BLPC 265 61-87
BLPC 265 61-87
BLPC 265 61-87
la programmation de travaux
Pierre JOUBERT, d’entretien au Monténégro
François BRILLET*,
Daniel MEIGNEN
Laboratoire central des ponts et chaussées
■ RÉSUMÉ
Le LCPC est intervenu en appui du bureau d’études BCEOM pour mettre en place
un système de gestion de l’entretien des chaussées pour le compte de la direction
des Routes du Monténégro. L’étude a porté sur les 1 827 km du réseau national
de ce pays. Les interventions du LCPC ont porté sur la création d’une banque de
données routières, son alimentation et son analyse par des méthodes statistiques
et cartographiques, puis sur l’application de logiciels spécialisés : le modèle
HDM-4 (Highway Development and Management) pour l’optimisation technique,
économique et budgétaire des stratégies d’entretien, et le logiciel LCPC GiRR
(gestion intelligente des réseaux routiers) pour la programmation pluriannuelle des
travaux. À cette occasion, GiRR a été traduit en anglais et des grilles de décisions
propres au contexte ont été mises au point. La méthode VIZIR, créée par le LCPC
pour les réseaux à faible trafic, a servi de base aux relevés visuels, à la notation
d’état des chaussées et à l’application des grilles de décision.
INTRODUCTION
Suivant les contrats, le LCPC a été mis à contribution pour tout ou partie de ce schéma ; pour l’étude
décrite ici, l’action du LCPC a porté sur tous les points, à l’exception des mesures de déflexion et
des sondages.
■ Le contexte du Monténégro
L’étude du réseau routier du Monténégro se situe dans le cadre d’une « étude de faisabilité »,
financée par l’Agence européenne de reconstruction (EAR) et confiée au bureau d’études BCEOM
(société française d’ingénierie) à la suite d’un appel d’offres international ; outre le LCPC et le
BCEOM, cette étude faisait appel au consultant danois COWI, chargé des mesures de déflexion,
ainsi que de la réalisation et de l’exploitation des sondages. Le bénéficiaire de l’étude a été le
département pour l’Entretien de l’infrastructure routière et ferroviaire (DMRRI = Department for
the Maintenance of the Road and Railway Infrastructure), qui dépend du ministère des Affaires
maritimes et des Transports. Pour des raisons historiques, cette administration est souvent désignée
comme « direction des Routes » (Road Directorate). Cette étude s’est étalée sur presque un an,
entre septembre 2002 et juillet 2003.
Le Monténégro (Crna Gora, littéralement « Montagne Noire ») est un pays qui, malgré sa taille
(13 800 km2 pour 615 000 habitants), a connu une histoire qui lui est propre : de royaume indépen-
dant, il est devenu en 1919 une composante de la Yougoslavie. De 1991 à 2006, il est resté associé
à la Serbie avant de s’engager sur la voie d’une nouvelle indépendance. Ce parcours lui a valu de
participer à une économie étatisée, puis aux combats qui ont suivi l’éclatement de la Yougoslavie ;
bien que relativement épargné par les destructions, le Monténégro a partagé avec la Serbie dix ans
d’économie de guerre et d’embargo international, ce qui explique en grande partie l’état actuel de
son économie et de son réseau routier.
Le réseau étudié (figure 1) totalise 1 827 km, dont 1 685 km revêtus. Les trafics sont dans l’en-
semble faibles (moins de 1 000 véhicules par jour pour 1 180 km), en dehors des axes principaux
qui sont :
– la route côtière entre les principales zones touristiques (Herceg-Novi, Kotor et Budva) et le prin-
cipal port (Bar) ;
– les liaisons entre la capitale et les deux autres grandes villes (Cetinje et Nikšić).
Le trafic transfrontalier vers l’Est (Albanie) reste très faible, et celui vers l’Ouest (Bosnie-Herzégovine
et Croatie) est loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant la mise en place des frontières.
Le relief du pays est caractérisé par des montagnes moyennes, culminant à 2 500 m, et dont les direc-
tions de plissement, parallèles à la mer, constituent des obstacles à l’itinéraire nord-sud (figure 2),
qui doit franchir de nombreux cols ; on note aussi la présence de nombreux tunnels, le plus souvent
de faible longueur.
figure 2
La route M2 entre la
capitale et la mer.
