Chateau ST - Maire

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DÉPARTEMENT DES FINANCES ET DES RELATIONS EXTÉRIEURES

SERVICE IMMEUBLES, PATRIMOINE ET LOGISTIQUE

Château cantonal Saint-Maire


Place du Château – Lausanne
0m 1010 50m
SITUATION - 1/1000 50

Sauvegarder le patrimoine pour le maintenir vivant


PASCAL BROULIS – CONSEILLER D’ÉTAT, CHEF DU DÉPARTEMENT DES FINANCES ET DES AFFAIRES EXTÉRIEURES,
EN CHARGE DES CONSTRUCTIONS DE L’ÉTAT ET DU PATRIMOINE BÂTI

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Centenaire : c’est le qualificatif d’une restauration dont l’ampleur Un chantier nécessaire qui a connu aussi sa part de hasard, avec
est telle qu’elle ne peut avoir lieu qu’une fois par siècle. Vétuste voire l’exhumation inattendue dans la cave nord des socles des balanciers
insalubre et fortement dégradé, l’un des plus importants monuments de la monnaie, disparus depuis près de deux siècles. Cette redécou-
du canton nécessitait une intervention de ce type pour assurer sa verte à hautes valeurs archéologique et symbolique rappelle qu’entre
conservation à long terme. 1803 et 1825, le tout jeune Canton de Vaud avait frappé monnaie. Et
Depuis son origine au début du XVe siècle, la résidence des si le souvenir du site s’est estompé peu à peu jusqu’à l’oubli, voilà que
évêques, puis des baillis, jusqu’aux séances du Conseil d’Etat, le châ- l’on replace aujourd’hui les vestiges de l’économie vaudoise naissante
teau Saint-Maire est le siège permanent de la fonction dirigeante. au sein même de ce lieu de pouvoir.
Après la réhabilitation du portail de la Cathédrale de Lausanne et la Mieux connaître son passé pour bien construire son futur,
reconstruction du Parlement vaudois, la Cité recouvre ainsi en quelques l’adage trouve une pertinente illustration dans le concept de restau-
mois ses trois figures tutélaires … et patrimoniales. ration du château Saint-Maire. Outre la mise en valeur des socles
retrouvés, les travaux d’assainissement des charpentes, le traitement
des façades ou encore la conservation des remarquables peintures
murales ont restitué la substance historique de l’édifice. Conjointe-
ment, plusieurs éléments contemporains ont été aménagés, parmi
lesquels un centre de presse polyvalent dans la travée sud des caves
et une salle de réunion entièrement vitrée dans le grand-comble.
Dans le respect du passé, les apports nouveaux valorisent pleine-
ment ce patrimoine qui a toujours évolué avec son époque et qui doit
rester vivant et utile à ses occupants.

1
5m
FACADE EST - 1/250 0
m
1
1 5 FACADE SUD - 1/250 m
0 1
1
5m
5
façade est façade sud

Le château Saint-Maire, de l’intérieur vers l’extérieur


VINCENT GRANDJEAN – CHANCELIER

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La chancellerie de l’Etat occupe le château Saint-Maire depuis que de 2002. Les réflexions des années nonante et 2000 sur l’avenir du
le canton de Vaud existe, en appui de son gouvernement. Comme mes parlement confirmèrent la volonté de fixer le siège du Grand Conseil
douze prédécesseurs depuis 1803, j’ai reçu le privilège d’occuper ce sur son assise historique, alors que le château immédiatement voisin
lieu d’exception, de l’arpenter inlassablement et de finir par en con- constitue un autre signe fort de l’existence de l’Etat cantonal, le tout
naître les salles, les corridors, les caves, le comble, les ambiances, les formant le socle physique d’institutions pérennes.
us, l’histoire. C’est une connaissance de l’intérieur, promise à quelques Les conclusions s’imposèrent, au vu de cette vocation limpide,
utilisateurs captifs de longue durée. J’ai essayé de la mettre au ser- aussi bien historique que symbolique : le château resterait le siège
vice du projet de conservation qui touche à sa fin. du gouvernement. Toutefois, comme les travaux de conservation met-
L’achèvement des travaux de conservation est le fruit d’un pro- traient en valeur le lifting de ses façades de molasse rehaussées de
cessus qui a trouvé son origine bien avant les premiers coups de briques et de sa toiture flambant neuve, on eut à l’esprit que le projet
sondes et de pioches. Pour le Conseil d’Etat, il n’était pas question de ne s’adresserait pas qu’à un cercle restreint de reclus bienheureux,
se lancer dans cette opération sans avoir une vision approfondie de mais évidemment aussi au monde extérieur. Aux passant-e-s de la
l’affectation future du château. J’ai eu la chance de me trouver au cœur place du Château, aux habitant-e-s de la Cité, aux membres du Grand
des réflexions qui présidèrent à l’établissement des lignes directrices Conseil, aux étudiant-e-s et professeur-e-s de l’Ecole Supérieure de
de la programmation puis de la construction. Quelles furent-elles ? la Santé, éblouis à la vue d’un l’édifice remis à neuf ? Oui, mais pas
Elles se fondèrent sur deux constats : premièrement, le château seulement : les travaux, a-t-on décrété, devaient permettre à un public
Saint-Maire est historiquement et pleinement lié au pouvoir exécutif. plus nombreux de découvrir certains des espaces cachés par les murs
Après la période des temps épiscopaux où la vocation du château épais bâtis du temps des évêques. L’opération de conservation devait
fut défensive et résidentielle, le lieu a servi sans discontinuer à abriter donc intégrer à ses aspects historiques et fonctionnels – dont la conju-
une direction politique et une haute administration. Depuis 1803, toutes gaison n’est déjà pas une mince affaire – une dimension d’ouverture.
les salles et pièces sont utilisées dans le cadre de l’activité du gouver- Aujourd’hui, le résultat est là, les objectifs pleinement atteints. Le
nement et de l’administration, sans laisser de place à une exploitation, château Saint-Maire s’ouvre sur une nouvelle ère dans laquelle non
même partielle, de type muséal. L’équation « château égale siège du seulement le monument historique est préservé, non seulement ses
Conseil d’Etat » – que consacre l’expression « le château » pour signi- réaménagements permettent l’activité d’une administration du XXIe
fier « le gouvernement » – reste fortement ancrée dans les esprits. siècle, mais des espaces – les espaces spectaculaires dégagés dans
Deuxième constat : dans sa partie septentrionale, le site de la les caves et le comble – pourront être offerts à l’utilisation d’autres
Cité a vocation d’abriter les autorités cantonales. C’est encore l’histoire groupes de personnes que le Conseil d’Etat, le secrétariat général du
qui parle. Dès les premières années d’existence du canton, les sièges Département des institutions et de la sécurité et la chancellerie. La
du parlement et du gouvernement s’enracinent dans cette partie de la volonté de départ tenait presque de la quadrature du cercle, le Service
colline – un intermède fait exception : le transfert provisoire du Grand Immeuble, Patrimoine et Logistique (SIPaL) et les mandataires l’ont
Conseil dans les locaux du Palais de Rumine à la suite de l’incendie assimilée et magnifiquement traduite au travers de l’ouvrage.

