SDC1 Sources Défis CE
SDC1 Sources Défis CE
SDC1 Sources Défis CE
OBJECTIFS : ............................................................................................................................................................ 1
Objectifs :
A la fin de ce chapitre, vous devez :
Comprendre le processus de croissance économique et les sources de la croissance :
accumulation des facteurs et accroissement de la productivité globale des facteurs ;
comprendre le lien entre le progrès technique et l’accroissement de la productivité globale
des facteurs.
Comprendre que le progrès technique est endogène et qu’il résulte en particulier de
l’innovation.
Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la
croissance en affectant l’incitation à investir et innover ; savoir que l’innovation
s’accompagne d'un processus de destruction créatrice.
Comprendre comment le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus.
Comprendre qu’une croissance économique soutenable se heurte à des limites écologiques
(notamment l’épuisement des ressources et la pollution) et que l’innovation peut aider à
reculer ces limites.
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I. La notion de la croissance économique
La croissance économique est l’augmentation de la production sur longue période. Si elle est
supérieure à la croissance démographique, elle permet d’élever le niveau de vie moyen, c’est-à-dire
la quantité de biens et de services dont dispose en moyenne une société. La croissance économique
est ainsi mesurée par le taux de croissance du PIB ou du PIB par habitant.
La Comptabilité nationale limite la production à l’activité économique consistant à créer des biens
et des services s’échangeant sur le marché. La valeur de la production mesurée par la Comptabilité
nationale est la somme de la valeur de la production marchande et de la valeur de la production non
marchande.
La production marchande désigne la production de biens ou de services destinés à être
vendus sur un marché et dont les entreprises attendent un profit.
La production non marchande est évaluée aux coûts de production (salaires, coût du
capital…) car elle n’a pas de prix de marché. Elle est fournie gratuitement ou à un prix
inférieur à 50% du coût de production par les administrations publiques, les associations sans
buts lucratifs (ISBLM) et les ménages (L’éclairage public, le service éducatif de l’éducation
nationale)
Le PIB intègre la production marchande, évaluée aux prix de marché, et la production non
marchande des administrations, mesurée par les coûts de production à défaut de prix de marché des
services non marchands. Mais un certain nombre d’activités économiques ne sont pas prises en
compte faute de données fiables. C’est le cas notamment des activités légales non déclarées et des
activités illégales qui forment une « économie souterraine » (estimée à 5,9% des emplois en France,
mais à 26,9%... en Grèce en 2008). Le PIB ne mesure pas non plus la production bénévole et la
production domestique. En France, cette dernière a pourtant été évaluée, par une enquête de
l’INSEE de mars 2011 dans laquelle les heures de travail domestique des français sont valorisées au
SMIC, à 26% du PIB.
Comme étudié l’année précédente, le PIB se calcule en ajoutant les valeurs ajoutées des unités de
productions résidentes sur le territoire national. Le produit est « intérieur » car il ne retient que la VA
des unités résidentes quel que soit leur nationalité. Un résident est un agent économique qui réside
au moins un an sur le territoire.
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Le PIB est donc réparti en différentes formes de revenus :
→ La rémunération des salariés
→ L’EBE et les revenus mixtes
→ Les subventions à la production et aux importations dont on soustrait les impôts
Avec cet équilibre macroéconomique déjà étudié en 1ère, nous pouvons comprendre l’approche du
PIB par la demande en en isolant les composantes. La demande comprend les dépenses de
consommation, l’investissement, les stocks et les importations. Ces quatre éléments constituent la
demande intérieure.
