1853 Ponsin Nouvelle Magie Blanche Devoilee

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NOUVELLE

DÉVOILÉE,
physique: occulte ,

ET

COI]RS COMPLET DE PBESTIDIGITATÏOI


CONTEÎIANT

Tous les Tours nouveaux qui ont été exécutés


jusqu'à ce jour sur les Théâtres ou ailleurs, et qui n'ont
pas eyicore été publiés
ET
Un grand nombre de Tours d'un effet surprenant, d'une exécution
facile , et toul-à-fait inconnus du Public et des Professeurs ;

OUVRAGE EmÉREMENT^iOIIVËAU,

Par P@]^§II]V

Ancien Professeur de Dessin du Lycée de Reims


et Membre honoraire de- l'Académie de l'Enseignement primaire.

L'homme est heureux quand il s'amuse


Et quelquefois quand on l'abuse.

CHEZ À. HUET, RUE DE l'aRBALÈTE , 22,;. ^ _


SHEZ BRIS3ART-BINET 5 RUE DU CADRAN-SAINT-PIERRE , 4,
ET CHEZ l'auteur, RUE DE VESLE, 105.

CHEZ ADOLPHE DELAHAYS , RUE VOLTAIRE, 5 ET 6.

1853.

d
.'P7S-
On trouvera singulier, sans doute, qu'un peintre et
professeur de dessin se soit avisé de faire un livre sur
la prestidigitation; car ,
j'en conviens, ces deux arts
n'ont guère de rapport entre eux, si ce n'est celui de
tromper les yeux. Cependant, je ferai observer que je
ne suis pas le seul qui ai écrit sur des matières étran-
gères à ma profession spéciale: l'auteur de la Magie
blanche dévoilée , àoxit je vais parler tout-à-l'heure,
était secrétaire interprète d'ambassade. Perrault, ar-
chitecte, a fait les Contes des fées, et le menuisier
Adam faisait imprimer ses poésies. On pourrait citer
beaucoup de ces exemples.
Toutefois, on sera moins surpris de mon entre-
prise, quand on saura que l'on peut facilement s'ini-

tier dans l'art amusant dont il va être question , sans


s'en occuper beaucoup : il suffit d'en connaître les se-
crets et d'avoir un peu d'adresse dans les mains ; cela
ne nécessite aucune étude sérieuse.
IV

Je n'ai jamais eu un goût décidé pour les tours;

le hasard seul m'a mis à portée d'en connaître^un petit


nombre d'abord, et ce qui a éveillé en moi l'envie d'en
connaître davantage, c'est que je remarquai le plaisir

que je faisais dans une réunion d'amis, quand j'exé-


cutais devant eux quelques-unes de ces récréations.
Enfin, sans me distraire de mes occupations habi-
tuelles ,
je parvins peu à peu à connaître toute la théo-

rie et la pratique de cet art récréatif, connu générale-


ment sous la dénomination de physique amusante,
auquel convenait plutôt le titre d'escamotage dont on
l'a dépouillé, mais qui a été remplacé depuis peu par
celui de prestidigitation, qui lui convient mieux encore.
Le lecteur voudra bien me pardonner de lui avoir
présenté, pour introduction, une espèce de profession
de foi, que je n'ai faite, je lui avoue, que pour ma sa-
tisfaction personnelle.
AYANT-PROPOS.

Il y a déjà plus de soixante ans, qu'un homme d es-


prit et de savoir composa, sur un défi qui lui fut donné
par un professeur célèbre (Pinetti),à la suite d'une
vive altercation, un ouvrage intitulé : La Magie blanche
dévoilée, ou Explication des tours surprenants qui font,
depuis peu, l'admiration de la capitale et de la province.
Cet ouvrage fut imprimé en un volume in-8°, et bien-
tôt suivi de quatre autres volumes sous d'autres titres.

Cette œuvre eut un succès immense, et mérita à M. De-


cremps , son auteur, une place fort honorable parmi
les hommes de lettres. (Voyez le Dictionnaire histo-
rique de Ménard et de Senne.)
J'ai connu particulièrement M. Decremps. J'étais

bien jeune alors, et lui, déjà d'un âge mûr. A l'époque


où il écrivait sa Magie blanche , il n'était que licencié
en droit; mais il fut depuis attaché à l'ambassade de
6 AVANT-PROPOS.

France près la cour d'Angleterre, en qualité de secré-


taire interprète. Il était non-seulement remarquable
par son érudition, mais plein d'aménité et de délica-
tesse, réunissant enfin toutes les qualités qui font le
parfoit honnête homme. Le lecteur voudra bien me
pardonner cette digression sur M. Decremps; mais
je n'ai pu résister au plaisir de rendre hommage à sa
mémoire.
M. Decremps était très-curieux de tours d'adresse
et de physique amusante. îl assistait souvent aux
séances du fameux Pinetti ,
qui faisait alors courir la
cour et la ville, et comme il était doué d'un esprit pé-
nétrant et d'une conception facile, il trouvait aisément,
mais à sa manière, un moyen d'expliquer la cause de
ces effets extraordinaires qui surprenaient tout le

monde.
Malheureusement, il allait chercher bien loin ces
causes qui étaient tout près de lui. Ses raisonnements
l'ont presque toujours conduit a trouver des moyens
que l'on pouvait admettre en théorie, mais nullement
en pratique. Il a donc écrit sa Magie blanche dévoilée
d'après sa propre inspiration , en rendant raison des
causes telles qu'il les concevait, mais rarement telles

qu'elles étaient.

îl devait en être ainsi, car il y a vingt manières plus


ou moins abusives d'expliquer un tour. Le difficile est

de trouver la bonne, qui, presque toujours, est fort

simple , et, pour cela môme , s'éloigne davantage de la

pensée. Enfm, quelqu'intelligent que l'on soit, il est


AVANT-PROPOS. 7

presque impossible de deviner juste, et du jet de la

première idée, le vrai moyen d'exécuter un tour.


En général, ceux dont les professeurs sont en pos-
session, ont été imaginés par des hommes d'un esprit
ingénieux; je pourrais même dire qu'il a fallu du gé-
nie dans l'invention d'une grande-partie de ces tours ;

on s'en apercevra facilement, si on les examine sans


prévention et sans avoir égard à leur peu d'impor-
tance. Le génie s'applique à tout.
Mais encore ces hommes intelligents ne sont-ils pas

arrivés tout d'un coup à créer. îl a fallu bien des fois


essayer, méditer, faire , refaire ; enfm, ce n'est, le plus

souvent, qu'après de laborieuses recherches qu'ils sont


parvenus à un résultat satiwsfaisant.

C'est donc pour n'avoir pas assez consulté les hom-


mes du métier, que M. Decremps s'est fourvoyé dans
les moyens qu'il donne dans sa Magie blanche.

Le jugement que je viens de porter sur l'œuvre de


M. Decremps n'a pas d'autre but que de prémunir les
amateurs qui liraient la Magie blanche, contre quel-
ques notions erronées répandues dans cet ouvrage. Je
crois avoir contracté l'obligation de les éclairer sans

réserve, dans cette partie où je me propose de leur


donner des conseils.
Au reste, je justifierai ma critique, en donnant en
leur lieu les vrais moyens d'exécuter les tours qui en
étaient l'objet. Je suis d'autant plus intéressé à rem-
plir cet engagement, que je ne veux pas que l'on me
soupçonne d'être de ces hommes à petites passions,
8 AVANT- PROPOS.

qui cherchent à déprécier l'ouvrage d autrui, croyant


par là donner plus de mérite au leur.

Mais, après avoir censuré les explications que


M. Decremps a données, des tours qui constituent sa
Magie blanche, je ne dois pas oublier de faire un
éloge mérité de la manière dont il a décrit les prin-
cipes et les moyens qui servent dans l'exécution des
tours de cartes. Il a mis toute la clarté et la précision
possibles, pour faire comprendre des mouvements de
mains qui sont toujours très-difficiles à exprimer par
la parole. On trouve ces explications dans le troisième
volume de ses œuvres, intitulé Testament de Jérôme
Sharp. On se sert encore de ces principes aujourd'hui,
avec ceux que Ton a découverts depuis.
Quant aux tours composés, aux tours de cartes pro-
prement dits M. Decremps en donne peu et encore
, ,

la plupart sont trop connus pour intéresser beaucoup.


Sous ce rapport, la prestidigitation a fait bien des pro-
grès depuis l'époque où il écrivait ses ouvrages. Quoi
qu'il en soit, si le temps a beaucoup vieilli la Magie
blanche dévoilée, on peut dire que le Testament de /.

Sharp a résisté à ses ravages. Cette partie mérite


d'être conservée ; elle sera toujours utile aux amateurs
de tours
Les trois autres volumes qui font sjuite à la Magie
blanche dévoilée n'offrent plus rien de curieux rela-
tivement aux tours; on en trouve çà et là quelques-
uns, mais qui, maintenant, sont tout-à-fait sans impor-
tance. Cependant, on lira encore ces volumes avec
AVANT-PUOPOS, 9

plaisir, parce qu'ils contiennent une foule de pelites


historiettes spirituellement écrites , et quelques pro-
blèmes qui ont le mérite d'amuser et de piquer la cu-

riosité, même de ceux qui sont le moins amateurs de


tours. Tout ce que Ton pourrait reprocher à l'auteur,

c'est d'avoir bardé ses ouvrages, d'un bout à l'autre, de


citations latines plus ou moins longues; il a un peu
trop prouvé que la langue des savants ne lui était pas
étrangère.
11 n'existe en France, jusqu'à présent, que trois ou-

vrages originaux qui traitent de la prestidigitation : ce


sont : 1° les Récréations mathématiques et physiques
d'Ozanam , en quatre volumes in-8° , dont la dernière
édition date de l'année 1755 ;
2^ les Récréations ma-
thématiques et physiques de Guyot, trois volumes in-8%
et dont la quatrième et dernière édition fut imprimée
en 1790; enfin , la Magie blanche dévoilée, à laquelle

l'auteur a ajouté le Supplément à la magie blanche , le

Testament de Jérôme Sharp, le Codicile de /. Sharp,


et les Petites Aventures de J. Sharp, formant en tout
cinq volumes in-8°, dont le dernier a été imprimé en
1789. La véritable édition de ces cinq volumes est
excessivement rare; mais on rencontre encore assez
communément des exemplaires contrefaits de ces ou-
vrages, qui sont, comme toutes les contrefaçons, rem-
plis de fautes. Il existe aussi beaucoup de petites bro-

chures, presque toutes sous le titre de Manuel de


physique amusante; mais toutes ces brochures sont
copiées textuellement dans les ouvrages que je viens


10 AVAîiT-PROPOS.

de citer , et surtout dans le dernier, qui a traité plus


spécialement des tours. UEncyclopédie méthodique
s'est emparée de toute l'œuvre de M. Decremps.
Ces trois ouvrages , Lien que faits par des hommes
qui jouissaient par leur mérite d'une estime distinguée,
n'en sont pas moins à peu près tombés dans l'oubli
parce que la lumière s'est étendue; la science a fait

d'immenses progrès partant ,


, les hommes sont deve-
nus plus sérieux, moins crédules, plus appréciateurs,
et les effets que Ton regardait, y a soixante ans, il

comme des merveilles, ne sont plus maintenant con-


sidérés que comme des puérilités.

il faut cependant convenir que, parmi les tours dé-

crits dans ces anciens traités , il en est plusieurs qui


sont encore vus avec plaisir, bien que publiés depuis
plus d'un siècle. On ne voit pas avec indifférence,

même à présent, le Sac aux œufs, la Boîle aux jetons, le

Jean des Vignes le Livre changeant , le Chapelet de la


grand'mère, etc. L'invention de ces tours est en même
temps ingénieuse et naïve, et ce qu'il y a de surprenant
surtout, c'est que ces récréations, qui, depuis un grand
nombre d'années, ont été cent fois imprimées et réim-
primées, sont presque toujours accueillies comme si

elles avaient le mérite de la nouveauté. Il ne faut donc


pas penser que la publicité donnée aux tours puisse les

déprécier, comme on serait porté à le croire.

Mais si les anciens tours dont je viens de parler


amusent encore, ils sont loin maintenant de produire
un grand effet, d'étonner et de jeter dans l'admiration.
AVANT-PllOPOS.

C'est cependant le but que doit se proposer le presti-

digitateur, et il a compris que, pour y arriver, il ne de-


vait plus compter sur les anciens tours.
Il a donc fallu, pour remettre la physique amusante
en faveur, reconstruire des machines plus ingénieuses,
chercher des effets plus séduisants, enfin, sonder, pour
ainsi dire, jusque dans le domaine de Firapossibie, et

arracher à la nature des moyens qu'elle semblait ne


pas vouloir nous abandonner. Aussi à force de travail ,

et de recherches, l'industrie est-elle parvenue à trouver


des choses dignes de la génération actuelle. Les per-
sonnes qui ont assisté aux séances de M. Robert
Houdin pourront témoigner en faveur de ce que je viens
d'avancer.
Dans chacun des deux premiers ouvrages que j'ai

mentionnés, il y a peu d'articles écrits sur la prestidi-

gitation. Ce qu'en a dit Ozanam est maintenant trop


vieilli, je n'en parle pas. Quant à Guyot, on trouve entre
autres, dans ses Récréations physiques, trois ou quatre
tours de cartes bien composés et qu'on verra encore
avec plaisir, ainsi qu'un jeu de gobelets qu'il a emprunté
d'un Allemand. La méthode employée dans ce jeu est
très-ingénieuse; il y a beaucoup d'intelligence dans
l'enchaînemenî des passes.
Le reste de l'ouvrage de Guyot, c'est-à-dire les sept

huitièmes, se compose comme celui d'Ozanam, de cu-


riosités puisées dans les mathématiques et la physique
expérimentale; il s'est étendu principalement sur l'ai-

mant et l'électricité, et a donné aussi un grand nombre


J2 AVANT- PROPOS.

de problèmes sur rarilhmétique et la géométrie, toutes


choses fort intéressantes pour les esprits sérieux.
Pour moi, je diffère beaucoup de mes devanciers,
en ce que, loin d'offrir au public des choses aussi sa-
vantes, je ne traiterai absolument que delà prestidigita-
tion et de la physique amusante, à laquelle je donnerai
dorénavant le titre de physique occulte ,
parce que les
moyens doivent en être cachés, et qu'elle n'est, au fond,
que de l'escamotage, qualification (comme je l'ai dit)
que l'on n'a pas conservée, probablement pour éviter
sa synonymie avec certains mots peu flatteurs; délica-
tesse fort louable, et dont je féhcite les innovateurs.
Pour prévenir toute confusion ,
je diviserai cet ou-

vrage en plusieurs parties; je réunirai tous les tours de


même genre. Les tours de cartes feront la matière de
la première partie ; les tours de pièces de monnaie et
le jeu des gobelets formeront la seconde, et la physique
occulte sera l'objet de la troisième. J'entends par phy-
sique occulte tous les tours divers avec ou sans instru-
ments, enfin , les tours de théâtre.
Je donnerai, dans le courant de cet ouvrage, quelques
explications sur la construction des pièces mécanisées
qui servent dans ce genre de physique, mais je me gar-
derai bien d'en donner une description plus minutieuse,
par la raison que ce serait un travail inutile et onéreux
pour l'acquéreur : onéreux , parce que cela nécessite-
rait une augmentation de volumes et la confection de
quantité de gravures qui rendraient l'ouvrage beau-
coup plus cher; inutile, parce que l'on touve toutes
AYAINT-PUOPOS. 15

ces pièces à Paris, chez plusieurs ouvriers mécaniciens


qui travaillent pour les professeurs, et les font parfai-
tement par la connaissance qu'ils ont acquise des
conditions voulues dans la facture de ces objets. D'ail-
leurs, quand on fait faire ces instruments soi-même,
on en est toujours dupe , bien que l'on s'adresse à des
ouvriers qui ont du talent dans leur art; mais ils ne
savent pas la destination de ces pièces, et ne se doutent
pas de la sévère précision qu'elles exigent dans leurs
mouvements; il s'ensuit que les machines offrent tou-
jours des défectuosités qui en rendent L'usage impos-
sible, ou tout au moins difficile.

• J'ai senti aussi l'inutilité des petites figures dans les


démonstrations relatives aux tours de cartes. J'ai vu
que cela met quelquefois plus de confusion que de
clarté, en ce que ces positions, bien que dessinées avec
exactitude, paraissent souvent en désaccord avec l'ex-
plication du texte. Du reste, je tâcherai de mettre dans
mes descriptions le plus de lucidité possible, dussé-je
être prolixe et prodigue de répétitions. J'espère satis-
faire, sous tous les rapports, les amateurs de physique
amusante et de prestidigitation.
Cet art, que le préjugé a sans doute trop déprécié,
s'ennobht dans les mains d'un amateur, et devient
peut-être le plus attrayant de tous les amusements de
société. Quels divertissements trouve-t-on dans une

grande assemblée, quand on n'a plus ni faim ni soif?


La musique ? le jeu? la conversation ? Après cela, je ne
vois plus rien. La musique? Quand vous avez entendu
AYAINT- PROPOS.

chanter ou jouer d'un instrument pendant une heure,


vous en avez assez, surtout si le talent du virtuose est

médiocre, et, ici , la perfection est rare. Le jeu? C'est

toujours le principe du mécontentement et de la mo-


rosité. Enfin , la conversation finit le plus souvent par
fatiguer , surtout quand on veut parler et qu'on n'a
rien à dire.
Mais offrez de donner une séance de tours d'adresse,
et vous verrez avec quelle joie votre proposition sera

accueillie. Ensuite, occupez l'attention des spectateurs


pendant deux ou trois heures, et il arrivera que, loin
de se lasser de vous voir opérer, ils vous presseront de
continuer, et le plaisir qu'ils éprouveront ne se refroi-*
dira pas. Il m'est arrivé plusieurs fois de donner une
soirée à une assemblée d'amis, et de les conduire jusque
fort avant dans la nuit sans qu'ils s'en fussent aperçus,
et souvent, qu'après quatre ou cinq heures de séance, on
me réclamait encore quelques tours. Gela me rappelle
une espèce de miracle que j'ai opéré dans une réunion
de famille, à propos d'une noce : c'est d'avoir fait aban-
donner la danse par toutes les dames et les jeunes filles

qui sont accourues pour me voir faire des tours , et

cela , au grand désappointement des ménétriers.


INTRODUCTION

La magie iDlanche, qui comprend ensemble la phy-


sique occulte et la prestidigitation, consiste à paraître
faire des choses qui sont, en réalité, impossibles et con-
traires aux lois immuables de la nature. Elle égare
Tesprit en trompant les sens, principalement la vue et
l'ouïe. Ses ressources sont nombreuses; elle les trouve
dans les sciences et les arts; elle les met tous à contri-
bution et en fait ses complices. La ruse, le mensonge,
l'artifice et la supercherie sont ses auxiliaires ; ses pa-
roles, ses mouvements, sont autant de déceptions.
Mais rassurez-vous, lecteur, ces vices de la magie
blanche tournent toujours à l'avantage de ceux qu'ils
trompent. Ses ruses sont innocentes, ses mensonges
obligeants, et ses artifices ne portent jamais de dom-
mages.
N'en pourrait'On pas dire autant de la peinture, qui
16 INTRODUCTION.

n'est qu'un mensonge constant? et en est-elle moins


attrayante ?

Mais d'où nous vient donc la magie blanche ? quelle


en est l'origine ?

Delisle a dit : « Dans la nature, tout est surnaturel. »

Cette assertion n'est qu'une fiction poétique ; mais le

prosaïque bon sens, qui ne ment jamais, dit: « Dans la


nature, rien n'est surnaturel. » Et si cette vérité eût été

connue de tout temps, jamais on n'aurait pensé à faire

des tours.
L'homme, toujours avide de merveilleux, a volon-
tiers accueilli ceux qui lui offraient des spectacles selon
son goût, soit pour l'étonner, soit pour le tromper; et

d'un accord monstrueux, la fourberie, d'un côté, et la


crédulité, de l'autre, est née cette science chimérique,
absurde, à laquelle on a donné le nom de magie, de
sorcellerie, et que l'ignorance et la superstition ont
proclamée science diabolique et infernale.

En proportion des progrès de la lumière chez les

hommes, la foi en la magie s'est altérée, le doute est


venu, et enfin l'incrédulité. La raison ayant fait justice

de cette déplorable erreur, l'édifice diabolique est


tombé en ruine.
Mais l'amour du merveilleux s'est toujours conservé
un domicile dans le cœur de l'homme. On ne croit plus
en la puissance des démons ni de ses suppôts, mais on
est toujours curieux de tout ce qui simule le prodige;
delà, enfin, cet art qui fait le sujet de notre traité et
auquel on a donné le nom de magie blanche.
INTRODUCTION. 17

Comme je l'ai dit, de cette espèce de magie les malé-


fices ne sont point à craindre; si elle est fondée sur

TimpostLire , elle ne nuit jamais, elle a le don de plaire

en amusant toujours. Du reste, on ne l'accepte que


pour ce qu'elle vaut, et on sait d'avance que les pres-
tiges dont elle nous éblouit ont une cause qui, pour
être cachée, n'en est pas moins simple et naturelle.

Nous disons que cet art, dont nous allons nous oc-
cuper, considéré dans son ensemble, a pris le nom de
magie blanche. Chacun de ces actes se nomme tour. A
ceux de ces tours qui ne s'exécutent qu'au moyen de
la dextérité , nous attacherons spécialement le nom de
prestidigitation, qui me paraît le plus propre à ce genre

de récréation. En effet, si on traduit ce mot, on trou-


vera qu'il est synonyme d'agilité des doigts donc il con- ;

vient plus que tout autre aux tours qui ne sont que le
produit de l'adresse des mains.
Aussi, je distinguerai la prestidigitation de la phy-
sique occulte, en ce que, dans cette dernière, je n'ad-
mettrai que les tours que l'on n'exécute qu'à l'aide de
pièces ingénieusement mécanisées, ou au moyen de
combinaisons secrètes imaginées pour tromper les

sens et l'esprit.

La physique occulte est facile à exécuter en général ;

les instruments font eux-mêmes l'opération. Cepen-


dant elle présente des effets frappants et inconcevables,
parce que le moteur qui agit est occulte ou soigneuse-
ment déguisé et ignoré des spectateurs.
La prestidigitation est plus difïîcile dans son exécu-
18 INTRODUCTION.

tion ; elle demande une étude pratique persévérante;


mais aussi elle a des avantages que la physique oe-
eulte ne présente pas toujours. Vous pouvez récréer,
des heures entières , une assemblée d'amis sans le se-

cours d'aucune pièce mécanique. On trouve partout


des cartes , des mouchoirs , des pièces de monnaie
des bagues , etc. Voulez-vous jouer des gobelets ? des
timbales, des tasses à café, des pots à confiture vous
en serviront, et des bouchons coupés vous tiendront
lieu de muscades. Les spectateurs ,
voyant que vous
n'avez aucun objet qui puisse vous aider dans vos exer-
cices, vous admirent davantage ; aussi voit-on les tours
de simple adresse plus prisés que ceux que l'on exé-

cute avec des instruments.


Dans la physique occulte prise séparément, on peut
encore établir deux catégories distinctes : l'une, que
l'on peut exécuter dans un salon, l'autre, que l'on ne
peut pratiquer qu'au théâtre, parce que les compères
sont indispensables, et cependant toujours invisibles
aux yeux des assistants. Les tours de théâtre néces-
sitent encore des trappes, des tirages et d'autres pré-
parations qui donnent au physicien un immense avan-
tage et la facihté de produire des effets qui semblent
miraculeux.
Je ne veux pas dire cependant qu'au théâtre on
n'exécute que cette espèce de tours; on en présente
aussi de ceux que Ton peut faire partout; mais, dans
tous les cas , il offre beaucoup de ressources et de fa-

cilité.
INTRODUCTION. 19

Au salon, le physicien se suffit toujours à lui-


même; tout ce qu'il fait est le résultat de l'adresse,
soit de l'esprit, soit des doigts. S'il se sert de pièces
mécanisées, comme il est très-près et souvent envi-

ronné des spectateurs, il lui faut plus d'habileté pour


cacher les moyens.
D'après ce que je viens de dire, on voit que les
tours de salon nécessitent plus de talent que les tours
de théâtre, et doivent être préférés sous tous les rap-
ports.

2
A?IS PHÉLIMÏHAffiES.

Pour exécuter les tours dans toute la perfection


dont ils sont susceptibles , il faut d'abord se bien péné-

trer des conseils que je vais exposer. Il importe peu


que ces conseils précèdent la description des tours ,

parce que je suppose que Ton y reviendra selon le be-

soin.

Quand vous voudrez donner une séance, et que


vous aurez fait choix des tours dont vous voudrez la
composer, classez ces tours dans un ordre tel que
l'un fasse valoir l'autre ;
que celui qui précède n'em-
barrasse pas celui qui doit suivre ;
que la fin de l'un
n'amène aucune entrave au commencement de l'autre.
Terminez toujours chaque section de votre séance par
un tour brillant.
Disposez bien soigneusement tout ce qui a rapport
à votre séance, ne négligez pas les moindres détails
PRINCIPES GÈINÉRAUX. 2f

dans les préparations, car si vous êtes obligé de cher-


cher et si vous témoignez de l'embarras, c'est toujours
d'un mauvais effet.

Rejetez les tours dont les moyens ne sont pas assez


voilés : il faut constamment vous précautionner contre
les soupçons et ne vous laisser jamais deviner. Dites-
vous à vous-même ce que me disait un jour un cé-
lèbre prestidigitateur : Ce ne sont pas des tours que je
veux faire , ce sont des miracles.

11 faut enfermer les spectateurs dans un cercle de


surprise tellement serré, qu'ils ne puissent trouver
d'issue pour en sortir, et mettre leur raison dans Fim-
possibilité de se rendre compte des causes qui pro-
duisent les effets qui les étonnent. Avec de Fintelîi-
gence et du tact, on y parvient. Je donnerai quelques
instructions à ce sujet.
Dans l'exécution des tours, ne négligez pas les

feintes; elles en sont râme;»mais il faut les faire à

propos , et surtout bien naturellement, il ne faudrait


cependant pas trop les multiplier, car les spectateurs

pourraient les remarquer et concevoir des soupçons.


Dans l'explication des tours ,
je donnerai quelques
exemples relativement à ces feintes.

Quand vous étudierez les tours, ne perdez jamais de


vue que tous vos mouvements doivent être vrais et
naturels, dans Tescamotage comme dans les feintes.

Si, par exemple, vous voulez escamoter une pièce de

monnaie, une muscade, etc., en feignant de mettre


un de ces objets dans la main , que vos doigts fassent
22 AVIS PRÉLIMINAIRES.

absolument même mouvement que si vous le met-


le

tiez réellement il en est de même pour tout. On verra


;

par la suite qu'il est aussi des cas où il faut feindre de

feindre : cela s'expliquera.

Il ne suffît pas de savoir et de pouvoir exécuter les

tours : le grand art est de saisir avec intelligence tou-


tes les circonstances qui aident à les faire paraître
merveilleux et incompréhensibles : un mot, un geste,
quand ils sont bien placés , sont souvent de puissants
auxiliaires. Mais souvenez-vous aussi qu'un mot, un
geste , dit ou fait mal à propos peuvent détruire com-
,

plètement l'effet d'un tour. Aussi , ne négligez pas le

conseil suivant :

Ne hasardez jamais de faire un tour sans l'avoir

préalablement beaucoup travaillé. Faites comme ces


acteurs de talent qui ont l'amour et le sentiment de
léur arc : quand ils ont un nouveau rôle à étudier, ils

le savent très-bien par cœur au bout de quatre ou cinq


jours, quant aux paroles; mais cela n'est rien pour
eux: il faut qu'ils se pénètrent à fond du caractère du
personnage qu'ils ont à représenter, que chaque
mot du rôle ait une nuance, une inflexion de voix
particulière. Ils visent à atteindre le vrai et le natu-

rel; mais, pour arriver là, il faut des mois de travail.

Dans vos séances, soyez sobre en paroles: ne dites


que ce qu'il convient pour faire valoir les tours ou
pour égayer l'assemblée, mais saisissez-vous adroite-
ment de l'à-propos. Que les plaisanteries que vous
débiterez soient toujours facétieuses, mais de bon goût.
PRINCIPES GÉINÉIUUX. 25

Evitez avec soin dans vos discours tout ce qui sent la


trivialité. Faites (si vous êtes en fonds) une large dé-
pense d'esprit et de gaîté car, je ;
l'ai déjà dit, il est né-
cessaire d'entretenir la bonne humeur de l'assemblée.
Je viens de recommander de ne pas trop parler ; cet
avis est contraire au sentiment de quantité de per-

sonnes, qui pensent que, dans ce genre d'amusement,


il.est nécessaire de beaucoup babiller dans l'intérêt des
tours. On s'abuse : un prestidigitateur ne doit se confier
qu'en son adresse. Chercher à détourner l'attention
des spectateurs pour qu'ils ne voient pas les moyens
que Ton emploie, est le fait d'un maladroit. Les tours
doivent être franchement exécutés et avec assez d'in-
teUigence pour mettre en défaut les regards les plus .

observateurs.
Ayez soin , autant que possible , d'avoir en réserve- ,

un moyen pour remédier aux accidents qui peuvent ;

arriver dans l'exécution dun tour, soit que malicieu-


sement on cherche à vous contrarier, ou que des cir--

constances fortuites vous le fassent manquer. On trouve ^

souvent ce moyen en changeant adroitement la nature


du tour, ou en employant^jUne équivoque. Je donnerai
aussi à ce sujet quelques instructions dans l'explication ;

des tours, toutes les fois que l'occasion s'en présentera.

Quand vous voudrez faire un tour qui a déjà été vu


souvent, tâchez d'y ajouter quelque particularité qui
lui donne une apparence de nouveauté, et on le verra
encore avec plaisir.

J'ai dit qu'au salon , le physicien doit se suffire à lui-


24 AVIS PRÉLÎMINAIRESi

même; donc il doit rejeter ie frauduleux moyen de


l'assistance d'un compère. J'entends par compères les

personnes officieuses qui seraient d'intelligence avec


le faiseur de tours pour tromper la bonne foi des spec-
tateurs. Dans ce cas , ce ne sont plus des tours de phy-
sique ou d'adresse que l'on fait , mais bien des mysti-
fications.

Cependant, pour ne pas paraître, plus tard, en con-


tradiction avec moi-même, je dois ici une explication
au lecteur.
Je ne réprouve pas sans réserve l'emploi des com-
pères, quand on ne s'en servira que pour mettre en
action certain mobile que le physicien ne peut pas
faire agir par lui-même et qui est indispensable dans
rexécuîion d^un tour , comme, par exemple, de tirer

un fil selon ]e besoin, de tourner une manivelle, de


passer secrètement un objet dans les iriains du presti-

digitateur. Le compère, dans ce cas, doit être consi-

déré comme faisant l'office d'un ressort de mécanique,,

et, le plus souvent, il ne comprend pas lui-même l'ef-

fet qu'il aide à produire.


Je tolérerai encore l'usage d'un compère du genre
de ceux que je viens de blâmer, quand , dans le cou-
rant d'une séance, on voudra faire un tour de cette na-

ture dans l'intention d'égayer les spectateurs. Dans ce


cas, la bonne humeur des assistants vous ferait

toujours pardonner votre supercherie, si elle était

connue. Quand on rit, on est indulgent; mais il ne


fout pas abuser de îa permission,

i
PREMIÈRE PARTIE.

BES TOUHS DE CARTES.

CHAPITRE PREMIER.

DES MOYENS Eï DES PRINCIPES INDISPENSABLES


DANS l'exécution d'uNK GRANDE PARTIE DES TOURS
DE CARTES.

Cette première partie, comme je Tai annoncé, est


consacrée à la description de tous les tours de cartes.
11 est nécessaire de s'occuper d'abord des moyens em-
ployés pour réussir facilement dans cette branche de
la prestidigitation. Yoiià la partie la plus ingrate , la

plus difficile, mais la plus indispe-nsable de tout cet


ouvrage. Ces moyens peuvent se résumer ainsi : 1° faire

sauter la coupe des deux mains; 2° faire sauter la


coupe d'une seule main ;
5^ faire filer la carte en se

servant des deux mains; 4^ filer la carte d'une main ;

5^ enlever la carte ;
6° poser la carte; 7*^ faire prendre
la carte forcément; S'' la carte à l'œil; O*' glisser la
2G DÉMONSTUATION DES PIIIINCIPES.

carte; 10° les faux mélanges; 11° couler la carte; 12^


renverser le jeu ; 15° la carte à vue.
Ily a encore quelques principes que je ne mentionne
pas dans cet article, parce qu'ils ne sont que d une
importance secondaire : j'en parlerai quand Toccasion
s'en présentera.

J'ai souvent remarqué que des personnes droitières


se servaient cependant , de préférence , de la main
gauche dans plusieurs actes manuels où on n'emploie
habituellement que la main droite. Si quelques-uns de
mes lecteurs étaient dans ce cas, il ne faudrait pas
qu'ils prissent à la lettre ce que je dirais dans mes
démonstrations. Ainsi, quand je recommanderai de se
servir de la main droite pour telle ou telle action, sî

l'on se sent plus à Taise en faisant le contraire, il ne


faudrait pas se faire un scrupule de céder à cette pro-
pension instinctive qui porte avons servir d'une main
plutôt que de l'autre. J'ai cru cette observation néces-,
saire, et je la fais une fois pour toutes.

SECTION 1.

Différentes manières de faire sauter la coupe.

FAIRE SAUTER LA COUPE DE DEUX MAINS.

Sauter la coupe, c'est, après avoir séparé le jeu en

deux parties avec le petit doigt, foire passer le paquet


CARTES. 27

inférieur par-dessus , de sorte que le paquet supérieur


devienne à son tour le paquet inférieur.
Ce principe sert ordinairement pour ne pas perdre
de vue et avoir toujours à sa disposition une ou plu-
sieurs cartes que Ton aura fait prendre et remettre
dans le jeu; car la coupe sautée, ces cartes, que les

spectateurs croient toujours dans le milieu, sont alors


sur le jeu.

Je vais tâcher d'expliquer tout ce qu'il convient de


faire pour exécuter ce jeu de main.
Ayant le jeu, je suppose dans la main gauche, aidez-
vous de la droite pour l'étaler en éventail afin de faire
tirer une carte. La carte prise ,
séparez le jeu des deux
. mains à l'endroit oùFon vient de prendre la carte. Faites

mettre cette carte sur le paquet de la main gauche.


Rapportez sur ce paquet de gauche celui que vous
tenez de la main droite, en mettant le petit doigt de
la main gauche entre ces deux paquets. L'ouverture
formée par l'épaisseur du doigt, étant de votre côté, ne
peut se voir; le bout extérieur du jeu , qui est en vue
des spectateurs, paraît fermé, et personne ne peut se
douter de la séparation.

Avec le pouce de la main droite et les deux doigts


du miheu, saisissez les deux bouts du paquet inférieur.

Quant au paquet supérieur, il est maintenu avec le

petit doigt et l'annulaire de la main gauche. Les deux


autres doigts de cette main n'ont rien à faire.
Dans cette disposition, voici le mouvement qu'il faut
opérer :
28 DÉMONSTRATION DES PRINCIPES,

La main droite presse le côté du paquet inférieur


dans la fourche formée par la naissance du pouce et
de l'index de la main gauche. Ce point d'appui doit res-

ter fixe , sans bouger.


En même temps que la main droite appuie ce côté
du paquet sur le point susdit , elle fait lever l'autre

côté même paquet, ce qui produit un mouvement de


du
charnière, et au même moment, le petit doigt et l'an-
nulaire, qui soutiennent le paquet supérieur, tirent en

arrière ce paquet, ce qui s'accomplit en faisant un mou-


vement de la main comme si on voulait l'ouvrir. Alors
l'impulsion donnée à ce paquet lui fait faire aussi un
mouvement semblable à celui que faiè la partie de
gauche d'un livre que Ton ouvre. Lorsque le côté du
paquet dirigé par la main droite est assez relevé pour se
trouver au-dessus du paquet dirigé par l'autre main
on verra , si on l'examine , qu'ils forment ensemble un
angle droit. Dans ce moment, on ferme la main gauche:
le paquet qu'elle tenait tombe à plat dans cette même
main , la main droite lâche le sien sur l'autre , et les

doigts de la main gauche se dégagent pour venir se re-

placer sur le jeu, qui se trouve alors dans sa position


ordinaire. On comprend que les deux paquets ont
changé de situation ,
que celui qui était d'abord des-
sous est venu dessus , ce qui est le but où l'on tendait.

Je n'ai pas besoin de dire que l'ensemble de tous ces^


détails doit être exécuté en un clin-d'œil; mais, quand
on aura saisi cette manipulation , on verra combien il

est facile de devenir habile avec un peu de pratique.


CARTES. 29

Obseryatïoiss. —^Ne faites jamais sauter la coupe im-


me'diatement après avoir fait remettre la carte prise dans
le jeu, parce que, en ce moment, les regards des assis-
tants sont attachés sur vos mains, et telle légèreté que
Ton puisse mettre à faire sauter la coupe, on ne peut pas
éviter un petit soubresaut qui, s'il était aperçu, ferait
conjecturer que, par un coup de main, vous avez déplacé
la carte pour vous en rendre maître. Profitez, pour faire

sauter la coupe, de l'instant où vous jugez que l'atten-


tion vient de cesser de vous poursuivre, et aussitôt que
la coupe sera sautée, faites, sans affectation , un faux
mélange (voyez l'article) pour donner à croire aux spec-
tateurs que la carte en question est confondue avec les

autres, et qu'elle ne peut plus être à votre disposition.


Quand vous la faites sauter, et que, par prévoyance,
vous voulez mettre en défaut quelques regards obsti-
nés, placez-vous de façon à ce que le dos de la main
qui tient le jeu soit tourné du côté des spectateurs.
Dans cette position , le mouvement des mains est bien
moins apparent que dans la position opposée, c'est-à-
dire quand vous montrez le dos de l'autre main aux
assistants. Cette remarque est importante.

Lorsqu'on voudra que la carte tirée soit sous le jeu


au lieu d'être dessus, après avoir fait sauter la coupe,

il suffira de mettre le petit doigt sous cette carte au lieu


de le mettre dessus.
50 DÉMOKSTltATIOH DES PRINCIPES.

SECTION II.

Faire sauter la coupe d'une seule main, I

Je dois prévenir ici que cette manière de faire sauter

îa coupe est rarement utile, parce qu'il est impossible,


quelqu'habile qu'on soit, d'éviter un mouvement très-

apparent. On ne se sert de ce moyen que pour faire

preuve d'agilité ; mais il doit être rejeté quand on veut


faire sérieusement des tours de cartes.
Je sais que souvent on persuade les personnes qui
ne sont point initiées dans les tours, que l'on fait invi-

siblement sauter là coupe d'une seule main.


y a plu- Il

sieurs moyens de simuler cette coupe; un, entre


autres , est de prendre deux cartes que Ton applique
bien carrément l'une sur l'autre, et les tenant de deux
doigts par les deux bouts, on les montre aux specta-
teurs comme s'il n'y en avait qu'une. On les pose sur
le jeu, que l'on fait un peu craquer avec le pouce en
étendant le bras, ensuite on montre la carte de dessus,
qui n'est plus celle qu'on a Le spectateur,
fait voir.

qui ignore la supercherie, croit de bonne foi que l'on

a fait sauter la coupe d'une main, et l'erreur s'ac-


crédite.

Decremps dit qu'il faut s'exercer à faire sauter la


coupe d'une main jusqu'à ce qu'on soit parvenu à la
faire sauter vingt fois par minute. Je dis que, quand on
pourrait le faire cent fois, ce moyen serait encore à re-
CARTES. 51

jeter, car il conserverait, malgré tout, le défaut que je


viens de citer.
Il est cependant, j'en conviens, quelques rares cir-
constances où l'on peut se servir utilement de cette
coupe : je ne laissera^! pas passer l'occasion d'en parler.
Je pourrais donner six ou sept manières de faire sau-
ter la coupe d'une main, mais ces descriptions devien-
draient d'autant plus ennuyeuses, qu'elles ne seraient
d'aucune utilité pour les tours. Je vais seulement en
décrire deux ou trois, qui m'ont semblé les meilleures.
Je vaiscommencer par celle qui est la plus connue.
Mettez le jeu dans la main qui vous conviendra le
mieux, et placez-le de manière que le pouce dépasse
sa largeur. Avec le bout de ce pouce, ouvrez le jeu en
appuyant la partie que vous détachez sur l'intérieur de
la main, et en même temps faites passer sous le jeu
(qu'il faut toujours tenir ouvert avec le pouce) le petit

doigt et l'index. Les deux doigts du milieu ne bougent


pas. Avec cet index et ce petit doigt, poussez la partie

inférieure, qui doit s'enlever en étendant la main, sans

changer les doigts de position. Dans cet état, le bout


du pouce soutient toujours la partie du jeu qu'il avait

ouverte. L'autre partie du jeu est maintenue, d'une


part, par l'index et le petit doigt, du côté des figures,

et de l'autre part par les deux doigts du milieu qui sont


sur le dos du paquet. Dans cette situation, laissez tom-
ber dans la main le paquet que soutient le pouce en
même temps que vous ramenez le paquet maintenu
par les doigts, pour le faire tomber sur le premier pa-
52 DÉMONSTRATION DES PRINCIPES.

quet que le pouce vient d'abandonner. On dégage vive-


ment l'index et le petit doigt, qui viennent se placer sur
le jeu où étaient déjà les deux autres doigts.
Je dois vous avertir que, quand vous auriez les mains
aussi longues que celles qu'avait Polyphême, vous les
trouverez toujours trop courtes quand vous commen-
cerez l'étude de ce principe. La difficulté vient de ce
qu'on ne place pas convenablement d'abord le jeu dans
la main , mais le tact vous mettra au fait.

SECTION IIL

Deuxième mmiière de faire sauter la coupe d' une main.

Prenez le jeu avec l'index et le pouce par les deux


côtés du bout supérieur, en le tenant verticalement, les
figures en devant. Les trois autres doigts restent der-
rière le jeu. Puis, avec le petit doigt, séparez, par le ,

bout inférieur, le jeu en deux parties; la partie de

derrière est alors maintenue par le petit doigt et les


deux doigts du milieu. Dans cette situation , faites

passer le grand doigt, qui était resté derrière avec


l'autre, dans la séparation du jeu formée par le petit

doigt. Ce grand doigt se trouve alors avec le petit,

et l'annulaire seul est resté derrière. Ensuite . rele-

vez un peu le paquet de devant pour que l'index


ne soit pas arrêté par Iç coin du paquet de derrière.
On se souvient que le paquet do devant est tou-
CARTES. 55

jours tenu par le pouce et l'index. Après, tâchez de


faire passer le paquet de devant derrière l'autre. Pour
obtenir ce résultat, il faut étendre tout-à-fait les doigts

qui tiennent le paquet de derrière; enfin, vous rassem-


blez les deux paquets en dégageant les doigts qui se

trouvaient entre eux.


On concevra, en étudiant ce principe, que Fexten-
sion des doigts qui tenaient le paqaet de derrière
étant opérée , on n'a plus qu'à fermer la main et à dé-

gager ses doigts pour que le paquet de derrière se


trouve par-devant.
Cette manière de faire sauter la coupe d'une main
est un peu plus difficile que la précédente , mais elle

n'est pas connue. Elle est assez avantageuse en ce que,


comme on peut l'exécuter en posant le jeu sur la table,
le mouvement que le bras et la main font pour y arri-
ver, dissimule beaucoup celui qui se produit en faisant

sauter la coupe, ce qui serait moins praticable avec le


premier moyen.

SECTION IV.

Troisième manière de faire sauter la coupe dhine main.

Cette manière de faire sauter la coupe d'une main


est, sans contredit, la meilleure et la plus utile de
toutes, aussi est-ce celle que j'ai adoptée de préférence.
Elle est la plus utile, parce qu'en l'exécutant, on
54 DÉ3I0NSTI\ATI0N DES PRINCIPES.

connaît toujours la carte de dessous, qui vient frapper


les yeux dans son évolution, ce qui est un grand avan-
tage , comme on le verra.

Elle est encore la meilleure, parce que le mouvement


que l'on fait en Topérant est tel que , bien qu'il soit
très-apparent, il est pris par les spectateurs pour une
manière de mêler les cartes d'une main, ce qui prévient
les soupçons. Cette manière a aussi l'avantage d être
généralement ignorée.
Le jeu étant dans la main comme dans la première
méthode, au lieu du petit doigt pour le séparer, ser-

vez^vous de l'annulaire. Le paquet supérieur étant


maintenu par ce doigt qui est en dessous et les trois

autres doigts qui sont par-dessus, étendez la main pour


le renverser et l'enlever. Dans cette position, ce paquet
se présente à la vue les figures en dessus, l'annulaire
couché en travers et les trois autres doigts par-dessous;
mais voici le mouvement le plus difficile qu'il faut ef-

fectuer.

En même temps que vous allez faire fléchir le pa-


quet supérieur avec le grand et le petit doigt, pour le

rapprocher du paquet resté dans la main, il faut renver-


ser fortement le pouce en arrière, pour abaisser le plus
possible le coin de ce paquet inférieur, qui se trouve
pincé entre la naissance du pouce et le côté du méta-
carpe qui fait suite à l'index.

Ce mouvement de pression imprimé au coin du pa-


quet fait lever le coin qui est diagonalement opposé à
celui que fait baisser le pouce, et donne la facilité de
CAllTES. 55

glisser le paquet conduit et poussé par le grand et le

petit doigt sous le paquet dirigé par le pouce. L'annu-


laire n'a fait que se prêter à l'action du grand et du
petit doigt. L'index est resté constamment étendu sans
participer au travail des autres doigts. Vour achever
l'entière réunion des deux paquets , il ne reste plus
qu'à dégager le grand et le petit doigt qui se trouvent
entre les paquets et l'annulaire qui est sous le jeu. Ces
trois doigts reviennent se placer sur le jeu, dans la
position naturelle qu'ils doivent avoir pour le tenir.

SECTÎON V.

Faire filer la carte. — Premier moyen.


Je recommande de s'attacher sérieusement à ce prin-

cipe. C'est par lui que l'on peut produire les effets les

plus surprenants et les plus magiques. Je vais enseigner


deux manières de filer la carte qui ont chacune leur
propriété particulière.
Le jeu étant dans la main que je suppose être la

gauche , et la carte que Ton veut changer dans la main


droite, tenez cette carte entre l'index et le grand doigt ;

poussez avec le pouce de la main gauche la carte qui


est la première du jeu, en-dessus, afm delà faire dé-

border du côté de l'autre main de près de moitié de sa


largeur. Maintenez le jeu avec le pouce et l'index , en
écartant les trois autres doigts assez loin de l'index pour
3
56 DÉMONSniÂTION DES PUIISCIPES.

laisser un grand espace. Dans cette disposition ,


appro-
chez les deux mains l'une de l'autre : la carte à chan-
ger va naturellement se placer dans l'espace laissé
entre l'index qui soutient le jeu et les autres doigts, et
la carte qui est sur le jeu se trouve en même temps
entre l'index et le pouce de la main droite, qui s'en
emparent; vous n'avez plus qu'à éloigner un peu les

mains l'une de l'autre et à dégager l'index de la nlain


gauche pour le placer sous le jeu auquel se joint la
carte que l'on vient de changer.
Pour profiter de ce principe , il faut l'exécuter avec

la promptitude d'un ressort qui s'échappe, sans cepen-


dant paraître faire aucun mouvement brusque; avec
un peu d'exercice, on y parvient aisément.
Observations. — Quand on aura acquis toute la cé-

lérité voulue pour l'exécution de ce principe, et qu on


voudra le mettre en pratique dans une séance, pour
s'en servir avec succès, ily a des mesures à prendre et
des temps à saisir. Si ,
par exemple, la carte que l'on
veut changer doit être placée sur la table qui vous sert
dans vos exercices, il faut se mettre en face des assis-

tants, la table derrière soi; et, profitant d'un brusque


demi-tour que l'on est obligé de faire pour aller poser
la carte sur la table, on la fait filer. Dans ce cas, c'est la

main qui tient la carte qui doit faire le mouvement,'


celle qui tient le jeu doit rester immobile.
Si la nature du tour n'exige pas que l'on mette la

carte sur la table, il faut approcher beaucoup les deux


mains, mais naturellement, sans affectation ; et en face
CARTES. 57

des spectateurs, on file résolument la carte, en faisant


de la main qui tient le jeu un geste indicatif, et en di-
sant, par exemple : « C'est vous, Madame, qui avez
tiré la carte? » ou : « Monsieur, souvenez-vous de votre
carte. » Ce mouvement du bras empêche d'apercevoir
celui que l'on fait pour opérer le changement de la

carte. Alors c'est la main qui tient la carte qui doit res-

ter immobile. Cette remarque est importante, car si

cette main, qui doit rester fixe, faisait le mouvement,


quelle que soit l'agilité qu'on mette à faire filer la carte,

l'action serait aperçue, et il y aurait un semblant de


gaucherie que l'on ne pourrait éviter.
On voit que l'emploi de ce principe est de paraître
métamorphoser une carte en d'autres cartes, ce qui est

nécessaire dans beaucoup de cas.

SECTION YI.

Faire filer la carie, — Deuxième moyen.


Dans la première manière, on met sous le jeu la

carte qu'on veut changer, en prenant celle de dessus;


dans la seconde, on prend aussi celle de dessus, mais
on laisse à sa place la carte que l'on veut changer.

Pour exécuter cette manière défiler la carte, il faut,


comme dans la première méthode, pousser celle de
dessus le jeu pour la faire un peu déborder, afin que le

pouce et l'index de l'autre main puissent s'en saisir au


58 DÉMONSTRATION DES PRINCIPES.

moment où Ton posera à sa place celle que l'on veut


changer. En même temps que Ton met cet ce dernière
sur le jeu, on attire un peu celle qui suit avec l'index,
pour avoir la facilite de Tenlever en la glissant avec
légèreté et vivacité.
Ce mouvement n'est pas difficile à exécuter, parce
que le rapprochement des deux mains n'est point in-

tempestif, et que, rapide comme l'éclair, il passe iqa-


perçu, et cela d'autant qu'il paraît naturel à cause de
l'agitation obligée du bras, pour aller porter la carte

sur la table.

S'il n'y avait pas de nécessité de poser cette carte


sur la table, on ferait le geste de frapper son genou
avec la carte, comme si ce coup était indispensable
pour la métamorphoser; car il ne faut pas arrêter
brusquement le mouvement de la main après avoir
filé la carte.

Dans cette méthode de filer la carte, les deux mains


s'éloignent l'une de l'autre en faisant le mouvement
pour la changer.

SECTION YH.

Filer la carte d'une main.

On tient le jeu dans la main étendue ; on repousse


avec le bout du pouce la première carte, jusqu'à ce que
le côté extérieur de cette carte soit presque au niveau
CARTES. 59

du bout des doigts qui doivent la supporter. La


deuxième carte se trouve alors à découvert , et le

pouce, eu revenant, l'entraîne en arrière. Quand cette


deuxième carte est tout-à-fait séparée de la première,
que leurs côtés ne se touchent plus, le pouce se ren-
verse pour faire lever un peu le côté extérieur de la
carte qu'il vient de ramener en arrière.

Le côté intérieur de la première carte soutenue par


le bout des doigts se trouve alors tout près de l'ou-

verture que lui présente la deuxième carte^ au moyen


de la pression du pouce ; on n'a donc plus qu'à pous-
ser avec le bout des doigts cette première carte, pour
îa faire couler dans l'ouverture. Ainsi, cette carte, que
Ton croit toujours dessus, se trouve la seconde sur le

jeu. — On dissimule facilement le léger mouvement


que l'on fait pour filer la carte d une main, parce qu'on
ne Texécute qu'en tendant le bras pour inviter à
prendre la carte qui est sur le jeu. Il faut avoir soin

de mouiller le bout des doigts, et surtout la partie du


pouce qui fait fourche avec la racine de l'index.

SECTION YIII.

Les faux mélanges. — Premier moyen.


Le faux mélange est le principe le plus souvent
mis en usage on : s'en sert pour faire penser aux spec-
tateurs que l'on n'a aucune carte en vue.
40 DÉMONSTRATION SES PRINCIPES.

De plusieurs manières de faire le faux mélange, voici


la préférable.

On verra , si l'on y fait attention ,


que les bons
joueurs, ceux qui ont l'habitude de manier les cartes,
les mêlent en faisant du jeu deux paquets pour entre-
lacer l'un dans l'autre, ce qu'on recommence plusieurs
fois de suite et qu'on exécute en remuant les doigts
pour pousser les caries en dessous, afin de les interca-

ler dans l'autre paquet. Ensuite, d'un coup de main,


en mettant tous les doigts au bout supérieur du jeu
et le pouce au bout inférieur, on met toutes les cartes

de niveau. Ici elles sont mêlées consciencieusement,


tenons au faux mélange.
Faites d'abord comme je viens de l'expliquer. Sépa-
rez le jeu en deux parties, tenant l'une dans une main,
l'autre dans l'autre main.
Je suppose que le paquet que vous voulez insérer
dans l'autre soit dans la main droite. Etalez un peu
les cartes qui sont dans la main gauche en les pous-

sant avec le pouce; cette disposition est nécessairepour


que les cartes de la main droite puissent se fourrer fa-

cilement entre toutes celles qui sont dans la main


gauche. Approchez les deux paquets l'un contre l'au-
tre, faites jouer tous les doigts qui sont sous le paquet
de la main droite, pour pousser toutes les cartes afin

de les foire entrer et éparpiller dans le paquet de la


main gauche mais ; faites en sorte que toutes ces cartes,
que vous avez entremêlées dans le paqjiet de la main
gauche, dépassent par en haut toutes celles de ce pa-
CARTES. 41

quet do gauche d'environ un tiers, et observez encore


que toutes ces mêmes cartes qui excèdent les autres,

doivent être un peu inclinées vers le dos de la main.


Ensuite, enveloppez toutes ces cartes saillantes avec
tous les doigts et le pouce de la main droite, tournez
le poignet en dedans pour relever le bout inférieur de
ce paquet que vous tenez entre les doigts, ce qui donne
à ce paquet une position horizontale et forme un angle
droit avec le paquet de la main gauche. Ce coup de
main étant donné, les cartes qui viennent de le subir
se trouvent dégagées des autres, et vous les placez vite

sur le paquet de la main gauche.