La redistribution des flux de trafic fait que ce classement a perdu de sa pertinence ; de plus, le
bornage est unique pour chaque itinéraire, avec pour conséquence des nombres à quatre chiffres
sur les bornes kilométriques ; ainsi la route M2, entre les frontières italienne et bulgare, totalisait
plus de 1 500 km et traversait successivement toutes les Républiques yougoslaves. D’où le principe
choisi de traiter dans la banque de données chaque section de route comme un itinéraire indépen-
dant, avec son propre bornage kilométrique (qui reste « fictif », car non matérialisé sur le terrain).
■ Description générale
Les relevés sur le terrain ont été réalisés suivant la méthode VIZIR [3], avec un appareil VIZIROAD.
Les mesures de déflexion ont été réalisées au Falling Weight Deflectometer (FWD), et les mesures
d’uni à l’aide d’un Bump Integrator embarqué.
Les données sont stockées dans un système d’information structuré utilisant le logiciel ROUTEN
[4].
Les données extraites de ROUTEN ont servi à alimenter les trois logiciels d’aide à la décision,
chacun retenu pour ses performances particulières vis-à-vis de la fonction à mettre en œuvre :
– le modèle HDM (HDM-4, version 1.3) [5] a été utilisé pour faire une analyse technico-écono-
mique des scénarios possibles et déterminer in fine les niveaux optimaux des budgets d’entretien
(module d’analyse de stratégies) ;
– GiRR-E (module d’évaluation et de suivi) [6] a servi à évaluer globalement l’état du réseau,
notamment en distinguant l’état de la surface de celui de la structure ;
ROUTEN, GiRR-E et GiRR-P sont implantés au siège de la direction des Routes et peuvent être mis
en œuvre chaque année pour la programmation de l’entretien.
Le système, dont les finalités sont clairement d’évaluer l’état du patrimoine routier, de bâtir une
politique d’entretien et d’aider à la programmation des travaux qui en découle, est organisé autour
d’un circuit (figure 3) dont le cœur est la banque de données routières (BDR).
– un GPS (Global Positioning System) pour la mesure des coordonnées géographiques et leur
exploitation (calcul des déclivités et sinuosités) ;
– un Bump Integrator pour la mesure de l’uni (valeurs exprimées en échelle IRI = International
Roughness Index) ;
– en outre, certaines données disponibles sous forme écrite sont saisies directement dans la BDR
(données sur les matériaux, l’historique des travaux, etc.).
– les utilitaires graphiques SILLAGE [1] et CARTEN [1], qui restituent les données de la banque
sous la forme de schémas d’itinéraires (figure 4) et de cartes (cf. figure 1) ; notons que ces outils
ont été utilisés pour les besoins internes de l’étude, mais n’ont pas été mis à la disposition de la
direction des Routes ;
– les logiciels HDM, GiRR-E et GiRR-P, spécifiques au métier de gestion de l’entretien routier.
figure 4
Exemple de schéma
SILLAGE (route M2
section 12, km 0 à 10).
La figure 5 montre un exemple de visualisation de données dans ROUTEN : les données d’une
rubrique (en l’occurrence, « ALIGN » qui contient les paramètres du tracé) sont affichées comme
dans un tableur, chaque ligne caractérisant une longueur donnée de route (ici 1 000 m) et chaque
colonne une variable soit d’identification (nom de la route, repérage de début, repérage de fin, date
de la mesure), soit de données (« CURV » pour « curvature » : sinuosité, « RF » pour « rise and
fall » : déclivité). La première ligne de chaque itinéraire apparaît sur fond de couleur.
Si ROUTEN ressemble à un tableur, les fonctions qu’il comporte sont différentes. En effet, ROUTEN
est conçu pour travailler parallèlement à MS-EXCEL et apporter des compléments propres au
« métier » de gestion de données routières ; parmi ceux-ci, on peut citer :
– la vérification de la cohérence du repérage (qui détecte les erreurs telles que le chevauchement
– plus d’une donnée de même nature pour un même point du réseau – ou les non-conformités par
rapport au référentiel) ;
figure 5
Exemple d’affichage de
données dans ROUTEN.
– un capteur GPS.
Les claviers latéraux peuvent être configurés selon les besoins : la figure 7 montre un exemple de
configuration permettant de relever en un seul passage à gauche les éléments marquants du tracé
(carrefours, agglomérations, ouvrages, etc.) et à droite les dégradations de chaussée.
Dans la présente étude, les dégradations de chaussée ont été relevées selon la méthode VIZIR [3] :
chaque type de dégradation est repéré selon son niveau de gravité (1 à 3), et une note globale IS (de
1 à 7 selon un ordre croissant de gravité ; voir chapitre sur GiRR) est calculée par tronçon de 500 m.