2
5m
FACADE OUEST - 1/250 m
0 1
1
5m
5 FACADE NORD - 1/250 0
m
1
1 5
façade ouest façade nord

Une restauration réussie


JEAN-FRANÇOIS CROSET – SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DE LA SÉCURITÉ

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A l’heure de la quatrième révolution industrielle et des innovations Au deuxième étage, dit du « chemin de ronde », des bureaux vitrés
toujours plus rapides qu’elle engendre, le Département des institu- sont aménagés sur les côtés, alors que deux grands espaces, sépa-
tions et de la sécurité, plus particulièrement sa cheffe de département rés par une paroi centrale, occupent le centre. Cet étage est partagé
et son secrétariat général, qui occupent une partie du château, vivent entre la chancellerie et le secrétariat général du Département. Pour
comme un grand privilège la restauration de ce monument histo- ce dernier, la responsable des ressources humaines et le respon-
rique emblématique, qui s’inscrit dans un temps long, nous faisant sable financier y auront leur bureau, de même que leurs équipes
remonter au Moyen Age et aux différents évêques qui y ont résidé. respectives. Les tourelles pourront être utilisées comme petites
Les références au passé sont omniprésentes dans ce lieu de salles de conférence. Dans deux d’entre elles, des peintures murales
pouvoir, qui va à nouveau abriter les discussions du Conseil d’Etat, datant du Moyen Age ont été mises au jour.
occupé à relever les défis de la société vaudoise du XXIe siècle. Le Après les murs historiques, évoquons les aménagements
Département a aussi la chance de retrouver le château après trois contemporains : d’abord l’éclairage, qui a été voulu comme un élé-
ans d’absence, lui qui incarne la permanence des institutions vau- ment de mise en valeur, sans théâtralité. Une lustrerie moderne offre
doises depuis 1803. Ces travaux indispensables ont permis non un contraste avec les murs. Ensuite le mobilier, qui se divise en
seulement d’adapter le bâtiment aux exigences techniques du XXIe quatre familles, permet une déclinaison de meubles en fonction de
siècle (isolation, chauffage, électricité, informatique) – en rappelant la nature et de la destination des pièces dans lesquelles il prend
que le château est aussi un lieu de travail – mais encore de mettre place. Une unité a été recherchée : on retrouvera le même mobilier
en valeur la substance historique du monument, en retrouvant le dans les bureaux du rez-de-chaussée et du deuxième étage, de
volume des deux grandes caves, devenues salle des médias et café- même que dans le bureau de la cheffe de département, du chance-
téria, et en créant une salle de conférence dans la toiture, au cœur lier et du secrétaire général.
de la charpente plusieurs fois centenaire. Un mot pour terminer sur la commission de projet pour dire
Au rez-de-chaussée, le bel espace côté Place du Château, dans l’intérêt des discussions qui s’y sont déroulées, l’ambiance de travail
lequel trône une grande cheminée, devient le bureau de la Conseil- cordiale et sereine qui y a régné. Les trois architectes mandatés,
lère d’Etat. La paroi qui le sépare du bureau adjacent, occupé par ainsi que leurs collaborateurs se sont pleinement investis, avec un
son collaborateur personnel, dont la construction est plus tardive, magnifique résultat. Nous pouvons être reconnaissants à l’ensemble
est vitrée, permettant de se rendre compte de l’espace initial. Un des acteurs de la restauration du château, quel que soit leur rôle,
rideau peut être tiré pour assurer la confidentialité. En face, la salle d’avoir mené à bien cette belle opération.
de conférence a fait l’objet d’une attention particulière : elle est l’une
des plus ornées du château. Les décors des parois, endommagés,
ont été restitués. Elle devient, naturellement, la « salle des décors ».
Les autres bureaux seront occupés par le secrétaire général, les
adjoints, la chargée de communication et les secrétaires.

3
ancienne aula corridor du rez-de-chaussée

Le château Saint-Maire : « un patrimoine en mouvement »


PHILIPPE PONT – CHEF DU SERVICE IMMEUBLES, PATRIMOINE ET LOGISTIQUE

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Si qua fata sinant, c’est-à-dire « si les destins le permettent » était la Les destins, qui parfois attendent simplement d’être mis en action,
devise de l’évêque Aymon de Montfalcon dont l’épiscopat au château ont fait que d’heureuses circonstances se conjuguent pour permettre
Saint-Maire s’est déroulé de 1491 à 1517. Cette devise, fort présente de réaliser une opération exemplaire de préservation du patrimoine.
aujourd’hui encore dans divers espaces du château, s’applique par- Le SIPaL est particulièrement heureux aujourd’hui de mettre à dis-
faitement à l’opération de conservation-restauration qui s’achève position du Conseil d’Etat, de la chancellerie et du secrétariat géné-
en 2018, ceci à la suite de plusieurs années d’études et de travaux. ral d’un département, des espaces restaurés avec soin, devant
En effet, une première tentative de restauration au cours des répondre à toutes les exigences de l’actualité de notre société.
années 1970 n’a pas abouti en raison de divergences entre manda- Le quatrième pilier de la stratégie immobilière du parc construc-
taires et maître d’ouvrage sur la façon de prendre en charge cette tif de l’Etat prend sa pleine mesure dans le cadre des travaux de
importante opération de maintenance de l’un des monuments les plus conservation-restauration au château cantonal Saint-Maire : « pré-
emblématiques du canton de Vaud. Les destins n’étaient ainsi guère server et valoriser le patrimoine ».
réunis et les circonstances non favorables. Ultérieurement, le temps
passant, c’est encore les longues années de restructuration de la dette
publique de l’Etat qui a freiné le déclenchement de nouvelles études
et imposé une attente de plusieurs décennies pour rouvrir la clause
du besoin liée aux actuels travaux de restauration.
Pour le responsable d’un service constructeur public, l’héritage
d’une si longue attente est à la fois une lourde responsabilité au vu
du constat d’un fort retard de maintenance mais aussi et surtout, en
contrepartie, le privilège de plonger au cœur de l’un des objets les
plus représentatifs du patrimoine et du pouvoir vaudois et la chance
de contribuer à la mise en valeur d’un grand monument historique.
Le plaisir dans la conduite d’une telle opération constructive ne
peut en aucune mesure rester une simple satisfaction personnelle.
Cette dernière, réelle et permanente tout au long du déroulement des
études et des travaux s’est progressivement construite dans les excel-
lents rapports de confiance vis-à-vis de mandataires dotés de quali-
fications très élevées ainsi que d’artisans et d’entreprises conscien-
cieuses, les uns et les autres particulièrement concernés à œuvrer
au service d’une restauration de prestige.