B. La mesure de la croissance
La croissance économique désigne, pour un territoire donnée, l’augmentation de la production de biens et
services sur une longue période. Il y a donc croissance lorsque, d’une année sur l’autre et de façon répétée,
on constate un accroissement d’un flux de produits (biens et services) dont l’élaboration a donné lieu à
une distribution de revenus dans le cadre d’une activité légale. Pour un territoire donné, ce flux de
production est mesuré par le PIB (produit intérieur brut). Le PIB mesure la valeur qui est créée au cours
du processus de production par les organisations productives résidentes durant une année et sur un
territoire donné. Il se calcule en additionnant les valeurs ajoutées des unités résidentes*, augmentées de la
TVA et des droits de douane et diminuées des subventions sur les produits. Considéré comme un indice
de puissance et de vitalité économique d’un territoire pris dans son ensemble, c’est au nom de l’intérêt
général que la plupart des gouvernements font de son augmentation un axe majeur des politiques
économiques (…). »
*Unité résidente : Une unité (entreprise…) est considérée comme résidente sur le territoire économique
du pays si elle y exerce des activités économiques (production) pendant une période d’un an ou plus.
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C. L’évolution de la croissance
La croissance mondiale
Question :
Comment le taux de croissance évolue de l’an 0 à 2012 ? Délimitez des périodes significatives.
Est-on capable de mesurer la croissance économique ?
La croissance du PIB revêt aussi une importance capitale. Elle est étroitement liée à la disponibilité
d’emplois et de revenus, lesquels sont essentiels au niveau de vie des habitants et étayent leur faculté à
réaliser leurs projets (Sen, 1999). Pourtant, le PIB n’est pas un objet naturel, même s’il est devenu quasi-
synonyme de performance économique. À l’inverse des phénomènes physiques, il ne peut être mesuré de
façon précise. En prenant du recul, les économistes et statisticiens admettent qu’il s’agit d’un indicateur
imparfait du bien-être économique, avec des failles bien connues. Les pionniers de la comptabilité
nationale tels que Simon Kuznets et Colin Clark auraient préféré mesurer le bien-être économique. Mais
le PIB l’a emporté, car le contexte de guerre nécessitait un indicateur de l’activité totale. Dès sa naissance,
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le PIB a donc eu ses détracteurs.
Le PIB mesure la valeur monétaire des biens et services finaux produits et consommés dans un pays sur
une période donnée. Sa limite en tant qu’indicateur du bien-être économique, c’est qu’il enregistre
généralement les transactions monétaires aux prix du marché. Il exclut ainsi les facteurs
environnementaux, tels que la pollution et les dommages causés à certaines espèces, car personne n’en
paie le prix. Cet indicateur ne déduit pas non plus les variations de la valeur des actifs, tels que
l’épuisement des ressources ou la perte de biodiversité, du flux de transactions sur la période qu’il couvre.
La facture environnementale de la croissance devient plus claire et plus salée. Le smog de Pékin ou Delhi,
l’impact de la pollution sur la santé publique et la productivité dans les grandes villes, et les coûts liés à la
multiplication des inondations dans des pays vulnérables sont autant d’illustrations de l’écart entre
croissance du PIB et bien-être économique. Économistes et statisticiens travaillent donc à l’introduction
d’estimations du capital naturel et de son taux de perte (Banque mondiale, 2016). Cela montrera que la
croissance du PIB durable (permettant aux générations futures de consommer au moins autant que
l’actuelle) est inférieure à la croissance du PIB recensée sur de nombreuses années. Néanmoins,
l’intégration de ces nouveaux indicateurs au débat et aux orientations politiques est une autre affaire.
La fiabilité du PIB est également critiquée de longue date, car elle exclut l’essentiel du travail non
rémunéré effectué par les ménages. Il doit exister une définition acceptée de ce qui fait partie de
l’économie et qui est mesurable. Les économistes parlent de «domaine de la production», dont la
délimitation est forcément une affaire de jugement. Il y a longtemps, l’inclusion des dépenses publiques a
fait débat : fallait-il les comptabiliser, car elles relevaient de la consommation collective ou les exclure au
motif que l’État paie des choses comme des routes et la sécurité, qui sont des facteurs de production
(comme les dépenses d’entreprise) et non des biens de consommation et d’investissement. Un autre
grand débat a concerné la définition des biens et services produits (et souvent consommés) par les
ménages. Les biens tels que les denrées alimentaires ont été inclus, car dans de nombreux pays, ils
peuvent être aisément achetés et vendus. En revanche, les services tels que le ménage ou la garde
d’enfants ont été exclus. Naturellement, les intellectuels féministes ont toujours décrié la non-valorisation
du travail essentiellement effectué par les femmes. De nombreux économistes partageaient ce point de
vue, mais il fallait fixer une limite, notamment pour des raisons pratiques : le recensement des services
domestiques constituait une tâche monumentale et ces services étaient rarement commercialisés.