Le tableau 1 donne la liste des rubriques saisies, qui pour la plupart comprennent une donnée
numérique et une donnée textuelle.
figure 6
L’appareil en action.
figure 7
Exemple de grille de saisie.
Intersections Description
Accotement Largeur
Chaussée Largeur
Agglomérations Nom
Commentaire 1 Commentaire
Commentaire 2 Commentaire
VIZIR Indice
– calcul des paramètres de tracé (sinuosité et déclivité) pour chaque kilomètre à partir des coordon-
nées géographiques fournies par le GPS ;
– exploitation des données d’uni longitudinal mesurées au Bump Integrator (appareil embarqué
enregistrant les variations de distance entre l’essieu et la caisse du véhicule), fournissant un indice
qui est converti en IRI selon une formule établie lors de la procédure d’étalonnage.
– les constatations faites lors des sondages réalisés dans les chaussées.
Ce travail a été confié au bureau d’études danois COWI, et les données suivantes ont été importées
dans la banque (rubrique « Structure ») :
– déflexion FWD,
– CBR (California Bearing Ratio = indice de portance) du sol calculé à partir de la mesure FWD,
– CBR du sol mesuré sur des échantillons prélevés lors des sondages,
– SN (nombre structurel, égal à la somme des épaisseurs des couches de chaussée pondérées par un
coefficient dépendant du matériau, selon les règles définies dans HDM).
› Données historiques
L’exploitation des archives disponibles a permis d’affecter à chaque section de route une date de
construction, une date pour le dernier renforcement et une date pour la couche de surface.
› Données de trafic
Le logiciel SEPTRAN, développé et appliqué par le BCEOM, a permis de fournir à la BDR les
volumes de trafic de chaque section de route ; cet outil permet, à partir des données démographiques,
des résultats d’enquêtes « origine-destination », et des niveaux de contrainte des itinéraires, de projeter
le volume et la croissance future du trafic, pour différents scénarios de croissance économique. Ces
volumes concernent le trafic total de l’année de référence (2002), ainsi que sa composition :
– voitures particulières,
– camionnettes,
– autobus,
Des projections de trafic à plusieurs échéances (2010, 2015 et 2025) et selon plusieurs hypothèses
de croissance ont également été mises en banque.
Une répartition en « classes de trafic » a été établie, sur la base du trafic total 2002 et des limites
suivantes :
– T5 au-dessous de 100.
La figure 8 montre que la plupart des routes « magistrales » sont classées en « primaires », et la
plupart des « provinciales » en « tertiaires », la classe « secondaire » se répartissant entre les deux ;
il reste cependant 88 km de routes magistrales classées en tertiaires (dont 35 km non revêtus) : il
s’agit d’itinéraires autrefois structurants, mais qui ont perdu cette fonction (M8 vers la Bosnie et
M9 vers le Kosovo).
La figure 9 croise le classement hiérarchique avec les niveaux de trafic : si les niveaux T0 et T1
(plus de 3 000 v/j) appartiennent au réseau primaire, et si toutes les routes sont revêtues à partir de
T2 (1 000 v/j), les niveaux T2 à T5 sont représentés dans les trois catégories ; cela est dû à l’exis-
tence d’itinéraires concurrents pour certaines liaisons, et au fait que le classement hiérarchique
anticipe les effets de certains aménagements projetés.
figure 8
Répartition des routes
entre statut et classement.
figure 9
Répartition des routes
entre classement et niveaux
de trafic.
L’exploitation des épaisseurs par classe de trafic (figure 10) montre l’existence de deux types struc-
turels, qui se distinguent par la présence d’une couche de base bitumineuse (qui peut correspondre
à l’accumulation de plusieurs couches de surface successives), et par le niveau de trafic (à partir de
T3 – moins de 1 000 v/j – les bases bitumineuses deviennent rares).
La portance des sols étant relativement élevée (les sols rocheux ou graveleux prédominent, avec un
CBR moyen de 48), les structures peuvent être considérées comme correctement dimensionnées
dans l’ensemble.
figure 10
Structures de chaussée
par classe de trafic
(médiane de la classe).
› Dégradations
Conformément à la méthode VIZIR, chaque dégradation est relevée en linéaire de chaussée, selon
un barème comprenant quatre niveaux, de 0 (absence) à 3 (grave). La figure 11 montre l’importance
relative de ces dégradations sur l’ensemble du réseau revêtu (les réparations et défauts de rive ont
aussi été relevés, mais concernent des longueurs assez faibles). On peut en déduire que, globale-
ment, les fissures et déformations présentent une étendue comparable, qui est importante (respecti-
figure 11
Importance relative des
différentes dégradations.
