

L’intérêt d’une démarche pragmatique réside dans le fait qu’elle permet de faire le
diagnostic de l’existant, à partir d’un cadre de droit commun qui régit l’ensemble des
activités et des opérations en excluant tout traitement particulier.

Dans ce contexte, l’approche des dépenses fiscales proposée par la Direction


Générale des Impôts a adopté une architecture visant, d’une part, une évaluation de
l’ensemble du dispositif dérogatoire parsemant le système fiscal mis en place par rapport au
régime d’imposition de base, et d’autre part, la mise en marche d’une structure propre à
chaque impôt en termes de taux et de base imposable.

Il y a lieu de préciser, également, que certaines dispositions d’atténuation de taux


ou de base imposable visent à éliminer la double imposition, ou à se conformer à des
pratiques normalisées au plan international.

Le cadre conceptuel permet de circonscrire la notion de dépense fiscale à partir de


ses deux caractéristiques majeures que sont la dimension dérogatoire et la dimension

17
La charte d’investissement est un nouveau code d’investissement qui prévoit des avantages à tous les
secteurs d’activités,
sauf le secteur agricole. Elle a pour objet de fixer les objectifs fondamentaux de l’action de l’Etat en matière de
développement et de promotion de l’investissement pour les dix années allant de 1995 à 2005.

12
budgétaire. Ainsi, et étant donné que la définition du concept de dépenses fiscales dépend
de la définition du régime fiscal de référence utilisé, nous tenterons d’analyser les
paramètres retenus pour la détermination du système fiscal de référence marocain, qu’il
convient maintenant d’appréhender tels que contenus dans le cadre des rapports
marocains.

A - La dimension dérogatoire et la dimension budgétaire des dépenses fiscales

La définition des dépenses fiscales et après plus de cinquante ans de son apparition18
fait toujours l’objet d’un certain flou juridique. « Le premier problème auquel est confronté
un chercheur travaillant sur les dépenses socio-fiscales est sémantique : il est déjà
extrêmement compliqué d'obtenir un accord sur le concept même d'impôt ou de prélèvement
obligatoire car chaque pays, soucieux de conserver sa souveraineté fiscale, dispose de sa
propre définition. Malgré les efforts de l'OCDE et de l'Union européenne (EUROSTAT) pour
harmoniser les notions, il reste de grandes disparités dans ce que l'on entend par
prélèvements obligatoires, indépendamment des différences de systèmes »19.

Le rapport marocain a tenté, à notre sens, à deux reprises, de donner une définition
du concept de la dépense fiscale. D’emblée, dans son introduction, le document
d’évaluation, publié en 2018, nous fait savoir que « les dépenses fiscales font partie des
outils de politique fiscale des gouvernements, elles peuvent être définies comme des écarts
par rapport au système fiscal de référence. Il s’agit en effet de mesures incitatives se
traduisant par une renonciation de l’Etat à une partie de ses recettes fiscales afin de soutenir
le secteur productif ou social »20.

Ainsi, le premier élément que le document marocain a fait valoir, afin de qualifier une
mesure incitative de dépense fiscale, est celui afférent à l’écart par rapport au système fiscal
de référence. Une dépense fiscale est, par essence, un écart ou une dérogation à la norme

18
L’année 1968 est en effet celle où l’administration américaine a fait usage pour la première de ce concept
pour publier un budget de dépenses fiscales (Tax Expenditures).
19
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio- fiscales », op. cit., p. 259
20
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 », op.
cit., p. 1

13
fiscale qu’il faut, impérativement, définir, autant que faire se peut, avec une extrême
précision21.

Pour y parvenir, la première tâche est de définir l’étendue du système de base 22 pour
pouvoir repérer les écarts constituant les dispositions dérogatoires qualifiées, selon cette
approche de dépenses fiscales.

Mais quoi que l’on dise, la définition du système de référence, tant proclamée dans la
littérature s’intéressant à la problématique des dépenses fiscales comme étant un critère
déterminant dans la qualification d’une dépense fiscale, reste, toutefois, très controversée
et très subjective. Chaque pays s’ingénie, donc, à la concevoir selon ses propres spécificités.
A ce titre, le caractère éminemment subjectif de la notion de dépense fiscale est indéniable.
Il se traduit, concrètement, par des variations, parfois, importantes du périmètre des
dépenses fiscales, liées au déclassement de certaines mesures de la liste des dépenses
fiscales. Il suscite, par conséquent, des débats sur l’opportunité de préciser ou de modifier la
définition des dépenses fiscales. C’est ainsi que le critère d’ancienneté, dans la définition de
la dépense fiscale, s’est trouvé en butte à certaines critiques du Parlement 23.

Cette approche par le haut que le Maroc a adopté « pourrait a priori sembler difficile
à mettre en œuvre. Comment, en effet, définir le système de référence ? En pratique, les
questions qui se posent sont assez peu nombreuses, dès lors que l’on accepte de « jouer le
jeu » et de ne pas y inclure des allégements qui, de toute évidence, relèvent d’une volonté
politique, et ne devraient donc pas en faire partie »24

Pour affiner ce tracé de frontière, il convient de « circonscrire, au sein des mesures


socio-fiscales, les dépenses socio-fiscales proprement dites des autres familles que sont les
allégements structurels et les simples modalités de prélèvements obligatoires ; ces derniers,

21
C’est l’approche par le haut qui tente de définir la dépense fiscale comme un allégement par rapport à un système
fiscal de référence large.
22
C’est un exercice crucial, celui consistant à déterminer quelles dispositions constituent la règle générale à
laquelle les autres mesures incitatives représentent des dispositions dérogatoires. Autrement dit, où s’arrête le
système de référence et où commence une dépense fiscale.
23
C. WENDLING & al., « La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit., p.
752.
24
M.-P. MARINI, «Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les allègements de
prélèvements obligatoires », op. cit., p. 14.

14
qui sont d'une nature fondamentalement différente, forment des mesures,
consubstantiellement, liées à la structure du système des prélèvements obligatoires » 25.

Pour cela, nous devons, d'abord, identifier les principales caractéristiques des
dépenses fiscales en précisant le premier terme de l'oxymore. On utilise, en effet, le mot
dépense pour rappeler le fait que toute niche fiscale ou sociale se traduit,
fondamentalement, par une perte de recettes publiques qui doit être compensée dans le
budget. Il s'agit, là, de la caractéristique la plus connue et la plus visible des niches ; mais une
analyse de la littérature sur le thème va permettre d'identifier quatre caractéristiques
majeures des dépenses socio-fiscales.

Dans la même introduction et sans, toutefois, donner une définition claire et concise,
le rapport fait allusion à d’autres critères, aussi déterminants, pour catégoriser une
disposition dérogatoire comme dépense fiscale. Il s’agit, en effet « de mesures incitatives se
traduisant par une renonciation de l’Etat à une partie de ses recettes fiscales afin de soutenir
le secteur productif ou social »26

A s’en tenir aux termes utilisés, deux critères indissociables se dégagent. En premier
lieu, toute dépense fiscale est, par essence, une mesure incitative. Ce critère se retrouve
dans la quasi-totalité des définitions. Qualifier une mesure préférentielle de dépense fiscale
présume, donc, que, derrière sa mise en application, se trouve, en second lieu, un but non
fiscal et une finalité autre que budgétaire, « c’est-à-dire une visée sociale, économique ou
environnementale, sinon la niche devient un simple avantage fiscal, injustifié et contraire à
l'égalité devant la loi et les charges publiques. Cela implique une dimension incitative non
fiscale »27 .

Cette position adoptée par l’approche marocaine dans sa gestion des dépenses
fiscales rejoint, en fait, la position préconisée par le conseil français des impôts qui
recommande « de différencier allégements structurels et instruments de politique publique.
Les premiers répondants à un objectif de nature fiscale, les seconds à un but non
exclusivement fiscal. Cette distinction ne manque pas de pertinence, dès lors que certains

25
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio- fiscales », op. cit., p. 260 .
26
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 1.
27
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio- fiscales », op. cit., p. 269 .

15
dispositifs recensés comme dépenses fiscales n'ont pas d'autre objet que d'assurer le respect
des principes d'une « bonne » fiscalité. Ainsi, lorsqu'il existait, l'avoir fiscal avait pour objet
de garantir la neutralité fiscale en évitant la double imposition d'un même revenu »28 .

De plus, et dans la même démarche visant à esquisser une définition au concept de


dépense fiscale, le rapport marocain, retient d’autres critères pour compléter le puzzle d’une
définition, aujourd’hui manquante, dans la littérature fiscale marocaine.

Mais reconnaissons que cette difficulté n’est pas, uniquement, marocaine et que «
dans la pratique la définition peut poser encore certains problèmes. Il ne semble pas y avoir
d'unanimité sur ce point et, par conséquent, pas d'unanimité sur la norme encadrant la
détermination des dépenses fiscales. Dans les faits, la définition des dépenses fiscales diffère
dans chaque pays observé. En fait, la définition du concept de dépense fiscale est ce que les
gouvernements du moment veulent que les dépenses fiscales soient. Les distinctions dans la
définition des dépenses fiscales des pays rendent éventuellement toutes comparaisons
difficiles »29 .

Dans cette perspective, la formulation du rapport confirme qu'en « se substituant aux


dépenses directes, l’objectif principal des dépenses fiscales, est, donc, de soutenir et
d’encourager un certain nombre de secteurs d’activités ou des catégories de contribuables
prédéfinies. Les dépenses fiscales peuvent, donc, impacter, significativement, le budget de
l’Etat »30. Mais ce concept n’est pas défini de façon intangible et concise. Il résulte, en fait,
d’une observation des faits et la situation spécifique de chaque pays. Ainsi, « Le caractère,
éminemment, subjectif de la notion de dépense fiscale est donc indéniable. Il se traduit,
concrètement, par des variations parfois importantes du périmètre des dépenses fiscales,
liées au déclassement de certaines mesures de la liste des dépenses fiscales. Il suscite, par
conséquent, des débats sur l’opportunité de préciser ou de modifier la définition des
dépenses fiscales. C’est ainsi que le critère d’ancienneté, dans la définition de la dépense
fiscale, s’est trouvé en butte à certaines critiques du Parlement. L’Assemblée nationale a
ainsi pu estimer, dans un rapport d’information sur les niches fiscales publié en juin 2008,
que la suppression de ce critère s’imposait, pour éviter de favoriser la sédimentation de

28
D. MIGAUD & al., « Rapport d’information sur les niches fiscales », op. cit., p. 25
29
L. GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit, p. 51.
30
Ibid.

16
notre système fiscal »31. Il est, toutefois, raisonnable de considérer que plus une mesure
incitative est ancienne, plus l’examen de sa pertinence est nécessaire. Pour autant,
l’expérience internationale laisse entendre des pays étrangers semble montrer « qu’il n’est
pas facile de parvenir à une définition simple et opérationnelle de la « dépense fiscale », et
qu’un certain flou de la notion est inévitable, compte tenu, de la complexité d’un système
fiscal moderne »32 .

Ceci étant dit, le régime fiscal marocain foisonne de dérogations. Elles prennent,
entre autres, de multiples formes : exonérations, déductions d’impôt et du taux d’imposition
favorable et autres. Ces dérogations, comme le précise le rapport 2005 « représentent un
enjeu fiscal important. Elles constituent un manque à gagner pour le Trésor et leur effet sur
le budget de l’Etat est comparable à celui des dépenses publiques » 33. Ainsi, et dès les
premières pages du rapport, on a droit à une esquisse de définition portant sur quelques
éléments intrinsèques caractérisant, généralement, une dépense fiscale, comme nous
l’avons déjà soulevé auparavant, à savoir le caractère dérogatoire de la mesure, l’objectif
incitatif et la perte de recettes. En somme et à notre sens, cette tentative de vulgarisation de
la notion de dépenses fiscales, à ce stade préliminaire du rapport, n’a pas voulu apporter
une définition au concept, mais plutôt justifier quelles sont les raisons derrière cette
appellation de « dépenses fiscales » 34.

Pourtant, l’annonce officielle de la définition du concept s’est faite dans l’annexe, à


l’occasion de la présentation de la méthodologie présidant l’opération de comptabilisation
de l’ensemble du dispositif dérogatoire marocain dans un seul rapport sur les dépenses
fiscales.

Mais, avant d’étudier la manière avec laquelle le rapport marocain a pu définir le


concept de dépenses fiscales, il importe de faire au préalable deux remarques importantes.

La première remarque est que le document marocain peine encore, après plus d’une
décennie de publication, à trouver une définition, claire et définitive, à la notion de dépenses
31
C.WENDLING & al., « La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit., p.
752.
32
Ibid.
33
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2006 »,
op. cit., p. 4 .
34
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2005 », op.
cit., p. 48.

17
fiscales. Il se contente d’annoncer qu’il s’agit, uniquement, de quelques éléments de
définition et objectifs. Alors que sous d’autres cieux, l’expérience internationale nous
renseigne sur des pays qui ont tranché sur la question, par la formulation d’une définition
concise et nuancée35 .

La seconde remarque est tributaire de la première. Elle concerne, en fait, le


périmètre de cette définition qui change d'une année à l’autre sans raison palpable. Ainsi, la
définition apportée par le rapport de 2018 est différente de celle présentée dans le rapport
2017. Ce changement laisse pantois le chercheur s’intéressant à cette thématique, puisque,
vraisemblablement, aucun élément ne s’est produit, entre les deux années, pour emprunter
une telle démarche36 .

Ainsi, dans le même paragraphe A, sous l’intitulé « éléments de définition et objectifs


», en 2017, selon les termes du rapport 37, « les dépenses fiscales ne sont autres que des
dispositions législatives ou réglementaires qui dérogent à une norme fiscale » 38 .

Ces dérogations constituent un enjeu fiscal important, dans la mesure où elles


réduisent les recettes de l’Etat et constituent, donc, un coût pour le Trésor. Il est à noter,
cependant, que ces dérogations peuvent revêtir d’autres dénominations telles que
subventions fiscales, aides fiscales ou encore niches fiscales. Ainsi, est considérée comme
dépense fiscale, toute disposition fiscale s’écartant du régime fiscal de référence,
préalablement, défini. Ce système fiscal de référence regroupe les régimes fondamentaux
des différents impôts. Il est plus communément appelé « droit commun ».

35
A l’instar de la définition française rituellement reprise chaque année dans le tome II du chapitre « voies et
moyens », les dépenses fiscales s’analysent comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la
mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allègement de
leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est- à-dire des principes
généraux du droit fiscal français ».
36
Le périmètre de cette définition a subi des changements sensibles dans le cadre de la refonte du rapport sur
les dépenses fiscales annexé au PLF pour l’année budgétaire 2019.
37
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 48.
38
Nous pensons que cette esquisse de définition a péché par son vouloir de s’inspirer de la définition françaises
des dépenses fiscales lorsqu’elle les a qualifiées de dispositions législatives ou réglementaires. Alors qu’il est,
généralement, connu, que l’ensemble des mesures incitatives parsemant le système fiscal marocain sont de
source législative introduite par les lois de finances respectives.

18
Pour conclure et sans vouloir aller vite en besogne, nous nous abstenons, pour
l’instant, d’émettre des remarques critiques sur ce changement impromptu et hâtif du
périmètre présidant la définition de la notion de dépenses fiscales.

A l’instar de ce qui a été relevé dans l’introduction du rapport à propos du manque


d’une définition claire et concise, nous avons constaté la même remarque, mais cette fois,
dans l’annexe dédiée à la méthodologie empruntée dans le cadre de l’élaboration de ce
rapport. Ainsi et au lieu d’apporter, en premier lieu, une définition claire et sans équivoque,
le rapport s’est contenté d’énumérer quelques caractéristiques requises pour qualifier une
mesure dérogatoire de dépense fiscale.

A ce titre, il a évoqué la dimension budgétaire de la mesure en soulignant le caractère


du manque à gagner39 occasionné par l’octroi des allégements fiscaux. Il enchaîne, ensuite,
sur le volet dérogatoire de la mesure constituant, d’après les termes utilisés du rapport, des
« dispositions fiscales qui s’écartent d’un régime fiscal de référence préalablement défini »
40
.

Pour la première fois, dans les annales des différents documents marocains, on fait
prévaloir l’aspect juridique des dépenses fiscales. Le document annuel nous fait ainsi savoir,
explicitement, que les dépenses fiscales ne sont, en aucun cas, une simple invention
prétorienne mais, bien désormais, une notion légale.

Ainsi le rapport sur les dépenses fiscales afférentes à l’année budgétaire a précisé
que « compte tenu de leur impact sur les finances publiques, l’évaluation des dépenses
fiscales est donc une nécessité. En effet, et conformément aux dispositions de l’article 48 du

39
C’est la notion de la perte de recettes rattachée à la mesure dérogatoire évoquées par les définitions de
plusieurs pays de l’OCDE : USA, France, Belgique, Autriche. Aussi le même critère est évoqué par les définitions
professées par le FMI et l’OCDE. A contrario, Canada s’est abstenu d’intégrer ce critère dans sa définition. Sans
omettre de signaler à ce titre que certaines dispositions fiscales désignées par certains courants de pensée sous
le vocable de « dépenses fiscales négatives » pouvant être source de recettes supplémentaire et non d’un
manque à gagner comme certaine surimposition ou surtaxe sur des produits spécifique afin d’orienter le
comportement à une baisse de consommation. Comme l’a souligné le professeur Gilbert Orsoni, le recours à
l’instrument fiscal pouvant prendre la forme d’une pénalisation de certains produits ou de certaines activités
( cf. les diverses manifestations d’accroissement des droits portant sur l’alcool et surtout le tabac afin d’en
freiner la consommation dans l’objectif proclamé de protection de la santé publique, la taxation des activités
polluantes sur le principe pollueur payeur, dans une volonté de meilleure protection de l’environnement ou
encore la mise en place d’une taxe sur les bureaux, particulière à la région Ile-de-France, afin de favoriser des
décentralisations d’activités, etc...)
40
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 48.

19
Dahir n°1-15-62 du 14 Chaabane 1436 (2 juin 2015) portant promulgation de la loi organique
n°130-1 relative à la loi de finances41, le projet de loi de finances est accompagné d’un
certain nombre de rapports, dont celui portant sur les dépenses fiscales » 42. Ces dernières
sont, en réalité, des dispositions fiscales qui sont votées par le Parlement, mais le rappeler
dans une définition n’a, à notre sens, rien de superflu.

C’est la première fois, selon nos investigations, que le rapport marocain parle de la
norme fiscale, au lieu du système fiscal de référence, rituellement, utilisé dans les rapports
précédents. Cette norme fiscale est prise comme un système de référence, dont une
disposition devrait déroger pour être qualifiée de dépense fiscale. A ce stade d’esquisse de
définition pour justifier cette qualification, deux éléments-clés sont cités. Le premier est le
caractère dérogatoire de la mesure fiscale par rapport à une norme d’imposition de
référence. L’approche marocaine rejoint, à cet effet, les définitions de plusieurs pays de
l’OCDE « référent d’une manière ou d’autres, à une norme ou à un système fiscal de
référence »43, bien que ce soit tellement rare que des pays se soient donné la peine de
définir leur système fiscal de référence.

Recettes qui devrait être rattaché à toute mesure fiscale voulant faire partie des
dépenses fiscales, quoique le fait d’intégrer cette dimension budgétaire dans la définition
parût comme une évidence dans la mesure où toute dépense fiscale, comme son nom
l’indique, entraîne, inéluctablement, un manque à gagner pour les caisses de l’Etat,
comparable à la dépense classique. Mais, le fait de le signaler, au cœur de la définition elle-
même, ne serait pas, à notre sens, sans intérêt, car une fois que le coût de ce manque à
gagner est évalué, il sera possible de le rapprocher avec les dépenses budgétaires, afin de
comparer leur efficacité respective.

41
Cette loi organique relative à la loi de finances a été élaborée selon une démarche pragmatique qui tient
compte des capacités de gestion des administrations et ministères et fait appel aux meilleures pratiques
internationales dans le domaine de la modernisation de la gestion publique tout en les adaptant au contexte
national sur le plan constitutionnel, institutionnel et administratif. Ces propositions de réformes concernent les
trois axes suivants : le renforcement de la performance de la gestion publique, le renforcement des principes et
règles financiers et l'approfondissement de la transparence des finances publiques , l'accroissement du
contrôle parlementaire sur les finances publiques.
42
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit,. p. 1.
43
L. GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit., p. 68.

20
A ce stade de la définition, les choses ont été, plus ou moins, précises. Mais, à force
de vouloir tout dire, le dernier paragraphe a péché par excès d’explication, à telle enseigne
qu’il a fini par s’embrouiller dans des détails et des redondances inutiles.

Devant cet état de fait, il importerait d’avancer que l’approche marocaine s’est
contentée d’une esquisse de définition, ce qui pourrait porter préjudice à l’évaluation exacte
des dépenses fiscales au Maroc. Une autre caractéristique importante propre à définir ce
que sont les dépenses fiscales marocaines est celle consistant à déterminer les paramètres
du système fiscal de référence, qu’il convient maintenant d’analyser.

B - Le système marocain de référence

L’un des problèmes majeurs lié à la notion de dépenses fiscales est,


incontestablement, celui inhérent à la détermination du système de référence. Ce dernier
est, de notre point de vue, la clé de voûte permettant d’établir un distinguo, net et tranché,
entre les dépenses fiscales et des simples modalités de calcul d’impôts.

Dans l’absolu, cette démarcation paraît anodine. Mais dans les faits ce n’est,
absolument, pas une sinécure. Ainsi, partant du postulat annoncé dans le rapport, en guise
d’esquisse de définition, « les dépenses fiscales font partie des outils de politique fiscale des
gouvernements, elles peuvent être définies comme des écarts par rapport au système fiscal
de référence » 44.

De fait, le système fiscal de référence regroupe les régimes fondamentaux des


différents impôts ou droit commun. En fait, le choix d’un système fiscal de référence peut se
faire selon deux approches. « Une approche dite « normative » et une approche dite «
positive ». L’approche normative consiste à prendre comme référence un idéal à atteindre :
ce que devrait être l’impôt ou ce que devrait être le système fiscal visé par la politique
fiscale, conformément aux meilleures pratiques. Cependant, en l’absence de normes fiscales
reconnues au niveau international, l’approche positive basée sur la législation existante de
droit commun est la méthode qui est la plus souvent retenue. La dichotomie entre les deux
approches normative et positive est toutefois à relativiser. En effet, au sens strict, une
44
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 1.

21
analyse parfaitement positive serait exempte de tout jugement de valeur et se contenterait
seulement de rendre compte de ce qui est, de manière descriptive. Or, d’une part, l’exercice
de recensement des mesures dérogatoires implique nécessairement une part de normativité
puisqu’il s’agit de lister toutes les dispositions qui s’écartent de la norme représentée par le
régime général. D’autre part, concernant la fiscalité indirecte, une approche normative,
correspondant aux meilleures pratiques, permet de définir l’assiette de référence, par
exemple, pour la TVA à l’importation, la valeur en douane majorée des droits de douane et
des droits d’accises45. L’approche retenue peut donc être qualifiée de pragmatique »46

De cette façon, le rapport marocain a voulu apporter un élément déterminant dans le


processus de qualification de dépenses fiscales. A priori, pour parvenir à distinguer une
dépense fiscale des autres mesures d’ordre général, il suffit, tout simplement, de se référer
au système fiscal de référence, mis en place, pour approuver ou désapprouver le qualificatif
attribué, sachant pertinemment que le système fiscal marocain est, abondamment parsemé
de mesures amoindrissant l’assiette fiscale. Les considérer, toutes, sans discernement, en
tant que dépenses fiscales, serait agir un peu trop précipitamment et vouloir hâter les
choses sans fondement, parce que la perte de recettes ne pourrait, à elle seule, s’ériger en
un facteur déterminant dans la démarcation escomptée.

Cependant, il importe de signaler que bien que la majorité écrasante des pays de
l’OCDE ont décidé, chacun dans son périmètre spécifique, de se référer à un régime fiscal de
base réputé comme la norme ou système de référence, mais sans pour autant pouvoir, pour
la plupart d’entre eux, définir d’une manière expresse les contours de ce système fiscal de
référence47.

Le recours au système fiscal de référence permet, inévitablement, de tracer une «


frontière entre l'univers nébuleux des niches et le monde des dégrèvements,
remboursements et autres « dépenses en atténuation de recettes ». Alors que les premières
renvoient à un écart à la norme fiscale qu'il faut donc définir avec précision, les secondes
portent sur les modalités de recouvrement de l’impôt. Un dégrèvement n'est ni une
exonération ni une réduction d'impôt, mais une diminution totale ou partielle d'un impôt dû
45
Le droit d’accise est un impôt indirect perçu sur consommation, parfois aussi le seul commerce de certains
produits, en particulier le tabac, l’alcool et le pétrole et ses dérives.
46
A. MARIEGEOURJON, S. FELLOW, « L’illusion des dépenses fiscales en Afrique », op. cit., p. 19.
47
L. GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit., p. 74.

22
par un contribuable, accordée par le fisc dans des circonstances parfaitement définies par la
loi. Ce dégrèvement peut provenir d'une réclamation du contribuable » 48.

Ne peuvent être considérées, selon l’approche marocaine, comme dépenses fiscales


méritant d’être répertoriées et évaluées dans le rapport annuel, que les dispositions
dérogatoires s’écartant du régime de référence du système fiscal marocain. « La définition
du concept de dépenses fiscales dépend donc de la définition du régime fiscal de référence
utilisé. Le présent rapport s’appuie sur une démarche selon laquelle le régime fiscal de
référence est caractérisé seulement par les aspects les plus fondamentaux du régime fiscal.
Cette approche fait en sorte que des renseignements sont présentés sur un vaste éventail de
mesures fiscales, y compris des mesures qui peuvent ne pas être considérées comme des
dispositions fiscales préférentielles ou des mesures remplaçant des dépenses de
programmes directes »49.

A cet effet, chaque mesure prétendant avoir le statut de dépense fiscale, devrait être
passée, impérativement, au crible pour se prononcer sur son caractère dérogatoire par
rapport au système de référence. Il importe, toutefois, de préciser que la mise en place de ce
critère, comme un élément capital pour la détermination d’une dépense fiscale, n’est pas
une invention purement marocaine. Notre travail de recherche sur la thématique débattue,
nous a permis de constater que la quasi-totalité des définitions relatives à la notion de
dépense fiscale évoque le concept de système de référence, comme un critère déterminant,
afin de pouvoir qualifier une mesure dérogatoire de dépense fiscales. Bien qu’ils utilisent des
termes différents, aussi bien le rapport marocain que le fascicule français 50, tous les deux, se
référant à un système de référence servant de critère pour qualifier une mesure de dépense
fiscale. Au moment où le rapport marocain, à l’instar de la définition du recueil de l’OCDE 51
parle de système fiscal de référence regroupant les régimes fondamentaux des différents

48
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio- fiscales », op. cit., p. 269.
49
MINISTERE CANADIEN DES FINANCES, « Rapport sur les dépenses fiscales fédérales, concept, estimations et
évaluation », 2017, p. 6.
50
L’annexe « Voies et Moyens » associée au projet de loi de finances permet de donner une information
exhaustive sur les dispositifs de « dépenses fiscales », en détaillant notamment leur impact global sur les
recettes du budget de l’Etat et en expliquant l’évolution de leur coût depuis le dernier projet de loi de finances.
Cette annexe présente aussi des informations détaillées pour chaque dispositif de dépenses fiscales.
51
Dans le rapport sur les dépenses fiscales dans les pays de L'OCDE (2010) les dépenses fiscales sont définies
comme « un transfert de ressources publiques, réalisé en réduisant des obligations par rapport à un système
fiscal de référence, plutôt qu’en procédant à des dépenses directes ».

23
impôts ou droit commun, le fascicule français52 préfère une autre terminologie, en parlant de
la norme fiscale ou les principes généraux du droit fiscal français. Autrement dit, dans les
deux approches et afin de qualifier une mesure préférentielle de dépense fiscale, il est
recommandé de se référer à une législation de base par rapport à laquelle elle constitue une
dérogation. Il conviendrait de préciser que, dans les deux pays, la notion de système fiscal de
référence n’est pas définie par la loi, ce qui prête à des interprétations imprécises voire
arbitraires.

Ainsi, le rapport marocain a emboîté le pas aux expériences internationales dans leur
démarches de se référer à leurs systèmes de références respectifs. Il n’en demeura pas
moins très important de cerner les contours de ce système de référence dans les régimes
fondamentaux des différents impôts, comme le laisse entendre l’esquisse de définitions du
rapport précité.

La description du régime général est une étape incontournable dans la détermination


des dépenses fiscales. Cette étape consiste à cerner les contours du régime général de
chaque impôt à partir des informations juridiques collectées. Il s’agit, de prime abord, de
s’ingénier à définir l’assiette taxable et d’identifier les taux d’imposition. Les informations
nécessaires à ce travail sont généralement puisées dans le code général des impôts,
alimenté chaque année par les lois de finances et autres dispositions fiscales. Une fois
l’ossature de ce régime de base est connu, il serait, a priori, plus aisé à identifier les mesures
dérogatoires.

A s’en tenir littéralement aux termes utilisés dans le rapport, pour parler du système
fiscal de référence, en spécifiant le périmètre du concept dans le droit fiscal marocain, on
s’aperçoit aisément que le système de référence est un ensemble composite. Ce dernier
regroupe, comme il est précisé dans l’esquisse de définition, les régimes fondamentaux des
différents impôts ou droit commun. Dans la structure fiscale marocaine, il n’existe, donc, pas

52
Dans ce fascicule « Evaluation des voies et moyens » : « Les dépenses fiscales s’analysent comme des
dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’Etat une perte de recettes et,
donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de
l’application de la norme, c’est-à- dire des principes généraux du droit fiscal français ». Toute mesure
impliquant une perte de recettes pour le budget de l’Etat n’est donc pas une dépense fiscale , qualifier une
mesure de dépense fiscale suppose se référer à une législation de base à laquelle elle dérogerait. Mais cette
norme n’est pas définie de façon intangible. Elle résulte d’une observation des faits et d’une interprétation, a
posteriori, des intentions du législateur.

24
un seul système de référence global. Mais à chaque impôt et taxe, il faut chercher son
système de référence correspondant.

A cet effet, à l’occasion de l’analyse de chaque impôt, il importe d’examiner sa


singularité normative d’imposition. D’ailleurs, c’est grâce à cette détermination de la norme
d’imposition que l’on peut se prononcer sur la qualification de dépense fiscale accordée à
une mesure incitative. Partant, par définition, cette dépense est une dérogation accordée à
un groupe d’acteurs économiques ou des particuliers. Cette dérogation à une double
lecture : toute dépense fiscale représente, à la fois, un privilège dédié à une catégorie
déterminée et, en même temps, une contravention légale à la norme fiscale générale,
comme l’a très bien expliqué le professeur Eric Pichet qui précise qu’ « une niche ne peut
viser un seul individu car cela en ferait, ipso facto, un privilège fiscal, manifestement,
contraire à l’égalité devant la loi » 53. Il en déduit ensuite qu’ « inversement, une niche ne
peut concerner tous les contribuables, auquel cas elle serait alors une simple mesure
d’allégement fiscal général, et partant, une modalité d’imposition. Une niche fiscale est une
dérogation ou une déviation par rapport à une règle, à une norme fiscale qui s'impose, en
principe, à tous les contribuables » 54.

Par ailleurs, depuis son avènement, le rapport marocain sur les dépenses indique,
dans son esquisse de définition, que seules les dispositions qui s’écartent d’un régime fiscal
de référence, constituent des dépenses fiscales. Ainsi, pour déterminer ce système de
référence, il est recommandé dans le rapport de se référer aux principes généraux du droit
fiscal marocain. Là aussi, l’approche marocaine est apparue très austère quant à son analyse
sur la portée de la norme fiscale marocaine. Toutefois et comme l’a bien souligné le Conseil
des Impôts « si le choix de la norme à retenir pour définir une dépense fiscale ne s'impose
pas toujours avec évidence et peut être différent suivant les époques, il convient de
souligner que les mesures qui soulèvent des problèmes d'appréciation ne sont finalement
pas nombreuses en pratique »55.

En définitive, et comme l’a bien souligné la Banque mondiale, la référence ou « la


norme comprend la structure des taux, les conventions comptables, la déductibilité des frais

53
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio- fiscales », op. cit., p. 265.
54
Ibid, p. 259.
55
CONSEIL DES IMPÔTS, « La fiscalité dérogatoire, pour un réexamen des dépenses fiscales », op. cit., p. 3.

25
obligatoires, les dispositions pour faciliter l’administration de l’impôt et les obligations
fiscales internationales »56. Mais chacun de ces points laisse une grande latitude au jugement
et, quand on observe les pratiques nationales, chacune d’entre elles apparaît d’une certaine
façon unique.

Ainsi, et sans vouloir s’attarder sur le fondement d’une telle démarche, le document
marocain s’est attelé, sans attendre, à nous annoncer, sans détours que le système de
référence retenu correspond au droit commun en ce qui concerne les dispositions légales en
vigueur en matière d’impôts et taxes gérés, respectivement, par l’administration générale
des impôts et par l’Administration des Douanes et Impôts Indirects57 .

La gestion marocaine des dépenses fiscales est, donc, marquée par l’adoption d’une
approche par le haut, celle préconisant comme préalable la conception d’une définition de la
dépense fiscale comme un allégement par rapport à un système fiscal. Mais, la mise en place
de cette démarche ne peut se réaliser sans embuche et sans s’ingénier à définir, autant que
faire se peut, les contours de ce prétendu système de référence. A priori, la tâche est loin
d’être une sinécure, mais la doctrine fiscale marocaine décide de s’abstenir d’intégrer dans
le périmètre de ce système de référence les mesures dérogatoires faisant écho à la volonté
politique du gouvernement, afin de réaliser leur politique de promotion économique et
sociale.

Néanmoins et au préalable, avant de passer en revue la méthode empruntée par


l’approche marocaine dans son travail de détermination du système de référence relatif à
chaque nature d’impôt, objet d’évaluation, il importe de signaler que le système de
référence fiscal marocain vient de connaitre, tout dernièrement, un changement sensible
modifiant partiellement le périmètre de son éligibilité. Ce changement méthodologique fait
partie de la nouvelle réforme amorcée de la politique marocaine des dépenses fiscales.

Schématiquement, le système de référence marocain retenu pour les principaux


impôts régis par le code général des impôts se décline comme suit : en matière de l'impôt
sur le revenu, l'imposition au barème de la totalité des revenus nets des dépenses
effectivement consenties pour les obtenir, alors qu’en matière d’impôt sur les sociétés,

56
OCDE, « Les dépenses fiscales dans les pays de l’OCDE », op. cit., p. 16.
57
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 49.

26
l'imposition au taux normal de la totalité des bénéfices constitue le régime de base appliqué
à cet impôt. Concernant la TVA, le système fiscal de référence englobe l'imposition de la
totalité de la consommation au taux normal. Enfin, en matière des droits d’enregistrement,
l'imposition au taux normal est considérée comme le système de référence.

Ainsi, le rapport marocain a tenu à définir les contours de ce système de référence,


et, pour chaque catégorie d’impôt, d’une manière précise et concise.

Le système de base retenu relatif à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés «
a fait l’objet d’une abondante littérature académique. Il est généralement préconisé de
s’approcher, autant que possible, de la taxation du revenu global dit de Schanz-Haig-
Simons58, défini comme la somme de la consommation et de la variation de la richesse nette.
Autrement dit, ce revenu comprend l’ensemble des revenus nets (donc après déduction des
dépenses faites pour les obtenir), quelle que soit leur origine. Ainsi, si le taux d’imposition
peut être progressif sans que cela corresponde à une dépense fiscale, dans le cas de l’impôt
sur le revenu la taxation plus légère des revenus du capital correspond, selon cette
approche, à des dépenses fiscales »59.

Dans la même perspective, nous allons maintenant analyser avec plus de détails les
régimes de base respectifs de chaque catégorie d’impôts prévus dans le code général des
impôts marocain.

1 - Le régime de base relatif à l’impôt sur les sociétés

Pour l’impôt sur les sociétés, deux structures sont retenues pour désigner le système
de référence60, à savoir les différents taux prévus par le code général des impôts et une base
imposable de référence. Ce système de référence est composé d’une multitude de taux
proportionnels de l'impôt sur les sociétés selon le bénéfice net réalisé : 10%, 20% 30% et
58
Le revenu Haig-Simons ou Schanz-Haig-Simons est une mesure du revenu utilisée par les économistes des
finances publiques pour analyser le bien-être économique, qui définit le revenu comme étant la consommation
plus la variation de la valeur nette. La consommation fait référence à l'argent dépensé en biens et services de
toutes sortes. D'un point de vue théorique parfait, la consommation n'inclut pas les dépenses en capital et les
dépenses totales seraient amorties.
59
M.-P. MARINI, « Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les allègements de
prélèvements obligatoires », op. cit., p. 1
60
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relative au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit.,p. 49.

27
31%61, 8% du montant hors taxe sur la valeur ajoutée des marchés réalisés par les sociétés
non résidentes adjudicataires de marchés de travaux, de construction ou de montage ayant
opté pour l’imposition forfaitaire62,10% du montant des produits bruts, hors taxe sur la
valeur ajoutée, perçus par les personnes physiques ou morales non résidentes 63, 15% du
montant des produits des actions, parts sociales et revenus assimilés 64, 20% du montant,
hors TVA, des produits de placements à revenu fixe65.

Nous passerons, ensuite, à l’étude du régime de base en matière d’impôt sur le


revenu.

2 - Le régime de base relatif à l’impôt sur le revenu

Concernant l’impôt sur le revenu, le Maroc a adopté la même démarche, en


choisissant deux structures de référence.

La première structure est composée des différents taux, prévus par le code général
des impôts qui sont considérés comme une norme d’imposition y compris, les taux du
barème progressif appliqué aux revenus catégoriels (revenus professionnels, revenus
fonciers, revenus salariaux et assimilés, ainsi que les taux applicables sur d’autres profits
passibles de l’impôt sur le revenu. La seconde structure est, tout simplement, celle relative à
la base imposable de référence.

A côté du barème progressif de calcul de l’impôt sur le revenu 66, plusieurs taux
proportionnels67 sont à retenir aussi dans le système fiscal de référence relatif à l’impôt sur
61
Conformément aux dispositions de l’article 19-I du code général des impôts.
62
Conformément aux dispositions de l’article 19-III-A du code général des impôts.
63
Conformément aux dispositions de l’article 19- IV-B du code général des impôts.
64
Conformément aux dispositions de l’article 19-IV-D du code général des impôts.
65
Conformément aux dispositions de l’article 19-IV-C du code général des impôts.
66
Article 73-I du code général des impôts.
67
10% du montant des produits bruts, hors taxe sur la valeur ajoutée, perçus par les personnes physiques ou
morales non résidentes (Article 73-II-B du CGI), 15% du montant des revenus et profits de capitaux mobiliers de
source marocaine (Article 73-II-C-3° du CGI), 20% du montant des revenus de placements à revenu fixe (Article
73-II-F-1° du CGI), 20% du montant des capitaux mobiliers de source étrangère (Article 73-II-F-5° du CGI), 20%
du montant des profits nets fonciers réalisés ou constatés (Article 73-II-F-6° du CGI), 30% du montant des
profits nets réalisés ou constatés à l’occasion de la première cession à titre onéreux d’immeubles non bâtis
inclus dans le périmètre urbain (Article 73-II-G-7° du CGI), 20%, 25% ou 30% du montant des profits nets
réalisés ou constatés à l’occasion de la cession d’immeubles urbains non bâtis (Article 73-II-H ° du CGI), 30% du
montant des rémunérations et les indemnités occasionnelles ou non versées à des personnes ne faisant pas
partie du personnel permanent de l’employeur (Article 73-II-G-I ° du CGI).

28
le revenu : 20%, 25% ou 30% du montant des profits nets réalisés ou constatés à l’occasion
de la cession d’immeubles urbains non bâtis, 30% du montant des rémunérations et les
indemnités occasionnelles ou non versées à des personnes ne faisant pas partie du
personnel permanent de l’employeur.

Aussi il est retenu comme système fiscal de référence les abattements pour frais
professionnels plafonné à 30 000 DH, abattement de 20% pour les revenus fonciers,
abattement de 40% pour les pensions et rentes viagères et enfin les exonérations du
personnel diplomatique.

Nous allons, maintenant, présenter le régime dédié à la TVA.

3 - Le régime de base relatif à la TVA

Pour la taxe sur la valeur ajoutée, qu’elle soit à l’intérieur ou à l’importation, elle est
sujette au même système de référence, selon les termes du rapport marocain. Ce dernier a
apporté, néanmoins, cette fois-ci, une information supplémentaire. Conformément aux
propositions issues des Assises nationales sur la fiscalité de 2013, et dans le cadre de la
politique de simplification du système par l’adoption d’un nombre réduit de taux de TVA, ce
document se fonde sur l’hypothèse d’une TVA à deux taux, un premier à 20% et un second à
10%. Aussi, faut-il noter que le même système de référence est retenu, qu’il s’agisse de la
TVA à l’intérieur ou de la TVA à l’importation.

Compte tenu de la perpétuelle réforme que connaît cette taxe et pour les besoins
d’évaluation, le rapport est fondé sur l’hypothèse d’une TVA à deux taux : 20% et 10%.

Ainsi, la structure retenue est la suivante, avec deux taux de référence : 20%, 10% et
une base imposable de référence composée du seuil de 500 000 DH applicable aux
fabricants et prestataires de services, du seuil de 2 000000 DH applicable aux commerçants
sur les ventes et les livraisons en l'état effectuées et des exonérations des opérations
d’exportation et de transport international.

29
Après avoir passé en revue les différents paramètres déterminant le système
marocain de référence, il convient, à présent, d’analyser la démarche adoptée par le Maroc
dans sa gestion de ses dépenses fiscales.

2 - La démarche méthodologique marocaine dans la gestion


des dépenses fiscales

La gestion des dépenses fiscales diffère d’un pays à l’autre. Mais, partant du constat
que la détermination du manque à gagner généré suite au recours au dispositif dérogatoire
comme un instrument de politique publique constitue une étape capitale dans la mise en
œuvre du concept de dépenses fiscales, il est, toutefois, important de signaler que cette
détermination ne pourra se faire sans un travail préliminaire dont le but premier est de
répertorier l’ensemble des dispositions dérogatoires parsemant le système fiscal en vigueur,
selon une typologie, dans un compte de dépenses fiscales. C’est au terme de ce travail
d’inventaire préalable, que l’estimation du cout de ces dépenses pourra se faire afin de les
rendre, in fine, comparables aux dépenses budgétaires.

A - L’inventaire préalable des dépenses fiscales marocaines

D’après le dernier rapport adossé au projet de loi de finances pour l’année


budgétaire 2018, le système fiscal marocain regorge d’une pléiade de dispositions
dérogatoires totalisant quatre cent dix-huit mesures recensées dont trois cent neuf qui ont
été évaluées, en termes de dépenses fiscales, soit 73,9% des mesures recensées.

Le montant global de dépenses fiscales est de l’ordre de 33 421 MDH contre 32 423
MDH en 2016, soit une hausse de 3,1%. Il importe de signaler, à ce titre, que la part des
dépenses fiscales dans les recettes fiscales représente 15 % en 2017 contre 15,5% en 2016 68

A la première lecture de la documentation marocaine des dépenses fiscales, il


apparaît, en ce qui concerne les dispositions dérogatoires afférentes à la TVA, que cette taxe

68
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 2.

30
indirecte s’accapare la part du lion dans les dépenses fiscales marocaines avec cent huit
mesures évaluées, pour un total recensé de cent dix-sept69.

Cette évaluation révèle un coût de manque à gagner totalisant 16 267 MDH. Elle
constitue, à cet égard, la part la plus importante des dépenses fiscales 70.

Le deuxième rang, en termes de quantité des dispositions dérogatoires évaluées,


revient aux dépenses fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés. Ainsi, sur quatre-vingt- dix-
neuf mesures incitatives recensées, uniquement, soixante-six mesures ont subi l’évaluation
requise. Trente-trois mesures dérogatoires, en dépit de leur catégorisation comme des
dépenses fiscales, échappent ainsi, pour une raison indéterminée, au procédé de
l’évaluation.

La troisième position revient à l’impôt sur le revenu, avec un nombre de quatre-


vingt-treize de mesures recensées, dont soixante-six mesures ont subi le procédé de
l’évaluation escomptée totalisant un coût de pertes évaluées à 4 465 MDH.

Dans la dernière catégorie des dépenses fiscales concernant les impôts régis par le
code général des impôts, on trouve celle relative aux droits d’enregistrement et de timbre,
avec soixante-quatorze mesures répertoriées, comme unités recensées pour ne soumettre,
en définitif, à la procédure de l’évaluation que soixante-quatre mesures incitatives, avec un
volume de perte de recettes, évalué à 4 038 MDH.

Ainsi, on constate, aisément, que le nombre des mesures recensées a enregistré une
légère augmentation. Il est passé de quatre cent sept en 2016, à quatre cent dix-huit en
2017. Alors que le nombre des mesures évaluées est passé de trois cent six à trois cent neuf.
A ce rythme, 73,9% des dépenses recensées ont fait l’objet d’évaluation, alors qu’à titre
purement indicatif en France « le montant des dépenses fiscales s’est élevé à 87,6 Md€ en
2016 (montant définitif, + 1,85 Md€ par rapport aux prévisions) et s’élèverait à 93 Md€ en
2017 (+ 3,1 Md€ par rapport aux prévisions) et 99,8 Md€ en 2018. Pour 2016, l’écart
s’explique par des changements de méthode, à hauteur de 0,8 Md€, et par des écarts de

69
Ibid.
70
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 3.

31
prévision, à hauteur de 1 Md€, dont 0,4 Md€ au titre des dépenses fiscales relatives à la
TICFE71 et 0,2 Md€ au titre du dégrèvement en cas de perte de récolte ou de bétail.

Si les mesures proposées en projet de loi de finances 2018 sont adoptées, le nombre
des dépenses fiscales serait légèrement supérieur à celui du projet de loi de finances 2017,
soit 457 (+ 6), sous l’effet conjugué de la création de dix-sept dépenses fiscales (dont quatre
en projet de loi de finances 2018), du déclassement de cinq d’entre elles et de la suppression
de six »72 .

La part des dépenses fiscales au Maroc représente 18,3% dans les recettes fiscales
contre 17,4% en 2010. Quant à la part des dépenses fiscales dans le PIB, elle est de 3,9% en
2010 et en 2011.