Les cartes ne se sont nullement mêlées et sont
exactement restées dans Tordre qu'elles avaient aupa-
ravant. On conçoit qu'il ne faut pas mettre autant de
temps pour exécuter tous ces procédés que pour les

décrire.

Si on veut, pour compléter ce faux mélange quand


il sera terminé comme je viens de le démontrer on ,

pourra séparer encore le jeu en deux tas, mettre celui


de la main droite sous l'autre, et faire jouer les doigts
pour agiter les cartes, comme on fait pour les mêler
dans le principe ci-dessus, mais, cette fois, il ne faudra
pas les déranger tout en les remuant. Quand le paquet
sera tout-à-fait sous l'autre, du même temps reprenez
avec l'index et le pouce le paquet qui se trouve en ce
moment en dessus, remettez-le sous l'autre en le re-
muant avec les doigts, comme vous avez fait précé-
demment. Pour reprendre ce paquet comme je viens
42 DÉMONSTRATION DES PRINCITES.

de le dire, il faut rapporter Findex dessous et en même


temp&ie pouce dessus.
Il est indispensable de faire deux fois de suite cette
manipulation, sans quoi lès cartes ne seraient plus dans
îe même ordre; car ^ si on ne îe faisait qu*une fois, le

jeu serait caupé, et les cartes de dessus se trouveraient


au milieu, ce qu'on n'a pas rintenlion de faire. Cest
^
le deuxième coup qui tes fait revenir dessus.

J'ai vu d'habiles prestidigitateurs qui se contentaient


de ce dernier procédé, sans employer le premier. Dans
le fait, pour les spectateurs qui regardent d'un peu
loin, l'effet est le même à leurs yeux ce mouvement"
;

que l'on donne aux cartes fait croire qu'on les mêle,,.

SECTION IX.

Deuxième manière de faire te faux mélange:

Cette deuxième manière est facile à exécuter; elle-

sertpour ne pas perdre de vue une carte en même


temps que l'on fait croire aux spectateurs qu'on la
mêle réellement avec les autres cartes du jeu. Le pre-
mier faux mélange est utile quand, pour certains tours^
le jeu est arrangé dans un ordre nécessaire. On s'en

sert pour prévenir les soupçons que les spectateurs

pourraient concevoir sur cet arrangement ; on s'en

igert aussi dans toute autre occasion.


Pour faire cedeuxième faux mélange, prenez la pre-
CARTES. 45

mière carte du jeu que je suppose être celle qui a été

prise, remise dans le jeu et qu'on a fait venir dessus


en faisant sauter la coupe.
Ayant celte carte dans la main droite et le reste du
jeu dans la main gauche, jetez, par peliîs tas, sur cette
carte, toutes celles que vous tenez de la main gauche.
Cette opération finie, la carte en question se trouve
sous le jeu qui vous reste entièrement dans la main
droite. Remettez tout ce jeu dans la main gauche. En-
suite prenez delà droite cinq ou six cartes sur le jeu,
et dessus et dessous ces cartes, alternativement, mettez
toutes les autres et toujours par petits tas, que vous
poussez avec le pouce mais ayez soin, en
; finissant, de
mettre adroitement la dernière carte sur le jeu, qui est
celle avec laquelle vous faites le tour.

Voilà, en fait de faux mélanges, tout ce qu'il est he»-


soin de savoir.

SECTION X.

Enlever la carte. — Premier moyen.


Ce principe est aussi un des plus utiles et des plus

usités dans les tours de cartes.


Dans ce premier moyen, qui est le plus générale-
ment adopté par les prestidigitateurs, la carte à enle-
ver doit être sur le jeu. Tenez ce jeu dans la main
gauche, et mettez la droite dessus. Le Jeu ainsi enfermé
44 DÉMONSTRATION DES PRINCIPES.

dans vos deux mains, poussez la carte de dessus


avec le pouce de la main gauche pour la faire déborder.
Par ce moyen, le milieu de la carte pose sur le bout des
doigts de la main qui tient le jeu, et de ces doigts on
pousse dans la main droite, qui s'en empare en
la carte

se fermant un peu, comme dans l'état naturel d'une


main dans l'inaction ; et pour prévenir tout soupçon,
prenez de suite le jeu de cette même main où est la carte,
et présentez-le à quelqu^un en invitant à mêler. Dans
cette circonstance, la position de la main est natu-
relle ; les spectateurs n'en voient que le dos, et la carte

qui est de votre coté ne peut pas être vue des assis-
tants. Ce mouvement est hardi et prudent en même
temps. On peut, de cette manière, enlever plusieurs
cartes comme une seule.
Il faudrait bien se garder de suivre le conseil de
M. Decremps ,
qui recommande de tenir la carte la
main tendue, entre le petit doigt et le pouce qui reste
serré contre les autres doigts.
Cette gauche attitude de la main doit nécessairement
faire naître des soupçons.

SECTION XI.

Deuxième moyen d'enlever la carie.

Ce moyen sert quand on veut enlever la carte qui


est sous le jeu.
CAUTES. 45

îlfaut mettre le petit doigt entre la carte de dessous


et le reste du jeu, comme quand on veut faire sauter la

coupe. Puis, prenant le jeu de l'autre main avec le

pouce et l'index que l'on fourre dans l'ouverture for-

mée par le petit doigt, on l'enlève en le présentant h


une personne pour le mêler; mais, en même temps
qu'on enlève le jeu, la main dans laquelle la carte est
restée s'éloigne de lautre en laissant tomber le bras de
toute sa longueur. Le dos de la main étant naturelle-
ment tourné vers les spectateurs, et le dedans contre
la cuisse, il est impossible de voir la carte. D'ailleurs,

ce temps est si fin et si coulant, que l'on ne peut con-


cevoir aucun soupçon : on pourra s'en convaincre
quand on se sera familiarisé avec ce principe.

SECTION XII.

Poser la carie.

On ne se sert de ce principe que quand on a enlevé


la carte par la première méthode, parce que, dans la

seconde, la carte reste dans la main de laquelle on est


le moins adroit.

Ce principe de poser la carte est simple et focile.

Ayant la carte, je suppose, dans la main droite, si vous


voulez la mettre sur le jeu qui est dans la main gauche,
posez-la sans façon en faisant craquer le jeu que l'on
serre avec les doigts du milieu par un bout, et avec la
46 DÉMONSTRATION DES PRINCIPES.

paume de la main de l'autre bout. On comprend qu'en


serrant le jeu comme il vient d'être dit, et qu'en levant
le poignet pour obliger les cartes de s'en séparer, ce
mouvement produit un bruit de craquement assez sen-
sible, que l'on recommence plusieurs fois et vivement,
comme par distraction, et comme si Von cherchait
quelque chose dans sa pensée.
Mais la manière la plus commode de poser la carte,

c'est de la mettre sur lejeu, que l'on prend en le faisant

glisser jusque sur le bord de la table sur laquelle il

aura été placé.

SECTION XIIÏ.

Faire prendre la carte ou la carte forcée.

Yoici encore un principe auquel on a souvent re-


cours.
La carte que l'on veut faire prendre doit d'abord être
sur lejeu ou dessous.
On fait sauter la coupe pour la faire venir au mi-
lieu, et, d'un léger coup de main, on place les deux tas
diagonalement l'un à l'autre. Je veux dire que le pa-
quet de dessus doit poser sur le tas de dessous , de
sorte que son côté intérieur doit être dans la direc-
tion de la diagonale qui serait tirée des deux coins
opposés du tas de dessous : ce qui donne à ces deux
tas rapparcnce d'un éventail à demi ouvert.
CARTES. 47

Je suppose que vous ayez mis le jeu dans la main


droite : en l'ouvrant comme je viens de le dire, le tas

de dessus est dans la main gauche. Eparpillez les car-

tes de ce tas avec tous les doigts de la main gauche et

le pouce de la droite, mais ne perdez pas de vue la

carte à faire prendre, qui se trouve la première du tas


de la main droite, si elle était d'abord sur le jeu, ou la

dernière du tas de la main gauche, si elle était sous


le jeu avant de faire sauter la coupe. Présentez toutes
ces cartes, que vous étalez, à la personne qui doit tirer
la carte, en l'invitant à prendre celle qu'elle voudra;
mais gardez-vous de mettre tout de suite vis-à-vis

d'elle la carte que vous voulez faire tirer forcé-


ment. Quand la personne a approché sa main assez
près du jeu pour saisir une carte, tournez un peu le

poignet droit en donnant un petit coup de pouce sur


la carte, assez à propos pour la faire trouver bien en
face des doigts qui semblent venir la chercher. La per-
sonne à qui vous vous êtes adressé la prend, croyant
la tirer au hasard parmi toutes celles que Von étale
devant elle.

On peut aussi forcer la carte en ne tenant le jeu


que d'une main. On le présente étalé, mais on a eu
soin de donner un peu de saillie à la carte qu'on veut
faire tirer, afin qu'elle soit plus en prise que les au-
tres. 11 sera bon encore d'appuyer un peu sur le jeu avec
le pouce, pour serrer toutes les cartes, excepté celle que
l'on veut faire prendre. Il faut aussi, mais sans affecta-

tion, diriger le poignet de manière à ce que la carte se


48 DÊVIONSTRAÏION DES PllINClPES.

présente naturellement aux doigts de la personne qui


doit la tirer.

SECTION XIY.

La carte à l'œil.

Ce principe est d'une grande ressource dans beau-


coup de circonstances c'est par son
: moyen que l'on peut
connaître de suite une carte prise au hasard et remise
aussitôt dans le jeu, que l'on peut donner dans le mo-
ment à mêler.
Après avoir fait prendre une carte, on la fait re-

mettre dans le jeu, et, en le refermant, on met le petit

doigt sous la carte, comme si on voulait faire sauter la

coupe. Alors, en présentant le jeu à la personne qui


a tiré la carte, pour la faire mêler, on ouvre et re-
ferme vivement le jeu, ce qui s'exécute en levant le
tas supérieur avec le petit doigt et les autres doigts
qui maintiennent le tas par-dessus. Ce mouvement,
rapide comme l'éclair, a suffi pour vous faire aperce-
voir la caric, et comme le dos du jeu est tourné du
côté des spectateurs, cette brusque et légère séparation
du jeu n'a pu être vue.
CARTES. 49

SECTION XV.

Faire glisser la carte.

Tenez le jeu par les deux côtés, le dos en dedans de


la main. Conséquemment les figures sont devant. On
fait voir aux spectateurs la carte qui est sous le jeu, et
en baissant la main pour mettre les cartes dans une
position horizontale, on fait glisser en arrière, avec les

doigts qui sont sous le jeu, celle que l'on vient de mon-
trer. Alors la deuxième carte en dessous se trouve en
prise, et avec les doigts du milieu de la main qui est
libre, on tire cette carte que les spectateurs croient

être celle qu'on vient de leur pciésenter.


Si on le juge à propos, on pourra mouiller un peu
les doigts.

Ce principe sert dans beaucoup de tours de cartes.

SECTION XVI.

Renverser le jeu.

Dans ce principe, il ne s'agit que de faire baiser les

caj'tes.

On entend par là séparer le jeu en deux parties, et


réunir ces deux parties de manière que les figures
soient tournées l'une vers l'autre.
50 DÉMONSTRATÏOxN DES PRiN€IPES.

Par cette disposition, les cartes présentent le dos des


deux côtés du jeu.
Quand on aura besoin d'employer ce moyen et qu'ion
•v^oudra le préparer en un clin-d'œil et sans être aperçu,

on mettra le petit doigt dans le jeu pour faire sauter


la coupe, mais avec cette différence qu'au lieu de rap-
porter le paquet inférieur sur le supérieur, on applique
les figures de ce paquet sur les figures de l'autre. On
comprendra aisément cette opération quand on saura
faire sauter la coupe et que l'on essaiera ce principe.

Pour le mettre en pratique , il suffit de placer le

jeu sur le bout des doigts, et de fermer la main on fai-

sant du bras mouvement indicatif, comme pour


un vif

inviter une personne à nommer sa carte. Le mouve-


ment de la main se confond avec celui du bras , ce
qui empêche les spectateurs de s'apercevoir que le
jeu vient de se retourner naturellement en fermant la

main.

SECTION XVIL

Faire couler la carte.

Ce principe sert pour faire changer une carte en


une autre ou en toute autre chose qui serait peinte
,

sur la carte, telle qu'une fleur, un oiseau, etc., et cela


sans toucher à la carte et sans la distraire aucunement
des regards.
CAUTES. 51

Faites tirer une carte, et conservant, je suppose, le

jeu dans la main gauche, partagez-le en deux parties,


en tenant par les deux bouts le paquet que vous pre-
nez de la main droite. Faites mettre la carte qu*on a
tirée sur celle dont on voit la figure, et qui est la der-
nière du paquet que vous tenez de la main droite.

Celte carte tirée ne doit pas couvrir l'autre entière-


ment : il faut l'attirer vers le bas assez pour laisser voir

environ moitié de la figure de celle qui appartient au


paquet. La carte que vous venez de faire descendre
est donc saillante par le bas. Appliquez cette saillie le

long du côté du paquet que vous tenez de la main


gauche. Dans cette position, les deux paquets forment
un angle droit. Remarquez que tous les quatre doigts
de votre main gauche touchent le dos du paquet que
tient votre main droite. Maintenant retenez, avec ces
doigtsun peu mouillés, la carte sur laquelle ils sont
posés et levez la main droite pour enlever le restant
,

du paquet qui est interposé entre cette carte de der-


rière, que les doigts de la main gauche retiennent, et

celle de devant, qui est appuyée contre le côté du pa-


quet qui est dans la main gauche. En même temps que
vous enlevez le paquet , les doigts de la main gauche
se ferment pour faire tomber sur le paquet de gauche
la carte qu'ils retenaient, avec celle de devant qui est
la carte tirée. Ainsi, cette dernière est couverte par
celle qui était derrière, et se trouve la deuxième quand
on la croit la première sur le paquet.
Comme la dernière carte du paquet de droite, sur

4
52 DÉMONSTRATION DES PRINCIPES.

laquelle on avait posé la carte tirée, a toujours été en


vue, vous ferez observer qu'ayant constamment resté
à sa place, celle qui la suivait est nécessairement sur
le tas de gauche. Ce que Ton n'a pas de peine à croire,
puisque Ton ne se doute pas que la carte que vous ve-
nez de faire couler dessus, la précède.

SECTION XVIII.

La carte à vue.

Les prestidigitateurs qui ignorent ce principe sont


embarrassés quand il leur est nécessaire de connaître
une carte qui est sous le jeu, car, sachant qu'ils sont
observés de près, ils sont obligés de guetter le moment
011 ils pourront jeter dessus un coup d'œil furtif. Voici
le moyen que Ton emploie pour voir sans difficulté la
carte qui est sous le jeu.
Tenant le jeu d'une main par un bout, de l'autre on
fait fortement courber le bout opposé en appuyant
dessus et en laissant échapper les unes après les autres
les cartes qui se redressent rapidement par l'effet de
leur élasticité naturelle. Par ce mouvement, on a sim-
plement l'air de s'amuser avec le jeu, sans aucune in-
tention; mais en courbant ce jeu vers soi, on a été à
portée de voir la carte qui se présente naturellement à
vos yeux; et comme le dos des cartes est toujours
tourné du côté des spectateurs, et que, dans le cas où
CARTES. 55

on lèverait un peu trop le jeu, les figures seraient aussi


exposées à leur vue, ils ne font nullement attention
que vous avez pu voir la carte de dessous.
Il faut, du reste, bien vous persuader que moins vous
vous cachez, moins le spectateur a de soupçons. J'ai

vu un très-habile prestidigitateur qui disposait ses


cartes ou tout. autre objet qui doit être préparé secrè-
tement, sous les yeux des assistants, tout en causant
avec eux et sans qu'ils s'en doutassent le moins du

monde. Ce sans-gêne inspire toujours une grande con-


fiance aux spectateurs, qui, d'ailleurs, sont loin de
soupçonner une pareille audace.

Ici je termine la description des principes relatifs


aux tours de cartes.
Si le lecteur a trouvé quelques incorrections dans
les phrases dont je me suis servi pour exprimer ce que
je voulais lui faire comprendre, il voudra bien me te-

nir compte des quand


difficultés qui sont inévitables

on veut peindre avec des mots, des mouvements de


mains et de doigts qui varient à l'infini.Dans des ex-
plications de cette nature, tous les moyens sont bons
quand ils peuvent aider à rendre intelligible, et lors-

que je croirai atteindre à ce but par la prolixité et les

redites, je ne me ferai pas un scrupule d'en user au


préjudice du style correct dont je ne me pique pas,
et qui n'est pas de rigueur dans un ouvrage du genre
de celui-ci.
I

II
CHAPITRE DEUXIÈME.

EXPLICATION DES TOURS.

Pour me conformer à cette maxime qui dit qu'il


faut passer du simple au composé, je vais commencer
la description des tours de cartes par les moins im-
portants. Quelques-uns ont les mathématiques pour
principe. Il existe beaucoup de récréations de ce genre,
on en trouve dans tous les livres. En général , elles

amusent, mais n'étonnent pas. Cependant, je crois

pouvoir assurer que les tours que je vais présenter


peuvent réunir ces deux avantages, parce que je n'ai

choisi que ceux dont les effets ont quelque chose de


vraiment surprenant, et qui, surtout, n'ont, jusqu'à
présent, jamais été publiés, je le crois, dans aucun ou-
vrage.
Si quelquefois je m'occupe, en passant, de quelques

petits tours déjà connus, ce ne sera que pour les offrir

avec des perfectionnements qui pourront leur donner


le mérite de la nouveauté et les rendre, dans ce sens,
plus agréables aux amateurs.
56 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

Je distinguerai deux classes de tours de cartes l'une :

que j'appellerai tours de table ou de société , parce


qu'ils ne sont pas assez saillants pour être admis dans
une séance donnée dans un salon, et qu'il ne convient

de les faire qu'en petit comité et en compagnie de per-


sonnes avec lesquelles on est à table pour se récréer.
C'est, ordinairement, après un repas d'assemblée, au
dessert, par exemple, que toute espèce d'amusement
est accueillie avec plaisir.

Je range dans la seconde classe tous les tours que


l'on peut faire dans des séances données devant une
assemblée nombreuse et qui ont la prestidigitation
pour base. Une grande partie de ces derniers tours
peuvent aussi s'exécuter au théâtre.

ARTICLE PREMIER.

DES TOURS DE TABLE OU PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

SECTION I.

Pr ier une personne de penser une carte dans le jeu qu'on


lui met dans les mains, et lui donner cette carte sans

lui avoir fait aucune question. — Plusieurs façons


de faille ce tour.

Je prie le lecteur de me suivre, car je suis censé


faire le tour moi-même et le mettre en action en
CÂivrES. 57

l'expliquant, pour donner une idée de la manière de


Texécuter.
« Madame , voulez-vous prendre la peine de pen-
ser une carte dans ce jeu ,
que vous mêlerez d'a-

bord.
» Mettez, s'il vous plaît, les figures sous vos yeux.
A présent, faites glisser les cartes Tune sousFautre en
les poussant avec le pouce et en les comptant menta-
lement à commencer par la première; n'en dérangez
pas Fordre, je vous prie, el retenez bien le i>ombre au-
quel la carte que vous allez penser se trouvera. Main-
tenant que vous avez pensé une carte, donnez-moi le
jeu. Madame, aussitôt que je le tiens entre mes doigts,
je connais la carte que vous avez pensée. Il y a plus,
c'est que,sans y voir, je vais la placer dans l'endroit
du jeu que Monsieur souhaitera Désignez, Monsieur,.

le chiffre auquel vous voulez que la carte se trouve. Je
vous prie de remarquer que je n'ai fait à Madame au-
cune question qui puisse me mettre sur la voie. »

Alors on met les mains sous la table, en tenant le

jeu les figures en haut.


Supposons que le spectateur auquel on s'adresse ait

demandé la carte au nombre 18. On compte dix-sept


cartes secrètement, en les prenant du côté des figures
et en les glissant les unes sous les autres pour n'en pas
déranger Tordre. On met ces dix-sept cartes sous le
dos du jeu, qui, dans ce moment, se trouve en bas,
puisque les figures sont en dessus. Cette opération ter-
minée, on retire les mains de dessous la table, mais
58 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

alors on tient le dos du jeu en dessus, et on dit à la

dame qui a pensé la carte : « Madame, Monsieur a de-


mandé que la carte se trouve la dix-huitième, et je
viens de l'y placer. A présent que le tour est arrangé,
et que je ne toucherai plus au jeu, vous pouvez me dire
lenombre auquel vous avez arrêté votre carte, car je
veux partir de ce nombre pour arriver plus tôt à celui
de 18, chiffre demandé. y>

Si la dame répond, par exemple, que sa carte était


la sixième,^ on part de là en disant 7, 8, 9, etc., en pre-
nant les cartes sur le jeu. Quand on est arrivé à la
dix-huitième, on fait nommer la carte et on la dé-
couvre.
11 est important de veiller à ce que la personne qui
pense la carte ne dérange pas Tordre des autres cartes
en les feuilletant pour les compter et pour en choisir
une; car si elle les plaçait l'une sur l'autre, onneréus-
sirait[pas. Il ne faut pas oublier que l'on doit toujours
mettre sous le jeu une carte de moins que le nombre
demandé. Conduit de cette manière, ce tour, qui n'est

qu'une combinaison mathématique , ne laisse pas que


d'être surprenant. Phisieurs circonstances concourent
à le rendre tel : d'abord, parce qu'aussitôt que la carte

a été pensée, on affirme qu'on la connaît du moment


où on a touché le jeu; ensuite, parce que l'on annonce
qu'on va la mettre dans le jeu où on le désirera, en
feignant de ne se servir que du sens du tact; enfin,
parce qu'on ne fait point de question, si ce n'est une
seule, qui paraît sans conséquence ,
puisqu'on ne la
CARTES. 59

fait que quand la carte est déjà placée au nombre


demandé. -
?

Je me suis un peu étendu sur cette première ré-


création, pour faire sentir que les tours ne doivent pas
être exécutés sèchement, qu'il faut toujours les accom-
pagner de quelques observations, de subterfuges
même, qui les font mieux apprécier et les rendent
plus brillants et plus merveilleux.

Autre manière de faire ce tour.

Comme dans la première manière, faites penser une


carte en présentant le jeu les figures en dessus. Re-
commandez de compter mentalement en partant de la
première carte, pour que la personne à qui vous vous
adressez sache à quel nombre se trouve celle qu'elle

veut penser. Priez-la de se souvenir de ce nombre ainsi


que delà carte. N'oubliez pas de l'inviter à ne rien dé-
ranger dans l'ordre du jeu, lorsqu'elle le feuillette pour
penser sa carte.
Le jeu vous étant rendu, posez-le sur la table le dos
en dessus. Avertissez que vous allez écrire un nombre,
et que la carte pensée se trouvera à ce nombre écrit.
Supposons que vous ayez marqué 20. Calculez en
vous-même qu'en partant de 20 pour aller à 52, qui

est le nombre des cartes du jeu, il faut 12. A ce chiffre


ajoutez un. Prenez sur le jeu treize cartes que vous po-
00 PETITS TOUUS DE SOCIÉTÉ.

serez l'une après l'autre en paquet sur la table ; mais


n'ayez pas l'air de compter. Prenez ensuite ce qui reste
du jeu et metlez-le sur vos treize cartes. Alors annon-
cez que la carte pensée va se trouver la vingtième dans
le jeu comme vous l'avez écrit, en partant du nombre
de la carte pensée.
11 faut toujours faire nommer la carte avant de la
découvrir.
Nota. — On peut, si on l'aime mieux, charger une
autre personne de désigner le nombre où on veut que
la carte se trouve.

Encore le même tour exécuté par une autre méthode.

Si je donne plusieurs moyens de faire un tour, c'est

pour prévenir le désappointement que l'on éprouve-


rait si on le voyait exécuter d'une manière que l'on
ignore.
La différence de ce nouveau moyen avec les précé-

dents est grande, car, ici, on donne la carte pensée au


nombre demandé, en prenant les cartes par-dessous le
jeu, et sans partir du nombre où était la carte.

Faites penser la carte de même que dans les procé-

dés ci-dessus, et toujours en recommandant de ne pas


déranger l'ordre du jeu. Comme vous n'adressez au-
cune question, vous êtes libre de faire toutes les mani-
CARTES. 61

pulations que vous voudrez sans qu'on puisse y trou-


ver rien de suspect.
Mettez les mains sous la table, en disant que vous
allez chercher la carte pense'e.

Commencez par mettre sous le jeu la carte qui est


dessus. Ensuite prenez de la main qui n'est pas em-
barrassée celle qui est alors dessus, et faites glisser sur
cette carte toutes celles du jeu, en les mettant Tune
sur l'autre jusqu'à la fin. Cela terminé, demandez à
quel nombre on veut que la carte se trouve. Si , par
exemple, on désigne le chiffre 12, prenez douze cartes
sur le jeu sans en déranger l'ordre, et mettez-les des-
sous. Pour cela, il faut, en les comptant, les glisser

avec le pouce l'une sous l'autre. En faisant cette ma-


nœuvre, vous dites : « Je vais mettre la carte au nom-
bre que Monsieur a demandé. 2> Maintenant découvrez
vos mains, et dites à la personne qui a pensé la carte:

« Madame, la carte que vous avez pensée est la dou-


zième, comme Monsieur l'a désiré. Yous pouvez dire à
présent à quel nombre elle était, puisque celui où elle

doit se trouver est annoncé. » Supposons qu'on ré-


ponde : « La sixième ; » vous reprenez de suite, en di-
sant : « Je ne me souviens pas, Madame, si vous avez
pensé la carte en prenant par-dessus ou par-dessous ;

au reste, cela n'y fait absolument rien, et je n'ai pas

besoin de le savoir. C'est une question oisive que je fai-

sais, et je vais vous montrer que la carte est la dou-


zième. »

On compte en ôtant les cartes par-dessous, du côté


62 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

des figures, et celle qu'on a pensé se trouve au nombre


demandé.
Une explication est ici nécessaire: ce n'est pas sans
dessein que vous demandez à la personne qui a pensé la

carte , si elle a compté en prenant dessus ou dessous.


En effet, comme il faut mettre de dessus le jeu en des-
sous, un nombre de caries pareil à celui où était celle

qu'on a pensée, il a fallu un prétexte pour prendre six


cartes, puisque celle qui a été retenue se trouvait la
sixième , et pour prendre six cartes sur le jeu , on est
obligé de les compter et, de plus, de mettre le petit
doigt dessous pour faire sauter la coupe; et comme il

ne faut pas qu'on s'aperçoive que vous préparez des


cartes, vous êtes forcé de faire cette question : « Est-ce
dessus ou dessous, etc.? D car, en pronor?i^ant ces mots,
votre pouce étale les cartes pour les compter et les
mettre sur le Ce mouvement ne peut pas
petit doigt.
être suspecté, parce qu'on ne le prend que pour un
langage de geste ajouté à la parole.

Vous faites sauter la coupe au moment où vous dites :

« C'est une question oisive que je faisais. »


Nota. — On peut désigner soi-même le nombre au-
quel doit se trouver la carte pensée , en disant : « Je
vais mettre la carte que Madame a pensée au nom-
bre 12. 2)

On doit toujours faire nommer la carte, avant de


compter pour la donner au chiffre voulu.
CARTES. 05

SECTION IL

Quatre paquets étant formés sur la table, les cartes

ayant été mêlées préalablement ,


après avoir donné
quelques instructions à la personne qui s est chargée
de composer les tas , deviner de suite le nombre que
donnent ensemble les points qui sont sur les cartes de
dessous chaque paquet, et sans avoir été présent à la
formation desdits paquets , sans s'aider de calcul et

sans adresser aucune question.

On ne connaît ce tour qu'en faisant trois paquets


seulement. Mais on ne peut deviner le nombre de points
des trois cartes qui sont dessous, qu'après avoir compté
le reste des cartes et y avoir ajouté une certaine quan-
tité d'unités. Le tour, exécuté de cette manière, n'offre

rien de fort surprenant, car on présume bien que la

personne qui le fait n'arrive à la connaissance du


nombre des points que par les cartes qui restent et
qu'elle compte.
Pour rendre ce tour beaucoup plus extraordinaire,
j'ai ajouté un paquet de plus; fait ainsi, il devient
vraiment incompréhensible.
Si on l'avait déjà vu exécuter de cette dernière ma-
nière, ce serait sans doute parce que je l'ai enseigné à
plusieurs personnes qui ont pu l'avoir communiqué à
d'autres.
Pour démontrer ce tour, il est nécessaire que je
rappelle celui des trois paquets.
64 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

On prévient la personne qui se charge de faire les


tas, que toutes les figures du jeu comptent pour iO
points, les as pour H , et les autres cartes pour le

nombre de points qu'elles portent. Cette valeur est,


d'ailleurs, adoptée dans tous les jeux.
On lui recommande ensuite de poser une carte sur
la table, en regardant ce que vaut son point, et à partir

de ce point, de compter jusqu'à 15, en prenant sur le

jeu des cartes que Ton met sur la première. Je suppose


que cette première carte placée sur la table vaille 10
points ; on prend une autre carte que Ton met sur celle-

là, en disant onze; on en met une seconde en comp-


tant douze, et ainsi de suite jusqu'à 15. Arrivé à ce
nombre 15, on commence un deuxième tas en faisant
de même , et enfin un troisième tas. Cette opération
terminée, on en avertit le prestidigitateur. Alors il

vient s'emparer des cartes qui restent, et prenant men-


talement le chiffre 16, il
y ajoute le nombre des cartes
qu'il tient. Exemple : je suppose qu'il reste douze
cartes; après les avoir comptées en partant de 16 exclu-
sivement, il trouvera 28. Alors il annonce 28 points.
On retourne les trois paquets, on compte les points
des trois cartes, qui, réunis ensemble, donnent 28.
En suivant la même méthode, au lieu de trois paquets,
faites-en quatre; alors le tour devient frappant. En

voici la raison: c'est que, dans ce cas, il ne reste


jamais que très-peu de cartes. Quand on vous rap-
pelle après avoir fait les quatre paquets, vous arrivez

en donnant un coup d'œil sur le reste, mais sans affec-


CARTES.

tatioe , et vous voyez facilement combien il y a de


cartes. A ce reste, vous ajoutez le nombre 521. Si , par
exemple, il y a trois cartes, vous dites de suite : « Comp-
tez les points qui sont sous les quatre paquets, et
vous trouverez 55. » S'il arrivait que les cartes qui
restent fussent bien égalisées l'une sur l'autre, et que,
par cette raison, l'œil ne puisse pas en saisir la quan-
tité, donnez un coup de doigt sur le tas pour les

étendre, en disant : « Quel est ce paquet? » Ayant ainsi

séparé les cartes, on peut en voir le nombre, et on ter-

mine le tour.

Faites en sorte que l'on ne se doute pas que vous


avez besoin de voir ce paquet; ne perdez pas de vue
que c'est en cela que consiste la magie du tour. Ne
donnez qu'un coup d'œil imperceptible sur les cartes,

dussiez-vous vous tromper ,


quitte à recommencer, et

notez bien qu'il n*est pas difficile de faire croire à la


personne qui a fait les tas, que c'est elle qui a commis
l'erreur.

SECTION ni.

Apprendre un tour à plusieurs personnes qui parviennent


de suite à très-bien le faire. Ensuite les empêcher de
réussir, ou les faille réussir à volonté, bien qu'éloigné
d'elles.

Ce tour, quand il est bien conduit, fait un effet pro-


digieux ; mais il faut du tact pour saisir à propos les

\
66 PETITS TOUKS DE SOCIÉTÉ.

circonstances qui le rendent aussi surprenant. Avant


de proposer le tour, retirez secrètement quatre cartes
du jeu: une de chaque espèce, c'est-à-dire, un cceur,
un trèfle, un pique et un carreau.
Prenez ces cartes dans les moins apparentes , afin
qu'on ne remarque pas qu'il en manque ; par exemple,
dans les sept, huit, neuf, etc. Ofi'rez de faire un petit
tour de calcul et de l'apprendre à tous les assistants.
Prenez quatre cartes, les premières venues, mais une
de chaque genre. Rangez-les de front; il n'y a pas
d'ordre à suivre dans la place de ces quatre cartes ;

vous les mettez comme elles se présentent, soit le

pique, soit le cœur , etc. , c'est indifférent. Ces cartes


placées, regardez la dernière, celle qui est à droite. Si
c'est, par exemple, un cœur, prenez un cœur dans le

jeu et posez-le sur la première , celle qui est à gauche.


En mettant cette carte ,
remarquez celle qui est des-

sous. Si c'est un pique , dites : « Je couvre un pique,


et je mets aussi un pique sur la seconde carte. » Si

cette seconde est un carreau : « Je couvre carreau, et


je mets carreau sur la troisième carie. » Si enfin cette

troisième carte est un trèfle: « Je couvre trèfle, je

mets trèfle sur la quatrième. i> Cette deuxième rangée


finissant par un trèfle, il faut commencer sa troisième
par un trèfle, en disant : « Je finis par trèfle, je mets
trèfle. » Continuez ainsi jusqu'à la fin, et ne manquez
pas, en commençant une nouvelle rangée, de mettre
une carte du même genre que celle qui a fini la rangée
précédente. Ne manquez pas non plus de mettre tou-
CAllTES. 67

jours sur la carte suivante une carte du même point


que celle que vous venez de couvrir.
Quand vous aurez fini de placer les cartes comme il

vient d'être expliqué, ramassez-les toutes en commen-


çant par la colonne de droite, prenez-les par le haut,
en les faisant couler les unes sous les autres. Mettez-le

premier paquet sur la dernière carte de la colonne qui


suit. Ramassez de même, et ainsi de suite. Prenez
garde que les cartes ne se dérangent lorsque vous les

relevez.
Les cartes étant toutes réunies, faites couper autant
de fois que l'on voudra. Ensuite faites une rangée de
quatre cartes , en les prenant sur le jeu l'une après
l'autre, et mettez toujours dans le même ordre, sur ces
quatre cartes , toutes les autres jusqu'à la fin. Pour
éviter toute méprise, je vais éclaircir mon explication.
En prenant ces quatre cartes sur le jeu l'une après
l'autre, et en les mettant sur la table, comptez i , 2
5 , 4 , et en en reprenant quatre autres, suivez le même
ordre : c'est-à-dire ,
placez la première sur celle que
vous avez mise la première de la rangée précédente,
la seconde sur la deuxième , et toujours de même
jusqu'à la fin. 11 faut mettre les cartes les figures en
dessus. Quand toutes ces cartes sont ainsi divisées en
quatre tas, vous faites remarquer que tous les piques
sont ensemble, ainsi que les cœurs, les trèfles et les
carreaux.
Comme ces opérations sont fort simples, tous les
assistants les comprennent parfaitement et sont en
,

68 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

état d'exécuter ce petit tour. On invite plusieurs per-

sonnes à ressayer, et elles réussissent très-bien. Il sera


bon d'engager à le faire plusieurs fois. Jusqu'alors,
rien de merveilleux sans doute; mais voici le moment
sérieux du tour arrivé. Toutes les personnes présentes,
se voyant en possession d'une petite récréation assez
amusante vous font leurs remerciements. Alors vous
,

dites: « Attendez, Messieurs, j'ai bien voulu vous


laisser exécuter ce tour pour l'instant, mais je vous pré-
viens que, pour le réussir dorénavant, il faudra que
vous m'en demandiez la permission. » Et chacun de se
récrier, en vous défiant de l'en empêcher. Donnons ici

le mot de l'énigme.
Pendant que l'on essayait le tour qui devait réussir,

vous avez eu le loisir de préparer dans votre main les


quatre cartes que vous avez soustraites du jeu avant de
commencer. Et ces quatre cartes , on doit les réunir
adroitement au jeu après avoir laissé faire le tour aux
spectateurs qui s'en occupaient.
Quand le jeu est complet, on ne peut pas réussir, et
comme il est complet lorsque vous annoncez qu'on ne
pourra plus le faire sans votre permission , que les

assistants ignorent cette circonstance, il est tout natu-

rel qu'ils vous défient de les empêcher de réussir. Vous


dites donc : « Messieurs, ma volonté s'oppose au suc-
cès dont vous vous flattez, et vous ne l'obtiendrez que
sous mon bon plaisir. Je vais m'éloigner de vous, afin
que vous ne craigniez pas que par quelque moyen ,

je puisse vous Mre tromper. Bien plus je vous invite


,
CARTES. 69
à collationner le jeu, pour vous assurer qu'il est com-
plet et que je n'ai point escamoté de cartes. »

Cette audacieuse défense irrite vos adversaires; ils

prennent leurs mesures et se remettent à la besogne;


mais ils voient bientôt avec dépit et surprise que le tour
est manqué.
Après avoir laissé essayer inutilement deux ou trois

fois, vous revenez auprès de ceux qui voulaient lous


braver, et, adroitement, vous enlevez de nouveau
quatre cartes. Et comme il arrive toujours qu'après
avoir échoué plusieurs fois on vous demande de laisser

réussir, alors , en vous éloignant, vous dites, en vous


posant en protecteur: « Messieurs, je veux bien avoir
cette complaisance: allez, vous réussirez, je vous le

permets. »

Avec de l'adresse et de la présence d'esprit , on peut


faire durer longtemps cette récréation, en remettant
ou retirant à propos les quatre cartes.
Le mérite de ce tour consiste en ce que l'on ne peut
réussir quand le jeu est complet, car, tant que l'on
réussit, on est loin de penser à le vérifier. Il n'y a que
quand on est arrêté dans son opération, que l'on est

porté à s'assurer si on n'a pas ôté ou ajouté quelques


cartes.
70 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

SECTION IV.

Deviner de suite combien il tj a de cartes dans un paquet


que Von prend au hasard sur le jeu.

On a soin d'aiinoncer aux spectateurs que Ton fait

ce tour par le moyen du tact , et ils ne voient pas de


raison pour penser le contraire.
Arrangez d'avance les cartes d'un jeu par dix-hui-
tièmes, en les mettant dans cet ordre : as, roi, dame,
valet, dix, neuf, huit et sept.

Ckssez aussi dans votre mémoire Tordre que vous


donnerez aux quatre espèces de points, comme, par
exemple, pique, trèfle, carreau et cœur. Supposons
que les figures sont dessous.

Sur les cœurs vous mettez les carreaux, sur ceux-ci


les trèfles , et enfin les piques par-dessus. Les piques
sont donc les premiers sur lejeu, ensuite les trèfles, etc.

Le jeu ainsi préparé ,


coupez-le plusieurs fois dans
vôs mains le plus vite possible, pour faire croire que
vous les mêlez. Regardez la carte qui est dessous en
vous servant du principe de la carte à vue. Je suppose
que ce soit le dix de cœur. Mettez le jeu sur la table, et
prenez dessus, au hasard, une certaine quantité de
cartes que vous palpez dans vos doigts comme pour en
connaître le nombre. Mais enlevez ce paquet de façon
à voir aussi la carte qui est dessous.
CARTES. 71

Supposons encore que cette dernière carte soit le

roi de carreau. Voici le calcul que vous ferez :

Comme vous connaissez la carte qui est sous le jeu,


c'est-à-dire le dix de cœur, vous vous dites : « D'après^

l'ordre des cartes, il reste trois cœurs dans le tas que


je tiens. Après les cœurs vient la série des piques c'est :

huit cartes qu'il faut ajouter aux trois cœurs. 8 et 5


font 11. Après les piques viennent les trèfles, c'est en-
core 8 qu'il faut ajouter à 11, ce qui fait 19. Les car-
reaux suivent les trèfles, et, comme c'est le roi qui est
sous mon paquet, je n'ai donc que deux carreaux. 2 et
19 font 21. ï> Alors vous annoncez qu'il y a vingt-et-une
cartes dans le tas que vous tenez. Au bout d'un quart-
d'heure d'étude, vous serez parvenu à faire ce calcul
en un moment. On comprend qu'il faut qu'il soit fait en
un clin-d'œil, dans le temps que vous feignez de sentir
les cartes du bout des doigts, pour en connaître le
nombre.
Vous rencontrerez beaucoup de personnes qui croi-

ront de bonne foi que vous n'êtes guidé que par le tact,

et elles admireront en vous la finesse de ce sens.


72 PETITS TOLUS DE SOCIÉTÉ.

SECTION Y.

Inviter autant de personnes qu'il s en présentera à penser

des cartes dans un jeu que l'on comptera sur la table


depuis la première jusqu'à la dernière carte, et après
avoir mêlé et coupé , donner à chaque personne la
carte qu'elle aura pensée,

Yous annoncez que vous allez compter haut et à


découvert toutes les cartes du jeu depuis la première
jusqu'à la dernière, en invitant les spectateurs d'en
penser chacun une en les voyant passer, et de se souve-
nir du nombre auquel leur carte se trouvera. En comp-
tant ,ayez soin de remarquer la première et de la rete-
nir dans votre mémoire.
Lorsque vous avez fini de compter, vous prenez les
un faux mélange. Yous donnez à
cartes et vous faites
couper une ou plusieurs fois puis vous demandez à ,

chaque personne à quel nombre sa carte se trouvait.


Aussitôt que Ton vous aura répondu , vous abattrez
sur la table. Tune après l'autre, toutes les cartes, en
les retournant pour qu'on voie les figures. La carte que
vous avez retenue dans votre mémoire étant arrivée,
vous partirez de celle-là pour compter mentalement et

donner à chacun la sienne , en commençant par le

nombre le plus bas , et en continuant toujours jusqu'au


nombre le plus haut.
S'il arrivait que'vous n'ayez plus de cartes dans la
CAKTES. 75

main pour atteindre le nombre que vous attendez vous ,

reprenez toutes les cartes sur la table, et continuez de


compter jusqu'à ce que vous ayez donné la dernière de
celles qui ont été pensées. N'oubliez jamais de faire
nommer la carte avant de la retourner.
Vous aurez soin aussi de mettre toutes les cartes
Tune sur l'autre en les abattant sur la table, pour que
l'ordre n'en soit pas dérangé, dans le cas où vous
seriez obligé de les reprendre pour continuer de
compter.
11 faut recommander aux personnes qui ont pensé des
cartes de ne rien dire si elles voyaient passer les leurs
sans qu'on les leur donnât d'abord.

SECTION VI.

Après avoir fait mêler le jeu , l'avoir partagé en deux


paquets sur la table, et retiré sur chacun d'eux un cer-
tain nombre de cartes, deviner celle qui se trouve sur
Vun des paquets.

Ce tour est d'autant plus incompréhensible que vous


le donnez pour une combinaison mathématique, et

qu'on le prend pour tel , tandis qu'il n'est réellement


qu'un tour d'adresse.
Vous faites mêler le jeu, et vous le mêlez vous-même
pour avoir occasion de mettre adroitement quatre
cartes sous votre petit doigt. Alors vous vous servez
74 PETITS TOLBS DE SOCIÉTÉ.

du principe de la carte à l'œil pour connaître la qua-


trième carte qui est sur le jeu. Vous partagez ce jeu en
deux parties, et comme il est nécessaire d'enlever trois

cartes sur le paquet qui contient celle que vous con-


naissez, pour arriver jusqu'à elle, voici le prétexte que
vous prenez.
Yous annoncez que vous allez retirer de chaque tas
la quantité nécessaire de cartes pour approcher le
nombre 60, en réunissant les points qu'elles porteront ;

bien entendu que les figures vaudront 10 points, les


as 1 1, etc. Yous affirmerez que, par un calcul qui vous
est familier, vous pouvez parvenir à connaître les
cartes du jeu. Yous en prenez une, en nommant le

nombre de points qu'elle porte , et vous la séparez du


tas d'où elle sort en la plaçant en avant sur la table.
Puis, vous prenez une carte sur l'autre tas, et vous
ajoutez ses points à ceux de l'autre carte ; vous mettez
de même cette carte en dessus ou à côté de son tas.

Yous continuez de prendre dés cartes sur chaque pa-


quet, toujours en comptant, jusqu'à ce que vous en
ayez retiré trois de chacun. Ensuite, feignant de calcu-
ler en vous-même un moment, vous dites, avec l'air

d'avoir trouvé la solution d'un problème : « C'est telle


carte qui doit se trouver ici. » Yous prenez la carte

que vous venez de nommer, sur le tas où vous savez


qu'elle est, et vous la faites voir.

J'ai recommandé de mettre en avant du paquet les

cartes qu'on en a retirées, pour que l'on soit sûr qu'il

y en a trois d'ôtées du las où est celle que l'on va nommer;


CARTES. 75

car si on mêlait les cartes de Tun ou de l'autre paquet,


on risquerait de ne plus se souvenir si on a exactement
levé les trois du tas sur lequel doit se trouver la carte

en question. Ce tour déroute complètement les spec-


tateurs, qui ont eux-mêmes mêlé le jeu.

Comme je l'ai dit, avant de nommer la carte, il faut


feindre de calculer. Je suppose que les six cartes que
vous avez levées sur les tas ont amené ensemble le

chiffre de 56, vous vous dites à demi-voix, comme en


parlant à vous même : « J'ai 56. Pour arriver à 60 , il

faut encore 4. Donc ce doit être telle carte qui est sur
ce paquet. »

Vous pouvez encore ajouter ce petit monologue.


Que la carte à deviner soit, par exemple, la dame de
trèfle, vous dites, en nommant la dernière carte levée

sur les tas : « C'est un dix qui vient de sortir en der-

nier, ce doit être une dame qui est sur ce paquet; et


comme c'est le dix de cœur, c'est immanquablement
la dame de trèfle qui est là. » Vous levez la carte et la
montrez.
Ce calcul simulé, qui n'est, dans le fait, qu'un lazzi
absurde, mais que vous paraissez faire sérieusement,
met le comble à Tétonnement des spectateurs.
76 PETITS TOUKS DE SOCIÉTÉ.

SECTION VII.

Ayajît fait mêler les cartes, divisé le jeu en trois tas sur
la table, en simulant un calcul, et fait certaines

transpositions de cartes dans les paquets, deviner


celles qui sont au-dessus des trois tas.

Ce tour, du genre du précédent , est plus extraor-

dinaire encore, car on devine trois cartes au lieu d'une,


et il n'est pas possible aux spectateurs de soupçonner
le moyen que vous employez, puisqu'ils viennent eux-
mêmes de mêler les cartes, et que vous avez feint un
calcul qui ne sert qu'à les dérouter davantage. Les
cartes étant mêlées, vous avertissez que vous allez faire
trois tas, en prenant le nombre des points que portera
la première carte de chacun , et que partant de ce
,

nombre, vous mettrez sur ces premières cartes autant


d'autres cartes qu'il en faut pour arriver au nombre
18, de sorte que, si la première carte que vous posez
sur la table vaut 10 points, vous mettez dessus huit
cartes, en les comptant l'une après l'autre. Faites ob-

server que les figures représentent 10 points, les as,


11 , et les autres ont pour valeur les points qu'elles
portent. On compte en mettant les figures à découvert.

Voici le stratagème que Ton emploie pour connaître


les trois cartes qui seront tout-à-l'heure sur les
paquets.
Il s'agit tout simplement de retenir dans votre mé-
CARTES. 77

moire les trois premières cartes que vous mettez en


formant le premier paquet, tout en feignant de compter.
Quand les trois paquets sont finis , vous prenez les
deux derniers pour les mettre sur le premier, afin que
les trois cartes retenues soient sur le jeu , duquel vous
faites trois tas, les figures en dessous.
Maintenant, il faut trouver un prétexte pour distri-

buer sur chaque tas les trois cartes qui sont sur le
premier paquet et que vous avez dû retenir par ordre
dans votre mémoire.
Supposons que le paquet sur lequel sont ces trois

cartes soit à gauche, et que ces cartes soient le roi de


pique , le dix de cœur et le sept de carreau. Prenez la
première carte, qui est le roi de pique, et mettez-la sur
le troisième tas, et, retirant de suite une carte de l'in-

térieur de ce même tas, dites : « Je prends une carte


ici et je la mets dans le tas du milieu. Je prends celle-

ci (sur le premier tas) et je la mets sur ce tas (le milieu) ;

je reprends une carte dans ce tas du milieu, et je la

mets (où on veut). » Quand vous faites cette dernière

transposition, les trois cartes sont déjà placées sur les


trois paquets mais ; elle sert à compléter cette manipu-
lation que les spectateurs croient nécessaire dans votre
calcul supposé, et qui ne fait que contribuer à les em-
brouiller davantage et à détourner toute conjecture
de leur part.
Yous n'avez donc plus qu'à nommer les cartes dans
l'ordre que vous connaissez, en les découvrant chaque
fois sur leur paquet.
78 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

Vous avez compris que des trois cartes qui étaient

sur le premier tas, vous n'en avez eu que deux à retirer


pour mettre sur les deux derniers paquets , la troi-

sième carte reste sur le premier.

SECTION VIII.

Distinguer toutes les figures dhmjeu au tact.

Le lecteur voudra bien me permettre de lui parler


d'un petit tour connu de tout le monde, et que Ton fait
encore quelquefois pour s'amuser à table.
Voici de quoi il s'agit : on propose à la compagnie
de distinguer au tact toutes les figures d'un jeu, et de
les séparer des autres en les touchant seulement du
bout des doigts.
On donne à mêler et on se fait bander les yeux. En-
suite, mettant les bras au-dessus de sa tête en tenant
les cartes, on les palpe l'une après l'autre et on sépare
les figures des autres cartes en les désignant, et on les
jette sur la table.

Pour exécuter ce tour, on est d'intelligence avec le

voisin de vis-à-vis, qui vous presse le pied avec le sien

pour vous avertir que vous tenez une figure.

Mais, s'il y a vingt personnes dans l'assemblée, il y en


a bien quinze qui connaissent cette captieuse récréa-
tion. Alors on badine le faiseur de tours et son com-
père.
CARTES. 79

Si je parle de celte plaisanterie, c'est que j'ai Finten-


tion de la rendre intéressante en indiquant un moyen
très-peu connu et qui rend ce petit tour vraiment in-
compréhensible.
Vous le faites d'abord comme il vient d*être dit, en
donnant mot au compère. Mais il est certain que,
le

tout en commençant vous entendrez quelques légers


,

murmures et vous verrez rire sous cape une partie


des assistants. N'ayez pas l'air de vous en apercevoir,
saisissez même moment pour vanter votre tour et
ce
affirmer que vous le donnez comme une nouveauté.
Piqué de votre jactance, on vous provoque, on vous
raille, et peut-être fînira-t-on par vous dire que votre
nouveauté date du temps de Charlemagne. Vous sou-
tiendrez aux interrupteurs qu'ils se trompent, et vous
défierez les personnes qui prétendent connaître votre
tour de le dévoiler. On ne manquera pas de vous
prendre au mot et d'expliquer le service que le com-
père vous a rendu. Vous feindrez de vous troubler à
cette explication ; ce que voyant , les indiscrets se sen-

tiront triompher.
Mais ce triomphe ne dure pas longtemps, car, chan-
geant bientôt d'attitude et donnant à vos lèvres ce
petit mouvement équivoque qui exprime aussi bien le
dédain que la moquerie, vous dites, avec la gravité
d'x\uguste , quand il adresse ses reproches à Cinna , et

en vous drapant majestueusement dans votre habit


noir à la française :

« Messieurs, j étais loin de penser que vous pourriez


80 PCTirs rouus de société.

me croire capable d'employer des moyens aussi vul-


gaires, aussi mesquins. Quelle opinion avez-vous
conçue de mon pouvoir, hélas ! quand je vous ai déjà

donné tant de preuves de son étendue ? Ignorez-vous


donc que c'est moi qui laisse couler les fleuves et les

rivières, et qui permets aux montagnes de rester à


leur place?... Je pourrais vous entretenir pendant six
mois de tous les talents que j'ai reçus de la nature et
de l'étude des sciences transcendantes, mais ma mo-
destie m'ordonne d'en rester là. Je n'ai maintenant
qu'à vous prouver que vous m'aviez mal jugé, en vous
faisant connaître votre erreur.
» Prenez ce jeu Messieurs , , examinez-le et mêlez
bien les cartes. A présent, je vais monter sur ce siège
au milieu de la salle, et les yeux bandés. Ne remuez pas,
ne parlez pas , ne faites aucun bruit qui pourrait être
un avertissement. »

Alors vous faites le tour au grand étonnement des


du compère, qui ne peut pas com-
assistants, et surtout
prendre comment vous avez fait pour vous passer de
lui. Voici le moyen :

On prend toutes les figures d'un jeu, et sur chacune


d'elles, on passe, sur l'épaisseur des deux côtés, le

taillant d'un couteau. Il en résulte un léger chanfrein


qui se fait très-bien sentir au bout des doigts. En
prenant la carte, on feint de la tâter au milieu; mais
en même temps qu'on la touche, on sent parfaitement
le chanfrein. Avec l'examen le plus scrupuleux, on ne
pourrait pas s'apercevoir de cette légère préparation, à
CARTES. 81

moins que ce ne soit sur un vieux jeu , parce qu'alors


les caries frottées paraîtraient plus blanches que les
autres, étant regardées sur les tranches. Pendant que
Ton fait le tour, on s'interrompt plusieurs fois pour faire
mêler les cartes.

SECTION IX.

Le jeu ayml été mêlé , nommer toutes les cartes avant

de les montrer et en les tenant derrière soi.

Ce tour est à peu près de l'espèce du précédent, et je

n'en fais mention que parce que j'ai aussi un moyen, à


donner plus subtil que celui dont on se sert ordinaire-
ment pour l'exécuter.
Quand vous voudrez le faire, servez-vous d'abord

du procédé ordinaire et que tout le monde connaît :

cependant je vais le rappeler pour les personnes qui


par hasard pourraient l'ignorer.
On donne le jeii à mêler, et, en le reprenant, on re-
garde la carte de dessous par le moyen du principe de
la carte à vue. Alors, mettant les mains derrière le

dos, on retourne la carte de dessus, que l'on applique

sur le jeu. On nomme en même temps celle qui est

dessous, que Ton connaît, et à laquelle les spectateurs


n'ont point fait attention.
Je suppose que cette carte soit l'as de cœur. On dit,
tandis que le jeu est derrière soi : « Je vais vous mon-
82. PETITS TOUUS DE SOCIÉTÉ.

trer las de cœur. » Et, ramenant les mains en devant,


on montre cet as en tenant le jeu parles deux bouts;
et pendant que Ton présente cette carte, on regarde
celle qu'on a retournée, et qui est en face de vos yeux.
Puis , remettant les mains derrière soi , on met sous
le jeu la carte que l'on vient de voir, en retournant tou-
jours celle de dessus. De même qu'on l'a fait pour l'as
de cœur, on nomme la carte que l'on vient de mettre
sous le jeu, et on la montre tout en voyant celle de
derrière que l'on a retournée. C'est la même manœuvre,
si on veut aller jusqu'à la fin.