4
enfilade chemin de ronde salle des Communes (en haut), chemin de ronde (en bas) grand escalier

Une réhabilitation pour l’avenir


BERNARD ZUMTHOR – EXPERT FÉDÉRAL

---

Siège ininterrompu de l’autorité gouvernementale depuis sa construc- Ce chantier exceptionnel l’a démontré de façon particulièrement
tion, le château Saint-Maire a, par un heureux hasard de l’histoire, convaincante : conservation et modernisation ne relèvent pas néces-
échappé aux transformations lourdes qu’entraînent en général les sairement de domaines antagoniques mais peuvent constituer les
changements d’affectation des monuments historiques. Certes de processus indissociables d’une même pratique. C’est malheureuse-
nombreuses adaptations de ses équipements ont dû répondre, au ment rarement le cas dans les faits. Car ce constat n’est jamais donné
fil du temps, à l’évolution des pratiques administratives et de leurs d’emblée comme une évidence. Il exige en effet, dans l’élaboration
nécessités fonctionnelles, mais, fondamentalement, il n’a connu du projet, de déterminer aussi précisément que possible, afin de l’évi-
aucune altération majeure. Cela a permis aux architectes et conser- ter, la ligne de fracture entre les deux objectifs : à partir de quelle limite
vateurs, lors des travaux qui s’achèvent aujourd’hui, de rendre au la préservation des structures historiques risque-t-elle d’entraver la
lieu sa singularité historique. fonction et, inversement, jusqu’où la logique fonctionnelle peut-elle
Le vénérable édifice a ainsi pu être remis en valeur, par une s’exercer sans oblitérer la typologie patrimoniale ?
rénovation légère et surtout par une restauration attentive : restitu- La mise en exergue des propriétés patrimoniales en tant que
tion de ses volumes primitifs transformés au cours du temps, répara- composantes majeures du projet contemporain, constitue ainsi la meil-
tion et consolidation des éléments dégradés, ou, notamment pour les leure assurance de la durabilité de l’édifice, non seulement matérielle
décors peints médiévaux, explicitation des usures de l’âge, afin de mais aussi dans sa signification sociale et culturelle pour la collec-
rendre intelligible ce qui pouvait l’être sans en trahir l’esprit, tels les tivité. En incorporant sa formidable épaisseur historique à la culture
mots à demi effacés d’une chronique séculaire de la dignité des lieux. de notre temps, le long passé du château s’affirme, sans paradoxe ni
Le défi était en effet d’intégrer la conservation avec le moins anachronisme, comme le gage de son avenir !
de discordance possible aux contraintes des usages actuels du bâti-
ment. La récupération des saisissantes « caves », l’emboîtement de
la nouvelle salle de réunion dans le comble ou l’insertion d’un ascen-
seur dans une partie des vides du mur primitif ouest, en sont les
exemples les plus éloquents.
Le château Saint-Maire, s’est ainsi enrichi simultanément de
l’actualisation de ses fonctionnalités et de la sauvegarde de ses spé-
cificités historiques et archéologiques, à quoi se sont ajoutées les
découvertes, en cours de chantier, de la citerne de la cave sud, des
socles des balanciers de frappe de la Monnaie de la cave nord et des
décors peints des deux tourelles.

5
salle du Conseil d’Etat chemin de ronde salle des Communes

Le projet de restauration
CHRISTOPHE AMSLER, NICOLAS DELACHAUX, DANILO MONDADA – ARCHITECTES

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Le projet de réhabilitation du château Saint-Maire s’inscrit dans la Remplir le vide


continuité monumentale. A Saint-Maire, l’adaptation du château à la succession des formes
politiques s’est faite de deux façons principales. La première va de
Continuité fonctionnelle … soi : occuper les espaces vides. Saint-Maire a été construit grand. Il
Permanence de la fonction, tout d’abord. Saint-Maire n’a cessé d’abri- ne s’est rempli que petit à petit et recèle aujourd’hui encore des
ter l’activité qui est à l’origine de sa construction. Château des évêques, espaces inoccupés dans lesquels se sont installées quelques-unes
puis des baillis de Berne, enfin du gouvernement vaudois, depuis des pièces du nouveau programme des locaux : espaces de rencontre,
1798, il continuera à l’avenir d’être le siège du pouvoir de l’Etat. Une telle la salle des Communes ou celle des Médias, placées respecti-
permanence de l’utilitas qui est une dimension patrimoniale parmi vement dans le vide du comble ou dans celui des caves, mais aussi
les plus importantes du château. Le projet s’y inscrit : il n’a jamais été lieux de travail comme les deux grands bureaux paysages du chemin
question que le gouvernement cantonal siège ailleurs qu’au château. de ronde.

 … et dynamique monumentale Vider le plein


Mais l’étonnant est que la conservation de l’affectation, pour se réa- Le second axe est moins habituel et tient à la masse extraordinaire
liser, implique d’un édifice qu’il s’ouvre sans cesse à l’évolution de la des maçonneries du château qui, au rez-de-chaussée inférieur, par
fonction qu’il loge. Il faut que le construit s’adapte, continuellement, exemple, occupe la moitié du volume total de l’étage. Un rapport plein-
à la transformation des usages: en un mot paradoxal, préserver vide si défavorable à l’utilité qu’il a, dès le XVe siècle, incité les habi-
l’affectation, c’est demander au monument qu’il soit dynamique. tants du château à exploiter la mine de vide que représente le plein
Or le mouvement d’un monument, dans la continuité de sa fonc- des murs : agrandissement d’ébrasements, percement de passages,
tion, n’est jamais totalement libre, ni aléatoire. Il suit, au contraire, creuse d’escaliers, un grand nombre de dégagements a été gagné
certaines formules, particulières à chaque fonction, propres à chaque de la sorte sur la matière bâtie. Le projet actuel suit ce réflexe « tro-
bâtiment et qui font partie intégrante du patrimoine : une véritable glodyte » : l’équipement le plus encombrant de la nouvelle installation,
équation du mouvement qu’il s’agit de reconnaître, et de conserver l’ascenseur, a été foré tout entier dans l’épaisseur de la façade ouest
en la poursuivant. du corps de logis.

6
ascenseur dans la façade ouest fenêtre du balancier sous le grand escalier

Couper droit Actualité de l’histoire


Mais ces deux pratiques traditionnelles ne suffisent pas toujours. Pour le reste, les équipements nouveaux du château expriment leur
L’insertion d’éléments nouveaux requiert parfois d’autres manières caractère actuel par une expression architecturale contemporaine
de faire. La « coupure » en est une qui a été privilégiée à Saint-Maire, qui dialogue avec des structures historiques conservées et mises
non qu’elle soit historique, mais parce qu’elle permet de préserver le en évidence par un traitement archéologique rigoureux : un contraste
témoignage monumental tout en intervenant sur lui. Lorsque la sup- de mise en œuvre qui manifeste, jusqu’au plus profond de l’histoire,
pression d’une partie s’avère nécessaire en effet, pour céder un pas- l’extraordinaire continuité d’affectation qui fait à la fois l’actualité de
sage par exemple, elle se pratique par coupure. L’élément à transfor- Saint-Maire et sa valeur monumentale.
mer n’est pas remanié, il est simplement coupé pour n’être démoli qu’à
demi, dans un geste abstrait qui n’affecte pas le témoignage historique.
Tel est le bouchon qui fermait l’accès aux parties inférieures de l’esca-
lier de Delagrange : coupé à moitié, il reste entier dans sa lisibilité de
bouchon, tout en libérant les belles perspectives qui dormaient der-
rière lui.
B