En France, les dépenses fiscales concernent principalement l’impôt sur le revenu


(environ 50%), la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers (environ 29%), et
l’impôt sur le revenu et sur les sociétés (environ 12%).

Par ailleurs, la part des dépenses fiscales au Maroc représente 18,3% dans les
recettes fiscales contre 17,4% en 2010. Quant à la part des dépenses fiscales dans le PIB, elle
est de 3,9% en 2010 et en 2011.

En France, le montant des dépenses fiscales est d’environ 66 Milliards d’euros


représentant approximativement 29% des recettes fiscales nettes et environ 11% du PIB. La
cour des comptes française estime que le coût des dépenses fiscales a augmenté de plus de
60% entre 2004 et 201073.

71
TICFE : Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité. Elle est due par les fournisseurs sur toute
livraison à un consommateur final où toute consommation finale quelle que soit la puissance souscrite.
72
Annexe au projet de loi de finances pour l’année 2018, « Evaluation des voies et moyens », Tome II, p. 8.
73
Sur le plan international et à titre indicatif, en Finlande, le montant des dépenses fiscales est d’environ 23
Milliards d’euros représentant approximativement 28% des recettes fiscales et environ 12,7% du PIB. En
Espagne, le montant des dépenses fiscales est d’environ 96 Milliards d’euros représentant approximativement
66% des recettes fiscales nettes et environ 20% du PIB. En Turquie, les dépenses fiscales représentent 11% des
recettes fiscales et 2,43% du PIB. En Tunisie, actuellement aucun rapport officiel d’évaluation des dépenses
fiscales découlant des avantages fiscaux en vigueur n’est publié par le Ministère des Finances Tunisien.
Toutefois, des travaux sur la question ont été réalisés depuis 2007. Un projet qui vise la mise en place des
méthodes de budgétisation par objectifs (GBO) et du programme PEFA (Public Expenditure and Financial
Accountability) est en cours de déploiement en Tunisie et ce, avec l’aide de la Banque Mondiale, de l’Union
Européenne et de la Banque Africaine de Développement. Toutefois, et jusqu’à cette date, le projet demeure
en phase d’expérimentation.

32
Globalement, au Maroc, des Assises nationales sur la fiscalité d’avril 2013 à nos jours,
la courbe de l’évolution, en nombre et en valeur, de mesures dérogatoires a toujours connu
une tendance haussière. On remarque que l’évolution des mesures recensées, de 2014 à
2017, a connu une tendance haussière. Le nombre minimum des mesures recensées a été
enregistré en 2015, avec trois cent quatre-vingt-dix-neuf mesures et le maximum en 2017,
avec quatre cent dix-huit mesures recensées.

Aussi, le nombre des mesures recensées a augmenté de 2,7% entre 2016 et 2017. On
remarque que l’évolution des montants évalués des dépenses en MDH a une tendance
baissière. Ainsi, le montant minimum des dépenses a été constaté en 2015 (31 749 MDH) et
le montant maximum a été enregistré en 2014 (34 407 MDH). Aussi, le montant des mesures
évaluées a augmenté de 3,1% entre 2016 et 2017.

Enfin, on remarque que le nombre des mesures recensées et évaluées a une


tendance haussière, tandis que le montant des mesures évaluées a une tendance baissière.

Les dépenses fiscales marocaines peuvent être classées en deux catégories, selon
leurs structures fiscales ou selon leurs techniques.

1 - Les classifications structurelles

En vue de préparer le rapport annuel publié chaque année, il a été question


d’amorcer une méthodologie récapitulant les démarches suivies par les Directions du
Ministère impliquées dans ce projet. Les dispositions dérogatoires, objet de chiffrage,
portent à la fois sur les impôts et taxes gérés par la Direction Générale des Impôts et ceux
relevant des prérogatives de l’Administration des Douanes et Impôts Indirects axés,
principalement, sur les produits. Cette dualité ne facilite guère l’accomplissement de la tâche
convenue et, dans un souci de facilitation, il a été préconisé d’adopter une démarche
juxtaposée, afin d’éviter toute redondance.

L’approche méthodologique empruntée à la gestion comptable de dépenses fiscales


dépend, à bien des égards, de la définition dédiée à ce concept qui varie selon que l’on
adopte une démarche académique ou que l’on retienne une analyse pragmatique des

33
implications de certaines dispositions fiscales qui consacrent l’abandon budgétaire de
recettes définitives comme un moyen de politique économique et sociale. L’intérêt d’une
démarche pragmatique réside dans le fait qu’elle permet de faire le diagnostic de l’existant,
à partir d’un cadre de droit commun qui régit l’ensemble des activités et des opérations en
excluant tout traitement particulier.

Pour commencer, nous allons passer en revue les différentes classifications relevant
de structures fiscales, avant d’aborder celles relatives aux structures socio- économiques.

a - Les classifications relevant de structures fiscales

L’approche des dépenses fiscales préconisée par la Direction Générale des Impôts ne
se distingue guère de celle adoptée par son homologue français consistant à évaluer le
dispositif dérogatoire au régime d’imposition de base concernant les différents secteurs
d’activités spécifiques à chaque impôt en terme de taux et de base imposable, mais sans
pour autant chercher à éliminer la double imposition ou se conformer à des pratiques
internationales chaque fois que le besoin se fait sentir.

Pour l’Administration des Douanes et Impôts Indirects, les dépenses fiscales sont
définies d’une manière générale comme des dérogations par rapport au droit commun.

Le champ des dépenses fiscales gérées par l’Administration des Douanes sera limité
aux trois principales taxes : le droit d’importation, la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes
intérieures de consommation.

Concernant le droit d’importation, il s’agit d’un prélèvement ad valorem opéré sur les
marchandises. Ce prélèvement est fixé dans le tarif des droits à l’importation qui constitue,
en principe, le droit commun.

L’importance des accords de libre-échange conclus avec certains pays ou groupe de


pays souligne la prédominance d’un régime conventionnel qui tendrait à terme vers la
suppression des droits d’importation.

34
Le volume des importations originaires des pays ayant conclus un accord de libre-
échange représente plus de 75%. Ainsi, le régime fiscal de référence est le régime
conventionnel.

A cet effet, le secteur de l’agriculture bénéficie de mesures incitatives accordées aux


intrants, matériels et équipements utilisés dans l’agriculture. Ils sont soumis à une taxation
minimale de 2,5% au titre du droit d’importation, à quelques rares exceptions (insecticides,
pesticides...), ces produits sont également soumis à un droit d’importation minimum de 2,5%
dans le tarif des droits à l’importation.

Les mêmes produits sont admis en exonération du droit d’importation ou soumis au


démantèlement lorsqu’ils sont importés de certaines origines préférentielles.

Concernant la TVA à l’importation, elle s’applique à tous les produits importés sous
réserve des exonérations ou des suspensions prévues par la loi ou des textes particuliers.
S’agissant d’une taxe neutre, le régime fiscal de référence, pour évaluer la dépense fiscale au
titre de cette taxe, est le même que celui retenu au niveau de la TVA intérieure.

Pour ce qui est de la Taxe intérieure de consommation, elle s’applique sur une
catégorie restreinte de marchandises importées ou fabriquées localement. Le régime fiscal
de référence est constitué des quotités applicables aux différentes catégories de
marchandises.

Le régime dérogatoire concerne une seule catégorie de marchandises : les produits


énergétiques.

Les dépenses fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés, représentent une part de
13,6% du total des dépenses fiscales évaluées de cet impôt.

Pour l’impôt sur le revenu, la courbe des dépenses fiscales évaluées y afférentes a
enregistré une hausse de 300 MDH, soit du montant de 4165 MDH enregistré en 2016 à un
montant de 4 465 MDH en 2017 avec une part de 13,6% dans l’ensemble des dépenses
fiscales évaluées portant sur l’impôt sur le revenu.

Enfin, en ce qui concerne les droits d’enregistrement et de timbre, le montant des


dépenses fiscales y afférent, a enregistré une manne de 4 038 MDH en 2017 soit 12,1% de

35
l’ensemble des dépenses dérogatoires, alors que pour l’année 2016, les mêmes dépenses
ont enregistré un total de 3 692 MDH. Mais l’observation la plus significative est, sans doute,
celle concernant les dépenses fiscales relatives aux activités immobilières constituant une
part de 83,1% du total des dépenses liées aux droits d’enregistrement et de timbre.

Nous allons étudier maintenant une autre catégorie de classifications, celle relative
aux secteurs socio- économiques du pays.

b - Les classifications relevant des structures socio-économiques

Après avoir étudié le panorama global des différentes dispositions dérogatoires, en


nombre et en valeur, en première étape et sa ventilation par type d’impôt, dans un second
temps, on va s’atteler à une nouvelle ventilation consacrée à la détermination des différents
bénéficiaires74 de ces dispositions préférentielles.

Ainsi, les bénéficiaires se répartissent en cinq catégories majeures 75. Chaque fois
qu’on se trouve face à une disposition dont le périmètre est difficilement repérable en
termes de bénéficiaires, on l’affecte à la dernière catégorie, désignée par défaut, sous la
dénomination « autres ». En somme, le rapport répertorie six catégories de bénéficiaires. Ce
tableau nous informe que les entreprises occupent la première place, selon cette ventilation
par bénéficiaire dans la mesure où, en 2017, « les dépenses fiscales évaluées bénéficient
pour 54,1% aux entreprises et pour 31,4% aux ménages, soit une hausse de 2,0% et 0,3%,
respectivement, par rapport à 2016 »76. Cette catégorie de bénéficiaires s’est emparée de la
part du lion, avec cent quatre-vingt-quatre mesures recensées, pour une manne de
dépenses fiscales dont le coût du manque à gagner avoisine 18 066 MDH en 2017 contre 16
879 MDH enregistré en 2016 pour un nombre de cent soixante-dix-huit mesures recensées.

Par ailleurs, les secteurs d’activité bénéficiant des mesures incitatives sont au nombre
de quinze, sans compter une catégorie d’activité indéterminée, désignée sous l’intitulé «

74
Voir ANNEXE n° 2.
75
DGI « Rapport sur les dépenses fiscales 2016 », op. cit., p. 4.
76
Ibid.

36
autres secteurs » retraçant l’évolution entre 2016 et 2017 des différentes dispositions
dérogatoires réparties par secteurs d’activité77 .

Cette ventilation, par secteur d’activité, nous a permis de relever, sans étonnement 78,
la prédominance des mesures préférentielles dédiées au profit des activités immobilières.
Celles-ci caracolent en tête avec quarante-neuf mesures dont trente-sept ont été évaluées à
8 486 MDH en 2017.

Ce montant représente 25,4% du montant global des dépenses fiscales évaluées en


2017. A ce titre, il suffit pour s’en convaincre de se rappeler que la mesure la plus coûteuse,
évaluée dans ce rapport, est celle se rapportant à l’exonération en matière de TVA des
opérations de cession de logements sociaux à usage d’habitation principale. Cette dernière,
à elle seule, totalise une manne de 2 738 MDH. Ce montant additionné au manque à gagner
relatif aux autres impôts et droits, aboutit à un total de 4 283 MDH soit 50,5% du total des
dépenses relatives aux secteurs activités immobilières. Cette première place est fortement
disputée par le coût des dépenses fiscales relatives aux mesures dédiées en faveur du
secteur de prévoyance sociale, avec un montant total 4 206 MDH en 2017, soit 12,6% du
montant des dépenses globales.

Les dépenses fiscales, dédiées aux secteurs de l’agriculture et de la pêche, viennent


en troisième place avec un total de 3 373 MDH en 2017. « Ces dépenses proviennent,
essentiellement, de dépenses fiscales en matière de la TVA avec une part de 68,5% » 79.

Le secteur des industries alimentaires a atteint, en termes de dépenses fiscales, un


total de 2 307 MDH en 2017, « soit 6,9% du montant total des dépenses. Ces dépenses
proviennent, uniquement, des dépenses relatives à la TVA. Alors que le secteur de
l’intermédiation financière avec cinquante-deux mesures dérogatoires recensées dont
trente-neuf évaluées, ses dépenses fiscales ont enregistré un montant de 2 307 MDH en
2017 « dont 1 274 MDH pour les dépenses fiscales en matière de l’impôt sur les sociétés » 80.

77
Voir ANNEXE n° 3.
78
Le secteur de l’Immobilier est de loin, avec 8,5 milliards de DH, le plus grand bénéficiaire de dépenses fiscales
et qu’il est en surcapacité, son ministre de tutelle, sans doute poussé par des lobbies, en réclamait toujours
plus. En plus, il bénéficie d’un traitement bien plus généreux par rapport à son poids réel dans l’économie. Ce
secteur représente à peu près 7% du PIB et 9% d’emplois.
79
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif à l’année budgétaire 2018 », op. cit., p. 6.
80
Ibid

37
Dans les mêmes proportions, les mesures incitatives, instituées en faveur des
entreprises exportatrices, ont totalisé 2 295 MDH en 2017 de dépenses avec une part,
relative à l’impôt sur les sociétés, qui dépasse 87%, alors que les dépenses fiscales
consenties en faveur du secteur de la santé et l’action sociale et du transport ont enregistré
des montants respectifs inférieurs à 2 000 MDH, soit 1 750 MDH pour le premier et 1 450
MDH pour le deuxième.

A côté de la ventilation par structures, le rapport annuel sur les dépenses fiscales
procède à une autre catégorie de classification d’ordre purement technique.

2 - Les classifications techniques

Les classifications techniques présentent les dispositions dérogatoires recensées dans


le rapport annuel selon deux types de dépenses fiscales : les classifications par nature de
dérogation et les classifications par objectif.

a - La classification des dépenses fiscales marocaines par nature de


dérogation

Dans cette catégorie de classification, selon la typologie de dérogation, la grande part


revient, incontestablement, aux dispositions dérogatoires dédiées sous forme d’exonération
totale avec un nombre de deux cent soixante-seize mesures recensées en 2017. A ce titre,
elles représentent 66% des dérogations totalisant un montant global de 23 206 MDH.

En deuxième lieu, dans le classement des dérogations, on trouve celles relatives aux
réductions d’impôts avec cinquante-six mesures recensées en 2017 avec une part de 13,4%
pour un montant total de 6 511 MDH.

La troisième catégorie de dérogation, en termes d’importance, est celle relative aux


exonérations temporaires ou partielles. Avec un nombre de dix-neuf mesures recensées, elle
totalise un montant de 2 065 MDH.

38
Ainsi, uniquement, ces trois types de dérogations ont pu enregistrer un total de 31
782 MDH, alors que le montant total, toute dérogation confondue, avoisine 33 421 MDH .

Après avoir présenté la classification des dépenses fiscales selon la nature de


dérogation, on va examiner un autre type de classification répertoriée par objectif de
politique publique.

b - La classification des dépenses fiscales par objectif

Cette classification vise, essentiellement, à ventiler les différentes dispositions


dérogatoires répertoriées dans le rapport annuel, par nature d’objectif fixé pour chaque
dépense fiscale. Autrement dit, derrière chacune de ces dépenses se cache un objectif bien
défini, arrêté, selon la politique publique entreprise par le gouvernement.

A l’aune de ces objectifs, le chercheur peut, aisément, cerner les secteurs prioritaires
dans l’action gouvernementale mais, aussi, détecter les zones de défaillance que l’Etat
s’acharne à pallier. Toutefois, le rapport ne nous renseigne guère sur la manne du coût des
dépenses fiscales dédiées à chaque objectif. Toutefois, il tente de nous éclairer sur le
nombre des dispositions dérogatoires affectées à chaque objectif, détaillé, selon le tableau
en annexe81.

Ainsi, selon cette ventilation, les mesures dérogatoires recensées concernent,


principalement, l’économie sociale (trente-neuf mesures, soit 9,3%), le développement de la
facilitation de l’accès au logement (trente-huit mesures, soit 9,1%), la mobilisation de
l’épargne intérieure (trente-cinq mesures, soit 8,4%) et l’encouragement de l’investissement
(trente-trois mesures, soit 7,9%)82.

Outre la remarque soulevée plus haut concernant l’absence de détermination du


manque à gagner occasionné pour la réalisation de chaque objectif, il a été constaté un
empilement surabondant d’objectifs assignés à la fiscalité dérogatoire qui sont, parfois,
imprécis et aléatoires. A ce titre, et au vu du nombre de mesures dérogatoires dédiées à
chaque objectif, il ressort que quatre de ces objectifs se sont accaparés de plus de cent

81
Voir ANNEXE n°3.
82
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif à l’année budgétaire 2018 », op. cit., p. 10.

39
soixante-trois mesures dérogatoires, à savoir les objectifs consistant à développer
l’économie sociale, faciliter l’accès au logement, mobiliser l’épargne intérieure, encourager
l’investissement et, enfin, alléger le coût de la santé. Dans le bas du tableau, la dernière
catégorie répertoriée nous renvoie à un compte fourre-tout, intitulé abusivement « autres
objectifs » avec un nombre de quarante-neuf mesures recensées dont quarante-deux
évaluées en 2017.

La nouvelle constitution adoptée en 2011 a rendu impérative la refonte de la loi


organique n°7-98 relative à la loi de finances, afin de prendre en compte les nouveaux
principes constitutionnels encadrant les finances publiques. Cette loi organique qui définit de
nouvelles règles budgétaires et comptables, consacre, en même temps, le principe
d’évaluation de toute politique publique, y compris celle relative aux dépenses fiscales.

B - L’évaluation nécessaire des dépenses fiscales

Par nature, toute action collective requiert des procédés d’évaluation. Les partis
politiques, la Cour des comptes, les médias et le juge administratif opèrent constamment
des évaluations, ils portent des jugements des diagnostics sur action des pouvoirs publics 83.
L’évaluation des politiques et des programmes publics constitue aujourd’hui une
composante essentielle pour toute initiative cherchant à améliorer leur efficacité. Les
dépenses fiscales comme un instrument de politique les dépenses fiscales ne dérogent pas à
cette règle.

Nous allons maintenant envisager comment on procède à cette évaluation au niveau


du rapport périodique des dépenses fiscales pour enchainer, ensuite, l’étude des méthodes
spécifiques d’évaluation des dépenses fiscales.

1 - L’élaboration d’un rapport périodique sur les dépenses fiscales

Evaluer une politique publique, c’est avant tout tenter de porter une appréciation sur
sa valeur et sonder le degré de sa pertinence, se prononcer sur son efficacité et son
83
INSPECTION GENERALE DES FINANCES, « Cadrage méthodologique de l’évaluation des politiques publiques
»,guide, décembre 2012.

40
efficience, autrement dit, c’est jauger sa capacité de répondre aux besoins qui l’on fait
exister. « Or, au Maroc, cette pratique reste très peu répandue étant donné la prégnance
des contrôles classiques et de l’audit. C’est ainsi que le Maroc est appelé à renforcer le
recours et l’utilisation de l’évaluation pour qu’elle devienne une démarche systématique au
sein des institutions publiques, à travers notamment un dispositif institutionnel et juridique
permettant son intégration dans le processus des politiques publiques »84.

Le Maroc ne pourrait, donc, dans son action managériale que s’impliquer davantage
dans cette tendance internationale qui essaye de moderniser ses systèmes de gestion, et
d’introduire l’évaluation comme composante essentielle de tout processus d’intervention
publique.

Et comme l’a souligné Monsieur Didier Migaud 85, « il est utile que des rapports
d’évaluation puissent provoquer un débat public. Les décideurs ne doivent pas craindre
d’avoir un regard indépendant, extérieur et impartial, étant entendu que ce sont eux qui
décident en dernier ressort de ce qu’ils font de ce travail d’évaluation. A partir du moment
où vous avez une connaissance plus précise de l’impact d’une politique publique, vous
pouvez en tirer les conséquences et les leçons pour ensuite mieux décider » 86, d’où
l’importance des travaux d’évaluation des dépensés fiscales amorcés depuis 2005, afin de
leur assurer un contrôle permanent et une utilisation rationnelle, dans le cadre d’une
politique incitative efficace efficiente et performante.

Indubitablement, le Maroc s’est inspiré des expériences et de l’expertise des pays


pionniers dans ce domaine, comme c’est le cas concernant l’évaluation des dépenses.

Partant du principe que le gouvernement fait souvent appel aux dépenses fiscales,
afin de mettre en marche sa stratégie de développement économique et social, elles sont à
ce titre une solution de rechange incontournable aux dépenses budgétaires. De fait,
l’accumulation des dispositifs dérogatoires marquant des décennies sans pour autant les
soumettre à une évaluation systémique affecte l’action publique et décèle probablement des

84
A. ABOULAAGUIG, « L’évaluation des politiques publiques au Maroc : état des lieux et perspectives », Thèse
soutenue le 13 mars 2015, faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Meknès, p. 1.
85
D. MIGAUD a été président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Il a été plusieurs fois
député et membre du secrétariat national du parti socialiste.
86
D. MIGAUD, « Evaluer pour mieux décider », article publié dans le journal L’Economiste n° 5133 du
24/10/2017.

41
politiques obsolètes (les objectifs initiaux ont été atteints), inefficaces (les objectifs sont mal
atteints ou à un coût trop important), ou détournés (servant de facto d’autres buts que ceux
affichés). Le tout est coûteux pour les finances publiques et manque de transparence
démocratique. Il est, donc, légitime de vouloir soumettre l’ensemble des dépenses fiscales à
une évaluation rigoureuse et systématique.

L’enjeu principal de la notion de dépense fiscale est de mesurer les moindres recettes
fiscales engendrées par les règles d’imposition dérogatoires. A ce titre, un simple travail
d’assemblage, purement technique, de l’ensemble de mesures préférentielles dans un
recueil administratif, n’aurait aucune valeur ajoutée, s’il ne s’ensuivrait pas par un travail de
chiffrage du coût de chaque mesure dérogatoire. C’est, justement, avec une recension
complète des mesures préférentielles, et une évaluation du manque à gagner qui lui sont
rattachées, que l’on pourra les rapprocher des dépenses ordinaires, afin d’atteindre les
objectifs préconisés par Stanley et les autres auteurs s’intéressant à la notion de dépenses
fiscales.

Diverses approches d’évaluation du coût budgétaire des dépenses fiscales existent au


niveau international87. La méthode privilégiée est celle qui consiste à estimer, à partir des
déclarations des contribuables, le coût par nature d’impôt. Elle permet de mesurer
l’incidence sur le rendement de l’impôt, si la mesure dérogatoire est abolie. L’évaluation des
dépenses fiscales sous forme de réduction des taux d’imposition ne pose pas de problèmes
particuliers, mais « l’évaluation des dépenses sous forme de déductions et d’abattements
nécessite des applications spécifiques et une base de données exhaustive des liasses fiscales
(état des provisions, amortissement, etc...) »88.

Le rapport marocain a utilisé la méthode de « perte de recettes » dans sa démarche


d’évaluation de ces dépenses fiscales. Celle-ci consiste à mesurer ex post la mesure
dérogatoire qui s’écarte d’un régime fiscal de référence, préalablement défini en supposant
inchangé le comportement des bénéficiaires. Ainsi, l’approche marocaine s’est appropriée,
en principe, cette méthode. Mais pour atténuer ce choix principal, le rapport s’est donné la

87
Deux techniques existent pour évaluer les dépenses fiscales: estimer le montant des pertes de recettes «
toutes choses égales par ailleurs » en mesurant ex post le coût de « l’écart à la norme » en supposant inchangé
le comportement des agents qui en bénéficient, ou estimer le « gain en recettes » qui résulterait de la
suppression d’une mesure en tenant compte de l’effet qu’elle induit sur le comportement des agents.
88
DGI, « Atelier sur les dépenses fiscales », op. cit., p. 5.

42
possibilité, si le besoin s’en fait sentir, de recourir « au cas par cas » 89 à d’autres estimations,
qu’il jugerait plus appropriées et plus pointues, émanant des études spécifiques.

2 - Les méthodes spécifiques d’évaluation des dépenses fiscales

Les mesures d’exonération pour lesquelles une formalité est obligatoire concernent,
principalement, la TVA. Ces exonérations sont traitées par les services de la Direction
Générale des Impôts sous deux formes :

- la délivrance d’attestations d’exonération et le remboursement de la TVA,

- l’évaluation de l’impact budgétaire de ces mesures est effectuée après


centralisation de l’ensemble des demandes d’exonération et de remboursement traitées par
les services de l’administration fiscale. L’évaluation de l’impact budgétaire des mesures
d’exonération sous forme de réduction des taux d’imposition a consisté à appliquer aux
bases d’imposition des déclarations des contribuables bénéficiant de ces exonérations, les
taux normaux d’imposition retenus par le système de référence. L’évaluation des dépenses
fiscales sous forme de déductions ou d’abattements consiste à traiter un échantillon de
déclarations des contribuables, notamment les liasses fiscales. Le taux en vigueur de l’impôt
est appliqué à la base exonérée.

Les dépenses fiscales pour lesquelles l’information n’est pas disponible dans les
déclarations des contribuables ont fait l’objet de reconstitution de la base taxable à partir de
données non fiscales. A cette base taxable, il a été appliqué un taux effectif moyen. Pour ce
type de dépenses fiscales, l’estimation reste approximative.

L’analyse de la gestion des dépenses fiscales marocaines a permis de connaitre le


cadre général du dispositif dérogatoire, ainsi que son système fiscal de référence.
Cependant, quel que soit le degré de performance du système de pilotage mis en place, ce
dernier n’offre qu’un aperçu purement technique sur un instrument de politique publique. Il
importe, maintenant, de voir comme cet outil technique a été utilisé pour assurer une
rationalisation des dépenses fiscales au Maroc. Pour autant, ces dernières sont, au même

89
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 »,
op. cit., p. 51.

43
titre que les dépenses directes, un instrument de politique économique et sociale,
entraînant, comme ces dernières, des conséquences sur l'équilibre budgétaire. Elles doivent,
donc, contribuer elles aussi à la réalisation de la performance et tenter d’orienter l’action
publique le plus efficacement possible, conformément à la lettre à l’esprit de la loi organique
relative aux lois de finances de 2015.

Le recours aux dépenses fiscales est un instrument de politique publique à vocation


en perpétuel adéquation avec les choix économiques, financiers et sociaux du pays. Mais en
dépit de leur importance budgétaire et de leur enjeu crucial pour les finances publiques, les
dépenses fiscales continuent à se développer sans un encadrement contraignant pour
stopper la dérive. Ainsi, « trop longtemps appréhendés de façon superficielles, les « niches
fiscales » sont désormais concernés par un processus de rationalisation... »90 .

Cette dernière a fait partie des principales recommandations des Assises de 2013
préconisant l’entame du processus de rationalisation des mesures incitatives depuis la loi de
finances de l’année 2014 par, selon les termes mêmes de cette recommandation, « la
nécessité d’avoir une vision claire et de se doter d’ un cadre global et cohérent qui prend en
considération l’impact économique et social des dépenses fiscales, leur évolutions, leur
importance stratégique pour le développement, leur sensibilité, les distorsions économiques
qu’elles peuvent créer... »91. Ainsi, et à l’aune de cette recommandation prônant la
rationalisation du système incitatif marocain, il convient, maintenant, de faire l’étude des
cinq lois de finances ayant précédé ces Assises fiscales, afin de dresser un bilan de cette
rationalisation.

Section II : La rationalisation hypothétique des


dépenses fiscales depuis les Assises nationales sur la
fiscalité (2013 à 2019)

Au Maroc, trois grandes phases de réflexion fiscale 92 ont marqué la politique fiscale
au cours des trente dernières années. Les années 1980 ont connu le premier colloque fiscal
90
F. BARQUE, « La rationalisation du coût des dépenses fiscales », op. cit., p. 34.
91
DGI, « Synthèse des propositions issues des Assises nationales sur la fiscalité », tenues le 29 et 30 Avril 2013 à
Skhrirate.
92
Connus aussi sous l’appellation officielle : Assises fiscales.

44
qui a accompagné l’adoption de la loi-cadre de 1984. Cet événement a été suivi par deux 93
autres grands moments de réflexion, à l’occasion des Assises fiscales de 1999 94 et de 2013.

Pour cela, il conviendra d’identifier, impérativement, le sort qui a été réservé en


termes de réalisation ou de non réalisation aux mesures préconisées par la réforme.

Ainsi, et après avoir passé en revue l’ensemble des nouvelles dispositions fiscales
introduites respectivement dans les cinq dernières lois de finances, nous procéderons à un
travail sélectif visant à identifier, exhaustivement en premier lieu, les nouvelles dépenses
fiscales instituées durant ce quinquennat et tenter, ensuite, de désigner les différentes
dépenses fiscales qui ont été, tout bonnement, supprimées ou déclassées. C’est au terme de
ce tamisage liminaire que nous pourrons, en second lieu, nous prononcer et dire, en toute
connaissance de cause, à quel point les pouvoirs publics ont pu donner corps à la deuxième
recommandation des Assises de 2013 95, préconisant l’entame du processus de
rationalisation des mesures incitatives.

Mais afin de faciliter l’appréhension de l’approche préconisée, il nous est imposé,


quand même, de connaître la nature des procédés proposés par les acteurs de la
recommandation en question, et, ce, afin d’accoler le résultat escompté avec les moyens
proposés pour y parvenir.

La recommandation préconisée a été scindée en deux volets, intimement liés. Le


premier a décliné l’objectif recherché qui est la rationalisation des mesures incitatives, alors

93
Maintenant on est à trois grands moments de réflexion après la tenue tout récemment de la 3ème édition
des Assises de la fiscalité qui s’est déroulée les 3 et 4 mai 2019 à l’initiative du ministère de l’Economie et des
Finances.
94
Les Assises nationales sur la fiscalité tenues les 26 et 27 novembre 1999 dont les recommandations sont le
fruit d’une radioscopie du système fiscal marocain ont permis de tracer la voie aux travaux de codification
menés suivant les étapes suivantes : La mise à niveau progressive des textes fiscaux par des mesures
d’harmonisation, de simplification et d’adaptation à l’évolution de l’environnement général de l’économie,
• La réforme des droits d’enregistrement en 2004,
• L’élaboration du livre des procédures fiscales en 2005,
• L’élaboration du livre d’assiette et de recouvrement en 2006,
• L’élaboration du code général des impôts en 2007,
• La refonte des droits de timbre et de la taxe spéciale annuelle sur les véhicules automobiles et leur insertion
dans un livre III du code général des impôts en 2009.
95
Il s’agit des propositions issues des Assises nationales sur la fiscalité tenue le 29 et 30 Avril 2013 à Skhrirat qui
constituent la synthèse des débats instructifs et approfondis. La thématique débattue concerne le Premier
Panel « Législation Fiscale et Equité » dont la proposition 2 a porté sur la rationalisation du système des
incitations fiscales. Les intervenants se sont mis d’accord sur une réduction progressive des distorsions
concurrentielles induites par la multiplicité des dépenses fiscales et des exonérations dont bénéficient certains
secteurs.

45
que le second volet s’est assigné le rôle de déterminer le processus technique permettant la
rationalisation des mesures incitatives.

Dans cette perspective, et afin d’assurer un processus de pilotage permanent prévu


par la loi, il convient, toutefois, d’insister sur le tournant majeur qu’a constitué, dans la
gestion des dépenses fiscales marocaines, la loi organique n°130-13 relative à la loi de
finances. Selon cette dernière, l’évaluation de toute action de politique publique est
devenue une règle impérative, afin de mieux cerner l’ensemble « des moyens que consacre
l’Etat à certaines politiques publiques pour lesquelles la dépense fiscale constitue un mode
d’intervention privilégié »96.

Cette loi a été conçue, spécialement, dans l’optique de mettre en œuvre les
dispositions de la Constitution de 2011, notamment celles relatives à la gestion des finances
publiques, et de poursuivre la série des réformes entamées dans ce domaine. Il était
impératif de procéder à la refonte du cadre juridique qui organisait les finances de l’Etat.
Pour ce faire, il a été question de faire de la loi organique n°130-13 relative à la loi de
finances promulguée en 201597 , un procédé opérationnel visant à « transformer en
profondeur les modalités de gestion des deniers publics, en faisant de la performance, la
cible de l’action de l’Etat. Les nouvelles dispositions ont pour vocation de changer,
profondément, le sens des lois de finances, le budget de l’Etat devant regrouper, désormais,
des crédits selon des objectifs assortis d’indicateurs permettant d’évaluer la performance de
la dépense publique. Les principaux objectifs stratégiques assignés aux nouvelles
dispositions sont les suivants :

 L’adaptation de la LOLF aux nouvelles dispositions de la constitution dans le domaine des


finances publiques,

96
C. WENDLING & al., « Les dépenses fiscales en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op.
cit., p.752.
97
La « LOLF » devrait viser en outre à mieux assurer l’exercice du pouvoir budgétaire du Parlement, en
restaurant la portée de l’autorisation budgétaire qu’il accorde, en accroissant la lisibilité et la sincérité des
documents budgétaires pour permettre un meilleur contrôle et en établissant un calendrier favorisant
l’exercice de la fonction budgétaire du Parlement tout au long de l’année. La « LOLF » donne les moyens
juridiques pour atteindre ces objectifs en mettant l’accent sur le passage d’un budget de moyens à un budget
d’objectifs et de résultats, articulé en programmes subdivisés en régions et projets ou actions. Le dispositif
devrait conduire à ce que, dans l’avenir, un gestionnaire ne soit plus jugé sur sa capacité à obtenir et à
dépenser le maximum de crédits, mais sur la façon dont il atteint les objectifs mesurables assignés aux
politiques publiques dont il a la charge.

46
 Le renforcement du rôle de la loi de finances comme principal outil de mise en œuvre
des politiques publiques et des stratégies sectorielles,
 Le renforcement de l’efficacité, l’efficience et la cohérence des politiques publiques ;
 L’amélioration de l’équilibre financier et le renforcement des principes de la
transparence des finances publiques »98.

Les Assises nationales sur la fiscalité représentent un grand moment de réflexion dans
l’histoire fiscale du Maroc. Chemin faisant, comment les décideurs ont-t-ils appréhendé les
recommandations issues de ces Assises fiscales ? Ont-ils intégré toutes les recommandations
? Y a-t-il un mécanisme de suivi conçu, spécialement, pour assurer leur mise en application ?
La revue analytique des cinq lois de finances que nous allons faire permettra de répondre à
ces interrogations.

Nous traiterons, dans un premier temps, les modalités de la rationalisation des dépenses
fiscales dans les lois de finances de 2013 jusqu’au 2019, ensuite, nous dresserons un bilan du
système adopté par le Maroc en matière de rationalisation de ces dépenses fiscales.

1 - Les modalités de la rationalisation des incitations


fiscales dans les lois de finances successives de 2013 à 2019

Les dispositions fiscales relatives au système d’incitations, objet de l’analyse en


question, ont été introduites dans les différentes lois de finances pour les années
budgétaires respectives depuis 2014 à 2018 99. Elles se sont chargées de modifier et
compléter l’ossature fiscale marocaine régie par le code général des impôts, de nouvelles
mesures s’ajoutent, chaque année, pour étoffer le paysage fiscal existant. Elles touchent
souvent, et à la fois, les règles de l’assiette, les règles de recouvrement et les procédures
fiscales100.

Notre travail se bornera, donc, à circonscrire, uniquement, les mesures fiscales


introduites par lesdites lois de finances respectives, portant sur le système d’incitation

98
www.fsjes.usmba.ac.ma/la-reforme-de-la-loi-organique-relative-aux-lois-de-finances.
99
Cette étude s’est intéressée aussi, à titre indicatif, à la loi de finances de l’année budgétaire 2019.
100
Ce sont les trois grandes parties du code général des impôts élaboré en 2007 qui ont été codifiées dans un
seul texte. Ce code a mis fin à la dispersion des mesures fiscales à travers une multitude de textes et prévoit
que toute disposition fiscale doit être insérée dans ledit code.

47
fiscale, objet de notre revue analytique. Mais aussi, et afin de se prononcer sur le degré de la
mise en application de la réforme de rationalisation prescrite aux dépenses fiscales
marocaines, nous procéderons, par un travail sélectif, à la ventilation des dépenses fiscales
pour chaque impôt, en deux volets majeurs, le volet portant sur la suppression des dépenses
fiscales et le volet portant sur la création des nouvelles dépenses fiscales.

Ce sera, en définitive, seulement suite à la confrontation entre ces deux éléments, la


suppression, d’une part, et la création, d’autre part, que notre approche analytique pourra
nous permettre de nous prononcer sur la ligne réformatrice que les spécialistes de la fiscalité
ont préconisé comme remède au dispositif alambiqué des dépenses fiscales et savoir à quel
point cette ligne réformatrice est en adéquation avec les orientations prônées par les
Assises.

Afin de pouvoir connaitre le sort qui a été réservé à la recommandation préconisant


la rationalisation du système des incitations depuis les Assises de 2013, nous avons décidé
de décortiquer les différentes lois de finances 101 dans le but de mettre le doigt, en premier
lieu, sur les dispositions dérogatoires, par type d’impôt, qui ont fait l’objet de suppression ou
de reclassement pour intégrer le régime de base et en second lieu celles nouvellement
créées.

A - La rationalisation par suppression de dépenses fiscales existantes

Cette rationalisation concerne deux types d’impôts : ceux taxant les revenus ou les
bénéfices et ceux imposant le chiffre d’affaires.

1 - Les incitations fiscales supprimées en matière d’impôts sur les revenus ou les
bénéfices

Pour assurer un pilotage efficient des dépenses fiscales, les pouvoirs publics ont tenté
d’entamer depuis l’année 2014, selon une démarche progressive, dans le cadre de chaque
loi de finances, une politique de rationalisation qui doit viser à réduire le coût et le nombre
101
Le périmètre de cette étude analytique concerne, uniquement, les cinq lois de finances promulguées durant
la période allant de 2014 à 2018.

48
de plusieurs incitations fiscales qui deviennent sans utilité pour le système fiscal en matière
d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices.

a - Les suppressions relatives à l’impôt sur le revenu

Depuis la loi de finances n° 110-13 pour l’année budgétaire 2014 102, les pouvoirs
publics ont tenté de mettre en exergue la ligne réformatrice préconisée « lors des travaux de
la deuxième édition des Assises nationales sur la fiscalité tenues à Skhirat, les 29 et 30 avril
2013 et visant à entreprendre, par étapes, une réforme profonde du système fiscal national,
dans le sens de l’amélioration de son efficience sans pour autant afficher une volonté claire
et expresse d’amorcer le processus de la rationalisation du système des incitations fiscales
»103 .

Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la vision à moyen terme, arrêtée en


concertation avec les opérateurs économiques et l’ensemble des partenaires. A cet effet, la
loi de finances pour l’année 2014 constitue la première étape de mise en œuvre des
recommandations, toute proposition confondue, de cette deuxième édition desdites Assises
nationales sur la fiscalité.

A la première lecture de la loi de finances n°110-13 de l’année budgétaire 2014, nous


avons très vite déchanté. Une seule mesure incitative a fait l’objet de suppression en
matière de l’impôt sur le revenu. Il s’agit, en fait, de l’exonération triennale prévue au titre
des revenus fonciers104. Elle est relative à l’exonération des revenus provenant de la location
des constructions nouvelles et additions de construction, pendant les trois années qui
suivent celle de l'achèvement desdites constructions. Elle a coûté à la caisse de l’Etat, avant
son abrogation, un total de 10 millions de dirhams au cours de sa dernière année de
survivance105 . Après une durée illimitée d’exonération, les revenus provenant de la location
des constructions nouvelles et additions de construction se sont vus, enfin, intégrer le
102
L’article 4 de la loi de finances n° 110-13 pour l’année budgétaire 2014 promulguée par le dahir n° 1-13-115
du 26 Safar 1435 (30 décembre 2013), publiée au bulletin officiel n° 6217 bis du 31 décembre 2013 a modifié et
complété les dispositions du code général des impôts par de nouvelles mesures.
103
DGI, « Note circulaire n°722 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 110-13 pour l’année
budgétaire 2014 », p. 2.
104
L’exonération triennale supprimée a été prévue par l’article 63 du code général des impôts,
105
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2014 », p.
28.

49
périmètre du système fiscal de référence, pour pouvoir, à compter du 1er janvier 2014, subir
le même traitement que celui applicable à l’ensemble des revenus locatifs, en vertu les
dispositions de la loi de finances pour l’année 2014 précitée, en modifiant les règles
d’imposition édictées par les dispositions de l’article 63-I du code général des impôts. Mais, il
importe de signaler que les contribuables titulaires de revenus fonciers continuent à
bénéficier de l’application de l’abattement de 40%.

b - Les suppressions relatives à l’impôt sur les sociétés

De prime abord, il importe de signaler que durant les cinq lois de finances qui ont
suivi les Assises 2013, aucune disposition fiscale dérogatoire en matière de l’impôt sur les
sociétés n’a été abrogée dans le cadre de la réforme de rationalisation du système
d’incitation comme il avait été préconisé par les pouvoirs publics. Il a fallu attendre, donc,
l’avènement de la loi de finances 2019 pour voir, enfin, deux dispositions dérogatoires font
l’objet de suppression.

Ainsi, la loi de finances 2019 a procédé à l’abrogation pure et simple d’un régime
fiscal dérogatoire qui était dédié, spécialement, aux centres de coordinations. Ce dispositif
consistait à faire bénéficier ces centres d’un traitement particulier permettant de déterminer
une base imposable forfaitaire, par l’application d'un taux de marge égale à 10% à de leurs
dépenses de fonctionnement.

La seconde abrogation a concerné une mesure incitative dédiée en faveur des


banques offshore, en matière d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu, de taxe sur la
valeur ajoutée et des droits d’enregistrement. A cet effet, ces banques seront, désormais,
traitées comme les autres personnes morales dans le cadre des règles de droit commun, à
l’instar des banques on-shore.

Nous traiterons ensuite les dispositions dérogatoires objet de suppression relatives à


la TVA.

50
2 - Les incitations fiscales supprimées en matière d’impôts sur le chiffre d’affaires

La loi de finances pour l’année budgétaire 2014 a entamé la réforme des dépenses
fiscales relatives à la TVA106, déclinée en deux grandes catégories. La première catégorie
concerne l’application du taux de 10% à certains produits ou services exonérés ou soumis au
taux de 7%, la seconde catégorie concerne l’application du taux de 20% à certains produits
exonérés ou soumis au taux de 14%. La réforme des mesures incitatives en matière de la
TVA portant sur la suppression consiste, techniquement parlant, en l’application de deux
taux différents dans le système fiscal de référence107, à savoir 20% et 10%.

a - Le reclassement d’opérations exonérées en opérations imposables

Après des années d’exonération108 totale en matière de la TVA, les opérations de


vente portant sur les bois en grumes, les bois écorcés ou équarris, le liège à l’état naturel et
le charbon de bois sont devenues taxables, à compter du 1er janvier 2014, au taux réduit de
10%.

Dans sa dernière évaluation, l’exonération relative à la vente du bois en grumes,


écorcés ou simplement équarris, a coûté à l’Etat en 2013 un montant de 56 millions de
dirhams contre 55 millions de dirhams en 2012.

A ce titre, sont devenus obligatoirement soumises à la TVA au taux réduit de 10%, les
opérations de vente réalisées par les exploitants forestiers (grossistes et commerçants
détaillants), mais à condition de réaliser un chiffre d’affaires qui dépasse 2 MDH.

Aussi, il est important de préciser que les personnes qui se contentent de vendre des
coupes de bois ou de liège sont traitées comme les personnes opérant dans le secteur
agricole, elles exercent, donc, une activité de nature agricole non soumise à la TVA.
Autrement dit, les propriétaires forestiers privés et publics ne sont, en aucun cas, appelés à
106
DGI, « Note circulaire n° 727 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 73-16 pour l’année
budgétaire 2017 », op. cit., p. 15.
107
Conformément aux propositions issues des Assises nationales sur la fiscalité de 2013, et dans le cadre de la
politique de simplification du système par l’adoption d’un nombre réduit de taux de la TVA, ce document se
fonde sur l’hypothèse d’une TVA à deux taux. Un premier à 20% et un second à 10%.
108
Les opérations de vente portant sur les bois en grumes, les bois écorcés ou équarris, le liège à l’état naturel
et le charbon de bois étaient exonérées de la TVA, conformément aux dispositions de l’article 91 (I-C-2°) du
code général des impôts.

51
payer la TVA pour la simple raison qu’ils n’y sont pas assujettis. Mais, une fois que ces
mêmes personnes s’adonnent à un travail de transformation de bois en grumes, en bois
écorcés, équarris, et font appel à des moyens identiques à ceux utilisés par les industriels,
elles deviennent, de par la loi, assujetties à la TVA dans les conditions du régime d’imposition
de base.

Par ailleurs, la loi de finances pour l’année 2014 a prévu la taxation, au taux réduit de
10%, des opérations de restauration fournies, directement, par l’entreprise à son personnel
salarié, à l’instar des opérations de restauration d’une manière générale.

Cette dépense fiscale dont l’objectif principal est d’encourager les entreprises pour
qu’elles fidélisent leurs salariés, a enregistré au cours de sa dernière année d’évaluation,
avant sa suppression, un manque à gagner pour le trésor qui aurait coûté à l’Etat, en cas de
son maintien, un total de 8 millions de dirhams.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2014, les opérations de restauration précitées sont
devenues, de par la loi, soumises au taux réduit de 10% et ce, conformément aux
dispositions de l’article 99-2° du code général des impôts.

L’évaluation de l’exonération relative aux opérations de restauration fournies


directement par l’entreprise à son personnel salarié a coûté au trésor de l’Etat en 2013 un
montant total de 8 millions de dirhams en 2013 contre 6 millions en 2012.

Signalons encore qu’avant la loi de finances 2014, les produits et matériels destinés,
exclusivement, à usage agricole, bénéficiaient de l’exonération de la TVA à l’intérieur et à
l’importation. Ainsi, l’exonération de la TVA d’un certain nombre de biens d’équipement
agricoles a été supprimée à compter du 1er janvier 2014109 .

Le rapport annuel110 fait ressortir un manque à gagner, au titre de l’année 2014, de


449 millions de dirhams au lieu de 660 millions dirhams en 2013. Mais suite à l’écartement
d’une partie111 du matériel susvisé du périmètre de l’exonération, le montant estimé a connu
109
DGI « Note circulaire n° 722 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 110-13 pour l’année
budgétaire 2014 », op. cit., p. 16.
110
Cette mesure incitative est référenciée dans le rapport annuel sur les dépenses fiscales sous le code «
40.092.42 ».
111
Ainsi, à compter du 1er janvier 2014 et en application des dispositions des articles 99-2° et 121-2° du code
général, le matériel agricole figurant sur la liste qui suit, est devenu passible de la TVA, à l’intérieur et à
l’importation, au taux réduit de 10% : « le rotavator (fraise rotative) , le sweep, le rodweeder, les

52
une baisse logique. Il a enregistré, à ce titre, un montant de 376 millions de dirhams en 2016
pour reprendre une tendance haussière en 2017 en enregistrant un montant total de 590
millions de dirhams.

Dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales sur la
fiscalité d’avril 2013 visant la rationalité des dépenses fiscales par la suppression des
exonérations qui ne se justifient plus, « la loi de finances pour l’année 2015 a soumis les
opérations de crédit foncier et de crédit à la construction, se rapportant au logement social
visé à l’article 92 (I-28°) du code général des impôts, au taux de 10%, en harmonisation avec
les opérations bancaires de manière générale »112 .

Il importe de signaler que l’application du taux réduit de 10% dédié aux intérêts de
crédit concerne, exclusivement, les contrats qui sont conclus à compter du 1er janvier 2015,
conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi de finances pour l’année 2015. Cette
exonération113, réservée aux opérations de crédit se rapportant au logement social, a
enregistré un manque à gagner pour le trésor estimé au titre de l’exercice de l’exercice 2014
d’un montant de 400 millions de dirhams.

Dans le cadre de « La loi de finances pour l’année 2015 a soumis les opérations de
crédit foncier et de crédit à la construction, se rapportant au logement social visé à l’article
92 (I-28°) du code général des impôts, au taux de 10%, en harmonisation avec les opérations
bancaires de manière générale »114.

Par ailleurs, les opérations de vente des raisins secs et des figues sèches
bénéficiaient, depuis l’avènement115 de la TVA, d’une exonération totale116. Dans le cadre de
l’élargissement de l’assiette, la loi de finances pour l’année 2014 a supprimé cette
exonération. Ainsi, à compter du 1er janvier 2014, les opérations portant sur les raisins secs
et les figues sèches, à l’intérieur ou à l’importation, sont passibles de la TVA au taux normal

moissonneuses-batteuse, les ramasseuses de graines, les ramasseuses chargeuses de canne à sucre et de


betterave, les pivots mobiles, le covercro,, … ».
112
DGI, « Note circulaire n°724 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 100-14 pour l’année
budgétaire 2015 », op. cit., p. 28.
113
En application des dispositions de l’article 91 (III- 2°) du code général des impôts.
114
DGI, « Note circulaire n°724 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 100-14 pour l’année
budgétaire 2015 », op. cit., p. 26.
115
La TVA au Maroc, a été promulguée par la loi «30/85 du 20 décembre 1985 en remplacement de la taxe sur
les produits et les services (T.P.S) en vigueur depuis 1961.
116
En vertu des dispositions de l’article 91 (I-A-4°) du code général des impôts.

53
de 20% conformément aux dispositions des articles 98 et 121 du code général des impôts. Le
statut de l’exonération de la vente des dattes, conditionnées et produites au Maroc, ainsi
que les raisins secs et les figues sèches, a fait ressortir un manque à gagner de 33 millions de
dirhams117 . Cette manne d’argent, après la suppression de l’exonération précitée, est
considérée comme une dépense non affectée, donc un gain pour le trésor.

Ensuite, la dépense fiscale concernant les engins et filets de pêche bénéficiait, à


l’intérieur et à l’importation, de l’exonération de la TVA en vertu des dispositions des articles
92 (I-3°) et 123-9° du code général des impôts 118. Cette exonération est supprimée par la loi
de finances pour l’année 2014. Depuis le 1er janvier de cette année, les engins et filets de
pêche, après suppression, sont devenus passibles de la TVA, à l’intérieur et à l’importation,
au taux normal de 20%119. Ainsi, et tel qu’il ressort du rapport annuel, un manque à gagner
totalisant un montant de 130 000 millions de dirhams a été économisé puisque la dépense
fiscale y afférente a été annulée depuis 2014.

Enfin, les acquisitions effectuées par l’Université Al Akhawayn d’Ifrane, portant sur des
matériels et marchandises acquis, à l’intérieur ou à l’importation, bénéficiaient avant 2014
de l’exonération de la TVA, en vertu des dispositions des articles 92 (I-11°) et 123- 27° du
code général des impôts. Mais, la loi de finances 2014 120 a mis fin à cet avantage qui a coûté,
aux caisses de l’Etat, un équivalent budgétaire de 17 millions de dirhams.

Après avoir passé en revue les différentes opérations exonérées reclassées en


opérations imposables, nous allons examiner maintenant le passage d’opérations taxées
d’un taux inférieur à un autre supérieur.

b - Le passage d’opérations taxées d’un taux inférieur à un taux


supérieur

Il a été procédé, dans le cadre de la réforme de la TVA, à l’instauration de deux taux :


un taux réduit de 10% et un taux normal de 20%. Partant du principe que le taux réduit de
10% était considéré comme une composante du système de référence fiscal, les aliments
117
Le statut de cette exonération dans le rapport sur les dépenses fiscale est répertorié sous le code «
40.091.09 » .
118
DGI, « Note circulaire n°724 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 100-14 pour l’année
budgétaire 2015 », op. cit., p. 16.
119
Ibid.
120
DGI, « Le rapport sur les dépenses fiscales pour l’année budgétaire 2014 », op. cit., p. 15.

54
composés destinés à l’alimentation du bétail et des animaux de basse-cour qui étaient
toujours soumis à la TVA au taux réduit de 7%, se sont vus, et ce depuis 2014, reconvertis à
10%, d’où une économie au profit du budget de l’Etat d’un montant estimé en 2013 à 60
millions de dirhams.

Il reste à préciser que par aliments simples, on entend les céréales, issues, pulpes
sèches de betteraves, drêches ou fibres de maïs, pailles, coques de soja, luzernes
déshydratées, le son politisé et, d’une manière générale, toutes sortes de drêches, fibres,
pulpes et issues quelle que soit leur origine, pourvu qu’elles soient destinées à la fabrication
des aliments composés ou à l’alimentation directe du bétail et des animaux de basse-cour.

A cet égard, il y a lieu de noter que les aliments simples sont soumis à un traitement
différencié, selon qu’ils sont acquis localement ou importés.

Avant les Assises nationales sur la fiscalité, les graisses alimentaires (animales ou
végétales), margarines et saindoux, acquis localement ou à l’importation, étaient soumises
au taux réduit de 14%121 conformément aux dispositions des articles 99-3° et 121-3° du code
général des impôts.

Dans le cadre de la réforme de la TVA, ces produits ont été soumis au taux normal de
20% à compter du 1er janvier 2014. Le gain a été estimé au titre de l’exercice 2014 à 71
millions de dirhams.

Une autre modification concerne les véhicules utilitaires qui étaient soumis au taux de
14%, depuis la loi de finances de 1996, ainsi que tous les produits et matières entrant dans
leur fabrication.

La loi de finances pour l’année budgétaire 2014 a prévu la taxation desdits véhicules
au taux normal de 20%. Le coût de la mesure dérogatoire représentant l’application du taux
de 14% avec droit à déduction sur le véhicule automobile pour le transport de marchandises
dit véhicule utilitaire léger économique, ainsi que le cyclomoteur dit cyclomoteur
économique, était évaluée, lors de l’élaboration du rapport sur les dépenses fiscales, à un
total de 20 millions de dirhams en 2013.

121
487 Ibid, p. 20.

55
Outre les opérations de suppression et de reclassement qui ont touché une multitude de
dispositions dérogatoires, d’autres dépenses fiscales sont venues étoffer le Code Général des
Impôts.

En parallèle à la nouvelle politique de gestion visant la rationalisation des incitations


fiscales, il a été relevé que durant les cinq lois de finances respectives de la période allant de
2014 à 2018, contrairement à la recommandation qui a prôné une rationalisation des
dépenses fiscales, d’autres allègements fiscaux se sont ajoutés au stock existant des mesures
incitatives concernant l’ensembles des imports régis par le code général des impôts.

Après la rationalisation par suppression de mesures dérogatoires, nous allons traiter, à


présent, de la rationalisation par création de nouvelles mesures incitatives.

B - La rationalisation par création de dépenses fiscales nouvelles

Les mêmes lois qui ont procédé à la suppression des incitations fiscales sus-
indiquées, se sont chargées de créer aussi, en même temps et à contre-courant, des
nouvelles dispositions dérogatoires. Elles ont introduit, ainsi, d’autres dépenses fiscales qui
viennent s’ajouter au dispositif dérogatoire existant, tant en matière d’impôts directs que
d’impôts indirects.

1 - Les incitations fiscales nouvelles en matière d’impôts directs

La création de nouvelles dépenses fiscales pour accompagner le développement


économique du pays a concerné tant l’impôt sur le revenu que l’impôt sur les sociétés.

a - Les créations de dépenses fiscales relatives à l’impôt sur le revenu

Alors que la loi de finances 2014 n’a institué aucune nouvelle incitation fiscale, celle
de 2015 a introduit une exonération, limitée dans le temps, sur le salaire mensuel brut
plafonné à 10 000 dirhams122, afin de promouvoir l’emploi et encourager la compétitivité de

122
La loi de finances 2015 a modifié l’article 57-20° du code général des impôts pour exonérer le salaire
mensuel brut plafonné à 10000 dirhams.

56
l’entreprise. Le manque à gagner pour le Trésor a été estimé, pour la première fois, à 5
millions de dirhams en 2017.

Dans le même ordre d’idées, la loi de finances 2016 s’est chargée d’étendre le
bénéfice de l’abattement de 40% aux revenus fonciers afférents aux propriétés agricoles.
Ainsi, « le revenu foncier net imposable des propriétés agricoles est déterminé, après
application de l’abattement de 40% prévu à l’article 64-II du CGI : soit au montant brut du
loyer ou du fermage stipulé en argent dans le contrat ; soit au montant brut obtenu en
multipliant le cours moyen de la culture pratiquée par les quantités prévues dans le contrat,
dans le cas des locations rémunérées en nature, soit à la fraction du revenu agricole
forfaitaire, dans le cas des locations à part de fruits »123 .

Paradoxalement, l’estimation chiffrée de l’abattement de 40% a connu une baisse


substantielle entre 2016 et 2017, passant de 262 millions dirhams à 163 millions de dirhams,
mais sans raison apparente, alors qu’en principe, le manque à gagner correspondant à cette
dépense fiscale aurait dû augmenter du fait que l’abattement de 40% réservé en amont,
uniquement aux revenus locatifs provenant des propriétés situant aux périmètres urbains, a
été étendu, pour englober aussi, les revenus fonciers afférents aux propriétés agricoles.

Aussi, est-il est constaté que le manque à gagner n’a pas changé pendant trois années
successives. Pourtant, dans la pratique, la méthode d’évaluation de cette dépense fiscale
relative à l’abattement de 40% applicable aux revenus fonciers n’est pas compliquée. Il suffit,
à notre sens, de se référer à l’ensemble des déclarations déposées ou taxées d’office, afin de
dégager le produit total des loyers bruts et le montant d’abattement de 40% consigné, a
priori, dans les déclarations de l’impôt sur le revenu et pris en charge par le système
d’information mis en place. Abstraction faite de notre réserve 124 sur les montants des coûts
enregistrés, nous serions obligés de les intégrer, dans notre revue analytique. Ainsi, leur
évolution quinquennale est déclinée par année.

Bien que qu’il ne s’agisse aucunement d’une nouvelle disposition dérogatoire, mais
plutôt d’une prorogation d’un avantage fiscal déjà mis en place, pour une durée déterminée,
123
DGI, « Note circulaire n° 726 relatives aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 70-15 pour l’année
budgétaire 2016 », p. 18.
124
Nous proposons, à cet effet, de revoir la méthode d’évaluation empruntée à cet effet, car l’évolution du
manque à gagner dans les quatre dernières années concernant cette dépense fiscale nous laisse dubitatifs
quant aux montants des coûts, respectivement, enregistrés.

57
entériner le maintien d’une mesure incitative c’est, aussi, entériner l’évaluation y afférente
au sein du rapport sur les dépenses fiscales, puisqu’elle continue, suite à cette prorogation,
de générer une perte de recettes pour la caisse de l’Etat.

Signalons également que les dispositions de l’article 57-16° du code général des impôts
qui prévoyaient, avant la loi de finances 2017, l’exonération de l’indemnité de stage
mensuelle brute plafonnée à 6 000 dirhams versée au stagiaire, lauréat de l’Enseignement
Supérieur ou de la Formation Professionnelle, recruté par les entreprises du secteur privé,
pour une période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016.

Dans une perspective visant « une meilleure insertion des jeunes diplômés dans le
marché du travail, les dispositions de l’article 6 de la LF pour l’année budgétaire 2017 ont
modifié l’article 57-16° du CGI pour prévoir l’exonération de manière permanente de cette
indemnité, au lieu de l’exonération temporaire prévue initialement » 125 .

Le manque à gagner pour le Trésor a connu, avec étonnement, une baisse


impressionnante de 41 millions de dirhams en 2016 à 2 millions de dirhams en 2017, soit
une baisse substantielle de 39 millions de dirhams d’écart de moins. La seule explication que
l’on puisse donner à cette baisse est que l’engouement qu’a connu cette mesure incitative
dans ses premières années, s’est vite calmé en raison de la réticence de l’entreprise à ce
genre de recrutement.

Dans le même ordre d’idées, et afin d’encourager le domaine de la recherche


universitaire « les dispositions de l’article 6 de la loi de finances pour l’année 2017 ont
complété l’article 57-21° du code général des impôts par une mesure prévoyant
l’exonération des rémunérations et indemnités brutes occasionnelles ou non versées, par
des entreprises, à des étudiants inscrits dans le cycle de doctorat dans la limite mensuelle de
6.000 Dirhams »126.

Selon le rapport sur les dépenses fiscales, cette mesure préférentielle recensée est,
spécialement, dédiée au bénéfice des établissements d’enseignement afin d’encourager la
recherche. Le manque à gagner qu’elle a généré n’a pas encore été évalué 127.

125
DGI, « Note circulaire n° 727 relatives aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 73-16 pour l’année
budgétaire 2017 », p. 26.
126
Ibid.

58
Par ailleurs, afin d’accompagner davantage les entreprises individuelles à adapter
leur structure juridique aux exigences des mutations économiques et aux impératifs de la
compétitivité, les dispositions de l’article 6 de la loi de finances pour l’année 2017 ont
institué, d’une manière permanente, un dispositif relatif à l’apport du patrimoine
professionnel d’une ou de plusieurs personnes physiques à une société passible de l’impôt
sur les sociétés128. Ainsi, depuis la loi de finances précitée, un nouvel article a été créé au
niveau du code général des impôts, spécialement pour intégrer à droit constant le dispositif
prévu, initialement, à l’article 247-XVII-A du code général des impôts, en y prévoyant un
certain nombre de modifications. Les personnes physiques ayant procédé aux opérations
d’apport doivent souscrire la déclaration prévue par l’article 82 du code général des impôts,
au titre de leur revenu professionnel, réalisé au titre de l’année, précédant celle au cours de
laquelle l’apport a été effectué, la cession des titres acquis par les personnes physiques, en
contrepartie de l’apport des éléments de leur entreprise, ne doit pas intervenir avant
l’expiration d’une période de quatre ans, à compter de la date d’acquisition desdits titres.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 6 de la loi de finances pour l’année 2017 ont
institué de manière permanente le dispositif relatif aux opérations d’apport du patrimoine
agricole à une société soumise à l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, les exploitants agricoles soumis à l’impôt sur le revenu au titre de leurs revenus
agricoles et qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur ou égal à cinq millions de dirhams,
sont exonérés de l'impôt sur le revenu, au titre de la plus-value nette réalisée à la suite de
l'apport de l'ensemble des éléments de l'actif et du passif de leurs exploitations agricoles à
une société soumise à l’impôt sur les sociétés, au titre des revenus agricoles qu’ils créent
entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2016. Le manque à gagner a enregistré au titre
de l’année 2017 un total d’un million de dirhams.

Il est à signaler, également, que pour les personnes qui deviennent imposables au
titre d’un exercice donné, elles ne peuvent bénéficier de l’exonération totale permanente

127
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales relatif au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2017 », p.
91
128
DGI, « Note circulaire n° 727 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 73-16 pour l’année
budgétaire 2017 », p. 33.

59
susvisée que lorsque le chiffre d’affaires réalisé reste inférieur à cinq millions de dirhams
pendant trois exercices consécutifs129.

Nous devons, encore, évoquer l’article 6 de la loi de finances pour l’année 2017 qui a
procédé à la création d’un nouvel article 161bis-II du code général des impôts dédié à
l’instauration d’une neutralité fiscale en faveur des opérations d’apport des biens
immeubles. Cette incitation a été introduite dans l’optique de renforcer la compétitivité des
entreprises et de faciliter leurs opérations de restructuration et de réallocation de leurs
moyens de production pour optimiser l’exploitation de leurs actifs. Ainsi, les contribuables
personnes physiques qui procèdent à l’apport de leurs biens immeubles et/ou de leurs droits
réels immobiliers à l’actif immobilisé d’une société, autre que les organismes susvisés, ne
sont pas soumises à l’impôt sur le revenu au titre des profits fonciers constatés ou réalisés
suite au dit apport.

Il reste à signaler, cependant, que, pour des raisons indéterminées, cette neutralité
fiscale échappe, encore de nos jours, à toute démarche de recensement ou évaluation.
Pourtant, il est très aisé, à notre sens, de le faire. Il suffit de se référer aux différentes
déclarations déposées par les personnes physiques qui ont procédé à l’apport de leurs biens
immeubles ou de leurs droits réels immobiliers à l’actif immobilisé d’une société. Mieux
encore, ladite déclaration doit, impérativement, être accompagnée « de l’acte par lequel
l’apport a été réalisé et comportant le prix d’acquisition et la valeur des éléments apportés,
évaluée par un commissaire aux apports, choisi parmi les personnes habilitées à exercer les
missions de commissaire aux comptes »130. En somme, toutes les informations nécessaires à
l’évaluation du manque à gagner occasionné par la mise en application de cette mesure
incitative sont disponibles.

Une disposition dérogatoire introduisant une nouvelle neutralité fiscale a, également,


été accordée, aux contribuables particuliers qui procèdent à l’apport de leurs biens
immeubles à un organisme de placement collectif. Il s’agit d’un organisme qui gère l’épargne

129
Article 161- ter régissant le régime d’incitation fiscale dédié aux opérations d’apports du patrimoine institué
par l’article 6 de la loi de finances n° 73-16 pour l’année budgétaire 2017.
130
DGI, « Note circulaire n° 727 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances N° 73-16 pour l’année
budgétaire 2017 », op. cit., p. 29.

60
de leurs associés dans les placements immobiliers. Il échappe à l’impôt sur les sociétés, et les
revenus qu’ils distribuent à leurs associés sont imposés comme des dividendes 131.

Après avoir présenté les créations de dépenses fiscales relatives à l’impôt sur le
revenu, nous allons passer maintenant en revue les différentes créations relatives à l’impôt
sur les sociétés.

b- Les créations de dépenses fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés

Les créations de dépenses fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés concernent
essentiellement le secteur financier et le secteur immobilier.

A cet effet, nous avons constaté l’institution d’un régime de transparence fiscale au
profit des Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) comportant triple
exonération.

Cette mesure incitative a été instituée « dans le but d’encourager la mobilisation de


l'épargne longue et l'orienter vers le financement du locatif professionnel, l’article 6 de la loi
de finances 2017 a complété les dispositions des articles 6-I (A-31 et C-1° et 2°) et 7-XI du
code général des impôts en instaurant au profit des Organismes de Placement Collectif
Immobilier un régime de transparence fiscale, au titre de leurs activités relatives à la location
de locaux construits à usage professionnel »132

Elle représente une exonération totale de l’impôt sur les sociétés, qui était retenu à
la source sur les sommes distribuées provenant des prélèvements sur les bénéfices pour le
rachat d’actions ou de parts sociales des organismes de placement collectif immobilier.

L’objectif qui lui a été assigné, est la mobilisation de l’épargne intérieure au bénéfice
des entreprises opérant dans le secteur de l'intermédiation financière. A en croire le rapport
annuel sur les dépenses fiscales, le chiffrage de cette mesure incitative n’est pas encore
effectué.

131
M. COZIAN, F. DEBOISSY, M .CHADEFAUX, « Précis de fiscalité des entreprises », 2019/2020, op. cit., p. 335.
132
DGI, « Note circulaire n° 727 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances pour l’année budgétaire
2017 », op. cit., p. 5.

61
Pour ce qui est des sociétés industrielles nouvellement créées, elles bénéficient d’une
exonération pendant cinq ans. L’objectif de cette disposition dérogatoire, sous forme
d’exonération, par la loi de finances 2017 est, de donner au secteur industriel un nouvel
élan133.

L’article 8 de la loi de finances pour l’année 2001 avait institué une réduction
temporaire de l’impôt sur les sociétés pour une durée de trois ans, du 1er janvier 2001 au 31
décembre 2003, au profit des sociétés dont les titres sont introduits en bourse par ouverture
ou augmentation de capital.

Cette réduction a été prorogée, successivement, jusqu'au 31 décembre 2016, par les
lois de finances pour les années 2004, 2007, 2010 et 2013.

Afin d'encourager les sociétés à introduire leurs titres en bourse et soutenir le


marché boursier, la loi de finances précitée a complété l’article 6 du code général des impôts
par un paragraphe III pour appliquer ladite réduction d’impôt d'une manière permanente.

Depuis 2017, cette réduction n’est plus limitée dans le temps. Il est, donc, légitime de
se demander si elle fait, dorénavant, partie du système fiscal de référence ou bien si elle
continue d’être qualifiée de dépense fiscale. Le manque à gagner en 2017 s’est
substantiellement augmenté en passant de 21 millions de dirhams à 144 millions de
dirhams, soit une hausse de 123 millions de dirhams. Cette montée s’explique par
l’engouement constaté des entreprises à l’adhésion à cette réduction d’impôts depuis
qu’elle est devenue permanente.

Pour faciliter l’accès au financement pour les sociétés à travers l’instrument de la


vente à réméré, la loi de finances n° 73-16 précitée a complété l’article 9 bis susvisé par un
paragraphe 4 instituant un régime de neutralité fiscale les opérations de cession et de
rétrocession d’immeubles figurant à l’actif, réalisées entre les entreprises dans le cadre d’un
contrat de vente à réméré.

La loi de finances 2019 a poursuivi le processus de la réforme amorcée depuis les


Assises de 2013 visant la rationalisation du système des incitations fiscales. Ainsi, cette loi a
tenté d’améliorer le traitement fiscal réservé aux organismes de placement collectif
133
DGI, « Note circulaire n° 727 relatives aux dispositions fiscales de la loi de finances pour l’année budgétaire
2017 », op. cit., p. 8.

62
immobilier, par l'institution d'un abattement de 60% sur les bénéfices versés à leurs sociétés
actionnaires.

Une autre disposition d’une importance capitale a été instituée. Elle accorde la
possibilité aux promoteurs immobiliers de conclure avec l’Etat une convention pour la
réalisation d’un programme de construction d’au moins cent logements sociaux en milieu
rural et ce, dans les mêmes conditions prévues pour la réalisation des programmes de
construction de cinq cent logements sociaux.

Et, enfin, il importe de signaler que ces trois dernières mesures incitatives ne sont
encore pas évaluées dans la mesure où elles ont été fraîchement, introduites et elles le
seront, a priori, dès l’année prochaine, dans le cadre du rapport sur les dépenses fiscales de
l’année budgétaire de 2020.

Après avoir présenté les créations de dépenses fiscales relatives aux impôts directs, il
convient maintenant de traiter des impôts indirects.

2 - Les incitations fiscales nouvelles en matière d’impôts indirects

Les créations de dépenses fiscales en matière d’impôts indirects touchent tant la TVA
que les droits d’enregistrement et de timbre.

a - Les créations de dépenses fiscales relatives à la TVA

Deux mesures nouvelles peuvent être relevées. La première concerne les opérations
d’importation des aéronefs qui, après avoir été, pendant des années, soumises à la TVA au
taux de 20%134, sont devenues exonérées en vertu des dispositions de l’article 123- 46° du
code général des impôts et, ce, à compter du 1er janvier 2016 135. Pour sa première année
d’évaluation, le rapport sur les dépenses fiscales 2017 502 a fait apparaître un manque à
gagner d’un montant de 157 millions de dirhams.

134
En application des dispositions de l’article 121 du code général des impôts.
135
DGI, « Note circulaire n° 724 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n°100-14 pour l’année
budgétaire 2015 », op. cit., p. 16.

63
La seconde mesure relève de la loi de finances pour l’année 2016 qui a introduit une mesure
relative à l’exonération des importations des trains et matériels ferroviaires destinés au
transport de voyageurs et de marchandises à compter du 1er janvier 2016 et ce, en vertu
des dispositions de l’article 123-47 du code général des impôts 136. L’évaluation du coût de
cette exonération dédiée à l'importation des trains et matériels ferroviaires destinés au
transport des voyageurs et des marchandises a été, ainsi, estimée à 32 millions de dirhams.

Voyons maintenant ce qu’il en est quant aux dépenses fiscales concernant les droits
d’enregistrement et de timbre.

b- Les créations de dépenses fiscales relatives aux droits


d’enregistrement et de timbre

Le fonds Afrique 50, ainsi que les acquisitions réalisées pour son compte, ont été
recensées137 , depuis 2015, comme une disposition dérogatoire qualifiée de dépense fiscale,
mais restée sans évaluation à nos jours.

Pour ce qui est l’exonération des opérations d’attribution des lots de terres collectives
situées dans les périmètres d’irrigation, aucune évaluation ne lui a été attribuée dans sa
première apparition, au niveau du rapport sur les dépenses fiscales pour l’année budgétaire
2018.

Concernant les actes réalisés par les organismes de placement collectif en immobilier, le
coût de son manque à gagner a été jugé d’une minime importance, sans mentionner aucune
valeur correspondant dans le rapport sur les dépenses fiscales138.

Dans le souci d’encourager les constitutions de sociétés et de favoriser leur capitalisation,


la loi de finances pour l’année budgétaire 2018 a institué un avantage pour les entreprises
lors de leur création. Cet avantage consiste à exonérer les sociétés nouvellement créées en
matière de droits d’enregistrement.

136
DGI, « Note circulaire n°726 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n°70-15 pour l’année
budgétaire 2016 », op. cit., p. 22.
137
Cette mesure incitative est codifiée dans le rapport sur les dépenses fiscales sous la référence 50-129-48.
138
Le montant des dépenses fiscales évaluées s’élevait à 14 995 millions de dirhams au titre de l’année 2004. En
2018, le montant évalué a dépassé la barre de 34 000 millions de dirhams.

64
En vue de stimuler le développement des infrastructures touristiques, la loi de finances
pour l’année 2018 a complété l’article 129-IV du code général des impôts par un nouvel
alinéa (24°) prévoyant l’exonération, en matière de droits d’enregistrement, des actes
portant acquisition de terrains nus destinés à la construction d’établissements hôteliers.

Afin de dynamiser le marché des capitaux mobiliers, la loi de finances pour l’année
2018, a complété l’article 129-IV du code général des impôts par un nouvel alinéa (25°)
portant exonération des droits d’enregistrement des cessions, à titre onéreux ou gratuit, des
actions et parts précitées.

Ainsi, après l’étude analytique des cinq lois de finances successives à laquelle nous nous
sommes livrés, nous pouvons à présent nous livrer, in fine, à un premier bilan de la
rationalisation des dépenses fiscales.

2 - Le bilan de la rationalisation des dépenses fiscales

Rationaliser le système des incitations veut dire, tout simplement, qu’il faut
s’attaquer de front aux dépenses fiscales inutiles ou injustes qui devront être soit
supprimées, soit ajustées si besoin est. La rationalisation de la fiscalité dérogatoire devrait
être, à ce titre, au centre des priorités du gouvernement.

Mais, apparemment, la réforme des dépenses fiscales est, encore une fois, reportée
sine die et le gouvernement, selon toute vraisemblance, se montre, encore une fois, réticent
à entreprendre une réforme des dépenses fiscales. Pourtant chaque année, les mesures
incitatives coûtent de plus en plus cher à l'Etat. En 2018, le manque à gagner a dépassé pour
la première fois les 30 MDH. D’après plusieurs études, une multitude de dépenses fiscales
seraient inefficaces, voire peu efficientes, et constituent à ce titre une perte sèche,
puisqu’elles sont coûteuses et sans effet économique palpable.

Aussi, à quoi bon organiser des Assises si leurs recommandations restent en fin de
compte lettre morte ? « Le cycle de vie des Assises est intergénérationnel dans la mesure où
une génération de recommandations interfère avec celle qui suit et ainsi de suite. Pourtant,
devant l’ampleur et le rôle important des recommandations dans le développement du
système fiscal marocain, le besoin se fait sentir d’un suivi continu des Assises. L’objectif

65
étant d’évaluer quantitativement et qualitativement la faisabilité des propositions en
recensant d’abord ce qui est concrétisé, ensuite ce qui nécessite un réajustement à mi-
parcours et enfin, ce qui n’est plus d’actualité et peut tomber en désuétude » 139.

L’objectif majeur de ce travail rétrospectif est de contribuer à instaurer une esquisse


d’évaluation permettant de sonder le degré de réalisation du processus de rationalisation du
système d’incitations et « contribuer à minimiser les situations de standby et les taux de
déperdition. Dans un contexte où le contribuable et l’administration fiscale sont associés
dans une relation de partenariat permanente, le pilotage durable des Assises donnera une
impulsion positive à la stratégique fiscale en termes de visibilité et d’efficacité » 140.

Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, dresser un bilan, en nombre et en
quantum, des dépenses fiscales sur la période étudiée et, ainsi, voir le degré de
concrétisation du processus de rationalisation entamé depuis 2014. Nous procéderons,
ensuite, à l’analyse de la réforme touchant la nouvelle méthodologie dédiée au pilotage de
ce dispositif dérogatoire.

A - Les dépenses fiscales marocaines : déperdition de ressources et opacité


budgétaire

La rationalisation des dépenses fiscales a constitué l’une des recommandations


phares préconisées lors des Assises nationales sur la fiscalité de 2013. Après un quinquennat
et cinq lois de finances, il est, à notre sens, légitime de se demander de quelle manière cette
rationalisation des dépenses fiscales a-t-elle été réalisée.

Ainsi, notre revue analytique portant sur les cinq lois de finances qui se sont
succédées depuis les Assises fiscales de 2013, a montré que le nombre maximum des
mesures créées concerne les droits d’enregistrement et de timbre avec vingt-cinq mesures
créées d’une valeur de 575 MDH, alors que l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu
sont ex aequo avec dix mesures incitatives nouvellement créées, mais avec un manque à
gagner évalué à 992 MDH pour le premier impôt et 845 MDH pour le second impôt, tandis

139
M. ALAOUI, « Les Assises fiscales au Maroc, pour un pilotage durable revue d’évaluation et d’anticipation des
politiques publiques », op. cit ., p. 7.
140
Ibid, p. 8.

66
que la TVA a occupé la dernière place concernant les mesures nouvellement créées avec
neuf mesures incitatives dont le manque à gagner a été évalué à 217 MDH.

En somme, les dépenses de l’Etat ont connu des fluctuations durant la période 2014-
2018. En effet, on a créé cinquante-quatre mesures d’exonération et de réductions à l’impôt
sur les sociétés, l’impôt sur le revenu, la TVA et les droits d’enregistrement et des timbres.
Ainsi, le nombre maximum des mesures créées concerne les droits d’enregistrement et du
timbre avec vingt-cinq mesures créées, donc une dépense de cinq cent soixante-quinze
MDH. Quant à la TVA, elle a enregistré le nombre minimum de création avec neuf mesures
créées et une valeur de deux cent dix-sept MDH. En outre, la valeur maximale des mesures
créées revient à l’impôt sur les sociétés avec une dépense de neuf cent quatre-vingt-douze
MDH (dix mesures créées), suivi de l’impôt sur le revenu avec une dépense de huit cent
quarante-cinq MDH (dix mesures créées).

Par ailleurs, on a supprimé vingt-huit mesures avec un nombre maximum de quinze


mesures pour la TVA, et un minimum de trois mesures pour l’impôt sur le revenu et les
droits d’enregistrement. De ce fait, on a enregistré un gain pour l’Etat de quatre mille deux
cent quatre-vingt-neuf MDH, en supprimant sept mesures de l’’impôt sur les sociétés, et
mille trois cent quatre-vingt-cinq MDH en supprimant celles de la TVA. Aussi, on remarque
qu’on a gagné neuf cent quatorze MDH et six cent dix MDH avec respectivement trois
mesures supprimées de l’impôt sur le revenu et des droits d’enregistrement.

Depuis les Assises nationales de la fiscalité de 2013, la rationalisation du système des


incitations fiscales alimente le débat public et s’est imposé comme une composante
incontournable de la réforme préconisée du système fiscal national dont les principes
directeurs sont l’équité, la performance, la compétitivité et la bonne gouvernance fiscale.

Le constat de départ est que les dépenses fiscales marocaines se sont érigées, depuis
l’Indépendance, comme un instrument de politique publique avec pour rôle principal de
promouvoir le développement économique et social du pays. Ainsi, les pouvoirs publics
renoncent délibérément à une partie du produit de l’impôt dans le but d’encourager des
secteurs d’activités en difficultés ou une frange de population vivant dans des conditions
sociales défavorables.

67
Outre l’impact budgétaire des dépenses fiscales sur les finances publiques déjà en situation
déficitaire, ce sacrifice fiscal ne saurait être justifié que par des effets visiblement positifs de
l’intervention de l’Etat, assis sur une parfaite lisibilité du dispositif d’aide, et un schéma de
gouvernance clair, efficace et parfaitement maîtrisé. Mais nonobstant les différentes études
et analyses141 qui se sont intéressées dernièrement à ce phénomène fiscal dérogatoire, son
ampleur ne cesse de prendre des proportions inquiétantes.

Comme nous l’avons signalé précédemment, parmi les recommandations préconisées à


l’issue des Assises nationales de la fiscalité de 2013, on retrouve, notamment, celle portant
sur la rationalisation des dépenses fiscales, tout en prônant la « nécessité d’avoir une vision
claire et de se doter d’un cadre global et cohérent qui prend en considération l’impact
économique et social des dépenses fiscales, leur évaluation, leur importance stratégique
pour le développement, leur sensibilité, les distorsions économiques qu’elles peuvent créer,
tout en veillant à ce qu’elles ne présentent pas un double emploi avec d’autres formes
d’aide publique. Aussi a-t-il été proposé d’instituer des conditions pour l’octroi des
incitations fiscales, telles : la limitation de leur durée dans le temps, la définition de leurs
objectifs et leur octroi dans un cadre conventionnel respectant un cahier des charges et la
mise en place de mécanismes d’évaluation de leur efficacité par rapport aux objectifs
escomptés »142 .

Or, depuis les Assises de 2013, nous sommes en mesure de conclure, que nonobstant
les efforts déployés et la volonté affichée des pouvoir publics, le pilotage des dépenses
fiscales n’a pas connu de réformes notoires et la rationalisation tant recommandée n’a pas
été menée à terme. Ainsi, le processus de création de nouvelles mesures dérogatoires a
continué de s’opérer, sans aucun contrôle, et avec le même laxisme qu’auparavant. Pas
encore, les dépenses fiscales prévues au code général des impôts ont continué de
s’appliquer sans être soumises à des études d’impact socioéconomiques, afin de pouvoir
évaluer leurs degrés de pertinence et d’efficacité au regard de leurs objectifs respectifs.

Ce bilan effectué, il convient maintenant d’analyser la nouvelle approche méthodologique


adoptée récemment.

141
Aussi bien par des départements relevant du ministère des finances que par des organes indépendants
nationaux (notamment la Cour de comptes et le CESE).
142
DGI, « Rapport de synthèse sur les Assises fiscales », 2019, p. 2

68
B - La nouvelle refonte méthodologique de la gestion des dépenses fiscales amorcée
en 2018

Le recours aux dépenses fiscales constitue, pour les Etats modernes, l’un des
instruments les plus utilisés, pour soutenir une tranche de contribuables ou certains secteurs
d’activités pour des raisons de politique publique bien définies. Au Maroc, ces dépenses,
comme nous l’avons signalé précédemment, constituent des dérogations par rapport à
l’ensemble des dispositions formant le socle d’imposition du système fiscal mis en place et
entrainent, à ce titre, un manque à gagner considérable

Mais « si l’option des dépenses fiscales est largement répandue partout dans le
monde et ne pose pas, en principe, de controverses quant à ses effets potentiellement
positifs, le rendement économique et social de ces dépenses et leur efficience globale
constituent, toutefois, des critères incontournables pour apprécier leur opportunité et juger
du bien-fondé de leur maintien ou de leur suppression. Le système fiscal national, qui a
connu des évolutions positives au cours des dernières années en termes de modernisation et
d’ancrage progressif aux principes de la justice et de l’équité fiscales, se trouve aujourd’hui
confronté au poids sans cesse croissant des dépenses fiscales, avec des impacts davantage
contraignants sur le budget de l’Etat. Cette situation pose avec acuité l’impératif de procéder
à une refonte du cadre global de la fiscalité dérogatoire, dans le souci de relever
substantiellement la gouvernance des dépenses fiscales et veiller à leur rationalisation. Un
tel objectif s’inscrit, d’ailleurs, en ligne avec les recommandations préconisées par la Cour
des Comptes, le Conseil Economique, Social et Environnemental, et celles des Assises
nationales sur la fiscalité de 2013 »143.

De prime abord, il faut reconnaître qu’il est extrêmement difficile d’évaluer au


centime près les dépenses fiscales. Néanmoins, le Maroc s’est évertué à produire depuis
2005 un rapport de chiffrage adossé, rituellement, au projet de loi de finances. Mais en dépit
des efforts déployés, une multitude de dépenses fiscales reste, toutefois, sans subir aucune
évaluation.

143
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales de l’année budgétaire 2019 », op. cit., p. 1.

69
Pour corroborer ces dires, il est important de signaler que le nombre des dispositions
dérogatoires évaluées en 2005 n’a guère dépassé 30% des dépenses répertoriées. Au fil des
années, une multitude d’améliorations ont été apportées au périmètre présidant les travaux
d’évaluation, pour atteindre en 2017 un taux de 74% de mesures évaluées, d’où la nécessité
impérieuse de changer de méthode de travail, en opérant une refonte nécessaire au travail
de rationalisation du système dérogatoire tant galvaudé par les pouvoirs publics.

Pour ce faire, les décideurs ont choisi, à l’occasion de la présentation du projet de loi de
finances 2019, de procéder à une refonte soutenue de la gestion des dépenses fiscales sous
la houlette de la direction générale des impôts. Cette nouvelle façon de gestion s’inscrit dans
une démarche de relecture globale du système fiscal. Cette démarche réformatrice cherche
à accomplir un saut qualitatif visant « le renforcement de la soutenabilité de ce système,
condition sine qua non pour consolider la gouvernance et la transparence des finances
publiques »144 .

Cette réforme méthodologique a été dictée, essentiellement, pour affiner les outils
de chiffrage et assurer une appréhension optimale de l’ampleur budgétaire du dispositif
dérogatoire, autrement dit, tenter d’élaborer un système permettant à la fois et de manière
objective et incontestable de distinguer deux catégories d'allégements, d’une part, les
dépenses fiscales dont l’objectif assigné est d’ordre incitatif ou de redistribution en faveur
des ménages à faibles revenus ou secteurs d'activité ou produits spécifiques, et, d’autre part,
les modalités de calcul de l'impôt, dont le but n’est pas de redistribuer la richesse en faveur
d’une catégorie donnée, mais plutôt de faciliter les modalités de calcul de l’impôt.

L’objectif de cette remise en cause du système actuel d’évaluation est de tenter


d’identifier, avec précision, les dispositions dérogatoires qui occasionnent une perte certaine
pour le Trésor, analogue à celle engendrée par la dépense classique.

L’exemple type est la dépense fiscale dédiée aux produits de première nécessité 145 ,
comme le lait ou le pain, dont l’exonération en matière de la TVA est dictée par des raisons

144
Ibid.
145
Article 91 du code général des impôts concernant l’exonération sans droit à déduction. Sont exonérées de la
taxe sur la valeur ajoutée : I.- A) Les ventes, autrement qu’à consommer sur place, portant sur le pain, le
couscous, les semoules et les farines, le lait, le sucre brut, les dattes conditionnées produites au Maroc, les
produits de la pêche à l'état frais, congelés, entiers ou découpés, la viande fraîche ou congelée et l'huile d'olive
et les sous-produits de la trituration des olives.

70
d’ordre social, depuis l’avènement de cette taxe au Maroc. Au fil des années, cette
exonération est devenue très ancrée dans la structure, à telle enseigne qu’elle est devenue
maintenant une norme difficile à supprimer. C’est justement, selon la nouvelle approche,
que l’exonération relative aux produits de première nécessité est considérée, dorénavant,
comme une composante du système fiscal de référence.

A rebours, et par le truchement de la même nouvelle approche méthodologique, une


autre lecture est d’ordre politique cette fois-ci. En n’étant plus considérées comme dépenses
fiscales, les exonérations susvisées portant sur les produits de base ne peuvent plus être
brandies par la classe politique comme un effort consenti par la collectivité en faveur d’une
classe sociale démunie. Selon la nouvelle approche, cette exonération est, dorénavant,
considérée comme une norme dont bénéficie l’ensemble de la population, aussi bien les
pauvres que les riches.

Mais l’apport notable de l’approche méthodologique fraîchement instaurée, conjugué à


la mise en œuvre du nouveau système d’évaluation des dépenses fiscales, sera d’effectuer
des modélisations très affinées, notamment, en matière d’impact sur l’économie marocaine.
Ce sera une simulation fiable, fondée sur des données concrètes.

Toute analyse portant sur les dépenses fiscales cherche à éclairer le gouvernement
dans la mise en œuvre de sa politique fiscale. Pour y parvenir, deux procédés d’évaluation
combinés sont en lice : procéder, tout d’abord, à quantifier le coût budgétaire des mesures
fiscales dérogeant à la norme afin de pouvoir, ensuite, sonder leur degré d’efficacité et
d’efficience par rapport aux objectifs qui leur ont été, initialement, assignés. Sans la
conjugaison de ces deux variables, le chiffrage du coût et l’évaluation de l’efficacité, la
rationalisation du système des incitations fiscales préconisée par les assises de 2013 ne
pourrait, à notre sens, et en aucun manière, se voir réaliser, car la publication d’un rapport
sur les dépenses fiscales en annexe de projet de loi de finances n’est pas une fin en soi, s’il
n’est pas corroboré par un chiffrage estimatif fiable et une étude de faisabilité pointue ;
sinon le tout n’est que littérature inutile.

A cet effet, il ne suffit pas de se contenter d’apporter un chiffrage global du coût du manque
à gagner occasionné par le recours au dispositif dérogatoire. Mais pour accompagner les
décideurs dans leur gestion de la chose publique, il est impératif de procéder à un chiffrage

71
spécifique de chaque mesure incitative. Cette spécification chiffrée contribue, à coup sûr, à
éclairer le pouvoir décisionnel, afin d’emprunter la bonne direction, et agir en toute célérité
« à partir des données fiscales détaillées plutôt qu’à partir des données agrégées de la
comptabilité nationale. Sa principale limite est, évidemment, la sous-estimation des DF,
compte tenu de la faible disponibilité de celle-ci. Il convient également de noter que cette
approche basée sur les données acceptées par l’administration estime les DF, toutes choses
étant égales par ailleurs, y compris la capacité de l’administration à appliquer la loi et à
détecter les fraudes »146 .

C’est dans une perspective pragmatique, pour établir une feuille de route retraçant les
éléments nécessaires à une gestion rationnelle des dépenses fiscales, que le gouvernement
marocain a décidé de revoir sa version initiale de gestion dédiée à l’évaluation des dépenses
fiscales, afin d’éclairer annuellement ses choix budgétaires.

Pour établir des bases rationnelles et crédibles de bonne gouvernance fiscale, les
pouvoirs publics ont tenté, pour la première fois au Maroc, et à l’instar de ce qui a été fait en
France, de déterminer les critères déterminant le point de vue permettant de qualifier une
disposition fiscale soit comme une composante du système de référence soit comme une
dépense fiscale. Dès lors, ladite disposition dérogatoire fera l’objet d’estimation chiffrée
traduisant le coût de son manque à gagner pour le Trésor. Ainsi, la nouvelle approche
réformatrice de la gestion des dépenses fiscales est fondée sur trois principaux critères
déclinés comme suit.

« Le principe du caractère général de la disposition. Il s’agit de distinguer entre les


dispositions fiscales qui touchent la majorité des contribuables et celles qui profitent à des
catégories spécifiques. Seules ces dernières pourraient être comptabilisées en tant que
dépenses fiscales.

• Le principe de la doctrine fiscale. Certaines mesures fiscales ne sont pas qualifiées de


dépenses fiscales et ce, du simple fait de leur rattachement à une règle formulée par la
doctrine fiscale.

• Le principe d’une pratique en vogue à l’échelle internationale. Certaines mesures fiscales à


caractère incitatif finissent par devenir des normes et ce, à l’instar d’une pratique
146
A. MARIEGEOURJON, S. FELLOW, « L’illusion des dépenses fiscales en Afrique », op. cit., p. 19.

72
généralisée à l’international » 147 . Sur la base de ces principes, un système fiscal de référence
a été établi pour les quatre types d’impôts qui ont un fort impact sur la charge fiscale de
l’Etat, à savoir la taxe sur la valeur ajoutée, l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et
les droits d’enregistrement et de timbre.

Suite à cette relecture du système fiscal de référence, il est devenu, a priori 148, tout à fait
possible de faire le distinguo entre une disposition purement fiscale et une disposition
qualifiée de dépense fiscale. Ainsi, et une fois que les contours de ce système de référence
ont été définis, il a été procédé, ce faisant, à un travail de tamisage visant à repérer les
dépenses fiscales devant être inventoriées dans le document annexé au projet de loi de
finances. Au terme de cette relecture, il a été procédé à des ajustements en reconsidérant
une panoplie de mesures dérogatoires comme faisant partie de la norme fiscale, alors
qu’elles étaient, une année auparavant, classées comme dépenses fiscales selon l’ancien
référentiel.

Pour affiner davantage le pilotage des dépenses fiscales, la nouvelle approche


réformatrice a tenté d’introduire un mécanisme permettant le ciblage de certaines mesures
dérogatoires, afin d’examiner leur impact socio-économique.