Mais on ne vous laisse pas aller loin, et vous enten-


dez bientôt crier, par quelques initiés au mystère, ce
mot terrible pour un prestidigitateur qui n'est point

sur ses gardes : « Connu ! »

Si on vous interrompt de cette manière dans le

moment où la carte est retournée sur le jeu, n'ayez


pas l'air d'abord de comprendre. Remettez les mains
derrière vous, comme pour continuer, et placez vite la

carte retournée sous le jeu sans déranger cette fois


celle de dessus. Vous la nommez et vous la faites voir.

Au moment où vous montrez cette carte, les interrup-

teurs ne manqueront pas de vous sommer de retour-


ner le jeu afin de voir la carte de dessus, espérant se
donner le malin plaisir de vous prendre en défaut.
Vous faites ce qu'ils demandent, en mettant le dos du
jeu sous leurs yeux ; mais, ne voyant pas de cartes re-
tournées, les chicaneurs se trouvent un peu désappoin-
tés. Vous leur demandez alors l'explication des contra-
CARTES. 85

riétés qu'ils tous font éprouver, en prenant cet air

ingénu d'une coquette qui jure à son mari de lui être


fidèle jusqu'à la mort.
Ils répondront sans doute que vous ne pouvez exé-
cuter ce tour qu'en retournant chaque fois la carte qui
est sur le jeu, afin de la voir dans le moment que vous
montrez la précédente; et que si, maintenant, elle

n'est pas retournée , c'est que vous avez prévu la de-


mande qu'on vient de vous faire. Alors, comme Hip-
polyte , vous ne répondez à cette accusation qu'avec
une expression de candeur indignée et le silence d'une
conscience pure qui dédaigne de se justifier. Mais
bientôt, sortant de votre stupeur, vous dites avec ce ton
de dignité blessée: « Messieurs, je ne répondrai à cette
injuste imputation qu'en vous prouvant sa fausseté.
j> Vous prétendez que j'ai besoin de voir les cartes
avant de vous les nommer et de vous les montrer: je
vais vous désabuser. Vous allez mêler le jeu, que je
tiendrai constamment derrière moi, et je ne vous mon-
trerai qu'une carte à la fois, après vous l'avoir nommée
d'avance, d

Cette proposition hardie, inattendue, fait de suite


rentrer dans l'humilité les épilogueurs.
Voici le moyen qu'il faut employer :

11 faut, comme dans le premier procédé, connaître


la carte qui est sous le jeu. Si vous soupçonnez qu'elle
a pu être remarquée par les spectateurs , remêlez le

jeu, et en le mettant derrière vous, faites en sorte de


voir la carte d'un léger coup d'œil.
6
84 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

Tenant les cartes derrière vous, mettez celle de

dessus dans votre main, que vous placez comme quand


on enlève la carte. Prenez de la même main, et par le

côté, celle de dessous que vous connaissez. Yous la

nommez , ensuite vous la montrez en laissant toujours


le jeu derrière vous.

Mais , en montrant cette carte, vous voyez celle qui


est dans votre main. Vous jetez sur la table celle que
vous venez de nommer. Yous reportez derrière vous
cette main qui renferme la carte que vous connaissez
alors, et pour vous débarrasser de cette carte, vous la

mettez pour un moment entre les doigts de la main


qui lient le jeu. Mettez de nouveau la carte de dessus
dans votre main , comme précédemment , et reprenez
la carte que vous venez de laisser dans l'autre main.
Après l'avoir nommée, montrez-la, et jetez-la sur la

Yous continuez toujours de même. Mais quand


table.

vous aurez donné quatre ou cinq cartes, vous n'en


prendrez pas dans votre main ,
pour faire remêler le

jeu. Il est bon d'inviter plusieurs fois à remêler. En


s'interrompant ainsi , on donne beaucoup de relief au
tour, et on prévient tout soupçon que les spectateurs
pourraient concevoir sur la carte que vous enlevez
chaque fois et que vous cachez dans votre main soup- ;

çon qui, néanmoins, n'est pas probable, parce que,


quand vous faites voir la carte après l'avoir nommée,
la position de la main n'a rien de gêné, le dos est
tourné vers les spectateurs, et l'intérieur où est cachée
la carte se trouve naturellement de votre côté.
,

CARTES.

SEGTÎON X.

Après avoir donné une carte à prendre et V avoir mêlée,


en mettre douze sur la table, par rangées de quatre;
faire désigner ces cartes par partie pour en
,
retirer

onze, et faire que la douzième qui reste ,


parce qu elle

n'a pas été désignée, soit précisément celle qui a été

prise et mêlée dans le jeu.

Il faut avoir vu exécuter ce petit tour, pour se faire

une idée de Teffet qu'il produit; cependant il n'est basé

que sur une équivoque.


Une carte ayant été prise, et mêlée dans le jeu en
apparence, parce qu'on se sert d'un faux mélange par
le moyen duquel on met la carte tirée la deuxième ou
la troisième sur le jeu, on pose douze cartes sur la table,
que l'on range quatre par quatre de front, les unes
sous les autres, avec la précaution de mettre dans la
première rangée celle qui a été prise, et que l'on ne
doit pas perdre de vue. 11 faut agir avec beaucoup de
vivacité dans l'exécution de ce tour.

Priez une personne de toucher quatre cartes à sa


volonté dans ces douze; si, par hasard celle qui a été
,

tirée se trouve parmi ces quatre premières touchées


dites , en retirant les huit autres : « Puisque vous ne
voulez pas de celles-ci, je les ôte. » Quand il ne reste
plus que quatre cartes, on n'en fait toucher que deux.
Continuez et dites : « Touchez deux cartes dans ces
PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

quatre qui restent, d Si la carte en question se trouve


dans les deux qui sont touchées, retirez les deux autres,
en disant : « J'enlève donc celles-ci. »

11 n'en reste plus que deux ; faites-en toucher une.

Si on a choisi la carte tirée , ôtez Tautre en disant : «c La


dernière carte qui reste doit être celle que Monsieur a
tirée. » On la découvre.
Si on touche l'autre carte, dites de même en retirant
celle qu'on a touchée : « La dernière qui reste est celle
de Monsieur. »

Il en est de même dans tous les cas. Par exemple ,

si , en premier lieu , on touche quatre cartes dans les-

quelles n'est point celle qui a été tirée, dites, en pre-


nant les cartes touchées : « Je retire celles-ci , puisque
vous n'en voulez pas. d Si la seconde fois que vous faites
toucher quatre cartes, il se trouve parmi elles celle qui
a été prise, dites de même, en retirant les autres:
« Alors je retire celles-ci. » Vous agissez de même pour
les quatre dernières, et comme il vient d'être dit.
Quand les circonstances vous forcent à varier dans
le retrait des cartes, on est surpris que les spectateurs
ne le remarquent pas mais, quand on réfléchit que l'on
;

mène ce tour vivement , et que l'on en fait toucher


tantôt quatre, tantôt deux, tantôt une, on n'est plus
étonné que l'attention des assistants soit distraite par
ces raisons.
CARTES. 87

SECTION XI.

Faire changer de place sur une table une carte que Von
montre en la posant.

C'est encore un petit tour que Ton peut faire à table

en s'amusant. Tout le mystère existe dans la manière


de tenir la carte.
On place sous le jeu un sept et un huit du même
genre. On montre le huit, qui est le premier en dessous»
en tenant le jeu comme il faut le tenir pour faire glis-

ser la carte. (Voyez le principe.) Vous baissez la main


pour prendre ce huit et le poser sur la table.
Mais, au lieu du huit, vous prenez le sept qui est
derrière, en faisant glisser celle de devant.
Pour prouver que c'est bien le huit que vous venez
de poser, vous ramassez le sept en mettant un doigt
à la place où devrait être le huitième point ; vous le

montrez en disant : « Vous voyez que je n'ai point es-

camoté la carte. » Vous la reposez. Vous mettez encore


deux autres cartes que vous prenez sous le jeu, et
parmi lesquelles doit se trouver le huit qui était resté.

Vous changez doucement ces trois cartes de place en


les faisant glisser avec les doigts, en disant Ne per-
: «

dez pas de vue le huit de > Vous demandez alors


où il est. Tous les assistants, ayant pris le sept pour le

huit , ont suivi des yeux celte première carte , et l'in-

diquent comme étant le huit. Vous relevez aussitôt


m PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

cette carte et la mettez dans le jeu sans la faire voir,


en disant Yous vous trompez, car le
: <t voici. » Et vous
le découvrez. Vous présentez le jeu en invitant à s'as-
surer qu'il n'y a point deux huit de On ne fait pas
voir le sept pour ne pas laisser soupçonner qu'on au-
rait pu être trompé par le peu de différence qu'il y a
entre ces deux cartes. Alors on est très-étonné de voir
la carte à côté du lieu où on la croyait. On est d'autant

plus persuadé du changement, que vous avez fait voir


la carte deux fois en la posant, et que, d'ailleurs, on ne
se doute guère du moyen que vous avez de prendre
une carte au Heu d'une autre.

SECTION XII.

Ayant fait prendre une carte qiion aura remise dans le

jeu et mêlée , la donner au nombre qu'on voudra.

Ce petit tour est fort simple. En faisant remettre

dans le jeu la carte qu'on a fait prendre, on met le pe-


tit doigt, non pas précisément sous la carte, mais sous
celle d'après, de sorte qu'ayant fait sauter la coupe, la
carte prise se trouve la deuxième en dessous.
Vous mêlez réellement toutes celles de dessus, avec
la précaution de ne pas déranger tes deux dernières qui
sont sous le jeu.
Demandez alors à quel nombre on veut que la carte
qui vient d'être mêlée se trouve. Le nombre étant dé-
CARTES. 89

signé, vous donnez d'abord la carte qui est la première


en dessous, en comptant une. Dans le moment, vous
faites glisser la carte suivante ,
qui est celle qui a été
prise , et continuant de compter en prenant les cartes
qui viennent après celle qu'on a glissée, vous réservez
cette dernière pour la donner quand arrive le nombre
demandé.
Avant de la retourner, ayez soin de la faire nom-
mer.

SECTION XÎU.

Une carie ayant été prise et mêlée, jeter le jeu sur un


point indiqué à volonté sur les boiseries de l'apparte-
ment, et faire que la carte soit clouée sur ce point, et

cela sans aucune préparation.

Cette carte ayant été choisie à volonté, on met le

petit doigt dessus en la faisant remettre dans le jeu,


pour qu'elle revienne la première après avoir fait sau-
ter la coupe.
Par un faux mélange, on donne à croire que Ton
mêle les cartes , en ayant soin de conserver toujours
sur le jeu celle qui a été tirée et remise.
Vous invitez une personne à tracer un cercle avec
de la craie sur tel endroit de l'appartement qu'elle
voudra. Pendant que l'on fait ce cercle, vous avez le
temps de prendre un clou que vous avez préparé à cet
90 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

effet, et de le passer à travers le milieu de la carte. Te-


nez le jeu de manière qu'on ne puisse apercevoir le

clou.

Ce clou doit avoir environ deux centimètres de lon-


gueur et doit être placé de façon , Lien entendu , à ce
que la pointe soit en dehors du côté du dos de la
carte.

Quand le cercle sera tracé, prenez le jeu sur sa lon-


gueur, le pouce sur le dos, du côté de la pointe du clou,
et les autres doigts dessous. Lancez-le bien à plat dans

le cercle. Toutes les cartes tombent, excepté celle de


dessus, qui se trouve attachée avec le clou dont elle était
percée. Il arrive toujours que les spectateurs pensent
d'abord que la carte n'est attachée qu'avec quelque
matière gluante, mais leur étonnement est grand quand
ils s'aperçoivent que la carte est clouée, et souvent si

fortement, qu'il faut des tenailles pour la retirer: on


ne fait point attention que la pression du jeu sur le
clou est assez puissante pour l'enfoncer à ce point.

SECTION XîV.

Deviner toutes les cartes d'un jeu neuf , après l'avoir

donné aux spectateurs , pour qu'ils en retirent V enve-


loppe et le mêlent eux-mêmes.

Au moment de de'crire ce tour, que je mets au nom-


bre de ceux que l'on ne peut exécuter que comme ré-
CÂUTES. 91

création de table, je me souviens qu'un individu qui


habite Paris, et qui tient ies objets de physique amu-
sante, qui vend aussi fort cher quelques petits tours
de prestidigitation, quoiqu'il aitune autre profession,
je me souviens, dis-je, qu'avec un aplomb admirable, il
a demandé, pour le secret de celui-ci, la somme de 500
francs à M. Conus fils, qu'il ne connaissait pas et qu'il

prenait sans doute pour un lord anglais. M. Conus n'a


pas jugé à propos d'accepter la proposition. Je puis

affirmer la vérité de cette histoire, malgré son in-


vraisemblance.
Si je rapporte ce fait, c^est dans l'intention de pré-

munir mes lecteurs contre certaines gens qui ont l'art


de présenter des bagatelles comme choses merveil-
leuses, et qui savent vous inspirer un désir assez vif
pour vous engager à mettre des prix exorbitants à des

secrets que l'on reconnaît n'être que de peu de valeur


quand on en a fait l'acquisition.

Voici le tour dont il est question.

On sait que les cartes sont, sur le dos, très-variées de

couleurs et de dessins. Pour notre tour, il faut choisir


des jeux dont les cartes sont à dos taraudé, comme je
crois que les marchands les appellent. Les petites mar-
ques qui constituent ces dos sont placées de cette ma-
nière :
92 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

avec des petits points dessus, dessous et dans le milieu.


Comme on le voit, cette disposition forme partout des
losanges.
Remarquez les quatre premières losanges qui sont
en haut de la carte , en prenant pour la première des
quatre celle qui est à gauche. Adoptez un ordre de
points qui soit invariable dans votre mémoire, comme :

pique, trèfle, carreau et cœur. Les piques seront pour


la première losange, les trèfles, pour la seconde en
allant vers la droite, et ainsi de suite. Ceci va s'éclair-

cir par la figure qui suit.

10

9. .V

7. .r

as

On voit comment il faut indiquer toutes les cartes


formant les dix-huitièmes de chaque genre. Un petit

point mis à l'endroit où est le mot as désigne l'as. Si


le point est mis où est la lettre r, il indique le roi. Le
point où est le d annonce la dame; au v, le valet, et

les chiffres désignent les cartes qui portent des points

de même valeur. Ainsi, les piques seront indiqués


chacun par un point qui sera mis sur la première lo-
sange à la place nécessaire pour connaître la carte.

Si le point est à la seconde losange, on saura que la

carte est au trèfle. S'il est à la troisième losange , ce


CARTES. 95
sera un carreau, etc., et, comme on vient de le voir,
la place du point sur la losange indique le nom de la
carte. Il ne faut donc qu'un très-petit point sur chaque
carte pour les connaître toutes.
Quant aux petits points qui accompagnent les lo-

sanges sur ces jeux que j'ai cités, comme ils sont pla-
cés régulièrement, ils servent à mieux reconnaître les
points que Ton a marqués soi-même, parce que ceux-
ci sont hors de ligne avec ceux qui sont propres à la
carte. Et ces derniers points servent encore à rendre
le point indicateur presqu'impossible à découvrir,
même avec le plus scrupuleux examen, pour ceux qui
ne connaissent pas le secret, parce que ce point est
confondu avec ceux qui sont disséminés sur les cartes.

On peut, à la rigueur, prendre d'autres cartes que


celles que j'ai désignées, pourvu que celles qu'on choi-
sirait à la place puissent représenter des losanges dans
la disposition des dessins qui seraient sur le dos.

On marquera les cartes aux deux bouts, afin de ne


pas se trouver en défaut dans le cas où les cartes se-

raient retournées.
Ce tour est très-peu connu, et ce qui aide à le rendre
incompréhensible, c'est qu'on présente le jeu avec son
enveloppe bien fermée, parce qu'on l'a retiré d'avance

avec précaution en mouillant les parties collées de


l'enveloppe dans laquelle on l'a remis, recollé et réta-
bli comme il était auparavant, ce qui lui donne l'air

d'un jeu qui sort de chez le marchand.


Le petit nombre de prestidigitateurs qui connaissent
94 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

ce tour, duquel ils font grand cas, se contentent de


faire mêler le jeu et de nommer la carte qui est dessus.

Cette manière de faire a quelque chose de vide et


qui n'a rien de saillant. On peut tirer de ce tour un
meilleur parti: par exemple, on peut feindre de le
faire au moyen du calcul. Voici comme je Tentendsi
après avoir donné le jeu à mêler, on en fait faire

trois tas, et on demande sur lequel on désire que


la carte soit nommée. Le tas étant indiqué, on lève
une carte sur chacun des deux autres, et en regardant
ces deux cartes, on paraît compter en soi-même, et
d'un ton assuré, en montrant le tas qui a été choisi, on
dit : « C'est telle carte qui est ici. » On la retourne
pour faire voir qu'on a deviné juste.
On comprend combien les spectateurs se fourvoient,
s'ils veulent chercher à se rendre compte des moyens
que vous employez pour parvenir à connaître cette

carte; et s'ils cherchent ces moyens dans le calcul, en


pensant qu'on a mêlé les cartes, ils sont bientôt dé-
routés. Du reste, l'intelligence peut suggérer plusieurs

manières ingénieuses de présenter ce tour.


On verra par l'expérience qu'il est plus facile qu'on
ne pourrait le penser de distinguer le petit point qui
sert à faire connaître les cartes.
CARTES. 95

SECTION XV.

Les quatre sept inséparables.

Avant de proposer le tour, disposez ainsi votre jeu.


Prenez les quatre sept et mettez-les dessus. Remar-
quez le premier.
Si vous avez vu que le premier sept est celui de
pique, mettez le huit de pique sur les autres. Ces qua-
tre huit étant mis sous le jeu, le huit de pique se trou-
vera le quatrième en dessous.
Je recommande cet arrangement pour éviter qu'en
faisant le tour un sept et un huit de même série ne
,

se rencontrent.
Prenez les quatre sept sur le jeu et montrez-les en
les étalant sur la table, sous prétexte de les faire mieux
examiner; mais, dans le fait, pour avoir occasion de
mettre votre petit doigt sur trois des huit qui sont
dessous, pour être prêt à faire sauter la coupe.
Reprenez les sept et remettez-les sur le jeu. Dites
aux spectateurs: <t Messieurs, plusieurs personnes,
voulant imiter ce tour, font sauter la coupe pour mettre
cinq ou six cartes sur les quatre sept alors elles mêlent;

ces fausses cartes en faisant accroire que ce sont les


sept qu'elles dispersent ainsi. »En disant ces mots,
vous faites sauter la coupe, comme si vous ne vouliez
qu'ajouter le geste à vos paroles pour les rendre plus
afifirmatives. Mais, en la faisant sauter, il faut faire un
,

96 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

grand mouvement de haut en bas, pour qu'on ne s'a-

perçoive pas que vous la faites sauter réellement, et en


continuant de parler, dites: « Moi, Messieurs, je ne
vous trompe pas, et pour vous le prouver, je reprends
ces quatre sept sur le jeu, et je vous les fais voir pour
que l'on ne soupçonne pas que je les escamote. Je les
mets sur la table pour les distribuer dans le jeu l'un
après l'autre. »

Comme, en faisant sauter la coupe, vous avez mis


trois huit sur les sept, il n'y a effectivement qu'un sept
dans les quatre cartes que vous montrez , et ce sept

se trouve le premier en les faisant voir; comme il est

la seule des quatre cartes qui soient entièrement à dé-


couvert, et que vous les tenez en forme d'éventail, plu-
sieurs points de chaque huit sont cachés par les coins
de chaque carte, de sorte qu'ils ont bien l'apparence
de quatre sept, d'autant mieux qu'on en voit un dans
son entier. D'ailleurs, les spectateurs en étaient déjà
suffisamment persuadés, puisqu'ils vous ont vu mettre
ces sept sur le jeu quand vous les avez montrés osten-
siblement la première fois, et ils ne doivent pas se
douter que vous avez fait réellement sauter la coupe,
à cause des précautions que vous avez prises pour pré-
venir tout soupçon.
Enfin, pour terminer le tour, vous ouvrez le jeu
qui est sur la table , comme si vous coupiez; vous pre-
nez une des quatre cartes qui sont censées les sept
vous la mettez sur ce qui reste du jeu sur la table, et

vous laissez tomber dessus quelques-unes des cartes


CARTES. 97

du paquet que vous tenez au-dessus de celui sur le-

quel vous venez de poser la carte. Vous prenez un


deuxième huit, que vous posez de même que le pre-
mier, et sur lequel vous laissez encore tomber des
cartes, et ainsi du troisième. Quand vous arrivez à la

quatrième carte, qui est le véritable sept, il faut faire


en sorte de la mettre parmi les trois autres sept qui
sont restés sur le jeu et que vous tenez dans la main
comme restant du paquet que vous avez laissé tomber
en plusieurs fois sur les prétendus sept. Ce sept étant
joint aux trois autres que vous laissez tomber dessus,
vous faites couper, et vous montrez que les quatre
sept sont réunis au milieu du jeu.

SECTION XVL

Après avoir mis séparément les quatre as sur la table et

les avoir couverts chacun de trois autres cartes^


donner à ime personne trois de ces quatre paquets à
son choix, et faire venir les trois as quelle a dans la
main dans le tas qui reste , en place des cartes qui
avaient été posées sur un seul as.

Ayant retiré les as, séparez le jeu en deux parties


avec le petit doigt, comme pour faire sauter la coupe,
et faites baiser ces deux parties (Voyez la section XYI
du chapitre P''). Mettez les as sur l'un des dos du jeu.
-,

98 PETITS TOURS DE SOCIÉTÉ.

Prenez-en un et placez-le sur la table, figure en dessous.


En le posant, retournez le jeu en baissant un peu la
main sous la table , pour qu'on ne voie pas le mouve-
ment. Prenez alors trois cartes sur cette partie du jeu
où il n'y a pas d'as, et posez-les l'une après l'autre , en
les plaçant de façon à former un carré avec l'as. Le
spectateur doit croire que ce sont les quatre as que
vous venez de mettre ainsi sur la table.

Mettez sur chacune de ces cartes trois autres cartes


prises sur la même partie où vous venez déjà d'en
prendre. Quand vous arrivez à la dernière, qui est l'as,

retournez le jeu comme vous avez fait la première fois,

ou en expliquant quelque chose aux assistants, en


leur disant, par exemple : « Remarquez, Messieurs,
que les cartes que je mets sur ces as sont des cartes
basses; je veux dire qu'elles sont prises indifférem-
ment sur le jeu. » Dans les gestes qu'on fait en parlant,
on trouve facilement le moment de retourner les
cartes sans être vu; quand elles sont retournées, po-
sez les trois as qui sont dessus sur celui qui est sur
la table. Dans cet état de choses , on croit naturelle-

ment y a un as sous chaque paquet.


qu'il

Priez une personne d'indiquer deux tas. Si le paquet


aux as ne se trouve pas dans les tas indiqués, retirez

les en disant : « Puisque vous voulez ceux-ci, Monsieur,


je vous les laisse. 2» Yous mettez ces deux paquets en-
semble. Yous continuez en disant : « Monsieur, tou-
chez un de ces deux tas. » Si on ne touche pas les as

vous dites, en plaçant le paquet touché avec les autres :


CARTES. 90

« Puisque vous le voulez aussi, je le mets avec ces


deux premiers. j>

Si les indications étaient différentes, ce serait la


même chose; car, si dans les deux premiers tas indi-

qués se trouve celui qui contient les as , vous dites, en


prenant les deux autres : <î Je retire donc ceux-ci ; d et

dans les deux paquets qui restent, si on désigne lésas»


on retire également l'autre tas. Mais, dans cette der-
nière circonstance, si on ne choisit pas les as, c'est le

cas le plus favorable; cependant on s'en tire. Quand


vous voyez la personne avancer la main pour indiquer
le paquet, saisissez le moment pour dire: « Monsieur,

c'est pour vous prier de le prendre et de le joindre


aux autres; car moi, je ne dois disposer que de celui
que vous ne choisirez pas. » On se sauve au moyen
d'une équivoque semblable à celle que Ton emploie
dans le tour des douze cartes, et qui échappe à tous
les assistants.

La personne qui vous aide à faire le tour, ayant les

paquets dans les mains , croit , comme tous les specta-

teurs, qu'elle tient aussi trois as. Vous approchez du


sien le paquet que vous tenez, vous les faites toucher, en
disant que ce contact suffit pour faire sortir les as
qu'elle tient et les faire venir dans votre main. Vous
lui faites voir vos quatre as , en la priant de s'assurer
qu'elle n'en a plus.
100 PRESTIDIGITATION.

ARTICLE DEUX.
TOIJIIS DE CARTES QUE L*ON PEUT EXÉCUTER
AU SALON OU AU THÉÂTRE ET QUI SONT DU RESSORT DE
LA PRESTIDIGITATION.

SECTION I.

Une carte ayant été prise et mêlée dans \in jeu qu'on

jette en Vair , la rattraper dans sa main parmi toutes


celles qui voltigent.

Vous donnez h prendre une carte que Ton remettra


dans le jeu , après que la personne qui Taura prise
l'aura vue. Vous ferez un faux mélange en conservant
,

toujours la carte en dessus. Vous Tenlevez, en donnant


le jeu à mêler à un des spectateurs auquel vous recom-
manderez de le jeter en l'air, et quand les cartes re-

tombent, vous donnez un coup de main à travers cette


pluie, comme si vous vouliez en attraper une. Vous
montrez celle que vous avez enlevée et que vous au-
rez soin de ramener au bout des doigts dans le mouve-
ment que vous faites pour feindre de la rattraper.

Voilà un bien petit tour, et cependant vous voyez


qu'il faut employer plusieurs principes. Il faut faire
sauter la coupe, enlever la carte et faire un faux mé-
lange.
C4RTES. m
SECTION IL

Faire passer dans un chapeau une carte quon aura


fait prendre et mêler dans le jeu.

Ce petit tour ressemble beaucoup au précédent.


Yous opérez de même jusqu'à l'enlèvement de la carte
inclusivement. Mais, au lieu de faire jeter le jeu en
l'air pour rattraper la carte, vous empruntez un cha-
peau. Pour ne pas paraître gêné, vous prenez le chapeau
de la main qui est libre, et le reprenez de suite de l'au-

tremain en y jetant la carte que vous avez enlevée.


Yous le changez encore de main, en invitant la per-
sonne qui tient le jeu, de le mettre sous lechapeau
et tout contre. Yous donnez un coup de doigt sur le
jeu, en disant que ce coup a la vertu de faire sortir la

carte et de la faire entrer dans le chapeau. Yous faites


voir qu'elle est arrivée.
Nota. — Que l'on ne croie pas que les différents

changements de mains ,
que j'ai recommandés pour
prendre le chapeau, soient inutiles; on verra, au con-
traire, qu'ils sont indispensables, pour ne pas paraître
gauche dans ses mouvements. On sentira, par la pra-

tique, que le geste entre pour beaucoup dans l'art de


faire des tours.
m PRESTIDIGITATION.

SECTION III.

Plusieurs 'personnes ayant pris chacune une carte quelles


Quront remise sur le jeu ^ faire disparaître toutes ces
cartes et les faire venir au nombre qu^on voudra, rime
après Vautre,

Faites prendre une carte à autant de personnes que


TOUS voudrez. Après la dernière prise, faites baiser les
cartes, mais de façon à ce qu'une des parties du jeu soit
plus forte que Fautre, c'est-à-dire qu'il y ait plus
de cartes retournées d'un côté que de lautre. Faites
mettre toutes les cartes prises sur la partie la moins
forte. A chacune que l'on posera , vous ferez craquer

le jeu en le tenant par les deux bouts , avec le pouce


par le bas et les deux grands doigts par le haut, et ser-
rant un peu fort , vous levez vivement la main. Les
cartes s'échappent de force, et étant maintenues au mi-
lieu par le pouce de la main qui tient le jeu sur lequel

il appuie , ces cartes font ressort et causent un bruit


assez distinct à l'oreille.
A chaque craquement, vous dites à la personne qui
vient de poser sa carte : « Monsieur, elle n'est plus

dessus : je vais vous le prouver tout-à-l'heure. »

Quand toutes les cartes sont placées les unes sur les
autres, vous retournez le jeu, vous avez en dessus le
côté qui contient le plus de cartes. Demandez à la der-

nière personne qui a posé la sienne , à quel nombre


CAKTES. 103

elle veut qu'elle vienne. Vous cq^iptez en prenant des


cartes que vous jetez sur la table. Lorsque le nombre
demandé est arrivé, faites nommer et donnez une
carte prise sur le même côté où vous venez de prendre
les précédentes. Mais la personne vous dit que ce n'est
pas sa carte. Vous répondez alors: « Ah! pardon.
Monsieur, j'ai oublié de vous prier de souffler: la carte
ne viendra pas sans cela. » Vous étendez brusque-
ment le bras en retournant le jeu, on souffle, et vous
donnez la carte.

Ce mouvement du bras doit se faire chaque fois que


Ton est obligé de retourner le jeu, parce qu'il empêche
de voir celui de la main. 11 est, du reste, motivé par la
question que vous adressez aux personnes, soit en di-
sant : « Monsieur, à quel nombre voulez-vous votre
carte ?» ou : « Nommez votre carte; soufflez. Monsieur,

etc. » Vous opérez toujours de même jusqu'à la der-*


nière.

SECTION IV.

Les quatre as inséparables.

Vous mettez les quatre as sur la table, en priant une


personne de les prendre. Dans le temps qu'elle les re-

lève, vous enlevez secrètement trois cartes sur le jeu,,

et vous posez celui-ci sur la table Vous faites mettre


les as sur ce jeu, que vous ramassez de suite en y ajou-
m PRESTIDIGITATION.

tant les trois cartes qwe vous avez dans la main. Maïs,
dans le moment, et comme par réflexion, vous prenez
quatre cartes sur le jeu, et laissez voir sans affectation
celle de dessous, qui est le seul as qui soit dans les
quatre cartes. Vous dites : « Comme il faut que je mêle
ces quatre as dans le jeu, et qu'on pourrait penser que
je ne fois pas ce mélange bien consciencieusement,
voici comme je vais les disperser. » Vous mettez les

quatre cartes sur la table , ainsi que le jeu , que vous


coupez en enlevant une forte partie des cartes. Vous
en prenez une des quatre, qu'on croit toujours être des
as. Vous mettez cette carte sur le tas resté sur la ta-
ble, et vous laissez tomber dessus quelques-unes des
cartes que vous avez dans la main. Vous en posez une
deuxième, sur laquelle vous laissez encore tomber des
cartes, et de même pour les deux autres, ayant soin de
mettre la quatrième, qui est Tas, parmi les trois autres
as qui étaient restés sur le jeu , et que vous aviez tou-
jours dans la main.
De cette manière, personne ne doute que ces as ne
soient pas bien séparés.
Vous faites couper, et après avoir mis les deux pa-
quets Tun sur Tautre, vous faites sauter la coupe pour
que les as viennent dessus. En posant le jeu sur la

table, vous dites que vous pouvez réunir ces quatre as,

par la seule puissance de votre volonté, et les rassem-


bler dans l'endroit du jeu que Ton voudra, savoir :

dans le milieu, dessous, dessus, comme on le désirera.

Si on dit dessus, comme il arrive souvent, et qu'ils


CARTES. 105

y sont déjà, on les donne. Si on les demande dessous,


voici comment il faut procéder. Pour mettre ces as
dessous, il faut faire sauter la coupe, et pour mettre le

petit doigt en place , il faut un prétexte plausible.


Alors vous prenez le jeu , et feignant d'avoir entendu

dessus, vous dites: « Puisque vous les voulez dessus,

Madame, je vais vous les donner. » En disant ces


mots, vous écartez les as comme si vous vouliez les

prendre , et vous mettez le petit doigt dessous. Vous


vous attendez bien queFonvaréclamer et vous dire que
c'est dessous qu'on les veut. Mais vous avez déjà fait

sauter la coupe, et vous dites : « Dessous? cela m'est


égal. » Vous les montrez en les retirant l'un après Tautre.

Si on les demande dans le milieu , vous prenez de


même le jeu et vous leeartez, en disant: « Je ne dis
pas qu'ils vont se trouver précisément dans le milieu. »

Ce mouvement, qui semble n'être qu'indicatif , vous a


servi à mettre le petit doigt dans ce milieu; vous faites
sauter la coupe, et vous montrez les as où on les a
demandés.
Quand on s'est rendu familier avec tous les prin-
cipes applicables aux cartes, on peut rendre ce tour
très-étonnant par la variété que l'on peut mettre dans
le placement des as que l'on propose de faire trouver
dans la situation du jeu que l'on voudra.
Il m'est arrivé que l'on m'en demandait un, la troi-

sième carte en dessous; un autre, la cinquième en


dessus; un troisième , dans le milieu , et le dernier, la

première carte sur le jeu.


106 PUESTIDIGITATION.

Dans un cas semblable, il faut feindre de n'avoir pas*


bien compris, et dans le temps qu'on vous répète la

même demande, on fait agir les doigts en conséquence,


en ayant l'air de s amuser avec les cartes sans y faire
attention.
Le lecteur voudra bien ne pas me reprocher d'entrer
dans trop de détails : je tiens non-seulement à ensei-
gner le secret des tours, mais encore à donner une
idée de la manière de les exécuter.

SECTION Y.

La multiplication des caries dans les mains d'une


personne.

Effet du tour. — On invite une personne à prendre


sur le jeu un paquet de cartes, au hasard, et par Tap-
préciation du poids des cartes qui restent dans la
main, on devine combien on en a pris. On fait comp-
ter les cartes prises , pour vérifier l'estimation qu'on

a faite de la quantité. Ensuite on fait ramasser ces


cartes, que l'on fait tenir entre les deux mains, et on
en fait augmenter le nombre selon le désir de la per-
sonne qui tient les cartes.

Explication. — Yous comptez secrètement sur le

jeu un certain nombre de cartes; supposons onze.


Yous mettez le petit doigt dessous. En présentant le
jeu à une personne, on la prie de prendre autant de
CARTES. 107

cartes qu'elle voudra. On pousse un peu avec le pouce


les onze cartes qui sont dessus, ce qui met en prise
les

et qui fait qu'on les enlève naturellement. Vous affec-


tez de soupeser le reste des cartes que vous avez dans
la main, et vous annoncez que Ton en a pris onze-
Pendant qu'on les compte, vous mettez quatre cartes
dans votre main, que vous prenez sur le tas qui vous
reste. Quand on a fini de compter, vous dites, en
mettant les quatre cartes cachées dans votre main sur
les onze qui sont étalées sur la table, et comme pour
les repousser: « Madame, ramassez toutes ces cartes
et enfermez-les dans vos deux mains, i» Vous lui de-

mandez combien elle veut que vous lui en fassiez


passer de plus, mais en l'avertissant qu'il ne faut en
demander qu'une petite quantité, comme trois, quatre,
par exemple. La personne à qui on s'adresse, en en-
tendant prononcer ces deux nombres, s'y arrête pres-
que toujours, et choisit ordinairement le plus fort, qui
est quatre. Alors, en faisant craquer le jeu en appuyant
sur un des coins avec le pouce, vous dites: <l Ma-
dame, je vous les envoie; comptez, vous en trouverez
quinze. »

Si, je suppose, elle ne demandait que trois cartes,

vous lui diriez: « Madame, donnez-m'en une, afin

qu'elle enseigne le chemin aux trois autres avec les-

quelles je la renverrai. »

Quand on a compté et trouvé les quinze cartes,


.
glissez-en encore quatre de la même manière, en di-

sant : Madame, remettez-les dans vos mains; en


m pnESTlDIGIÏATlON.

voici encore quatre (vous les prenez sur le jeu) que je


tiens , et je vais vous les envoyer par la même voie. *

Vous remettez ces quatre cartes dans le jeu, que vous


faites craquer comme la première fois , en disant :

« Comptez, Madame, vous en trouverez dix-neuf. 2>

Ce tour, bien exécuté, fait beaucoup d'effet. S*il

arrive, ce qui est rare, que Ton ne demande que deux


cartes, vous dites : « Deux cartes ? c'est peu. » Et, vous
adressant à une seconde personne, vous ajoutez:
« Monsieur , en voulez-vous deux aussi? Cela ne me
coûtera pas davantage ? > On répond naturellement :

« Oui. » Ce qui complète les quatre cartes que l'on

trouve en plus.
Songez que , pour tous les tours , il faut chercher
les moyens de prévenir toutes les circonstances em-
barrassantes ; on les trouve avec un peu d'imagina-
tion ; mais quand ces cas se présentent fortuitement,
il faut de la présence d'esprit.

SECTION YI.

Tour iVas escamotés sous la main d'une personne,


suivi de la multiplication.

Ce tour de cartes est un des plus brillants que l'on

puisse exécuter, soit au théâtre , soit dans une séance


ionnée dans un salon. C'était le triomphe de Conus
père ; le parti qu'il en tirait était prodigieux. Je vais
CARTES. i09

lexpliquer de mon mieux, et je crois pouvoir assurer


que je n'en omettrai aucune circonstance.
Vous un des spectateurs à venir auprès de
invitez
vous, à votre table.Vous le placez à droite ou à gauche,
cela dépend de la main dont vous êtes le plus adroit.

S'il vous est plus commode de tenir le jeu de la main

droite, priez votre homme de se mettre à votre gauche.


Si, au contraire, vous tenez le jeu de la main gauche,
il se mettra à votre droite.
Vous prenez les quatre as et les mettez sur la table
en les lui montrant. Mais, tout en parlant, vous re-
mettez ces as^sur le jeu, que vous faites un peu jouer
avec les doigts , dans le but d'inspirer quelques soup-
çons à votre voisin. Vous remettez les as sur la table,

les figures en dessous, en invitant votre partenaire à


mettre la main dessus. Vous lui dites : « Monsieur, je
prétends escamoter ces as sous votre main ; vous êtes
bien sûr de les avoir L'homme, qui se méfie de votre
? »

adresse, et qui n'a pas vu les as quand les reprenant ,

sur le jeu, vous les posez une seconde fois sur la table»
répond franchement qu'il n'en est pas certain. Alors

vous lui reprochez de se méfier de vous, en l'assurant


que vous êtes incapable de le tromper; et, ramassant
les as, vous ajoutez, en les lui faisant voir: « Tenez,
vous voyez bien que vous les aviez. » Vous remettez
encore ces as sur le jeu en continuant de parler, en
disant, par exemple: « Ce n'est pas bien. Monsieur,
de me soupçonner de mauvaise foi. » Ici, vous faites

faire encore un mouvement aux cartes , et vous re-


ili) PIIESTIDIGITATION.

placez les as sur la table, en rinvitant de nouveau à


mettre la main dessus , et en lui disant : « Cette fois,
vous êtes certain que les as sont bien sous vos mains. »

S'il n*osait plus vous dire qu'il en doute, et qu'il ré-


ponde obligeamment qu'il le croit, alors vous lui dites :

« A la bonne heure! maintenant, vous en êtes telle-


ment persuadé que vous gageriez que vous les te-
,

nez?» L'homme, qui craint que vous lui proposiez


un pari, se hâte de répondre qu'il ne gagerait pas. Yous
répliquez : « Mais vous n'êtes donc pas encore per-
suadé ? Que faut-il faire pour vous convaincre ? p

Tout en parlant , vous mettez le petit doigt sous la


première carte du jeu. Yous reprenez les as et vous
les faites voir, en disant : « Yous voyez, Monsieur, que
je ne vous trompais pas. »

Yous remettez toujours les as sur le jeu, mais, cette


fois, en les reprenant, vous les enlevez avec la carte

sous laquelle vous avez mis le petit doigt; et en même


temps que vous prenez ces cinq cartes, vous dites :

« Vous voyez bien , Monsieur , que je prends fran-


chement ces as sur le jeu, et que je ne fais aucun
mouvement qui puisse faire soupçonner que je les es-
camote. » Et en parlant ainsi, vous gesticulez de la

main dans le dessein de lui laisser voir la carte de des-


sous. Yous remettez encore ces cartes sur le jeu, et les
reprenant en continuant de parler, vous dites « Yous
, :

voyez que je mets bien posément ces as sur la table

l'un après l'autre, que je n'ai pas pu les changer et


qu'ils sont bien ici. » Comme votre homme vient d'à-
CARTES.

percevoir par-dessous une carte qui n'était pas un as,


il en conclut naturellement qu'ils sont tous changés et
qu'il n'y en a pas sur la table. Et quand vous lui de-

mandez encore si, cette fois, il est sûr de les avoir, il

est certain qu'il répondra qu'il en doute plus que ja-


mais, et qu'il croit, au contraire, qu'il n'y en a pas du
tout. Vous relevez les as et les lui montrez, en vous
plaignant de son obstination. Vous les reposez sur la
table, toujours les figures en dessous, et pendant que
vous lui reprochez son incrédulité, vous prenez adroi-
tement cinq cartes sur le jeu et les placez dans votre
main.
Yous posez le jeu à côié des as, et ^n ramassant
ceux-ci, vous posez dessus les cinq cartes que vous
aviez dans la main. Vous égalisez bien ces cartes, et en

les mettant doucement sur le jeu, vous demandez à


votre homme où il croit que sont les as. Cette fois, il

répondra qu'ils sont sur le jeu, car vous n'y avez plus
touché; de plus, il vous les a vu prendre et les placer

simplement sur le jeu ; il croira sincèrement qu'ils y

sont bien. Alors vous prenez quatre cartes, que vous


posez l'une après l'autre sur la table, et vous lui faites

mettre la main dessus. Yous n'oublierez pas de lui faire


voir la cinquième carte, pour lui faire observer qu'il
n'y a plus d'as; et, pour mieux le convaincre, vous
prenez le jeu, et en Tétalant devant ses yeux avec vos
deux mains, vous lui faites passer en revue toutes les
cartes, mais avec la précaution de ne pas laisser per-
cevoir les as qui sont dessus. Pour cela , il suffît de
il2 PRESrrDlGÎTATlON.

prendre en paquet les six ou sept premières cartes


et de ne pas les écarter en étalant les autres.
On se souvient que, comme on avait mis cinq cartes
sur les as, il doit en rester une sur le jeu.

Vous prenez cette carte par un coin, avec l'index et

le pouce, et, par un mouvement calculé, vous la lais-

sez apercevoir par les spectateurs et par la personne


qui est à côlé de vous. En vous adressant à cette per-
sonne et en touchant sa main avec la carte que vous
tenez, vous lui dites : « Monsieur, c'est sous votre main
que je vais escamoter ces as, et non pas en les pre-

nant sur le jeu. » En prononçant ces derniers mots,


vous mettez la carte sur le jeu, comme pour mieux af-
firmer, et vous la faites filer selon le deuxième moyen,
en ramenant la main pour continuer le tour. Vous tou-
chez et vous découvrez l'as.

Ici, vous faites un faux mélange pour avoir occasion


de glisser en dessous la fausse carte qui est restée en
dessus. Je dis fausse carte, parce que ce n'est pas un as.

Yous donnez encore deux as, que vous n'avez plus


qu'à prendre simplement sur le jeu. Mais, au qua-
trième, vous mettez une carte fausse dessus, toujours
au moyen d*un faux mélange. Vous prenez cette carte,

que vous laissez voir sans affectation. Vous dites :

« Voilà déjà trois as, il nous en fout encore un. Voyons


celui qui manque. » En disant ces quatre derniers
mots, vous remettez sur le jeu la carte que vous tenez,
comme pour être plus libre de votre main pour écarter
du bout des doigts les trois as qui sont sur la table, afin
CARTES. 415

de connaître celui qu'il faut encore. En reprenant la

carte , vous la filez , c*est-à-dire que vous prenez la

deuxième au lieu de la première, et vous terminez le

tour.
On se sert de la feinte de la fausse carte dans cette
dernière opération, pour bien persuader aux specta-
teurs que toutes les cartes qu'on a prises étaient étran-
gères aux as.
La manière de filer la carte, dont on fait usage dans
ce tour, est si légère, que la personne qui est auprès
de vous ne s'en aperçoit pas ,
quoiqu'elle ait les yeux
fixés sur vos mains. Mais il ne faut pas mettre de pré-
cipitation: un mouvement un peu lent trompe plus
qu'un mouvement brusque, n'oubliez pas cela.

Il faut avoir vu exécuter ce tour pour s'en faire une


juste idée. Du reste, il en est de même de tous. La des-
cription vous donne la manière de les conduire , mais
elle ne peut pas vous en présenter l'effet.

Multiplication des as. - Suite du précédent.

Ce tour se joint toujours à celui que je viens de dé-


crire.

Une table, dont je vais indiquer la disposition, et


dont nous aurons toujours besoin dans la dernière
partie où je traite des tours divers, est ici nécessaire.

Cette table, fort simple, doit être élevée prcsqu'à Ta


hauteur du creux de l'estomac.
PRESTIDIGITATION.

Au lieu d'un tiroir, on place dans toute sa longueur


une tablette qui entre à coulisse, par ses bouts, dans des
traverses à rainures fixées à la table. On met dessus un
coussin garni dans son étendue, pour neutraliser le

bruit que feraient en tombant des corps lourds et so-

nores.
Quand, par occasion, on improvise une séance, on
peut prendre la première table venue; on en ôte le ti-

roir, et avec deux pointes, on attache par les bouts une


planche mince sur les traverses qui supportaient le ti-

roir. On exhausse la table en mettant sous les quatre

pieds des cales d'une épaisseur convenable.


Cette table, comme on le verra parla suite, offre des
avantages immenses. La tablette dont je viens de par^
1er sert à mettre les objets dont on a besoin et qui
doivent rester cachés aux yeux des spectateurs, comme
je l'ai déjà dit. Les prestidigitateurs lui ont donné le

nom de servante.
C'est encore ici le lieu de donner un conseil impor-
tant, et j'en saisis l'opportunité.

y a plusieurs tours pour lesquels on se sert de


Il

cartes préparées d'une manière particulière, et sur les-


quelles on est obligé d'apposer différents points. Cela
est surtout nécessaire pour le tour dont nous allons
nous occuper tout-à-l'heure.
Dans ce tour, on a besoin d'une grande quantité d'as,

et, pour deux raisons, on doit les faire soi-même. La


première , c'est qu'il serait difficile on dispendieux de
s'en procurer un grand nombre; la seconde, c'est que
CARTES. 115

les cartes ordinaires ne seraient pas aussi commodes,


à cause de leur épaisseur, parce qu'il faut en tenir
le plus possible dans sa main. Voici ce qu'il faut
faire.

On fait graver à jour, sur des feuilles de cuivre très-


minces, les quatre points des cartes.
D'une part, on détrempera du vermillon dans de l'eau
gommée, que l'on étendra sur un morceau de verre ou
de faïence, et on laissera sécher.
D'autre part, on détrempera de même du noir de fu-
mée ou du noir d'ivoire bien broyé, dans de l'eau
gommée et on le mettra
, aussi sur du verre ou de la

faïence.
Pour s'en servir, on prendra un gros pinceau de
soie de porc ,
qui doit être rude et plat du bout. On en
fabrique de cette sorte pour vignettes, lettres ou
chiffres.

Après avoir humecté légèrement ce pinceau avec de


l'eau , on le frottera sur la couleur, et de là sur le pa-
tron que l'on aura appliqué sur le papier ou carton.
Si on n'a pas de gravures à jour sur cuivre, on peut
y suppléer en calquant les points sur du papier verni,
que l'on découpe proprement.
On prendra une feuille de papier à dessin, qui est
plus mince que la carte, mais suffisamment épais; on
tracera légèrement dessus, avec un crayon de mine de
plomb, autant de dimensions de cartes que l'on pourra,
et on appliquera un point au milieu de chacune. Sur
une feuille de papier de dix centimes, j'ai fait quarante
8 .
PRESTIDIGITATION.

et quelques as. La feuille était du format dit grand-


raisin. Quand les points sont bien secs, on étend la
feuille sur une table de marbre très-propre. On pro-
mène sur cette feuille un morceau de savon blanc, et
on la lisse en la frottant fortement avec une pierre de
silex que les cartiers appellent polissoir. A défaut de
cet outil, on peut se servir d'une bouteille ou de
quelque corps dur et poli. Ensuite on découpe.
11 se présente ici un embarras: c'est la difficulté de
se procurer des as de trèfle, dont on ne peut pas tou-
jours se passer. Pour obtenir cet as, il n'y a pas d'autre

moyen que de le faire graver sur cuivre en relief. Car,


comment imiter autrement sa couronne? La gravure
à jour ne pourra jamais la représenter qu'imparfaite»
ment , et ne passera que dans de rares circonstances.
J'engage donc les amateurs zélés de faire graver cet
as, qui est indispensable dans plusieurs beaux tours
pour lesquels il faut préparer des cartes soi-même.

Dans ce tour que je vais décrire, on n'a pas absolu-

ment besoin de cet as, car on ne peut guère faire at-

tention à son absence dans une aussi grande quantité


qu'il en faut.
Je passe à la description.
Ayant fini le tour précédent, vous ramassez les
quatre as restés sur la table , et vous les mettez sur le

jeu. Vous faites un faux mélange , et vous dites à la

personne qui est toujours restée à côté de vous :

Monsieur, combien voulez-vous que je vous donne


d'as ? i>
CARTES. H7
En lui fiiisant cette question , vous laissez tomber
naturellement le Lras droit (car je suppose que vous
tenez le jeu de la main gauche) , et la main se trouve
juste à portée d'un fort paquet d'as que vous aviez
disposé sur la tablette dont nous avons parlé , et que
vous avez posé sur un de ses côtés, en l'appuyant
contre un objet quelconque. Placé de cette façon , le

paquet est plus en prise. Quand la main s'en est em-


parée, vous le joignez au jeu, comme si vous vouliez
ajuster les cartes. Vous avez soin de bien envelopper
ce tas de toute la main afin qu'on ne s'aperçoive pas
,

de son épaisseur.
Ce Monsieur à qui vous adressez la question répon-
dra ,
je suppose : « J'en veux six. » Alors vous lui
dites : « Mais vous savez bien qu'il n'y a que quatre
as dans le jeu. » S'il en demande, d'après votre obser-
vation, deux ou trois, continuez en disant: « Mais,
non. Vous en avez demandé six, je vais vous en donner
six. Je puis même vous en donner davantage. » Et
vous prenez des as sur le tas, Tun après l'autre, et les

jetez sur la table et toujours en disant : « Tenez Mon- ,

sieur, tenez, puisque vous aimez les as, en voici, d Et


vous continuez ainsi jusqu'à ce que vous en ayez jeté
quinze ou vingt. Alors, par un adroit coup de main,
vous mettez tout le reste du paquet d*as dans votre
main droite, en jetant le surplus sur la table. Vous
fourrez légèrement ce paquet dans le gilet de la per-
sonne, en vous aidant de l'autre main pour écarter le
gilet. Le mouvement que vous faites pour mettre ces
H8 PRESTIDIGITATION.

cartes doit être semblable à celui que vous feriez pour


pincer Tétoffe.
En même temps que vous placez les as, vous en re-
tirez une partie en les écartant avec les doigts et les

laissant tomber. Yous rentrez main dans le gilet et


la

en plusieurs fois ,
pour prendre une partie des as que
vous y avez laissés, continuant cette manœuvre jusqu'à
ee que vous les ayez pris tous.
Durant cette opération , vous dites : « Vous voyez
Monsieur, que, quand je n'ai point d'as, je sais où en
trouver. »

Cette scène est d'un effet très-plaisant quand elle est

bien exécutée.

SECTION VIL

Mettre les quatre as sous un chapeau et les quatre rois


sur le jeu qu'on tient dans la main, faire venir ces
quatre as sur le jeu en place des rois
, , et trouver ces
derniers sous le chapeau où étaient les as; ensuite
faire revenir les as sous le chapeau et les rois sur le

jeu, comme ils étaient auparavant.

Ce tour est aussi facile à faire qu'il est joli.

Il faut avoir quatre rois derrière lesquels on aura


imprimé im point pareil à celui que
porte, de le roi

sorte que ces quatre cartes paraissent rois d'un côté et


as de l'autre.
CARTES 419

C'est le cas de se servir des patrons dont j'ai parlé


précédemment.
Si on n'avait pas de timbre pour Tas de trèfle, voici

comme on pourra y suppléer.


Vous dédoublerez un roi et un as de ce point. Pour
bien réussir dans cette opération, il faudra préalable-
ment faire un peu humecter ces deux cartes , en les

mettant pendant une heure à la cave, et posées sur la

terre. Lorsqu'elles sont dédoublées, vous les collez dos


à dos et vous les mettez sous presse.
Disons ici en passant, et une fois pour toutes, que
quand, dans des préparations de cartes, vous aurez be-
soin de coller, la colle qui convient dans ce cas doit être
composée de moitié farine de froment et moitié ami-
don.
Quand vous voudrez faire ce tour, voici comment il
faudra disposer d'avance votre jeu :

Vous mettrez dessus les quatre as véritables, et vous


disperserez dans l'intérieur les cartes préparées, de fa-
çon que le côté des as soit en vue. Vous ouvrez le jeu
pour y chercher les faux as et en même temps les

vrais rois. Yous posez ces huit cartes sur la table.