4,34 m2

1^5^

A A
B

m0 11 55m m 0 11 55m
niveau -2 2e SOUS-SOL - 1/250 niveau -1 1e SOUS-SOL - 1/250

7
m 1 5
coupe A COUPE A - 1/250 0 1 5m
B

Rangements: 9 ml
Rangements: 9 ml

A A
B

m 1 5
5m m0 1 5
5m
rez-de-chaussée REZ-DE-CHAUSSEE - 1/250 1e ETAGE - 1/250
0 1 1
niveau 1

8
TOIT DU ROCHER

m 1
5m5
coupe B COUPE B - 1/250 0 1
B
B

A A
B

m 1 5 m 1 5
niveau 2 2e ETAGE - 1/250 0 1 5m
niveau 3 3e ETAGE - 1/250 0 1 5m

9
Du projet de restauration à l’exhumation et la mise en valeur des vestiges
NICOLE POUSAZ – ARCHÉOLOGUE CANTONALE

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Face à un édifice aussi chargé d’histoire et de puissance symbolique Surprise de taille dans la cave nord
que le château cantonal, les archéologues, Alessandra Antonini puis Dans la cave nord, réhabilitée aujourd’hui en cafétéria, s’ouvre une
Marie-Paule Guex, intégrées dans l’équipe du projet de réhabilita- fenêtre sur le passé, qui laisse entrevoir des vestiges d’un artisanat
tion monumentale, ont eu comme mission initiale d’examiner attenti- bien particulier. Découvertes en 2012 à la faveur de sondages sous la
vement tous les détails de sa mise en œuvre pour bien en mesurer les surface du sol, les deux structures a priori énigmatiques sont confron-
conséquences. Chacun des événements que l’Histoire a retenus aura tées au plan dessiné par Perregaux en 1811. Leur interprétation ne se
laissé ses marques sur l’édifice ou au contraire fait disparaître les fait pas attendre. Il s’agit bien des socles sur lesquels ont fonctionné
précédentes. A contrario, d’autres événements anecdotiques auront les balanciers de la Monnaie depuis 1803 où les rappes et batz du
tout aussi bien pu y abandonner des traces matérielles, plus difficiles jeune canton de Vaud ont été frappés jusqu’en 1825. Ces deux balan-
alors à interpréter. Cet investissement de temps préalable, gage ciers ont été désaffectés et enfouis avant 1893, date à laquelle la cave
d’un chantier prévoyant et respectueux de la substance historique, a reçu une autre affectation.
a été consenti avec clairvoyance et professionnalisme. Que les vestiges mis au jour puissent s’insérer aussi parfaite-
Pour un édifice tel que le château Saint-Maire, les données sont ment dans un contexte documentaire précis demeure une situation
bien heureusement fort nombreuses, entre les vestiges encore visibles, bien rarissime en archéologie. Il n’est pas moins extraordinaire que
les archives, les sources historiques, les documents iconographiques les deux socles n’aient pas été complètement détruits et leur pierre
(cadastres, gravures, peintures, etc.), les objets collectionnés dans réutilisée à d’autres usages comme c’est le cas dans les constructions
les musées (MCAH, MHL, MMC) et les précieuses connaissances des humaines depuis toujours.
experts dans le domaine de l’architecture et de l’histoire politique.
L’archéologue a ainsi été amené à prédire ce que les travaux S’il fallait encore en justifier la nécessité, le suivi archéologique pré-
pourraient exhumer sous la surface du sol, grâce aux terrassements ventif du complexe chantier de restauration du château cantonal
ou derrière l’apparence des murs après le démontage des dalles et démontre bien la justesse et l’adéquation de la démarche voulue par
des cloisons, voire le piquage des enduits oblitérant les réalisations le Canton, maître de l’ouvrage, à l’instar de ce qu’il recommande pour
du passé. Le moteur de cette démarche itérative était donc bien le d’autres bâtiments historiques. Des découvertes archéologiques
futur avec le projet d’un château cantonal réhabilité et inauguré en primordiales ont été réalisées, en particulier pour la compréhension
2018. Aujourd’hui, les calendriers se rejoignent, le futur est devenu des premières années du canton, à commencer par l’exercice de son
un présent qui a su bellement intégrer le passé. autorité monétaire.
A l’heure de célébrer le château cantonal, dans ses nouveaux
atours, il est une découverte qu’il nous plaît de mettre en exergue dans
ces lignes.

11
1. Plan de David Buttet, 1638.
© MUSÉE HISTORIQUE DE LAUSANNE
2. Le château vu du sud, vers 1700.
© ARCHIVES DE LA VILLE DE LAUSANNE

1 2

Une forteresse médiévale


BRIGITTE PRADERVAND – HISTORIENNE

---

Le château Saint-Maire, résidence des évêques de Lausanne au teaux bernois. Les anciens décors épiscopaux furent cachés sous
Moyen Age, domine la colline de la cité dont il contrôlait autrefois des badigeons, mais l’imposant corridor central assurant la distri-
l’accès au nord, jouxtant la porte du même nom. Edifié dès 1397 à bution générale des chambres subsista. Seul apport moderne consé-
l’emplacement de l’ancien prieuré Saint-Maire par Guillaume de quent, un escalier monumental et un vestibule furent construits par
Menthonay (1394 – 1406), il ne fut achevé que sous l’épiscopat de l’architecte Gabriel Delagrange en 1788 – 1789 (FIG. 5). Les baillis en
Guillaume de Challant (1406 – 1431), comme l’ont confirmé les ré- profitèrent peu, puisqu’ils durent quitter les lieux en 1798 déjà.
centes analyses archéologiques et la découverte de peintures murales Siège du gouvernement cantonal depuis 1803, le château fit
armoriées dans les tourelles. Benoît de Montferrand (1476 – 1491) et l’objet de plusieurs interventions depuis lors, notamment de 1844 à
surtout Aymon de Montfalcon (1491 – 1517) procédèrent ensuite à de 1847, époque à laquelle on compléta le décor médiéval par d’inté-
nombreux aménagements. Des fortifications successives, fossés, ressants apports de style néogothique. A la fin du XIXe et au début
ponts-levis, portes, aujourd’hui disparus, assuraient la défense du du XXe siècles, le château fut remanié en profondeur avec la volonté
site (FIG. 1 – 2). de revenir à un état médiéval. Pratiquement tous les apports de
Le château impose sa silhouette depuis la place. Des murs très l’époque moderne, à l’exception de l’annexe occidentale, dispa-
épais aux parements de molasse bien appareillée, des fenêtres par- rurent. L’on remit au jour les peintures du corridor, des portes et
cimonieusement réparties et un étage de couronnement à baies cré- fenêtres d’inspiration médiévale furent recréées conférant au bâti-
naux révèlent la fonction première défensive de l’édifice. De plan ment son aspect actuel.
carré et d’aspect massif, le bâtiment est coiffé d’un chemin de ronde et
de tourelles en briques, typologie architecturale dévoilant l’influence
de la puissante famille de Challant, originaire du Val d’Aoste (FIG. 3).
A l’intérieur, au premier niveau, la chambre dite de l’évêque conserve
une cheminée et un plafond peint remarquables remontant aux amé-
nagements d’Aymon de Montfalcon, tandis que l’étage inférieur com-
porte encore, dans plusieurs chambres, de très intéressantes pein-
tures murales du XVe siècle.
Devenu siège baillival comme la plupart des châteaux vaudois,
le bâtiment fut transformé à de nombreuses reprises. Leurs Excel-
lences de Berne y logeaient et y recevaient (FIG. 4). Des cheminées,
des boiseries de hauteur, agrémentèrent peu à peu l’ancien édifice
médiéval, sans toutefois en modifier le plan initial. Quelques
grandes salles médiévales furent fragmentées, de façon à répondre
aux usages et au programme architectural en vigueur dans les châ-