Cette étude revêt, à notre sens, une importance capitale dans la mesure où elle
permettra, lors de sa concrétisation, de pouvoir se prononcer en toute connaissance de
cause sur l’efficacité et la pertinence de la politique incitative choisie par les pouvoirs
publics, pour mener à bon port leur stratégie de développement économique et social, et
contrecarrer, in fine, toute politique d’improvisation entraînant des effets d’aubaine. Cette
systématisation des études d’impact socio-économique constituera, sans doute, le premier
jalon du processus de rationalisation tant réclamé par les participants lors des Assises de
2013, mais qui en était resté au stade des vœux pieux.

Dans la même perspective réformatrice, il a été préconisé de procéder à l’élaboration


rigoureuse d’un guide méthodologique de chiffrage et de quantification 149 du manque à
147
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2019 », op. cit., p. 4.
148
Nonobstant les critères retenus, la qualification d’une mesure dérogatoire de dépense fiscale reste toutefois
très controversée comme il sera démontré dans le chapitre suivant.
149
Ce guide détaille la méthode d’évaluation budgétaire des dépenses fiscales générées par les dérogations en
matière d’impôt sur le revenu des personnes physiques (IR), de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de droits
d’enregistrement (DE). Cette méthode est basée sur l’exploitation des données fiscales disponibles dans les
deux administrations concernées par la gestion de ces impôts et taxes.

73
gagner adosser à l’ensemble du dispositif dérogatoire fiscal parsemant notre système
d’imposition, notamment les dépenses fiscales les plus significatives du point de vue
financier. Ainsi, des fiches méthodologiques seront, systématiquement, établies, afin de
retracer la portée de toute dépense qui sera soumise au crible de l’évaluation. Cette fiche
sera conçue de manière à renseigner sur tous les aspects relatifs à la disposition incitative
étudiée portant sur son objectif, sa méthode de chiffrage estimatif et son coût budgétaire.

L’approche réformatrice empruntée a permis d’élaborer une nouvelle architecture du


rapport annuel sur les dépenses fiscales, avec une nouvelle mouture visant à fixer l’objet
principal du rapport, son importance et son intérêt.

En définitive, à ce stade de restructuration du rapport dans sa nouvelle version


préconisée, deux tâches majeures sont à souligner. La première consiste à étoffer le rapport
d’un récapitulatif descriptif permettant de donner un aperçu global sur l’évolution des
dépenses fiscales au cours d’une année précise ; la seconde tente de « mettre à jour les axes
d’analyse considérés comme les principaux vecteurs directeurs de la restructuration dudit
rapport »150.

Ce travail de remodelage vise, entre autres, à mettre en place une plateforme de


chiffrage du manque à gagner, suite à l’octroi des avantages fiscaux à certains contribuables
ou à des secteurs d’activités en particulier. Cette plateforme sera dotée d’une
automatisation des calculs permettant l’évaluation des coûts financiers des mesures
dérogatoires. Ce dispositif permettra de veiller à la bonne utilisation des dépenses fiscales,
comme un instrument de politique publique, et d’assurer un suivi permanent dédié à chaque
dépense fiscale, depuis sa promulgation jusqu’à, le cas échéant, son abrogation. En somme,
la refonte préconisée du rapport sur les dépenses fiscales a permis de proposer une autre
façon de concevoir les choses, et de donner au contenu de ce rapport plus de visibilité et de
crédibilité, en tant qu’outil visant à évaluer la moins-value engendrée par le recours aux
mesures fiscales préférentielles, comme un instrument d’intervention dans la gestion de la
chose publique.

En matière de la TVA, la nouvelle relecture du système de référence est marquée par


la mise en place d’un régime systématique décliné en trois composantes. En premier lieu, un

150

74
régime à triple taux a été instauré. Le taux de 20% est réputé comme le taux normal
applicable à la majorité écrasante des opérations imposables ; les taux de 10% et de 0%, bien
qu’ils soient réduits ou nuls, et chaque fois qu’ils seront appliqués et porteront sur des
incitations fiscales, seront qualifiés par le nouveau référentiel cible nouvellement établi
comme des dépenses fiscales. En second lieu, deux seuils ont été institués, à savoir 500 000
DH et 2 000 000 DH applicables, respectivement, aux fabricants et prestataires de services et
aux commerçants sur les ventes et les livraisons effectuées en l’état. En troisième lieu enfin,
des régimes spécifiques ont été créés pour certaines opérations relatives aux exonérations
des opérations d’exportation et les exonérations des opérations de transport international.

Ainsi, il a été constaté que la nouvelle approche instituant le nouveau référentiel


cible a gardé, en matière de TVA, la même structure que l’ancien système de référence, tout
en adoptant le taux de 0% comme taux de référence.

Suite à cette nouvelle lecture, et afin de tenter de la mettre en œuvre, il a été procédé à
l’examen de l’effectivité des dispositions dérogatoires recensées relatives à la TVA, suite au
passage de l’ancien système de référence appliqué durant les années précédentes, au
nouveau système appelé dorénavant « référentiel cible ». Pour ce faire, il a suffi d’appliquer
ce nouveau référentiel sur les données consignées dans le rapport sur les dépenses fiscales
annexé au projet de loi de 2018, en vue de comparer les résultats estimés avec les
réalisations. Ainsi, cette mise en application a pu changer l’ancienne physionomie des
dépenses fiscales recensées sous l’empire de l’ancien système de référence.

A ce titre, l’effectif du dispositif dérogatoire inventorié s’est traduit par une baisse
substantielle, en passant de cent dix-sept mesures répertoriées selon l’ancien système de
référence à quatre-vingt-quatre mesures qualifiées de dépenses fiscales selon le référentiel
cible en matière de TVA 2017, « soit une baisse nette de 33 mesures dérogatoires (-28%).
Cette baisse est due à l’effet conjugué de la qualification de 43 mesures en tant que normes
et l’intégration de 10 mesures dans la liste des dépenses fiscales, alors qu’elles étaient
considérées comme normes selon l’ancien système fiscal de référence » 151.

151
518 Ibid.

75
L’examen de cette transition méthodologique nous enseigne que les quarante-trois
mesures préférentielles considérées, initialement, comme des dépenses fiscales avant leur
reconversion en mesures faisant partie de la norme fiscale selon le référentiel cible
nouvellement conçu, représentent, en fait, des mesures dérogatoires bénéficiant de
l’application du taux réduit de 0%. Ce basculement s’explique par le fait que la nouvelle
logique apportée par le référentiel cible a préconisé que toute incitation fiscale jouissant
d’un taux réduit ou nul ne devrait pas être assimilée, systématiquement, à une dépense
fiscale comme les incitations fiscales. Autrement dit, la nouvelle architecture du nouveau
référentiel s’articule autour trois taux : 0% ,10% et 20%.

En revanche, d’autres mesures dérogatoires ont intégré, pour la première fois, et selon
la conception du nouveau référentiel cible, le périmètre des dépenses fiscales alors qu’elles
étaient réputées, sous l’emprise de l’ancien système fiscal, comme règles normatives. A cet
effet, il a été institué que l’écart entre le taux de 20% et le taux de 10% est qualifié, de facto,
comme une dépense fiscale à inventorier et évaluer dans le rapport annuel sur les dépenses
fiscales.

De même, et après la mise en œuvre du nouveau référentiel cible, le chiffrage effectué,


selon l’ancien système de référence, a été revu à la baisse. Ainsi, pour ce qui est du coût
global évalué selon le référentiel cible relatif à la TVA, le montant global de ces dépenses
fiscales, suite à la nouvelle réforme, est passé de 16 958 MDH à 14 336 MDH, soit une baisse
nette de 2 622 MDH, ce qui représente l’écart du manque à gagner des mesures incitatives
supprimées évaluées initialement à 7 380 MDH, sous l’emprise de l’ancien système, et les
mesures préférentielles fraîchement insérées dans le périmètre des dépenses fiscales
évaluées à un coût total de 4 758 MDH.

En matière de l’impôt sur les sociétés, le nouveau système fiscal de référence se distingue
de l’ancien système par l’importance de l’analyse accordée individuellement à chaque
mesure incitative, afin de s’assurer s’il s’agit d’une simple modalité d’imposition, ou bien si
elle constitue, tout bonnement, une dépense fiscale à répertorier dans le rapport publié
annuellement à l’occasion de la présentation du projet de la loi de finances. Selon cette
nouvelle approche, et en dépit de l’application des taux réduits ou nuls, les mesures
incitatives concernées ne sont pas qualifiées systématiquement comme des dépenses

76
fiscales. Aussi, est considéré comme partie prenante du régime d’imposition, selon le
référentiel cible, l’ensemble des mesures visant à éviter la double imposition ainsi que celles
ayant un caractère d’intérêt général.

Ainsi, et suite à la mise en application de la nouvelle approche méthodologique fixant les


contours du régime, l’architecture du nouveau référentiel cible en matière d’impôt sur les
sociétés se présente comme suit. La structure des taux de référence concerne le barème de
calcul de l’impôt sur les sociétés 152 et les autres taux spécifiques. De même, au niveau de la
base imposable, ce référentiel cible peut prendre la forme d’un report déficitaire ou d’un
amortissement normal.

Enfin, ce référentiel cible peut être présenté sous forme de dispositions spécifiques,
tantôt pour éviter la double imposition, tantôt visant, entre autres, la réalisation ou le
financement de projets d’intérêt général.

Cependant, à l’instar de ce qui a été fait en matière de TVA, la mise en application du


nouveau référentiel cible de l’impôt sur les sociétés, pour les données consignées dans le
rapport sur les dépenses fiscales adossé au projet de loi de finances 2018, et le chiffrage des
mesures incitatives recensées auparavant, a connu un changement notoire. Après cette
transition méthodologique, l’impact sur l’effectif des mesures relatives à l’impôt sur les
sociétés s’est traduit par le repérage de soixante dispositions dérogatoires, au lieu de
quatre-vingt-dix dans le régime de base de l’ancien système. Après ce basculement, trente-
neuf mesures ont été déclassées en mesures d’impositions. Ces dernières mesures
déclassées représentent, en fait, dans leur majorité, des dispositions visant à éviter la double
imposition, et des mesures incitatives dédiées en faveur des institutions dont l’activité
exercée est réputée à but non lucratif.

Suite à ce basculement, le coût du manque à gagner, évalué selon le référentiel cible


relatif à l’impôt sur les sociétés appliqué sur les données de l’année 2017, a enregistré un

152
Depuis la loi de finances 2018, le barème progressif de l’impôt sur les sociétés comprend désormais trois
taux applicables selon les tranches d’imposition établies comme suit :
Inférieur ou égal à 300 000 : Taux de 10%
De 300 001 à 1 000 000 : Taux de 20%
Supérieur à 1 000 000 : Taux de 31%

77
montant global de 4 757 MDH, alors que la même année, avec l’ancien système de
référence, le montant a été de 5 128 MDH, soit une baisse de 371 MDH 153.

Dans la perspective visant à cerner les contours du nouveau référentiel, l’impôt sur le
revenu a vu, lui aussi, son système de référence subir des changements sensibles s’articulant
autour de trois axes majeurs : taux de référence, base imposable et dispositions
spécifiques154 .

Après l’application, pour la première fois, du nouveau référentiel cible, plusieurs mesures
incitatives recensées initialement comme des dépenses fiscales se sont vues déclassées et
intégrées dans le périmètre du régime de base. Elles sont considérées, depuis l’avènement
du nouveau référentiel, comme de simples règles d’imposition. Ainsi, ce passage
méthodologique et l’application de la nouvelle approche sur les données de l’année 2017, se
sont traduits par le déclassement de douze mesures incitatives. Cette diminution est due,
spécialement, à la conjugaison de deux effets contradictoires, à savoir, d’une part,
l’appréhension de dix-neuf dispositions dérogatoires comme règles d’imposition faisant
partie du régime de base et l’insertion, d’autre part, de sept mesures incitatives dans le
périmètre des dépenses fiscales, alors qu’elles étaient catégorisées une année avant comme
norme selon l’ancien système de référence.

Il importe, toutefois, de signaler que les dispositions dérogatoires déclassées en norme


portent, essentiellement, sur les opérations relatives au financement des programmes

153
Ibid
154
Barème de calcul de l’impôt sur le revenu :
• 10% du montant des produits bruts, hors taxe sur la valeur ajoutée, perçus par les personnes physiques ou morales
non résidentes,
• 15% du montant des revenus et profits de capitaux mobiliers de source marocaine,
• 20% du montant des revenus de placements à revenu fixe,
• 20% du montant des capitaux mobiliers de source étrangère,
• 20% du montant des profits nets fonciers réalisés ou constatés,
• 30% du montant des profits nets réalisés ou constatés à l’occasion de la première cession à titre onéreux
d’immeubles non bâtis inclus dans le périmètre urbain,
• 20% du montant des profits nets réalisés ou constatés à l’occasion de la cession d’immeubles urbains non bâtis,
• 30% du montant des rémunérations et les indemnités occasionnelles ou non versées à des personnes ne faisant pas
partie du personnel permanent de l’employeur. * Base imposable,
• Abattement pour frais professionnels plafonné à 30 000 dirhams,
• Abattement de 20% pour les revenus fonciers,
• Abattement forfaitaire de : 55% sur le montant brut annuel inférieur ou égal à 168 000 dirhams et 40% pour le
surplus des pensions et rentes viagères,
• Exonération du personnel diplomatique, * Dispositions spécifiques,
• Dispositions portant sur un organisme particulier/sous population particulière exerçant une activité à but non
lucratif et non concurrentielle,
• Dispositions portant sur les opérations visant la réalisation/financement des projets d’intérêt général,
• Dispositions évitant la double imposition.

78
d’intérêt général. En revanche, celles qui sont dorénavant insérées dans le sérail des
dépenses fiscales, selon le référentiel-cible, sont spécialement dédiées à une frange
spécifique d’une population bénéficiant d’atténuations fiscales. A cet égard, seulement
quatre-vingt et un des dispositions dérogatoires répertoriées sont prises en charge, en tant
qu’une composante des dépenses fiscales, alors que, sous l’ancien système, ce nombre été
de quatre-vingt-treize dispositions dérogatoires.

S’agissant de la quantification du coût évalué de la perte de recette engendrée après


l’application du nouveau référentiel, il est important de rappeler que la mise en marche de
ce dernier a fait ressortir un coût total de dépenses fiscales renoncées en 2017 avoisinant 4
590 MDH, alors que selon l’ancien système de référence ce montant aurait été de 4 592
MDH, soit une baisse enregistrée de 2 MDH.

L’architecture du nouveau référentiel cible, en matière de droits d’enregistrement,


s’articule autour de trois taux à savoir : 6%, 3%, 1% et des droits fixes de 200 dirhams. Eu
égard aux principes évoqués plus haut, la détermination du référentiel cible pourrait,
éventuellement, faire l’objet d’analyse, au cas par cas. A cet effet, chaque disposition
dérogatoire serait passée au crible, afin de se prononcer sur son intégration dans le giron
des dépenses fiscales ou sur son intégration au régime de base mis en place.

Selon cette nouvelle approche méthodologique, les mesures préférentielles bénéficiant


d’un taux réduit ou nul, ne sont pas catégorisées, automatiquement, dans le sérail des
dépenses fiscales. Autrement dit, le référentiel cible en matière des droits d’enregistrement
et de timbre prend comme toile de fond les principaux taux de référence, sans pour autant
oublier les « dispositions portant sur un organisme particulier/sous population particulière
exerçant une activité à but non lucratif et non-concurrentielle, dispositions portant sur les
opérations visant la réalisation / financement des projets d’intérêt général » 155.

Concernant l’impact du nouveau référentiel cible sur le chiffrage en nombre et en


valeur des dépenses fiscales recensées au titre de l’année 2017, il s’est distingué par une
baisse du nombre des dispositions dérogatoires reconverties en norme fiscale faisant partie
du régime de base, soit un nombre de trente-sept mesures incitatives, alors que sous
l’ancien système ce nombre a été de soixante-quatorze mesures incitatives répertoriées

155
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2019 », op. cit., p. 13

79
comme dépenses fiscales, soit trente-sept mesures dérogatoires comptabilisées, en moins,
par rapport à l’ancien document retraçant le dispositif fiscal mis en place, et qualifié de par
l’ancienne définition comme dépenses fiscales.

Quant au coût des mesures dérogatoires relatives aux droits d’enregistrement évaluées
nouvellement selon le référentiel cible, il a enregistré, pour l’année 2017, un total de 860
MDH, au lieu de 4 038 MDH, comparativement avec les données consignées dans le rapport
établi sous l’ancien système fiscal, soit une suppression nette de 3 178 MDH.

En définitive, selon la nouvelle approche instituant le référentiel cible, il a été relevé «


qu’au total, l’application du référentiel cible a permis de considérer 291 mesures comme
dépenses fiscales au lieu de 418 soit une baisse de l’ordre de 30% » 156. Alors qu’en termes de
manque à gagner évaluer, la mise en œuvre du référentiel cible a permis de relever que le
coût global des dépenses fiscales recensé est de 28 551 MDH, alors que ce coût a été évalué,
sous l’ancien système à un montant de 34 748 MDH, « soit une baisse de 6 197 MDH (-18%).
Cette baisse est expliquée, essentiellement, par la diminution du coût relatif aux droits
d’enregistrement et de timbre (3 178 MDH) et à la TVA (2 622 MDH) » 157.

A cet effet, et toujours selon le nouveau référentiel-cible, la ventilation par impôt a


consacré la tendance baissière, en nombre et en valeur, par rapport à la même ventilation
élaborée selon l’ancien système. Ainsi, le coût des dépenses fiscales relatives à la TVA a
enregistré un manque à gagner estimer à 14 336 MDH, pour quatre-vingt-quatre mesures
répertoriées comme dépenses fiscales, alors qu’une année avant, selon l’ancienne approche,
ce montant a été de 16 958 MDH représentant le coût de cent dix-sept mesures
dérogatoires qualifiées comme dépenses fiscales.

La même tendance baissière, mais à un degré moindre, marque aussi la ventilation


dédiée à l’impôt sur les sociétés. Le coût, inhérent aux dépenses fiscales relatives à cet
impôt, a connu, selon le référentiel cible, une diminution passant de 5 128 MDH concernant
quatre-vingt-dix-neuf mesures incitatives à un montant de 4 757 MDH, l’équivalant du coût
évalué de soixante mesures incitatives estimées sous l’empire de l’ancien système de
référence.

156
Ibid.
157
Ibid.

80
Dans la même lignée, l’évaluation effectuée, selon le nouveau référentiel du coût des
dépenses fiscales dédiées aux droits d’enregistrement, a connu une diminution remarquable
en nombre et en valeur. Le montant global de cette estimation est passé de 4 038 MDH,
correspondant à soixante-quatorze mesures dérogatoires, à 860 MDH, l’équivalant d’une
estimation de trente-sept mesures incitatives.

En revanche, ce sont les dépenses fiscales dédiées à l’impôt sur le revenu qui ont pu
résister aux changements apportés par le référentiel cible en gardant, à quelques différences
près, selon la même architecture élaborée sous l’ancien système de référence.

Ainsi, la valeur estimée du coût global n’a guère changé passant de 4 592 MDH à 4 590
MDH, alors que le nombre est passé de quatre-vingt-treize à quatre-vingt et un mesures
dérogatoires estimées.

Sous un autre angle, celui de l’impact du nouveau référentiel par type de bénéficiaire, il
a été relevé que la mise en marche de la nouvelle méthodologie instituant le référentiel-
cible a, également, modifié l’ancienne architecture des dépenses fiscales.

Ainsi, concernant « les ménages, l’application du référentiel-cible a permis de ramener


le nombre de mesures dérogatoires à quatre-vingt-douze au lieu de cent six, soit une
diminution de 13%. L’impact en termes de coût pour cette catégorie est passé, quant à lui,
de 11 313 MDH à 13 206 MDH, en augmentation de près de 17% » 158. Par comparaison, alors
que les mesures incitatives dédiées aux entreprises sont passées de cent quatre-vingt-six à
cent cinquante-deux, en baisse de 18%, s’agissant du coût occasionné relatif à ces dernières,
il est passé de 19 468 MDH à 14 521 MDH, soit une baisse de près de 25%. Ce faisant, les
pouvoirs publics ont continué leur politique incitative vis-à-vis des ménages, dans la mesure
où le total du dispositif incitatif est passé de 25% à 32%, alors que sa part dans le montant
global des dépenses fiscales est passée de 33% à 46%.

Enfin et toujours dans l’analyse de l’impact de l’application du nouveau référentiel sur


l’architecture des dépenses fiscales mises en place en 2017, il a été constaté que la politique
incitative menée par le gouvernement continue d’accorder une importance capitale aux
secteurs à vocation sociale. On relève, ainsi, le nombre de quatre-vingt-dix-neuf mesures
dérogatoires répertoriées dans le total de cent soixante-onze retenues par l’ancien
158
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales pour l’année 2019 », op. cit., p. 21.

81
référentiel, soit une diminution de 42%. Le total du coût occasionné est, donc, passé de 14
394 MDH à 14 603 MDH, soit une augmentation de 1%.

S’agissant du secteur économique, le nombre des dispositions dérogatoires recensées, selon


le nouveau référentiel, est de cent soixante-dix-huit, au lieu de deux cent trente, soit une
baisse de 23%, alors qu’en termes de valeur, ces mesures recensées ont totalisé 13 787 MDH
au lieu de 20 184 MDH, soit une baisse de 32 %.

De même, une part de dépenses fiscales a été dédiée aux activités culturelles pour
lesquelles le nombre de dépenses fiscales est passé de dix-sept à quatorze, alors qu’en
termes de perte de recettes, elles ont été estimées à 161 MDH au lieu de 169 MDH,
comparativement aux indications consignées dans l’ancien rapport sur les dépenses avant
l’avènement du nouveau référentiel cible.

Le processus de création ou de suivi d’une dépense fiscale devrait, a priori, être soumis
à un tamisage rigoureux, susceptible de donner aux décideurs une visibilité et des éléments
d’éclairage, leur permettant de se prononcer en toute efficacité sur les démarches à suivre
pour créer ou maintenir une dépense fiscale.

En guise de conclusion, on remarque que le maximum des dépenses supprimées a été


enregistré en 2015, avec un gain pour l’Etat de 4 487 MDH, et le minimum a été enregistré
en 2013 avec 76 MDH.

En outre, le montant des dépenses créées a connu une augmentation jusqu’en 2015,
avec des dépenses supplémentaires de 1 647 MDH, pour diminuer ensuite à 5 MDH en 2016.

On constate, d’une part, que la politique de réduction des dépenses fiscales suite aux
assisses fiscales entretenues, depuis 2013, a été bien menée jusqu’en 2015, avec une
suppression de 4 487 MDH de dépenses, pour baisser, ensuite, en 2016 à 784 MDH.

D’autre part, on peut conclure que le maximum de dépenses a été relevé au cours de
l’année 2014, avec un total de 34 406 MDH, et que le minimum des dépenses a été relevé au
cours de l’année 2015, avec un total de 23 088 MDH, pour augmenter, ensuite, à 32 422
MDH en 2016 et 33 421 MDH en 2017.

82
A ce niveau, on peut dire qu’après un début soutenu en 2014 et, notamment, en 2015, la
réforme des dépenses fiscales marocaine s’est vite essoufflée et son rythme ascendant s’est,
soudainement, estompé en 2016, pour reprendre, avec plus de force, puis revenir à la case
départ, en dépassant la barre de 33 000 MDH. Pire encore, aucune mesure parmi les trois
outils de pilotage159 visant à la rationalisation du système des incitations recommandées à
l’issue des assises n’a été concrétisée, en rappelant que cette recommandation conditionne
l’octroi d’un avantage fiscal par une limitation de durée dans le temps et la définition de
leurs objectifs, dans le cadre conventionnel du strict respect d’un cahier des charges, alors
que, dans les faits, rien de concret n’a eu lieu. Le comble, enfin, est que certaines mesures
incitatives temporaires, lors de leur création, sont devenues permanentes dans leur
application.

En conclusion et au terme de cette analyse portant sur le quinquennat ayant précédé


les Assises de 2013, il a été relevé, qu’en dépit de l’effort considérable des pouvoirs publics
visant la réduction de dépenses fiscales, le résultat est resté en deçà des ambitions affichées
lors des Assises en question. Excepté l’inestimable effort déployé au titre des lois de finances
2014 et 2015, les dépenses fiscales supprimées n’ont guère dépassé vingt-huit mesures pour
un montant total estimée de 6 234 millions de DH, alors que le nombre total des dépenses
fiscales est resté maintenu à un niveau moyen de 3,4% du PIB, avec des variations positives
de 1,5% et de 4,4% respectivement en nombre et en montant durant la période en question.

Cependant, il a été relevé, contrairement à la recommandation préconisant la


rationalisation du système des incitations, une prolifération démesurée des dispositions
dérogatoires introduites par les lois de finances de 2017 et 2018. En fait, dix-huit nouvelles
mesures se sont ajoutées au stock existant. En somme, aucun changement ni amélioration
n’a été enregistré au niveau du circuit d’adoption et d’évaluation des nouvelles propositions
d’incitations fiscales, ni en termes de remise en question des anciennes dérogations. La
rationalisation des dépenses fiscales tant prônée par les participants aux Assises tenues en
avril, peine à s’imposer comme une voie irréversible dans la gestion du système des
incitations fiscales.

159
Les outils que les intervenants, lors des Assises ont proposé d’instituer pour l’octroi des exonérations fiscales
à savoir : la limitation de leur durée dans le temps, la définition de leurs objectifs et leur octroi dans un cadre
conventionnel respectant un cahier de charges et la mise en place de mécanismes d’évaluation de leur
efficacité par rapport aux objectifs escomptés.

83
Conclusion du Chapitre I

Plus de cinq années passées depuis les Assises de 2013, et la rationalisation


préconisée n’a pas abouti aux résultats escomptés, d’où « l’impératif d’instaurer un cadre
nettement plus efficace de gouvernance et de pilotage de la fiscalité dérogatoire ayant
vocation à promouvoir la pertinence et la transparence des processus de décision, enrichir
notablement les indicateurs de mesure des coûts et des avantages des incitations,
restreindre le risque d’arbitraire et à renforcer la reddition de comptes, est donc
éminemment important au vu des attentes considérables de la société et des défis de notre
pays en termes de gouvernance, de compétitivité et de développement. Cet impératif est
d’autant plus important au vu du chantier de réforme budgétaire structurant sur lequel le
Maroc s’est engagé afin d’améliorer la gouvernance et la transparence des finances
publiques, ainsi que les dépenses destinées au financement des stratégies sectorielles et à la
mise en œuvre des politiques publiques ; du poids de plus en plus contraignant des
engagements du pays à l’international en termes de mise à niveau et d’alignement normatif
du texte fiscal marocain aux standards internationaux »160 .

La poursuite d’un rythme soutenu d’augmentation des recettes fiscales nécessite une
plus grande mobilisation du potentiel fiscal, notamment par la rationalisation des dépenses
fiscales. Il est, donc, temps d’aborder cette thématique en présentant, d’abord, une
évaluation critique de l’existant, sur la base de laquelle seront étayées les préconisations
avancées, ici, que nous estimons être en adéquation, avec l’esprit de la recommandation
prônant une réforme globale du système incitatif marocain.

160
DGI, « Rapport de synthèse sur les incitations fiscales », Assises nationales sur la fiscalité, 2019.

84
Chapitre II - La nécessaire réforme générale du régime
incitatif marocain actuel

A l’heure où les pouvoirs publics s’ingénient à mobiliser davantage les ressources


fiscales, afin de faire face aux dépenses publiques qui ne cessent d’enfler, ils sont, aussi,
contraints à prendre une série de mesures visant de réguler et maitriser leurs finances
publiques. Dans ce chantier de réforme, un sujet s’est imposé au cœur des débats : les
dépenses fiscales. Ces dernières font, souvent, l’objet d’acerbes critiques. La salve des
critiques161 à leur encontre ne cesse de s’étendre. Les commentaires de dénigrement
foisonnent de tous bords, visant à dénoncer leur multiplication et condamner leurs effets
négatifs sur les finances publiques, aucune voix ne plaide en leur faveur, dans un système
fiscal censé optimiser la collecte de l'impôt et non son évaporation. En effet, la sentence est
tombée sans le moindre bénéfice accordé au doute et la nocivité des mesures dérogatoires
ne serait plus à démontrer. Elles seraient responsables de toutes les failles qui minent la
fiscalité marocaine, en ce qu’elles saperaient la trilogie fondamentale de tout système fiscal
moderne : l’efficacité, l’équité et la neutralité. A ce titre, les Assises nationales sur la fiscalité,
tenues les 29 et 30 avril 2013 à Skhirate, ont constitué l’occasion idoine d’une plate-forme
d’échange et de partage pour passer au crible les moyens d’une nouvelle impulsion au

161
Les dépenses fiscales, selon les détracteurs présentent une série d’effets pervers. Outre leur participation à
la dérive des finances publiques, elles sapent le principe de l’équité fiscale mais sans une efficacité apparente.

85
système fiscal marocain, afin qu’il se mette au diapason des évolutions politiques, sociales et
économiques du Maroc.

Constituant une composante intégrante des principales recommandations des Assises


présidant les grandes lignes de la prochaine réforme fiscale, la rationalisation du système
des incitations fiscales est l’un des premiers chantiers mis sur les rails.

Sans tergiverser, le gouvernement a adopté la démarche d’un bon père de famille, afin
de concevoir une nouveau modèle de gouvernance des dépenses fiscales, très utile en ces
temps de crise, pour faire de la réforme fiscale en général, et de la réforme de la fiscalité
incitative en particulier, le cheval de bataille propre à assurer une bonne gouvernance de la
gestion des dépenses fiscales marocaines, tant décriées ces dernières années, souvent sans
raison, comme source de toutes les failles entachant le système de prélèvement obligatoire.

Devant le solide consensus sur la nocivité des niches fiscales, comment les décideurs
ont-t-ils appréhendé la recommandation portant sur la rationalisation du système des
incitations fiscales ? Et quelles sont les voies empruntées, après la succession de cinq lois de
finances, afin d’atteindre l’équilibre recherché entre la neutralité du système fiscal et le
soutien des ménages et des entreprises ? Enfin, quel mécanisme de suivi a été conçu
spécialement afin de parvenir à la rationalisation escomptée ?

A cet effet, notre démarche sera réservée à la formulation des critiques à l’encontre
des dépenses fiscales, avant de passer à la présentation des propositions aptes à améliorer
le système actuel des incitations fiscales.

Section I - Les critiques formulées à l’encontre du


régime incitatif marocain

A l’instar de plusieurs pays en voie de développement, le Maroc s’emploie à séduire les


investisseurs par le moyen d’une politique fiscale incitative. Il est, donc, primordial pour les
pouvoirs publics de s’orienter vers l’initiative privée nationale, mais surtout étrangère, afin
de stimuler l’industrie locale. Aussi et par ce même outil des encouragements fiscaux, le
gouvernement cherche à réduire les inégalités dans la répartition des revenus.

86
Mais, cette politique fiscale généreuse à l’égard de l’initiative privée et du bien-être
social de la collectivité a un coût considérable. Une manne considérable de recettes fiscales
est, ainsi, sacrifiée, chaque année, sans pour autant garantir que les objectifs assignés aux
dépenses fiscales seront atteints, d’autant que, compte tenu de la surenchère des pays
émergents à la conquête des investisseurs étrangers par leur politique fiscale, le Maroc se
trouve, lui aussi, contraint de poursuivre sa politique incitative.

Les critiques à l’encontre de cette générosité fiscale débridée sont légion. Les
principales sont celles relatives à l’opacité et au manque de rationalisation dans la gestion
des dépenses fiscales.

L’argumentaire le plus soutenu par les détracteurs est que le gouvernement s’entête, à
l’avènement de chaque loi de finances, à procéder à des dépenses fiscales, sans être en
mesure de se prononcer sur l’impact réel de cette politique incitative sur l’économie et sur le
bien-être social. Ainsi, la politique des dépenses fiscales est souvent victime de jugements de
valeur. C’est la raison pour laquelle notre travail de recherche a entrepris de dépoussiérer la
notion de dépenses fiscales de tous préjugés et idées préconçues, afin de défendre la thèse
selon laquelle le concept de dépense fiscale n’a d’autres finalités que de rappeler l’origine, la
portée et le coût de chaque disposition dérogatoire, afin de pouvoir la comparer et,
éventuellement, lui substituer par une dépense budgétaire.

A ce titre, les dépenses fiscales ne sont pas nocives en elles-mêmes, c’est l’usage qui
en est fait, qui est souvent remis en cause. C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’il
faut faire la part des choses et distinguer entre l’outil qu’est la dépense fiscale et l’utilisation
qu’on en fait.

Ceci étant dit, on s’abstiendra de s’attarder sur les jugements de valeur accablant la
notion de dépenses fiscales, sans être en mesure d’apporter des éléments corroborant cette
position nihiliste. En revanche, nous nous emploierons à passer en revue une série de
contraintes entravant la mise en place d’une gestion rationnelle de la politique de dépenses
fiscales au Maroc.

1. Une nécessaire clarification des critères de la notion de

87
dépenses fiscales

Après la problématique liée au foisonnement incontrôlé du nombre des dépenses


fiscales et de la montée en puissance de leur enjeu budgétaire dans le droit fiscal marocain,
il convient de s’intéresser, maintenant, à une autre problématique et pas des moindres, celle
relative à la gestion des outils gouvernant la fiscalité dérogatoire au Maroc. En dépit de la
grande médiatisation dont il fait l’objet et son omniprésence dans tous les débats publics, le
concept de dépenses fiscales reste toujours entouré d’un flou juridique incompressible.
Ainsi, « ce flou est du reste inhérent à la notion de dépenses fiscales elle- même » 162, ce qui
explique, dans une large mesure, le désarroi des pouvoirs publics et leur incapacité de
pouvoir assurer une gestion rationnelle et transparente de sa fiscalité dérogatoire. Diverses
raisons peuvent expliquer cette situation, mais les plus pointées du doigt sont celles relatives
aux incertitudes méthodologiques qui entachent le périmètre et l’estimation du coût des
dépenses fiscales, sans perdre de vue que les dispositions dérogatoires prévues par la loi
fiscale font rarement l’objet d’une attention insuffisante de la part des décideurs publics.
Ainsi, le document marocain163 dédié à la gestion des dépenses fiscales brille par l’absence
d’une définition claire et précise, dans la doctrine fiscale marocaine, de la notion de
dépenses fiscales, d’une typologie, bien étudiée et nuancée du système de référence ou de
la norme fiscale.

Hormis des difficultés de définition des dépenses fiscales au regard d’une norme
fiscale peu précise, « la norme de référence n’est pas définie de façon intangible. En effet,
elle résulte d’une observation des faits et d’une interprétation a posteriori des intentions du
législateur qui explique en grande partie les changements de périmètre (classements et
déclassements de dépenses fiscales). Cette précision confirme que la norme n’en est pas
une, la notion d’« observation des faits » n’étant de surcroît ni expliquée, ni justifiée. Quant
aux intentions a posteriori du législateur, il serait plus logique de prendre appui sur les
études d’impact, voire sur les débats législatifs plutôt que d’interpréter les intentions du
législateur a posteriori. Si la méthode de détermination d’une dépense fiscale mérite d’être

162
C. WENDENG & al.,« La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit., p.
10.
163
Ce document est le rapport annuel sur les dépenses fiscales, annexé au projet de loi de finances pour chaque
nouvelle année budgétaire.

88
considérée plus sérieusement, les évolutions annuelles qui en résultent sont en revanche
retracées chaque année dans le projet de loi de finances »164.

A l’instar du système français, le système fiscal marocain comporte « de nombreuses


dérogations sous forme d’exonérations totales ou partielles, de réductions d’impôts,
d’abattements sur la base imposable et de taux préférentiels » 165. L’approche française166
s’est évertuée à donner une définition claire et précise du concept de dépense fiscale «
rituellement reprise chaque année dans le tome II du « Voies et moyens », les dépenses
fiscales s’analysent comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en
œuvre entraîne pour l’Etat une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un
allègement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la
norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français »167.

Le document marocain, quant à lui, au lieu de donner, au préalable, une définition de


la notion de dépense fiscale, va vite en besogne pour répertorier les éléments intrinsèques
pouvant qualifier ou non une disposition dérogatoire comme dépense fiscale.

Il a, ainsi, mis, dès le début, l’accent sur le volet budgétaire des dispositions
dérogatoires, en expliquant plutôt les raisons pour lesquelles les dispositions dérogatoires
sont appelées dépenses fiscales. Selon le rapport marocain « les dérogations fiscales
représentent un enjeu budgétaire important. Elles constituent un manque à gagner pour le
budget et leur effet sur ce dernier est comparable à celui des dépenses publiques. C’est la
raison pour laquelle elles sont appelées dépenses fiscales »168.

L’approche s’est chargée, en premier lieu, sans définir le concept, de cerner la finalité
première de la notion de dépenses fiscales et d’analyser son impact sur le budget d’Etat.
164
La Cour des comptes, « Gestion des dépenses fiscales en faveur du logement », op. cit., p. 34. Document
disponible en ligne www.ccomptes.fr@Courdescomptes.
165
C. WENDLING & al., « La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit.,
p. 10
166
En application de l’article 32 de la loi de finances pour 1980 : « Chaque année, dans le fascicule « Voies et
Moyens » annexé au projet de loi de finances, le Gouvernement retracera l’évolution des dépenses fiscales, en
faisant apparaître de manière distincte, les évaluations initiales, les évaluations actualisées, ainsi que les
résultats constatés. Les dépenses fiscales seront ventilées, de manière détaillée, par nature de mesures, par
catégories de bénéficiaires et par objectifs ».
167
C’est le terme utilisé par le conseil des impôts dans son 21ème rapport au Président de la République sur la
fiscalité dérogatoires, septembre 2003 « ces dispositions dérogatoires sont qualifiées, par les spécialistes, de
dépenses fiscales, Oxymore introduit aux Etats-Unis à la fin des années 1960 puis en France à la fin des années
1970 ».
168
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2006 », op. cit., p. 5.

89
Ainsi, et au lieu de tenter, avant toute démarche, de définir la notion de dépense
fiscale, oxymore, tant galvaudé par les médias que par le grand public, le rapport marocain
s’est contenté de mettre en exergue l’enjeu budgétaire du concept, et s’évertue à expliquer,
ensuite, la portée de ces mesures dérogatoires. Il a tenté, enfin, de définir le périmètre des
dépenses fiscales en précisant que « ne sont assimilées à ce type de dépenses que les
dispositions fiscales qui s’écartent d’un régime fiscal de référence préalablement défini » 169.

Au lieu et place d’une définition claire et précise de la notion de dépense fiscale, le


rapport marocain a pris l’allure d’un récit descriptif tentant d’apporter quelques éléments
servant à repérer les éléments clés permettant d’établir un distinguo entre une disposition
fiscale et une disposition dérogatoire qualifiée de dépense fiscale. De ce récit, trois
déterminants majeurs sont à retenir.

En premier lieu, le coût budgétaire de la mesure dérogatoire, à savoir que toute


disposition devrait, a priori, engendrer une perte de recettes, un manque à gagner pour le
Trésor.

En deuxième lieu, le rapport a évoqué la comparabilité pouvant exister entre l’effet


d’un manque à gagner lors de la mise en application d’une disposition dérogatoire, pour le
Trésor, et celui engendré, normalement, par une dépense publique directe.

Il a mis en exergue, enfin, le caractère dérogatoire de la mesure incitative par rapport


à une norme d’imposition de référence. Ainsi, la dérogation préconisée constitue un élément
déterminant pour statuer si une mesure fiscale constitue ou non une dépense fiscale.

Faute de définition précise, tout ceci laisse entendre que pour qualifier une mesure
dérogatoire de dépense fiscale, il suffit, tout simplement, de s’assurer que cette mesure
s’écarte d’un système fiscal de référence 170. Ce dernier doit être clairement défini, sauf qu’il
169
Ibid, p. 2.
170
Le rapport sur les dépenses fiscales dans les pays de l’OCDE (2010) a souligné qu’il faut « comprendre les
critiques de la méthodologie actuelle qu’il tire de la littérature économique. Citons quelques-uns des points
essentiels : Selon certains critiques américains, le système fiscal normal n’ayant jamais été établi, à partir de
principes de base, avec une rigueur suffisante pour servir de référence, on pourrait faire de mauvais choix en
recensant les dépenses fiscales. Certains pensent, comme Kraan, que les analystes ont des valeurs trop
différentes pour arriver à un consensus sur la nature de la référence (Burman, 2003). Des critiques considèrent
le système fiscal normal comme un moyen détourné ou un objectif au service d’un certain type de réforme
fiscale, une référence centrée sur les impôts directs ferait, par exemple, obstacle à la mise en place d’un impôt
assis sur la consommation (Bartlett, 2001).
•Le fait que l’on centre depuis peu le concept de dépense fiscale sur des questions de politique fiscale peut
être interprété comme l’abandon de sa motivation avouée d’origine : comparer les dispositions fiscales avec les

90
n’est mentionné, nulle part, dans la littérature fiscale marocaine, ce qu’est ce système fiscal
de référence, pour pouvoir s’y référer chaque fois que l’on devrait qualifier une disposition
de dérogatoire ou pas.

Cette difficulté, faut-il l’avouer, n’est pas une spécificité marocaine. Elle fût un temps
soulevée même en France, dans le rapport de la cour des comptes qui précisait qu’« aucun
document officiel ne décrit l’ensemble des principes de la fiscalité française. Aussi ne
s’étonnera-t-on pas qu’au fil du temps, le concept de dépense fiscale évolue. En 1998, une
nouvelle définition est donnée. Les critères désormais mis en avant sont l’ancienneté et
surtout « le caractère général de la mesure : une disposition applicable à la grande majorité
des contribuables peut être considérée comme la norme (par exemple, l’abattement de 20%
sur les traitements et salaires). A l’inverse, l’avantage accordé à une catégorie particulière de
contribuables ou d’opérations constitue une dépense fiscale »171

Il est vrai que le rapport marocain a essayé d’atténuer cette difficulté en précisant que
« le système fiscal de référence regroupe les régimes fondamentaux des différents impôts,
souvent désignés sous le vocable « droit commun »172. Mais cette précision a tenté
uniquement d’expliquer une notion par une autre celle de droit commun, un vocable aussi
vague et arbitraire que celui du système de référence fiscal.

Quoiqu’il en soit, le phénomène est très compliqué et difficile à cerner d’avance, tant
la définition des dépenses fiscales est tributaire de la détermination de la norme fiscale dont
le périmètre est souvent incertain et sujet à débat.

Peu importe le vocable utilisé pour justifier la dérogation constituant une dépense
fiscale173, le système fiscal de référence ou le droit commun est, en fait, deux faces d’une

programmes de dépenses ordinaires ayant des objectifs similaires (Shaviro, 2004).


•Selon un autre type d’argumentation, le concept de dépense fiscale implique que l’on considère la politique
fiscale comme exceptionnelle – c’est-à-dire que l’on ait la conviction qu’elle doit rester parfaitement claire et
efficace, alors que tous les compromis politiques compliqués sont renvoyés au volet dépenses au volet
dépenses du budget, où ils ont naturellement leur place (Logue, 2000) ».
171
LA COUR DES COMPTES, « La sécurité sociale », op. cit., p. 254.
172
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales, projet de loi de finances pour l’année 2018 », op. cit., p. 49.
173
Le livre de l’OCDE 2010 a tenu à préciser que « pour qualifier une disposition fiscale particulière de dépense
fiscale, une définition large et générale ne suffit pas. Les pays ont trouvé des critères spécifiques différents. En
1987, aux Pays-Bas, un groupe de travail chargé de cette mission a comparé les pratiques d’autres pays , il a
recensé cinq critères, pour finalement en rejeter trois et accepter les deux autres. Dans ce cas particulier, le
groupe de travail a écarté la poursuite d’un objectif de politique non budgétaire, la conversion d’une
disposition en dépenses directes et l’avantage accordé à une catégorie limitée de contribuables, alors même
que ces critères étaient utilisés ailleurs. Il a retenu, en vue d’analyses futures, la réduction des recettes et

91
même pièce. Les deux notions supposent, a priori, la limitation claire et précise de leurs
périmètres. Mais, dans les faits, il n’en est rien, car « parler de mesure dérogatoire ou faire
référence à une norme et à des principes généraux du droit français » soulève la question de
l’existence d’une telle norme. Or, en vertu du principe de légalité de l’impôt, les régimes
applicables aux impôts, tant pour les principes généraux que pour les éventuelles mesures
dérogatoires, sont en règle générale définis par la loi. L’établissement d’une norme ne peut
se limiter à la prise en compte de la norme législative, de même qu’il serait illusoire de
chercher à mettre en évidence un modèle idéal d’imposition, par rapport auquel toute
dérogation serait qualifiable de dépense fiscale. En conséquence, la définition des dépenses
fiscales résulte d’un travail nécessairement arbitraire d’interprétation de la loi fiscale, pour
tenter de dégager certains principes permanents, et d’observation de ses effets, pour
éventuellement mettre en évidence des avantages particuliers. Les résultats de ces analyses
peuvent varier dans le temps, en fonction de l’évolution de la législation nationale ou
communautaire »174.

Devant cette ambiguïté qui entoure la notion des dépenses fiscales, toute tentative de
définir cette dernière serait condamnée, à bien des égards, à l’échec et ne pourrait résister
longtemps, afin d’assurer au concept de dépense fiscale la stabilité requise pour une
application pérenne. En conséquence, la définition des dépenses fiscales résulte d’un travail
nécessairement arbitraire d’interprétation de la loi fiscale, pour tenter de dégager certains
principes permanents, et d’observation de ses effets, pour éventuellement mettre en
évidence des avantages particuliers. Les résultats de ces analyses peuvent varier dans le
temps, en fonction de l’évolution de la législation marocaine.

L’objectif majeur de la notion des dépenses fiscales, c’est évaluer la perte de recettes
occasionnée par la mise en œuvre des dispositions dérogatoires. Pour y parvenir, un

l’écart par rapport à un système fiscal de référence (van den Ende, Haberham et den Boogert, 2004). On
pourrait en conclure que les définitions opérationnelles des dépenses fiscales varient sensiblement selon les
pays, mais qu’un élément commun revient fréquemment : une certaine notion de déviation par rapport à un
système fiscal de référence. En pratique, on peut penser qu’une partie des autres critères sont, dans une
certaine mesure, objectifs – notamment la perte de recettes, la conversion en un programme de dépenses
ordinaires et l’existence d’une catégorie limitée de bénéficiaires. En revanche, la conception d’un système fiscal
de référence peut donner lieu aux plus grandes différences de jugement. En fait, la conception d’une fiscalité
de référence ». En fait, la conception d’une fiscalité de référence diffère selon les experts et les pays. On lit,
dans le résumé précité de la Banque mondiale, que la référence ou « la norme comprend la structure des taux,
les conventions comptables, la déductibilité des frais obligatoires, les dispositions pour faciliter l’administration
de l’impôt et les obligations fiscales internationales ».
174
CONSEIL DES IMPOTS, « La fiscalité dérogatoire – pour un réexamen des dépenses fiscales », op. cit., p. 24.