L’évolution de l’économie numérique a ravivé ce vieux débat en changeant la façon de travailler. Les
comptables nationaux considèrent l’État et les entreprises comme la partie productive de l’économie, et
les foyers comme la partie non productive. Or la frontière entre domicile et travail est en train de
s’estomper. De plus en plus de gens travaillent à leur compte via des plateformes numériques. Leurs
horaires sont parfois flexibles et leur travail peut empiéter sur d’autres activités. Très souvent, ils utilisent
leurs équipements personnels (ordinateur, smartphone, habitation, voiture) à des fins professionnelles.
De nombreux internautes créent gratuitement des logiciels open-source pouvant
supplanter leurs équivalents commercialisés. Tout cela représente une grande valeur économique malgré
un prix de revient nul. Ces évolutions soulignent la nécessité d’améliorer la comptabilisation de l’activité
domestique. Cependant, très peu de pays recueillent des informations pertinentes sur les actifs des
ménages. Une technologie en mouvement perpétuel La technologie complique le calcul du PIB d’une
autre manière. De nombreux acteurs du secteur technologique estiment que les statistiques traditionnelles
du PIB sous-estiment l’importance de la révolution numérique. Ils soulignent à juste titre que le rythme
de l’innovation n’a pas faibli dans des domaines tels que les télécommunications, les biotechnologies, les
matériaux et l’énergie verte, rendant les performances faiblardes de nombreuses économies avancées en
termes de croissance et de productivité encore plus énigmatiques. Par exemple, les technologies de
compression permettent de transférer des données sans fil de qualité à une vitesse sans précédent. Le prix
d’innovations telles que l’énergie solaire et le séquençage du génome a chuté rapidement. Est-il
envisageable que les statistiques ne soient pas correctement ajustées en fonction des améliorations
qualitatives apportées par la technologie, surestimant ainsi l’inflation et sous-estimant la productivité et la
croissance en termes réels?
En effet, les économistes estiment qu’il est impossible de quantifier la totalité des bienfaits économiques
des innovations dans le PIB, qui mesure les transactions aux prix du marché : il y aura toujours une part
d’utilité au-dessus ou au-dessous de ce prix (le «surplus du consommateur»). À cet égard, les biens
numériques ne diffèrent pas des précédentes vagues d’innovation. Ceux qui utilisent la croissance du PIB
en tant qu’indicateur de la performance économique doivent être conscients qu’elle n’a jamais pleinement
traduit le bien-être économique. Par exemple, les bienfaits pour le consommateur d’un nouveau
médicament révolutionnaire finiront toujours par dépasser largement le prix du marché.
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Les défauts du PIB ont été récemment mis en lumière du fait de sa non-prise en compte de l’inégalité.
L’agrégation des revenus et dépenses individuels dans le PIB élude la notion de répartition. En assimilant
la croissance du PIB à une amélioration du bien-être économique, on part du principe que la répartition
n’évoluera pas. Tant que la distribution des revenus n’avait pas trop varié (jusqu’au milieu des années 80
pour la plupart des pays de l’OCDE), cela n’était pas problématique. Mais grâce au best-seller de Thomas
Piketty, Le capital au XXIe siècle, ou aux mouvements populistes émergeant dans de nombreux pays,
plus personne n’ignore la problématique de la distribution.
Diane Coyle est professeur d’économie à l’université de Manchester,
« Repenser le PIB », Finaces et développement, Mars 2017.
Questions :
1. Comment le développement de l’économie numérique affect-elle l’efficacité du PIB à mesurer la
croissance économique ?