12
3. Tourelle d’angle en briques 4. Plan du château et de la maison
de l’époque de Guillaume de Challant. du chapitre de Lausanne,
© RÉMY GINDROZ par Jean-Pierre De Lagrange en mai 1733.
© ACV, GC 810 © RÉMY GINDROZ
5. Détail de l’escalier
de Gabriel Delagrange, 1788 – 1789.
© RÉMY GINDROZ

4 5

13
1. Chambre de l’évêque,
la cheminée de style gothique
flamboyant.
© RÉMY GINDROZ

Les décors peints du château (XVe – XVIe siècles)


BRIGITTE PRADERVAND – HISTORIENNE

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Contrairement à l’extérieur du château qui conserve son aspect de Montfalcon. Dans les ébrasements de la fenêtre principale, des per-
forteresse, l’intérieur du corps de logis est orné d’aménagements déli- sonnages en prière, de noble condition, sans doute des portraits,
cats, notamment de peintures médiévales dont certaines viennent accompagnent Benoît de Montferrand, bien identifié par ses armoi-
d’être remises au jour. La plupart sont liées à l’évêque Aymon de ries (FIG. 4). S’y trouvent également des représentations de Dieu le
Montfalcon. Auteur de poèmes, amateur d’art, le prélat fut à l’origine Père et d’une Annonciation. Ces peintures remontent aux années
de nombreuses commandes, tant dans les domaines de l’architecture, 1476 – 1477. Dans la fenêtre ouest apparaissent saint Jean-Baptiste,
de la sculpture, du vitrail, que de la bibliophilie ou de la peinture. saint Jean l’Evangéliste, saint Antoine et saint Paul ainsi que le
Les premiers décors qui s’offrent au regard du visiteur se Christ en Croix.
trouvent dans le corridor du rez-de-chaussée. Les peintures, mises Dans une niche, une femme nue, sur un cheval qui s’élance
au jour en 1911, puis fortement restaurées et complétées par Ernest contre le rocher de Fortune, rappelle la devise de l’évêque : si qua
Correvon, représentent des figures féminines, richement vêtues. Elles fata sinant – si les destins le permettent – référence à l’Enéide de
illustrent de grands textes appartenant à deux œuvres écrites au Virgile. Les trois autres parois de la salle viennent de révéler des
XVe siècle. Au nord, les Douze dames de Rhétorique, d’après l’ou- peintures malheureusement endommagées, mais d’un très grand
vrage de Georges Chastelain, suscitent la réflexion du visiteur sur intérêt. Une frise aux armes des Montfalcon et de leurs alliances, com-
l’acquisition de la connaissance et sur l’art de la rhétorique comme prend des personnages peints avec délicatesse, d’un style proche des
un idéal de perfection qui se rapproche du divin. Douze figures décors du couloir (FIG. 5).
s’ordonnent ainsi : Science, Eloquence, Profundité, Gravité de sens, Au premier étage, la chambre dite de l’évêque conserve une
Vieille Acquisistion, Multiforme Richesse, Florie Memoire, Noble très belle cheminée et un plafond peint orné de motifs floraux, témoins
Nature (FIG. 2), Clere Invencion, Precieuse Possession, Deduccion des aménagements fastueux de la cour du prince-évêque (FIG. 1).
loable, Glorieuse Achevissance. Adam et Eve terminent l’énuméra- Dans les tourelles, d’intéressants décors héraldiques de l’épo-
tion. Au sud, le Bréviaire des nobles d’Alain Chartier, décrit les vertus que de Guillaume de Challant viennent d’être mis au jour, confirmant
dont doivent faire preuve les seigneurs. Foy, Loyaucte, Honneur (FIG. 3), ainsi le rôle important de cet évêque dans l’édification du château.
Droicture, Prouesse, Amour (fragment de figure reconstitué), Cour-
toisie (fragment de visage reconstitué), Diligence, Netteté, Largesse
(image perdue), Sobreste (Sobriété), Perseverance (image perdue).
Ces peintures savantes témoignent de l’avènement de la Renais-
sance en Pays de Vaud, tant dans le monde littéraire que dans celui
des arts figuratifs.
On accède ensuite à la salle des décors, l’une des plus ornées
du château. Deux campagnes de peintures murales sont le fait de
deux évêques successifs, Benoît de Montferrand puis Aymon de

14
2. Corridor du rez-de-chaussée, 4. Salle des décors,
détail de la figure Noble Nature. l’évêque Benoît de Montferrand
© RÉMY GINDROZ et sa suite en prières.
3. Corridor du rez-de-chaussée, © RÉMY GINDROZ
détail de la figure de l’Honneur. 5. Salle des décors,
© RÉMY GINDROZ détail d’un des tenants des armoiries.
© RÉMY GINDROZ

3—4 5

15
Eugène Jost,
Restauration du Château de Lausanne.
Façade ouest.
Façade au midi, élévation, [1897].
© ACV, S 34

Le château du XIXe siècle au début du XXe siècle


CLAIRE HUGUENIN – HISTORIENNE

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A la Révolution vaudoise, l’ancienne demeure baillivale devient sous vatrices et archéologiques. Les travaux touchant à la façade sud et
l’appellation de Maison nationale, puis dès 1803 de Maison canto- est sont exécutés respectivement en 1898 et 1899 – 1900, dans un climat
nale, un centre administratif et le siège de l’exécutif. de méfiance réciproque et de polémique. Un décret de 1898 prévoyait
Par manque de place, tous les services ne peuvent être logés au de poursuivre la campagne de restauration du côté nord puis de
château et le Conseil d’Etat doit s’installer, dans un premier temps, s’attacher à l’intérieur. En automne 1899 déjà, le Grand Conseil
dans une ancienne bâtisse juchée sur l’enceinte. L’exiguïté des lieux, décide de les suspendre, officiellement en raison de difficultés finan-
mais aussi les conditions de confort – spartiates en matière de cières et de l’état jugé satisfaisant du bâtiment. Le résultat obtenu
lumière et de chauffage – constituent autant de problèmes récurrents paraît peu défendable à l’aune de la loi sur la conservation des monu-
que les architectes sont appelés à résoudre avec pragmatisme, sou- ments historiques votée en septembre 1898 ; les usagers ne sont pas
vent à moindre coût. Ils sont aussi conduits à opérer des rotations satisfaits. L’intérieur sera traité entre 1911 et 1926 et son caractère
dans l’attribution des locaux en faveur des usagers les plus exi- médiéval mis en exergue par la restauration de peintures murales et
geants. Les caves sont partiellement occupées par des cellules de la création de décors d’inspiration gothique.
prisonniers jusqu’en 1811 et par les deux balanciers en fonte servant
à frapper monnaie. L’étage de comble, resté ouvert et difficile d’accès,
est aménagé en bureaux, dépôt d’archives et atelier du Timbre et il
est rendu plus accessible, en 1828 – 29.
En 1845, Louis Wenger est chargé de restaurer « dans le style
de l’époque » la chambre de l’Evêque pour servir de salle d’audience
au Conseil d’Etat, un local jusqu’alors fractionné par des galandages
et utilisé comme dépôt. Cette intervention compte parmi les premiers
essais de reconstitution d’un décor de style gothique, dans le canton.
Elle ne fera pas école et jusque dans les années 1880, les travaux
sont de nature utilitaire.
En 1892, les autorités font appel à Gaspard André pour étudier
la restauration du château et de ses abords. Le projet du Lyonnais
ne convainc pas. Après sa mort, l’affaire est confiée à Eugène Jost.
Tenant compte des critiques adressées à son prédécesseur, Jost choisit
le compromis, cherchant à répondre aux besoins des utilisateurs,
aux exigences d’une restauration conçue comme la « restitution de
l’édifice en son état primitif », et à trouver un terrain d’entente avec la
commission technique chargée de le surveiller, aux vues plus conser-