Vous saisirez le moment pour faire baiser les cartes

par moitié. Vous n'oublierez pas qu'alors les vrais as

que vous aviez mis d'abord sur le jeu sont maintenant


sur la partie de dessous. Cela fait, vous mettez, en pré-
sence des assistants , les quatre rois sur la partie de
dessus, et vous posez le jeu sur la table.
Yous empruntez un chapeau, et le tenant d'une
,

120 PRESTIDIGITATION.

main vous prenez de Tautre


, les quatre faux as qui
étaient restés sur la table. Vous les couvrez du cha-
peau , en les retournant.
Alors vous dites : « Messieurs, les as que je viens de
mettre sous ce chapeau vont venir sur le jeu où vous
voyez que senties rois (on les montre) , et ceux-ci vont
en prendre la place sous le chapeau. » Vous mettez la

main sous la table, en retournant le jeu et, de l'autre ,

main , vous donnez un coup de doigt sur le chapeau


comme si cela était nécessaire pour opérer cette inter-

version. Vous faites voir les as sur le jeu, et, en levant


le chapeau, vous montrez les rois. Vous les prenez, en
disant : « Remarquez , Messieurs ,
que je remets ces
rois sous le chapeau ( vous les retournez en les cou-
vrant). Comme magicien, mon pouvoir est supérieur
à celui des rois, et, en vertu de ce pouvoir, j'ordonne
à ceux-ci de revenir sur le jeu, et aux as de retourner
sous le chapeau. »

Vous faites les mêmes mouvements qu'au premier


changement, pour avoir occasion de renverser le jeu
dans votre main, que vous remettez sous la table.

Le tour étant fini, vous ferez sauter quelques cartes


de dessus par dessous, pour avoir un côté du jeu qui
montre les figures , et vous ramassez les as , que vous
joignez au jeu en les mettant sur les figures. Si vous
négligiez cette précaution , on trouverait étrange de
vous voir placer ces as à l'envers sur le dos du jeu.
Ce serait une gaucherie qui pourrait inspirer des soup-
çons.
CARTES. m
SECTION Ylli.

Une carte aijanl été pensée, en mettre trois des premières

venues sur la table , et faire changer celle des trois

quon choisira en la carte pensée.

Ce tour est un des plus brillants et des plus éton-

nants que Ton puisse exécuter avec les cartes. J'ai

toujours remarqué que ces tours de cartes pensées,


qui sont du ressort de la prestidigitation , sont ceux
qui frappent le plus. Mais aussi cela dépend beaucoup
de la manière de faire penser. Celle que donne De-
cremps est réellement trop naïve. Il conseille d'écarter
le jeu sous les yeux d'une personne , en mettant au
beau milieu et bien en évidence une carte marquante ,

telle qu'un roi ou une dame. Alors il faut s'adresser à


des personnes bien simples pour qu'elles ne devinent
pas l'intention du prestidigitateur.
Yoici la méthode que j'emploie. On met sous le jeu
la carte qu'on veut faire penser, on fait sauter la coupe
en laissant le petit doigt sous la carte qui est au milieu.
Si le jeu est dans votre main gauche, vous mettez le

bout du grand doigt de la droite entre les deux parties,

en haut, et avec l'index de la même main, vous attirez


le bout du jeu. En commençant par sa partie inférieure,
vous laissez échapper les cartes les unes après les autres,

en arrêtant l'espace d'un clin-d'œil à la carte que vous


voulez Aiire penser, qui est toujours maintenue par le
m PRESTIDIGITATION.

grand doigt de la main droite, et ce grand doigt achève


de laisser échapper les cartes de la partie supérieure.
De cette manière, les cartes, passant vivement sous
les yeux de la personne, ne peuvent être aperçues que
confusément, à Texception de celle sur laquelle vous
vous arrêtez un léger instant, et qui seule peut frapper
la vue. Enfin, pour résumer ce que je viens d'expliquer,
figurez-vous que vous tenez le jeu comme pour faire

sauter la coupe, et que tenant la partie supérieure


avec le pouce par le bout d'en bas, et les autres doigts
par le bout d'en haut, vous tiriez vers vous le bout
supérieur que vous maintenez avec les doigts. Si vous
présentez ainsi le jeu à une personne, elle verra bien
la tête de la carte qui est sous le paquet supérieur
puisque le jeu est ouvert par ce bout ; toute la diffé-
rence, c'est que vous n'aurez pas laissé ghsser les

cartes, chose indispensable pour qu'on ne pense pas


que vous aviez l'intention de n'en montrer qu'une, ce
qui serait de la dernière maladresse. Maintenant occu-
pons-nous du tour.
Ayant disposé une carte pour faire penser, comme
je viens de le dire, vous vous approchez d'une per-
sonne , en lui disant : « Madame , voulez-vous , s'il

vous plaît, prendre une carte.... ou la penser, c'est

égal. » En disant cela, vous lui mettez les cartes sous


les yeux, et elle a dû penser celle que vous lui avez
laissé entrevoir.

Supposons que ce soit la dame de carreau. En re-


tournant à votre table^ vous faites sauter la coupe , et
CARTES.

SOUS la carte pensée, qui est alors dessous, vous mettez


trois cartes indifférentes. Cette carte pensée se trouve
donc la quatrième en dessous.
Montrez la première de ces cartes en disant : « Celle-
ci, Madame, n'est pas celle que vous avez pensée ? »

On répond non , et vous la posez sur la table. Vous


faites voir la deuxième, et vous la mettez aussi sur la
table. Vous montrez enfin la troisième, et la personne
qui a pensé la carte dit toujours que ce n'est pas la
sienne. Mais, cette fois, vous la faites glisser pour
prendre la seconde en dessous, qui est la carte pensée.
Vous la mettez au milieu des deux autres, et vous
adressant à la même personne, vous dites : « Madame,
la carte que vous avez pensée n'est pas dans ces trois
qui sont sur la table ? j> Cette personne ayant répondu
qu'elle n'y est pas , vous lui demandez laquelle des
trois elle veut qui devienne sa carte ; et comme , ordi-
nairement, elle est éloignée do vous, elle indique
presque toujours celle du milieu, parce qu'elle est

plus facile à désigner. Dans ce cas, comme c'est la

carte pensée qui est à cette place, vous dites : « Vous ne


voulez pas que ce soit celle de ce coin, ni celle-ci (vous
les retournez) ? nommez votre carte ?» On répondra :

« La dame de carreau. » Vous la retournez et la faites

voir.

Si, par hasard on indiquait une carte des coins, on


,

met dessus celle qui a été pensée, et sur celle-là l'autre


carte. On prend ces trois cartes ensemble, et on donne
dessus un petit coup de doigt, car il faut faire quelque
1-24 PRESTIDIGITATION.

chose. On remettra sur la table les cartes dans le même


ordre; mais on fait glisser la carte pour mettre celle
qui a été pensée à la place de celle qui a été désignée,
et qui passe pour la même. Alors rien n*est changé
dans le tour, qui se termine comme dans le premier
cas où on aurait indiqué la carte du milieu.
îl est tout naturel que le lecteur fasse ici une objec-
tion. 11 se dira : Mais si on n'avait pas pensé la dame
de carreau.
Je saisis cette, occasion pour donner une idée delà
manière de se tirer d'affaire dans le cas où on serait
contrarié dans l'exécution d'un tour. Dans celui que
je viens de décrire , il peut très-bien arriver une cir-

constance fort embarrassante pour qui ne saurait pas


y remédier.
Je suppose que la personne à qui vous vous êtes
adressé ait pensé une autre carte que la dame de
carreau; que même, ayant pensé cette carte, il lui

vienne après coup l'idée de changer, et quand vous lui


faites nommer sa carte, que vous croyez bien être la

dame de carreau, elle nomme, par exemple, le huit de


pique. 11 ne faudrait pas se déconcerter, et même, dans
cette conjecture, le tour peut devenir encore plus
frappant que dans le premier cas.

Lorsque la personne vous aura nommé le huit de


pique, après avoir indiqué la place où elle veut qu'il se

trouve, et que, comme précédemment, vous aurez re-


tourné les deux autres en faisant la même question :

« Vous ne voulez pas que ce soit celle-ci ni celle-là? >


CAUTES. m
dites, avec Taplomb de quelqu'un sûr de son fait :

« Madame, le huit de pique que vous avez pensé est


ici comme vous l'avez désiré. Vous voyez qu'il n*est

pas dans le jeu. » En disant ces dernières paroles,


vous allez vers la personne en ouvrant le jeu et en
feuilletant les cartes , comme pour faire voir que celle

qui a été pensée n'y est plus ; mais, d'un coup d'œil, il

est facile de voir celle qu'on vient de nommer. On la

met vite en dessous, ce qui fait qu'elle se trouverait


sur le jeu si on le retournait.
Cette opération doit se faire en un moment, et quand
vous êtes arrivé auprès de la personne, vous continuez
de feuilleter pour lui faire passer toutes les cartes en
revue, avec la précaution de ne pas aller jusqu'à la
dernière, qui est le huit de pique. La personne ne le

voyant pas , commence à croire, ainsi que le reste des


spectateurs, que sa carte est sur la table. Yous allez

prendre cette carte , et en la montrant , vous dites :

« Vous voyez. Madame, que c'est bien la vôtre, je ne


me trompe jamais en faisant ce tour. » En parlant
ainsi, vous marchez vers votre table en faisant filer la

carte, que vous poserez dessus. Alors le huit de pique


dame de carreau est sur le jeu.
est sur la table, et la

La personne ne manquera pas de vous dire « Mais, :

Monsieur, ce n'est pas ma carte que vous m'avez


montrée. » Yous répliquez : « Comment, ce n'est
pas votre carte. Madame? Quelle est donc celle que
vous avez vue? d Elle répondra: « Yous m'avez fait

voir la dame de carreau, » Yous ripostez en disant :


m PKESTIDIGITATION.

« Je suis bien fâché, Madame, d'être obligé de vous


dire que vous vous trompez. Vous ne pouvez pas
avoir dame de carreau, puisque Monsieur Tavait
vu la

dans son gilet depuis le commencement de la séance. »


Pendant la petite contestation que vous venez
d'avoir, vous avez eu le temps d'enlever la dame de
carreau, et l'ayant tirée du gilet, vous la montrez à
tous les spectateurs. Vous allez relever le huit de
pique, que vous faites également voir, en disant:
« Yous voyez que la carte que Madame a pensée est

bien où on a voulu qu'elle fût. »

On croit généralement que vous avez feint de man-


quer le tour pour le rendre plus surprenant. On le ter-

mine ainsi à la satisfaction des assistants.

SECTION IX.

Une carte ayant été pensée , la faire trouver dans Vun


de trois paquets quon choisira,

Yous invitez une personne à penser une carte à

sa volonté.Yous faites trois tas sur la table avec le jeu.

Yous demandez dans lequel de ces tas on veut que la


carte pensée se trouve. Le tas étant indiqué, vous
dites : « Monsieur, nommez votre carte; elle est dans
le paquet qu'on vient de désigner. » La carte étant
nommée, vous prenez les deux tas qui n'ont pas été

choisis, vous les réunissez, et vous laissez l'autre sur


CAIVIES. di-

latable. Vous dites: « Messieurs, je vais vous faire


voir que la carte pensée n'est pas dans les deux tas que
je viens de retirer. » Et vous les feuilletez en allant
vers la personne qui a pense la carte.
Si, en feuilletant jusqu'à la fin (ce qui est l'affaire
de deux secondes), vous n'avez pas vu la carte, vous en
faites remarquer l'absence à cette personne , et vous
allez chercher l'autre tas, en laissant sur la table ceux
que vous aviez dans les mains ; vous faites voir que la
carte pensée se trouve dans le tas voulu.
Dans ce premier cas, vous recommencez le tour, en
disant : « Messieurs , on pourrait croire que j'ai été
servi par le hasard; mais, pour vous prouver que l'on

se tromperait, je vais faire encore une Ibis le tour, et

je vous assure qu'il en sera de même qu'à la première.


— Madame, pensez une carte. » Ayant séparé le jeu en
trois paquets, vous invitez de désigner celui où on
veut que la carte pensée se trouve. Le tas étant indi-
qué, vous faites comme la première fois: vous prenez
les deux non désignés, que vous feuilletez encore,
comme pour faire remarquer que la carte n'y est pas;
si , cette fois , vous l'apercevez , coulez-la sous le dos du
jeu. En continuant de feuilleter, vous faites voir que
la carte n'est pas parmi celles que vous avez dans les

mains, mais avec la précaution de ne pas laisser voir


celle de dessus le jeu.

En allant chercher le tas où doit être la carte pensée,

vous enlevez celle-ci, qui est sur les cartes que vous
avez dans les mains, lesquelles vous déposez sur la
PUESTIDKilTATION.

table. En prenant Tautre tas, que vous venez chercher,


vous y posez la carte que vous avez enlevée, en disant:
€ Messieurs, non-seulement la carte se trouve dans
ce paquet , mais elle s'y trouvera dans la situation que
ron voudra, savoir: dans le milieu, dessous, dessus,
comme on le souhaitera. » Si on 4a demande dessous
ou dans le milieu , il n'y a qu'à faire sauter la coupe.
Si on la veut dessus, il n'y a qu'à la donner.
Si, cette seconde fois que vous faites le tour, la carte

se trouvait encore dans le tas indiqué comme la pre-

mière fois,alorsvous le termineriez de même,etvousen


resteriez là. Cette répétition aurait toujours l'avantage

de prouver aux spectateurs que vous étiez sûr de ce


que vous aviez annoncé; car, en réussissant deux fois

de suite , cela doit suffire pour convaincre que vous


avez le pouvoir de faire toujours trouver la carte pen-
sée dans le tas que l'on désignerait.
,

CARTES. 129

SECTION X.

Quatre cartes différentes y et les premières venues, étant


mises sur la table à la vue des spectateurs y les faire

toutes changer en cartes du même point que celle


qiCon prendra au hasard dans un jeu , et cela sans
toucher aux cartes.

Ce tour est un des plus beaux et des moins connus


que Ton puisse faire.

Avant de le proposer, voici comment il faudra pré-


parer votre jeu.
Prenez, je suppose, les quatre valets ; mettez-en un
sous le jeu , c'est-à-dire du côté des figures. Sur ce
valet, mettez une autre carte, la première venue. Sur
cette dernière, mettez un second valet , et sur celui-ci

encore une autre carte indifférente. Puis un troisième


valet, que vous couvrez de même d'une autre carte.
Enfin, vous mettez le quatrième valet, sur lequel vous
posez aussi une carte quelconque.
Le jeu étant ainsi disposé, prenez-le par les deux
côtés; ot en montrant la carte qui se trouve la première

en dessous vous , dites : « Messieurs, je vais placer sur


la table les quatre premières cartes qui vont se pré-
senter. Je prends celle-ci et je la pose. Mais , au lieu

de prendre celle que vous avez fait voir, vous la faites

glisser , et prenez la seconde ,


qui est un valet. Et
comme il faut se débarrasser de cette carte inutile
150 PRESÏlDIGir.UION.

et gênante qui est restée en dessous, vous dites, en


exécutant en même temps que vous parlez: « Je
prends une carte sur le jeu , et je la mets au milieu.
J'en prends aussi^une dessous, et je la mets de même
dans le milieu. »

Cela fait, vous montrez la carte qui est sous le jeu et


qui couvre le valet suivant.
Vous faites encore glisser la carte pour prendre le
valet. Yous continuez de mettre une carte de dessus et

une de dessous dans le milieu. Yous opérez toujours


de la même manière, jusqu'à ce que vous ayez posé le

quatrième valet.

Les spectateurs croient évidemment que les quatre


cartes que vous leur avez montrées sont sur la table.

Yous prénez un autre jeu et vous faites tirer forcément


un valet en disant a Messieurs, on va tirer une carte
:

au hasard, dans ce jeu, qui est complet, et je ferai chan-


ger les quatre cartes que je viens de poser, en cartes
du même genre que celle qu'on va prendre; c'est le

sort qui décidera delà métamorphose. Ainsi, si on lire

un as, ces cartes seront changées en as; si on tire un


roi, elles deviendront rois, et de même pour toutes les

cartes.

DYoyons, Monsieur, la carte que vous avez prise?...

C'est un valet ! » Alors, vous allez retourner les cartes


qui sont sur la table, et les spectateurs voient quatre
valets.

Pour avoir plus de facilité à faire prendre la carte,

on peut mettre ensemble les quatre valets sur le se-


CARTES. 151

cond jeu, dans lequel on en fait tirer un. On les met

au milieu par la coupe, au moment d'en donnera


prendre. Il est plus aisé de faire tirer une carte forcée
dans quatre pareilles ,
que s'il n'y en avait qu'une.

SECTION XL

Faire quune carte tirée au hasard et mêlée se trouve

dans celui qu'on choisira de sept ou huit paquets qui


seront formés sur la table avec le jeu ,et,de plus, se

trouve dans le lieu qu'on voudra du tas choisi.

Une carte ayant été tirée et mêlée en apparence,


parce qu'on se sert d'un faux mélange pour conserver
toujours la carte prise sur le jeu , on fait cinq ou six
paquets ou plus, si on veut, sur la table, en ne per-
dant pas de vue celui sur lequel la carte est restée.

On invite à désigner celui de tous ces tas oii on dé-


sire que la carte tirée se trouve. Quand il est indiqué,

on le laisse sur la table en ramassant tous les autres.

On met en dessus le paquet sur lequel est la carte qui

fait l'objet du tour.


r- On conserve toutes ces cartes dans la main. On re-
vient au paquet resté sur la table , et on le partage en
deux. On demande encore dans lequel de ces deux tas
on veut la carte. On prend celui qui n'a pas été dési-
gné, et on le met sous les cartes qu'on a dans la main.
Alors on examine le petit tas qui reste , pour voir si on
152 l>RliSTIDlGlTAT10N.

peut encore le séparer en deux parties ; il faut tâcher

d'éviter de faire des tas de trois cartes, mais s'y prendre


de façon que le dernier paquet qu'on veut partager
soit en nombre pair ,
parce qu'il est nécessaire que le

dernier petit tas que l'on indique, et qui reste seul,


ne soit composé que de deux cartes.

Je suppose qu'il y ait six cartes au dernier paquet,


et que l'on veuille encore le partager.

On prend dessus deux cartes seulement, on en fait

un tas. Si on indique celui qui contient quatre cartes,


on met le tas de deux sous celles qu'on a dans la
main, et on fait encore deux petits paquets de celui
qui reste ,
lesquels seront chacun de deux cartes. On
en fait désigner un , et dans le temps qu'on l'indique,
on enlève la carte qui est sur toutes celles que l'on a
toujours gardées dans la main. On la pose sur les deux
cartes désignées en les ramassant. Ici, on se débarrasse
du paquet qu'on avait toujours tenu dans la main, en
le jetant sur la table. On met la carte ajoutée au milieu
des deux autres , on les étale dans la main et on de-
mande laquelle des trois on veut qui soit la carte qui
a été prise et mêlée dans le jeu. Si on choisit celle

du milieu, on découvre les deux des coins l'une après


l'autre, en disant: « Vous ne voulez pas que ce soit

celle-ci? Ni celle-là? » Et on retourne celle du milieu,


qui est reconnue par la personne qui Ta tirée. Si on
choisit l'une des coins, on prend cette carte et on met
les deux autres dessus. Celle qui a été tirée doit être

au milieu. Et en s'adressant toujours à la même per-


CARTES. 155

sonne, on lui dit : « Vous savez. Madame, que la carte


que vous avez désignée est dessous? Donnez un petit
coup de doigt sur ces cartes, cela est indispensable

pour faire réussir le tour. » Et les tenant d'une main


par les côtés , on fait glisser la carte en prenant de
Taulre main celle qui est après , on la fait nommer et

on la fait voir.

Nota. — Les spectateurs ,


qui sont tous un peu
éloignés de la table, ne peuvent pas juger de la quan-
tité de cartes qu'il y a dans les tas, d'autant moins
qu'on a eu le soin de bien les égaliser; ainsi, quand il

n'y a que deux cartes dans un paquet, on peut croire


qu'il y en a trois ou quatre.

SECTION XIL

Quatre ou cinq personnes ayant pris chacune deux


cartes, les mêler toutes, et les faire venir dessus et
dessous le jeu, les unes après les autres, par un léger
mouvement imprimé auv cartes.

Ce tour est un de ceux qui font le plus d'effet, au


théâtre comme au salon ; il est , dans le fait , un des
plus brillants de la prestidigitation.

Vous faites prendre deux cartes à chacune de quatre


ou cinq personnes, en les invitant de se les rappeler.
Ensuite vous les priez, l'une après l'autre, de les re-

mettre au milieu du jeu, vous feignez de couper


PRESTIDIGITATION.

chaque fois dans des endroits différents, mais en faisant


mettre toutes les cartes ensemble et Tune sur l'autre.

De temps en temps, il faut exécuter un faux mélange,


pour faire croire que vous mêlez toutes ces cartes et

que vous les perdez absolument de vue ; et comme


vous les avez fait mettre toutes ensemble, elles doivent,
à la fin , se trouver sur le jeu.
Vous remarquerez dans quel ordre on les poso, car
les deux premières à faire paraître ne peuvent être que
celles de la dernière personne qui a mis les siennes
comme les deux dernières cartes ne peuvent être que
celles de la première personne qui a commencé à
poser.
Vous continuez le tour en disant: « Messieurs,
toutes ces cartes que Ton vient de placer dans le jeu
sont bien dispersées, et cependant, par le seul effet d'un
petit coup de main, elles vont toutes venir dessus et

dessous, les unes après les autres, d En parlant ainsi,


vous montrez le dessous du jeu, où personne ne voit
une carte qui lui appartienne. Et remarquez que,
comme vous venez de dire que toutes les cartes prises

étaient dispersées , aucun des spectateurs ne peut en


douter, puisqu'on a cru vous les voir mêler après les
avoir fait mettre dans différents endroits du jeu.
Vous faites sauter une carte de dessus par-dessous.
Alors, prenant le jeu par un bout et par les côtés avec
deux ou trois doigts, vous lui imprimez un léger mou-
vement de secousse , et ayant fait nommer ses cartes à
la dernière personne qui les a posées, vous les lui faites
,

CARTES. 155

voir, en lui montrant d'abord celle de dessous, pour


être moins gêné, puisque votre main est en position

pour lui faire voir de suite cette carte. En lui montrant


après la carte de dessus , vous poussez un peu avec le

pouce celle qui suit, pour pouvoir mettre le petit doigt


dessons, afin de la faire sauter avec la première que
vous venez de faire voir. Par cette opération, la carte

qui est alors dessus et celle qui est dessous appar-


tiennent à la seconde personne à qui vous devez
donner ses cartes. Vous continuez toujours de même,
en faisant sauter la coupe chaque fois, pour enlever
deux cartes de dessus le jeu qui doivent passer des-
sous. Faites attention qu'il n'y a que la première fois

qu'on ne fait sauter qu'une seule carte.


Pour terminer le tour d'une manière plus frappante,
il faudra feindre d'oublier la dernière personne à la-
quelle vous devez aussi montrer ses deux cartes, et de

regarder le tour comme fini. Cette personne ne man-


quera pas de vous rappeler qu'elle aussi a pris deux
cartes. Yous vous excusez d'en avoir perdu la mé-
moire , de les nommer. Pendant ce temps
et la priez

vous mouillez un peu l'index et le pouce avec lesquels ,

vous pincez le jeu, que vous lancez sur la table. Toutes


les cartes tombent, excepté celles de dessus et de des-
sous, qui restent attachées au bout de vos doigts. Ces
cartes étant celles de cette dernière personne , vous les

lui montrez et les jetez sur la table avec les autres.


156 PRESTIDIGITATION.

SECTION xin.

Faire changer subitement quatre cartes, deux fois de


suite, de situation dans le jeu.

Ce jeu de main n*est pas, à proprement parler, un


tour composé. Il n'est simplement que l'effet de la

coupe sautée; mais, pour les personnes qui ne con-


naissent pas ce principe, et c'est le plus grand nombre,
cet effet est inconcevable.
Quelques amis me parlaient quelquefois de ce
moyen, que Ton appelle faire sauter la coupe, en con-
venant qu'ils n'en avaient nulle idée. Et voici ce que je
faisais pour leur faire comprendre de quelle ressource
il pouvait être dans les tours de cartes.
Ayant retiré les quatre as du jeu , j'en faisais mettre
un rouge dessus et un rouge dessous, et en coupant
lentement, on en mettait un noir sous la partie que
je tenais élevée et Tauti e noir sur le tas que je tenais

plus bas. Je rejoignais les deux paquets, en laissant le

petit doigt entre eux pour être prêt à


,
faire sauter la

coupe. Je priais les spectateurs de remarquer qu'en


réunissant les deux parties, les as noirs étaient bien
au milieu du jeu. Je faisais revoir les deux as rouges
qui étaient toujours dessus et dessous, et faisant légère-
ment sauter la coupe, de façon à mettre les yeux en
défaut, je montrais que les rouges étaient au milieu,
et que les noirs, qui y étaient d'abord, étaient venus
C.VUTLS. 157

dessus et dessous, à la place des rouges. Comme, pour


faire voir ce changement de situation, j'étais obligé de
feuilleter les cartes les figures en haut, quand j'arrivais
aux as rouges, je mettais le petit doigt entre eux, et,

sans retourner le jeu, je faisais de nouveau sauter la


coupe, et tous ces as se retrouvaient comme ils étaient
en premier lieu. Ces transpositions imperceptibles
étonnaient singulièrement ceux qui en étaient témoins.
Mais voici ce qui augmentait beaucoup leur admi-
ration : je reprenais les quatre as, et, sans avoir égard à
leur couleur, j'en faisais mettre un dessus, un dessous,
et mettant le petit doigt au milieu du jeu je faisais ,

sauter la coupe; mais, au lieu de réunir les deux par-


ties, j'enlevais vivement la partie inférieure, que j'éle-

vais en l'air, comme si je coupais tout simplement, ce


qui fait le même effet aux yeux des spectateurs, quand
ce mouvement est bien exécuté, ce qui n'est pas
difficile.

Croyant que je n'avais que coupé , on mettait les

deux autres as au milieu , et je fermais le jeu. Les


quatre as se trouvaient donc ensemble, quand les assis-
tants croyaient de bonne foi qu'il y en avait toujours
un dessus et un dessous. Alors je mettais le jeu entre
les mains d'une personne, en lui disant que je pouvais
opérer un grand changement sans tenir les cartes. Je
*
frappais dessus, en ordonnant aux as de dessus et de
dessous d'aller accompagner ceux qui étaient au mi-
lieu. On vérifiait, et on trouvait les deux as fort

obéissants à mon commandement.


PRESTIDIGITATION.

SECTION XIY.
Faire de suite le portrait d'une jeune femme, sur une
carte quelle aura tirée au hasard.

Je ne pense pas comme ces esprits chagrins, qui


disent que, si Ton a toujours comparé la femme à la
rose, c'est parce que celle-ci a des épines.
Pourquoi prendre les choses du mauvais côté,
quand rien ne nous y oblige ?

Moi , je crois que cette identité est établie par l'éga-


lité de leur beauté , de leur fraîcheur, et par la même
destinée dont les menace ce maigre vieillard aux
grandes ailes et à la longue faulx.
Lecteur, si c'est aussi votre opinion, vous ferez
peindre sur une carte blanche une rose dans tout son
éclat. Sur une autre carte, vous ferez peindre un bou-
ton qui commence à s'épanouir.
Quand vous voudrez faire ce tour, vous mettrez une
de ces cartes peintes sur le jeu. Si votre intention

est de vous adresser à une femme arrivée à l'âge où


toutes les qualités gracieuses sont développées, vous
prendrez la première rose. Si vous avez en vue une
jeune demoiselle de quatorze à quinze ans, vous choi-
sirez le bouton.

Vous ferez tirer une carte à cette personne , et vous


vous servirez du principe de couler la carte (voyez la
section XYÎI de la première partie), pour changer
celle que vous avez fait prendre à volonté.
J'ai oublié de dire, qu'avant d'opérer ce changement.
CARTES. m
vous devez entretenir l'assemblée d'un talent qui vous
est particulier, celui de faire à la minute des portraits
fort ressemblants.

La carte ayant donc éîé changée comme je l'ai dit,

et ayant promis de faire le portrait de la personne qui


a tiré la carte et sur cette carte même, vous vous ap-
prochez d'un jeune homme, et l'invitez à la prendre
sur la partie du jeu où elle doit être, et déjuger lui-

même de la réussite. Le jeune homme ne manque pas,


en voyant la rose , de dire que le portrait est parfaite-

ment ressemblant.
Chacun veut le voir, et surtout la jeune personne,
qui prend un peu la couleur de l'image , en jetant les
yeux dessus; ce qui ajoute encore à la ressemblance.

Tout le monde applaudit au talent de l'artiste, excepté


peut-être certaines personnes du sexe féminin, qui
trouveront sans doute à critiquer intérieurement
quelques touches du portrait.
Pour compléter ce tour et le finir d'une manière
plaisante, vous aurez une autre carte sur laquelle vous
aurez fait dessiner ou peindre une tête de cheval. Vous
placerez cette dernière carte sous la rose, comme de-
vant venir après. Alors vous continuez en disant :

« Puisque j'ai réussi dans le portrait de Mademoiselle,


il faut que j'essaie de faire celui de Monsieur, s'il veut
bien me le permettre, d Vous vous adressez à un jeune
homme, qui prend aussi une carte, que vous changez
par le moyen connu on la fait voir, ce qui cause un
;

moment de bonne humeur dans l'assemblée.


140 PRESTIDIGITATION.

Comme il est de la délicatesse d'éviter toute plaisan-

terie désobligeante, même avec ses plus intimes amis,


il faudrait se garder de prendre la figure d'un ignoble
animal, telle que celle d'un b(euf, d'un porc, d'un âne, etc.
On pourrait avoir une collection d'animaux, dont la
comparaison n'aurait rien de blessant pour Tamour-
propre, tels qu'un coq, un renard, un lion, etc. Alors
on choisirait l'animal dont le caractère pourrait s'ap-
proprier à celui du jeune homme dont on veut se
jouer.
Nota. — Si on voulait se servir de cartes dont les

dos seraient coloriés , il faudrait dédoubler ces cartes

et coller sur la surface blanche de la feuille coloriée

les figures dont nous parlions, et qui seraient peintes

sur du papier ordinaire.


On trouve à la section YII de cet article la manière
de dédoubler les cartes et de les coller.

SECTION XV.

Proposer une partie de triomphe à une personne et la

gagner, soit que vous lui donniez les cartes, soit

qu'elle vous les donne elle-même.

On peut, en un moment, disposer les cartes pour


faire une volte sur le coup.
Ayant le jeu en main on , le feuillette comme pour y
chercher ou y voir quelque chose. On amène quatre
CARTES. iM
cartes du même genre en avant sm* les figures, soit,

je suppose, quatre cœurs. Vous prenez ces quatre


cœurs avec trois autres cartes, et vous les passez des-

sous; je veux dire sur le jeu. Vous ferez attention


que . dans ces trois cartes que vous mettez dessous
avec les cœurs, il n'y en ait pas de ce dernier point.
Vous cherchez encore deux cœurs, et vous les faites
glisser aussi sur le jeu; sur ces derniers cœurs, vous
mettez deux cartes toujours d'un autre point.
Cet arrangement terminé, vous faites un faux mé-
lange, pour ne pas laisser penser que vous faisiez
quelque préparation. Du reste, comme je l'ai dit, cette

disposition se fait si promptement, que personne n'y


prend garde. Après votre faux mélange , vous donnez
à couper. Vous ramassez et faites sauter la coupe. Vous
distribuez les cartes et retournez un cœur.
Vous laissez votre jeu sur la table, les figures en
dessous. Votre partenaire, qui se prépare à encarter,
vous invite à relever vos cartes; vous lui répondez que
cela est inutile, que vous allez couper la sienne, et
qu'ensuite vous lui demanderez de l'à-tout.
Il met sa carte et vous coupez. En retournant les
vôtres l'une après l'autre, vous les jetez sur la table, en
disant : « A-tout , à-tout , à-tout et à-tout ! j>

En voyant ce coup de triomphe, les spectateurs l'at-

tribuent naturellement à l'adresse dont vous avez déjà


fait preuve dans les cartes ; mais la surprise devient
sérieuse, quand vous annoncez que votre partenaire
va perdre encore , bien que ce soit son tour à mêler
142 PRESTIDIGITATION.

et donner. De plus, vous déclarez que vous ne voulez


pas même toucher au jeu , et que vous laissez à votre
adversaire le soin de couper lui-même après qu'il aura
mêlé.
Voici ce qu'il faut faire pour ce dernier coup.
La première partie étant terminée, vous ramassez
les cartes , en cherchant promptement les quatre rois,
que vous mettrez sur le jeu; vous les enlevez et les con-
servez dans votre main.
Quand votre adversaire vous aura donné des cartes
sur la table, vous les ramasserez, en posant dessus les
quatre rois que vous aviez dans la main. Vous égalisez
toutes ces cartes en n'en écartant que trois ou quatre,
pour voir s'il vous est arrivé des à-touts. Si vous en
avez, vous les passez sous les rois, et vous examinez
quelles sont les quatre moins bonnes cartes. Si vous
trouvez des à-touts, vous leur donnez la préférence sur
les rois. Vous enlevez enfin les quatre cartes inutiles,
et vous les gardez dans votre main ; vous tenez votre
jeu de cette même main , pour ne pas paraître gêné.
Les cartes que vous tenez cachées ne peuvent pas
être aperçues, puisque l'intérieur de la main est tourné
de votre côté, et que votre partenaire, ainsi que les
spectateurs, ne voient de celte main que le dos. Il

faudrait que votre adversaire eût un jeu bien formi-


dable pour qu'il pût vous gagner malgré vos quatre
rois. Du reste, ce serait un bien grand hasard si, dans
cinq cartes que vous recevez , il n'y en avait pas au
moins une de bonne. Aussi , il n'arrive jamais que Ton
FAUTES.

perde; au contraire, presque toujours on fait volte. La


moindre chose que Ton puisse faire serait quatre plis.

Quant aux cartes qui vous restent dans la main , il

n'est pas difficile de vous en débarrasser. Vous les

posez sur celles qui sont sur la table, en les ramassant,


pour les réunir, comme on le fait après une partie
terminée.
Si, par hasard, on vous proposait d'engager une
nouvelle partie, soit dans Tespoir de triompher de
vous , soit pour tâcher de surprendre les moyens que
vous employez pour gagner, il ne faudrait pas con-
descendre à cette provocation, car, cette fois, on serait

prévenu et vous seriez sévèrement observé mais ; il ne


faudrait pas non plus paraître reculer et craindre ce
défi. Au contraire, vous diriez avec assurance: «Mes-
sieurs, ceci est une bagatelle: je jouerais avec vous
cent parties que vous n'en gagneriez pas une seule. Je
veux faire quelque chose de plus fort : si vous voulez
faire avec moi un cent de piquet, je vous promets que
vous serez pic ,
repic et capot sur table. Je consens
même à ce qu'on me bande les yeux, et je vous ré-
ponds que j'y verrai encore plus clair que vous,
puisque je vous gagnerai. i> Cela dit, vous ferez le tour
suivant.
144 PRESTIDIGITATION.

SECTION XYI.

Coup de piquet par lequel on fait pic , repic et capot


son partenaire, sans jeu préparé d'avance, avec le
premier venu, et que Von fera mêler après s'être fait

bander les yeux. De plus, laisser à son partenaire la


faculté de désigner le quatorze qu'on doit prendre, et

de perdre ou gagner à son choix.

Il y a plusieurs manières de faire ce tour; la plus


usitée est d'escamoter un jeu préparé d'avance. On le
fait aussi, sans ce procédé, plus ou moins adroitement;
mais j'assure que la méthode que je donne ici est la plus
surprenante et la mieux composée de toutes; je puis
même ajouter qu'elle a encore le mérite d'être jusqu'à
présent tout-à-fait inconnue. IMusieurs circonstances
contribuent à rendre ce tour merveilleux. Faire mêler
les cartes à différentes reprises, se faire bander les

yeux, disposer son jeu sous les regards des specta-


teurs, sans qu'ils s'en doutent, etc., tout cela le rend
vraiment magique.
Je tiens ce procédé d'un prestidigitateur qui a joui
d'une grande célébrité et qui était le seul qui le pra-
tiquât. Ce ne serait point exagérer de dire que ce
tour a fait plus de la moitié de sa réputation, aussi y
îenait-il beaucoup. Il a bien voulu me le communi-

quer, pour reconnaître quelques services que je lui

avais rendus, et il me l'avait confié sous le secret ; mais


CAUTES. 145

sa mort, arrivée depuis longtemps , me dispense de


toute discrétion.
Un jeu neuf vaut mieux qu'un jeu qui aurait déjà
servi. Vous donnez à mêler, et en reprenant les cartes
comme pour les mêler aussi, vous les faites baiser. En
donnant quelques coups de main , ces cartes se
trouvent brouillées dos dessus, dos dessous. Ce déran-
gement passe pour un effet du hasard , et en feignant
de rétablir le jeu dans Tordre convenable, vous mar-
quez au coin la dix-buitième que vous avez adoptée,
plus un roi et le quatorze que vous vous êtes fait de-
mander.
Yoici ce que j'entends par marquer les cartes au
coin.
En les feuilletant comme pour retourner celles qui
seraient dérangées, l'index de la main dans laquelle
vous les faites couler est tout à portée pour écorner
celles dont vous avez besoin , et le mouvement de ce
doigt ne peut pas être aperçu, puisqu'il est constam-
ment couvert par les cartes qui glissent dessus.

Il faut que ces écornures soient très-légères; elles

seront toujours assez visibles pour qui sait qu'elles


existent. Il suffit, pour les faire, de donner un petit
coup de doigt sur le coin en voyant passer les cartes.

Les douze cartes étant ainsi marquées, vous rendez


le jeu à votre partenaire, pour qu'il le mêle de nou-
veau. Vous lui donnez tel qu'il se trouve dans vos
mains, c'est-à-dire sans le retourner, afin que les
petites marques faites aux coins soient de son côté.
146 PUESTlDIGlTAïlON.

Dans cette disposition , la personne qui tient les cartes

est beaucoup moins à même de voir ces petites marques,


en supposant qu'on les ait faites un peu trop appa-
rentes.
Pendant que Ton mêle vous vous , faites bander les

yeux avec un mouchoir. Quelque bien qu'ils soient


cachés, on voit toujours un peu clair en dessous.
Vous reprenez le jeu ; mais en feignant de mêler en-
core une fois vous-même vous assemblez sous le jeu
,

la couleur et le quatorze demandés plus, un roi. ,

Comme je l'ai dit , vous reconnaissez ces douze cartes


par les petites écornures que vous y avez faites ; on y
voit assez pour cela.

Les douze cartes étant assemblées , et toujours en


feignant de mêler, vous prenez trois cartes dessous,
que vous mettez sur le jeu. Tenant ce jeu de la main
gauche, vous reprenez de la droite les trois cartes que
vous venez de poser en dessus , et sur ces trois cartes

vous en mettez cinq de dessus le jeu , puis trois de des-


sous, trois de dessus, et ainsi alternativement de trois
en trois jusqu'à la fin. Vous donnez à couper. Vous
ramassez les cartes et faites sauter la coupe , pour
qu'elles reviennent dans la même disposition où vous
veniez de les mettre. Vous pouvez demander à votre
adversaire s'il veut perdre ou gagner. S'il répond qu'il

veut gagner, vous faites sauter trois cartes de dessus


dessous. Vous donnez par trois.

Ayant relevé votre jeu vous en écartez , les trois

mauvaises cartes, pour reprendre les bonnes qui vous


CÂUIES. Î47

attendent au talon , dans le cas où ce serait vous qui


devriez gagner.
Nota. — Il est à remarquer que, pour faire capot , il

faut que vous ayez le quatorze d'as, car, autrement,


il est probable que votre partenaire aurait quelques
cartes qui seraient de plus de valeur que celles qui
composeraient votre quatorze; alors il ferait au moins
une levée et ne serait pas capot. Donc, si vous voulez
donner la capote, ne faites pas désigner le quatorze, et
donnez-vous celui d'as.

SECTION xvn.

Une carte ayant été pensée par une personne qui serait

même éloignée de vous, faire quune carte prise au


hasard dans le jeu soit précisément celle que Von
vient dépenser librement.

Ce tour ,
quoique fort simple dans son exécution
est réellement inconcevable dans son effet.

Dire à une personne « Pensez une carte, changez


:

même d'idée trois ou quatre fois dans votre pensée, si

vous voulez , » et prendre la première venue dans le

jeu, qui sera la carte pensée, voilà l'effet du tour dont je


vais donner l'explication.

Vous invitez une personne à penser une carte, et en


en retirant au hasard une du jeu , vous la jetez sur la
table en disant . « Madame, cette carte est celle que
10
m PRESTIDIGITATION.

VOUS avez pensée; vous pouvez la nommer mainte-


nant. Je vais vous prouver, en vous la montrant, que
je ne me suis pas trompé. »

La personne que vous interpellez ayant nommé sa


carte, vous éparpillez le jeu, en disant : « Vous pouvez
vous assurer, Madame, qu'elle n'est plus ici. » Mais, en
feuilletant les cartes, vous apercevez bientôt celle qui

vient d'être nommée et vous la glissez en dessous, sur


le jeu. Vous continuez en lui faisant passer en revue
toutes les cartes, excepté les deux ou trois dernières.
Vous finissez en faisant observer qu'il est évident qu'on
ne peut pas la voir dans le jeu , puisqu'elle est sur la

table.

Alors, en allant comme pour la prendre, vous en-


levez la carte qui est sur le jeu, et en ramassant celle
qui est sur la table, vous la laissez tomber sur la gi-
becière dont nous avons parlé , et en même temps
vous montrez la carte que vous aviez dans la main.
Cet escamotage est facile à exécuter, et fait une
illusion complète, tellement que plusieurs fois, en fai-

sant ce tour, on m'a accusé d'être d'intelligence avec la


personne qui avait pensé la carte.

Si vous ne voulez pas prendre vous-même la carte qui

se pose sur la table, vous pouvez la faire tirer par


une autre personne, en lui recommandant de ne pas la

regarder.
€ARTES, 140

SECTION xvm.

Faire tirer librement une carie à une personne, lui

abandonner le jeu pour qu'elle mêle elle-même sa


carte, à laquelle vous ne touchez pas, lui faire mettre
le jeu dans sa poche et en retirer la carie prise et

mêlée.

On dit souvent que

Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.

C'est bien ici le cas d'appliquer cet adage. Proposez


ce tour comme il est annoncé dans le titre de cette
section, et vous verrez que personne n'ajoutera foi à
votre assertion. C'est ce qui m'est arrivé plusieurs
fois. Il y a plus car ayant
: fait ce tour devant quelques
incrédules pour les convaincre, ils étaient tellement
persuadés de l'impossibilité du foit, qu'ils voyaient ,

en convenaient, et ne croyaient pas. Si les personnes


dont je viens de parler lisent un jour ce livre, elles

seront bien surprises d'avoir regardé comme impos-


sibles des effets produits par des moyens aussi
simples.
Mais les plus obstinés à ne pas croire , ce sont les
amateurs de tours, qui ne connaissent, pour faire ce-

lui dont il est question, que le procédé vulgaire que


je vais expliquer en peu de mots. Le voici.

Une personne prend une carte , et vous l'invitez à

la remettre dans le milieu du jeu que vous tenez dans


m PKKSTlDIGlfATlON.

VOS mains. Vous faites sauter la coupe. La carte vient


dessus, et, par un faux mélange, vous donnez à croire
qu'elle est bien mêlée. Vous priez une personne de
mettre le jeu dans sa poche. Vous fouillez et retirez la
carte; ce qui n'était pas difFiclle, puisque vous n'aviez
à prendre que la première du jeu. Voilà comme on fait

ce tour ordinairement.
On pourrait, pour lui donner un peu plus de relief,

ne mettre la carte que la seconde en dessus ou en des-


sous; alors on mêlerait effectivement, avec la précau-
tion de ne pas la changer de place, et on ferait voir

celle de dessus et celle de dessous le jeu , pour mieux


persuader que la carte qui est le sujet du tour est con-
fondue avec toutes les autres.

Expliquons à présent notre moyen.


Il faut prendre des cartes biseautées. On entend par
là des cartes un peu plus larges d'un bout que de l'au-
tre, ce qui est facile à faire. On prend un jeu neuf, et
avec des ciseaux, on en coupe toutes les caries par un
bout et de chaque côté, environ un millimètre; ce qui
rend la carte plus étroite de ce bout que de l'autre, de
deux millimètres, ou d'une ligne à peu près,

il faut faire attention, en les coupant, d'aller bien

en diminuant vers le bout opposé, et surtout de ne pas


en prendre le moins du monde sur ce bout.
On conçoit que, si on prend une carte, et qu'on la

mette dans le jeu en sens opposé aux autres, cette


carte sera plus large d'une ligne que toutes celles du
reste du jeu, puisque le bout le plus large de cette
CAUTES. m
earte sera avec le bout le plus étroit des autres cartes.
x\insi, pour notre tour, faites prendre une carte dans
le jeu , que je suppose bien égalisé , c'est-à-dire que tou~
tes les cartes sont dans le même sens. Observez sr
on ne retourne pas la carte en la regardant. Si on ne
la retourne pas, ce qui est le plus ordinaire, présentez
le jeu en le retournant, pour changer les bouts. Alors,
faisant mettre la carte, elle sera dans le sens opposé
aux autres.
Vous donnez à mêler, et vous ferez mettre le jeu
dans la poche. Comme la saillie de la carte est très-
sensible au tact, vous trouvez facilement cette carte, et
vous la retirez en la faisant nommer.
Comment comprendre, pour ceux qui ne connaissent
pas ce moyen, qu'une carte, choisie à volonté, mêlée
par la personne qui l'a prise et qui met le jeu dans
sa poche, comment comprendre, dis-je, que Ton puisse
la trouver?
Si, par hasard, la personne retournait sa carte, alors
vous ne retourneriez pas le jeu.

Quand les cartes d'un jeu biseauté sont tournées


dans tous les sens, pour les égaliser, il faut prendre le

jeu sur les tranches et par les deux bouts, on tire de


chaque main , et comme les cartes sont pressées par
les endroits les plus larges, elles se dégagent facile-
ment, et on retourne l'un des deux paquets, que l'on

joint à l'autre.
On peut faire, avec un jeu ainsi préparé, une infinité
de tours surprenants. Avec de l'imagination, on en im-
152 PRESTIDIGITATION.

provise facilement de fort jolis. Par exemple, mettez


toutes les figures d'un jeu dans le sens opposé aux
autres cartes, faites mêler par un des spectateurs.
Quand il vous rend le jeu, vous mettez dessus les fi-

gures, que vous dégagez d'un coup de main, et sous


lesquelles vous avez la précaution de mettre le petit
doigt. Vous dites à ce Monsieur : « Youlez-vous m'ai-
der à faire un tour avec le jeu que vous venez de mê-
ler? » 11 est probable qu'il consentira. Alors, en enle-
vant les figures que vous tenez sur votre petit doigt

vous lui donnez le reste du jeu; et dans le moment,


vous lui dites ; « Mais, Monsieur, vous voulez me faire

manquer le tour, puisque vous venez de m'escamoter

toutes les figures. » Et vous les retirez de dessous son


gilet de la manière que j'ai expliquée dans la multipli-
cation des as.
Vous pouvez encore prendre les quatre rois et les

disperser dans le jeu, en présence des assistants, et les


ayant donnés à mêler, vous les faites trouver dans un
chapeau , comme je l'ai indiqué section II de ce
deuxième article. Nous aurons peut-être encore occa-
sion de parler de ces cartes biseautées.
Nota. — On croirait, au premier abord, que Ton
pourrait s'apercevoir de la préparation de ces cartes :

ce serait une erreur; je ne crois pas que jamais cela


soit arrivé. J'ai souvent vu jouer avec ces cartes jus-
qu'à ce qu'elles soient usées, sans que les personnes qui
s'en étaient servies si souvent aient fait lamoindreatten-
tion à cette légère différence de largeur dans les bouts.
CARTES.

SECTION XIX.

Annoncer d'avance quune carie qu'on va penser se

trouve sur le jeu , et la montrer en la faisant nom-


mer.

Voici bien le tour le plus audacieux que j'aie jamais


vu exécuter. Je pourrais le faire, mais je n'oserais pas
m'y hasarder devant quelqu'un semblable, en cela , , à
ces personnes qui chantent passablement quand elles

sont seules dans leur chambre, et qui ne trouvent plus


de voix pour chanter en compagnie.
Le prestidigitateur qui faisait ce tour était Gonus
père; mais, connaissant son adresse et son intelligence
des tours, cela ne m'étonnait pas. Lecteur, si vous
voulez l'imiter, voici ce qu'il faut faire.

On arrange les cartespar dix-huitièmes, et on donne


aux quatre genres de points un ordre qu'il faut classer

dans sa mémoire. J'ai déjà parlé précédemment de


celte méthode, et je ne la rappelle ici que parce qu'il
est nécessaire de s'en servir. J'ai dit que Tordre que
j'avais adopté était pique, trèfle, carreau et cœur. On
peut changer cet arrangement, si on le juge à propos,
l'important est de s'en souvenir.
Les cartes étant ainsi disposées, vous vous présentez
en faisant un faux mélange et en coupant plusieurs
fois dans vos mains, comme par amusement, mais bien
PnESTIDlGITATIOiX.

clans l'intention de prévenir tout soupçon d'arrangé^


ment.
Pour savoir dans quelle disposition sont alors les
cartes, il suffit de regarder celle de dessous par le
principe de la carte à vue. Si, par exemple, vous a vez
vu sous le jeu le valet de trèfle, vous savez que le dix
de trèfle est dessus, puisque cette carte est la suivante
du valet du même point.
Je dis suivante, car si vous mettiez dessus ce valet,
la carte qui viendrait après serait le dix.

Maintenant, venons à lexécution. Yous vous adres-


sez à une personne de la compagnie en lui disant ,

« Madame, pensez une carte celle que vous allez pen-


;

ser est sur le jeu. Nommez-îa. »

Supposons que Ton nomme la dame de pique, et que


vous ayez vu le valet de carreau sous le jeu. Voici le
calcul qu'il faut faire en un cîin-d'œil (promptitude

que l'habitude donne) : vous vous dites : le valet de


carreau étant dessous, il y a encore quatre carreaux
sur le jeu. Pour arriver à la dame de pique, il y a huit
cœurs et deux piques, qui font dix cartes à joindre aux
quatre carreaux; ce qui fait quatorze cartes à faire pas-
ser de dessus en dess(ms par la coupe ,
pour que 1^
dame de pique soit sur le jeu. Alors, en employant la
troisième manière de faire sauter la coupe d'un€ main,
vous divisez le jeu avec le bout des doigts, à l'endroit
que le tact vous indique pour séparer ces quatorze
cartes du^ reste du jeu. Vous fourrez rannulah'e dans
la séparation, et vous faites sauter la coupe. Comme, en
€ARÏES. \5l>

h faisant saiHer de cette manière, vous voyez la carte

qui va dessous, vous savez si vous êtes tombé juste;


car si vous voyez le roi de pique allant sous le jeu, vous^

êtes sûr que la dame est dessus. Si vous voyez une


autre carte, il fout faire resauter la coupe en consé-
quence, pour arriver à voir ce roi dépique, et tant qu'il

n'arrive pas.
Remarquez bien que cette manière de faire sauter

la coupe n'a rien de suspect. On a simplement l'air de


mêler les cartes d'une main, comme si on voulait faire
preuve d'adresse ; et cela se conçoit , car les specta-
teurs, regardant les cartes s'agiter et n'en voyant que
le dos, ne se doutent pas qiie les figures vous passent
sous les yeux. Je l'ai déjà dit et je le rappelle.
On sent bien qu'il faut pratiquer, pour acquérir cette
sûreté de tact : cependant, cela n'est pas aussi difficile

qu'on pourrait bien le penser d'abord. Sans m'être


beaucoup exercé à ce tour, je le réussis souvent, et si

je me trompe, ce n'est guère que d'une carte. Mais le


cas devient un peu embarrassant quand la carte de-

mandée est sous le jeu, parce qu'il est difficile de faire


passer une seule carte en dessus. 11 vaut mieux renou-
veler plusieurs fois la coupe.
Quand la carte pensée se trouve la deuxième m
dessus , ce qui arrive assez souvent , alors c'est une
circonstance heureuse, parce que vous montrez la pre-
mière carte, et naturellement on vous dit que ce n'est
pas celle qu'on a pensée. Vous remettez la carte sur le
jeu, en disant d'un air mccoulcnt : « Gomment, vous
PlŒSriDlGUATION.

n'avez pas pense la dame de pique? » On vous répond


que c'est bien la dame de pique que l'on a pensée, mais
que vous ne faites voir que le roi. En reprenant la
carte sur le jeu, mais que vous filez, pour vous empa-
rer delà seconde, en employant la deuxième manière
de filer la carte, vous répliquez; « Mais vous vous
trompez ;
j'en appelle à toute l'assemblée, et je demande
si ce n'est pas là la dame de pique. » Alors tout le

monde, voyant cette carte, pense que vous avez fait

cette feinte exprès pour rendre le tour plus frap-


pant.
Je recommande de s'exercer souvent à faire sauter

la coupe d'une main, selon la troisième manière. C'est


la meilleure et la plus utile, comme je l'ai dit en dé-
crivant cette coupe. Elle est la seule que Conus père
employait dans ses tours. Je recommande encore d'être
en garde contre cette prévention que j'ai remarquée
chez plusieurs personnes, qui est de se croire plus ma-
ladroit qu'on ne l'est et de n'être point apte à ce talent
d'amusement. On s'imagine qu'il faut être doué d'une
adresse extraordinaire pour faire des tours : on se
trompe; si on le veut sérieusement, avec un peu plus
ou moins de pratique, il est donné à tout le monde de
devenir maître en peu de temps; je suppose, toute-
fois , que l'on ne soit ni paralytique ni manchot.
Il y a des choses qui paraissent à peu près impos-
siblesau premier aspect: essayez-les avec attention, et
vous ne tarderez pas à changer d'avis. Ceci me rappelle
un fait dont j'ai été témoin il n'y a pas longtemps. J'ai
CAUTKS. 157

Vu un jeune prestidigitateur qui, causant avec cinq


ou six personnes, disait à l'une d'elles : « Pensez une
carte et je vais vous la nommer sur-le-champ. Mais,
pour que l'on soit sûr de la vérité, et que Ton ne croie
pas que votre aveu soit dicté par la complaisance, dites
votre carte tout bas à Torcille de quelqu'un , moi étant
éloigné. » On fit ce qu'il demandait, et sur huit ou dix
fois qu'il a recommencé son expérience , il ne s'est pas
trompé d'une.
Il ne nous fît pas un mystère de son secret. Il nous
fît remarquer que les différents mouvements des lèvres
dans la prononciation pouvaient facilement s'inter-
préter, étaient très-sensibles dans tous les noms de
cartes ,
qu'on ne pouvait pas s'y tromper avec un peu
d'habitude et en prêtant toute son attention ; mais
qu'il fallait se placer de façon à pouvoir apercevoir la

bouche de la personne qui nomme la carte, sans qu'il


soit d'une nécessité absolue de la voir dans son entier.
J'avais peine à ajouter foi à une perspicacité si puis-
sante; cela me paraissait prodigieux; mais je ne tardai
pas à être convaincu, quand je vis toutes les personnes
présentes essayer l'expérience et réussir à peu près
toutes. La plupart devinaient cinq fois dans six.
m PRESTIDIGITATIOW.