92
document est publié chaque année175 mettant le doigt sur le coût des dépenses fiscales
évaluées. « La préoccupation première concernant le dispositif fiscal dérogatoire devrait être
l’appréciation du coût budgétaire des dépenses fiscales, afin de réaliser une transparence
financière effective du budget général ainsi qu’une meilleure rationalisation en matière
d’allocation des ressources »176.

Cette préoccupation de la dimension budgétaire du dispositif dérogatoire s’est vue


officialisée depuis la promulgation la loi organique relative aux lois de finances, depuis cette
loi. Les dépenses fiscales sont devenues, de par la loi, une composante indéfectible de la
gestion budgétaire. Elles ne sont plus uniquement présentées dans un document à vocation
indicatif, mais leur publication résulte d’une règle impérative prévue par l’article 48 de la loi
organique de finances qui dispose que : « le projet de loi de finances de l'année est déposé
sur le bureau de la Chambre des représentants, au plus tard le 20 octobre de l'année
budgétaire en cours. Il est accompagné du rapport sur les dépenses fiscales » 177. L’objectif
majeur est de permettre au gouvernement de « mieux appréhender la réalité des moyens
que consacre l’Etat à certaines politiques publiques pour lesquelles la dépense fiscale
constitue un mode d’intervention privilégié »178.

Le concept de dépense fiscale a été conçu spécialement pour faire connaitre le fait
que les pouvoirs publics font appel à leur système fiscal pour réaliser des programmes de
développement économique et social. Mais, l’application de ce concept, entraînant une
moins-value budgétaire parfois non maîtrisée, résulte de la mise en œuvre d’un instrument
de politique publique mal contrôlé.

175
Cette publication a commencé depuis octobre 2005. L’estimation des dépenses fiscales entre, d’ailleurs,
dans le cadre du programme d’appui à la réforme fiscale financée par l’Union Européenne.
176
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2018 », op. cit., p. 5.
177
Ce rapport est classé sixième dans une série de treize documents qui devrait accompagner le projet de loi de
finances. Ce projet est immédiatement soumis à l'examen de la commission chargée des finances de la
Chambre des représentants.
178
C. WENDLING & al., « La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit.,
p. 753

93
A. Les dépenses fiscales : une moins-value budgétaire perpétuellement en hausse

Au Maroc, depuis le premier rapport sur les dépenses fiscales publié en 2005, la courbe
du manque à gagner évalué chaque année179 n’a cessé d’augmenter pour atteindre des
proportions importantes180 . Cette tendance croissante traduit le foisonnement, au fil des
années, des dispositions dérogatoires qu’a connues le système fiscal.

En dépit de la vindicte dont fait l’objet, systématiquement, la fiscalité dérogatoire, les


chiffres consignés dans le rapport annuel révèlent que chaque loi de finances apporte son lot
de nouvelles mesures fiscales préférentielles marquant, chaque année, une augmentation
substantielle.

Chaque année, le cercle des dépenses fiscales ne cesse, donc, de s’élargir pour contenir
d’autres dispositions dérogatoires, afin de venir en aide à des secteurs d’activités
économiques ou bien à contribuer au bien-être social des citoyens. Annuellement, des
nouvelles dépenses fiscales et de facto, l’ardoise budgétaire évaluée y afférente ne cesse de
s’alourdir.

Hormis son impact néfaste sur les finances publiques en contribuant au creusement
déficitaire, elles participent activement au contournement de la norme d’évolution qui
contraint les dépenses budgétaires. Leur manque à gagner a pris des proportions inédites,
sans pour autant être soumis à un aucun contrôle. Au moment où, sous d’autres cieux, les
décideurs sont vite intervenus pour stopper cette dérive, par la mise en place des règles
d’encadrement appropriées181, le gouvernement marocain semble moins préoccupé par
l’ampleur de cette problématique budgétaire.

179
Chaque année un rapport sur les dépenses fiscales est publié en annexe du projet de loi de finances
conformément à l’article 48 de la loi organique des finances
180
Le recours aux dépenses fiscales s’est accru, depuis les années 80, pendant les périodes ou le déficit
budgétaire a connu des proportions inquiétantes. Afin de remédier à ce déficit, devenu chronique, que des
outils de gouvernance et de pilotage dédiés spécialement à la maitrise des dépenses budgétaires ont été
instaurés. Et c’est justement pour contourner ces outils budgétaires que cette prolifération des dépenses
fiscales semble vouloir contourner, à bien des égards, les règles draconiennes imposées par la discipline
budgétaire.
181
En France, une « règle de gage » a été introduite en 2009, afin de limiter la prolifération des niches (toute
création de niche nouvelle doit être compensée par la suppression d’une niche d’un montant au moins
équivalent.

94
Les dépenses fiscales marocaines ont augmenté tendanciellement depuis plusieurs
décennies. Leur montant évalué s’élevait, en 2005, à 15 457 millions de dirhams avec cent
deux mesures recensées pour passer, après plus d’une dizaines d’années en 2017, à 33 421
millions de dirhams avec quatre cent dix-huit mesures recensées dont trois cent neuf sont
évaluées182.

Ainsi, on remarque que le nombre des mesures recensées connait une tendance
haussière passant d’un minimum de trois cent quatre-vingt-dix-neuf en 2015 à quatre cent
dix-huit mesures en 2017. Aussi, le nombre a augmenté de 2,7% de 2016 à 2017, quant à la
baisse enregistrée lors de la présentation du rapport annexé au projet de la loi de finances
2019, il faut la prendre avec beaucoup de réserve. En effet, cette cure d’amaigrissement des
dépenses fiscales dépassant de 34,6 milliards de dirhams à 29,45 milliards de dirhams est
due spécialement à la nouvelle méthodologie, exposée en haut, de pilotage dédiée aux
dépenses fiscales et nullement à un coup de rabot volontariste183.

D’autre part, on constate que le nombre de mesures évaluées a une évolution plus ou
moins stable, passant de trois cent mesures en 2014 et 2015 à trois cent neuf mesures en
2017. Ainsi, le nombre de mesures évaluées a augmenté de 1% de 2016 à 2017.

182
Dans le fascicule Français, le montant des dépenses fiscales s’est élevé à 93,4 Md€ en 2017 (montant
définitif, + 0,4 Md€ par rapport aux prévisions) et s’élèverait à 100,2 Md€ en 2018 (+ 0,4 Md€ par rapport aux
prévisions) et 98,2 Md€ en 2019. Pour 2017, l’écart s’explique par des changements de méthode, à hauteur de
– 0,1 Md€, et par des écarts de prévision, à hauteur de + 0,5 Md€ .Le nombre des dépenses fiscales
apparaissant dans le tome II des Voies et moyens annexé au PLF pour 2019 s’élève à quatre cent soixante-
quatorze. Depuis la publication du tome II du projet de loi de finances pour 2018, dix-sept nouvelles dépenses
fiscales ont été votées, sept dépenses fiscales ont été classées et quatorze suppressions de dépenses fiscales
ont été votées.
183
Le rapport qui accompagne le projet de loi de finances pour 2019 a enregistré une baisse du coût des
dépenses fiscales de 2018. Ces dépenses totalisent 29,45 milliards de dirhams contre 34,6 milliards de dirhams
en 2017. Mais pour ne pas se leurrer, il importe de signaler que cette baisse est due spécialement à la refonte
de l’ancien système de calcul pour un nouveau référentiel. Car, si on applique ce nouveau système aux
dépenses fiscales de l’année dernière, ce chiffre de 34,6 milliards de dirhams tombe à 28,443 milliards de
dirhams. A périmètre égal de comparaison (c’est-à-dire le nouveau référentiel appliqué aux deux exercices
2017 et 2018), l’encours aura donc enregistré une hausse. L’application du référentiel cible a permis de
considérer un montant de 28,443 milliards de dirhams comme dépenses fiscales au lieu de 34,640 milliards,
soit une baisse de 18% et 6,197 milliards de dirhams. Cette baisse est expliquée essentiellement par la
diminution du coût relatif aux DET (3,178 milliards de DH) et à la TVA (2,622 milliards de dirhams). L’impact du
nouveau référentiel par type de bénéficiaire profite aux ménages En effet, l’application du référentiel cible a
permis de ramener le nombre de mesures dérogatoires à 92 au lieu de 106, soit une baisse de 13%. L’impact en
termes de coût pour cette catégorie est passé de 13,072 milliards de dirhams à 14,163 milliards de dirhams, en
progression de 17%. Quant aux incitations fiscales pour les entreprises, elles ont baissé de 18%, en passant de
186 à 152 mesures incitatives. L’impact en termes de coût est également en recul pour s’établir à 14,413
milliards de dirhams.

95
Il ressort de l’analyse des différentes lois de finances, depuis une décennie, que le
processus de promulgation des mesures préférentielles, malgré une levée de boucliers, ne
s’est jamais estompé. Critiquées de tous bords et souvent pointées du doigt comme la cause
principale de la défaillance du système d’imposition, les dépenses fiscales s’ancrent
davantage dans le paysage fiscal et se voient rejointes par d’autres mesures incitatives.

Outre le fait que les dépenses fiscales sont de plus en plus nombreuses et à un coût
souvent croissant, l’architecture de ces mesures incitatives est conçue d’une manière très
concentrée à plusieurs niveaux : au niveau des techniques de mise en œuvre 184, les dépenses
fiscales sous forme d’exonérations accaparent, à elles seules, un montant total de 23 206
MDH représentant 69,4% du total des mesures évaluées 185. Ainsi, au niveau de la ventilation
par impôt le montant des dépenses fiscales relatives à la TVA s’élève à 16 267 MDH soit
48,7% du montant global des mesures en 2017. La deuxième place est occupée par l’impôt
sur les sociétés avec un montant de 4 533 MDH et l’impôt sur le revenu, à la troisième place,
dont les dépenses fiscales ont atteint un montant de 4 465 MDH.

Concernant des activités bénéficiaires, on constate toujours la prédominance des


186
dérogations au profit des activités immobilières . Celles-ci totalisent quarante-neuf
mesures dont trente-sept ont été évaluées à 8 486 MDH en 2017. Ces dernières
représentent 25,4% du montant des dépenses fiscales évaluées en 2017.

En somme, le Maroc se caractérise par un recours, accru et systématique, aux mesures


préférentielles, parfois justifié187, mais souvent décrié comme source de distorsion et
d’iniquité. Cette difficulté reste à décoder pour comprendre ce déphasage entre le discours
184
Les principales formes revêtues par des dépenses fiscales consistent en des revenus non assujettis à l’impôt,
des déductions ou abattements sur le revenu , crédits ou reports d’impôts, exemptions de taxes.
185
OCDE, « Rapport sur les dépenses fiscales dans les pays de l'OCDE », op. cit., p. 24 .
186
Selon le dernier rapport annexé au PLF 2019, la grande partie des dépenses fiscales est attribué à
l’écosystème de l’immobilier dont le montant des dérogations est évalué en 2018 à 5,750 milliards de dirhams,
soit 20% du total. Les dépenses fiscales relatives à la TVA sont celles qui accaparent la part du lion avec un
montant de 2,732 milliards de dirhams et en matière d’impôt sur le revenu avec un montant de 2,039 milliards
de dirhams. Le secteur de l’énergie bénéficie pour sa part d’un montant totalisant 5,453 milliards de dirhams
de dépensés fiscales, à raison de 19% du total enregistré. Le principale source provient principalement des
dépenses fiscales en matière de TVA avec un montant de 5,445 milliards de dirhams. Le secteur de la sécurité
et la prévoyance arrive en troisième position (16%) suivi de loin par les exportations (9%).
187
Bien que les dépenses fiscales sont souvent critiquées mais elles peuvent être, toutefois, utilisées, à bon
escient, pour assurer les fonctions de redistribution et allocation. Elles peuvent être, aussi, utilisées afin de
soutenir le pouvoir d’achat des catégories les moins favorisées. Elles sont, largement, mises au service de la
politique de l’emploi et la croissance économique. C’est pourquoi il ne faut pas chercher à se débarrasser d’une
chose pourtant importante juste pour éliminer les ennuis ou contraintes qu’elle implique. Dans l’univers
nébuleux des dépenses fiscales il faut, à notre sens, agir avec beaucoup de discernements.

96
réprobateur et la pratique ambiante. Ce décodage devrait instaurer plus de transparence et
bonne gouvernance de la chose publique.

Le foisonnement des dépenses fiscales tient, en grande partie, à la simplicité du circuit


législatif lui permettant de se frayer, discrètement, le chemin dans la législation mise en
place plus discrètement. Ainsi, il arrive que pour réaliser le même objectif, on risque de ne
pas utiliser l’instrument le plus approprié et passer à côté de la meilleure solution, faute de
ne pas pouvoir évaluer les mérites intrinsèques des dépenses fiscales. Autrement dit, il serait
relativement simple pour les parlementaires, afin de venir en aide à une frange d’acteurs
économiques ou à une corporation, de demander de leur faire bénéficier d’un avantage
fiscal, plutôt que quémander à leur profit une aide purement financière. En somme, « les
dépenses fiscales existent parce que l’on voit des raisons légitimes à leur emploi. Elles ont un
rôle à jouer, elles sont largement utilisées et peu demandent de les supprimer
complètement. Si l’on suppose que l’Etat a de bonnes raisons d’intervenir (par exemple en
cas de défaillance du marché ou pour fournir des biens utiles), il y a des situations dans
lesquelles les dépenses fiscales ont de grandes chances de réussir ou même constituent le
meilleur outil de politique pour atteindre les objectifs recherchés » 188.

Ainsi, privilégier une minorité réduite opérant dans un secteur d’activité par l’octroi
d’une subvention directe pourrait susciter le désarroi et le sentiment d’injustice chez le
citoyen ordinaire. Le pouvoir public se contente, donc, de déguiser, subtilement, la
subvention préconisée en un avantage fiscal, puisque seule une partie de la communauté est
en mesure d’en évaluer l’ampleur.

A ce titre, le foisonnent des dépenses fiscales, à l’encontre des dépenses budgétaires,


est dû, principalement, à l’absence d’un contrôle parlementaire rigoureux et
systématique189. Ainsi, la mesure dérogatoire, une fois installée, dans le sérail juridique, il
serait très compliqué de la détrôner, ou au moins, la réformer.

188
OCDE, « Les dépenses fiscales dans les pays de l'OCDE », op. cit., p. 24.
189
Le contrôle budgétaire parlementaire est une fonction essentielle pour renforcer la bonne gouvernance des
finances publiques qui constitue un élément essentiel pour les Etats qui voudraient renforcer leurs capacités
nécessaires pour le développement économique et la réduction de la pauvreté. La bonne gouvernance en
matière des finances publiques consiste en la réalisation des services publics par « des dépenses publiques qui
sont accessibles, transparentes et responsables et financent les priorités gouvernementales, sans gaspillage ou
corruption ».

97
Le laxisme fiscal n’a, apparemment, pas de limite. Une fois promulguée, la mesure
fiscale préférentielle perdure sans la moindre crainte d’être reformulée. Par contre, la
dépense budgétaire est sujette à un suivi permanent et à un besoin d’être revotée chaque
année. Contrairement à d’autres pays 190, au Maroc, il n’existe aucune obligation d’expliciter
les raisons du recours à une dépense fiscale, plutôt qu’à une dépense budgétaire.

Les dépenses fiscales sont devenues, parfois, une sorte de palliatif pour calmer les
esprits d’une partie de contribuables opérant dans un secteur d’activité en marasme, mais
faute de disponibilités financières pour leur assurer un plan de sauvetage bien étudié, le
gouvernement se contente donc de la voie facile, celle de leur accorder de cadeaux fiscaux.

Le manque à gagner considérable généré par la mise en œuvre de la politique de dépenses


fiscales correspondant à une manne de recette fiscale que l’Etat renonce volontairement à
collecter, pour venir en aide à certains secteurs d’activités ou à une catégorie de
contribuables, ne saurait être justifié que par une parfaite politique publique d’incitation
fiscale.

B. Les dépenses fiscales : un instrument de politique publique mal contrôlé

L’engouement généralisé pour le recours aux mesures fiscales préférentielles donne à


penser que leur rôle dans l’incitation au développement économique et social est devenu
incontournable et que leur efficacité n’est plus à démontrer.

A priori, les gouvernements font appel aux dépenses fiscales dans le but d’atteindre des
objectifs économiques et sociaux. Elles se substituent, à ce titre, aux modes classiques de
financement directs et occasionnent inéluctablement un manque à gagner pour le Trésor.
Mais quid de leur efficacité ? Leurs effets de retour sont-ils mesurables ? Quant aux objectifs
qui leur ont été assignés, sont-ils aisément identifiables pour plaider pour leur efficience ?

190
Les Pays-Bas ont, à titre d’exemple, instauré depuis 2001 un « cadre de contrôle », applicable à chaque
proposition de nouvelles dépenses fiscales ou d'intensification d'une dépense fiscale existante. Ce « cadre de
contrôle », qui consiste en un questionnaire préalable en six points, demande, notamment, d’expliciter
pourquoi une mesure fiscale est privilégiée par rapport à une subvention. Dans la même perspective,
l’Allemagne recourt à un logigramme visant, également, à formuler clairement les raisons des choix portant sur
les dépenses fiscales.

98
Tant de questions viennent à l’esprit du fait des zones d’ombre qui entourent la raison
d’être des dépenses fiscales, toutefois, aucune réponse relative à leur utilité n’a été
apportée.

Le premier constat est que le recours se fait de manière aléatoire sans aucune autre
mesure d’accompagnement de politique publique. On pourrait naïvement croire que la
technicité fiscale, à elle seule, pourrait créer l’effet d’entraînement attendu, afin de donner
la bouffée d’oxygène salvatrice à une économie fatiguée et, partant, créer la richesse tant
convoitée. Mais la pratique consiste, souvent, à consentir des efforts budgétaires
conséquents, sans vision globale et en vue d’objectifs incertains. Il semble, toutefois, qu’une
grande partie des mesures incitatives sont décidées sans réflexion aucune et, souvent,
utilisées à contre-courant. Ainsi, l’effet incitatif des dépenses fiscales se trouve, en fin de
compte, érodé par la contingence des choix incongrus opérés par les pouvoirs publics 191.

En fait, à quoi rimerait cette générosité débordante d’octroyer des avantages fiscaux,
192
sans limite, à des secteurs stériles et parfois non productifs , si ce n’est à satisfaire aux
exigences des lobbies ou servir des politiques politiciennes ? Il importe par contre d’exiger
un effet de retour, ou au moins de mener des études approfondies visant à éclairer les
décideurs sur les secteurs porteurs, afin de dépenser l’argent là où le besoin se fait sentir.
Pour cette raison, des voix s’élèvent pour instaurer une systématisation de l’évaluation des
dépenses fiscales car « l’évaluation de l’ensemble des dispositifs d’atténuation de recettes
fiscales permettra d’éclairer le Gouvernement et le Parlement sur leur coût, leur efficacité et
le cas échéant les réformes possibles, voire nécessaires »193.

Partant de ce constat, il apparaît que le premier problème concernant les dépenses


fiscales est un problème de gouvernance, parce qu’en dépit de l’aspect fiscal apparent,
l’enjeu réel des dépenses fiscales est foncièrement budgétaire.

Ces dernières représentent, inéluctablement, une perte de recettes au moment où l’Etat


recourt à l’endettement, afin de maintenir le cap du développement et poursuit, depuis des
années, une politique d’austérité, afin de maintenir l’équilibre macro- économique, alors

191
K. WEIDENFELD, « A l’ombre des niches fiscales », op. cit., p. 67.
192
Les dispositions dérogatoires sont souvent perçues comme des privilèges fiscaux plutôt que comme des
incitations assorties de droits et de devoirs, à titre indicatif on peut citer :Agriculture, Immobilier, export…
193
Budget-info n° 14-10 février 2009, « La nouvelle gouvernance des dépenses fiscales et des niches sociales ».

99
qu’il poursuit, en concomitance, une autre politique, diamétralement opposée à la
première : celle d’octroi d’avantages fiscaux avec une générosité débridée et, ce, sans exiger
en contrepartie un effet de retour, ni soumission à un mécanisme de contrôle aussi
rigoureux que celui réservé aux dépenses budgétaires. Cette démarche requerrait une
évaluation permanente des dépenses fiscales, à partir de deux éléments majeurs : un
encadrement rigoureux de leur coût et un suivi, systématique, de leur efficacité.

Ainsi, dans leur gestion de la chose publique, les gouvernants ont la latitude souveraine
d’entreprendre les démarches administratives et procédurale qui leur semblent appropriées,
afin de mener à bien leurs programmes politiques, dont le recours aux dépenses fiscales est
une alternative.

Néanmoins, et par souci de bonne gouvernance, toute politique publique devrait


impérativement être jugée in fine sur sa capacité d’atteindre les objectifs qui lui ont été
assignés en amont, sauf que de ce point de vue, le recours récurrent aux mesures
194
préférentielles fiscales aboutit rarement à l’efficience attendue. La nécessité d’une
réforme du système fiscal marocain dans sa version actuelle se présente comme une priorité
impérative, de manière que chaque cadeau fiscal accordé soit adossé à une feuille de route
établissant les effets positifs escomptés de cette mesure. En fait, « certaines dépenses
fiscales ne répondent ni à la volonté d’inciter le contribuable à un comportement
économique déterminé, ni au souci de réparer un handicap structurel identifié. Ces
dépenses fiscales partent toutes de l’hypothèse qu’une incitation est susceptible d’influer
sur le comportement escompté. Or, ce présupposé n’est pas toujours vérifié »195.

Ceci étant dit, l’état actuel des choses est loin d’être prometteur, car c’est l’opacité
totale. A ce titre, il a été constaté que « l’impact du système d’incitation n’est pas rigoureux.
La mise en place des dispositifs d’aides fiscales à l’investissement ne conduit pas à un boom

194
Le professeur N .AKESBI fait remarquer que l’incitation, quand elle est « gratuite », sans engagement, sans
effet sur le comportement recherché, devient une « rente fiscale » (elle peut être supprimée, le comportement
ne changerait pas. Pour corroborer ses allégations M AKESBI donne une multitude d’exemples : « Si on abaisse
l’IR en faveur d’une catégorie de ménages, et que cela ne conduise ni à une augmentation de la consommation,
et/ou de l’épargne, ou encore à un accroissement de l’offre de travail. Si on abaisse le taux de l’IS en faveur des
entreprises sans que cela produise plus d’investissements, plus d’emplois. Si l’on exonère longtemps tout un
secteur sans que cela produise le développement souhaité (Agriculture, promotion immobilière…). Si l’on
accorde un privilège fiscal à une région sans que cela provoque l’essor recherché ou les changements de
comportement voulus (Tanger, Sahara…). Si l’on exonère des terrains urbains et que les propriétaires se
contentent de les garder nus, objet de spéculation ».
195
K. WEIDENFELD, « A l’ombre des niches fiscales », op. cit., p. 65.

100
d’investissement. On a même, paradoxalement, assisté à des replis de l’investissement suite
à des élargissements de l’éventail des mesures incitatives ! L’incitation fiscale n’a donc pas
sur les décisions des entreprises, l’influence qu’on se plaît, généralement, à lui reconnaître
»196.

Certes, un rapport sur ces incitations est publié, chaque année, afin d’éclairer les
représentants de la Nation, et l’opinion publique, sur l’effort fourni, par le truchement de
l’impôt, afin de venir en aide aux différents secteurs d’activité et aux différents acteurs
économiques. Ce rapport pointe en cascade un panorama d’évaluation, tantôt par impôt,
tantôt par bénéficiaire, mais sans se prononcer sur l’efficacité et l’effet-retour de la mesure
sur la santé économique du pays, ni sur les citoyens197.

L’octroi des avantages fiscaux n’est pas une réalité exclusivement marocaine. Le Maroc
n’est pas le seul Etat à faire appel à son système d’imposition pour venir en aide à son
économie et faire face aux disparités sociales. Il a emboîté le pas, dans cette perspective, à
d’autres pays développés. Tout cela pour dire que ce n’est pas le recours aux dépenses
fiscales qui est condamnable en soi, mais plutôt l’acclimatation faite du concept de dépenses
fiscales qui devrait être revu, afin d’assurer un bon dosage en tenant compte des spécificités
locales. En fin de compte, « tout comme les dépenses budgétaires, les niches peuvent être
un instrument pertinent pour assurer les fonctions de redistribution et d’allocation. Elles
permettent de soutenir le pouvoir d’achat des catégories les moins favorisées. Elles peuvent
pallier des imperfections de marché, telles que les externalités (ex. crédit d’impôt
recherché). Le recours à des taux réduits, ou nuls, d’impôts indirects, vise, généralement, à
soutenir des catégories de populations ou des secteurs économiques »198.

La réforme fiscale au Maroc s’est réduite, ces dernières années, autour d’une seule
problématique, à celle relative à l’octroi des avantages fiscaux. Comme par enchantement,
ces derniers sont devenus source de tous les maux qui minent le système fiscal actuel
marocain. Paradoxalement, à chaque avènement de loi de finances, d’autres avantages

196
M. NMILI, « L’impôt juste », op. cit., p. 205.
197
A l’occasion de la présentation du projet de loi de finances 2019, le rapport sur les dépenses fiscales a tenu à
préciser qu’« au-delà de l’impact fiscal, l’impact socio-économique est un aspect jugé important dans
l’évaluation des dépenses fiscales.A cet effet, et pour apporter un éclairage sur certaines mesures dérogatoires
à vocation économique ou sociale, l’intégration systématique des études d’impacts socio-économiques
constitue l’un des aspects importants à considérer dans l’évaluation des dépenses fiscales ».
198
ENA, « Dépenses fiscales et niches sociales », Groupe de travail n° 3, 2008, p. 6.

101
viennent trouver leur place dans le code général des impôts. Aussi ne « s'étonne-t-on pas de
lire, à quelques lignes ou pages de distance, une condamnation sévère de la prolifération des
niches fiscales et un appel à l'adoption de nouvelles règles dérogatoires incitatives et/ou
dissuasives. Et ce paradoxe traverse, largement, les clivages politiques » 199.objet de réduire
ces dépenses, mais plutôt de permettre de les évaluer correctement et de les comparer à
d’autres mesures qui pourraient être prises pour atteindre certains objectifs de l’action
publique »200.

Pourquoi le même instrument utilisé sous d’autres cieux a bien fonctionné alors qu’au
Maroc, le même procédé n’a pas apporté les résultats escomptés ? Ainsi, toute analyse
critique des dépenses fiscales ne devrait pas se porter uniquement sur la technicité fiscale
pour l’incriminer, mais il faudrait plutôt creuser en profondeur afin de mettre en exergue les
facteurs endogènes et exogènes expliquant la non réalisation des objectifs initialement fixés.
« En fonction de cet objectif, l’Etat fera un choix entre les différentes techniques qui
s’offrent à lui. S’il favorise l’équilibre social, il aura recours aux procédés qui adoucissent la
charge fiscale pesant sur les revenus faibles (abattement à la base d’imposition, réduction de
prélèvement, exonération des biens de consommation de première nécessité), comme il
utilise les procédés permettant d’imposer, durement, les revenus élevés (taux progressif,
prélèvement de superposition), il cherchera à atteindre la situation personnelle du sujet
fiscal par un système d’imposition frappant le revenu exact » 201, cela pour conclure qu’il ne
faudrait pas en vouloir au système d’incitation mis en place, mais, plutôt, aller chercher en
profondeur le bien-fondé des objectifs déterminant les orientations qui animent la politique
du gouvernement.

Avant de continuer d’analyser à quel point les mesures incitatives sont efficaces, il
conviendrait, à notre sens, d’arrêter de poser de fausses questions concernant le recours aux
dépenses fiscales pour ne pas se tromper de direction et tomber dans le dénigrement

199
K .WEIDENFELD, « A l’ombre des niches fiscales », op. cit., p. 3.
200
Rapport du FMI, de l’OCDE, des Nations Unies et de la Banque mondiale au groupe de travail du G20 sur le
développement incitations fiscales à l’investissement - options pour les pays à faible revenu, 15 octobre 2015,
p. 13.
201
M. FELLAH, « Problématique du choix du système fiscal entre efficacité économique et équité », Recherches
économiques et managériales, 2008, p. 3.

102
infondé digne des faits divers202. En fait, les dépenses fiscales sont un instrument parmi
d’autres d’intervention publique, dont disposent les pouvoirs publics pour promouvoir
certains objectifs d’ordre économique, social ou autres. La bonne question, donc, à poser,
concerne l’efficacité de l’utilisation de cet instrument de politique publique, et non
l’efficacité de l’outil lui-même : les dépenses fiscales 203. La différence est de taille. C’est
l’usage de l’instrument qui devrait, normalement, être examiné pour savoir la pertinence du
choix opéré pour atteindre l’efficacité requise. Cette dernière s’entend ici par le fait que les
dépenses fiscales ont pu atteindre l’objectif escompté. Mais, chemin faisant, les études ont
tendance à confondre l’efficacité et la pertinence de la dépense fiscale. L’efficacité de la
dépense fiscale devrait être évaluée, indépendamment du montant du manque à gagner
occasionné suite à sa mise en application. Il conviendrait, en premier lieu, de s’assurer de la
réalisation de l’objectif qui y est assignée abstraction faite du coût correspondant. Qu’il soit
modéré ou exorbitant, le coût engendré n’importe guère à ce stade d’analyse. Par contre, on
parle d’efficience de l’utilisation d’une dépense fiscale, une fois que les objectifs recherchés
sont réalisés, mais avec un coût faible pour la collectivité. « La redondance importe aussi
pour l’efficience, dans la mesure où elle implique un manque à gagner pour l’Etat dans le cas
de projets qui auraient été réalisés, même en l’absence d’incitations fiscales » 204.

Le débat sur l’efficacité et l’efficience de l’ensemble des avantages fiscaux prévu par le
code général des impôts est certes salutaire et, même, impératif, mais ne doit être cantonné
à un aspect, purement, technique.

L’ensemble de la politique publique doit être évalué et chaque secteur d’activité


concernée par chaque dépense fiscale, devrait être passé au crible, afin de cerner la source

202
C’est à ce titre que le conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport d’octobre 2010 a tenu à
préciser que les dispositifs dérogatoires devraient être utilisés lorsqu’ils apparaissent comme le mode
d’intervention publique le plus adéquat. D’un point de vue économique, un dispositif dérogatoire fiscal ou
social est avant tout une dépense publique, c'est-à-dire une affectation de ressources, à un objectif donné. Les
dispositifs dérogatoires fiscaux et sociaux font ainsi partie de la palette des instruments de politique publique.
Afin d’apprécier la pertinence de la création d’un dispositif dérogatoire afin d’atteindre un objectif donné, il est
utile de comparer les avantages du recours à un dispositif dérogatoire et aux mesures alternatives.
203
Pour être plus basique, c’est comme si une personne, lors de ses courses, veut acheter des choses pour son
foyer. Elle a la latitude de payer par carte magnétique, donner un chèque ou, tout simplement, payer en
espèce. Dans ce cas de figure, ce n’est pas le mode de paiement qui est condamnable, s’il s’est avéré que le
produit acheté est de mauvaise facture ou le produit, lui-même est périmé.
204
Rapport du FMI, de l’OCDE, des Nations Unies et de la Banque mondiale au groupe de travail du G20 sur le
développement des incitations fiscales à l’investissement-options pour les pays à faible revenu, op. cit., p. 13.

103
de la défaillance en profondeur et pouvoir se prononcer à la fois sur l’efficacité et l'efficience
des stimulants fiscaux.

Evoquer les dépenses fiscales aboutit couramment à reprocher leur inefficacité et leur
inefficience sans toutefois préciser la portée de l’efficacité attendue.

La dépense fiscale est qualifiée, a priori, d’efficace et d’efficiente chaque fois que son
objectif est nettement défini et sa mise en application étalée sur une période déterminée
avec un sacrifice fiscal proportionné aux résultats attendus. Mais en réalité, atteindre le
résultat requis n’est pas aussi évident, tellement de confusions et d’amalgames entourant
l’octroi des dispositions dérogatoires en faveur de l’investissement ou de la redistribution.
Aucun effort de recherche n’a été fait pour étudier l’efficacité de l’incitation fiscale, afin de
se prononcer sans équivoque sur l’impact réel de ces dispositions en fonction des objectifs
qui lui ont été assignées.

Il s’agit, donc, pour le chercheur de prendre en compte la diversité des voix qui
s’élèvent, afin de rationaliser les dépenses fiscales marocaines connues pour leurs effets
néfastes et incertains sur la vie économique et sociale du pays, ainsi que les revendications
incessantes des acteurs économiques pour plus d’avantages afin de faire faire face à la
concurrence internationale.

Cette approche se fonde, généralement, sur le principe selon lequel l’impôt est conçu,
spécialement, pour générer des fonds dont l’Etat a besoin, afin de faire face aux charges
publiques qui ne cessent d’augmenter.

Vouloir attribuer à la fiscalité d’autres tâches que la collecte d’impôt, notamment, par
le truchement des dispositions dérogatoires, c’est aller contre le sens des choses. Le sacrifice
fiscal, par les temps qui courent, est un luxe que le déséquilibre budgétaire des pays du tiers
monde ne permet guère.

En revanche, un autre courant de la fiscalité moderne se veut multidisciplinaire. La


fiscalité y apparaît, à la fois comme un instrument de collecte d’impôts mais, surtout, un
instrument d’intervention publique, afin de promouvoir l’économie et redistribuer la
richesse pour plus d’équité sociale. Vouloir dénigrer ce rôle de l’impôt, dans la vie
contemporaine, c’est d’aller contre le sens de l’Histoire. Le recours à la fiscalité dérogatoire à

104
des fins autres que la collecte d’impôts, ces dernières décennies, a démontré son efficacité à
bien des égards dans différents domaines et secteurs d’activité.

A cet effet, il apparaît que, dans l’état actuel des choses, vouloir se prononcer sur
l’efficacité et l’efficience d’une mesure incitative n’est pas une sinécure. Souvent, les études
élaborées à cette fin se limitent à la partie visible de l’iceberg, en se focalisant sur les effets
directs des dépenses fiscales, alors que la grande et importante partie des effets reste non
apparente. De ce fait, tout travail entrepris sans prendre en compte les effets indirects
manquerait d’exhaustivité, et partant, ne pourrait mesurer l’efficacité recherchée de la
mesure incitative, objet de l’étude.

Sans une approche globale et transversale d’évaluation, les pistes demeureront


brouillées et failliront à éclairer les décideurs dans leur gestion de la chose publique.

Ainsi, au stade où nous en sommes en matière d’évaluation des dépenses fiscales, nous
restons sceptiques à propos des rares études élaborées sur l’efficacité de l’incitation fiscale.

Après des années de recherches sur le sujet, nous sommes tentés de dire qu’en
l’absence de données très pointues et d’une conjugaison d’efforts entre plusieurs acteurs
(décideurs, institutions, université), toute tentative de réponse à la problématique
d’efficacité des dépenses fiscales serait tronquée et approximative, voire subjective.

Dans le même ordre d’idées, un autre problème, et pas des moindres, lié,
foncièrement, à celui des effets indirects des dépenses fiscales, est celui relatif à la difficulté
d’identifier, nettement, le véritable bénéficiaire de la mesure dérogatoire, objet de la
dépense fiscale. Parfois, et suite à l’étude de la même mesure incitative, plusieurs acteurs
économiques peuvent être catégorisés comme les prétendants bénéficiaires, sans pouvoir,
conséquemment, identifier la part proportionnelle de chacun dans l’avantage fiscal.

Il arrive souvent que les pouvoirs publics visent, essentiellement, à venir en aide à une
catégorie opérant dans un secteur d’activité donné, mais il se peut que, subsidiairement,
l’effet du même avantage s’étende pour faire bénéficier une autre frange de contribuables,
non pris en compte, lors de la promulgation de la disposition fiscale préférentielle, d’où la
difficulté majeure de mesurer, avec exactitude, les effets bénéfiques ou néfastes de la
105
mesure dérogatoire et, partant, d’émettre un jugement rationnel sur le degré de son
efficacité.

Un autre problème, et pas des moindres, auquel se heurte la mise en œuvre de la


notion de dépenses fiscales, est celui inhérent à leur évaluation qui n’est pas toujours,
malgré les efforts déployés, chiffrée avec la même fiabilité que les dépenses classiques.

2. Une évaluation encore sujette à caution

Depuis 2015, la publication du rapport sur les dépenses fiscales a pris une tournure
historique, puisqu’il ne s’agit plus d’une des données complémentaires uniquement à titre
informatif, mais plutôt d’un document « s’inscrivant dans la continuité de cette démarche
consistant à intégrer, autant que le permettent leurs spécificités, les dépenses fiscales au
cycle de la discussion budgétaire et de la performance, que les services des ministères
financiers ont tenté d’améliorer la prise en compte et la connaissance de la dépense fiscale
»205.

Certes, l’évaluation des dépenses fiscales marocaines par le rapport annuel annexé au
projet de loi de finances est devenue, depuis 2015, une exigence dictée par la loi organique
de loi de finances dans son article 48 qui exige impérativement que le projet de loi de
finances soit accompagné d’une multitude de documents dont fait partie le rapport sur les
dépenses fiscales. Mais, contrairement au fascicule français « voies et moyens » annexé au
projet de loi de finances, le rapport marocain est resté muet sur la structure et la
composante de ce document. Alors que le fascicule précité s’est attelé à retracer dans
l’article 32 de la loi n° 80-30 du 18 janvier 1980 que « l’évolution des dépenses fiscales en
faisant apparaître, de manière distincte, les évaluations initiales, les évaluations actualisées,
ainsi que les résultats constatés. Les dépenses fiscales seront ventilées de manière détaillée,
par nature de mesures, par catégories de bénéficiaires et par objectifs » 206.

Le rapport marocain cherche, essentiellement, à donner aux décideurs plus de visibilité


sur l’enjeu budgétaire de leur politique publique. Pourtant, cette évaluation, et en dépit des
efforts déployés reste entachée d’imperfections et de manque de précision et de fiabilité. De
205
Ibid, p. 754 .
206
Annexe au projet de loi de finances pour l’année 2014, « Evaluation des voies et moyens », Tome II, p. 7.

106
même, la première lecture de l’article 48 précité laisse entendre que l’ensemble des
composantes du système fiscal marocain est concerné par l’évaluation préconisée, d’autres
pans fiscaux sont restés écartés de tout dispositif évaluatif, comme c’est le cas pour la
fiscalité locale207 et certaines contributions de solidarité.

En dépit des efforts déployés par les pouvoirs publics marocains, la méthode de
chiffrage réservée à l’évaluation des dépenses fiscales souffrent de plusieurs limites et
difficultés qui donnent souvent une image tronquée de la réalité du dispositif fiscal
dérogatoire.

A. Limites d’estimation du coût des dépenses fiscales

Comme nous l’avons déjà signalé, auparavant, trois méthodes disputent le champ
d’évaluation des dépenses fiscales.

Une première technique consiste à estimer le montant des « pertes de recettes toutes
choses égales par ailleurs », en mesurant ex post le coût de « l’écart à la norme » c’est-à-de
la variation introduite par la mesure dans la législation fiscale en supposant inchangé le
comportement des agents qui en bénéficient208.

Un deuxième niveau d’analyse, plus ambitieux, consiste à estimer le « gain en recettes »


qui résulterait de la suppression d’une mesure en tenant compte de l’effet qu’elle induit sur
le comportement des agents209.

Un troisième niveau, en théorie plus satisfaisant, mais, en pratique, rarement atteint,


consiste à intégrer dans l’estimation du gain de recettes, non seulement les effets des
changements de comportement des agents sur la mesure elle-même, mais également les
interactions avec les autres210.

207
Régie par la loi 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales a été complétée par la loi 39-07 qui
reconduit l’application de la loi 30-89 en ce qui concerne les droits et redevances. Ces deux textes constituent
désormais les deux composantes essentielles du nouveau système de la fiscalité locale.
208
C’est la méthode choisie dans le rapport marocain, elle consiste en un chiffrage : montant de la réduction
(de l’augmentation) de la recette fiscale qu’entraîne l’adoption (l’abolition) d’une dépense fiscale, présumant
que cette adoption (abolition) n’aura aucun effet sur les comportements des contribuables et les recettes
issues des autres taxes.
209
Cette méthode d’évaluation n’est utilisée dans aucun pays.
210
Équivalent en dépense : dépense directe qu’il faudrait effectuer avant impôt pour obtenir le même effet
après impôt sur le revenu des contribuables que celui de la dépense fiscale, si la dépense directe bénéficie du
traitement fiscal applicable à ce type de subvention ou de transfert entre les mains du bénéficiaire.

107
Le rapport marocain sur les dépenses fiscales s’est distingué, depuis 2005, par
l’adoption de la première méthode dont l’estimation porte sur les pertes fiscales directes,
sans exclure, selon le même rapport, bien entendu, la possibilité de recourir au cas par cas, à
des estimations plus sophistiquées en menant des études spécifiques.

Mais bien que la pratique internationale soit marquée par la prééminence de la


méthode de pertes de recettes sur les autres méthodes, elle a montré toutefois ses limites,
afin d’assurer une appréhension exacte et sans équivoque de l’enjeu réel du manque à
gagner, suite au recours à la fiscalité dérogatoire. Concrètement, il serait illusoire de
prétendre mesurer pertinemment l’efficacité d’une évaluation des dépenses fiscales, alors
que la méthode utilisée préconise de prendre en compte ex ante les effets incitatifs des
mesures. Ainsi et contrairement à l’évaluation de la dépense budgétaire, celle de la dépense
fiscale, et malgré l’effort déployé, est souvent à traiter avec beaucoup de prudence et
d’approximation. C’est pourquoi, il ne faut pas se leurrer, « l'utilisation généralisée de la
méthode basée sur la perte de recettes fiscales par l'ensemble des pays analysés ne signifie
pas que celle-ci soit la méthode la plus appropriée. Ce constat constitue davantage un
compromis lié à la faisabilité du calcul plutôt qu'un consensus sur la manière optimale des
dépenses fiscales. Ceci peut s'expliquer, en partie du moins, par les difficultés de calcul liées
à l'application des autres méthodes »211.

A ce titre, le rapport marocain sur les dépenses fiscales n’a pas dérogé à la règle
internationalement adoptée. Ainsi, depuis 2006, il s’est approprié la méthode dont
l’estimation porte sur les pertes fiscales directes comme la méthode principale dans le
processus d’évaluation de ses dépenses fiscales. Cependant, conscient des difficultés
entachant certains champs d’application et des limites inhérentes à la méthode précitée,
l’approche marocaine n’a pas exclu la possibilité de recourir, au cas par cas, à des
estimations plus sophistiquées en menant des études spécifiques. Mais les limites de cette
approche évaluative sont légion.

En premier lieu, « l’administration fiscale ne connaît que les revenus déclarés. Or,
certaines dépenses fiscales, notamment l’exonération de certaines catégories de revenus,
sont une source de décalage entre les revenus déclarés et les revenus réels dont disposent

211
Rapport du FMI, de l’OCDE, des Nations Unies et de la Banque mondiale au groupe de travail du G20 sur le
développement des incitations fiscales à l’investissement-options pour les pays à faible revenu, op. cit., p. 16.

108
les contribuables. Il est donc impossible d’apprécier leur ampleur sans hypothèses,
simulations et recoupements avec d’autres sources statistiques. Pour les six autres
techniques, il est possible en revanche d’évaluer avec plus ou moins de précision l’effet
direct de chaque dépense fiscale, c’est-à-dire l’économie fiscale qu’elle procure. Chaque
dépense fiscale est donc évaluée en comparant la législation en vigueur à une législation qui
exclut cette seule dépense fiscale, « toutes choses égales par ailleurs »212.

Ceci étant dit, la méthode de l’évaluation de la perte initiale de recettes 213, et malgré sa
notoriété dans les pays de l’OCDE, n’est pas exempte de reproches et ses limites ne sont plus
à démontrer. Ce mode d’évaluation est, souvent considéré comme approximatif et inexact
parce qu’il ne prend pas compte, dans ses estimations, de l’éventualité d’un changement
comportemental des contribuables suite à la suppression d’une dépense fiscale. A ce titre, «
elle peut sous-estimer le surcroît de recettes que générera la suppression de la mesure si les
contribuables continuent à agir comme avant »581 214. Le coût du manque à gagner fiscal est
considérablement amoindri tant que l’effet de la mesure dérogatoire sur le comportement
humain n’est pas pris en considération. D’ailleurs, cette situation contraste avec le
fondement même de la création de la dépense fiscale qui est l'incitation à un comportement
vertueux. En l'état actuel de la recherche en fiscalité, il n’y a, malheureusement, pas de
méthode fiable pour corriger ce biais. Et c’est, justement, pour cette raison, que nous
partageons la position du professeur E. Pichet quand il conclut « qu’il faut garder à l'esprit
que les montants visés dans les dépenses fiscales sont toujours notionnels, et que
l'économie que générerait leur suppression est, au maximum, égale au montant de la
dépense mais, probablement, in fine, nettement, plus faible que celui-ci » 215.

212
LA COUR DES COMPTES, op. cit., p. 257.
213
La méthode d’évaluation marocaine retenue est celle de la « perte de recettes » ou du « manque à gagner ».
Elle consiste à estimer ex post le montant des pertes de recettes dues aux dépenses fiscales, toutes choses
égales par ailleurs. C’est-à-dire en supposant inchangé le comportement des agents qui en bénéficient. Elle est
la plus couramment utilisée, en raison de sa simplicité. En effet, elle nécessite une moindre quantité de
données puisque l’évaluation est faite toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire sous l’hypothèse que les
comportements des agents économiques restaient les mêmes en l’absence de la mesure dérogatoire.
Autrement dit, l’assiette de l’impôt est considérée comme étant stable. Tenir compte des effets de la DF sur les
comportements nécessiterait d’estimer les effets de la dérogation sur l’assiette de la taxe. Les effets pourraient
être directs (lorsque le taux influence l’assiette) ou indirects (en passant par la consommation, la production, le
marché du travail). La complexité des mécanismes de la mise en œuvre nécessiterait un nombre très important
de données pour son évaluation.
214
E. PICHET,« Théorie générale des dépenses socio- fiscales », op. cit., p. 338.
215
Ibid, p. 339.