2. Expliquez la phrase soulignée.
3. Donnez des exemples d’innovations numériques qui ont amélioré le bien-être des
consommateurs. Pourquoi sont-elles souvent mal évaluées ?
Il faut donc, comme nous l’avons étudié en classe de 1ère, assurer la combinaison productive optimale
pour créer des biens et des services. Cependant, les économistes vont assez rapidement constater
qu’un troisième élément intervient pour rendre plus efficace ces deux facteurs : le progrès
technique.
1) La croissance effective dépend de la quantité des facteurs de production
L’exemple d’une jbala du Rif
Imaginons une Jbala du Rif, Farida, agricultrice qui utilise une année de son temps, 1 ha de terre et un âne
pour produire une tonne de maticha. La fonction de production s’écrit :
1 tonne de maticha = F (1 année de travail, 1 ha de terre, 1 âne)
On suppose que Farida se marie avec Rachid et qu’ils aient deux enfants. Ils décident de lâcher la bride…
de l’âne et de prendre leur retraite. Leurs deux enfants, Abdelkrim et Allal deviennent agriculteurs à leur
tour et défrichent 1 ha supplémentaire de terre puis achètent un autre âne. La fonction de production
devient :
2 tonnes de maticha = F (2 années de travail, 2 ha de terres, 2 ânes)
Il y a eu croissance puisque la production est multipliée par 2 et nous pouvons constater que le
doublement de la production est dû à un doublement des facteurs de production. Les rendements sont ici
constants. Il y a une accumulation des facteurs de production, expliquée par la croissance démographique
pour l’accumulation de main-d’œuvre et l’investissement (en âne) pour l’accumulation de capital. Lorsque
la production double quand les facteurs de production doublent aussi, on dit que la croissance est
extensive.
Supposons maintenant qu’Abdelkrim et Allal décident d’augmenter la production en achetant deux ânes
supplémentaires. La fonction de production devient :
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3 tonnes de maticha = F (2 années de travail, 2 ha, 4 ânes)
Bien que la production augmente, les ânes supplémentaires sont moins rentables que ne l’étaient les
premiers. Comme nous l’avons étudié en 1ère, il s’agit alors de rendements décroissants. C’est ce
qu’envisageaient les économistes pessimistes, comme Ricardo, au XIXᵉ siècle, voyant poindre les limites
de la croissance économique. Or, depuis deux siècles, la croissance économique a persisté. Un autre
facteur de croissance est donc intervenu : le progrès technique. Par exemple, supposons que les 2
agriculteurs, plutôt que d’acheter des ânes supplémentaires, revendent les quatre ânes pour acheter des
tracteurs. La fonction de production devient :
4 tonnes de maticha = F (2 années de travail, 2 ha de terres, 2 tracteurs)
La croissance économique est intensive lorsqu'elle est due à une meilleure efficacité de
production (hausse de la productivité). Cette hausse de la productivité est liée au progrès
technique.
Ces deux types de croissance (extensive et intensive se distingue donc selon le type de rendements
d’échelle observé (ou économie d’échelle). Pour donner un exemple historique, l’exceptionnelle croissance
américaine durant la 2ème moitié du XIXᵉ siècle s’explique par la combinaison d’une croissance extensive à
l’Ouest (conquête de nouvelles terre et afflux de migrants) et d’une croissance intensive au Nord-Est
(industrialisation rapide des économies d’échelles dues à la concentration).
Questions :
1) Rappelez les facteurs de production que l’analyse microéconomique distingue habituellement.
Rappelez les définitions de combinaison productive, de population active et de productivité
2) Qu'arrive-t-il au niveau de production suite à l'augmentation des facteurs de production ?
3) Différenciez croissance extensive de croissance intensive.
4) Définissez le concept d’investissement.
Y = f (K, L)
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Questions :
1) Faire une phrase avec les données suivantes : 3,8 ; 5,6 ; -0,2
2) Quels pays ont une croissance intensive ? Lesquels une croissance extensive ?
3) Montrer que l'accumulation des facteurs de production ne suffit pas à expliquer la croissance
économique.