SECTION XX.

Faire voir une carte , la poser sur la table , et la faire

changer sans y toucher , n ayant pus d'autres cartes


dans les mains.

Il faut, pour ce tour, une carte préparée de la ma-


nière suivante.
On dédouble, par exemple, un neuf de pique et un
as de cœur. On colle ces 'deux cartes de façon à ce
que le dos du cœur soit sur les points du pique, et sur
le dos de ce pique on colle une des feuilles blanches
qui proviennent du dédoublement. Cette carte paraît
alors n'être qu'un as de cœur.
On peut faire ^soi-même ces points sur du fort pa-
pier, et on les colle dans la disposition qu'il vient d'être
dit. Quand ces cartes sont sèches, on les lisse comme
je l'ai expliqué dans la section YL
Si cette carte qui ne représente qu'un as de cœur
est regardée en travers à la lumière, on verra parfaite-

ment le neuf de pique. Le point du cœur, qui doit


s'adapter exactement au pique du milieu , sera éclipsé
parce point de pique et ne sera nullement apparent.
On comprend que cette carte peut servir à plusieurs
tours. Ceux qui sont le plus surpris de ses effets, sont
les prestidigitateurs, qui ignorent ce moyen, n'en con-
naissant pas d'autres que celui de filer la carte pour la
changer.
CARTES. î 5D

Gomme on ne donne ordinairement de séances que


le soir, la difficulté, pour faire usage de cette carte pré-
parée, est de ne laisser paraître aucune affectation,
quand, pour faire voir le neuf de pique aux spectateurs,
vous l'interposez entre eux et les bougies. C'est au mo-
ment où vous dites: « Messieurs, je pose ici, sur la

table, ce neuf de pique , » que vous le placez devant et


tout près des lumières; mais ne vous y arrêtez pas: le
temps d'un clin-d'œil suffît pour laisser apercevoir ce

neuf de pique. L'ayant vu poser ainsi , les assistants

sont bien persuadés que c'est le neuf de pique.


L'as de cœur n'est point du tout aperçu comme on ,

pourrait le croire, quoiqu'il soit en face des spectateurs,


mais il faut vite baisser la carte en la passant près des
lumières. Le même effet a lieu au jour comme aux
lumières; mais, dans ce cas, il faut que l'assemblée
soit en face des fenêtres , et que vous soyez près de
celles-ci.

On peut produire un effet merveilleux, si on se sert


de cette carte pour terminer le tour de l'escamotage
des quatre as , de la section VL Quand vous arrivez à
la dernière, vous prenez cette carte, qui est disposée
sur le jeu. Vous posez ce jeu sur la table, et vous
dites : « Je n'ai plus qu'un as à prendre. » En disant
ces mots , vous passez la carte près des bougies , en
faisant le mouvement qui est naturel pour aller tou-
cher la main de la personne qui tient les as. Et, d'ail-

leurs, ce geste de faire voir la carte est interprété par

les spectateurs, comme si vous disiez : Yoilà celle qui


IGO ITtESTIDIGlTATiON.

va devenir mon quatrième as. Vous le baissez vite et


le jetez sur la table. On conçoit l'étonnement des spec-
tateurs, qui , venant de voir un neuf de pique, voient
dans le moment un as de cœur, et sans avoir perdu la
carte de vue. Etonnement d'autant plus grand, que
vous n'aviez dans les mains que cette seule carte, qui
vient de changer subitement d'une manière si extraor-
dinaire.

Je le répète, on peut faire, au moyen de cette carte

transparente, plusieurs tours surprenants que l'ima-


gination doit suggérer. Je vais seulement en expliquer
un seul, qui pourra en inspirer d'autres.
Faites faire par un ébéniste une petite boîte bien
simple, de la forme d'une carte, et un peu plus grande,
bien entendu. Il faut que les deux parties soient abso-
lument pareilles en tout. Cette boîte doit être environ
d'un pouce d'épaisseur, les deux parties ensemble, les-
quelles sont jointes par deux charnières. Faites un
cœur sur le dos d'un neuf de pique. Consé-
point de
quemment, cette carte sera as de cœur d'un côté, et
neuf de pique de l'autre.

Mettez, quand vous voudrez faire le tour, la carte


transparente sur le jeu , et le vrai neuf de pique
dessus.
Donnez la boîte à tenir à une personne. Ouvrez le

jeu , comme si vous vouliez prendre la première ve-


nue; mais prenez la carte double en la laissant voir du
côté de l'as. (Cette carte était mise d'avance dans le
jeu.) Mettez-la dans la boîte, que vous reprenez des
CARTES. 161

mains delà personne, sous prétexte de faire voir aux


spectateurs que c'est l'as de cœur que vous venez d'y
placer. En fermant la boîte par la partie dans laquelle
se trouve la carte , cette carte se retourne naturelle-
ment et paraîtra, en rouvrant la boîte, du côté du neuf
de pique. Vous remettez cette boîte entre les mains de
la personne qui la tenait. Maintenant, vous faites un
faux mélange, et vous dites: « Je vais prendre une
carte, n'importe laquelle, que je vais poser sur la

table. » En parlant ainsi , vous prenez sur le jeu le vé-


ritable neuf dépique, que vous montrez, et continuant
de parler, vous dites: « 11 est question de faire passer
invisiblement ce neuf de pique dans la boîte que Ma-
dame tient fermée , et de faire venir l'as de cœur qui
est dans cette boîte à la place du neuf de pique. Ne
croyez pas. Messieurs, que je vais en prendre un autre
adroitement sur le jeu. Pour prévenir tout soupçon, je
mets ce jeu sur la table, et je pose ici le neuf de pique. »

En disant : <c Ne aboyez pas , Messieurs , que je vais en


prendre un antre sur le jeu, » vous avez posé sur ce
jeu la vraie carte, comme geste indicatif, et en fei-

gnant de la reprendre , vous avez pris la seconde par


le principe de la carte filée par le deuxième moyen ; et

comme, en disant : a: Je pose ici ce neuf de pique, i>

vous le passez près de la lumière, les spectateurs,


l'apercevant, ne peuvent pas penser que vous l'avez
changé, et leur surprise est grande quand vous décou-
vrez l'as de cœur, et que vous faites voir, en ouvrant la

boîte, que le neuf de pique en a pris la place.


PRESTlDIGlTATIOiS.

Il faut reprendre le jeu sur la table dans le moment


où la personne qui tient la boîte l'ouvre sur votre in-

tention ,
parce que, quand elle fait voir le neuf de
pique , vous prenez cette carte et vous la mettez dans
le jeu aussitôt, en priant les assistants de visiter la
boîte, pour s'assurer qu'il n'y a point de double fond.
Mais vous avez dû placer la carte double dans le jeu,
de façon à pouvoir faire sauler la coupe, pour l'enlever
et la poser sur la planchette, en même temps que
vous mettez le jeu sur la table.
Quant à la carte transparente, vous la reprenez
comme une autre carte , et vous la remettez dans le
jeu. Cependant, il serait bon de la prendre avec l'autre
sur laquelle vous la mettriez, afin de pouvoir les enle-
ver ensemble et les mettre à l'abri de toute investiga-
tion ; car il faut toujours prévoir et prévenir les éven-
tualités fâcheuses; il pourrait arriver, qu'ayant laissé
ces deux cartes dans le jeu , il prendrait fantaisie à
quelqu'un de mettre la main dessus pour l'examiner,
et qu'il pourrait y trouver ces cartes.
L'invention de la carte transparente est due à un
ancien ami , M. Théodore 3Iassy, qui était amateur et

très-ingénieux pour trouver des moyens relatifs à la

physique amusante.
CASITES. 105

SECTION XXÏ.

Une carte ayant été prise et mêlée dans nn jeu que


Von étale circulairement sur une table, au milieu de
laquelle on aura placé un pivot armé d*une aiguille
à cadran, faire qu'en tournant Vaiguille, sa pointe
s arrête sur la carte prise et mêlée.

Ce tour est aussi de l'invention d'un amateur, à ce


que m'a dit un habile prestidigitateur qui m'en a donné
le secret, en m'avouant que, bien que ce secret fût d'une
simplicité puérile, il en avait été fort intrigué.

On place verticalement un pivot sur un plateau de


bois d'une circonférence convenable pour contenir
autour et tout juste les trente-deux cartes du jeu de pi-

quet. Sur ce pivot , on adapte une aiguille semblable


à celles que les marchands d'oubliés mettent sur leurs
boîtes, pour confier au hasard le sort de leur marchan-
dise. Si on n'a pas de plateau, on peut se servir d'une
table ordinaire, sur laquelle on tracera un cercle ca-

pable de contenir les trente-deux cartes placées l'une


contre l'autre. Ce dernier préparatif me paraît encore
le meilleur.
Ces dispositions prises, on fixe le pivot muni de son
aiguille au milieu de la table.

Après avoir exécuté un certain nombre de tours de


cartes, on en fait tirer une, et on donne le jeu pour y
mêler celle qui a été prise librement. Ensuite on place
ii
m PHESTlDIGlTATlOrH.

toutes les eartes autour du cercle, les figures en des-


sous. On fait tourner foi tement l'aiguille, dont la pointe
s'arrête sur la carte qui a été prise. On la fait nom-
mer, et on la retourne pour prouver que l'aiguille ne
s'est pas trompée.
Explication. — Au lieu de prendre un jeu complet
on en prend un composé de toutes cartes semblables
mais on a soin de mettre sous ce jeu une carte d'un
point différent des autres, et on la laisse voir sans af-

fectation. Cette carte est mise pour qu'on n'en voie pas
sous le jeu une pareille à celle qu'on a tirée. On ne doit

pas s'inquiéter de cette carte, car ce serait un grand


hasard si la touche s'arrêtait sur elle. Mais si ce hasard
arrivait jamais, on en serait quitte pour recommencer
le tour, en attribuant ce malheur à l'humidité de l'air

ou à l'influence de la lune qui, pouvant déplacer les


eaux de la mer, a bien pu déranger vos cartes. Et si

quelques pei'sonnes paraissaient douter de l'excellence


de vos raisons, voici celles que vous pourriez leur don-
ner pour les convaincre :

« Messieurs, ce que je viens de vous dire est sérieux ;

car vous avez dû remarquer plusieurs fois que dans y le

temps de la pleine lune, et même souvent plus tôt, pourvu


que le ciel soit bien pur, parce que, s'il y avait le moindre
nuage, on ne verrait rien. On dit qu'il faut prendre tant
de précautions, que plusieurs personnes y ont renoncé.
Cependant fen ai connu qui m'ont assuré qii ordinaire-
ment cela ne manque jamais, mais qitil faut être très-

attentif. Quant à cela, je le crois bien ,


parce que j'ai
CAKTES. 165

rencontré plus de vingt naturalistes qui mont dit n avoir


jamais pu y parvenir. Cependant, si la chose est vraie,

comme les physiciens nous V assurent, on doit penser quil

y a dans la nature des effets dont les causes 7ious seront

peut-être éternellement cachées; car si le phénomène dont


je viens de parler a été observé par tant de personnes ,

comment se fait-il qu aucune n ait pu nous rendre raison


d'un résultat aussi extraordinaire? J'en appelle à votre
sagacité; quant à moi, j'avoue que je n^y comprends
rien du tout , mais je n'en suis pas moins persuadé
que c'est ce qui m'a empêché de réussir le tour. »

Après un raisonnemeofc aussi sublime, je ne crois


pas qu'il puisse y avoir un esprit assez rétif pour se
montrer rebelle à l'évidence de vos arguments. D'ail-

leurs, ce qu'on ne comprend pas est toujours très-per-

suasif, et je vous conseille d'user de ce moyen quand


un accident malheureux vous arrivera, car les plus
récalcitrants n'auront plus d'objections à vous faire.
Revenons à notre tour.

Si on reproche à l'inventeur la frivolité de son pro-


cédé, je réponds que les moyens, quels qu'ils soient,

sont toujours bons quand le but qu'on se propose est


atteint. Si le tour est accueilli tel qu'on l'a présenté,
on n'a rien à demander de plus. Les spectateurs vous

ayant vu faire plusieurs tours avant celui-ci, et con-


stamment avec des jeux bien conditionnés , sont loin
de soupçonner la supercherie, et la carte qu'ils ont
aperçue sous ce faux jeu aurait suffi pour arrêter tout
soupçon.
m PRESTIDIGITATION.

Réflexion. •
— Des personnes sérieuses et d'une liu-
meur un peu chagrine, comme il s en rencontre trop
souvent malheureusement pour elles trouveront sans
, ,

doute d'un mauvais goût la bouffonnerie amphigou-


rique dont je viens de me servir; mais je leur dirai
qu'il faut avoir égard aux circonstances. Quand on
fait des tours pour amuser une assemblée nombreuse,
il faut adopter tout ce qui peut augmenter sa gaîté, et

j'ai eu occasion de remarquer qu'à cet effet, la plaisan-


terie dont il est question était de celles qui ont souvent
plus de succès que des saillies spirituelles. D'ailleurs ,

qui ne sait qu'en société, les bonnes grosses bêtises,


pourvu qu'elles ne choquent pas la bienséance, sont
plus propres que les traits d'esprit pour désopiler la
rate?
Je ferai observer aux prestidigitateurs qui voudront
user de ces amphigouris, que pour qu'ils fassent tout
leur effet, il faut les débiter avec la gravité doctorale
et le ton qui convient au sujet.
Que Ton se figure la situation comique dans laquelle
se trouvent les spectateurs en écoutant ce singulier
discours; car, le prenant d'abord au sérieux, chacun
cherche h saisir un sens dans des phrases qui n'en
ont point du tout. On se regarde, comme pour se de-
mander l'explication de ce que l'on entend sans rien
comprendre; mais on ne tarde pas à s'apercevoir delà
mystification. Alors une explosion d'hilarité termine
ordinairemeqt cette scène.
On sent qu'il n'est pas difficile de composer de ces
CAUTES. 161

pîîrases amphigouriques; chacun peut les faire selon

son idée ; mais il ne faut s'en servir qu'à propos, et


quand la circonstance le permet.
Il y a encore une autre manière de parler sans rien
dire : c'est une espèce de baragouinage dans lequel on
n'entend que certains mots intelligibles, mais qui ne
se rattachent à aucun sens. Cette mystification , étant
faite à propos , est encore plus comique que la précé-
dente.
Comme ce n'est qu'un amas de m.ots sans suite et
sans signification , on peut aisément en composer soi-

même. Je vais seulement en jeter un sur le papier, pour

en donner une idée.


Si, par hasard, une personne dont le caractère et la
position sociale commandent des égards et de la consi-

dération, venait à vous interpeller sans façon, pour


avoir l'explication d'un tour, comme cela arrive quel-
quefois , et que vous n'osiez ,
par déférence, répondre
par un refus, ne vous déconcertez pas, et en témoignant
le désir de la satisfaire, faites-lui la démonstration
suivante avec le plus grand sérieux :

<L Monsieur, voici le moyen dont je me sers el comme


il faut Vexécuter. D'abord^ je vous dirai qu'il est encore
pour la chose,
'pour cette épreuve à présent seulement ici
quand je Vai retenue du cokacé pour y voir en bleu tayé
du coté du fond; car il faut canapalabapal croyant quil
passe là en le prenant par un bout. De sorte, comme vous
voyez, qu'il est encore ici par ce moyen pour deux
causes, La première, on doit, autant pour tout en avoir
168 PRESTIDIGITATION.

un dans sa poche afin qu on ii y voie pasV autre ; parce que

comme je vous le disais tout- à-V heure ^ en donnant tout y


va quand la boîte est fermée ; mais aussi vous comprenez
qu'on ne peut inani par en bas, et que par la raison qu'il

a touché au ressort, il surprend d'autant mieux quil


n'est pas dans la main.
2> Voilà, Monsieur, la meilleure manière. En suivant
exactement ce que je viens de vous dire, il n'est pas pos-
sible de manquer ce tour, et vous pourrez le faire aussi
bien que moi. »
Soyez sûr que Ton ne vous en demandera pas davan-
tage, et qu'on sera très-satisfait de votre explication,
que je vous conseille de débiter vivement pour la rendre
plus persuasive et plus convaincante.

SECTION XXÎI.

Deviner de suite les cartes qu'on prend librement dans


un jeu.

11 faut avoir un jeu arrangé dans un ordre qui laisse

paraître les cartes bien mêlées. En voici un fort

simple.
Retenez ces noms, qui forment une phrase intelli-

gible qui aide la mémoire, en les prononçant dans


Tordre qui suit : « Huit rois valent neuf dames dix sept
as. » Le mot valent signifie valet.
Retenez aussi l'ordre des quatre g'Snres de cartes
CAÎ\TLS.

dont nous avons dojà parlé, qui est : pique, trèfle, car-
reau et cœur. Yoici comme il faut les placer. Le pre-
mier genre, c'est pique, et la première carte de la

phrase est un Imil; mettez donc le huit de pique sur la


tahle. Le second genre de point, c'est Irèfle, et la

deuxième carte delà phrase, c'est un roi; mettez sur le


huit de pique le roi de trèfle. Le troisième mot de la

phrase c'est valent, et le troisième du genre, c'est car-

reau ; vous mettez le valet de carreau sur les deux


cartes déjà placées. Et ainsi de suite, en observant tou-
jours ces deux ordres. Voici comment sera composée
la première série, les cartes étant placées l'une sur
l'autre : huit de pique, roi de trèfle, valet de carreau,
neuf de cœur, dam.e de pique, dix de trèfle, sept de
carreau, as de cœur.
Remarquez, qu'ayant placé l'as de cœur, dont le
point est le quatrième dans l'ordre des genres, il faut
recommencer par pique. Mais comme, après l'as, on
reforme une autre série par un huit, et que celui de
pique est passé, il faut alors mettre le huit de trèfle,
puisque le trèfle suit le pique; et vous continuez en
conservant toujours ce système d'arrangement, de sorte
qu'ayant mis le huit de trèfle, c'est le roi de carreau
qu'il faut placer dessus, etc.

Le jeu étant ainsi préparé, si vous faites prendre une


carte, il faut toujours couper à l'endroit où la carte a
été prise, il suflit de mettre dessous le paquet de des-
sus. Donnez un coup d'œil sur la carte de dessous. Si,

par exemple, vous voyez le valet de trèfle, en récitant


470 PRESTIDIGlTATlOlVc

mentalement la phrase, vous savez que c'est un neuf'


qui suit le valet; et connaissant Tordre des quatre
genres de points, vous savez aussi que ce neuf est
celui de carreau, puisque ce dernier point suit le

trèfle; donc c'est le neuf de carreau qu'on a pris.

Autre exemple : si vous voyez la dame de carreau


sous le jeu, après avoir coupé, par l'ordre des cartes,
vous savez qu'un dix suit une dame, et par l'ordre des
genres de points, que le cœur suit le carreau ; donc
c'est le dix de cœur qu'on a tiré.

Si on veut s'en donner la peine, une demi-heure de


pratique suffit pour se mettre parfaitement au fait.

. Mais j'ai ici une observation importante à faire.

Gomme les séries commencent par un huit, on ne peut


pas (pour les huit seulement) suivre l'ordre des genres
de points comme je l'ai recommandé; car, ayant pris
le huit de pique pour première carte de la première
série, et cette série se terminant par l'as de cœur, vous
ne pouvez que mettre le huit de trèfle sur cet as de
cœur pour commencer la seconde série. Et comme le

cœur, d'après notre système, doit être suivi d'un

pique, l'ordre est donc interverti. Il en est de même


pour les autres huit. Mais il est très -facile d'obvier à

cet inconvénient. D'après le petit dérangement que je


viens de dénoter, le huit de pique et l'as de carreau
sont toujours ensemble, comme le huit de cœur avec
l'as de Pour ne pas vous tromper, retenez dans
trèfle.

votre mémoire ces deux mots picar, irefcœur. Dans :

lîC moi pic ar, la première syllabe signifie pique, et la


,

CARTES. 171

seconde carreau ; dans le mot trefcœur, la première syl-


labe vous rappelle trèfle, et la deuxième, cœur. Vous
retournez le mot , si la carte que vous voyez sous le

jeu l'exige. Expliquons cela.


Si vous voyez l'as de trèfle sous le jeu, pensez au;
mot qui vous indique le point qui s'accouple avec le
trèfle ; vous trouverez cœur ; donc on a pris le huit de
cœur. Si vous voyez l'as de cœur , vous savez que le

cœur s'allie avec le trèfle ; donc c'est le huit de trèfle


qui a été tiré.

C'est la même chose pour le pique et le carreau. Si

vous voyez sous le jeu Tas de carreau, c'est le huit de


pique qu'on a enlevé. Si vous voyez l'as de pique, c'est
le huit de carreau qu'on a retiré.
Yous voyez qu'avec ce jeu, dans lequel toutes les
cartes paraissent parfaitement mêlées, vous pourrez
connaître toutes celles qu'on tirera librement. Il sera
bon de couper plusieurs fois de suite devant les spec-

tateurs avant de faire prendre la carte ,


pour prévenir
tout soupçon d'arrangement, car, quand on voit cou-
per les cartes, ou croit généralement que si elles

étaient placées dans un ordre donné, cet ordre serait


interverti.

On comprend que l'on peut faire , avec ce moyen


beaucoup de tours surprenants. Je vais en décrire un»
pour donner une idée du parti que l'on peut tirer de
cet arrangement.
PRESTIDIGITATION.

SECTION XXIIL

Etaler un jeu sui' la table, les figures en dessous; prier


quelqu'un d'en détacher une carte à volonté, et faire
qu'une carte prise dans un autre jeu soit précisément
celle quon a indiquée au hasard et librement.

Vous aurez soin de préparer par dix-liuitièmes un


second jeu que vous placerez d'avance sur la table.

Vous ne négligerez pas d'établir un ordre de place-


ment dans les quatre genres de points, afin d'être plus
à portée de vous y reconnaître, dans la recherche
d'une carte que vous serez obligé de faire prompte-
ment.
Après avoir fait un faux mélange avec le jeu arrangé
comme je lai expliqué ci-dessus, section XXII, et mon-
tré que les cartes sont bien pêle-mêle, vous les étalez
sur la table, les figures en dessous, en faisant une lon-
gue bande, mais en prenant garJe qu'il n'y en ait pas
de séparées tout-à-fait. Vous invitez une personne à
venir en choisir une et à la détacher des autres. Vous
ramasserez les cartes, en prenant d'abord à l'endroit
même où on en a pris une. Vous ramassez de suite
l'autre partie du jeu, dont vous un paquet que
faites

vous mettez sur le premier. En rassemblant ces deux


paquets et en les frappant sur la tranche comme pour
les égaliser, vous jetez un coup d'œil sur la carte de
dessous. Celte carte était la dernière du premier pa-
C\UTES. 175

quet que vous avez ramassé, et, par conséquent, celle


qui précédait la carte qui a été séparée des autres. En
connaissant cette carte, vous connaissez naturellement
celle qui suit. Yous laissez sur la table ce premier jeu,
un peu éloigné de la carte qui en a été retirée. Yous
allez prendre le jeu arrangé par dix-huitièmes ; il ne
vous faut qu'un instant pour trouver la pareille à celle

qui a été choisie; vous la faites tirer forcément, en-


suite vous demandez à la personne qui a séparé la carte

des autres du premier jeu, le nom de cette carte. Cette


personne, ne l'ayant pas vue , répondra qu'elle n'en
sait rien. Alors vous dites : « Monsieur, personne ne
connaît cette carte que vous avez touchée au hasard
et à votre volonté. Ni vous ni moi ne l'avons vue. Mais,
pour savoir ce qu'elle est sans la retourner, il suffira

de regarder celle que Madame vient de tirer à son


choix dans ce jeu ; car je veux que cette carte soit la
même que celle qui est sur la table, et que vous avez
bien voulu séparer des autres. » On fait voir les deux
cartes, et chacun en reconnaît l'identité.
On concevra Feifet que doit produire ce tour sur l'es-
prit des spectateurs, si l'on réfléchit que personne ne
se doute que les cartes sont arrangées, et que tous
les assistants sont persuadés que la carte qui a été ti-

rée dans le second jeu l'a été librement ,


puisque l'on

ne vous a pas vu chercher dans ce jeu pour en mettre


une à votre disposition, comme on serait obligé de le
faire, si les cartes n'étaient pas arrangées par dix-hui-
tièmes.
,

174 PaESTIDrOlTATIOîX.

Je finis la description des tours de cartes , dont au-


cun, selon ma conviction, n'a encore été publié. Ayant
feuilleté les ouvrages d'Ozanam , de Guyot et de De-
eremps, n'ai trouvé dans ces douze volumes que
trois ou quatre tours qui soient bien composés et dignes
du temps actuel. Je n'ignorais pas ces tours ; mais
comme je me suis fait une loi de n'admettre dans mon
livre que ce qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été écrit, je
voulais les passer sous silence. Néanmoins, en pensant
que les amateurs qui ne possèdent pas les ouvrages
que je viens de citer, seraient privés de quelques jolis
tours, j'éprouvais des regrets ,
j'étais tenté, j'hésitais.

J'ai enfin triomphé de mes scrupules , et je donne ces


tours à la suite de ceux que je viens de décrire , dans
l'intérêt des personnes qui ne les connaissent pas es- ,

pérant que Ton ne m'en saura pas mauvais gré.


Cependant après avoir donné ces
,
trois ou quatre
tours tels qu'ils sont écrits dans les livres d'où je les
ai tirés , je me permettrai de faire quelques observa-
tions tendant au perfectionnement de ces tours, en
priant le lecteur de ne pas attribuer à une manie de
frondeur les censures que je pourrais faire.
CARTES.

Faire disparaître cVun jeu une carte pensée, pour la


faire trouver dans tout autre endroit.

Je commence ce petit supplément par un tour qui


est de très-peu d'importance , parce qu'on n*en a pas
lire parti. Ce jeu est de pure combinaison arithmé-
tique; je n'en parle que parce qu'à l'aide de la presti-
digitation ,
j'ai pu y ajouter une circonstance qui le

rend réellement étonnant, de peu de chostï qu'il était.

Ceci prouvera qu'en mêlant l'adresse aux tours de cal-

cul, on peut leur donner beaucoup plus d'éclat.


J'ai trouvé ce petit tour dans un ouvrage intitulé
Dictionnaire des jeux familiers.
On prie quelqu'un de penser une carte. On fait trois

tas sur la table, en mettant alternativement une carte


sur chaque tas, jusqu'à la fin du jeu. On demande à la

personne qui a pensé la carte, dans quel paquet elle

se trouve. Vous prenez le tas indiqué , et vous mettez


ksdeux autres dessous. Vous faites trois fois la même
chose, en mettant toujours le tas désigné sur les deux
autres, A la troisième fois , la carte pensée se trouve
dessus. Je veux dire qu'elle est la première du tas
indiqué. Vous ramassez les paquets comme il est

dit, et la carte se trouve la première du jeu. En


relevant vivement les cartes, les spectateurs ne font
pas attention où va celle qui a été pensée, et, d'ail-

leurs, ils sont loin de croire que vous la connais-


170 PRESTIDIGITATION.

sez déjà. Alors, au lieu de la nommer bonnement,


comme cela est conseillé dans Fouvrage cité ci-dessus,

et de terminer ainsi le tour , enlevez la carte et donnez


le jeu à mêler. Dans le temps que l'on mêle, vous met-
tez à votre poche la carte que vous avez dans la main.
Ensuite, recommandez à la personne qui tient le jeu
de le serrer entre ses doigts, et dites : a Monsieur, non-
seulement je connais votre carte et puis vous la nom-

mer, mais, de plus, je veux l'escamoter. » Vous frap-


pez sur le jeu , en ordonnant à la carte d'en sortir et
d'aller dans votre poche. Yous la retirez pour la faire

voir après qu'on l'aura nommée.


On peut fairemieux encore. Pendant que l'on mêle
les cartes, on va chercher une de ces boîtes mécanisées
dont je donnerai la description dans la troisième par-
tie de cet ouvrage, et vous mettez dans cette boîte la

carte que vous avez enlevée. Cette carte n'est pas vi-
sible et ne paraît que quand vous le voulez. Vous re-

venez et vous faites voir qu'il n'y a rien dans la boîte

que vous donnez à tenir à quelqu'un. Vous frappez sur


le jeu que Ton tient comme je l'ai dit, en ordonnant à
la carte pensée de passer dans la boîte. On l'ouvre
pour faire voir la carte , et on recommande de visiter

le jeu, pour prouver que la carte n'y est plus.


CARTES. Ml

Plusieurs personnes ayant pris chacune une carie don- ,

ner ces cartes à mêler, et faire que Vune d'elles se

change successivement en toutes celles qui ont été


prises.

Ce tour a été très-bien décrit par Decremps ; il est


encore un des plus beaux que Ton puisse faire. Cepen-
dant, je me permettrai de ne pas me conformer tout-
à-fait à sa méthode ,
parce qu'il y a quelques particu-
larités à ajouter et quelques choses à retrancher.
Par exemple, le paragraphe 8. 11 enlève deux cartes,
et donne le jeu à mêler. Donner le jeu à mêler n'est ici

qu'un prétexte inutile, pour avoir occasion de regar-


der la carte qu'il ne connaissait pas parmi les deux
qu'il a enlevées. Il est toujours dangereux d'enlever
des cartes quand on doit les tenir un certain temps
dans sa main , comme celui qui est employé pour
mêler les cartes. On ne doit se servir de ce moyen que
quand il est inévitable. Ici , c'est inutile. Si on a besoin
de voir dans le jeu une carte qui vous est inconnue,
on doit avoir recours au principe de la carte à l'œil ;

mais on ne le connaissait pas du temps de Decremps.


Je vais donc décrire ce tour selon ma manière de
l'exécuter.

Je fais prendre une carie, en affectant délaisser choi-


sir librement celle qu'on voudra. Je la fais mettre dans
le jeu, et, par la carte à l'œil, je la connais. Je fais
178 ÏMVESTrDIGlTATION.

tirer forcément cette même carte par quatre ou cinq


personnes éloignées les unes des autres, afin qu'elles

ne voient pas que c'est la même qu'elles ont tirée ; à


chaque fois, je fais un faux mélange. Quant à la der-

nière que je fais prendre, je la laisse entre les mains de


la personne. J'en fais tirer une seconde, que je recon-

nais aussi par le moyen de la carte à l'œil, après l'avoir


fait remettre dans le jeu. Je coupe à l'endroit où on
vient de la mettre; je fais poser dessus celle qui est
restée dans les mains de la précédente personne. Je
couvre ces cartes de l'autre paquet. Je fais sauter la
coupe, et les deux cartes se trouvent sur le jeu. Ici,

je nomme ces deux cartes avec d'autres qui n'ont pas


été prises, comme pour prouver que je connais toutes
celles qui ont été tirées; mais, dans le fait, pour dé-
tourner tout soupçon que l'on pourrait concevoir
contre la diversité dés cartes; car chacun, entendant
nommer la sienne, croit que les autres sont celles qui
ont été tirées par les autres personnes.
On n'a pas perdu de vue que la première carte qui
est sur le jeu est celle qui a été tirée plusieurs fois. Je
fais prendre librement une troisième carte, je la de-

mande à la personne qui l'a prise pour la faire voir

aux spectateurs. Je fais filer la carte, en disant à cette


dernière personne: « Madame, ce n'est plus votre
carte; c'est celle de Monsieur, d

Remarquez qu'ayant fait filer la carte, j'ai dans la

main celle qui a été tirée plusieurs fois. Je la montre à

toutes les personnes qui l'ont prise, et toujours en di-


CARTES. no
sant, en baissant la carte : < Ce n*est plus la vôtre,

c'est celle de Madame, d Mais, pour donner plus d'ac-


tion à ce tour, à chaque fois que je feins de la chan-
-ger, je fais craquer la carte.
Comme ce mouvement est employé dans certains
tours, je vais donner la manière de l'exécuter.
Pour produire ce bruit, on tient la carte avec Tindex
et le pouce, et sur cet index, on met le reste des doigts
l'un sur l'autre. Je les serre fortement pour leur
donner de l'élasticité, et les laissant échapper l'un

après l'autre, chacun d'eux vient frapper la carte


assez fort pour occasionner un bruit très-sensible.
Ce mouvement est nécessaire dans le tour dont nous
nous occupons, car il faut bien mettre en évidence

quelque chose qui soit censée opérer la métamorphose.


Reprenons le tour.

Quand cette même carte a été présentée à toutes

les personnes qui l'avaient prise, il reste à montrer


celle qui était dessous, et qui se trouve actuellement
sur le jeu. Mais je feins de l'oublier, en disant : o: Je
crois que j'ai donné les cartes à toutes les personnes
qui en ont tiré. 7> En prononçant ces paroles, je fais
filer la carte. La personne qui attend la sienne me rap-
pelle que je ne la lui ai pas montrée : je la prie de la
nommer, et je la lui fais voir.

Je fais une dernière fois filer la carte pour en


prendre une quelconque; et, comme si je craignais
d'avoir encore oublié quelqu'un , je demande si tout le
monde a vu sa carte; mais on ne répond pas. Alors,
12
180 PliESflDIGlTATlON.

faisant craquer celle que j'ai dans les doigts, je la

montre en disant : « Eh bien î ce n'est plus celle de


personne. »

La différence qu'il y a entre la méthode de De-


cremps et la mienne, c'est que je laisse prendre libre-

ment la première carte, qui est celle qui doit être tirée

plusieurs fois; que je n'enlève pas les deux cartes


mises sur le jeu, opération qui donne une difficulté de
plus, et qui est tout-à-fait gratuite; que je ne prends
pas de suite sur le jeu la carte qui a été prise plusieurs
fois, mais que j'en fais tirer une autre que je fais voir,
et que je file pour avoir celle qui doit faire le sujet des

métamorphoses; qu'enfin, après avoir montré toutes


les cartes à ceux qui en avaient pris , je termine le

tour par faire une dernière fois filer la carte, pour en


faire voir une qui n'a appartenu à personne : ce qui
confirme une fois de plus que toutes les caries prises
étaient différentes.

• Parmi quelques petits tours de cartes décrits dans


Guyot, j'en ai trouvé deux forts jolis, que je ne m'atten-
dais pas à y rencontrer, et dont je n'ai pas parlé pré-
cédemment, sachant qu'ils étaient publiés. Je vais les

écrirelittéralement, et conformément au texte de Guyot.


CARTES. 181

Les cartes changeantes sons les mains,

Il faut avoir dans votre jeu une carte qui soit double
(par exemple, un roi de pique), que vous placerez des-
sous le jeu; vous mettrez au-dessous de ce roi, une
carte quelconque, comme un sept de cœur, et" dessus
le jeu votre second roi de pique ; vous mêlerez le jeu
sans déranger ces trois cartes, et montrant le dessous
du jeu, vous faites voir à. [une personne le sept de
c(eur, vous le retirez avec le doigt, que vous avez eu le

soin de mouiller, et feignant alors d'ôter ce sept de


cœur, vous ôtez le roi de pique, et le posant sur la

table, vous dites à cette même personne de couvrir


avec sa main ce prétendu sept de cœur; vous mêlez
une seconde fois le jeu, sans déranger la première et
dernière carte, et ayant fait passer sous le jeu le second
roi de pique, vous le montrez à une autre personne et
en lui demandant quelle est cette carte; vous la retirez
avec le doigt, et vous ôtez le sept de cœur, que vous
lui faites couvrir de la main; vous commandez au
sept de cœur (qu'on croit être sous la main de la pre-
mière personne) de passer sous celle de la seconde,
et réciproquement au roi dépique (qui paraît avoir été
mis sous la main de la seconde personne) de passer
sous celle de la première, vous faites lever les mains et
remarquer que le changement s'est fait.

Nota. — Les deux cartes semblables et l'attention


m PRESTÎDieiTATlON.

qu'on a de faire remarquer à la seconde personne le


roi de pique, fait paraître cette récréation assez extraor-
dinaire.
Je vais aussi me permettre quelques observations
î^ur ce tour pris dansTouvragede Guyot. D'abord, il ne
faut pas laisser aux spectateurs le temps de réfléchir.

On pûsse de suite à un autre tour. Il m'est arrivé


quelquefois que des personnes très-attenti\^es disaient
tout haut : <r Mais je crois qu'il faut deux cartes pa-
reilles pour faire ce tour. » Pour parer à cette fâcheuse
réflexion, j'avais soin d'enlever une des deux cartes
aussitôt le tour flni.

Au lieu de faire mettre les mains sur lès cartes, je


prie les deux personnes de les approcher l'une de 1 au-
tre et de les faire toucher; ou je prends la baguette
magnétique etjerecommandede faire toucher les cartes
aux deux bouts de cette baguette, en disant qu'elle a la
vertu d'opérer ce prodigieux changement au moment
où elle entre en communication avec les cartes. Ces
isimagrées sont souveiit nécessaires pour donner un air

plus mystérieux aux tours.


Quand Guyot dit qu*en feignant d'ôter le sept de
cœur avec le doigt mouillé, on ôte le roi de pique, on
conçoit qu'il veut dire qu'il faut faire glisser la carte;
cëv celui qui ne connaît pas ce principe, serait bien
gauche s'il voulait prendre la seconde carte sous le jeu
sans faire glisser la première en arrière.
CARTES. 185

Yoici le deuxième cl dernier tour que je prends dans


Guyot. 11 est aussi très-bien composé. Cest un tour de
carte pensée, mais qui tient tout-à-fait à la prestidigi-

tation. Je l'écrirai littéralement comme le précédent,


avec d'autant plus de raison qu'il est bien expliqué et
en peu de mots, chose difficile pour les tours. Je me
réserve cependant de faire quelques observations que
je crois nécessaires.

De quatre caries qu'on fait prendre au hasard dans le

jeu , en laisser penser une et la deviner.

Il faut laisser prendre à volonté quatre cartes dans un


jeu, et dire à la personne qui les a choisies, d'en penser
une à son choix. Ayant repris ces quatre cartes, on en
mettra adroitement deux au-dessus du jeu et deux au-
dessous ; et sous çei? deux dernières, on mettra quatre
cartes quelconques; on étalera ensuite le dessous du
jeu sur la table, en faisant voir seulement huit ou dix
cartes, et on demandera à cette personne si la carte

qu'elle a pensée s'y trouve. Si elle répond que non,


vous serez sûr qu'elle est dans les deux cartes que vous
ayez mises au-dessus du jeu; pour lors, vous les ferez
passer par-dessous; et lui montrant le dessous du jeu,
vous lui direz : «r N'est-ce pas là votre carte? > Si elle
dit encore que non, avec le troisième doigt, que vous
J84 PRESTIDIGITATION.

aurez légèrement mouillé , vous retirez cette même


carte, et lui direz de retirer elle-même sa carte de des-
sous le jeu.

On peut également la retirer soi-même et la mon-


trer.

Si la personne vous disait que la carte qu'elle a pen-


sée se trouve dans les premières qui lui ont été mon-
trées d'abord, il faudra retirer subtilement les quatre
cartes qui ont été mises sous le jeu, afin que les deux
cartes où se trouve celle qui a été pensée , soient au-
dessous du jeu, et vous lui ferez de même voir ou tirer

sa carte, comme il a été expliqué ci-dessus.

Observations. — Je crois qu'il est bon d'expliquer


au lecteur comment il faut mettre adroitement deux
cartes dessus et deux dessous , comme Guyot le re-

commande, mais en oubliant d'en donner le moyen ; je

vais remplir cette lacune.


Tenant le jeu dans la main, on l'ouvre avec le pouce,
ce qui est très-facile; et tenant de l'autre main les qua-
tre cartes, on les met dans le milieu qui vous est pré-
paré par le pouce, mais avec l'attention de mettre le
petit doigt entre ces quatre cartes. Vous faites sauter

la coupe : alors il y a deux cartes dessus et deux des-


sous de ces quatre cartes que vous venez de mettre au
milieu du jeu.
Dans le cas où il faudrait retirer les quatre cartes
indifférentes qui ont été mises dessous, Guyot dit
qu'il faut les retirer subtilement : il serait encore bon
d'enseigner comment il faut faire pour les àtev subtile-
CARTES. m
ment , ce qui n'est pas aussi facile qu'on pourrait le
penser. Cela se fait quand , ayant étalé les cartes pour
demander si on voit celle qu'on a pensée, il a été
répondu que oui; alors, en ramassant les cartes, on
met le petit doigt sous les quatre dernières, et on fait

sauter la coupe pour faire venir ces quatre cartes sur


le jeu. La face des cartes est en dessus, mais cela n'y

fait absolument rien.

Encore une observation importante: Guyotdit aussi


qu'il faut mettre quatre cartes quelconques sous les

deux de dessous; mais ceci, qui paraît n'être rien, est

le plus difficile du tour. S'il ne s'agissait que de pren-


dre quatre cartes dans le milieu du jeu et de les mettre
tout simplement dessous, rien de plus aisé. Mais il ne
faut pas oublier que les yeux des spectateurs sont con-
stamment braqués sur vos mains, et si on vous voit
mettre quelques cartes sous le jeu, on pensera bien
que ce n'est pas sans dessein : les doutes s'élèvent, les^

conjectures trottent dans l'esprit, et par cela on arrive


quelquefois à deviner vos moyens. C'est ce qu'il faut
éviter. Il y a des principes pour tout, et ici comme ail*
leurs. Donc, dans le cas dont il est question en ce mo-
ment, pour mettre ces quatre cartes sous le jeu sans
faire naître de soupçons , voici la manière qu'il est

d'autant plus utile de connaître, qu'elle est soavent


employée dans les tours. Ce qui oblige le plus à avoir
recours à ce procédé, c'est qu'il faut compter des
cartes, et n'en mettre ni plus ni moins que ce qui est
nécessaire.
i86 rUESTIDIGlTATIOPî.

Je suppose que yous ayez l'habitude de tenir le jeu


éans votre main droite. Prenez de la gauche un paquet
sur le jeu , et avec le pouce de la main droite , glissez,

l'une après l'autre, quatre cartes sur le paquet que vous


tenez de la main gauche; rejoignez ces deux paquets,
en remettant le tas de gauche sur celui delà droite. Ces
quatre cartes sont sur le jeu. Glissez-les une seconde
fois dans main gauche, avec le pouce de la droite;
la

vous de nouveau sur le jeu mais, cette


les reportez ,

fois , vous mettez le petit doigt de la main droite des-


sous, et vous faites sauter la coupe pour les faire pas-
ser dessous.
Il semblerait, à la description de cette manipulation,
qu'elle doit être bien longue à opérer : on peut faire

tout cela dans le temps qu'il faudrait pour dire : « Ma-


dame, voulez-vous prendre une carte, s'il vous plaît?»
et même beaucoup moins, si c'était un bègue qui fît

la question.

Du reste, il semble aux spectateurs que vous ne


faites que mêler les cartes , et ce maniement ne peut
pas être suspecté par eux.
Une dernière observation. — 11 est facile de voir à
la manière dont Guyot présente cette récréation, qu'il
n'avait pas l'habitude de faire des tours. Je l'ai déjà dit :

la moindre circonstance omise par irréflexion ou ob-


servée à propos suftlt, ou pour tuer un tour, ou pour le
rendre frappant. Guyot fait prendre la carte par des-
sous, par la personne qui l'a pensée, en disant: <t Est-ce
là votre carte? d Cette façon de fmirie tour csttout-à-
,

CARTES. 187

fait insignifiante. Voici comme on doit le terminer. Il

faut connaître la carte de dessous , qui est Tune des


deux où se trouve la carte pensée. Aussitôt que vous
avez ramassé les cartes, après que la personne vous a
dit , en parlant de la sienne, « Je la vois, » ou : « Je ne
la vois pas, » annoncez-lui affirmativement que sa carte
est sous le jeu. Si elle nomme la carte qui est la pre-
mière dessous et que vous connaissez montrez-la , lui.

Si elle nomme une autre carte, ce ne peut être que la


deuxième en dessous. Vous faites glisser la première,
pour ne donner que la seconde qui est celle qui a été
,

pensée.
Je rappelle au lecteur ce que j'ai déjà dit : c'est que
la seule raison qui m'oblige de faire quelquefois le
contrôleur, c'est le désir que j'ai de lui faire connaître
la bonne manière d'exécuter les tours, ce à quoi je me
suis engagé à la tête de mon livre, puisque je l'ai inti-

tulé : Cours de Prestidigitation,

Je ne parlerai pas de quelques tours trop connus


parce qu'ils se trouvent dans ces compilations que j'ai

déjà citées ,
lesquelles sont toutes prises dans Ozanam,
Guyot, et surtout dans Decremps. Ces petites bro-
chures, copiées les unes sur les autres, sont sans cesse
lancées dans le public et ne lui offrent jamais rien de
nouveau. C'est ainsi que l'on trouve dans toutes la
Carte prise , mêlée dans le jeu et apportée à la pointe
d'une épée, les ijeux bandés ; — la Carie mêlée ,
qui
iSS IMIESÏIDIGITATION.

i^esle seule au bout des doigts, après avoir frappé sur le

jeu pour faire tomber toutes les autres cartes; — la Carte

brûlée et raccommodée ; enfin, plusieurs autres petits


tours qui ne sont ignorés de personne depuis long-
temps.
Je vais terminer cette première partie, en faisant
connaître quelques moyens secondaires qu'il est bon
de savoir pour être prémuni contre toute surprise,
dans le cas où on en verrait les effets.
Je n'ai rien dit des clefs, parce que c'est un moyen
suranné dont on ne se sert plus, et que nous en avons
d'autres qui remplacent avantageusement celui-là.
On appelle clefs, des cartes qui sont plus longues ou
plus larges que les autres. On les distingue facilement
au tact. On en mettait ordinairement deux dans un
jeu, une longue et une large. Ozanam et Guyot en ont
mis dans les quelques tours qu'ils ont décrits : il ne
faut pas s'en étonner, puisqu'il y a un siècle que les

ouvrages qu'ils ont publiés ont paru pour la première


fois. Ces clefs donnaient beaucoup de facilité dans
l'exécution de plusieurs tours; mais elles seraient
superflues maintenant, puisque, dans les jeux biseau-
tés, toutes les cartes peuvent devenir des clefs, et que,
comme je l'ai dit, il y a encore d'autres moyens qui
permettent de rejeter ces anciennes clefs, comme on
pourra s'en convaincre, si on examine les principes

décrits au commencement de cette première partie.


Les prestidigitateurs se servent d'un moyen pour
forcer une personne de couper le jeu à l'endroit où
CAllTES. 189

cela leur est nécessaire. Ce moyen est aussi employé


par certains escrocs , qui font métier de tromper en
jouant. Il consiste à séparer le jeu en deux parties
avec le petit doigt , et à les ployer en sens inverse. On
fait courber les cartes en rapprochant les deux bouts
l'un de l'autre, intérieurement, de sorte que les deux
parties étant ainsi ployées , en faisant fléchir les deux
bouts avec les doigts , il se forme entre elles un vide en
forme d'ovale , dont le grand axe coupe les cartes en
travers. En lâchant les bouts pour laisser relever les
cartes, elles conservent de cette courbure qu'elles ont
été obligées de prendre par la flexion ; et comme les

deux parties qui ont été courbées en sens contraire


ont leurs courbures concaves face à face , il en résulte
un petit vide qui force pour ainsi dire de couper à
cette place.

On appelle cela faire le pont. Ce mouvement se fait


en un clin-d'œil ; il n'est pas aperçu , parce que la main
qui le fait couvre totalement le jeu.

Pour donner une idée de l'usage du pont, je sup-


pose faire une partie de piquet, que ce soit à moi de
faire les cartes, et que je veuille me donner trois as.

En ramassant le jeu qui a été éparpillé sur la table,


par suite de la partie précédente, je mets adroitement
trois as dessous. Je mêle en conservant toujours les

as à leur place. Pour terminer le mélange, je prends,


de la main qui ne tient pas le jeu , un paquet en des-
sous , que je rapporte en dessus , pour que mes as
soient au milieu. Je fais le pont et je donne à couper:
iOO PllESTIDlGITATION.

on coupe, et mes as sont au talon ,


qui est pour moi.
Notez que je ne fais pas sauter la coupe pour faire*

venir mes as au milieu ; ce serait une maladresse, parce


qu'au jeu , le moindre mouvement qui n'est pas mo-
tivé est observé et donne des soupçons. En prenant,
comme je Tai dit, un paquet de cartes dessous, que je
mets dessus en faisant jouer les cartes, j'ai l'air de finir

mon mélange naturellement.


Je ne donnerai pas plus d'exemples de Tusage de
cette supercherie, mon dessein n'étant pas de former
des filoux. La société ne manque pas de ces respec-
tables artistes ; je crois même qu'il y en a au-delà de
ce qu'il en faut pour le besoin des localités. Je veux
seulement prévenir les honnêtes gens des moyens que
Ton peut employer pour les tromper. 11 y a beaucoup
de ces moyens ; cela me fait penser à donner quelques
conseils pour éviter les pièges.
Je parlerai d'abord de certaines personnes que l'on
rencontre assez souvent, qui jouissent d'une réputa-
tion d'honnêtes gens et qui la méritent mais pourtant ,

qui ne se font pas scrupule de tromper en jouant :

elles prétendent seulement corriger la fortune par un


peu de savoir-faire , et croient de bonne foi que les in-

fidélités de cette nature ne doivent pas peser sur la

conscience. 11 faut y prendre garde : ces sortes de


joueurs, sans connaître les tours de cartes, font adroi-
tement sauter la coupe à leur manière et faire le faux
mélange.
Après avoir assemblé les caries qui leur conviennent
CARTES.

et les avoir mises dessus ou dessous le jeu, selon le

besoin, ils mêlent les cartes, excepté celles qu'ils ont


préparées et qu'ils prennent en paquet dans leurs mains,
ne mêlant que celles qu'ils ont en plus, et remettant
le paquet à sa place, opération qui n'est pas difficile et

qui paraît bien naturelle. La voici.


Je suppose que l'on veuille laisser les cartes choisies
sur le jeu que l'on tient de la main gauche: on prend
delà droite, sur le jeu, presque la totalité des cartes,
et sur ce qui reste dans la main gauche, on met des-
sus et dessous, et par petites portions, toutes les
cartes de la main droite, faisant en sorte qu'en dernier
lieu, le paquet apprêté revienne sur le jeu sans affec-

tation.
Si c'est sous le jeu que l'on veut conserver les cartes
que l'on y a secrètement assemblées on prend de la
,

main droite trois ou quatre cartes seulement, et de


même, par petites portions ; on met dessus et dessous
ces trois ou quatre cartes, toutes celles que l'on tient

de la main gauche, en réservant, toutefois, un paquet


de dessous formé des cartes préparées , sur lesquelles
on rapporte toutes les cartes qui sont réunies dans la

droite. Yoilà pour le faux mélange.


Maintenant, voyons comment font sauter la coupe
ces malins joueurs qui n'ont point appris à le faire par
.principes;

Lorsque leur partenaire a coupé, ils prennent le pa-


quet qui devrait être placé sur l'autre ; en le prenant,
ils ramènent dessus l'index, qui sert à maintenir ce
J92 PRESTIDIGITATION.

paquet contre les autres doigts et à laisser le pouce


libre. Avec ces deux doigts, le pouce et l'index, ils re-

lèvent tout bonnement et sans façon Tautre paquet. Le


premier paquet, qu'ils tenaient entre l'index et le grand
doigt, se trouve naturellement sous ce dernier, qu'ils
ramassent. De cette manière, le jeu paraît avoir été
coupé; mais il n'a pas changé de situation et reste

comme il était avant d'avoir donné à couper.


J'ai vu exécuter cette ruse si légèrement que, même
étant prévenu, l'œil y était trompé. J'ai conclu de là

qu'il n'était pas toujours nécessaire de recevoir des


leçons pour bien escamoter.
Je conseille donc de prêter beaucoup d'attention à la
manière dont votre partenaire donne et coupe les car-

tes. Mais ce ne sont pas là toutes les précautions à


prendre quand on craint d'être dupe. Si, par hasard,
vous aviez occasion de faire une partie avec des per-
sonnes que vous ne connaissez pas, dont la physiono-
mie vous paraîtrait peu chrétienne, sans en avoir l'air,
examinez attentivement les cartes. Voyez si elles ne
seraient pas un peu coupées d'une façon ou d'une autre,
s'il n'y a pas quelques légères marques, si les coins de
quelques-unes ne sont pas un peu émoussés, si elles

ont leur surface bien plane.


Regardez les tranches du jeu quand vous l'aurez
bien égalisé, pour voir si quelques cartes ne vous pa-
raîtraient pas plus épaisses que les autres. Si cela vous
paraît ainsi, prenez une de ces cartes, tâtez-en les rives

du bout des doigts, pour voir si elles n'offrent pas un


,

CAUTES. 195

chanfrein très-sensible au tact. Observez votre adver-


saire dans son aUure , et remarquez si sa manière de
manier les cartes est naturelle , s'il mêle Iranchement,
et si, de temps en temps, il ne cache pas un moment
ses mains sous les bords de la table. Mais soyez en
garde surtout contre les personnes qui sont derrière
vous, et qui y restent sous prétexte de vous regarder
jouer. Apprenez, si vous l'ignorez, que par quelques
gestes peu apparents ou par quelques phrases banales,
on peut faire connaître toutes les cartes de votre jeu à
votre adversaire , et même les lui nommer en toutes
lettres, sans que personne puisse en concevoir le plus
léger soupçon. Je donnerai connaissance de cela dans
quelques mots que je dirai sur ce tour qu'on s'est plu
à appeler seconde vue.
Enfin, si vous apercevez quelques-unes des choses
que je viens de vous signaler, et que vous négligiez de
prendre les précautions nécessaires pour parer à leur
effet, je vous prédis d'avance que c'est pour vous
qu'aura sonné le quart-d'heure de Rabelais.
Il y a encore une manière de connaître les cartes :

c'est de les ployer sur leur longueur, je veux dire pa-


rallèlement à leurs côtés. Par exemple , pour séparer
les deux couleurs des cartes, ployez-les en sens con-

traire; que le dos des rouges, je suppose, soit convexe,


et le dos des noires, concave. Faites-les mêler tant
qu'on voudra , il vous sera facile de les reconnaître. Si
vous n'avez besoin d'en connaître que quelques-unes
par exemple les as, ployez-les n'importe dans quel sens.
i94 PRESTIDIGITATION.

c*est-a-dire que le dos soit convexe ou concave , faites-

les mêler, et vous les reconnaîtrez toujours aise'-

mente
J'ai encore à signaler une autre espèce de superche-
rie qui se pratique quelquefois en petite réunion. M'é-
tendre sur ce genre de mystification serait de peu
d'intérêt pour le lecteur.