109
En somme, la méthode de calcul la plus utilisée, au Maroc comme à l’étranger «
consiste à mesurer la perte de recettes générée par le dispositif dérogatoire à la norme
fiscale de référence, toutes choses égales par ailleurs ; cette méthode suppose le
comportement des agents économiques stable, alors que l’évolution de la législation fiscale
produit sans doute des effets sur les décisions des contribuables. D’autre part, il est difficile
d’évaluer avec précision les coûts indirects des dépenses fiscales, dont certaines produisent
des effets non neutres sur le niveau de la dépense »216.

Les termes du rapport nous permettent de conclure, a priori, que la gestion marocaine
des dépenses fiscales utilise la première méthode d’évaluation. Mais en continuant notre
lecture du dernier paragraphe concernant la méthode d’évaluation, notre certitude
commence à être ébranlé en raison de la formulation suivante : « les méthodes utilisées ont
consisté à estimer le montant des pertes de recettes «toutes choses égales par ailleurs » en
mesurant ex-post le coût de « l’écart à la norme» en supposant, inchangé, le comportement
des agents qui en bénéficient »217.

L’on comprend aisément qu’il s’agit de la méthode « perte de recettes » lorsque le


rapport évoque la possibilité de mesurer ex-post le coût de l’écart à la norme. Mais
l’annonce parait moins nette lorsque l’on se rend compte, dans le même rapport, qu’elle est
suivie par la vague et incongrue formule : « ainsi, l’estimation portera sur les pertes fiscales
directes. Ce choix n’exclut pas, bien entendu, la possibilité de recourir, au cas par cas, à des
estimations plus sophistiquées en menant des études spécifiques dès lors où les
informations dont dispose la structure le permettent »218.

Certes, depuis 2005, de notables efforts ont été déployés afin d’affiner les méthodes de
chiffrage du dispositif dérogatoire. « Deux nuances tempèrent ces progrès. D’une part, la
méthode de chiffrage retenue pour les dépenses fiscales, celle des « pertes de recette toute
chose égale par ailleurs », ne tient pas compte des effets des niches sur les comportements
ni des interactions entre niches. Les méthodes alternatives, prenant en compte ces effets,

216
D. MIGAUD, G. CARREZ et al., « Rapport d’information sur les niches fiscales », op. cit., p. 22.
217
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2018 », op. cit., p. 51.
218
Ibid.

110
sont certes d’un maniement lourd et sont d’ailleurs très rarement utilisées à l’étranger.
D’autre part, si le nombre de niches chiffrées a augmenté, la fiabilité du chiffrage stagne » 219.

Ainsi, au lieu d’opter pour une seule et unique méthode de chiffrage, l’approche
marocaine s’est compliquée la tâche par la mise en œuvre d’une multitude de méthodes
d’évaluation, de quoi, vraiment, semer le doute autour du coût réel des estimations
consignées dans le rapport et induire en erreur le chercheur voulant examiner le degré de
pertinence de l’évaluation de ces dispositions dérogatoires. Pour ce faire, il serait contraint
d’examiner, distinctement, et avant tout, l’ensemble des mesures incitatives, afin de repérer
la méthode empruntée dans l’évaluation de chaque dépense fiscale.

En dépit de cette pluralité méthodologique, la lecture littérale du rapport laisse


entendre que l’évaluation marocaine des dépenses fiscales se fait, généralement, selon la
méthode de « perte de recettes » mais, sans pour autant, exclure le recours à d’autres
approches d’évaluation, selon les cas présentés.

A ce titre, le rapport marocain sur les dépenses fiscales a souligné, à maintes reprises,
le caractère approximatif du manque à gagner fiscal ; il conseille donc que la plus grande
prudence soit de mise lors de l’interprétation des estimations et des projections des
dépenses fiscales220.

En effet, les estimations indiquent l’effet annuel de chaque mesure particulière sur la
trésorerie du gouvernement, et non son coût à long terme ou en régime permanent. De ce
fait, chaque estimation représente le revenu fiscal auquel l’Etat renonce pour une dépense
fiscale donnée, toutes choses étant égales par ailleurs. Ainsi, les estimations ne tiennent pas
compte de l’adaptation possible du comportement des contribuables, des mesures
corrélatives que le gouvernement pourrait prendre, ni des effets des changements induits
dans l’économie sur l’ensemble des revenus fiscaux perçus. Par conséquent, l’élimination
d’une dépense fiscale particulière ne procurerait pas, nécessairement, le montant total de
revenus fiscaux indiqué dans le rapport sur les dépenses fiscales.

Dans le même ordre d’idées, et au terme de notre analyse, nous pouvons déduire, à
contre-courant, une vérité qui risque de bousculer l’un des paradigmes du concept de

219
ENA, « Dépenses fiscales et niches sociales », op. cit., p. 9.
220
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2018 », op. cit., p. 1.

111
dépenses fiscales. Initialement forgé par Stanley Surrey, celui-ci n’a, en fait « d’intérêt que
s’il permet, de la façon la plus objective possible, d’identifier et de recenser toutes les
dépenses fiscales mises en œuvre, au cours d’une période donnée, dans un système fiscal
donné »221. En effet, ce n’est qu’au terme de l’établissement de ce recensement qu’il sera
possible, comme le souhaitaient les initiateurs de cette notion, d’une part, d’évaluer le coût
budgétaire des mesures fiscales de faveur et, d’autre part, de rapprocher les dépenses
fiscales des dépenses budgétaires afin de comparer leur efficacité respective.

« Ces objectifs, initialement mis en exergue par les auteurs lors des débuts de la diffusion de
la notion de dépenses fiscales, ont, semble-t-il, été perdus de vue, surtout pour le second
d’entre eux, lors de l’établissement des états de dépenses fiscales dans les systèmes
budgétaires des différents Etats. Or, ces objectifs répondent effectivement à un souci de
lisibilité et de transparence des politiques budgétaires publiques qui se manifeste tant ici
qu’à l’étranger »222.

Dans cette même lignée, la cour des comptes française a été claire sur cette
problématique liée à la limite de la méthode d’évaluation du coût des dépenses fiscales en
précisant que « non seulement l’évaluation « officielle » des effets directs, est partielle mais
l’incidence effective des dépenses fiscales est très difficile à déterminer car elle dépend à la
fois de facteurs externes, tels que les caractéristiques des bénéficiaires, et de la
combinaison, très variable, des mesures intéressant la même personne ou le même groupe
»223.

Outre le problème d’évaluation de la dépense fiscale inhérent à la méthode


d’estimation des pertes de recettes, une autre limite entrave, elle aussi, le processus
d’évaluation des dépenses fiscales marocaines. Depuis son apparition en 2005 jusqu’à nos
jours, l’élaboration du rapport sur les dépenses fiscales au Maroc est établi, dans sa grande
224
partie, par la Direction Générale des Impôts avec la collaboration de l’Administration des
Douanes et Impôts Indirects et la Direction des Etudes et Prévisions Financières. Ainsi, si le
Maroc, à l’instar d’autres pays, a pu retenir une publication annuelle des données relatives
221
L .GODBOUT & P. BELTRAME , « Une nouvelle typologie normative des dépenses fiscales », op. cit., p. 37.
222
Ibid, p. 38.
223
LA COUR DES COMPTES, « Rapport public annuel » , op. cit., p. 256.
224
La Direction Générale des Impôts est en mesure d’évaluer uniquement : impôt sur les sociétés, impôt sur le
revenu, TVA et droits d’enregistrement et de timbres. Alors que le périmètre d’évaluation est étendu. Il
englobe, aussi, les droits d’importation et les taxes intérieures de consommation.

112
aux dispositions dérogatoires évaluées en termes de dépenses fiscales, c’est grâce,
essentiellement, au grand travail accompli et aux considérables efforts consentis par
l’administration fiscale marocaine. D’ailleurs, à l’occasion de chaque publication annuelle, on
ressent le degré d’investissement et d’investigation accompli pour donner une mouture
complète et riche d’informations sur le coût des dépenses fiscales. Il n’en demeure pas
moins que le travail de détection et d’évaluation n’est pas exempt d’embûches.

La Direction Générale des Impôts marocaine est, certes, dotée d’un système
d’information très performant, mais il reste insuffisant pour affiner ses investigations auprès
d’autres opérateurs et acteurs économiques, afin de pouvoir cerner le coût réel du manque
à gagner fiscal.

L’administration fiscale maîtrise, parfaitement, les circuits de la matière fiscale qu’elle


gère, mais dans un degré moindre, celle gérée par les autres intervenants. D’où la nécessité
impérative de l’implication et de responsabilisation de l’ensemble des acteurs concernés, de
225
près ou de loin, par l’accomplissement de ce travail . Cependant, il importe de signaler
que la Direction Générale des Impôts ne maîtrise parfaitement que les revenus déclarés.

Parmi les failles constatées dans la méthode marocaine, nous pouvons relever que
certaines dispositions dérogatoires ont été écartées du champ d’évaluation, sans aucun
prétexte patent. Notre analyse nous a permis de constater qu’il ne s’agit, nullement, d’une
exclusion préméditée, mais tout simplement d’un manque de données disponibles. En fait, il
serait hasardeux de reprocher aux évaluateurs l’écartement de certaines dispositions
dérogatoires, pourtant recensées, du périmètre de l’évaluation, sans décrire la nature de
difficultés entravant le processus de leur évaluation 226.

Ainsi, le rapport sur les dépenses fiscales pour l’année budgétaire 2018 nous enseigne
que le nombre de mesures recensées est passé de quatre cent sept en 2016 à quatre cent
dix-huit en 2017. Parmi ces mesures, trois cent neuf ont fait l'objet d'évaluation en 2017, soit
cent neuf mesures dérogatoires recensées et non évaluées. Donc une bonne partie des

225
Dans l’état actuel des choses, ce travail d’évaluation est confié dans une grande partie à la DGI. Mais pour
plus d’efficacité il serait plus judicieux de le confier à une entité neutre et impartiale.
226
Dans le rapport annuel, on fait la distinction entre les dépenses recensées et évaluées alors que d’autres,
bien qu’elles soient recensées, elles échappent, toutefois, au procédé du chiffrage , mais sans dire un mot sur
les raisons de cette abstention.

113
dispositions dérogatoires sont répertoriées comme dépenses fiscales, selon l’approche
marocaine, sans être pour autant évaluées.

Il a été relevé, aussi, que l’approche marocaine enregistre, par période, des écarts
d’évaluation sans raison apparente. D’une année à l’autre, il peut y avoir, étrangement, des
estimations avec des écarts énormes sans apporter des explications justifiant cette situation
incongrue. Parfois, la même disposition dérogatoire est instituée depuis des années et,
pourtant, son coût du manque à gagner ne cesse de connaître, sans motif plausible, des
fluctuations non concordantes.

En 2008, le coût de la dépense fiscale de cette mesure incitative a été de 722 MDH pour
passer subitement à 572 MDH en 2009, puis à 362 MDH en 2010, pour rebondir, à plus de la
moitié, à 689 MDH en 2011 et à 758 MDH en 2012. Mais, entre 2013 et 2016, la tendance
s’est stabilisée sans dépasser la barre de 600 MDH pour connaître une chute sans précédent
en 2017 en enregistrant un manque à gagner de 404 MDH227.

Cet exemple indicatif nous en dit long sur la situation très marginale dans le débat
budgétaire des dépenses fiscales autres que les mesures nouvelles. Un écart de cette
ampleur sur n’importe quelle dépense, voire sur certaines recettes, aurait suscité de
nombreux commentaires. De fait, l’organisation du débat budgétaire aboutit d’une certaine
façon à ce que ne soient jamais ou rarement examinées les dépenses fiscales, sauf mesure
nouvelle ou modification d’une disposition existante.

Connaître le coût budgétaire des dépenses fiscales est devenu, donc, inéluctablement
nécessaire pour garantir une meilleure transparence financière du budget général de l’Etat
et assurer une plus grande rationalisation en matière d’allocation des ressources.
Cependant, cette maitrise nécessite une appréhension optimale du dispositif dérogatoire
composant l’ensemble du système fiscal qui devrait englober tant les impôts d’Etat que la
fiscalité locale, cette dernière en étant totalement absente.

227
Il aurait été souhaitable pour plus de transparence et de crédibilité de nous en renseigner au moins, dans le
même rapport, sur les raisons de cette fluctuation hypothécaire.

114
B. Le rapport sur les dépenses fiscales : une image tronquée de la réalité

Le rapport sur les dépenses fiscales au Maroc a été conçu 228 pour assurer un suivi du
coût budgétaire occasionné par la multiplicité des mesures dérogatoires accordées à certains
contribuables. Mais, malgré les efforts consentis par la puissance publique, ce rapport ne
semblerait pas être en mesure de donner une image sincère et précise du coût réel des
dépenses fiscales. Les chiffres consignés donnent, certes, le vertige, compte tenu de
229
l’ampleur du manque à gagner enregistré chaque année , en interpellant le gouvernement
afin qu’il s’intéresse davantage, dans le but de stopper la dérive et rationaliser l’octroi de ces
dépenses, pour en finir avec la gestion anarchique de la fiscalité dérogatoire.

Une bonne partie de ce laxisme est liée à l’absence d’une définition claire et précise
des dépenses fiscales. Chaque année, de nouvelles mesures dérogatoires prennent leur
place dans le code général des impôts, mais, parallèlement, on en supprime d’autres, sans
explication. En revanche, d’autres mesures dérogatoires sont toujours en vigueur sans,
toutefois, faire l’objet d’une évaluation quelconque230.

Aussi, la classification opérée 231, tantôt par bénéficiaire, tantôt par objectif, laisse
croire que bien des études très pointues sont derrières cette catégorisation, alors que ce
n'est pas le cas. En outre, l’intitulé du rapport « rapport sur les dépenses fiscales » laisse
supposer que le document en question s’est vu assigné comme mission l'évaluation de
l’ensemble des mesures dérogatoires existant dans le dispositif fiscal marocain, alors qu’en
réalité le rapport s’est intéressé uniquement aux dispositions dérogatoires afférentes aux
impôts dits d’Etat, en l’occurrence celles régies par le code général des impôts. La copie,
ainsi fournie, des dépenses fiscales marocaines est, donc, amplement tronquée, puisque la

228
Le premier rapport a été publié en 2005 suite aux travaux d’ateliers consacrés à la méthodologie qui a été
adoptée pour procéder aux évaluations des dépenses fiscales, des aides directes et à leurs impacts sur les plans
budgétaire et économique. Il est parti du principe fondamental que tout changement projeté au niveau des
dispositions fiscales ayant un impact sur les recettes, doit être mûrement réfléchi, dûment évalué et ses
répercussions mesurées avec justesse.
229
Le montant des dépenses fiscales évaluées s’élevait à 14 995 millions de dirhams au titre de l’année 2004. En
2018, le montant évalué a dépassé la barre de 34 000 millions de dirhams.
230
L’inventaire des dépenses fiscales de l’année 2005 a recensé 269 mesures dérogatoires dont uniquement 68
mesures incitatives ont pu être évaluées à partir des données prises en charge par le système informatique,
soit 25 % du total. Alors qu’en 2017, 418 mesures dérogatoires ont été recensées, 309 ont fait l'objet
d'évaluation en 2017, soit 73,9% de celles-ci.
231
Cf. supra, p. 196.

115
fiscalité locale232 comporte près de quinze taxes dont la majorité écrasante comporte des
mesures préférentielles. Mais, le concept de dépenses fiscales semble, apparemment,
réservé au domaine des seuls impôts affectés au budget de l’Etat, alors que, pour assurer
plus de transparence, l’évaluation préconisée devrait toucher, en principe, aussi bien les
dispositions dérogatoires relatives aux impôts d’Etats que celles relative à la fiscalité locale.

Partant du principe qu’une fois une disposition dérogatoire, abstraction faite de son
imputation au budget d’Etat ou local, est rangée dans la catégorie des dépenses fiscales, le
manque à gagner qu’elle engendre devrait être évalué dans le rapport annuel. Dans ce cas,
l’affectation budgétaire n’est pas prise en compte, dans la mesure où elle ne constitue pas
une caractéristique d’une dépense fiscale évoquée auparavant.

L’approche existante d’évaluation des dépenses fiscales ignore, pour l’instant, les
mesures préférentielles inhérentes à la fiscalité locale. L’argument brandi par
l’administration, le manque d’informations concernant la fiscalité locale, est à notre sens,
très fragile et difficile à soutenir.

La conception actuelle des mesures dérogatoires en matière de fiscalité locale ne


souffre pas, à notre sens, d’un manque d’information, mais plutôt d’un manque
d’exploitation de bases de données disponibles. Cet argument de la non-disponibilité de
l’information n'est pas convaincant, dans la mesure où cette information est bel et bien
disponible233. Il va falloir juste l’exploiter.

La partie la plus importante de la fiscalité est gérée par la Direction Générale des
Impôts, à savoir : la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la taxe des services
communales. Excepté le volet de recouvrement confié, toujours, à la trésorerie générale, ces
trois taxes sont l’œuvre exclusive de l’administration fiscale, depuis l’appréhension de la
matière imposable jusqu’à l’émissions des rôles. Pour cette raison, invoquer le manque
d’information est surprenant pour celui qui connaît bien les prérogatives et la façon de
travailler de l’administration fiscale marocaine.

232
Les impôts locaux régis par la loi 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales concernent plus de 15
taxes et redevances grevés, aussi, par des dépenses fiscales qui n’ont jamais été évaluées.
233
La DGI est, dorénavant, en possession d’un système intégré d’informations, très avancé qui prend en charge
aussi bien la fiscalité d’Etat que les trois taxes rétrocédées gérées par la DGI à savoir : la taxe d’habitation, la
taxe de service communal et la taxe professionnelle

116
Le rapport sur les dépenses fiscales s’octroie la mission de cerner une information
budgétaire complète, retraçant les différentes pertes de recettes occasionnées par la mise
en œuvre des dispositions dérogatoires affectant la caisse de l’Etat.

Par souci de plus de transparence, et aussi pour conférer plus de crédibilité à ce


rapport, il serait judicieux de supprimer, tout simplement, l’argument du manque
d’information par une formulation proche de la réalité, comme par exemple : « un chantier
en cours de réflexion » qui serait plus crédible et inciterait, inéluctablement, les pouvoirs
publics à prévoir, dans le futur proche, un tel chantier pour préparer une version complète
des dépenses fiscales marocaines avec ses deux composantes : impôts d’Etats et fiscalité
locale. Dans l’attente de cette démarche, dans les années à venir, il est proposé, en l’état
actuel des choses, de mentionner, sans ambages, dans l’intitulé du rapport qu’il s’agit
uniquement des dépenses se rapportant aux impôts affectés au budget à l’Etat et se fixer
une date butoir pour évaluer, aussi, les dépenses fiscales afférentes à la fiscalité locale 234.

En conclusion, et malgré les efforts déployés par le gouvernement afin de maîtriser la


gestion des dépenses fiscales, on peut affirmer au terme de notre réflexion qu’il existe
toujours une multitude de difficultés à surmonter.

L’imprécision et l’ambiguïté de la notion de dépenses fiscales dans la législation


marocaine influe sur l’efficacité de ces dépenses en tant qu’instrument de politique
publique. Les effets d’aubaine et d’évasion fiscale qui peuvent être induits par certaines
mesures dérogatoires, ne sont pas estimés et l’administration fiscale, à elle seule, ne dispose
pas des moyens pour évaluer et contrecarrer ces effets.

L’état des lieux synthétique dressé ci-avant confirme la nécessité d’une remise à plat
totale de la fiscalité dérogatoire dans notre pays. Toutefois, et afin qu’il ne s’agisse pas d’un
vœu pieux, nous estimons que cette remise à plat devrait se faire dans le cadre d’un

234
En sus de la fiscalité locale qui est exclue sans raison d’ailleurs du périmètre des dépenses fiscales, les
dépenses sociales, contrairement à l’approche française, ne sont pas pris en compte. Les prélèvements sociaux
peuvent être définis par leur affectation : ce sont des prélèvements obligatoires affectés à des organismes
dédiés au financement de la protection sociale. L'identification des prélèvements sociaux au sein des
prélèvements obligatoires est rendue possible, dans le cadre français, par la prise en charge de la majorité des
prestations sociales par des organismes dédiés, également chargés de leur recouvrement. De fait les cotisations
sociales sont, par essence des prélèvements obligatoires. Pour le Conseil des prélèvements obligatoires, les
cotisations sociales sont « des transferts courants », versés par les ménages à des régimes d'assurance sociale
et ouvrant droit à des prestations d'assurance sociale. Elles sont la principale ressource du sous-secteur des
administrations de sécurité sociale.

117
nouveau cadre normatif des incitations fiscales, avec un impératif majeur
d’institutionnalisation, de pragmatisme et de praticabilité offrant de réelles Assises de mise
en œuvre et des garanties solides de réforme en profondeur.

A cet effet, quelles sont les voies de réformes à adopter par les pouvoirs publics
marocains pour dépasser ces obstacles et atteindre les objectifs escomptés de cet
instrument ?

Section II - Les voies de réforme préconisées pour le


régime incitatif marocain

De prime abord, il importe de signaler que la rationalité préconisée par les Assises
nationales de 2013 est demeurée lettre morte, aucune réactivité, pas même une esquisse de
tentative pour passer à l’opérationnalisation de cette proposition n’a été observée. On a cru
qu’avec l’entrée en vigueur de loi n°53.17 portant règlement de l'année budgétaire de 2015
et les objectifs phares602 qui lui ont été assignés, que la rationalisation des dépenses fiscales
allait s’imposer comme un choix irréversible. Mais cette rationalisation a été, encore une
fois, remise en cause. Il semble que les décideurs politiques ne soient pas encore conscients
de l’enjeu budgétaire des dépenses fiscales et de leurs effets néfastes sur les finances
publiques. Ainsi, et devant le silence assourdissant et l’inertie incompréhensible des
pouvoirs publics, les études académiques et les différents travaux de recherches
universitaires sont, forts heureusement, là pour tenter d’éveiller l’attention des décideurs
pour qu’ils sortent de leur léthargie et décident, in fine, de prendre à bras le corps la
rationalisation requise des dépenses fiscales. Pour y parvenir et étant donné que,
généralement, « la réforme budgétaire engagée au Maroc a été fortement inspirée par

118
l’expérience de la LOLF française promulguée le 1er août 2001 et appliquée pour la première
fois en 2006 »235 .

Nous proposons, dans ce travail, d’étendre le périmètre de cette inspiration aux


univers nébuleux des dépenses fiscales, afin de structurer leur coût autour des programmes
des différents départements en privilégiant l’approche axée sur la performance des
politiques publiques. Eu regard aux divers enjeux financiers, économiques et sociaux, la
dimension budgétaire de la dépense fiscale ne devra plus être réduite à une simple
opération purement technique et notionnelle, mais plutôt comme une intervention de
politique publique instituée pour faire valoir des choix stratégiques et donner, de facto, un
sens à l’acte budgétaire, dans toute sa fonctionnalité et sa rigueur.

C’est donc avec « ces limites à l’esprit qu’il faut se pencher sur la question du poids
de la dépense fiscale pour les finances publiques au Maroc. Pour autant, le panorama est
éclairant : il fait apparaître une augmentation sensible du recours à la dépense fiscale, tant
en termes de nombre236 de dépenses fiscales qu’en termes de coût 237 agrégé de ces
dépenses »238.

Assurer une bonne politique de dépenses fiscales passe immanquablement par


l’élaboration d’une définition claire et précise de la notion de dépense fiscale.

Bien que le projet de refonte du système fiscal de référence, initié dernièrement par
la direction générale des impôts, a visé la consolidation de la gouvernance et la transparence
des finances publiques, il demeure inachevé tant qu’elle n’a pas établi un parallèle distinctif
entre des dispositions dérogatoires, en leur qualité de politique publique, et des allègements
structurels à vocation purement fiscale.

Après ce sommaire rappel de l’une des deux ambitions de ce travail, consistant à


contribuer à l’élaboration d’une définition et d’une typologie claires et précises du concept

235
O. KHALLOUK, « La préparation du budget de l’Etat au Maroc : une nouvelle procédure au service de la
performance », GFP n° 2- 2019/mars-avril 2019, p. 109
236
Un inventaire de quatre cent dix-huit dispositions dérogatoires a été ainsi dressé en 2017, contre quatre
cent sept en 2016, et trois cent quatre-vingt-dix-neuf en 2015.
237
Le montant des dépenses fiscales évaluées en 2017 s’élève à 33 421 MDH contre 32 423 MDH en 2016, soit
une hausse de 3,1%. La part des dépenses fiscales dans les recettes fiscales représente 15,0% en 2017 contre
15,5% en 2016.
238
C.WENDLING & al., « La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit.,
p. 753

119
de dépense fiscale, nous allons, ensuite, passer en revue les autres pistes à explorer pour
asseoir une bonne gouvernance de la politique fiscale dérogatoire.

D’emblée, il faut rappeler que les intervenants, dans le cadre des Assises, ont
professé la rationalisation du système des incitations fiscales, sans toutefois dire par quels
moyens et par quels mécanismes cela pourrait s’effectuer.

Nous pensons, par ailleurs, qu’à ce stade de notre recherche, nous pouvons
prétendre avoir répondu à un volet capital de la recommandation, celui concernant la
nécessité de disposer d'un cadre global et cohérent. Pour ce faire, nous avons mis en
évidence la nécessité d’élaborer une définition, aujourd’hui manquante, claire et précise
selon les préceptes premiers de l’Ecole Surreyenne 239 et tenter, par-là, de proposer un cadre
typologique binaire retraçant, exclusivement, les dépenses fiscales constituant l’instrument
de politique publique et les dépenses budgétaires ayant le même objectif à réaliser, afin de
pouvoir les rapprocher dans le but de choisir l’instrument d’intervention le plus efficace.
Aussi, grâce à la symétrie des deux catégories, nous serions en mesure de veiller à ce qu’il
n’y ait pas de dépenses fiscales faisant double emploi avec d’autres formes d’aides
publiques, comme il est recommandé par les intervenants et consigné dans la proposition
précitée préconisée, se rapportant à la rationalisation du système des incitations fiscales.

Afin de contribuer à repenser la réforme de rationalisation du système des incitations


telle qu’elle a été recommandée par les Assises nationales sur la fiscalité de 2013, il nous
importe de préciser, au préalable, que notre démarche réformatrice a une double ambition.

La première est de proposer un cadre méthodologique progressiste dont l’objectif


principal est d’élaborer une définition claire et précise de la notion de dépenses fiscales
permettant une applicabilité fluide et exacte répondant aux normes relevées par S.Stanley.
Partant de cette définition, nous enchainons en proposant un cadre typologique binaire
dédié au dispositif dérogatoire marocain recensé dans un rapport adossé au projet de loi de
finances présenté annuellement au parlement. Cette refonte conceptuelle contribuera à
stopper l’emballement incontrôlé des dépenses fiscales et tenter de freiner leur courbe

239
Relatif à Stanley Surrey, le premier ayant mené une réflexion sur la nature et l’incidence des mesures
préférentielles fiscales aux États–Unis en 1967 en mettant en exergue la symétrie existante entre ces mesures
préférentielles et les dépenses budgétaires.

120
haussière depuis plus d’une décennie, tandis que les décideurs marocains ne semblent guère
s’émouvoir d’une si forte dérive budgétaire.

La seconde est de tenter, après avoir identifié les effets nocifs du système d’incitation
mettant en péril les fondements intrinsèques d’un système fiscal efficace, simple et
équitable, de proposer des mécanismes de suivi susceptibles de rationaliser le système
d’incitation.

1 - L’élaboration d’un nouveau cadre méthodologique des dépenses


fiscales

Partant du constat que l’architecture actuelle des dépenses fiscales, telle qu’elle est
présentée chaque année dans le cadre du rapport annexé au projet de loi de finances, est
loin de permettre d’établir un comparatif entre les dépenses fiscales et les dépenses
budgétaires.

L’analyse du rapport marocain sur les dépenses fiscales par rapport aux différentes
expériences internationales, nous a permis de relever l’inexistence « d’une typologie
commune pour déterminer, identifier, nommer, classer et interpréter d’une manière
systémique les mesures fiscales apparaissant dans les comptes de dépenses fiscales.
L’absence d’une approche typologique, à la fois holistique et pragmatique, permettant de
standardiser la présentation et d’uniformiser le contenu des comptes de dépenses fiscales,
nuit à leurs utilisations. Même si l’établissement d’une typologie des dépenses fiscales n’est
pas un exercice facile en raison de leur diversité et des problèmes de définition qu’elles
posent, il demeure nécessaire »240.

En France et pour consacrer la comparabilité entres ces deux catégories de dépenses


« la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2000 qui réforme les structures et
les procédures budgétaires afin de mieux faire apparaître les coûts et les résultats des divers
programmes d’action publique, fait figurer l’évaluation des dépenses fiscales parmi les
annexes d’évaluation des politiques budgétaires (art. 51). Aussi, le vote par mission devrait
favoriser la comparaison des dépenses fiscales avec les dépenses budgétaires dans chacun

240
L. GODBOUT & P. BELTRAME, « Une nouvelle typologie normative des dépenses fiscales », op. cit., p. 38

121
des programmes de politique publique (art. 7, 43, 51-5). Enfin, l’OCDE se soucie également
d’identifier les dépenses fiscales afin d’en tenir compte dans ses statistiques publiques tandis
que l’OMC les traque pour débusquer les aides indirectes d’effet équivalent à des
subventions aux exportations ».

Ainsi, à partir de cette proposition de définition, nous pourrons relever un nouveau


cadre typologique « afin de remédier aux difficultés constatées et de faire évoluer la notion
de dépenses fiscales, les concepts liés à son application se devaient d’être revus. Ainsi
l’intérêt de l’ouvrage reposait sur la capacité de proposer des modifications conceptuelles à
la notion de dépenses fiscales susceptibles d’accroitre son efficacité opérationnelle et sa
pertinence »241.

A l’aune de cette définition, il est dorénavant plus aisé de vérifier quels sont les
objectifs de politique publique ayant motivé les pouvoirs publics à faire appel au concept de
dépenses fiscales, afin de pouvoir les répertorier selon une typologie binaire, en distinguant
les dépenses proprement dites instituées pour atteindre des objectifs de politique publique,
et les dispositions dérogatoires répertoriées comme de simples règles fiscales. Après ce
premier tamisage, seules les dépenses fiscales visant des objectifs de politique publique
peuvent être évaluées, afin de cerner leur coût de perte de recettes pour le Trésor, de les
rapprocher des programmes budgétaires et se prononcer, in fine, sur leur efficacité
respective, leur permettant le cas échéant de faire le choix budgétaire le plus performant et
le plus efficient.

C’est au terme de cette nouvelle approche que nous pourrions rendre opérationnelle
la notion de dépenses fiscales, comme elle a été prônée par ses concepteurs, et pouvoir,
ensuite, mener le processus de rationalisation, tant prôné par le gouvernement mais, hélas,
sans résultats probants.

A - L’élaboration d’une définition répondant à la norme Surreyenne des dépenses fiscales

Comme nous l’avons soulevé lors de l’étude de la politique marocaine des dépenses
fiscales, le rapport publié annuellement pèche par l’absence d’une définition claire et

241
L. GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit, p. 283.

122
concise de la notion de dépenses fiscales. En dépit de quelques bribes apportées lors de
l’annonce officielle des éléments de définition du concept, faite dans l’annexe n°1 242,
l’approche pratiquée demeure, à notre avis, très timide et loin de répondre aux exigences du
concept des dépenses fiscales tel qu’il a été forgé par le professeur Stanley Surrey. Il ne suffit
pas, à notre sens, de donner des éléments de définition portant sur quelques éléments
intrinsèques caractérisant généralement une dépense, comme dans l’état actuel des choses.
Il faut aller bien au-delà que se contenter de donner des éléments de détermination de cette
notion. Il faut, donc, élaborer, rigoureusement, une définition digne de ce nom, aussi claire
que concise, qui manque aujourd’hui dans la littérature fiscale. C’est d’ailleurs l’un des
aspects cruciaux de la problématique traitée par ce travail de recherche fondé par l’utilité et
le devoir de contribuer à éclairer le débat.

Lors de l’étude analytique concernant la gestion du système d’incitation fiscale, nous


avons relevé une multitude de problématiques liées à l’utilisation du concept de dépenses
fiscales. La plus frappante et la plus récurrente dans les écrits s’intéressant à cette
thématique est, incontestablement, celle inhérente à la conception même de cette notion. A
l'issue du tour d’horizon, dans la première partie, des différentes expériences internationales
et des diverses définitions données aussi bien par des pays, par des organismes et des
études théoriques, il s'avère que la notion en question, malgré son âge respectable 243, est
loin d’être appréhendée de la même façon et dotée, in fine, d’une même définition.

Comme il a été souligné par le professeur E. Pichet, le problème majeur que


confronte tout chercheur travaillant sur cette thématique est d’ordre sémantique, « il est
déjà extrêmement compliqué d’obtenir un accord sur le concept même d’impôt ou de
prélèvement obligatoire car chaque pays, soucieux de conserver sa souveraineté fiscale,
dispose de sa propre définition. Il est plus compliqué encore de circonscrire le concept de
dépenses socio-fiscales, puisque ces dernières dérivent des prélèvements obligatoires ; ce
qui multiplie les difficultés de définitions et de comparaisons internationales » 244.

242
L’annexe n°1 fait partie du rapport sur les dépenses fiscales, accompagnant, chaque année budgétaire le
projet de loi de finances consacré à la méthodologie empruntée pour délimiter le périmètre de la notion de
dépenses fiscales.
243
C .WENDLING & al., « La dépense fiscale, en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit.,
p. 75.
244
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio-fiscales », op. cit., p. 259.

123
A ce stade de notre recherche, il nous est permis de constater le flou sémantique et
conceptuel qui n’a cessé d’entourer la notion de dépenses fiscales depuis des années. Les
nombreuses confusions enregistrées dans son application et les typologies empruntées par
les gouvernements ne répondent guère à la philosophie de ce concept tel que professé par
son auteur S. Surrey depuis les années soixante. La mise en œuvre du concept de dépense
fiscale, dans la quasi-totalité des pays, est entièrement en inadéquation avec la version
originale. La tendance générale penche vers une utilisation mécanique. Cette dernière ne
tient pas compte des consignes présidant la raison d’être de la notion de dépense fiscale.

Ce travail devrait, a priori, débuter par un recensement de l’ensemble des mesures


incitatives parsemant le système fiscal mis en place, pour enchaîner, ensuite, avec la mise en
place d’un mécanisme d’évaluation servant à quantifier le coût du manque à gagner
occasionné par la mise en œuvre desdites mesures incitatives, le tout converge pour
rapprocher les dépenses fiscales des dépenses budgétaires, afin de comparer leur efficacité
respective car « le but initial des comptes de dépenses fiscales n’était pas de répertorier tous
les écarts possibles, mais de fournir de l’information aux parlementaires sur les dispositions
qui constituaient manifestement l’équivalent de programmes de dépenses directes » 245 .

A ce stade de notre investigation, on doute fort que la notion de dépenses fiscales et


ses diverses typologies, telles qu’elles sont appliquées aujourd’hui, puissent nous enseigner
sur l’étendue budgétaire réelle du système des incitations fiscales ; elle nous permet, par
ricochet, d’établir un parallèle symétrique entre la dépense fiscale et la dépense budgétaire
et ce, afin de permettre aux décideurs de se prononcer en parfaite connaissance de cause
sur l’instrument d’intervention publique le plus efficace à tous points de vue, entre ces deux
catégories de dépenses.

Pour ces différentes raisons, il importe, avant d’opérer un pilotage rationnel tel qu’il
est préconisé par la recommandation portant sur la réforme du système des incitations au
Maroc, de cerner la notion de dépense fiscale de façon à répondre aux objectifs visés par ses
premiers concepteurs. « En vue de revoir le concept de dépenses fiscales, nous devons
d’abord revoir les objectifs initiaux qui ont incité les gouvernements à définir leurs dépenses
fiscales et à publier un document annuel sur le sujet. Les dépenses fiscales sont l’un des
modes d’intervention utilisés par les gouvernements pour mener leurs actions. A ce titre, le
245
L.GODBOUT & P.BELTRAME, « Une nouvelle typologie normative des dépenses fiscales », op. cit., p. 37.

124
principal objectif des comptes de dépenses fiscales est de permettre une comparaison entre
les actions gouvernementales à caractère fiscal et à caractère budgétaire. Cette comparaison
a pour but de favoriser une meilleure affectation des ressources gouvernementales. Il
semble évident que lorsqu’un gouvernement décide d’examiner sa politique dans un
domaine donné, l’ensemble des formes d’intervention doit être pris en compte. A l’origine,
la mise en place de la notion de dépenses fiscales avait pour but de permettre la détection
des dispositions fiscales symétriques aux programmes de dépenses budgétaires » 246, sinon,
toute tentative d’assurer une gestion optimale de la politique de la dépense fiscale au Maroc
serait, inéluctablement, vouée à l’échec, tellement il importe que cette démarche soit
encadrée en amont et sans détour par une définition tenant compte des consignes
professées par S. Surrey.

Partant de la définition, aujourd'hui manquante dans la littérature fiscale, nous


proposons à la tête d’une série de recommandations qui constituent la finalité de notre
recherche : toute dépense fiscale consignée dans le rapport annuel adossé 247 au projet de
chaque loi de finances devra, impérativement, avoir sa jumelle correspondante, connue
d’avance, parmi les dépenses directes.

Autrement dit, deux catégories de dépenses, de natures différentes, sont en


concurrence au titre des instruments de gouvernance à la disposition du pouvoir étatique
afin d’atteindre, pratiquement, le même objectif.

A ce titre, le premier aspect qu’une définition devra prendre en considération est la


symétrie existante entre les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires. Surrey 248 avait
étudié initialement cette symétrie, avant qu’elle ne soit reprise et développée par d’autres
travaux et d’autres auteurs. Selon cette approche symétrique, diverses mesures incitatives
et quelques programmes de dépenses budgétaires devront être traités sur un pied d’égalité
et devront être présentés selon les mêmes principes. « Considérant que certaines mesures
fiscales peuvent, tout aussi bien, être offertes par des programmes de dépenses directes, il
devient impératif de présenter ces mesures fiscales d’une manière compatible avec la
présentation habituelle des programmes de dépenses directes » 249 .
246
Ibid, p. 37.
247
Conformément à l’article 48 de la loi n° 53.17 portant règlement de l'année budgétaire 2015
248
Ibid, p. 45.
249
Ibid, p. 260.

125
Cependant, pour assurer une appréhension optimale de la notion de dépenses
fiscales, il est devenu stratégiquement impératif d’élaborer une définition formulant les
objectifs présidant à l’élaboration de cette notion par S. Surrey. Pour ce faire, il est
recommandé d’identifier au préalable la nature de ces objectifs directeurs, afin qu’ils soient
intégrés dans la définition proposée, dans la mesure où les dépenses fiscales se définissent,
comme l’un des instruments d’intervention publique que le gouvernement peut utiliser et
ce, dans la mise en œuvre de sa gestion de la chose publique.

A cet effet, la conception d’un rapport sur les dépenses fiscales devra se faire dans
une logique de comparaison entre la politique gouvernementale d’obédience fiscale et celle
menée via la dépense budgétaire. A l’aune de cette symétrie, l’autorité publique aura le
choix d’utiliser le procédé le plus adéquat pour assurer une meilleure affectation des deniers
publics. Dès lors que ce parallèle symétrique est affiné, aucune dépense fiscale ne pourra
prendre place dans le rapport public, sans passer par le mécanisme de contrôle dédié,
uniquement, dans l’état actuel des choses, aux programmes subventionnés par le
truchement des dépenses directes. Ceci étant dit, au terme de ce travail de recherche et du
tour d’horizon des différentes définitions utilisées et des comptes conçus à cet effet, nous
sommes en mesure d’avancer qu’elles ne permettent guère de cerner aisément les mesures
fiscales s’apparentant à des programmes de dépenses budgétaires.

Au-delà des informations à communiquer au Parlement à l’appui de la loi de finances,


il est temps d’explorer cette mine d’informations sur les dépenses fiscales pour leur assurer
une intégration complète dans la procédure budgétaire, eu égard à leur rôle incontournable
dans la gestion des finances publiques. On s’intéresse davantage, depuis quelque temps, aux
dépenses fiscales à cause de l’augmentation apparente de leur nombre et de leur
importance, mais aussi parce que les déficits budgétaires sont élevés dans certains pays et
pourraient être aggravés par la médiocre conjoncture actuelle.

L’existence de déficits élevés et croissants est particulièrement préoccupante, parce


que de nombreuses économies développées seront bientôt confrontées à l’accélération ou à
la poursuite du vieillissement démographique, ce qui tendra à gonfler encore plus les
déficits. La menace qui se profile, explique l’intérêt accru pour les procédures et dispositifs
budgétaires, y compris la restriction des dépenses fiscales250 .
250
OCDE, « Les dépenses fiscales dans les pays de l’OCDE », op. cit., p. 62.

126
Il serait, toutefois, prétentieux de laisser entendre que notre démarche consistant à
élaborer une définition pourrait surmonter les difficultés rencontrées dans le cadre de la
mise en place d’un traitement symétrique des deux catégories de dépenses en question.
Loin s’en faut. Toutefois, il importe de signaler que la gestion marocaine des dépenses
fiscales a, absolument, besoin d’une définition constituant le fil conducteur du recadrage de
la politique fiscale du pays, dans la mise en œuvre de sa stratégie économique et sociale. En
résumé et en l'absence d’une définition mettant en exergue la comparabilité requise entres
les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires, tout travail de recensement et
d’inventaire des mesures incitatives reste, à notre sens, peine perdue et sans utilité
apparente. En somme, « les politiques à l’égard des différentes dépenses fiscales doivent
faire partie des actions de réduction du déficit budgétaire au même titre que toute autre
politique publique, notamment les programmes de dépenses ordinaires et les aspects
structurels de la fiscalité. L’évaluation des dépenses fiscales doit donc faire partie des
mesures d’assainissement budgétaire, lesquelles peuvent ou non être déclenchées par une
règle ou une procédure budgétaire. A partir de là, la question est de savoir comment
concevoir les procédures de contrôle budgétaire de façon à mettre les dépenses fiscales sur
un pied d’égalité avec les décisions de dépenses ordinaires » 251.

Hélas, dans la pratique, la gestion des dépenses fiscales a pris d’autres tournures
faisant fi des finalités premières assignées à cette notion par ses premiers concepteurs, alors
que dans une optique progressiste visant à asseoir une bonne gouvernance des politiques
gouvernementales « l’OCDE précise qu’une évaluation des dépenses fiscales doit toujours
être incluse dans le processus budgétaire afin de revoir la politique des dépenses fiscales et
permettre l’examen comparatif entre les dépenses fiscales et des dépenses directes » 252.

Afin de remédier aux difficultés et obstacles pédagogiques et opérationnels relevés et


exposés au fil ce travail, nous tenterons de proposer, au terme de notre recherche, une
définition plus précise et concise de la notion de dépense fiscale qui puisse contribuer à
l’amorce d’une réforme de la fiscalité dérogatoire marocaine qui n’a pas pu, en absence de
cette définition, sortir de sa léthargie endémique depuis l’Indépendance à nos jours.

251
Ibid, p. 62- 63.
252
L. GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit., p. 136.

127
Nous espérons, ainsi, pouvoir répondre à l’un des deux objectifs ayant motivé le
choix de travailler sur la problématique débattue.

Les dépenses fiscales s’entendent, selon nous, comme de dispositions dérogatoires


par rapport à leur système fiscal de référence et un instrument de politique publique
occasionnant une perte de recette pour le Trésor ayant le même effet sur le solde des
finances publiques qu’une dépense directe. Elles doivent être comparée et, le cas échéant,
remplacées par des programmes de dépenses directes et subir, en conséquence, une
présentation symétrique des interventions gouvernementales dans le budget de l’Etat.

Après avoir débuté notre série de propositions susceptibles de contribuer à la


réforme du système des incitations fiscales telle qu’elle a été préconisée par les Assises
nationales sur la fiscalité, avec l’impérieuse nécessité d’élaborer une définition, aujourd’hui,
manquante dans la doctrine fiscale marocaine, nous avons proposé en outre une typologie
binaire, afin de pouvoir, en définitive, mettre en exergue la symétrie entre les dépenses
fiscales et les dépenses budgétaires.

Nous allons maintenant proposer des pistes à explorer et ce, afin de contribuer à
repenser la réforme de rationalisation du système des incitations telle qu’elle a été
recommandée par les Assises nationales sur la fiscalité en 2013.

B – La révision de la typologie des dépenses fiscales

Outre la symétrie entre les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires, un autre
élément, et non des moindres, devra être pris en compte par la définition de la notion de
dépenses fiscales escomptée et sans laquelle la symétrie prétendue ne serait qu’un vain
mot. Il s’agit du caractère incitatif de la mesure fiscale permettant de la qualifier de dépense
fiscale. Autrement dit, il conviendrait d’établir un tamisage méthodologique visant à
catégoriser les dispositions dérogatoires, chacune selon la finalité qui a présidé à sa
création253.

Il faut reconnaître, toutefois, que l’architecture actuelle de la présentation marocaine


se fonde sur une approche voulant faire de chaque dépense fiscale un objectif de politique
253
Le nombre de mesures recensées en 2018 est passé de 407 en 2016 à 418 en 2017.

128
publique. Mais cela s’est borné à une généralité, loin d’aboutir à la symétrie modélisée
permettant d’établir une comparaison entre les différentes interventions de politique
gouvernementale de nature purement fiscale et de nature budgétaire. En effet, cette
comparaison a pour but de favoriser une meilleure affectation des ressources
gouvernementales. Il semble évident que lorsqu’un gouvernement décide d’examiner sa
politique dans un domaine donné, l’ensemble des formes d’intervention doit être pris en
compte. La raison en est que l’objectif premier assigné à un rapport sur la dépense fiscale ne
se limite pas à répertorier toutes les dispositions dérogatoires parsemant le système fiscal
mis en place, mais notamment d’élaborer un recueil d’’informations destiné à éclairer les
décideurs sur l’ampleur du manque à gagner fiscal consenti par la collectivité,
comparativement avec son équivalent effectué par le truchement de la subvention directe.

Le rapport annuel marocain sur les dépenses fiscales fait apparaitre une multitude de
présentations synthétiques des dépenses fiscales : par impôt, par secteur d’activité, par
objectif et par bénéficiaire. Toutefois, elle demeurerait sans utilité aucune si ces données
n’étaient pas exploitées, afin de servir la raison d’être de la notion de dépense fiscale.
Depuis 2005, les pouvoirs publics n’ont pas lésiné sur les moyens pour affiner les données
publiées, chaque année, concernant les dépenses fiscales.