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En quelques décennies à peine, la notion d’innovation a remplacé celle de progrès pour devenir une sorte
de but ultime. Politiques économiques, management des firmes, des territoires et même des universités, il
est partout question d’innovation. Pourquoi une telle obsession ? Parce qu’il semble acquis que
l’innovation porte la dynamique du capitalisme. C’est l’un des enseignements majeurs des travaux de
Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950) dont les enseignements sont toujours éclairants pour comprendre
les cycles et les crises économiques, pas forcément pour orienter les politiques. […]
L’économiste autrichien naturalisé américain propose en effet une interprétation originale des cycles de la
croissance économique, notamment les cycles longs identifiés par l’économiste russe Kondratiev. Ce
dernier a mis en évidence une dynamique de la croissance économique selon des phases de 40 à 60 ans.
Dans les années 1930, Schumpeter reliera ces fluctuations à l’apparition d’innovations majeures, dites de
rupture au sens où elles modifient profondément les structures de l’économie. À la phase ascendante du
cycle économique (la phase de croissance), correspond la période de diffusion des nouvelles innovations
grâce au financement à crédit. Alimentée par le développement du crédit, la croissance économique est
assurée car la demande – et donc la production – pour ce type de biens est forte. Progressivement, la
demande baisse parce que les agents sont équipés et que la concurrence entre les entreprises s’accentue.
C’est ainsi que le cycle se retourne et que l’économie entre en récession.
Si le phénomène est cyclique, c’est que ces périodes de ralentissement de la croissance sont celles où une
nouvelle vague d’innovations se prépare. Ainsi, au cycle correspondant à l’apparition des engins à vapeur,
du fer et du coton a succédé le cycle ouvert par les trains et les rails puis celui associé à l’électricité et à
l’automobile. Le passage d’un cycle à l’autre se fait par processus de destruction créatrice, car l’innovation
à la source d’un cycle est nécessairement une innovation de rupture.
Avec l’introduction des innovations, certaines entreprises (les leaders) bénéficient d’un pouvoir de
marché temporaire. Ce pouvoir s’affaiblit au rythme du durcissement de la concurrence (par l’entrée sur
le marché des « suiveurs »). La destruction créatrice permet ainsi d’expliquer la transition d’un marché de
monopole (le temps que les innovations soient « copiées ») à un système concurrentiel. Et inversement,
d’un système concurrentiel à une situation de monopole, par l’apparition d’une nouvelle vague
d’innovations.
L’innovation est le fait des entreprises. L’entrepreneur est la figure clef du processus car il incarne le «
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pari » de l’innovation. C’est parce qu’il prend ce pari que profit – et monopole – se justifient. Le profit est
la rémunération de l’initiative dans un contexte d’incertitude. Généré par l’innovation, il agit alors comme
une incitation à prendre des risques et peut être réinvesti (et le monopole devenir durable par
l’introduction de nouvelles innovations) ou pas (et le monopole n’est alors que temporaire).
UN PROCESSUS ESSENTIEL
La destruction créatrice est, pour Schumpeter, essentielle à la dynamique du capitalisme car elle est le
processus par lequel un nouveau modèle, porté par les innovations, se substitue au précédent. La Ford T,
par exemple, est doublement une innovation parce qu’elle porte deux transformations importantes.
Premièrement, elle transforme en profondeur le statut même de l’automobile qui devient un produit de
consommation de masse. Deuxièmement, elle modifie en profondeur les conditions de production par
l’introduction du travail à la chaîne qui ouvrira la voie à la production de masse et se diffusera dans bien
d’autres secteurs de l’économie.
Les mutations économiques sont d’autant plus profondes et la phase de croissance est d’autant plus
longue (plusieurs décennies) qu’une innovation n’arrive jamais seule mais par « grappes ». Que serait en
effet l’ordinateur sans les logiciels, les périphériques ou les usages associés à la numérisation des activités
économiques ? Après une innovation de rupture, d’autres innovations apparaissent, portées par la
découverte initiale. Elles sont elles-mêmes porteuses de bouleversements, de création puis de destruction
d’activités, même si ces bouleversements sont parfois moins visibles.