Les relevés de ces différentes dégradations permettent de calculer, par tronçon de 500 m, une note
globale prenant en compte la gravité et l’étendue des déformations et des fissurations ; cette note
globale, allant de 1 à 7 par niveaux croissants de gravité, est illustrée par la figure 12. Ce graphique
peut paraître pessimiste par rapport au précédent, mais il convient de rappeler que les dégradations
sont parfois repérées sur des zones très courtes, alors que la note globale est calculée tous les 500 m
(par exemple, la note 1 attribuée à une section de 500 m signifie qu’elle présente moins de 50 m de
longueur fissurée ou déformée, et qu’aucune de ces dégradations ne dépasse la gravité 1 ; on peut
voir de tels exemples sur la figure 4).
Les notes sont, sur l’ensemble du réseau, réparties presque à égalité, avec cependant un excédent
de notes 5 et un déficit de notes 2. Les notes 5 à 7 (celles qui, selon la méthode VIZIR, indiquent
la nécessité d’un entretien immédiat) totalisent plus de la moitié (57 %) du réseau, alors que les
notes 1 et 2 (absence ou quasi-absence de dégradations) en concernent seulement 17 %. La réparti-
tion des notes pour les différents niveaux de trafic montre un maximum de gravité pour la classe T3
(300 à 1000 v/j), cependant que les classes T0 et T1 (qui constituent l’essentiel du réseau primaire)
sont en meilleur état.
figure 12
Répartition des notes
globales VIZIR selon
les niveaux de trafic.
› Uni
L’uni longitudinal, mesuré au Bump Integrator et traduit dans l’échelle IRI, est également un
élément important pour ce type de réseau. C’est l’uni qui sert de paramètre représentatif de l’état
des routes pour déterminer les coûts subis par les usagers dans le modèle HDM, et il est donc un
paramètre qui conditionne la rentabilité économique de l’entretien. Les valeurs d’uni mesurées au
Monténégro sont concentrées entre 2 et 4 m/km, ce qui est assez inhabituel. La relation entre la note
globale de dégradation et les valeurs d’uni, bien que peu significative, suit une règle assez classique
(figure 13) : jusqu’à la note 3, la répartition reste la même et elle augmente ensuite régulièrement,
cependant que la dispersion reste élevée (la présence de dégradations ne préjuge pas d’un mauvais
uni, et réciproquement). L’uni des routes non revêtues, qui sont le plus souvent constituées de sols
rocheux, est en revanche très mauvais et cette moyenne est probablement optimiste, compte tenu de
l’impossibilité physique de la mesure sur certains itinéraires.
■ Le modèle HDM
Le modèle HDM [5] a été utilisé pour analyser les différents scénarios d’entretien sur le réseau
routier et évaluer les besoins budgétaires. Les principes qui sont à la base de son fonctionnement
sont les suivants :
– l’état d’une section de route est variable dans le temps : d’une part il se dégrade en fonction du
climat, des caractéristiques de la section de route, du volume du trafic et des caractéristiques des
véhicules qui y circulent, d’autre part on l’améliore par des travaux d’entretien ; des travaux d’amé-
nagement peuvent également modifier les caractéristiques de la section ;
– l’état de la section de route, et le volume du trafic qui y circule, ont un impact direct sur la vitesse
pratiquée par les usagers ;
– les coûts aux usagers (y compris le coût du temps passé) dépendent directement de l’état de la
route, des vitesses pratiquées et du volume du trafic ;
– la somme des coûts « administration » et « usagers », et éventuellement des coûts « sociaux » (en
coûts économiques) représente le coût total de transport pour la collectivité.
Le modèle met en œuvre ces principes en simulant tous les phénomènes sur la base d’un cycle annuel
répété autant de fois qu’il y a d’années dans la période d’analyse, ici 20 ans, et calcule les quan-
tités de ressources consommées et les coûts correspondants, avec et sans actualisation. Une analyse
économique est ensuite réalisée afin de produire les indicateurs permettant d’éclairer les choix.
– coûts unitaires,
› Sections de routes
Dans l’étude réalisée avec HDM, une section de route est réputée être homogène, c’est-à-dire que
chaque indicateur représente la valeur caractéristique de la section pour la grandeur considérée, qui
sera seule prise en compte dans la modélisation des phénomènes qui se produisent sur cette section.
Ceci conduit à des sections de longueur variable (plusieurs kilomètres), nettement supérieure à celle
des sections analysées par GiRR.