Bien que le concept de dépenses fiscales, dans sa version originale forgée par S.
Surrey, a pour finalité première de concevoir un compte retraçant un comparatif entre les
dépenses fiscales et les dépenses budgétaires, l’approche marocaine ne semble prêter guère
attention à cette dimension comparative, pourtant capitale dans une politique efficiente et
rationnelle. A ce titre, le rapport sur les dépenses fiscales de 2019 a complètement ignoré la
finalité comparative, même s’il a été présenté comme l’esquisse d'un projet se fondant sur
une « relecture globale du système fiscal marocain. Il se veut un pas additionnel vers le
renforcement de la soutenabilité de ce système, condition sine qua non pour consolider la
gouvernance et la transparence des finances publiques. Pour asseoir cette relecture sur des
bases rationnelles et crédibles, quelques critères et principes de référence ont été retenus
»254.

Ainsi, le premier rapport marocain sur les dépenses fiscales de 2005 a tenu à préciser
dans son introduction que « les dérogations fiscales représentent un enjeu budgétaire
254
DGI, «Rapport sur les dépenses fiscales 2019 », op. cit., p. 2.

129
important. Elles constituent un manque à gagner pour le budget et leur effet sur ce dernier
est comparable à celui des dépenses publiques. C’est la raison pour laquelle elles sont
appelées dépenses fiscales »255.

La préoccupation première concernant le dispositif fiscal dérogatoire devrait être


l’appréciation du coût budgétaire des dépenses fiscales, afin de réaliser une transparence
financière effective du budget général, ainsi qu’une meilleure rationalisation en matière
d’allocation des ressources.

La même précision a été rituellement reproduite dans tous les rapports annexés aux
différents projets de lois qui se sont succédés depuis l’année 2005 et jusqu'à 2018 en
mettant l’accent sur le fait que « connaître le coût budgétaire des dépenses fiscales devient
nécessaire pour une meilleure transparence financière du budget général de l’Etat et pour
une plus grande rationalisation en matière d’allocation des ressources » 256. De même, le
rapport de l’année budgétaire 2018 a rappelé encore une fois qu’en « se substituant aux
dépenses directes, l’objectif principal des dépenses fiscales est donc de soutenir et
d’encourager un certain nombre de secteurs d’activités ou des catégories de contribuables
prédéfinies. Les dépenses fiscales peuvent donc impacter significativement le budget de
l’Etat »257.

En revanche et à contre-courant, le plus récent rapport marocain annexé au projet de


loi de finances 2018 et en dépit de sa ligne réformatrice annoncée, ne semble guère
intéressé au rapprochement entre les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires, afin de
comparer leur efficacité respective, tel que cela a été préconisée par S. Surrey. Pourtant
dans ce même rapport, il a été relevé que la situation ambiante « pose avec acuité
l’impératif de procéder à une refonte du cadre global de la fiscalité dérogatoire, dans le
souci de relever substantiellement la gouvernance des dépenses fiscales et veiller à leur
rationalisation. Un tel objectif s’inscrit, d’ailleurs, en ligne avec les recommandations
préconisées par la cour des comptes, le conseil économique, social et environnemental et
celles des Assises nationales sur la fiscalité de 2013 »258.

255
DGI, «Rapport sur les dépenses fiscales 2005 », op. cit., p. 5.
256
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2017 », op. cit., p. 2
257
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2018 », op. cit., p. 1.
258
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2019 », op. cit., p. 1.

130
Ainsi, et devant cette refonte qualifiée faussement de progressiste, nous pensons que
la gestion des dépenses fiscales a encore besoin d’être revue pour pouvoir assurer une
gouvernance optimale, digne de celle propre à tout instrument de politique publique car, en
fait, il ne suffit pas uniquement de revoir le système fiscal de référence pour cerner
l’ampleur de l’écart d’une dérogation par rapport à ce système considéré, et élaborer par
conséquent un nouveau guide méthodologique d'estimation du coût des mesures
dérogatoires, pour aboutir à la mise en œuvre de la rationalisation requise, loin s’en faut,
tant que « la présentation actuelle des dépenses fiscales n’est pas faite de manière faciliter
la comparaison des dépenses fiscales entre elles ou encore la comparaison avec les
dépenses budgétaires »259 et tant « qu’il n’existe aucune typologie commune pour
déterminer, identifier, nommer, classer et interpréter d’une manière systémique les
mesures fiscales apparaissant dans les comptes de dépenses fiscales ».

Ces dernières doivent, donc, être systématiquement recensées, et le coût de leur


manque à gagner doit être en grande partie évalué. Mais, la phase décisive de la mise en
œuvre de cette notion attend toujours de commencer : celle consistant à rapprocher les
dépenses fiscales et les dépenses budgétaires dûment recensées et évaluées, afin de
comparer leur efficacité respective comme l’ont bien confirmé Messieurs les professeurs
Pierre Beltrame et Luc Godbout dans leur tentative de trouver une nouvelle typologie
normative aux dépenses fiscales car, en l’absence de ce rapprochement qui ne fait, hélas que
perdurer, les différentes classifications de dépenses fiscales consignées dans le rapport
n’ont, à notre sens, aucune valeur si elles ne sont pas corroborées par la présentation
symétrique en question.

A cet égard, il conviendra au terme de ce travail de préconiser l’élaboration d’un


nouveau cadre typologique simple et opérationnel dont la pierre angulaire serait de
permettre la comparaison entre les dépenses fiscales et les dépenses directes.

Mais comme nous l’avons vu, la comparaison requise ne peut se faire en l’absence
d’une définition claire et précise, prenant en compte la dimension comparative en question.
Pour y parvenir, il convient, à notre sens, de se référer à la définition précédente, pour
pouvoir cerner aisément les contours des dispositions fiscales dérogatoires dont les objectifs
peuvent être réalisés, également, par le recours à la dépense directe. Autrement dit, la
259
L. GODBOUT & P. BELTRAME, « Une nouvelle typologie normative des dépenses fiscales », op. cit., p. 38.

131
définition préconisée se limite à ne prendre en charge que les mesures incitatives propres à
être substituées aux dépenses budgétaires directes, car, dans l’état actuel des choses, et, au
fil de notre étude, nous avons vu que les mesures fiscales recensées dans le rapport
marocain260 ne sont pas, toutes, des mesures incitatives, et elles ne peuvent être assimilées,
en bloc, à des instruments de politique publique. Ces mesures recensées comprennent aussi
des allégements structurels de mesures incitatives d’une portée générale, et instituées en
vue de répondre à un objectif de nature fiscale. Par ricochet, la classification actuelle ne
permet guère de rapprocher les dépenses fiscales des dépenses budgétaires, comme le
souhaitent les concepteurs premiers de cette notion.

L’architecture retenue, dans le rapport sur les dépenses fiscales, est loin d’être en
mesure de nous éclairer sur les dispositions dérogatoires visant un objectif de politique
publique et qui peuvent être remplacées par des programmes de dépenses directes. Ainsi,
nous nous trouvons face à une panoplie de classifications, aussi importantes soient elles
dans l’absolu, mais sans aucune utilité dans la pratique. Plus de dix-huit objectifs assignés
aux différentes mesures incitatives sont répertoriées dans le rapport publié annuellement,
sans pour autant nous dire, ne serait-ce qu’une seule fois, quelles sont parmi ces mesures
celles susceptibles d’être comparées et remplacées par une subvention ou une dépense
directe. Nous avons à ce titre la ferme conviction qu’il faut impérativement pour rendre à la
notion de dépense fiscale sa véritable signification, celle prônée par ses premiers
concepteurs, car sans cette régénération conceptuelle, les précieuses informations reprises
dans les rapports annuels, bien garnis certes mais qui sont, hélas, sans aucune plus-value
pour les finances publiques, tant que l’idée originelle de la notion de dépenses fiscales
continue à être éludée ou ignorée par les pouvoirs publics. « Ces constats et ces limites nous
amènent à revoir, le concept de dépense fiscale en vue de mettre en place une nouvelle
typologie normative des dépenses fiscales.

L'objectif visé par la révision du concept de dépense fiscale et par le développement


d'un cadre typologique est de rendre la publication des dépenses fiscales gouvernementales
plus conforme à l'idée initiale ayant poussé les gouvernements à les mettre en place c'est-à-

260
C’est ce que préconisait en 2003 le conseil des impôts français en suggérant de différencier « allègements
structurels » et « instruments de politique publique », les premiers répondants à un objectif de nature fiscale,
les seconds à un but non exclusivement fiscal.

132
dire de faciliter la comparaison entre les interventions gouvernementales par l'intermédiaire
des programmes de dépenses budgétaires et par l'intermédiaire du régime fiscal » 261.

Les impacts d'une nouvelle typologie normative sur la présentation des comptes de
dépenses fiscales, en regard de la classification actuelle des dépenses fiscales, se trouvent,
donc, au centre de l'analyse.

Un autre travail est, donc, fortement recommandé, afin de baliser le terrain à une
gestion optimale des dépenses fiscales.

Ainsi, au lieu de multiplier en vain les classifications des dépenses fiscales selon les
critères évoqués plus haut, il serait plus judicieux, pour les raisons sous-jacentes à la mise en
place du concept de dépenses fiscales dans sa version originale, de passer l’ensemble des
mesures dérogatoires recensées au tamisage liminaire et, ce, avant toute classification
hasardeuse, afin de distinguer les mesures constituant, par essence, bien plus des
instruments de politique publique que des simples modalités de détermination de l’impôt. «
Cette distinction ne manque pas de pertinence, dès lors que certains dispositifs recensés
comme dépenses fiscales n’ont pas d’autres objectifs que d’assurer le respect des principes
d’une bonne fiscalité »262. La nuance est de taille, les premières répondant à un objectif de
nature fiscale, les secondes à un but non exclusivement fiscal. Une fois ce travail sélectif
effectué, et après avoir exclu toutes les mesures s’apparentant à des allégements
structurels, c’est alors que l’on pourra procéder, efficacement, à rapprocher uniquement des
mesures fiscales consistant en des instruments de politiques fiscales à des dépenses
budgétaires. Cette distinction est plus que cruciale pour pouvoir avancer, qualitativement,
dans la gestion des dépenses fiscales car, contrairement aux modalités de calcul de l’impôt
qui sont partie prenante du système mis en place, les dépenses fiscales s’entendent des
dérogations à ce système fiscal de référence, bien que cette dernière n’ait aucune
signification normative. Dans la pratique, chaque système fiscal national étant unique, cela
implique qu’une mesure incitative, qualifiée comme une dépense fiscale dans un pays, peut
n’être qu’un allégement structurel ou modalité de calcul de l’impôt dans un autre pays.

261
L.GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit., p. 261.
262
E. PICHET, « Contribution à une théorie de la dépense fiscale, pour la réforme du système français des niches
fiscales » op. cit., p. 29.

133
Mais, reconnaissons-le, compte tenu de la complexité de l’univers nébuleux des
dépenses fiscales, la tâche n’est pas une sinécure. C’est pourquoi, à notre avis, il faut en finir
avec la présentation actuelle et adopter uniquement une typologie binaire.

Dans cette perceptive, nous partageons entièrement la position du conseil des impôts
français qui plaide pour une présentation plus homogène permettant d’établir un distinguo
entre « les allégements structurels, c’est-à-dire les dépenses fiscales de portée générale et
instituées en vue de répondre à un objectif de nature fiscale, il pourrait s’agir de mesures
consubstantielles à l’impôt »263 visant à répartir le fardeau fiscal tels que les avantages
fiscaux octroyés pour des raisons se rapportant à la situation personnelle du contribuable, à
savoir les dépenses fiscales passives 264 qui sont uniquement destinées à remédier à une
situation subie.

Dans ce cas, cette première catégorie de dépenses fiscales n’est, évidemment, pas
destinée à pousser les contribuables à se faire du mal, mais elle octroie une forme d’aides
pécuniaires à une situation passive de handicap. Ces dépenses fiscales viennent justement,
afin d’instituer un traitement avantageux aux contribuables concernés, dans l’optique de
compenser un élément objectif rendant sa situation plus aggravante par rapport à d’autres
contribuables dans une posture similaire.

Ainsi, pour des considérations d’équité fiscale et afin de neutraliser l’élément


aggravant (âge avancé, invalidité ou précarité), la loi fiscale octroie une dépense fiscale afin
d’atténuer le préjudice subi à cause de leur situation spécifique et non de leur
comportement économique.

Dans la même catégorie, on trouve l’allègement structurel des mesures avantageuses


octroyées uniquement pour éviter une sur taxation ou une double imposition, et, enfin,
d’autres allégements fiscaux dont la finalité est de simplifier la modalité de calcul de l’impôt,
et facilite ses mécanismes de recouvrement.

Une seconde catégorie de dépenses fiscales a une vocation incitative, poursuivant


des objectifs de politique publique. Celles-ci, appelées conventionnellement instruments de
politique publique, en raison de leur objectif visant tantôt à orienter le comportement des

263
CONSEIL DES IMPÔTS, « La fiscalité dérogatoire, pour un réexamen des dépenses fiscales », op. cit, p. 151.
264
K. WEIDENFELD, « A l’ombre des niches fiscales », op. cit., p. 63.

134
contribuables, leur procurant alors un avantage fiscal choisi, tantôt à octroyer des avantages
à une catégorie de bénéficiaires ou à un secteur d’activité, « c’est-à-dire, des mesures
fiscales dérogatoires qui ont pour caractéristiques d’être spécifiques (à une catégorie de
bénéficiaires, en fonction de l’activité, de l’âge, du territoire…) et de pouvoir être rattachées
à des objectifs d’une politique publique non exclusivement fiscale. Elles devraient, donc être
retracées dans les annexes des programmes budgétaires des ministères responsables de la
mise en œuvre de ces politiques »265.

Ces deux catégories constitueraient donc, à notre sens, un ensemble homogène


défini par une typologie claire et sans ambage, destinée à baliser le terrain pour une gestion
optimale de la notion de dépenses fiscales telle qu’elle a été forgée par S. Surrey. Cette
démarche permettrait à coup sûr d’établir la symétrie escomptée entre les dépenses fiscales
constituant des instruments de politique publique et les dépenses budgétaires, afin que le
gouvernement, dans sa gestion de la chose publique, puisse, in fine, jeter son dévolu sur
l’instrument d’intervention le plus adéquat et plus efficient, dans la réalisation de son
programme économique et social.

Au terme de ce travail de recherche, nous ne préconisons pas uniquement une


nouvelle lecture du système de référence des dépenses fiscales, comme cela a été entrepris
dernièrement par le Ministère de l’Economie et des Finances 266, mais aussi de revoir le
pilotage actuel267 des dépenses fiscales de manière à pouvoir contribuer à mettre en place
les jalons de la nouvelle définition proposée dans ce travail, dont la finalité suprême est de
limiter le périmètre des dépenses fiscales aux seules mesures incitatives 268 dont les objectifs
assignés peuvent être remplacés par des programmes financés par des dépenses
budgétaires.

Afin de corroborer cette démarche réformatrice amorcée impérativement par la mise


en place d’une définition claire et précise du concept de dépense fiscale, nous venons de
265
CONSEIL DES IMPÔTS, « La fiscalité dérogatoire, pour un réexamen des dépenses fiscales », op. cit, p. 152.
266
Lors de la présentation du rapport annexé au projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018.
267
La gestion actuelle a montré ses limites évoquées, précédemment, concernant aussi par l’absence d’une
définition claire et précise du concept de dépense fiscale, un régime fiscal de référence entouré de flou et une
architecture typologique adoptée sans utilité apparente. D’où la nécessité de redéfinir le concept de dépense
fiscale et le besoin de mettre en place une typologie normative des dépenses fiscales.
268
Les limites évoquées précédemment concernant la notion de dépense fiscale, le système fiscal de référence
ainsi que la présentation actuelle des comptes de dépenses fiscales utilisées par le Canada, les Etats-Unis et la
France ont démontré la nécessité de redéfinir le concept de dépense fiscale et le besoin de mettre en place une
typologie normative des dépenses fiscales.

135
mettre en exergue une nouvelle typologie permettant d’établir un parallèle entre les
dépenses fiscales et les programmes de dépenses directes. Le but était de permettre de
rendre comparable l'ensemble des interventions gouvernementales avec les comptes de
dépenses fiscales. Notre objectif était « d'intégrer les dépenses fiscales au processus
budgétaire, le cadre typologique des dépenses fiscales doit accroitre le degré de parallélisme
entre certaines dépenses fiscales et programmes de dépenses directes. L'utilisation des
définitions actuelles fait en sorte que toute mesure fiscale qui déroge aux paramètres du
système fiscal de référence est déterminée comme une dépense fiscale. Parmi celles-ci,
certaines peuvent facilement être remplacées par un programme de dépenses directes, mais
pour d'autres, ce remplacement n'est pas possible dans la pratique. Ainsi, des mesures
fiscales sont répertoriées dans le compte de dépenses fiscales sans égard aux difficultés liées
à leur remplacement par des programmes de dépenses directes. Les difficultés rencontrées
par les définitions actuelles pour l'atteinte des objectifs visés par le concept de dépense
fiscale, la multitude des dépenses fiscales, les différences dans leur nature et dans leurs
objectifs de politique, rendent difficile les comparaisons entre les dépenses fiscales et les
dépenses directes » 269.

Après avoir proposé une définition et une typologie claires et précises des dépenses
fiscales, nous allons tenter de présenter un cadre normatif à adopter pour une optimisation
de la gestion des dépenses fiscales.

2 - L’inscription du cadre normatif des dépenses fiscales


dans la gestion budgétaire globale

Généralement, les dépenses fiscales sont gérées d’une manière indépendante par
rapport à la logique budgétaire. Nous préconisons toutefois de leur appliquer tant les
principes budgétaires classiques, que des principes de bonne gouvernance.

269
L. GODBOUT, « L’intervention gouvernementale par la politique fiscale », op. cit., p. 57.

136
A - L’application de principes budgétaires aux dépenses fiscales

L’établissement, depuis 2005, d’un rapport annuel sur les dépenses fiscales ne suffit
pas, à lui seul, à cerner leur degré d’intégration dans la présentation de la politique
gouvernementale. Il nous renseigne, néanmoins, sur le degré d’’intérêt que les pouvoirs
publics portent à l’enjeu budgétaire du dispositif dérogatoire et de l’ampleur de leur manque
à gagner pour le Trésor. Il ne traduit, par contre, aucune défiance à l'égard de cet
instrument. De fait, les dépenses fiscales continuent à s'étoffer, alors même que les taux des
impôts diminuent. Si leur recension périodique n'enraye pas la croissance des dépenses
fiscales, elle suscite, toutefois, l'adoption d'une recommandation prêchant la rationalisation
du système des incitations fiscales. Issue d’un consensus national, cette recommandation a
fait de la réduction progressive des distorsions concurrentielles induites par la multiplicité
des dépenses fiscales et des exonérations dont bénéficient certains secteurs, l’un de ses
objectifs prioritaires avec un mode opératoire visant la mise en place d’« un équilibre entre
la neutralité du système fiscal et le soutien des ménages et des entreprises qui doit être
instauré, et ce, à travers la rationalisation du système des exonérations et des dépenses
fiscales. Aussi, est-il nécessaire d’avoir une vision claire et de se doter d’un cadre global et
cohérent qui prennent en considération l’impact économique et social des dépenses fiscales,
leur évaluation, leur importance stratégique pour le développement, leur sensibilité, les
distorsions économiques qu’elles peuvent créer entre les différents secteurs et activités
économiques, tout en veillant à ce qu’elles ne présentent pas un double emploi avec
d’autres formes d’aides publiques »270.

Chemin faisant, il importe de signaler que lors de la tenue des Assises nationales,
aucune voix dissidente ne prétendait s’abstenir de faire appel à la fiscalité dérogatoire
comme un instrument de politique publique. Pis encore « parmi ceux qui crient haro sur les
niches, certains sont, lorsqu’ils ont un pouvoir décisionnel, à l’origine de nouvelles dépenses
fiscales ou plaident, lorsqu’ils ont un pouvoir de proposition, pour une nouvelle fiscalité
comportementale punitive et restitutive » 271. Ces positions populistes relevant de la politique
politicienne et sans argumentaire solide interdisent toute approche visant la suppression des

270
DGI, « Synthèse des propositions issues des Assises nationales sur la fiscalité », op. cit., p. 2.
271
K .WEIDENFELD, « A l’ombre des niches fiscales », op. cit., p. 3.

137
dépenses fiscales. Il est impensable, donc, de prêcher « la tactique de la terre brûlée pour
tout construire dans la forêt vierge des dépenses fiscales, qui a poussé de manière
totalement, anarchique et luxuriante ; depuis quarante ans. Il ne s’agit pas non plus de la
transformer en jardin à la française, mais plutôt de la gérer à la manière d’une belle forêt
domaniale, en supprimant les espèces inutiles ou nuisibles et encourageant, quand il le faut,
certaines espèces utiles »272.

C’est dans cette perspective qu’il faudrait, impérativement, s’employer à élaborer


une feuille de route bien définie dédiée exclusivement à une gestion novatrice, rationnelle et
pérenne des dépenses fiscales, « aujourd'hui manquante, en prenant l'exact contre-pied de
la politique menée depuis une quarantaine d'années dans le suivi des niches existantes. Les
gouvernements successifs se sont en effet toujours comportés en « pompiers » et non en «
architectes », créant des niches fiscales pour répondre à l'émotion suscitée par un
événement ou pour réduire les tensions sociales liées à l'exaspération ou à la puissance
d'une catégorie de contribuables »273.

Inspirée des expériences acquises et des importants rapports et études académiques


et empiriques effectués dans d’autres pays661 , nous tenterons d’élaborer une doctrine
globale et d’explorer une panoplie de pistes en vue d’asseoir les jalons d’un pilotage
rationnel de notre système des incitations comme il a été recommandé lors des Assises de
2013. Loin de toute démarche radicale, nous repoussons toute approche nihiliste prônant la
suppression pure et simple de l’ensemble des dépenses fiscales, tout en écartant, en même
temps, les positions réticentes à toute tentative réformatrice visant à dégraisser le
mammouth des dépenses fiscales.

Devant la croissance incontrôlée des dépenses fiscales, les pouvoirs publics ne


pouvaient demeurer passifs face à leur emballement et leur réserver « une souplesse,
particulièrement bienvenue, dans la réalisation des politiques publiques » 274. C’est en raison
de cette prolifération que les Assisses fiscales de 2013 voulaient également réformer le
système des incitations, en leur dédiant toute une recommandation visant leur
rationalisation. Cette dernière se fonde sur une multitude de procédés techniques
272
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio-fiscales », op. cit., p. 421.
273
bid, p. 419.
274
A. HAUTEFEUILLE, « Améliorer la sécurité juridique et fiscale des entreprises », Rapport de la chambre de
commerce et d’industrie de paris, 2009, p. 37.

138
recherchant l’amélioration, le bon sens et, notamment, le suivi et le contrôle des moyens
dans le but de garantir une meilleure allocation des ressources adossées à une meilleure
performance.

Si la réduction du coût des dépenses fiscales doit être le leitmotiv de cette


rationalisation, « il ne faudra pas hacher tout azimut, à la manière d’un boucher, sans entrer
dans les calculs les conséquences et les impacts sur l’activité et son écosystème, en amont et
en aval, sans que l’effet boomerang, en cas de pilotage, trop brusque ou brutal, pourrait
faire des dégâts sur sa propre structure ». Ainsi, il est proposé de mettre en œuvre un
pilotage, tout en tact et en délicatesse professionnelle, afin d’opérer un changement sans
heurts ni dégâts, tout en restant rigoureux et vigilant pour stopper les dérives et les
incontrôlables dérapages.

Afin de pouvoir rationaliser la gestion des dépenses fiscales, il serait opportun, d’une
part, de leur attribuer une norme comparable à celle des dépenses budgétaires, et d’autre
part, d’instituer une règle de performance budgétaire.

1 - L’attribution d’une norme aux dépenses fiscales à l’instar de celle applicable à la


dépense budgétaire

Les effets pervers des dépenses fiscales sont légion. Hormis leur impact budgétaire
sur les finances publiques qui n’est plus à occulter, elles contribuent de surcroit à contourner
les normes draconiennes encadrant normalement les dépenses directes permettant à leur
coût de prendre des proportions alarmantes sans aucune règle de contrôle contraignante.
Au Maroc, et justement pour éluder les multiples contraintes et le rigoureux formalisme
inhérent à la procédure budgétaire, le recours aux dépenses fiscales est devenu « un
complément habituel dans le financement des politiques publiques Les dépenses fiscales ont
tendance à se substituer aux crédits budgétaires » 275. Ce contournement n’est pas une
réalité purement marocaine. D’autres pays de l’OCDE se sont retrouvés dans la même
position à cause de la facilité et de la souplesse des dépenses fiscales, à l’image de la France
où ces dépenses commencent à se substituer aux crédits budgétaires dans une période où
les dépenses fiscales n’ont été soumises à aucune norme de dépense, sachant
275
D. MIGAUD, G. CARREZ et al., « Rapport d’information sur les niches fiscales », op. cit., p. 2.

139
pertinemment qu’une norme d’évolution des dépenses budgétaires est instituée
spécialement, afin d’assurer une maîtrise des finances publiques. Or, les dépenses fiscales
ont tendance à devenir « des crédits budgétaires dans le financement des politiques
publiques, dans le dessein de contourner la norme d’évolution des dépenses. Ce n’est pas un
hasard si l’augmentation de leur nombre s’est accélérée depuis l’instauration de cette
norme. Du même coup, on tend également à remplacer des crédits limitatifs par des
mécanismes fonctionnant à « guichet ouvert », ce qui, au total, apparaît très préjudiciable à
la gestion des finances publiques, à leur transparence comme à leur maîtrise. L’évaluation
des dispositifs est aussi rendue plus difficile et, de fait, les niches fiscales sont peu suivies ».

Contrairement aux dépenses directes, les dépenses fiscales ne sont pas


contingentées, ni soumises aux même règles de contrôles et de suivi imposés par la
règlementation budgétaire.

Ainsi, dans la même politique publique dépensière gouvernementale, on pourrait


avoir droit à deux traitements différents et disparates. « Les pouvoirs publics s’astreignent,
dans un souci de maîtrise des finances publiques, à faire progresser chaque année les crédits
du budget de l’Etat selon une norme préétablie, en général comme l’inflation (norme dite «
zéro volume »). Cette norme ne concernant que les crédits budgétaires, le recours aux
dépenses fiscales est perçu comme un moyen de s’exonérer des contraintes posées, avec
pour conséquence une dégradation du solde budgétaire des administrations publiques » 276.

Comme nous l’avons signalé auparavant, la rationalisation du système des incitations


fiscales a été préconisée, solennellement, pour la première fois au Maroc lors des Assises de
2013 ; mais, c’est en fait la loi organique relative aux lois de finances n°53.17 portant
règlement de l'année budgétaire 2015 qui a donné à cette rationalisation un tournant décisif
avec l’introduction de l’évaluation des dépenses fiscales comme une composante de la
procédure budgétaire, en attendant, bien entendu, que cette présentation symétrique de
l’évaluation des mesures incitatives dépasse le stade embryonnaire, et cesse d’être
uniquement présentée à titre indicatif, dans un rapport à vocation générale, mais d’être
plutôt intégrée, entièrement, dans le moule budgétaire et subir les mêmes règles de
contrôle et de suivi imposées aux dépenses classiques et traitées de la même façon que les

276
D. MIGAUD, G. CARREZ et al., « Rapport d’information sur les niches fiscales », op. cit., p. 19.

140
autres crédits budgétaires alloués aux différents départements gouvernementaux, pour
atteindre les objectifs qui leur sont impartis. Cette démarche progressiste « permet, par
exemple, de mieux appréhender la réalité des moyens que consacre l’Etat à certaines
politiques publiques pour lesquelles la dépense fiscale constitue un mode d’intervention
privilégié »277. Cette nouvelle appréhension budgétaire des dépenses fiscales va permettre, à
coup sûr, de procéder au rapprochement tant souhaité par les initiateurs du concept de
dépenses fiscales, celui consistant à rapprocher ces dernières des dépenses budgétaires afin
de comparer leur efficacité respective. Ce genre de rapprochement est, aujourd’hui,
inopérant, voire inexistant dans la gestion des dépenses fiscales marocaine, ce qui vide la
démarche évaluative des différentes mesures incitatives accomplie périodiquement depuis
2005 de toute sa substance et la rend inutile et sans aucune valeur ajoutée.

Ainsi, et une fois ce parallèle entre les dépenses fiscales et les dépenses budgétaire
devenu opérationnel selon la définition et la typologie proposées, une autre question, et non
des moindres, se pose s’agissant de connaitre « les motifs conduisant à préférer cette
technique à la dépense budgétaire. A cette fin, il conviendra de veiller à ce que soit bel et
bien mise en œuvre la décision du Conseil de la modernisation des politiques publiques
évoquée, tendant à ce que la création d’une nouvelle dépense fiscale soit subordonnée à
une étude d’impact explicitant les motifs de recours à l’outil fiscal plutôt qu’à l’outil
278
budgétaire » . Nous sommes, toutefois, conscients qu’il est quasiment impossible de
pouvoir préconiser une telle étude d’impact dans l’état actuel des choses, mais nous
recommandons de l’appliquer graduellement en commençant par les dépenses fiscales les
plus coûteuses et souvent critiquées, pour pouvoir se prononcer sur leur sort dans l’arsenal
dispositif dérogatoire soit pour leur maintien, soit pour leur ajustement si besoin.

Dans le même ordre d’idées, afin d’asseoir la politique de rationalisation du système


d’incitation fiscale, il est fortement recommandé de doter l’univers des dépenses fiscales
d’une norme pluriannuelle à respecter, à l’instar de ce qui se fait avec les dépenses
publiques. Avec cette norme, il serait difficile d’utiliser les subterfuges de contournement de
la norme contraignant la croissance des dépenses budgétaires.

277
C .WENDLING & al., « La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit.,
p. 754.
278
D. MIGAUD, G. CARREZ et al., « Rapport d’information sur les niches fiscales », op. cit., p. 26

141
Là aussi, et au regard des différentes difficultés non encore résolues liées à la notion
de dépense fiscale, il serait judicieux de ne pas soumettre ces dépenses à la norme appliquée
à la dépense budgétaire. Professer une telle démarche, c’est aller vite en besogne, sans être
en mesure d’établir une symétrie optimale entre les deux catégories de dépenses. Autant la
dépense budgétaire est parfaitement mesurable et dotée d’une grande exactitude, autant la
dépense fiscale peine toujours à affiner ses méthodes d’évaluation, tributaires de
suppositions d’approximations, de supputations et de diverses incertitudes.

Ainsi, et pour ne pas affecter davantage la rigueur budgétaire par l’opacité et la


nonchalance en vigueur, depuis des années, en matière de gestion des dépenses fiscales, il
serait plus rationnel de trouver une norme qu’il faudrait faire figurer, sans tarder, dans le
rapport annuel. « L’instauration d’une norme de dépense fiscale doit remplir deux exigences
principales, prendre en compte le stock de dépenses fiscales : il s'agit, non seulement de
discipliner les projets de dépenses nouvelles, mais également de tenir compte du dérapage
budgétaire des dépenses fiscales existantes, intégrer l’évolution de la norme de dépenses
fiscales dans la programmation pluriannuelle, en définissant un plafond sur trois ans et des
plafonds annuels. La fixation du taux de progression de la norme doit être réaliste, mais
aucun argument convaincant ne s’oppose à l’alignement, à terme, de la norme ad hoc sur le
« zéro volume »279.

Une fois cette norme établie, il importerait de penser à l’établissement d’un budget
dédié spécifiquement aux dépenses fiscales. La préconisation d’un tel budget n’est plus
anodine compte tenu de la similarité et la comparabilité proposée entre les dépenses
directes et les dépenses fiscales. Pour ce faire, et afin de ne pas dénigrer le travail colossal
qui se fait depuis 2005 en matière de recension des dispositions dérogatoire, l’établissement
d’un budget de dépenses fiscales a déjà une longue et riche expérience à capitaliser, afin de
concevoir la version finale de ce budget proposé.

Concrètement, un grand pas a été fait avec le rapport publié et annexé chaque année
au projet de loi de finances.

Mais, il ne faut pas s’arrêter à mi-chemin, d’autres paramètres attendent d’être


intégrés, pour pouvoir, enfin, se targuer d’avoir un compte budgétaire des dépenses fiscales

279
D. MIGAUD, G. CARREZ et al., « Rapport d’information sur les niches fiscales », op. cit., p. 30.

142
répondant aux exigences dictées par la notion mère telle que professée par S. Surrey. Le
travail accompli à ce jour est, certes, important et louable, mais encore tronqué et inachevé
tant que les conditions de l’applicabilité du concept de dépense fiscale ne sont pas encore
réunis. Dans l’état actuel des choses, les premiers jalons sont là, et il faudrait juste affiner la
méthode, selon les préconisations formulées au terme de notre recherche.

Le rapport, dans sa version actuelle, s’est confié, comme première étape, la tâche de
recenser l’ensemble des dispositions dérogatoires dont est parsemé le système fiscal
marocain et procéder, en seconde étape, à l’évaluation du manque à gagner pour le Trésor
résultant du recours à ce dispositif dérogatoire. Mais, pour couronner ce travail louable, il
importe de passer impérativement à la phase la plus déterminante et cruciale de ce
cheminement, celle permettant aux pouvoirs publics de pouvoir rapprocher les dépenses
fiscales des dépenses budgétaires, afin d’être éclairés sur leur efficacité respective. A ce
stade de travail, les pouvoirs publics sereins dans leur gestion de la chose publique auront
plus de visibilité pour mener à bon port leurs programmes stratégiques, tout en étant bien
renseignés, afin de pouvoir jeter, in fine, leur dévolu en toute célérité sur l’instrument de
politique publique le plus efficient et le plus performant.

2 - L’institution de la règle de performance budgétaire dans la gestion des dépenses


fiscales

Dans le même esprit de rationalisation préconisée, il est proposé de s’imprégner de la


procédure budgétaire, afin de soumettre les dépenses fiscales à la logique de performance
apportée par la loi organique relative aux lois de finances.

Au-delà des travaux d’évaluation effectuée chaque année, il conviendrait de faire en


sorte que cette évaluation soit rattachée à des programmes de dépenses fiscales de
performances, assorties d’objectifs et d’indicateurs de performance. Là aussi, le mode
opérationnel de cette règle budgétaire ne serait pas exempt de difficultés.

Toutefois, ces limites avérées ne doivent, en aucun cas, constituer une entrave pour
étendre cette démarche de performance à la gestion des dépenses fiscales dont les
indicateurs peuvent être mesurés à l’aune du degré de l’efficience et de l’efficacité

143
économique de la mesure incitative. Dans un premier temps, et en attendant d’affiner
l’approche préconisée, il serait préférable de commencer à l’appliquer aux dépenses fiscales
les plus coûteuses, dans l’optique de la généraliser par la suite. Cette performance
recherchée débute, ainsi, par l’établissement d’un programme de dépenses fiscales
triennales, réparties par le département ministériel. Cette programmation tenterait de
renforcer les objectifs sectoriels assignés à chaque mesure dérogatoire répondant au plan de
travail élaboré par le gouvernement, cela, tout en veillant aux impératifs de préservation des
équilibres fondamentaux et en évitant, autant que faire se peut, tout creusement déficitaire
portant préjudice à la santé des finances publiques. En somme, tout travail tentant de
mesurer la performance des dépenses fiscales passe, nécessairement, par l’attribution, à
chaque dépense fiscale, d’objectifs précis et mesurables corrélés à des indicateurs de
performance similaires à ceux appliqués aux dépenses directes.

De fait, le processus de rationalisation devrait, a priori, s’opérer en amont avant


même la création d’une dépense fiscale, et avant même sa naissance, pour en finir avec le
laxisme qui a entaché, depuis des années, le processus de son élaboration. D’ailleurs, la
dimension budgétaire du système des incitations fiscales est le cadet des soucis des
différents départements ministériels, bien qu’ils soient les premiers concernés par l’octroi
des mesures préférentielles touchant leurs secteurs respectifs. Il y a fort à douter qu’un
ministre de la santé, à titre d’exemple, se demande, après son investiture, le coût budgétaire
des dépenses fiscales dédiées à son département, alors qu’il est obnubilé, en permanence,
par la manne du budget, sonnante et trébuchante, affectée au centime près, à la moindre
dépense effectuée par l’entité soumise à sa tutelle.

Il en va de même pour les parlementaires 280 qui donnent vie, par leur vote, à ces
dépenses fiscales sans, toutefois, réaliser l’ampleur de leur impact budgétaire sur les
finances publiques. Il leur est, tout simplement, demandé de cerner la dimension budgétaire
des incitations fiscales, et d’en étudier la portée et le coût, avant de procéder au vote, en
toute connaissance de cause et en leur âme et conscience.

Toujours au stade de leur création, et comme il a été proposé dans le deuxième


paragraphe de la recommandation préconisée par les Assises de 2013, il importe

280
R. AMIROU, « La nouvelle loi organique relative à la loi de finances et la gouvernance financière publique au
Maroc: une analyse critique », Revue Marocaine d’Audit et de Développement, 2016, p. 8.

144
d’appliquer, à chaque mesure incitative nouvellement créée, une limitation de durée.
Autrement dit, chaque article de loi instituant une nouvelle disposition dérogatoire devrait
comporter, impérativement, selon cette consigne, la durée de sa survivance. Faute de quoi,
elle serait nulle et non avenue.

A priori, c’est une initiative louable. Sachant que plusieurs réflexions sur cette
thématique aboutissent à une durée de trois ans, nous pensons que cette limitation devrait
être très étendue dans le temps et, ce, en raison du principe de sécurité juridique du
contribuable. On ne se permettrait plus, à ce titre, de promulguer une mesure incitative dont
la durée serait très courte, sinon on endiguerait un problème pour en créer d’autres, ce qui «
conduirait inévitablement à une insécurité juridique croissante et remettrait en cause la
prévisibilité dont les opérateurs économiques ont ardemment besoin » 281, faute de cela,
cette limitation de la durée proposée spécialement pour stopper la prolifération des
dépenses fiscales, créerait, en cas de durée courte des avantages fiscaux, une autre
prolifération, celle du droit et de ses sources.

Si la loi est un outil légitime et nécessaire à la mise en œuvre des politiques publiques, elle a
également été instrumentalisée, ces dernières années, pour donner de la crédibilité aux
discours politiques. Il semble que l’annonce d’une réforme législative soit devenue le moyen
privilégié des pouvoirs publics pour démontrer leur activité et leur réactivité. Il serait plus
judicieux, donc, d’étendre l’avantage fiscal sur une durée raisonnable et raisonnée, afin que
les prétendants bénéficiaires s’imprègnent de la philosophie, présumée réfléchie, justifiant
la création de cette nouvelle disposition.

« Pour s’épanouir pleinement, l’activité économique et l’esprit d’entreprendre ont


besoin d’un environnement juridique serein. Des changements trop radicaux - ou trop
fréquents - des textes ou de la jurisprudence, ainsi que des difficultés d’accessibilité
représentent autant d’entraves à la liberté d’entreprendre ; en ce sens qu’ils bloquent les
initiatives et perturbent le quotidien du monde des affaires »282.

A cet effet, il est recommandé de refondre le code général des impôts avec des
dispositions dérogatoires comportant des délais raisonnables, des reformulations simples et
des limitations des renvois. Il serait absurde, donc, d’instituer des incitations fiscales dont la
281
A. HAUTEFEUILLE, « Améliorer la sécurité juridique et fiscale des entreprises », op. cit., p. 37.
282
Ibid.

145
durée serait de moins de deux ans, alors que leur mise en œuvre exige parfois des
bénéficiaires, des études préalables au niveau des structures existantes.

De surcroît, les effets de certaines mesures préférentielles ne peuvent être mesurés


qu’après des années, voire des décennies. Pour cette raison, nous recommandons fortement
d’en finir avec les exonérations de courte durée qui engendrent des supputations de ce
qu’elles n’auraient été instituées que pour affranchir de l’impôt certaines opérations
spécifiques, voire pour faire profiter des personnes connues d’avance pour des raisons
politiques, économiques ou, tout simplement, corporatistes. A ce titre, nous approuvons la
limitation de la durée, mais avec un minimum de cinq ans, afin qu’elle coïncide avec le délai
d’un quinquennat. Ce dernier, correspondant à la vie d’un gouvernement présumé,
politiquement correct et raisonnable, permettrait de porter un jugement sur le degré de
réussite de la politique gouvernementale dont la politique de dépenses fiscales fait partie.

Pour légitimer l’octroi d’une dépense fiscale, il faudrait qu’elle soit motivée par un
but non fiscal « et une finalité autre que budgétaire, c’est-à dire une visée sociale,
économique ou environnementale, sinon la niche deviendrait un simple avantage fiscal
injustifié et contraire à l’égalité devant la loi et les charges publiques » 283.

Le même principe peut-il être proposé pour l’extension des dépenses fiscales déjà
existantes ? Le raisonnement est très simple. Si on décide d’allonger la durée de vie d’une
mesure incitative, c’est qu’un argumentaire solide plaide pour son maintien. Il serait, donc,
plus logique, à notre sens, que cette prorogation soit plus longue. Une prolongation, avec
une durée de vie raisonnable, serait mieux accueillie par les contribuables, encore réticents
ou suspicieux à l’égard de l’avantage accordé, car ils auraient, dans ce cas, suffisamment de
temps pour étudier l’impact réel de cette alternative et se concerter, le cas échéant, avec
ceux qui en ont déjà bénéficié, pour décider d’en faire de même en toute sérénité. Les
exemples dans le droit fiscal marocain sont légion.

A titre indicatif, on peut citer l’exemple de la disposition dérogatoire introduite par


l'article 7 de la loi de finances pour l’année budgétaire 2010 qui « a complété l'article 247 du
CGI par un paragraphe XVII qui prévoit en faveur des personnes physiques exerçant à titre
individuel, en société de fait ou dans l'indivision, des mesures fiscales incitatives leur

283
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio-fiscales », op. cit., p. 269.

146
permettant d’adapter leur structure juridique aux exigences des mutations économiques et
de renforcer leur compétitivité. Cette mesure institue un régime fiscal dérogatoire et
temporaire en faveur des opérations d’apport du patrimoine universel des personnes
susvisées, à une société anonyme (S.A) ou à responsabilité limitée (S.A.R.L) créée à cet effet,
en prévoyant des avantages fiscaux en matière d'impôt sur le revenu. Ainsi, les personnes
physiques susvisées sont exonérées de l'impôt sur le revenu au titre de la plus-value nette
réalisée à la suite de l'apport de l'ensemble des éléments de l'actif et du passif de leur
entreprise à une société à responsabilité limitée ou à une société anonyme, à condition que
ledit apport soit effectué entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010 » 284.

Cette mesure incitative avait, donc, une durée de vie d’une année. Mais, depuis 2011,
à chaque nouvelle loi de finances, il lui a été attribué par le législateur une année de
survivance, jusqu'à la loi de finances pour l’année budgétaire 2018, sans que l’on en
connaisse véritablement la raison ; la pérennisation de cette mesure dérogatoire a été
définitivement inscrite dans un nouvel article 161-ter-I du code général des impôts.

Ainsi, et pour en finir avec ce genre de situation embarrassante, aussi bien pour le
contribuable que pour l’administration fiscale, il faut faire en sorte que chaque dépense
fiscale ait, impérativement, une durée de vie raisonnable permettant la réalisation de
l’objectif de politique publique pour lequel elle a été créée. C’est à ce titre qu’il est jugé
impératif de procéder à la mise en place d’un pilotage rationnel des dépenses fiscales, afin
de prévoir, in fine, une évaluation systématique de leur efficacité.

De même, une autre problématique, et pas des moindres, impacte à son tour
négativement la création des dépenses fiscales, à savoir que la quasi-totalité de ces
dépenses sont instituées sans une évaluation préalable. De fait, si l’on décide de créer une
dépense fiscale, c’est qu’il y a, derrière, un objectif de politique publique escompté. Il
conviendrait donc de connaître, par le truchement d’études d’impact, les raisons justifiant la
création de toute dépense fiscale.

Il est proposé, à cet effet, d’informer et d’expliciter, ex ante, les raisons ayant justifié
le recours à toute disposition dérogatoire et, ce, avant même qu’elle ne soit introduite dans
le projet de loi destiné à être voté au parlement. Le même procédé devra être appliqué en
284
DGI, « Note circulaire n° 718 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n° 48-09 pour l'année
budgétaire 2010 ».

147
cas de prorogation de toute dépense fiscale, afin de détailler un argumentaire plaidant en
faveur du prolongement de la durée de cette mesure. C’est en tout cas ce que préconise
Monsieur E. Pichet en ces termes : « il faudrait donc, avant même de discuter de la création
de la mesure au Parlement, obtenir une étude d'impact beaucoup plus détaillée que ce qui
existe, actuellement, en suivant les recommandations du premier Conseil de la
modernisation des politiques publiques, réuni le 12 décembre 2007, qui avait décidé de
définir des règles d'adoption plus strictes pour les dépenses fiscales, règles parmi lesquelles
figurait la subordination de la création de toute dépense fiscale à la réalisation d'une étude
d'impact préalable: cette étude devra comporter une comparaison des outils fiscaux et
budgétaires, afin d'évaluer la pertinence du recours à l'outil fiscal. Les modalités de mise en
œuvre de cette décision devraient être arrêtées lors du prochain Conseil d'orientation des
finances publiques, ce qui aura le mérite d'associer le parlement à l'élaboration du futur
régime des dépenses fiscales »285.

La rationalisation des dépenses fiscales est un processus permanent. Il ne suffit pas


de créer une mesure de politique publique et de la laisser en vigueur, indéfiniment, ou pour
une longue durée, sans pour autant la soumettre à une discipline de contrôle et de suivi
régulier, afin d’évaluer si sa valeur est toujours probante ou bien si, avec le temps, elle est
devenue caduque. A cet effet, il faut instaurer un mécanisme d’alerte capable de signaler, à
tout moment, selon des indicateurs préétablis, l’obsolescence ou l’essoufflement d’une
dépense fiscale.

Il convient, donc, d’élaborer, une stratégie de révision systématique et une force de


proposition pour inviter les pouvoirs publics à conserver une telle dépense fiscale en
l’aménageant, si besoin se fait sentir, ou tout bonnement envisager de la supprimer, si
l’instance de suivi l’a jugée inadaptée et obsolète.