Il va toutefois sans dire que la destruction créatrice est porteuse de chômage car les compétences aussi
deviennent obsolètes. La question des politiques économiques et sociales permettant d’accompagner la
transition d’un cycle à l’autre se pose alors. En premier lieu en termes de formation de la main-d’œuvre.
Par Marie Coris, Un article de The Conversation,
« Destruction créatrice » : pour en finir avec les contresens, 12 juin 2019.
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5) En quoi l’accumulation du stock de connaissances favorise-t-elle les gains de productivité ?
6) Pourquoi peut-on dire que la destruction créatrice est cyclique ?
7) Expliquez la phrase soulignée
8) Montrez que la destruction créatrice a des effets dans d’autres domaines
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Questions :
1) Quelles sont les trois manières de mesurer l'innovation ?
2) Dans quel pays les dépenses de R&D en part de PIB sont-elles les plus élevées en 1992 puis en
2017 ?
3) Quels sont les liens entre R&D et croissance économique ? Distinguez R&D privée et R&D
publique.
4) À partir du texte et des données des graphiques, montrez comment l'État peut soutenir
l'innovation et le progrès technique.
C. L’accumulation du capital
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le modèle que l’on a vu plus haut, Robert Solow attribuait ces gains de productivité au progrès
technique qui résultait de découvertes aléatoires.
Les travaux de Solow (…), publiés en 1956, ont montré que la croissance économique est déterminée par
l’intensité du progrès technique et l’accroissement de la population active, tous deux exogènes. Les études
empiriques qui ont suivi ont mis en évidence que la contribution du progrès technique à la croissance
était comprise entre 50 et 80 %. La théorie néoclassique met ainsi en lumière l’importance des
innovations. (…) Elle implique cependant qu’aucune politique économique ne peut influencer le taux de
croissance de long terme de l’économie. En outre, cette théorie souffre d’un défaut d’explication du
progrès technique lui-même. Les recherches menées dans les années 1980, à la suite des travaux de
Romer publiés en 1986 et 1990, se sont efforcées d’expliciter les raisons du progrès technique. Les
modèles de croissance endogène voient ainsi dans l’investissement privé en capital physique, les
innovations technologiques [capital technologique], le capital humain et le capital public, les sources du
progrès technique, et donc de la croissance. Les connaissances revêtent un statut particulier dans ces
modèles : contrairement au capital physique, dont la productivité marginale décroît dans les théories
traditionnelles de la croissance, la connaissance s’accumule au fil du temps. Le savoir engendre le savoir.
Pour reprendre la phrase, souvent citée, de Bernard de Chartres au XIIe siècle, et reprise par Newton, «
nous sommes juchés sur les épaules de géants ». De la recherche naît l’invention, fondement même des
connaissances. L’invention conditionne l’innovation au côté des possibilités offertes par le marché et des
moyens dont dispose l’entreprise. L’innovation se diffuse et génère de nouveaux produits et de nouvelles
technologies (Boyer, Didier, 1998). Elle alimente à son tour le stock de connaissances, qui bénéficie à
l’ensemble des entreprises, même si, par des brevets ou simplement le secret, un innovateur peut
s’approprier, pour un temps donné, la connaissance dont il est la source. L’économie bénéficie alors de
rendements d’échelle croissants. Les externalités à l’origine des rendements d’échelle croissants sont
analysées de façons diverses dans les modèles de croissance endogène. Ces modèles ne sont pas exempts
de défauts. Ils ont néanmoins porté un nouvel éclairage sur les raisons du progrès technique, mettant en
avant le rôle primordial joué par les innovations dans la croissance économique. Ils ont également
réhabilité les politiques économiques comme facteurs influents de la croissance économique.
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sont, par exemple, les systèmes de retraite, les dispositifs d'assurance chômage et autres fonds sociaux. [...]