Les sections de routes ont été déterminées à partir des données stockées dans la base ROUTEN. Le
découpage du réseau a été réalisé par les ingénieurs, au vu des données de trafic, de géométrie, de
structure et d’état. Deux modélisations ont été réalisées.
a) Matrice de réseau
Cette première approche utilise une classification, fondée sur les paramètres les plus importants
susceptibles d’influencer le choix des stratégies, soit :
– le volume du trafic, suivant les six classes de trafic déjà définies,
– le nombre de voies de la chaussée (une ou deux),
– le tracé, réparti en cinq catégories (plat, presque plat, vallonné, accidenté, montagneux).
La matrice de réseau ainsi définie a été utilisée pour la détermination des stratégies optimales.
b) Sections de travaux
Une deuxième approche a consisté à découper le réseau routier en sections homogènes susceptibles
de recevoir la même solution d’entretien du début à la fin, afin d’évaluer les besoins budgétaires
sur une période de l’ordre de 20 ans. Le nombre de sections ainsi définies est de 123, ce qui est
largement suffisant pour l’objet recherché. C’est par contre insuffisant pour définir avec précision
un programme de travaux, opération pour laquelle le modèle HDM n’est pas adapté, et qui sera
traitée avec GiRR-P.
tableau 2
T0 – Très fort 2 voies 23,180 30,880 54,060
Longueur par classe de
trafic, nombre de voies, et T1 – Fort 2 voies 152,200 97,540 93,580 7,010 25,020 375,350
classe de tracé.
T2 – Moy. Fort 1 voie 29,770 29,770
tableau 3
Agressivité des véhicules. Valeurs retenues Valeurs par défaut
Le nombre de passagers des véhicules et la proportion de trajets à motif professionnel ont été déter-
minés lors des enquêtes « origine/destination ». Pour les autres paramètres, les valeurs par défaut du
modèle HDM ont été conservées. La composition et l’évolution détaillées du trafic ont été calculées
à l’aide du logiciel SEPTRAN et introduites dans HDM selon une procédure assez complexe, mais
qui serait nettement plus simple dans la version 2.0 du modèle, disponible depuis 2005.
› Caractéristiques des opérations de travaux
Le modèle HDM propose des opérations types de travaux, qui doivent impérativement être utilisées
lors de la modélisation. Il est donc nécessaire d’analyser les opérations effectivement réalisées
au Monténégro, et de les transcrire en termes d’opérations HDM. Dans l’ensemble, ce travail a
été facile, la technique routière monténégrine étant tout à fait classique. La caractéristique princi-
pale est constituée par l’absence de travaux d’enduits superficiels (alors que 346 km ont été identi-
fiés comme tels lors des relevés), qui seraient cependant adaptés aux problèmes rencontrés le plus
souvent : peu de déformations, problèmes de surface, trafic peu élevé.
› Coûts unitaires
Les coûts unitaires des opérations d’entretien ont été tirés des documents d’appels d’offres et des
marchés. Les coûts unitaires constatés au Monténégro sont très élevés en comparaison des prix
Les coûts unitaires pour les différentes ressources consommées par les véhicules ont été
tirés des documents existants. Le coût du temps résulte d’une analyse des salaires moyens au
Monténégro.
Pour mener à bien cette phase de manière totalement satisfaisante, il était absolument nécessaire
de disposer de données historiques totalement fiables, ce qui n’était malheureusement pas le cas
au Monténégro. Il restait en effet des incertitudes très fortes quant aux dates de mise en œuvre
des couches de roulement, ce qui peut être illustré par le diagramme de la figure 14, qui croise
le trafic cumulé (calculé d’après les données historiques fournies par l’administration) et l’uni
mesuré.
Ce diagramme est assez éloigné de ce à quoi on peut s’attendre : on observe des valeurs très élevées
du trafic cumulé associées à un bon uni.