16
1. David Aloïs Schmid (dessin), 2. Daniel Wegelin,
Caspar Burkhardt (graveur), Le château depuis le Bazar vaudois,
Das Innere des Schlosses, vers 1830. aquatinte publiée par le Bazar vaudois,
Les abords immédiats du château au sud. vers 1840.
© MUSÉE HISTORIQUE DE LAUSANNE © COLLECTION PRIVÉE
Au premier plan, le mur de 1828 – 1829
soutenant le grand verger.
Sur le mur d’enceinte, les bâtisses
démolies en 1845.

Les abords du château


CLAIRE HUGUENIN – HISTORIENNE

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Loin d’être homogènes, les abords du château présentent toujours


deux physionomies distinctes, héritées de leur passé.
Englobée dans le tissu urbain, la zone sud-est se décline en
cours, jardins, terrasses, rues, murs de soutènement et palissades.
Son aspect ne diffère guère, à l’aube du XIXe siècle, de celui figuré
sur le plan de 1733. Dès 1803, cet espace est circonscrit par de nou-
veaux bâtiments qui confirment la Cité dans sa fonction de siège du
pouvoir et de l’autorité, dont le Grand Conseil et le Tribunal d’appel.
Celui-ci n’en est pas pour autant amélioré et Henri Perregaux en
déplore en 1815 l’état de délabrement (FIG. 1). Vingt ans plus tard, l’Etat
prend les premières mesures, en supprimant les jardins puis en lan-
çant un concours pour l’arrangement de l’ensemble. Sans succès.
Louis Wenger livre un projet en 1837, dont une version très simplifiée 2
ne sera mise en œuvre qu’en 1845 : la zone est subdivisée en terrasse
et place, reliées par un escalier. Dans la partie haute, la destruction
des bâtisses juchées sur l’enceinte permet l’édification d’un mur de
terrasse rectiligne. En bas, le terrain est abaissé afin de mettre en
évidence en particulier le château. Dès 1890, la place inférieure est
agrandie par de nouvelles démolitions puis elle est, à nouveau, abais-
sée de deux mètres (Louis Bezencenet et Alexandre Girardet). Elle
rejoint ainsi le niveau des anciens fossés et celui de ses voies d’accès
(rue de la Barre, rue Cité-Derrière). Un escalier majestueux, avec
palier intermédiaire accueillant d’étroits jardins, est établi.
La zone nord-ouest, hors de l’enceinte médiévale, est vierge de
construction. Elle accueille selon les sources une « prairie », des « plan-
tages », puis un « verger ». Du grand projet d’aménagement formulé
en 1825 par Adrien Pichard ne seront réalisés que des murs de soutè-
nement et la création d’un jardin-terrasse au droit de la façade nord
du château en 1828  – 1829 (FIG. 2). Une autre tentative de transformer
la zone en jardin d’agrément ne connaîtra pas plus de succès et la
nature n’y est, aujourd’hui encore, que peu domestiquée.

17
1. Vue de Lausanne
par Matthäus Merian, 1642.
© MUSÉE HISTORIQUE DE LAUSANNNE
2. Restitution du château
à la fin de sa construction,
vu du sud-ouest
©TERA SÀRL

Les données archéologiques :


aspect d’origine et évolution du château
MARIE-PAULE GUEX – ARCHÉOLOGUE, BUREAU TERA SÀRL, SION

---

Le château Saint-Maire, construit entre 1397 et 1431, est une résidence velles latrines sont établies contre la façade ouest des précédentes.
épiscopale bâtie comme maison-forte. Il s’élève sur le point le plus En 1758, elles sont agrandies et leur façade occidentale est dotée de
haut de l’éperon de la Cité. Protégé par deux fossés (à l’ouest et au fenêtres encadrées de colonnettes : la loggia actuelle (FIG. 4). La der-
sud) et un talus abrupt (au nord), l’édifice était gardé par une enceinte, nière transformation d’époque bernoise est l’escalier monumental,
plusieurs portails et deux ponts-levis. Un terre-plein à créneaux (à en 1788 – 1789. Cette construction remplace l’ancienne entrée via les
l’ouest), un chemin de ronde sur mâchicoulis et des tourelles d’angle deux ponts-levis, et permet une circulation verticale directe du sous-
complétaient le dispositif de défense (FIG. 1 – 2). sol à l’étage.
Résidence d’un dirigeant religieux et politique, le bâtiment com- En 1798, le château passe en mains vaudoises et sa fonction
prenait des salles d’audience et de réception (avec cuisine) au rez- devient exclusivement administrative. Dans la cave nord, un balan-
de-chaussée et des pièces à caractère privé à l’étage. Un équipement cier frappant monnaie est installé en 1803 et un second en 1811 (FIG. 6).
sanitaire (latrines et salle de bain) occupait les deux étages supé- Ceux-ci ont été démontés et leurs fondations remblayées dès 1825,
rieurs d’une tour-annexe en briques édifiée dans le fossé et adossée lorsque le canton de Vaud rejoint le concordat pour l’uniformisation
à la façade ouest du château (FIG. 3 – 5). de la monnaie. Dans les années 1840, le fossé sud est comblé, tandis
L’édifice, par sa fonction de maison-forte, a servi de prison dès que sont construits l’actuel mur de terrasse ouest et la volée supé-
l’origine. Les étages inférieurs de la tour renfermaient des geôles et rieure de l’escalier de l’esplanade. La volée inférieure a été ajoutée
des cachots. lorsque la place du Château a été abaissée de 2 mètres entre 1895
Le sous-sol du château est composé de deux grandes caves et 1898.
voûtées, accessibles depuis la rue de la Barre (à l’est). Un puits excavé
dans le rocher au niveau de la cave sud assurait l’approvisionne-
ment en eau potable. Un escalier en vis, compris dans l’épaisseur de
la façade orientale, reliait ce sous-sol aux étages jusqu’au chemin
de ronde.
Dès les premières occupations, l’intérieur du château a été
modifié au gré de chaque résident. Ces transformations répondaient
à des préoccupations pratiques ou décoratives (peintures murales).
Lors de la période bernoise, le rez-de-chaussée est affecté à
des fonctions administratives ; les grandes salles sont divisées à
maintes reprises par des parois de refend. Au milieu du XVIIe siècle,
des cachots sont ajoutés dans le sous-sol de l’annexe. L’accès à ces
prisons est transféré au pied de la façade nord de la tour, où il est
fortifié d’une douve et d’une herse. Au début du XVIIIe siècle, de nou-