Je vais seulement en décrire une, pour en faire con-


naître la nature, et pour donner une idée de tous les

moyens employés pour duper les personnes trop cré-


dules et de trop bonne foi.

11 est rare qu'on ne sache pas quelques petits tours


pour s'amuser en compagnie ; c'est après en avoir déjà
fait quelques-uns que l'on peut proposer le leurre dont
il est question.

Le faiseur de tours prend deux as , que je suppose


être ceux de pique et de trèfle. Il partage le jeu en deux
tas, et à la vue de tous les assistants, il place l'as de
trèfle sur l'un des deux paquets. Il fait observer que
ces as ne sont point préparés, et, pour preuve, il donne
à examiner l'as de pique qui lui restait dans la main.
Pendant qu'il fait faire cet examen, un plaisant de
l'assemblée se lève furtivement et prend un paquet de
cartes sur le tas opposé à celui où est l'as de trèfle, et

le met sur le tas où est cet as. Le faiseur de tours re-


vient à sa table , et fait remarquer qu'il place l'as de
pique immédiatement sur l'as de trèfle ; et, prenant l'au-
tre tas, il en couvre les deux as, de sorte que tout le

jeu est réuni.


CARTES. 195

Dans cet état de choses, les deux as qui sont à peu


près au milieu du jeu sont séparés par les cartes que
le mauvais plaisant avait mises sur l'as de trèfle, ce

qui est à la connaissance de tous les spectateurs, qui


ont été témoins de la fraude.
Le prestidigitateur doit croire que les deux as sont
l'un sur l'autre. Alors, en prenant le jeu en travers,
comme quand on fait glisser la carte, il dit : « Je vais
prendre les cartes par-dessous le jeu, l'une après l'au-
tre, et les jeter sur la table, jusqu'à ce que mes deux
as, qui sont ensemble, arrivent, parce que j'ai besoin
de les séparer des autres et de les mettre à l'écart, pour
le tour que je veux faire. &

Les spectateurs, qui savent que les deux as ne sont


pas ensemble, rient sous cape, et quelques-uns d'entre
eux expriment tout haut des doutes sur la réunion de
ces as. L'escamoteur rappelle aux assistants qu'il leur
a fait remarquer qu'il les mettait tous deux Tun sur
l'autre, et dit qu'il ne comprend pas qu'on puisse
soupçonner qu'ils n'y sont plus.

On insiste en disant qu'on croit qu'il les a escamo-


tés. L'inculpé finit par dire aux chicaneurs : « Vous
mériteriez bien que je vous offrisse un pari pour vous
faire repentir de votre entêtement. » On accepte de
grand cœur. Alors le faiseur de tours tire une à une les

cartes de dessous le jeu , et les deux as arrivent en-


semble, à la grande surprise des parieurs, qui perdent
la gageure sans qu'ils puissent comprendre com-
ment.
196 PRESTIDIGITATION.

On a devine sans doute que celui qui a mis des car-


tes sur Tas de trèfle, comme voulant faire une niche
à Tescamoteur, est un compère auquel l'autre donne le
temps d'exécuter son espièglerie , en s'éloignant sous
prétexte de faire voir que les as ne sont point apprê-
tés, en montrant celui de pique. En posant cet as de
pique sur les cartes qui couvrent l'as de trèfle, ces deux

as sont donc séparés ; mais, pour les façire venir tous


deux de suite, voici le moyen :

Il faut connaître la première carte du tas sur lequel

on met l'as de trèfle. Quand, en donnant les cartes,

vous la voyez arriver, vous savez que celle qui vient


après est l'as de trèfle ;
mais, au lieu de le tirer, vous
le reculez avec le doigt pour prendre les cartes qui

sont à la suite. Quand, enfin, l'as de pique arrive, vous


donnez de suite celui de trèfle , que vous aviez tenu en
réserve, selon le principe delà carte glissée.
Si, parmi les spectateurs, personne ne pensait à ac-
cepter le pari, ce serait l'aff'aire du compère d'exciter

adroitement les assistants à s'y engager.

Ily a encore un autre genre de surprise , qui n'est


basé que sur une équivoque. Pour éviter ce piège, il
fgut bien réfléchir sur la manière dont la question est
posée, et voir si elle ne renferme pas un double sens.
Si elle vous paraît telle, souvenez-vous du proverbe :

Ne mordez pas à la grappe.


Voici un exemple de cette déception pris dans
vingt.
On vous propose de jouer à l'as de cœur un enjeu
CARTES. i97

quelconque. On convient que Ton prendra chacun la

moitié des cartes qu'on aura bien mêlées; que, Tun


après l'autre, on en jetera une sur la table en la dé-
couvrant, et que celui qui retournera l'as de cœur per-
dra l'enjeu.
On prend donc chacun seize cartes, que Ion tient le

dos en dessus.
Celui qui joue avec vous, qui êtes de bonne foi, ne
peut guère perdre, car vous n'êtes pas en ^arde contre
une ruse qu'il vous prépare. Si l'as de cœur n'est pas
dans ses cartes, il a gagné de droit. S'il l'a, en le je-

tant, il ne le découvre pas, comme par inadvertance.


Et vous, qui ne voyez pas cette carte, vous la retour-

nez ingénuement pour voir ce qu'elle est; mais bien-


tôt vous faites comme le corbeau, qui jura, mais un
peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus; car, puisque
c'est vous qui avez retourné Tas de cœur, vous avez
perdu selon les conditions du jeu.

Notre langue, qui se prête facilement aux équivo-


ques, fournit beaucoup de phrases sur lesquelles on
peut établir de ces propositions insidieuses.
On connaît encore une autre espèce de locutions
amphibologiques fort innocentes , qui ne seraient
propres à aucun artifice , mais qui ont l'avantage de
donner à rire quand on les emploie ingénuement et
en paraissant s'en servir sans connaissance de cause;
comme Arlequin, qui était bon homme, disait à quel-

qu'un qui lui demandait des nouvelles de sa santé,


qu'il souffrait beaucoup, qu'il avait un violent mal de
198 PUESTlDÏGITATtON.

dents à la cuisse, et une douleur de tête dans les reins,


— c Gomment cela vous est-il venu? dit l'autre en
riant.
2> Voilà. Je courais en passant auprès d'un troupeau
de moutons; les brebis se sauvaient çà et là. Un bélier

et le chien de berger vinrent après moi; celui-ci me


mordit à la cuisse et Tautre me donna des coups de
tète aux hanches. C'est donc un mal de dents que j'ai

à la cuisse et un mal de tète que j'ai dans les reins. »

Comme il n*y a pas d'équivoque, j'aime mieux de lui


cette autre naïveté, qui lui faisait dire qu'il devait bien
connaître la chorégraphie, puisqu'il dansait déjà avant
d'être au monde.
— a Comment îentendez-vous ? lui dit-on.
— » Ma mère était passionnée pour ce plaisir, et
elle s'y livrait souvent, même étant enceinte de moi. »
Arlequin n'avait-il pas raison.^
Je me suis étendu sur les tours de cartes, parce que
que cette partie de la prestidigitation plaît beau-
je sais

coup aux amateurs, en raison de ce qu'elle ne néces-


site aucune préparation , et qu'au moment même on
peut jouir de cet amusement, puisqu'on trouve des
cartes partout.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.


DEUXIÈME PARTIE.

Contenant les tours faits avec des pièces de^

monnaie et le jeu des gobelets.

ARTICLE PREMIER.

»ES TOURS QUI SE FONT AVEC DES PIÈCES DE MONNAIE..

Les tours de cartes, de pièces de monnaie et le jeit

des gobelets sont les trois principales branches de la


prestidigitation. Quand on s'est familiarisé avec ces
trois parties si distinctes l'une de l'autre, on peut très-
facilement exécuter tout ce qui tient aux tours d'adresse
et à la physique occulte ou magie blanche.
D'après le plan de cet ouvrage, je ne dois pas m'oc-
cuper de quelques tours anciens que l'on trouve dans
200 PRINCIPES PRÉLIMINAIRES.

Ozanam et Decremps, et répétés, d'après eux, dans ces


petites compilations dont j'ai déjà parlé. Je puis assu-
rer que ceux que je vais offrir n'ont jamais été publiés,
et que la plupart sont entièrement nouveaux.
Il y a des tours de pièces que Ton n'exécute qu'à
l'aide de vases ou boîtes mécanisés; je réserve ceux-là
pour la troisième partie, consacrée à la description des
tours divers ou magie blanche. Il ne sera question,
dans ce chapitre, que des tours d'adresse qui se font
uniquement avec des pièces de monnaie, sans le con-
cours d'aucun instrument.
FHI'NGÏPES PHÉLÎMIMLRES,

MArVIÈRE D'USCAIUOTER LA PIÈCE.

Avant d'entrer dans rexplication de ces tours, il est

indispensable de démontrer l'escamotage de la pièce.


C'est la cheville ouvrière de cette partie de la prestidi-
gitation. La méthode est fort simple, mais l'exécution
est difficile. Il faut s'y exercer beaucoup, d'autant plus
que cet exercice vous prépare à jouer parfaitement des

gobelets, comme on le verra plus tard.


Escamoter une pièce de jaionnaie, c'est la placer

dans la paume de la main droite en feignant de la


mettre dans main gauche. Pour la maintenir, on
la

rentre un peu la racine du pouce, ce qui fait presser le


bourrelet de ce pouce contrôle bord de la pièce, qui est
arrêtée de l'autre côté par le bourrelet opposé, c'est-à-
dire celui qui est sous le petit doigt.
Prenant donc la pièce du bout des doigts, dans le

mouvement que l'on fait pour feindre de la porter


dans la main gauche, on l'applique à l'endroit qui
vient d'être désigné. Il faut, autant que possible ,
que
PUINCIPES PRÉLIMIISAIRES.

la main droite paraisse libre dans ses mouvements,


comme si elle ne contenait rien. 11 est nécessaire,

comme je l'ai dit, de pratiquer beaucoup, pour parve-


nir à bien exécuter ce tour de main, qui est peut-
être le plus difficile de toute la prestidigitation; mais
le tact est un excellent maître, qui ne manquera pas de
vous mettre au fait.

Autre manière d'escamoter la pièce..

Ceux qui ne peuvent pas encore escamoter la pièce

de la manière qui vient d'être expliquée, se contentent


de la mettre dans la fourche formée par les racines du
pouce et de l'index. Cette manière, qui ne permet pas
au pouce de se détacher des autres doigts, est loin de
valoir la précédente; la main peut paraître un peu
gênée; cependant, il y a des prestidigitateurs qui,
faute du premier moyen, se servent de celui-ci, qui est
très-facile.

Une pièce d'un large diamètre, comme une pièce de


cinq francs, par exemple, est plus aisée à escamoter
qu'une petite : telle serait une pièce de dix centimes;,
mais il y a un moyen pour lever cette difficulté; le

voici.
PIÈCES DE MONNAIE. 205.

Manière d'escamoter les objets d'un petit diamètre.

Si, en exécutant un tour, vous étiez dans Tobligation


d'escamoter une de ces petites pièces, vous la met^
triez dans la main , juste à l'endroit où elle doit être
retenir. Vous appuyez dessus avec l'index de la
pour la
main gauche, comme pour la montrer, mais, dans le
fait , pour la bien asseoir dans le creux de votre main.
Yous renversez la main droite dans la gauche, comme
pour y faire tomber la pièce et cette main gauche se
,

ferme comme si elle venait de recevoir la pièce qui est


restée dans le creux de la main droite. Ce mouvement
est parfaitement naturel et facile à exécuter. On se sert
de ce moyen quand on a des bagues, des anneaux et
des alliances à escamoter.
204 l'RESriDlGiTÂTlON.

SECTfON I.

MiiUipIication de jetons ou pièces de monnaie dans les


mains d\ine personne.

Effet. — On verse sur la table une quantité quel-


conque de jetons ou de pièces de monnaie. On invite
une personne à venir prendre le nombre de pièces
qu'elle voudra. Supposons qu'elle en ait choisi qua-
On étale ces quatorze pièces
torze. sur la table, et,

comme pour s'assurer que le nombre est exact, on les

compte soi-même partie par partie, en les mettant


dans la main de la personne qui s'est chargée de les
tenir. Par exemple, on en prend quatre, et on les

donne. On en reprend encore quatre, et on les joint aux


antres, en disant : « Quatre et quatre font huit. »

Enfin, on prend les six qui restent, et on les met dans


les mains de la personne, avec les huit premières, en
disant : « Six et huit font quatorze, d On recommande
de bien fermer la main. Ensuite on ramasse ce qui
reste de pièces sur la table, et en ouvrant la main, on
les présente à une seconde personne, en l'invitant à en
prendre la quantité qu'elle désirera. On va reporter le
surplus sur la table, et revenant auprès de cette per-
sonne, on annonce que l'on va faire passer invisible-
ment toutes ces pièces prises au hasard, dans les
PIÈCES DE MONiNAIE. 205

mains de la personne qui tient les quatorze. On les

prend Tune après l'autre , et on les envoie. On fait

compter , et on voit que si , par exemple , on en a en-


voyé quatre, on en trouve dix-huit au lieu de quatorze.
Explication. — En mettant toutes les pièces sur la
table, on en retient secrètement quatre dans le creux de
la main droite, et c'est de celte même main que Ton
prend les pièces que l'on compte et que l'on met dans
les mains de la personne qui a bien voulu les rece-

voir.

Après en avoir mis huit en deux fois , on prend les

six dernières, et en disant : « Huit et six font quatorze,»

on met ces six pièces avec les huit, mais en laissant


tomber avec, les quatre que l'on avait dans le creux de
la main. La personne qui tient les pièces ne peut pas
s'apercevoir de ce surplus, et elle en a dix-huit, quand
elle croit n'en tenir que quatorze.
Quant aux quatre pièces que l'on vient d'escamoter,

en feignant de les envoyer avec les quatorze, on les fait

prendre forcément. En en tenant dans la main une


certaine quantité, on en dispose quatre en avant, que
l'on met bien en prise , mais sans laisser voir qu'elles
ont été préparées. On serre avec le pouce les pièces

qu'on ne veut pas faire prendre. La personne à qui


on les présente, en en voyant quelques-unes bien à sa
main, s'en saisit naturellement, et il est censé que le
hasard seul décide delà quantité.
Pour escamoter ces quatre pièces, si on n'a pas assez
d'habitude pour les tenir toutes dans le creux de la
PRESTIDIGITATION.

main, on les demande à la personne qui les a prises ,

et on va les poser sur sa table, à la vue de tous les

assistants. On les prend Tune après Tautre pour les es-

camoter dans la main droite, en feignant de les mettre


dans la gauche et de les envoyer invisiblement; et
dans le temps que l'on ouvre cette main gauche en
étendant les doigts Tun après l'autre ,
pour rendre le

mouvement moins sec et plus léger , on pose la main


droite sur le bord de la table , et on laisse tomber la

pièce sur la tablette garnie dont j'ai parlé dans la


section YI de l'article II de la première partie. Yous
escamotez ainsi les trois premières pièces; mais, pour
la quatrième , il faudra vous éloigner de la table et vous
approcher un peu de la personne qui tient les pièces.

Vous escamotez cette dernière et la conservez dans la

main. Cette circonstance fait croire que vous auriez


pu envoyer les premières pièces, dans la position que
vous venez de prendre , et que vous n'aviez pas besoin
d'être auprès de votre table.

Si vous avez assez d'habitude pour escamoter quatre


pièces dans le creux de la main, vous restez auprès de
la personne qui les tient, vous les lui demandez Tune
après l'autre, et vous les escamotez chaque fois, en fai-

sant le geste de les envoyer dans les mains de la pre-


mikre personne qui a les autres pièces.
HÈCES DE MONNAIE. S07

SECTION IL

Autre multiplication de pièces dans la main d'une


personne.

On peut, avec des pièces de cinq francs, faire un


tour dans le genre de celui qui vient d'être décrit. On
prend, je suppose , neuf pièces que Ton compte sur la

table ; de ces neuf pièces on en donne deux à une per-


,

sonne. On prend les sept qui restent , et on les met


dans la main d'une deuxième personne; mais en met-
tant ces sept pièces, on en ajoute deux que l'on avait
cachées d'avance dans le creux de la main.
Il semblerait que deux pièces de cinq francs devraient
se sentir en plus dans la main ; il n'en est rien , la per-

sonne qui les reçoit ne distingue pas cette différence :

on peut s'en assurer par soi-même.


On revient à la personne qui conserve les deux
pièces , on les lui demande, et on les pose sur la table,

en disant que Ton prétend les faire passer avec les sept
que l'autre personne a dans la main. On les prend l'une
après l'autre, et on les escamote en opérant à sa table
comme on l'a fait pour les pièces du tour ci-dessus
c'est-à-dire en les laissant tomber sur la tablette, après
avoir feint de les mettre dans la main gauche pour les

envoyer avec les sept autres. On aura soin de prévenir


celui ou celle qui va recevoir les pièces, qu'il va sentir
une commotion un peu forte au moment de leur pas-
208 PRESTIDIGITATION.

sage dans sa main, mais que la douleur ne durera


guère plus de huit jours.

SECTION lîl.

Faire passer le doigt d\ine personne à travers une


pièce de cinq francs.

Effet. — On emprunte une pièce de cinq francs.


On la fait passer d'une main dans l'autre par escamo-
tage. Ensuite, on prie une personne de tenir cette pièce

en équilibre sur le bout de son doigt. Ne pouvant se


tenir ainsi, on appuie un peu dessus, et elle entre dans
le doigt comme un anneau. On fait de nouveau passer
la pièce de la main droite dans la gauche, en étendant
les bras , et on la rend à la personne qui Ta prêtée.
Explication. — îl faut, pour ce tour, sacrifier deux
pièces de cinq francs , non pas comme valeur intrin-
sèque, mais comme valeur monétaire. Ces deux pièces
doivent être de même effigie et de même millésime.
On les donne à un tourneur adroit pour en percer une
d'un trou d'environ quinze millimètres de diamètre.
L'autre pièce servira pour prendre dedans la partie
circulaire qu'on a retirée de la première.

Comme on prend cette partie plus large qu'il ne faut


d'abord, on a toute latitude pour l'ajuster avec soin
sur la première. Il faut faire cette opération avec une
PIÈCES DE MONNAIE. 200

justesse si parfaite, que Ton ne puisse s'apercevoir de


ce rapport, ni d'un côté ni de l'autre de la pièce. Ayant
cette pièce ainsi préparée, quand on voudra s'en servir

pour faire le tour, on la tiendra secrètement dans le

creux de la main. On en empruntera une dans l'assem-


blée, que l'on échangera de la manière suivante, sous
prétexte de faire un tour d'adresse.
Je suppose que vous ayez la pièce préparée dans la
main droite , vous tiendrez dans la gauche celle qu'on
vous aura prêtée; et la prenant avec le pouce et l'in-

dex de la main droite , vous l'enlevez vivement en lais-

sant tomber à sa place la pièce préparée que vous te-


nez dans la même main. Vous laissez, bien entendu,
la main gauche fermée. Vous écartez les deux bras, et

en faisant un mouvement de la main droite, comme si

vous jetiez dans la gauche la pièce que vous tenez, vous


l'escamotez dans le creux de la main, en disant : « J'en-

voie cette pièce dans ma main gauche. » Vous l'ouvrez


et la faites voir, comme si c'était celle qu'on vous a prê-
tée. Yous continuez en disant « Je vais faire avec vo- :

tre pièce. Monsieur, un tour plus étonnant. Levez un


doigt, s'il vous plaît. Monsieur, bien d'aplomb je vais ;

tâcher de faire tenir cette pièce sur le bout. » Yous tâ-


tonnez un instant, et finissez par l'enfoncer, en disant:
« Ma foi tenez comme
! , cela c'est plus sûr. j>

On peut se figurer la surprise et l'hilarité que doit


occasionner la vue d'une pièce de cinq francs passée
au doigt en manière de bague. La rondelle qui s'é-

chappe de la pièce tombe presque toujours de façon à


210 l>I\ESTIDlGirATION.

pouvoir être rattrapée facilement dans la main; on


la met dans sa poche, profitant de la surprise des -

spectateurs.
Pour finir le tour, vous relirez de la main gauche
la pièce qui est au doigt de la personne , et vous allez

vous mettre devant votre table. Puis, vous adressant


à celui à qui vous avez fait un emprunt , et montrant
la pièce qui est percée, vous dites: « Monsieur, vous
n'êtes sans doute pas disposé à reprendre votre pièce
dans l'état où vous la voyez? Mais je puis réparer le

tort que je lui ai fait par ce seul coup de main. » Vous


faites réchange de la même manière que la première
fois. Et en montrant de la main gauche dans , laquelle
elle se trouve , cette pièce rétablie , vous laissez tomber
l'autre sur la tablette en mettant votre main droite
sur le bord de la table et sans affectation vous laissez
;

apercevoir que vous n'avez dans les mains que cette


seule pièce, que vous remettez à ceux qui l'ont prêtée.

SECTION IV.

Faire passer une pièce de cinq francs à travers une


lable^

Quand dans une réunion d'amis qui


,
désirent sedi-

wrtir, on vous invite à faire quelques tours , celui-ci


PIÈCES DE MOÎSNAÏE. 211

est très- convenable dans cette circonstance, parce


qu'on n'a pas besoin de table disposée d une certaine
façon, comme cela est indispensable quand on donne
une séance préparée.
On emprunte deux pièces de cinq francs. On en
met une dans une main et on Tescamote, c'est-à-dire

qu'on la retient dans le creux de la main droite, en


feignant de la mettre dans la main gauche. On prend
aussi la seconde de la main droite, dans laquelle
y en il

a déjà une que les spectateurs croient être dans la


gauche. On tient cette seconde pièce du bout des
doigts , on étend les bras , et fermant brusquement la

main droite , on fait frapper la pièce que l'on tient sur


celle qui est dans le creux de la main, et du même
temps, on ouvre la main gauche en lui donnant un
mouvement pareil à celui que Ton ferait pour lancer
quelque chose. Il faut que ces mouvements de mains
s'accordent bien ensemble. Vous faites voir les deux
pièces réunies dans la môme main.
On appelle ceci le tour de la pièce volante. Il y a
plusieurs manières de le faire , dont nous parlerons
bientôt. Continuons celui-ci.

Il est bon, comme je l'ai dit, d'employer quelques


feintes pour rendre les tours plus frappants. Quand on
fait celui-ci tout simplement comme je viens de l'expli-

quer , on dit : « Messieurs , ne croyez pas que j'aie

lancé adroitement dans la main droite la pièce que


j'avais dans la gauche, i^our vous prouver que vous
• seriez dans l'erreur, je vais recommencer le tour en
14
212 PRESTIDIGITATION.

faisant passer la pièce à travers la table. Je la prends


et je la mets dans cette main (la gauche). j> [Ici, vous
faites un mouvement propre à faire croire que vous ne
la mettez pas, quoique vous la mettiez réellement.]
Si la feinte que vous venez de faire est bien simulée,

on croira que vous retenez la pièce dans la main


droite, et on vous en fera bien certainement l'obser-
vation.
Alors vous montrez les pièces qui sont dans chaque
main, et les interrupteurs sont tout désappointés, en
voyant leurs conjectures en défaut.
En assurant les assistants que vous êtes incapable
«de les tromper ainsi, vous faites le tour audacieuse-
ment comme d'abord, en escamotant la pièce; mais,
cette fois, vous mettez la main droite sous la table, et

la gauche au-dessus. Yous faites de même que précé-


demment, c'est-à-dire que vous ouvrez vivement la
main gauche à l'instant que vous faites frapper les
lieux pièces que vous avez dans la main droite.
Ceci terminé, vous revenez sur l'observation mal
fondée qu'on vous a faite, 6n doutant que vous mettiez
la pièce dans main gauche. Vous dites « Messieurs,
la :

il ne suffit pas de vous assurer que je ne vous ai pas

trompés; je sais qu'on n'accorde guère de confiance


aux escamoteurs; ainsi, il faut vous donner des preuves
de ma bonne foi.

i> Vous avez pensé que je ne mettais pas une pièce


dans chaque main, que je n'en faisais que le semblant.
Eh bien! Messieurs, voici les deux pièces; vous voyez
PIÈCES DE MONNAIE. 215

que je n*ai rien dans les mains, et que de chacune je


prends une pièce. Je mets la main gauche sous la
table, tenant cette seule pièce que vous voyez encore.
Vous remarquerez aussi que je n'ai qu'une pièce dans
la main droite. Je vais jeter cette pièce à travers la

table, pour aller rejoindre celle que j'ai dans la main


gauche. » (Vous faites, avec la main droite, le geste de
jeter la pièce à travers la table, en Tescamotant dans
le creux de la main, que vous étendez comme s'il n'y
avait plus rien dedans, en même temps que vous faites

sonner deux pièces en dessous.) Le choc des deux


les

pièces qu'on entend sous la table , cette main droite


que l'on voit ouverte en même temps produisent sur
les spectateurs une illusion complète.

Je prévois une objection de la part du lecteur, qui


me dira : Comment se fait-il que, n'ayant que deux
pièces que l'on sépare en en mettant une dans chaque
main , dont l'une va se placer sous la table quand
l'autre reste dessus, et tout cela sous les yeux des spec-
tateurs; comment se fait-il que l'on entende sonner
deux pièces dans la main gauche, puisque celle qui
était dans la main droite a toujours été en vue tout le
temps que cette main est restée au-dessus de la table ?

Vous avez raison, lecteur, ce que vous dites est par-


faitement juste, j'en conviens. Si j'étais moins véri-
dique, je pourrais vous répondre que probablement la
pièce lancée par la main droite a trouvé le moyen de se
faire un passage à travers les pores du bois de la table;

mais, pour cela, il n'aurait pas fallu vous prévenir que


214 PI\ESTIDIGITAT10N.

la pièce s'escamote dans le creux de la main. D'ailleurs,


il y a si peu de foi dans le temps où nous vivons que ,

j'aurais eu de la peine à vous persuader. J'aime mieux


vous avouer tout franchement que j'avais oublié de
vous recommander de coller secrètement avec un peu
de cire à sceller une troisième pièce de cinq francs
sous la table. La main gauche s'empare de cette pièce
pour la joindre à celle qu'elle tient déjà , on fait sonner
ces deux pièces au moment où on escamote celle de la
main droite, comme je l'ai dit. Quant à cette pièce qui

reste dans la main droite, on trouve facilement le


moyen de s'en débarrasser.

SECTION V.

Ànli'e tour de pièces volantes.

Pour celui-ci , il faut le faire à la table disposée


comme je l'ai déjà expliqué. On se souvient du coussin
qu'il faut mettre sur la planchette pour amortir le bruit
que pourraient faire les objets qu'on laisse tomber
dessus.
Ce tour se fait avec quatre pièces de cinq francs ^

mais on commence avec deux seules. On l'exécute

d'abord tout simplement, comme je l'ai décrit dans le

premier paragraphe du tour qui précède c'est-à-dire, ,

en feignant de mettre une pièce dans la main gauche


et en l'escamotant dans le creux de la main droite;
puis, en prenant aussi de la main droite la deuxième
PIÈCES DE MONNAIE. 215

pièce, et en faisant le mouvement en , écartant les


bras, de jeter la pièce, qui est censée dans la main
gauche, dans l'autre main.
Immédiatement après avoir fini cette récréation,
vous dites : « Messieurs ce tour n'est pas aussi
, difficile

qu'on pourrait le penser, et, pour cette raison, je me


ferai un plaisir de vous l'apprendre. Je viens de me
servir du procédé des escamoteurs; mais, comme eux,
je ne vous dirai pas que je fais passer la pièce de la

main gauche dans la droite, en la jetant ainsi, (Ici on


prend une pièce de chaque main et on lance celle qui

est dans la droite sur celle qui est dans la main gauche,
et du plus loin possible.) Ces Messieurs vous trompent,
ils font comme je viens de faire, ce dont vous ne vous
êtes pas aperçu.
» On prend une pièce que Ton feint de mettre dans
la main gauche; mais on la retient ici (on montre la
pièce que l'on tient entre le pouce et l'index, pour ne
pas dévoiler le secret de l'escamotage dans le creux de
la main). Alors on n'a pas de peine à faire trouver ces
deux pièces ensemble, puisqu'elles y étaient déjà. Voilà
le tour que je voulais vous communiquer. Si vous

l'exécutez devant quelqu'un, vous aurez soin debaisseï*


un peu la main , comme cela ,
pour qu'on ne voie pas
la pièce (on baisse sa main comme pour mieux faire

comprendre l'explication, mais plutôt pour avoir occa-


sion de laisser tomber la pièce sur la tablette, sans
être aperçu. Ceci est une feinte, et faisant semblant

d'avoir toujours la pièce dans la main vous continue?^


,
216 PRESTIDIGITATION.

déparier). Moi, Messieurs, ce n'est point ainsi que je


fais : je mets bien réellement la pièce dans la main
gauche (on feint de mettre la pièce qu'on n'a plus),
et vous voyez que je n'ai plus rien dans celle-ci

(on montre l'intérieur de la main droite, en te-

nant la gauche fermée, comme effectivement on y


si

avait mis la pièce). i> Enfin, on prend de la main droite


la pièce qui était restée sur la table. Les spectateurs
voient clairement que vous n'en avez qu'une. Vous
écartez les bras et feignez de vouloir exécuter le tour.
Mais, comme par réflexion, en remettant la pièce sur
la table , vous dites , en montrant votre main droite :

€ Yous ne supposez pas que ma main soit à double


fond, et que j'aie un compère sous la table pour me
passer une pièce, d (En disant ces derniers mots, vous
faites le geste d'indiquer le dessous de la table, pour
avoir occasion de prendre la pièce que vous aviez lais-
sée tomber sur la tablette. Vous cachez cette pièce

dans le creux de la main.)


Vous reprenez la pièce que vous aviez posée sur la
table, avec la main droite dans laquelle vous venez de

mettre la seconde pièce, et vous faites le tour.

Par les feintes dont vous vous êtes servi, les spec-

tateurs sont bien persuadés que vous n'aviez qu'une


pièce dans la main droite, et qu'il y en avait une dans
la main gauche.
Le tour étant terminé comme il vient d'être expliqué,
vous continuez en disant : « Je puis opérer de même
avec deux pièces. î Vous en prenez effectivement deux
PIÈCES DK MONNAIE. 217

ensemble, que vous escamotez comme une seule en les


retenant dans le creux de la main droite, feignant de
les mettre dans la gauche. Vous prenez aussi de cette
même main droite les deux pièces restées sur la table et
vous exécutez le tour en disant : « Ceci n'est pas plus
difficile qu'avec une pièce ; seulement, il faut écarter les
mains davantage (on les écarte). » Pour terminer,. vous
faites fortement sonner ces quatre pièces en donnant
de la main droite une secousse sèche, dans le moment
que la main gauche fait le geste d'envoyer dans la

droite les deux pièces qu'elle est censée contenir.

Le tour fait, vous laissez tomber ces quatre pièces


sur la table; ce qui produit beaucoup d'effet sur les
spectateurs, en raison de la difficulté qu'ils supposent
dans l'escamotage de quatre pièces de cinq francs.
Mais ce tour a une suite, et pour le continuer, vous
dites : < Messieurs, je vais vous donner une preuve de
plus que je ne lance pas ces pièces d'une main dans
l'autre, comme il le paraît, mais qu'elles prennent une
autre voie pour venir dans ma main. Je vais les faire
passer toutes quatre à travers la table.

y> Je sais que cette expérience n'étonnera pas les


physiciens, s'il y en a parmi nous ,
parce qu'ils con-
naissent l'élasticité des corps, et que l'effet que vous
allez voir ne peut s'expliquer que par cette propriété.
Cependant, le tour n'en sera pas moins curieux pour
les personnes qui ne sont pas parfaitement initiées
dans les mystères delà nature, et s'il y a dans l'assem-
blée quelqu'un qui soit au fait, je le prie de ne pas en
218 PRESriDlGlTÂÏlON.

donner l'explication, pour laisser jouir le reste des

spectateurs de l'illusion. »

Après cet intéressant discours, vous feignez de niet-


tre les quatre pièces dans la main gauche, en les esca-

motant dans comme une seule (1). Vous pre-


la droite

nez de l'index du pouce de la main droite, par le


et

bord, un gobelet que vous choisirez léger de préférence,


et le portant sous la table, vous le faites tourner avec
les autres doigts ,
pour que l'ouverture se place sous
les pièces que vous avez dans la main. Ces doigts ser-
vent aussi à maintenir les pièces. Vous mettez la main
gauche sur la table, et fermée comme si elle contenait
les pièces; vous l'ouvrez brusquement en laissant tom-
ber dans le gobelet les pièces de la main droite. Ces
deux mouvements se font en un seul temps. Vous ra-
menez le gobelet , et versez ce qu'il contenait sur la
table.

Vous reprenez de nouveau ces quatre pièces, en di-


sant Messieurs je puis recommencer le tour autant
: <r
,

de fois que l'on voudra. » Vous les mettez réellement


dans la main gauche, mais en affectant une certaine
maladresse, pour fiiire penser que vous ne les mettez
pas et que vous les retenez dans la main droite que
vous fermez à demi à cet effet. Vous prenez le gobelet

de cette main droite, qui paraît gênée, et vous dites, en


montrant le fond : « Vous voyez qu'il n'y a rien dans

(1) Si on ne peut pas encore escamoter quatre pièces ensemble


dans le creux de la main, on pourra les mettre entre le pouce et

rîndex.
PIÈCES DE MO?iINAIE. 219

ce gobelet. wSi votre feinte est adroitement jouée, vous


entendrez un murmure désapprobateur et des récla-
mations de la part des assistants. Vous en demandez
la raison, et on vous répond d'un ton moqueur que les

pièces ne sont pas dans la main gauche, et que vous


les avez dans la droite avec le gobelet. Alors vous po-
sez le gobelet sur la table et vous faites voir votre main
vide.
Vous laissez couler en même temps sur la table les

quatre pièces que vous aviez dans la main gauche, et


les spectateurs désappointés restent confus de leur er-
reur.
En reprenant les pièces de la main droite, vous di-
tes : « Comment , Messieurs , vous me croyez capable
d'employer de pareilles supercheries ? Vous pensiez
donc, qu'en mettant le gobelet sur la table ( en disant
ces derniers mots, vous mettez la main sous la table

comme geste indicatif, et vous déposez les pièces sur


le bord de la tablette. Vous tenez la main fermée en
la ramenant), j'avais les pièces dans la main, et que je
n'avais plus qu'à les laisser tomber dans le gobelet en
faisant semblant de les envoyer de la main gauche ?

Détrompez-vous, Messieurs: je mets les pièces dans


cette main (la gauche: mais c'est unefeinle, puisque
vous n'avez plus rien dans la main droite), et vous
voyez que je n'ai plus rien dans celle-ci (la droite que
vous montrez). »

Alors vous prenez le gobelet par le bord , entre les


deux doigts du milieu, et en le portant sous la table^
PUESTiDlGlTATION.

VOUS saisissez avec Tindex et le pouce qui sont restés


libres, les quatre pièces que vous avez déposées sur la
tablette de manière à pouvoir être enlevées facile-
ment.
Vous finissez le lour en laissant tomber ces pièces
dans le gobelet,au moment que la main gauche s'ouvre
sur la table, comme pour faire passer à travers les
pièces qu'elle est censée tenir.
Je me suis un peu étendu sur ce tour, parce qu'il

est sans contredit un des plus beaux de la prestidigita-

tion. J'ai à dessein usé de redites, pensant qu'une ex-


plication qui n'a pas été bien comprise une première
fois, pourra l'être la seconde.

SECTION VI.

Troisième tour de pièce volante.

Le tour qui précède un des quatre ou cinq qui


est
ont fait la réputation de Conus père. Celui qui va sui-
vre est peut-être le seul qui ait fait celle du prestidigita-

teur Olivier, et qui lui ait valu dans le temps le titre de


fameux.
Je dirai à ce sujet, et je puis le certifier, que, sur
le récit qui lui avait été fait de ce tour, l'empereur
Napoléon a demandé une séance à Olivier, laquelle eut
lieu dans le palais. On m'accusera peut-être d'exagé-
PIÈCES DE MOÎNINIIE.

ration ; mais que Ton sache qu'il faut bien peu de chose,
dans cet art récréatif, pour se faire une renommée.
Le prestidigitateur Philippe, y peu de temps,
il a

n*a-t-i! pas tenu pendant Jeux ans tout Paris dans


l'admiration, avec son tour des bassins de verre rem-
plis d'eau et de poissons? On sera bien surpris de
l'extrême simplicité du moyen, quand j'en donnerai
l'explication dans la troisième partie de ce traité.

11 en est de même de la suspension , de la seconde


vue, du carton magique, de la cuisine aux pigeons,
etc., etc., comme on le verra dans la description que
je ferai de ces tours dans la physique occulte.
Celui dont il est ici question peut se faire sur une
table ordinaire. Cependant on serait plus à son aise
sur la table haute à tablette, surtout si on a déjà l'ha-
bitude de s'en servir; néanmoins, comme je l'ai dit,

on peut s'en passer.

Ce tour est fort simple, mais son exécution de-


mande un coup d'œil sûr et une main légère.
On emprunte une pièce de cinq francs, et on la fait
marquer. On a dans sa main gauche une autre pièce
de cinq francs que l'on tient cachée. Lorsqu'on vous
rend la pièce que vous avez donnée à marquer, vous
faites l'échange. Cet échange est facile. On feint de
mettre cette pièce marquée dans la main gauche, mais
on la gai'de dans la droite, en faisant paraître celle qui

était d'avance dans la main gauche. On jette cette der-


nière sur la table, et les spectateurs la prennent pour
celle qu'ils viennent de marquer.
222 PRESTIDIGITATION.

On demande encore dans l'assemblée une autre pièce,


mais plus petite que la première.
Quand on fait de ces sortes d'emprunts, chacun
cherche dans ses poches pour vous satisfaire. Mais ne
faites pas attention aux personnes assises à la pre-
mière rangée qui vous font des offres, éludez-les adroi-

tement. Lorsqu'une des personnes placées derrière les


autres vous présente une pièce, vous êtes obligé de
vous pencher en avant pour prendre cette pièce. Et
comme, en vous penchant, vous êtes courbé sur une
personne de devant, vous lui fourrez la pièce marquée
qui vous était restée dans la main droite, dans quel-
qu'endroit de ses habits que vous avez dû remarquer
d'un coup d'œil. Vous lui mettez, soit dans une poche
du gilet, si c'est un homme, soit dans quelque vêtement
de dame, soit enfin dans tout autre endroit que le ha-
sard vous offrira. Cette personne sur laquelle vous
vous appuyez un peu , prend cette pression pour une
nécessité de la circonstance, et ne fait point attention
au léger attouchement inévitable pour l'introduction de
la pièce dans ses vêtements.
Du temps d'Obvier, les habits d'homme étaient très-
commodes pour ce tour. îls étaient à manches rondes,
c'est-à-dire qu'elles étaient relevées en double, depuis le

poignet jusqu'au tiers de l'avant-bras, et c'était ordi-

nairement dans cette manche qu'Olivier glissait la pièce.


Quand elle est placée comme je viens de le dire, on re-

vient à sa table avec la petite pièce qu'on vient de


vous prêter. Alors on fait le tour de la pièce volante
PIÈCES DK MONNAIE. 225

avec cette petite pièce et celle de cinq francs qui était


sur la table. On le fait simplement, comme je l'ai ex-

pliqué précédemment. On peut demander aux specta-


teurs de quelle main ils veulent que l'on fasse le tour.

Quelle que soit la réponse, il en sera toujours de même ;

car, si on dit de la gauche , comme c'est cette main qui


est censée envoyer in visiblement la pièce avec l'autre
dans la main droite, on peut supposer que c'est elle qui
fait l'action principale, par conséquent le tour. Si on
dit de la droite , comme c'est elle qui reçoit les deux
pièces et paraît avoir opéré l'escamotage, on trouve
naturel que vous considériez cette main comme char-
gée de la partie active du tour; donc, vous aurez tou-
jours raison , et personne ne remarquera l'équivoque.
Après avoir exécuté le tour comme je l'ai dit, vous
prenez la pièce de cinq francs, que vous montrez en de-
mandant qui est-ce qui l'a prêtée. Celui à qui elle ap-
partient vous ayant répondu, vous transportez la pièce
de la main droite dans la gauche, ou plutôt vous feignez
de la transporter , parce que vous la retenez dans la
main droite, dans le même temps que vous paraissez
la mettre dans la gauche , et si vous avez fait ce
tour devant une table ordinaire, vous avez dû vous as-
seoir à cause de son peu d'élévation. Alors, en vous le-

vant, vous déposez la pièce adroitement sur votre siège,


ayant toujours l'air de la tenir dans la main gauche.
Vous faites quelques pas vers l'assemblée , et faisant

semblant de passer la pièce d'une main dans l'autre,

vous finissez en disant : « J'envoie cette pièce dans la


2-24 IMIESTIDIGITATION.

poche de Monsieur. Elle est marquée, on la reconnaî-


tra bien. » Vous faites claquer le bout de vos doigts
pour faire voir que vous n'avez plus rien dans vos
mains. On trouve la pièce dans l'endroit que vous avez
désigné, on l'examine et on la reconnaît aux marques
qu'on y a faites. L'étonnement est d'autant plus grand,

que l'on croit que c'est avec cette même pièce que vous
avez fait le tour.
Olivier était assis quand il faisait ce tour, et, comme
je l'ai dit, il déposait la pièce sur son siège en se rele-
vant; le plus souvent , c'était manche d'un des
dans la

spectateurs qu'il faisait trouver la pièce et quand il ,

l'envoyait à la fin du tour, il disait, avec une bonhomie

remarquable: « Monsieur, la pièce est dans votre


manche; si elle est cousue, faites-la découdre, et on la

trouvera.» Mais jamais les manches n'étaient cousues.


Si vous faites ce tour auprès d'une table préparée
comme vous êtes debout, vu la hauteur de la table,

alors , au lieu de mettre la pièce sur le siège , vous


la laissez tomber sur la tablette garnie d'un coussin

en appuyant sur le bord de la table la main droite où


est cette pièce.
PIÈGES ï)i: MONNAIE.

SECTION VII.

Faire passer^ une pièce de monnaie d'une main dans


Vautre plusieurs fois de suite ,
ayant les bras étendus
et sans les bouger, -v^ . ^

Ce petit tour, qui d'abord paraît facile, demande ce-


pendant un peu d'habitude pour le bien faire.

Voici son effet.


On montre dans une main une pièce de cinquante
centimes. On fait aussi voir Tautre main, en priant les
spectateurs de remarquer qu'elle ne contient rien. On
les ferme toutes deux en étendant les bras. On ordonne

à la pièce qui est dans une main de passer dans


l'autre. On ouvre les deux mains, et on fait voir que la

transposition a lieu. On les referme , et la pièce re-

tourne dans la première main. On exécute ce passage


d'une main à l'autre autant de fois que l'on veut.

Explication* — On ne peut se servir que de pièces


d'un petit diamètre. On mettra un peu de cire à scel-
ler sur l'ongle du grand doigt de chaque main. On
collera d'avance une pièce sur l'ongle du doigt de
l'une des deux: quand cette main sera étendue, on ne
verra pas la pièce. On fait mettre une pareille pièce
dans l'autre main. Pour que cette pièce soit convena-
blement placée (et voilà l'important), il faut la faire
glisser dans la paume près du, poignet et touchant le

bourrelet qui fait partie de la rachic du pouce; alors,


ââ6 PilESTIDîGITATlON.

en fermant la main, l'ongle du grand doigt se pose en


entier sur la pièce qui s'y attache par le moyen de la

cire. Pour plus de sûreté, on fait faire à la racine du


pouce un mouvement de pression qui affermît la pièce

sur Tongle; on ouvre la main , et le doigt emporte la

pièce qui ne se voit plus. Quant à la pièce de l'autre

main, il ne s'agit que de la détacher pour la faire pa-

raître. Gela est fort aisé : le moindre frottement contre


la paume de la main suffit. On conçoit que cette trans-
lation peut se réitérer plusieurs fois.

Si la pièce était un peu trop grande, et que son dia-

mètre ne pût être entièrement couvert par la largeur

de l'ongle , il faudrait la placer de manière à ce que


l'annulaire aidât à la cacher.
On peut escamoter par le même moyen tout autre
quand même il ne serait pas plat,
petit objet léger,

comme, par exemple, une muscade. Il est encore pos-


sible, avec de l'habitude d'en escamoter plusieurs à
, la

fois, en se servant des trois grands doigts en même


temps.
Quand on enlève la pièce, il faut ouvrir vivement la

main, pour ne pas donner aux spectateurs le temps de


l'apercevoir, et tenir toujours les doigts bien étendus.
PIÈCES DE MONNAIE.

SECTION YIIÎ.

Changer une pièce sous les yeux des spectateurs sans


quils s'en aperçoivent.

Ceci n'est pas précisément un tour, ou du moins ne


peut pas être considéré comme tel. C'est plutôt un
moyen un procédé dont l'emploi
, est quelquefois utile.

11 est bon de le connaître.


Si, par exemple, vous empruntez une pièce de cinq
francs et que vous vouliez la changer en une autre
pièce, il faut que vous ayez dans le creux de la main
celle avec laquelle vous voulez faire l'échange. Alors, en
prenant celle que l'on vous prête , vous demandez si

elle est bonne; et, comme pour vous en assurer, vous


la jetez plusieurs fois sur la table pour écouter si le

son est de bon aloi ; et en faisant un mouvement de


haut en bas, mouvement qui est indispensable pour
jeter la pièce, vous la laissez tomber sur le coussin de
la tablette, et vous jetez sur la table la pièce que vous
aviez dans le creux de la main. Ce temps est si natu-

rel ,
que les spectateurs prennent toujours cette se-
conde pièce pour celle qu'on vous a prêtée.
Si vous aviez projeté un tour pour lequel cet échange
serait nécessaire, alors vous l'exécutez comme je viens
de l'expliquer. Si vous ne vouliez que faire une plai-

santerie, vous feriez l'échange avec une pièce de plomb.


15
PUESÏIDIGITATION.

et la donnant a la personne qui vous a prêté la vraie

pièce, vous lui diriez qu'elle ne peut pas vous servir,


parce qu'elle est fausse.

SECTION IX.

Souslraclion de "pièces de monnaie des mains d*ime


personne. En faire sortir invisiblement la quantité
qu'on désirera , et faire trouver le nombre soustrait

dans les mains d'une autre personne.

Effet. — On
emprunte une quantité quelconque
de pièces de monnaie on les compte en présence des
,

spectateurs, et on les donne à une personne, en la


priant de les tenir enfermées dans ses mains.
On demande à cette même personne combien elle

souhaite que vous en fassiez sortir, pour les faire


trouver dans les mains d'une autre personne qu'elle
peut désigner elle-même.
Cette dernière ayant été choisie, on la prie de tendre
les mains l'une contre l'autre.

On invite la première, celle qui tient les pièces, de

les faire sonner autant de fois qu'ily en a à sortir. A la


dernière, le prestidigitateur fait trouver, dans les mains

de la personne qui les tient tendues, le nombre de


pièces demandé.
Explication. — Pour paraître avoir donné le choix
,

Î'IÊCES DE MO.NXUE.

du nombre ù soustraire par magie, il faut, en emprun-


tant les pièces, s'en procurer un qu'on ne puisse di-

viser par tiers ni par quarts comme, par exemple,


14,22,atc.
Supposons que ce soit de la main droite que vous
vous serviez pour escamoter les pièces de monnaie.
Prenez de la main gauche les pièces qu'on vous a prê-
tées , pour les compter en les mettant dans la main
droite. Commencez par les plus petites pièces, parce
qu'il faut que vous reteniez dans le creux de la main
la moitié du nombre que vous avez.

Convenons que vous faites le tour avec quatorze


pièces; alors vous en retiendrez sept dans la main. Je
dis que vous commencerez par les plus petites pièces,

en les comptant, pour une raison que vous compren-


drez tout-à-rheure. Vous ferez cette opération devant
votre table. Les pièces étant comptées, vous versez
dans main gauche les sept que vous ne retenez pas
la

dans creux de la main droite mais pour les spec-


le ,
,

tateurs, il est censé que vous les mettez toutes.


Tenant la main gauche fermée et un peu élevée
vous posez adroitement sur la tablette les sept pièces
que vous avez dans la main droite, et vous avancez

auprès des spectateurs. Vous tenez alors les pièces


dans les deux mains. Vous priez une personne de
tendre les siennes, et de tenir ces quatorze pièces que
vous lui donnez, bien soigneusement enfermées.Comme
elle ne tient que les plus grandes , elle ne se doute pas
qu'elle n'en a que la moitié du nombre.
1»KKSTIDIGITAT10N.

Yous retournez k votre table et vous dites : c Ma-


dame, des quatorze pièces que vous tenez, combien
voulez-vous que j'en fasse sortir de vos mains pour ,

les faire trouver dans celles de la personne que vous


voudrez bien me désigner ? Voulez-vous que je vous
en escamote le tiers, la moitié, le quart? » Assez or-
dinairement on dit la moitié; mais, si on demandait le

quart ou le tiers, on sent de suite que ces parties ne


sont pas divisibles , et on est forcé d'en venir à la
moitié. Comme on croit que c'est le hasard qui a dé-
terminé le nombre de quatorze vous , n'en passez pas
moins pour avoir donné le choix du nombre à faire
sortir.

En faisant les questions dont je viens de parler,


vous reprenez secrètement les sept pièces que vous
aviez déposées sur la tablette , et les tenant dans les
deux mains, sans les laisser sonner, vous dites à la

personne qui tient les autres, de les remuer autant de


y a d'unités dans le nombre qui doit sortir,
fois qu'il

mais par intervalle; vous ne lui faites cette recom-


mandation qu'après l'avoir priée de désigner la per-

sonne qui doit recevoir dans ses mains les pièces que
vous allez escamoter. Vous priez aussi la personne in-

diquée de tenir ses mains tendues et l'une contre


l'autre.

La personne qui tient les pièces les fait donc sonner,


comme vous le lui avez recommandé , et à chaque fois,

vous dites aux spectateurs de regarderies pièces sortir


et voltiger en l'air, pour se rendre dans les mains de
PIÈCES DE MO^iNAlE. 251

la personne qui les attend. Vous feignez d'en rattraper


une, qui s'arrêtait sur le collet de l'habit d'un assis-
tant, une autre qui allait tomber sur l'estomac d'une
dame, une autre encore qui s'embarrassait, en passant,
dans les cheveux d'un jeune homme, etc. Ces gesticu-
lations sont faites dans le but de détourner l'attention
des spectateurs de la main qui contient les sept pièces.

A la dernière , c'est-à-dire quand on arrive au nombre


sept , vous jetez les pièces que vous aviez dans les

mains, dans celles de la personne qui les tenait tou-

jours tendues. On fait compter de part et d'autre pour


vérifier le compte.
EcLAiiicissEMENT. — Quand on reprend Ie& pièces
qu'on avait déposées secrètement sur la tablette, je re-

commande de les tenir entre les deux mains. C'est


pour que l'on ne soit pas gêné, comme on le serait, si

on voulait les conserver dans une seule sans qu'il y


parût.
11 n'y a rien là que de naturel, car la jonction de vos
mains est motivée , parce que , la personne à qui vous
avez donné les pièces les tenant enfermées dans ses-

deux mains, vous êtes censé l'imiter, pour mieux lui

montrer le mouvement qu'il faut opérer pour les faire


sonner. Parce moyen, on ne soupçonne pas que vous
en tenez aussi. Mais de temps en temps , , comme je l'ai

conseillé, on peut détacher une main pour feindre de


rattraper les pièces. Dans cette action , l'autre main
dans laquelle restent les pièces , et qui n'est pas en
mouvement, peut retomber sur la cuisse. Dans cet état
25i Pl\ESTn)IGITÀT10?î.

de repos, la main reste naturellement à demi fermée et^


retient les pièces sans qu'on puisse le remarquer.
Si on avait assez d'habitude pour tenir les sept pièces
dans le creux de la main sans être gêné , on ne serait
pas tenu à prendre toutes les précautions dont je viens
de parler; mais cela est très-difficile, et même ceux
qui le pourraient aimeraient autant procéder comme
je viens de le décrire ,
pour avoir moins de difficullé

dans Texécution.

SECTION X.

Envoyer dans nne manche de Vhahit d'une personne^


des pièces on jetons qiion aura mis dans un petit sac.

Effet. On met une vingtaine de jetons ou de


pièces de monnaie dans un petit sac. Les ayant mis en
présence des spectateurs et les ayant fait sonner en
frappant dessus, on leur ordonne d'en sortir. On re-

tourne le sac pour faire voir qu'ils n'y sont plus. En-
suite, avec une petite baguette, on tape légèrement
sur le bras d'une personne, pour faire entendre les
pièces que Ton fait toutes sortir par l'ouverture de la
manche.
Explication. — Dans le petit sac qui sert dans ce
îour, on aura pratiqué une poche peu profonde qui
PIECES DE MONNAIE, 235

sera placée dans l'intérieur, à environ un tiers de la

profondeur, comme à la robe du petit Jean des Yignes,


que tout le monde connaît.
En présentant ce sac, il doit contenir dans le fond
une vingtaine de jetons ou de pièces de monnaie que
l'on verse sur la table pour les compter. Ensuite ou

les reprend pour les remettre dans le sac, mais au lieu

de les jeter dans le fond, on les met dans la petite

poche.
Alors, faisant semblant de les prendre à l'extérieur
du sac, on fait le geste de les jeter sur l'assemblée, en
disant : «i Je les envoie dans la manche de Monsieur. »

La baguette dont on se sert pour frapper sur le bras


detîctte personne est creuse, et contient, dans la lon-
gueur du vide, un fil de fer fixé par une de ses extré-
mités dans un des bouts de la baguette. Ce fil, qui est
très-flexible, frappe les parois intérieures de la baguette
creuse, pour peu que Ton touche quelque chose avec,
et produit un bruit qui ressemble au son que ren-
draient des pièces enfermées, frappées d'un petit

bâton.
Après avoir feint d'envoyer invisiblement les pièces

dans la manche de la personne désignée, vous retournez


le sac pour faire voir qu'il n'y a plus rien dedans;
mais, en le retournant, vous appuyez les doigts sur la
petite poche qui contient les pièces , et vous n'aban-
donnez pas la main de dessus; comme vous tenez le

sac, cette main ne paraît pas tenir autre chose.