Il a donc fallu procéder par des voies indirectes. Tout d’abord, les coefficients de calage utilisés
lors d’études précédentes dans la région n’ont guère été applicables, les études précédentes
s’étant heurtées aux mêmes problèmes. Mais une enquête auprès des ingénieurs locaux a permis
de constater que le rythme de dégradation des chaussées simulé par HDM (principalement l’ap-
parition de la fissuration) semblait compatible avec l’expérience du terrain. Cette vérification « à
dire d’expert » a consisté à prendre le cas de plusieurs sections types de routes, à simuler avec
HDM l’évolution de la dégradation, puis à évaluer la vraisemblance de l’âge d’apparition de la
dégradation prédite par HDM en fonction de l’expérience locale. Si cette méthode ne permet
pas de définir des coefficients de calage précis, elle permet d’éviter l’application de coefficients
inadaptés.
figure 14
Relation entre l’uni mesuré
et le trafic cumulé.
tableau 4
Stratégie Travaux
Stratégies étudiées pour
les routes revêtues. Base Réparation des nids de poules (si nombre NdP ≥ 50 par km)
Rechargement si IRI ≥ 7 Réparation des nids de poules (si nombre NdP ≥ 50 par km)
Enrobé mince (2 cm) si ≥ 50 % (en surface) avec arrachements
Rechargement 6 cm si IRI ≥ 7
figure 15
Exemple de simulation
dans HDM de l’évolution
de l’uni d’une section
selon différentes stratégies.
Ces stratégies ont été simulées sur chacune des 36 sections définies dans la matrice de réseau.
– le bénéfice actualisé
où :
• n est le nombre d’années de la simulation (ici 20),
• CVi est le coût économique total de la variante à l’année i,
• CBi est le coût total de la solution de base à l’année i,
• a est le taux d’actualisation (ici 8 % et 12 %) ;
– le rapport BA (bénéfice actualisé) / coût des travaux ;
– le taux de rentabilité interne (TRI – la valeur de a pour laquelle BA = 0).
Par « coût total », on entend la somme des coûts supportés par le maître d’ouvrage (travaux) et
par l’usager (exploitation du véhicule et temps de parcours). Les calculs ont été réalisés dans trois
hypothèses différentes de croissance du trafic.
›Résultats
Une analyse détaillée des résultats a permis de dégager quelques tendances :
– le tracé n’a aucune incidence sur la stratégie optimale ;
– l’impact de la largeur de chaussée se révèle variable ; il est sans doute plus lié aux caractéristiques
particulières des quelques sections étroites qu’à un effet spécifique de la largeur ;
– le taux d’actualisation a un impact très faible ;
– l’hypothèse de croissance du trafic a un impact supérieur à celui du taux d’actualisation, mais qui
reste toutefois faible ;
– la zone climatique n’a pas d’incidence sur le choix de la stratégie optimale, mais elle a un impact
considérable sur le rythme de dégradation des routes.
Finalement, les deux paramètres les plus importants sont le volume du trafic et l’indicateur écono-
mique retenu comme critère de choix.
Le tableau 5 indique les stratégies optimales dans le cas de l’hypothèse moyenne pour le taux de
croissance du trafic, et le taux d’actualisation de 12 %.
tableau 5
Stratégies optimales par Niveau de trafic Largeur BA BA/Coût TRI
classe de trafic et type T0 – Très fort Recharg. si IRI ≥ 4 Recharg. si IRI ≥ 7 Recharg. si IRI ≥ 4
d’indicateur.
T1 – Fort Recharg. si IRI ≥ 4 Recharg. si IRI ≥ 7 Recharg. si IRI ≥ 7
– à partir de 1 000 véhicules par jour (classes T0, T1 et T2), la meilleure option est toujours le
rechargement à partir d’un IRI de 4 si le critère est le BA ; ceci conduit cependant à des budgets
importants. Si le critère retenu est le rapport BA/Coût, la meilleure option est toujours le recharge-
ment à partir d’un IRI de 7, ce qui conduit à un niveau de service médiocre ;
– pour le trafic T5 (très faible), la meilleure option consiste à réparer, quel que soit l’indicateur
retenu ; cela signifie qu’aucun entretien général sur de telles routes n’est rentable, même si elles
sont en très mauvais état ; c’est un résultat courant dans HDM, mais il peut être contredit si l’on
attribue une « valeur » économique (évidemment difficile à chiffrer) à l’existence même d’une
route praticable ;
– pour les autres niveaux de trafic (T3 et T4), la situation est plus nuancée, mais le rechargement à
partir d’un IRI de 7 se révèle être la meilleure option dans pratiquement tous les cas.
tableau 8
Effets d’une contrainte IRI 2012
budgétaire sur l’uni moyen IRI 2003 Sans cont. 100 M€ 50 M€ 30 M€ 20 M€
des routes.