Chaque fonction des institutions peut prendre diverses formes. [...] La Chine a greffé une économie de
marché sur une économie planifiée plutôt que d'éliminer totalement la planification centrale. L'île Maurice
a mis en place des zones franches industrielles plutôt que d'opérer une libéralisation générale. [...] En
outre, il se peut que des choix institutionnels qui donnent de bons résultats dans un pays soient
inappropriés dans un autre qui ne dispose pas des normes d'accompagnement et des institutions
complémentaires. [...] En fait, la démocratie politique peut être perçue comme une méta-institution qui
aide les sociétés à choisir les institutions qu'elles désirent. Si les mesures de la démocratie ne permettent
pas toujours d'établir quels pays se développent plus vite ou plus lentement sur une période donnée, elles
expliquent les revenus à long terme.
D. Rodrick et A. Subramanian , «La primauté des institutions (ce que cela veut dire et ne pas dire)»,
Finance et développement, FMI, Juin 2003
Questions :
1) Quelles institutions peuvent être favorables à la croissance ?
2) Montrer qu'il n'y a pas de « modèle institutionnel » unique.
3) Pourquoi de « bonnes institutions » sont-elles nécessaires à la croissance ?
Les firmes sous-investissent en recherche. […] C'est l'objet de la politique publique […] que de remédier
à ce problème […]. L'État finance donc des institutions publiques de recherche […]. L'État peut aussi
créer des règles institutionnelles qui assurent un niveau plus élevé au rendement privé de la recherche. Il
en est ainsi du brevet. […] Si le brevet est un outil important pour susciter l'innovation […], il a en
revanche le défaut d'accorder un monopole à une entreprise privée. […] L'État peut financer directement
ou indirectement l'effort de recherche des entreprises. Les aides directes (subventions) sont distribuées
selon certains critères. […]
Les politiques publiques affectant la croissance sont bien sûr plus larges que [ces] seules mesures […]. Les
politiques d'éducation notamment […] mais aussi les investissements publics en infrastructures
(transports par exemple) jouent un rôle clé en fournissant aux entreprises les facteurs qu'elles ne sont pas
en mesure de produire elles-mêmes.
Dominique Foray et al., Croissance, emploi et développement, La Découverte, 2019.
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IV. Les limites de la croissance
A. Le progrès technique engendre des inégalités
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Questions :
1) Quel est le taux de croissance de l'émission de gaz à effet de serre entre 1970 et 2012 au niveau
mondial ? (Graphique)
2) Comparez et expliquez l'évolution de l'émission de gaz à effet de serre dans les pays à revenu
élevé et dans les pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure. (Graphique)
3) Reliez le graphique et la carte en mobilisant la notion d'externalités négatives.
Les tensions sur les ressources naturelles
On parlera […] des ressources naturelles au sens économique quand les ressources seront utilisables avec
la technologie existante et exploitable avec les prix actuels. […] Étant utiles à l'homme, leur usage peut
conduire à leur disparition et elles sont donc souvent des contraintes pour la croissance économique. […]
La ressource naturelle est avant tout un stock fini de matière, dont l'usage ne peut que conduire à son
épuisement final. On parlera dans ce cas de ressource épuisable, comme toutes les ressources minérales,
charbon, or, aluminium…, mais aussi comme le gaz ou le pétrole. Notons enfin qu'il existe une différence
entre ressources épuisables selon leur caractère durable ou non. […] Certains minéraux, comme l'or ou
l'argent, peuvent être recyclés dans certains de leurs usages et sont donc durables, contrairement au
pétrole par exemple. Cependant, si ce caractère peut retarder l'épuisement de la ressource, il ne peut pas
l'empêcher définitivement. Dans ce sens, les ressources épuisables s'opposent à d'autres ressources
naturelles qui ont une capacité propre de régénération et qu'on nomme pour cela des ressources
renouvelables. La forêt ou les poissons en sont les exemples les plus classiques. […] D'un point de vue
plus économique, toutes les ressources sont en fait épuisables si on entend par épuisable la possibilité
d'une utilisation qui conduise à la disparition de la ressource. Les cris d'alarme de ce début de siècle sur la
perte de biodiversité et la disparition de nombreuses espèces animales montrent que cette possibilité n'est
pas seulement théorique.