Mais, en remettant le sac dans son état naturel,
254 PIIESTIDIGITATION.

c'est-à-dire en le remettant à l'endroit, comme la cu-


lotte du roi Dagobert, vous enlèverez légèrement les

pièces qui sont dans la petite poche. Vous gardez ces


pièces dans la main droite, à laquelle vous éviterez de
laisser paraître un air gêné.

Vous jetez le petit sac sur la table , et vous prenez


la baguette dont j'ai parlé tout-à-l'heure.
Vous allez auprès de la personne que vous avez in-

diquée et vous frappez quelques légers coups sur son


bras. Il semble à l'oreille des spectateurs que vous tou-
chez sur des pièces de monnaie qui sont sous de l'é-

toffe. Changeant la baguette de main, de la droite,


vous prenez le bas de la manche dans laquelle sont
censées les pièces, et en secouant cette manche, vous
laissez tomber les pièces peu à peu. Elles semblent
réellement sortir de la manche, quoiqu'elles sortent de
la main droite dans laquelle elles étaient renfermées.
On peut, à la rigueur, se passer de la baguette que
j'ai décrite; elle peut être remplacée par une baguette
ordinaire, ou même toute autre chose, comme, par
exemple, un couteau. Le bout de l'objet avec lequel
vous frappez imprime à l'autre bout, que vous tenez
dans la main, un contre-coup qui fait sonner les pièces,
et ce bruit produit à peu près le même effet que celui
qu'occasionne la baguette préparée; mais il faut em-
ployer un peu d'adresse, qui n'est pas nécessaire quand
on se sert de la baguette creuse.
nÈCKS DE MONNAIE. 255

SECTION XI.

Joli tour de pièces volantes dam des mouchoirs.

On fait ce tour de plusieurs manières, mais je puis


assurer que celle-ci est la plus ingénieuse et la plus
nouvelle. Voici Teffet.
On emprunte deux pièces de cinq francs que Ton
fait marquer. On en met une dans un mouchoir que

Ton a aussi emprunté, en faisant remarquer que l'on


met bien la pièce au milieu de ce mouchoir. On donne
cette pièce ainsi enfermée à tenir à une personne.
On demande un second mouchoir, dans lequel on
met la deuxième pièce et que Ton donne aussi à tenir

à une autre personne. On s'approche de celle à qui on


a donné la première pièce, on retire cette pièce à tra-
vers le mouchoir, sans ouvrir le mouchoir et sans l'en-
dommager; et de loin, on envoie cette pièce avec
l'autre, que tient aussi dans un mouchoir la seconde
personne. Au moment de l'envoi, on entend le choc
des deux pièces qui se réunissent.
Explication. — On a d'abord une pièce de cinq francs
cachée dans le creux de la main droite. Les deux pièces
ayant été empruntées et marquées , on les met sur la

table.

On demande un mouchoir, que l'on étale sur la main


2S6 MlESTlDIGH ATION.

droite. On prend, avec la gauche, une des deux pièces


qui sont sur la table. Pendant que vous prenez cette
pièce, vous saisissez avec le pouce et l'index delà main
droite la pièce que vous tenez sous le mouchoir, et

prenant da hoitt des doigts de îa main gauche la pièce

que vous venez de ramasser sur la table, vous la portez


sur le mouchoir au point où il faut être pour pou-
voir, en poussant cette pièce, fourrer une portion du
mouchoir sous la pièce que vous tenez de la main
droite par-dessous. Les doigts de cette main droite
s'emparent de la portion du mouchoir pour en enve-
lopper la pièce de Fintérieur.
On renverse le mouchoir sur la pièce, qu'on trent
de îa main gauche comme pour l'enfermer, mais on la

laisse tomber dans cette main gauche, qui, à son tour,

se trouve couverte du mouchoir. On garde cette pièce.

On fait paraître l'autre, qui est enveloppée, et on la


tient avec deux doigts de la main droite. Cette pièce

semble réellement enfermée dans le mouchoir, quoi-


qu'elle soit en dehors, cachée par un pli , et elle est

pour les spectateurs , celle qu'ils vous ont vu mettre


de la main gauche dans le mouchoir.
Pardon, cher lecteur, si mon intelligence ne va pas
jusqu'à pouvoir vous décrire ce tour d'une manière
plus explicite. J'en suis tout hors d'haleine, et la sueur
jaillit de mon front,comme l'eau d'un puits artésien.
En conscience, vous me plaindriez si vous me voyiez
dans cet état. Mais si jamais nous nous rencontrons.
Je vous ferai comprendre facilement; en deux minutes,

«
PJÉCES DE MOISIS AIE.

ce que j'ai tant de peine à vous expliquer en trois


quarts-d'heure.
Comme je me sens un peu reposé par cette petite
digression, je vais reprendre ma démonstration ,
que
là fatigue avait interrompue.
On donne cette pièce ainsi enveloppée à une per-
sonne, qui la tient entre deux ou trois doigts par les
bords, en laissant pendrele mouchoir.
On emprunte encore un mouchoir, et on va prendre
la seconde pièce sur la table, que Ton joint secrète-
ment à celle qui vous était restée dans la main gauche.
On tient ces deux pièces par les côtés, de façon à
ce qu'elles ne paraissent en faire qu'une. On dit : « Je
mets cette deuxième pièce dans le mouchoir que voici. »

On les pose, de la main droite, sur le milieu, et la


gauche les prend de deux doigts , en laissant pendre
le mouchoir dans lequel elles sont enfermées.
La main droite empoigne ce mouchoir par le bas,
et on lâche une des deux pièces tenues par la main
gauche. Cette pièce ne peut pas tomber, puisqu'elle
est retenue par la main droite. On donne ce mouchoir
à tenir à une deuxième personne, delà manière qu'on
la tient soi-même, c'est-à-dire avec les deux mains,
dans une position à peu près horizontale.
Cette personne, tenant la pièce d'une maiu, et , de
l'autre, le mouchoir par le milieu, ne peut pas sentir la
pièce qaon a échappée, laquelle se trouve libre dans
]e mouchoir et entre les deux mains.
On revient à la première personne, on lot fait tenir
258 PKESTIDIGITATIOM.

le mouchoir par le milieu. On prend la pièce, que les

spectateurs croient toujours enfermée, on la dégage


du pli sous lequel elle est enveloppée, et on feint de la

retirer à travers le mouchoir.


On se met devant sa table, et on dit à la personne
qui tient toujours des deux mains l'autre mouchoir :

a Madame, je vais envoyer cette pièce avec celle que


vous tenez enfermée. Au moment où j'ouvrirai ma
main, vous lâcherez la pièce, mais seulement la pièce ;

ne bougez pas l'autre main. Ne vous trompez pas, sur-


tout; autrement, il en résulterait une explosion qui
ferait sauter tout le quartier, ou au moins nous lance-
rait avec la maison par la fenêtre, j»

On feint de mettre la pièce dans la main gauche, on


Tescamote dans la droite, que Ton pose sur le bord de
la table pour laisser tomber la pièce sur le coussin de
la tablette. Et ayant toujours tenu la main gauche fer-

mée, comme si la pièce était dedans, on l'ouvre en


étendant les doigts vivement, l'un après l'autre, céré-
monie qui donne du mystérieux à l'action. La personne
qui tient le mouchoir, étant sous l'influence de la peur,
d'après le terrible avis qu'on lui a donné, ne man-
quera pas de lâcher la pièce à temps opportun pour
éviter toute catastrophe, et comme la pièce, par son
propre poids, fera pencher le mouchoir vers le bas,

celle qui était entre les deux mains tombera naturelle-


ment sur l'autre, et produira un bruit qui donnera à
croire qu'elle vient d'arriver brusquement, poussée par
une puissance magique.
PIÈCES DE MONNAIE. ^39

SECTION XII.

Autre joli tour de pièce volante dans un mouchoir.

Effet. — On met une pièce de cinq francs dans un


mouchoir, et on fait observer qu'elle est parfaitement
enfermée, mais que Ton a un moyen certain pour la faire
sortir, sans ouvrir le mouchoir; et s'adressant à la per-
sonne à qui cemouchoir appartient, on lui demande
si elle veut permettre que Ton use du moyen dont on
vient de parler. Elle répondra : oui, sans aucun doute.
Alors on présente une paire de ciseaux à quelqu'un,
et on fait couper un morceau du mouchoir, qu'on en-
lève avec la pièce et que l'on pose sur la table. On
fait couper plusieurs fois; ensuite, on prend tous les

morceaux, on les approche d'une bougie, ainsi que le

reste du mouchoir, on y met le feu et on frotte les


deux parties l'une contre l'autre, ayant l'air de les sou-
der. On finit le tour en prenant la pièce qui était restée
sur la table et que l'on jette sur le mouchoir , comme
pour l'envoyer où elle était avant d'avoir fait couper,
et dans le moment la pièce paraît aux yeux des spec-
tateurs, enfermée dans le mouchoir comme elle était

au commencement du tour.
Explication. — On a préparé une pièce de cinq
francs dans un morceau carré de percale, que l'on
PUESTIDIGiTATÏOlH.

lient dans le creux delà main, comme quand on esca-


mote. On a soin de ne pas laisser apercevoir la percale.
Si, dans la séance, on s'est déjcà servi d'un mouchoir
blanc qu'on n'ait pas erifcore remis à la personne qui
l'aurait prêté, on pourrait en disposer pour le tour;

dans le cas contraire, on en empranîe un. On de-


mande une pièce de cinq francs, que l'on fait
aussi
mettre sur le mouchoir que l'on tient étendu sur le <

bras gauche, en supposant que la pièce enveloppée


serait dans la main droite. On renverse le mouchoir
sur la pièce et on fait observer qu'elle est bien en-
fermée. En empoignant le mouchoir de la main droite
parle milieu, on laisse pendre la pièce. C'est alors que,
s'adressant aux spectateurs , on dit : « On pourrait
penser qu'il serait difficile, et même impossible, de
faire sortir cette pièce sans ouvrir le mouchoir. Il y a
cependant un moyen^ Messieurs, que je veux bien vous
communiquer, si lUadame veut me permettre de l'em-
ployer. » Cette question s'adresse à la propriétaire du
mouchoir. A coup sûr, la dame donne son consente-
ment. On présente des ciseaux à un des assistants, en
l'engageant h venir couper le mouchoir, et tandis qu'il
se prépare de grand cœur à cette exécution , on trans-
porte le mouchoir dans la main gauche, qui s'en em-
pare près de la pièce qui est dedans, et, avec la main
droite, on prend cette pièce pour l'enfoncer de suite
dans la gauche, en même temps que l'on y met le

chiffon contenant la pièce qui représente celle du mou-


choir. La main droite tient alors, avec les doigts, la
PIÈCES DE MONNAIE. 241

pièce du chiffon. Cette opération se fait en un instant


eX dans celte disposition : ce qui paraît du morceau de
percale semble faire partie du mouchoir , et la pièce
qui est tenue dans la main droite passe toujours, aux
yeux des spectateurs, pour être celle qu'on a vu mettre
dans le mouchoir.
Pour résumer, on doit comprendre que la main
gauche contient la pièce du mouchoir , refoulée dans
le fond par la percale, laquelle percale est aussi con-
tenue dans la même main; que la droite a dû reculer
un peu pour venir prendre ia pièce enfermée dans la
percale, et donner à ce chiffon le plus d'étendue pos-
sible; enfin, que la position des mains simule bien le
mouchoir qu'on donne à couper près do la pièce de
cinq francs qu'il contient.
Je recommande de mettre le plus de percale pos-
sible dansla main gauche, pour pouvoir disposer d'un

plus long bout, parce que, pour rendre le tour plus


plaisant, on fait couper plusieurs fois.

On fait donc couper près de la pièce, que Ton va


porter sur la table avec le morceau de percale.
On dit à la personne à qui appartient le mouchoir :

« Madame, je vois que Monsieur prend beaucoup de


plaisir dans cette opération : permettez- vous que je lui
donne cette satisfaction?.... Allons, Monsieur, coupez,
puisque cela vous amuse. » Et chaque fois que l'on

veut faire couper, on demande permission à la dame.


On va toujours déposer les morceaux sur la table.

•On garde Je dernier, et étant retourné à la table, on


PUESTIDIGITATION.

allume ce morceau, ainsi que le bout que l'on tient de


Tautre main avec le mouchoir. On frotte les deux par-
lies ensemble, en feignant de se servir de cet expédient
pour opérer leraccommodage mais, en même temps,
;

on roule ces deux morceaux ensemble, que Ton met


dans le creux de la main et qu'on laisse tomber sur la
tablette, par le mouvement déjà indiqué plusieurs fois.
On ramasse les autres loques, on fait encore sem-
blant de les incorporer dans le mouchoir, on les roule
de même, pour les faire aussi tomber sur la tablette.

Dans le temps que Ton manœuvre ainsi , on dit :

« Comme ce serait abuser de la complaisance de Ma-


dame, si je lui rendais son mouchoir dans l'état où
Monsieur Ta mis , je crois qu'il est de mon devoir de
réparer les petites brèches qu'on y a faites. Heureu-
sement que j'ai un moyen très-expéditif et très-simple,
comme vous voyez.
D 11 ne me reste plus qu'à envoyer cette pièce dans

le mouchoir, comme elle y était au commencement du

tour. »

On prend celle qui était restée sur la table depuis la

section du premier morceau, mais, en la ramassant,


on la fait couler pour la faire tomber sur la tablette.

On feint de l'avoir dans sa main, que l'on lient fer-

mée, et de la jeter sur le mouchoir. En même temps,


on laisse, par un mouvement de secousse, échapper la

pièce qui était retenue dans la main gauche, et qui ap-


paraît renfermée comme auparavant.
Il y a plusieurs manières d'escamoter la pièce que
PIÈCES DE MONNAIE. 245

l'on feint de jeter en dernier lieu dans le mouchoir. On


peut, en faisant le geste de la jeter, la retenir dans le
creux de la main ou entre du pouce et de
les racines

rindex; on la laisse tomber ensuite sur la tablette. On


peut aussi, en faisant plusieurs fois le mouvement de
lancer la pièce, la laisser tomber sur la tablette, tou-
jours garnie d'un coussin. Pour se servir de ce dernier
moyen, on se place à côté de la table, de façon à ce que
la tablette soit près du bras qui agit.
Cette dernière manière d'escamoter la pièce est
celle qui est adoptée par un habile prestidigitateur
belge, notre contemporain, nommé Courtois, et, soit

dit en passant, aussi honnête homme qu'il est adroit.

SECTION XIII.

Troisième manière de faire le tour de la multiplication


des pièces.

Effet. — On présente dans un plat un nombre


quelconque de pièces de monnaie ou de jetons.
La personne à qui on les présente les prend pour les
compter dans le plat. Je suppose qu'il y en ait vingt-
cinq; on les verse dans les mains de celui qui les a
comptés. On en redemande cinq, que l'on fait envelop-
per dans un morceau de papier.
16
PUESTIDKJJTATÏON.

On prend cette espèce de papiîlotte, et on semble en


tirer in visiblement les cinq pièces Tune après Tautre.
pour les renvoyer dans les mains de la personne qui
vient de les rendre; ce qui a lieu en effet, car, à la

dernière des cinq qu'il paraît envoyer, le prestidigi-


tateur dëcbire le papier dans lequel il n'y a plus rien.

La personne qui tient les pièces les recompte, et en


retrouve vingt- cinq, bien qu'elle en ait rendu cinq.
Explication. — En présentant les vingt-cinq pièces

pourîescompter,on en a cinq autres dans les doigts qui

sont sous le plat que l'on tient, et dans lequel on fait

compter. Quand ces vingt-cinq pièces sont comptées,


on les verse dans les mains de la personne h qui on-
s'est adressé , et , en versant , on lâche celles qu'on
avait dans les doigts, lesquelles se mêlent avec les

autres. On se débarrasse du plat en le posant sur la

table. Sur une autre table du fond, on va cliercher un


carré de papier, et, en même temps, un tampon aussi
de papier, auquel on a donné la forme d'une papiîlotte
qui contiendrait plusieurs pièces de monnaie. On tient
secrètement dans la main gauche ce papier, qui doit
être fort, pour mieux conserver la forme qu'on lui a
donnée. On porte le carré de papier à la personne qui
tient les pièces, en la priant d'en rendre cinq, et de les
envelopper ou de les faire envelopper. On prend ce
papier, qui renferme les cinq pièces, et, en faisant sem-
blant de le transporter dans la main gauche, on le re-
tient dans la main droite, en laissant paraître la fausse

papillote qui était cachée dans la main gauche. On va


PIÈCES DE MONNAIE- 245

déposer légèrement ce faux paquet sur la table en se


plaçant de manière à pouvoir laisser tomber sur la

tablette les pièces enveloppées qui étaient retenues


dans la main droite.
On reprend la papillotte fausse qui était sur hi table,
en disant : « Monsieur, je vais vous restituer les cinq
pièces que vous m'avez confiées et que vous avez en-
fermées dans ce papier. »

On feint de les prendre Tune après Tautre à travers


le papier , et de les envoyer avec celles qui sont dans
les mains de cette personne. On déchire le papier pour
faire voir qu'il ne contient plus rien, et on en jette les

morceaux. On fait compter les pièces et on retrouve


les vingt-cinq, quoiqu'on en ail retiré cinq.

il ne faut pas manier vivement la papillotte creuse,

de crainte que les spectateurs ne s'aperçoivent de sa


légèreté.

Il y a encore quelques petits tours de pièces de


monnaie dont je ne donnerai pas la description parce
qu'ils sont imprimés. On les trouve dans Ozanam et De-
cremps, et dans les compilations faites sur eux : par
exemple, la pièce que Ton met dans un mouchoir et

que l'on fait tomber dans une assiette, et de là dans


un gobelet placé sous la table; ce qui s'exécute parle
moyen d'un fil qu'on attache à la pièce, et au bout
opposé duquel fil est aussi attachée une épingle pliée
pour l'accrocher au mouchoir.
PRESTIDIGITATION.

On trouve de même ce petit tour de pièce volante


connu de tout le monde, qui se fait avec une pièce
cousue dans un coin du mouchoir; les deux pièces
qui changent de mains, que Ton fait à Taide de deux
pièces différentes que Ton donne à souder ensemble
après qu'elles ont été diminuées de moitié sur l'épais-
seur, par exemple une pièce de deux francs et une de
cinq centimes.
Il y a encore deux ou trois tours tellement connus,

que ce n'est pas la peine d'en parler, d'autant moins


que je suis pressé de commencer le deuxième article dj^

cette seconde partie.


ARTICLE DEUXIEME»

DU JEU DES GOBELETS,

INTRODUCTIOY.

On trouve, dans les trois ouvrages originaux que j^ai

mentionnés, des détails assez étendus sur le jeu des


gobelets, principalement dans Guyot, qui a emprunté
d'un Allemand, comme je l'ai déjà dit, une série de
passes ingénieusement combinées ; aussi, tous les com-
pilateurs s'en sont-ils emparés.
Mon but n'est donc pas de répéter ce qui a été dit
sur ce sujet; si j'en parle, ce ne sera que pour faire

connaître les améliorations qui ont été faites 5 cette


partie de la prestidigitation.
Ce jeu, quoique très-ancien, est toujours vu avec
Ce qui prouve son mérite, c'est d'avoir sur-
plaisir.
248 PUESTIDIGITATION*

vécu au temps, et, bien qu'il soit facile à exécuter, oû^


le considère généralement comme la partie constitu-

tive delà prestidigitation ; aussi, dit-on communément,


en parlant d'un faiseur de tours : Ccst un joueur de
gobelets.

Pour jouer commodément des gobelets, il faut se^

que je Tai
servir d'une table telle décrite dans la pre-
mière partie, article lï, section YL La tablette de cette
table sert de gibecière. On appelle ainsi le sac que les
escamoteurs mettent devant eux en manière de tablier,
et dans lequel ils serrent tous les objets dont ils ont
besoin. Il a plu aux prestidigitateurs et professeurs de
pbysique amusante d'appeler servante cette tablette
dont je viens de parler.
On nomme passes, les tours que l'on fait avec des
gobelets.
Je ne donnerai pas la description de ces gobelets : on
la trouve partout, et il n'y a point de ferblantier qui ne
sache les faire, soit en fer-blanc, soit en cuivre.
Les petites boules avec lesquelles on joue sont en
liége; on leur a donné le nom de muscades, parce
qu'anciennement on noircissait ces petites boules en
les brûlant à la flamme d'une chandelle ou bougie,
pour les rendre plus légères, de sorte que leur couleur
et leur forme les faisaient assez ressembler à cette noix

odoriférante dont elles portent le nom.


(JOKELETS. 249

SECTION 1.

De la manière cVescamoler la muscade.

Jusqu'à présent, on n'adonné connaissance que


d'une manière d'escamoter la muscade; j'en admets
deux, et c'est au moyen de la deuxième que l'on exé-

cute les passes les plus surprenantes, parce que l'on


peut escamoter plusieurs muscades ensemble, au lieu
d'une seule. Nous allons bientôt en parler.
Pour se mettre en état de bien jouer des gobelets,
il n'y a que deux clioses à apprendre, savoir : esca-
moter la muscade dans ses doigts, et l'introduire sous
le gobelet; le reste n'est plus qu'affaire de mémoire.
Pour escamoter la muscade de la manière usitée
ordinairement , prenez-la avec le pouce et l'index de
la main droite. Pliez l'index, ce qui le lait reculer en
faisant rouler un peu la muscade, qui doit alors poser
sur la première phalange du grand doigt. Ramenez
l'annulaire en dedans de la main, pour donner plus
d'écartement entre lui et le grand doigt. Roulez, avec
le pouce, la muscade dans cet écartement, relevez
Tannulaire, et cette muscade doit se trouver placée
juste entre les premières phalanges du doigt du milieu
et de l'annulaire, et contre les racines de ces deux
doigts, enOn, au bas et entre la fourche formée par
ces deux doitils.
250 PRESTIDIGITATION.

Yoilà ce qu'on appelle escamoter la muscade; il faut


le faire avec tout le naturel possible, sans lenteur ni
précipitation. Vous vous exercerez d'abord avec une
muscade plutôt petite que grosse, parce que vous la
ferez tenir plus facilement dans les doigts.
Quand vous commencerez à pouvoir exécuter ce que
je viens d'expliquer, habituez-vous , en escamotant la

muscade, à faire le geste de la mettre dans la main


gauche, laquelle vous devez fermer à temps en retirant
la main droite.

Pour vous accoutumer à un mouvement naturel,


mettez réellement la muscade dans la main gauche
en retirant la main droite. Examinez attentivement
l'effet si simple de cette action, et attachez-vous à bien
imiter cet effet en escamotant, de sorte que l'on ne
trouve pas de différence entre le mouvement que vous
ferez en escamotant la muscade et celui que vous feriez

en la mettant effectivement dans la main. Ceci est plus


important qu'on ne pense : c'est le moyen de tromper
les yeux des escamoteurs mêmes.
Observez la même chose dans les cas où vous posez
le gobelet sur la table, en y introduisant la muscade,
ou quand vous ne mettez rien dessous. N'affectez ja-

mais de frapper fortement avec les gobelets, comme le

font la plupart de ceux qui en jouent; il n'est pas na-


turel de poser un objet avec la brutalité d'un homme
en colère.
Voyons maintenant comment on introduit la mus-
cade.

i
GOBELETS. 251

Il faut prendre le gobelet du plus bas possible, afin

que la muscade qui est entre vos doigts soit au-des-

sous du bord; ainsi, en le prenant, l'index doit frôler


la surface de la table.
Lorsqu'on lève un gobelet pour y introduire une
muscade, c'est toujours sous le prétexte de faire voir
qu'il n'y a rien dessous, et, en le reposant, on chasse
vivement la muscade avec l'annulaire. Ces deux actions
de poser le gobelet et de chasser la muscade dessous
doivent se faire en un seul temps.
On sait maintenant comment on escamote la mus-
cade et comment on l'introduit sous le gobelet. Il reste
à dire comment on la reprend d'entre les doigts pour
paraître la tirer d'une baguette ou de tout autre objet.
C'est bien simple, il suffit de la prendre avec le bout
du pouce pour la faire rouler vers l'index, qui fléchit
afin de la saisir conjointement avec le pouce. Tout ceci
se fait en un seul temps et dans le même moment
que l'on retire le bout des doigts de l'objet qu'on a
pincé comme pour en prendre la muscade, qui paraît
subitement entre le pouce et l'index. Ce mouvement
doit avoir la rapidité d'un ressort qu'on laisse échap-

per. Avec un peu de pratique, on arrive aisément à


cette exécution.
FIIESTIDICITATION.

Deuxième manière d'escamoter la muscade.

La deuxième manière d'escamoter la muscade est


de la placer dans la paume de la main absolument
comme la pièce de monnaie. On lient d'abord cette
muscade au bout de l'index et du pouce, comme étant
la manière la plus convenable et la plus naturelle de
la tenir; mais, pour l'escamoter, on la roule avec le
pouce sur les bouts et entre les deux doigts du milieu.
Ces deux derniers doigts, en fléchissant, portent la

muscade entre les deux bourrelets qui forment la

paume de la main le plus grand doigt appuie sur


; la

muscade pour bien Ce mouvement des doigts


l'asseoir.

se fait en feignant de mettre la muscade dans la main


gauche. Pour la reprendre c'est Tannulaire qui va la
,

chercher et qui Tattire en la faisant rouler jusqu'à ce


que le pouce puisse s'en emparer et la repasser sur le
bout de l'index. Dans cette opération, le petit doigt aide

un peu l'annulaire.
Cette manière de reprendre la muscade est plus dif-

ficile que dans le premier procédé; il faudra s'y exercer


davantage.
Mais, pour mettre la muscade sous le gobelet dans
cette deuxième méthode, c'est peut-être plus aisé en-
core que dans la première.
Lorsque vous prenez le i^obclet , l'annulaire et le
GOBELETS. 2o5
petit doigt vont chercher la muscade, et, en l'attirant,
la placent naturellement sous le gobelet, qu'on n a plu&
qu'à poser sur la table en lâchant la muscade.
On peut facilement mettre deux muscades dans le
ereux de la main, mais l'une après l'autre; il faut
placer celle qui vous semble la plus petite en premier,
et si vous en mettez une entre les doigts, selon la mé-
thode ordinaire, vous en tiendrez trois sans être gêné.
Par ce moyen on peut faire des tours de gobelets très-
,

surprenants, quand on aura bien l'habilude do ma-


et

nier plusieurs muscades, comme je viens de l'expli-


quer, on pourra soi-même improviser une infinité de
passes qui dérouteront tous les joueurs de gobelets
qui ne connaissent pas l'avantage que donne la facilité

d'escamoter plusieurs muscades à la fois.

SECTION n.

Remarques sur les principes décrits par Ozanam^

Quelques personnes ont cru , d'après Ozanam que ,

îpn pourrait escamoter plusieurs muscades en les


mettant entre les doigts, c'est-à-dire en en plaçant une
entre le pouce et l'index, une deuxième entre l'index
et le grand doigt, enfin une troisième entre le grand
doigt et l'annulaire. C'est ainsi qu'Ozanam l'cnseii^ne.
PUESTIDIGITATION.

Mais, comme évidemment impossible déjouer


il est

des gobelets en plaçant les muscades de cette manière,


j'en conclus qu'Ozanam n'en savait pas jouer. En effet,

comment prendre un gobelet par le bas, qui est la


partie la plus large, sans risquer de laisser échapper
la muscade qui est entre l'index et le pouce, puisqu'il

faut que le pouce s'écarte de toute la largeur du go-


belet? D'ailleurs, quand on a trois muscades placées
entre les doigts, on est obligé de tenir ces doigts serrés
l'un contre l'autre. Cet état de la main , n'étant pas
ordinaire, donnerait un air gauche qui inspirerait des
soupçons. On a beau tenir cette main étendue^ comme
Ozanam le recommande, cela ne ferait que rendre la

gaucherie plus apparente. Ce n'est pas tout ce qu'Oza-


nam dit de singulier dans son instruction : il explique
que, pour introduire la muscade sous le gobelet, il

faut faire passer l'une après l'autre toutes celles qui


sont dans la main , entre l'annulaire et le petit doigt.
Ce qui prouve l'absurdité de ces principes, c'est que,
depuis plus d'un siècle qu'Ozanam les a écrits, on n'a
pas vu une seule personne qui se soit avisée d'en faire
usage.
Je vais copier littéralement, dans son ouvrage, les
articles dont il est question , pour que le lecteur en
juge lui-même. Voici ce qu'Ozanam dit, d'abord pouB
l'escamotage de la muscade :

« Lorsque vous voudrez mettre la balle que vous


y> avez escamotée sous un gobelet, vous la ferez sortir

» d'entre vos deux doigts, en la poussant avec le second


GOBELETS. 25^)

i> doigt dans le troisième, et vous ploierez le troisième


D doigt pour la tenir ; vous prendrez ensuite le gobelet
2> par le bas et le lèverez en l'air, et, en le rabaissant
» vite, vous mettrez la balle dedans. »

Maintenant, voici ce qu'il dit pour l'escamotage des


trois muscades :

« La huitième passe est de mettre trois muscades


3) dans votre main une entre le pouce et le premier
,

» doigt, la deuxième entre le premier et le deuxième, et

y> la troisième entre le deuxième et le troisième. Vous


j> frottez vos mains l'une contre l'autre, et les frappez
» même ensemble, et vous dites : « Messieurs, vous
D voyez qu'il n'y a rien dans mes mains, » et vous faites

3> voir sous le premier gobelet qu'il n'y a rien, et en le-


j> vant, vous y mettez la balle qui est entre le deuxicm e
» et le troisième doigt; mais vous aurez soin ,
aupara-
D vant, de la faire couler dans votre troisième doigt, afin
» de la mettre facilement sous le gobelet. Lorsque vous
» l'aurez mise dessous, vous ferez couler la balle qui est
» entre le premier et le deuxième doigt , dans le troi-

ï> sième doigt, comme la première; vous lèverez le

» deuxième gobelet, disant qu'il n'y a rien , et mettrez


j> une balle dessous en le rabaissant ; ensuite, vous tire-
D rez la balle que vous tenez dans le pouce, et la mettrez
» dans le même doigt où vous avez mis les autres. Pour
» lors, vous lèverez le troisième gobelet, et, faisant voir
» qu'il n'y a rien dessous, vous y mettrez la troisième.
3> Enfin, vous leverezles trois gobelets l'un après l'autre,
» et vous foites voir qu'il y a une balle sous chac jn. »
256 PUESTIDIGITATIOT^.

Le lecteur pourra se convaincre par lui-même que


tous ces déplacements de muscade dans la main sont
impraticables, qu'il est hors de doute qu'Ozanam ne
savait pas jouer des gobelets, et qu'il a été induit en
erreur par les personnes qu'il a consultées, à moins
que ses présomptions ne l'aient trompé lui-même.
On m'objectera peut-être qu'il n'est guère croyable
qu'on ait traité d'un art manuel, sans se l'être rendu
familier par la pratique. Cependant, il n'y aurait rien
d'étonnant à cela. Je pourrais citer plusieurs exem-
ples, et de diverses natures, à l'appui de mon opinion ;

mais, pour ne point trop m'écarter de mon sujet, je


ne ferai mention que d'un fait qui m'est personnel.
J'ai dit que j'avais connu M. Decremps assez parti-

culièrement. Dans nos entrevues, il aimait à parier de


tours. A cette époque, j'en faisais déjà assez adroite-
ment, surtout avec des cartes.
l^a première fois que je lui en fis, sur son invitation,
je n'étais pas hardi. Je le regardais comme un critique
clairvoyant et sévère, car j'avais lu ses ouvrages, et
surtout sa description des principes sur les cartes,
faite avec beaucoup d'intelligence. Mais je fus bien
surpris quand il me demanda, d'un air très-étonné, si

je n'exécutais pas les tours que je lui faisais par d'au-


tres moyens que ceux qu'il connaissait. Je lui répondis
que je n'employais que ceux qu'il avait si ingénieuse-
ment expliqués dans son Testament de Jérôme Sharp, et
que je ne comprenais pas comment il ne s'en était pas
aperçu. — « Alors, je conçois maintenant, » répliqua-
r.or,j:î.KïS. 2^7

t-il, « que c'est parce que vous les avez faits avec tant
de légèreté, que mes yeux n'ont pu saisir vos mouve-
ments. » Dans cet entretien, il prit les cartes et essaya

de faire sauter la coupe : il plaçait très-bien les doigts

pour cela, on voyait qu'il connaissait les principes;


mais, après plusieurs tentatives infructueuses, il laissa

tomber les cartes en partie. — <î Yous voyez, 5 me


dit-il en les ramassant, « que je suis bien maladroit.
— Ma foi, D lui répondis-je, « Monsieur Decremps, je
vois, dans le fait, que vous n'êtes pas aussi adroit des
doigts que de la plume. » Et il m'avoua qu'il ne pou-
vait faire aucun tour d'adresse, qu'il avait toujours été

curieux de connaître les moyens de les exécuter, mais


qu'il en avait absolument négligé la pratique.

On voit, par cette petite anecdote, que M. Decremps


ne savait pas exécuter les tours de cartes; néanmoins,
il a pu en décrire très-bien les principes , parce qu'ils
lui avaient été bien enseignés. Mais , si on lui eût
donné de mauvais moyens, il n'aurait pu en apprécier
la fausseté; il aurait pensé que, dans l'exécution, tout
ce qui était impraticable pour lui, pouvait être facile
pour d'autres qui auraient acquis plus d'adresse par
l'exercice. C'est le cas où s'est trouvé Ozanam dans le

jeu des gobelets, comme M. Decremps dans les tours

décrits dans sa Macjie blcmche, pour lesquels il n'a


point été à portée de recevoir des explications sin-
cères d'un professeur de bonne foi. Revenons à nos
muscades.
Je dis et j'assure que, pour bien cscamoîcr, on ne
^S8 PRESTlf)ÏGlT\ÏION.

peut tenir librement plusieurs muscades dans sa main,


que comme je l'ai expliqué. L'expérience le prouvera
aux personnes qui voudront en faire l'essai.

SECTION III.

Deuxième manière de feindre de mettre la muscade sons


le gobelet.

Tous ceux qui ont écrit sur le jeu des gobelets n'ont
donné qu'une manière de feindre de mettre la muscade
dessous. C'est, en faisant semblant de la mettre dans la

main gauche, de prendre le gobelet de la droite, d'en


couvrir la muscade supposée et de faire le geste de la
mettre sur la table en faisant couler le gobelet sur la
ntain ; bien entendu que l'on ne doit ouvrir la main
gauche qu'au moment où elle est couverte par le

gobelet.
Cette manière de feindre de mettre la muscade sous
le gobelet est celle qui est employée par tous les pres-
tidigitateurs. On peut aussi en employer une autre
pour rompre la monotonie qui résulte de l'usage con-
stant de la première; il semble que cette seconde, que
je vais proposer, est plus naturelle ; mais je conseille

de se servir de toutes les deux, tantôt de l'une, tantôt


de l'autre, pour faire diversion au mouvement uniforme
d'une seule.
GOBELETS. 259

Voici cette seconde manière :

Tenant la muscade de la main droite, on ne la change


pas de main, où plutôt on ne feint pas de la changer
de main. On lève le gobelet de la main gauche, et en
escamotant la muscade dans la main droite, on fait le
mouvement de la mettre sur la table, en la couvrant
en même temps du gobelet que l'on tient de la main
gauche. C'est absolument le même effet que si on met-
tait réellement la muscade sur la table en la couvrant
du gobelet, en supposant que, posant la muscade avec
le pouce et l'index de la main droite , on couvre cette
muscade du gobelet en même temps qu'on la lâche.

Maintenant je vais parler de quelques passes qui ne


sont décrites nulle part. Ces passes seront un supplé-
ment à celles qui ont été pubhées dans les ouvrages que
j'ai cités, et, de toutes ces passes différentes, on pour-
ra, avec un peu d'intelligence, composer un jeu qui
aura Tapparence de la nouveauté, en supprimant avec
goût celles qui paraîtront inutiles et celles qui auraient
trop de rapport avec d'autres.

17
260 PIlESTlDlGItÀtlOK.

SEGTION lY.

De quelques passes qui n'ont jamais été publiées


jusqu'à ce jour. .

Le jeu des gobelets qui se trouve dans l'œuvre de


Guyot est le meilleur de tous ceux qui ont été pu-
bliés.

Cependant il y a plusieurs passes insignifiantes qui

le rendent languissant, et que je conseille de suppri-


mer; telles sont, par exemple, la seconde, la troisième,
et puis celle lin, que l'on joue avec six muscades
de la
pour faire le changement de couleur. Ces passes n'ont
rien de saillant, font paraître le jeu trop long, ce qui
lui relire cette vivacité et cette animation qui en font
le charme.
Je vais expliquer le jeu que je me suis composé, sans
parler des passes que Ton peut improviser quand on

y est disposé, et que l'on voit qu'on fait véritablement


plaisir aux spectateurs.
GÔREIETS. 20 i

Mettre une muscade sous chacun des trois gobelets , et

faire trouver de suite ^ sous celui du milieu, les mus-


cades qui étaient sous ceuv des coins, les trois gobelets

n ayant été levés quune seule fois pour y mettre les

muscades.

Je pose trois muscades sur la table, en affirmant


que je ne joue jamais qu'avec trois (on sait que la

principale vertu de Feseamoteur est de bien mentir).


Je. fais voir que je n'en ai point de cachées dans les
mains. J'en prends une des trois, et en feignant de la

mettre dans la main gauche, et de là sous un gobelet


des coins, je l'escamote dans le creux de la main droite.
J'en prends une seconde; cette fois, pour plus de fa-

cilité , je l'escamote entre les doigts , en feignant


de la mettre sous l'autre gobelet du coin. Je prends
enfin la troisième; mais, pour le coup, je la mets ef-
fectivement dans la main gauche, avec les deux que je
tenais cachées dans la main droite, et je les mets toutes
trois sous le gobelet du milieu. Alors je commande à
celles qui sont sous les gobelets des coins de passer
invisiblement sous le gobelet du milieu. Je découvre
ce gobelet et je fais voir que les muscades y sont pas-
sées. Je lève les gobelets des coins pour montrer qu'il
n'y a plus rien dessous.
Je prélude ordinairement par cette passe, pour per-
suader aux spectateurs que je ne joue qu'avec trois
muscades; je continue par la passe suivanta
202 PUESTIDIGITATION.

SECTION V.

Mettre ostensiblement une muscade sous chaque gobelot,


et faire disparaître d'mi même coup ces trois muscades.

Je prends ces trois muscades Tune après l'autre, en


feignant d'en mettre une sous chaque gobelet; mais
je les escamote dans la main droite, et, comme tou-
jours, quand on en escamote trois, en en mettant deux
dans le creux de la main et une entre les doigts. Les
assistants, ayant vu prendre ces muscades sur la table,
sont bien persuadés qu'elles sont sous les gobelets.
Je prends la baguette et je dis: « Messieurs, pour
vous prouver que cette baguette a réellement une pro-
priété magique , je vais faire rentrer invisiblement ces

trois muscades dans son intérieur. »


En prononçant ces mots , je laisse tomber sur la ta-

blette les trois muscades que j'avais dans la main


droite.

Je pose un des bouts de la baguette sur la tête d'un


gobelet, et touchant des doigts cette baguette, je fais
couler main de bas en haut comme pour faciliter
la ,

l'intromission des muscades, en activant la puissance


magique. Je fais la même opération sur chaque gobe-
let, ensuite je les découvre, et on voit qu'il n'y a plus
de muscades. Pour plus de conviction, on montre Tm-
térieur de ses mains.
GOBKLETS. 2C5

En remettant de la main gauche les gobelets en


place, on reprendra secrètement delà droite une mus-
cade sur la tablette, et on continuera de jouer par la

première passe du jeu de Guyot.


Si on A' eut rendre ce jeu plus vif et plus pressé , on
passera de la première passe à la quatrième , de la

quatrième à la neuvième, et on continuera sans inter-


ruption jusqu'à la onzième inclusivement.
La onzième passe terminée, on la fera suivre im-
médiatement de deux jolies passes très-faciles ,
que je
vais donner, parce qu'elles n'ont jamais été publiées.
Voyez les deux sections suivantes.

SECTION YI.

Mettre les muscades Vime après Vautre siir la tête (Tun

gobelet, couvrir ce gobelet dhin deuxième, et faire que,


chaque fois, la muscade qui était sur la tête du go-
belet tombe dessous sans aucune cause apparente.

La onzième passe étant finie vous retirez les trois ,

muscades qui étaient sous le gobelet vous les posez ,

sur la table , et , en remettant le gobelet en place , vous


introduisez dessous la muscade qui était restée dans
votre main. Vous en prenez une des trois qui sont sur
264 M\ESTlDlGITiVTÎOK.

la table, et vous la mettez sur la tête du gobelet sous


lequel il y a une muscade. Vous couvrez ce gobelet
d'un autre, et vous remuez l'index au-dessus, comme
si ce mouvement était nécessaire dans l'opération.
Ensuite vous renversez les gobelets avec le bout du
doigt; les spectateurs voient sur la table la muscade
qui est censée être celle que vous venez de mettre sur
la tête du gobelet. L'ouverture des gobelets renversés
doit se trouverdu côté des assistants. Vous prenez de
k main gauche ces gobelets par l'ouverture que vous
ramenez vers vous en tenant, de la main droite, la tête
de celui de dessus. Les têtes des gobelets doivent se
trouver en bas, par conséquent l'ouverture est en haut.
En séparant les deux gobelets, la muscade qui était

entre eux se trouve naturellement au fond de celui que


vous tenez delà main droite, vous n'avez donc qu'a poser
tout simplement ce gobelet sur la table à l'endroit où
il y a déjà une muscade, et celle qui était dans le go-
belet roule et tombe auprès de l'autre. Vous faites la
même chose jusqu'à ce qu'il y ait trois muscades sous
le gobelet; alors, vous laissez la quatrième entre les

deux gobelets , et vous profitez de cette circonstance

pour faire la passe suivante.


GOlîF.LETS. 205

SECTION Yîî.

Faire passer les trois muscades par -dessous la table

dans lin gobelet que Von tient l'ouverture en haut,

Lorsqu'en dernier lieu vous avez renversé les deux


gobelets pour faire voir les trois muscades, vous prenez
de la main gauche ces gobelets par la tête, l'ouverture
en haut. Vous vous servirez de la main droite pour re-

tirer le gobelet de dessus, c'est-à-dire celui qui est dans


l'autre. Vous le poserez sur la table, n'en ayant plus
besoin. Il vous reste donc celui que vous tenez de la

- main gauche, l'ouverture en haut.


Vous n'avez pas oublié que la quatrième muscade,
que vous avez mise sur la tête du gobelet que vous
venez de mettre à l'écart , reste dans le fond de celui
que vous tenez , ce dont les spectateurs ne se doutent
nullement. Alors vous dites : <c Messieurs, vous venez
de voir passer ces trois muscades de haut en bas à tra-
vers le gobelet ; maintenant, je vais faire quelque chose
de plus merveilleux, eh les faisant passer de bas en
haut, au travers delà table, dans le gobelet. »

Vous prenez une des trois muscades, et en mettant


la main droite sous la table, tenant le gobelet de la
main gauche, en-dessus vous escamotez la muscade
,

dans les doigts. Vous renversez alors sur la table la mus-


cade qui était dans le gobelet, et que l'on croit être celle
266 PIIESTIDIGITATION.

qui est entre vos doigts. Vous reprenez cette même naus-
cade que vous venez de faire paraître et la remettez dans
le gobelet; mais vous mettez avec, celle qui était dans
vos doigts. Yous prenez une seconde muscade, que
vous escamotez de même sous la table. Yous faites voir
les deux qui sont dans le gobelet, en le renversant.
Vous les reprenez encore pour les reporter dans le

gobelet toujours en y joignant celle qui est dans


, et

vos doigts; enfin vous faites de même pour la troi-


sième. Quant à la quatrième muscade qui reste dans
vos doigts., vous la gardez pour vous servir dans les

passes subséquentes.
Avec les trois muscades qui sont restées sur la table

et celle qui est entre vos doigts , vous continuez de


jouer en reprenant la douzième passe de Guyot; vous
allez jusqu'à la quatorzième, qui est celle de la multi-
plication des muscades, après laquelle on fait les

passes de balles moyennes et de grosses balles , qui


terminent le jeu de gobelets que j'ai adopté.
J'ai remarqué qu'en se bornant là , le jeu en parais-
sait plus piquant et plus animé, et qu'en allant plus
loin, il commençait par languir; le spectateur alors n'y
prête plus qu'une demi-attention, et, comme l'exprime
un dicton vulgaire : il vaut mieux le laisser sur la bonne
bouche.
GOBELETS. 207

SECTION Yllf.

De la miillipUcalion des muscades.

Cette dernière passe que je fais avec des muscades, -

et que Ton nomme la miilliplication , est peut-être


le plus simple et en même temps le plus brillant
des tours de gobelets. Il consiste à paraître retirer
de dessous les gobelets une quantité indéterminée
de muscades qui semblent se reproduire sans cesse,
quoique cependant on n'en retire aucune. Je vais la

décrire en peu de mots, bien qu'on la trouve dans les


ouvrages qui traitent de prestidigitation; mais, si j'en

parle ici, c'est parce que je termine cette passe d'une


toute autre manière que ceux qui l'ont expliquée.
Une muscade étant sous chaque gobelet, et une qua-
trième entre les doigts, on prend un chapeau que l'on
tient de la main gauche. Alors on main
lève de la
droite un gobelet, pour découvrir muscade qui est
la

dessous. En reposant le gobelet, on y introduit la mus-


cade qui était entre les doigts. On prend celle que l'on

vient de découvrir, et on feint de la mettre dans le


chapeau, en l'escamotant entre les doigts. On revient
au second gobelet, qu'on lève de même, pour décou-
vrir la muscade, et qu'on repose en introduisant celle
qu'on tient cachée dans les doigts. On prend la mus-
268^ PRESTIDIGITATION.

eade découverte ,
et, comme la première fois, on Tes-
eamote en feignant de la jeter dans le chapeau. Même
opération avec le troisième gobelet. On continue cette
manœuvre aussi longtemps qu'on le veut. Les specta-
teurs prennent toujours pour de nouvelles muscades
celles qu'ils voient reparaître sous lés gobelets, quand
ils croyaient qu'il n'y avait plus rien dessous.
On peut finir cette passe de deux manières, soit en
montrant qu'il n'y a point de muscades dans le cha-
peau , soit en en faisant trouver.
Dans le premier cas, on prie une personne d'étendre
un mouchoir pour recevoir les muscades, on feint

d'en verser, et on se retire en recommandant à la per-


sonne de n'en perdre aucune.
Dans le second cas, lorsqu'on veut faire trouver des
muscades dans le chapeau, il y a un moyen très-
simple et plus facile qu'on ne pourrait le croire. Je ne
conseillerai pas de se servir de l'expédient qu'indique

Guyot : de faire construire un vase à double fond, à


bascule, dans lequel on cache des muscades; ce moyen
est trop naïf pour le temps présent.
Yoici celui que j'emploie : avant de commencer la

multiplication , je prends de la main droite sur la

gibecière de la table, une poignée de muscades que


j'avais disposées d'avance bien en prise. Je m'approche
de l'assemblée pour demander un chapeau; j'ai soin de

présenter un peu le côté gauche , afin de masquer suf-


fisamment mon bras droit, que je laisse pendre contre
la hanche. Je prends de la main gauche le chapeau
GOBELETS.

que Ton m'offre, et je demande en même temps un


mouchoir, que je fais mettre dans le chapeau. Alors
transportant ce chapeau de la main gauche à la droite,
je laisse tomber dedans les muscades que je tiens dans
la main , au moment où j'en empoigne les bords. Ce
mouvement, qui doit être fait en un clin-d'œil, ne peut
pas être aperçu, parce que le corps du chapeau cache
entièrement la main droite aux yeux des spectateurs,
dans l'instant où je le change de main en y jetant les

muscades.
Le mouchoir que je fais mettre dans le chapeau sert
à amortir le bruit des muscades en tombant. Son em-
ploi occupe l'esprit des spectateurs , qui ne peuvent
pas comprendre à quoi il peut être nécessaire dans,
cette circonstance.

SECTION IX.

Passe des moyennes balles.

Ayant renversé les muscades sur la table, pour finir


la précédente passe (je relire le mouchoir avant), je

fais le tour des balles moyennes ; mais pour


, le lier

avec la multiplication que je viens de terminer, et


avoir occasion de prendre secrètement une bàlle sur
k tablette où elles sont pr(;parées, j'entretiens les spec-
270 PIIESTIDIGITATION.

tateurs en leur disant, par rapport à la dernière passe


de muscades : « Messieurs , ceci n'est qu'un échantil-
lon de ce que je pourrais faire; car, avec le temps, il

me serait facile de multiplier ces muscades dans une


y en aurait de quoi emplir plu-
telle quantité, qu'il

sieurs barriques; mais ce serait trop abuser de votre


patience. Ce que je me permettrai en ce moment, sera
de faire changer de grosseur et de couleur les muscades
qui restent sous les gobelets. »

En parlant ainsi, je prends secrètement une balle


sur la tablette, que je place dans le creux de ma main
droite, et, en levant un des trois gobelets pour décou-
vrir la muscade qui était en dessous, j'introduis la balle

en le reposant. Je prends la muscade que je porte sous


la table, en disant que je vais la renvoyer sous le gobe-
let. Je laisse cette muscade sur la tablette, et je prends
une balle que je mets toujours, bien entendu, dans le

creux de ma main.
Je reviens au second gobelet, que je lève de même
pour y introduire la balle en le reposant, et prendre la
muscade pour la porter sous la table et feindre de la

faire passer au travers, comme précédemment. Enfin,


je fais de même pour la troisième muscade; mais, cette

dernière, je la laisse sur la tablette, sans rien reprendre.


Ces trois balles moyennes, qui doivent être du vo-
lume d'une grosse noix, étant sous les gobelets , on
est arrivé au moment de faire la passe des grosses
balles, dont le diamètre doit remplir toute la capacité
des gobelets.
COlîELETS.

SECTION X.

Passe des grosses balles.

Cette passe n'est pas la plus difficile du jeu des go-


belets, et cependant elle en est la plus frappante. Voici
la manière de Texécuter.
On se souvient que la table sur laquelle on opère
est élevée, que la tablette est à la portée de la main
et que l'on peut prendre dessus tout ce dont on aura
besoin, sans être obligé de faire un léger mouvement
de corps, qui donnerait à croire que l'on veut atteindre
à quelque chose, ce qui détruirait l'illusion nécessaire
pour étonner les spectateurs.
Les balles sont préparées sur la tablette, du côté
gauche, et bien en prise. Parmi ces balles, on en pla-
cera deux ou trois qui seront bien élastiques et peu
bourrées; il faudra les séparer assez des autres pour
que la main puisse les distinguer au besoin. Tout
étant ainsi disposé, vous prenez une balle de la main
gauche, et, en levant un des gobelets de la main droite,
pour découvrir une balle moyenne, vous approchez
de vous ce gobelet , un peu en avant de la table, et

vous y fourrez légèrement la balle, qui doit tenir d'elle-


même tout en la mettant; cependant pour plus de ,

sûreté, vous lui donnez un petit coup du doigt du mi*


272 l>HESTtI)lGITAT10N.

lieu delà main droite en posant le gobelet sur la table.


Cette introduction de la grosse balle dans le gobelet
doit se faire plus prompteraent que l'éclair, sans, toute-
fois , laisser paraître ce mouvement.
Les spectateurs le voient d'autant moins, que votre
main gauche est cachée par le bord de la table , ainsi
que le gobelet qui vient s'offrir à la balle pour la re-
cevoir.

J'ai ici une recommandation importante à faire , et

à laquelle il faut se conformer scrupuleusement , si on


veut faire une illusion complète dans cette passe des
grosses balles : c'est qu'en les introduisant dans les
gobelets, il faut bien se garder de faire remuer le moins
du monde le bras gauche ; le poignet seul doit faire le

mouvement.
La méthode que je viens de donner pour mettre les

grosses balles dans les gobelets est, selon moi, la meil-


leure, parce que le gobelet ne change pas de main.
Celle que l'on trouve dans Ozanam ne doit être em-
ployée que pour les balles moyennes.
Je vais continuer notre passe, que j'ai interrompue
par des réflexions qui s'y rattachent et qui étaient né-
cessaires.

Vous mettez une balle sous le second gobelet, de

même que vous avez mis la première. Comme je l'ai

dit, ces balles doivent tenir seules dans les gobelets.

Pour la troisième, on emploie une feinte qui, en trom-


pant les spectateurs , les étonne et les égaie.

Aussitôt que vous aurez mis la grosse balle sous le


GOîiELETS. 275

deuxième gobelet vous , dites , en faisant remarquer la

moyenne que vous venez de découvrir :


— « Vous
voyez, Messieurs, que les muscades sont changées de
couleur et de grosseur. y> Et pendant
,
le temps que
vous prononcez'ces mots , vous prenez de la main
gauche une grosse balle sur la tablette , et ,
posant
cette main sur le bord de la table, comme par inat-
tention , vous laissez un peu apercevoir la balle que
vous tenez en la soutenant avec le pouce. Alors, en
levant le troisième gobelet, vous le rapprochez de la
main gauche, en faisant légèrement le geste d'y mettre
quelque chose, dans le m.eme moment que vous laissez

tomber sur la tablette la balle que vous teniez. Le ga-


belet étant posé , tous les spectateurs croient que vous

y avez fourré la balle qu'ils ont aperçue un instant, et


ne manquent pas, du moins en partie, de murmurer
et de se récrier sur votre maladresse.
Vous prenez un air déconcerté, en dem.andant le sujet

du mécontentement qu'on vous témoigne. On vous ré-

pondra indubitablement qu'on vous a vu mettre une


balle sous le gobelet. Vous répliquez en disant que l'on

se trompe, et que, s'il y avait quelque chose, vous seriez


le premier à le savoir. Vous lèverez perpendiculaire-
ment les deux premiers gobelets. Les balles, se main-
tenant dans l'intérieur, ne paraissent pas. On criera :

« Sous l'autre! sous l'autre! » se réjouissant d'avance

de votre embarras présumé. Alors , en renversant les

gobelets, vous dites avec un grand sang-froid : « Non,


Messieurs ,
pas plus sous celui-ci que sous les autres. »
274 PUESTIDIGITÂTION.