Primaire 3 3,8 3,8 6,1 8,4 9,7
tableau 9
Travaux Total Valeur moyenne annuelle (€) sur la période 2003-2022
Besoins budgétaires
moyens. Drainage 8 572 284 428 614
Service hivernal 68 669 384 3 433 469 3 433 469 6 509 592
Point à temps (non rev.) 540 415 27 021 27 021 611 047 7 120 639
Travaux préparatoires 1 035 740 51 787 221 996 221 996 7 864 489 14 985 129
APPLICATION DE GiRR
■ Organisation générale
GiRR est constitué d’une gamme de méthodes et de logiciels développés au sein du réseau tech-
nique de l’Équipement, et est appliqué en France pour la programmation des travaux d’entretien
■ GiRR-E
Le module d’évaluation GiRR-E (figure 16) met ici en œuvre la méthodologie VIZIR [3], alors
qu’en France c’est la « grille » M3 [7] qui est appliquée, notamment pour le réseau national dans
le cadre de l’IQRN (image qualité des routes nationales). En fait, le principe n’est pas très diffé-
rent : il calcule sur chaque section élémentaire (généralement de 200 m de longueur) les notes de
fissuration IF, de déformation ID et d’état général IS (indice de dégradation superficiel) allant de 1
(aucune dégradation) à 7 (le plus dégradé), comme le montre le tableau 10.
Les données peuvent être visualisées sous forme de schémas d’itinéraires (figure 17) ou de graphes
statistiques. On remarque que la note IS est également exploitée dans ROUTEN (cf. figure 12),
mais le pas de calcul est ici de 200 m au lieu de 500.
Les notes finales IS sont regroupées en trois catégories, conformément à la méthode VIZIR :
– classe A (notes 1 et 2) : aucune ou quelques dégradations, mais aucun entretien immédiat n’est
nécessaire ;
– classe B (notes 3 et 4) : des travaux d’entretien sont nécessaires ;
– classe C (notes 5, 6 et 7) : des travaux d’entretien importants sont nécessaires.
1 1 2 3
3 3 4 5
Note de déformation ID
1 1 2 3
Gravité
2 2 3 4
des déformations
3 3 4 5
IF
0 1-2 3 4-5
0 1 2 3 4
1-2 3 3 4 5
ID
3 4 5 5 6
4-5 5 6 7 7
< 10 % 10 % à 50 % Plus de 50 %
1 0 0 0
■ GiRR-P
› Objectifs
La programmation est une étape importante, au cœur de la mise en œuvre d’une politique d’entretien.
Elle consiste, pour un service technique, à préparer le programme de travaux qui concrétise, à court
et moyen termes, la politique d’entretien, et à les soumettre au maître d’ouvrage pour discussion puis
approbation. Cette étape recouvre donc, pour le service, autant un travail technique qu’un effort de
communication. Tout outil visant à l’aider dans cette étape devra prendre en compte ces deux aspects.
Le module de programmation GiRR-P a été adapté au nouveau contexte. Une configuration provi-
soire de détermination des travaux d’entretien a été établie en coopération étroite avec l’administra-
tion monténégrine ; elle comprend :
– des grilles de décision, associant des combinaisons de dégradation (et d’autres données) à des
solutions d’entretien ;
– des coûts unitaires de travaux ;
– des critères de priorité ;
– des critères d’agrégation, regroupant les travaux en sections de longueurs suffisantes.
Cette configuration provisoire a été mise en place au siège de la direction des Routes, à Podgorica.
Elle pourra être affinée par l’administration à la lumière des premiers résultats d’application, et à
l’occasion des mises à jour annuelles des données.
› Grilles de décision
Les grilles de décision ont été définies sur la base des stratégies proposées après l’analyse
HDM. Cependant, bien qu’il soit possible en toute rigueur de définir dans HDM des grilles de décision
du type de celles de GiRR-P (en combinant par des « ET » et des « OU » différentes conditions impli-
quant les indicateurs d’état), il n’existe pas au Monténégro de lien direct automatique entre les straté-
gies HDM et la définition précise des règles contenues dans les grilles, pour au moins deux raisons :
– une raison de fond, qui est que HDM et GiRR-P ne concernent pas le même niveau d’analyse.
HDM, dans son application en analyse de stratégies, privilégie une vision « macroscopique » du
– une raison de forme résulte du fait que les indicateurs utilisés dans HDM sont ceux de la « culture »
HDM, alors que ceux utilisés dans GiRR-P sont ceux de la méthode VIZIR.
Toutefois, la cohérence entre les deux approches a bien évidemment été recherchée, et les grilles
proposées, respectivement pour les problèmes structurels et ceux de surface, et pour les différents
niveaux de service, correspondent aux stratégies proposées dans l’approche HDM.