Gilles Rotillon, Économie des ressources naturelles, La Découverte, 2019.
Questions :
1) Distinguez les ressources naturelles épuisables et les ressources naturelles renouvelables.
2) Pourquoi les ressources renouvelables sont-elles menacées de disparition ?
Il faut donc distinguer la consommation de capital naturel substituable et les dégradations irréversibles. Si
le capital naturel substituable peut être consommé, éventuellement en grande quantité, à condition qu’on
augmente d’autant d’autres formes de capitaux, c’est que les générations futures, si elles accordaient plus
de prix que nous à ce capital naturel substituable, pourraient elles-mêmes le reconstituer en utilisant les
autres formes de capitaux. En revanche, les dégradations irréversibles du capital naturel doivent être
absolument évitées. En pratique, on considère aujourd’hui qu’il n’existe que deux grandes formes de
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dégradations irréversibles : la dégradation du climat et la réduction de la biodiversité. La plupart des autres
consommations de capital naturel concernent du capital substituable. On ne peut pas, certes, reconstituer
le pétrole qu’on a brûlé, mais on peut parfaitement fabriquer des carburants à partir de ressources
renouvelables comme la biomasse, donc ultimement à partir de l’énergie solaire dont l’abondance, à
l’échelle des besoins humains, est quasiment infinie. De même, des dégradations comme la pollution de
l’eau ou des sols sont en général réversibles.
Pierre-Noël Giraud, La mondialisation. Emergences et fragmentations,
éditions Sciences humaines, 2012
Questions :
1) Enoncez la définition de développement durable.
2) Qu’est-ce que la soutenabilité ?
3) Que faut-il prendre en compte afin de savoir si la croissance est soutenable ? Définissez le capital
naturel.
4) Quelle est la position avancée par la soutenabilité faible ?
5) Dans cette conception, quel rôle le progrès technique peut-il jouer ?
6) Quelle est la position de la soutenabilité forte ?
7) Quels sont les éléments du capital naturel que l’on pourrait considérer comme substituables avec
d’autres types de capitaux ?
8) Quels sont, au contraire, les éléments du capital naturel considérés comme « critiques » ?
Questions :
1) Comment la part des énergies renouvelables produites en France a-t-elle évolué ? Quelles sont
les principales sources d'énergie ?
2) Comment a évolué la part de la consommation d'énergies renouvelables au niveau mondial entre
1990 et 2015 ? Pour chaque catégorie de pays ?
3) Analysez le graphique sur la consommation d'énergies renouvelables à l'aide de la courbe de
Kuznets environnementale.
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experts] […] concluent, quant à eux, à une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre dans
l'ensemble de l'Europe et de 80 % en France par rapport à un véhicule diesel. […] La voiture électrique
peut-elle dès lors être présentée comme une solution durable ? Les progrès techniques devraient rendre
ces véhicules toujours plus efficaces, et les bouquets énergétiques évolueront vers davantage d'énergies
renouvelables. On peut néanmoins s'inquiéter d'un effet rebond difficilement quantifiable : les économies
d'énergie engendrées pourraient être neutralisées par une plus grande utilisation. L'institut d'études
Bernstein a calculé que le nombre de voitures en circulation dans le monde devrait être multiplié par deux
à l'horizon 2040.
Guillaume Pitron, « Le bilan litigieux des véhicules électriques », Le Monde diplomatique, 2018.
À savoir
L'effet rebond a été décrit par Stanley Jevons en 1865. Il part du constat que les améliorations
technologiques permettent de diminuer la consommation de charbon par hauts fourneaux, mais que la
multiplication de leur nombre conduit à augmenter la consommation globale de houille. Une innovation
qui permet d'économiser une ressource peut donc in fine conduire à son épuisement plus rapide.
Questions :
1) Montrez que l'impact des voitures électriques sur l'environnement est ambigu.
2) Pourquoi l'effet rebond limite-t-il l'effet de l'innovation sur la préservation de l'environnement ?
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