Les spectateurs, voyant qu'il n'y a rien où ils comp-


taient bien voir une balle, conviennent de leur désap-
pointement , tout en se trouvant mystifiés.

SECTION XI.

Suite de la passe précédente.

Après avoir prouvé aux spectateurs qu'il n'y a rien

sous les gobelets, vous dites : « Mais, Messieurs, vous


me croyez donc bien maladroit? Pensez- vous que si je
voulais faire trouver des balles sous les gobelets, j'irais

les mettre lourdement comme ceci ? »


En parlant, vous prenez sur la tablette une balle élas-
tique et une autre balle dans la même main ,
qui est la
gauche, et, faisant semblant den tirer une de votre
poche vous
, les mettez toutes deux dans le gobelet , en
prononçant les deux derniers mots de ce que vous
venez de dire. Notez que les spectateurs croient que
vous n'en avez mis qu'une , parce que la balle élasti-

que, étant pressée, se réduit à très-peu de volume. La


balle solide étant la première dans la main, entre
aussi la première dans le gobelet, et y reste; l'autre
retombe sur la table en reprenant sa sphéricité. Cette
balle est prise pour celle qui est restée dans le gobe-
let, et, continuant de parler, vous dites: — <t Non,
GOBELETS» 275

Messieurs, si je voulais escaaioter de grosses balles,


vous ne me les verriez pas mettre ; au reste, je peux
vous en donner la preuve. Prêtez bien toute votre at-
tention, je vais en faire passer sous les gobelets : je

vous préviens, vous voyez que j'y mets de la fran-


chise. Il est d'abord nécessaire de vous faire voir qu'il

n'y a rien sous les gobelets. »

Vous les levez, et, en les reposant, vous frappez un pe-


tit coup sec pour faire tomber les balles qui sont dedans*
Vous continuez de parler en opérant; vous direz:
a Je prends trois grosses balles dans ma poche, et
je les pose sm* la table comme vous voyez. (On ne
prend rien, et on ne met rien sur la table). Je vous aver-
tis. Mesdames, que ces balles sont magnétisées de
façon à rester invisibles aux yeux des personnes qui
auraient la conscience un peu chargée, c'est-à-dire qui

auraient commis quelques petits péchés dans le cou-


rant du jour; mais je ci ois bien que personne, ici,
n'est dans ce cas-là. Vous les voyez, Mademoiselle?
Oh! pardon de l'indiscrétion. Je vais continuer le

tour. Je prends celle-ci (qui est supposée sur la table,


on ne prend rien), et je la fais passer au travers de ce
gobelet. Je prends cette grosse rouge (on ne prend tou-
jours rien), et je la fais passer également au travers de
ce second gobelet; je prends, enfin, cette troisième, et
je la fais passer aussi au travers de ce dernier gobelet.
Maintenant, Messieurs, je vous demande si vous avez
vu passer ces balles dans les gobelets? Non.... Cepen^
dant les voici. »

18
276 PKESTIDiGITATÏON.

En découvrant les gobelets l'un après l'autre, vous


y mettez une nouvelle balle de la manière que j'ai ex-
pliquée. Ces balles sont toutes disposées sur la tablette.
Après ces dernières, vous en mettez encore d'autres.
On peut réitérer jusqu'à ce que la table en soit toute
couverte.
On conçoit bien que l'on peut mettre sous les go-
belets toute autre cbose que des balles. On peut y in-
troduire des pommes, des pêcbes, des oranges, etc., et

même des bouquets que l'on offre aux dames. îl ne


serait guère plus difficile d'escamoter de petits ani-
maux; avec un peu de hardiesse on , réussirait.

Je ferai observer, qu'à partir des premières balles, il

ne faut pas que celles qui suivent tiennent dans les


gobelets; on les maintient un peu avec l'annulaire,
en les posant sur la table. Je le répète, cette passe des

grosses balles, très-réjouissante pour les spectateurs,


estpeut-être la plus facile pour l'exécutant, d'autant plus
que, chaque fois qu'il lève les gobelets, les yeux des
personnes présentes sont attirés comme malgré elles

sur ce que l'on découvre , et ne font point attention


qu'au moment où vous faites sortir une cbose, vous en
mettez une autre sous le gobelet.

Souvent on termine cette multiplication en parais-


sant faire sortir des objets d'un volume quatre ou cinq
fois plus étendu que la capacité des gobelets, ce qui
se fait dans le moment que l'on découvre une balle ou
un fruit. On applique vivement ces objets contre l'ou-
verture des gobelets, et les maintenant en-dessous
€OBELETS.

avec les doigts, on secoue comme s'ils avaient de la


peine à sortir. Les spectateurs, ayant encore les yeux
fixés sur ce que vous venez de découvrir, sont très-

surpris de voir paraître subitement ces nouveaux ob-


jets, qu'ils croient sortir des gobelets , et ne conçoivent
pas comment ils pouvaient y être contenus.
Je ne m'étendrai pas davantage sur le jeu des gobe-
lets , rn'étant prescrit une loi de n'écrire , en fait de
tours composés, que ce qui n'avait pas encore été im-
primé , à moins que ce ne soit pour relever les imper-
fections de quelques-uns déjà publiés, ou pour les

améliorer par des procédés nouveaux.


îl me reste maintenant à donner une idée des feintes,
qu'on doit employer dans cette partie de la prestidigi-
tation. C'est, comme je crois l'avoir déjà dit, par le
moyen de ces feintes et en les plaçant à propos, que
l'on peut dérouter les spectateurs dans toutes les con-

jectures qu'ils pourraient former, et en même temps


rendre ce jeu plus brillant et plus merveilleux.
On comprend bien que je n'ai pas l'intention de
recommencer la description du jeu des gobelets, pour
y placer toutes les feintes dont les passes sont suscep-
tibles : je n'ai besoin que d'en donner un ou deux
exemples pour mettre l'amateur sur la voie; c'est à
lui, alors, à en imaginer selon qu'il le jugera convena-
ble pour faire valoir ses tours et les rendre plus éton-
nants.
Je vais prendre les premières passes venues, ou,
pour vous prouver que je ne choisis pas, je prendrai
^78 l'KliSTlDlGlTATlON.

la première du jeu des gobelets et une du milieu pour


établir mes exemples.
Je vais commencer par la première.

SECTION Xll.

Passe exécutée avec des feintes.

D'abord, il est convenu que le spectateur doit croire


que Ton peut tirer de la baguette magique ou du grand
doigt de la main gauche, un nombre infini de mus-
cades.
La première passe se joue avec une seule muscade,
mais on feint d'en tirer trois de la baguette, pour en
mettre une sous chaque gobelet. On feint ensuite de
retirer les muscades par la tète du gobelet et sans
lever ceux-ci , et de mettre chaque fois ces muscades
à sa poche. (Voyez Ozanam et Guyot.) Voila comme se

fait sèchement cette première passe.


Mais le spectateur croit-il ou ne croit-il pas que Ton
met et retire ainsi les muscades? Il peut, au moins, en

douter. L'essentiel, ici, est de le persuader. Voici comme


je fais cette passe.
Après avoir parlé delà propriété intarissable de ma
baguette, je me dispose à en tirer une muscade ; mais,
comme par réflexion , je montre l'intérieur de mes
mains pour faire voir que je n'en ai point, en affirmant
GOKELEJS. 270

que les personnes qui pensent que les joueurs de go-


belets les cachent dans leurs doigts, sont dans l'erreur.
Je me mets une seconde fois en position de tirer une
muscade; je m'arrête encore, comme si je faisais une
nouvelle réflexion, et je dis : « Beaucoup de personnes
croient aussi que Ton se sert des manches pour ca-

cher tous les objets qu'on ne veut pas laisser paraître :

je vais les relever, pour prouver que cette opinion est


encore une erreur. »

Je commence par relever la manche droite, et en


relevant la gauche, je prends une muscade que j'y
avais mise d'avance et que je place entre mes doigts..
Cette même muscade me sert pour toute la passe.

Les assistants étant persuadés que je n*avais pas de


muscades de cachées, j'en tire une et je feins de la

mettre sous le premier gobelet. Je n'ai pas besoin de


dire que je l'escamote dans les doigts.

J'en tire une deuxième, et, celle-ci, je la mets réelle-

ment sous le gobelet du milieu. Je feins de vouloir en


tirer une troisième, mais je m'arrête, en supposant
que je crois avoir entendu quelqu'un dire que j'ai des
muscades dans la main ; et, m'adressant h l'assemblée,
je dis, comme pour répondre à la personne qui vient
de m'accuser : « Non pas Messieurs,
,
je vous l'ai déjà
affirmé, je n'ai point de muscades cachées comme on
vient de le dire : regardez mes mains, et vous verrez
qu'elles sont absolument vides comme la bourse -d'un
poète. Ne croyez pas non plus que je ne fais que sem-
blant de mettre les muscades sous les gobelets (on
280 PUESÏIDÏGIIÀTION.

lève celai où on vient de mettre la muscade) : vous'


voyez que je les mets réellement. »

En prononçant ces derniers mots, on pose le gobelet


sur la taWe à côté de, la muscade. On reprend cette
muscade, que l'on met dans la main gauche, et en
faisant le geste de la remettre sous le gobelet à la ma-
nière ordinaire , on la Mi rouler au-delà dii gobelet
comme par maladresse; on la rattrape de suite et on
Fescamote dans les doigts, en feignant de la remettré
sous le gobelet avec le pouce et l'index de la main
droite.
* Ayant fait cette dernière feinte, je tire une troisième
fois la muscade de la baguette, et je la mets tout de
bon sous le troisième gobelet. Je fais observer qu'il y
â une muscade sous chacun d'eux. Alors finvite une
personne à venir retirer les muscades qui sont sous
les gobelets ; mais j'ai soin de ne m'adresser qu'à celles
qui sont placées du côté du gobelet où est la mus-
cade. Une personne arrive et lève naturellement, d'a-
bord, le premier gobelet qui est à sa main. Je lur

laisse découvrir la muscade, et, aussitôt, je lui dis en


rabaissant le gobelet : « Pardon, Monsieur, j'ai oubhé
de vous dire qu'il fallait retirer les muscades sans lever
les gobelets. Bien n'est plus commun que de les
prendre comme ceci, en levant le gobelet. »

Ici, je joins l'action aux paroles; je lève le gobelet

de la main gauche et je prends la muscade de la droite.

Je feins de remettre cette muscade sous le gobelet


(scion la deuxième manière, voyez la section III de cet
GOBELETS.

article), mais je l'escamote entre les doigts, et revenant


au premier gobelet, c'est-à-dire à celui qui est opposé à
celui où était la muscade, je dis: « Je vais vous mon-
trer une manière plus distinguée de les retirer. »
Alors je tire. les muscades de la tète des gobelets, et je
feins de les mettre dans ma poche , à l'exception de
celle du troisième gobelet que je mets réellement dans
,

ma main gauche. Je fais le mouvement de la mettre


dans ma poche comme les autres, mais je m'arrête
comme par réflexion, en disant: « Ah! celle-ci, j'en
ai besoin : je vais m'en servir dans le moment, » et je la

mets sur la table.

On voit que de mots il faut écrire pour détailler

toutes les feintes d'une seule passe ! Où cela nous


conduirait-il, &il fallait décrire ainsi toutes celles qui
constituent le jeu des gobelets? Je crois bien que per-
sonne n'aurait le courage de les lire quand j'aurais
celui de les expliquer. Cependant on voudra bien me
permettre d'en donner encore une; mais je prie le

lecteur de ne pas s'impatienter, et pour le rassurer, je


lui dirai que je vais choisir la plus courte.
Je vais prendre pour second et dernier exemple la
onzième passe du jeu décrit dans Guyot.
282 PRESTIDIGITATION.

SECTION XIII.

Autre passe avec feinte.

Cette passe consiste à faire passer Tune après l'autre


trois muscades sous un même gobelet.
Les trois muscades étant sur la table , et en
ayant une quatrième entre les doigts, on lève les go-

belets pour faire voir qu'il n'y a rien dessous. On in-

troduira la muscade qui est entre les doigts sous Vun


des trois. On en prend une de celles qui sont sur la
table, et l'escamotant, en feignant delà mettre dans la

main gauche, on dit qu'on l'envoie sous un des gobe^


lets. On lève celui sous lequel on en a mis une pour la

faire voir. En recouvrant celte muscade, on introduit


celle qui était dans les doigts. On fait de même jusqu'à
ce qu'il y ait trois muscades sous le gobelet; on le lève
pour faire voir ces trois muscades; mais, en les recou-

vrant, on met avec, la quatrième cachée dans la main,


en laissant adroitement une des muscades à découvert,
c'est-à-dire qui ne soit pas sous le gobelet.

Les spectateurs ne manqueront pas de vous avertir


qu'il y a une muscade dehors; on feint de ne pas s'en
être aperçu, on la reprend, et, en l'escamotant, on dit
qu'on la renvoie sous le gobelet avec les deux autres ;

on lève et on fait remarquer que toutes les trois muS''

cades y sont.
GOBELETS. . 285

Les spectateurs sont bien persuadés que cette mus-


cade était restée découverte par mégarde, et vous la

voyant renvoyer sous le gobelet de cette manière, ils

sont convaincus que toutes celles qui ont reçu l'ordre


de passer invisiblement sous les gobelets dans les
passes précédentes, y sont allées par le même chemin,
ce qui, au fond, est vrai; ils ne se trompent que sur la

forme.
En voilà suffisamment pour donner une idée des
feintes que Ton peut employer dans les passes des
gobelets.
J'avais promis d'en rester là sur ces feintes; mais
il m'en revient une dans la mémoire que je vais don-
ner, parce qu'elle n'a aucune analogie avec celles dont
je viens de parler.

SECTION XÏV.

Feinte dam la passe appelée la poste.

y a une passe que Ion appelle la poste, probable-


Il

ment par rapport au cliquetis que font les gobelets


quand on l'exécute. Cette passe consiste à faire dis-
paraître trois muscades que l'on met sur la tête d'un
gobelet, que l'on couvre des deux autres. On feint de
PKESTIDIGITATION,

retirer ces trois muscades à travers les deux gobelefs^


de dessus, en se servant d'une quatrième muscade
que l'on a dans les doigts et qu'on escamote.
Quand les muscades sont censées retirées , et qu'on
veut prouver qu'elles sont parties, on renverse les

gobelets en les prenant des deux mains ; on leur donne


une position à peu près horizontale, un peu plus pen-
chée vers la droite , où se trouve la tète des gobelets >

ce qui fait que l'ouverture est plus élevée. On pose le

gobelet de dessus sur la table ,


et, prenant le second
au fond duquel sont les muscades, on le met sur le

premier. Les muscades n'ont pas le temps de se ré-


pandre et se placent naturellement sur la tête de ce
premier gobelet; on sait que les têtes des gobelets
sont concaves. On met enfin le troisième sur les deux
autres. On recommence trois ou quatre fois , et vive-

ment, cette manœuvre. Les spectateurs, voyant qu'on


sépare ainsi les gobelets pour les réunir , et n'aperce-
vant aucune muscade ; pensant, d'ailleurs, que s'il y en
avait entre les gobelets, elles s'échapperaient par cette
manipulation , sont bien portés à croire qu'elles sont
absentes, emportées in visiblement par une puissance
magique mais, ayant
; fini par poser séparément les go-

belets sur la table, en mettant au milieu celui dans lequel


sont les muscades, on annonce qu'on va les faire revenir,
en leur ordonnant de se trouver sous le gobelet du milieu.
Voilà l'explication de cette passe, que l'on appelle
la poste, et voici la feinte que j'ai promise, feinte insi-
dieuse s'il en fut jamais.
,

GOBELETS. 285

Ayez dans îc creux de la main deux muscades, et,


manœuvrant vos gobelets comme je viens de le dire
laissez échapper ces deux muscades , qui doivent aller
tomber du côté de l'assemblée. Il est bien entendu que
vous n'aurez pas l'air de vous en apercevoir.
Parmi une nombreuse société, il y a toujours quel-
ques sceptiques qui n'ajoutent pas une foi entière à
~ vos prestiges. Ceux-là ne sont pas fâchés de vous
prendre en défaut. En voyant tomber ces mus-
cades, ils se garderont bien d'en rien dire, pour
voir comment vous vous tirerez de ce mauvais pas,
car ils sont persuadés que ces deux muscades viennent?
à votre insu, de s'échapper des gobelets; ils jouissent
d'avance de votre désappointement. Mais, quand ils

vous entendront annoncer , d'un ton affîrmatif, que


vous allez faire revenir les trois muscades sous le go-
belet du milieu , il y en aura au moins un qui vous
proposera un pari , en vous disant, pour vous leurrer,
qu'il ne peut pas croire à une chose qui lui parait im*
possible. Yous acceptez, pour le punir de sa malice,

que vous avez devinée; vous levez le gobelet, et aper-


cevant les trois muscades, votre adversaire est bien
étonné de voir le désappointement retomber sur lui.

Si , ce qui peut arriver, quelques officieux vous


prévenaient de la chute des muscades, alors, vous ter-
mineriez autrement : dans ce cas vous prenez
, les deux
muscades qui vous sont rendues, et vous les escamo-
tez en disant que vous les renvoyez invisiblement
sous le gobelet. Les spectateurs ne sont pas moins
286 PRESTIDIGITATION.

surpris que dans la première circonstance; car, croyant


de bonne foi que ces nauscades échappées sont celles

qui devraient être sous le gobelet, ils trouvent extraor-


dinaire que vous ayez pu les renvoyer à leur poste
d'une façon aussi peu usitée.
AimCLIÎ TROISIÈME.

DU JEU DES GOBELETS AVEC DES BOULES DE CUIVRE


EN PLACE DE MUSCADES.

SECTION I.

Des boules qui servent dans ce jeu et de la manière de


les escamoter.

Cette méthode de jouer des gobelets avec des boules


de cuivre est toute particulière et diffère de la mé-
thode usitée. Avant Conuspère, qui en est l'inventeur
et qui, seul. Ta mise en pratique, elle aurait été, pour
les prestidigitateurs , ce que la quadrature du cercle
est pour les le grand Œuvre pour les al-
géomètres,
chimistes et le mouvement perpétuel pour les méca-
niciens. M. Conus père a trouvé la solution de ce pro-
blème, et a bien voulu me la communiquer. La mort
étant venue le surprendre, je crois pouvoir publier ce
secret sans blesser la délicatesse.
288 PUESODIGITATION.

Les boules dont on se sert dans ce jeu sont au nombre


de quatre, comme dans le jeu ordinaire des gobelets.
'

Elles doivent avoir environ deux centimètres et demi


de diamètre. Elles s'escamotent dans le creux de la main
comme les pièces de monnaie, ou comme on le voit dans
la description de la deuxième manière d'escamoter la
muscade. Quand on a l'habitude d'escamoter de cette
manière, la pesanteur de l'objet n'est pas un obstacle;
une boule de cuivre est presque aussi aisée à escamoter
dans le creux de la main qu'une boule de liège.

Cependant, si on trouvait ces boules un peu trop


lourdes, on pourrait facilement les faire creuser par
un fondeur en cuivre. Mais la grande difficulté con-
siste à introduire ces boules de métal sous les gobelets,
sans qu'on les entende heurter contre les parois in-
térieures. Il faut qu'elles tombent d'aplomb sur la

table en même temps que le gobelet, et de façon qu'en


tombant elles restent à peu près immobiles.
Cela dépend en partie, d'abord, d'un léger mouve-
ment de main que l'on ne peut guère exprimer par des
mots; cependant, je crois pouvoir en donner une idée
en me servant d'une comparaison qui a quelque rap-
port à ce que je veux dire.
Lorsque l'on jette de loin un objet sur un point quel-
conque, et que l'on veut qu'il reste sur ce point, ou, du
moins, qu'ii s'en écarte peu, on sent qu'il faut jeter
cet objet en retenant un peu. C'est un tact d'instinct

que l'habitude donne et que tout le monde a eu l'oc-

casion d'éprouver. Si ce mouvement de retenue est fait


GOBELETS. 289
h propos, l'objet reste, ou peu s'en faut, à l'endroit que
l'on a visé et sur lequel on l'a lancé; autrement, il

roule et s'éloigne de cet endroit.


C'est donc une impulsion manuelle à peu près de
cette nature qu'il convient de donner à la boule en
l'introduisant sous le gobelet, afin fFobtenir cette im-
mobilité nécessaire pour que cette boule ne choque pas
le gobelet.

Mais, malgré tout, et quoiqu'ayant acquis autant que


possible ce tact instinctif, on ne parviendrait qu'avec
les plus grandes difficultés, et peut-être jamais, à réus-

sir parfaitement et à coup sûr, si je n'indiquais deux


précautions qui sont peu de chose en apparence, et
qui, cependant, font tout le mystère du jeu.
Quand vous sentirez que vous êtes parvenu à don-
ner à la boulele moins de mouvement possible en l'in-
troduisant, qu'on ne l'entendra frapper le gobelet que
rarement et faiblement , vous aurez fait tout ce que
Ton peut faire; le reste ne sera plus rien pour exécuter
parfaitement les passes dont il est question. Ce sera
d^ mettre sous le tapis de votre table un matelas
très-mince fait avec deux morceaux d'une toile quel-
conque, entre lesquels vous étendrez une couche de
son. Cette substance rompt toute élasticité, et, par ce
moyen, rien sous la boule ne pourra la faire sauter.

Comme on n'introduit la boule par escamotage que sous


un gobelet, le coussin n'a que peu d'étendue.
Enfin, pour seconde précaution et pour tout prévoir,
en posant le gobelet, serrez-le fortement en introdui-
PRESTIDIGITATION.

sant la boule ; cette pression amortira le bruit que fe*

rait la boule si ,
par accident , elle venait à toucher au
gobelet. Mais, avant d'avoir recours à ces moyens
exercez-vous sur une table garnie d'un simple tapis
sans coussin dessous vous serez plus à portée d'ap-
,

précier vos progrès.

SEGTÎON II.

Faire passer invisiblemeîit trois boules sous un seul


gobelet, l'une après Vautre.

Après avoir démontré qu^il n'y a rien de commun


enlre cette manière de jouer des gobelets et la mé-
thode ordinaire, vous posez trois boules sur la table,

et vous en aurez une quatrième mise d'avance sur la

gibecière ou tablette : cette dernière doit être ignorée

des spectateurs.
Vous dites que ces boules pèsent trois ou quatre
onces et que vous n'en avez que trois.

Vous faites observer qu'il serait impossible de ca^


cher ces boules entre les doigts , et qu'il serait égale-

ment impossible de les tenir dans le creux de la main,


car leur propre poids les ferait retomber.
Et continuant, vous dites, en prenant une boule de
la main gauche sur la table : « Je ne vous dirai pas
-lOUî'LETS.

comme Messieurs les escamoteurs, que je vais faire


passer ces boules à ti-avers la table sous le gobelet. »

En prononçant ces derniers mots, vous faites le


geste de mettre la main gauche sous la table, et vous
prenez en même temps, de la droite, la boule qui était
sur la gibecière. Et toujours en parlant, vous dites, en
levant le gobelet de la main droite : ^( Vous voyez.
Messieurs, qu'elle n'irait pas. (En replaçant le gobelet,

vous introduisez dessous la boule que vous avez prise


secrètement sur la tablette , et vous remontrez en
même temps celle que vous tenez de la main gauche).
Pour la faire passer, voici. Messieurs, comme je m'y
prends,
» Je la pose dans ma main, que je ferme, et c'est au
moment même où je ferme, que cette boule va se rendre
invisiblement sous le gobelet, (En prononçant ces mots :

ceUe 6ow?c, vousla laissez tomber sur la table, pour la


reprendre et l'escamoter) . Regardez bien La voilà
passée. » (Vous levez le gobelet pour faire voir la
boule, et en la recouvrant, vous introduisez celle qui
est restée dans le creux delà main). Vous prenez une
seconde boule, vous l'envoyez de même sous le gobelet,

en posant votre main droite sur le bord de la table,

pour laisser tomber la boule que vous venez encore


d'escamoter. Vous levez le gobelet, pour faire voir qu'il

y a deux boules; mais, cette fois, vous ne les recouvrez


pas de suite, vous laissez le gobelet à côté. Vous prenez
la troisième boule, vous la mettez réellement dans la
main gauche, en feignant, d'un air maladroit, de la

19
PnESTIDIGÎTATlON.

retenir dans la main droite. De plus, en prenant le


gobelet pour recouvrir les deux boules, vous faites, en
le posant, du bruit en choquant les boules, comme si

vous y en introduisiez une que vous auriez dans la


main ce qu'on croit facilement, puisque la feinte que
;

vous avez donne à penser aux spectateurs que


faite

vous n'avez pas mis la boule dans la main gauche, et


que vous l'avez^retenue dans la droite.

Il faut être adroit pour bien simuler cette maladresse.

Si, enfin, cetteTeinte est faite comme il convient, les


spectateurs, trompés par les apparences, ne dissimu-
leront pas qu'ils croient que vous n'avez fait que sem-
blant de mettre la boule dans la main gauche, et que
vous l'avez retenue dans l'autre main, pour la fourrer

avec les deux autres en les couvrant.


Sur cette interpellation, vous dites : <i Vous vous
trompez. Messieurs, la boule est dans ma main, car je
la sens encore. (On ouvre la main.) Vous la voyez. j>Et,
levant le gobelet, vous faites observer qu'il n'y a que
deux boules.
Vous ne les couvrirez pas de suite, vous laisserez le
gobelet à côté, comme vous avez fait dans la passe pré-
cédente.
Continuant de parler, vous dites Ah! vous pen-
: c

siez, sans doute, qu'usant des mêmes moyens que Mes-


sieurs les escamoteurs dont je viens de parler, j'avais
introduit par supercherie une troisième boule sous le
gobelet,, et qu'ensuite, prenant celle-ci, j'avais la pré-
tention de vous faire accroire que je la faisais passer
GOBELETS. 295

sous le gobelet à travers la table ? » En disant ces

derniers mots, vous faites le geste correspondant aux


paroles, vous mettez la main droite sous la table, et

vous prenez, avec celle que vous tenez déjà, la boule

qui était sur la gibecière ; vous placez l'une des deux


dans le creux de la main, et rautre,vous la tenez comm.e
d'abord, au bout des doigts; celle-ci, vous la jetez sur
la table, et, sans vous interrompre, vous dites : « Vous
étiez dans l'erreur; car, en supposant que j'en aie mis
une sous le gobelet (ici, on prend le gobelet, et, en le

reposant, on couvre les deux boules en introduisant


avec, celle que l'on avait dans le creux de la main),
d'où me viendrait celle-ci (on montre celle qui est sur
la table), puisque je n'en ai que trois? Yous allez voir.

Messieurs, que ce ne sont pas là les moyens dont je


me sers. Je mets cette boule dans ma mxain (on l'esca-
mote), et c'est en lui disant tout simplement : Partez
(dans ce moment on , laisse tomber sur la tablette la

boule qui était dans la main droite), qu'elle se rend,


comme vous voyez, invisiblement sous le gobelet. »
On le découvre, on prend les trois boules et on les
étale sur la table, pour les couvrir chacune d'un go-
belet que l'on aura soin de placer près du bord de la
table, vers soi.
294 PRESTIDlGlTAïiON.

SECTION ni.

Les trois houles étant recouvertes , les reprendre sans


lever les gobelets, pour les mettre dans sa poche.

Les gobelets étant disposés comme je yiens de le


recommander, on en prend un de chaque main et on
les pousse vers le milieu delà table, comme s'ils avaient
été mis si près du bord par inadvertance ; mais^ en
les coulant de chaque main pour les éloigner, on les
penche un peu du côté des spectateurs, ce qui produit
devant vous une ouverture assez large pour laisser
passer les boules, dont on s'empare avec le creux des
mains un peu mouillées. Il est à remarquer que l'in-

clinaison que l'on donne aux gobelets pour pouvoir


enlever les boules, ayant lieu du côté des spectateurs^
est lout-à-fait imperceptible pour eux. Les deux gobe-
lets étant placés au milieu de la table, on rapproche
les mains du bord, pour laisser tomber les boules sur

la gibecière.

Tous ces mouvements sont faciles ; pour peu d'a-

dresse que l'on y mette, les spectateurs ne peuvent pa&


s'en apercevoir.

Alors vous dites : « Messieurs, je vais vous foire


voir qu'il no m'est pas plus difficile de retirer ces
boules de dessous les gobelets, que de les y faire aller.

En disant ces mots, vous découvrez la boule restée


GOBELETS. 295

SOUS le goîjciet qui était toujours près du bord de lu


table ; vous la découvrez au moment où vous prononcez
ces boules, comme pour indiquer les objets dont vous
parlez, mais bien pour faire penser aux spectateurs,
sans afFectation, que les boules sont toujours sous les
gobelets. Yous recouvrez de suite cette boule, et vous
repoussez le gobelet pour le mettre au niveau des
autres, en enlevant la boule, comme vous avez fait

pour les premières. Yous gardez cette boule dans le


creux de la main. Dans cet état de choses, les assis-
tants sont persuadés qu'il y a une boule sous chaque
gobelet. Alors on se sert de celle que Ton a dans la

main droite pour feindre de prendre par la tête des


gobelets les boules qui sont censées dessous. Yous tirez
la première en disant : a Je prends celle-ci et je la
mets dans ma poche (on feint de la mettre dans la

main gauche, et de là dans sa poche de côté). Je prends


la seconde, et je la mets pareillement dans ma poche.
Je prends enfin cette troisième, et je la mets aussi dans
ma poche. »

Yous mettez réellement cette dernière dans votre


poche. Yous levez les gobelets pour faire voir qu'il n'y
a plus rien dessous.
On peut varier cette façon d'escamoter les boules.
Quand vous aurez tiré la première par le haut du go-,
bdet, vous direz : « Messieurs, il n'est pas absolument
nécessaire que je touche les gobelets pour enlever les
boules; il suffirait que j'établisse une communication
de ma main à ces gobelets. t>
296 PRESTIDIGITATION.

Alors VOUS prendrez la baguette, vous en poserez


un bout sur le gobelet, et vous prendrez la boule par
l'autre bout.

On peut encore prendre la dernière par-dessous la

table, en disant : « Je ne pourrais pas faire passer une


boule sous le gobelet par-dessous la table, mais je puis
la faire tomber du gobelet dans ma main. » Ayant la

main sous la table, vous donnez un petit coup avec la

boule, ensuite vous la montrez et la mettez à votre


pocbe, comme je viens de le dire.
Si je conseille ces différents cbangements, c'est pour
donner les moyens de varier autant que possible, parce

que, dit Houdart de Lamothe :

L'ennui naquit, un jour, de l'uniformité.

SECTION lY.

Autre manière de ftîiir cette passe en faisant trouver les

boules dans la poche d'une personne.

On peut encore, si on le veut, terminer cette passe


d'une autre manière.
Quand vous tirez les boules des gobelets, au lieu de
les mettre dans la poche, vous dites , en prenant k
première, que vous feignez de mettre dans la main
gauche, comme il faut toujours le faire : « J'envoie
GOBELETS. 297

c«ile-ci où elle voudra aller. » (Je n ai pas besoin de


recommander d'ouvrir la main quand on envoie la

balle.) Yous prenez la seconde, que vous escamotez en


disant : « J'envoie cette deuxième avec l'autre. Je

prends cette dernière, et lui ordonne d'aller rejoindre

ses deux compagnes. y> — îci, vous la laissez tomber


sur la gibecière. Yous levez les gobelets pour faire voir
que les boules sont bien parties. Yous demandez alors
aux spectateurs s'ils ont fait attentionau chemin
qu'elles ont pris : la réponse sera négative naturelle-
ment ; vous répliquez que vous les avez suivies des
yeux, et que vous les avez vues entrer dans la poche
d'un spectateur que vous indiquez. Le Monsieur se
lève pour exhiber les boules qu'on lui réclame.

Sans doute que les assistants ne portent pas la

bonne foi jusqu'à croire que ces boules sont venues


sans façon, de leur autorité privée, faire élection de
domicile dans la poche du Monsieur; mais cette petite

scène occasionne un moment d'hilarité, qu'il est bon


de provoquer de temps en temps dans le courant d'une
séance, pour l'animer davantage.
On soupçonnera donc que, pour finir cette dernière
passe, vous vous êtes servi d'un compère, qui, étant
accusé de la tricherie , s'en tirera comme il pourra :

un complice que vous abandonnez.


c'est

Mais il y a un moyen de fmir la passe avec la môme


supercherie, et qui jettera les spectateurs dans une in-
décision telle, qu'ils ne sauront qu'en croire ; et, si le

compère a un peu d'aplomb ,


qu'il soutienne son rôle
298 PnESTIDIGITATION.

(Finnocent avec adresse, les assistants seront persua-


dés, du moins en partie, qu'il n'y a pas eu de fraude
dans l'effet du tour qu'on vient d'exécuter ; ce qui va
être expliqué dans la section suivante.

SECTION V.

Autre manière plus surprenante de terminer la passe

qui précède.

Nous reprendrons la passe au moment où on vient


d'enlever les boules avec le creux de la main , en re-
poussant les gobelets.

Yous invitez une personne à venir à côté de vous,


pour voir le tour déplus près. Un des spectateurs, qui
n'est pas éloigné, se lève et se rend à votre invitation.
C'est le compère qui arrive sans affectation , en don-
nant à son visage le plus de bonhomie qu'il pourra ;

il a une poche garnie de trois boules. Yous le placez


à votre gauche. Yous tirez les balles de gobelets comme
je l'ai expliqué ci-dessus; mais, au lieu de feindre
de les mettre dans votre poche, vous faites le geste
de les jeter en l'air, sans dire un mot. Quand vous
aurez pris et escamoté de cette façon la première
boule, vous passerez votre bras gauche derrière votre
voisin, après avoir fait un mouvement pour faire soup-
GOBELETS. • 299

çonner, par exemple , que vous avez touché à votre


poche.
Vous mettez la main derrière cette personne, sous

prétexte de la placer de telle ou telle manière , afin


qu'elle voie mieux Tescamotage des balles.

Après avoir escamoté la dernière , vous la laissez

tomber sur la tablette ; il n'y a pas à craindre que celui

qui est à côté devons puisse s'en apercevoir. Vous lui de-
mandez alors où il pense que les boules que vous avez
lancées sont allées; il répondra qu'il n'en sait rien.

Vous répliquez que cela vous étonne , puisqu'étant


tombées dans sa poche, il aurait dû en être averti par

le poids de leur chute. Le compère a l'air de n'en rien


croire, et pour le convaincre, vous lui demandez la
permission de le fouiller. Il y consent. Vous faites re-
marquer que vous n'avez rien dans les mains, vous
invitez les assistants à palper vos manches, et même
vous les relevez ; ensuite, vous mettez la main dans sa
poche et en retirez les boules. Vous levez les gobelets
avant ou après la restitution des boules.
Le compère doit bien jouer la surprise. Le mouve-
ment suspect que vous avez fait, ce geste de mettre le
bras derrière le compère sous un prétexte futile, tout
cela doit faire fortement soupçonner que vous avez
adroitement mis vous-même les boules dans la poche
de l'homme que vous avez fait venir auprès de vous,
sans doute dans cette intention. On admire votre
adresse, surtout si l'étonnement feint du compère pa-
raît naturel.
PIVESTIDIGITATION.

SECTION YI.

Autre manière plus prompte d'exécuter cette dernière

jjasse.

Voici encore line manière de terminer cette dernière


passe.
Lorsque le compère arrive près devons, au mo-
ment où les boules sont retirées quand on croit tou- ,

jours qu'elles sont sous les gobelets, vous passez le


bras derrière lui, pour faire naître des soupçons, comme
je l'ai expliqué tout-à-l'heure ; vous l'invitez à appro*
cher un peu plus. Vous lui demanderez où il croit que
sont les boules. Il vous répondra sans doute qu'il

pense que chaque gobelet en couvre une. Vous dites,

en renversant les gobelets : « Vous avez raison, Mon-


sieur, les voici. » Alors , vous feignez d'être surpris
autant que les spsciaîeurs, qui le sont de bonne foi, ne
voyant plus de boules , et , vous adressant à votre
homme, vous lui dites : « Ma foi! Monsieur, je vois

que vous êtes encore un meilleur escamoteur que moi;


car vous m'avez enlevé bien subtilement ces boules, et,

si je ne les entendais pas sonner dans votre poche, je


ne m'en serais pas douté. y>

Avec sa permission, vous prenez les trois boules

dans sa poche, et vous les jetez sur la table, ce qui

laisse les spectateurs dans une certaine perplexité, ne


GOBELETS. 501

sachant si lescamotage vient de vous, ou si votre homme


est un compère.
Les amateurs qui sont dans le cas de donner plu-
sieurs séances devant les mêmes personnes, se servi-
ront, s'ils le jugent à propos, alternativement de toutes
les manières de finir ce jeu des gobelets, pour éviter
de paraître se répéter.

Je crois n'avoir rien négligé dans ce volume, et être-


entré dans assez de détails pour mettre l'amateur au
fait de toutes les parties de la prestidigitation propre-
ment dite. Mais il ne faut pas penser qu'il suffira de
parcourir cet ouvrage comme on lit une gazette, pour

pouvoir exécuter tout ce qui y est expliqué.


On doit comprendre que tous les écrits didactiques

doivent être lus et relus avec une attention patiente,


et ne deviennent clairs et concevables qu'à cette con-
dition.

Je préviens encore que, si adroit et si intelligent que


Ton soit, il ne faut pas espérer défaire, de prime-
abord, les tours avec la légèreté et le mystérieux qu'y
mettent ceux qui exercent continuellement les mêmes
depuis des années.
Tous les professeurs, en général, ont chacun leur ré-
pertoire, composé d'une douzaine de tours environ, et

qu'ils font toute leur vie. Je ne parle ici que des tours
qui tiennent à l'adresse des mains.
De loin en loin, ces Messieurs en suppriment un ou
502 PRESTIDIGITATION.

deux dans leurs séances, pour les remplacer par d'au-


tres pris dans la classe de ceux qui ne sont que mé-
caniques; car, s'ils en prennent qui soient du ressort
de la prestidigitation, et avec lesquels il ne sont pas
familiers, alors ils sont aussi gauches que l'amateur de
peu d'expérience.
Je ne terminerai pas ce volume sans rappeler aux
personnes qui veulent faire les tours dans la perfec-

tion, de les étudier et de les pratiquer suffisamment ;

de tendre toujours à en bien voiler les moyens et à

donner le change à l'attention des spectateurs par des

feintes finement employées ; enfin, de s'attacher à


rendre ces tours merveilleux, en profitant avec intel-

ligence de toutes les circonstances qui s'offrent sou-


vent à ceux qui savent les saisir.

Je présume que l'étude de ce premier volume a étq


fatigante pour le lecteur, à cause de l'attention soutenuç

que l'on est obligé d'y donner , surtout dans le cha-


pitre premier, où il est question de la description

des principes pour les tours de cartes; mais je puis as-


surer que l'on sera amplement dédommagé en parcou-
rant la troisième partie de cet ouvrage, où on ne trou-
vera que des tours brillants, faciles à comprendre et
à exécuter, par la raison de la simplicité des moyens et

du peu d'adresse qu'ils demandent.

Fm DU PREMIER VOLUME.
TABLE

pages.

Avant-propos; 5
Introduction. 15
Avis préliminaires. — Principes généraux.
PREMIÈRE PARTIE. — DES TOURS DE CARTES.

Chapitre premier. — Des moyens et des principes


indispensables dans l'exécution d'une grande partie
des tours de cartes, 25
Section I. — Faire sauter la coupe de deux mains. 26
Section II. — Faire sauter la coupe d'une seule main, 30
Section III. — Deuxième manière de faire sauter la
coupe d'une seule main. 32
Section IV. — Troisième manière de faire sauter la

coupe d'une main. 33


Section V. — Faire filer la carte. — Premier moyen. 35
Section YI. — Faire filer la carte. — Deuxième moyen, 37
Section YIL — Filer carte d'une seule main.
la 38
Section yiîl. — Les faux mélanges.— Premier moyen, 39
504 TABLE
pages.
Section IX. — Deuxième manière de faire le faux mé-
lange. 42
Section X. — Enlever la carte. — Premier moyen. 43
Section XI. — Deuxième moyen d'enlever la carte. 44
Section Xiï. — Poser la carte. 45
Section Xllt. — Faire prendre la carte, ou la carte

forcée. 46
Section XIV. — La carte a l'œil. 48
Section XV.— Faire glisser la carte. 49
Section XVI. — Renverser le jeu. ibid.

Section XVII. — Faire h couler carte. 50


Section XVIII. — La carte à vue. 52

CHAPITRE DEUXIÈME. — EXPLICATION DES TOURS.


Article premier. — Des tours de table ou petits tours

de société. 55
Section I. — Prier une personne de penser une carte
dans le jeu qu'on lui met dans la main, et lui don-
ner cette carte, sans lui avoir fait aucune question.
Plusieurs façons de faire ce tour. 56
— Autre manière de ce faire tour. 59
— Encore même tour exécuté par une autre mé-
le

thode. 60
Section IL — Quatre paquets formés sur étant la table,

les cartes ayant été mêlées préalablement, après


avoir donné quelques instructions a la personne qui
s'est chargée de composer les tas, deviner de suite
le nombre que donnent ensemble les points qui sont

sur les cartes de dessous chaque paquet , et sans


avoir été présent a la formation desdits paquets, sans
s'aider de calcul et sans adresser aucune question. 63
DES MATIÈRES. 505
pages.
Section lil. — Apprendre un tour à plusieurs per-
sonnes, qui parviennent de suite a très-bien le faire ;

ensuite les empêcher de réussir , ou les faire réus-

sir à volonté, bien qu'éloigné d'elles. 65


Section IV. — Deviner de suite combien il y a de cartes
dans un paquet que l'on prend au hasard sur le jeu. 70
Section V. — Inviter autant de personnes qu'il s'en

présentera 'a penser des cartes dans un jeu que Ton


comptera sur la table, depuis la première jusqu'à la

dernière; et, après avoir mêlé et coupé, donner a


chaque personne la carte qu'elle aura pensée. 72
Section YL Après avoir fait mêler le jeu, l'avoir par-
tagé en deux paquets sur la table, et retiré sur cha-
cun d'eux un certain nombre de caries, deviner celle

qui se trouve sur l'un des paquets. 73


Section YIÎ. — Ayant fait mêler les cartes, divisé le

jeu en trois tas sur la table, en simulant un calcul, et


fait certaines transpositions de cartes dans les pa-
quets, deviner celles qui sont au-dessus des trois tas. 76
Section Ylîl. — Distinguer toutes les ligures d'un jeu

au tact. 78
Section IX. — Le jeu ayant été mêlé , nommer toutes
les cartes avant de les montrer et en les tenant der-
rière soi. 81
Section X. — Après avoir donné une carte a prendre

et l'avoir mêlée , en mettre douze sur la table par


rangées de quatre, faire désigner ces cartes par par-
tie, pour en retirer onze a volonté, et faire que la

douzième qui reste, parce qu'elle n'a pas été dési-


gnée , soit précisément celle qui a été prise et mêlée
dans le jeu. 85
506 TABLE

pages.
Section XL — Faire changer de place, sur une table,

une carte que l'on montre en la posant. 87


Section XII. — Ayant fait prendre une carte ,
qu'on
aura remise dans le jeu et mêlée, la donner au nombre
que l'on voudra. 88
Section XIII. Une carte ayant été prise et mêlée, jeter
le jeu sur un point indiqué a volonté sur les boi-
series de l'appartement , et faire que la carte soit

clouée sur ce point, et cela, sans aucune prépa-


ration. 89
Section XIV. — Deviner toutes les cartes d'un jeu
neuf, après Tavoir donné aux spectateurs pour qu'ils

en retirent l'enveloppe et le mêlent eux-mêmes. 90


Section XV. — Les quatre sept inséparables. 95
Section XVI. — Après avoir mis séparément
- les quatre

as sur la table, et les avoir couverts chacun de trois


autres cartes, donner à une personne trois de ces
quatre paquets, h son choix, et faire venir les trois
as qu'elle a dans la main dans le tas qui reste, en
place des cartes qui avaient été posées sur un
seul as. 97
Article deuxième. — Tours de cartes que Von peut
exécuter au salon ou au théâtre ,
et qui sont du res-
sort de la prestidigitation.

Section I. — Une carte ayant été prise et mêlée dans

un jeu qu'on jette en l'air, la rattraper dans sa main,


parmi toutes celles qui voltigent. 100
Section II. — Faire passer dans un chapeau une carte

qu'on aura fait prendre et mêler dans le jeu. iOi


Section IIL — Plusieurs personnes ayant pris chacune
une carte, qu'elles auront remise dans le jeu. faire
3

DES MATli^.UES. o07

pages.
disparaître toutes ces cartes et les faire venir au

nombre que Ton voudra, l'une après l'antre. 102


Section ÏV. — Les quatre as inséparables. 103
Section V. — La muUipiicalion des cartes dans les

mains d'une personne . 1 06


Section YL — Tour d'as escamotés sous la main
d'une personne, suivi de la multiplication. 108
— ]\Iultiplication des as. — Suite du précédent. i 1

Section YH. — Mettre les quatre as sous un chapeau


et les quatre rois sur îe jeu qu'on tient dans la main,
faire venir ces as sur le jeu , en place des rois, et

trouver ces derniei-s suus le chapeau où étaient les

as; ensuite, faire revenir les as sous le chapeau et


les rois sur le jeu, comme ils étaient auparava&t. 1 Î8
Section YÎIL — Une carte ayant été pensée, en mettre

trois des premières venues sur la table , et faire

changer celle dos trois qu'on choisira en la carte


pensée. 121
Section ÏX. — Une carte ayant été pensée, la faire
trouver dans l'un des trois paquets qu'on choisira. 126
Section X. — Quatre cartes différentes, et les pre-
mières venues, étant mises sur la table à la vue des

spectateurs, les faire toutes changer en cartes du


même point que celle que l'on prendra au hasard
dans un autre jeu, et cela sans toucher aux cartes. 129
Section XL — Faire qu'une carie tirée au hasard et
mêlée se trouve dans celui qu'on choisira de sept
ou huit paquets qui seront formés sur la table avec
le jeu, et, de plus, se trouve dans le lieu qu'on vou-
dra du tas choisi. 131
Section XIL — Quatre ou cinq personnes ayant pris
20
'
508 TABLE

pages.
chacune deux caries, les mêler toutes et les faire ve-

nir dessus et dessous le jeu, les unes après les au-


tres, par un léger mouvement imprimé aux cartes. 133
Section XIIL — Faire changer subitement quatre
cartes deux fois de suite de situation dans le jeu. 436
Section XIY. — Faire de suite k portrait d'une jeune
femme, sur une carte qu'elle aura tirée au hasard, 438
Section XY. — Proposer une partie de triomphe a une
personne, et la gagner, soit que vous lui donniez les
cartes, soit qu'elle vous les donne elle-même. 440
Section XYÎ. — Coup de piquet par lequel on fait pic,

repic et capot son partenaire, isans jeu préparé d'a-


vance, avec le premier venu, et que l'on fera mêler
après s'être fait bander les yeux. De plus, laisser à

son partenaire la faculté de désigner le quatorze


qu'on doit prendre, et de perdre ou gagner a son choix. 444
Section XVÏI. — Une carte ayant été pensée par une
personne qui serait même éloignée de vous, faire
qu'une carte prise au hasard dans le jeu soit précisé-
ment celle que l'on vient de penser librement. 447
Section XYÎII. — - Faire tirer librement une carte à une
personne, lui abandonner le jeu pour qu'elle mêle
elle-même sa carte, a laquelle vous ne touchez pas ,

lui faire mettre le jeu dans sa poche et en retirer la

carte prise et mêlée. 449


Section XIX. — Annoncer d'avance qu'une carte que
l'on va penser se trouve sur le jeu. et la montrer en
la faisant nommer. 4 a3
Section XX. — Faire voir une carte, la poser sur la

table et la faire changer sans y toucherj n'ayant pas

d'autres cartes dans les mains. 4o8


DES MAïlEllES. 509
pages.

Section XXI. — Une carte ayant été prise et mêlée dans


un jeu que l'on étale circulairement sur une table,

au milieu de laquelle on aura placé un pivot armé


d'une aiguille a cadran, faire qu'en tournant l'ai-

guille, sa pointe s'arrête sur la carte prise et mêlée. 163'

Section XXÎL — • Deviner de suite les cartes qu'on


prend librement dans un jeu . i 68
Section XXlîi. — Etaler un jeu sur la table, les figures

en dessous -,
prier quelqu'un d'en séparer une carte
à volonté, et faire qu'une carte prise dans un autre jeu
soit précisément celle qu'on a indiquée au hasard et

librement. 172
— Faire disparaître d'un jeu une carte pensée, pour la

faire trouver dans tout autre endroit. 175


Plusieurs personnes ayant pris chacune une carte,
donner ces cartes à mêler, et faire que l'une d'elles

se change successivement en toutes celles qui ont

été prises. 177


— Les cartes changeantes sous les mains. 181
— De quatre cartes qu'on fait prendre au hasard dans
le jeu, en laisser penser une et la deviner. 183

DEUXIÈME PARTIE,

ET LE JEU DES GOBELETS.

Article premier. — Des tours qui se font avec des


pièces de monnaie. 199
Principes préliminaires. Manière d'escamoter la

pi^ce. 20 î
510 TABLE

pages.
— Autre manière d'escamoter la pièce. 20:2
— Manière d'escamoter
' d'un les objets petit diamètre. 203
Section — I. de
Multiplication jetons ou pièces de
monnaie dans les mains d'une personne. 204-
Section H. — Autre multiplication de pièces dans la

main d'une personne. 20T


Section III. — Faire passer h doigt d'une personne
à travers une pièce de cinq francs. 208
Section IV. — Faire passer une pièce de cinq francs à
travers une table . 21
Section V. — Autre tour de pièces volantes. 214
Section YI. — Troisième tour de pièce volante. 220
Section YIL Faire passer une pièce de monnaie d'une
main dans l'autre plusieurs fois de suite ,
ayant les
bras étendus et sans les bouger. 225:
Section YIIl. — Changer une pièce de monnaie sous
les yeux des spectateurs, sans qu'ils s'en aper-
çoivent. 227
Section IX. — Soustraction de pièces de monnaie des
mains d'une personne. En faire sortir in visiblement

la quantité qu'on désirera, et faire trouver le nombre


soustrait dans les mains d'une autre personne. 228
Section X. — Envoyer dans une manche de l'habit

d'une personne des pièces de monnaie ou jetons que


l'on aura mis dans un petit sac. 23^
Section XI. — Joli tour de pièces volantes dans des
mouchoirs. 235
Section Xfl. — Autre joli tour de pièce volante dans
un mouchoir. 239
Section XÎIF. — Troisième manière Je faire le tour de
la multiplication des pièces. 243
DES MATIÈUES. 511

Article deuxième. — Du jeu de&^godelels,


pages.

Introduction. 247
Section I. — De la manière d'escamoter la muscade. 249
— Deuxième manière d'escamoter la muscade. 252
Section IL — Remarques sur les principes décrits par

Ozanam.. 253
Section IIL — Deuxième manière de feindre de mettre
la muscade sms le gobelet. 258
Section IV. — De quelques passes qui n'ont jamais été
publiées jusqu'à ce jour. 260
— Mettre une muscade sous chacun des trois gobelets,
et faire trouver de suite, sous celui du milieu., les
muscades qui étaient sous ceux des coins , les trois

gobelets n'ayant été levés qu'une seule fois, pour y


mettre les muscades. 261
Section Y. — Mettre ostensiblementune muscade sous
chaque gobelet, et faire disparaître , d'un même
coup, ces trois muscades. 262
Section YI. — Mettre les muscades l'une après l'autre

sur la tête d'un gobelet, couvrir ce gobelet d'un


deuxième^ et faire que, chaque fois, la muscade qui
était sur la tête d'un gol>elet tambe dessous sans au-
cune cause apparente. 263
Section YIl. — Faire passer les trois muscades par-
dessous la table dans un gobelet que l'on tient l'ou-

verture en haut. 265


Section YOÎ. — De multiplicationia des muscades. 267
Section IX. — Passe des moyennes balles, 269
Section X. — Passe des grosses balles. 271
Section X!, — Suite de la passe précédente. 274^
512 TABLE DES MATIÈRES.

pages.
Section XII. Passe exécutée avec des feintes. 278
Section XIIL Autre passe avec feinte. 282
Section XIV. — Feinte dans la passe appelée la poste. 283

Article troisième. — Jouer des gobelets avec des


boules de cuivre en place de muscades.

Section I. — Des boules qui servent dans ce jeu et de


la manière de les escamoter. 287
Section IL — Faire passer invisibîement trois boules
sous un seul gobelet, l'une après l'autre. 290
Section III. — Les trois boules étant recouvertes, les

reprendre sans lever les gobelets ,


pour le» mettre
dans sa poche,. 294
Section IV. — Autre manière de finir cette passe, en
faisant trouver les boules dans la poche d'une per-
sonne. 296
Section V. — Autre manière, plus surprenante, de ter-
miner la passe qui précède. 298
Section Vl. — Autre manière, plus prompte, d'exécuter
cette dernière passe. 300

FIN DE LA TABLE,

REIMS. ~ IMP. DE A. HUET, RUK DE L'ARBALÈTÈ ,


22,
Les exemplaires non revêtus de la signature de l'auieur seront ré-
putés contrefaits, et tout contrefacteur ou débitant de contrefaçons
de cet ouvrage , sera poursuivi suivant la rigueur des lois.

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