Le travail le plus difficile a été d’ajuster les seuils d’étendue qui figurent dans les tableaux. Les
seuils retenus proviennent d’un ajustement itératif, qui conduit à des quantités et des montants en
entretien compatibles avec les résultats de l’analyse HDM, approuvés par l’administration monté-
négrine. Ils sont relativement proches des seuils a priori qui avaient été définis par celle-ci au début
de l’étude comme étant des règles raisonnables d’intervention.
La figure 18 donne par exemple les épaisseurs attribuées aux différentes solutions d’entretien, pour
la grille « structure » du réseau primaire ; la figure 19 montre la grille proprement dite, qui indique
les natures de travaux en fonction des combinaisons de dégradations rencontrées.
Dans cette grille, par exemple, aucune opération n’est prévue si les fissures n’atteignent pas 5 %
de gravité 2 et si les déformations n’atteignent pas 30 % du même niveau ; au-delà, selon les cas,
la grille prévoit :
figure 18 – scellement des fissures (« seal », couleur cyan) s’il y a plus de 5 % de fissures de gravité 2 ;
Exemple de grille de
dimensionnement de
l’entretien.
L’application de cette grille, destinée à remédier aux problèmes structurels, ne préjuge pas de l’ap-
plication de la grille « surface », qui prend en compte, entre autres, les arrachements.
L’application des différentes grilles à l’ensemble du réseau débouche sur un programme « souhai-
table », qui représente environ deux programmes annuels, d’où la nécessité d’allers-retours successifs
entre les critères de priorité et les limites budgétaires, qui peuvent être définies pour les trois années
à venir. La figure 21 représente la synthèse de ce programme, qui se monte à 20,5 millions d’euros,
toutes routes et tous types de travaux confondus (hors travaux sur dépendances et exploitation).
figure 21
Synthèse du programme de
travaux.
figure 22
Répartition du projet de
programme.
Parmi les enseignements tirés de cette étude, il nous semble nécessaire d’insister sur quelques
aspects.
Il est important que le processus d’étude soit maîtrisé par un nombre réduit d’intervenants, si
possible ayant la même culture technique. Cela a été le cas au Monténégro, puisque les relevés
visuels, la mesure d’uni et les analyses ont été réalisés par une équipe du LCPC. Les mesures de
portance et les sondages ont été sous-traités à un autre intervenant. À noter que le choix du FWD
comme instrument de mesure de la portance limite l’utilisation opérationnelle des mesures à une
évaluation statistique globale de la portance des chaussées. La structure de ces chaussées anciennes
situées en général en relief montagneux est trop variable pour pouvoir tirer des mesures ponctuelles
une quelconque évaluation structurelle des sections « homogènes ».
La complémentarité entre HDM et les outils GiRR est prouvée, et elle apparaît comme un progrès
dans la gestion des réseaux routiers. L’utilisation de HDM dans ce genre d’étude est indispen-
sable dans la mesure où un financement par des bailleurs de fonds est recherché. Son apport est
primordial pour la détermination de stratégies optimales, ainsi que pour l’évaluation en grandes
masses des besoins budgétaires à moyen terme. Par contre, HDM n’est que d’une utilité limitée
pour la phase de programmation annuelle des travaux d’entretien de chaussées, pour laquelle
une analyse fine du couple gravité/étendue des dégradations est nécessaire. Les principes de
GiRR-P par contre sont spécifiquement dévolus à cette analyse, et l’adaptation de GiRR-P à la
méthode VIZIR de relevé des dégradations n’a pas posé de problème majeur. Le point délicat est
la cohérence entre les grilles d’analyse GiRR-P et les normes d’entretien HDM. Il semble qu’un
utilitaire qui permettrait de résoudre ce problème d’une manière semi-automatique soit difficile à
mettre au point, tant les situations locales peuvent être variées. L’expérience de l’ingénieur reste
une valeur sûre !
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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logiciels VISAGE, SILLAGE et SACARTO pour Développement et gestion des routes, site http ://
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Développement d’un système d’aide à la gestion la gestion des chaussées, 14e Congrès de l’IRF,
d’un réseau routier, rapport ISTED, 1991. Paris, 11-15 juin 2001.
3 AUTRET P., BROUSSE J.-L., VIZIR, méthode 7 BERTRAND L., LEPERT PH., Relevé des
assistée par ordinateur pour l’estimation des dégradations de surface des chaussées,
besoins en entretien d’un réseau routier, Méthode d’essai des LPC n° 38-2, LCPC, 1997.
Méthode d’essai des LPC, 1991.
4 ROUTEN, site http ://www.adullact.org