18
3. Le château Saint-Maire et 5. Sous-sol de l’annexe occidentale après
les annexes ouest avant travaux. la construction de l’escalier de 1788 – 89
© RÉMY GINDROZ (vue en direction du nord).
4. Annexe des latrines du XVe siècle A gauche :
(en briques) et du XVIIIe siècle la paroi de briques du terre-plein défensif.
(en pierre taillée) avec la loggia actuelle, En haut au premier plan :
avant travaux. l’arche ajoutée tardivement pour soutenir
© RÉMY GINDROZ un des ponts d’accès à l’entrée.
© RÉMY GINDROZ
6. Les balanciers monétaires lors de leur
découverte en 2015. Devant, le balancier
de 1803. Au fond, celui de 1811.
© RÉMY GINDROZ

4 5

19
CHRONOLOGIE ENTREPRISES

1979 DÉSAMIANTAGE AGENCEMENT BAR


Etudes liées à un projet de restauration de l’enve- PERRIN FRÈRES SA GLAND GINOX SA CHAILLY-MONTEUX
loppe de l’édifice. L’incertitude liée au type d’opération SONDAGES MAÇONNERIE ASCENSEUR
à effectuer fait échouer ce projet. A la suite de cet DÉNÉRIAZ SA LAUSANNE ASCENSEUR MENÉTREY SA ROMONT
échec, la crise récurrente des finances publiques INSPECTION CAMÉRA DISPOSITIF DE LEVAGE
a régulièrement ajourné les tentatives de restauration ISS FACILITY SERVICES SA BACO SA VILLARS-STE-CROIX
du monument. CORCELLES-CORMONDRÈCHE OUVRAGES MÉTALLIQUES
MAÇONNERIE AXIAL CRÉATION SA FOREL
2008 ADV / CAMANDONA CRISSIER METAL-SYSTEM ECHANDENS
La commission de gestion du Grand Conseil dépose DESAX SA ECUBLENS OUVRAGES MÉTALLIQUES HISTORIQUES
un postulat destiné à exiger du Conseil d’Etat une FORAGE TRÉMIE ASCENSEUR GAM LA SARRAZ
réponse sur ses objectifs de conservation-restauration DENTAN FRÈRES SA LAUSANNE MENUISERIES
du château cantonal Saint-Maire. ECHAFAUDAGES ANDRÉ SA YENS
VON RO SA CAROUGE MENUISERIES HISTORIQUES
Le Conseil d’Etat répond au Grand Conseil par l’inter- CHARPENTE BOIS ART & BOIS CRÉATION SAINT-GEORGE
médiaire d’un rapport présenté devant une commis- ATELIER VOLET SA SAINT-LÉGIER-LA CHIÉSAZ STYLIGNER SÀRL MARACON
sion parlementaire acceptant l’idée de lancer un bilan PRÉSERVATION BOIS CLOISONS VITRÉES
de santé du monument. PARAXYL SÀRL ECHANDENS SCHWAB AG BERN
TAILLE DE PIERRE CHAPES ET TERRAZZO
2009 AUSSENAC SÀRL PAMPIGNY WEISS + APPETITO SA ECUBLENS
Le Conseil d’Etat octroie un crédit d’étude d’un MENUISERIES EXTÉRIEURES PLANCHERS – PARQUETS
montant de CHF 50 000.– en vue de faire établir HOLZMANUFAKTUR AG HUNZENSCHWIL W. TISCH & REYMOND SA LAUSANNE
un pré-bilan de santé du monument. FERBLANTERIE – COUVERTURE FUMISTE
BORIO SA LAUSANNE PISL’AIR ÉNERGIE SÀRL NYON
Le Service Immeubles, Patrimoine et Logistique pilote TRAITEMENT HUMIDITÉ PLÂTRERIE – PEINTURE
une commission de planification destinée à détermi- HUMI-STOP SÀRL LA CHAUX-DE-FONDS CHARLES AUER SÀRL GRANGES-MARNAND
ner les affectations futures de l’édifice. STORES EN TOILE CONSERVATEUR – RESTAURATEUR
La commission confirme l’affectation générale du KÄSTLI AG BELP ATELIER SAINT-DISMAS LULLY
monument comme siège prioritaire dédié au gouver- INSTALLATIONS ÉLECTRIQUES RESTAURATION TAPISSERIE
nement cantonal. CAUDERAY SA LAUSANNE HÉLÈNE DUBUIS SION
CANAUX – BOÎTES DE SOL RESTAURATION VITRAUX
Etablissement du programme des besoins du Conseil TEMSA SA ROMANEL-SUR-MORGES PASCAL MORET CUGY
d’Etat, de la chancellerie, de la cheffe du DIS et LUSTRERIE TENTURES MURALES
de son secrétariat général. La commission de planifi- LUXED LIESTAL CHARLES-ÉMILE MOINAT & FILS ROLLE
cation souhaite améliorer les circulations verticales LUCE-MS SA VALBROYE NETTOYAGE
dans l’édifice par la mise en place d’un ascenseur. ERCO LIGHTING SA ROSSENS PROTRAVAIL RENENS
VB LIGHTING AG ZURICH TRANSPORTS
JUIN 2010 MCR ISA TRANSPORT SÀRL MONTREUX
Le Conseil d’Etat accepte le rapport du pré-bilan TECHBAT LUGRIN ECHALLENS MÂT EN CARBONE
de santé du monument et donne son orientation sur SAUTER BUILDING CONTROL SA RENENS LUTHI ET FILS SA CRANS-PRÈS-CÉLIGNY
la suite des études et des travaux. SYSTÈME DE SÉCURITÉ PANNEAU DE CHANTIER
APROTEC SA CAROUGE IMAGES3 SA LAUSANNE
AVRIL 2011 ÉCLAIRAGE DE SECOURS AMÉNAGEMENTS EXTÉRIEURS
Lancement d’un appel d’offre public en procédure ARMELEC SÀRL PENTHALAZ DENOGENT SA PRANGINS
ouverte en vue de désigner un groupe pluridisciplinaire MULTIMEDIA DANIEL JORDAN CORCELLES-LE-JORAT
chargé de la maîtrise du projet. AUDITECH SA VEVEY MOBILIER
INSTALLATIONS CHAUFFAGE TEO JAKOB SA GENÈVE-CAROUGE
NOVEMBRE 2011 VON AUW SA PRÉVERENGES WOHNSHOP LAUSANNE
Obtention du crédit d’étude par le Grand Conseil. INSTALLATIONS VENTILATION TEXTILES
ALVAZZI SA LAUSANNE CARLO MANIN LAUSANNE
JANVIER 2015 CONDUIT DE FUMÉE SIGNALÉTIQUE
Obtention du permis de construire. GAZNOX SA VILLARS-STE-CROIX LES ATELIERS DU NORD LAUSANNE
INSTALLATIONS SANITAIRES
MAI 2015 PASCHE SANITAIRE SA NOVILLE
Obtention du crédit d’ouvrage par le Grand Conseil.