Ainsi, et après cinq lois de finances respectives succédant à l’année de la tenue des
Assises fiscales, nous sommes en mesure, revue analytique à l’appui, de conclure qu’au
stade où nous en sommes aujourd’hui, les déclarations de bonnes intentions ne suffisent
plus. Il faut chercher à changer les paradigmes en vigueur et prévoir des solutions pratiques
et opérationnelles pour aller au-delà de simples recommandations, que l’on ne cesse de
répéter, mais sans aucune suite concrète.
285
E. PICHET,« Théorie générale des dépenses socio-fiscales », op. cit., p. 426

148
En fait, à quoi bon de procéder, chaque année, à la publication d’un rapport de
quatre cent soixante dépenses fiscales recensées, dont quatre cent sept ont été évaluées,
pour le seul but qu’il soit adossé au projet de loi comme le veut la loi organique. Jamais ce
rapport n’a, en effet, été discuté ou, au moins, étudié par nos parlementaires, alors que leur
entière attention est focalisée sur la manne des dépenses budgétaires répartie entre les
départements ministériels qui leur est soumise pour approbation. A ce niveau et dans
l’attente que les dépenses fiscales contenues dans ce rapport aient le même traitement que
les dépenses classiques de la part des élus, nous nous contenterons de leur proposer de
porter un intérêt particulier, au moins, aux nouvelles dépenses fiscales introduites par le
projet de loi avant la ratification. Le premier réflexe parlementaire devrait être d’exiger une
étude d’impact à chaque dépense fiscale, fraîchement créée, corroborée par une grille
d’analyse interministérielle fixant les critères justifiant le recours à cette dépense.

Outre les principes budgétaires vus ci-dessus, il convient, maintenant, de proposer


d’appliquer aux dépenses fiscales d’autres mesures de bonne gouvernance.

B - L’application de principes de bonne gestion aux dépenses fiscales

Comme nous l’avons signalé en introduction, la réduction des dépenses fiscales est la
deuxième piste à explorer, de façon prioritaire, afin de mener à bon port notre vision de
réforme de la politique des dépenses fiscales marocaines.

Après avoir passé en revue les différentes problématiques liées à la gestion


marocaine de la politique de dépenses fiscales, nous pouvons conclure, à ce stade d’analyse,
que les résultats ne sont guère reluisants. Outre leurs effets néfastes sur l’architecture
globale du système de prélèvement, leur impact tient principalement à ce que nous avons
relevé antérieurement, que les mesures préférentielles érodent considérablement le produit
des recettes fiscales, sans être en mesure de justifier, sans équivoque, l’opportunité de leur
utilisation, car le recours à toute dépense fiscale vise normalement la réalisation d’un
objectif prédéterminé en regard de la politique publique du pays.

En effet, le concept de dépenses fiscales s’est imposé ces derniers décennies comme
un instrument incontournable de politique publique qui a vocation à être en plein

149
adéquation avec les choix stratégiques économiques, financiers et sociaux du pays et sans
perdre en vue les principes d’équité, de développement et de solidarité sociale. Le recours à
une dépense fiscale entraine à coup sûr une perte de recettes pour venir en aide à un
secteur productif ou social, ou pour alléger le fardeau fiscal d’une catégorie de
contribuables. Ce manque à gagner aura indubitablement un impact significatif sur le budget
de l’Etat qui ne pourra être légitimé que par la réalisation des objectifs escomptés, chose qui
n’est pas toujours évidente avec la gestion anarchique marquant le pilotage actuel 286 des
dépenses fiscales et qui ne nous renseigne guère sur les effets positifs de ce choix
d’intervention publique. Pour pallier ces défaillances et assurer la rationalisation des
dépenses fiscales, il est préconisée de procéder à la mise en place de mécanismes
susceptibles de suivre une ligne de conduite garantissant plus de lisibilité dans l’octroi des
avantages fiscaux et une plate de forme de gouvernance transparente et techniquement
maîtrisable. La mise en place de ces mécanismes va permettre aux décideurs de juger
continuellement de l’efficacité du dispositif dérogatoire par rapport aux objectifs escomptés.
Il est normal, donc, que le gouvernement commence à se préoccuper, encore une fois, de la
recrudescence des dépenses fiscales, mais la situation est devenue plus inquiétante d’où
l’impérieuse nécessité de s’ingénier à instaurer un dispositif de surveillance permanent et
plus performant, capable d’éclairer les pouvoirs publics dans leur décision de politique
publique de manière à promouvoir la pertinence et la transparence dans leurs choix
stratégiques. Ce dispositif pourrait affiner les indicateurs de mesure des coûts et des
avantages des mesures préférentielles, afin de stopper la dérive budgétaire et l’anarchie
ambiante, sans oublier le renforcement de la reddition des comptes conformément aux
dispositions marocaines de la Constitution de 2011 et la loi organique de 2015.

Ainsi, et pour contrecarrer l’érosion sans cesse de l’assiette, la réduction du poids des
dépenses fiscales est devenue plus qu’inévitable. La question cruciale est cependant de
savoir comment y parvenir ? C’est justement pour contribuer à trouver des éléments de

286
Il faut reconnaitre que,nonobstant, les diverses critiques et recommandations préconisées, le pilotage du
dispositif dérogatoire, malgré l’effort déployé ces dernières années, les résultats sont restés en deçà des
attentes affichées lors des Assises de 2013. L’effort déployé visant la réduction des dépenses fiscales durant la
période 2013-2017, notamment au titre des lois de finances 2014 et 2015 (28 mesures supprimées pour une
dépense estimée de 6 234 millions de DH), s’est vite estompé en raison du maintien des dépenses fiscales à un
niveau moyen de 3,4% du PIB, avec des variations positives de 1,5% et de 4,4% respectivement en nombre et
en montant durant la période en question. La courbe des créations des dépenses fiscales a connu en 2017 et
2018 une tendance haussière vertigineuse avec 18 nouvelles mesures incitatives qui ne font qu’empirer la
situation et plane le doute sur le processus de rationalisation amorcé depuis les Assises de 2013.

150
réponse à cette question qu’il convient de s’inspirer de nombreuses méthodes et pratiques
internationales permettant la mise en marche d’un encadrement contraignant des dépenses
fiscales. « Cette question peut être appréhendée sous l’angle du pilotage budgétaire et de la
mise en place d’une « règle de comportement ». En effet, il peut être tentant de poursuivre
le parallèle avec la dépense budgétaire et de raisonner en termes de norme de dépense
fiscale, par analogie avec le mécanisme de la norme de dépense tel qu’il s’applique à la
dépense budgétaire. Il semble toutefois que les problèmes posés, notamment liés à la
temporalité des dépenses fiscales et aux incertitudes de leur chiffrage, doivent conduire à
écarter un certain nombre d’options, telles que l’idée d’une norme contraignante sur le
stock des dépenses fiscales, au profit d’un dispositif pragmatique et expérimental » 287.

Nonobstant les difficultés auxquelles se heurte la volonté de mettre en place un


nouveau cadre de pilotage des dépenses fiscales au regard de la complexité des différents
problématiques liées à ce concept oxymore, il est devenu impérieux de sortir de cette
léthargie qui n’a fait que durer et tenter de stopper cette dérive dépensière incontrôlée par
l’adoption d’une appréhension budgétaire rigoureuse de manière à contrecarrer l’expansion
de l’univers nébuleux des dépenses fiscales.

Dans cette perspective réformatrice, et afin d’apporter une pierre à l’édifice en


contribuant à la mise en place d’un cadre de pilotage performant et progressiste, nous
jugeons opportun de proposer trois mesures de bonne gestion aux dépenses fiscales : la
mise en place de règles de pilotage, une évaluation permanente et la recherche de leur
optimisation sur le plan budgétaire. mise en place de règles de pilotage, une évaluation
permanente et la recherche de leur optimisation sur le plan budgétaire.

1 - La mise en place de règles de pilotage des dépenses fiscales

Il conviendrait de procéder, selon notre perception de la méthode à emprunter pour


asseoir un cadre normatif dédié au pilotage rationnel des dépenses fiscales, de définir,
prioritairement et sans ambigüité, l’objectif assigné à chaque nouvelle dépense fiscale et
287
C .WENDLING & al., « La dépense fiscale en France : un enjeu crucial pour nos finances publiques », op. cit, p.
754.

151
préciser la raison suprême ayant motivée le gouvernement à opter pour cette alternative au
lieu de choisir la subvention directe. Autrement dit, cet objectif devrait être, selon la
définition proposée auparavant, un objectif exclusif de politique publique répondant
nécessairement à un besoin bien défini de la collectivité, afin de pouvoir qualifier la mesure
incitative de dépense fiscale et non à titre de simple règle fiscale faisant partie de modalités
de calcul de l’impôt, selon la typologie binaire proposée dans ce travail. Une fois ce critère
validé288, il est alors possible de passer à l’étape suivante consistant à s’assurer que l’objectif
escompté ne saperait pas le principe d’’équité fiscale en créant plus de distorsions. Enfin, il
importe de veiller à que cette dépense fiscale soit aisément mesurable et que les modalités
de son chiffrage soient bien connues en vue d’une évaluation solide et sans difficulté
majeure.

A ce titre, la rationalisation du poids des dépenses fiscales requiert la volonté du


gouvernement d’instaurer un dispositif de contrôle et de suivi permanents, afin d’assurer
leur encadrement rationnel et partant, de réduire leur coût qui tend à prendre des
proportions intenables.

Ces procédés se déclinent en deux mécanismes majeurs 289, les mécanismes


d’encadrement et les mécanismes de plafonnement.

a - Le pilotage par des mécanismes d’encadrement

Dans leur politique d’assainissement des finances publiques, afin d’opérer une
meilleure affectation de ses ressources, y compris, de ses dépenses fiscales et pour
reconquérir leur maitrise perdue, les pouvoirs publics ont intérêt à accorder une attention
particulière aux dépenses fiscales et faire suivre l’analyse et la réflexion par une refonte
globale.

Le temps n’est plus aux demi-mesures, mais à la mise en œuvre éclairée d’un
encadrement rationnel et efficace qui permettrait de réaliser des économies budgétaires et
d’en finir avec une gestion quasi-anarchique qui n’a que trop duré.
288
l est proposé à cet effet de constituer une commission ad hoc chargée spécialement de la validation des
dépenses fiscales proposées dans le projet de loi par l’exécutif avant d’être votées par le parlement.
289
F. BARQUE, « La rationalisation du coût des dépenses fiscales », op. cit., p. 28.

152
Parmi les procédés appliqués dans d’autres pays qu’il conviendrait d’utiliser au
Maroc, il y a le dispositif de réduction des dépenses fiscales qui pourrait permettre de tenter
de stopper la tendance haussière du manque à gagner occasionné par la mise en œuvre de
nos dispositions dérogatoires.

La réduction des dépenses peut se faire par divers mécanismes.

Partant du postulat que le coût des dépenses fiscales commence à échapper à toute
maîtrise de la part des gouvernants et que, pis encore, aucune initiative officielle n’a été
entreprise, depuis les Assises de 2013, afin de mettre en œuvre la recommandation de la
rationalisation du système d’incitation en vue de réduire les dépenses fiscales, ce qui
constitue véritablement un goulet d’étranglement pour nos finances publiques, il est temps
de réagir pour stopper les dérives budgétaires. Nous pensons, toutefois, que pour trouver
des solutions rationnelles à ce débordement, il faudrait se fonder sur des études précises et
consacrer le temps nécessaire pour aboutir à une solution adaptée à nos spécificités,
susceptibles de rationaliser le recours à ce dispositif de politique publique.

Mais, d’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts et, peut-être, la ligne
réformatrice que nous préconisons sera dépassée et le remède prescrit sera sans effet.

Nous pensons, en effet, qu’il faut, dans cette perspective et sans attendre, emboîter
le pas à l’expérience française en procédant à l’application provisoire de la méthode connue
sous l’intitulé imagé de coup de rabot ou de scalpel fiscal. Il s’agit d’une « technique de
réduction du coût de certaines niches (fiscales en l'occurrence) particulièrement fruste, qui
consiste à réduire l'avantage d'une catégorie de niches (en général des réductions d’impôt
sur le revenu) de manière homothétique, sans considération de la singularité de chacune
»290.

On reproche à cette méthode son manque de bon sens et son approche brusque, qui
est loin d’être rationnelle.

Nous pouvons proposer, par exemple, une réduction substantielle à raison de 20% ou
de 10% sur les dépenses fiscales les plus coûteuses et les plus critiquées, celles dédiées au
secteur immobilier en premier lieu, et le reste s’en suivra.

290
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio-fiscales », op. cit., p. 438

153
Après avoir appliqué la méthode du coup de rabot 291 dès la première année, nous
proposons dans notre démarche de recherche des mécanismes permanents visant un
encadrement rationnel à nos dépenses fiscales : par exemple le mécanisme connu dans la
doctrine française sous l’appellation de « règle de gage »292.

En vertu de cette règle, aucune dépense fiscale ne saurait prétendre prendre place
dans le code général des impôts qu’à la condition sine qua non que le coût de chaque
dépense fiscale nouvellement créée ou ayant déjà existé, et pour qu’elle fera l’objet d’une
extension, devrait impérativement être compensée par le gain tiré de la suppression ou de la
réduction d’une autre dépense fiscale. Bien que la règle de gage n’ait pas été respectée en
France, compte tenu des difficultés pratiques et de sa vocation d’être une règle proprement
comptable contraire à une gestion rationnelle 293, nous la maintiendrons pour la proposer
comme un outil d’encadrement de l’évolution des dépenses fiscales.

En dépit de cette faiblesse des règles encadrant l’évolution des dépenses, les analyses
ont montré qu’elles ont eu une certaine efficacité dans la période 2009-2013, la forte
croissance des années 2000, ayant fait place à une quasi stabilisation en valeur.

Le pilotage peut se faire, également, par le biais de mécanismes de réduction.

b - Le pilotage par des mécanismes de réduction

Un autre outil, inspiré également de l’expérience récente en France, peut être


appliqué celui de plafonnement permettant de fixer une limite à ne pas dépasser,
proportionnellement, au montant de recette fiscale enregistré.

On peut appliquer soit un plafonnement global dédié aux avantages fiscaux octroyés
à un contribuable, consistant à faire en sorte que le montant du manque à gagner relatif aux
allégements qui lui ont été accordés, ne puisse dépasser un pourcentage de l’impôt dû, soit
un plafonnement spécifique à chaque dépense fiscale, plafonnement qui pourrait
s’appliquer de façon complémentaire et cumulative.

291
Ibid.
292
Ibid.
293
bid, p. 431.

154
Il importe, toutefois, de signaler que ces plafonnements proposés devraient se limiter
aux dépenses fiscales constituant des instruments de politique analogue aux dépenses
budgétaires selon le principe de symétrie. Pour ce faire, une liste exhaustive des avantages
fiscaux concernés par les divers plafonnements devrait être établie d’avance avec les
modalités de calcul.

Parmi les principes de bonne gestion, celui d’une évaluation permanente des
dépenses fiscales s’impose.

2 - L’évaluation permanente des dépenses fiscales

Parallèlement à la mise en place des mécanismes techniques tentant de limiter


l’emballement annuel des dépenses fiscales, un autre travail de fond et de longue haleine
devrait être entrepris, afin d’assurer une gestion pérenne et rationnelle de notre système
fiscal d’incitation. Cette démarche consiste à passer au crible chaque dépense fiscale
octroyée, afin de se prononcer sur le sort à réserver à chacune d’entre elles : la sauvegarder,
l’aménager si besoin est, ou encore la supprimer. Cela présuppose, à notre sens, la mise en
œuvre d’une volonté politique de rompre avec tout ce qui relève de la rente fiscale.

En fait, cela revient à se poser la question de savoir quand peut-on continuer à


maintenir des incitations fiscales dont l’objectif premier est d’obtenir des agents ou acteurs
économiques un retour déterminé ou l’adoption d’un comportement spécifique affiché par
les pouvoirs publics pour des raisons économiques ou sociales, sans jamais vérifier, pour
autant, si le résultat obtenu a valu le sacrifice fiscal effectué ?

Autrement dit, en l’absence d’un retour positif, la dépense fiscale engagée est
considérée sans engagement et sans effet sur le comportement recherché. Il s’agit, donc,
soit d’une erreur de ciblage, soit d’une mauvaise opérationnalisation.

Sans vouloir émettre un jugement de valeur, nous sommes, toutefois, convaincus que
les règles de la bonne gouvernance plaident pour une suppression pure et simple de
l’avantage fiscal accordé sans retour positif.

155
Partant de la position soutenue méthodiquement dans ce travail, à savoir que le
recours aux dépenses fiscales comme instrument de politique publique n’est pas condamné
en tant que tel, mais que ce sont plutôt les voies de sa mise en œuvre qui prêtent à
discussion, nous partageons parfaitement la position de l’assemblée nationale francaise sur
les niches fiscales lorsqu’il confirme que « la dépense fiscale est, en soi, un bon outil de
politique économique et sociale. Il est en effet, parfaitement, légitime de créer des régimes
fiscaux dérogatoires, afin de favoriser tel comportement économique ou de modifier la
distribution des richesses nationales »294.

Loin de vouloir défendre l’instrumentalisation de l’outil fiscal pour promouvoir


certains objectifs économiques et sociaux, nous nous associons, volontairement, à
l’approche réformatrice préconisée par Monsieur E. Pichet par laquelle il ne remet
nullement en cause les dépenses fiscales, mais plutôt leur légitimité en la résumant à trois
questions majeures :

 « La dépense fiscale utilisée remplit-elle un objectif utile ?


 Est- elle efficace ?
 Peut-on la remplacer, avantageusement, par une dépense budgétaire ? »

Selon cette approche, la problématique des dépenses fiscales change brusquement


de direction. En fait, ce n’est pas le coût considérable de ces dépenses fiscales, en soi, qui est
problématique, mais plutôt l’usage qui est fait de cet instrument fiscal. Ce ne sont pas les
trente-quatre milliards que le gouvernement renonce à collecter, selon les dernières
évaluations, qui sont vraiment problématiques.

Evoquer les dépenses fiscales aboutit, couramment, à leur reprocher leur inefficacité
sans, toutefois, préciser la portée de l’efficacité attendue.

La dépense fiscale est qualifiée, a priori, d’efficiente chaque fois que son objectif est
nettement défini et sa mise en application étalée sur une période déterminée, avec un
sacrifice fiscal proportionné aux résultats attendus. Mais, en réalité, atteindre l’efficacité
requise n’est pas aussi facile à faire qu’à dire, tellement de confusions et d’amalgames
entourent l’octroi des dispositions dérogatoires en faveur de l’investissement ou de la
redistribution. Pourtant, aucun effort n’a été effectué pour étudier l’efficacité de l’incitation
294
D. MIGAUD, G. CARREZ et al., « Rapport d’information sur les niches fiscales », op. cit., p. 9.

156
fiscale et pour se prononcer sans équivoque sur l’impact réel de ces dispositions en fonction
des objectifs qui leur ont été assignés. Le gouvernement, dans l’état actuel des choses, est
incapable de se prononcer sur chaque dépense fiscale et dire si elle a atteint ou pas l’objectif
qu’elle s’était fixée lors de sa création. A ce titre, nous proposons que l’ensemble des
dépenses fiscales répertoriées parmi les instruments de politique publique soit passé au
crible « sous forme de tamis ou de filtre destinés à séparer le bon grain des dépenses utiles à
la société (et donc légitime) de l’ivraie des niches inutiles, trop coûteuses, ou néfastes (et
donc illégitimes) »295.

En somme, notre démarche constitue l’esquisse d’une réforme rationnelle du


système des incitations fiscales. Le fil conducteur est de catégoriser l’ensemble des
dispositions dérogatoires en deux blocs : le premier réservé aux mesures dérogatoires qui
s’apparentent à des allégements structurels ou à des modalités de détermination de l’impôt
dont le but recherché est purement fiscal. Le second est celui appréhendé comme un
instrument de politique publique et, par ricochet, il pourrait être rattaché, par essence, aux
programmes budgétaires des départements ministériels de l’Etat.

Au terme de ce travail sélectif, nous pourrons être en mesure d’appliquer notre ligne
réformatrice du système d’incitations fiscales telle qu’elle est recommandée par les Assises
nationales et, ce, au moyen de deux procédés, la suppression pure et simple des dépenses
jugées, selon la sentence rendue, inutiles et sans effet, et la conservation de celles dont les
résultats réalisés plaident pour leur maintien.

Enfin, une autre règle de bonne gouvernance des dépenses fiscales consiste à
rechercher l’optimisation budgétaire.

3 – La recherche de l’optimisation budgétaire des dépenses fiscales

Le recours à la dépense fiscale comme un instrument d'intervention publique est


essentiellement dicté par sa capacité à se substituer à une dépense budgétaire, mais encore
faut-il que le choix de ce recours soit jugé le plus adéquat possible par rapport aux autres
instruments de politique publique. Cette substitution ne veut aucunement dire que ce

295
E. PICHET, « Théorie générale des dépenses socio-fiscales », op. cit., p. 431.

157
recours est la meilleure alternative possible imposée au gouvernement dans la mise en
œuvre de sa stratégie économique et sociale, mais ce choix « gagnerait, comme il est
recommandé par le Conseil des impôts, à être davantage explicite et documenté,
notamment, dans les études d'impact qui accompagnent les projets de lois concernés » 296.

Dans cette perspective, deux critères peuvent être proposés pour justifier le choix
d’une dépense fiscale plutôt qu’une dépense budgétaire.

Le premier critère devant permettre de faire appel aux instruments fiscaux comme
une solution de rechange aux dépenses directes, est sans aucun doute, le degré de la
pertinence du choix effectué. Afin de promouvoir ses objectifs économiques et sociaux, le
gouvernement a recours à de multiples outils d’intervention publique.

En application des règles de bonne gouvernance, il est contraint de choisir


l’instrument d’intervention publique le plus adéquat capable de mener à bien cette
politique. Ainsi, avant toute démarche interventionniste, les décideurs devront passer au
crible les différents aspects de chaque instrument public, afin de faire valoir celui qui est le
plus pertinent et le plus performant d’entre eux pour la mise en œuvre du programme
envisagé.

Pour ce faire, il importerait, donc, de décider de ne recourir à une dépense fiscale


qu’après avoir comparé son coût évalué avec celui de la dépense directe. Cela permettrait de
choisir la démarche d’intervention la moins coûteuse du point de vue budgétaire. Il serait
donc judicieux, à cet effet, d’établir un procédé comparatif entre l’ensemble des instruments
conférés à l’Etat, en vue d’élire le plus performant ou le moins coûteux proportionnellement
aux objectifs escomptés.

Le concept de dépenses fiscales est un instrument public à forts enjeux budgétaires


et tout recours à ce procédé devrait, dorénavant, être traité avec beaucoup de rationalité et
de rigueur.

Outre l’application de ces deux critères, pour optimiser budgétairement les


instruments d’intervention publique par un choix pertinent, il faut également procéder à la

296
CONSEIL DES IMPÔTS, « La fiscalité dérogatoire, pour un réexamen des dépenses fiscales », op. cit., p. 182

158
suppression des dépenses jugées inefficaces ou exploitées comme niche d’optimisation
fiscales.

a - La suppression des dépenses fiscales inefficaces

Dans le souci d’assurer plus d’efficience à l’usage de l’instrument de dépenses


fiscales, il est fortement recommandé d’examiner si les conditions d’attribution sont
propices ou bien elles nécessitent, indispensablement, l’intervention d’une administration
spécialisée, sinon il serait, dans ce cas, plus approprié de faire appel à une dépense
budgétaire. Par ailleurs, il serait insensé de faire appel aux dispositions dérogatoires prévues
par les dispositions du code général des impôts, sans mesurer, en concomitance, le coût
supporté par l’entité chargée par la loi, de leur mise en application, en l’occurrence
l’administration fiscale, coût de gestion que l’évaluateur marocain n’a jamais pris en compte
dans les différents rapports élaborés depuis 2005. Pourtant une bonne partie de ces
dépenses fiscales ne sont attribuées qu’après l’accomplissement des procédures nécessitant
l’intervention d’agents de l’administration fiscale et la mise en œuvre d’une logistique très
importante, afin de valider, ou non, l’octroi desdites dépenses et cibler, sans risque de
déperdition, la population fiscale bénéficiaire.

Nous sommes, donc, entièrement d’accord pour une approche préconisant une
évaluation qui prendrait en compte le coût de gestion adossé à chaque dépense fiscale et
tenter, en conséquence, de conclure, dans quelle mesure, il serait rationnel d’entériner un
tel choix ou recourir, tout bonnement, à une dépense budgétaire.

En somme, le pilotage des dépenses fiscales devrait, en principe, faire partie du


pilotage réservé aux finances publiques. Son objectif est d’assurer un meilleur emploi des
dispositions dérogatoires. L’enjeu budgétaire de ces dépenses fiscales en constante
croissance nécessite vraiment une réforme imminente. Elles sont, à la fois, responsables des
failles du système fiscal et du creusement du déficit 297 depuis presque deux décennies. Le
foisonnement des dépenses fiscales n’a d’égal que le silence assourdissant des élites
politiques et de leurs partis respectifs à l’égard des incidences financières, et les vices, tant

297
K .WEIDENFELD, « A l’ombre des niches fiscales », op. cit., p. 1.

159
budgétaires, économiques et sociaux que politiques, de la notion de dépense fiscale dans un
contexte marqué par un marasme financier sans précédent.

Or, la revue analytique des lois de finances successives depuis 2014 nous a enseigné,
chiffres à l’appui, que les faits sont têtus et qu’ils l’emportent sur le discours. L’euphorie des
Assises s’est vite éteinte, et la chasse aux incitations infondées s’est vite métamorphosée en
un retour effréné à la création de nouvelles dépenses fiscales, reportant, ainsi, la réforme
préconisée aux calendes grecques. Ce laxisme dans la création explique le foisonnement des
dépenses fiscales et, ce, en absence d’un pilotage d’encadrement, à l’instar de ce qui fait
pour les dépenses budgétaires avec la norme d’évolution des dépenses.

Devant la multiplication incontrôlée des mesures incitatives, il importe, aujourd'hui


plus que jamais, d’instaurer une discipline rigoureuse, afin de ne laisser prospérer que les
dispositions dérogatoires qui sont réellement nécessaires et pour lesquelles le recours à un
dispositif fiscal, plutôt qu’à une dépense budgétaire, a fait preuve de la plus grande
efficacité. Afin de contribuer à la baisse des taux d’imposition et de réduire le montant
actuel des recettes, il convient d’améliorer les règles de gouvernance des dépenses fiscales
et des mesures de même nature en matière de finances sociales. Toute création de dépense
fiscale nouvelle sera subordonnée à la réalisation d’une étude d’impact préalable et
comportant une comparaison des outils fiscaux et budgétaires.

On a souvent reproché, à raison d’ailleurs, aux dépenses fiscales d’être le premier


facteur de complexité du système d’imposition. Cette complexité est, en fait, la résultante de
la combinaison de plusieurs rôles confiés simultanément, à l’impôt. Ce dernier est chargé,
principalement, de drainer des fonds vers les caisses de l’Etat lui permettant, ainsi, de
couvrir les charges publiques. Mais, en concomitance, il est appelé à se métamorphoser en
un instrument d’intervention au service des politiques sociales, économiques et culturelles. Il
lui est, également demandé de lutter contre l’inégalité par une redistribution de la richesse.
Aussi, reprocher à la fiscalité d’être très complexe et en même temps souhaiter qu’elle soit
très simple, juste et efficace, c’est vouloir gagner sur tous les plans. Dans l'absolu, ce vœu est
légitime, mais, en réalité, les choses sont d’une grande complexité.

Heureusement que la critique dont fait souvent l’objet la fiscalité « n’a plus de
vocation à cantonner l’impôt à une fonction budgétaire ou à justifier la réduction des

160
prélèvements ; elle vise, au contraire, à en accroître le produit, sans acter une augmentation
des taux »298.

Dans cette perspective les pouvoirs publics sont, constamment contraints de


résoudre cette équation à trois paramètres : l’équité, la neutralité et la simplicité. La tâche
n’est pas techniquement facile, mais l’enjeu vaut largement de tenter de réduire les
distorsions constatées.

Asseoir une fiscalité simplifiée permettrait d’avoir une vision claire des règles
appliquées et de les utiliser au profit d’un système d’imposition plus juste et équitable. La
visibilité requise nous aiderait à stopper les dérives et limiter les tares du système actuel, à
commencer par la remise en cause de la multiplicité d’avantages accordés à une catégorie
de contribuables, sans être toutefois justifiés à tous les points de vue. Aussi une fiscalité
simple est le garant de son efficacité. Trop complexe, la structure de la fiscalité « peut
parfois déstabiliser le contribuable, au point que la norme fiscale lui devient inaccessible. Il
n’est, en effet, pas toujours évident de trouver la norme applicable » 299. Un impôt fondé sur
des agrégats hétérogènes et une législation peu limpide ne favorise guère l’adhésion
spontanée des citoyens.

Dans ce contexte, simplifier la fiscalité dérogatoire est une autre voie de réforme que
nous recommandons au terme de ce travail de recherche.

Il est fortement recommandé de faire en sorte de concevoir un impôt à base large et


à taux faibles. Une assiette large ne pourrait fonctionner sans déclencher le coup de rabot
évoqué plus haut et qui doit se combiner à un système de veille permanent présidant toute
création de dépense fiscale. Encore faut-il, systématiquement, passer au crible, les dépenses
déjà existantes, afin de les réaménager en cas de besoin ou, tout simplement, les supprimer
en cas de défaillance patente.

La revue analytique que nous avons effectuée dans ce travail, nous enseigne que la
combinaison d’une assiette plus large, par la suppression d’une partie des dispositions
dérogatoires et des taux modérés, pourrait faire bon ménage dans une version nouvelle du
système fiscal actuel.

298
K .WEIDENFELD, « A l’ombre des niches fiscales », op. cit., p. 111.
299
J. BUISSON, « La sécurité fiscale », Ed. L’Harmattan, 2011, p. 15.

161
Toutefois, afin ne pas bousculer le régime en vigueur et compromettre, ainsi, un
travail de plus de trois décennies, nous proposons que le chantier de simplification se limite,
en premier lieu, à analyser uniquement les dépenses fiscales constituant des instruments de
politique publique selon la symétrie préconisée auparavant et faire en sorte d’épargner « les
allégements structurels » qui font partie de l’équilibre de l’impôt 300.

A ce titre, la ligne réformatrice visant la suppression de certaines catégories de


dépenses fiscales concernerait celles consignées, sans chiffrage, dans le rapport annuel et
dont l’évaluation de leur coût est jugée de minime importance. Leur suppression est motivée
par deux raisons : la première est que puisque les termes même du rapport témoignent que
leur portée très faible, donc leur impact sur la politique publique est, de facto, dérisoire ; la
seconde raison est intimement liée à la première : son coût de minime importance plaide
pour sa suppression sachant qu’elle complexifie, inutilement, la structure fiscale.

Dans le même ordre d’idées, une autre catégorie de dépenses fiscales mériterait
d’être concernée par la réforme de simplification proposée. Il s’agit de supprimer les
différentes dépenses fiscales qui, bien qu’elles soient, contrairement, aux précédentes,
évaluées et chiffrées, ont des coûts respectifs insignifiants, mais rendent le système fiscal
encore plus complexe.

Un autre problème, lié cette fois-ci à l’évaluation du coût de certaines dépenses


fiscales, autorise à plaider pour leur suppression dans le cadre de la politique visant la
simplification du système fiscal. Il s’agit de la quantité de mesures incitatives répertoriées
dans le rapport annuel comme dépenses fiscales recensées, mais non évaluées pour des
raisons non affichées. A titre illustratif, le rapport sur les dépenses fiscales accompagnant le
projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2018 fait ressortir un nombre de quatre
dix-huit mesures recensées, parmi lesquelles trois cent neuf, uniquement, ont fait l’objet
d’évaluation, soit 73,9% des mesures recensées. Autrement dit, le coût du manque à gagner
de 26,1% est inconnu.

Les impératifs des règles de bonne gouvernance, dans le cadre de la politique de


rationalisation du système incitatif recommandée par les Assises, penchent pour une

300
CONSEIL DES IMPÔTS, « La fiscalité dérogatoire, pour un réexamen des dépenses fiscales », op. cit., p. 182.

162
suppression pure et simple chaque fois qu’une mesure recensée n’a pas été évaluée, pour
une raison technique ou autre.

Seule l’absence, à notre avis, du chiffrage d’une mesure offre l’opportunité de s’en
débarrasser une fois pour toutes. Ainsi, nous pourrions faire d’une pierre deux coups : nous
serions tenté de l’exclure des mesures catégorisées en tant que dépense fiscale afin qu’elle
n’alourdisse pas, dans le futur, la facture déjà lourde. Mais, le plus important est de la
supprimer en raison de son manque d’évaluation dans le cadre du processus de
simplification entamée. En définitive, il conviendrait d’instaurer la condition d’estimation
d’une dépense fiscale comme une règle impérative pour déclarer sa création.

Après avoir proposé de supprimer les dépenses inefficaces, nous pouvons préconiser
celles des dépenses exploitées comme niches d’optimisations fiscales.

b - La suppression des dépenses fiscales exploitées comme niches


d’optimisation fiscale

Il est, généralement, admis que la fiscalité marocaine est « relativement libérale, car
elle offre, fréquemment, le choix entre plusieurs solutions. Là comme ailleurs, il est de bon
choix et de mauvais choix. Mais on sent immédiatement que si une certaine habilité fiscale
est une vertu respectable, elle ne doit pas, à peine de devenir coupable, franchir certaines
bornes »301. Il a été constaté que plusieurs corporations se sont spécialisées dans la
sécurisation des avantages fiscaux, en faisant fi des objectifs de politique publique qui leur
ont été assignés en amont par la confection de montages juridiques complexes. C’est
pourquoi « la chasse à l’optimisation fiscale est une priorité budgétaire, avant même de
justice sociale. L’optimisation fiscale, en permettant d’échapper à l’impôt, diminue d’autant
les recettes fiscales : elle est en contradiction absolue avec l’objectif de rendement
budgétaire. En conséquence, les « niches VIP » utilisées pour l’optimisation fiscale doivent
être supprimées en priorité ».

Bien qu’elles aient été créées pour des raisons très légitimes dans leurs principes,
elles ont été détournées par des subterfuges à des fins d’optimisation fiscale. A ce titre, on

301
M. COZIAN & F. DEBOISSY, M. CHADEFAUX, « Précis de fiscalité des entreprises », op. cit., p. 518.

163
peut citer l’exemple des montants des dons en argent ou en en nature octroyés à certains
organismes qui sont déductibles, sans plafonnement, du revenu global imposable.

Ainsi, des contribuables procèdent à la déduction de montants faramineux, afin


d’éviter toute contribution au profit du Trésor pour des objectifs électoralistes et politiques.

La chasse à ce genre de dépenses fiscales est, donc, une exigence budgétaire, mais
avant tout éthique. De fait, ces dérapages portent préjudice aux « fondements mêmes d’une
fiscalité efficace et équitable base du consensus social et du consentement du citoyen à
l’impôt »302.

De surcroît, d’autres dépenses fiscales sont dans le viseur du fisc du fait de leur
injustice sociale et de leur caractère antiéconomique. Elles doivent, donc, être revues de
fond en comble, afin d’être rendues conformes à leur raison d’être, qui est d’être digne d’un
instrument de politique publique.

La déduction sur le revenu global imposable dans la limite de 10%, en vue de


l’acquisition ou de la construction de logement à usage d’habitation principal, est vraiment
emblématique. L’objectif dans le rapport sur les dépenses fiscales est de faciliter l’accès au
logement.

Dans son principe, cette mesure incitant à l’accès au logement est plus que louable,
car elle permet à des personnes issues de milieux défavorisés ou appartenant à la classe
moyenne l’acquisition ou la construction d’un logement destiné à l’habitation, afin qu’elles
deviennent propriétaires, a priori, pour la première fois. Mais, étendre cet avantage à des
contribuables qui achètent ou construisent des villas de grandes superficies et dans des
quartiers huppés laisse pantois le chercheur devant la vraie signification de l’objectif retenu
à cette dépense qui est de faciliter l’accès au logement 303. Cette mesure élaborée sans
condition de ressources applicables aux bénéficiaires mériterait elle aussi, selon nous, d’être
supprimée pour les contribuables à revenus très élevés.

Conclusion du Chapitre II

302
E. PICHET,« Théorie générale des dépenses socio-fiscales », op. cit., p. 25.
303
DGI, « Rapport sur les dépenses fiscales 2018 », op. cit., p. 87.

164
Au constat de tous les éléments de la problématique débattue, le consensus autour
de la nocivité catégorique des dépenses fiscales n'est pas à discuter. Ainsi, et avant de
critiquer l’ensemble des mesures dérogatoires, il serait judicieux de les passer au crible afin
de détecter, en premier lieu, les bonnes mesures dérogatoires des mauvaises.

Ainsi, le gouvernement marocain a mis en place une multitude de mesures pour


améliorer l'efficacité des dépenses fiscales.

Toutefois, on peut avancer qu’après un début soutenu en 2014, et notamment en


2015, que la réforme des dépenses fiscales marocaine s’est vite essoufflée et son rythme
ascendant s’est soudain estompée en 2016. Partant de ce constat sans équivoque, et afin de
proposer une réforme du système des incitations et redonner du sang neuf à la refonte
entamée des dépenses fiscales, il importerait d’instaurer un pilotage rigoureux et permanent
pour pouvoir mener une politique fiscale efficace et efficiente.

Notre revue analytique de la réforme du système des incitations fiscales préconisée


par les Assises nationales de la fiscalité, nous a permis de présenter quelques pistes à
explorer pour une gestion rationnelle du système des incitations. Pour ce faire, nous avons
proposé une série d’outils de recadrage permettant de stopper la dérive budgétaire des
dépenses fiscales, sous forme de mécanismes présidant, aussi bien, à la création qu’au suivi
des dépenses fiscales. Aussi, nous suggérons l’instauration des procédés se déclinant en
deux dimensions d’encadrement : un encadrement d’ordre collectif et encadrement d’ordre
individuel.

En outre, il faut procéder à un choix optimal du ou des secteurs qui pourront


bénéficier d'avantages fiscaux, avec bien sûr une rationalisation de leur gestion, dans le but
de réduire le manque à gagner et la pression exercée sur la trésorerie du Maroc.

165
Conclusion Générale

En guise de conclusion, il semble opportun de signaler que le nombre de dépenses


fiscales ne cesse d'augmenter d'année en année. Ceci étant dit, une réforme du dispositif
actuel s'impose.

Comme il a été relevé lors de notre revue analytique, la question de la réforme du


dispositif dérogatoire, au-delà du discours ambiant, n’a pas franchi le stade de débats
embryonnaires. Par contre, elle continue de faire les grands titres de la presse en devenant
chaque année, à l’approche du vote de la loi de finances, le sujet de prédilection des revues
spécialisées.

La tendance générale est, donc, pour une refonte radicale de la politique des
dépenses fiscales au Maroc. Selon ses détracteurs, toute réforme fiscale envisagée serait

166
ainsi vouée à l'échec, si elle ne s'attaquait pas frontalement aux niches fiscales qui parasitent
le système d’imposition.

Pour ces raisons, leur bannissement serait une urgence et leurs failles exigeraient de
s'y attaquer, d’autant plus que les caisses de l’Etat sont structurellement en peine de
financement depuis des années. La suppression de ces mesures d'exception serait donc une
inestimable bouffée d'oxygène budgétaire en ces périodes, voire cycles de vaches maigres.

Toutefois, le système actuel pourra être efficace à condition de cibler les secteurs ou
les personnes bénéficiaires, et de mener, tout le temps, les études d'impact nécessaire avant
la prise de décision par les décideurs marocains.

Listes des Annexes:

 Annexe 1 : Comparaison des dépenses par type d’Impôts


 Annexe 2 : Analyse des dépenses par secteur d’activité
 Annexe 3 : Analyse des dépenses par type de dérogation

167
Annexe 1 : Comparaison des dépenses par type d’Impôts

168
Analyse des dépenses en nombre

169
Annexe 2 : Analyse des dépenses par secteur d’activité

170
171
172
Analyse en valeur par secteur d’activité pendant la période 2014- 2017

173
174
Annexe 3 : Analyse des dépenses par type de dérogation

175
Analyse en valeur

176
BIBLIOGRAPHIE

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 Rapport d'activité de la Direction Générale des Impôts pour l’année 2014.
 Rapport d'activité de la Direction Générale des Impôts pour l’année 2015.
 Rapport d'activité de la Direction Générale des Impôts pour l’année 2016.
 Rapport d'activité de la Direction Générale des Impôts pour l’année 2017.
 Rapport d'activité de la Direction Générale des Impôts pour l’année 2018.
 Rapport de la Banque mondiale, « Problématique et perspectives du secteur
public»,1992.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2006.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2007.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2008.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2009.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2010.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2011.
 Rapport sur la dépense fiscale relative au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2012.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2013.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2014
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2015.

183
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2016.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2017.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2018.
 Rapport sur les dépenses fiscales relatives au projet de loi de Finances pour l’année
budgétaire 2019.

184
Table des matières

Sommaire..........................................................................................................................................2
Table des principales abréviations....................................................................................................3
Introduction Générale.......................................................................................................................5

Chapitre I : L’analyse des dépenses fiscales marocaines contemporaines........................................8


Section I - La gestion marocaine des dépenses fiscales...................................................................10
1 – Le cadre général des dépenses fiscales marocaines...............................................................11
A - La dimension dérogatoire et la dimension budgétaire des dépenses fiscales..................13
B - Le système marocain de référence......................................................................................21
1 - Le régime de base relatif à l’impôt sur les sociétés........................................................27
2 - Le régime de base relatif à l’impôt sur le revenu...........................................................28
3 - Le régime de base relatif à la TVA..................................................................................29
2 - La démarche méthodologique marocaine dans la gestion des dépenses fiscales...................30
A - L’inventaire préalable des dépenses fiscales marocaines...................................................30
1 - Les classifications structurelles.......................................................................................33
a - Les classifications relevant de structures fiscales.......................................................34
b - Les classifications relevant des structures socio-économiques.................................36
2 - Les classifications techniques.........................................................................................38
a - La classification des dépenses fiscales marocaines par nature de dérogation.....38
b - La classification des dépenses fiscales par objectif....................................................39
B - L’évaluation nécessaire des dépenses fiscales....................................................................40
1 - L’élaboration d’un rapport périodique sur les dépenses fiscales..................................40
2 - Les méthodes spécifiques d’évaluation des dépenses fiscales......................................43
Section II : La rationalisation hypothétique des dépenses fiscales depuis les Assises nationales sur
la fiscalité (2013 à 2019)...................................................................................................................44
1 - Les modalités de la rationalisation des incitations fiscales dans les lois de finances successives
de 2013 à 2019.............................................................................................................................47
A - La rationalisation par suppression de dépenses fiscales existantes....................................48
1 - Les incitations fiscales supprimées en matière d’impôts sur les revenus ou les
bénéfices..............................................................................................................................48
a - Les suppressions relatives à l’impôt sur le revenu.....................................................49
b - Les suppressions relatives à l’impôt sur les sociétés..................................................50
2 - Les incitations fiscales supprimées en matière d’impôts sur le chiffre d’affaires..........51

185
a - Le reclassement d’opérations exonérées en opérations imposables........................51
b - Le passage d’opérations taxées d’un taux inférieur à un taux supérieur..................55
B - La rationalisation par création de dépenses fiscales nouvelles...........................................56
1 - Les incitations fiscales nouvelles en matière d’impôts directs......................................56
a - Les créations de dépenses fiscales relatives à l’impôt sur le revenu.........................57
b- Les créations de dépenses fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés.......................61
2 - Les incitations fiscales nouvelles en matière d’impôts indirects...................................63
a - Les créations de dépenses fiscales relatives à la TVA.................................................63
b- Les créations de dépenses fiscales relatives aux droits d’enregistrement et de timbre
..........................................................................................................................................64
2 - Le bilan de la rationalisation des dépenses fiscales.................................................................65
A - Les dépenses fiscales marocaines : déperdition de ressources et opacité budgétaire........67
B - La nouvelle refonte méthodologique de la gestion des dépenses fiscales amorcée en 2018
..................................................................................................................................................69
Conclusion du Chapitre I...................................................................................................................84

Chapitre II - La nécessaire réforme générale du régime incitatif marocain actuel............................86


Section I - Les critiques formulées à l’encontre du régime incitatif marocain..................................87
1. Une nécessaire clarification des critères de la notion de dépenses fiscales.............................88
A. Les dépenses fiscales : une moins-value budgétaire perpétuellement en hausse................94
B. Les dépenses fiscales : un instrument de politique publique mal contrôlé..........................99
2. Une évaluation encore sujette à caution................................................................................106
A. Limites d’estimation du coût des dépenses fiscales...........................................................108
B. Le rapport sur les dépenses fiscales : une image tronquée de la réalité............................115
Section II - Les voies de réforme préconisées pour le régime incitatif marocain............................119
1 - L’élaboration d’un nouveau cadre méthodologique des dépenses fiscales...........................122
A - L’élaboration d’une définition répondant à la norme Surreyenne des dépenses fiscales. 123
B – La révision de la typologie des dépenses fiscales.............................................................129
2 - L’inscription du cadre normatif des dépenses fiscales dans la gestion budgétaire globale...137
A - L’application de principes budgétaires aux dépenses fiscales...........................................138
1 - L’attribution d’une norme aux dépenses fiscales à l’instar de celle applicable à la
dépense budgétaire...........................................................................................................140
2 - L’institution de la règle de performance budgétaire dans la gestion des dépenses
fiscales................................................................................................................................144
B - L’application de principes de bonne gestion aux dépenses fiscales..................................150

186
1 - La mise en place de règles de pilotage des dépenses fiscales......................................153
a - Le pilotage par des mécanismes d’encadrement.....................................................153
b - Le pilotage par des mécanismes de réduction.........................................................156
2 - L’évaluation permanente des dépenses fiscales..........................................................156
3 – La recherche de l’optimisation budgétaire des dépenses fiscales..............................159
a - La suppression des dépenses fiscales inefficaces.....................................................160
b - La suppression des dépenses fiscales exploitées comme niches d’optimisation
fiscale.............................................................................................................................164
Conclusion du Chapitre II................................................................................................................166

Conclusion Générale......................................................................................................................168
Listes des Annexes:........................................................................................................................169
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................178
Table des matières........................................................................................................................186

187

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