JUIN 2015
Délocalisation provisoire des utilisateurs.

JUILLET 2015
Début du chantier.

AUTOMNE 2015
Pose de la première pierre.

14 AVRIL 2018
Inauguration officielle.

FIN AVRIL 2018


Retour des utilisateurs au château Saint-Maire.

20
04 / 2018
#136  CHÂTEAU CANTONAL SAINT-MAIRE – LAUSANNE

COMMISSION DE PROJET MANDATAIRES MANDATAIRES SPÉCIALISÉS SPÉCIALISTE MENUISERIE


PHILIPPE PONT CMC COMMUNAUTÉ DES MANDATAIRES HISTORIENS (NES) ARTEMOS PULLY
PRÉSIDENT, CHEF DE SERVICE SIPAL DU CHÂTEAU BRIGITTE PRADERVAND OLLON SPÉCIALISITE ASCENSEUR
VINCENT GRANDJEAN ARCHITECTES CLAIRE HUGUENIN RENENS ASCKA ASCENSEUR CONSEIL SÀRL LE MONT
CHANCELIER, VICE-PRÉSIDENT BUREAU AMSLER LAUSANNE BRUNO CORTHÉSY LAUSANNE EXPERTISE VITRAUX
JEAN-FRANÇOIS CROSET ATELIER GLATZ & DELACHAUX NYON ALEXANDRE PAHUD ORBE VITROCENTRE ROMONT
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, DIS MONDADA FRIGERIO DUPRAZ LAUSANNE CONCEPTEUR LUMIÈRE INGÉNIEUR ACOUSTIQUE
LAURENT CHENU CHEFS DE PROJET LUMIÈRE ÉLECTRIQUE LAUSANNE ECOACOUSTIQUE SA LAUSANNE
CONSERVATEUR CANTONAL, SIPAL THOMAS GAYRAUD RELEVÉ ANALYSE INGÉNIEUR ÉLECTRICITÉ
NICOLE POUSAZ FABRICE PASSAPLAN ARCHÉOTECH SA ÉPALINGES ETIC SA PRÉVERENGES
ARCHÉOLOGUE CANTONALE, SIPAL INGÉNIEUR CIVIL ÉTUDE GÉOLOGIQUE EXPERTISE AMÉNAGEMENTS EXTÉRIEURS
BERNARD ZUMTHOR AIC INGÉNIEURS CONSEILS SA LAUSANNE GEOTEST SA LE MONT-SUR-LAUSANNE ALAIN DESSARPS LAUSANNE
EXPERT FÉDÉRAL INGÉNIEUR BOIS SPÉCIALISTE ENDUITS ET MAÇONNERIES ORNITHOLOGIE
DENIS DE TECHTERMANN MARC JEANNET MOIRY ROGER SIMOND TANNAY LIONEL MAUMARY LAUSANNE
ANCIEN PRÉSIDENT PATRIMOINE SUISSE, INGÉNIEUR CHAUFFAGE-VENTILATION GTG COMMUNAUTÉ D’INGÉNIEURS SION PHOTOGRAPHES
SECTION VD OLIVIER ZAHN & ASSOCIÉS SÀRL CRISSIER SPÉCIALISTE AMIANTE RÉMY GINDROZ LA CROIX (LUTRY)
BERNARD VERDON INGÉNIEUR SANITAIRE HSE CONSEILS SÀRL LAUSANNE FRANÇOIS BERTIN LA CONVERSION
CHEF DE PROJET, SIPAL H. SCHUMACHER CONSEILS SA SAVIGNY SPÉCIALISTE PIERRE IMPRESSION DÉCORS
INGÉNIEUR ÉLECTRICITÉ ATELIER LITHOS LAUSANNE LUCA DELACHAUX LAUSANNE
THORSEN SÀRL AUBONNE SPÉCIALISTE CONSERVATION GÉOMÈTRES
ARCHÉOLOGUE CSC SÀRL FRIBOURG RENAUD BURNAND LAUSANNE
TERA SÀRL SION EXPERTISE DENDROCHRONOLOGIQUE RESO VAUD SÀRL PRILLY
LABORATOIRE ROMAND ŒUVRE D’ART
DE DENDROCHRONOLOGIE CUDREFIN ARIANE EPARS CULLY

PUBLICATION DU SERVICE IMMEUBLES, PATRIMOINE ET LOGISTIQUE graphisme hersperger.bolliger — impression PCL Presses Centrales SA — photographie Rémy Gindroz
10, place de la Riponne CH -1014 Lausanne

COÛTS DE L’OPÉRATION RATIOS TYPE D’INTERVENTION


INDICE OFS OCTOBRE 2012 : 137.1 (BASE 1998) CHÂTEAU CANTONAL SAINT-MAIRE — LAUSANNE RÉNOVATION GÉNÉRALE
SELON DÉCOMPTE FINAL DU 31.12.2018 ET MISE EN VALEUR DU CHÂTEAU.
AMÉNAGEMENT D’UNE SALLE
CFC LIBELLÉ MONTANT % BÂTIMENT DE RÉUNION DANS LE COMBLE.

1 Travaux préparatoires 3 014 000  13.1 SP Surface de plancher m2 3774

2 Bâtiment 15 273 000 66.5 SUP Surface utile principale m2 1537 ÉTIQUETTE ÉNERGIE CALCULÉE MESURÉE

3 Equipements d’exploitation 1 391 000 6.0 Nombre de places de travail places 30 A [ ] [ ]
4 Aménagements extérieurs 957 000 4.2 Ratio SUP/SP 0.41 B [x] [ ]
5 Frais secondaires 1 504 000 6.6 Ratio SP/place (Orgaterr 27.1 m2) m2 / place 125.80 C [ ] [ ]
9 Ameublement et décoration 828 000 3.6 Ratio SUP/place (Orgaterr 16.7 m2) m2 / place 51.24 D [ ] [ ]
COÛT TOTAL DES TRAVAUX TTC 22 967 000 100.00 VB Volume bâti SIA 416 m3 17 367 E [ ] [ ]
Coût par m2 (SP) CFC 2 – 3 CHF / m2 4614.00 F [ ] [ ]
COÛT PAR PARTIES CFC  1– 9 CHF / m2 6086.00 G [ ] [ ]
Crédit d’étude 2 255 000 Coût par m3 (VB) CFC 2 – 3 CHF / m3 1003.00

Conservation du monument 16 254 600 CFC  1– 9 CHF / m3 1322.00

Amélioration de l’exploitation 3 305 400


Valorisation du monument et de l’exploitation 1 152 000
TOTAL 22 967 000

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